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N
° 1542

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2013.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI de programmation
pour la
ville et la cohésion urbaine (n° 1337 rect.),

par M. Dominique BAERT,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1337 (rectifié), 1545 et 1554.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE LOI QUI RÉNOVE LA POLITIQUE DE LA VILLE 7

A. LES NOUVEAUX CONTRATS DE VILLE 8

B. LA MOBILISATION PRIORITAIRE DES CRÉDITS DE DROIT COMMUN 9

C. LA CRÉATION D’UN OBSERVATOIRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 11

D. L’ASSOCIATION DES HABITANTS CONCERNÉS 11

II. DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE AU NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN : QUEL FINANCEMENT POUR L’AGENCE NATIONALE DE LA RÉNOVATION URBAINE ? 11

A. MENER À BIEN LE PNRU ET LANCER UN NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN 11

B. LE FINANCEMENT DIFFICILE DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE A ÉTÉ MARQUÉ PAR LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT 14

C. QUEL FINANCEMENT DE L’ANRU EN 2013, 2014 ET 2015 ? 16

III. UNE NOUVELLE DOTATION « POLITIQUE DE LA VILLE » 18

IV. LA GOUVERNANCE LOCALE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 19

A. LE RENFORCEMENT DE LA GOUVERNANCE LOCALE VIA DES OUTILS BUDGÉTAIRES ET DES COMPÉTENCES INTERCOMMUNALES ÉLARGIES (ARTICLE 8) 20

1. Des outils budgétaires pour une meilleure prise en compte des enjeux des quartiers prioritaires au plan local 20

2. Les intercommunalités confortées dans leur rôle de pilotage de la politique de la politique de la ville 21

B. LA GÉNÉRALISATION DE LA SOLIDARITÉ COMMUNAUTAIRE (ARTICLE 9) 22

1. La DSC est actuellement limitée dans son utilisation 23

2. Le projet de loi élargit l’application de la DSC à l’ensemble des EPCI signataires de contrats de ville 24

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

INTRODUCTION

Le Gouvernement issu de la nouvelle majorité de 2012 entend conduire une action profonde sur l’ensemble des secteurs de la politique de la ville. D’abord les quartiers prioritaires d’intervention avec la redéfinition de la géographie prioritaire, et la disparition des zonages aux sigles aussi abscons qu’inadaptés, car trop anciens, à la réalité des besoins sociaux. Ensuite l’instrument privilégié, le contrat de ville qui non seulement devient le contrat phare, sinon unique, et de plus sur une assise intercommunale, et plus seulement communale. Enfin les moyens engagés, avec la mobilisation du droit commun, la réorganisation des structures administratives, et l’affichage de fonds mobilisables pour un nouveau programme de rénovation urbaine dès la fin de l’actuel conduit par l’ANRU. Tel est l’objet du projet de loi relatif à la ville et à la cohésion urbaine. Cette démarche implique l’association de toutes les énergies et d’abord la participation des premiers intéressés, les habitants des quartiers, la mobilisation des politiques de droit commun de tous les ministères ; une nouvelle impulsion au renouvellement urbain, la concentration des moyens sur un nombre restreint de quartiers véritablement prioritaires et la lutte contre les stigmatisations et les discriminations.

Le projet de loi relatif à la ville et à la cohésion urbaine fournit ainsi un nouveau cadre d’action pour la politique de la ville en précisant, dans un même texte, les objectifs poursuivis par cette politique, les principes guidant la redéfinition de sa géographie d’intervention et enfin l’ensemble des outils qu’elle mobilise, incluant un nouveau programme de renouvellement urbain et une nouvelle dotation conçue comme un véritable instrument au service des quartiers défavorisés. La cohérence de ces différents instruments est garantie par un nouveau cadre contractuel entre l’État et les collectivités territoriales, consacrant l’échelon intercommunal comme niveau stratégique de pilotage des actions en direction des quartiers prioritaires.

Ce projet de loi comprend nombre de dispositions financières majeures : l’article premier qui réaffirme l’importance de mobiliser les politiques de droit commun avant toute mobilisation de crédits spécifiques ; l’article 2 qui prévoit la prolongation du programme national de rénovation urbaine et le lancement d’un nouveau programme national de renouvellement urbain ; l’article 3 qui crée une dotation de politique de la ville ; l’article 8 qui vise à favoriser localement une meilleure analyse et prise en compte des enjeux liés aux quartiers prioritaires ; l’article 9 qui prévoit la généralisation de la dotation de solidarité communautaire à l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale signataires de contrats de ville.

La commission des Finances s’est donc justement saisie pour avis de ce projet de loi.

I. UNE LOI QUI RÉNOVE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Le titre premier comporte trois articles qui énoncent les principes généraux de ce que doit être la politique de la ville, et rassemblent les dispositions de nature programmatique.

L’article premier crée un cadre nouveau pour la politique de la ville, réaffirme l’importance de mobiliser les politiques de droit commun avant toute mobilisation de crédits spécifiques ainsi que le principe de partenariat entre les collectivités territoriales et l’État.

L’article 2 vise à prolonger le programme national de rénovation urbaine (PNRU) et à lancer le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

L’article 3 envisage d’instituer une dotation « politique de la ville » destinée à remplacer la dotation de développement urbain (DDU).

Les alinéas 1, 2, et 5 de l’article premier énoncent des principes qui se veulent emblématiques de la politique de la ville. « La politique de la ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité nationale envers les quartiers défavorisés » énonce l’alinéa 1 qui d’évidence est de nature consensuelle mais qui mérite d’être expressément précisé. L’alinéa 5 indique qu’elle « concourt au développement équilibré des territoires, à la promotion de la ville durable, à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la politique d’intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés ».

Si, sans doute d’aucuns considéreront peut-être que ces principes relèvent davantage de l’exposé des motifs que du dispositif de la loi à proprement parler, nul ne doit oublier que précisément, puisque nul n’étant censé oublier la loi, il est essentiel que ce qui justement doit être connu de chacun figure dans la loi, à commencer par les objectifs que poursuit la spécifique politique de la ville.

L’alinéa 3 précise que la politique de la ville est mise en œuvre au moyen des contrats de ville qui intègrent les actions relevant des fonds européens structurels et d’investissement.

L’alinéa 4 prévoit la mobilisation et l’adaptation en premier lieu des actions relevant des politiques publiques de droit commun et, lorsque la nature des difficultés le nécessite, la mise en œuvre des instruments qui lui sont propres.

Les alinéas 6 et 7 prévoient la création d’un observatoire national de la politique de la ville pour mesurer l’atteinte des objectifs de cette politique par rapport aux moyens mobilisés dans le cadre des politiques en faveur des quartiers prioritaires, analyser la situation et les trajectoires des résidents de ces quartiers, mesurer l’évolution des inégalités et des écarts de développement au sein des unités urbaines, et apprécier la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires.

Enfin, le dernier alinéa 8 prévoit que la politique de la ville s’appuie sur les initiatives des habitants et favorise leur association à la définition et à la mise en œuvre des actions qui sont conduites dans les quartiers défavorisés.

A. LES NOUVEAUX CONTRATS DE VILLE

La gouvernance locale de la politique de la ville s’organise dans le cadre de contrats passés entre l’État et les collectivités territoriales. Le Comité interministériel des villes (CIV) du 19 février 2013 a fixé le cadre d’une nouvelle génération de contrats de ville appelés à succéder aux actuels contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), mis en œuvre depuis 2007.

Ces nouveaux contrats font l’objet d’une préfiguration sur un nombre limité de sites-tests (12). Les 12 sites préfigurateurs sont : Amiens métropole (Somme), Évry centre Essonne (Essonne), Plaine commune (Seine-Saint-Denis), Rennes métropole (Ille-et-Vilaine), Lille métropole (Nord), Nîmes métropole (Gard), Grand Auch (Gers), Grand Dijon (Côte-d’Or), Mulhouse Alsace agglomération (Haut-Rhin), Communauté urbaine d’Arras (Pas-de-Calais), Toulouse métropole (Haute-Garonne), Fort-de-France (Martinique).

L’exercice de préfiguration a débuté à la mi-juin pour s’achever fin 2013. Les nouveaux contrats de ville sont appelés à être pilotés à l’échelle de l’intercommunalité, celle-ci apparaissant comme un niveau de pilotage pertinent pour faire jouer l’effort de solidarité entre territoires proches, et permettre l’intégration des quartiers prioritaires dans les dynamiques d’agglomération. Le pilotage de la démarche reposera également sur les maires des communes concernées et le préfet de département.

La réforme vise donc à confier au niveau intercommunal une mission de pilotage stratégique (animation et coordination de la démarche contractuelle), tout en permettant aux communes de conserver un rôle de pilotage opérationnel et de garantes de la prise en compte des réalités de proximité. Afin de donner aux intercommunalités toute légitimité dans le portage de la démarche contractuelle, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine prévoit de renforcer leurs compétences en matière de politique de la ville (s’agissant notamment des communautés de communes, pour lesquelles la compétence « politique de la ville » ne figure actuellement pas parmi les compétences qu’elles sont susceptibles d’exercer, et des communautés d’agglomération, pour lesquelles la compétence « politique de la ville » est prévue, mais restreinte aux dispositifs d’intérêt communautaire). Le contenu et les modalités du pilotage stratégique assuré par l’intercommunalité et d’articulation entre cette dernière et le rôle des communes restent à préciser.

L’article 5 constitue la base légale des contrats de ville de nouvelle génération. Il prévoit notamment le calage des échéances contractuelles sur les mandats municipaux afin de mettre en évidence l’enjeu politique fort de ces contrats, le contrat de ville devant être adossé au projet de territoire porté par l’intercommunalité ou, à défaut, la commune.

Il précise le contenu des contrats de ville appelés à être signés au bénéfice des quartiers prioritaires de la politique de la ville définis à l’article 4, en posant comme principes le caractère unique du cadre contractuel, celui-ci devant mobiliser à la fois les moyens de droit commun et les crédits spécifiques de la politique de la ville ; la mise en cohérence des contrats de ville et des actions relevant de l’ensemble des plans, schémas et contrats visant ces territoires ; l’articulation entre les contrats de ville et la nouvelle génération de projets de renouvellement urbain.

Les contrats de ville nouveaux intégreront les actions relevant des fonds européens structurels et d’investissement. Le Fonds social européen (FSE) a, déjà, sur la période 2007-2013, contribué au développement des quartiers prioritaires à hauteur de 90 millions d’euros, soit 2 % de l’enveloppe nationale, quand, sur la même période, la contribution du Fonds européen de développement régional (FEDER) s’est élevée à 535 millions d’euros, soit 7 % de l’enveloppe nationale. Une convention-cadre entre l’Association des régions de France (ARF) et le ministre délégué à la Ville du 13 février 2013 a prévu une mobilisation renforcée de ces fonds au bénéfice des quartiers prioritaires, à travers la création d’un axe urbain pluri-fonds au sein des programmes opérationnels régionaux, représentant au minimum 10 % de leur enveloppe globale.

B. LA MOBILISATION PRIORITAIRE DES CRÉDITS DE DROIT COMMUN

L’alinéa 4 de l’article premier précise que la politique de la ville « mobilise et adapte en premier lieu les actions relevant des politiques publiques de droit commun et, lorsque la nature des difficultés le nécessite, met en œuvre les instruments qui lui sont propres ».

Si la mobilisation prioritaire des crédits de droit commun avait déjà été affichée dans les annonces promouvant la dynamique Espoir banlieues lancée par la précédente majorité, reconnaissons que la mise en œuvre fut plus timorée que les espérances affichées. En effet en 2008, essentiellement dans le cadre du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, puis avec le Comité interministériel des villes (CIV) du 20 juin 2008, qui avait défini la mise en œuvre opérationnelle de la dynamique Espoir banlieues, c’était bien une tentative de mobilisation de politiques de droit commun des ministères qui avait été annoncée. La dynamique Espoir banlieues se voulait être un engagement triennal des ministères intervenant dans les quartiers sensibles. C’est dans cet objectif que les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre des mesures du plan avaient été répartis sur l’ensemble des budgets de ces ministères.

Une territorialisation des politiques de droit commun a pu servir de support aux conventions passées entre le ministère délégué à la Ville et les différents ministères. Des conventions sont également signées ou en cours de négociation avec les associations nationales d’élus pour favoriser la mobilisation des compétences de droit commun des collectivités territoriales.

Pour autant, même s’il comprend évidemment l’acquis administrativo-financier de la situation présente, le Rapporteur ne peut que considérer toutefois avec regrets, pour la lisibilité de l’action politique, que la politique de la ville stricto sensu ne dispose toujours en propre que de dotations budgétaires spécifiques au programme 147 Politique de la ville, somme toute modestes au regard de l’ampleur des chantiers conduits, alors que les moyens extrabudgétaires sont privilégiés. La faillite de la dynamique Espoir banlieues, voulue par la précédente majorité, a été largement due à cette situation. Aussi pour la nouvelle politique annoncée par le présent Gouvernement, qui affirme plus que jamais une mobilisation déterminée des crédits de droit commun des différents ministères, la question-clé de l’organisation financière (portée et périmètre du contrat de ville), de la gouvernance de la politique de la ville tant au niveau national que local et de l’évaluation de la mise en œuvre de cette nouvelle politique se pose. Tel est au demeurant l’objet du présent projet de loi, qui se veut bâtir le socle et le cadre de cette nouvelle méthode, gage d’une pratique elle aussi fortement rénovée.

L’enjeu clé d’une véritable politique de la ville n’est pas en effet que de doter l’ACSé, et/ou des programmes d’intervention sociale à un niveau suffisant pour mettre du liant social dans le tissu associatif et la vie quotidienne des habitants. Il ne peut s’agir de seulement soigner une plaie, de répartir un onguent de quelques milliers ou de quelques dizaines de milliers d’euros à destination d’un acteur social d’un quartier pour faire s’arrêter une crise ponctuelle. La politique de la ville n’a pas pour objet que de refroidir les « coups de chauffe ». Elle suppose, elle implique que l’ensemble des autres ministères, que l’ensemble des politiques de droit commun, que l’ensemble des politiques gouvernementales et publiques (y compris des collectivités locales, d’où l’intérêt de les mobiliser dans le contrat de ville) privilégient aussi l’intervention sur ces quartiers et zones géographiques. La politique de la ville ne saurait être réduite à n’être qu’une politique « chapeau » qui intervienne en sus, en « complément » en quelque sorte, des autres politiques : l’idéal serait qu’elle fonde, qu’elle structure, qu’elle soit le socle même de l’action publique pour ces quartiers. Elle doit y irriguer toutes les autres politiques. La politique de la ville n’est pas qu’un carnet de chèques dont les tirages apaisent des plaies, mais elle est, elle doit être le pacte fondateur de la mobilisation de toutes les actions publiques.

Telle est, semble-t-il au Rapporteur, l’ambition que doit porter une politique de la ville pour nos villes. C’est le gage pour qu’elle soit puissante, opérationnelle, efficace. Le Gouvernement a compris qu’il ne fallait plus baisser la garde budgétaire, qu’il fallait réorganiser les structures, les procédures, les gouvernances, et la géographie prioritaire. Tout cela va dans le bon sens. Il lui faut réussir également dès lors le pari de la mobilisation interministérielle de toutes les politiques publiques.

C. LA CRÉATION D’UN OBSERVATOIRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

L’alinéa 6 de l’article premier prévoit que, pour mesurer l’atteinte des objectifs de la politique de la ville par rapport aux moyens mobilisés dans le cadre des politiques en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville, un observatoire national de la politique de la ville analyse la situation et les trajectoires des résidents de ces quartiers, mesure l’évolution des inégalités et des écarts de développement au sein des unités urbaines, et apprécie la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires.

Cette nouvelle instance d’observation et d’évaluation de la politique de la ville a vocation à se substituer à l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) et au comité d’évaluation et de suivi (CES) de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Son rôle est, notamment, élargi au suivi des moyens des politiques publiques, en cohérence avec le principe de mobilisation prioritaire des moyens de droit commun. Il se voit par ailleurs attribuer un rôle de veille favorisant l’actualisation, le cas échéant, de la géographie prioritaire.

D. L’ASSOCIATION DES HABITANTS CONCERNÉS

Le dernier alinéa de l’article premier prévoit que la politique de la ville s’appuie sur les initiatives des habitants et favorise leur association à la définition et à la mise en œuvre des actions qui sont conduites dans les quartiers défavorisés.

Cette orientation est déclinée dans l’article 5 relatif aux contrats de ville dont l’élaboration fait l’objet « d’une concertation avec les habitants, les associations et les entreprises ».

II. DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE AU NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN : QUEL FINANCEMENT POUR L’AGENCE NATIONALE DE LA RÉNOVATION URBAINE ?

L’article 2 pose le principe et définit le cadre de la poursuite des interventions relevant de la dimension urbaine de la politique de la ville, à travers la prolongation du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le lancement d’un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

A. MENER À BIEN LE PNRU ET LANCER UN NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN

Le nouveau programme national de renouvellement urbain répond au constat du Comité interministériel des villes (CIV) du 19 février 2013 selon lequel le PNRU est un succès, auquel il convient d’apporter quelques corrections.

En dépit de son ampleur, le PNRU n’a évidemment pas permis de répondre à l’ensemble des besoins en matière de rénovation urbaine ; subsistent notamment un certain nombre de quartiers insuffisamment ou encore non traités. Le CIV a donc décidé le lancement dès 2014 d’une nouvelle génération de projets de renouvellement urbain s’inscrivant dans le cadre fixé par les contrats de ville, afin d’apporter une réponse aux enjeux urbains des futurs quartiers prioritaires cohérente avec l’ensemble des dimensions de la politique de la ville.

La durée du PNRU est, elle, prolongée de deux ans, et le terme des engagements du programme porté à fin 2015 au lieu de fin 2013, pour tenir compte du calendrier des réalisations effectives, du volume de crédits restant à engager et sécuriser ainsi l’intégrité des conventions pluriannuelles conclues entre l’ANRU et les porteurs de projets locaux.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain a pour objectif la requalification des quartiers prioritaires de la politique de la ville, dans le respect du cadre fixé par les contrats de ville. En cohérence avec la démarche générale de concentration des moyens de la politique de la ville, ce nouveau programme visera en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, dont la liste sera arrêtée par le ministre chargé de la Ville sur proposition du conseil d’administration de l’ANRU.

Le nouveau programme couvre une période de dix ans, soit de 2014 à 2024.

Le projet de loi prévoit que « les moyens affectés à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine pour la mise en œuvre du programme national de renouvellement urbain sont fixés à 5 milliards d’euros. » Des précisions sont apportées sur la nature de ces financements dans le cadre de l’étude d’impact.

Celle-ci évalue ainsi les investissements nécessaires à la réalisation du nouveau programme à près de 20 milliards d’euros. La répartition prévisionnelle des concours financiers de l’ANRU, fixés à 5 milliards d’euros, est la suivante : 4 milliards d’euros pour les quartiers métropolitains présentant les plus forts enjeux ; 500 millions d’euros pour les quartiers ultramarins présentant les plus forts enjeux, y compris en appui des politiques de droit commun concourant à la résorption de l’habitat insalubre ou informel ; 500 millions d’euros pour mener des opérations de renouvellement urbain sur les autres quartiers prioritaires de la politique de la ville présentant des enjeux moindres.

Pour financer tant la poursuite et l’achèvement du PNRU que la mise en œuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain, l’ANRU disposera, sans que cela ne soit limitatif, des ressources suivantes :

– les affectations issues du fonds visé à l’article L. 452-1-1 du code de la construction et de l’habitation, alimenté par la cotisation additionnelle due à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et par la surtaxe sur les plus-values de cessions immobilières instituée par l’article 70 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 ;

– la dotation de 30 millions d’euros annuels de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) instaurée par l’article 5 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ;

– les contributions de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL).

L’étude d’impact considère que l’État contribuera au financement du nouveau programme en affectant à l’ANRU, via le fonds mentionné à l’article L. 452-1-1 du code de la construction et de l’habitation et géré par la CGLLS, une partie des produits de la surtaxe sur les plus-values de cessions immobilières récemment instaurée. Les emplois du fonds, également alimenté par la cotisation additionnelle à la CGLLS, seront arrêtés annuellement par la commission mentionnée au même article L. 452-1-1, s’adaptant ainsi aux besoins de trésorerie de l’ANRU.

La contribution de l’UESL au nouveau programme s’inscrira dans le retour à la voie conventionnelle prévue par le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), conduisant à la signature par l’État et les partenaires sociaux d’une convention fixant les emplois et les enveloppes de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) pour 5 ans. Toutefois, sans présumer du résultat de cette négociation, il convient de souligner que, selon les termes du courrier du Premier ministre au président du conseil de surveillance d’Action Logement en date du 14 juin 2013 :

– cette contribution sera de 1,2 milliard d’euros pour la période 2013-2015 ;

– elle sera réduite à moyen terme à un niveau stable de 500 millions d’euros annuels ;

– elle connaîtra une période de transition pour les années 2016, 2017 et 2018, avec des montants respectivement fixés à 45 %, 35 % et 25 % de la collecte brute, et plafonnés à 900 millions d’euros, 700 millions d’euros et 500 millions d’euros ;

– la part de cette contribution affectée au fonds national d’aide au logement (FNAL) sera de 300 millions d’euros en 2014, 150 millions d’euros en 2015, puis nulle à compter de 2016.

Le Rapporteur espère que le financement du nouveau programme national de renouvellement urbain, qui s’inscrit d’ailleurs dans le cadre du financement global de l’ANRU pour les différentes missions qui sont confiées à l’agence, sera arrêté régulièrement de façon harmonieuse, sans connaître les épisodes heurtés, parfois difficiles, auxquels nous a accoutumé le financement du premier PNRU.

B. LE FINANCEMENT DIFFICILE DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE A ÉTÉ MARQUÉ PAR LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT

Le programme national de rénovation urbaine (PNRU), issu de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, s’est révélé rapidement comme achevé sur le terrain de la programmation, même si des ajustements de programmations et des nouvelles opérations expliquent dans une large mesure sa prorogation jusqu’en 2015.

L’article 18 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale avait modifié l’article 7 de la loi du 1er août 2003 précitée, et porté l’affectation des crédits de l’État au programme national de rénovation urbaine (PNRU) à 6 milliards d’euros. Conformément à cette même loi, le montant de la participation financière annuelle de l’État devait s’élever à 465 millions d’euros au minimum.

Cela étant, la loi de finances initiale pour 2009 a traduit budgétairement l’annonce de la prise en charge du financement de la politique de rénovation urbaine par les ressources du « 1 % logement » (devenu depuis Action logement), ressources affectées directement à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion avait traduit la modification du mode de financement du PNRU, en faisant reposer l’essentiel de cette charge sur le 1 % et en désengageant l’État.

Selon la programmation initiale, l’Agence aurait dû bénéficier au total de 12 019 millions d’euros pour la période 2004-2013, dont 6 000 millions d’euros par l’État, et 6 019 millions d’euros par d’autres intervenants.

Finalement, les autorisations d’engagement reçues de l’État par l’ANRU sur la période 2004-2008, au titre du programme de rénovation urbaine s’élèvent à 1 985 millions d’euros : 465 millions d’euros en 2004, 413 millions d’euros en 2005, 365 millions d’euros en 2006, 380 millions d’euros en 2007 et 362 millions d’euros en 2008. Le montant total des crédits de paiement versés à l’ANRU sur la même période s’élève à 347 millions d’euros : 35 millions d’euros en 2005, 172 millions d’euros en 2006, 100 millions d’euros en 2007 et 40 millions d’euros en 2008 (pour 197 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale). Ces 347 millions d’euros doivent être appréciés au regard des engagements politiques de 2007, qui prévoyaient que 6 milliards d’euros seraient à la charge de l’État.

Les autorisations d’engagement précédemment ouvertes sont restées jusqu’à présent en compte et représentaient 1,6 milliard d’euros au 31 décembre 2012, soit la quasi-totalité des 1 643 millions d’euros d’engagements non couverts par des crédits de paiement au 31 décembre 2012.

Le projet annuel de performances (PAP) pour 2014 annonce une réduction des engagements non couverts par des paiements, de 1 654,8 millions d’euros au 31 décembre 2012 à 9,2 millions d’euros au 31 décembre 2013. Le PAP indique que « le solde des engagements sur années antérieures au titre de l’ANRU, d’un montant de 1,6 milliard d’euros non couvert par des crédits de paiement, a été annulé pour tenir compte des évolutions des sources de financement de l’ANRU ». Dans les faits, il n’apparaît pas qu’un décret d’annulation ait encore été pris pour la réalisation effective de l’annulation des engagements pris par l’État au titre du PNRU avant 2009.

SITUATION FINANCIÈRE DE L’ANRU

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

RESSOURCES

                     

État / fonds de péréquation

4

165

70

0

 

200

200

       

décalages sur versements CGLLS

 

– 165

95

70

 

 

 

 

 

 

 

État / Grand Paris

 

95

95

95

             

État - collèges dégradés

1,9

4,8

4,8

4,2

             

UESL

1 100

615

810

800

900

800

800

800

450

300

150

CGLLS

30

30

30

30

30

30

30

30

30

30

30

CDC

5

5

4

4

             

CP PNRU

1 141

750

1 109

1 003

930

1 030

1 030

830

480

330

180

CP Plan de relance

150

0

                 

CP PNRQAD (UESL)

45

95

                 

CP autres

195

95

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Total des CP alloués

1 336

845

1 109

1 003

930

1 030

1 030

830

480

330

180

PAIEMENTS

                     

décaissements PNRU

1 175

1 102

1 054

1 100

1 100

1 100

965

744

494

318

175

décaissements collèges dégradés

0

2

2

5

5

5

         

décaissements PNRQAD

0

0

1

12

18

22

23

22

19

14

10

décaissement subventions

1 175

1 104

1 057

1 117

1 123

1 127

987

766

513

332

185

autres besoins - produits financiers

27

15

16

22

22

22

19

16

14

   

Total besoins de trésorerie

1 202

1 119

1 072

1 139

1 145

1 149

1 006

782

527

332

185

Trésorerie

710

435

472

336

121

2

26

73

26

24

20

Source : ministère délégué chargé de la Ville.

BESOINS DE TRÉSORERIE DE L’ANRU - PRÉVISION ACTUALISÉE CLÔTURE 2012

Depuis 2009, conformément au tableau ci-dessus déjà publié dans le cadre du rapport spécial de la commission des Finances sur les crédits de la politique de la ville en 2014 (1), l’État est intervenu à hauteur de 200 millions en 2009 et 150 millions en 2010 au titre du plan de relance. Les montants inscrits sur les deux premières lignes du tableau pour 2011 à 2013 sont celles des contributions du fonds dit de péréquation géré par la CGLLS.

C. QUEL FINANCEMENT DE L’ANRU EN 2013, 2014 ET 2015 ?

Comme l’a indiqué le rapport spécial précité, l’ANRU connaît une impasse financière récurrente, mais consistante, compte tenu du résultat d’intervention de l’Agence et de l’état de son bilan. Le problème est celui de l’écart entre ses engagements et les moyens financiers dont elle dispose. Le résultat financier de l’Agence, cumulé à fin 2012, fait apparaître un déficit de 2 430 millions d’euros qui correspond à l’écart entre les décisions attributives de subventions et les recettes acquises. Le bilan au 31 décembre 2012 fait apparaître des capitaux propres négatifs de 2 445 millions d’euros qui correspondent aux résultats cumulés de l’Agence.

La situation financière de l’ANRU peut également être appréciée en termes de situation de trésorerie, compte tenu des paiements effectués et des besoins de financements à venir. L’équilibre de trésorerie de l’ANRU dépend de contraintes diverses, compte tenu des différents programmes d’investissements dont elle doit assurer la gestion.

La réponse transmise seulement le 21 octobre 2013 par le ministère de l’Égalité des territoires et du logement met en évidence que l’ANRU disposait fin 2012 d’une trésorerie de 472 millions d’euros, cette trésorerie devant être ramenée à 336 millions fin 2013, 121 millions fin 2014 et 2 millions fin 2015.

Il est donc confirmé que l’équilibre de trésorerie de l’ANRU n’est assuré en 2013 et 2014 qu’au moyen du quasi-assèchement du fonds de roulement de l’Agence ! Cet assèchement doit être complet fin 2015 avec 2 millions de trésorerie prévue.

Le ministre délégué à la Ville a souhaité préciser tout cela, lors de la commission élargie du 30 octobre 2013, dans les termes suivants : « S’agissant du financement de l’ANRU et du plan national de rénovation urbaine, nos chiffres ne sont pas les mêmes, mais le ministère a encore des efforts à faire sur la réponse au questionnaire budgétaire pour faciliter le travail des rapporteurs. Les recettes de l’ANRU en 2013 avoisinaient 1 milliard d’euros, ce qui est assez compréhensible puisque les décaissements se font en fonction de l’avancement des opérations. Nous devrions retrouver le même montant en 2014, avec 900 millions d’euros provenant de l’UESL, 30 millions de la Caisse de garantie du logement locatif social, le reste étant financé par une partie du produit de la taxation des plus-values immobilières – la taxe « Eckert », votée l’an dernier en loi de finances – et par la Caisse des dépôts. La trésorerie, fin 2015, ne s’élèvera donc pas à 2 millions d’euros, comme vous l’indiquiez, mais à 100 millions d’euros. »

Le Rapporteur a donc demandé au cabinet dudit ministre délégué des explications, et celles qu’il a reçues le mercredi 6 novembre ne contribuent cependant que partiellement à éclaircir la question du financement de l’ANRU à partir de 2014.

La nouvelle réponse apportée énonce ainsi qu’il « n’est pas possible de donner de tableau Excel détaillé post-2015, car la contribution d’Action Logement à l’ANRU sera, comme prévu par le Pjl ALUR, fixée dans une convention pour 2015-2019 qui sera négociée en 2014 à l’issue du vote ALUR. Produire un tel tableau serait préempter la négociation avec les partenaires sociaux. »

Le cabinet du ministre délégué affirme que « les tableaux que vous a transmis trop vite notre administration en septembre (2) sont erronés, et ont fait l’objet de corrections trop tardives. Pour 2015, ils ne tiennent notamment pas compte du fait que la contribution d’Action Logement devrait être de 1 050 millions d’euros et non de 800 millions d’euros, et mentionnent une dotation de péréquation de 200 millions d’euros qui n’existe pas (référence trompeuse au fonds de péréquation alimenté par les 70 millions d’euros de la CGLLS et la surtaxe sur les plus-values de cession immobilières). » Au total, les ressources de 2015 seraient de 1 080 millions compte tenu du versement annuel régulier de 30 millions d’euros par la CGLLS (1 050+30).

Le cabinet du ministre délégué confirme par ailleurs les prévisions de recettes de 1 003 millions en 2013 et 930 millions en 2014.

Cette situation met une nouvelle fois en évidence la difficulté d’obtenir des informations fiables sur le financement de l’ANRU, les données transmises variant d’une semaine à l’autre. Cela n’augure pas bien, a fortiori alors qu’est présentée une loi qui porte le nom de « loi de programmation », des certitudes que l’on peut avoir sur la réalité du financement du nouveau programme national de renouvellement urbain. Le Rapporteur espère qu’entre la première lecture du texte et son vote final, ces éléments financiers, pour hier et pour demain, seront davantage clarifiés.

III. UNE NOUVELLE DOTATION « POLITIQUE DE LA VILLE »

L’article 3 « envisage » d’instituer une dotation budgétaire intitulée « dotation politique de la ville » destinée à remplacer la dotation de développement urbain (DDU). L’étude d’impact indique pour sa part que ledit article 3 « prévoit » l’instauration de cette dotation.

Cette nouvelle dotation devrait être versée directement aux établissements publics de coopération intercommunale et, le cas échéant, aux communes signataires de contrats de ville. L’attribution directe de la dotation aux EPCI a pour but de renforcer leur implication dans la politique de la ville et le portage par ces établissements des nouveaux contrats de ville.

Le projet de loi envisage cette dotation comme un outil à part entière de la politique de la ville, au bénéfice des territoires identifiés comme relevant de la nouvelle géographie prioritaire. La détermination de ses modalités d’usage et de répartition, ainsi que la définition de son articulation avec les contrats de ville sont renvoyées à un rapport remis au Parlement dans le cadre du débat budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2015.

On peut observer que le projet de loi prévoit que les articles L. 2334-40 et L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales relatifs à la DDU soient d’ores et déjà abrogés par le 5° de l’article 17, alors que la création de la nouvelle dotation de politique de la ville n’est qu’envisagée.

La DDU avait été créée par l’article 172 de la loi de finances pour 2009 afin de compléter la logique de péréquation poursuivie dans le cadre de la dotation de solidarité urbaine (DSU) qui, elle, est une composante de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Elle permet de financer des projets d’investissement ou des actions dans le domaine économique et social en lien avec les objectifs poursuivis par la politique de la ville. Les dotations effectuées via la DDU sont destinées à soutenir les projets des 100 communes les plus en difficulté – de 5 000 habitants au moins – parmi celles éligibles à la DSU, et ayant conclu une convention avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Le montant de la dotation est proposé à 75 millions d’euros en autorisations d’engagement et 60 millions en crédits de paiement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

Malheureusement, cette DDU aura présenté, dans sa mise en œuvre, nombre d’injustices et d’incohérences. D’abord parce qu’elle continue d’utiliser dans ses critères d’attribution l’ancienne géographie prioritaire de la politique de la ville, désuète et parfois inadaptée à la réalité des besoins sociaux (critère du pourcentage de la population en zone urbaine sensible). Ensuite parce qu’elle ne tient compte ni de la situation financière, ni de l’effort fiscal de la commune concernée. Ainsi a-t-il pu être constaté des attributions financièrement aberrantes, à l’image d’une ville en excédent financier significatif qui se voit dotée d’une DDU tout simplement parce qu’elle dispose sur son territoire d’une zone sensible qui dépasse 20 % de sa population (seuil d’éligibilité) alors que sa voisine, qui est en déficit en raison d’un accident majeur sur ses recettes, ne perçoit rien car sa zone sensible (issue d’une évaluation des années 1990 !) est inférieure à ce seuil ! Le Gouvernement a donc raison : cette DDU doit être repensée.

S’il comprend la méthode qui renvoie à une réflexion complémentaire que synthétisera le rapport à venir, le Rapporteur considère cependant comme regrettable que le présent projet de loi ne soit pas en mesure de cadrer d’ores et déjà les critères d’attribution de la nouvelle dotation de politique de la ville, renvoyant leur connaissance à un rapport administratif qui sera sans doute de qualité. Le dispositif légal aurait pu préciser les critères d’éligibilité les plus essentiels. Par ailleurs, le Rapporteur estime que la nouvelle dotation doit non seulement bénéficier à l’EPCI, mais également pouvoir être répartie au moins partiellement entre les communes signataires du contrat de ville, dès lors que les investissements concernés sont portés et réalisés par lesdites communes.

IV. LA GOUVERNANCE LOCALE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Le chapitre III « De la gouvernance de la politique de la ville » du titre II est composé de quatre articles. Les articles 8 et 9 apportent des outils pour renforcer la gouvernance et la solidarité intercommunales.

L’article 8 vise à positionner l’intercommunalité comme échelle de pilotage de la politique de la ville, et à favoriser localement la prise en compte des enjeux liés aux quartiers prioritaires.

L’article 9 vise à renforcer de solidarité financière intercommunale en cohérence avec les enjeux identifiés sur les territoires prioritaires. Pour cela, il étend l’obligation de dotation de solidarité communautaire aux EPCI signataires de contrats de ville.

A. LE RENFORCEMENT DE LA GOUVERNANCE LOCALE VIA DES OUTILS BUDGÉTAIRES ET DES COMPÉTENCES INTERCOMMUNALES ÉLARGIES (ARTICLE 8)

1. Des outils budgétaires pour une meilleure prise en compte des enjeux des quartiers prioritaires au plan local

Le projet de loi crée de nouveaux outils pour encadrer la politique de la ville et son articulation avec les contrats de ville (définis à l’article 5). Les alinéas 3 et 4 de l’article 8 visent à favoriser localement une meilleure prise en compte des enjeux liés aux quartiers prioritaires en prévoyant un rapport et une annexe budgétaire spécifiques à la politique de la ville.

L’alinéa 3 fixe un cadre permettant d’instaurer un débat sur les crédits alloués au titre de la politique de la ville, dans les communes et établissements publics intercommunaux signataires de contrats de ville. Cet alinéa prévoit l’élaboration d’un rapport sur la situation de la collectivité au regard de la politique de la ville, soumis à débat annuel devant leurs assemblées délibérantes. Il modifie ainsi l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales en y ajoutant un paragraphe : « Dans les communes et établissements publics de coopération intercommunale ayant conclu un contrat de ville (…), le maire et le président de l’établissement public de coopération intercommunale présentent à leurs assemblées délibérantes respectives un rapport sur la situation de la collectivité au regard de la politique de la ville, les actions qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation. Ce rapport est débattu au sein du conseil municipal et du conseil communautaire. » Le contenu et les modalités de l’élaboration du rapport sont renvoyés à un décret. 

Dans la même perspective, l’alinéa 4 vise à clarifier les différents engagements au regard du contrat de ville, en créant une annexe budgétaire « politique de la ville » aux budgets des établissements publics de coopération intercommunale et des communes concernées par les contrats de ville. Y figurent « les recettes et les dépenses correspondant aux engagements pris dans le cadre de ces contrats » et « l’ensemble des actions conduites et des moyens apportés par les différentes parties au contrat, notamment les départements et les régions ». Il permet ainsi le suivi des dépenses spécifiques et de droit commun des collectivités en faveur des quartiers de la politique de la ville. Son instauration vise également les conseils généraux et régionaux.

Le Rapporteur ne peut qu’approuver, et avec enthousiasme, de telles obligations nouvelles qui amélioreront considérablement la connaissance des élus comme des administrés des actions concrètes de la politique de la ville, donc la transparence, et ainsi l’efficacité des crédits budgétaires qui y sont consacrés.

2. Les intercommunalités confortées dans leur rôle de pilotage de la politique de la politique de la ville

Le projet de loi positionne l’échelle intercommunale comme niveau de pilotage « naturel » des contrats de ville. Afin que les intercommunalités soient légitimes à porter la démarche contractuelle, les alinéas 6 à 23 de l’article 8 viennent renforcer leur compétence en matière de politique de la ville en modifiant l’actuelle rédaction du code général des collectivités territoriales.

Concernant les communautés de communes, la politique de la ville est rehaussée parmi leurs compétences possibles et celles déterminantes pour l’éligibilité à la dotation d’intercommunalité.

L’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales énonce des compétences dont au moins une doit être exercée par les communautés de communes : protection et mise en valeur de l’environnement ; politique du logement et du cadre de vie ; création, aménagement et entretien de la voirie ; construction, entretien et fonctionnement d’équipements culturels et sportifs et d’équipements de l’enseignement préélémentaire et élémentaire ; action sociale d’intérêt communautaire ; assainissement. L’alinéa 9 de l’article 8 du projet de loi ajoute la « politique de la ville » parmi ces compétences, celle-ci étant définie dans des termes suivants : « dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale ; dispositifs locaux de prévention de la délinquance ».

En cohérence avec l’alinéa précédent, l’alinéa 14 fait figurer la compétence « politique de la ville » parmi les groupes de compétences pris en compte pour déterminer l’éligibilité des communautés de communes à la dotation d’intercommunalité.

Actuellement, les dispositions de l’article L. 5211-29 du code général des collectivités territoriales précisent que cinq catégories d’EPCI peuvent percevoir la dotation d’intercommunalité. Il s’agit des communautés de communes à fiscalité additionnelle ; des communautés de communes à fiscalité professionnelle unique ; des communautés urbaines ; des communautés d’agglomération ; des syndicats ou communautés d’agglomération nouvelle ; ainsi que des métropoles (article L. 5217-13). Une majoration est prévue à l’article L. 5214-23-1 pour les communautés de communes exerçant quatre des sept groupes de compétences suivants : développement économique ; aménagement de l’espace communautaire ; voirie d’intérêt communautaire ; logement social d’intérêt communautaire ; collecte et traitement des déchets ; aménagement sportif ; assainissement. Cette majoration s’ajoute à leur dotation de base et est répartie comme cette dernière entre les communautés de communes concernées : en fonction de la population totale des communes regroupées, et en fonction du coefficient d’intégration fiscale.

Les alinéas 12 et 14 modifient donc l’article L. 5214-23-1 pour fixer à huit le nombre de compétences prises en compte et ajouter « en matière de politique de la ville : dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale ; dispositifs locaux de prévention de la délinquance ».

Concernant les communautés urbaines, les alinéas 19 à 21 accordent à celles formées antérieurement à 1999 les mêmes compétences, en matière de politique de la ville, que celles exercées par les communautés urbaines créées postérieurement. Elles seront donc compétentes pour ce qui concerne les « dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale » ainsi que les « dispositifs locaux de prévention de la délinquance ».

Concernant les communautés d’agglomération, l’alinéa 23 supprime la restriction actuelle de l’article L. 5216-5, qui limite la compétence « politique de la ville » des communautés d’agglomération aux seuls dispositifs « d’intérêt communautaire ». Les CA auront ainsi les mêmes compétences que les communautés de communes et communautés urbaines en matière de politique de la ville : « dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale ; dispositifs locaux de prévention de la délinquance ». Cette disposition doit permettre aux communautés d’agglomération d’assurer plus largement le pilotage de la politique de la ville.

La restriction est toutefois maintenue par l’alinéa 24 pour les collectivités d’outre-mer et territoires d’outre-mer, où les communes continuent d’exercer cette compétence lorsqu’il n’y a pas intérêt communautaire.

Il s’agit de donner aux EPCI la possibilité de détenir la compétence de la politique de la ville (y compris les « dispositifs locaux de prévention de la délinquance »), sans précision concernant l’articulation entre les compétences respectives des acteurs locaux.

Cet affichage intercommunal est porteur de mises en cohérence et, somme toute, logique aux yeux du Rapporteur. Il a de surcroît pour portée d’homogénéiser, ce qui est salutaire, les compétences des différentes formes d’intercommunalités.

B. LA GÉNÉRALISATION DE LA SOLIDARITÉ COMMUNAUTAIRE (ARTICLE 9)

Un des objectifs du projet de loi est de renforcer la solidarité financière au niveau intercommunal, la péréquation horizontale étant nécessaire pour compenser la décentralisation. Dans cette perspective, l’article 9 généralise la dotation de solidarité communautaire (DSC) aux EPCI signataires de contrats de ville.

1. La DSC est actuellement limitée dans son utilisation

Les EPCI à fiscalité professionnelle unique peuvent avoir recours à deux dispositifs de reversements du groupement en direction des communes membres : le mécanisme des attributions de compensation, qui ne participe pas d’une réelle logique redistributive (puisque cette attribution fige l’« acquis » des ressources nettes au moment de la création d’intercommunalité ou de la mise en commun des ressources), et la dotation de solidarité communautaire (DSC), qui a pour objectif explicite la péréquation.

La dotation de solidarité communautaire a été introduite par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République (« loi ATR ») et élargie par la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales vise à faciliter l’intégration des structures intercommunales et à améliorer leur fonctionnement, en renforçant la dimension péréquatrice de la DSC, et en assouplissant les règles relatives à l’attribution de compensation et à la DSC.

Le VI de l’article 1609 nonies C du code général des impôts distingue les modalités de mise en place de la DSC selon les types d’EPCI. L’obligation d’instaurer une DSC ne s’applique pas à tous : elle est obligatoire dans le cas des communautés urbaines, et facultative pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes.

Dans le cas des communautés urbaines, le conseil communautaire statue à la majorité simple pour fixer le montant et les critères extra-légaux de répartition de cette dotation. Ces critères sont déterminés notamment en fonction de l’écart du revenu par habitant de la commune au revenu moyen par habitant de l’EPCI, mais aussi de l’insuffisance de potentiel fiscal ou financier par habitant de la commune au regard du potentiel fiscal ou financier communal moyen par habitant sur le territoire de l’EPCI. Des critères complémentaires, et en particulier des critères de charges des communes ou des critères sociaux – par exemple le nombre de logements sociaux – peuvent par ailleurs être définis librement par les EPCI pour la répartition.

S’agissant des communautés d’agglomération et de communes, le choix de la DSC et les critères de répartition entre ses bénéficiaires sont fixés par le conseil de l’EPCI statuant à la majorité des deux tiers. L’EPCI détermine librement la pondération des critères dans la répartition de sa DSC mais deux critères législatifs doivent être utilisés en priorité : l’importance de la population, et du potentiel fiscal ou financier par habitant. La liberté ainsi laissée par le législateur peut limiter le caractère réellement péréquateur de la dotation.

D’après l’étude d’impact du projet de loi, toutes les communautés urbaines ont instauré la DSC ainsi que 70 % des communautés d’agglomération, mais seulement un tiers des communautés de communes. Cela témoigne de l’intérêt porté à la DSC dans les EPCI urbains.

Le montant de DSC versé varie largement entre les communes, et s’articule avec la dotation de solidarité urbaine (DSU). En considérant les EPCI dans lesquels au moins une commune membre est éligible à la DSU cible (soit 154 EPCI), le montant de DSC par habitant moyen reçu par les communes éligibles à la DSU cible (111 communes) s’élève à 27 euros par habitant, contre 26 euros pour les autres communes non bénéficiaires de la DSU cible (1 189 communes). En prenant uniquement en compte les 101 communes de plus de 10 000 habitants non éligibles à la DSU cible, leur montant moyen de DSC par habitant s’élève alors à 30 euros. Le montant maximum de DSC par habitant s’élève, pour les communes concernées par la DSU cible à 342 euros (communes de Grande-Synthe, communauté urbaine de Dunkerque). Pour les communes non concernées par la DSU cible, le montant maximum de DSC par habitant est de 438 euros (commune de Gravelines, communauté urbaine de Dunkerque).

2. Le projet de loi élargit l’application de la DSC à l’ensemble des EPCI signataires de contrats de ville

L’article 9 modifie l’article 1609 nonies C du code général des impôts afin de généraliser l’obligation d’instituer une dotation de solidarité communautaire à l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale signataires de contrats de ville, sur le modèle de l’obligation existant pour les communautés urbaines.

Ainsi dans les communautés d’agglomération et les communautés de communes concernées, le montant et les critères de répartition de cette dotation seront fixés par le conseil communautaire, statuant à la majorité simple. Les critères prioritaires de répartition seront les mêmes que ceux utilisés pour les communautés urbaines (écart du revenu par habitant de la commune au revenu moyen par habitant de l’EPCI, et potentiel fiscal ou financier).

L’objectif est de renforcer la solidarité intercommunale au sein des EPCI, et de la moduler localement en fonction des objectifs du contrat de ville, plutôt qu’en imposant un montant et un mode de répartition nationaux. Les critères de répartition restent donc souples.

CONCLUSION

« Il faut absolument un membre du Gouvernement qui soit l’animateur, le pourfendeur, l’avocat, l’intervenant permanent » disait François Mitterrand, Président de la République, devant les assises de « Banlieues 89 » à Bron (Rhône), le mardi 4 décembre 1990, quelques heures avant de nommer le premier ministre de la Ville, Michel Delebarre. Celui-ci qui mit son dynamisme, son volontarisme et son talent au service de la cause, et acceptera cette mission « au nom d’un idéal républicain qui ne s’est jamais accommodé d’une société à deux vitesses érigée comme horizon indépassable de l’organisation sociale », comme il l’écrivit quelques années plus tard dans Le Temps des Villes.

Depuis 30 ans, la politique de la ville aura été de tous les gouvernements (sauf exceptions ponctuelles qui n’ont pas été durables), plus ou moins valorisée dans la hiérarchie gouvernementale, soit ministre d’État, ministre, ministre délégué ou secrétaire d’État, et se sera traduite par bien des dispositifs, bien des organismes, bien des dénominations de zones, bien des sigles abscons que seuls les technocrates, militants ou élus spécialistes de ces sujets maîtrisent.

Pour nos concitoyens, comment comprendre à quoi servent et ce que sont les ZUS, ZRU, ZFU, CUCS, DRE, PNRU, ANRU, ACSé, EPARECA, DSQ, DSU, DDU, GPV, SG-CIV…, sans que cette liste soit exhaustive ? Comment peuvent-ils comprendre ce que sont des quartiers ou des zones prioritaires lorsque 847 communes perçoivent la dotation de solidarité urbaine (donc les trois quarts des villes de plus de 10 000 habitants !), quand on dénombre 751 zones urbaines sensibles, 2 492 quartiers en contrat urbain de cohésion sociale ?...

Bien évidemment, la politique de la ville n’a pas manqué, depuis sa création, d’avoir des effets positifs. Elle a apaisé des plaies sociales, a soutenu des associations, des habitants, a engagé des péréquations de solidarité favorables aux communes à faibles ressources, a redessiné en profondeur certains quartiers en détruisant barres et tours sinistres, en réhabilitant des logements, en ramenant commerces et services publics dans des quartiers qui en étaient dépourvus. Elle a des acquis incontestables. Mais elle a aussi des insuffisances.

Élu urbain, je fais partie de ceux qui ont en tête l’idéal d’une politique de la ville qui transcende toutes les compétences ministérielles, tous les budgets, et qui sache mobiliser pour la cause de cités ou de quartiers où se concentrent de grandes difficultés, des moyens à la hauteur de ces difficultés. Au lieu d’être une politique « chapeau », qui intervienne horizontalement sur des politiques de droit commun définies par ailleurs, la politique de la ville ne pourrait-elle être conçue comme une politique « socle » qui serait déterminante de toutes les autres, une politique horizontale sur laquelle s’érigeraient toutes les autres politiques de droit commun ?

Même si tel n’est pas le schéma de la nouvelle politique de la ville que porte le Gouvernement, il est admis par tous que le projet de loi sur la ville et la cohésion urbaine porté par François Lamy est une étape importante de la politique de la ville. Le ministre a bien compris qu’en réduisant le nombre de quartiers prioritaires, il saura mieux concentrer les moyens où c’est nécessaire, qu’en structurant les interventions au niveau de l’intercommunalité avec un contrat ville unique, il gagnera en cohérence et donc en efficacité, et qu’en mobilisant les crédits des autres politiques, dites de droit commun, sur les mêmes sites que ceux de la politique de la ville, il pourra agir plus puissamment.

Ce projet de loi est pertinent : il arrive au bon moment, il porte un nouveau programme de renouvellement urbain, il prolonge utilement l’ancien pour que se clôturent efficacement les conventions antérieures, et il établit un nouveau cadre, une nouvelle méthode qui rationalisent en profondeur la politique de la ville. Voilà pourquoi le Rapporteur préconise que le texte obtienne un avis favorable de la commission des Finances.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine pour avis les articles 1er à 5, 8 et 9 du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (n° 1337 rectifié).

M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Élu urbain, je rêve d’une politique de la ville transcendant toutes les compétences ministérielles, tous les découpages budgétaires, afin de mobiliser des moyens à la mesure des grandes difficultés auxquelles sont confrontés certaines cités et certains quartiers. Il m’arrive en effet de penser que si elle était interministérielle, la politique de la ville pourrait réunir sous son autorité des lignes budgétaires qui relèvent aujourd’hui de l’éducation nationale, du logement, de la santé, de l’économie, entre autres, et se doter ainsi d’un budget consistant, d’une assise financière solide.

Hélas, malgré des décennies de politique de la ville, nous en sommes loin. Je le répète chaque année comme rapporteur spécial, le ministère chargé de cette politique est un nain budgétaire, qui s’appuie pour mener ses actions sur des opérateurs externes. L’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et l’ACSé, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, en sont les piliers. Les quartiers qui bénéficient des interventions financières de la politique de la ville sont très nombreux, peut-être trop, au point que l’on pourrait parler de saupoudrage : on compte 1 015 zones éligibles aux interventions de l’ANRU et 751 zones urbaines sensibles.

La contractualisation s’opère au niveau de la commune. Le programme ANRU 1 est en train de se terminer. La politique de la ville est donc à la croisée des chemins. Il est temps de tirer les conséquences de ses insuffisances et de chercher à la rendre plus efficace. Loin de se réduire à une politique « chapeau », qui viendrait compléter les autres, elle devrait fonder l’action publique dans les quartiers et y irriguer toutes les autres politiques. En somme, elle devrait être non pas un carnet de chèques dont les tirages apaisent les plaies, mais bien le pacte fondateur mobilisant toutes les actions publiques.

Nous n’en sommes bien sûr pas là. Mais le Gouvernement a compris qu’il fallait réorganiser les structures, les procédures, les modes de gouvernance et la géographie prioritaire. Aux yeux de votre rapporteur, cela va dans le bon sens. Le présent projet de loi crée donc un nouveau cadre, assez consensuel, me semble-t-il, afin de clarifier les objectifs et les moyens d’intervention de la politique de la ville.

À cette fin, il redéfinit les quartiers prioritaires en faisant disparaître des zonages aux sigles aussi abscons qu’inadaptés aux besoins sociaux réels, car trop anciens. Le contrat de ville, instrument privilégié, devient le contrat-phare, sinon le contrat unique, et repose désormais sur une assise non plus communale, mais intercommunale. S’agissant enfin des moyens engagés, le texte mobilise les crédits de droit commun, réorganise les structures administratives et affiche des fonds mobilisables pour un nouveau programme de rénovation urbaine dès la fin du programme actuel, conduit par l’ANRU. La ligne de force de ce nouveau cadre d’action est la mobilisation de toutes les énergies, et d’abord des premiers intéressés, les habitants des quartiers eux-mêmes, pour concevoir les projets et pour les évaluer.

Le projet de loi comprend par ailleurs nombre de dispositions financières majeures qui justifient que notre Commission s’en soit saisie. L’article 1er, qui définit l’objet de la politique de la ville, réaffirme en outre la nécessité de mobiliser les politiques de droit commun avant les crédits spécifiques. L’article 2 prolonge le programme national de rénovation urbaine, le PNRU, et lance un nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU. L’article 3 crée une dotation « politique de la ville » qui se substitue à la dotation de développement urbain. L’article 4 définit les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville. L’article 8 articule les dimensions intercommunale et communale. Enfin, l’article 9 étend la dotation de solidarité communautaire à tous les établissements publics de coopération intercommunale signataires de contrats de ville.

La mobilisation prioritaire des crédits de droit commun faisait déjà partie des annonces accompagnant le lancement de la dynamique « Espoir banlieues » par la précédente majorité. Mais sa mise en œuvre, reconnaissons-le, fut plus timorée que ce qui avait été annoncé. Pour que la nouvelle politique réussisse, son organisation financière – qui détermine la portée et le périmètre du contrat de ville –, sa gouvernance aux échelons national et local et l’évaluation de sa mise en œuvre sont essentielles. Tel est le sens de la rationalisation entreprise par ce projet de loi, qui crée un cadre de réflexion et d’action pour les années à venir. En effet, les nouveaux contrats de ville entreront en vigueur le 1er janvier 2015, sauf pour les sites expérimentaux, où ils seront appliqués dès le 1er janvier 2014.

M. Alain Rodet. Notre collègue Jean-Pierre Gorges disait il y a quelques années que, pour entrer dans les procédures de l’ANRU et bénéficier de la politique de la ville, il fallait en avoir les moyens. Les tuyaux sont longs et peu de vapeur y passe !

On parle beaucoup d’opérations de rénovation urbaine, mais l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux
– Epareca –, pourtant chargé de redonner vie aux friches commerciales, est plus disposé à créer de nouveaux centres commerciaux qu’à s’occuper de zones particulièrement difficiles à réhabiliter. En outre, dès qu’un appel d’offres débouche sur des travaux moins coûteux que prévu, l’ANRU veut nous reprendre l’argent et il faut la supplier pour conserver ses dotations et pouvoir aller un peu plus loin. Bref, un bon texte ne suffit pas : il faut aussi un vade-mecum, sans quoi la politique de la ville demeure trop bureaucratique.

La gouvernance de l’ANRU pose un problème. Quel rôle pour le président, quel rôle pour le directeur général ? Notre ancien collègue Michel Delebarre n’est pas en cause, mais les présidents qui l’ont précédé ont eu très peu d’influence sur la vie et les orientations de la structure.

M. Marc Goua. Ce projet de loi contient des éléments très positifs : la mobilisation du droit commun – certes déjà prévue depuis longtemps – ; la signature obligatoire de certaines collectivités ; la nouvelle définition des quartiers prioritaires à partir des revenus des habitants, que demandaient plusieurs associations, en particulier Ville & Banlieue ; enfin, le renforcement de la péréquation et le relèvement des dotations de solidarité.

Le transfert de la gouvernance de la politique de la ville à l’intercommunalité – sauf dans la région parisienne – n’est pas sans intérêt, mais pourrait se révéler dangereux dans certaines intercommunalités. J’ai donc déposé plusieurs amendements auxquels le ministre ne paraît pas défavorable et qui tendent à replacer le maire au centre du dispositif. Après tout, n’est-ce pas de la ville qu’il s’agit ?

En ce qui concerne la dotation de solidarité communautaire, s’il est bon qu’elle devienne obligatoire, il conviendrait de préciser ses critères de répartition, dans le respect du principe d’autonomie des collectivités. Je vous renvoie à l’excellent rapport que François Pupponi a consacré à la péréquation et à la politique de la ville. Dans ma collectivité, plus on a de revenus, plus l’on perçoit de dotations de solidarité ! Cela ne doit pas perdurer.

M. Olivier Carré. La politique de la ville a longtemps été placée sous la férule des intercommunalités, et ce sont ses échecs, notamment dans les domaines où le président de l’intercommunalité ne dispose pas des pouvoirs et des relations du maire, qui ont conduit à en confier l’application à ce dernier. Aujourd’hui, on propose, sans doute par commodité, de la transférer de nouveau à l’échelon intercommunal. Il me paraît primordial de faire preuve de souplesse en laissant les élus choisir en conscience, sous le regard bienveillant du préfet, celui des deux niveaux auquel ils préfèrent que soit gérée la politique de la ville. En effet, il faut tenir compte de la diversité des situations pour garantir la cohésion de l’action politique à long terme.

Je ne suis pas d’accord avec mon collègue Alain Rodet : l’ANRU, où je siège depuis plusieurs années, est un outil transpartisan. En son sein, les élus, qu’ils soient issus de la majorité ou de l’opposition, veillent à défendre ses missions. C’est d’ailleurs l’un de ses points forts. Ceux qui attendent d’elle qu’elle signe des chèques ou donne sa bénédiction à des travaux de réparation qu’ils n’ont pas réussi à mener dans leur commune ne peuvent qu’être déçus, car l’Agence a pour but de planifier à long terme un redressement aussi durable que possible, afin que nos concitoyens, qui habitent souvent ces quartiers sans l’avoir choisi, retrouvent le chemin de la cohésion républicaine. La politique de la ville a trop longtemps souffert d’un esprit partisan qui a étouffé les bonnes volontés des élus de tous bords. L’ANRU a su se détacher d’une logique circonstanciée et clientéliste pour travailler sur le long terme.

Afin de préserver cet objectif, la pluriannualité budgétaire est essentielle. Elle doit être sanctuarisée par le Parlement. Sur les 12 milliards d’euros inscrits dans la loi PNRU 1, seulement 1,5 milliard environ a été versé, dont 1 milliard la première année et quelques centaines de millions dans le cadre du plan de relance. Les autres sommes versées l’ont été non par l’État mais par l’Union des entreprises et des salariés pour le logement – UESL – ou par Action Logement. L’État a relevé leur montant au fil des décrets relatifs à l’emploi du 1 %. Poursuit-il dans cette voie ? Le versement par l’État des 5 milliards d’euros dont la loi dote le NPNRU est-il planifié ? Dans quel document budgétaire ? Ce versement est-il plus assuré que celui des 12 milliards du PNRU 1, que leur réinscription dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion – « MOLLE » – n’a pas suffi à sanctuariser ? De ce point de vue, les gouvernements se suivent et se ressemblent. L’ANRU se débrouille de cette situation grâce à Action Logement, qui se substitue à l’État. Pourquoi pas, d’ailleurs ? Les fonds d’Action Logement, issus des cotisations employeur, constituent bien une contribution d’ordre public. Encore faut-il annoncer clairement les règles du jeu à l’avance et s’y tenir. Or, pour Action Logement, les ponctions prendront fin bien avant le terme prévu du nouveau PNRU 2, ce qui crée un risque d’ambiguïté, voire de remise en cause des différents programmes.

M. Michel Pajon. Le projet de loi affiche d’ambitieux objectifs, ce qui était indispensable tant la politique de la ville a été inefficace ces dernières années. Je ne partage pas l’enthousiasme qu’inspire à mon collègue Carré la gestion de l’ANRU, laquelle n’a rien de transpartisan, du moins dans mon département, la Seine-Saint-Denis – seule explication possible au fait que j’aie mis sept ans à signer une convention ANRU dans le cadre d’une priorité 1.

Je souhaite profiter de ce débat pour alerter le ministre délégué auprès de la ministre de l’Égalité des territoires et du logement, chargé de la Ville, sur les difficultés financières croissantes que rencontrent les villes et dont toute réforme les concernant devrait tenir compte. Maire d’une ville de 70 000 habitants qui compte plusieurs quartiers particulièrement défavorisés, je dois faire face à une diminution des ressources et à une augmentation des charges communales particulièrement préoccupantes. Alors que les dotations de l’État diminueront en 2014 de 3,1 % au niveau national, elles perdront 5,6 %, soit presque le double, dans la ville de Noisy-le-Grand, dont les moyens sont ainsi amputés de 1,6 million d’euros. En outre, la contribution de ma ville au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales passera de 1,4 million d’euros en 2013 à 2,3 millions en 2014, soit une dépense supplémentaire de 900 000 euros. Sur 120 millions d’euros de recettes de fonctionnement, le budget perdra ainsi 2,5 millions d’euros en 2014.

Or, les recettes fiscales sont beaucoup moins dynamiques qu’auparavant. Alors que la taxe professionnelle augmentait de 5 à 7 % par an, la cotisation foncière des entreprises n’évolue qu’au rythme du coefficient d’actualisation des valeurs locatives cadastrales, et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est assise sur le chiffre d’affaires de ces dernières, qui augmente assez peu du fait de la conjoncture. En outre, la dotation de solidarité urbaine est figée depuis 2009 et des dispositions réglementaires vont fortement accroître nos dépenses l’année prochaine, de 500 000 euros pour la revalorisation des salaires des fonctionnaires de catégorie C et de 1,2 million d’euros par an pour la réforme des rythmes scolaires.

Dans cette situation déjà difficile, la perspective d’une nouvelle diminution de nos dotations sous l’effet de la présente réforme est très inquiétante. La maîtrise des dépenses et des recettes de nos villes est de plus en plus soumise à des décisions unilatérales de l’État ; l’incertitude financière qui en résulte est très préjudiciable au développement économique et social de nos territoires. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de bien vouloir vous faire l’écho de nos préoccupations à ce sujet.

M. François Cornut-Gentille. À mes yeux, la politique de la ville souffre moins d’un défaut de moyens ou d’engagements trop partisans que d’un manque d’exigence. Nous avons créé bien trop de quartiers ANRU, qui sont devenus de simples guichets. L’ANRU devrait opérer une sélection beaucoup plus stricte des projets urbains. Les projets de qualité peuvent concerner une ville ou une intercommunalité ; comme l’a dit Olivier Carré, nous devrions nous montrer souples sur ce point, sans accorder systématiquement des moyens aux intercommunalités qui ne fonctionnent pas bien. Mais si l’on dressait un bilan non politicien de l’ANRU 1, l’on s’apercevrait que certaines grandes villes n’ont pas de véritable projet : l’ANRU est un guichet auquel les offices HLM émargent pour, dans bien des cas, refaire la ville à l’identique, en commettant les mêmes erreurs que dans les années 1980 ou 1990.

Il ne suffit donc pas que le Gouvernement affiche sa volonté de changement et l’assortisse de dotations importantes. Pour convaincre les citoyens, dont les maires eux-mêmes, qui auraient parfois besoin d’être aidés pour définir une stratégie de reconquête de la ville, l’ANRU doit assister les élus, les informer, leur conseiller des architectes compétents. Il faut passer d’une politique d’affichage à une politique de réalisations concrètes.

Les copropriétés dégradées, commerciales ou non, posent des problèmes de plus en plus graves. Pour y remédier, nous avons moins besoin de moyens financiers supplémentaires que d’instruments juridiques qui restent à inventer.

Enfin, les critères de refonte des quartiers paraissent généralement raisonnables, mais l’articulation avec l’éducation nationale et les zones d’éducation prioritaire est vitale.

M. Régis Juanico. Le premier objectif du projet de loi est la poursuite de la politique de la ville. Sur ce point, je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit : pour aborder la phase 2 du programme de rénovation urbaine, nous devons nous appuyer sur une évaluation complète et précise de l’ANRU 1. Voilà un travail que nous devrions nous proposer de mener au sein de notre Commission – de nombreux élus y seraient tout à fait disposés –, à défaut peut-être de le demander aux organismes d’évaluation et de contrôle de notre assemblée. Quoi qu’il en soit, l’existence d’un PNRU 2 et de moyens pour le financer – même s’ils restent à préciser – est déjà une bonne nouvelle.

Le deuxième objectif est la simplification de la gouvernance. La réunion, au sein du Commissariat général à l’égalité des territoires, du Secrétariat général du Comité interministériel des villes – le SG CIV –, de la DATAR et de l’ACSé y contribue.

Le troisième objectif est le resserrement de la géographie prioritaire de la politique de la ville, pour plus d’efficacité. Dans ce domaine également, il était essentiel de réunir plusieurs instances.

Je suis convaincu de la nécessité de gérer la politique de la ville au plus près du terrain, de manière aussi décentralisée que possible, avec les préfets et les élus locaux. L’Epareca rend de grands services lorsqu’il s’agit de racheter du foncier, de mener des opérations de renouvellement sur des friches industrielles ou de reconstruire des centres commerciaux dans les quartiers, mais comment gérerait-il au quotidien depuis Lille un centre commercial du quartier de Montreynaud, à Saint-Étienne ?

Je suis par ailleurs surpris que l’on ait fait de l’ANRU, chargée de la rénovation urbaine, un opérateur du programme d’investissements d’avenir. Est-ce bien son rôle ?

Monsieur le rapporteur, que vont devenir les zones franches urbaines ? N’oublions pas non plus l’aspect social et humain de la politique de la ville. Certes, les contrats urbains de cohésion sociale étaient trop éparpillés, fondés sur les appels à projet, ce qui compliquait leur gestion à long terme par les associations, et le resserrement sur des quartiers prioritaires moins nombreux permettra de mieux employer les moyens financiers dont nous disposons. Mais il faut accompagner durablement les acteurs associatifs – clubs sportifs, centres sociaux – dans les quartiers.

M. Éric Alauzet. Les objectifs et les enjeux de ce projet sont particulièrement clairs, aisés à comprendre et à faire comprendre ; voilà qui est suffisamment rare pour être souligné. C’est le cas de l’unique critère de sélection des zones d’affectation, le revenu des habitants, qui pourrait paraître trop simple mais synthétise l’ensemble des critères retenus jusqu’alors – proportion de jeunes, chômage, insertion, etc. L’unité géographique retenue est également la bonne, car elle évite d’« arroser » de vastes quartiers dont certaines parties seulement sont concernées et permet a contrario de cibler des îlots isolés dans la ville, extérieurs aux quartiers identifiés jusqu’alors.

Le texte affiche de grandes ambitions en matière de gouvernance, en particulier dans son article 2 qui témoigne, avec la création d’une charte nationale de concertation, d’une volonté d’agir avec les habitants. Mais selon quelles modalités ? On ne le voit pas bien. Peut-être n’est-ce pas à ce niveau qu’elles doivent être précisées. L’enjeu n’en est pas moins essentiel, d’autant que le texte concentre les interventions sur les îlots en difficulté, dont les habitants sont rétifs, voire culturellement réfractaires à la mobilisation.

La moitié environ des zones actuelles vont sortir du dispositif. Comment les accompagner ?

Enfin, le choix des zones doit tenir compte de la richesse et de la solidarité régionales. Dans de grandes régions, les quartiers où les revenus sont faibles côtoient les plus riches. En outre, ces régions bénéficient souvent depuis longtemps du soutien de l’État pour construire les grandes infrastructures de transport, par exemple. L’État est aujourd’hui moins présent auprès des régions de moindre importance, où les collectivités locales doivent désormais mettre la main au porte-monnaie.

M. Patrick Ollier. Monsieur le rapporteur, deux points m’inquiètent. Au nom de la nécessité de restrictions budgétaires, que je puis comprendre, et de l’exigence de justice sociale, que j’admets bien volontiers, je crains que l’on ne condamne des quartiers entiers de villes qui auraient autant besoin de soutien que les autres. Voilà qui remet en cause l’article 6 de la loi de cohésion sociale de janvier 2005, article que j’avais fait modifier au bénéfice d’autres quartiers que ceux qui étaient identifiés comme susceptibles de se voir octroyer une zone ANRU. On était ainsi passé d’une politique de guichet à une politique de projet. N’est-ce pas le sens de la politique de la ville ?

J’en ai fait l’expérience dans la ville dont je suis maire, ce qui montre que le cumul des mandats peut être utile : quand on a les pieds dans la glaise, on mesure les problèmes de terrain, dont ce texte semble bien éloigné. Ainsi le projet de loi conduira à traiter bien différemment ma ville de Rueil et la ville communiste de Nanterre, avec laquelle nous sommes en intercommunalité et entretenons de très bonnes relations. Alors que 30 000 personnes vivent dans les cités de ma ville de 82 000 habitants, qui jouxtent les grandes cités de Nanterre, en tous points semblables, Nanterre fera partie des nouveaux quartiers prioritaires mais Rueil en sera exclue, et ce au nom de la justice et de l’égalité ! Cela me paraît bien incohérent.

Ensuite, mon expérience personnelle me montre également que la politique de la ville suppose la proximité, c’est-à-dire le terrain immédiat : la ville. Au sein de notre agglomération, Nanterre n’est pas du tout traitée comme Rueil ni comme Suresnes, pour différentes raisons. La gestion de la politique de la ville au niveau de l’agglomération ne fera qu’ajouter à des difficultés fonctionnelles déjà importantes.

Enfin, cette politique de guichet reposera sur un décret en Conseil d’État dressant la liste des quartiers prioritaires. Quand ce décret sera-t-il publié ? L’étude d’impact devrait porter sur lui aussi afin que nous puissions en discuter en même temps que du texte dont il permettra la mise en œuvre. C’est essentiel, car c’est le décret qui déterminera l’application de la justice sociale.

M. Marc Le Fur. Sans être spécialiste de l’ANRU, contrairement à plusieurs de nos collègues, je suis moi aussi inquiet. On cherche à concentrer l’intervention de l’ANRU sur certaines villes, ce qui revient à la supprimer dans les autres. Qu’en sera-t-il des villes petites ou moyennes qui incluent des quartiers difficiles et en bénéficiaient jusqu’à présent ? Je songe à Guingamp et au quartier du Roudourou.

Au cours de la précédente législature, nous avions lancé une grande initiative – qui ne se limitait pas aux députés de la majorité d’alors – pour renforcer, en plusieurs années, la péréquation entre les communes les plus aisées et les plus modestes. Si ce projet est remis en cause, il est à craindre que les communes qui perdent le soutien de l’ANRU ne soient également privées des avantages qu’elles attendaient très légitimement d’une péréquation dont nous fournissions enfin les voies et moyens.

Pouvez-vous me rassurer sur ces deux points, monsieur le rapporteur ?

M. Thierry Mandon. Le texte s’articule autour de trois axes : un ciblage nouveau, un pilotage précisé, des moyens réaffirmés.

Pour cibler l’intervention, je m’interroge sur la possibilité de tenir compte des dynamiques économiques et territoriales en complément de l’outil statistique dont nous disposons avec les données relatives à la pauvreté des populations. Car un même quartier, doté des mêmes caractéristiques sociales et démographiques, n’aura pas du tout les mêmes chances de s’en sortir selon qu’il est situé dans une métropole en expansion ou dans un territoire en reconversion, voire en grande difficulté. Or, plusieurs publications récentes, de géographes notamment, attestent de la prévalence des disparités territoriales dans notre pays.

Par ailleurs, le débat en séance devrait nous permettre d’engager une réflexion sur les copropriétés dégradées et les outils exorbitants du droit commun que l’on pourrait y employer afin d’éviter que ce qui est réparé d’un côté ne se dégrade plus vite de l’autre.

Un des gros problèmes auxquels est confrontée la politique de la ville est le poids de la paperasserie et la complexité et la lenteur des procédures. Le projet de loi fait un pari en calant la durée des nouveaux contrats de ville sur celle des mandats municipaux, soit six ans. Mais à défaut d’un changement drastique dans les procédures et l’administration du programme de rénovation urbaine, et d’une bonne articulation entre ce dernier et les ordonnances qui seront prises en application de la loi d’habilitation de Mme Duflot ou du projet de loi de M. Moscovici – qui tend notamment à raccourcir les procédures et à créer de nouveaux outils comme l’enquête unique ou les programmes d’intérêt économique majeur –, on peut d’ores et déjà s’attendre à ce que, dans six ans, de nombreuses villes éligibles n’aient pas réalisé grand-chose.

Si une évaluation du précédent programme doit avoir lieu, il est donc nécessaire que la simplicité des procédures et le raccourcissement des délais fassent partie des critères à prendre en compte. De même, simplification et célérité devront caractériser le nouveau programme de rénovation urbaine, qu’il s’agit plus généralement de débureaucratiser.

M. Michel Vergnier. Je me réjouis de constater que la nouvelle définition des quartiers prioritaires permettra à des villes ayant consenti d’importants efforts fiscaux au bénéfice de partenaires et d’associations œuvrant en matière de politique de la ville d’accéder à des programmes dont elles étaient jusqu’à présent exclues. C’est une façon de reconnaître que certaines zones urbaines ne sont pas les seules à avoir besoin d’un soutien. Les amendements déposés par le rapporteur vont dans le même sens – le bon sens, en l’occurrence –, et je les soutiendrai.

M. Dominique Lefebvre. En tant qu’ancien collaborateur d’un ministre de la Ville, Michel Delebarre, j’apporte également mon soutien à la démarche engagée avec ce projet de loi. En effet, si l’on examine, avec le recul, l’évolution de la politique de la ville, un recentrage du dispositif apparaît nécessaire, même s’il doit se traduire par la sortie de villes auparavant éligibles. J’approuve donc le choix consistant à concentrer les moyens et à simplifier les critères de sélection.

Par ailleurs, je n’ai pas besoin de cumuler les mandats comme Patrick Ollier pour tirer profit de l’expérience préalablement acquise en tant que maire d’une grande ville populaire – d’autant que je suis toujours président d’une intercommunalité. Je sais donc qu’une politique de la ville, notamment lorsqu’elle est conduite par l’État, doit veiller à ce que la solidarité joue à tous les niveaux. Or, ce n’est pas toujours le cas, et ce défaut de solidarité vient s’ajouter à la dispersion des moyens et à la mauvaise hiérarchisation des priorités. Une partie des problèmes rencontrés au sein des communes et des EPCI devrait pouvoir être réglée par de nouveaux mécanismes de redistribution interne, car il n’est pas normal que des élus locaux en appellent à la solidarité nationale alors qu’ils auraient les moyens de faire jouer la solidarité au niveau local. Je suis donc d’accord avec Patrick Ollier pour privilégier la logique de projet, mais il faut aussi, à l’avenir, veiller à ce que les politiques prioritaires se traduisent également dans les choix faits par les communes et les établissements intercommunaux.

Mme Sandrine Mazetier. Je note que le projet de loi non seulement tient compte de l’évaluation par la Cour des comptes d’une décennie de politique de la ville, mais aussi propose une nouvelle méthode, fondée sur l’évaluation permanente de la géographie prioritaire et son adaptation au gré des évolutions constatées – toutes choses qui étaient impossibles avec les formes de zonage précédemment adoptées.

Par ailleurs, je me réjouis de constater que la méthodologie choisie, fondée sur des critères les plus objectifs possible, aura pour effet de mobiliser également les moyens publics en faveur de zones qui ne relèvent pas du fait urbain, mais sont plutôt des zones rurales. À cet égard, le projet de loi est un grand texte républicain qui renvoie aux fondements de la solidarité nationale et permet de corriger les défauts des dispositifs antérieurs, comme la stigmatisation de certains territoires ou le déni de réalité.

La cartographie sera-t-elle établie par carroyage, c’est-à-dire en divisant la zone étudiée en carrés plus ou moins larges de façon à repérer les quartiers dans lesquels s’accumule la pauvreté ? À partir de quelles données sera-t-elle établie ? Quel sera le degré de finesse du maillage réalisé ?

M. Jean-Louis Dumont. Tout le monde s’accorde à juger nécessaire une véritable évaluation de la rénovation urbaine, y compris sur le plan administratif. Si nous avions été nombreux à nous réjouir de la création, par Jean-Louis Borloo, d’un guichet unique, l’ANRU, destiné à améliorer l’efficacité de la politique de la ville, cette décision a rapidement donné lieu à des dérives : l’administration a repris le dessus, au point que les règles changeaient tous les six mois, au gré des nominations des malheureux sous-préfets chargés de la ville. C’est pourquoi nous devons aller vers la simplification – une notion encore trop négligée, alors que le manque de moyens doit nous inciter à privilégier l’efficacité.

De même, la volonté politique manifestée par le ministre à l’occasion du dépôt de ce projet de loi est remarquable, mais elle devra continuer à s’affirmer chaque jour.

En ce qui concerne les copropriétés dégradées, cela fait au moins une vingtaine d’années que des propositions sont formulées ou que des expériences sont menées. Il suffirait pourtant de changer quelques règles en matière de démembrement de copropriété. On me dira que cela coûte cher. Mais l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat, alimentée par le produit de taxes votées par le Parlement, dispose des crédits nécessaires. Sachant les dégâts que peut entraîner dans certains quartiers l’existence de copropriétés dégradées, il est légitime de mobiliser les moyens nécessaires à la résorption de celles-ci, d’autant que certains opérateurs sont prêts à s’engager dans cette voie.

J’ai cru comprendre – car il ne s’agit pas d’un secret d’État – que le mode de financement du nouveau plan national de rénovation urbaine était à peu près établi. La participation de l’État n’est d’ailleurs pas très élevée, et Bercy fait feu de tout bois pour reprendre la main. La mutualisation et la coopération ont pourtant un sens dans ce pays ! De plus, les acteurs et opérateurs du logement savent prendre leurs responsabilités. Alors, de grâce, ne versons pas dans le tonneau des Danaïdes du budget général de l’État l’argent qui vient des locataires et qui est destiné à l’amélioration de leur cadre de vie.

M. Patrick Ollier. J’ai oublié, monsieur le rapporteur, de vous demander de vérifier que l’application de ce texte n’entrera pas en conflit avec le projet du Grand Paris, qui concerne 124 communes de la région parisienne. C’est encore une fois la proximité qui est en jeu.

Par ailleurs, si l’on peut comprendre la suppression des zones urbaines sensibles, remplacées par les quartiers prioritaires, pourquoi supprimer également les zones de redynamisation urbaine – ZRU – dont l’ambition, lors de leur création en 1994, était d’apporter de l’activité économique et de la richesse dans les quartiers grâce à des incitations fiscales ? Sous la droite comme sous la gauche, Bercy n’a eu de cesse de les dépouiller de leurs moyens d’intervention. Nous devons pourtant distinguer l’activité économique de l’intervention sociale. À cet égard, la suppression des ZRU est une mauvaise idée, quand il faudrait au contraire les renforcer.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Pour ma part, je me demande si le report, jusqu’à la fin 2015, de la date d’échéance des projets de rénovation urbaine ne va pas compromettre la réalisation, pourtant indispensable, d’un bilan d’étape de l’actuel programme.

Par ailleurs, en matière de politique de la ville, il convient de distinguer le fond et la forme. Sur le fond, comment peut-on évaluer la qualité des projets ? Que faut-il financer en premier ? Quel enjeu doit être prioritaire ? Sur la forme, confier le renouvellement urbain aux communautés de communes est une mauvaise idée. Si nous voulons que la politique de la ville obtienne des résultats, il faut laisser aux élus des communes concernées, qui sont très fortement impliqués, le soin de la conduire.

M. le rapporteur pour avis. En vous écoutant, j’ai pu mesurer combien est grand l’intérêt des députés pour la politique de la ville, et forte l’adhésion à son égard de la classe politique, dans toute sa diversité – même si les approches peuvent être différentes sur telle ou telle modalité technique. En tant que praticiens de la vie locale, les orateurs ont tous exprimé le souhait de rendre cette politique plus efficace qu’elle ne l’a été ces dernières années. C’est justement un des buts poursuivis par le projet de loi.

Alain Rodet a évoqué une question-clef, celle de l’adhésion d’une commune ou d’une collectivité à une politique contractuelle l’obligeant à puiser dans ses propres ressources. Je partage son analyse : pour les collectivités les plus modestes, un tel engagement ne va pas de soi. Soit elles renoncent, au risque de laisser passer une occasion, soit elles acceptent, et doivent alors apporter leur quote-part, ce qui n’est pas sans conséquence sur leurs finances. Je l’ai vécu dans ma ville, dont le revenu moyen par habitant est le plus faible de toute la communauté urbaine, et qui a dû faire appel à l’emprunt pour assumer sa part d’investissement. Cela n’a rien de dramatique, dès lors que la dette reste à la mesure des capacités financières de la ville, mais celles-ci sont parfois limitées.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement autorisant l’ANRU à faire varier l’ampleur de son soutien en fonction de la richesse du territoire concerné ou de l’effort fiscal consenti par la commune. On peut admettre, en effet, l’idée de consacrer proportionnellement plus d’argent à un quartier situé dans une commune dont la situation financière est délicate, afin de l’aider à rétablir une certaine vitalité économique et sociale. C’est un principe salutaire ; or, l’objectif du projet de loi est justement de poser des principes.

Je partage le souci d’Alain Rodet d’assurer une meilleure cohérence entre la politique de la ville et les politiques commerciale et artisanale. L’ANRU et l’Epareca n’ont en effet pas recours aux mêmes critères de sélection, si bien que certains projets ont pris du retard. En tant que rapporteur spécial des crédits de la politique de la ville, j’ai déjà jugé, à titre personnel, que la diversité des organismes concernés par cette politique – ANRU, Epareca, SG CIV, ACSé, DATAR – justifierait une réorganisation. Une première étape vient d’ailleurs d’être franchie avec la fusion, au sein d’un commissariat général à l’égalité des territoires, du SG CIV et de la DATAR. Mais je ne serais pas opposé à l’idée d’étudier de nouveaux rapprochements organiques susceptibles de mettre en cohérence les procédures et les financements, afin de faire du développement économique et commercial la locomotive des projets de rénovation urbaine. Le Gouvernement n’a pas ouvert ce chantier, mais j’ai plaidé à plusieurs reprises pour qu’il le fasse.

Ce projet de loi ne constitue qu’un cadre. Son adoption sera suivie non de la publication d’un vade-mecum, monsieur Rodet, mais de celle d’un décret, d’une circulaire ou de procédures d’organisation administrative destinées à en préciser les modalités.

Je prends acte, monsieur Goua, du dépôt à la commission des Affaires économiques d’amendements sur les articles 6 et 7, relatifs à la gouvernance de la politique de la ville.

Quant à la dotation de solidarité communautaire, qui n’existait jusqu’à présent que dans un nombre limité de collectivités, l’innovation du projet de loi consiste à en généraliser l’application, de façon à renforcer la solidarité entre territoires. C’est l’objet de l’article 9.

Olivier Carré souligne à juste titre l’importance des rôles respectifs du maire et de l’intercommunalité dans un territoire. Je suppose qu’il soutiendra mon amendement destiné à préciser les responsabilités des uns et des autres. Ce serait une erreur de penser que le projet de loi tend à transférer toute la responsabilité à l’intercommunalité ; en réalité, cette responsabilité est partagée. Au nom de la logique de projet et de la cohésion d’un territoire, il est légitime que l’intercommunalité serve d’interface avec les autres collectivités territoriales et avec l’État, mais le maire doit rester l’animateur de la politique de la ville dans son territoire, car il est incontestablement le meilleur arbitre et le meilleur juge en ce domaine.

S’agissant du financement de l’ANRU, le montant de 12 milliards d’euros relevait de la prospective. L’Agence a reçu en fait de l’État, pour 6 milliards d’autorisations d’engagement annoncées, seulement 697 millions d’euros de crédits de paiement, ce qui représente un décalage important. Telle est la réalité : les engagements pris hier en matière de dotation budgétaire n’ont pas été tenus, de même que le partage des responsabilités et des financements n’a pas été conforme aux prévisions.

En sera-t-il de même à l’avenir ? Je ne puis en préjuger. Je me suis intéressé aux conditions de financement de la rénovation urbaine à partir de 2015, ce qui est logique dans la mesure où le nouveau programme national concerne les années 2014 à 2024. On m’a répondu que pour définir le montant de la contribution d’Action Logement, une convention pour 2015-2019 sera négociée en 2014, à l’issue du vote du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR –, et surtout qu’annoncer des chiffres en matière de programmation reviendrait à « préempter » la négociation avec les partenaires sociaux… Je ne suis donc pas en mesure de vous en dire plus sur ce point. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir posé la question avec insistance.

Je ne peux être plus docte que Michel Pajon s’agissant de la situation financière du département de Seine-Saint-Denis. Son intervention figurera toutefois au compte rendu et sera transmise à l’autorité ministérielle concernée, même si cette dernière n’ignore sûrement rien des difficultés qu’il a évoquées.

François Cornut-Gentille déplore le manque d’exigence qui caractérise parfois la politique de la ville. C’est justement la logique même du projet de loi que de ne pas faire de l’ANRU un simple guichet pour accéder aux aides. Il rompt ainsi avec une vision réductrice de la politique de la ville, que nous avons tous adoptée à un moment ou à un autre : celle qui consiste à tenter de soigner les plaies en signant des chèques.

Les contrats de ville seront ainsi l’instrument privilégié de la politique de la ville. Une annexe budgétaire retracera non seulement les crédits octroyés dans le cadre de cette politique, mais aussi ceux relevant de l’intervention d’autres ministères sur un même territoire. La droite s’était engagée dans cette voie, mais de façon timorée. Nous prenons à nouveau ce pari avec l’ambition d’améliorer la coordination des politiques.

Je note votre remarque, monsieur Cornut-Gentille, sur les conseils qui devraient être dispensés aux élus. Mais je rappelle que les conventions de rénovation urbaine passées lors de la première phase du plan prévoyaient la possibilité de cofinancer les dépenses d’ingénierie au bénéfice des communes ne disposant pas des moyens nécessaires en interne. Cela étant, nous aurions tort de croire que des projets de rénovation urbaine de grande ampleur puissent être menés sans que ne soit prévu le financement des actions d’ingénierie.

Régis Juanico m’a interpellé sur l’avenir des zones franches urbaines – ZFU –, un dispositif qui arrive à échéance à la fin de l’année 2014. La question devrait être abordée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Le rapport d’information sur le sujet rédigé par deux de nos collègues, Henri Jibrayel et Michel Sordi, a mis l’accent sur les différences d’approches et de résultats entre les ZFU : si dans certains quartiers, l’outil a atteint ses limites, il est pour d’autres un élément structurant de la politique de la ville, et a permis à des quartiers situés dans des villes souffrant de graves difficultés financières d’accélérer le renouvellement urbain. J’ai interrogé le ministre sur ce point lors de la réunion de la commission élargie, et j’ai cru comprendre qu’il était favorable, sous réserve du résultat des discussions avec les autorités européennes, à l’idée de prolonger le dispositif sous une forme ou sous une autre.

Je comprends votre préoccupation, monsieur Juanico, s’agissant du volet social de la politique de la ville, dans la mesure où l’adoption d’une nouvelle géographie prioritaire va se traduire par un resserrement du nombre de quartiers bénéficiaires. Une telle évolution n’est jamais facile. Néanmoins, le ministre a d’ores et déjà évoqué des mesures d’accompagnement, de « veille active » au profit des quartiers non éligibles, afin qu’un arrêt trop brutal des aides n’ait pas pour effet de laisser les différents intervenants démunis et de ruiner les longs et pénibles efforts qui y ont été réalisés pendant des années. Nous devrons toutefois être attentifs à ce que ces mesures soient effectivement mises en œuvre.

Ainsi, dans ma circonscription, une politique audacieuse a été menée en matière de réussite éducative, destinée à favoriser l’apprentissage de la lecture et à limiter les risques d’exclusion dès les premières années de la scolarité. Elle s’est révélée féconde, et ne doit pas être remise en question.

Je vous remercie, monsieur Alauzet, d’avoir exprimé votre satisfaction au sujet des objectifs poursuivis par le projet de loi et de la méthode employée. Un amendement relatif à la mise en place de conseils de citoyens doit être déposé par le Gouvernement : il devrait combler votre souhait d’associer les habitants aux décisions prises. De même, le projet de « veille active » répond à votre préoccupation à l’égard des quartiers qui sortiront du dispositif de rénovation urbaine. Enfin, s’agissant de la solidarité régionale, nous y reviendrons en examinant votre amendement.

Étant de nature optimiste, je ne suis pas certain que les inquiétudes exprimées par Patrick Ollier soient complètement fondées. Mais je partage son souhait de passer d’une logique de guichet à une logique de projet : c’est justement l’objectif du projet de loi. J’ignore si la ville dont il est maire comprend un des futurs quartiers prioritaires : l’article 4 précise les critères permettant de les définir, mais la liste des bénéficiaires sera établie par décret. J’observe toutefois que lors de sa présentation par les techniciens du ministère de la Ville, la méthode de cartographie par carroyage a été largement approuvée, car elle est suffisamment fine pour tenir compte des réalités sociales du territoire concerné.

Je répète par ailleurs que la responsabilité de la conduite de la politique de la ville doit être partagée entre le maire et l’intercommunalité. L’amendement que j’ai déposé permettra de clarifier leurs rôles respectifs.

Je ne dispose d’aucune information sur la situation de Guingamp et sur son évolution, et je ne peux donc répondre sur ce point à Marc Le Fur. Cependant, en application de l’article 4 du projet de loi, la liste des quartiers prioritaires devra être connue avant le 1er janvier 2015.

Marc Le Fur s’est également déclaré préoccupé par le sort de la péréquation. Je n’ai pas le sentiment que celle-ci soit affaiblie par le projet de loi, bien au contraire : l’attribution systématique de la dotation de solidarité communautaire aux établissements publics de coopération intercommunale signataires de contrats de ville est une façon de la renforcer.

J’approuve la remarque de Thierry Mandon sur la diversité des territoires. Quant à sa supplique relative à la complexité et à la lenteur des procédures, à laquelle je suis sensible, j’imagine qu’il ne manquera pas de la renouveler dans l’hémicycle à l’intention du ministre. En ce domaine, des améliorations doivent en effet être apportées.

Je remercie Michel Vergnier, Dominique Lefebvre et Sandrine Mazetier pour leurs appréciations positives.

Jean-Louis Dumont a fait un plaidoyer en faveur de la simplification. Celle-ci est déjà en cours sur le plan institutionnel, mais elle doit être poursuivie.

Je connais mal, monsieur Ollier, le projet du Grand Paris, mais je suis certain que le ministre de la Ville veillera à ce qu’il ne soit pas remis en cause par l’application du texte que nous examinons.

En revanche, je ne partage pas votre appréciation s’agissant des zones de redynamisation urbaine, un dispositif qui a fait son temps, d’autant qu’il n’a pas fait preuve d’une grande efficacité. Il faut dire que l’on a pris soin d’inclure dans ce zonage des quartiers qui ne pouvaient guère accueillir des initiatives économiques. Il me semble plus intéressant de faire du développement économique et commercial une composante à part entière des contrats de ville, de façon à mobiliser en sa faveur les crédits de la politique de la ville comme ceux de droit commun.

En proposant le report au 31 décembre 2015 de l’échéance du premier programme national de rénovation urbaine, je pense, madame la présidente, que le Gouvernement ne fait que prendre acte d’une situation de fait et tenir compte du calendrier des maîtres d’ouvrage comme de leurs capacités financières. Cela permettra de valider les conventions et avenants de convention déjà négociés ou en cours de négociation. En outre, l’ANRU sera ainsi en mesure de réinvestir le fruit des économies réalisées sur certains projets. N’oublions pas qu’un projet urbain est un projet vivant qui appelle certaines corrections. Or, celles-ci n’auraient pu être apportées avant la fin de cette année.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

TITRE Ier

DISPOSITIONS DE PROGRAMMATION

Article 1er : Une politique de la ville refondée et mieux évaluée

M. le rapporteur pour avis. L’amendement CF2 que j’ai déposé à l’article 1er ne viendra pas en discussion, car il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Son objectif était d’insérer, après l’alinéa 3, l’alinéa suivant : « Elle mobilise également les crédits de droit commun de tous les ministères pour appuyer les actions et politiques mises en œuvre par les contrats de ville sur les quartiers prioritaires. » À cet égard, il me semblait conforme aux intentions du ministre. Je ne vois pas en quoi l’adoption d’un tel amendement aurait pour effet d’altérer l’équilibre du budget de l’État, d’autant que l’article 1er relève plus de l’exposé des motifs que d’une véritable disposition législative. En outre, tous les orateurs qui se sont exprimés souhaitent que la politique de la ville puisse mobiliser des crédits de droit commun. C’est d’ailleurs par là que péchait la dynamique « Espoir banlieues ».

Je tenais donc à affirmer mon désaccord avec l’interprétation que le président de la commission des Finances fait ici de l’article 40.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Cela tient peut-être à la rédaction de l’amendement. Vous avez le temps, d’ici à l’examen du texte en séance publique, d’en proposer une nouvelle version.

La Commission examine l’amendement CF3 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. En matière d’accès au droit, et notamment dans les domaines de l’éducation, du logement, de l’emploi ou de la santé – qui sont au cœur de la problématique renouvelée de la politique de la ville –, nombre d’études économiques et sociologiques ont souligné les différences sensibles entre égalité formelle et égalité réelle. La première peut en effet se trouver écornée par l’existence de discriminations diverses, tenant par exemple à l’origine sociale, au quartier de résidence ou au degré d’information des habitants. La politique de la ville se doit de combattre ces discriminations, et c’est pourquoi elle doit garantir aux habitants des quartiers défavorisés une égalité « réelle » en termes d’accès au droit. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Olivier Carré. Cette question est souvent débattue dans le cadre des comités de pilotage. Concrètement, votre proposition signifie que vous êtes très favorable aux politiques de discrimination positive.

M. le rapporteur pour avis. Concrètement, cela peut en effet vouloir dire cela !

M. Olivier Carré. C’est contraire à tous les attendus des acteurs de la politique de la ville.

M. le rapporteur pour avis. Si je propose de faire ici référence à la notion d’égalité réelle, c’est que le principe d’égalité formelle ne se traduit pas toujours dans la réalité quotidienne des habitants de ces quartiers. Or, la politique de la ville se doit d’être ambitieuse en la matière.

M. Olivier Carré. Ma remarque visait uniquement à attirer votre attention sur les implications de votre amendement pour les acteurs de la politique de la ville. Il s’agit en effet d’un principe que nous avons soutenu et sur lequel nous avons été beaucoup combattus.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Il me paraît en effet intéressant, pour faire évoluer les choses, d’inscrire la discrimination positive parmi les principes d’action de la politique de la ville.

M. le rapporteur pour avis. Je souhaiterais également revenir ici sur l’intervention d’Alain Rodet en précisant que, compte tenu des contraintes budgétaires qui sont les nôtres, une telle mention nous permettra de démultiplier les moyens alloués aux territoires et aux populations qui en ont le plus besoin.

M. Olivier Carré. Ce n’est pas là le sens de cet amendement.

M. le rapporteur pour avis. C’en est l’une des composantes.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CF4 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de précision : l’accès à une éducation de qualité ainsi qu’à une offre de soins adaptée pour les habitants des quartiers défavorisés doit faire partie des objectifs généraux de la politique de la ville.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CF5 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Il est fait référence, à l’alinéa 8 de l’article 1er, aux initiatives des habitants des quartiers. Or, ceux-ci peuvent parfois se fédérer au sein d’associations ou de comités de quartier, qu’il me semble donc pertinent de mentionner.

M. Laurent Grandguillaume. Le rapporteur entend-il la notion de « comité de quartier » au sens de la loi sur la démocratie de proximité ou dans un sens élargi à l’ensemble des communes ? Dans le dernier cas, quelle définition en retient-il ? Un comité de quartier peut en effet être créé tout aussi bien à l’initiative d’associations que d’une commune.

M. le rapporteur pour avis. J’entends cette notion au sens de la loi de 2002, qui ne les a d’ailleurs rendus obligatoires que dans les communes de plus de 80 000 habitants. Je note en outre que les comités qui existent actuellement ne sont guère homogènes d’une commune à une autre et que les territoires ont même parfois créé des conseils et non des comités.

M. Éric Alauzet. Les notions d’« association » et de « comité de quartier » renvoient à des cadres juridiques bien précis. Or, certaines communes ont institué des conseils consultatifs : est-il nécessaire de les mentionner explicitement dans le projet de loi ou fera-t-on une interprétation souple de ce texte ?

M. Olivier Carré. La question du rôle que doivent jouer les associations peut se révéler délicate. Certaines d’entre elles sont en effet les principales bénéficiaires des subventions accordées dans le cadre des contrats de ville. Or, il arrive qu’elles freinent la conduite des politiques de rénovation urbaine dans certains quartiers – alors même que la nécessité de ces opérations est de notoriété publique. Et s’il est de bon sens de viser la codécision dans le cadre de la gestion de ces projets, il arrive que des intérêts privés associatifs entrent en conflit avec la vision du maître d’ouvrage qu’est en général la ville. Il est même arrivé que ce type de conflit entraîne le blocage de certains projets ou d’interventions lourdes sur le bâti. Si, par conséquent, cet amendement part d’une bonne intention, je vous mets néanmoins en garde contre le risque contentieux que sous-tend l’affirmation dans la loi du rôle de ces associations.

M. Alain Rodet. Cet amendement est important car il pose un grand principe. De nombreuses expérimentations ayant été menées – tendant à confier aux comités de quartier des responsabilités telles que la gestion d’un budget de voirie –, il importe de rappeler qu’en démocratie, par définition, seuls peuvent voter l’impôt les élus du suffrage universel.

M. le rapporteur pour avis. Mon amendement vise uniquement à préciser que « la politique de la ville s’appuie sur les initiatives des habitants, des associations et comités de quartier et favorise la participation des habitants … ». En effet, je n’imagine pas un seul instant qu’un élu local puisse promouvoir un projet de renouvellement urbain ou intervienne dans le cadre de la politique de la ville sur un territoire sans y associer les acteurs et associations locaux.

Si j’entends bien l’argumentation d’Olivier Carré, je sais également ce qu’a pu apporter à la conduite de la politique de la ville la mobilisation des associations de quartier – ne serait-ce qu’en permettant aux habitants de s’y impliquer. Certains de ces habitants ont en effet un tel sentiment d’avoir été oubliés par l’institution que l’association de ceux qui les représentent à l’élaboration de ces politiques leur permet à tout le moins de renouer le dialogue. L’amendement que je propose ne va cependant pas jusqu’à laisser aux associations et comités de quartier le soin de prendre des décisions.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Article 2 : L’achèvement du programme national de rénovation urbaine et le lancement du nouveau programme national de renouvellement urbain

La Commission est saisie de l’amendement CF6 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à tenir compte, dans l’allocation des subventions accordées par l’ANRU, de la situation financière du territoire concerné et de l’effort fiscal de ses habitants. Je souhaiterais néanmoins le rectifier pour y supprimer la référence aux « besoins sociaux » dont les indicateurs de mesure sont fort complexes à définir. L’alinéa qu’il est proposé d’insérer après l’alinéa 18 de l’article 2 serait donc ainsi rédigé :

« Les subventions accordées par l’Agence aux établissements publics de coopération intercommunale et aux communes tiennent compte de leur situation financière, de leur effort fiscal et de la richesse de leurs territoires. »

M. Patrick Ollier. La « richesse » des territoires à laquelle vous vous référez renvoie-t-elle à celle du quartier ou à celle de la commune concernée ? La première solution est compréhensible. La seconde l’est moins. Car si le potentiel fiscal peut parfaitement hisser une commune à un niveau de richesse exceptionnel, cette même commune peut néanmoins se trouver dans une situation fort difficile en termes de richesse par habitant. Lorsqu’une moitié de la population vit en cité, et l’autre dans des quartiers très aisés, l’augmentation des impôts affecte tous les habitants. La notion de « richesse par habitant » est virtuelle, à la différence de celle de « potentiel fiscal » qui est quant à elle bien réelle.

M. Olivier Carré. Cet amendement aura des conséquences très lourdes car il changera radicalement le rôle de l’ANRU. En effet, à l’heure actuelle, l’Agence finance des opérations sur la base d’un règlement et en s’appuyant sur un projet pour lequel un effort financier est demandé aux collectivités – si tant est qu’elles en aient les moyens –, mais elle n’est en rien un outil de péréquation sur le territoire. Or, dès lors que l’on subordonne l’allocation des aides de l’Agence non pas à la nature d’un projet, mais au degré de richesse des agglomérations concernées, une commune pauvre située dans une agglomération jugée riche n’obtiendra qu’un faible soutien. A fortiori lorsque les équilibres politiques locaux sont défavorables à cette commune pauvre, l’ANRU décidera d’aider faiblement l’agglomération dont celle-ci est membre.

Retenir comme critère de soutien à un projet le degré de richesse des territoires concernés et non la nature même de ce projet équivaut à remettre complètement en cause les fondements de la réussite de l’ANRU et à revenir à la méthode retenue lors du lancement de la politique de la ville il y a une vingtaine d’années – méthode qui, je vous le rappelle, a complètement échoué ! Avant l’adoption du programme national de rénovation urbaine, l’actuel président de l’Assemblée nationale alors ministre de la Ville avait lui-même considéré la politique de la ville de l’époque comme un échec, ce qui l’avait conduit à instituer les grands projets de ville, et ainsi à poser les premiers jalons de la politique définie par Jean-Louis Borloo. Il me paraîtrait donc contre-productif d’en revenir à un système de péréquation.

M. Laurent Grandguillaume. Cette proposition me semble à moi aussi poser une difficulté dans la mesure où une structure intercommunale peut très bien comporter des quartiers correspondant à des poches de pauvreté, mais néanmoins situés dans des communes riches. Il importe donc d’éviter de remette en cause le ciblage des aides sur ces quartiers très difficiles.

M. Christophe Castaner. Notre débat vise à déterminer à quel niveau la solidarité nationale doit intervenir et comment prendre en compte l’engagement local dans l’attribution d’aides nationales. Or, il est fait référence dans cet amendement non pas au potentiel fiscal mais à l’effort fiscal, qui correspond au rapport entre le produit des taxes locales et le potentiel fiscal. Ces deux notions, qui ne sont pas toujours liées, permettent cependant l’une et l’autre d’évaluer la capacité d’action des collectivités locales. Et il est normal que la solidarité nationale prenne en compte l’effort fourni par les contribuables au niveau local sous la conduite de municipalités assumant le choix de l’impôt plutôt que de faire appel à la solidarité nationale.

Se pose en outre la question de la définition de la richesse du territoire : il convient en effet d’éviter que des projets pris en charge par une commune – même riche – ne soient abandonnés du fait d’un écart de revenus important entre différentes populations vivant sur son territoire. Cette remarque vaut d’ailleurs aussi pour l’amendement CF1 d’Éric Alauzet à l’article 3, qui fait référence au potentiel fiscal par habitant de la région. En effet, dans une région ayant décidé de ne pas faire de la politique de la ville un objet de son action, un tel amendement pénaliserait les investissements dont certains quartiers pourraient avoir besoin.

M. Éric Alauzet. C’est la volonté de cibler les aides sur les territoires en ayant le plus besoin qui a motivé la réforme de la politique de la ville. Or, mon amendement CF1 à l’article 3, qui est dans le même esprit que celui du rapporteur, poursuit précisément cet objectif.

Il est vrai que le choix du critère de richesse retenu pose question. Mais que l’on fasse référence au potentiel fiscal, au produit intérieur brut ou encore au revenu par unité de consommation, il nous paraît nécessaire de prendre en compte la richesse de la région dans laquelle se situent les territoires destinataires de la politique de la ville afin de déterminer si ceux-ci peuvent bénéficier de la solidarité régionale, et de ce fait avoir moins besoin des subventions nationales pour mener à bien leurs opérations de développement social urbain. Cela me paraît d’autant plus important que la richesse de certaines grandes métropoles et agglomérations résulte du fait que celles-ci ont bénéficié de la solidarité nationale au cours des soixante dernières années, contrairement aux régions périphériques qui, s’étant dotées plus tardivement des mêmes équipements, ne bénéficient pas aujourd’hui du même niveau d’aides. Par retour de solidarité, nous proposons donc de superposer un carreau régional à l’actuelle unité de référence d’évaluation des territoires éligibles.

M. le rapporteur pour avis. Je rappellerai deux réalités incontournables. Tout d’abord, les projets de rénovation urbaine qui ont été menés dans le cadre de la première phase du programme national de rénovation urbaine correspondaient le plus souvent à ceux qui étaient les plus faciles à entreprendre en raison de leur maturité et du fait que les capacités financières des communes concernées ont pu être mises à contribution. Nous avons ainsi pu réaliser des opérations importantes qui ont eu le mérite de faire évoluer le quotidien des habitants des quartiers – même si elles ont conduit à un alourdissement du niveau d’endettement des communes concernées. Et lorsque nous avons négocié le financement du programme ANRU 1 avec les autorités préfectorales, la grille de financement à laquelle celles-ci nous ont soumis était homogène, prévoyant un plafonnement des crédits d’intervention à 40 %. La seconde phase du programme va donc se construire sur cet acquis.

Or, alors que nous abordons justement cette seconde phase, nombre de communes dont le revenu par habitant reste modeste vont souhaiter rénover des quartiers voisins de zones déjà remodelées en profondeur – quartiers voisins qui, s’ils étaient un peu plus favorisés au départ, se retrouvent à présent à un niveau nettement inférieur et réclament par conséquent des aides comparables. Sauf qu’entre-temps, les collectivités ayant déjà emprunté ne disposent plus des mêmes marges de manœuvre financières qu’auparavant.

Par conséquent, si l’on conserve une grille de financement homogène sur tous les projets, on empêchera les communes s’étant impliquées dans la première phase du programme de le faire dans la seconde, alors même que leur intervention est nécessaire. À cet égard, vous avez raison de souligner que mon amendement révolutionne le mode de fonctionnement de l’ANRU. Il convient néanmoins de tenir compte de ces évolutions financières afin que les quartiers non encore bénéficiaires du programme puissent y participer. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Patrick Ollier. Monsieur le rapporteur, ne devriez-vous pas faire référence à la capacité contributive de la commune – liée aux emprunts qu’elle a souscrits et aux impôts locaux qu’elle a votés – plutôt qu’à la richesse de son territoire ? Cette dernière expression mériterait en tout cas d’être mieux définie.

M. le rapporteur pour avis. Je précise qu’il est fait mention dans mon amendement de la richesse des territoires – au pluriel. Et si je vous accorde que cette notion pourrait être affinée, on aurait tort de négliger cet enjeu.

M. Jean-Louis Dumont. Jusqu’à présent, le pilote des opérations de renouvellement urbain a toujours été le maire de la commune concernée. Et lorsque dans le cadre de ces opérations, des populations ont dû être relogées sur le territoire d’autres collectivités, la convention conclue avec l’ANRU prévoyait l’accord de ces dernières pour la construction sur leur territoire de nouveaux logements destinés à l’accueil de ces populations.

En effet, lorsque de nouveaux logements sont construits dans une commune dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain, la priorité dans l’attribution de ces logements est systématiquement accordée aux ménages dont l’ancien logement a été démoli si bien que le maire de la commune d’accueil des logements reconstruits ne peut que prendre acte des mouvements de locataires qui sont opérés. Le maire sait d’ailleurs pertinemment que 50 à 60 % des logements disponibles sur son territoire seront alors attribués d’office à une population qui ne relève pas obligatoirement de sa commune alors que lorsqu’une opération de construction de logements sociaux de droit commun est réalisée sur son territoire par un organisme HLM, il est convié à participer aux réunions de la commission d’attribution des logements et peut y formuler des propositions, voire y favoriser la mobilité des habitants de sa propre commune au sein du parc HLM.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Je crains qu’un tel amendement ne crée un réel déséquilibre entre les communes ayant déjà mené des opérations de rénovation urbaine – et qui, dans le cadre de nouvelles opérations, seraient aidées davantage encore, dans des proportions dépassant toute raison – et celles qui n’ont pas encore engagé d’opérations et qui n’en auraient même pas la chance. Un tel déséquilibre me paraît dangereux tant il remet en cause les modalités d’intervention actuelles de l’ANRU.

M. le rapporteur pour avis. Je souhaite cependant maintenir mon amendement car l’enjeu est fondamental pour le financement des opérations à venir. L’ANRU, qui a mené des opérations remarquables ces dernières années, doit être mesure d’adopter une approche financière différente.

La Commission adopte l’amendement CF6 ainsi rectifié.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

Article 3 : Le remplacement de la dotation de développement urbain par une dotation spécifique « politique de la ville »

La Commission est saisie de l’amendement CF1 de M. Éric Alauzet. 

M. le rapporteur pour avis. Si je maîtrise mal les incidences de cet amendement, j’en comprends bien l’esprit. Néanmoins, je ne peux dissimuler mes réserves quant à son impact financier. A fortiori compte tenu du débat qui vient d’avoir lieu, j’émets un avis défavorable à son adoption.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite à l’amendement CF7 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que la nouvelle dotation prévue à l’article 3 doit être attribuée non seulement à l’EPCI, mais également aux communes qui en sont membres, dès lors qu’elles contribuent en propre au financement des investissements concernés. Cela dit, j’ai cru comprendre que le Gouvernement allait nous proposer une rédaction alternative.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

TITRE II

DES INSTRUMENTS ET DE LA GOUVERNANCE
DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Chapitre Ier

De la géographie prioritaire

Article 4 : Une géographie prioritaire réformée et rationalisée

L’amendement CF8 du rapporteur est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Chapitre II

Des contrats de ville

Article 5 : La création de contrats de ville de nouvelle génération

La Commission examine l’amendement CF9 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement, qui vise à préciser l’articulation des responsabilités respectives de l’EPCI et du maire dans la conduite de la politique de la ville sur le territoire de la commune, a recueilli une approbation générale dans le cadre de notre débat de tout à l’heure. Je souhaite simplement le rectifier afin d’en alléger la rédaction en supprimant la référence – superflue – aux articles du code général des collectivités territoriales. L’amendement se lira donc ainsi :

« L’établissement public de coopération intercommunale est responsable de l’animation et de la coordination du contrat de ville. 

« Le maire est responsable de la mise en œuvre, sur le territoire de la commune, des actions définies par le contrat de ville, par ses moyens propres ainsi que ceux engagés par l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »

M. Jean-Louis Dumont. Ne conviendrait-il pas de préciser que c’est sur le territoire de « sa » commune, et non de « la » commune, que le maire sera responsable de la mise en œuvre des actions définies par le contrat de ville ?

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Une telle précision me paraît inutile tant elle est évidente. Car enfin, avez-vous déjà vu un maire intervenir dans une autre commune que la sienne ?

M. Jean-Louis Dumont. Dans le cadre d’opérations de rénovation urbaine, oui !

M. Olivier Carré. Le premier alinéa de l’article 5 dispose que « la politique de la ville est mise en œuvre par des contrats conclus à l’échelle intercommunale entre, d’une part l’État et ses établissements publics, d’autre part les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ». Cela veut donc dire qu’aucun contrat de ville ne sera conclu entre la commune et l’État ; de tels contrats ne seront signés qu’entre l’EPCI et ce dernier – même dans des domaines tels que la sécurité ou l’éducation. Or, il est rare que la fonction de police soit confiée à l’intercommunalité – même si je reconnais que c’est le cas dans certaines communes de ma circonscription. Tout contrat sera par conséquent d’abord conclu entre l’EPCI et l’État puis ensuite décliné à l’échelle des communes.

Or, certaines des actions menées dans les quartiers continuent à relever du maire – ce qui est en contradiction avec l’articulation des responsabilités proposée par le Gouvernement. Nous allons donc de nouveau – comme il y a dix ans – passer notre temps à essayer de déterminer qui est responsable de quoi. Ce débat dépasse d’ailleurs le clivage droite-gauche car nous avons tous vécu ce type d’expériences dans nos communes.

Dans de nombreux domaines, c’est donc sous la vigilance du président de l’EPCI et non du maire – c’est-à-dire sans que cela soit nécessairement cohérent avec les politiques déclinées sur le territoire communal – que l’État mobilisera ses crédits spécifiques et de droit commun en faveur des quartiers.

M. le rapporteur pour avis. Je ne suis pas aussi pessimiste que vous. C’est la philosophie même du texte que d’établir le contrat de ville à l’échelon intercommunal afin de garantir une certaine cohérence et de disposer d’un organe de décision unique – ce qui n’est actuellement pas le cas partout, tant s’en faut. Simplement, il importe de réaffirmer le rôle du maire en tant que responsable de la mise en œuvre des actions définies dans le cadre de ce contrat.

M. Olivier Carré. Le maire doit le faire en rapport avec l’État, à moins que ce dernier ne délègue certaines de ses compétences à l’EPCI.

M. le rapporteur pour avis. Non ! Vous confondez la signature du contrat de ville – par l’État et l’EPCI – avec sa mise en œuvre concrète par le maire, sur le territoire de la commune concernée.

La Commission adopte l’amendement CF9 ainsi rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF10 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. L’article 1er du projet de loi pose le principe de l’association des citoyens à la définition et à la mise en œuvre des actions qui sont conduites dans les quartiers défavorisés. L’alinéa 3 de l’article 5 déclinant ce principe pour l’élaboration des contrats de ville, il convient de le faire également pour ce qui concerne la mise en œuvre et l’évaluation.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.

Chapitre III

De la gouvernance de la politique de la ville

Article 8 : Une gouvernance locale de la politique de la ville clarifiée

La Commission examine l’amendement CF11 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Les crédits alloués au titre de la politique de la ville et les financements de droit commun, loin d’être exclusifs les uns des autres, doivent être complémentaires. C’est l’ambition de ce projet que de les préciser sur un même territoire. Cet amendement vise ainsi à mettre en évidence les engagements des différentes parties dans l’annexe budgétaire qui devra être dédiée au contrat de ville. Ainsi y gagnera-t-on en transparence et, je l’espère, en cohérence.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CF12 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit là d’un amendement de clarification dont je ne suis pas certain qu’il recueille l’adhésion du Gouvernement. Les communautés urbaines ayant fort à faire, je ne suis pas convaincu qu’il faille leur confier la compétence en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance. Et je suis a priori favorable, conformément au principe de subsidiarité, à ce que les questions locales restent traitées à l’échelon communal et que les communautés urbaines n’interviennent que lorsque les enjeux sont de portée intercommunale. Cela me paraît en effet plus sain et plus logique.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Cela signifie-t-il que les communautés de communes pourront conserver cette compétence mais pas les communautés urbaines ?

M. le rapporteur pour avis. Les politiques de sécurité comportent deux volets. La politique de sécurité, définie dans le cadre du contrat local de sécurité, relève de la compétence communale – le maire étant garant du pouvoir de police sur son territoire. Quant à la prévention de la délinquance, elle peut faire l’objet d’un dispositif local de prévention de la délinquance. Mais dans ce cas, je ne vois pas pourquoi la compétence en matière de sécurité devrait être scindée ni pourquoi la prévention de la délinquance devrait être transférée à l’intercommunalité tandis que la politique de sécurité resterait conduite au seul niveau communal, sachant par ailleurs que les communautés urbaines peuvent déjà exercer un nombre important de compétences très larges.

Encore une fois, je ne suis pas certain que cet amendement recueillera l’assentiment du Gouvernement, qui pourrait me faire la même objection que vous, madame la présidente.

M. Olivier Carré. Le rapporteur vient de nous faire la démonstration très claire de ce qu’il convient de faire pour l’ensemble des politiques de proximité : à savoir que le maire doit en rester le maître d’ouvrage. C’est pourquoi je m’inquiète que ce soit à l’EPCI que l’on confie la responsabilité de conclure des contrats avec l’État dont la mise en œuvre sera ensuite déclinée au niveau de la commune – avec laquelle l’intercommunalité devra également signer un contrat. On a suffisamment critiqué dans nombre de rapports la complexité de la politique de la ville pour ne pas en rajouter ici.

M. le rapporteur pour avis. Je ne partage pas votre avis. Ce projet de loi définit un cadre prioritaire d’intervention, le contrat de ville, qui traitera d’enjeux liés à la politique de la ville, et dans lequel on distinguera entre les crédits spécifiques à cette politique et les financements de droit commun. Cependant, il est des compétences qui ne relèveront pas de ce contrat, parmi lesquelles figure la sécurité. Cette question a d’ailleurs été évoquée dans bien des associations d’élus. Les différences d’approche demeurent importantes sur ce point et transcendent tous les bords politiques : on ne peut donc établir de généralité.

En tout état de cause, il s’agit là d’un amendement d’appel visant à clarifier cette question. L’intérêt d’une révision de la géographie prioritaire de la politique de la ville – qui d’ailleurs ne peut tout régler – est de faire en sorte que ce contrat de ville mette en cohérence les différentes zones d’intervention des pouvoirs publics. En effet, d’autres territoires d’intervention prioritaire ont été définis, tels que les zones d’éducation prioritaire ou les zones de sécurité prioritaire, notamment. Et la défaillance en matière de sécurité en entraîne d’autres, en matière de logement, d’urbanisme, d’action sociale ou d’éducation.

La Commission adopte l’amendement CF12.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.

Article 9 : Une nouvelle dotation de solidarité communautaire

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

© Assemblée nationale

1 () Rapport n° 1428 annexe n° 24.

2 () En fait le 21 octobre 2013.