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N
° 2107

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2014

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (n° 2055 rectifié).

PAR Mme Geneviève GAILLARD

Députée

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Voir le numéro : 2055 rectifié.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX EN COMMISSION 9

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 9

II. EXAMEN DES ARTICLES 17

Article 1er (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) : Avis public des commissions parlementaires sur la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité 17

Article 2 : Entrée en vigueur 17

INTRODUCTION

La France peut aujourd’hui s’enorgueillir de disposer, sur ses territoires métropolitain et ultramarin, de l’un des plus riches patrimoines naturels et biologiques existants.

Notre pays héberge ainsi plus du tiers des espèces recensées au niveau mondial et la France est le seul État présent dans cinq des vingt-cinq « points chauds » (hotspots) : de la biodiversité, ces espaces qui accueillent une combinaison d’écosystèmes à la fois riches et rares (Méditerranée, Caraïbes, Océan indien, Nouvelle-Calédonie et Polynésie).

Couvrant environ 11 millions de km2, le domaine maritime français se situe aujourd’hui au deuxième rang mondial. Sur l’île de Rapa (Polynésie française), un territoire représentant 40 % de celui de Paris intra-muros (soit environ 40 km²), vivent plus de trois cents espèces endémiques, c’est-à-dire dont l’évolution est liée à un espace particulier. La richesse floristique et faunistique de la Nouvelle-Calédonie, sur un espace d’une superficie de 16 360 km² – soit trois départements de taille moyenne – est comparable à celle de l’ensemble de l’Europe continentale. Enfin, la France métropolitaine demeure un carrefour biologique pour l’Europe, avec quatre des huit principales zones biogéographiques caractéristiques du continent (atlantique, continentale, méditerranéenne, alpine).

Déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 mars 2014, le projet de loi relatif à la biodiversité (n° 1847) manifeste la volonté du Gouvernement de doter notre pays d’institutions et de mécanismes en rapport avec la responsabilité particulière qui lui échoit en matière de biodiversité. Il tend à renouveler l’action publique en faveur de la protection, de la restauration et de la reconquête de la biodiversité sur le territoire français.

Le texte adopté par la commission du développement durable (annexe au rapport n° 2064) lors de ses réunions des 24, 25 et 26 juin 2014 prévoit ainsi la création :

– d’un « Comité national de la biodiversité », instance d’information, d’échange et de consultation sur les questions stratégiques liées à la biodiversité, susceptible d’être sollicitée par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la biodiversité ou ayant un effet notable sur celle-ci (article 5, al. 5 du texte adopté par la commission du développement durable) ;

– d’un « Conseil national de la protection de la nature » ayant pour mission d’apporter, par ses avis, une expertise scientifique et technique (ibid., al. 8) ;

– d’une « Agence française pour la biodiversité » (AFB), à laquelle il appartiendra notamment d’apporter son appui scientifique, technique et financier à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’État et des collectivités territoriales et de leurs groupements menées dans son domaine de compétence, dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité prévue à l’article L. 110-3 du code de l'environnement (article 9, al. 10 et 11).

Il appartiendra aux deux Chambres du Parlement, dans le cadre de la navette parlementaire, de se prononcer sur l’économie du dispositif proposé par le Gouvernement, qu’il s’agisse des questions de gouvernance, des moyens d’action ou de l’accès aux ressources génétiques.

Mais il est un aspect de la réforme qu’il convient de traiter de manière séparée : les modalités de désignation du futur président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité. Dès lors que ce nouvel établissement public à caractère administratif est voué à jouer un rôle fondamental dans la préservation du vivant en France, ne serait-il pas légitime que le choix du président du conseil d’administration de cette instance soit soumis à l’avis des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ?

Le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dispose qu’ « une loi organique détermine les emplois ou fonctions […] pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».

La future Agence française pour la biodiversité entre-t-elle bien dans le périmètre ainsi défini ? La question n’est pas de pure forme : dans une décision n° 2013-677 DC du 14 novembre 2013 portant sur la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le Conseil constitutionnel avait en effet censuré la volonté du Parlement de soumettre à son contrôle la nomination du président de l'Institut national de l'audiovisuel, au motif que les fonctions de ce dernier n’entraient pas dans le champ d’application de l’article 13 de la Constitution.

Votre rapporteure estime que la présente proposition de loi organique, soumise de plein droit à l’appréciation du juge constitutionnel, échappera à sa censure pour au moins trois raisons.

Il convient, en premier lieu, de rappeler que le Conseil constitutionnel n’a émis aucune objection de principe à l’inscription dans le champ de la loi organique d’organismes voués à la protection de l’environnement, qui permettent la mise en œuvre de politiques publiques transversales et dont l’importance économique, sociale et stratégique est croissante. C’est notamment le cas de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA), du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) ou encore de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Il est, en second lieu, difficile de nier que la préservation de la biodiversité représente aujourd’hui un enjeu considérable pour la vie économique et financière de la Nation : une étude présentée le 29 mai 2008 à une conférence de l'ONU a situé entre 1 350 et 3 100 milliards d'euros la valeur économique de l’érosion annuelle de la biodiversité dans le monde et la contribution des territoires sous souveraineté française à la biodiversité mondiale ne saurait être sous-évaluée.

L’économiste indien Pavan Sukhdev, dans une contribution aux travaux de la dixième conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (Nagoya, octobre 2010), a également souligné la nécessité d’évaluer le coût de l’érosion de la biodiversité : « Cette nouvelle approche peut ouvrir une nouvelle ère, dans laquelle la valeur des services de la nature est rendue visible et devient une composante explicite du processus de décision dans le monde politique comme dans le monde des affaires. » Il évaluait, quant à lui, la valeur des services rendus par la nature à 23 500 milliards d’euros par an, soit la moitié du PIB de la planète.

Chacun mesure enfin que la préservation de la biodiversité entre directement en résonance avec la préservation des droits et libertés des citoyens. Elle est en effet mentionnée à plusieurs reprises dans la Charte de l’environnement, de valeur constitutionnelle.

La soumission de la nomination du président du conseil d’administration de la future AFB à l’avis des commissions parlementaires compétentes apparaît donc, pour l’ensemble de ces raisons, conforme à la Constitution. Elle apparaît surtout souhaitable et souhaitée par tous ceux qui attendent un geste fort de la représentation nationale en faveur de la protection du vivant, en même temps que l’exercice légitime de son pouvoir de contrôle sur l’établissement public qui va constituer le bras armé de l’État en matière de reconquête et de préservation de la biodiversité (art 1er de la proposition de loi).

Par ailleurs, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a amendé parallèlement le projet de loi relatif à la biodiversité afin que la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, prenne correctement en compte cette évolution et fasse état de la compétence des commissions parlementaires chargées de l’environnement (article 17 bis [nouveau] du texte adopté par la commission du développement durable).

TRAVAUX EN COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné pour avis, le mercredi 9 juillet, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité (n° 2055).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre collègue Geneviève Gaillard, plusieurs membres du groupe socialiste ou apparentés et moi-même avons déposé une proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Cette proposition de loi a été renvoyée à la commission des lois, saisie au fond et qui l’examinera dans le courant du mois de septembre. La commission du développement durable s’est, quant à elle, saisie pour avis et notre collègue Geneviève Gaillard a été désignée rapporteure le 2 juillet dernier.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La proposition de loi organique que nous examinons aujourd’hui pour avis vient compléter le projet de loi « Biodiversité », dont nous avons débattu lors de nos réunions des 24, 25 et 26 juin dernier. Le contexte et les principales finalités de ce projet étant connus de tous, je me bornerai donc à une intervention brève, en résonance avec le dispositif lui-même très bref de la proposition de loi – puisque celle-ci ne comprend que deux articles, dont l’un modifie le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010, elle-même relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Pourquoi prévoir une nomination du président du conseil d’administration de la future Agence française pour la biodiversité (AFB) en conseil des ministres, après avis public des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ? La réponse tient, me semble-t-il, dans la question : du fait de l’importance que nous souhaitons donner, et qu’aura effectivement demain, cette agence.

La France peut aujourd’hui s’enorgueillir de disposer, sur ses territoires métropolitain et ultramarin, de l’un des plus riches patrimoines naturels et biologiques qui soit au monde. Notre pays héberge ainsi plus du tiers des espèces recensées au niveau mondial et la France est le seul État présent dans cinq des vingt-cinq « points chauds » (hotspots) de la biodiversité, ces espaces qui accueillent une combinaison d’écosystèmes à la fois riches et rares – à savoir la Méditerranée, les Caraïbes, l’Océan indien, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.

Quant à la richesse floristique et faunistique de la Nouvelle-Calédonie, elle est comparable à celle de l’ensemble de l’Europe continentale – sur un espace, je le rappelle, d’une superficie de 16 000 km² environ, soit trois départements de taille moyenne.

Pour piloter cette politique de la biodiversité plus dynamique que nous appelons tous de nos vœux, le projet de loi crée une agence à laquelle il appartiendra – entre autres missions – d’apporter son appui scientifique, technique et financier à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements menées dans son domaine de compétence, et ce, dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité. Dès lors, prévoir la nomination du président de son conseil d’administration en conseil des ministres ne peut que constituer un signal politique fort, de nature à conforter l’autorité et la visibilité de la future AFB.

Une question supplémentaire se pose néanmoins : le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dispose en effet « qu’une loi organique détermine les emplois ou fonctions […] pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée » : la future Agence française pour la biodiversité entre-t-elle donc bien dans le périmètre ainsi défini ? La question n’est pas de pure forme, puisque, dans une décision du 14 novembre 2013 portant sur la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le Conseil constitutionnel avait censuré la volonté du Parlement de soumettre à son contrôle la nomination du président de l'Institut national de l'audiovisuel, au motif que les fonctions de ce dernier n’entraient pas dans le champ d’application de l’article 13 précité.

Votre rapporteure estime néanmoins que la présente proposition de loi organique, qui sera soumise de plein droit à l’appréciation du juge constitutionnel en application de l’article 61, alinéa 1er de la Constitution, échappera à sa censure pour au moins trois raisons.

D’une part, le Conseil constitutionnel n’a émis aucune objection de principe à l’inscription dans le champ de la loi organique d’organismes intervenant dans le domaine du développement durable et assurent la mise en œuvre de politiques publiques transversales : ce fut notamment le cas de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ou encore de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA).

Il est, en second lieu, difficile de nier que la préservation de la biodiversité représente aujourd’hui un enjeu considérable pour la « vie économique et financière » de la Nation : une étude, présentée le 29 mai 2008, à une conférence de l'ONU a situé entre 1 350 et 3 100 milliards € la valeur économique de l’érosion annuelle de la biodiversité dans le monde et la contribution majeure des territoires sous souveraineté française à la biodiversité mondiale vient d’être rappelée.

Chacun mesure enfin que la préservation de la biodiversité entre directement en résonance avec la préservation des droits et libertés des citoyens : elle est en effet mentionnée à plusieurs reprises dans la Charte de l’environnement, de valeur constitutionnelle.

La soumission de la nomination du président du conseil d’administration de la future AFB à l’avis des commissions parlementaires compétentes m’apparaît donc, pour l’ensemble de ces raisons, conforme à la Constitution. Elle apparaît surtout souhaitable et souhaitée par tous ceux qui attendent un geste fort de la représentation nationale en faveur de la protection du vivant, en même temps que l’exercice légitime par celle-ci de son pouvoir de contrôle sur un établissement public appelé à constituer le bras armé de l’État en matière de reconquête et de préservation de la biodiversité.

Il faut enfin rappeler que notre commission – parallèlement à la présente proposition de loi – a également amendé le projet de loi relatif à la biodiversité afin que la loi du 23 juillet 2010, relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, prenne en compte la compétence des commissions parlementaires chargées de l’environnement pour se prononcer sur la nomination du président de l’Agence (article 17 bis [nouveau] du texte adopté par la commission du développement durable).

Je forme donc le vœu qu’aux termes de nos débats, nous puissions adopter à l’unanimité cette proposition de loi de cohérence et de nature à renforcer le contrôle parlementaire sur un opérateur dont le rôle sera bientôt essentiel.

Mme Viviane Le Dissez. La présente proposition de loi se justifie pleinement par le rôle que la future Agence française pour la biodiversité sera conduite à jouer dans les politiques mises en œuvre en faveur de la préservation du vivant dans notre pays.

Il n’est nul besoin de revenir sur l’ampleur et la richesse de la biodiversité présente sur notre territoire, ni sur les enjeux qui s’y attachent : l’exposé des motifs de la proposition de loi le fait excellemment.

Cette proposition s’inscrit en résonance avec le projet de loi sur la biodiversité, dont nous avons débattu voici quelques semaines. L’une des mesures emblématiques de celui-ci est la création d’une Agence française pour la biodiversité, pensée comme un outil complet, efficient et facilement identifiable par les différents acteurs concernés et qui sera le bras armé des politiques publiques de protection et de reconquête de la biodiversité. Nos travaux ont permis aux collègues de s’approprier ce nouvel instrument, de l’améliorer et de susciter un débat autour de ses missions, de sa composition et de son périmètre.

Il s’agit ici d’améliorer encore cet outil, en modifiant les modalités de désignation du président de son conseil d’administration, d’une part, et en permettant au Parlement de se prononcer sur le choix de cette personnalité, d’autre part. L’actualité récente a d’ailleurs montré l’intérêt de cette dernière procédure, visant à évaluer les projets de nomination et à obtenir du candidat les engagements et les garanties requis par la fonction qu’il aspire à exercer.

À l’occasion de la conférence environnementale de septembre 2012, le Président de la République avait fait part de sa volonté de créer une nouvelle institution sur le modèle de l’ADEME : par la présente proposition de loi organique, les membres du groupe SRC n’ont d’autre dessein que de lui permettre de parvenir à cet objectif.

M. Martial Saddier. Les députés UMP tiennent à remercier l’actuelle majorité et la rapporteure de la commission du développement durable d’avoir repris, sous leur propre timbre, l’exposé des motifs de la charte de l’environnement de 2005, portée par le Président Jacques Chirac et la majorité de l’époque, aujourd’hui dans l’opposition : il s’agit donc d’un moment solennel de l’histoire du droit français. (Rires sur tous les bancs)

Le groupe UMP conserve néanmoins quelques désaccords sur la future Agence française pour la biodiversité, qu’il s’agisse de son périmètre, de son fonctionnement, des économies attendues ou encore de ses relations avec les collectivités territoriales et leurs établissements. Sur tous ces points, des améliorations sont souhaitables et je suis certain qu’après la pause estivale et quelques semaines de repos, la majorité entendra la justesse de nos remarques. (Sourires)

Au-delà de la nomination particulière de tel ou tel dirigeant, nous souhaiterions que s’enracine le principe fondamental selon lequel, lorsque la désignation d’un responsable important est envisagée, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat soient invitées à donner leur avis. Les députés UMP voteront donc la présente proposition de loi organique.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le soutien enthousiaste du groupe UMP me laisse presque sans voix ! (Sourires)

M. Yannick Favennec. Cette proposition de loi n’appelle, de la part du groupe UDI, aucun commentaire particulier : il s’agit d’un texte de cohérence, que nous voterons sans difficultés.

Il nous semble néanmoins que les problèmes intrinsèques de la future agence demeurent pendants. Le nouvel opérateur manque d’ambition et de moyens, et il faut qu’il regroupe l’ensemble des établissements œuvrant en faveur de la biodiversité, afin d’y impulser la cohérence d’action nécessaire. L’expertise de l’agence apparaît déséquilibrée, peu représentative de la diversité de nos milieux naturels : l’absence de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et celle de l’Office national des forêts sont problématiques.

Qu’en sera-t-il, en outre, de la gouvernance territoriale de l’agence et de sa capacité à demeurer en prise constante avec les enjeux locaux ? Sur tous ces points, nous espérons que les travaux en séance publique permettront de faire évoluer positivement la réflexion.

M. Patrice Carvalho. Personne ne peut être opposé au principe de la création de cette future agence et au renforcement des politiques de protection de la biodiversité.

Mais je veux revenir une nouvelle fois sur un sujet qui tient à cœur au groupe GDR : comment parler intelligemment de biodiversité en ne prêtant aucune attention à la circulation transfrontalière des espèces ? Les écrevisses de nos rivières sont désormais menacées par des espèces venues de Louisiane et il en va de même des grenouilles et des écureuils ! Cette question des espèces invasives est totalement absente du débat, alors qu’elle est essentielle : au train où vont les choses, la biodiversité risque de se transformer rapidement en coquille vide, en concept un peu creux qu’on agite pour se faire plaisir ou donner des gages à des courants politiques.

Mme Laurence Abeille. Je me retrouve assez bien dans les propos de notre collègue Yannick Favennec, qui pointent les carences de financement de la future agence et son relatif déséquilibre.

Je m’inquiète également de la date d’examen en séance publique du projet de loi relatif à la biodiversité, dans la mesure où aucune indication n’est donnée par le Gouvernement : le texte sera-t-il bien examiné à l’automne ? Il faut en effet que l’agence puisse être créée le plus rapidement possible, car certains enjeux cruciaux en matière d’érosion de la biodiversité ne peuvent attendre.

Outre les questions de structure et de budget, il importe que l’agence dispose d’une forte visibilité. De ce point de vue, le dispositif prévu par la proposition de loi organique apparaît judicieux et le groupe écologiste le soutient : la nomination du président du conseil d’administration de l’agence en conseil des ministres ne peut que contribuer à renforcer la visibilité de l’agence et celle-ci est absolument essentielle.

M. Jean-Pierre Vigier. Les commissions parlementaires compétentes sont de plus en plus fréquemment associées aux nominations de président du conseil d’administration d’un établissement ou d’un grand organisme publics. C’est un mouvement qu’il faut saluer et, dans ce cadre, il apparaît logique qu’il en aille de même pour la future Agence française pour la biodiversité.

Les votes de cette proposition de loi et du projet de loi devront en revanche intervenir de façon concomitante, sauf à créer un poste avant que la fonction n’existe…

M. Jean-Marie Sermier. Le temps de la démocratie est celui du débat et de l’opposition, mais il réserve parfois quelques instants où les élus peuvent se retrouver sur l’essentiel. Comme l’a excellemment rappelé notre collègue Martial Saddier, nous avons pu, en d’autres temps, commencer à approfondir notre réflexion collective sur la biodiversité et, plus généralement, sur la prise en compte de l’environnement par la société.

Au cours du débat sur la création de l’agence, intervenu il y a quelques semaines, chacun a pu s’exprimer et des divergences ont pu apparaître. Mais tel n’est pas l’objet de notre discussion de ce jour : nous parlons aujourd’hui de la gouvernance de cette agence et il me semble important que, dans cette perspective, notre commission puisse envoyer le message positif de notre capacité à nous entendre sur un futur commun.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que la commission du développement durable est celle qui émet le plus d’avis sur la nomination d’une personnalité à la tête d’un grand opérateur public.

Je vous indique d’ores et déjà que nous serons prochainement saisis de demandes d’avis sur une nomination à la présidence de la RATP (15 juillet), du Haut Conseil des biotechnologies (22 juillet) et d’Aéroports de Paris (22 juillet).

M. Laurent Furst. Au-delà de cette proposition de loi, dont l’objet ne fait pas véritablement débat, je voudrais rappeler que l’État dispose d’ores et déjà d’un nombre considérable d’agences, dont la « biodiversité » gagnerait à être réduite…

Je voudrais également attirer l’attention sur les Terres australes et antarctiques françaises, territoires mal connus, dirigés par un préfet et représentant des espaces maritimes considérables. Comment ces terres sont-elles intégrées dans le projet de loi relatif à la biodiversité ? La question des pollutions maritimes, par définition sans frontières, y est-elle suffisamment prise en compte ?

M. Charles-Ange Ginésy. Je partage l’avis de nombreux collègues : je suis inquiet des moyens auxquels la future agence pourra avoir accès. Il faut souhaiter que son futur président saura faire le nécessaire pour qu’elle puisse fonctionner correctement eu égard aux enjeux pour le territoire national.

Toutes les questions n’ont pas encore été résolues, pour ce qui concerne le périmètre de cette agence. Au-delà de la question des chasseurs, je reste notamment préoccupé par l’avenir des parcs nationaux : comment tout cela va-t-il fonctionner ? Quels pouvoirs les directeurs de parc conserveront-ils ? À l’heure où la réforme territoriale fait souffrir les territoires ruraux, il ne faudrait pas que la mise en place de l’agence soit un facteur bloquant supplémentaire.

Mme Sophie Rohfritsch. On ne peut que souscrire au principe de la saisine pour avis de notre commission sur la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’agence.

Il n’en reste pas moins qu’un sujet fait débat à propos de cette agence : le cloisonnement des missions et l’exclusion des agriculteurs de ses organes de gouvernance. Or les agriculteurs ne sont pas seulement les premiers impactés par les actions et décisions de la future agence, ils seront également les premiers acteurs à devoir mettre en œuvre ces actions et décisions. Si les agriculteurs n’entrent pas dans l’agence, ils resteront dehors et il faudra craindre une opposition tranchée, de plus en plus nette, entre les agriculteurs et le reste de la collectivité.

M. François Vannson. Si personne ne peut raisonnablement s’opposer aux intentions transcrites dans ce texte – la biodiversité est un enjeu pour notre société et le legs que nous transférerons aux générations futures – nous devons néanmoins rester vigilants sur deux points.

D’une part, l’agence risque de devenir, au fil du temps, un « super-tanker » difficile à manœuvrer. Une telle évolution serait d’autant plus problématique que cette agence aura à se prononcer sur de grands projets d’aménagement du territoire : les difficultés aujourd’hui rencontrées, au plan local, pour monter de tels projets sont déjà considérables, un échelon de complexité supplémentaire risque de mener à la paralysie.

D’autre part, une fusion avec d’autres opérateurs comme l’ONCFS ou l’ONF ne doit être envisagée qu’avec circonspection : s’il est logique et utile que ces établissements soient bien associés à la gouvernance de l’agence, le maintien de leur indépendance m’apparaît indispensable.

M. Guillaume Chevrollier. Je soutiens, par principe, cette proposition de loi organique : elle conduit en effet à renforcer le pouvoir de contrôle politique du Parlement. Si les députés sont élus pour faire la loi, il n’en demeure pas moins que les lois examinées et votées sont trop nombreuses. Il faut, à l’inverse, que les parlementaires consacrent plus de temps et d’attention au contrôle de l’action des structures publiques.

M. Julien Aubert. La biodiversité et la protection de l’environnement ne devraient pas constituer des sujets partisans, même si nul n’ignore qu’il s’agit de champs du débat public traversés de tensions, du fait de l’existence de lobbies, de visions divergentes et d’une politisation excessive.

La proposition de loi qui nous est soumise appartient à cette catégorie d’éléments qui renforcent la capacité de consensus : la saisine de la commission et les questions adressées à la personnalité pressentie doivent permettre d’apaiser les inquiétudes de ceux qui appréhendent l’émergence de l’Agence française pour la biodiversité. Le Président François Hollande a récemment souhaité instaurer une forme de « biodiversité politique » dans les nominations : j’espère qu’il en sera de même pour la future agence ! (Sourires sur divers bancs)

Mme Geneviève Gaillard. Les différentes interventions se rejoignent autour du souhait commun de voir la biodiversité mieux prise en compte dans nos politiques : en cela, nous avons d’ores et déjà gagné une partie de la bataille.

De même, la perspective de voir les commissions parlementaires compétentes invitées à se prononcer sur la personnalité pressentie pour diriger la future agence fait consensus.

Sans revenir sur les débats qui se sont tenus en juin dernier sur le projet de loi relatif à la biodiversité, je rappelle que le Comité national pour la biodiversité intégrera la totalité des parties prenantes – c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui au sein du Comité national « Trames verte et bleue », qui fait un excellent travail et où la convergence des bonnes volontés permet souvent d’aboutir à un consensus.

S’agissant des Terres australes et antarctiques françaises, je confirme que plusieurs dispositions du projet de loi leur sont consacrées. Comment les problématiques spécifiques qui leur sont afférentes pourront-elles être prises en compte au sein du conseil d’administration de l’agence ? La question reste ouverte et il conviendra que nous restions vigilants sur le sujet.

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution)

Avis public des commissions parlementaires sur la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité

L’article 1er de la proposition de loi modifie le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010, relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, afin de tenir compte des conséquences de l’adoption du projet de loi relatif à la biodiversité (n° 2064) par la commission du développement durable qui a prévu un avis public des commissions parlementaires préalablement à la nomination par le Président de la République du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Ce dispositif organique est complété par l’article 17 bis (nouveau) du projet de loi relatif à la biodiversité (n° 2064), introduit par la commission du développement durable lors de son examen du 25 juin 2014, qui dispose que les commissions parlementaires compétentes sont celles chargées de l’environnement.

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La commission a donné, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption de l’article 1er sans modification.

Article 2
Entrée en vigueur

L’article 2 de la proposition de loi fixe au 1er janvier 2015 l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi organique, date correspondant à la création du nouvel établissement public dénommé « Agence française pour la biodiversité », prévu au titre III du projet de loi relatif à la biodiversité.

Le nouveau président du conseil d’administration pourra donc être nommé au plus tôt après la création de ce nouvel opérateur public.

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La commission a donné, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

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Enfin, la commission a donné à l’unanimité un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi organique sans modification.

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