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N
° 1803

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris

PAR Mme Marie-Louise Fort

Députée

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 468 – 469 (2012-2013) T.A. 132

Assemblée nationale : 976

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE PRÉSENT PROTOCOLE AMÉLIORE L’INDEMNISATION D’ÉVENTUELLES VICTIMES D’ACCIDENTS NUCLÉAIRES 7

A. DES RÉGIMES PARALLÈLES DE RESPONSABILITÉ CIVILE 7

1. Le régime de la convention de Paris, associée à la convention de Bruxelles 7

a. La convention de Paris 7

b. La convention complémentaire de Bruxelles 8

c. Les améliorations prévues par les protocoles modificatifs de 2004 8

2. Le régime de la convention de Vienne 9

3. La convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires (CRC) 10

B. UN PROTOCOLE COMMUN QUI ÉTABLIT UNE « PASSERELLE » ENTRE LA CONVENTION DE PARIS ET LA CONVENTION DE VIENNE 12

1. Une situation jusque-là peu satisfaisante 12

a. Des principes de base communs 12

b. La question du champ d’application géographique 13

2. Le choix d’établir une « passerelle » 14

a. Les différentes solutions qui étaient envisageables 14

b. Les modalités de la « passerelle » 14

II. LES STIPULATIONS DU PRÉSENT PROTOCOLE COMMUN 17

A. ARTICLES I À IV 17

B. STIPULATIONS FINALES 18

C. LA QUESTION DE LA RÉSERVE DE RÉCIPROCITÉ 19

III. D’AUTRES ÉTAPES SERONT NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LA RESPONSABILITÉ CIVILE NUCLÉAIRE AU PLAN INTERNATIONAL 21

A. FAIRE ENTRER EN VIGUEUR LES PROTOCOLES MODIFICATIFS DE 2004 DES CONVENTIONS DE PARIS ET DE BRUXELLES 21

1. Deux conditions 21

2. En France 22

B. VERS UN RÉGIME MONDIAL DE RESPONSABILITÉ CIVILE NUCLÉAIRE ? 22

1. Deux difficultés principales 23

a. Des Etats disposant de réacteurs de production électronucléaire, mais n’ayant adhéré à aucun régime international de responsabilité civile nucléaire 23

b. Des approches encore divergentes 23

2. La déclaration commune franco-américaine relative à la responsabilité civile nucléaire 24

C. LA RÉFLEXION EN COURS AU NIVEAU EUROPÉEN 25

CONCLUSION 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

ANNEXE - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 31

ANNEXE 1 - AUDITIONS 33

ANNEXE 2 - LISTE DES ETATS PARTIES À LA CONVENTION DE PARIS 35

ANNEXE 3 - LISTE DES ETATS PARTIES À LA CONVENTION DE VIENNE 37

ANNEXE 4 - LISTE DES ETATS PARTIES À LA CONVENTION SUR LA RÉPARATION COMPLÉMENTAIRE DES DOMMAGES NUCLÉAIRES 39

ANNEXE 5 - ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS DU PROTOCOLE COMMUN 41

INTRODUCTION

Le protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris, dont le présent projet de loi tend à autoriser l’approbation par la France, a été adopté et ouvert à la signature le 21 septembre 1988, dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

La convention de Paris du 29 juillet 1960 et la convention de Vienne du 21 mai 1963 ont instauré deux régimes internationaux distincts de responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire. Ces régimes visent à faciliter l’indemnisation des dommages subis en cas d’accidents nucléaires dans une installation ou dans le cadre d’opérations de transport de matières nucléaires.

Le présent protocole commun a pour objet d’établir une « passerelle » entre ces deux conventions préexistantes. Il s’agit, d’une part, d’étendre le champ géographique de la responsabilité civile nucléaire prévue par chacune des deux conventions, ce qui améliorera les possibilités d’indemnisation des victimes éventuelles d’accidents nucléaires et, d’autre part, d’éliminer les risques de conflit en cas d’application simultanée des deux conventions de base.

Ce protocole commun a également pour mérite de constituer une étape importante sur la voie conduisant à l’établissement – nécessaire – d’un régime véritablement mondial de responsabilité civile dans le domaine nucléaire.

Le protocole commun, qui compte aujourd’hui 27 Parties, est entré en vigueur le 27 avril 1992. La France l’a signé le 21 juin 1989, mais n’a pas encore procédé à son approbation.

I. LE PRÉSENT PROTOCOLE AMÉLIORE L’INDEMNISATION D’ÉVENTUELLES VICTIMES D’ACCIDENTS NUCLÉAIRES

A. DES RÉGIMES PARALLÈLES DE RESPONSABILITÉ CIVILE

La responsabilité civile nucléaire est un régime dérogatoire au droit commun, dont l’objet est de faciliter les recours des victimes potentielles d’accidents nucléaires, afin d’assurer leur indemnisation en cas de dommages, y compris lorsqu’ils sont transfrontaliers (1). En contrepartie, les régimes internationaux de responsabilité civile nucléaire offrent un cadre stable aux opérateurs, dont la responsabilité peut être engagée.

Les conventions relatives à la responsabilité civile nucléaire s’appliquent aux accidents survenus dans une installation nucléaire ou durant le transport de « substances nucléaires » (2) à destination ou en provenance de telles installations.

Il existe aujourd’hui plusieurs régimes internationaux : celui des conventions de Paris et de Bruxelles, auxquelles la France est Partie ; celui de la convention de Vienne, avec lequel le présent protocole tend à établir une « passerelle » ; mais aussi, d’une certaine manière, celui de la convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires, dite « CRC », qui est principalement soutenue par les Etats-Unis et qui n’est pas encore entrée en vigueur (3).

1. Le régime de la convention de Paris, associée à la convention de Bruxelles

a. La convention de Paris

La convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire du 29 juillet 1960, amendée le 28 janvier 1964 et le 16 novembre 1982, dite « convention de Paris », est le premier instrument international adopté dans le domaine de la responsabilité civile nucléaire. La convention de Paris, signée par 18 Etats, est en vigueur pour 16 d’entre eux (4).

Le régime dérogatoire au droit commun qu’instaure cette convention canalise sur l’exploitant d’une installation nucléaire la responsabilité de tout dommage causé pendant l’exploitation ou à l’occasion du transport de « substances nucléaires » en provenance ou à destination de l’installation, sans recherche de responsabilité des fournisseurs et/ou des sous-traitants. Il incombe à l’exploitant une responsabilité exclusive et objective – la faute n’a pas besoin d’être prouvée.

En contrepartie, la responsabilité de l’exploitant est plafonnée à 15 millions de droits de tirage spéciaux du FMI, soit environ 18 millions d’euros (5).

La convention consacre par ailleurs un principe d’unité de juridiction, qui confère une compétence exclusive aux tribunaux de l’Etat sur le territoire duquel l’accident est survenu ou, en cas de transport, aux tribunaux de l’Etat où est située l’installation dont l’exploitant est responsable.

b. La convention complémentaire de Bruxelles

La convention complémentaire de Bruxelles, du 31 janvier 1963, complète l’indemnisation prévue par la convention de Paris en prévoyant une prise en charge des dommages qui excèdent le plafond de responsabilité de l’exploitant, d’abord par l’Etat, puis par la communauté des Etats parties.

- Une seconde tranche des dommages est à la charge de l’Etat de l’exploitant, jusqu’à un montant de 200 millions d’euros ;

- Une troisième tranche des dommages est mise à la charge de la communauté des Parties cocontractantes (6), jusqu’à un montant de 345 millions d’euros.

c. Les améliorations prévues par les protocoles modificatifs de 2004

La convention de Paris de 1960 et la convention de Bruxelles de 1963 ont été améliorées sur de nombreux points par deux protocoles modificatifs, signés le 12 février 2004.

- La notion de dommage nucléaire ouvrant droit à réparation inclut désormais les dommages immatériels, les pertes financières en relation directe avec une dégradation importante de l’environnement, ainsi que le coût des mesures de sauvegarde adoptées pour prévenir ou réduire les dommages nucléaires (7).

- Le montant minimal (8) de responsabilité de l’exploitant est porté de 18 à 700 millions d’euros (9).

- Le délai de déchéance des actions en réparation est porté de 10 à 30 ans en cas de décès et de dommages aux personnes.

- Le bénéfice de la convention de Paris est étendu aux dommages subis sur les territoires d’Etats non-contractants dépourvus d’installations nucléaires et d’Etats non-contractants pourvus de telles installations mais ayant adopté une législation nationale fondée sur les mêmes principes que la convention et offrant des avantages équivalents sur une base de réciprocité (10).

- Enfin, la seconde tranche à la charge de l’Etat va désormais jusqu’à 1,2 milliard d’euros, et celle qui est à la charge de l’ensemble des Etats parties est portée à 1,5 milliard d’euros.

En dépit de leur grand intérêt, ces deux protocoles ne sont pas encore entrés en vigueur, pour des raisons que votre Rapporteure aura l’occasion de présenter par la suite.

2. Le régime de la convention de Vienne

La convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires a été adoptée le 21 mai 1963, dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA) (11), et amendée par un protocole ouvert à la signature le 29 septembre 1997.

Depuis l’accession de la Jordanie, le 27 avril 2014, la convention de Vienne est en vigueur dans 39 Etats (12). Alors que la convention de Paris regroupe essentiellement des pays d’Europe occidentale, le champ géographique de la convention de Vienne est plus étendu, même s’il est vrai que ce régime concerne en particulier les pays d’Europe orientale (13).

Négociée à la même époque que la convention de Paris, la convention de Vienne constitue un régime parallèle de responsabilité civile nucléaire, ayant les mêmes objectifs et reposant sur les mêmes principes de base.

Les montants de responsabilité sont toutefois sensiblement différents. La convention de Vienne de 1963 prévoit un montant minimal de 5 millions de dollars-or, que l’on peut évaluer à environ 50 millions d’euros. Le protocole de révision de 1997 porte ce montant à 300 millions de droits de tirage spéciaux, soit environ 360 millions d’euros.

Le tableau ci-dessous récapitule les montants de responsabilité civile au titre des conventions de Paris et de Vienne.

* M = million

* RC = responsabilité civile

Source : Roland Dussart-Desart, « La réforme de la convention de Paris sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire et de la convention complémentaire de Bruxelles », Le Droit nucléaire international après Tchernobyl, OCDE, 2006.

3. La convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires (CRC)

La convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires, adoptée le 12 septembre 1997, a pour objet d’accroître le montant des réparations prévues au plan national par les stipulations suivantes :

- un montant minimal de 300 millions de droits de tirage spéciaux doit être disponible au plan national ;

- au-delà, l’ensemble des Etats Parties doit allouer des fonds publics complémentaires (14), dont la moitié doit servir à couvrir les dommages causés en dehors de l’Etat où se trouve l’installation nucléaire.

La CRC repose sur les mêmes principes de base de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire que la convention de Paris et la convention de Vienne. Par ailleurs, outre le décès et les dommages aux personnes, les pertes de biens et les dommages aux biens, cette convention couvre également les dommages immatériels, les mesures de restauration d’un environnement dégradé, les manques à gagner en relation avec une dégradation importante de l’environnement, ainsi que le coût des mesures préventives.

La CRC a pour particularité d’être ouverte aux Etats Parties à l’un des régimes internationaux de responsabilité civile nucléaire, à savoir la convention de Paris et la convention de Vienne, ainsi qu’aux Etats disposant d’une législation nationale spécifique, à condition que celle-ci soit conforme aux prescriptions établies par une annexe à la convention, laquelle reprend les standards internationaux en la matière, tels que prévus par les deux conventions de base. Sous cette réserve, fondamentale pour la cohérence d’ensemble du régime de responsabilité civile nucléaire, la CRC autorise l’adhésion de tout Etat, indépendamment du fait qu’il soit Partie ou non à l’une des conventions existantes dans ce domaine, ou même qu’il possède des installations nucléaires sur son territoire.

On notera qu’il s’agit de la seule convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire à laquelle les Etats-Unis peuvent adhérer en raison de leur législation interne (15). Les Etats-Unis bénéficient par ailleurs d’une clause d’antériorité, dite « grandfather clause », permettant de reconnaître l’équivalence de leur loi nationale (16), alors qu’elle n’est pas entièrement conforme aux prescriptions de l’annexe de la CRC. Cette clause leur permet d’accéder à la communauté des Etats en relation de traité les uns avec les autres dans le domaine de la responsabilité civile nucléaire sans porter atteinte à leur propre législation.

La convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires entrera en vigueur une fois qu’elle aura été ratifiée par au moins cinq Etats disposant d’une certaine puissance nucléaire (17). Depuis la signature du Canada, le 3 décembre 2013, la convention compte 17 signataires, mais elle n’a été ratifiée jusqu’à présent que par quatre pays, les Etats-Unis, l’Argentine, la Roumanie, le Maroc (18).

B. UN PROTOCOLE COMMUN QUI ÉTABLIT UNE « PASSERELLE » ENTRE LA CONVENTION DE PARIS ET LA CONVENTION DE VIENNE

1. Une situation jusque-là peu satisfaisante

a. Des principes de base communs

En premier lieu, il faut rappeler que les conventions de Paris et de Vienne s’appliquent toutes les deux dans les mêmes hypothèses, à savoir des accidents nucléaires survenant dans des installations nucléaires ou pendant le transport de « substances nucléaires ».

Ensuite, les conventions de Paris et de Vienne reposent sur des principes juridiques communs, qui constituent le fondement de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire au plan international.

Le tableau ci-dessous récapitule ces principes.

- Responsabilité objective de l’exploitant (19) : il est responsable en cas d’accident, qu’une faute ou une négligence de sa part aient été prouvées ou non, ce qui simplifie naturellement le processus judiciaire.

- Responsabilité exclusive de l’exploitant : il est seul responsable des dommages causés par l’accident nucléaire ; tous les recours sont « canalisés » contre lui.

- Limitation, en contrepartie, de la responsabilité de l’exploitant dans son montant et dans sa durée.

- Obligation pour l’exploitant de couvrir sa responsabilité par une assurance ou une autre garantie financière : il s’agit de garantir que les fonds nécessaires seront disponibles pour assurer l’indemnisation.

- Unité de juridiction : seuls sont compétents, en cas de recours contre l’exploitant, les tribunaux de l’Etat dans lequel l’accident s’est produit.

- Non-discrimination entre les victimes selon la nationalité, le domicile ou la résidence.

b. La question du champ d’application géographique

Malgré ces principes de base communs, la convention de Paris du 29 juillet 1960 et celle de Vienne du 21 mai 1963 ne prévoient pas de lien entre elles. Sauf extension du champ d’application des conventions par la législation nationale d’une Partie cocontractante (20) et exception faite des améliorations apportées par les protocoles modificatifs précités, cette situation entraîne les conséquences suivantes :

- aucune des deux conventions ne s’applique aux dommages subis sur le territoire d’une Partie à l’autre convention ;

- aucune des deux conventions ne s’applique aux accidents nucléaires survenus sur le territoire d’une Partie à l’autre convention ;

- les deux conventions pourraient s’appliquer simultanément dans un certain nombre de cas. Lors de l’adoption du protocole commun en 1988, la principale source de conflit que les Parties aux conventions de base souhaitaient éliminer concernait le transport de matières nucléaires. Avec les protocoles de révision de la convention de Vienne, en 1997, et des conventions de Paris/Bruxelles, en 2004, les sources de conflit potentiel ont augmenté en raison des nombreuses améliorations apportées au régime de base.

Il en résulte plusieurs conséquences potentiellement regrettables.

- D’une part, la situation actuelle pourrait conduire à des conflits entre les deux conventions lorsqu’elles sont applicables à un même accident nucléaire.

- D’autre part, le champ d’application géographique des deux conventions peut être trop restreint pour permettre une indemnisation efficace des victimes en cas de dommages nucléaires transfrontaliers.

Ainsi, tant que la France n’aura pas approuvé le présent protocole, elle se trouvera dans une situation semblable à celle de 1986, lors de l’accident de Tchernobyl : les dommages éventuellement subis en France ne pouvaient recevoir aucune indemnisation (21), l’URSS n’ayant pas adhéré à la convention de Paris à laquelle la France était Partie. Si l’Ukraine est aujourd’hui Partie à la convention de Vienne, votre Rapporteure a rappelé qu’il n’existe pas de lien direct entre les deux conventions.

2. Le choix d’établir une « passerelle »

a. Les différentes solutions qui étaient envisageables

Plusieurs solutions ont été étudiées au sein de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) (22), dans le cadre desquelles les conventions de Vienne et de Paris ont été adoptées :

- soit une convention unique, par abrogation d’une des deux conventions préexistantes ou par adoption d’une nouvelle convention qui se substituerait à elles ;

- soit un maintien des deux conventions, mais à condition que l’une d’entre elles soit ratifiée par les Parties à l’autre convention, ou bien que le champ d’application territorial des deux conventions soit étendu, ou bien encore qu’une « passerelle » soit établie entre les deux conventions, sous la forme d’un protocole commun ou de deux protocoles identiques.

C’est finalement la solution d’un protocole commun servant de « passerelle » entre les deux conventions qui a été jugée la plus satisfaisante au plan pratique comme au plan politique. Le présent protocole commun a ainsi été adopté, le 21 septembre 1988, à l’issue d’une Conférence diplomatique organisée conjointement à Vienne par l’AIEA et l’AEN.

b. Les modalités de la « passerelle »

Afin de remédier aux difficultés que votre Rapporteure a présentées, le protocole commun repose sur deux principes de base.

- Tout d’abord, la distinction entre les Parties contractantes respectives des deux conventions est abolie pour l’application de leurs stipulations fondamentales. En d’autres termes, les Parties contractantes à la convention de Paris ne sont plus considérées comme des Etats non contractants à la convention de Vienne et réciproquement.

Pour les Etats Parties à la convention de Paris et au Protocole commun (23), les victimes d’un accident nucléaire survenant chez l’un des Etats Parties à la Convention de Vienne et au Protocole commun et dotés d’une installation nucléaire (24) seront ainsi indemnisées dans les mêmes conditions que les victimes de ces Etats Parties.

Il en va de même, réciproquement, s’agissant des Etats Parties à la convention de Vienne ayant ratifié le Protocole commun (25), dans l’hypothèse où un accident surviendrait sur le territoire des Etats Parties à la Convention de Paris dotés d’une installation nucléaire et ayant également adhéré au Protocole commun.

- Ensuite, il est prévu qu’une seule des deux conventions sera applicable à un accident nucléaire, de manière exclusive, afin d’éviter les conflits entre les deux conventions.

II. LES STIPULATIONS DU PRÉSENT PROTOCOLE COMMUN

A. ARTICLES I À IV

L’article I, relatif aux définitions, permet de prendre en compte tout amendement apporté aux deux conventions sans qu’il soit nécessaire de modifier le protocole commun.

L’article II étend la responsabilité d’un exploitant situé sur le territoire d’une Partie à la convention de Vienne aux dommages subis sur le territoire d’une Partie à la convention de Paris et au présent protocole. Il en est de même pour un exploitant situé sur le territoire d’une Partie à la convention de Paris en ce qui concerne un dommage subi sur le territoire d’une Partie contractante à l’autre convention et au présent protocole.

On notera qu’il n’est pas fait mention des accidents nucléaires et des dommages nucléaires en haute mer, ni la convention de Paris, ni la convention de Vienne n’y faisant explicitement référence. Le comité permanent sur la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, institué dans le cadre de l’AIEA, et le comité de direction de l’énergie nucléaire de l’OCDE, ont cependant adopté des recommandations considérant que les deux conventions devaient s’appliquer à de telles hypothèses.

L’article III a pour objet d’éliminer les risques de conflit qui pourraient résulter d’une application simultanée des deux conventions à un même accident nucléaire, en établissant un principe simple : une convention seulement doit s’appliquer en cas d’accident, à l’exclusion de l’autre convention.

Ce principe est décliné par les deux règles suivantes :

- en cas d’accident survenu dans une installation nucléaire, la convention applicable est celle à laquelle est Partie l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’installation ;

- en cas d’accident nucléaire mettant en jeu des matières en cours de transport, la convention applicable est celle à laquelle est Partie l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’installation nucléaire dont l’exploitant est responsable (26).

L’article IV énumère explicitement les articles des conventions de Paris et de Vienne qui doivent être appliqués de manière uniforme en ce qui concerne les Parties aux deux conventions et au protocole commun. Comme l’indique l’étude d’impact, il s’agit du cœur des conventions, relatif à la mise en œuvre de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.

S’agissant de la convention de Paris, par exemple, ne sont pas concernées des stipulations procédurales spécifiques à la convention (réserves, ratification, notifications diverses), exception faite de l’article 15, relatif à l’augmentation des montants d’indemnisation laissée à la discrétion des Parties (27).

Cet article traduit bien la logique du présent protocole commun : il établit une égalité de traitement entre les Parties, sans abolir la distinction juridique entre elles. Les Parties à l’une des deux conventions et au protocole commun n’acquièrent pas pour autant le statut de Partie contractante à l’autre convention.

B. STIPULATIONS FINALES

L’article VI précise que seules pourront devenir Parties au présent protocole des Etats Parties à la convention de Paris ou à la convention de Vienne, conformément à la vocation du protocole, qui est de servir de « passerelle » entre ces deux conventions.

Le directeur général de l’AIEA, dépositaire de la convention de Vienne, est par ailleurs désigné comme dépositaire du protocole commun.

En application de l’article VII, le protocole entrera en vigueur une fois qu’au moins cinq Etats Parties à la convention de Paris et au moins cinq Etats Parties à la convention de Vienne l’auront ratifié, accepté ou approuvé.

L’article VIII définit les modalités de dénonciation du protocole commun.

L’article IX précise que toute Partie à la convention de Paris ou à celle de Paris et décidant de mettre fin à son application en ce qui la concerne doit le faire savoir au dépositaire du présent protocole. Celui-ci cessera naturellement de s’appliquer à la Partie concernée.

Les articles X et XI sont relatifs aux obligations usuelles du dépositaire, notamment en matière de notification.

Enfin, on pourra noter que le protocole ne comprend aucun article relatif aux possibilités d’amendement, ni aux réserves. Ce dernier point laisse ouverte la question de l’admissibilité d’une éventuelle réserve de réciprocité.

C. LA QUESTION DE LA RÉSERVE DE RÉCIPROCITÉ

Une difficulté particulière dans l’application du présent protocole commun pourrait résulter de la différence des montants d’indemnisation à la charge des exploitants. Cette différence sera d’ailleurs accrue après l’entrée en vigueur du protocole modificatif de 2004 de la convention de Paris, qui augmente le montant de responsabilité de l’exploitant.

Dans ces conditions, la victime française d’un accident nucléaire qui surviendrait dans un Etat Partie à la convention de Vienne et au protocole commun est en effet susceptible d’être moins indemnisée qu’une personne dans ce même Etat qui serait victime d’un accident survenu sur le territoire français, et qui serait alors indemnisée au titre de la convention de Paris.

En France, dans l’attente de l’entrée en vigueur des protocoles modificatifs de 2004, le montant maximal de responsabilité de l’exploitant est fixé par la loi n° 68-943 du 23 octobre 1968 à 91,5 millions d’euros par accident survenant sur une installation nucléaire. Le montant de la responsabilité de l’exploitant est en revanche de 49,1 millions d’euros en Bulgarie et de 75 millions d’euros en Slovaquie, où se trouvent des installations nucléaires.

Comme l’indique l’étude d’impact, il est donc envisagé que l’approbation du protocole commun par la France soit assortie d’une réserve de réciprocité. Une réserve semblable est déjà prévue dans le cadre du protocole modificatif de 2004 à la convention de Paris. Une déclaration commune des Etats signataires les engage à accepter une réserve permettant à un Etat Partie à la convention de Paris de limiter l’indemnisation des victimes d’un Etat Partie à la convention de Vienne à la hauteur de ce que ce dernier offrirait dans une situation réciproque (28).

III. D’AUTRES ÉTAPES SERONT NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LA RESPONSABILITÉ CIVILE NUCLÉAIRE AU PLAN INTERNATIONAL

Le protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris a pour mérite d’étendre le champ géographique de la couverture prévue par chacune des deux conventions et d’éliminer les risques de conflit en cas d’application simultanée des deux conventions.

Ce protocole constitue donc une étape utile, à laquelle la France doit participer, pour améliorer la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire au plan international. Cette évolution doit toutefois être suivie par d’autres.

- Tout d’abord, le protocole commun ne doit pas détourner des efforts nécessaires pour faire également entrer en vigueur les protocoles modificatifs de 2004 des conventions de Paris et de Bruxelles, dont votre Rapporteure a eu l’occasion de présenter le grand intérêt.

- Ensuite, le protocole commun ne permettra pas de remédier à tous les obstacles qui existent encore au plan international dans la mise en œuvre d’une responsabilité civile adéquate dans le domaine de l’énergie nucléaire. En approuvant ce protocole, la France se donnera néanmoins les moyens de plaider plus efficacement en faveur d’un véritable régime mondial en la matière.

- Votre Rapporteure présentera enfin l’état de la réflexion qui est en cours au plan européen dans le domaine de la responsabilité civile nucléaire.

A. FAIRE ENTRER EN VIGUEUR LES PROTOCOLES MODIFICATIFS DE 2004 DES CONVENTIONS DE PARIS ET DE BRUXELLES

1. Deux conditions

L’entrée en vigueur des protocoles du 12 février 2004 portant modification des conventions de Paris et de Bruxelles est conditionnée à leur ratification par au moins deux tiers des Parties contractantes.

A cela s’ajoute, pour les Etats Parties qui sont par ailleurs membres de l’Union européenne, une condition supplémentaire qui résulte d’une décision du Conseil de l’Union européenne du 8 mars 2004. Le protocole de révision de la convention de Paris intervenant, notamment, dans un domaine de compétence communautaire exclusive, à savoir la compétence juridictionnelle, sa ratification a été subordonnée au dépôt simultané des instruments de ratification des Etats membres de l’Union européenne.

Or, trois Etats concernés n’ont pas encore achevé leur processus de ratification – la Belgique, le Royaume-Uni et l’Italie. D’après les réponses aux questions écrites de votre Rapporteure, si le processus est engagé pour les deux premiers pays, et aurait de bonnes chances d’aboutir en 2014, il tarderait encore pour le troisième. Des démarches ont donc été entreprises par le ministère des Affaires étrangères afin d’appeler l’attention sur la nécessité d’accélérer le processus dans l’intérêt commun des Parties contractantes et de l’Union européenne.

2. En France

La France a, pour sa part, ratifié les deux protocoles par la loi n° 2006-786 du 5 juillet 2006 autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, et pris les mesures nécessaires pour leur application. Elles sont intégrées au sein de la première section du chapitre VII du titre IX du Livre V du code de l’environnement, mais leur entrée en vigueur ne sera effective qu’à compter de celle du protocole modificatif de la Convention de Paris.

Il a par ailleurs été signalé à votre Rapporteure que l’entrée en vigueur des protocoles de révision soulève des difficultés importantes en matière d’assurabilité du risque. Le marché privé de l’assurance et de la réassurance pourrait ne pas être en mesure de fournir une garantie couvrant la totalité du champ des dommages couverts par le dispositif révisé. Il a été indiqué à votre Rapporteure qu’il était dès lors envisagé qu’un mécanisme d’intervention publique soit mis en place en complément des capacités de marché, afin de permettre aux exploitants de respecter l’obligation de maintien d’une garantie financière.

Le futur projet de loi de programmation sur la loi de transition énergétique, qui devrait être examiné en 2014, pourrait servir de vecteur législatif pour faire entrer en vigueur dans le droit français, par anticipation, les principaux aspects du protocole modificatif. Il a ainsi été indiqué à votre Rapporteure qu’il était envisagé d’augmenter, dans le cadre de ce projet de loi, le plafond de responsabilité des exploitants de 91,5 à 700 millions d’euros, comme le demande le protocole modificatif de 2004 de la convention de Paris (29).

B. VERS UN RÉGIME MONDIAL DE RESPONSABILITÉ CIVILE NUCLÉAIRE ?

L’établissement d’un régime mondial de responsabilité civile nucléaire (RCN), c’est-à-dire universel, fait partie du Plan d’action de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), adoptée en 2011. Il s’agit de répondre aux préoccupations de tous les Etats qui pourraient être touchés par un accident nucléaire, en assurant une réparation appropriée des dommages partout dans le monde.

1. Deux difficultés principales

a. Des Etats disposant de réacteurs de production électronucléaire, mais n’ayant adhéré à aucun régime international de responsabilité civile nucléaire

Un certain nombre d’Etats disposant d’installations nucléaires n’ont toujours pas adhéré à un régime international de responsabilité civile nucléaire, quel qu’il soit, ce qui suscite bien sûr des difficultés en cas de dommages transfrontaliers, sauf législation nationale ad hoc (30). On estime que la moitié de la puissance nucléaire installée dans le monde n’est aujourd’hui couverte par aucun engagement international. En 2010, c’était le cas de 123 des 437 centrales en exploitation et de 35 des 55 centrales en construction.

Sont en particulier concernés :

- le Japon (50 réacteurs), qui a cependant annoncé son adhésion prochaine à la convention dite « CRC » ;

- la Corée du Sud (23 réacteurs) ;

- l’Inde (20 réacteurs), qui a également annoncé son adhésion à la « CRC », bien que la loi indienne sur la responsabilité civile nucléaire ne permette de remplir qu’imparfaitement les conditions posées par cette convention ;

- le Canada (19 réacteurs), qui a lui aussi annoncé son adhésion prochaine à la même convention ;

- la Chine (18 réacteurs), dont la réglementation en matière de responsabilité civile nucléaire prévoit que les victimes transfrontalières peuvent être indemnisées dans le cadre d’accords bilatéraux et sur la base du principe de réciprocité ;

- Taïwan (4 réacteurs) ;

- l’Afrique du Sud (2 réacteurs).

b. Des approches encore divergentes

Malgré une relative convergence sur l’objectif, qui est d’établir un régime mondial de responsabilité civile nucléaire, là où plusieurs régimes internationaux coexistent aujourd’hui, chacun dans sa sphère géographique, et où de nombreuses installations ne sont pas couvertes, les approches restent divergentes à ce stade.

- La France, pour sa part, soutient l’établissement d’un régime universel de responsabilité civile nucléaire s’appuyant sur le système formé par la convention de Paris, associée à la convention de Bruxelles, et par la convention de Vienne, toutes les deux reliées par le protocole commun.

En ratifiant ce protocole, la France pourra non seulement améliorer sa couverture d’éventuels dommages nucléaires transfrontaliers, mais aussi mieux se positionner pour plaider en faveur d’un régime mondial de responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.

- Les Etats-Unis, pour leur part, promeuvent la convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires (CRC), que votre Rapporteure a déjà présentée. En effet, pour des raisons internes (31), les Etats-Unis ne sont pas en mesure d’adhérer aux autres conventions existantes.

La position de la France est de considérer que la CRC ne constitue pas la seule ou la meilleure voie pour le développement d’un régime global de responsabilité civile nucléaire. Le système fondé sur les conventions de Paris et de Bruxelles, sur la convention de Vienne et sur le protocole commun constituent en effet le meilleur état du droit en matière de responsabilité civile nucléaire et réunit actuellement un nombre significatif d’Etats, alors que la CRC n’est pas encore entrée en vigueur.

2. La déclaration commune franco-américaine relative à la responsabilité civile nucléaire

Malgré ces divergences, un groupe de travail bilatéral entre la France et les Etats-Unis a été constitué en avril 2012. Un terrain d’entente avec les Etats-Unis est, en effet, nécessaire : un régime mondial de responsabilité civile nucléaire excluant ce pays, où un quart du parc mondial des réacteurs est installé, n’aurait guère de sens. Le groupe de travail précité a ainsi permis d’élaborer une déclaration commune, qui a été signée les 13 et 28 août 2013 par les Etats-Unis et par la France.

Cette déclaration réaffirme la volonté commune des deux pays de promouvoir les efforts pour l’établissement d’un régime mondial de responsabilité civile nucléaire, fondé sur des relations conventionnelles entre tous les Etats qui pourraient être affectés par un accident nucléaire. La déclaration commune encourage ainsi à adhérer à l’un des instruments internationaux existants, à savoir les conventions de Paris et de Bruxelles, la convention de Vienne et le protocole commun, ou bien la convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires (CRC).

Il s’agirait là d’une première étape. Comme l’indique le Plan d’action de l’AIEA de 2011, l’adhésion de tous les Etats aux instruments internationaux existants constitue un premier pas vers l’instauration d’un régime véritablement mondial. Les conventions précitées établissent en effet les principes de base nécessaires pour une réparation adéquate des dommages nucléaires. Une harmonisation des différents régimes qui coexistent aujourd’hui devrait ensuite constituer une seconde étape, tout aussi utile.

C. LA RÉFLEXION EN COURS AU NIVEAU EUROPÉEN

Dans sa communication intitulée « Energie 2020 – Stratégie pour une énergie compétitive, durable et sûre », la Commission européenne a annoncé, le 10 novembre 2011, une « proposition d’approche européenne sur les régimes de responsabilité nucléaire ».

L’article 98 du traité EURATOM est susceptible de servir de base juridique pour l’adoption d’un certain nombre de mesures législatives. Il permet en effet d’adopter « toutes mesures nécessaires afin de faciliter la conclusion de contrats d'assurance relatifs à la couverture du risque atomique ». L’article 203 du même traité permet par ailleurs au Conseil, statuant à l’unanimité, de prendre les « dispositions appropriées » dans l’hypothèse où une action paraîtrait « nécessaire pour réaliser l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet ».

La Commission a justifié l’initiative précitée par le manque d’homogénéité entre les situations nationales en matière de réparation des dommages en cas d’accident nucléaire, qu’il s’agisse du champ ou des montants couverts. Il en résulte, selon la Commission, un traitement différencié des victimes potentielles et des exploitants, ainsi qu’un manque de clarté.

C’est pourquoi la Commission a constitué, en avril 2011, un groupe d’experts informel sur la responsabilité civile nucléaire, réunissant la plupart des parties prenantes en Europe, afin d’examiner les législations des Etats membres et de faire des propositions à la Commission. A l’issue de ces travaux, elle a ensuite lancé une consultation publique sur le thème suivant : « Insurance and compensation of damages caused by accidents of nuclear power plants (nuclear liability) ».

On peut considérer, comme l’a fait la France, que cette consultation publique, dans la formulation adoptée par la Commission, excède manifestement le champ des compétences communautaires, l’article 98 du traité EURATOM ne traitant que « des contrats d’assurance relatifs à la couverture du risque atomique ». Par ailleurs, au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité, on peut se demander s’il est opportun de superposer un cadre juridique communautaire au régime international de responsabilité civile nucléaire existant.

Un certain nombre d’améliorations pourraient cependant être apportées, dans le respect des compétences communautaires, par des mesures visant à :

- faciliter l’entrée en vigueur des protocoles modificatifs des conventions de Paris et de Bruxelles ;

- inciter à ratifier les conventions de Paris et de Bruxelles ou de Vienne, dans leurs versions révisées ;

- inciter également à adopter en droit national certaines dispositions des protocoles modificatifs, dans l’attente de leur entrée en vigueur.

Il faut noter qu’à l’occasion d’une conférence organisée par la direction générale « Energie » de la Commission européenne sur la responsabilité civile nucléaire, le commissaire Günther Oettinger a récemment annoncé que l’initiative envisagée pourrait finalement se réduire à une simple communication de la Commission, n’ayant donc pas de portée normative, sur la base des travaux du groupe d’experts précité.

CONCLUSION

Le présent protocole commun a pour objet principal d’améliorer les possibilités de réparation des dommages causés par d’éventuels accidents nucléaires, en établissant une « passerelle » entre la convention de Paris de 1960, à laquelle la France est Partie, et la convention de Vienne de 1963.

Leur bénéfice sera ainsi étendu à l’ensemble des Etats Parties à l’une ou l’autre des deux conventions ainsi qu’au protocole commun.

Ce protocole permettra également de prévenir les risques de conflit dans l’hypothèse où les deux conventions auraient à s’appliquer simultanément à une même situation.

Enfin, le protocole commun permet de franchir une étape importante sur la voie de l’établissement – tout à fait nécessaire – d’un régime véritablement mondial de responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire, afin de remédier aux lacunes subsistant aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, votre Rapporteure est favorable à l’adoption du projet de loi autorisant l’approbation du protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris, fait à Vienne le 21 septembre 1988.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 18 février à 17 heures.

Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.

Mme Odile Saugues, Présidente. La ratification de ce protocole commun est, en effet, d’une grande importance, même si la moitié de la puissance nucléaire dans le monde n’est pas couverte par un régime international de responsabilité civile. Il faut certainement aller plus loin dans cette voie.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 976).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation du protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris fait à Vienne, le 21 septembre 1988, signé par la France, le 21 juin 1989, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1220).

ANNEXE 1

AUDITIONS :

Néant

ANNEXE 2

LISTE DES ETATS PARTIES À LA CONVENTION DE PARIS

State

1960 Convention

1964 Additional Protocol

1982
Protocol

2004 Protocol

Austria*

...

...

...

...

Belgium

Ratified, 3 August 1966

3 August 1966

19 September 1985

...

Denmark

Ratified, 4 September 1974

4 September 1974

16 May 1989

...

Finland

Acceded, 16 June 1972

16 June 1972

22 December 1989

...

France

Ratified, 9 March 1966

9 March 1966

6 July 1990

...

Germany

Ratified, 30 September 1975

30 September 1975

25 September 1985

...

Greece

Ratified, 12 May 1970

12 May 1970

30 May 1988

...

Italy

Ratified, 17 September 1975

17 September 1975

28 June 1985

...

Luxembourg*

...

...

...

...

Netherlands

Ratified, 28 December 1979

28 December 1979

1 November 1991

...

Norway

Ratified, 2 July 1973

2 July 1973

3 June 1986

26 November 2010

Portugal

Ratified, 29 September 1977

29 September 1977

28 May 1984

...

Slovenia

Acceded, 16 October 2001

16 October 2001

16 October 2001

...

Spain

Ratified, 31 October 1961

30 April 1965

7 October 1988

...

Sweden

Ratified, 1 April 1968

1 April 1968

8 March 1983

...

Switzerland**

Ratified, 9 March 2009

9 March 2009

9 March 2009

9 March 2009

Turkey

Ratified, 10 October 1961

5 April 1968

21 January 1986

...

United Kingdom

Ratified, 23 February 1966

23 February 1966

19 August 1985

...


* L'Autriche et le Luxembourg ont signé la Convention de Paris de 1960, le protocole additionnel de 1964 portant modification à la Convention de Paris et le protocole de 1982 portant modification à ladite Convention. Ni l’un ni l’autre n’a ratifié ces instruments.

ANNEXE 3

LISTE DES ETATS PARTIES À LA CONVENTION DE VIENNE

ANNEXE 4

LISTE DES ETATS PARTIES À LA CONVENTION SUR LA RÉPARATION COMPLÉMENTAIRE DES DOMMAGES NUCLÉAIRES

ANNEXE 5

ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS DU PROTOCOLE COMMUN

© Assemblée nationale

1 () La responsabilité d’un exploitant installé dans un Etat Partie pourra ainsi être mise en cause par d’éventuelles victimes résidant dans d’autres Etats Parties au même régime international de responsabilité civile nucléaire.

2 () Y compris les déchets radioactifs.

3 () On notera qu’il existe une autre convention internationale, signée à Bruxelles le 17 décembre 1971, dans ce domaine. Son objet est plus limité puisqu’il consiste principalement à établir la primauté des conventions de Paris et de Vienne sur les accords internationaux en matière de transport.

4 () La liste des Etats Parties à la convention de Paris figure en annexe du présent rapport.

5 () Ce montant pouvant être réduit des deux tiers pour les installations à faible risque et les opérations de transport.

6 () En fonction de leur PNB et de la puissance thermique des réacteurs installés.

7 () Que ces mesures aient été prises après la survenance de l’accident ou après un événement créant une menace grave et imminente de dommage nucléaire.

8 () Il est possible de fixer un montant supérieur ou de prévoir une responsabilité illimitée de l’exploitant.

9 () Et à 80 millions d’euros pour les accidents en cours de transport de « substances nucléaires ».

10 () On notera que le protocole d’amendement de 1997 à la convention de Vienne permet d’étendre le champ géographique de la convention aux Etats non-contractants, chaque Partie conservant toutefois la possibilité d’exclure l’application de la convention aux Etats non-contractants pourvus d’installations nucléaires et n’accordant pas d’avantages réciproques équivalents.

11 () A la différence de la convention de Paris, qui avait été adoptée dans le cadre de l’OCDE, trois ans plus tôt.

12 () En revanche, le protocole de 1997 n’est en vigueur que dans 12 Etats.

13 () La liste des Etats parties à la convention de Vienne figure en annexe du présent rapport.

14 () En fonction de la puissance nucléaire installée et des contributions à l’ONU.

15 () D’une part, les Etats-Unis connaissent un système juridique différent de « canalisation » de la responsabilité vers l’exploitant, en vertu du Price-Anderson Act de 1957. D’autre part, la responsabilité civile relève de la compétence de chaque Etat aux Etats-Unis.

16 () Le droit national est censé être conforme aux exigences de l’annexe s’il a été adopté avant le 1er janvier 1995 et s’il répond à quelques principes de base, beaucoup plus restreints.

17 () 400 000 unités de puissance nucléaire.

18 () La liste des Etats signataires et des Etats parties figure en annexe du présent rapport.

19 () Sont aujourd’hui concernés en France par le régime de responsabilité civile nucléaire les exploitants d’installations nucléaires de base (INB), au sens de l’article L. 593-2 du code de l’environnement, dès lors que ces installations répondent à la définition de l’installation nucléaire au sens de la convention de Paris, à savoir : EDF, le CEA, AREVA NC, l’ANDRA, CIS Bio International, la société conversion métal uranium hexafluorure (COMURHEX, filiale d’AREVA en cours de fusion avec AREVA NC), la Société franco-belge de fabrication du combustible (FBFC, filiale d’AREVA en cours de fusion avec AREVA NP), la Société industrielle du combustible nucléaire (SICN, filiale d’AREVA), l’Institut Laue Langevin (ILL), EURODIF Production (filiale d’AREVA), SOCATRI (filiale d’AREVA), SOMANU (filiale d’AREVA), SOCODEI (filiale d’EDF), Société d’enrichissement du Tricastin (SET, filiale d’AREVA .

Les exploitants d’installations et activités nucléaires intéressant la défense (IANID), au sens de l’article R. 1333-37 du code de la défense, sont également concernés par le régime de responsabilité civile français.

20 () C’est effectivement le cas dans un certain nombre de pays.

21 () S’il y a eu une indemnisation dans certains pays européens, où des dommages avérés ont été subis – notamment la contamination de terres agricoles et de viande de renne –, comme en Suède, c’est sur le fondement de mesures unilatérales pour les victimes nationales.

22 () Agence spécialisée de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

23 () Allemagne, Danemark, Finlande, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Suède et Turquie.

24 () Bulgarie, Hongrie, République tchèque, Roumanie et Ukraine.

25 () Bulgarie, Hongrie, République tchèque, Roumanie, Ukraine, Cameroun, Chili, Croatie, Egypte, Estonie, Lettonie, Lituanie, Nouvelle-Zélande, Pologne, République slovaque, Saint-Vincent et les Grenadines, Uruguay.

26 () L'exploitant d'une installation nucléaire est responsable si l’accident met en jeu des « substances nucléaires » transportées en provenance de cette installation, tant que ces substances ne sont pas passées sous la responsabilité d’un autre exploitant selon des modalités définies par les conventions de base.

27 () On notera d’ailleurs que la convention complémentaire de Bruxelles, que votre Rapporteure a déjà eu l’occasion de présenter, constitue une mise en œuvre de cette stipulation dans un cadre collectif.

28 () La convention de Paris, telle qu’amendée en 2004, étend explicitement son champ d’application, pour ce qui concerne les Parties au protocole commun, aux dommages subis sur le territoire des Etats Parties à la convention de Vienne et au même protocole commun.

29 () Et comme le prévoyait déjà l’article 5 du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 modifiant les livres Ier et V du code de l'environnement, et modifiant le code de l'environnement, le code de la santé publique et le code de la défense.

30 () D’après les indications fournies à votre Rapporteure, les législations des pays autres que les Etats-Unis et la Chine ne contiendraient pas de dispositions relatives à l’indemnisation des dommages nucléaires transfrontaliers.

31 () Cf. supra.