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N° 2159


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 755


SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale
le 17 juillet 2014

 

Enregistré à la Présidence du Sénat
le 17 juillet 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission mixte paritaire (1) chargÉe de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014,

par M. Gérard BAPT

Rapporteur,

Député.

par M. Yves DAUDIGNY

Rapporteur,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Lemorton, députée, présidente, Mme Annie David, sénatrice, vice-Présidente ; M. Gérard Bapt, député, M. Yves Daudigny, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Jean-Pierre Door, Michel Issindou, Denis Jacquat, Mmes Isabelle Le Callennec et Martine Pinville, députés ; MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Noël Cardoux, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès et M. Gérard Roche, sénateurs.

Membres suppléants : Mmes Gisèle Biémouret, Bernadette Laclais, MM. Frédéric Reiss, Jean-Louis Roumégas, MM. Olivier Véran et Francis Vercamer, députés ; Mmes Jacqueline Alquier, Aline Archimbaud, M. Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche, MM. Georges Labazée, Jacky Le Menn et René-Paul Savary, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère lecture : 2044, 2058, 2061 et T.A. 375.

Commission mixte paritaire : 2154.

Sénat : 1ère lecture : 689, 701, 703 et T.A. 157 (2013-2014).

Mesdames, Messieurs,

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) s’est réunie à l’Assemblée nationale le jeudi 17 juillet 2014.

Le Bureau de la commission a été ainsi constitué :

– Mme Catherine Lemorton, députée, présidente ;

– Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente.

Puis ont été désignés :

– M. Gérard Bapt, rapporteur pour l’Assemblée nationale ;

– M. Yves Daudigny, rapporteur pour le Sénat.

*

* *

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. Nous nous réunissons cet après-midi, conformément au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, en commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, texte adopté par l’Assemblée nationale le 8 juillet dernier et que le Sénat a rejeté la nuit dernière.

Comme toutes les commissions mixtes paritaires, celle-ci a pour but d’essayer de dégager un texte commun entre nos deux assemblées. Considérant le débat au Sénat, qui a abouti au rejet du texte, cet objectif me paraît difficile à atteindre. Mais compte tenu des conditions dans lesquelles ce rejet est intervenu, je pense qu’il sera très intéressant d’entendre les interventions de la Présidente Annie David et des deux rapporteurs.

Mme Annie David, sénatrice, vice-présidente. Le Sénat a rejeté cette nuit le projet de loi de financement rectificative dans des conditions particulières.

En effet, le Sénat avait adopté tous les articles de la première partie, assortis de quatre amendements qui ne remettaient pas en cause les fondements du projet de loi.

Mais notre assemblée n’a pas pu se prononcer sur le texte résultant de ses votes. Le Gouvernement a demandé en seconde délibération un vote unique sur une première partie expurgée de trois dispositions adoptées par le Sénat, dont un amendement adopté à l’unanimité de tous les groupes qui concernait les cotisations sociales des particuliers employeurs.

C’est dans ces conditions que sur 344 votants, la première partie n’a recueilli que 125 voix, provenant exclusivement du groupe socialiste.

Le recours au vote bloqué rend assez formelle la réunion de notre CMP, puisque le Gouvernement montre qu’il est déterminé à écarter les amendements du Sénat.

En raison du rejet de la première partie, nous n’avons pas discuté de l’article 9, relatif au gel des pensions de retraite. Quatre des six groupes du Sénat avaient déposé un amendement de suppression de l’article, deux autres amendements de suppression émanant de plusieurs sénateurs du groupe RDSE et d’une sénatrice socialiste.

Il ne fait pas de doute que le Sénat n’aurait pas adopté l’article 9, principal point de désaccord entre nos deux assemblées que notre CMP ne me paraît pas en mesure, en tout état de cause, de surmonter.

M. Yves Daudigny, rapporteur pour le Sénat. Je vais résumer à grands traits le contenu des débats intervenus hier au Sénat.

Le Sénat a procédé à l’examen de l’article liminaire et de la première partie du texte. Il a examiné cinquante-trois amendements et sous-amendements et en a adopté sept.

Le Sénat, avec l’avis favorable de la commission et l’avis défavorable du Gouvernement, a d’abord supprimé l’article liminaire.

Avant l’article premier, il a adopté, avec l’avis favorable de la commission et l’avis défavorable du Gouvernement, un article additionnel modifiant les franchises applicables au transport de tabac, en les alignant sur les seuils minimaux prévus par la directive européenne du 16 décembre 2008.

Il a ensuite adopté l’article premier sans modification.

À l’article 2, le Sénat a adopté trois amendements, dont deux identiques. Sur proposition de la commission, avec l’avis défavorable du Gouvernement, il a tout d’abord porté à 1,5 euro le montant de la réduction forfaitaire de cotisations applicable aux emplois à domicile. Avec l’avis défavorable du Gouvernement, auquel la commission s’en était remise, le Sénat, a adopté deux amendements identiques, rétablissant le texte initial relatif à la neutralisation des temps de pause pour la rémunération prise en compte dans le calcul des allègements de cotisations. Il a adopté l’article 2 ainsi modifié.

À l’article 3, sur proposition de la commission, avec un sous-amendement auquel elle a donné un avis favorable, le Gouvernement s’en remettant à la sagesse de l’assemblée, le Sénat a modifié la formulation du rapport au Parlement demandé par l’Assemblée nationale sur l’adossement financier au régime général du Régime social des indépendants. Il a adopté l’article 3 ainsi modifié ainsi que les autres articles de la première partie.

Parvenu au terme de l’examen des articles de première partie, le Sénat a procédé à une seconde délibération demandée par le Gouvernement qui a déposé sur les articles premier A et 2, trois amendements visant à supprimer les dispositions relatives aux franchises applicables au transport de tabac, à la réduction de cotisations applicables aux salariés à domicile et à la neutralisation des temps de pause pour le calcul des allègements de cotisations. La Commission a donné un avis défavorable aux deux premiers amendements du Gouvernement et un avis favorable au troisième.

Le Gouvernement ayant demandé un vote unique sur ces amendements de seconde délibération et l’ensemble de la première partie, le Sénat n’a pas adopté la première partie du projet de loi de financement rectificative pour 2014. Il n’a par conséquent pas été en mesure de poursuivre la discussion du texte.

Je le déplore d’autant plus vivement que le contenu du texte soumis au Sénat, pour la partie qu’il a examinée, a donné lieu à des débats fructueux et à certains consensus, et que notre assemblée semblait, pour une fois, en mesure d’examiner la seconde partie du projet de loi.

L’adoption d’un texte commun par notre commission mixte paritaire me semble donc hors de portée. Je vous remercie.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour l’Assemblée nationale. La nuit dernière, le Sénat a décidé de rejeter la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014, entraînant le rejet du projet de loi dans son ensemble. Une nouvelle fois, c’est une situation que nous regrettons d’autant que la commission des affaires sociales du Sénat avait émis un avis favorable à l’adoption du projet.

Je rappelle que l’Assemblée nationale a, en première lecture, adopté ce texte moyennant quelques adaptations, dont je rappelle les principales :

Sur l’article liminaire, notre commission avait débattu sur la répartition du solde public en fonction de sa part conjoncturelle ou structurelle, mais sans aboutir à une proposition de suppression de l’article. Nous souhaiterions donc connaître les raisons de cette suppression.

S’agissant des exonérations de cotisations patronales, l’Assemblée a procédé à la réintégration dans le calcul des allégements généraux de cotisations des rémunérations au titre des temps de pause, d’habillage et de déshabillage, dispositions qui bénéficient aujourd’hui à certains secteurs d’activité alors même que la neutralisation de ces rémunérations n’est pas justifiée : l’article a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales de l’Assemblée. Ces mesures d’optimisation concernent principalement la grande distribution, le secteur de la sécurité pour 14 % de ses salariés et, de façon marginale, l’agroalimentaire : la neutralisation de ces rémunérations relève purement de l’optimisation fiscale et sociale.

L’Assemblée a également, à mon initiative, prévu que l’impact sur l’emploi et les salaires des mesures d’exonérations de cotisations et de réductions et crédits d’impôts devrait faire l’objet d’une évaluation dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de branche sur les salaires. Il s’agit là de prévoir un véritable suivi de l’effet des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité sur l’emploi en particulier. Il s’agit de garantir qu’à l’occasion des négociations annuelles obligatoires par branches, une part soit faite à l’impact du pacte de responsabilité et de solidarité sur l’emploi mais également sur la situation de l’entreprise et ses investissements.

À l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée a également aligné les entreprises du secteur agricole employant plus de 20 salariés sur le taux de cotisation de droit commun au Fonds national d’aide au logement (FNAL) applicable aux autres entreprises de plus de 20 salariés : cela concerne des entreprises bancaires ou d’assurance du secteur agricole.

S’agissant de la C3S et de l’intégration financière du Régime social des indépendants (RSI) au régime général, l’Assemblée a réaffirmé le principe de l’autonomie de gestion du RSI et a étendu le bénéfice de l’exonération de C3S à l’ensemble des coopératives agricoles qui ne bénéficient pas, rappelons-le, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le Sénat a eu la même préoccupation.

Concernant le gel des prestations sociales, l’Assemblée a unanimement entendu exclure de son périmètre l’allocation de logement familiale.

L’Assemblée a par ailleurs précisé la portée du régime des contrats d’assurance complémentaire santé avec quatre articles additionnels : élargissement du dispositif aux contrats collectifs à adhésion facultative, possibilité de résilier ou de modifier un contrat en cours pour un titulaire de l’aide à la complémentaire santé (ACS), réaffirmation du principe de non-discrimination et modulation des plafonds de prise en charge des dépassements par les contrats d’assurance complémentaire en faveur des signataires d’un contrat d’accès aux soins, c’est-à-dire pour les médecins qui se sont engagés à modérer les dépassements d’honoraires.

Enfin, ce projet concrétise une évolution attendue par nombre d’acteurs, à savoir l’élargissement du cadre des recommandations temporaires d’utilisation pour les spécialités pharmaceutiques faisant l’objet de prescriptions non conformes à l’autorisation de mise sur le marché.

Compte tenu des divergences manifestes entre nos deux chambres et du rejet hier par le Sénat de l’ensemble du PLFRSS, il ne me semble pas possible de parvenir à une rédaction commune du projet de loi qui nous est soumis. Nous regrettons évidemment cette situation tout en formant le vœu que les orientations fortes portées par le Gouvernement et sa majorité parlementaire puissent se concrétiser dans le cadre des dispositions prévues par l’article 45 de la Constitution.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. Messieurs les rapporteurs, je vous remercie. Au vu de ce qu’ont déclaré à la fois nos deux rapporteurs et la vice-présidente de cette CMP, présidente de la commission des affaires sociales au Sénat, je ne vais pas lister les éléments qui nous ont séparés, puisque je pense que nous nous trouvons dans l’impossibilité de trouver un texte commun sur ce PLFRSS. Néanmoins, avant de déclarer l’échec de cette CMP, je crois que nous devons laisser la parole aux parlementaires, député(e)s, sénateurs ou sénatrices, qui ont envie de s’exprimer sur le sujet.

M. Jean-Pierre Door. Merci Madame la Présidente. Effectivement nous nous trouvons devant un dilemme : c’est encore une fois une CMP qui va échouer. C’est probablement regrettable, néanmoins nous ne pouvons pas faire autrement.

Je souhaiterais revenir sur ce qui s’est passé lors du débat à l’Assemblée nationale il y a quelques jours. Nous avons surtout vu le ministre menacer dès le premier article ; menacer d’abord de mettre tous les votes en réserve pendant de nombreuses minutes, sinon de nombreuses heures, avant d’envisager l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution. Pourquoi ? Pas parce que l’opposition qui est la nôtre s’animait, mais parce que, au sein de la majorité, il y avait une fracture. Cette fracture, qui était liée à ce que l’on a pu appeler les « frondeurs », était assez importante et a inquiété la majorité. Nous sommes donc partis sur un climat difficile, lié aux problèmes de la majorité.

Revenons à la position de l’opposition, à celle de l’UMP en particulier. Concernant les trois premiers articles du projet de loi, qui sont des réductions de charges sociales – patronales et salariales – destinées à alléger le coût du travail, nous pensons que ce sont des mesures qui vont dans le bon sens. Nous ne pouvions que regretter à l’époque que l’on ait balayé d’un revers de main la TVA anti-délocalisation du gouvernement précédent, parce que nous aurions gagné du temps et nous n’aurions pas perdu deux ans au moment où le climat économique est difficile, et où les entreprises sont en difficulté. C’est pourquoi nous n’avons pas voté contre les articles 1er, 2 et 3 de ce projet de loi qui permettaient l’allégement des cotisations sociales.

En revanche, nous avons émis des réserves, en particulier sur la question des recettes. Nous jugeons ce projet de loi insincère. Insincère budgétairement puisque 42 milliards d’euros de recettes liés à ces allégements viennent à manquer pour la période de 2015-2017. Or, la loi organique prévoit, exige même, une compensation à l’euro près. Le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Gérard Bapt, avec l’annexe A et avec un certain tact, a admis que l’on pourrait effectivement compenser à l’euro près rapidement. Le ministre lui-même a renvoyé ce débat à plus tard, lors de l’examen du PLFSS pour 2015, c’est-à-dire en octobre et novembre de cette année. Nous refusons cette posture : lorsque l’on allège les cotisations, lorsque l’on réduit les recettes de la protection sociale, lorsque l’on voit l’échelonnement entre 2015 et 2017 prévu par l’annexe A, il fallait des garanties pour savoir comment nous compenserions. Tout le monde connaît les compensations. Est-ce qu’il fallait augmenter la CSG ? La TVA ? Est-ce que ce sont des cotisations que nous allons augmenter, ou encore des taxes environnementales ? Nous avions indiqué au ministre que nous souhaitions qu’il se réfère aux premières décisions du Haut conseil du financement de la protection sociale, où siègent nos collègues sénateurs également, et qui a déjà fait des avancées sur le futur financement de la protection sociale. Je crois que l’on met la charrue avant les bœufs, et que ce projet de loi est totalement insincère. Nous avons dit qu’il s’agissait, pour les entreprises, d’un chèque en blanc ; que les entreprises ne peuvent pas attendre deux ans.

Le deuxième point de contestation porte sur le gel des petites pensions de retraite à l’article 9 du projet de loi. Au report de la revalorisation des pensions d’avril à octobre, s’ajoute donc désormais un gel de leur montant pendant douze mois  : les pensions ne feront donc l’objet d’aucune revalorisation pendant dix-huit mois, au détriment des personnes retraitées. Il fallait absolument compenser cela par autre chose.

Ensuite, le troisième point porte sur la réduction importante des financements du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés. Depuis une dizaine ou une douzaine d’années, la dotation du Fonds a permis d’améliorer sensiblement les hôpitaux et les établissements privés, dans le domaine de l’informatisation notamment. Or, ce projet réduit considérablement la dotation affectée au fonds en évoquant ses réserves financières ; on nous explique qu’il n’est pas nécessaire de thésauriser ces financements. Je ne partage pas ce point de vue. Je pense que ces fonds sont mal utilisés. Je soutiens l’idée que ce fonds devrait servir aux petites structures hospitalières. Nous n’admettons pas cette diminution de 160 millions d’euros. Enfin, nous regrettons que les dispositions de cette loi, relatives à la première partie, ne s’appliquent pas dès 2014 mais seulement à compter de 2015. C’est également pour cette raison que notre groupe a décidé de voter contre l’ensemble du texte.

Je pense effectivement, comme l’a dit Madame la Présidente, qu’il sera difficile de trouver un modus vivendi dans le cadre de cette commission, dès l’instant où nous avons également nos positions.

M. Jean-Noël Cardoux, sénateur. Je rejoindrais la plupart des arguments que vient d’exprimer M. Jean-Pierre Door. Je voudrais insister sur le fait qu’au Sénat, le débat se déroulait dans une très grande sérénité. Le groupe UMP exprime plusieurs regrets. D’une part, la plupart des mesures incluses dans ce texte ne valent que pour 2015. D’autre part, on ne sait pas comment seront financées ces mesures. Nous avions donc souligné que dans ces conditions, nous ne voyions pas l’utilité de cette procédure exceptionnelle, puisque c’est la deuxième fois depuis vingt ans que nous avons affaire à un budget rectificatif de la sécurité sociale. Or il n’y avait rien d’exceptionnel dans ces mesures d’affichage qui, paraît-il, sont destinées à donner confiance aux entreprises. Je répète que les entreprises commencent à avoir confiance lorsqu’elles ont des éléments tangibles, et non des projets d’avenir.

Au Sénat, la discussion a donné lieu à des débats fort intéressants, par exemple sur la TVA anti-délocalisation, sur laquelle chacun a exprimé sa position calmement, dans la sérénité. Le Sénat a donné l’image – qu’il n’aurait normalement jamais dû perdre – de sagesse et de confrontation d’idées. Le débat a avancé : nous avons adopté un certain nombre d’amendements – très peu d’ailleurs. Parmi les trois principaux, deux émanaient de la majorité présidentielle, le troisième du groupe UMP. L’amendement relatif à l’augmentation de 0,75 euro à 1,50 euro de l’abattement pour le calcul de cotisations applicables au salaire des employés à domicile a été voté, j’insiste, à l’unanimité, toutes tendances politiques confondues, ce qui est assez exceptionnel.

Mais contre toute attente, alors que le groupe UMP était décidé, comme il l’a fait d’ailleurs sur tous les articles de la première partie, à s’abstenir sur la première partie relative aux recettes afin de poursuivre le débat, M. le Secrétaire d’État au budget nous a imposé une seconde délibération, sur l’ensemble des amendements qui ne lui convenaient pas. Finalement, c’est sur un problème d’habillage, un problème de cigarettes et un problème d’emploi à domicile que les oppositions se sont cristallisées, poussant le Sénat, en raison de la remise en cause de ces trois dispositions, à voter contre l’ensemble de la première partie, ce qui témoigne du peu de considération accordé par le Gouvernement au Sénat et au travail qu’il a réalisé sur ce texte.

Suite à cela, la majorité a exprimé des sentiments extrêmement amers – certains propos tenus, que nous avons approuvés, étaient d’ailleurs sans concession. Pourquoi ? N’aurions-nous pas pu trouver une solution sur cet amendement de bon sens, puisque nous avons rappelé la situation catastrophique dans laquelle se trouvaient tous les intervenants de l’emploi à domicile. Les élus locaux sont saisis en permanence par des présidents d’associations, des présidents d’entreprises du secteur marchand les alertant sur le fait qu’ils vont être contraints de déposer le bilan. Ils demandent aux conseils généraux de combler les trous, alors mêmes que ceux-ci commencent à avoir de moins en moins de financements.

Nous pensions que le montant de la réduction forfaitaire de 1,50 euro – alors que l’UMP avait proposé 2 euros – était une bouée de sauvetage immédiate pour ces associations. Le Gouvernement ne l’a pas voulu, alors que je rappelle que M. Eckert avait envisagé cette solution par voie de décret, et qu’il avait même pris devant l’Assemblée nationale un certain nombre d’engagements, évoquant le passage à 2 euros de la déduction forfaitaire. Mais subitement, en deux ou trois semaines, M. le Secrétaire d’État a fait volte-face, pour des raisons que nous n’avons pas comprises. Je pense que nous aurions pu faire l’effort d’accepter cet amendement, ce qui aurait d’ailleurs souligné la qualité du débat au Sénat. Cela aurait été également un signe consensuel envoyé aux parlementaires et aux associations. Nous parlons ici de 180 millions d’euros : c’est une somme importante certes, mais relativement modeste eu égard aux dispositions portées par le projet de loi. Je répète qu’il y avait une solution de financement possible, puisqu’il suffisait d’utiliser une partie de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) qui est en application depuis deux ans – ces 0,3 % que l’on a imposés aux pensions des retraités. Je pense que sur le montant de la CASA, destinée au financement de la dépendance et notamment au maintien à domicile des personnes âgées, il aurait été facile de prélever les 180 millions d’euros pour financer cet amendement.

Alors que le Gouvernement n’a pas laissé le Sénat aller au bout du débat, et après les arguments qu’a rappelés Jean-Pierre Door, je ne vois pas comment nous pourrions trouver un accord sur ce texte, alors même qu’avec mon groupe, nous avions considéré que ces mesures, bien que n’allant pas assez loin, constituaient une ébauche de bonne solution.

Je reviens sur la question du financement, puisque la question nous est souvent retournée. Une solution existe, comme l’a rappelé M. Jean-Pierre Door : c’est la TVA anti-délocalisation. Pour conclure, je rappellerais que récemment, le conseil des ministres des finances de l’Union européenne a émis une recommandation à l’égard des États membres, en soulignant que dans certains États, trop de charges pèsent sur les entreprises. L’une des pistes que le conseil préconisait pour réduire ces charges reposait sur la création d’impôts sur la consommation, à l’image de ce que certains pays scandinaves ont fait : c’est la TVA anti-délocalisation. Nous sommes au cœur du problème ; il faudra bien en crever l’abcès un jour.

M. Michel Issindou, député. Messieurs les rapporteurs, vous regrettez bien sûr la situation de blocage dans laquelle nous sommes. Cela me rappelle fortement la situation sur les retraites. En ce qui nous concerne, nous avons trouvé une majorité pour défendre ce texte, qui n’était d’ailleurs que la traduction de l’adoption par l’Assemblée nationale du Pacte de responsabilité le 8 avril dernier, par une majorité relativement confortable.

Il y a quatre types de mesures dans ce que nous avons adopté, qui n’ont pas causé de problème majeur à la majorité. Je ne reviendrai pas sur celles relatives à la santé qu’a décrites M. Gérard Bapt.

L’esprit que nous avons défendu est celui d’un allégement sur les charges patronales, sur les charges des entreprises. Il ne s’agit pas là d’un « cadeau » fait aux patrons, comme nous avons pu l’entendre sur certains bancs de l’hémicycle. L’objectif de cette mesure est de redonner des marges de compétitivité à nos entreprises, afin qu’elles puissent affronter dans de bonnes conditions la compétition sauvage sur les marchés européens et mondiaux.

Nous n’avons pas eu de difficulté majeure sur les trois premiers articles de ce projet de loi relatifs aux allégements. D’ailleurs, même la droite a voté sur ces articles, et nous l’en remercions. Sur les bas salaires, ces allégements prévoyaient de s’appliquer d’une part sur les cotisations salariales sur les salaires s’élevant de 1 à 1,3 SMIC, et d’autre part, sur le « zéro charge » au niveau du SMIC au titre des cotisations patronales – c’est assez spectaculaire pour être signalé. Nous avons également voté la suppression progressive de la C3S – une suppression qui a fait débat chez nous mais a été adoptée – et acté sa suppression définitive en 2017.

Ensuite, nous avons adopté plusieurs mesures de pouvoir d’achat qui en sont la contrepartie : c’est ce qui a permis que la première partie, qui représente quelques dizaines de milliards d’euros, soit acceptée. Nous avons ciblé ces mesures sur des catégories de personnes qui sont aujourd’hui en difficulté. Ces mesures de pouvoir d’achat, ce sont notamment des allégements de cotisations, aussi bien pour les salariés du public, du privé, que pour ceux du RSI, les indépendants, artisans ou commerçants pour leurs cotisations familiales.

Le débat a eu lieu aussi sur le gel des pensions. Bien sûr, ce n’est pas de gaieté de cœur que la majorité socialiste a procédé à ce gel, mais nous avons jugé que nous étions sur un niveau plus acceptable qu’au moment de la réforme des retraites, puisque nous nous situons à 1 200 euros – ce ne sont pas des grosses retraites, mais pas de très petites retraites non plus. Nous n’avons bien sûr pas gelé les pensions en deçà de 1 200 euros. Ce gel, provisoire, est à mettre en relation avec le faible niveau d’inflation actuel : il ne représente pas une perte considérable. De plus, ce gel est véritablement temporaire. Nous veillerons à ce qu’il le soit, et qu’il ne dure pas au-delà des dix-mois supplémentaires au total.

Nous avons également réussi à débloquer quelques situations, notamment concernant l’allocation de logement familiale (ALF), qui ne sera pas gelée, et concernant les rentes AT-MP et les pensions d’invalidité, pour lesquelles nous avons clairement affirmé qu’elles ne devraient faire l’objet d’aucun gel.

Au final, ce texte est un bon texte pour la majorité à l’Assemblée nationale. Nous le défendrons à nouveau, hélas sans les amendements, toujours utiles, de nos collègues sénateurs, qui auraient pu faire avancer la réflexion. Je pense moi-aussi qu’au point où nous en sommes, il sera difficile de trouver un texte commun.

Mme Isabelle Le Callennec, députée. Je regrette que nous nous acheminions vers un échec. Je rappelle que l’UMP s’est battue avec la majorité pour l’adoption des articles 1er à 3 ; nous ne cessons de réclamer une baisse des charges. Les difficultés sont venues des frondeurs qui n’ont eu de cesse de demander des contreparties.

À l’Assemblée nationale, la deuxième partie du débat a donné lieu à des échanges denses autour du report de la revalorisation des retraites. L’UMP avait déposé un amendement de suppression de cet article et cet amendement a failli être adopté.

Ma préoccupation porte sur ce que l’opinion publique peut comprendre de la situation : nombre de nos compatriotes sont partis en vacances convaincus que le PLFRSS était adopté, y compris certaines des mesures retenues au Sénat telles que le passage de la déduction forfaitaire de 0,75 à 1,5 euro, qui était présentée comme acquise. Je m’interroge sur ce que va être la communication du Gouvernement, l’échec de la CMP annulant ce que le Sénat avait adopté. Quant à la question du financement de ces mesures, vous n’avez cessé de la reporter à la LFSS pour 2015, or son examen aura quasiment lieu demain.

Mme Christiane Demontès, sénatrice. Nous n’allons pas refaire le débat ; il a été conduit à l’Assemblée nationale et interrompu cette nuit au Sénat. Je rappelle cependant que la quasi-totalité du groupe socialiste a soutenu le texte du Gouvernement. Il favorise la compétitivité des entreprises en diminuant les cotisations sociales. Il se fonde sur la responsabilité, reposant sur la diminution des dépenses publiques et de la dette – je souligne d’ailleurs que depuis deux ans nous parvenons à baisser très sensiblement le déficit de la sécurité sociale. Nous soutenons ce texte également parce qu’il se base sur la solidarité, en prévoyant des allégements de la fiscalité et des cotisations sociales pour les salariés. Nous sommes fiers d’avoir soutenu ce projet de loi, même si nous sommes frustrés par l’arrêt des débats du fait du non-vote de la première partie. La présidente de la commission des affaires sociales du Sénat a rappelé qu’en tout état de cause ce texte n’aurait pas pu être adopté au Sénat. Nous le soutiendrons néanmoins dans le cadre de la nouvelle lecture au Sénat.

Mme Isabelle Debré, sénateur. La méthode utilisée est pour le moins condamnable. La présidente de la commission des affaires sociales nous a d’ailleurs bien défendu sur ce point. Nous avions beaucoup travaillé sur ce texte et la simple adoption de trois amendements qui n’ont pas plu au secrétaire d’État a mis fin aux discussions.

S’agissant précisément de l’amendement portant sur l’emploi à domicile, c’est avec regret que je rappellerai que le nombre des employés à domicile a diminué de 12 000 en 2012 et de 16 000 en 2013, soit une baisse de 7 %. L’amendement permettait d’encourager le travail déclaré et donc de lutter contre le travail clandestin.

Nous avons reçu beaucoup de courriels d’associations y voyant une bonne disposition. Déposé par le rapporteur, cet amendement avait été voté à l’unanimité. Je demande donc à l’occasion de cette CMP que le rapporteur le redépose à l’Assemblée nationale.

Le vote bloqué nous a privés de discussion sur les articles de la deuxième partie. Concernant l’article 9, nous sommes contre le gel des pensions, et constatons un report d’année en année de leur revalorisation.

Par ailleurs, je rappelle notre souhait que les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), dont le montant est proche des 800 euros par mois, ce qui est inférieur au seuil de pauvreté, puissent cumuler le bénéfice de cette prestation avec un revenu d’activité. Une proposition de loi allant dans ce sens a été adoptée au Sénat, son examen s’est poursuivi à l’Assemblée nationale et Mme Le Callennec en a été la rapporteure. Cette disposition a précisément fait l’objet d’un amendement adopté au Sénat.

Pour mémoire, la ministre m’a assuré à plusieurs reprises que cette disposition pouvait être mise en œuvre au moyen d’un simple décret, un décret que je ne vois pas venir depuis trois ans maintenant. Pourtant, les titulaires de l’APSA attendent que le Gouvernement passe officiellement à l’acte.

M. Yves Daudigny, rapporteur pour le Sénat. Je souhaite répondre à l’interpellation du rapporteur de l’Assemblée nationale au sujet de l’article liminaire. L’amendement de suppression se fondait sur l’insincérité des prévisions économiques et il a été adopté avec l’avis favorable de la commission, même si le rapporteur général s’était prononcé contre son adoption.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour l’Assemblée nationale. Selon que l’on appartient à la majorité ou à l’opposition on trouve toujours que les prévisions économiques sont sincères ou non. Il faut les manier avec prudence ; je rappelle que l’INSEE a revu à la hausse ses prévisions pour 2013 avec trois mois de retard.

S’agissant des recettes, elles ne peuvent venir qu’en loi de finances pour 2015 : cela relève des règles organiques encadrant le budget, le Gouvernement n’y peut rien.

Pour répondre à notre collègue Jean-Pierre Door, je préciserai que les 42 milliards d’euros de dépenses sont gagés par des recettes mais aussi et surtout par des mesures d’économie. J’aurais d’ailleurs aimé que l’opposition fasse des propositions précises dans ce domaine.

Les petites retraites, inférieures à 1 200 euros, ne sont pas touchées par le gel. Quant aux retraités modestes, ils bénéficieront d’une surcompensation permise par la mesure prise du PLFR concernant le bas des barèmes.

Vous avez parlé de « chèque en blanc » à destination des entreprises. Or, elles reçoivent actuellement le CICE, soit 10 milliards d’euros pour 2014. Les ressources arrivent donc bel et bien et elles soutiendront l’emploi et l’investissement.

Mme Debré, cette question de la levée des contraintes pesant sur le cumul ASPA-emploi doit être éclaircie. S’agissant de l’ASPA, comme du RSA ou encore du complément familial, vous noterez que le Gouvernement vient d’augmenter ces prestations dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

Nous fournirons des détails quant aux 180 millions d’euros du fonds de modernisation des établissements de santé dans le cadre du PLFSS pour 2015. Je précise simplement qu’il ne s’agit pas de crédits supprimés.

Nous avions travaillé sur la question du crédit d’impôt pour les employeurs particuliers en commission des affaires sociales. Nous attendons aujourd’hui l’arbitrage du Gouvernement avant d’avancer davantage.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. Une mission d’information sur la mise en œuvre du CICE vient d’être créée à l’Assemblée nationale.

La majorité parlementaire a adopté ce texte dans sa globalité, ce qui ne nous empêche pas de nous montrer vigilants sur ce que les entreprises vont en faire. Les entreprises ne sont pas la propriété d’un camp politique.

S’agissant des emplois aidés, ils me semblent particulièrement utiles en période de crise, ce qui n’interdit pas, là encore, la vigilance de tous sur leur utilisation.

Mme Isabelle Le Callennec, députée. J’ai en effet porté la proposition de loi sur le cumul de l’ASPA avec un emploi rémunéré. Il s’agissait de ma première proposition de loi. À l’époque, au cours des débats, il m’avait été indiqué que quelque chose serait fait, mais que la question relevait du domaine réglementaire.

Mme Isabelle Debré, sénateur. J’avais obtenu la même réponse. Quoi qu’il en soit, si cela peut être réglé par décret, j’en déduis qu’a fortiori la loi peut le faire.

J’ai posé à la secrétaire d’État, Mme Laurence Rossignol, une question orale en mai dernier, qui a fait l’objet d’une publication au journal officiel conjointement à la réponse apportée. La secrétaire d’État m’a indiqué qu’une solution au problème serait apportée avant l’été. Or nous y sommes et rien n’a été fait. Il me semble donc que la proposition de loi apporte une réponse plus rapide que la voie réglementaire.

En ce qui concerne les modalités d’application de notre proposition, nous avons demandé le plafonnement de la mesure à 1,2 SMIC pour une personne et 1,8 SMIC pour un couple. Cela représente un surcroît de revenu potentiel de 500 euros. Cette mesure apporte une réponse efficace au travail dissimulé, générant au profit de la sécurité sociale des cotisations sociales. Je rappelle qu’aujourd’hui, lorsqu’un allocataire travaille et gagne 100 euros, une somme équivalente est déduite de son allocation. Il s’agit évidemment d’un encouragement au travail dissimulé.

M. Gérard Roche, sénateur. Nous sommes parvenus à une situation de blocage sur la forme. Je le regrette car sur la question de la protection sociale, on ne peut que souhaiter l’union nationale. La baisse des charges sur le travail permettra de diminuer le chômage. Or, le financement de notre système de protection sociale – que le monde entier nous envie – repose sur le travail. Je félicite donc le Gouvernement d’avoir décidé ces allégements.

Nous nourrissons cependant des craintes sur les suites qui seront données, le Gouvernement ayant régulièrement renvoyé au budget 2015 pour expliquer le financement du pacte.

Mme Catherine Lemorton, députée, présidente. Je remercie l’ensemble des intervenants et je crois que nous serons tous d’accord pour constater l’échec de cette CMP.

La commission mixte paritaire constate qu’elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

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