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N
° 2047 et N° 2048

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI n° 193 autorisant la ratification de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part,

et

– LE PROJET DE LOI n° 194 autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part,

PAR Mme Odile SAUGUES

Députée

——

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. DEUX ACCORDS QUI S’INSCRIVENT DANS DES CONTEXTES BILATERAUX DIFFERENTS MAIS PARTICIPENT D’UNE STRATEGIE EUROPEENNE COMMUNE 7

A. GÉORGIE ET JORDANIE : DEUX EXEMPLES DE PAYS AVEC LESQUELS LES RELATIONS SE SONT INTENSIFIÉES 7

1. Le choix européen de la Géorgie 7

2. La Jordanie, acteur majeur des relations euro-méditerranéennes 9

B. DEUX ACCORDS D’INSPIRATION COMMUNE 12

1. Une stratégie globale de l’Union européenne en matière de libéralisation du secteur aérien 12

2. L’intérêt d’harmoniser les règlementations avec la Géorgie et la Jordanie 13

C. DES ENJEUX ET CONTEXTES SPÉCIFIQUES À CHACUN DES ACCORDS 14

1. L’accord avec la Géorgie : l’Espace aérien commun EACE en ligne de mire 14

2. L’accord avec la Jordanie : une étape dans la création d’un espace euro-méditerranéen 15

II. DEUX ACCORDS VOISINS DANS LEUR CONTENU ET LEURS MODALITES DE MISE EN ŒUVRE 16

A. LES DISPOSITIONS PRINCIPALES 17

1. Objectifs généraux, caractéristiques formelles et champ d’application 17

2. Dispositions économiques (titre I des deux accords) 18

i. Ouverture des marchés 18

ii. Libéralisation des investissements 19

iii. Concurrence loyale 19

3. Dispositions réglementaires (titre II des deux accords) 20

i. Principes généraux 20

ii. Réglementation sociale 21

iii. Réglementation environnementale 22

iv. Sûreté aérienne 23

v. Sécurité aérienne 24

vi. Protection des consommateurs 25

vii. Gestion du trafic aérien 25

B. LES DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES (TITRE III DES DEUX ACCORDS) 26

1. Interprétation et contrôle de l’application 26

2. Le comité mixte 26

i. Description fonctionnelle 26

ii. Attributions générales 27

iii. Compétences spécifiques par domaines 28

CONCLUSION 31

ANNEXE 1 : AUDITIONS 33

EXAMEN EN COMMISSION 35

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 37

INTRODUCTION

En décembre 2010, l’Union européenne et ses Etats membres ont signé à Bruxelles deux accords relatifs aux transports aériens. Le premier a été signé le 2 décembre 2010 avec la Géorgie et porte sur la création d’un espace aérien commun. Le second a été signé le 15 décembre 2010 avec le Royaume Hachémite de Jordanie et est un accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens.

Ces deux accords s’inscrivent dans un mouvement général relatif aux transports aériens impulsé par l’Union européenne et formalisé par la « feuille de route » adoptée par le Conseil de l’Union européenne en juin 2005, vis-à-vis de son environnement proche aux fins d’harmonisation, fluidification et sécurisation, au bénéfice des transporteurs, des entreprises, comme des passagers.

La Commission européenne distingue en la matière deux types de pays : ceux d’ores et déjà engagés dans une coopération paneuropéenne dans le domaine du transport aérien, essentiellement des pays du partenariat oriental, et les autres partenaires bordant le pourtour méditerranéen intégrés dans le volet méridional. À terme, la Commission prévoit de renforcer encore l’intégration régionale par le biais de deux accords aériens multilatéraux spécifiques à chacun de ces deux volets de la politique européenne de voisinage.

Les accords conclus avec la Jordanie et la Géorgie correspondent donc chacun à un des deux volets, ce qui explique leurs différences. Mais tous deux répondent à cette même volonté d’ouverture progressive des relations aériennes entre l’Union européenne et ses voisins, sous condition de la reprise par ceux-ci d’une part substantielle de l’acquis communautaire en matière de transport aérien. Ils sont donc largement similaires, s’inspirant d’un modèle commun. C’est la raison pour laquelle leur examen conjoint a paru opportun.

I. DEUX ACCORDS QUI S’INSCRIVENT DANS DES CONTEXTES BILATERAUX DIFFERENTS MAIS PARTICIPENT D’UNE STRATEGIE EUROPEENNE COMMUNE

A. GÉORGIE ET JORDANIE : DEUX EXEMPLES DE PAYS AVEC LESQUELS LES RELATIONS SE SONT INTENSIFIÉES

1. Le choix européen de la Géorgie

Compte tenu de sa position géostratégique, la stabilité et la prospérité de la Géorgie sont favorables aux intérêts de tous, mais l’histoire récente a été marquée par de nombreux soubresauts, certains porteurs d’espoirs, d’autres tragiques. Le pays a été profondément transformé et est aujourd’hui assaini, sur le plan institutionnel et administratif, mettant un terme à une période d’autoritarisme opaque, de corruption et de clientélisme généralisés. Le processus de démocratisation a connu une nouvelle étape avec l’alternance politique régulière à la suite des derniers scrutins, même si les rapports entre forces politiques demeurent difficiles et les procédures judiciaires en cours sujettes à caution.

Les relations entre l’UE et la Géorgie, indépendante depuis le 9 avril 1991, ont débuté dès 1992 et se sont intensifiées après la « révolution des roses » de 2003 qui avait porté au pouvoir Mikheïl Saakachvili. La Géorgie a depuis fait le choix stratégique du rapprochement avec l’UE et l’OTAN. Ce choix fait, jusqu’à ce jour, l’objet d’un consensus au sein de la classe politique à l’exception de quelques formations minoritaires. Le Patriarche Ilia II a même manifesté son soutien au processus d’association.

Les relations bilatérales UE-Géorgie sont régies par un accord de partenariat et de coopération entré en vigueur le 1er juillet 1999, auquel doit se substituer un accord d’association paraphé à Vilnius le 29 novembre 2013 et dont la signature définitive est prévue le 27 juin 2014. Cet accord, qui acte une étape supplémentaire du rapprochement entre la Géorgie et l’Union, comprend notamment la création d’une zone de libre-échange approfondi et complet. Le renforcement de l’Etat de droit s’impose aujourd’hui comme un pré-requis de tout progrès ultérieur.

La Géorgie reçoit de la part de l’Union européenne un soutien financier au titre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP, 180,7 millions d’euros sur la période 2011-2013). Elle fait également partie du Partenariat oriental, créé en 2009, au titre duquel elle a bénéficié de 22 millions d’euros entre 2009 et 2013. Enfin, sur le terrain, l’Union européenne a déployé sa première mission civile « Etat de droit » dans le cadre de la PSDC, EUJUST THEMIS, en 2004, ainsi que la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) à la suite du conflit armé de 2008.

Aujourd’hui, le gouvernement géorgien est parvenu à trouver un équilibre entre rapprochement avec l’Union européenne et rétablissement d’un rapport apaisé avec la Russie (politique d’ouverture du Président Margvelachvili), qui n’a d’ailleurs à ce jour pas essayé d’entraver la signature de l’Accord d’association. S’agissant de l’OTAN, un même équilibre doit être trouvé. Cette démarche d’autonomisation relative se traduit aussi par le projet de gazoduc transanatolien impliquant l’Azerbaïdjan et la Turquie, ses deux premiers partenaires commerciaux. Mais naturellement la crise ukrainienne et la politique russe à l’égard des territoires séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud génèrent des inquiétudes légitimes. Le Parlement européen a condamné l’occupation de ces territoires par une Résolution en date du 17 avril dernier.

La France maintient avec la Géorgie des relations amicales entretenues par des contacts à haut niveau. S’agissant des visites présidentielles, elles sont régulières : M. Chevarnadzé a effectué une visite officielle en France en 1995, M. Saakachvili en 2010, M. Nicolas Sarkozy a effectué une visite officielle à Tbilissi le 7 octobre 2011 et le Président François Hollande s’y est rendu le 13 mai dernier. Le ministre des Affaires étrangères a reçu son homologue géorgienne Mme Pandjikidzé à Paris le 1er juillet 2013.

La relation politique est forte. La France dispose d’une image positive qui résulte notamment de l’accueil par la France en 1921 du gouvernement en exil de la première République de Géorgie. La médiation de la Présidence française de l’UE a joué un rôle important dans le cadre du conflit de 2008, permettant de mettre un terme aux combats et conduisant à l’accord entre la Russie et la Géorgie sur un plan en six points (12 août 2008).

Les relations culturelles sont anciennes et la Géorgie est d’ailleurs membre observateur de l’Organisation internationale de la francophonie. 400 étudiants géorgiens sont accueillis en France, la réforme du système judiciaire est conduite par une ministre francophone formée à l’ENA et la langue géorgienne est enseignée à l’INALCO.

En matière économique, les échanges restent modestes (180 millions d’euros en 2013, part de marché de 2,08 %), mais en hausse, excédentaires pour la France, et des perspectives de coopérations s’ouvrent notamment dans les secteurs des transports, de l’énergie, du tourisme et de l’agriculture.

L’intérêt mutuel à approfondir ces relations se manifeste au sein du monde des affaires, comme en témoigne le succès du Forum économique franco-géorgien organisé par la Chambre de commerce et d’industrie française de Tbilissi à l’occasion du déplacement du Président de la République le 13 mai dernier : participation d’une centaine d’entreprises dont 65 françaises, participation actives des ministres géorgiens de l’économe, l’agriculture, l’énergie, la justice et l’intégration européenne.

Plusieurs accords bilatéraux existent entre la France et la Géorgie, notamment un accord de protection des investissements entré en vigueur en 2000 et un accord visant à éviter les doubles impositions signé en 2007. Le mécanisme de l’assurance-crédit Coface a quant à lui été ouvert au profit de la Géorgie en 2009 et l’Agence française de développement (AFD) est autorisée depuis avril 2012 à intervenir en Géorgie. Le pays a bénéficié de plusieurs dons FASEP et de trois prêts RPE dans les secteurs des transports et des infrastructures.

Une nouvelle impulsion a été donnée lors du Forum économique franco-géorgien précité, avec la signature de deux accords intergouvernementaux et cinq accords à caractère financier ou commercial. On notera que l’accord signé relatif à l’établissement de l’AFD et de Proparco, est le premier accord de ce type dans la région Caucase du Sud-Asie centrale et a été accompagné de deux accords de crédits entre Proparco et des sociétés géorgiennes, l’un pour la construction de centrales hydroélectriques, l’autre pour la micro-finance notamment dans le domaine de l’agriculture. L’autre accord intergouvernemental est un Protocole financier pour la rénovation de quatre lignes de transport par câble, lui aussi accmpagné du contrat commercial correspondant.

Un accord intergouvernemental concernant la coopération dans le domaine de la défense a également été conclu en février 1997. Le centre de formation des troupes de montagne de Satchkéré, inauguré à la fin du mois d’août 2006, a été créé avec l’appui de la France. Notre pays dispose aussi depuis septembre 2002 d’un Attaché de sécurité intérieure à Tbilissi, avec compétence sur l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il est important de souligner que la Géorgie a soutenu la mission EUFOR en République centrafricaine et y contribue à hauteur de 150 hommes.

2. La Jordanie, acteur majeur des relations euro-méditerranéennes

La Jordanie est partie à l’Union pour la Méditerranée qui a pour but de promouvoir l’intégration économique et les réformes démocratiques dans seize pays voisins situés au sud de l’Union européenne. Elle en est un membre particulièrement actif, assurant la co-Présidence Sud depuis 2012 (la co-Présidence Nord est assurée par l’Union européenne) et œuvrant à faire de cette enceinte un espace de projets concrets.

La Jordanie a notamment largement contribué à donner un nouvel élan au dialogue régional pour la coopération énergétique. C’est ainsi à Amman que se sont réunis les 29 et 30 mai 2013 de hauts représentants des pays membres pour concrétiser le Plan solaire méditerranéen (PSM), officiellement adopté à la conférence interministérielle du 11 décembre dernier à Bruxelles1, réunion coprésidée par les coprésidents de l’UpM et ouverte par le ministre jordanien de l’énergie et des ressources minérales, Malek Kabariti.

A la suite de la conférence de décembre, les hauts fonctionnaires des pays de l'Union pour la Méditerranée (UpM) en charge de l’Energie et les représentants des parties concernées se sont réunis à Barcelone le 29 avril 2014, sous les auspices du secrétariat de l’UpM et de la co-présidence de l’UpM à savoir l’Union européenne et la Jordanie, pour lancer les travaux d’une nouvelle structure de l’UpM au sein de la division Energie : le Comité technique étendu, dont les activités ont pour objectif d’œuvrer à l’intégration énergétique des pays de la région avec tout une série de sous-groupes qui couvriront divers sujets concernant l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

De manière générale, la Jordanie bénéficie de relations privilégiées avec l’Union européenne, qui lui a accordé le « statut avancé » en 2012. Elle est, avec le Maroc, le seul pays du voisinage Sud à avoir obtenu ce statut. Ce dernier implique notamment l’organisation régulière de sommets UE-Jordanie et la mise en place d’un espace économique commun avec ce pays.

La Jordanie reçoit de l’UE un soutien financier au titre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP, 223 millions d’euros sur la période 2011-2013), une aide complémentaire destinée à appuyer la transition politique (crédits SPRING, 70 millions d’euros en 2012, 21 millions en 2013) ainsi que, depuis 2012, une aide humanitaire importante (fonds ECHO de 115 millions d’euros) pour faire face à l’afflux de réfugiés syriens en Jordanie. Enfin, l’Union européenne a accordé à la Jordanie, en octobre 2013, une aide macro-financière de 180 millions d’euros sous la forme d’un prêt à moyen terme.

La dixième session du Conseil d’Association UE/Jordanie s’est tenue à Bruxelles le 19 décembre 2012. L’UE a constaté les réformes engagées par la Jordanie et marqué son soutien à leur poursuite dans les domaines de l’Etat de droit, de la gouvernance et des droits de l’Homme. Les autorités jordaniennes ont autorisé le déploiement d’une mission d’observation électorale de l’UE durant les élections législatives du 23 janvier 2013.

L’accord d’association entre l’Union européenne et la Jordanie entré en vigueur en 2002 a permis une expansion des échanges commerciaux qui ont atteint 3.8 milliards d’euros en 2012. Ceux-ci pourraient être encore renforcés par un accord de libre-échange complet et approfondi dont la négociation devrait être engagée cette année.

Un Partenariat pour la mobilité, en cours de négociation, devrait permettre de mieux gérer la mobilité des personnes pour des séjours de courte durée, de lutter contre la migration irrégulière et la traite des êtres humains, de renforcer la coopération en matière de migrations, de développement et d’accueil des réfugiés conformément aux normes internationales.

La visite en Jordanie de la Haute représentante C. Ashton en juin 2013, celles de la commissaire en charge de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises, K. Gueorguieva, en janvier et en mai 2013, et celle du commissaire en charge de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage, S. Füle, en juin 2013, illustrent le soutien fort de l’UE. Le Représentant Spécial de l’Union européenne pour la Méditerranée du Sud, M. Bernardino Léon, s’est quant à lui rendu en Jordanie en février 2014 afin de faire le point sur le processus de réforme engagé par les autorités et soutenu par l’UE.

Le Roi Abdallah II a effectué un déplacement à Bruxelles le 5 décembre 2013. Il y a rencontré le Président du Conseil européen, Hermann Van Rompuy, le Président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso, la Haute représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, ainsi que le Président du Parlement européen, Martin Schulz. Ils ont évoqué la situation régionale, la crise humanitaire syrienne (la Jordanie accueille un grand nombre des réfugiés syriens), la négociation de l’accord de libre-échange et le partenariat pour la mobilité.

Parallèlement à sa relation avec l’UE, la Jordanie est devenue, fin 2011, membre de la BERD qui a ouvert un bureau à Amman le 25 avril 2012. Celle-ci a investi 30 millions d’euros dans le système bancaire jordanien et octroyé un prêt de 150 millions d’euros destiné à la construction d’une centrale électrique. La Jordanie a obtenu le statut de pays d’opération le 4 novembre 2013 qui permet aux acteurs publics et privés jordaniens de bénéficier des financements de la Banque.

La France et la Jordanie sont liées par une relation d’amitié et de confiance. La France partage une grande proximité de vues avec la Jordanie sur de nombreux sujets régionaux et internationaux. La visite en France du Roi Abdallah II a attesté, le 3 juillet 2012, de la solidité des liens entre nos deux pays.

La France a annoncé à cette occasion l’octroi d’un prêt budgétaire sectoriel de 150 millions d’euros destiné à appuyer la réforme du secteur de l’électricité. Ce soutien s’inscrit dans le cadre du Partenariat de Deauville et vise à accompagner la Jordanie dans son processus de réformes politiques, économiques et sociales. Le Président de la République a réaffirmé, le 23 juin 2013 à l’occasion d’une visite à Amman, combien les positions françaises et jordaniennes étaient convergentes sur les réponses à apporter aux grandes crises de la région.

Parmi les visites ministérielles récentes, le Ministre des Affaires étrangères s’est rendu en Jordanie le 15 août 2012, manifestant le soutien fort de la France face à la crise syrienne, notamment par l’installation d’une antenne médico-chirurgicale française dans le camp de réfugiés syriens de Za’tari.

La Ministre déléguée chargée des Français de l’étranger Hélène Conway-Mouret a également effectué un déplacement en Jordanie du 25 au 28 septembre 2013. A cette occasion, elle a inauguré le nouveau lycée français d’Amman en présence du ministre jordanien de l’Education. Ce nouveau lycée constitue un établissement-test dans l’adaptation du réseau d’enseignement français à l’étranger à la compétition que se livrent les différents pays pour proposer des établissements attractifs. Offrant des locaux magnifiques, il se distingue aussi par une forte composante internationale et un enseignement en arabe et de l’arabe.

Enfin, les relations économiques franco-jordaniennes ont connu un important développement à l’occasion de la privatisation de l’économie du royaume. La France n’est que le 17e fournisseur de la Jordanie, mais ses exportations vers le pays ont enregistré une forte progression en 2013. La France est aussi le troisième investisseur étranger en Jordanie, derrière le Koweït et l’Arabie Saoudite et à parité avec les Etats-Unis.

A. DEUX ACCORDS D’INSPIRATION COMMUNE

1. Une stratégie globale de l’Union européenne en matière de libéralisation du secteur aérien

Aux termes de l’article 4-2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le domaine des transports correspond à une compétence partagée entre l’Union et les États membres. En matière de transport aérien, cette compétence s’est exercée au travers du projet de ciel unique européen.

Le « ciel unique européen »

Le ciel unique est un projet européen visant à adapter la gestion du trafic aérien européen, fragmentée en espaces et systèmes nationaux, aux besoins futurs en matière de capacité, de sécurité, de réduction de l’impact environnemental et d’efficacité économique, tout en rendant les systèmes et procédures interopérables et en les modernisant.

La mise en œuvre du ciel unique européen devrait permettre, selon la Commission européenne à l’initiative du projet, de multiplier par dix le niveau de sécurité aérienne, de tripler la capacité de l’espace aérien, de réduire de moitié les coûts de la gestion du trafic aérien et de diminuer de 10% les incidences du transport aérien sur l’environnement par rapport à la situation observée en 2005.

Le « premier paquet » ciel unique européen, adopté en 2004, a eu pour but d’établir un cadre réglementaire régissant les services de navigation aérienne et les redevances associées, l’organisation et l’utilisation de l’espace aérien ainsi que l’interopérabilité des systèmes de navigation aérienne au niveau communautaire.

En 2009, un second paquet dit « ciel unique européen 2 » a été adopté, les règlements initiaux étant amendés afin de créer, notamment, un régime de gestion de la performance, coordonné par la Commission européenne, et assorti d’incitations pour les prestataires de services de navigation aérienne. Le second paquet prévoit également la création d’un gestionnaire de réseau concernant les routes aériennes, les fréquences radio et les codes de transpondeurs radar.

Pour accélérer la réforme du système européen de contrôle de la navigation aérienne, la Commission européenne a présenté le 11 juin 2013 une proposition de paquet « Ciel unique 2+ ».


En vertu du principe de parallélisme entre les compétences internes et externes, l’Union européenne et ses États membres partagent la compétence pour négocier et conclure des accords avec des pays tiers. Les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 5 novembre 2002 relatifs à des accords bilatéraux entre certains États membres de la Communauté européenne et les Etats-Unis, arrêts dits de « Ciel ouvert »
2, ont marqué l’émergence d’une politique extérieure de l’Union européenne dans le domaine de l’aviation.

Les deux axes de cette politique ont été définis par la Commission européenne dans sa communication du 11 mars 2005 « Développer l’agenda de la politique extérieure de l’aviation de la Communauté » : la conclusion, à l’échelle communautaire, d’accords de transport aérien ciblés avec, d’une part, les pays de la politique européenne de voisinage, et, d’autre part, les partenaires clés de l’Union européenne.

Faisant suite à cette communication, le Conseil de l’Union européenne a adopté en juin 2005 une « Feuille de route » visant à développer la politique extérieure de l’Union européenne dans le domaine de l’aviation civile. L’un des objectifs de cette politique est la création d’espaces aériens communs avec les pays de la Politique européenne de voisinage. Les services de transport aérien dans ces espaces ont vocation à être progressivement libéralisés et les réglementations harmonisées sur la base des normes européennes.

S’inscrivant dans cette stratégie globale, l’Union européenne et ses États membres ont signé des accords avec certains partenaires clés de l’UE (Etats-Unis en 2007, Canada en 2009), ainsi qu’avec plusieurs États du voisinage : le Maroc en 2006, la Géorgie et la Jordanie en 2010, la Moldavie en 2012, Israël en 2013. Un accord multilatéral créant un espace aérien commun aux États membres de l’Union, à l’Islande, à la Norvège et aux États des Balkans de l’Ouest a également été signé en 2006 (accord EACE). Un projet d’accord a été signé avec l’Ukraine le 28 novembre 2013.

Le Conseil a également autorisé la Commission à ouvrir des négociations avec d’autres pays du voisinage : l’Algérie, l’Azerbaïdjan, le Liban et la Tunisie.

2. L’intérêt d’harmoniser les règlementations avec la Géorgie et la Jordanie

Parmi les pays du voisinage de l’Union européenne concernés par la « Feuille de route » de 2005, la Commission européenne distingue ceux qui sont d’ores et déjà engagés dans une coopération paneuropéenne dans le domaine du transport aérien, principalement les pays à l’Est de l’Union qui forment le volet oriental de cette politique, des autres partenaires, bordant le pourtour méditerranéen intégrés dans le volet méridional. La Géorgie, d’une part, et la Jordanie, d’autre part, entrent donc pleinement, chacune pour une catégorie, dans le cadre de la stratégie européenne dans le domaine de l’aviation civile telle qu’exposée dans la Feuille de route de 2005.

Ces accords présentent de nombreux avantages qui résultent du rapprochement des règlementations et de la libéralisation des services.

L’harmonisation des normes sur la base des règles européennes est la garantie de la mise en œuvre de standards élevés et uniformes dans les domaines de la sécurité, de la sûreté et de la gestion du trafic aérien. Certaines des règles communautaires en matière de protection de l’environnement, de protection des consommateurs, de temps de travail seront également appliquées. La réglementation mise en place par le ciel unique européen fait partie de l’acquis réglementaire communautaire que devront intégrer la Géorgie et la Jordanie une fois les deux accords de 2010 entrés en vigueur. Cette réglementation est exposée à l’annexe III-B des deux traités (cf. infra dans ce rapport).

Pour les entreprises de transport aérien européennes, d’une part, et géorgiennes et jordaniennes, d’autre part, ces accords leur offrent la possibilité de librement fournir leurs services sur la seule base de considérations commerciales, la reprise de l’acquis juridique communautaire et l’application de principes communs relatifs à la concurrence favorisant l’émergence d’un cadre concurrentiel juste et équitable.

L’ouverture des marchés permettra par ailleurs d’accroître l’offre de transport aérien entre l’Union européenne, d’une part, et la Géorgie et la Jordanie, d’autre part, condition indispensable au développement de l’activité touristique et de l’économie de ces pays. Plus globalement, l’ouverture des marchés du transport aérien devrait avoir des répercussions positives sur l’économie européenne dans son ensemble, un meilleur accès aux services de transport stimulant les échanges et favorisant l’ouverture de nouveaux débouchés commerciaux.

A. DES ENJEUX ET CONTEXTES SPÉCIFIQUES À CHACUN DES ACCORDS

1. L’accord avec la Géorgie : l’Espace aérien commun EACE en ligne de mire

S’agissant des pays du voisinage partageant une culture aéronautique commune avec l’Union européenne, un premier accord a été signé le 9 juin 2006, l’accord multilatéral sur la création d’un espace aérien commun européen (EACE) entre les États membres de l’Union européenne, les pays des Balkans, l’Islande et la Norvège (EACE). Le Conseil de l’Union européenne du 11 juin 2009 a décidé d’autoriser la Commission européenne à négocier avec la Géorgie les termes d’un accord qui constituerait une étape vers l’intégration de ce pays dans cet espace aérien commun européen.

Les discussions ont débuté en octobre 2009 et, au terme de trois sessions de négociations, un projet d’accord a été paraphé à Tbilissi le 5 mars 2010. L’accord a été signé le 2 décembre 2010 à Bruxelles. L’article 25 du traité prévoit effectivement la possibilité de l’adhésion de la Géorgie à l’EACE. 18 Etats membres ont notifié l’achèvement de leur procédure interne de ratification de l’accord, que la Géorgie a également ratifié.

Pour la France, qui n’avait pas d’accord bilatéral relatif au transport aérien avec la Géorgie, le présent accord met en place un cadre juridique qui sécurise l’exploitation des services aériens entre les territoires français et géorgien.

L’article 14, relatif à la sécurité aérienne, prévoit de plus une coopération renforcée entre l’UE et la Géorgie, qui sera associée, en qualité d’observateur, aux travaux de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. L’article 16, relatif à la gestion du trafic aérien, prévoit que la Géorgie sera associée en qualité d’observateur aux travaux du Comité du « Ciel unique européen »

Par ailleurs, ce traité possède une dimension politique forte dans la mesure où il s’inscrit dans la continuité de la recommandation faite par le Conseil européen extraordinaire du 1er septembre 2008, sous Présidence française, d’intensifier les relations de l’Union avec la Géorgie. Cet accord est un signal politique substantiel envoyé à la Géorgie et aux pays du Caucase par l’Union européenne signifiant sa volonté de les intégrer autant que possible dans son marché intérieur.

Selon la communication de la Commission du 30 janvier 2009 intitulée « Création d’un espace aérien commun avec la Géorgie », seuls quatorze États membres de l’Union européenne ont conclu des accords bilatéraux avec la Géorgie en matière de transport aérien. Compte tenu de la faiblesse des déplacements par avion entre la France et la Géorgie, les deux États n’ont jamais négocié un tel accord. Le nouvel accord européen a vocation à se substituer aux accords bilatéraux existants.

Le volume du trafic aérien entre l’Union européenne et la Géorgie est faible : environ 250 000 passagers par an en 2010, 2011 et 2012, seuls onze États disposant alors de liaisons directes avec la Géorgie, principalement entre leur capitale et Tbilissi. Trois États membres dominent largement ce marché en concentrant près de 60% du trafic : l’Allemagne, la Pologne et la Lettonie. Le marché français n’est plus desservi en direct depuis la suspension en 2012 des liaisons exploitées par la compagnie nationale Georgian Airways.

S’agissant du fret, le trafic de 10 000 à 11 000 tonnes par an de 2010 à 2012 concerne surtout deux États membres de l’UE, l’Allemagne (52% du fret en 2012) et l’Estonie (40%).

2. L’accord avec la Jordanie : une étape dans la création d’un espace euro-méditerranéen

Le Conseil de l’Union européenne des 29 et 30 novembre 2007 a autorisé la Commission européenne à négocier l’accord avec le Royaume hachémite de Jordanie pour le compte de l’Union européenne. Les négociations ont débuté en novembre 2008 sous Présidence française de l’Union européenne et, au terme de quatre sessions de négociations, un projet d’accord a été paraphé à Amman le 17 mars 2010. L’accord a été signé à Bruxelles le 15 décembre 2010. 13 Etats-membres ont notifié l’achèvement de leur procédure interne de ratification de l’accord, que la Jordanie a également ratifié.

L’accord avec la Jordanie est cohérent avec la politique de rapprochement engagée entre ce pays et l’Union européenne dans le cadre du Processus de Barcelone, qui s’est notamment traduite, comme rappelé précédemment, par la conclusion d’un accord d’association signé en 1997 et entré en vigueur en mai 2002.

Cet accord s’inscrit dans une logique dont l’aboutissement ultime serait la mise en place d’un espace aérien euro-méditerranéen commun avec les autres États du pourtour méditerranéen liés à l’Union par des accords euro-méditerranéens de services aériens similaires, comme l’énonce expressément l’article 24 de l’accord.

Il répond à la même logique que celle qui a conduit à la signature d’un accord aérien avec le Maroc en 2006. Toutefois, ce dernier n’est pas encore entré en vigueur, l’ensemble des Etats membres n’ayant pas achevé leurs processus internes de ratification. Ses modalités pratiques sont néanmoins de fait mises en œuvre, sur une base administrative et sous réserve de réciprocité. L’ouverture du marché est réalisée entre l’ensemble des aéroports européens et les plateformes marocaines et le processus d’harmonisation réglementaire est en marche avec l’appui de programmes européens de coopération.

Les relations aériennes entre la Jordanie et la plupart des États membres de l’Union européenne sont actuellement régies par un cadre bilatéral : seuls six États membres (Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovénie) n’ont pas conclu un tel accord bilatéral avec la Jordanie.

En particulier, le cadre juridique applicable aux services de transport aérien entre la France et la Jordanie est défini dans un accord du 30 avril 1966. Le nouvel accord européen a vocation à s’y substituer, sauf dans les parties du territoire français non couvertes par les traités européens.

Entre 2010 et 2012, le marché du transport aérien entre l’Union européenne et la Jordanie s’est avéré stable, avec un peu plus d’un million de passagers transportés. Le Royaume-Uni (25%), l’Allemagne (18%) et la France (15%) concentrent à eux trois près de 60% de ce trafic.

La compagnie Royal Jordanian, compagnie nationale jordanienne, est l’acteur dominant du marché, contrôlant 62% de l’offre en sièges du marché européen. La compagnie privée Royal Facon Airlines est le second acteur jordanien sur le marché européen, proposant essentiellement des services non réguliers.

Le volume de fret transporté est d’environ 30 000 tonnes en 2012. Ce trafic concerne essentiellement quatre États membres, représentant près de 80% du fret transporté : les Pays-Bas (35% de parts de marché), le Royaume-Uni (23%), le Luxembourg (14%) et l’Autriche (7%).

I. DEUX ACCORDS VOISINS DANS LEUR CONTENU ET LEURS MODALITES DE MISE EN ŒUVRE

Sous réserve des articles déjà mentionnés dans la première partie eu égard à leur lien direct avec le contexte et l’opportunité de la conclusion des accords avec chaque pays, les dispositions des deux accords témoignent d’une grande similitude, les discussions ayant été menées sur la base d’un accord européen type conçu pour les pays du voisinage. Elles sont ci-après présentées et commentées.

A. LES DISPOSITIONS PRINCIPALES

1. Objectifs généraux, caractéristiques formelles et champ d’application

L’objectif des deux accords est d’ouvrir progressivement les relations aériennes entre l’Union européenne et la Géorgie, d’une part, et l’Union européenne et la Jordanie, d’autre part, sous condition de la reprise par ces pays d’une part substantielle de l’acquis communautaire en matière de transport aérien.

Les deux accords comportent vingt-neuf articles ainsi que quatre annexes parties intégrantes de l’accord.

Les dispositions prévues aux annexes I et II des deux accords précisent les conditions dans lesquelles les droits commerciaux des transporteurs aériens des Parties contractantes pour les services aériens internationaux peuvent être exercés.

Les services intérieurs aux Etats concernés sont explicitement exclus du champ des droits ouverts : par exemple, un transporteur jordanien ne pourra pas exploiter une ligne Paris-Toulouse (9è liberté de l’air) ni embarquer à Paris des passagers pour Toulouse sur son vol Amman-Toulouse (8ème liberté de l’air – droit de cabotage).

Aux termes des annexes I, les transporteurs européens, d’une part, et géorgiens et jordaniens, d’autre part, pourront desservir, au départ de tout aéroport de l’Union européenne, tout aéroport sur le territoire de ces pays (droits de 3e et 4e libertés).

Ces transporteurs pourront également effectuer des vols via un point intermédiaire dans certains Etats tiers avec la possibilité d’exercer des droits de trafic sur cette escale (droits de 5e liberté). Les points intermédiaires prévus par les deux accords, outre les Etats de l’Union, sont les suivants : les pays de la zone Euromed (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Syrie, Territoires palestiniens, Tunisie et Turquie), les pays de l’accord multilatéral créant un espace aérien commun européen (EACE) précité, le Liechtenstein et la Suisse. Ainsi, la Royal Jordanian pourra embarquer à Paris des passagers sur son vol Londres – Amman. La Georgian Airways pourra embarquer à Istanbul (pays de la zone Euromed) des passagers sur son vol Tbilissi – Athènes.

Dans le cas de l’accord avec la Géorgie, les transporteurs européens (mais pas géorgiens) pourront également effectuer des vols se poursuivant vers un État tiers, avec la possibilité là encore d’exercer des droits de trafic entre la Géorgie et cet État tiers. Air France aura par exemple le droit d’embarquer à Tbilissi des passagers sur son vol Paris – Bakou.

Les 5 premières libertés de l’air appliquées

1ère liberté (liberté technique) : Droit de survol : Droit pour un transporteur de survoler le territoire d’un autre Etat sans y atterrir (exemple : survol du territoire jordanien par Air France pour se rendre en Arabie saoudite).

2ème liberté (liberté technique) : Droit d’effectuer des escales techniques, pour la maintenance et le ravitaillement en carburant notamment (exemple : ravitaillement en carburant à Tbilissi pour un vol Air France à destination du Turkménistan)

3ème liberté (liberté commerciale) : Droit de débarquer dans un Etat tiers des passagers embarqués dans l’Etat dont l’aéronef a la nationalité (exemple : droit pour la Royal Jordanian de débarquer à Paris des passagers en provenance d’Amman).

4ème liberté (liberté commerciale) : Droit d’embarquer dans un Etat tiers des passagers à destination de l’Etat dont l’aéronef a la nationalité (exemple : droit pour la Royal Jordanian d’embarquer à Paris des passagers à destination d’Amman).

5ème liberté (liberté commerciale) : Droit d’embarquer ou débarquer dans un Etat tiers des passagers à destination ou en provenance de tout autre Etat contractant (exemples : droit pour la Royal Jordanian d’embarquer ou débarquer à Paris des passagers sur son vol Londres–Amman, droit pour la Georgian Airways d’embarquer ou débarquer à Istanbul (pays de la zone Euromed autorisé comme point intermédiaire) des passagers sur son vol Tbilissi–Athènes, droit pour Air France d’embarquer ou débarquer à Tbilissi des passagers sur son vol Paris–Bakou).

Aux termes des annexes II, l’extension des opportunités commerciales aux vols de 5e liberté, est toutefois subordonnée à une décision du comité mixte validant l’achèvement de la reprise de l’acquis communautaire par la Géorgie et la Jordanie, y compris pour les vols entre deux Etats membres de l’UE assurés par les transporteurs géorgiens ou jordaniens (embarquement / débarquement dans un Etat membre de l’Union de passagers sur une liaison entre la Jordanie ou la Géorgie et un autre Etat membre). Cependant, tout droit de cinquième liberté déjà octroyé par l’un des accords bilatéraux entre la Géorgie ou la Jordanie et les Etats membres de l’Union européenne peut continuer à être exercé dans la mesure où il n’y a pas de discrimination entre transporteurs aériens de l’Union européenne sur la base de la nationalité.

2. Dispositions économiques (titre I des deux accords)

i. Ouverture des marchés

Les deux accords prévoient une ouverture des marchés en deux étapes liée à la reprise, par la Géorgie et la Jordanie, de l’acquis communautaire.

Les entreprises de transport aérien de l’Union européenne seront, lors de la première phase, libres de proposer des services au départ de n’importe quel aéroport européen à destination de la Géorgie et de la Jordanie. Lors de la seconde étape, elles pourront effectuer des vols de 5e liberté.

L’ouverture des marchés s’accompagne de l’allégement de certaines procédures administratives afin de favoriser la réactivité et le dynamisme des entreprises de transport aérien.

La reconnaissance mutuelle des décisions réglementaires relatives à la conformité et à la nationalité économique des transporteurs en est une illustration (article 4 de l’accord avec la Géorgie, 4 bis de l’accord avec la Jordanie). De même, alors que les accords de services aériens bilatéraux prévoient couramment une procédure préalable de désignation des transporteurs aériens, les accords avec la Géorgie et la Jordanie suppriment cette formalité, les compagnies aériennes européennes pouvant soumettre directement leurs programmes d’exploitation aux autorités aéronautiques jordaniennes compétentes et réciproquement.

ii. Libéralisation des investissements

La libéralisation de l’investissement dans les transporteurs aériens (article 6 de l’accord avec la Géorgie, article 5 de l’accord avec la Jordanie) autorisera la détention du capital et le contrôle effectif d’une compagnie géorgienne ou jordanienne par des intérêts européens, et réciproquement.

Ce type d’opérations relèvera de la stratégie des entreprises dans un univers où les regroupements permettent des économies d’échelle et ouvrent l’accès à de nouveaux marchés.

Toutefois, les opportunités d’investissement européennes semblent, dans le cadre de l’accord avec la Jordanie, se limiter à ce jour à la seule compagnie Royal Jordanian, membre de l’alliance Oneworld. De plus, la libéralisation de l’investissement ne pourra intervenir qu’après révision de la réglementation jordanienne relative à la délivrance des licences d’exploitation de transporteur aérien qui prévoit qu’un transporteur aérien doit être, et continuer à être, détenu et contrôlé par des intérêts jordaniens.

L’accord avec la Géorgie devrait favoriser l’intégration des transporteurs géorgiens dans les alliances existantes : Skyteam, Oneworld ou Star Alliance.

iii. Concurrence loyale

• Les principes relatifs à la concurrence définis au chapitre II du titre IV de l’accord d’association avec la Jordanie de 1997 s’appliquent aux opérations menées dans le cadre de l’accord de 2010 aux termes de son article 7. Cet article définit également les principes d’un cadre concurrentiel loyal qui interdit, sauf exception, les subventions publiques.

De même, l’article 8 de l’accord avec la Géorgie souligne l’attachement des parties au principe d’une concurrence loyale qui implique notamment la suppression, sauf exception, des différentes formes de subventions publiques. La réglementation communautaire applicable en matière de droit de la concurrence sert de référence.

• La Géorgie a accepté, pour traiter des questions de subventions publiques, de faire référence à l’article 107 du TFUE qui pose le principe général de l’interdiction des subventions publiques dans l’UE et en définit les exceptions.

Les négociations avec la Jordanie n’ont pas permis d’aboutir à ce résultat. L’article 7 paragraphe 3 de l’accord avec la Jordanie stipule cependant que les subventions publiques éventuellement octroyées doivent être indispensables à la réalisation d’un objectif légitime, proportionnées à celui-ci, transparentes et conçues de manière à atténuer au maximum les effets négatifs sur les transporteurs aériens de l’autre partie contractante. Aux termes du paragraphe 4, si cette dernière estime que ces critères ne sont pas remplis, elle peut soumettre des observations à l’autre partie et solliciter en outre une réunion du comité mixte.

En pratique, les subventions publiques dans le secteur du transport aérien sont admises, par exemple, pour la desserte aérienne de certains territoires isolés, les liaisons aériennes étant dans ce cas soumises à des obligations de services publics.

Enfin, la clause e) de l’article 5-1 de l’accord avec la Géorgie autorise le refus, la révocation, la suspension ou la limitation d’une autorisation d’exploitation lorsque les « conditions d’un environnement concurrentiel ne sont pas remplies ». L’article 7-4 de l’accord avec la Jordanie prévoit dans une telle situation le recours à des « mesures compensatoires », qui sont équivalente dans les faits.

Les procédures à respecter sont par ailleurs identiques : consultation des autorités compétentes, saisine du comité mixte, consultations dans un délai de trente jours, et, en cas de désaccord persistant, possibilité de « prendre des mesures en vue de refuser, révoquer, suspendre ou soumettre à des conditions appropriées les autorisations du ou des transporteurs aériens concernés » (Géorgie) ou « possibilité d’appliquer leurs mesures compensatoires respectives » (Jordanie). Ces dernières peuvent recouvrir les mêmes formes que les mesures annoncées dans l’accord avec la Géorgie.

• Les deux accords affirment également le principe de la libre fixation des tarifs et prévoient la possibilité d’aborder des questions telles que le caractère injuste, déraisonnable ou discriminatoire de ces tarifs (paragraphes 3 de l’article 12 de l’accord avec la Géorgie et de l’article 11 de l’accord avec la Jordanie). Là encore, le comité mixte peut éventuellement être saisi, des mesures de sauvegarde pouvant être adoptées.

1. Dispositions réglementaires (titre II des deux accords)

i. Principes généraux

En application des articles 14 à 20 de l’accord avec la Géorgie (respectivement 13 à 19 de l’accord avec la Jordanie), les parties contractantes doivent se conformer aux dispositions de la réglementation communautaire annexées aux accords (annexe III) dans différents domaines du transport aérien : la sécurité et la sûreté de l’aviation civile, la gestion du trafic aérien, l’environnement, la protection des consommateurs, les systèmes informatisés de réservation et les aspects sociaux du transport aérien.

Aux termes de l’annexe II-1 de chaque traité, la mise en œuvre et l’application par la Géorgie et la Jordanie de toutes les dispositions de la législation de l’Union européenne relative au transport aérien et figurant à l’annexe III de chaque accord font l’objet d’une évaluation relevant de la responsabilité de l’Union européenne. Cette évaluation est réalisée :

– au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur de l’accord dans le cas de la Géorgie ;

– au plus tard un an après l’entrée en vigueur de l’accord dans le cas de la Jordanie.

En dépit du fait qu’aucun des deux accords n’est encore formellement entré en vigueur, la Géorgie et la Jordanie s’impliquent d’ores et déjà dans la transposition de l’acquis communautaire dans leur droit national et dans sa mise en œuvre. Ces deux Etats bénéficient notamment de programmes européens de jumelage.

Lors de la première réunion du comité mixte avec la Jordanie, en janvier 2013, la délégation jordanienne a indiqué que sa réglementation est désormais conforme aux règles européennes à quelques exceptions près.

En revanche, ce travail paraît moins avancé dans le cas de la Géorgie, selon les informations délivrées lors du second comité mixte organisé en décembre 2013.

Aucune évaluation formelle n’a cependant été menée par la Commission européenne, et il est prématuré de se prononcer sur l’état de l’application des règles européennes par l’un ou l’autre de ces partenaires, d’autant qu’aucun des deux accords n’est encore entré en vigueur.

ii. Réglementation sociale

La Géorgie et la Jordanie devront appliquer certaines des dispositions européennes relatives aux conditions de travail des personnels de l’aviation civile, notamment :

– La directive 2000/79/CE du Conseil du 27 novembre 2000 concernant la mise en œuvre de l’accord européen relatif à l’aménagement du temps de travail du personnel mobile de l’aviation civile. Cette directive instaure notamment un congé annuel payé de 4 semaines au minimum, un temps de travail annuel maximal limité à 2000 heures, dont un temps de vol total limité à 900 heures, un certain nombre de jours libres de tout service échelonnés de la manière suivante : 7 jours par mois et au moins 96 jours par an ou encore un examen de santé gratuit avant l’embauche du personnel et des examens réguliers par la suite avec le respect du secret médical ;

– La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Elle fixe une période minimale de repos journalier de 11 heures consécutives par 24 heures, un temps de pause obligatoire pour un travail journaliser supérieur à 6 heures, une période minimale de 24 heures de repos en moyenne sans interruption suivant chaque période de 7 jours et qui se rajoute aux 11 heures de repos journaliser, une durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures y compris les heures supplémentaires. Le travail de nuit constitue un cas à part, car sa durée ne doit pas excéder huit heures en moyenne par vingt-quatre heures. Le travail de nuit comportant des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales est régi par des législations ou des pratiques nationales, ou des conventions collectives.

Ce premier pars vers une harmonisation des réglementations relatives au travail dans le domaine des services aériens contribue à la sécurité du transport aérien et conforte la mise en place d’un cadre concurrentiel équitable. Dans le cas de la Géorgie, cette harmonisation sera ultérieurement renforcée dans l’hypothèse où la Géorgie rejoindrait l’Espace aérien commun européen.

iii. Réglementation environnementale

• Protection de l’environnement

La protection de l’environnement dans le cadre du développement et de la mise en œuvre de la politique aéronautique internationale a été l’une des priorités des négociateurs de la Commission, relayant les préoccupations de nombreux Etats membres de l’Union européenne dont la France.

L’intégration de dispositions spécifiques à l’environnement dans ce type d’accords aériens marque une certaine avancée de la politique de l’Union européenne qui fait figure de précurseur en la matière.

Les deux accords préservent le droit de chacune des parties d’imposer des mesures appropriées pour prévenir ou traiter les conséquences du transport aérien sur l’environnement, ce qui autorise l’application de la directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil qui intègre les activités aériennes dans le système communautaire d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

• Nuisances sonores

La problématique de la gestion des nuisances sonores aux abords des aéroports est également prise en compte. Compte tenu de l’harmonisation réglementaire en la matière, la Géorgie et la Jordanie devront appliquer différentes règles européennes relatives au bruit des aéronefs et à la mise en place de restrictions d’exploitation pour les aéronefs les plus bruyants.

Conformément aux annexes III-E (« Environnement », accord avec la Géorgie) et III-D (« Protection de l’environnement », accord avec la Jordanie), trois directives européennes devront être appliquées par la Géorgie et la Jordanie :

– La directive 2006/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative à la réglementation de l’exploitation des avions relevant de l’annexe 16 de la convention relative à l’aviation civile internationale, volume 1, deuxième partie, chapitre 3, qui interdit sauf dérogation l’exploitation des avions à réaction les plus bruyants (ceux relevant du chapitre 2) à partir des aéroports européens ;

– La directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2002, établissant des règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté, qui définit des règles communes pour l’introduction de restrictions d’exploitation au niveau des aéroports pour minimiser l’impact du bruit sur les populations environnantes. Cette directive a été supplantée en avril 2014 par un règlement du Parlement européen et du Conseil « relatif à l’établissement de règles et de procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de l’Union, dans le cadre d’une approche équilibrée, et abrogeant la directive 2002/30/CE » ;

– Non spécifique du transport aérien, la directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002, relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement, définit une approche commune visant à éviter, prévenir ou réduire les effets nuisibles de l’exposition au bruit dans l’environnement. Cette approche est basée sur la détermination cartographique de l’exposition au bruit, sur l’information des populations et sur la mise en place de plans d’action.

iv. Sûreté aérienne

La réglementation applicable en la matière est exposée à l’annexe III-D de l’accord avec la Géorgie et à l’annexe III-B de l’accord avec la Jordanie.

La législation européenne dans le domaine de la sûreté aérienne se décompose en textes publiquement accessibles, consacrés aux grands principes, et en textes à diffusion restreinte abordant les mesures sensibles dont il faut garantir la confidentialité pour en préserver l’efficacité. Il n’y a aucun lien entre ces documents et des données à caractère personnel, par exemple celles des passagers.

Aux termes des annexes II-3 des deux accords, la mise en œuvre et l’application des normes en matière de sûreté font l’objet d’une évaluation relevant de la responsabilité de l’UE et sont approuvées par une décision du comité mixte.

– Dans le cas de l’accord avec la Géorgie, la partie confidentielle de la législation en matière de sûreté prévue à l’annexe III-D est mise à la disposition de l’autorité compétente de la Géorgie, sous réserve d’un accord sur l’échange d’informations sensibles en matière de sûreté, et notamment d’informations classifiées de l’UE. Cet accord interviendra après que le comité mixte aura rendu sa décision.

Toutefois, un tel accord pourrait s’avérer inutile dans la mesure où les règles européennes relatives à la sûreté découlent des recommandations et bonnes pratiques élaborées par la CEAC, dont la Géorgie, comme les Etats membres de l’UE, fait partie. La Géorgie est donc déjà informée des parties confidentielles de la réglementation sen matière de sûreté ;

– Dans le cas de l’accord avec la Jordanie, les parties confidentielles de la législation en matière de sûreté visées à l’annexe III-B ne seront partagées qu’après l’adoption de la décision du comité mixte. Aucun accord supplémentaire n’est requis dans la mesure où la réglementation en matière de sûreté visée à l’annexe III-B du traité avec la Jordanie ne comporte pas de partie classifiée.

v. Sécurité aérienne

La réglementation relative à la sécurité aérienne qui devra être appliquée par la Géorgie et la Jordanie est détaillée à l’annexe III-C de l’accord avec la Géorgie et III-A de l’accord avec la Jordanie.

La Géorgie a accepté d’appliquer l’ensemble des normes européennes en matière de sécurité aérienne. Cette démarche a des conséquences importantes, notamment pour les transporteurs aériens géorgiens qui seront tenus d’exploiter exclusivement des aéronefs certifiés par l’Agence européenne de sécurité aérienne alors que leur flotte actuelle comporte de nombreux appareils de conception ancienne qui ne peuvent prétendre à une certification européenne. Les dispositions de l’annexe II-7 organisent un retrait progressif de ces matériels.

Ces appareils répondent néanmoins aux spécifications définies par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) qui constituent le socle minimal de sécurité appliqué par les 191 Etats membres de l’OACI. L’exploitation des appareils géorgiens non certifiés par l’Agence européenne pendant la période transitoire s’effectuera dans les mêmes conditions de sécurité que celles qui prévalaient avant l’application de l’accord européen.

Cette période transitoire s’étend jusqu’au 1er janvier 2015 pour certains aéronefs affectés au seul transport de fret et jusqu’au 31 décembre 2019 pour certains hélicoptères et aéronefs légers et ultralégers.

vi. Protection des consommateurs

La réglementation relative à la protection des consommateurs qui devra être appliquée par la Géorgie et la Jordanie est exposée à l’annexe III-G de l’accord avec la Géorgie et III-E de l’accord avec la Jordanie.

En particulier, la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données devra être transposée dans les droits jordanien et géorgien.

L’effectivité de son application fera, le moment venu, l’objet d’une évaluation par l’Union européenne.

vii. Gestion du trafic aérien

La réglementation européenne relative à la gestion du trafic aérien qui devra être appliquée par la Géorgie et la Jordanie est exposée à l’annexe III-B de l’accord avec la Géorgie et III-C de l’accord avec la Jordanie.

Cette réglementation renvoie notamment à l’acquis communautaire dans le cadre du ciel unique européen.

Les quatre règlements suivants sont issus du Paquet ciel unique 1 :

– Règlement (CE) n° 549/2004 relatif à la réalisation du ciel unique européen (« règlement-cadre ») ;

– Règlement (CE) n° 550/2004 relatif à la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen ;

– Règlement (CE) n° 551/2004 relatif à l’organisation et à l’utilisation de l’espace aérien dans le ciel unique européen ;

– Règlement (CE) n° 552/2004 relatif à l’interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien.

Le règlement suivant est issu du Paquet ciel unique 2 :

– Règlement (CE) n° 1070/2009 visant à accroître les performances et la viabilité du système aéronautique européen. L’application de ce règlement n’est prévue que dans le cadre de l’accord avec la Géorgie.

A. LES DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES (TITRE III DES DEUX ACCORDS)

1. Interprétation et contrôle de l’application

Aux termes de l’article 21-1 de l’accord avec la Géorgie et de l’article 20-1 de l’accord avec la Jordanie, les parties s’engagent à prendre toutes les mesures, générales ou particulières, propres à assurer l’exécution des obligations résultant des accords, et s’abstiennent de toute mesure susceptible de compromettre la réalisation de leurs objectifs. Chaque partie est par ailleurs responsable sur son territoire de la mise en œuvre correcte de l’accord et notamment de la législation mettant en œuvre les réglementations détaillées à l’annexe III des accords et exposées ci-dessus.

Dans le cas de l’accord avec la Géorgie, les dispositions de l’accord et celles des actes visés à son annexe III, dans la mesure où elles sont identiques en substance aux règles correspondantes du TUE et du TFUE ainsi qu’aux actes adoptés en application de ces traités, sont, aux fins de leur mise en œuvre et de leur application, interprétées conformément aux arrêts et décisions pertinents de la Cour de justice et de la Commission européenne (article 21-5). Cette disposition trouve concrètement à s’appliquer lorsque la Cour est saisie d’une question préjudicielle sur l’interprétation des dispositions de l’un des actes législatifs énumérés dans les annexes.

La Jordanie n’a quant à elle pas accepté que l’accord mentionne les « arrêts et décisions pertinents de la Cour de justice et de la Commission européenne » pour interpréter les dispositions de l’accord et des actes visés à son annexe III.

2. Le comité mixte

i. Description fonctionnelle

Les deux accords prévoient la mise en place d’un comité mixte composé de représentants des Parties et responsable de l’administration et de la bonne application des accords. La composition et le rôle de celui-ci sont exposés à l’article 22 du traité avec la Géorgie et à l’article 21 du traité avec la Jordanie.

Le comité mixte se réunit en fonction des besoins et chaque partie peut demander la convocation d’une réunion. La réunion doit alors se tenir dans les deux mois suivant la date de réception de la demande, sauf accord contraire des parties.

Les décisions du comité mixte sont prises par consensus et sont contraignantes pour les parties. Si l’une des parties considère qu’une décision du comité mixte n’est pas correctement appliquée par l’autre partie, elle peut demander que la question soit examinée par le comité mixte. Si celui-ci ne parvient pas à une solution dans un délai de deux mois après la saisine, la partie requérante peut prendre des mesures de sauvegarde appropriées en application de l’article 24 du traité avec la Géorgie et de l’article 23 du traité avec la Jordanie.

Les mesures de sauvegarde sont limitées dans leur champ d’application et leur durée à ce qui est strictement nécessaire pour remédier à la situation ou rétablir l’équilibre des accords. Lorsqu’une partie envisage de prendre des mesures de sauvegarde, elle en avise sans délai l’autre partie par l’intermédiaire du comité mixte et fournit toutes les informations utiles. Les parties se consultent immédiatement au sein du comité mixte en vue de trouver une solution mutuellement acceptable. Les mesures de sauvegarde sont suspendues dès la mise en conformité de la partie en défaut avec les dispositions des accords

ii. Attributions générales

• Résolution des différends

Les deux accords posent le principe du recours au comité mixte pour la résolution des différends survenant à propos de l’interprétation ou de l’application des accords (article 23 de l’accord avec la Géorgie, article 22 de l’accord avec la Jordanie).

Si cette procédure est infructueuse, il est prévu de recourir à un tribunal arbitral composé de trois arbitres dans le cas de l’accord avec la Géorgie. Chaque partie désigne un arbitre ; le tiers arbitre, qui doit être un ressortissant d’un Etats tiers, est désigné conjointement par les deux autres arbitres. Les parties se conforment à toute décision provisoire ou à la décision définitive du tribunal arbitral.

Dans le cas de l’accord avec la Jordanie, chaque partie peut demander au conseil d’association institué au titre de l’accord d’association d’examiner tout différend portant sur l’application ou l’interprétation du traité qui n’aurait pas été réglé par la voie du comité mixte. Le conseil d’association peut régler le différend par voie de décision.

Si les parties n’arrivent pas à régler le différend par l’intermédiaire du comité mixte ou du conseil d’association, le différend est soumis à un tribunal arbitral, selon les mêmes modalités que dans l’accord avec la Géorgie.

• Développement de la coopération entre les parties

Par ailleurs, le comité mixte est chargé de développer la coopération entre les parties notamment en favorisant l’échange d’informations, en examinant régulièrement les conséquences sociales de l’application des accords, en envisageant l’élargissement du champ d’application des accords et en recommandant à ce titre d’éventuels amendements, en développant l’assistance technique et en favorisant la coopération dans les enceintes internationales appropriées (article 22 de l’accord avec la Géorgie, article 21 de l’accord avec la Jordanie).

Dans ce cadre, le comité mixte peut adopter des propositions, méthodes ou documents de nature procédurale directement liés au fonctionnement des accords. Les mesures éventuelles ainsi adoptées seront considérées comme des lignes directrices, non contraignantes, en l’absence de décision formelle du comité mixte. Il pourrait s’agir, notamment, d’harmoniser des procédures administratives afin de faciliter l’exploitation des services de transport aérien.

iii. Compétences spécifiques par domaines

• Reprise de l’acquis communautaire

L’annexe II de chaque traité, relative aux dispositions transitoires, établit un lien entre la reprise de l’acquis communautaire par la Géorgie et par la Jordanie et le degré d’ouverture du marché. L’extension des opportunités commerciales aux vols dits de 5e liberté est subordonnée à une décision du comité mixte validant l’achèvement de la reprise de l’acquis communautaire par la Géorgie et la Jordanie.

• Mise à jour des règles communautaires applicables à l’aviation civile

Par ailleurs, le comité mixte est chargé de la conduite de la mise à jour des règles communautaires applicables à l’aviation civile prévue par l’annexe III de chaque traité. Ces règles concernent notamment l’accès au marché, la gestion du trafic aérien, la sécurité aérienne, la sûreté aérienne, l’environnement, la protection des consommateurs, le temps de travail pour certaines catégories de personnel et de systèmes informatisés de réservation.

La réglementation applicable par la Géorgie et la Jordanie dans le domaine du transport aérien fera donc l’objet de mises à jour formelles et régulières par le biais de décisions adoptées par le comité mixte sans qu’il soit nécessaire de recourir à la renégociation des accords (article 26 « Modifications », paragraphe 2, des accords avec la Géorgie et la Jordanie).

Le comité mixte ne pourra toutefois adopter de telles décisions qu’une fois l’accord entré en vigueur (ou appliqué provisoirement). Dans l’intervalle, une mise à jour régulière de la réglementation applicable est présentée lors des réunions informelles des comités mixtes respectifs, la Géorgie et la Jordanie étant invitées à mettre en œuvre les règles les plus récentes.

• Questions relatives aux investissements

Enfin, conformément à l’article 6 de l’accord avec la Géorgie et de l’article 5 de l’accord avec la Jordanie, le comité mixte examine les questions relatives aux investissements bilatéraux majoritaires ou aux changements dans le contrôle effectif des transporteurs aériens des parties. Il doit adopter une décision préalable par consensus. La partie européenne dispose donc de facto, comme les parties géorgienne ou jordanienne, d’un droit de véto lui permettant de s’opposer à une opération donnée. Ces procédures ont été introduites pour renforcer le contrôle de l’origine et de la finalité des investissements.

CONCLUSION

L’esprit qui préside à la conclusion de tels accords, à savoir l’approfondissement des liens avec les pays du voisinage de l’Union européenne et la libéralisation sous condition de reprise de l’accord communautaire, ne peut que recueillir l’assentiment. Le contenu des accords, très complets et négociés sur la base d’un accord-type, n’appelle pas de réserves. Leurs effets seront incontestablement positifs, sur les plans juridique, économique et diplomatique.

Conformément à leur article 29, les deux accords entreront en vigueur un mois après la date de la dernière note transmise dans le cadre d’un échange de notes diplomatiques entre les parties contractantes pour confirmer que toutes les procédures nécessaires à l’entrée en vigueur de l’accord ont été menées à bien, incluant, pour l’Union européenne, la communication de l’achèvement des procédure internes par chaque Etat membre.

Toutefois, selon ce même article, les deux accords s’appliquent provisoirement à compter du premier jour du mois suivant la date de transmission de la dernière note et, s’agissant de la Jordanie, depuis la date du premier anniversaire de la signature de l’accord, sous réserve des procédures internes ou de la législation nationale.

La Jordanie, pour cette raison, et la Géorgie dans une moindre mesure ont déjà engagé les réformes de leur réglementation requises. La mise en œuvre et l’application de toutes les dispositions de la législation de l’Union européenne relative au transport aérien feront l’objet d’une évaluation relevant de la responsabilité de l’Union européenne comme le prévoit chacun des accords.

Pour la France, peu concernée en termes de trafic, les accords permettront de disposer d’un cadre pertinent alors qu’à ce jour il n’existe aucun accord bilatéral avec la Géorgie et que l’accord avec la Jordanie auquel le nouvel accord se substituera datait de 1966. Sous le bénéfice de ces observations, votre Rapporteure vous propose d’adopter ces deux projets de loi.

ANNEXE 1 :

AUDITIONS 

Néant

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 18 juin 2014 à 16 heures 30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Bacquet. Madame la rapporteure, pouvez-vous nous donner des informations relatives à l’état de la flotte aérienne jordanienne, notamment en ce qui concerne les normes de sécurité ? Ces normes sont-elles conformes aux standards européens ?

Mme Odile Saugues, rapporteure. Dans un premier temps, il est possible de se reporter aux « listes noires » européennes que l’AESA rend publiques. Ensuite, de façon plus précise, permettez-moi de vous donner les informations suivantes. Royal Jordanian, compagnie aérienne nationale de la Jordanie, est l’acteur dominant du marché. Elle contrôle 62% de l’offre du marché européen, exploite une trentaine d’appareils, essentiellement de la famille Airbus, et affichait en 2012 un chiffre d’affaires de 820 millions d’euros. La compagnie privée Royal Falcon Airlines est le second acteur jordanien sur le marché européen.

Nous n’avons pas de réserves ou d’interrogations particulières à émettre quant à la qualité et les normes de sécurité de ces appareils. Les accords que nous examinons apporteront des garanties en la matière. La règlementation européenne est stricte. L’AESA, qui est chargée de l’ensemble de la réglementation des aéronefs, définit des obligations d’inspection des avions. Les compagnies jordaniennes et géorgiennes devront se soumettre aux normes communes de l’Union européenne et seront sujettes à des inspections.

M. Jean-Paul Bacquet. Je précise que je n’ai pas consulté les « listes noires » car je vous ai régulièrement entendu dire que ces listes n’étaient pas très fiables.

Mme. La Présidente Élisabeth Guigou. En l’absence d’autres remarques et questions, les projets de loi sont soumis à l'avis de la Commission.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n° 193 et n° 194).

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part (ensemble quatre annexes), signé à Bruxelles le 2 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part (ensemble quatre annexes) signé à Bruxelles, le 15 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (n° 193 et n° 194).

© Assemblée nationale

1 Le PSM a été lancé en juillet 2008 lors du sommet de Paris par les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres et 16 pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Ce plan vise à augmenter considérablement la production d’électricité issue de sources d’énergie renouvelables – essentiellement l’énergie solaire et éolienne – dans la région, avec l’objectif d’une capacité installée de 20 GW d’ici à 2020. Il vise également à promouvoir l’utilisation des technologies permettant d’améliorer l’efficacité énergétique.

2 Cour de justice des Communautés européennes – Affaires C-466/98, C-467/98, C-468/98, C-469/98, C-471/98, C-472/98, C-475/98, C-476/98 concernant le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, le Luxembourg, l’Autriche et l’Allemagne.