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Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 1708

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 janvier 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, adoptée par le Sénat, visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (n° 1561).

PAR Mme Brigitte ALLAIN

Députée

——

Voir les numéros :

Sénat : 40, 124, 125 et T.A. 32 (2013-2014).

Assemblée nationale : 1561.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 11

II. EXAMEN DES ARTICLES 25

Article 1er (article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques pour l’entretien des espaces verts, forêts et promenades relevant du domaine public ou privé des personnes publiques 25

Article 2 (articles L. 253-7, L. 253-9 et L. 253-15 du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction de la vente, l’utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel 30

Article 3 : Demande d’un rapport du Gouvernement sur les préparations naturelles peu préoccupantes 33

Article 4 : Entrée en vigueur du dispositif 36

TABLEAU COMPARATIF 39

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 43

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45

INTRODUCTION

Adoptée le 19 novembre 2013 par le Sénat en première lecture, dans des conditions proches du consensus, la proposition de loi n° 1561 vise à interdire progressivement l’utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques et les particuliers.

● De la généralisation des produits phytosanitaires à la prise de conscience de leur dangerosité. La mobilisation des ressources de la biochimie a constitué l’un des principaux vecteurs de la diffusion du modèle d’agriculture productiviste et intensif, aujourd’hui encore dominant dans notre pays en dépit des progrès rapides enregistrés par des modes d’exploitation alternatifs (agriculture biologique). Les produits phytosanitaires ont permis, d’augmenter considérablement les rendements à l’hectare, et de lutter efficacement contre une gamme étendue de maladies et de parasites du végétal. Cependant, l’illusion du champ propre et des produits miracles n’a pas tenu longtemps.

Le monde agricole n’est pas le seul à avoir introduit massivement des produits phytosanitaires. Les collectivités territoriales et les établissements publics gestionnaires d’espaces végétalisés (squares, promenades, abords des voies ferrées et des aéroports, cimetières, etc.), comme les particuliers jardiniers amateurs, ont également été conduits à les utiliser en fonction de leurs besoins spécifiques.

Ce n’est que récemment que les inconvénients d’un usage insuffisamment précautionneux des produits phytosanitaires ont été reconnus par les instances scientifiques. L’apparition de phénomènes de biorésistance, induits par l’emploi même de ces produits, a progressivement conduit les fabricants à proposer des formules de plus en plus actives, avec un risque d’impacts problématiques jusqu’à l’aval ultime de la chaîne alimentaire, c'est-à-dire jusqu’à l’homme, qu’il soit agriculteur, riverain ou consommateur. En 2013, la direction générale de la santé a demandé à l’INSERM de dresser un bilan de la littérature scientifique disponible en matière de risques sanitaires associés à l’exposition professionnelle aux pesticides, d’une part, et sur les effets d’une exposition précoce du fœtus et du jeune enfant, d’autre part. Pour répondre à cette demande, l’Institut s’est appuyé sur un groupe pluridisciplinaire d’experts constitué d’épidémiologistes spécialistes en santé-environnement ou en santé au travail et de biologistes spécialistes de la toxicologie cellulaire et moléculaire. Il ressort des données scientifiques publiées au cours des trente dernières années et analysées par ces experts qu’il existe une relation positive entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte, qu’il s’agisse de la maladie de Parkinson, du cancer de la prostate ou de certains cancers hématopoïétiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples). Par ailleurs, les expositions aux pesticides intervenant au cours des périodes prénatales et périnatales ainsi que lors la petite enfance semblent être particulièrement à risque pour le développement de l’enfant. (1)

Les pesticides sont également présents dans nos aliments : près de 50% des fruits et des légumes produits par l’agriculture intensive en contiennent. Ils finissent dans nos organismes, apportés là par l’eau, l’air et les aliments consommés. Nos organismes hébergent ainsi des centaines de molécules toxiques dont de très nombreux pesticides. Les derniers chiffres de la DGCCRF portant sur l’année 2008 et publiés en 2010, nous indiquent que 43.8% des fruits et légumes contiennent des résidus de pesticides avec 4% de dépassement des Limites Maximales en Résidus, avec près de 60 % des fruits qui contiennent des résidus de pesticides.

La mission commune d’information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur la santé, conduite par nos collègues Sophie Primas et Nicole Bonnefoy, avait publié son propre rapport le 10 octobre 2012. Intitulé « Pesticides : vers le risque zéro », il dressait un constat inquiétant de la situation actuelle en France :

– les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont aujourd’hui sous-évalués ;

– le suivi des produits après leur mise sur le marché n’est que très imparfaitement assuré au regard de leur impact sanitaire réel ;

– les protections individuelles contre les pesticides ne suffisent généralement pas à protéger les utilisateurs contre les dangers de ces produits ;

– les pratiques industrielles, agricoles et commerciales n’intègrent pas suffisamment la préoccupation de l’innocuité pour la santé de l’usage des produits phytosanitaires.

Ce travail doit être poursuivi dans les prochains mois. En effet, ce rapport prévoyait la rédaction d’une deuxième partie, à travers la création d’une commission d’enquête sur l’impact des pesticides sur l’environnement. À ce jour, le processus n’a pas été relancé.

Au-delà des impacts sur la santé, les impacts sur l’environnement et la biodiversité sont préoccupants : pollution de l’eau, destruction des abeilles et d’insectes portant atteinte aux équilibres naturels de la faune (disparition ou migration d'oiseaux, déséquilibre de la flore naturelle avec recrudescence de plantes invasives).

L’abeille pollinise plus de 80% des espèces de plantes. Ces dernières connaissent depuis quelques années en France des surmortalités hivernales record. 500 000 colonies d’abeilles ont disparu entre 1995 et 2000 en France, décimées par en partie par les insecticides en enrobage de semences (Gaucho, Regent TS etc.), idem pour d’autres pays européens.

Face à ce déclin, la Commission européenne a décidé en mai 2013 de restreindre pendant deux ans à compter du 1er décembre l'utilisation de trois pesticides mortels pour les abeilles commercialisés par Bayer et Syngenta.

Une étude de chercheurs français, de l’INRA et du CNRS, et allemand, permet de chiffrer la valeur de l’activité pollinisatrice des insectes, abeilles principalement, à 153 milliards d’euros en 2005 pour les principales cultures dont l’homme se nourrit. Ce chiffre représente 9,5% de la valeur de l’ensemble de la production alimentaire mondiale.

La présence des produits phytosanitaire dans les cours d’eaux de surfaces et souterraines, a également été mise en évidence par les scientifiques. D’après l’Institut Français de l’environnement (IFEN) on trouve des résidus de pesticides dans 91% des eaux superficielles et dans 56% des eaux souterraines en France analysées (« Les pesticides dans les eaux » – Données 2004 publiées 2007). Sur environ 400 substances recherchées, 201 ont été mises en évidence dans les eaux de surface et 123 dans les eaux souterraines. Les herbicides sont les composés les plus retrouvés dans les eaux. L’AMPA (produit de dégradation du glyphosate) est trouvé dans plus de 55% des recherches dans les eaux de surface et le glyphosate dans plus de 35%.

Le cout de dépollution annuel supporté par la collectivité est estimé entre 4.4 et 14.8 milliards d’euros, uniquement pour la pollution induite par les pesticides.

● Des politiques publiques désormais inspirées par le souci d’un usage maîtrisé. Loin de n’être que d’innocents cocktails vitaminés pour rosiers carencés, les produits phytosanitaires présentent donc une dangerosité réelle, susceptible de se voir démultipliée par la vigilance insuffisante et l’absence de formation de la majorité de leurs utilisateurs occasionnels. Ce constat a conduit les pouvoirs publics à se saisir de manière plus volontariste de la question.

S’agissant de l’emploi des pesticides par les agriculteurs, l’engagement avait été pris dans le cadre du Grenelle de l’environnement de réduire l’utilisation des pesticides de moitié en dix ans (soit avant 2018), sous réserve que des techniques alternatives existent, et de retirer du marché les préparations contenant les 53 substances actives les plus préoccupantes, à la même condition que des produits substituables existent. Un plan d’actions dénommé « Écophyto 2018 » a été présenté par les pouvoirs publics le 10 septembre 2008, poursuivant plusieurs objectifs : acquérir de nouvelles données sur les pratiques d’utilisation des pesticides ; accompagner et aider les agriculteurs pour l’adoption de pratiques moins consommatrices de pesticides, notamment via un réseau de trois mille fermes pilotes (dit « réseau national d’expérimentation-démonstration ») ; innover en matière de systèmes de cultures et d’itinéraires techniques économes en pesticides, grâce à un effort de recherche soutenu ; former à la réduction de l’utilisation des pesticides et à leur emploi dans les conditions de sécurité requises ; renforcer le réseau de surveillance des bio-agresseurs et des effets non intentionnels de l’utilisation des pesticides. Le bilan de la mise en place de ce plan d’action en zone agricole est contrasté et il apparaît d’ores et déjà que les objectifs fixés pour 2018 ne pourront être tenus.

Alors que le ministère chargé de l’agriculture situe l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en zone non agricole dans une fourchette comprise entre 5 et 10 % de l’utilisation totale des pesticides en France, l’axe 7 du même plan retient cinq priorités dans ces zones : améliorer la qualification des applicateurs professionnels de pesticides en zone non agricole ; sécuriser l’utilisation des pesticides par les amateurs ; encadrer strictement l’utilisation des produits phytosanitaires dans les lieux destinés au public – ce qui comprend l’objectif d’interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances classées comme extrêmement préoccupantes dans les lieux publics, sauf dérogation exceptionnelle ; développer et diffuser des outils spécifiques pour la diminution de l’usage des pesticides en zone non agricole ; développer des stratégies globales d’aménagement du territoire et, en particulier, sensibiliser et former les gestionnaires d’espaces verts aux méthodes alternatives disponibles, à la modification du type de végétaux plantés et à la nécessité d’une meilleure utilisation des pesticides.

Si le ministère chargé de l’agriculture assure le pilotage d’ensemble du plan Écophyto 2018, le ministère chargé de l’écologie est quant à lui responsable de la section de ce plan consacrée aux zones non agricoles, ainsi que des actions relatives à la préservation et la restauration de la qualité de l’eau. Le ministère a lancé plusieurs actions de mobilisation et de sensibilisation des acteurs en zone non agricole, parmi lesquelles il faut mentionner la signature d’un accord-cadre relatif à l’usage des pesticides par les jardiniers amateurs (2 avril 2010), le lancement d’une campagne de communication nationale à destination de ces jardiniers amateurs (mai 2010) et la signature d’un autre accord-cadre relatif à l’usage professionnel des pesticides en zone non-agricole (3 septembre 2010).

Lors de son discours de clôture de la conférence environnementale de septembre 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a confirmé que l’objectif demeurait bien « [d’]aller vers la suppression des produits phytosanitaires en ville ». Cette proposition de loi est un appel pour avancer sur le même chemin en zones agricoles.

La commission européenne, a récemment revu des autorisations de mise sur le marché du cruiser au regard de ses impacts.

● D’un usage maitrisé des pesticides en zone non agricole à la première interdiction totale d’utilisation. La présente proposition de loi, présentée par nos collègues sénateurs Joël Labbé et les membres du groupe écologiste au Sénat, s’inscrit dans la continuité des actions rappelées ci-dessus et entend franchir une étape supplémentaire. Elle se concentre en effet sur la problématique sanitaire et environnementale de l’usage non agricole des pesticides et poursuit un double objectif : passer, pour les personnes publiques, de l’utilisation des produits phytosanitaires aux techniques de gestion alternatives pour l’entretien de leurs espaces verts, forêts et promenades et prohiber la commercialisation et l’utilisation de pesticides pour un usage non professionnel.

Alors que les milieux non agricoles susceptibles d’être traités par des pesticides relèvent de réglementations et de problématiques parfois extrêmement différentes – des parcs et jardins publics aux cimetières en passant par les voiries et trottoirs, les terrains de sport, les zones industrielles, les terrains militaires, les aéroports ou les jardins particuliers – la proposition de loi offre une réponse concrète et pragmatique, qui prend en compte les inquiétudes exprimées par certains acteurs :

– la loi définit une liste des espaces concernés et cette liste est limitative : elle ne comprend notamment ni les cimetières, ni les terrains de sport et, de manière générale, les espaces pour lesquels les solutions alternatives ou l’acceptabilité des citoyens ne sont pas acquis sont exclus de son périmètre ;

– la loi laisse aux professionnels et aux particuliers le temps de s’adapter à la nouvelle interdiction et aux industriels celui de développer une offre alternative, qui existe aujourd’hui mais dont le marché sera d’autant mieux soutenu du fait des nouvelles dispositions ;

– une dérogation à l’interdiction d’utilisation des pesticides est prévue pour la lutte contre la propagation des organismes nuisibles en cas de danger sanitaire, pour le cas ou des solutions alternatives ne permettraient pas d'y palier.

– enfin, la proposition de loi prévoit que le Gouvernement livre au Parlement au plus tard un rapport sur le développement de l’utilisation des produits de bio-contrôle et à faible risque, sur les leviers qui y concourent ainsi que sur les recherches menées dans ce domaine.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 15 janvier 2014, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Brigitte Allain, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (n° 1561).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le groupe écologiste a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national. Notre commission a nommé rapporteure notre collègue Brigitte Allain, le 4 décembre dernier. Le texte sera examiné en séance publique le jeudi 23 janvier.

À la demande de M. Martial Saddier, la séance est suspendue pour cinq minutes.

Mme Brigitte Allain, rapporteure. Je tiens tout d’abord à remercier les services de l’Assemblée nationale qui m’ont accompagnée dans ma tâche.

Cette proposition de loi est complémentaire du projet de loi d'avenir pour l’agriculture, dont nous avons débattu la semaine dernière en séance publique. Celui-ci encourage fortement l’agroécologie et permettra une utilisation réduite des pesticides par les professionnels ; la présente proposition de loi va plus loin, en actant leur dangerosité pour les utilisateurs et les usagers non agricoles.

Elle touche au cœur de la problématique des produits phytosanitaires et apporte des réponses pragmatiques, concrètes et, je l'espère, consensuelles, au problème souvent négligé de l'emploi des pesticides en zone non agricole.

Les produits phytosanitaires ont nourri le modèle agricole intensif qui domine aujourd'hui encore dans notre pays. S’ils ont pu donner l’illusion d’une solution miracle à leurs utilisateurs, ils ne sont pas simplement de sympathiques boissons énergisantes pour les géraniums souffrant de dépression automnale, mais d'abord et avant tout des produits chimiques actifs, ayant un impact sur le vivant végétal et animal, dont l'application et le dosage exigent de grandes précautions.

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) s'est saisi des risques sanitaires associés à l'exposition professionnelle aux pesticides en 2013. Son rapport est tout sauf rassurant. L’existence d'un lien entre exposition aux pesticides et certaines pathologies de l'adulte paraît ainsi avérée, qu'il s'agisse de la maladie de Parkinson, du cancer de la prostate ou de certains cancers affectant les cellules sanguines. Par ailleurs, l'exposition aux pesticides au cours des périodes prénatale et périnatale, et lors de la petite enfance, représente un risque considérable pour le développement de l'enfant, notamment de maladies endocriniennes pouvant entraîner un handicap à vie.

Face à ces enjeux sanitaires, l'engagement avait été pris, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, de réduire l'utilisation des pesticides en zone agricole de moitié en dix ans - soit entre 2008 et 2018 – et de retirer du marché les préparations contenant les 53 substances actives les plus préoccupantes, à condition que des produits substituables existent. Le plan Écophyto 2018 a été présenté par les pouvoirs publics le 10 septembre 2008. Sa mise en œuvre suit aujourd'hui son cours, même s'il apparaît d'ores et déjà que l'objectif d'une réduction de moitié des pesticides agricoles ne pourra être tenu. Une nouvelle version devrait en être présentée sous peu ; notre collègue Dominique Potier, président du comité consultatif de gouvernance du plan, s’est saisi du sujet.

En zone non agricole, où la mise en œuvre de cette démarche est assurée par le ministère chargé de l'écologie, diverses actions ont été engagées en 2010 : signature d'un accord-cadre relatif à l'usage des pesticides par les jardiniers amateurs, lancement d'une campagne de communication nationale à destination de ces mêmes jardiniers amateurs, signature d'un autre accord-cadre relatif à l'usage professionnel des pesticides en zone non agricole. Lors de son discours de clôture de la conférence environnementale de septembre 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a confirmé que l'objectif demeurait bien « d’aller vers la suppression des produits phytosanitaires en ville ». Des villes comme Paris ou Nantes ont fait figure de précurseurs en s’engageant dans cette voie bien avant les plans gouvernementaux ; le mouvement « zéro phyto » est désormais en marche dans de nombreuses collectivités. Enfin, le rapport de la mission d’information sénatoriale sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, qui comporte une centaine de propositions que je tiens à saluer, a été adopté à l’unanimité.

La présente proposition de loi, présentée par notre collègue sénateur Joël Labbé et les membres du groupe écologiste, s'inscrit dans la continuité de ces actions. Elle entend franchir une étape supplémentaire en se concentrant sur la problématique sanitaire et environnementale de l'usage non agricole des pesticides et en poursuivant un double objectif : faire passer les personnes publiques de l'utilisation de produits phytosanitaires à des techniques de gestion alternatives pour l'entretien de leurs espaces verts, forêts et promenades, et prohiber la commercialisation et l’utilisation des pesticides pour un usage non professionnel.

L'article 1er introduit donc le principe selon lequel il sera interdit aux personnes publiques – à savoir l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics – d'utiliser ou de faire utiliser des produits phytopharmaceutiques pour l'entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé. Afin de leur laisser le temps de s'adapter et de s'organiser, cette disposition n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2020. C’est le temps nécessaire pour associer les professionnels des jardins et mettre en place des plans de formation et de gestion différenciée des espaces. Il ressort en effet de nos échanges avec les collectivités locales que le volet « formation » revêt une grande importance.

Pour l'entretien des voies ferrées, des pistes d'aéroport ou des autoroutes, l'utilisation des produits phytosanitaires demeurera en revanche possible du fait des enjeux de sécurité publique qui y sont attachés – même si à titre personnel, je souhaite que les organismes gestionnaires de ces espaces s'engagent spontanément dans la recherche de solutions alternatives. Réseau ferré de France a déjà fait des efforts en ce sens et nous ne pouvons qu’encourager les autres organismes à suivre son exemple.

Une dérogation est également prévue au bénéfice de certains produits peu impactants, comme les produits de biocontrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, auxquels notre collègue Antoine Herth avait consacré un rapport il y a trois ans, les produits « à faible risque » au sens de la réglementation de l'Union européenne, et les produits dont l'usage est autorisé dans le cadre de l'agriculture biologique. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec M. Herth dans le cadre de la préparation de mon rapport et je l’en remercie.

Enfin, cette interdiction générale ne s'appliquera pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles. En cas d'urgence sanitaire, les personnes publiques pourront donc continuer de faire appel aux pesticides chimiques classiques jusqu'à ce que la menace soit enrayée.

L'article 2 complète l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime pour prévoir l'interdiction de la mise sur le marché, de la délivrance, de l'utilisation et de la détention des produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel, et instaure un dispositif de sanctions en cas de non-respect de cette interdiction.

L'article 3 prévoit le dépôt, par le Gouvernement et avant le 31 décembre 2014, d'un rapport examinant les freins juridiques et économiques empêchant la fabrication et la commercialisation des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) comme le purin d’ortie ou la prêle, qui correspondent, dans la réglementation européenne, aux substances à faible risque visées par le règlement du 21 octobre 2009. À ce jour, aucune PNPP n’a pu être acceptée dans le cadre de cette procédure, que son coût et sa lourdeur rendent inadaptée à cette catégorie de préparations.

Enfin, l'article 4, ajouté à l'initiative du rapporteur du Sénat, a pour objectif de prévoir une entrée en vigueur différée des articles 1er et 2 – respectivement en 2020 et 2022.

Le texte a d’ailleurs reçu un excellent accueil au Sénat, où il a été adopté dans des conditions proches du consensus. Le caractère pragmatique et aisément compréhensible du dispositif et les délais laissés à chacun des acteurs pour s'adapter à ce nouvel environnement juridique n'y sont sans doute pas étrangers. J'espère qu'il en sera de même aujourd'hui dans notre commission, et la semaine prochaine en séance publique.

Afin de faciliter l'adoption du texte, qui deviendrait définitif s’il était voté conforme la semaine prochaine, j'ai fait le choix de ne déposer aucun amendement.

Mme Sophie Errante. Je salue votre travail et celui de vos collègues sénateurs, madame la rapporteure. Ce texte vise à renforcer l’encadrement de l’utilisation et de la vente des pesticides à usage non agricole. Il a donc un double objectif : d’une part, interdire aux personnes publiques l’utilisation de produits phytosanitaires pour entretenir leurs espaces verts, forêts et promenades, et de l’autre, interdire la commercialisation et l’utilisation de ces produits pour un usage non professionnel.

La discussion au Sénat a permis d’enrichir le texte en élargissant le champ des alternatives aux produits phytosanitaires et en prévoyant une exemption pour les produits de biocontrôle. Une dérogation a également été prévue pour la lutte contre la propagation des organismes nuisibles en cas de danger sanitaire. Enfin, le champ d’application du texte a été restreint pour des questions de sécurité publique, et les dates d’entrée en vigueur des articles 1er et 2 repoussées pour laisser aux personnes publiques et aux industriels le temps de se préparer à cette transition vers l’utilisation de produits alternatifs.

L’usage non agricole des produits phytosanitaires ne doit pas être sous-estimé : il représente entre 5 % et 10 % des usages, ce qui n’est pas négligeable ; 45 % des Français possèdent un jardin ou un potager. Nous connaissons les conséquences de cet usage sur l’environnement, notamment les eaux, contaminées par les désherbants utilisés, mais aussi les fossés et bordures de parcelles – ces endroits se repèrent aisément, car ils sont jaunis. En tant qu’élue locale, je ne crains pas d’affirmer que nous avons besoin de ce texte pour changer les pratiques de nos concitoyens – vous l’aurez sans doute vous-même constaté lors des auditions auxquelles vous avez procédé. Il s’agit de protéger les agents des collectivités qui utilisent les produits chimiques dans leur travail quotidien, ainsi que les utilisateurs non professionnels, souvent mal informés sur les dangers des produits et les précautions de sécurité à prendre.

Le texte permet aussi de prolonger un mouvement engagé depuis plusieurs années, qui vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Cette volonté a été réaffirmée plusieurs fois par le Gouvernement, notamment par la voix du ministre de l’agriculture. Il se veut un signal adressé aux industriels, aux collectivités et aux citoyens. Équilibré et pragmatique, il doit constituer une étape dans notre action pour réduire l’utilisation des pesticides. Il ne suffira certes pas à changer les pratiques actuelles en pratiques écoresponsables, mais le groupe SRC y est favorable.

M. Martial Saddier. Sur le principe, les députés UMP ne sont pas opposés à cette proposition de loi. Elle n’en soulève pas moins un certain nombre d’interrogations.

Je remercie Mme la rapporteure de s’être exprimée en toute transparence, à la fois sur l’apport qu’a constitué le travail d’Antoine Herth et sur son souhait d’un vote conforme. Nous souhaitons néanmoins que le débat puisse aller à son terme, et que la majorité ne ferme pas la porte à d’éventuels amendements permettant de faire évoluer le texte.

Sans vouloir susciter de polémique, je tiens également à dire que nous ne sommes pas dupes sur la nature pré-électorale de toutes ces propositions de loi « vertes ».

Plusieurs députés. Très mauvais esprit !

M. Martial Saddier. Vous ne nous ferez pas croire que la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électro-magnétiques et celle-ci, que l’on nous demande de voter conforme pour qu’elle puisse être adoptée définitivement jeudi prochain, sont sans rapport avec les échéances électorales qui se profilent !

Enfin, la date de 2022 reste assez lointaine. C’est, semble-t-il, une marque de fabrique de la majorité et du Président de la République pour les mesures concernant l’environnement. Certes, on ne parle plus de 2050 ou de 2030, mais vous pourriez tout de même faire mieux !

Je remercie Mme la rapporteure d’avoir rappelé que c’est la majorité précédente qui a lancé le plan Écophyto 2018. Je salue l’action de Michel Barnier, le ministre de l’agriculture de l’époque, et de son successeur Bruno Le Maire, qui avait confié à notre excellent collègue de la Commission des affaires économiques, Antoine Herth, une mission sur le développement des produits de biocontrôle pour la protection des cultures.

Les premiers résultats du plan Écophyto 2018 se font aujourd’hui sentir. Certes, il doit être amélioré, mais nous tenons à saluer tous les maires, présidents d’établissements publics de coopération intercommunale et présidents de conseils généraux de tous bords qui se sont déjà engagés dans la voie d’une réduction des produits phytosanitaires et des engrais chimiques – ainsi que les professionnels du secteur, qui ont accompli de vrais progrès. C’est ce secteur qui a été le plus à la pointe en matière de « zéro phyto », de fauchage raisonné, de tonte raisonnée et, pour les zones de montagne, de salage raisonné. Néanmoins, il ne représente que 5 % des produits phytosanitaires utilisés : la véritable baisse n’interviendra donc qu’avec la pleine application du plan Écophyto 2018.

Nous avons déposé un certain nombre d’amendements d’appel sur des points sur lesquels nous ne souhaitons pas être enfermés dans l’exigence d’un vote conforme. La nécessité d’exceptions sur les espèces végétales et animales est-elle bien prise en compte ? Aurons-nous des produits de substitution ? Je pense aussi à la compatibilité européenne et aux délais. Enfin, le renvoi à l’article L. 253-15 du code rural ouvre la possibilité de punir d’une peine très lourde, deux ans de prison ferme et 75 000 euros d’amende, tout contrevenant à ce texte. Il nous semble important de réaménager ces peines, excessivement sévères, d’ici à la discussion en séance publique.

M. Yannick Favennec. L’enjeu principal du combat contre les produits nocifs pour la santé en matière agricole est de trouver le juste équilibre entre protection de la santé publique, obligations écologiques et maintien d’un rendement agricole suffisant pour garantir à la France une indépendance alimentaire pérenne ainsi qu’une économie agricole viable. L’innovation et la recherche doivent être privilégiées pour trouver des solutions alternatives. Nous déplorons d’ailleurs que la loi d’avenir pour l’agriculture, dont nous avons débattu la semaine dernière en première lecture, ne mette pas suffisamment l’accent sur ces deux enjeux majeurs pour faire évoluer les pratiques dans ce domaine. En la matière, l’échelle européenne semble aussi la plus adaptée, afin de ne pas creuser la différence normative entre agriculteurs français et européens ; la voie de l’harmonisation européenne doit être privilégiée. Par ailleurs, de nombreuses dispositions relèvent de la réglementation européenne ou du pouvoir réglementaire français, et non du Parlement.

Considérant que certaines mesures – pourtant essentielles – nécessitent une concertation plus large avec les différents acteurs concernés, notamment pour ce qui concerne les usages agricoles de ces produits, le texte se borne en réalité aux usages non agricoles des pesticides.

Nous pouvons nous féliciter de l’adoption de plusieurs amendements par le Sénat, car la version initiale du texte était trop contraignante. Les dérogations à l’interdiction du recours aux produits phytosanitaires apportent plus de souplesse, notamment pour prendre en compte la lutte contre la propagation des organismes nuisibles en cas de danger sanitaire. Le rapport prévu à l’article 3 permettra de choisir la façon la plus efficace et la plus sûre de faire pénétrer sur le marché des produits de biocontrôle, ce qui est une bonne chose. Dans les faits, collectivités et entreprises sont déjà préparées à cet encadrement juridique. En définitive, ce texte se distingue davantage par son message politique que par son contenu. On ne peut bien sûr s’opposer au principe ; le groupe UDI envisage donc de voter ce texte.

M. Patrice Carvalho. Cette proposition de loi, qui nous vient du Sénat, intervient dans le prolongement de la mission d'information sénatoriale sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement. Elle a été votée à l'unanimité par la Haute Assemblée. Certes, elle a ses limites, puisqu'elle ne concerne pas l'usage de substances dans le milieu agricole, qui représente 95% de l'utilisation des pesticides. En l'occurrence, cet aspect relève de la réglementation européenne.

Le texte concerne donc l'usage des produits phytosanitaires dans les espaces non agricoles par les personnes publiques et les particuliers. Deux tiers des usages de ces produits concernent ceux-ci, et un tiers celles-là.

Cela ne saurait nous dispenser de réfléchir à ce qu'il conviendrait de faire dans le milieu agricole, sachant que la France est le pays d'Europe qui autorise le plus grand nombre de substances de ce type – on en comptait 319 en 2013.

Cela dit, je partage la volonté d'interdire l'utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques. Le report à 2020 laisse le temps aux collectivités de s'adapter. Se pose néanmoins la question des moyens, en particulier pour les plus petites communes, puisqu’il faudra non seulement avoir recours à des produits de substitution, mais aussi former les personnels.

L'article 2 prohibe la mise sur le marché de ces substances, leur utilisation et leur détention pour un usage non professionnel. Je n'ai pas d'objection, mais je m’interroge : que se passera-t-il pour les collectivités qui délèguent l’entretien de leurs espaces à une entreprise privée et pour les particuliers qui s'en remettent à des entrepreneurs paysagistes ? Cela pose le problème de l'exposition à ces produits des particuliers, mais également des salariés des entreprises concernées.

L'article 3 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport sur les freins juridiques et économiques qui empêchent le développement des substances à faible risque. C'est utile, car il faudra assurer le développement de produits de substitution.

Le groupe GDR apportera son soutien à cette proposition de loi.

M. Paul Molac. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission. Cette proposition de loi portée par le groupe écologiste, et adoptée par le Sénat, ouvre une brèche dans le « tout chimique ». Précisons néanmoins que cette brèche est déjà largement ouverte dans les esprits. Pour la première fois, des produits phytosanitaires classiques seront interdits – et non plus simplement encadrés – dans le but de modifier les pratiques et de favoriser leur remplacement par des produits de biocontrôle ou naturels. C’est un dispositif réaliste et efficace, déjà largement répandu puisque près de 40 % des communes sont aujourd’hui à « zéro phyto ». Nombre d’entre elles atteignent des seuils proches de 95 % de traitements sans phytosanitaires, les cas résiduels concernant les cimetières et les terrains de sport, qui sont exclus de cette proposition de loi.

Les produits phytosanitaires ont un impact important sur la biodiversité, l’environnement, la qualité de l’eau et la santé publique. Les agents publics qui les manipulent quotidiennement sont évidemment en première ligne, de même que les agriculteurs, puisque leur risque est désormais avéré. Rappelons que la France est un champion non seulement de l’usage des médicaments, mais aussi de celui des produits phytosanitaires. Or se passer de ces derniers ne coûte pas davantage. La plupart des collectivités concernées nous ont même dit que cela réduisait leur coût à l’hectare.

Certes, il faut faire un effort de formation, mais des financements peuvent être trouvés auprès des départements et du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). De même, il faut informer le public, en expliquant que quelques brins d’herbe sont souvent meilleurs pour la santé que le culte de la « propreté » absolue.

Ce texte permettra également de répondre à une attente des consommateurs. En effet, il est souvent difficile de trouver des produits de substitution ou de bénéficier de conseils dans le commerce.

Enfin, il répond à une attente des collectivités locales, tout en constituant une reconnaissance du travail accompli par nombre d’entre elles.

D’aucuns estiment qu’il est trop consensuel. Pour ma part, je pense qu’il faut rester mesuré, et profiter de l’occasion qui nous est offerte de faire avancer cette cause. Je rappelle que le texte a été adopté par 192 voix sur 196 présents au Sénat.

Les maires qui vont être élus en 2014 auront tout un mandat pour former leurs personnels et s’adapter, puisque l’entrée en vigueur de l’article 1er est fixée au 1er janvier 2020. Pour les particuliers, ce délai va jusqu’en 2022. Certains le jugent trop long, mais là encore, il convient d’encourager le consensus.

Le groupe écologiste ne dispose que d’une niche parlementaire par an, monsieur Martial Saddier. Si cette proposition de loi n’est pas adoptée conforme, nous ne pourrons donc en rediscuter qu’en janvier 2015.

M. Martial Saddier. Ce sera pour les régionales !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous pouvez faire confiance au groupe écologiste pour faire d’autres propositions dans le cadre de sa niche parlementaire en 2015, cher collègue. (Rires)

M. Jacques Krabal. L’utilisation des pesticides en zone non agricole représente pratiquement 9 % du total des volumes vendus en France. L’impact de cet usage non agricole est proportionnellement plus important qu’en usage agricole en raison du type des surfaces traitées – surfaces imperméables, avec risques de ruissellement et problèmes de surdosage, sans oublier les fuites liées à des matériels non adaptés ou mal entretenus et la méconnaissance du bon usage de ces produits. Interdire l’usage des pesticides en milieu non agricole permettra donc d’agir directement sur les principales sources de pollution de l’eau en France métropolitaine.

Permettez-moi de revenir sur les problématiques de santé, qui sont essentielles. Le lien entre les pesticides et le déclenchement de cancers et de maladies d’Alzheimer ou de Parkinson a été mis en évidence de manière certaine par plusieurs études scientifiques ; ces éléments sont repris dans le rapport du Sénat à l’origine de cette proposition de loi. Dans le cadre du plan Écophyto, le Gouvernement s’est engagé dans la voie de la réduction de l’usage des pesticides. Il restreint leur utilisation aux seules fins de production de denrées alimentaires et de protection sanitaire.

L’usage non agricole des pesticides se fonde souvent sur des considérations esthétiques ou d’agrément – Mme la rapporteure a parlé des géraniums. (Sourires)

Le groupe RRDP souhaitait évoquer la problématique des forêts communales. Compte tenu des problèmes de pollution de l’eau et des problèmes de santé associés, je considère que l’interdiction de l’usage non agricole de ces produits découle du bon sens, d’autant qu’elle n’induit aucun risque économique ou sanitaire. Cette proposition de loi a le mérite d’être claire et de respecter nos espaces naturels. De plus, l’entrée en vigueur de ses articles 1er et 2 a été repoussée par nos collègues sénateurs, ce qui est une bonne chose. En revanche, je regrette qu’il n’ait pas été fait mention d’incitations au développement de la lutte biologique contre les organismes nuisibles avant de recourir aux pesticides.

Les démarches « zéro phyto » ne sont pas nouvelles et bénéficient d’un recul de dix à quinze ans. De nombreuses démarches incitatives existent : en Picardie, les chartes des programmes d’accompagnement des communes, mises en œuvre avec les pays et soutenues par les agences de l’eau, obtiennent des résultats probants. La ville de Château-Thierry est engagée depuis 2010 dans la démarche « zéro phyto ». Ces expériences montrent que le soutien technique dans le choix des méthodes d’entretien et du matériel et les aides financières sont essentiels. Il est nécessaire d’inciter à l’achat mutualisé entre les communes ou à l’échelle des intercommunalités, ainsi que de conditionner les aides pour des aménagements publics à un entretien sans pesticides – car l’entretien de ces aménagements est trop peu pris en compte lors de leur conception. Un autre point important est la formation des agents communaux à l’utilisation des techniques alternatives, qui doit être développée et pourrait également être très utile pour les particuliers. Dans le sud de l’Aisne, nous avons ouvert des ateliers de jardinage naturel, qui constituent une éducation à l’environnement, mais aussi à la culture de nos territoires ruraux pour les nouveaux arrivants, et permettent ensuite une réappropriation des jardins familiaux.

M. Jean-Yves Caullet. L’utilisation des moyens doit toujours être analysée en fonction d’un bilan de leurs coûts et de leurs avantages. En l’occurrence, les espaces ouverts à la promenade et autres espaces publics ne nécessitent pas particulièrement d’intrants. Au contraire, il faut des pratiques qui garantissent une qualité.

L’espace public forestier représente un quart de la surface forestière de notre pays. Nous devons pouvoir y conserver la capacité de recourir, le cas échéant, à certains pesticides ou herbicides dans le cadre de la sylviculture. La voie réglementaire le permettra-t-elle ? Il ne s’agit pas de soumettre la forêt à un déversement de produits, mais seulement à des usages ponctuels. Pouvez-vous me confirmer que les capacités productives forestières ne seront pas impactées par le texte, et que la voie réglementaire permettra bien d’opérer une distinction entre ce qui relève de la promenade et ce qui relève de l’activité de production ?

M. Jacques Kossowski. L’an dernier, dans le cadre de la réglementation européenne, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a effectué des contrôles de surveillance lors de la mise sur le marché de nouveaux produits alternatifs peu respectueux de l’environnement. La conformité de l’étiquetage du classement de danger – ou « pavé sécurité » – pour les produits destinés au grand public a aussi fait l’objet d’une inspection.

Le résultat de ces contrôles est préoccupant, puisqu’ils ont donné lieu à 383 avertissements, 71 mesures de police administrative, 14 injonctions et 16 dossiers contentieux. Les principales anomalies relevées concernent les conditions de vente, l’étiquetage et l’emballage. Les produits non autorisés, parfois utilisés par des communes, ont bien entendu fait l’objet d’un retrait d’autorisation de mise sur le marché. Or la nécessité de substituer aux produits phytosanitaires des produits de biocontrôle et à faible risque fait consensus, à condition toutefois que le marché soit très réglementé et strictement surveillé. Quel est votre sentiment sur ce point ?

M. Jean-Pierre Vigier. Cette proposition de loi vise à interdire, à partir du 1er janvier 2020, les produits chimiques de synthèse pour les usages non agricoles. Or le plan Écophyto 2018, sur lequel une évaluation est en cours, semble donner satisfaction. Depuis plusieurs années, les différents acteurs se sont engagés dans une triple démarche : réduction volontaire des tonnages pour les producteurs ; mise en place du dispositif « Certiphyto », avec des investissements conséquents à la clé, pour le secteur de la distribution ; responsabilisation et sécurisation des produits, enfin, pour les jardiniers amateurs. Dans ces conditions, n’est-il pas inutile de modifier les mesures existantes avant toute évaluation ?

M. Guillaume Chevrollier. Ce texte, qui tend à encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, revêt, à l’approche d’élections locales, une dimension particulièrement symbolique. Sous le noble motif de protéger la santé de nos concitoyens, il va fort loin. Pourquoi, néanmoins, proposer de nouvelles contraintes et interdictions alors que notre législation, notamment à travers le Grenelle de l’environnement, est déjà fort étoffée et que beaucoup de communes, par exemple en Mayenne, appliquent l’objectif « zéro phyto » ?

Je veux relayer ici l’inquiétude des jardiniers, qui ont besoin de moyens efficaces pour protéger leurs récoltes, comme des élus de communes rurales : certaines d’entre elles, qui ont le souci de l’environnement, ne disposent que d’un seul employé communal à temps partiel ; or l’interdiction des produits chimiques ne leur laissera d’autre alternative que les moyens mécaniques, plus coûteux et plus longs. Je souscris aux grands principes, mais ils doivent être mis en œuvre avec raison et réalisme.

Mme Sophie Rohfritsch. Je me félicite également de ce texte, dont certaines mesures sont déjà appliquées par de nombreuses communes. Pourquoi, cependant, exclure les terrains de sport et les cimetières, et prévoir des délais aussi longs ? Ma petite commune de 3 000 habitants applique le « zéro phyto » depuis presque dix ans. Au demeurant, cette pratique est pour ainsi dire dépassée par de nouvelles, que l’on aurait pu prendre en compte : je pense par exemple au fauchage différencié, à la création de ruches ou à l’utilisation de chevaux cantonniers. Malgré son évidente opportunité électorale, ce texte m’apparaît donc inabouti. (Murmures)

Les communes et les services techniques sont prêts ; ils n’ont pas tant besoin de formation que d’un signal psychologique fort, qui leur ferait comprendre que leur métier n’est pas moins valorisant parce qu’il redevient manuel, avec le couteau et la binette. Enfin, les amendements que déposera le groupe UMP sur l’information du public compléteront le texte par un volet pédagogique.

M. Michel Heinrich. Nos collègues écologistes, dont les propositions de loi se succèdent, sont décidément à la fête. (Murmures) Si le texte relatif aux ondes électromagnétiques était superflu, voire inquiétant pour nos concitoyens, celui-ci me paraît plus pragmatique. À Épinal, ville de 35 000 habitants dont je suis maire, nous appliquons le « zéro phyto » depuis 2008, y compris sur les terrains de sport et dans les cimetières. La population est parfois réticente au départ, mais si l’on fait preuve de pédagogie, elle finit par accepter ces usages dont il faut rappeler, toutefois, qu’ils ne sont pas moins coûteux – ils le seraient même un peu plus. Quoi qu’il en soit, le jeu en vaut la chandelle.

Seul l’article 2 me gêne, tant la sanction prévue paraît excessive.

M. Yves Albarello. Maire d’une commune « quatre fleurs » depuis plusieurs années, je n’ai pas non plus attendu les écologistes pour appliquer le « zéro phyto » et recourir aux techniques alternatives, telles que le bêchage, le paillage, le fauchage différencié – sauf pour les terrains de football – ou le brûlage. Nous allons jusqu’à éradiquer les plantes invasives, comme la renouée du Japon.

Cette proposition de loi est d’abord un affichage politique avant les élections municipales (Murmures). Mais les sanctions prévues à l’article 2 – deux ans de prison et 75 000 euros d’amende pour les élus contrevenants – me semblent excessives : je ne les voterai donc pas si elles restent inchangées sur ce point. Arrêtons la « chasse aux élus » !

M. François-Michel Lambert. Depuis dix-huit mois, nos débats au sein de cette commission sont restés apaisés, loin de tout dogmatisme et des effets de manche. Je regrette donc le procès d’intention électoraliste que l’on nous fait, d’autant que le calendrier parlementaire réserve de toute façon, à chaque mois de janvier, une « niche » au groupe écologiste, auquel on ne peut quand même pas reprocher de défendre des textes écologiques ! Si des élections suivent, ce n’est pas notre fait ; du reste, que je sache, d’autres élections suivront également les « niches » du groupe UMP.

Certains orateurs rappellent qu’ils appliquent depuis longtemps le « zéro pesticide » dans leur commune ; mais c’est précisément en ce sens que le texte s’inscrit dans une trajectoire, laquelle changera l’approche de notre pays en matière de gestion des espaces publics. Je vous invite donc, chers collègues de l’opposition, sinon à contribuer à un vote unanime, du moins à une certaine retenue, s’agissant de mesures que vous mettez déjà en œuvre.

Mme la rapporteure. Rassurez-vous, monsieur Martial Saddier : nous sommes bel et bien ici pour débattre ! Je remercie Sophie Errante pour ses précisions sur l’environnement et les problèmes de santé.

Nous ne pouvons que nous féliciter, monsieur Martial Saddier, de voir que ces questions seront traitées à l’horizon 2020 ou 2022 plutôt qu’à l’horizon 2050 : cela signifie, en définitive, que les décisions ne sont pas reportées sine die. Le plan Écophyto avait sans doute des objectifs louables mais, faute de moyens suffisants, ils ne seront pas atteints, s’agissant en particulier d’une diminution de moitié de l’usage des pesticides par la profession agricole d’ici à 2018. Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, voté hier par notre assemblée, comporte des outils qui permettront d’atteindre ces objectifs, et le présent texte en étend les principes aux particuliers et aux collectivités publiques.

Monsieur Yannick Favennec a insisté sur la dimension non agricole de cette proposition de loi et rappelé la souplesse du Sénat, lequel, sur 196 votes exprimés, s’est prononcé à 192 voix pour et 4 voix contre. Un tel consensus n’aurait pas été possible sans un vrai débat.

Le message politique est fort, bien entendu : faut-il s’étonner que le groupe écologiste dépose, dans le cadre de sa niche parlementaire, des textes marqués par de vrais enjeux écologiques ? Il n’est pas moins normal, ce me semble, que notre commission soit saisie de tels textes.

S’agissant des délégations au secteur privé, monsieur Carvalho, le texte précise bien que les collectivités ne doivent pas utiliser ou « faire utiliser les produits » visés : l’hypothèse d’une délégation à un tiers est donc bien prise en compte.

Monsieur Paul Molac a rappelé que 40 % des communes ont d’ores et déjà adopté le plan « zéro phyto » : cela signifie aussi que 60 % restent à convaincre et qu’il faut fixer des dates butoirs, comme ce fut le cas pour l’accessibilité des lieux publics. Certains élus locaux poussent des hauts cris, mais je rappelle que ces dates, dont l’échéance laisse le temps aux collectivités pour se préparer, sont connues depuis longtemps. La proposition de loi a aussi pour objectif de convaincre les élus encore réticents.

Il est vrai, monsieur Jacques Krabal, que les matériels et les pratiques ne sont pas encore adaptés aux normes et réglementations en vigueur. L’interdiction des produits phytosanitaires, dont la dangerosité a souvent été minimisée, réglera précisément le problème. Sur ce point aussi, la future loi constituera un signal fort.

On l’a observé, souvent le bon sens prévaut, y compris pour les forêts ; mais l’homme est ainsi fait que même des mesures de bon sens doivent être inscrites dans la loi.

Les démarches prévues supposent en effet des choix techniques et de la formation, mais certaines observations sur les valeurs respectives des produits phytosanitaires et de la binette ne laissent pas de m’étonner.

Monsieur Jean-Yves Caullet m’a interrogée sur les espaces forestiers. Lors des auditions, les dirigeants de l’Office national des forêts m’ont indiqué que les produits phytosanitaires n’y étaient utilisés que de façon très rare. La proposition de loi, du reste, prévoit cette utilisation, ainsi que la possibilité, pendant les traitements, de fermer la promenade au public dans les forêts dont ce n’est pas la vocation principale. Une telle disposition me semble nécessaire au vu des risques avérés que présentent les produits phytosanitaires pour les voies respiratoires ou la peau.

Monsieur Jacques Kossowski a évoqué le bilan préoccupant des contrôles. Que les choses soient claires : toute infraction à la loi est sévèrement punie. C’est tout le sens de l’article 2 : la loi n’est vraiment respectée que si les sanctions sont dissuasives. Le montant de l’amende est un signal fort adressé, non seulement aux collectivités, mais aussi aux distributeurs.

Le droit, dans le domaine dont nous parlons, est amené à évoluer, et le groupe écologiste y prendra sa part à travers d’autres textes ; reste qu’aujourd’hui, l’opinion n’est pas prête à voir appliquée l’interdiction des produits phytosanitaires sur les terrains de football ou dans les cimetières. Certaines collectivités ont trouvé des solutions dans le cadre des plans « zéro phyto » : il leur faudra les appliquer sur tous les types de terrains. Bref, les choses évolueront.

Monsieur François-Michel Lambert a rappelé le rôle de notre commission sur des textes de cette nature, et précisé que celui dont nous discutons est l’aboutissement d’une trajectoire. Je le répète : on a parfois sous-estimé, y compris de bonne foi, les dangers des pesticides. Aujourd’hui, de nombreux rapports mettent en évidence leur danger, pour la santé humaine et animale comme pour l’environnement. Peut-être aurions-nous dû fermer le marché, au moins pour les usages non professionnels : a-t-on jamais envisagé d’ouvrir celui de la pénicilline ou des antibiotiques ? Cette proposition de loi met fin à trente ans d’erreur.

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime)

Interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques
pour l’entretien des espaces verts, forêts et promenades
relevant du domaine public ou privé des personnes publiques

Cet article vise à interdire aux personnes publiques, à compter du 1er janvier 2020, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, à l’exception des produits bio contrôles et préparations naturelles peu préoccupantes, pour l’entretien de leurs espaces verts, forêts et promenades.

1. Le droit en vigueur

Le chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, issu de l’ordonnance n° 2011-840 du 15 juillet 2011 relative à la mise en conformité des dispositions nationales avec le droit de l’Union européenne sur la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, comprend un ensemble de dispositions encadrant la mise sur le marché et l’utilisation de ces produits.

L’article L. 253-7 prévoit ainsi que, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, l'autorité administrative peut prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques visés à l'article L. 253-1 du même code et des semences traitées par ces produits, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, sauf urgence et sans préjudice des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement.

En particulier, l'autorité administrative peut interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières comme les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables (parcs et jardins publics, terrains de sport et de loisirs, terrains scolaires, terrains de jeux pour enfants, zones situées à proximité immédiate d'établissements de soin), les zones protégées mentionnées à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ou encore les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l'article L. 414-1 du code de l'environnement.

L'autorité administrative peut aussi prendre des mesures pour encadrer les conditions de stockage, de manipulation, de dilution et de mélange avant application des produits phytopharmaceutiques, les modalités de manipulation, d'élimination et de récupération des déchets issus de ces produits ou encore les modalités de nettoyage du matériel utilisé.

2. Le dispositif de la proposition de loi

L’article 1er de la proposition de loi regroupe l’ensemble des dispositions précédemment rappelées de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime dans le cadre d’un premier paragraphe.

Il introduit, au même article, un second paragraphe posant le principe selon lequel il est interdit aux personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques – c'est-à-dire l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics – d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques visés au premier alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades, accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé. Aux termes de l’article 4 de la proposition de loi, cette disposition entrerait en vigueur au 1er janvier 2020.

Une dérogation est néanmoins prévue au bénéfice des produits mentionnés au IV du même article, créé par l’article 2 de la proposition de loi : il s’agit des produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, des produits à faible risque au sens du règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil et des produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique.

Par ailleurs, cette interdiction générale ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles visés à l’article L. 251-3, c'est-à-dire « tous les ennemis des végétaux ou des produits végétaux, qu'ils appartiennent au règne animal ou végétal ou se présentent sous forme de virus, mycoplasmes ou autres agents pathogènes ». En cas d’urgence sanitaire, les personnes publiques pourront continuer de faire appel aux pesticides chimiques classiques jusqu’à ce que la menace soit enrayée, dans les conditions prévues à l’article L. 251-8 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que « le ministre chargé de l’agriculture peut prescrire par arrêté les traitements et les mesures nécessaires à la prévention de la propagation des organismes nuisibles (…). En cas d'urgence, les mesures ci-dessus spécifiées peuvent être prises par arrêté préfectoral immédiatement applicable ».

3. La position de votre rapporteure

Contrairement à une idée répandue, les utilisateurs de pesticides dans les zones non agricoles ne se résument pas aux seuls jardiniers du dimanche. Parmi les consommateurs très importants de pesticides, il faut en effet compter les collectivités locales, SNCF Infra (entretien des voies ferrées et de leurs abords), les exploitants d’infrastructures aéroportuaires ou encore les sociétés autoroutières et les gestionnaires de golfs.

De nombreuses collectivités se sont aujourd’hui engagées sur la voie du « zéro phyto ». Selon une enquête menée par l’INRA et par Plante & Cité en 2009, plus de la moitié des villes de plus de cinquante mille habitants se sont ainsi fixé un objectif de « zéro phyto » et de grandes villes comme Nantes, Strasbourg ou même Paris ont franchi le pas : il s’agit donc d’une démarche qui n’est nullement réservée aux petites villes en zone semi-rurale, mais qui peut être engagée en milieu totalement urbanisé. En Poitou-Charentes, dans le cadre de la charte « Terre saine », tous les espaces collectifs – y compris les trottoirs et les cimetières – ainsi que les écoles sont désormais sans pesticides. Comme nous l’a montré l’exemple du département de la Dordogne et sa charte « zéro herbicides », la gestion différenciée des espaces, la formation du personnel, et la sensibilisation des citoyens sont les clés de la réussite de cette démarche.

Votre rapporteure approuve donc pleinement la volonté d’interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques. De nombreuses collectivités, déjà engagées dans la démarche, satisferont déjà la présente proposition de loi ; pour les autres, un délai suffisant est prévu par le texte pour se mettre en conformité.

La date butoir est fixée à 2020. Cette date semble réaliste et un beau projet durant un mandat. Les collectivités ayant mis en place de manière volontariste un plan d'action, démontrent que 5 années sont suffisantes et nécessaires pour créer les évolutions, les synergies. La prise en compte locale des aménités humaines et environnementales et de leur capacité à évoluer : pédagogie, formation, promotion de nouvelles pratiques crée une démarche concomitante entre utilisateurs des collectivités publiques et usagers particuliers spectateurs de cette évolution et finalement acteurs dans leurs espaces privés.

Des témoignages de méthodes participatives pour associer décideurs et agents montrent une dynamique territoriale qui permet de rechercher des solutions globales afin de penser les aménagements d'espace qui intègrent une gestion écologique de ceux- ci. Il ne s'agit pas de donner une binette à la place d'un atomiseur, mais de mettre en œuvre une ingénierie responsabilisante et valorisante pour tous les acteurs.

C'est donc une démarche intellectuelle positive pour l'environnement, pour la santé des acteurs et des usagers et citoyenne puisqu'elle vise au bien-être collectif des contemporains et des générations futures.

Votre rapporteure soutient également l’esprit de réalisme qui inspire les dispositions votées en première lecture au Sénat. Sur proposition du rapporteur de la commission saisie au fond, le Sénat a en effet souhaité que l’interdiction prévue ne s’applique qu’à l’entretien des espaces verts, forêts ou promenades « ouverts ou accessibles au public ». Pour l’entretien des voies ferrées, des pistes d’aéroport ou des autoroutes, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques demeure en effet une obligation pour cause de sécurité publique. En réservant l’interdiction aux seuls lieux accessibles ou ouverts au public, ces situations particulières pourront continuer à être traitées selon les protocoles traditionnels, même s’il paraît hautement souhaitable que ces personnes publiques s’engagent spontanément dans le même effort de réduction de l’usage des produits phytosanitaires.

*

* *

La Commission examine l’amendement CD4 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Cet amendement vise à étendre le périmètre de l’interdiction aux terrains de sport, aux golfs et aux cimetières. De fait, j’aurais préféré que le texte aille plus loin, mais il constitue malgré tout une première étape : compte tenu des explications précédentes, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CD13 de Mme Florence Delaunay.

Mme Florence Delaunay. Beaucoup de collectivités, parmi lesquelles mon village de Léon dans les Landes, ont mis en œuvre le plan « zéro phyto ».

Parce que l’on en exploite aussi le bois, la forêt peut être comparée à une entreprise ou une usine. Dans cette optique, cet amendement prévoit un aménagement du texte pour les forêts cultivées. Les techniques mécanisées ne sont pas toujours substituables aux traitements phytosanitaires, et elles sont de surcroît coûteuses. La proposition de loi créerait également une distorsion entre les différents propriétaires, selon qu’ils sont publics ou privés, ce qui la rendrait partiellement inopérante dans les forêts morcelées.

Je propose, dans ces conditions, de compléter l’alinéa 4 par les mots suivants : « ni aux traitements appliqués en forêt dans les parcelles en régénération ou dans les parcelles faisant l’objet de mesures de protection d’urgence fixées par arrêté préfectoral » – notamment dans le cas de tempêtes de type Klaus –, « sous réserve que les produits employés soient homologués pour un usage en forêt ».

Mme la rapporteure. Élue de la région Aquitaine, je comprends tout à fait le sens de cet amendement, et je me suis souvent rendue dans votre commune des Landes. Je sais aussi à quel point la tempête Klaus a meurtri les habitants de ce département. Dans des situations comme celle-ci, des mesures de protection d’urgence sont et resteront possibles, par exemple pour interdire les promenades. Certes, les espaces forestiers restent ouverts ; mais, que je sache, sauf exception, on n’ouvre pas la porte des usines ou des entreprises, auxquelles vous les avez comparés.

Quant à la régénération, il faut d’abord rappeler que le désherbage mécanique est de loin la méthode la plus efficace, d’autant que les herbicides sont dangereux pour les nouveaux plants, en forêt ou dans les vignes. De toute façon, quand bien même on n’utilise pas la méthode mécanique, la promenade est rendue pour ainsi dire impossible par le développement des ronces ou des plantes invasives. Quoi qu’il en soit, en période de régénération ou de replantation, les collectivités restent libres d’interdire la promenade. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; nous pourrons d’ailleurs interroger le Gouvernement sur le sujet en séance publique.

M. Martial Saddier. Ces deux premiers amendements montrent, comme l’avait fait le plan Écophyto 2018 dans ses deux versions, que le travail n’est pas achevé. Nous comprenons l’utilité d’un vote conforme, mais les peines prévues à l’article 2, qui visent les maires et les employés municipaux, me semblent pour le moins excessives. Je le dis d’autant plus librement que je suis maire d’une commune, Bonneville, qui a banni les produits phytosanitaires depuis six ans, et pratique le salage et le fauchage raisonnés.

L’article L. 251-3, dont il est question à l’article 1er, vise-t-il bien, madame la rapporteure, tous les organismes nuisibles, qu’ils soient végétaux ou animaux ?

Si la proposition de loi est votée, il faudra revoir le processus de classement de ces organismes. Le frelon asiatique est apparu en France au début des années 2000 : fixé sur des matériaux inertes, il serait arrivé de Chine via des containers. Il a fallu attendre le 15 octobre 2008 pour qu’un rapport parlementaire soulève le problème, et le 28 décembre 2012 pour que cette espèce soit classée comme nuisible. En d’autres termes, les conditions d’application de la proposition de loi auraient laissé tout le temps au frelon asiatique de s’implanter sur les plans d’eau, parfois destinés à la baignade. C’est dire que la réflexion ne doit pas s’arrêter au présent texte.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le problème que vous soulevez relève du pouvoir réglementaire. Évitons les digressions.

Mme Florence Delaunay. Compte tenu des explications de la rapporteure, je retire mon amendement, mais je souhaite que le Gouvernement s’exprime sur le sujet en séance publique.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le mieux sera de redéposer cet amendement pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 1er sans modification, le groupe UMP s’abstenant.

Article 2
(articles L. 253-7, L. 253-9 et L. 253-15 du code rural et de la pêche maritime)

Interdiction de la vente, l’utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel

Cet article vise à interdire, à compter du 1er janvier 2022, la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention de produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel et à pénaliser le non-respect de cette interdiction.

1. Le droit en vigueur

Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime permet à l’autorité administrative de prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement.

L’article L. 253-9 organise les opérations d’élimination des produits phytopharmaceutiques à usage professionnel dont la mise sur le marché, l’introduction ou l’utilisation ne sont pas permises sur le territoire national. En cas de retrait ou de non-renouvellement de l’autorisation ou du permis de commerce parallèle dont bénéficiaient ces produits, l’élimination est réalisée par le détenteur de l’autorisation, ou par la première personne qui a procédé à leur mise sur le marché sur le territoire national, ou le cas échéant, par la personne les ayant introduits sur le territoire national. Lorsqu’aucune autorisation n’a été délivrée, l’élimination relève de la personne ayant procédé à la première mise sur le marché des produits sur le territoire national, ou à défaut, la personne qui a introduit les produits sur le territoire national.

L’article L. 253-15 punit, quant à lui, de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende le fait de vendre ou distribuer un produit phytopharmaceutique sans autorisation telle que prévue par le règlement européen du 21 octobre 2009 précité et le chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime. Sont également punis le fait, pour le titulaire d’une autorisation, de ne pas communiquer à l’autorité administrative les informations requises sur le produit, le fait de faire de la publicité pour un produit ne bénéficiant pas d’une autorisation, ou encore le fait de ne pas procéder aux opérations d’élimination prévues par l’article L. 253-9 du même code.

2. Le dispositif de la proposition de loi

L’article 2 de la proposition de loi complète l’article L. 253-7 précité pour prévoir l’interdiction de la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques visés au premier alinéa de l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, à compter du 1er janvier 2022, dans le cadre d’un usage non professionnel.

Il complète l’article L. 253-9 du même code, relatif à l’élimination des produits dont l’utilisation est interdite, pour imposer les mêmes obligations d’élimination aux produits à usage non professionnel.

Enfin, il complète l’article L. 253-15 afin de prévoir un dispositif de sanction en cas de non-respect de l’interdiction désormais prévue à l’article L. 253-7. C’est ainsi que « le fait de détenir en vue de la vente, d’offrir en vue de la vente ou de céder sous toute autre forme à titre gratuit ou onéreux, ainsi que le fait de vendre, de distribuer et d’effectuer d’autres formes de cession proprement dites d’un produit visé au premier alinéa de l’article L. 253-1 pour un usage non professionnel » sera également puni de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

3. La position de votre rapporteure

Votre rapporteure soutient l’interdiction, à terme, de la vente et de l’usage des produits phytosanitaires pour des usages non professionnels.

Les particuliers s’exposent en effet trop souvent, par manque de formation et de sensibilisation aux dangers de ces produits, à des contaminations du fait d’une mauvaise protection et d’un surdosage. Mais cet enjeu sanitaire se double d’un enjeu environnemental, car l’utilisation non professionnelle des pesticides représente une source importante de contamination des eaux : une étude menée à Pacé (Ille-et-Vilaine) entre 1998 et 2001 a ainsi estimé que le désherbage chimique sur des zones bitumées pouvait entraîner des transferts vers l’eau compris entre 10 et 40 % du produit épandu. De plus, les alternatives mécaniques et naturelles sont largement accessibles.

On estime que 45% des français disposent d’un jardin ou d’un potager, ce qui représente 17 millions de jardiniers.

Les amendements adoptés par la commission saisie au fond du Sénat, prévoyant par exemple une exemption pour les produits utilisés en agriculture biologique et les produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l’autorité administrative ou une dérogation pour la lutte contre les organismes nuisibles, ont permis d’améliorer la rédaction initiale dans un souci de cohérence.

Les délais d’entrée en vigueur ont été très largement adaptés au Sénat. Cela donnera le temps au marché des produits alternatifs de se développer (R&D).

*

* *

La Commission examine tout d’abord l’amendement CD1 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet amendement propose que les produits destinés à un usage non professionnel qui ne seront pas interdits bénéficient de la mention « Emploi Autorisé dans les Jardins » (EAJ), dont le détail est défini par voie réglementaire.

Mme la rapporteure. Il s’agit de produits davantage dilués. Or la proposition de loi tend à proscrire ces produits et non à les rendre plus propres. Si la vente en magasin est interdite, les industriels seront incités à soutenir la recherche pour des produits autorisés ; à défaut, ils seraient tentés de vendre des produits de plus en plus dilués. Avis défavorable.

M. Paul Molac. Dès l’instant où les produits phytosanitaires sont interdits, je ne vois pas l’intérêt de dire que les autres sont autorisés et ont un label spécial.

De plus, les entreprises qui vendront ce genre de produits seront à même de leur donner un logo. Il n’est pas nécessaire de le préciser dans la loi, d’autant qu’elles risqueraient de nous accuser d’édicter des règles trop contraignantes.

M. Julien Aubert. Cet amendement est une mesure de clarification pour les consommateurs. Beaucoup de labels existent, relevant plus du marketing que de la santé ou de l’impact sur l’environnement. Élever cette mention réglementaire au rang législatif permettra de la conforter, de la faire évoluer, tout en envoyant un signal de nature à rassurer les consommateurs. À partir de 2022, cette mention garantirait le suivi de certains produits. La mesure proposée ne retranche rien à la philosophie du texte : elle rend au contraire plus lisible la transition de régime pour le jardinier amateur.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CD3 de M. Martial Saddier.

M. Yves Albarello. Cet amendement propose, comme le précédent, que les produits destinés à un usage non professionnel qui ne seront pas interdits bénéficient de la mention « Emploi Autorisé dans les Jardins ». Cela permettra aux consommateurs de faire la différence avec d’autres produits autorisés, mesure d’autant plus utile au regard des trafics engendrés par le développement du commerce sur Internet.

Mme la rapporteure. La présente proposition de loi interdit les produits EAJ, considérés comme phytosanitaires. Il ne s’agit pas de préparations naturelles peu préoccupantes, mais de pesticides dilués. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 sans modification.

Article 3
Demande d’un rapport du Gouvernement
sur les préparations naturelles peu préoccupantes

Cet article prévoit la remise au Parlement, avant le 31 décembre 2014, d’un rapport sur les freins juridiques et économiques empêchant le développement des substances et préparations alternatives aux produits chimiques de synthèse.

1. Le droit en vigueur

L’article 3 concerne trois catégories d’alternatives aux pesticides, qui ne se recoupent que partiellement.

Les techniques de bio-contrôle sont des méthodes de protection des végétaux par le recours à des mécanismes naturels. On rappellera ici, pour mémoire, qu’un rapport avait été commandé en 2011 Antoine Herth par le Gouvernement Fillon sur les techniques de bio-contrôle.

Quatre principaux types d’agents de bio-contrôle sont traditionnellement distingués :

– les macro-organismes auxiliaires, qui comprennent les invertébrés, les insectes ou les acariens utilisés de façon raisonnée pour protéger les cultures ;

– les micro-organismes, comme certains champignons, bactéries et virus utilisés pour protéger les cultures contre les ravageurs et les maladies ou pour stimuler la vitalité des plantes ;

– les médiateurs chimiques, notamment les phéromones d’insectes, qui permettent de contrôler certaines populations d’insectes par confusion sexuelle et piégeage ;

– les substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale.

Ces techniques sont d’ores et déjà utilisées par l’agriculture et par les professionnels engagés dans le zéro phyto et les auditions auxquelles votre rapporteur a procédé montrent qu’elles pourraient parfaitement être étendues à l’ensemble des utilisateurs non agricoles de pesticides.

Parmi les techniques de bio-contrôle, on trouve les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).

La reconnaissance législative des PNPP remonte à l’article 36 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, qui renvoie elle-même à un décret les conditions de leur encadrement et la procédure dérogatoire de leur mise sur le marché.

Le décret n° 2009-792 du 23 juin 2009 relatif à la mise sur le marché de préparations naturelles peu préoccupantes à usage phytopharmaceutique, insérant une nouvelle section dans la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime (articles R. 253-86 et suivants du code rural et de la pêche maritime) définit ainsi une PNPP comme toute préparation satisfaisant aux deux conditions suivantes : d’une part, être élaborée exclusivement à partir d’un ou plusieurs éléments naturels non génétiquement modifiés ; d’autre part, être obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final. Plus précisément :

– le ou les éléments naturels non génétiquement modifiés, à partir desquels sont élaborées les préparations naturelles peu préoccupantes et dont la liste est tenue à jour par le ministre chargé de l’agriculture, doivent avoir fait l'objet d'une procédure d'inscription sur la liste communautaire des substances actives en application des articles R. 253-5 et suivants et ne pas avoir fait l'objet d'une décision de refus d'inscription, être « tels quels » – c'est-à-dire être non traités, ou traités uniquement par des moyens manuels, mécaniques ou gravitationnels, par dissolution dans l'eau, par flottation, par extraction par l'eau, par distillation à la vapeur ou par chauffage uniquement pour éliminer l'eau –, ne pas être identifiés comme toxiques, très toxiques, cancérogènes, mutagènes, ou toxiques pour la reproduction de catégorie 1 ou 2, en application de l'article L. 5132-2 du code de la santé publique et ne pas être l'objet de restrictions pour la vente directe au public en application d'autres réglementations ;

– il faut entendre par « procédé accessible à tout utilisateur final » tout procédé pour lequel l'utilisateur final est capable de réaliser toutes les étapes de la préparation. Néanmoins la matière première peut avoir été acquise auprès d'entreprises extérieures lorsque celles-ci sont seules capables de la fournir et si ces dernières ne réalisent pas elles-mêmes la préparation.

Par ailleurs, la mise sur le marché des préparations naturelles peu préoccupantes fait l'objet d'une autorisation délivrée par le ministre chargé de l'agriculture, le cas échéant après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. L'autorisation est délivrée pour une durée maximale de dix ans et est renouvelable (article R. 253-87).

Les substances à faibles risques constituent une catégorie européenne, à côté des substances de base, prévues dans le Règlement CE 1107-2009.

2. Le dispositif de la proposition de loi

L’article 3 de la proposition de loi prévoit le dépôt, par le Gouvernement et avant le 31 décembre 2014, d’un rapport examinant les freins juridiques et économiques empêchant la fabrication et la commercialisation des bio-contrôles et des substances à faible risque.

3. La position de votre rapporteure

Il semblerait que les critères de définition des catégories précitées soient encore fluctuants et devront être stabilisés à l’épreuve de la pratique dans les prochains mois. Cette clarification est attendue à la fois pour soutenir l’homologation des alternatives aux pesticides, notamment l’homologation des PNPP, de préférence par la catégorie produits de base et pour sécuriser les utilisateurs sur la réalité du « faible risque » de certaines substances. Le flou technique évident autour de l’application des règlementations phytopharmaceutique justifie la demande de rapport.

Votre rapporteure est satisfaite de l’adoption, dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt encore en discussion, d’une procédure accélérée concernant l’autorisation des produits de bios contrôles.

Votre rappporteure est préoccupée par la situation des PNPP. Les préparations naturelles peu préoccupantes relèvent de pratiques anciennes, qui ont prouvé leur efficacité et qui demeurent marginales en termes de volumes par rapport aux produits chimiques. Il s’agit, par exemple, du purin d’orties utilisé contre les pucerons, des pulvérisations d’ail contre les thrips, du sucre, de l’argile ou encore du vinaigre blanc. Ces produits ont en commun d’être peu onéreux, naturels et non nocifs. Le cadre juridique actuel apparaît pourtant insatisfaisant, puisqu’un seul PNPP, le purin d’ortie, a été reconnu depuis. Les représentants de l’Institut technique de l’agriculture biologique rencontrés par votre rapporteure ont notamment attiré son attention sur le fait que les substances contenues dans les PNPP doivent, en vertu du règlement du 21 octobre 2009, être inscrites à son annexe I pour pouvoir être autorisées et que le coût d’une telle inscription varie, en fonction de la complexité du dossier, entre 40 000 et 200 000 euros.

Votre rapporteure estime néanmoins que le développement des PNPP devrait être fortement encouragé en France. Ces substances pourraient contribuer à la réduction des traitements chimiques traditionnels et compléter utilement l’offre d’alternatives pour les jardiniers professionnels et amateurs.

Si les substances à faible risque sont pressenties pour être une voie privilégiée de mise sur le marché des produits de bio-contrôle, votre rapporteure exprime néanmoins un certain nombre de craintes :

– il n’y a pas de visibilité sur le calendrier d’approbation des substances à faible risque ;

– les critères d’inclusion dans la liste des substances reconnues comme à faible risque ne sont pas stabilisés et pourraient devenir contraires à l’objectif initial ;

– la procédure de reconnaissance est trop lourde pour les acteurs non industriels. On priverait donc l’usager particulier des phéromones, des micro-organismes et d’une partie des préparations naturelles peu préoccupantes qui ne seraient pas approuvées en substance de base.

– il existe une inadéquation avec les attentes des promoteurs d’alternatives et, plus particulièrement, de préparations naturelles peu préoccupantes.

Le rapport demandé au Gouvernement pourrait ainsi utilement faire le point sur le régime juridique de ces produits et substances, leur traitement dans les autres pays de l’Union européenne et envisager les voies et moyens d’une simplification accrue de leur régime juridique, tant au niveau français qu’européen, permettant d’assurer une sécurité sanitaire et juridique irréprochable aux professionnels, collectivités, citoyens et consommateurs.

*

* *

La Commission adopte l’article sans modification.

Article 4
Entrée en vigueur du dispositif

Cet article additionnel, ajouté à l’initiative du rapporteur de la commission saisie au fond du Sénat, a pour objectif de prévoir une entrée en vigueur différée des articles 1er et 2 de la proposition de loi. Alors que les dates d’entrée en vigueur étaient, dans le texte initial, incluses dans les dispositions mêmes des articles du code rural et de la pêche maritime, le Sénat a jugé plus opportun d’extraire ces dates des articles du code.

Le deuxième objectif de cet article additionnel est de repousser la date d’entrée en vigueur du 1er janvier 2018 au 1er janvier 2020 pour l’article 1er. Ce délai, qui correspond au terme des mandats municipaux complets courant à compter des élections de mars 2014, a en effet été estimé plus adapté pour permettre aux personnes publiques non encore engagées dans la démarche « zéro phyto » de faire évoluer leurs méthodes de traitement des espaces verts. Pour ce qui concerne l’interdiction de la vente et de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel, prévue à l’article 2, le Sénat a de même jugé préférable de repousser la date d’entrée en vigueur à 2022, afin notamment de laisser à l’industrie le temps d’adapter son modèle économique et de développer suffisamment d’alternatives.

*

* *

La Commission examine l’amendement CD2 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet amendement propose de rendre possible l’interdiction prévue aux articles 1er et 2 de la proposition de loi avant les échéances du 1er janvier 2020 ou du 1er janvier 2022 dans le cas des produits pharmaceutiques contenant une substance dont la substitution est souhaitée de manière consensuelle au bénéfice d’un autre produit pharmaceutique ou d’une méthode non chimique de prévention ou de lutte nouveaux qui seraient plus sûrs sur le plan sanitaire ou environnemental. Vous ne pouvez le refuser si vous êtes de bonne foi. (Murmures)

Cette mesure constituerait un signal encore plus fort lancé aux fabricants de produits.

Mme la rapporteure. Les nombreux représentants des collectivités locales que j’ai rencontrés lors des auditions que j’ai organisées nous remercient de ce texte de loi, à la fois pour sa clarté et le fait qu’il fixe des dates butoir, lesquelles permettent de prévoir un temps d’adaptation. Certains d’entre eux ont d’ailleurs mis en place le plan Écophyto ou le plan « zéro phyto ». Tous, notamment les représentants des communes, ont souligné le temps nécessaire à la formation, qui doit être à la fois utile et sur le terrain. Telle est par exemple la position du président du conseil général de la Dordogne, qui compte plus de 500 communes.

Tous estiment aussi que l’interdiction de vente dans les magasins les confortera.

Je rappelle enfin le consensus obtenu au Sénat sur les dates d’application de ce texte, qui ne doivent pas être considérées comme un couperet.

M. Julien Aubert. Si ce texte est équilibré, il n’est pas tout à fait consensuel : cet amendement le prouve.

Vous venez de faire l’apologie de la sécurité juridique, mais elle mériterait d’être exportée dans d’autres domaines, notamment la fiscalité.

Il ne s’agit pas de prévoir des dates couperet plus proches, mais d’avoir davantage d’ambition, car si nous pouvions anticiper les dates prévues pour certains produits, cela serait préférable pour l’environnement. Il serait dommage de se priver de cette faculté, qui est un instrument de souplesse et permettrait en même temps de stimuler l’innovation industrielle.

Mme Suzanne Tallard. Monsieur Saddier, vous voulez en fait anticiper l’application de la loi mais retarder son adoption ! (Rires)

M. Martial Saddier. Si vous rejetez cet amendement, je serais gêné… (Sourires)

… car nous apparaîtrions à l’UMP plus « verts » que vous ! (Rires)

M. Denis Baupin. Il faudra voir cela dans la durée ! (Sourires)

M. Martial Saddier. Qui peut le plus peut le moins : il s’agit d’offrir une faculté nouvelle pour un ou deux produits précis, s’il y a consensus aux niveaux européen et national, pour tenir compte des connaissances scientifiques nouvelles et de nouvelles autorisations. Pourquoi refuser une telle mesure si ce n’est pour respecter la consigne d’un vote conforme que vous avez reçue ce matin ? Nous ne sommes pas à quelques semaines près : que le texte soit adopté définitivement jeudi prochain ou dans deux mois, cela ne change rien à sa date d’application. C’est au contraire notre amendement qui donne un caractère d’urgence au vote de cette loi ! Soyez aussi respectueux de l’environnement que nous en l’adoptant ! (Murmures sur divers bancs)

Mme la rapporteure. Vous apportez au contraire de la confusion et laissez penser que l’on pourrait remplacer simplement un produit par un autre, ce qui serait simpliste. Tous ceux qui appliquent le plan « zéro phyto » témoignent de ce qu’il s’agit de faire appel à d’autres pratiques : remplacer par exemple le gazon par de la prairie ou certaines plantes par d’autres plus adaptées. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

*

* *

M. le président Jean-Paul Chanteguet.  Je donne la parole à monsieur Martial Saddier, pour une explication de vote.

M. Martial Saddier. Nos engagements personnels, au-delà de l’UMP, attestent notre bonne foi, puisque nous avons quasiment tous dans cette salle mis en pratique ce qui figure pour partie dans cette proposition de loi. Si nous sommes favorables à celle-ci sur le fond, nous pensons qu’il y a lieu de lui apporter sur la forme quelques améliorations. Nous sommes persuadés que d’ici l’examen en séance publique, nous vous aurons convaincus, notamment sur la sanction prévue et sur la possibilité de pouvoir anticiper les échéances de 2020 et 2022. Nous nous abstiendrons donc sur ce texte pour vous aider à l’améliorer d’ici la semaine prochaine.

*

* *

La Commission adopte la proposition de loi sans modification.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

___

Texte adopté par le Sénat

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Article 1er

Article 1er

CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME

Livre II : Alimentation, santé publique vétérinaire et protection des végétaux

Titre V : La protection des végétaux

Chapitre III : Mise sur le marché et utilisation des produits

phytopharmaceutiques

Section 6 : Mesures de précaution

L’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

(Sans modification)

Art. L. 2537 Dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, l'autorité administrative peut prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits visés à l'article L. 253-1 et des semences traitées par ces produits, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, sauf urgence, et sans préjudice des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement.

1° Au début du premier alinéa est ajoutée la mention :
« I. – » ;

 

En particulier, l'autorité administrative peut interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment :

   

1° Les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009, comme les parcs et les jardins publics, les terrains de sport et de loisirs, les terrains scolaires et les terrains de jeux pour enfants, ainsi qu'à proximité immédiate d'établissements de soin ;

   

2° Les zones protégées mentionnées à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;

   

3° Les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l'article L. 414-1 du code de l'environnement ;

   

4° Les zones récemment traitées utilisées par les travailleurs agricoles ou auxquelles ceux-ci peuvent accéder.

   

L'autorité administrative peut aussi prendre des mesures pour encadrer :

   

1° Les conditions de stockage, de manipulation, de dilution et de mélange avant application des produits phytopharmaceutiques ;

   

2° Les modalités de manipulation, d'élimination et de récupération des déchets issus de ces produits ;

   

3° Les modalités de nettoyage du matériel utilisé.

   
 

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

 
 

« II. – Il est interdit aux personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques visés au premier alinéa de l’article L. 253-1 du présent code, à l’exception de ceux mentionnés au IV du présent article, pour l’entretien des espaces verts, forêts ou promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé. Cette interdiction ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles visés à l’article L. 251-3, en application de l’article L. 251-8. »

 
 

Article 2

Article 2

 

I. – Le même article L. 253-7 est complété par un III et un IV ainsi rédigés :

(Sans modification)

 

« III. – La mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits visés au premier alinéa de l’article L. 253-1 pour un usage non professionnel sont interdites, à l’exception de ceux mentionnés au IV du présent article. Cette interdiction ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles visés à l’article L. 251-3, en application de l’article L. 251-8. v

 
 

« IV (nouveau). – Les II et III ne s’appliquent pas aux produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, aux produits qualifiés à faible risque conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, ni aux produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique. »

 
 

II. – Au premier alinéa de l’article L. 253-9 du même code, après les mots : « à usage professionnel », sont insérés les mots : « et non professionnel ».

 
 

III. – Après le 1° de l’article L. 253-15 du même code, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

 
 

« 1° bis Le fait de détenir en vue de la vente, d’offrir en vue de la vente ou de céder sous toute autre forme à titre gratuit ou onéreux, ainsi que le fait de vendre, de distribuer et d’effectuer d’autres formes de cession proprement dites d’un produit interdit dans les conditions posées par le III de l’article L. 253-7 ; ».

 
 

Article 3

Article 3

 

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement dépose sur le bureau du Parlement un rapport sur le développement de l’utilisation des produits de bio-contrôle et à faible risque mentionnés aux articles 1er et 2, sur les leviers qui y concourent ainsi que sur les recherches menées dans ce domaine. Ce rapport indique les freins juridiques et économiques au développement de ces produits et plus largement à celui de la lutte intégrée telle que définie à l’article 3 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. 

(Sans modification)

 

Article 4 (nouveau)

Article 4

 

I. – L’article 1er entre en vigueur à compter du 1er janvier 2020.

(Sans modification)

 

II. – L’article 2 entre en vigueur à compter du 1er janvier 2022.

 
     

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Les amendements déposés en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont consultables sur le site internet de l’Assemblée nationale. (2)

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Les représentants d’intérêts suivis d’un astérisque (*) ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Fédération des Magasins de Bricolage (FMB)*

• Mme Caroline Hupin, déléguée générale

• Mme Christian Weiller, secrétaire générale (Fédération nationale des métiers de la jardinerie)

• M. Charles-Édouard Demeulenaere, coordinateur qualité et développement durable

Institut technique de l'agriculture biologique (ITAB)

• M. Patrice Marchand, chargé de mission « Extraits naturels »

Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF)

• M. François Veillerette, président

UFC-Que choisir

• M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation et nutrition

Union des entreprises pour la protection des Jardins et des espaces publics (UPJ)

• M. Christophe Juif, président

• M. Jacques My, directeur général

Office national des forêts

• Mme Geneviève Rey, directeur général-adjoint chargé des relations institutionnelles et de la coordination du réseau territorial [entretien téléphonique]

Table-ronde sur les expériences et pratiques en cours

• M. Christian Saubadu, adjoint au maire de Bergerac en charge des espaces verts

• Mme Fabienne Giboudeaux, adjointe au maire de Paris en charge des espaces verts et de la biodiversité accompagnée de M. Nicolas Rialan, directeur de cabinet

• M. Jean-Pierre Mauduit, chargé de l'Environnement, Ville de Nantes

• M. Pascal Haurine, conseiller municipal, chef du bureau des risques, Argeles Gazost [entretien téléphonique]

Parlementaires

• M. Antoine Herth, député

• M. Gérard Bapt, député

• M. Bernard Cazeau, sénateur.

© Assemblée nationale

1 () La synthèse de cette expertise est disponible en téléchargement à l’adresse réticulaire http://www.inserm.fr/content/download/72647/562921/version/4/file/Expertise+Pesticides+synth%C3%A8se+2013+VF.pdf

2 () http://www2.assemblee-nationale.fr/recherche/amendements?NUM_INIT=1561&LEGISLATURE=14&ORGANE=%22D%C3%A9veloppement%20durable%22