Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 1601

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 1420),

ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE
,
autorisant la ratification du traité sur le
commerce des armes,

par Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL

Députée

——

Voir les numéros :

Sénat : 837 (2012-2013), 33, 34 et T.A. 8 (2013-2014).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE COMMERCE DES ARMES CLASSIQUES NÉCESSITE UN MÉCANISME DE RÉGULATION COLLECTIF 7

A. UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE 7

1. Un commerce mondial très dynamique 7

2. Une régulation internationale quasi inexistante 8

3. Un trafic fortement corrélé aux violences et aux conflits régionaux 10

B. UN TRAITÉ CONTRAIGNANT S’APPUYANT SUR LE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS 11

1. La genèse du TCA 11

2. Le TCA, un accord historique renforçant le droit international humanitaire 12

3. Un traité fondé sur deux piliers: le contrôle des exportations légales et la lutte contre le trafic illicite des armes 13

II. LE TCA FONDE UNE ARCHITECTURE INTERÉTATIQUE ROBUSTE ET DYNAMIQUE 15

A. UN TEXTE SOLIDE ET EN CONFORMITÉ AVEC NOTRE DROIT 15

1. Un champ d’application large 15

2. Une articulation harmonieuse avec le droit européen 17

3. Un accord économiquement neutre pour notre industrie de défense 18

B. UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE APPELÉE À S’APPROFONDIR 20

1. La ratification du TCA conditionne son entrée en vigueur 20

2. Le droit d’amendement du TCA 20

3. Une coopération future assurée par des structures dédiées 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

ANNEXES 27

ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure 27

ANNEXE 2 : Les textes fondateurs du droit international humanitaire et des droits de l’homme 29

ANNEXE 3 : Tableau d’état des signatures et ratifications  31

INTRODUCTION

Adopté par le Sénat le 8 octobre dernier, le présent projet de loi vise à autoriser la ratification du Traité sur le commerce international des armes classiques. Ce Traité a été signé par la France, aux côtés de 66 autres pays, le 3 juin 2013. Premier grand traité universel du XXIe siècle sur les armements, il vient compléter l’architecture diplomatique du désarmement formée par les précédents grands traités du XXe siècle, notamment le Protocole de Genève de 1925 sur les armes chimiques et bactériologiques et le Traité de non-prolifération nucléaire de 1968.

La dénomination « armes classiques » recouvre l’ensemble des armes qui ne sont pas de destruction massive, ce qui inclut à la fois les armements lourds (chars et véhicules blindés de combat, artillerie, navires de guerre, avions de combat, missiles, etc.) et les armes légères et de petits calibres (armes de poing, pistolets mitrailleurs, fusils, fusils d’assaut, fusils mitrailleurs, etc.).

Le Traité instaure un régime de contrôle des exportations d’armements conventionnels qui repose sur une obligation stricte d’interdiction d’exportation lorsque celle-ci met manifestement en danger le droit international des droits de l’Homme, le droit humanitaire, la paix et la sécurité. Il fonde également une coopération internationale dynamique qui s’appuie sur des structures permanentes et sur un droit d’amendement permettant d’adapter le Traité aux évolutions des armements.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a souligné l’effort de la France dans le domaine du contrôle des transferts internationaux d’armements. En devenant l’un des premiers pays à ratifier ce texte, la France continuera à jouer son rôle moteur dans l’élaboration d’un système de sécurité international fondé sur le droit.

I. LE COMMERCE DES ARMES CLASSIQUES NÉCESSITE UN MÉCANISME DE RÉGULATION COLLECTIF

A. UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE

1. Un commerce mondial très dynamique

Bien que le ralentissement de l’activité économique en Europe ait un temps affecté le commerce des armes classiques, l’augmentation des dépenses militaires asiatiques lui assure à nouveau le dynamisme constaté lors de la première moitié de la décennie 2000-2010.

De 2003 à 2012, le volume des transferts internationaux d’armements conventionnels majeurs a crû de 17 % en volume. Sur la période 2005-2012, le bureau des affaires du désarmement des Nations unies (UNODA) évalue à plus de 9,45 millions d’unités le nombre d’armes de poing, fusils et carabines, fusils d’assaut, pistolets mitrailleurs et fusils mitrailleurs ayant fait l’objet d’une exportation. D’après l’organisation non-gouvernementale Amnesty International, 875 millions d’armes à feu seraient actuellement en circulation dans le monde.

Les estimations fournies à votre rapporteure par le ministère de la Défense établissent que le marché des armes représenterait en moyenne 75 milliards d’euros par an sur la période 2006-2011. Cependant, son montant réel est sans doute nettement supérieur : les estimations se fondent en effet sur les données publiées par les gouvernements, qui ne partagent pas les mêmes méthodes de qualification des armements ou qui ne fournissent simplement aucune donnée sur certains transferts – il est par exemple impossible de connaître le nombre annuel d’autorisations d’exportation d’armement délivrées par la Chine. L’opacité actuelle du commerce des armes continue à être l’une de ses caractéristiques les plus préoccupantes en termes de régulation.

Le commerce des armes reste majoritairement circonscrit à quelques États. Sept pays représentent en effet à eux seuls près de 90 % du commerce d’armes dans le monde : les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et Israël. Il est à noter que, selon le Stockholm International Peace Research Institute, la part de marché de la Chine sur la période 2008-2012 s’est établie à 5 %, faisant d’elle le cinquième plus grand exportateur d’armements conventionnels devant le Royaume-Uni.

Les principaux importateurs d’armes dans le monde sont l’Inde, le Pakistan, le Japon, l’Arabie saoudite, la Corée du Sud et Singapour. La surreprésentation de pays asiatiques est corrélée à la montée en puissance des budgets militaires en Asie du Nord-Est, dont le montant total est, depuis 2012, supérieur à celui de l’Europe de l’Ouest. L’Asie est en ce début de XXIe siècle le moteur principal du commerce des armes conventionnelles.

2. Une régulation internationale quasi inexistante

Il n’existe aujourd’hui aucun instrument juridique universel ou véritablement contraignant en matière de commerce licite des armes conventionnelles.

Il convient de rappeler que les traités sur l’interdiction des mines antipersonnel (1) (1997) et des armes à sous-munitions (2) (2008), bien que marquant un progrès dans la lutte pour la protection des populations civiles, n’ont pas été conclus dans le cadre des Nations unies – plusieurs puissances (États-Unis, Chine, Inde, Russie) ayant refusé de participer aux négociations ou de signer ces textes.

En l’absence d’instruments juridiques contraignants, le contrôle des armes conventionnelles a fait avant tout l’objet d’engagements politiques encourageant la transparence. Il en est ainsi du registre des armes classiques de l’Organisation des Nations unies, créé en 1992 pour renforcer la sécurité et favoriser la confiance entre États. Ce système, qui prévoit que les gouvernements communiquent des informations sur les exportations et importations de sept catégories d’armes majeures, repose entièrement sur le volontariat des administrations nationales.

En réalité, les règles internationales les plus contraignantes en matière de commerce des armes conventionnelles sont les embargos décidés dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. À titre d’exemples, la République islamique d’Iran et les forces non-gouvernementales opérant sur le territoire de la République démocratique du Congo sont sujettes à des sanctions interdisant de leur livrer ou de leur acheter des armes. Cependant, une sanction a posteriori ne peut satisfaire que partiellement le but poursuivi par l’établissement d’un contrôle a priori.

Cette absence de règles universelles de contrôle a conduit certaines organisations régionales à se doter d’outils de régulation plus ou moins complets. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), qui regroupe neuf pays(3), a ainsi mis en place un cadre permanent de coopération internationale sur le trafic illicite des armes, mais n’a produit aucune règle contraignante concernant leur commerce licite. De son côté, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a adopté un régime de contrôle du désarmement, comportant des règles communes en matière d’armes légères.

Enfin, l’Union européenne propose un modèle plus abouti de régulation internationale du commerce des armes. La clé de voûte de ce système de régulation contraignant est la position commune du Conseil de l’Union européenne définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipement militaires (n° 2008-944 PESC).

les huit critères de la position commune

(extraits de l’article 2)

« Respect des obligations et des engagements internationaux des États membres, en particulier des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou l’Union européenne, des accords en matière, notamment, de non-prolifération, ainsi que des autres obligations internationales;

« Respect des droits de l’homme dans les pays de destination finale et respect du droit humanitaire par ce pays ;

« Situation intérieure dans le pays de destination finale (existence de tensions ou de conflits armés) ;

« Préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales ;

« Sécurité nationale des États membres et des territoires dont les relations extérieures relèvent de la responsabilité d’un État membre, et de leurs pays amis ou alliés ;

« Comportement du pays acheteur à l’égard de la communauté internationale, et notamment son attitude envers le terrorisme, la nature de ses alliances et le respect du droit international ;

« Existence d’un risque de détournement de technologie ou des équipements militaires dans le pays acheteur ou de réexportation de ceux-ci dans des conditions non souhaitées ;

« Compatibilité des exportations des technologies ou d’équipement militaires avec la capacité technique et économique du pays destinataire, compte tenu du fait qu’il est souhaitable que les États répondent à leurs besoins légitimes de sécurité et de défense en consacrant un minimum de ressources humaines et économiques aux armements. »

3. Un trafic fortement corrélé aux violences et aux conflits régionaux

L’impact sécuritaire de l’absence de régulation du commerce des armes concerne tous les types d’armements et tous les types de conflits. Selon le bureau des affaires du désarmement des Nations unies, l’équipement alimentant les conflits non-étatiques – qui forment la plupart des conflits contemporains – est très majoritairement composé d’armes légères et de petits calibres (ALPC) issues du commerce d’armes mal régulé. Les armements conventionnels lourds vendus en toute légalité à des États sont aussi utilisés pour commettre de graves violations des droits de l’Homme (4), comme l’illustrent les récents événements en Libye ou en Syrie.

Dans sa publication intitulée « L’impact des transferts d’armes faiblement contrôlés sur le travail des Nations unies » de mars 2013, le mécanisme de coordination de l’action concernant les armes légères (CASA) des Nations unies rappelait : « les opérations de maintien de la paix peuvent s’avérer particulièrement ardues dès lors que des parties ne voulant pas sérieusement mettre fin à la confrontation continuent à avoir accès à des sources d’approvisionnement en armes et en munitions. Les groupes cherchant à troubler les efforts de paix en ayant recours à des actions violentes ont le plus grand intérêt à s’éloigner des accords de paix quand ils peuvent continuer à payer leurs soldats et acheter des armes ».

L’absence de régulation du commerce des armes facilite leur trafic illicite. En plus de perturber les efforts de paix, celui-ci alimente la corruption, le crime organisé et le terrorisme. Dans certaines régions du monde telles que l’Amérique latine ou les Caraïbes, le trafic de drogue mis en place par le crime organisé s’accompagne de transferts massifs et illicites d’armes légères et de petits calibres. À titre d’exemple, on estime que les gangs opérant à Haïti seraient en possession de plus de 17 000 armes illégales, posant un risque indéniable pour la sécurité de ses habitants(5).

Pour les groupes islamistes opérant dans la bande sahélienne, la frontière entre les activités terroristes et les trafics de tous genres est, on le sait, extrêmement ténue(6). Ces groupes sont insérés au cœur de trafics de drogues, d’hommes et d’armes dont ils tirent financements et équipements. L’effondrement du régime de Kadhafi a également constitué une source d’équipements conventionnels non négligeable pour tous les groupes armés de la région, démontrant le lien entre transferts d’armes légaux à un État fragile et dispersion illicite des armements.

On peut aussi souligner que les forces françaises ont découvert lors de l’opération Serval au nord Mali plusieurs dizaines de tonnes d’armes et de munitions(7).

B. UN TRAITÉ CONTRAIGNANT S’APPUYANT SUR LE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS

Face à cette question d’essence internationale, une solution commune s’est imposée : l’encadrement à l’échelle globale du commerce licite des armes.

1. La genèse du TCA

Le Traité sur le commerce international des armes classiques (TCA) est le fruit d’une réflexion portée à l’origine par la société civile, suscitée par les révélations sur les pratiques douteuses liées au commerce des armes dans le cadre de la première guerre du Golfe. La première initiative pour la création d’un instrument international ayant force de loi fut porté en 1995 par le prix Nobel de la paix et ancien Président du Costa Rica, Oscar Arias Sanchez, qui appela à l’adoption d’un code de conduite international sur les transferts d’armes. Cependant, la mobilisation des organisations non-gouvernementales au niveau planétaire ne prit véritablement forme qu’en 2003, lors de la création d’un collectif baptisé « Contrôlez les armes ».

Face à la pression de la société civile, et grâce à l’engagement de quelques États – le Royaume-Uni tout d’abord, rapidement suivi de la France et de la Norvège – un processus de discussion officiel fut lancé en 2006 par la résolution A/Res/61/89 de l’Assemblée générale des Nations unies intitulée : « Vers un Traité sur le commerce des armes : établissement de normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques ». La France, qui avait assuré le co parrainage ainsi que la promotion de cette résolution, fut dès lors représentée à tous les niveaux du processus d’élaboration de cet outil juridique.

La première phase de préparation du traité, marquée par la consultation des États et de leur expertise de 2007 à 2009, conclut sur la tenue d’une conférence diplomatique en 2012. La deuxième phase, ouverte en 2010, a correspondu aux réunions du Comité préparatoire à la conférence de 2012. Celles-ci abordèrent les problématiques du champ d’application du futur traité et de ses dispositions finales, et enrichirent le projet de traité de manière à refléter les vues d’une grande majorité des États membres.

La première conférence diplomatique, qui se tint du 2 au 27 juillet 2012, ne put aboutir à la signature du traité. Certains pays, au premier rang desquels les États-Unis, souhaitaient un délai supplémentaire afin de parfaire sa rédaction. Les États définirent tout de même un ensemble solide de principes qui servirent de base aux travaux de la conférence suivante, convoquée par l’Assemblée générale dans sa résolution A/RES/67/234 de novembre 2012.

Cette conférence fut organisée du 18 au 28 mars 2013 et aboutit au présent texte, dont l’adoption par consensus voulue par de nombreux pays fût cependant bloquée par trois États (Iran, Syrie, Corée du Nord). C’est donc l’Assemblée générale des Nations unies qui adopta le TCA le 2 avril 2013 par 154 voix pour, trois contre et 22 abstentions. La Chine, la Russie, l’Inde et de nombreux pays arabes se sont abstenus lors du vote pour des raisons diverses, comme par exemple une prise en compte insuffisante des préoccupations des importateurs. Cependant, les « lignes rouges » de ces différents pays n’ont pas été franchies, conférant au traité sa démarche universelle.

Le 3 juin 2013, la France a signé aux côtés de 66 autres États membres le Traité sur le commerce international des armes classiques. Depuis, 115 États ont signé le traité et huit l’ont ratifié.

2. Le TCA, un accord historique renforçant le droit international humanitaire

Le TCA est un traité historique qui vient compléter l’architecture préexistante de contrôle des armements.

Cette architecture comprend déjà un grand nombre de traités régissant les armes non conventionnelles : Protocole de Genève de 1925 sur les armes chimiques et bactériologiques, Traité de non-prolifération nucléaire, Traité d’interdiction complète des essais nucléaires ou encore Convention sur l’interdiction des armes biologiques.

Le Traité se fonde notamment sur la protection du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme, dont les sources principales sont présentées en annexe de ce rapport.

Ces principes trouvent leurs applications aux articles 6.3 et 7.1 du Traité : la contrainte sur le transfert d’armes classiques s’applique dès lors qu’un risque d’atteinte à ces droits fondamentaux est avéré. Ainsi, l’article 6.3 interdit le transfert d’armes lorsque l’État a connaissance lors de l’autorisation que « ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est Partie ».

Si l’interdiction ne s’applique pas, l’article 7.1 du Traité prévoit que l’État Partie exportateur, avant d’autoriser l’exportation des armes, vérifie si l’exportation de ces biens pourrait servir à « commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission » ou « commettre une violation grave du droit international des droits de l’Homme ou à en faciliter la commission ».

Le TCA repose aussi sur les piliers traditionnels du droit international. Sont ainsi reconnus comme principes fondamentaux du traité « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu à tous les États », « la non-intervention dans des affaires relevant essentiellement de la compétence nationale de tout État » et « le règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques, de manière à ne pas mettre en danger la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ». En outre, les États doivent refuser une autorisation de transfert qui violerait leurs engagements internationaux (article 6.2) ou les mesures prises par le conseil de sécurité de l’ONU en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies, en particulier les embargos sur les armes (article 6.1).

3. Un traité fondé sur deux piliers: le contrôle des exportations légales et la lutte contre le trafic illicite des armes

Situés au cœur des dispositions du traité, les articles 6 et 7 forment le premier pilier de la future régulation du commerce international des armes classiques : le contrôle des exportations légales(8).

L’instrument essentiel prévu à cet effet par le Traité est l’interdiction d’exportation. Deux cas de figures sont distingués :

– soit l’exportation viole l’un des principes et règles énumérés à l’article 6, l’interdiction d’exportation par l’État Partie exportateur est alors obligatoire ;

– soit l’exportation ne fait pas l’objet d’une interdiction obligatoire au titre de l’article 6, l’exportation est alors soumise par l’État Partie exportateur à une évaluation préalable obligatoire portant sur les risques de violations des principes et règles énumérés à l’article 7, un risque prépondérant de violation de ces règles entraînant obligatoirement une interdiction d’exportation par l’État Partie exportateur.

Dans ce dernier cas, l’État Partie exportateur doit envisager de mettre en place des mesures d’atténuation desdits risques.

Les évaluations prévues à l’article 7 sont menées « de manière objective et non discriminatoire, en tenant compte de tout élément utile, notamment de l’information fournie par l’État importateur ». Ces évaluations peuvent déboucher sur des autorisations globales, comme les États membres de l’Union Européenne les pratiquent actuellement (9).

les principes consacrés par les articles 6 et 7 du tca

Article 6 : interdiction d’exportation obligatoire

« L’interdiction de l’exportation d’armement s’impose à tous les États Parties du Traité dès lors que cette exportation d’armement :

« – violerait les obligations de l’État exportateurs au retard des mesures prises par le Conseil de sécurité des Nations unies – c’est le cas notamment des mesures d’embargos sur les armes ;

« – violerait les obligations internationales résultant des accords auxquels l’État exportateur est partie, notamment concernant le transfert et le trafic illicite d’armes classiques ;

« – permettrait la commission de génocides, crimes contre l’humanité, attaques contre des civils, crimes de guerre et violations graves des conventions de Genève. »

Article 7 : interdiction d’exportation non obligatoire mais soumise à évaluation préalable obligatoire

« Pour l’ensemble des demandes d’exportations n’entrant pas dans le champ des exclusions fixé à l’article 6, les États Parties doivent obligatoirement mener des évaluations préalables sur les exportations d’armement de manière à s’assurer que celles-ci :

« – ne contribuent pas ou ne portent pas atteinte à la paix et à la sécurité ;

« – ne puissent pas servir à commettre ou ne facilitent pas la commission d’une violation grave du droit international humanitaire ;

« – ne puissent pas servir à commettre ou ne facilitent pas la commission d’une violation grave du droit international des droits de l’Homme ;

« – ne commettent ou ne facilitent pas la commission d’un acte constitutif d’infraction au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme auxquels l’État exportateur est Partie ;– ne commettent ou ne facilitent pas la commission d’un acte constitutif d’infraction au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs à la criminalité transnationale organisée auxquels l’État exportateur est Partie. »

Le second pilier du Traité est la lutte contre le détournement du commerce légal des armes classiques et contre leur trafic illicite, auxquels sont consacrées les dispositions de l’article 11.

Celles-ci portent engagement de chaque État Partie de réprimer le trafic illicite d’armes dès lors qu’ils en ont connaissance (11.1 et 11.2), y compris lors d’un transfert légal couvert par le présent Traité (11.4). Les dispositions prévues à l’article 11.3 obligent également les États Parties d’importation, de transit, de transbordement et d’exportation à coopérer et échanger lors des transferts d’armes classiques couverts par le présent Traité. Enfin, les États Parties sont encouragés à échanger des informations en amont sur les trafics illicites afin de lutter plus efficacement contre eux, ainsi qu’à faire part au Secrétariat général des Nations unies des mesures qu’ils prennent en ce sens (11.5 et 11.6).

II. LE TCA FONDE UNE ARCHITECTURE INTERÉTATIQUE ROBUSTE ET DYNAMIQUE

A. UN TEXTE SOLIDE ET EN CONFORMITÉ AVEC NOTRE DROIT

1. Un champ d’application large

Le champ d’application du Traité était à l’origine menacé par la diversité des positions des principaux exportateurs et importateurs d’armements conventionnels. Ainsi, les États-Unis, qui produisent six milliards de cartouches par an, souhaitaient que les munitions ne fassent pas partie de l’accord ; l’Inde, l’Égypte, le Vietnam demandait que les pièces soient exclues de la discussion ; la Chine défendait une position similaire concernant les armes légères tandis que la Corée du Sud ne voulait pas restreindre les transferts de technologie. En dépit de ces contradictions initiales, le Traité s’est vu conférer un champ d’application large.

Les articles 2, 3 et 4 définissent les types d’armements couverts par la convention.

Il est stipulé à l’article 2.1 que le Traité s’applique à toutes les armes classiques relevant des catégories suivantes : les chars de combat ; les véhicules blindés de combat ; les systèmes d’artillerie de gros calibre ; les avions de combat (y compris les drones armés) ; les hélicoptères de combat ; les navires de guerre ; les missiles et lanceurs de missiles ; les armes légères et armes de petit calibre.

Il est stipulé à l’article 3 que les munitions sont couvertes par le Traité mais qu’elles ne jouissent pas des mêmes contrôles pour les types de transfert suivants : importation, transit et transbordement. Les règles fondamentales relatives à l’exportation prévues aux articles 6 et 7 s’appliquent explicitement aux munitions.

L’article 4 prévoit que les pièces et composants sont également couverts par le Traité. Cependant, les règles qui s’appliquent à ces composants sont plus souples que pour les armes assemblées. Ainsi, si chaque État Partie est obligé d’instituer un régime de contrôle national pour réglementer l’exportation des pièces et des composants, les stipulations prévues aux articles 6 et 7 ne s’appliquent que « lorsque l’exportation se fait sous une forme rendant possible l’assemblage des armes classiques visées par l’article 2 (1) ».

Le TCA couvre également l’ensemble des types de transferts d’armements : les exportations, qui font l’objet du contrôle le plus resserré (cf. supra) aux articles 6 et 7 ; les importations (article 8) ; le transit ou le transbordement (article 9) ; et enfin, le courtage (article 10).

En toute logique, les importations des État Parties font l’objet d’obligations en conformité avec celles régissant les exportations des États Parties : ainsi, chaque État Partie importateur devra prendre des mesures et veiller à ce que les informations utiles et pertinentes soient fournies à l’État Partie exportateur dans le cadre des évaluations prévues à l’article 7. Ces mesures peuvent comprendre la communication des certificats d’utilisateur final ou d’utilisation finale (article 8.1). De même, chaque État Partie importateur peut demander, s’il est le pays de destination finale, des informations à l’État Partie exportateur concernant toute demande d’autorisation ou en instance (article 8.3). Enfin, les États Parties importateurs devront prendre des mesures afin de réglementer, lorsque cela est nécessaire, les importations d’armes classiques visées à l’article 2.1.

L’article 10 oblige les États Parties à réglementer les activités de courtage des armes relevant de leur juridiction. En revanche, l’article 9 laisse une plus grande marge de manœuvre aux États Parties concernant la réglementation du transit ou du transbordement d’armes classiques visées à l’article 2. En effet, ceux-ci ne sont tenus de prendre des mesures si « cela est nécessaire et possible ».

Les transferts à titre gratuit ne sont pas formellement cités car certains pays, la Chine notamment, s’y sont opposés. Dans son interprétation, la France, à l’instar de la plupart des pays de l’Union européenne, considère que les cessions gratuites devraient être couvertes par le Traité. En effet, dans notre droit national, les cessions et dons que la France est amenée à consentir à des États tiers dans un cadre bilatéral font l’objet des mêmes procédures de contrôle que les exportations.

Enfin, le Traité instaure à ses articles 5.4 et 13 des règles de transparence qui lui confèrent une démarche universelle.

Ainsi, les États parties devront communiquer, en vertu de leur droit interne, leur liste de contrôle national au Secrétariat général des Nations unies qui la portera à la connaissance des autres États Parties (article 5.4).

En outre, les États Parties auront l’obligation de produire des rapports pour promouvoir la transparence et le partage des bonnes pratiques dans le cadre de la mise en œuvre du Traité (article 13).

Ainsi, chaque État Partie établira un rapport annuel comprenant l’ensemble des mesures nationales, y compris de caractère législatif, adoptées pour mettre en œuvre le Traité (article 11.1). Les États Parties produiront également un rapport annuel « d’activité » concernant les transferts d’armes classiques autorisées ou effectuées(10). Ces rapports seront communiqués au secrétariat permanent institué par le présent Traité (11). Les États Parties sont également encouragés à communiquer les pratiques qui se sont avérées les plus efficaces (article 11.2).

2. Une articulation harmonieuse avec le droit européen

Bien qu’il entraîne la création de barrières non tarifaires à la circulation de biens au sein du Marché commun, le Traité s’insère parfaitement dans le cadre législatif européen.

La Commission européenne, qui a participé aux négociations en vue de l’adoption du Traité conformément au mandat qui lui a été confiée par décision du Conseil le 11 mars 2013, a en effet conclu à la compatibilité de ses dispositions avec le droit européen. Celle-ci soulignait notamment(12) :

« Une analyse détaillée a été effectuée, conformément aux directives de négociation du Conseil sur ces questions, qui a conclu que les dispositions du TCA (articles 6, 7, 9 et 26) garantissent sa compatibilité avec l’acquis. En tout état de cause, en cas de problème de compatibilité, l’article 26, paragraphe 1, pourrait s’appliquer. Cet article dispose que l’application du traité ne porte pas atteinte aux obligations souscrites par les États parties en vertu d’accords internationaux, actuels ou futurs, auxquels ils sont parties, pour autant que ces obligations soient compatibles avec le traité. »

L’article 26 du Traité sur le commerce international des armes classiques

Article 26

Rapports avec d’autres instruments internationaux

« 1. L’application du présent Traité est sans préjudice des obligations souscrites par les États Parties en vertu d’accords internationaux, actuels ou futurs, auxquels ils sont parties, pour autant que ces obligations soient cohérentes avec le présent Traité.

« 2. Le présent Traité ne peut être invoqué pour priver d’effet les accords de coopération en matière de défense conclus entre États Parties au présent Traité. »

Le Conseil a donc encouragé les États membres de l’Union européenne à signer le traité dans sa décision du 8 mai 2013(13).

Concrètement, le Traité sur le commerce international des armes classiques doit s’articuler avec trois directives et trois règlements(14) régissant les transferts d’armes intracommunautaires et les importations en provenance de pays tiers. Si une partie de ces textes ne couvre pas le champ d’application du Traité, la plupart d’entre eux proposent des allègements de contrôle des transferts d’armement conventionnel à l’intérieur du marché commun. Dès lors, l’article 26 du Traité sur le commerce international des armes classiques trouvera à s’appliquer.

En outre, le Traité s’articulera sans heurts avec les critères d’exportation de technologie et d’équipements militaires définis par la Position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 (cf. supra). D’une part, le champ d’application de la Position Commune est plus large que celui du Traité ; d’autre part, les interdictions prévues à l’article 6 sont reprises dans la Position commune et les critères de l’article 7 sont couverts par celle-ci.

L’Union européenne, qui a déjà élaboré l’un des systèmes de contrôle des transferts d’armes conventionnelles les plus aboutis de la planète, ne connaîtra aucun impact juridique négatif du fait de l’adoption du TCA.

3. Un accord économiquement neutre pour notre industrie de défense

La France est actuellement le quatrième exportateur mondial d’armement conventionnel. Les exportations jouent un rôle important pour l’industrie française et le dynamisme de notre économie. L’industrie de défense représente en effet près de 150 000 emplois, dont 20 000 hautement qualifiés, et entre 7 et 20 % du poids des effectifs industriels totaux des régions Île-de-France, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes Côte d’Azur, Bretagne, Centre et Rhône-Alpes. Ce secteur profondément ancré dans notre tissu économique est aussi une condition essentielle de notre autonomie stratégique.

Dans un contexte budgétaire européen difficile, les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) comme les grandes entreprises en pointe dans leur domaine nécessitent plus que jamais le dynamisme du marché international des équipements de défense.

Nos entreprises de défense sont responsables : elles exportent leurs biens et leurs technologies dans le cadre réglementaire français depuis de nombreuses années. Dans la mesure où le Traité n’ajoute aucune règle au dispositif existant en France, l’impact économique de celui-ci sera nul. A contrario, l’extension du droit sur le commerce international des armes soumettra enfin les entreprises concurrentes à des contraintes juridiques analogues.

Le dispositif français repose en effet sur le principe général de prohibition de fabrication et de commerce des matériels de guerre, armes et munitions : les autorisations ont donc un caractère dérogatoire et ne peuvent être attribuée que par la puissance publique – en l’occurrence le ministère de la Défense.

Les autorisations d’exportation des matériels de guerre, qui peuvent faire l’objet de décisions au cas par cas ou de procédures simplifiées (licences générales et globales), sont soumises à un examen préalable par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Celle-ci se base en particulier sur les critères définis par la Position commune 2008/944/PESC qui, on l’a vu, est plus contraignante à plusieurs égards que les dispositions du Traité. La CIEEMG peut en outre se baser sur l’article L. 2335-4 du Code de la défense qui autorise l’autorité administrative à « suspendre, modifier, abroger ou retirer les licences d’exportation qu’elle a délivrées, pour des raisons de respect des engagements internationaux de la France, de protection des intérêts essentiels de sécurité, d’ordre public ou de sécurité publique ou pour non-respect des conditions spécifiées dans la licence ».

LA COMMISSION INTERMINISTÉRIELLE POUR L’ÉTUDE DES EXPORTATIONS DES MATÉRIELS DE GUERRE (CIEEMG)

Créée en 1949, la CIEEMG doit sa forme actuelle au décret n° 55-965 du 16 juillet 1955 portant réorganisation de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre. La commission a pour mission :

– d’étudier l’orientation à donner à la politique d’exportation des matériels de guerre ;

– de donner un avis motivé sur les demandes de licence d’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés ainsi que sur les autorisations de transit de matériels de guerre et assimilés sur le territoire national ;

– de formuler des avis ou propositions sur l’exécution des opérations concernant les matériels de guerre et matériels assimilés.

La CIEEMG est également compétente pour les transferts intracommunautaires.

Placée auprès du Premier ministre, la commission est composée :

– du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ou son représentant, président ;

– d’un représentant du ministre des Affaires étrangères ;

– d’un représentant du ministre de la Défense ;

– d’un représentant du ministre chargé de l’économie.

La commission confie des responsabilités particulières au ministère de la Défense qui dispose d’une expertise complète en matière d’armement et d’évaluation des risques liés à l’exportation. Dans ce cadre, la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) est chargée de l’animation et de la coordination de cette fonction en lien avec la Direction générale de l’armement (DGA) et les états-majors.

De plus, la France est membre fondateur de l’Arrangement de Wassenaar sur la réglementation des exportations d’armes classiques et de biens et technologies à double usage. Cet accord, en vigueur depuis septembre 1996, regroupe 41 États et a pour but de réguler l’offre des armements conventionnels. Selon cet accord, les parties doivent empêcher les transferts d’articles non autorisés, s’échanger spontanément des informations pertinentes et s’informer des transferts autorisés et refusés. En d’autres termes, cet arrangement anticipe sur de nombreuses obligations du Traité sur le commerce international des armes classiques.

Enfin, nos exportations de défense bénéficient des accords de défense qui lient la France à certains pays. Il convient de souligner qu’à l’instar de son articulation avec le droit européen, le Traité sur le commerce international des armes classiques n’aura aucun impact sur les engagements de la France en matière de fourniture de matériels de défense et de coopération de défense avec nos partenaires. En effet, dès lors que nos accords de défense n’entraveront pas les objectifs de paix, de sécurité et de protection des droits de l’homme du Traité, l’article 26 s’appliquera.

B. UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE APPELÉE À S’APPROFONDIR

1. La ratification du TCA conditionne son entrée en vigueur

Comme il est de coutume dans le droit international, le Traité sur le commerce des armes classiques prévoit à son article 22 qu’il entrera en vigueur 90 jours après la date du dépôt du cinquantième instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation.

Au 27 novembre 2013, 115 États avaient signé le traité et huit l’avaient ratifié. Certains États comme la Chine ou la Russie tarderont probablement à le ratifier. Les États-Unis, s’ils ont signé le Traité, risquent de repousser à plus tard sa ratification, une part significative du Sénat y étant hostile et rendant improbable d’atteindre une majorité des deux tiers.

Par conséquent, la ratification du Traité par la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, grand exportateur d’armement et puissance européenne de premier plan, constituera un exemple incitatif pour l’ensemble de la communauté internationale.

L’article 23 du Traité prévoit cependant une application a minima à titre temporaire. Tout État peut en effet, dès le moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, déclarer son intention d’appliquer les règles relatives aux exportations prévues aux articles 6 et 7 du Traité.

2. Le droit d’amendement du TCA

Le droit d’amendement des États Parties est l’objet de l’article 20. Les États Parties pourront proposer des amendements six ans après l’entrée en vigueur du Traité ; passé ce délai, ils examineront des amendements tous les trois ans.

Les amendements offriront la possibilité d’adapter le Traité aux flux illicites mais également aux développements technologiques.

Concrètement, les amendements devront être déposés en vue de la prochaine Conférence des États Parties, mais au moins 180 jours avant le début de celle-ci. Les amendements seront tout d’abord déposé au secrétariat (cf. infra) qui se chargera de le diffuser auprès des États Parties. L’examen d’un amendement en Conférence ne peut intervenir que si, au plus tard 120 jours après la réception du texte, une majorité des États Parties informent le secrétariat qu’ils sont favorables à cet examen (article 20.2).

Le Traité privilégie la voie du consensus pour l’adoption des examens : « Les États Parties font tout leur possible pour parvenir à un consensus sur chaque amendement ». Cependant, un mécanisme de vote à la majorité est prévu – ce qui confère à la possibilité d’amendement du Traité une certaine « robustesse ». La majorité permettant l’adoption de l’amendement est celle des trois quarts des États Parties présents et votant pour ou contre.

Les amendements adoptés nécessiteront un instrument d’acceptation d’un État Partie pour entrer en vigueur  dans cet État Partie ; en d’autres termes, les amendements n’entreront pas en vigueur pour les États Parties n’ayant déposé aucun instrument d’acceptation (article 20.4).

Les amendements entrent en vigueur pour tous les États Parties ayant déposé un instrument d’acceptation dès lors qu’ils sont une majorité à l’avoir fait et 90 jours après le dernier dépôt. Après cela, il entre en vigueur pour tout autre État Partie 90 jours après que celui ait déposé un instrument d’acceptation.

3. Une coopération future assurée par des structures dédiées

Les articles 15 et 16, respectivement intitulés « Coopération internationale » et « Assistance internationale », prévoient de réguler le commerce international des armes classiques par une coopération internationale permanente.

L’article 15 consacre cette future coopération internationale : « Les États Parties coopèrent entre eux, en cohérence avec leurs intérêts respectifs en matière de sécurité et leur législation nationale, aux fins de la mise en œuvre effective du Traité » (article 15.1).

La coopération se fonde sur l’échange d’informations concernant, d’une part, les questions d’intérêt mutuel pour la mise en œuvre nationale et internationale du Traité et pour l’application de ses dispositions, et d’autre part, les activités et les acteurs illicites de manière à prévenir et lutter contre le détournement des armes classiques. En outre, les États Parties sont encouragés à procéder à des échanges d’informations et d’expériences sur les leçons tirées concernant tout aspect du Traité.

Le Traité prévoit également une coopération plus « active » à travers la mise en place d’un mécanisme d’assistance internationale (article 16).

Chaque État Partie pourra en effet solliciter une aide en vue d’appliquer le Traité, et chaque État Partie sera en retour obligé, dès lors qu’il est en mesure de le faire, de fournir cette assistance sur demande. Le champ couvert par ce droit à l’assistance est large : il comprend l’aide juridique ou législative, l’aide au renforcement des capacités institutionnelles, l’assistance technique, matérielle ou financière.

Cette assistance pourra être mise en œuvre par l’intermédiaire des Nations unies, ou par l’intermédiaire de toute autre organisation internationale, régionale (dont l’Union européenne), sous régionale ou nationale, mais également par l’intermédiaire d’une organisation non gouvernementale ou à titre bilatéral. Enfin, le Traité prévoit la mise en place par les États Parties d’un fonds d’affectation volontaire pour les États Parties qui requièrent une assistance internationale pour la mise en œuvre du Traité. Si tous les États Parties sont encouragés à alimenter le fonds, la France soutiendra la mise en œuvre du Traité par d’autres instruments : ainsi, l’Union Européenne s’apprête à adopter un programme d’assistance destiné à aider les États Parties éprouvant des difficultés à mettre en œuvre le Traité.

Ce fonds de contribution est l’une des structures permanentes mises en place par le Traité pour soutenir la coopération internationale des États Parties sur le contrôle des transferts d’armements conventionnels. Le Traité prévoit en sus un secrétariat permanent et une Conférence des États Parties.

Le secrétariat, dont la création est stipulée à l’article 18, aura pour mission d’aider les États Parties dans la mise en œuvre effective du présent Traité, c’est-à-dire recevoir, mettre à disposition et distribuer les rapports ; tenir à jour et à disposition la liste des points de contact nationaux ; faciliter les travaux de la Conférence des États Parties, notamment en lui fournissant les services nécessaires ; promouvoir la coopération internationale en rapprochant l’offre et la demande d’assistance. Il sera doté d’un effectif « suffisant », dont les membres auront les compétences « nécessaires » pour l’exercice de ses fonctions, et sera doté de moyens « limités ». Son emplacement géographique n’est pas encore arrêté, bien que Genève ait la préférence des autorités françaises.

La Conférence des États Parties, instituée par l’article 17, sera chargée de l’examen de la mise en œuvre du présent Traité, des propositions d’amendements conformément à l’article 20, des questions d’interprétation du Traité et de son adaptation aux évolutions des armes classiques. Elle arrêtera en outre le budget et les tâches du secrétariat, et pourra créer tout autre organe supplémentaire pour la mise en œuvre du Traité. La Conférence des États Parties n’a pas encore fixé ses règles de procédures ; celles-ci seront prises par consensus lors de la première session de la Conférence des États Parties.

Les sessions ordinaires de la Conférence seront annuelles, le secrétariat étant chargé de convoquer la première au plus tard un an après l’entrée en vigueur du présent Traité. Des sessions extraordinaires pourront être tenues selon les règles fixées à l’article 17.5.

Enfin, au niveau national, la coopération internationale des États Parties s’articulera autour de la mise en place de « points de contacts nationaux », prévus à l’article 6.5. En France, la sous-direction du contrôle des armements et de l’OSCE, appartenant à la direction générale des affaires politiques et de sécurité du ministère des Affaires étrangères, remplira cette fonction en lien avec le ministère de la Défense.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission examine pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité sur le commerce des armes, au cours de sa séance du mercredi 4 décembre 2013.

Un débat suit l’exposé de la rapporteure pour avis.

M. Philippe Folliot. Le groupe UDI ne peut que soutenir ce traité qui va dans le bon sens, même si sa portée restera sans doute symbolique.

Mme la rapporteure pour avis. Les symboles sont parfois importants, et permettent de faire évoluer les mentalités. Je ne doute pas que le commerce illicite des armes continuera de prospérer dans certains pays, mais il faut toujours un premier pas pour avancer.

M. Jean-David Ciot. Il s’agit d’un sujet compliqué, bloqué depuis des années car personne n’osait faire le premier pas. Nous avons ici un texte, soumis à l’ensemble des Nations et que peu de pays ont ratifié à ce jour. À cet égard, la France envoie un signal fort, celui d’une grande Nation, dotée d’une puissante industrie de l’armement et qui, néanmoins, s’apprête à le ratifier. Comme le rappelle le Livre blanc, le contrôle des transferts d’armes participe également à la lutte pour la paix, et la position de notre pays démontre notre attachement à cette dernière.

Le groupe SRC soutiendra évidemment ce texte dont nous aurions sans doute pu attendre davantage, mais un trop fort niveau d’exigence a souvent servi d’excuse pour ne rien faire. Il convient donc d’autoriser la ratification de ce traité.

Mme la rapporteure pour avis. Je le rappelle, à fin novembre, 115 pays avaient signé le traité, et seulement huit l’avaient ratifié. La position de la France pourra servir d’exemple, notamment au niveau européen. Je reprendrai les déclarations de nos collègues députés européens que nous venons d’auditionner : tout est question de volonté politique.

M. Philippe Folliot. Avez-vous auditionné les industriels de la défense ?

Mme la rapporteure pour avis. Nous n’en avons malheureusement pas eu le temps eu égard à un calendrier particulièrement contraint. Toutefois je tiens à souligner une nouvelle fois que le traité ne changera rien pour eux, puisqu’ils sont déjà soumis à des procédures nationales plus contraignantes que celles prévues par le traité. Environ 600 demandes d’exportation sont examinées chaque mois, au terme d’une procédure particulièrement longue et rigoureuse. Notre cadre juridique national est plus complet et plus exigeant que les stipulations du traité, aussi sa ratification n’aura-t-elle aucun impact économique négatif sur notre industrie de défense.

M. Maurice Leroy. Je ne vois pas qui pourrait s’opposer à un tel texte lors du débat en séance publique. Il s’agit effectivement d’un premier pas, et j’imagine que l’Assemblée nationale autorisera la ratification du traité à l’unanimité.

Vous nous avez donné quelques chiffres importants concernant le nombre de signatures et de ratifications du traité. Dispose-t-on d’informations concernant d’autres États qui s’apprêteraient à le ratifier, notamment en Europe ?

Mme la rapporteure pour avis. Le processus de ratification est encore très récent puisqu’il n’a été lancé qu’en juin 2013. Nous ne disposons donc pas de tels éléments. En tout état de cause, la France fera partie des dix premiers États à ratifier le traité. Cela constituera un signal fort, notamment dans le contexte de nos interventions extérieures récentes et à venir.

*

* *

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

ANNEXES

ANNEXE 1
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

Ø M. Bruno Gruselle, conseiller diplomatique adjoint du ministre de la Défense, accompagné de Mme Christine Mounau-Guy, conseillère parlementaire.

ANNEXE  2
Les textes fondateurs du droit international humanitaire
et des droits de l’homme

les textes fondateurs du droit international humanitaire
et des droits de l’homme

Le droit international humanitaire

Il se fonde sur un grand nombre de textes :

– les Conventions de Genève de 1949 ;

– les trois protocoles additionnels aux Conventions de Genève, portant notamment sur les victimes des conflits armés internationaux et non internationaux ;

– les Conventions sur les armes non conventionnelles.

Le droit international des droits de l’Homme

Il se fonde notamment sur la Charte internationale des droits de l’Homme, qui comprend :

– la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies de 1948 ;

– le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux protocoles facultatifs ;

– le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le droit international des droits de l’Homme s’appuie également sur les conventions internationales et régionales relatives à la torture, au racisme, aux violences sexuelles, aux droits de l’enfant, aux droits civils et politiques, etc.

Enfin, il repose sur l’ensemble des règles, résolutions et déclarations adoptées au sein des Nations unies.

– la Convention de 1997 sur les mines antipersonnel ;

– la Convention de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

ANNEXE  3
Tableau d’état des signatures et ratifications 
(15)

PAYS

DATE DE SIGNATURE

DATE DE DÉPÔT

TYPE DE DÉPÔT

Islande

3 juin 2013  

2 juillet 2013

Ratification

Guyane

3 juin 2013  

4 juillet 2013  

Ratification

Antigua-et-Barbuda

3 juin 2013  

12 août 2013

Ratification

Nigéria

12 août 2013  

12 août 2013  

Ratification

Costa Rica

3 juin 2013  

25 septembre 2013

Ratification

Mexique

3 juin 2013  

25 septembre 2013

Ratification

Trinité-et-Tobago

3 juin 2013  

25 septembre 2013

Ratification

Grenade

3 juin 2013  

22 octobre 2013  

Ratification

Afrique du Sud

25 septembre 2013  

   

Albanie

3 juin 2013  

   

Allemagne

3 juin 2013  

   

Angola

24 septembre 2013  

   

Argentine

3 juin 2013  

   

Australie

3 juin 2013  

   

Autriche

3 juin 2013  

   

Bahamas

3 juin 2013  

   

Bahreïn

21 novembre 2013  

   

Bangladesh

26 septembre 2013  

   

Barbade

25 septembre 2013  

   

Belgique

3 juin 2013 *

   

Belize

3 juin 2013  

   

Bénin

3 juin 2013  

   

Bosnie-Herzégovine

25 septembre 2013  

   

Brésil

3 juin 2013  

   

Bulgarie

2 juillet 2013  

   

Burkina Faso

3 juin 2013  

   

Burundi

3 juin 2013  

   

Cambodge

18 octobre 2013  

   

Cap Vert

25 septembre 2013  

   

Chili

3 juin 2013  

   

Chypre

3 juin 2013  

   

Colombie

24 septembre 2013  

   

Comores

26 septembre 2013  

   

Congo

25 septembre 2013  

   

Côte d’Ivoire

3 juin 2013  

   

Croatie

3 juin 2013  

   

Danemark

3 juin 2013  

   

Djibouti

3 juin 2013  

   

Dominique

1 octobre 2013  

   

El Salvador

5 juin 2013  

   

Émirats arabes unis

9 juillet 2013  

   

Espagne

3 juin 2013 *

   

Estonie

3 juin 2013  

   

États-Unis d’Amérique

25 septembre 2013  

   

Ex-République yougoslave de Macédoine

25 septembre 2013  

   

Finlande

3 juin 2013  

   

France

3 juin 2013  

   

Gabon

25 septembre 2013  

   

Ghana

24 septembre 2013  

   

Grèce

3 juin 2013  

   

Guatemala

24 juin 2013  

   

Guinée

29 juillet 2013  

   

Guinée-Bissau

26 septembre 2013  

   

Honduras

25 septembre 2013  

   

Hongrie

3 juin 2013  

   

Irlande

3 juin 2013  

   

Italie

3 juin 2013  

   

Jamaïque

3 juin 2013  

   

Japon

3 juin 2013  

   

Kiribati

25 septembre 2013  

   

Lesotho

25 septembre 2013  

   

Lettonie

3 juin 2013  

   

Libéria

4 juin 2013  

   

Libye

9 juillet 2013  

   

Liechtenstein

3 juin 2013  

   

Lituanie

3 juin 2013  

   

Luxembourg

3 juin 2013  

   

Madagascar

25 septembre 2013  

   

Malaisie

26 septembre 2013  

   

Mali

3 juin 2013  

   

Malta

3 juin 2013  

   

Mauritanie

3 juin 2013  

   

Mongolie

24 septembre 2013  

   

Monténégro

3 juin 2013  

   

Mozambique

3 juin 2013  

   

Nauru

25 septembre 2013  

   

Norvège

3 juin 2013  

   

Nouvelle-Zélande

3 juin 2013  

   

Palau

3 juin 2013  

   

Panama

3 juin 2013  

   

Paraguay

19 juin 2013  

   

Pays-Bas

3 juin 2013  

   

Pérou

24 septembre 2013  

   

Philippines

25 septembre 2013  

   

Pologne

1 juillet 2013  

   

Portugal

3 juin 2013  

   

République de Corée

3 juin 2013  

   

République de Moldavie

10 septembre 2013  

   

République Dominicaine

3 juin 2013  

   

République Tchèque

3 juin 2013  

   

République-Unie de Tanzanie

3 juin 2013  

   

Roumanie

3 juin 2013  

   

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

3 juin 2013  

   

Rwanda

5 juin 2013  

   

Sainte-Lucie

3 juin 2013  

   

Saint-Kitts-et-Nevis

5 juin 2013  

   

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

3 juin 2013  

   

Samoa

25 septembre 2013  

   

Sénégal

3 juin 2013  

   

Serbie

12 août 2013 *

   

Seychelles

3 juin 2013  

   

Sierra Leone

25 septembre 2013  

   

Slovaquie

10 juin 2013  

   

Slovénie

3 juin 2013  

   

Suède

3 juin 2013  

   

Suisse

3 juin 2013  

   

Suriname

3 juin 2013  

   

Swaziland

4 septembre 2013  

   

Tchad

25 septembre 2013  

   

Togo

3 juin 2013  

   

Turquie

2 juillet 2013  

   

Tuvalu

3 juin 2013  

   

Uruguay

3 juin 2013  

   

Vanuatu

26 juillet 2013  

   

Zambie

25 septembre 2013  

   
© Assemblée nationale

1 () Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction – entrée en vigueur le 1er mars 1999.

2 () Convention sur les armes à sous-munitions – entrée en vigueur le 1er août 2010.

3 () Vietnam, Cambodge, Laos, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Indonésie, Brunei et Philippines.

4 () UNODA Occasional Papers, No. 23, March 2013, « The impact of poorly regulated arms transfers on the work of the United Nations » ; United Nations Coordinating Action on Small Arms (CASA) 2013.

5 () Ibid.

6 () Rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’opération Serval au Mali, présenté par MM. Christophe Guilloteau et Philippe Nauche, députés, 18  juillet 2013.

7 () Ibid.

8 () Pour les autres types de transferts légaux : cf. infra.

9 () Une autorisation globale remplace une multitude d’autorisations simples portant sur des opérations peu sensibles ou dans le cadre de coopérations industrielles impliquant un flux régulier d’échanges.

10 () Naturellement, les informations de nature commerciale sensible ou relevant de la sécurité nationale pourront être exclues de ces rapports.

11 () Rappelons qu’en France, le ministère de la Défense publie déjà son rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armements.

12 () Proposition de décision du Conseil autorisant les États membres à signer, dans l’intérêt de l’Union Européenne, le traité sur le commerce des armes (exposé des motifs) ; 08/05/2013 ; COM(2013) 273 final.

13 () Un projet de décision similaire est actuellement en cours de négociation pour autoriser les États-membres à ratifier le Traité sur le commerce international des armes classiques.

14 () Il s’agit de la directive relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes ; de la directive relative à l’harmonisation des dispositions concernant la mise sur le marché et le contrôle des explosifs à usage civil ; de la directive simplifiant les conditions de transferts de produits liés à la défense dans la Communauté ; des règlements relatif au régime commun applicable aux importations ; du règlement portant application de l’article 10 du Protocole des Nations unies contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.

15 () Source : site des Nations unies, tableau à jour au 27/11/2013.