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Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 2230

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE POUR L’EXAMEN DU PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 2188)

TOME I

PAR Mme Ericka BAREIGTS, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, Mme Sabine BUIS, M. Denis BAUPIN et M. Philippe PLISSON

Députés

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Voir le numéro : 2188.

La Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte est composée de M. François Brottes, président ; MM. Julien Aubert, Jean-Yves Caullet, Bertrand Pancher, Mme Béatrice Santais, vice-présidents ; MM. Patrice Carvalho, Daniel Fasquelle, Joël Giraud, Mme Catherine Troallic, secrétaires ; Mmes Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis, MM. Denis Baupin et Philippe Plisson, rapporteurs ; MM. Damien Abad, Bernard Accoyer, Mme Sylviane Alaux, M. Christian Bataille, Mmes Catherine Beaubatie, Chantal Berthelot, MM. Philippe Bies, Yves Blein, Jean-Luc Bleunven, Christophe Borgel, Christophe Bouillon, Jean-Paul Chanteguet, André Chassaigne, Jean-Michel Clément, Gilbert Collard, Jean-Jacques Cottel, Charles de Courson, Pascal Deguilhem, Mmes Françoise Dubois, Cécile Duflot, MM. Nicolas Dupont-Aignan, Yves Fromion, Mme Geneviève Gaillard, MM. Claude de Ganay, Guy Geoffroy, Jean-Pierre Georges, Jean-Jacques Guillet, Michel Heinrich, Antoine Herth, Patrick Hetzel, Guénhaël Huet, Jacques Kossowski, Jacques Krabal, Mme Bernadette Laclais, MM. Jean Launay, Jean-Luc Laurent, Alain Leboeuf, Mme Anne-Yvonne Le Dain, MM. Jean-Yves Le Déaut, Serge Letchimy, Victorin Lurel, Hervé Mariton, Patrice Martin-Lalande, Mme Frédérique Massat, M. Rémi Pauvros, Mmes Josette Pons, Émilienne Poumirol, MM. Patrice Prat, Franck Reynier, Mme Sophie Rohfritsch, MM. Martial Saddier, Michel Sordi, Éric Straumann, Lionel Tardy, Jean-Marie Tetart, Stéphane Travert, Jean-Paul Tuaiva et Mme Clotilde Valter.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 17

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II. EXAMEN DES ARTICLES 39

TITRE IER – DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE ET LUTTER CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 39

Intitulé du Titre Ier : Modification de l’intitulé du Titre Ier 39

Avant l’article 1er 39

Article 1er (articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Objectifs de la politique énergétique 44

Après l’article 1er 129

Article 2 : Intégration dans les politiques publiques des objectifs de la politique énergétique 130

Après l’article 2 134

TITRE II – MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS 137

Article 3 A [nouveau] (article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation) : Rapport au Parlement sur la stratégie nationale à l’horizon 2050 139

Article 3 B [nouveau] (article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation) : Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels 141

Avant l’article 3 142

Article 3 (article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme) : Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation 144

Après l’article 3 149

Article 4 (articles L. 123-1-5 et L. 128-1 du code de l’urbanisme) : Institution d’obligations de performances énergétiques et environnementales dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage publique 150

Article 4 bis [nouveau] (article L. 111-10-5 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Carnet de santé numérique du logement 165

Article 4 ter [nouveau] (article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Critère minimal de performance énergétique 166

Après l’article 4 167

Article 5 (articles L. 111-9 et L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation, et article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965) : Dispositions réglementaires applicables en matière de performance énergétique des bâtiments et règles de majorité au sein des copropriétés pour les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique 183

Article 5 bis [nouveau] (article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation) : Rénovation énergétique du secteur tertiaire 213

Article 5 ter [nouveau] (article L. 213-4-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Marchés privés de bâtiment portant sur des travaux et prestations de service réalisés en sous-traitance 214

Article 5 quater [nouveau] (article L. 312-7 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Fonds de garantie pour la rénovation énergétique 216

Article 5 quinquies [nouveau] (article L. 232-2 [nouveau] du code de l’énergie) : Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique 218

Après l’article 5 218

Article 6 (articles L. 511-6, L. 511-33, L. 612-1, L. 612-2 du code monétaire et financier, article L. 333-4 du code de la consommation) : Mise en œuvre du service de tiers-financement 227

Article 6 bis [nouveau] (article L. 314-1 du code de la construction et de l’habitation) : Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire 238

Article 6 ter [nouveau] (article L. 241-9 du code de l’énergie) : Précision de la notion de « coût excessif » 240

Après l’article 6 241

Avant l’article 7 243

Article 7 : Institution de sanctions administratives par voie d’ordonnances 246

Article 7 bis [nouveau] (article L. 337-3-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Mise à disposition des consommateurs des données sur leur consommation 248

Après l’article 7 256

Article 8 (articles L. 221-1, L. 221-6 à L. 221-10, L. 221-12, L. 222-1, L. 222-2, L. 222-7 et L. 222-9 du code de l’énergie) : Amélioration du dispositif des certificats d’économie d’énergie 258

Article 8 bis [nouveau] (article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles) : Harmonisation des dates de fin de trêve locative et énergétique 274

Article 8 ter [nouveau] : Rapport au Parlement sur les colonnes montantes dans les immeubles d’habitation 275

Après l’article 8 276

TITRE III – DÉVELOPPER LES TRANSPORTS PROPRES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR ET PROTÉGER LA SANTÉ 279

Chapitre Ier A : Priorité aux modes de transport les moins polluants 279

Article 9 A [nouveau] : Logistique urbaine pour les « derniers kilomètres » 279

Article 9 B [nouveau] : Priorité aux transports en commun moins polluants et au report modal 279

Avant l’article 9 280

Chapitre Ier : Efficacité énergétique et énergies renouvelables dans les transports 281

Article 9 (articles L. 224-1, L. 224-5, articles L. 224-6, L. 224-7, L. 224-7-1, L. 224-7-2 et L. 224-8 [nouveaux] du code de l’environnement, articles L. 318-1 et L. 318-2 du code de la route) : Obligation renforcée pour l’État et les établissements publics d’acquérir des véhicules hybrides ou électriques, et expérimentation de véhicules innovants à délégation de conduite 281

Article 9 bis [nouveau] : Stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et des infrastructures correspondantes 296

Après l’article 9 298

Article 10 (articles L. 111-5-2 et L. 111-5-4 du code de la construction et de l’habitation, article L. 123-1-12 du code de l’urbanisme, article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) : Déploiement d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables 301

Après l’article 10 320

Article 11 (articles L. 641-5, L. 641-6 et L. 661-1-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Développement des biocarburants avancés et surveillance de la qualité des carburants 321

Après l’article 11 327

Chapitre II : Réduction des émissions et qualité de l’air dans les transports 328

Avant l’article 12 328

Article 12 : Objectifs contraignants de réduction de l’intensité en gaz à effet de serre pour le secteur de la grande distribution 328

Article 12 bis [nouveau] : Réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant des activités au sol des plateformes aéroportuaires 331

Article 13 (article L. 2213-4-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales, articles L. 222-6, L. 223-1, L. 223-2, L. 228-3 et L. 361-2 du code de l’environnement) : Mesures de restriction de la circulation en cas de mauvaise qualité de l’air et prime à la conversion des véhicules 334

Après l’article 13 342

Article 14 (article L. 1231-15 du code des transports et article L. 173-1 du code de la voirie routière) : Modification de la définition du covoiturage et habilitations pour l’instauration de servitudes 343

Article 14 bis [nouveau] (article L. 1213-3-1 du code des transports) : Extension des objectifs du schéma régional de l’intermodalité 349

Article 14 ter [nouveau] (articles L. 1213-3-2-1 [nouveau] et L. 1213-3-3 du code des transports) : Plans de mobilité rurale 350

Article 14 quater [nouveau] : Voies routières réservées aux comportements plus respectueux de l’environnement : demande de rapport au Parlement 351

Après l’article 14 352

Article 15 (articles L. 130-8, L. 318-3 et L. 318-4 du code de la route) : Délit de « défapage » 353

Après l’article 15 354

Article 16 : Habilitation à transposer par voie d’ordonnance la directive 2012/33/UE sur la teneur en soufre des combustibles marins 355

Chapitre III : Mesures de planification relatives à la qualité de l’air 356

Article 17 (article L. 222-9 [nouveau] du code de l’environnement) : Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques 356

Article 18 (articles L. 221-2, L. 222-4, L. 222-5, L. 222-6 et L. 572-2 du code de l’environnement, articles L. 1214-7 et L. 1214-8-1 du code des transports, articles L. 123-1-9 et L. 123-12-1 du code de l’urbanisme, et article L. 301-5-1 du code de la construction et de l’habitation) : Mesures de simplification et d’amélioration de la planification territoriale en matière de qualité de l’air 359

Article 18 bis [nouveau] (article 4 de la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 et article L. 253-8 du code rural) : Interdictions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques 365

Après l’article 18 369

TITRE IV – LUTTER CONTRE LES GASPILLAGES ET PROMOUVOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : DE LA CONCEPTION DES PRODUITS À LEUR RECYCLAGE 371

Avant l’article 19 371

Article 19 (article L. 110-1 du code de l’environnement) : Transition vers un modèle d’économie circulaire et objectifs de la politique en matière de déchets 374

Article 19 bis [nouveau] (article L. 541-10-5 du code de l’environnement) : Interdiction de la mise à disposition de sacs de caisse en matière plastique 384

Article 19 ter [nouveau] (article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014) : Mise en place de schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables 386

Article 19 quater [nouveau] (articles L. 541-21-3 à L. 541-21-5 [nouveaux], article L. 541-10-2 du code de l’environnement et article 59 octies du code des douanes) : Récupération des véhicules hors d’usage. Gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques. Contrôle des transferts transfrontaliers de déchets 389

Après l’article 19 392

Avant l’article 20 395

Article 20 (article L. 541-1 du code de l’environnement) : Renforcement des principes de proximité et d’autosuffisance en matière de déchets 396

Après l’article 20 398

Article 21 (article L. 541-10 du code de l’environnement) : Mise en place d’incitations financières en faveur d’une gestion de proximité des déchets 399

Article 21 bis [nouveau] (article L. 541-14 du code de l’environnement) : Extension du contenu des plans départementaux de prévention et de gestion des déchets non dangereux 403

Article 21 ter [nouveau] : Interdiction de la production, de la distribution, de la vente, de la mise à disposition et de l’utilisation de sacs constitués de plastique oxo-fragmentable 404

Article 21 quater [nouveau] (article L. 541-10-9 [nouveau] du code de l’environnement) : Reprise des déchets par les distributeurs de matériaux, produits et équipements destinés aux bâtiments et aux travaux publics 405

Après l’article 21 408

Article 22 (articles L. 541-21-2, L. 541-33 et L. 541-39 du code de l’environnement) : Institution d’une obligation de tri des déchets de bois 409

Article 22 bis [nouveau] (article L. 213-1 du code de la consommation) : Lutte contre l’obsolescence programmée des produits 411

Article 22 ter [nouveau] (article L. 222-1 du code de l’environnement) : Recensement de l’ensemble des réseaux de chaleur 412

Article 22 quater [nouveau] (article L. 229-26 du code de l’environnement) : Valorisation du potentiel en énergie de récupération 413

Article 22 quinquies [nouveau] (articles L. 541-13 et L. 541-14 du code de l’environnement) : Optimisation des équipements existants aux plans interrégional et interdépartemental 414

Article 22 sexies [nouveau] (article L. 581-43 du code de l’environnement) : Réduction du délai de mise en conformité des publicités, enseignes et préenseignes 414

Article 22 septies [nouveau] (article L. 2234-22 du code général des collectivités territoriales) : Incitation à la maîtrise de l’éclairage public 415

Article 22 octies [nouveau] : Rapport au Parlement sur le réemploi, le recyclage ou la valorisation des déchets enfouis dans les installations de stockage 416

Article 22 nonies [nouveau] : Rapport au Parlement identifiant les produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie du producteur 417

Après l’article 22 418

TITRE V – FAVORISER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR DIVERSIFIER NOS ÉNERGIES ET VALORISER LES RESSOURCES DE NOS TERRITOIRES 423

Chapitre Ier : Dispositions communes 423

Article 23 A [nouveau] : Prise en compte de l’énergie de récupération dans les textes relatifs à la construction et à l’urbanisme 423

Avant l’article 23 427

Article 23 (articles L. 311-6, L. 314-4, L. 314-7, L. 314-7-1 [nouveau] L. 314-1, L. 314-18 à L. 314-23 [nouveaux], L. 121-7 du code de l’énergie 1519D et 1519F du code général des impôts) : Complément de rémunération 429

Article 24 (articles L. 311-12 et L. 311-13, articles L. 311-13-1 à L. 311-13-3 [nouveaux], article L. 311-19 du code de l’énergie) : Adaptation des procédures d’appel d’offres pour la production d’électricité renouvelable 471

Article 25 (articles L. 311-14 et L. 311-15 du code de l’énergie) : Renforcement et élargissement des sanctions applicables aux régimes de soutien des énergies renouvelables 479

Article 25 bis [nouveau] (article 88 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010) : Production et vente d’électricité par les collectivités territoriales et leurs groupements 483

Après l’article 25 484

Article 26 (article L. 2253-2 du code général des collectivités territoriales) : Participation des communes et de leurs groupements au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables 486

Article 27 (article L. 314-24 [nouveau] du code de l’énergie) : Financement participatif dans les sociétés de projet de production d’énergie renouvelable 487

Article 27 bis [nouveau] (article L. 214-17 du code de l’environnement) : Mise à jour des listes de classements des cours d’eau 491

Article 27 ter [nouveau] (article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947) : Plafond de rémunération du capital investi dans des coopératives de production d’énergie renouvelable 492

Article 27 quater [nouveau] (article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014) : Assouplissement des règles de gestion imposées aux sociétés d’investissement participatif dans les activités de production d’énergie renouvelable 493

Après l’article 27 494

Chapitre II :  Concessions hydroélectriques 496

Article 28 (articles L. 521-16-1 à L. 521-16-3 [nouveaux] et L. 532-2 du code de l’énergie) : Méthode du barycentre 496

Article 28 bis [nouveau] (article L. 523-2 du code de l’énergie) : Modification de la répartition de la redevance hydraulique entre les communes et les communautés de communes ou d’agglomération 504

Article 29 (articles L. 521-18 à L. 521-20 [nouveaux] et L. 524-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Sociétés d’économie mixte hydroélectriques 505

Après l’article 29 509

Chapitre III : Mesures techniques complémentaires 511

Article 30 : Habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures techniques 511

Article 30 bis [nouveau] (article L. 164-1-1 [nouveau] du code minier) : Assurance obligatoire pour l’exploitation de sites géothermiques de minime importance 515

Article 30 ter [nouveau] : Demande de rapport au Gouvernement sur le régime des installations d’autoproduction d’électricité 515

Article 30 quater [nouveau] : Demande de rapport au Gouvernement sur l’élaboration d’un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné 516

Après l’article 30 517

TITRE VI – RENFORCER LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET L’INFORMATION DES CITOYENS 521

Article 31 (articles L. 125-17 et L. 125-20, L. 125-16-1 et L. 125-25-1 [nouveaux], et L. 592-31 du code de l’environnement) : Information et transparence en matière nucléaire 521

Article 31 bis [nouveau] (articles L. 593-14, L. 593-15 et L. 593-19 du code de l’environnement) : Régime des autorisations délivrées par l’ASN et consultation du public sur les dispositions consécutives aux examens de sûreté des installations au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement 531

Après l’article 31 535

Article 32 (articles L. 593-24, et L. 593-25 à L. 593-31 [nouveaux] du code de l’environnement) : Démantèlement des installations nucléaires de base 540

Article 33 : Habilitation à renforcer par ordonnance les pouvoirs de l’Autorité de sûreté nucléaire et à transposer des directives européennes 545

Après l’article 33 554

Article 34 : Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2011/70 Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 556

Article 34 bis [nouveau] (articles L. 597-2, L. 597-5, L. 597-24, L. 597-25, L. 597-27 à L. 597-29, L. 597-32, L. 597-34  et L. 597-45 du code de l’environnement) : Incorporation dans le droit national des prescriptions conventionnelles relatives à la responsabilité nucléaire civile 561

Après l’article 34 563

TITRE VII – SIMPLIFIER ET CLARIFIER LES PROCÉDURES POUR GAGNER EN EFFICACITÉ ET EN COMPÉTITIVITÉ 567

Chapitre Ier  : Simplification des procédures 567

Article 35 (articles L. 121-9 du code de l’environnement et L. 323-3 du code de l’énergie) : Suppression du débat public pour la construction de réseaux électriques et gaziers 567

Article 36 (article L. 121-4 du code de l’énergie) : Extension du champ de compétence de RTE au domaine public maritime 570

Après l’article 36 571

Article 37 (articles L. 146-4 et L. 146-6 du code de l’urbanisme) : Extension des dérogations à la loi littoral et aux règles de préservation des espaces remarquables pour permettre la pose de lignes électriques 573

Après l’article 37 577

Article 38 (articles L. 111-86, L. 111-89, L. 111-95, L. 321-5 et L. 322-12 du code de l’énergie) : Toilettage et clarification de diverses dispositions du code de l’énergie 578

Article 38 bis [nouveau] (article L. 514-6 du code de l’environnement) : Inopposabilité des règles d’urbanismes postérieures à l’autorisation d’une installation classée 582

Article 38 ter [nouveau] (ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 et ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014) : Généralisation de l’expérimentation du permis unique pour les éoliennes terrestres et les méthaniseurs 582

Après l’article 38 584

Chapitre II : Régulation des réseaux et des marchés 589

Article 39 (article L. 321-7 du code de l’énergie) : Compétence explicite de la CRE pour la validation des méthodes d’évaluation du coût prévisionnel des ouvrages prévus par les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) 589

Article 40 (articles L. 335-3 et L. 335-5 du code de l’énergie) : Adaptation de règles liées au marché de capacité 592

Article 40 bis [nouveau] (article L. 321-15-2 du code de l’énergie) : Compétence de RTE pour limiter les risques de fraude sur le marché de l’électricité 594

Article 41 (articles L. 337-5 et L. 337-6 du code de l’énergie) : Évolution du mode de calcul des tarifs réglementés vente 595

Article 42 (articles L. 111-56, L. 11-56-1 [nouveau], L. 341-2 et L. 341-3 du code de l’énergie et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales) : Calcul du coût du capital pris en compte dans le TURPE en se fondant sur une méthode économique 597

Article 42 bis [nouveau] (article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales) : Inventaire des besoins d’investissement sur les réseaux de distribution d’électricité 609

Après l’article 42 610

Article 43 (article L. 351-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Tarification des réseaux différenciée pour les entreprises électro-intensives 611

Article 43 bis [nouveau] (article L. 451-4 du code de l’énergie) : Transposition des dispositions relatives à la tarification différenciée aux entreprises gazo-intensives 615

Après l’article 43 615

Article 44 (article L. 341-4 du code de l’énergie) : Tarification des réseaux différenciée entre les consommateurs pour limiter les pointes locales 616

Article 44 bis [nouveau] (article L. 452-2-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Transposition des dispositions relatives à la tarification différenciée visant à limiter les pointes aux entreprises gazo-intensives 617

Article 45 (article 25 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation) : Accorder aux ELD le bénéfice des tarifs de cession durant la période des offres transitoires succédant à l’extinction des tarifs réglementés de vente 618

Article 45 bis [nouveau] (article L. 121-29, L. 121-31, L. 151-4 et L. 362-4 du code de l’énergie) : Fonds de péréquation des charges de distribution d’électricité 619

Après l’article 45 620

Chapitre III : Habilitations et dispositions diverses 621

Article 46 : Habilitations à prendre par ordonnance diverses mesures 621

Article 47 (articles L. 134-13, L. 134-18, L. 143-6, L. 431-6 et L. 432-10 du code de l’énergie) : Mesures diverses 630

Après l’article 47 631

TITRE VIII – DONNER AUX CITOYENS, AUX ENTREPRISES, AUX TERRITOIRES ET À L’ÉTAT LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE 633

Chapitre Ier : Outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique : programmation, recherche et formation 633

Article 48 (articles L. 222-1-A, L. 222-1-B, L. 222-1-C, L. 222-1-D, L. 222-1-E [nouveaux] et L. 133-2 du code de l’environnement) : Budgets carbone et stratégie bas-carbone 633

Article 49 (articles L. 141-1 à L. 141-3 et L. 141-4 à L. 141-12 [nouveaux] du code de l’énergie) : Programmation pluriannuelle de l’énergie et programmation des capacités énergétiques 646

Article 49 bis [nouveau] (article L. 145-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Création d’un comité d’experts pour la transition énergétique 660

Après l’article 49 661

Article 50 (articles L. 121-6 à L. 121-28-1, L. 121-28-2 du code de l’énergie) : Comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité 664

Après l’article 50 671

Article 51 (articles L. 11-72, L. 111-73, L. 111-77, L. 111-80 à L. 111-82, L. 133-6, L. 142-1, L. 142-3, L. 142-4, L. 142-9-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Amélioration de l’accès aux données de production et de consommation d’énergie et registre national des installations de production et de stockage d’électricité 673

Article 52 : Adaptation des politiques de l’emploi aux effets de la transition écologique et énergétique 679

Après l’article 52 682

Article 53 (articles L. 144-1A [nouveau] et L. 144-1 du code de l’énergie) : Recherche et innovation dans le domaine de la politique énergétique 683

Article 54 (articles L. 321-6-1 [nouveau], L. 322-8, L.431-3 et L. 432-8 du code de l’énergie) : Adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’efficacité énergétique 687

Article 54 bis [nouveau] (articles L. 59241 à L. 592-44 [nouveaux] du code de l’énergie) : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire 688

Après l’article 54 689

Chapitre II : Le pilotage de la production d’électricité 691

Article 55 (articles L. 311-1, L. 311-5, L. 311-5-1 à L .311-5-7 [nouveaux] du code de l’énergie) : Pilotage du mix énergétique : réforme des autorisations d’exploiter et plan stratégique des exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité 691

Après l’article 55 704

Chapitre III : La transition énergétique dans les territoires 704

Article 56 (articles L. 222-1, L. 229-26 du code de l’environnement, L. 2224-32 et L. 2224-34, L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales et article 7 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011) : Le plan climat air énergie territorial 704

Article 56 bis [nouveau] (articles L. 123-1-2 à L. 123-1-4 du code de l’urbanisme) : Prise en compte de l’énergie dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme 715

Après l’article 56 716

Article 57 (article L. 2224-38 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Réseaux publics de chaleur et de froid 717

Article 58 : Expérimentation sur le développement des services de flexibilité locaux 721

Article 59 : Habilitation relative au déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents et de dispositifs de gestion optimisée de l’énergie 724

Article 60 (articles L. 121-5, L. 121-8, L. 121-13, L. 121-16, L. 121-32, L. 121-35 à L. 121-37, L. 121-40, L. 124-1 à L. 124-4 [nouveaux], L. 337-3 et L. 445-5 du code de l’énergie) : Chèque énergie 728

Après l’article 60 737

Chapitre IV : Dispositions spécifiques aux outre-mer et aux autres zones non interconnectées 737

Article 61 (article L. 141-5 [nouveau] du code de l’énergie) : Programmation pluriannuelle de l’énergie dans les Outre-mer 737

Après l’article 61 743

Article 62 : Habilitation de la Martinique et la Guadeloupe à fixer des règles dans le domaine de l’énergie 746

Article 63 (articles L. 4433-7 et L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales) : Intégration du SRCAE dans le schéma d’aménagement régional 753

Article 63 bis [nouveau] (article L. 4433-1-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Plan régional d’action sur l’économie circulaire 754

Article 63 ter [nouveau] (article L. 4433-4-11 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Octroi d’une compétence au président du Conseil régional de Martinique en matière de mise en cohérence des textes régionaux de programmation sur l’environnement et l’énergie 755

Article 63 quater [nouveau] : Sanction de l’abandon d’épave de véhicule 755

Article 63 quinquies [nouveau] : Rapport sur l’application à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna des dispositions du projet de loi 756

Après l’article 63 758

Article 64 (article L. 121-7 du code de l’énergie) : Couverture des coûts échoués de projets de production d’électricité dans les Outre-mer 758

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME MARIE-NOËLLE BATTISTEL, RAPPORTEURE DES TITRES IER ET V 763

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME SABINE BUIS, RAPPORTEURE DES TITRES II ET IV 767

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR M. PHILIPPE PLISSON, RAPPORTEUR DES TITRES III ET VI 771

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME ERICKA BAREIGTS, RAPPORTEURE DES TITRES VII ET VIII (CHAPITRE 4) 775

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR M. DENIS BAUPIN, RAPPORTEUR DU TITRE VIII (CHAPITRES 1, 2 ET 3) 777

Le Tome III (comptes rendus des auditions) est publié sous la forme d’un CD-Rom

Les amendements examinés par la commission sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale (1).

INTRODUCTION

La société industrielle apparue au XIXe siècle a transformé les relations de l’humanité avec son environnement. Essentiellement fondée sur l’exploitation des ressources naturelles, sur l’accroissement de la productivité des sols et sur la consommation d’énergie, elle a permis aux peuples d’atteindre des taux de croissance inconnus jusque-là. Mais chacun sait que ce modèle, qui fut le nôtre pendant deux cents ans, ne peut se perpétuer indéfiniment. Il fonctionne en puisant dans un stock de ressources que la nature a mis des millions d’années à constituer et qui ne peuvent aller qu’en s’épuisant. Leur consommation, plus ou moins raisonnée, par les générations passées et présentes obère en partie l’avenir des humains de demain. Ainsi que l’écrivait dès 1882 Dimitri Mendeleïev, père de la classification périodique des éléments, « ce matériel est trop précieux pour être brûlé ; quand nous brûlons du pétrole, nous brûlons de l’argent ».

On peut dater du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992, la prise de conscience de l’humanité sur sa responsabilité dans la protection de son environnement, dans le propre intérêt de sa survie à long terme. La raréfaction des ressources – qu’elles soient faunistiques, floristiques ou minérales – et l’impact de leur consommation sur les écosystèmes – gaz à effet de serre, pollution des sols et des eaux – ont convaincu de l’urgence d’une action volontariste et concertée. Il a cependant fallu attendre encore quelques années pour passer des paroles aux actes. Si la Charte de l’environnement a été constitutionnalisée dès le 1er mars 2005, ce n’est qu’avec les lois relatives à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (2) que la France a commencé à édicter une batterie de mesures opérationnelles répondant aux enjeux auxquels elle se trouvait confrontée.

Pour novatrice qu’elle fût, la démarche du Grenelle de l’environnement est généralement apparue comme insuffisante. La politique en faveur de la transition d’une économie consommatrice et polluante vers une société de la sobriété devait se poursuivre. Élu en 2012, le Président de la République François Hollande a fait de cette action l’une des priorités de son quinquennat.

La Conférence environnementale sur le développement durable des 14 et 15 septembre 2012 a été l’occasion pour le Gouvernement d’établir une « feuille de route » destinée à offrir aux parties prenantes une perspective sur laquelle fonder leurs orientations. Cinq tables rondes ont été organisées déclinant les différentes thématiques de la transition écologique : la transition énergétique, la biodiversité, les risques sanitaires, la fiscalité verte et la gouvernance environnementale. Chacun de ses aspects devait trouver sa traduction dans un projet de loi spécifique (3).

Dans l’ensemble de la transition écologique, le volet relatif à la transition énergétique apparaît particulièrement structurant. Concept créé en Allemagne dans les années 1980 pour préparer une réduction du poids du pétrole et de l’atome, il prône le développement des sources renouvelables et la démocratisation de l’approvisionnement en énergie. Ces lignes de force doivent venir compléter les priorités traditionnelles de la politique énergétique française exprimées à l’article L. 100-1 du code de l’énergie : assurer la sécurité d’approvisionnement, maintenir un prix de l’énergie compétitif, préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre, et garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie. Par ailleurs, en des temps marqués par une croissance en berne, le verdissement de l’économie doit être l’occasion d’une relance susceptible d’engager la France sur le sentier de la sortie de crise.

En novembre 2012, le ministère de l’écologie a lancé un « débat national sur la transition énergétique ». Un portail internet (4) contenant des informations et des « cahiers d’acteurs » a permis à chaque citoyen de contribuer en ligne. Des débats régionaux ont abouti à des recommandations vouées à mieux concevoir le projet de loi. Quatre instances étaient chargées du pilotage du débat :

un conseil national du débat (CND), comprenant 112 membres répartis en sept collèges (État, employeurs, syndicats, associations de défense de l'environnement, autres associations, élus locaux et parlementaires) ;

un comité de pilotage garantissant le respect des règles du débat, composé de six personnalités : Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva ; Laurence Tubiana, directrice de la chaire développement durable de Sciences Po Paris ; Jean Jouzel, climatologue et membre du conseil d’administration Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ; George Mercadal, ancien vice-président de la Commission nationale du débat public ; Michel Rollier, ancien dirigeant du groupe Michelin ; et Bruno Rebelle, ancien responsable de Greenpeace France ;

un secrétariat général coordonnant un groupe d'experts, un comité citoyen, un groupe de contact des entreprises de l'énergie et un comité de liaison du débat décentralisé ;

des groupes de travail produisant chacun un rapport rendu au Conseil national.

Des débats citoyens ont été organisés sur tout le territoire à partir de janvier 2013 à l'initiative de collectivités territoriales, d’associations, d'entreprises ou d'universités. Ils ont permis d’impliquer au mieux les Français dans la transition énergétique.

Une journée citoyenne a été organisée le 25 mai 2013 dans quatorze régions continentales comme ultramarines. Plus d’un millier de citoyens ont été invités à formuler leurs positions sur dix-huit thématiques jugées centrales, après avoir reçu une même information équilibrée sur le sujet.

Les conférences régionales organisées dans chaque région, de février à mai 2013, par la collectivité régionale et la DREAL, ont apporté des contributions sur l’état des lieux énergétique et sur les enjeux d’une transition réussie. Un document de synthèse des débats territoriaux a été remis au Gouvernement par l'Association des régions de France, le 8 juillet 2013.

Les travaux préparatoires à la rédaction du projet de loi ont commencé en décembre 2013, sous l'égide d'une commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE), commission consultative présidée par le ministre de l’écologie et comprenant cinquante membres (5). Le 18 juin 2014, la ministre de l’écologie a présenté le projet de loi au Conseil des ministres. Le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique, social et environnemental ont rendu leurs avis le 3 et le 10 juillet. Le texte a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 30 juillet, et mis à la disposition des députés dès le lendemain 1er août.

Eu égard à l’importance fondamentale du projet de loi, à la richesse de son contenu et à la volonté partagée de mener avec célérité le processus législatif, l’Assemblée nationale a privilégié la procédure solennelle de la commission spéciale pour procéder à son premier examen. Constituée le 9 septembre, soit au premier jour de la session extraordinaire, elle a élu à sa présidence M. François Brottes et désigné cinq rapporteurs : Mmes Marie-Noëlle Battistel sur les titres Ier et V, Sabine Buis sur les titres II et IV, et Ericka Bareigts sur le titre VII et le chapitre IV du titre VIII, ainsi que MM. Philippe Plisson sur les titres III et VI, et Denis Baupin sur les chapitres Ier à 3 du titre VIII.

La commission spéciale a procédé durant deux semaines à l’audition des principales parties prenantes suivant un rythme extrêmement élevé. Elle a par la suite examiné les articles du projet de loi au cours de onze séances tenues entre le 24 et le 27 septembre. Le projet de loi qu’elle a adopté, préservant les équilibres tout en apportant d’utiles améliorations, a été mis à la disposition des députés dans la perspective de la séance publique dès le 29 septembre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 24 septembre 2014, la commission a examiné le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 2188) sur le rapport de Mmes Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis, MM. Denis Baupin et Philippe Plisson, rapporteurs.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, d’ici à samedi prochain nous examinerons 2 383 amendements, ce qui constitue un record en commission.

Je suis heureux d’accueillir Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui se trouvait hier encore à New York pour assister au sommet sur le climat convoqué par M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l’Organisation des nations unies.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En participant à la sixième semaine du climat de New York, j’ai constaté la mobilisation mondiale que suscite le sujet que nous abordons ce matin. Le secrétaire général de l’ONU est évidemment très fortement engagé et, dimanche dernier, lors de la marche des peuples pour le climat, plus de 350 000 personnes étaient dans les rues de Manhattan, tandis que d’autres manifestaient, par exemple, à Paris. Les citoyens se mobilisent désormais pour inciter les dirigeants de la planète à prendre leurs responsabilités.

Sur la question du climat, notre pays est aujourd’hui au centre de l’attention mondiale. Avec le Portugal, la France aura, en effet, la responsabilité d’organiser à Paris la Conférence climat de 2015 (COP21). Dès le mois d’octobre prochain, un Conseil européen consacré au paquet climat-énergie sera également suivi de près par de très nombreux pays, qui sauront alors si l’Europe a le courage et la volonté de poser les bases d’une véritable lutte contre le réchauffement climatique.

M. Dominique Ristori, le directeur général de l’énergie de la Commission européenne, a qualifié le projet de loi d’avant-gardiste. Ce texte nous permettra, en effet, de disposer d’une des législations les plus avancées d’Europe en la matière.

Je remercie tous les députés qui ont déposé des amendements. Le Gouvernement sera ouvert aux propositions tout en veillant à la cohérence d’un texte qui doit être efficace et immédiatement applicable. Les entreprises du secteur de la croissance verte attendent que nous leur envoyions des signaux forts pour créer des emplois. Les pays les plus touchés par le réchauffement climatique comptent aussi sur une action immédiate et forte, et il y a urgence à entendre le cri poussé par les représentants de nations insulaires dont la survie est déjà menacée.

Aujourd’hui, le réchauffement climatique déplace plus de populations dans le monde et crée plus de réfugiés que les conflits et les guerres. Il en va donc aussi de la protection de la paix mondiale.

Avec ce texte, nous devons collectivement traiter d’enjeux considérables. Le contexte est positif : hier, à la tribune de l’ONU, tous les chefs d’État du monde ont dit leur volonté d’avancer sur le sujet. Personne ne souhaite prendre la responsabilité d’un échec de la Conférence sur le climat, comme ce fut le cas à Copenhague en 2009.

L’œuvre législative que nous allons accomplir revêt une dimension à la fois européenne et mondiale. Espérons qu’en nous montrant prêts à entrer dans un autre système économique, à adopter d’autres valeurs et à entamer une mutation énergétique forte, nous aiderons d’autres pays à avancer.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Je tiens à saluer le formidable travail préparatoire au terme duquel a été déposé un texte qui donne force de loi à la feuille de route tracée par le Président de la République lors de la Conférence environnementale de 2013, et qui traduit les engagements de campagne du candidat François Hollande.

Depuis deux ans, une large concertation s’est tenue sur les territoires, qui a associé l’ensemble des acteurs intéressés par la transition énergétique : citoyens, associations, élus, chercheurs et acteurs économiques, tous se sont mobilisés. Un dialogue renforcé avec toutes les parties prenantes, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, du Conseil national de la transition écologique, et des Conférences environnementales annuelles a permis de poursuivre les efforts initiés par le Grenelle de l’environnement. Il s’agit donc d’un texte qui s’inscrit dans la continuité des actions menées par notre pays, et qui marque une rupture annonciatrice d’une croissance verte créatrice de richesses, d’emplois durables et de progrès.

Le titre Ier du projet de loi vise à « définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique de la France et lutter contre le réchauffement climatique ». Il comprend deux articles définissant les objectifs des politiques publiques en matière d’énergie.

L’article 1er procède à la modification de trois des quatre articles du titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie, relatifs aux objectifs de la politique énergétique. La plupart des objectifs assignés à la politique énergétique figurent d’ores et déjà dans le code de l’énergie. Ils sont pour la plupart issus de la loi de programme, du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE. Aujourd’hui, il s’agit de les moderniser de manière à rendre encore plus ambitieuse notre politique énergétique.

Ainsi, est consacré le principe selon lequel la politique énergétique vise « l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois » grâce à « la mobilisation de toutes les filières industrielles et notamment celles de la croissance verte ». Définie comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, la croissance verte associe autant les industries directement liées à l’environnement – assainissement de l’eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables – que les secteurs traditionnels tels que les transports, l’agriculture et le bâtiment.

Par ailleurs, l’article 1er consacre les territoires à énergie positive (TEPOS), dont la reconnaissance constitue une étape importante pour la promotion de territoires propres engagés dans une démarche de transition énergétique. Cette disposition est évidemment à rapprocher de l’article 56 du projet de loi, qui vise à impulser une dynamique d’expérimentation de territoires à énergie positive, partagée entre l’État et les collectivités territoriales, l’objectif étant d’engager 200 expérimentations de territoires à énergie positive d’ici à 2017.

Enfin, l’article 1er actualise les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique nationale, en déployant une feuille de route ambitieuse. Deux nouveaux objectifs quantitatifs d’importance viennent compléter ceux déjà formulés : la réduction de la consommation énergétique finale des énergies, et la réduction de la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité. Nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets dans le cadre de l’examen du titre VI rapporté par Philippe Plisson. Pour ma part, je suis convaincue que cette stratégie met en œuvre de manière ambitieuse la transition énergétique et écologique. Il est temps de faire évoluer notre modèle énergétique et de faire face aux défis qui sont devant nous, à l’échelle nationale et internationale.

Le titre V consacré aux énergies renouvelables (EnR) était attendu : il est au cœur d’une transition énergétique ambitieuse, audacieuse, qui confirme le rang de la France parmi les nations à la pointe de la lutte contre le changement climatique.

L’ambition et l’audace sont au rendez-vous, et le soutien aux énergies renouvelables est renforcé. L’article 23 reconnaît les producteurs d’énergie verte comme de vrais acteurs de marché, qui ont toute leur place dans notre mix énergétique. Il ne s’agit plus, comme il y a dix ans, d’accompagner des filières encore balbutiantes, car la production d’énergie renouvelable en France est devenue une réalité tangible. Nous serons néanmoins attentifs à ce que le basculement vers une logique de marché ne soit pas trop abrupt, notamment pour les petites exploitations et les filières non matures.

De même, il faut se féliciter de l’introduction de nouvelles sanctions, à l’article 25, pour lutter contre le dévoiement des dispositifs d’aide. Aujourd’hui, beaucoup de producteurs d’énergie renouvelable, de bonne foi, constatent avec amertume la multiplication des fraudes. Celles-ci ternissent leur image et sèment le doute sur les capacités de développement vertueux du secteur. Nous attendons un signal fort du Gouvernement pour mettre en œuvre ces sanctions grâce à des contrôles renforcés.

Enfin, il faut souligner, aux articles 26 et 27, la remarquable avancée que constitue la possibilité de développer, à l’échelle des territoires, des projets d’exploitation d’électricité renouvelable, qui associent habitants, collectivités et porteurs de projet. Le financement participatif dans le domaine du renouvelable constitue peut-être une des mesures les plus prometteuses du projet de loi : il permettra à la fois d’encourager les projets citoyens et d’améliorer l’adhésion des habitants qui en seront désormais un peu les propriétaires.

Afin de bien comprendre les dispositions du projet de loi relative à l’hydroélectricité, il convient de remettre le sujet en perspective. Nous partons de loin : en 2010 était actée la mise en concurrence sans condition du parc hydroélectrique français, mais cette décision n’était pas satisfaisante, comme nous l’avions relevé avec Éric Straumann, dans notre rapport d’information sur l’hydroélectricité. Aujourd’hui, la ligne a bougé, donnant lieu à de nouvelles possibilités. Ainsi, le barycentre est une méthode innovante, qui permet de prendre en compte des périmètres cohérents à partir de concessions dont les dates d’échéance sont désormais étalées dans le temps. Les sociétés d’économie mixte hydroélectrique permettent d’associer pleinement les acteurs locaux à la gestion de l’eau, qui est au centre de nombreux usages.

Nous défendrons des amendements pour améliorer le dispositif. L’un concernera notamment la mise en place de comités de gestion de l’eau lorsque l’État ne demande pas la création d’une société d’économie mixte (SEM) hydroélectrique. Un autre sera relatif à la possibilité de prolonger les concessions sous condition de travaux. De cette façon, la France se dotera d’une véritable « boîte à outils ». En fonction du contexte propre à chaque vallée, nous serons en mesure de trouver des solutions adaptées.

La loi de transition énergétique permettra de préserver le contrôle sur le parc hydroélectrique français et de garantir la mise en valeur d’une énergie renouvelable décisive. J’aime à le rappeler : l’hydroélectricité est la plus compétitive, la plus propre des énergies ; surtout, elle permet de stocker l’électricité.

Mme Sabine Buis, rapporteure pour les titres II et IV. En matière de transition énergétique, les attentes concernant le domaine du bâtiment et l’économie circulaire sont telles que je n’ai malheureusement pas été en mesure de recevoir toutes les personnes qui le souhaitaient. Je les prie de bien vouloir ne pas m’en tenir rigueur. J’ai évidemment pris connaissance des documents écrits qu’elles m’ont transmis

En matière de rénovation des bâtiments et d’économies d’énergie, l’attente des ménages et des entreprises est très forte. Les articles 3 et 4 lèvent les freins que constituent plusieurs règles d’urbanisme et facilitent certains travaux. Ils permettront de libérer un marché jusqu’à présent soumis à de réels blocages. Je présenterai des amendements sur ces sujets.

L’article 5 concerne l’engagement d’améliorer la performance énergétique d’un bâtiment dès lors que des travaux importants de rénovation sont effectués. J’ai déposé des amendements afin de permettre d’engager des travaux à d’autres périodes que celles prévues par l’article.

L’article 6 est relatif au tiers financement des travaux d’efficacité énergétique. Ce dispositif est déjà mis en œuvre localement par de nombreuses collectivités. Il devrait être plus facile d’accès ; je présenterai un amendement en ce sens.

En matière de logement, on ne peut pas passer à côté de la question des caractéristiques du logement décent telles qu’elles sont définies par le décret du 30 janvier 2002. Les ménages en situation de précarité énergétique et les ONG expriment de très fortes attentes en la matière. Je défendrai un amendement visant à réviser le décret.

Dans son titre IV, le projet de loi a le mérite de définir et d’ancrer dans le réel l’économie circulaire qui est au service de la croissance verte. Je proposerai un amendement afin d’aller encore plus loin. L’article 21 indique que les éco-organismes des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) de gestion des déchets pourront avoir recours à des incitations financières. Si un esprit doit être préservé, hérité de celui du Grenelle de l’environnement, c’est bien celui des REP, même si ces filières méritent d’être revisitées.

Nous avons tous de grandes ambitions pour ce projet de loi ; pour être à leur hauteur, il nous appartient de voter des mesures applicables, conformes à la réalité et à l’intérêt de tous.

M. Philippe Plisson, rapporteur pour les titres III et VI. Ce projet de loi a fait l’objet d’une mobilisation générale et d’un travail intense de la part de tous les acteurs impliqués.

Le titre III du texte vise à développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé. Il donne la priorité aux transports les moins polluants, et vise à favoriser de nouveaux comportements utilisant d’autres modes de déplacement : transports en commun, covoiturage, vélo…

Je me félicite de l’état d’esprit qui a prévalu, en particulier lors des auditions et des discussions relatives à la sûreté nucléaire et à l’information des citoyens en ce domaine, au titre VI. Toutes les parties ont montré leur volonté de chercher des solutions consensuelles.

Si nos débats se poursuivent dans le même climat, je suis persuadé que nous écrirons ensemble une grande loi qui marquera un tournant historique dans notre approche du développement et permettra de ne pas jeter les générations futures dans le chaos climatique redouté.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII. Le titre VII du projet de loi est consacré à la simplification des procédures, afin de gagner en efficacité et en compétitivité, et de maîtriser les coûts.

L’article 35 modifie les règles de participation du public pour les ouvrages linéaires énergétiques. La Commission nationale du débat public aura uniquement la possibilité de désigner un garant chargé d’organiser la concertation du public. Les acteurs concernés ont évoqué leurs inquiétudes au cours des auditions. J’estime néanmoins que cette démarche tend à améliorer l’implication des citoyens puisqu’ils peuvent émettre un avis ciblé sur le tracé des ouvrages dans le cadre d’une consultation. Elle permet également de raccourcir significativement les délais. Dans le cadre de la transition énergétique, accélérer et faciliter le développement de nouvelles lignes électriques me paraît essentiel pour accueillir davantage d’énergies renouvelables sur le réseau.

L’article 37 élargit les dérogations à la loi littoral introduites par la loi du 15 avril 2013, dite loi Brottes. Désormais, toutes les lignes enterrées pourront bénéficier de cette dérogation, concourant ainsi à l’intégration au réseau des énergies renouvelables. En lien avec l’article précédent, cet article sert l’objet de la loi qui vise à accélérer la transition vers un nouveau modèle énergétique. Pour ma part, je suis défavorable à la notion de « nécessité technique impérative » qui conditionne l’obtention de la dérogation. En effet, cette condition peut conduire à priver d’effet l’article 37. À mon sens, le projet de loi prévoit déjà de fortes garanties. Je reviendrai sur ce sujet lors de la discussion des amendements.

L’article 39 confie à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) la compétence explicite d’approbation des règles de calcul du coût prévisionnel des ouvrages créés dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables. La neutralité de la CRE garantit la qualité de la méthode d’évaluation employée, afin de prévenir d’éventuelles contestations de la part des producteurs d’énergie renouvelable.

L’article 40 apporte plusieurs compléments au dispositif de marché de capacité. Il l’adapte aux petits acteurs qui pourraient être pénalisés par l’obligation de capacité et par le risque de pénalité financière. Il crée la fonction de responsable de périmètre de certification chargé de prendre en charge la responsabilité des écarts entre les capacités certifiées et les capacités effectives. En outre, cet article prévoit une plus grande souplesse en matière de transfert d’obligations de capacité.

L’article 41 traite du mode de calcul des tarifs réglementés de vente. Il rend pleinement applicables les dispositions de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, relatives à l’empilement des postes de coûts pour construire les tarifs réglementés de vente. Plus précisément, il substitue au « coût du complément à la fourniture d’électricité » le « coût du complément au prix de marché ». Cette mesure permet de fixer les tarifs réglementés de vente sur la base du prix de marché, et non sur celle des coûts de production d’EDF. De cette façon, la contestabilité du tarif de vente est pleinement garantie.

L’article 43 s’inscrit dans l’objectif de gain de compétitivité poursuivi par le titre VII. Il donne une base juridique à la CRE pour fixer un tarif de réseau plus favorable aux entreprises électro-intensives, qui perdent en compétitivité notamment face à l’Allemagne, qui a fixé un tarif préférentiel aux entreprises de ce type. Au cours de ce débat, nous renforcerons l’effectivité de cet article, en insérant explicitement l’objectif de compétitivité poursuivi, de façon à donner une base juridique très solide à l’Autorité de régulation.

L’article 44 encourage le développement de l’effacement de consommation. La CRE pourra définir une option du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) qui incite les consommateurs à s’effacer au moment des pointes locales. De même, il donne la possibilité d’accompagner les effacements tarifaires en amplifiant la différence de prix entre les heures ou jours pleins, et les heures ou jours creux.

L’article 47 permet à la CRE de conclure des accords de coopération avec l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie, et non plus seulement avec les différents régulateurs nationaux. Il lui accorde également la possibilité de faire financer les frais d’audits des comptes des entreprises qu’elle contrôle par ces dernières.

Nous débattrons, tout au long de l’examen du titre VII, de la simplification des procédures en cas de contentieux, sujet sur lequel les contributions ont été très nombreuses.

Je suis également rapporteure pour les dispositions du projet de loi relatives aux outre-mer et autres zones non interconnectées (ZNI), prévues par les articles 62 à 64. Ces territoires subissent des contraintes particulières et méritent, à ce titre, de bénéficier de dispositions spécifiques. Le projet de loi prévoit en leur faveur des mesures importantes, comme la mise en place d’une programmation pluriannuelle de l’énergie spécifique pour chaque territoire d’outre-mer. Mais ces articles méritent d’être complétés, afin de véritablement placer les outre-mer à l’avant-garde énergétique. J’ai déposé plusieurs amendements en ce sens, qui reposent sur les préconisations que M. Fasquelle et moi-même avons présentées dans le cadre de notre rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer. Le dispositif de la programmation pluriannuelle de l’énergie devra jouer le rôle de document de référence en matière de politique énergétique. C’est sur cette base consensuelle que pourront se lancer les appels d’offres et s’élaborer les tarifs d’achat adaptés aux territoires concernés.

M. Denis Baupin, rapporteur pour le titre VIII. Le débat national sur la transition énergétique, que d’aucuns ont jugé long, a été utile en ce qu’il nous a permis d’entendre tous les acteurs. À mon sens, un tel projet de loi ne devrait pas être préparé autrement. En tant que rapporteur du titre VIII relatif à la gouvernance, c’est-à-dire au pilotage de la politique énergétique par les pouvoirs publics, il me semble important d’impliquer tout le monde.

L’article 48 créé les « budgets carbone » et permet à la France de se doter d’une stratégie carbone globale. Notre pays enverra ainsi un signal fort avant la COP21 montrant sa volonté de mettre en place, sur son territoire, en coordination avec le reste de l’Europe, une politique de plafonnement et de réduction des émissions de CO2.

L’article 49 instaure une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui complète les programmations actuelles trop sectorisées et concerne toutes les énergies et leur maîtrise. Nous reviendrons sur l’indispensable coordination entre cette PPE et les documents infranationaux, comme les schémas régionaux.

L’article 55 traite du mix électrique. À partir du moment où la loi affirme la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, l’État doit assumer son rôle de pilotage afin de faciliter la diversification – quand une source d’énergie prend une trop grande place, elle risque d’empêcher le développement des autres. Au sein de cette question, la prolongation de la vie des centrales nucléaires se pose également – le rapport de notre commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire remis en juin dernier l’a bien montré –, mais aussi celle des réseaux ou du stockage.

Je proposerai des amendements afin d’aller encore plus loin que le projet de loi en ce qui concerne la transition et la formation professionnelle. Un très fort consensus se dessine sur ce sujet du côté des partenaires sociaux, et les régions ont un rôle essentiel en la matière.

Il est également essentiel d’affirmer dans la loi que l’effort de la recherche en matière d’énergie doit porter prioritairement sur les solutions conduisant à la réussite de la transition énergétique.

Les articles 56 à 60 du projet de loi organisent la transition énergétique dans les territoires. Des outils de planification existent, comme le schéma régional climat air énergie (SRCAE) au niveau régional ou le plan climat air énergie territorial (PCAET) dans les intercommunalités. Si la planification est une bonne chose, encore faut-il que la réalisation suive. Je défendrai des amendements afin que les collectivités qui ont élaboré ces documents puissent aussi donner une impulsion pour leur mise en œuvre. Il ne s’agit évidemment pas de corseter les territoires, mais plutôt de créer une véritable dynamique. Le projet de loi prévoit des expérimentations intéressantes sur les boucles locales ou les réseaux électriques intelligents qui permettront de dynamiser plus encore la transition.

Dernier gros sujet, le chèque énergie est un outil attendu de lutte contre la précarité énergétique. Le dispositif mérite d’être clarifié, notamment quant à son financement, ou encore sur la manière de réussir le passage des tarifs sociaux existants au nouveau chèque énergie sans inquiéter les bénéficiaires. Ce dispositif, parce qu’il peut permettre de prévenir l’augmentation des factures par une politique de réduction de la consommation, a évidemment de l’avenir.

Le présent texte est un bel outil. Nous avons l’occasion de l’améliorer afin qu’il y ait, en matière de transition énergétique, un avant et un après.

M. Christophe Bouillon. Depuis que le texte est connu, le monde est presque séparé en deux, entre ceux qui disent « Enfin ! » et ceux qui disent « Déjà ! ».

« Il était temps ! », disent les acteurs des différentes conférences environnementales, les nombreux participants au débat national sur la transition énergétique ou les milliers d’intervenants aux débats organisés en région, sans oublier les milliers de citoyens qui ont envoyé des contributions. Il était temps que vienne l’heure du Parlement. « Laissons-nous encore un peu de temps », pensent certains autres, sans doute pour poursuivre la réflexion et continuer à alimenter le débat. Mais la vérité, c’est qu’il y a urgence sur les trois plans du climat, de la géopolitique et de l’économie.

En ce qui concerne l’urgence climatique, les rapports se suivent et se ressemblent : tous confirment le changement climatique en cours, dont les conséquences apparaissent de plus en plus visibles, sensibles et dramatiques. Personne ne peut contester que notre planète va mal et que le quotidien de ses habitants en est affecté. La pollution de l’air rend certaines villes invivables.

Vous étiez, Mme la ministre, à New York, avec Laurent Fabius, Yann Arthus-Bertrand, Al Gore et beaucoup d’autres, pour manifester, comme dans de nombreux autres pays, contre le changement climatique. Vous y êtes allée non seulement pour manifester mais pour agir. La prise de conscience n’est plus seulement celle de scientifiques, fussent-ils des milliers à travers le monde, ni celle de décideurs, de plus en plus mobilisés ; elle est celle d’habitants toujours plus nombreux qui veulent agir. Les initiatives citoyennes se multiplient, des plateformes se créent pour changer nos modes de production et de consommation. Ces mouvements ont été pionniers dans le domaine de l’économie circulaire, et je me réjouis que la loi consacre ce concept. Ne rien faire, ce serait accentuer le décalage entre la classe politique et les citoyens. Ce texte de loi répond d’abord à cette urgence.

L’actualité internationale, pesante et parfois dramatique, nous rappelle l’urgence géopolitique. L’Irak, l’Ukraine ou encore la Syrie ne sont pas seulement des lieux où la dignité humaine est meurtrie ; ce sont aussi des lieux de production d’énergie fossile ou de passage obligé pour son transport. L’enjeu est celui de nos approvisionnements et de notre indépendance énergétique ; la grande leçon est qu’il ne faut pas être dépendant d’une seule énergie. Le mix énergétique et la diversification prennent là tout leur sens.

Ce texte n’est ni anti- ni pro-nucléaire. Avec 50 % de production d’électricité issue du nucléaire, la France restera une référence, notamment sur la sûreté. Mais, et c’est un changement radical, avec l’ambition que porte ce texte, elle sera également une championne des énergies renouvelables.

L’urgence économique, c’est la facture énergétique de la France qui pèse trop lourd dans notre balance commerciale et dans les dépenses des Français. La facture énergétique des entreprises est un élément de compétitivité. L’efficacité énergétique, la lutte contre la précarité énergétique par un meilleur isolement des bâtiments, et le développement des énergies renouvelables, pour qu’elles deviennent de moins en moins chères, sont des leviers pour répondre à ces enjeux. Ce sont également de formidables gisements d’emplois.

Le texte répond à toutes ces urgences. Mieux, il porte trois principes qui lui donnent de la force et tirent les enseignements de nos échecs passés : la planification, la participation et l’anticipation.

La planification pour voir loin et voir clair. Il faut en finir avec le complexe de Pénélope qui consiste à détricoter le lendemain le travail du jour. Il faut laisser derrière nous la politique du stop and go, les zigzags. Les acteurs de l’énergie ont besoin de visibilité et de durée.

La participation irrigue ce texte : participation du Parlement, qui deviendra le passage obligé du mix énergétique et de la stratégie bas carbone ; participation des collectivités locales, qui piloteront en direct nombre de politiques publiques et pourront participer financièrement à la production d’énergie ; participation surtout des habitants, qui pourront faire partie du tour de table pour la production d’énergie renouvelable aux côtés des collectivités et des industriels, et qui seront moins seuls pour faire face aux dépenses de la rénovation thermique.

L’anticipation, enfin, c’est celle qui nous permettra d’être au rendez-vous de la COP21, de tenir nos engagements européens et ceux que nous devons prendre vis-à-vis des générations futures.

Là où certains seraient tentés de dire « La transition énergétique, ça suffit ! », nous souhaitons, pour notre part, dire avec force : « La transition énergétique, allons-y ! ».

M. Julien Aubert. Permettez-moi de déplorer les conditions dans lesquelles le Parlement travaille. Nous avons eu une semaine d’auditions à marche forcée, à des heures parfois indues, avec une présence des députés, tous partis confondus, et des rapporteurs eux-mêmes, extrêmement faible. Cela renvoie l’image d’un Parlement marginalisé. Si je suis heureux que la société civile ait eu deux ans pour réfléchir à la transition énergétique, je regrette que les élus de la nation n’aient que deux semaines. Au passage, je signale que la concertation doit s’étendre jusqu’à l’opposition.

Le texte souffre d’imperfections, la principale étant qu’il a trait non pas à la transition énergétique, mais à la transition électrique. Il laisse en effet dans l’ombre une grande partie du sujet des énergies fossiles. Il faudra bien trancher un jour entre la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la sortie du nucléaire. L’exemple allemand montre ce qu’une telle stratégie peut avoir d’incohérent. L’UMP, qui souhaite véritablement lutter contre le réchauffement climatique, considère qu’il n’y a pas lieu de désosser l’industrie nucléaire française.

Ce texte souffre de manques flagrants – rien sur les pétroles et gaz de schiste, rien sur le site Cigéo – et comporte des bombes en puissance susceptibles d’avoir un impact sur la filière nucléaire et ses 400 000 emplois, sur EDF dont l’encadrement de la stratégie d’investissement par l’État ressemble à une renationalisation masquée et risque de détruire une partie de la valeur de cette entreprise. Surtout, il n’y a pas de réflexion sur la gouvernance, alors que l’introduction dans le mix électrique d’une grande proportion d’énergies renouvelables aura des conséquences sur le déploiement du réseau et la gouvernance d’objectifs potentiellement contradictoires.

La principale bombe concerne le financement, totalement absent de la réflexion à ce stade. L’Union française de l’électricité (UFE) a évalué à 200 milliards d’euros le coût du remplacement de vingt centrales nucléaires pour atteindre votre objectif de 50 % à l’horizon 2025. Or le problème c’est de trouver de meilleurs financements, pas de distribuer de l’argent que nous n’avons pas.

En revanche, nous sommes favorables à la co-construction. Les membres de l’opposition de la commission du développement durable ont longtemps plaidé pour une commission spéciale : ce point a été acquis. Nous regrettons toutefois qu’il n’y ait eu aucun contact avec votre cabinet, Mme la ministre, car nous pensons que la co-construction se prépare. Nous présenterons des amendements visant à modifier certains pans de ce texte. Soyez certains que nous ne laisserons pas sacrifier dans le silence 100 000 emplois de la filière nucléaire sur l’autel d’un accord idéologique.

M. Bertrand Pancher. Plus que les discours, ce sont les actes qui nous intéressent. Que dire de ce projet de loi ? Ce n’est certainement pas un texte sur le logement, alors que c’est le premier poste de la transition énergétique. Ce n’est pas non plus une loi sur le transport : la messe a été dite dès l’abandon de la taxe poids lourds, et les moyens font à présent défaut pour un vaste plan dans ce domaine, alors que c’est le deuxième secteur de consommation énergétique. Ce n’est pas plus un texte sur les énergies renouvelables : l’abandon du tarif d’achat confirme notre décrochage en la matière. C’est une loi vaguement orientée sur la production d’électricité, déconnectée de la question fondamentale du carbone. Les nombreux indicateurs n’étant assortis d’aucune sanction, la mise en œuvre ne viendra jamais. Le compte n’y est pas.

Les très nombreuses auditions ont montré la grande frustration de tous les acteurs de l’environnement : il faut être sourd pour ne pas les entendre. Ils dressent le même constat sévère que nous.

Nos conditions de travail sont exécrables. De nombreuses auditions ont été conduites en même temps, ce qui ne nous a pas permis de les suivre toutes. L’avalanche d’amendements rend impossible une quelconque expertise. Nous avons donc pioché, entre tant de propositions, selon l’idée que nous nous faisons de l’intérêt général. La procédure d’urgence ne corrigera ni cette frustration ni les erreurs de ce texte.

Une nouvelle loi n’était, du reste, nullement nécessaire. Il suffisait de poursuivre les actions prévues, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement, en corrigeant ce qui doit l’être et en mobilisant les moyens.

Néanmoins, nous souhaitons nous montrer constructifs et nous défendrons un certain nombre d’amendements. Notre position finale sera fonction de l’accueil qu’ils recevront, mais nous partons avec un regard très négatif sur ce projet.

Mme Cécile Duflot. Le projet de loi a eu un long parcours et suscite une très forte attente. Les grands objectifs que vous avez inscrits dans cette loi, Mme la ministre, en font un tournant dans l’histoire de notre politique énergétique. L’importance de ces grands objectifs, annoncés par le Président de la République lors de la Conférence environnementale, ne doit pas être ignorée.

Il y a tout d’abord l’obligation de réussir face au dérèglement climatique. Après la marche pour le climat, qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes, après la remise du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), l’urgence climatique s’impose à tous. La question n’est pas tant celle de la possibilité d’un accord que celle de la qualité de cet accord : la Conférence de Paris, l’an prochain, doit être une opportunité historique.

C’est ensuite le choix de réduire de 50 % la consommation d’énergie d’ici à 2050, un choix audacieux et courageux qui marque une rupture dans notre modèle de développement. C’est la seule possibilité responsable de nous montrer à la hauteur des enjeux du dérèglement climatique et d’engager une nouvelle révolution industrielle, celle de l’efficacité énergétique. C’est aussi la seule possibilité de résorber le déficit de notre balance commerciale, en grande partie dû à la facture énergétique, et de protéger les Français face aux aléas géopolitiques de notre approvisionnement.

C’est enfin la seule possibilité de fonder un nouveau modèle de développement, basé sur le découplage entre la prospérité de notre société et sa consommation énergétique, choix souligné par le rapport France 2025, Quelle France dans dix ans ?

Ce projet de loi permet également de sortir du tout-nucléaire, avant, nous l’espérons, une sortie du nucléaire. L’histoire énergétique de la France est marquée par son audace et la capacité du pouvoir politique à décider : ce fut le choix du programme électro-nucléaire, que les écologistes désapprouvent, mais nous pensons que la même audace peut nous permettre aujourd’hui de rompre avec ce modèle. Le passage de 75 à 50 % est une opportunité historique de diversification du mix énergétique. C’est un compromis politique, et non le choix des écologistes, car nous souhaitons toujours la sortie du nucléaire.

Le nucléaire, comme l’a montré le rapport de Denis Baupin, est un choix coûteux, notamment parce qu’il requiert des investissements massifs pour rénover le parc. Il risque de nous faire passer à côté de la troisième révolution industrielle s’il stérilise l’innovation et la recherche en empêchant le développement des énergies renouvelables. C’est, en outre, un choix dangereux, comme l’attestent la catastrophe de Fukushima et le rapport subséquent de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le parc nucléaire français et l’absence à ce jour de solution pour les déchets.

C’est un texte ambitieux, donc, mais également perfectible. Si l’esprit de la loi est celui d’une rupture, le texte en est encore éloigné, et il est même décevant, sur plusieurs points. Il risque de passer à côté de son ambition initiale et de ne pas engager toutes les ruptures nécessaires.

Si l’on peut saluer la trajectoire pour 2050, il manque de précision sur le moyen terme : la définition d’objectifs clairs, identifiables par tous les acteurs, d’ici à 2030, fait défaut. De même, on sent bien l’amorce d’une stratégie d’accélération et d’amplification face au dérèglement climatique, mais elle n’est pas encore aboutie. Ainsi, le texte prend de bonnes mesures dans le bâtiment, mais nous ne disposons pas encore du plan stratégique à l’horizon 2050 dont nous avons besoin pour éliminer les aléas. Sur les énergies renouvelables, il faudrait poursuivre l’audace du modèle allemand et nous inclure dans les perspectives européennes les plus volontaristes.

Le texte manque, en outre, de précision sur la sûreté nucléaire, en particulier sur le délai de quarante ans, estimé par tous les experts, notamment l’ASN, comme un seuil qui mérite réflexion : ce seuil devrait figurer dans la loi.

Le texte manque de précision sur la transition vers les mobilités durables, notamment le développement du véhicule électrique, sur la lutte contre la précarité énergétique, au service de laquelle le chèque énergie est un bon outil dont néanmoins le financement et la portée doivent être élargis, sur l’obligation de rénovation et la manière de l’appliquer, ainsi que sur les constructions à énergie positive.

Enfin, le projet manque de moyens. Les financements publics ne sont pas au rendez-vous. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 sera bien sûr déterminant : les objectifs du projet de loi ne pourront être tenus que si les moyens sont présents. C’est pourquoi nous défendrons la possibilité de mobiliser les ressources du livret de développement durable et du livret A sur la transition énergétique, avec l’appui de la Caisse des dépôts.

Nous regrettons, enfin, que ce texte crée des verrous sur les financements innovants, tels que le tiers financement. En confortant le monopole bancaire, l’article 6 de la loi tue la seule possibilité nouvelle de financer la transition énergétique. Nous devons absolument faire évoluer ce point.

Nous saluons la volonté de rupture et de changement que traduit ce texte. À chaque fois que vous avancerez, vous pourrez compter sur notre soutien ; à chaque fois que vous hésiterez, sur notre vigilance. Ce texte est une opportunité unique et historique d’engager une véritable mutation, et nous sommes déterminés à y travailler avec vous.

M. Joël Giraud. Le temps consacré au travail parlementaire est insuffisant ; de nombreux collègues se sont légitimement plaints. Nous aurions aimé travailler en amont avec votre cabinet, madame la ministre, et j’espère à tout le moins que nous pourrons être entendus au cours des débats.

Sur le fond, je partage le point de vue de notre rapporteure sur la précarité énergétique. Il faut retravailler ce point.

En outre, ce texte est particulièrement insuffisant s’agissant de la décentralisation des filières locales. J’ai parfois le sentiment de faire davantage au sein d’une société d’économie mixte locale dont je suis actionnaire qu’au Parlement. Les problématiques de la micro-hydraulique, des réseaux de chaleur, du photovoltaïque local, du rôle de l’agriculture, des fournisseurs coopératifs d’électricité, doivent être traitées plus efficacement, de manière à bâtir une France de l’énergie décentralisée qui remplisse les promesses de la transition énergétique. L’Allemagne a réussi parce qu’elle s’est appuyée sur de telles filières.

Nous avons déposé des amendements sur les procédures abusives dont sont victimes de nombreux hydrauliciens et fabricants d’éoliennes. Il suffit, dans ce pays, de déposer des recours pour obtenir une indemnité transactionnelle, juste avant la fin des autorisations administratives : c’est une forme de racket. Nous demanderons donc de permettre des prolongations d’autorisations administratives dans le cas de lancements de telles procédures.

Le texte est quasiment muet sur la sobriété énergétique des collectivités locales. Les choix de celles-ci ne sont pas récompensés. Il faut que les communes qui tâchent de ne pas ressembler à un sapin de Noël toutes les nuits, à trois heures du matin, pour n’éclairer que quelques noctambules, soient récompensées, non par le biais de primes, mais par une réaffectation de produits liés à la dotation de solidarité rurale (DSR) ou à la dotation globale de fonctionnement (DGF). Vous pourrez considérer nos amendements en ce sens comme des amendements d’appel en vue de bâtir une véritable politique de sobriété énergétique des collectivités locales.

Notre groupe a également déposé des amendements tendant à améliorer la sûreté nucléaire.

M. le président François Brottes. Peu de textes ont fait l’objet d’autant de travail en commission. La Commission spéciale a conduit dix-neuf auditions, dont sept tables rondes, entendant ainsi plus de cinquante personnes, au cours de quarante-sept heures de réunion. De leur côté, les rapporteurs ont auditionné des centaines de personnalités. Le temps a été court, certes, mais le volume de travail très important.

Mme la ministre. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail, conduit en partenariat avec mon cabinet et moi-même. Nous nous sommes efforcés de répondre à toutes leurs questions techniques. Toutes les propositions permettant d’améliorer ce texte seront considérées avec beaucoup d’attention.

Je remercie également les orateurs des groupes. Christophe Bouillon a bien identifié les valeurs auxquelles se rattache ce texte. Je suis heureuse de pouvoir compter sur le soutien du groupe socialiste.

Nos concitoyens, M. Aubert, M. Pancher, ne sont pas demandeurs d’une polémique sur la méthodologie. Il est contradictoire de se plaindre d’un calendrier trop court tout en remarquant que le texte est attendu depuis deux ans. Christophe Bouillon a bien souligné l’urgence économique, sociale et écologique. Le sujet a fait l’objet de nombreux débats dès avant ma nomination. J’ai tâché, depuis mon arrivée en fonction, d’accélérer l’élaboration de ce texte, qui est à la fois ramassé et efficace, accompagné d’une dynamique pour les territoires et d’une dynamique pour les filières économiques. Il vient un moment où il faut passer à l’action, décider, avancer.

Cécile Duflot a relevé les points positifs de ce texte, tout en soulignant l’esprit de vigilance, légitime, des écologistes. Il faudra que ce texte soit, en effet, audacieux pour être à la hauteur des défis. J’ai bien noté qu’elle considérait qu’il s’agit d’un tournant dans la politique énergétique, posant les bases d’un nouveau modèle de développement.

Laissons de côté, M. Giraud, les polémiques sur les délais. En critiquant la méthode de travail, vous vous critiquez vous-mêmes. Vous avez conduit un travail exceptionnel dans les auditions, que j’ai toutes lues. Cessons de mettre en cause la qualité de ce travail et montrons, au contraire, que nous sommes capables, dans un temps maîtrisé, de répondre à l’urgence écologique.

La Commission spéciale en vient à la discussion des articles du projet de loi.

M. le président François Brottes. M. le président de la commission des finances m’a adressé hier une lettre m’indiquant que tout ce qui concerne la contribution au service public de l’électricité (CSPE) relevait désormais de l’article 40, dès lors que, EDF ayant une dette importante de 5 milliards d’euros, l’État avait pris le relais.

Je vais à présent indiquer les amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40.

Mme la ministre. Ces amendements pourront être repris par le Gouvernement, si j’estime qu’ils permettent d’améliorer le texte. C’est le cas de certains d’entre eux.

M. le président François Brottes. Je signale également, outre l’ouverture faite à l’instant par Mme la ministre, que l’on peut passer le cap de l’article 40 lorsqu’on préconise des expérimentations avec une durée limitée encadrée par l’État. Cela donne des marges de manœuvres.

Ont donc été déclarés irrecevables par la commission des finances, les amendements CS1814 de M. Denis Baupin et CS1907 de M. Jacques Krabal, à l’article 4 ; les amendements CS449 de M. Patrick Hetzel, CS923 de M. Julien Aubert, CS340 de M. Jean-Jacques Cottel, CS749 de M. Jean-Luc Bleunven et CS1404 de M. Philippe Plisson, après l’article 5 ; les amendements CS372 de M. Antoine Herth et CS1485 de Mme Cécile Duflot, après l’article 6 ; les amendements CS1494, CS1493 et CS1495 de M. Denis Baupin, après l’article 8 ; les amendements CS302 et CS303 de M. Michel Heinrich, CS422 et CS424 de M. Razzy Hammadi, CS1500 de M. Denis Baupin, CS135 de M. Jean-Marie Tetart, CS139 de M. Martial Saddier, CS149 de M. Jean-Marie Tetart, CS153 de M. Martial Saddier, CS600 de M. Bernard Accoyer, CS1502 de M. Denis Baupin, CS2112 de M. Julien Aubert, CS618 de M. Michel Lesage, CS842 et CS963 de M. Julien Aubert, CS1280 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1503 de M. Denis Baupin, CS1639 de M. Jacques Krabal et CS1040 de M. Michel Lesage, à l’article 9 ; les amendements CS128 de M. Jean-Marie Tetart et CS174 de M. Martial Saddier, après l’article 9 ; les amendements CS1518 et CS1519 de M. Éric Alauzet, après l’article 11 ; les amendements CS1200 de Mme Michèle Bonneton, CS1281 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1522, CS2115 et CS2116 de M. Denis Baupin, à l’article 13 ; l’amendement CS352 de M. Jean-Jacques Cottel, après l’article 19 ; les amendements CS286 de M. Michel Heinrich et CS1073 de M. Bertrand Pancher, après l’article 21 ; l’amendement CS1847 de M. François-Michel Lambert, après l’article 22 ; les amendements CS1415 de M. Philippe Plisson, CS1543 et CS1553 de M. Denis Baupin, à l’article 23 ; l’amendement CS632 de M. Jean-Jacques Guillet, après l’article 25 ; les amendements CS1204 de Mme Bernadette Laclais, CS1343 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1405 de M. Philippe Plisson, à l’article 26 ; les amendements CS832 de M. Julien Aubert, CS1338 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1556 de M. Denis Baupin, CS617 de M. Michel Lesage, CS1308 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1574 de M. Denis Baupin, après l’article 27 ; l’amendement CS547 de M. Jean-Michel Clément, à l’article 30 ; l’amendement CS1751 de M. Denis Baupin, après l’article 34 ; l’amendement CS1678 de M. Joël Giraud, après l’article 36 ; l’amendement CS1348 de M. Jean-Paul Chanteguet, après l’article 38 ; l’amendement CS752 de M. Yves Blein, après l’article 43 ; l’amendement CS548 de M. Jean-Michel Clément, après l’article 45 ; l’amendement CS408 de M. Patrick Hetzel, avant l’article 46 ; l’amendement CS550 M. Gilles Savary, après l’article 53 ; les amendements CS1137 de M. Bertrand Pancher et CS1250 de M. Jean-Paul Chanteguet, après l’article 54 ; les amendements CS157 de M. Jean-Marie Tetart, CS689 de M. Michel Lesage, CS1389 de M. Philippe Plisson, CS908 de Mme Frédérique Massat, CS1797 et CS1798 de Mme Brigitte Allain, CS1371 de M. Philippe Plisson, CS1125 de M. Bertrand Pancher et CS330 de M. Jean-Jacques Cottel, à l’article 56 ; les amendements CS344 de M. Jean-Jacques Cottel, CS870 de M. Jean-Luc Bleunven, CS1130 de M. Bertrand Pancher et CS1408 de M. Philippe Plisson, à l’article 57 ; les amendements CS1364 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS910 de Mme Frédérique Massat, après l’article 57 ; les amendements CS240 de M. Damien Abad, CS300 de M. Michel Heinrich, CS1808 de Mme Cécile Duflot, CS2020 de M. Joël Giraud, CS341 de M. Jean-Jacques Cottel, CS609 de M. Michel Lesage, CS705 de M. Martial Saddier, CS855 de Mme Frédérique Massat, CS1062 de Mme Barbara Romagnan, CS1234 de M. Charles-Ange Ginésy, CS1701 de M. Joël Giraud, CS1806 de Mme Cécile Duflot, CS1703 et CS1704 de M. Joël Giraud, à l’article 60 ; l’amendement CS1435 de M. Victorin Lurel, après l’article 64.

Ces amendements irrecevables ne représentent que 5 % du volume total d’amendements et plusieurs d’entre eux sont rattrapables.

J’indique encore qu’un petit nombre d’amendements ont été retirés de la liasse, soit parce qu’ils étendaient le champ des ordonnances, ce qui est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, soit parce qu’ils contenaient des injonctions à l’adresse du Gouvernement, ce qui est autorisé dans l’expression mais interdit dans la loi, à l’exception des demandes de rapport.

Mme la ministre. Le Gouvernement reprendra certains de ces amendements, à la mise en œuvre desquels il travaille d’ores et déjà. C’est le cas pour les amendements concernant la mise en place du Fonds de garantie, les mesures de soutien au financement participatif ou le Fonds de péréquation. Le projet de loi de finances pour 2015 doit, par ailleurs, comporter des dispositions sur le crédit d’impôt de la transition énergétique (CITE), le rendant applicable aux travaux commandés à compter du 1er septembre dernier.

En matière de financement des travaux visant à améliorer la performance énergétique, la Caisse des dépôts a ouvert une ligne de crédit de 5 milliards d’euros destinée aux collectivités territoriales et permettant de leur allouer jusqu’à 5 millions d’euros par opération sans apport initial. Il s’agit de dispositions qui ne relèvent pas de la loi, pas davantage que les mesures concernant le Fonds de transition énergétique.

Ces outils financiers doivent soutenir la triple dynamique qui doit s’enclencher à la fois chez les particuliers, au sein de nos entreprises et dans nos territoires. La France, à l’avant-garde de la recherche et des opérateurs énergétiques, doit conforter et accroître son avance et permettre à ses entreprises de trouver leur place dans la compétition mondiale et d’investir dans ces filières qui vont devenir de plus en plus rentables. Quant aux collectivités, certaines se sont déjà mises en mouvement, comme les outre-mer qui veulent accéder à l’autonomie énergétique ; d’autres s’apprêtent à entamer leur transition énergétique. Les unes et les autres participeront, en marge du sommet de la planète, au sommet consacré aux territoires. D’ici là, ils doivent pouvoir s’appuyer sur cette loi, tout en lui donnant toute sa portée.

Je précise que, comme je m’y étais engagée, les ordonnances prévues par le texte ont été rédigées et que vous pourrez en prendre connaissance avant le débat en séance publique.

II. EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER
DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE ET LUTTER CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Intitulé du Titre Ier
Modification de l’intitulé du Titre Ier

La Commission examine l’amendement CS2173 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Bien que le premier enjeu demeure la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et donc la lutte contre le réchauffement climatique, l’expression de « changement climatique » me paraît plus pertinente que celle de « réchauffement climatique ».

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CS56 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Le terme de transition suppose qu’on veut changer d’énergie, ce qui implique une sortie du nucléaire. En réalité, nous avons plutôt besoin d’une stratégie, terme qui a le mérite d’être plus neutre et moins dogmatique.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le projet de loi que nous examinons est consacré à la transition énergétique. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère qui nécessite une mutation de notre modèle économique. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS57 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Deux objectifs majeurs doivent sous-tendre la transition énergétique : d’une part, la maximisation de la compétitivité de notre économie, d’autre part, la préservation du modèle énergétique français, garantissant une énergie à faible coût, socialement acceptable. Toute mesure contenue dans la programmation pluriannuelle énergétique devrait donc être évaluée au regard du coût de la tonne de CO2 évitée et du coût pour le consommateur final. Il ne s’agit pas seulement de dépenser des milliards mais de choisir à quoi ces milliards seront le mieux utilisés.

Mme la ministre. Le projet de loi propose déjà un modèle de transition énergétique qui assure l’équilibre entre nos exigences en matière de compétitivité, de lutte contre la précarité énergétique et de solidarité. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. La plupart des éléments contenus dans votre amendement sont redondants avec les dispositions des articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-3 du code de l’énergie, ainsi qu’avec celles relatives à la programmation pluriannuelle sur laquelle se fonde notre stratégie bas carbone. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. Il n’est pas neutre que le projet de loi ne mentionne pas le coût socialement acceptable de l’énergie comme un des objectifs à atteindre. Outre que plusieurs amendements concernant les véhicules polluants ont été censurés au titre de l’article 40, il manque à ce projet un volet sur l’efficacité énergétique dans les bâtiments. Il ne suffit pas, en effet, d’éviter que les bâtiments consomment de l’énergie, il faut aussi améliorer l’efficacité énergétique des moyens de chauffage. Il est très important de réaffirmer dans le propos liminaire du texte que le coût de la transition énergétique devra être socialement acceptable pour nos concitoyens, qui ont de plus en plus de difficulté à payer leur facture énergétique.

Mme Sophie Rohfritsch. Ce projet de loi doit proposer autre chose que des mesures purement techniques permettant, d’un strict point de vue quantitatif, de réaliser des économies d’énergie. Il doit mettre en œuvre une transition énergétique qui nous permette de restaurer la compétitivité de nos entreprises.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS58 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La transition énergétique doit respecter les principes suivants : la progressivité, certes en contradiction avec l’horizon assez proche auquel a été arrêtée notre sortie du nucléaire ; la flexibilité, d’où découlera notre capacité à nous adapter à un contexte international mouvant ; la réversibilité et la soutenabilité, qui doivent nous garantir des déceptions technologiques à moyen terme ; la stabilité et la sécurité juridique ; un État qui conserve ses marges d’action face à la logique de marché dans le développement des EnR.

Mme la ministre. Le projet de loi tient déjà compte de ces exigences. J’y ajouterai la détermination et, contrairement à ce que vous proposez, l’irréversibilité : ce n’est qu’à cette seule condition que les acteurs économiques s’engageront avec confiance dans la transition énergétique. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Cet amendement est superfétatoire. La progressivité est inhérente au concept même de transition ; la flexibilité va de pair avec notre sécurité d’approvisionnement ; quant à la réversibilité et à la soutenabilité, ce sont les principes mêmes d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Vous souhaitez également que soient garanties la stabilité et la sécurité juridique : c’est tout l’enjeu des stratégies à long terme, comme la stratégie bas carbone ou la PPE. La politique de soutien aux EnR, enfin, est l’un des premiers objectifs de la présente loi. Avis défavorable.

Mme Cécile Duflot. Je mets en garde M. Aubert contre les faux débats. Personne ne peut mettre en doute l’engagement des écologistes en faveur de la sortie du nucléaire, ce qui ne nous empêche pas d’avoir de la question, dans le cadre de cette loi, une approche fondamentalement pragmatique. S’il ne nous appartient pas d’assumer les décisions prises dans les années 60, il nous revient de prendre en compte une réalité qui est tout le contraire de ce que vous prétendez, monsieur Aubert, puisque nous sommes grandement dépendants aujourd’hui d’une unique source de production électrique. Pour assurer notre flexibilité et notre indépendance énergétique, garantir une transition énergétique réversible et soutenable, et offrir aux investisseurs un environnement juridique stable et sécurisé, il faut donc développer les EnR. Les écologistes, en soutenant cette loi, restent fidèles à leurs principes tout en prenant acte du principe de réalité. Ayant constaté notre dépendance énergétique à l’égard du nucléaire, nous souhaitons sa réduction progressive et ordonnée.

M. Julien Aubert. Avant de dépendre du nucléaire, l’économie française dépend surtout du pétrole.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS59 de M. Julien Aubert.

M. Michel Sordi. La transition énergétique doit pleinement tenir compte du rôle majeur de l’énergie nucléaire française dans la stabilisation du réseau électrique français et européen – notamment par son rôle de « soupape » permettant d’absorber les intermittences du réseau allemand –, dans la stabilisation du prix de l’électricité demeuré relativement peu élevé depuis le lancement du programme nucléaire français, et dans le développement de nouvelles filières, s’agissant notamment de la quatrième génération de réacteurs, de l’enfouissement des déchets radioactifs ou encore du démantèlement des installations définitivement arrêtées.

J’ajoute que la fermeture de la centrale de Fessenheim risque de peser sérieusement sur le budget d’EDF et, partant, sur le budget de l’État : elle devrait donc, au même titre que les amendements que le président nous a énumérés, être considérée comme une mesure irrecevable.

Mme la ministre. Avis défavorable. Cet amendement n’est pas de nature législative. Vous y affirmez un point de vue, tout à fait respectable au demeurant et que je ne conteste pas. Un titre entier de ce projet de loi est consacré à l’énergie nucléaire, qui conserve une part importante dans notre production énergétique, puisqu’elle continuera à fournir 50 % de l’électricité que nous produisons, soit le taux le plus élevé de tous les pays industrialisés.

Mon souci n’est pas d’opposer les énergies les unes aux autres, mais de monter en puissance sur un nouveau mix énergétique.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

M. Michel Heinrich. Cet amendement rappelle le rôle du nucléaire. Une bonne politique énergétique consiste à pouvoir fournir de l’énergie à tous, particuliers et entreprises, à bas coût et tout en respectant l’environnement. La transition énergétique a pour objectif la diminution des énergies carbonées, et il ne faudrait pas que, comme en Allemagne où 45 % de l’électricité est produite à partir de charbon sous prétexte de limiter le nucléaire, on ait recours massivement à ces énergies carbonées. Le nucléaire permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de produire de l’énergie à un coût très compétitif. Je rappelle qu’un particulier allemand paie son électricité deux fois plus cher qu’en France.

M. Bertrand Pancher. Il faut relativiser la portée de cet amendement, dans la mesure où chacun sait que les objectifs de diminution de la part du nucléaire fixés par ce projet de loi sont utopiques. Le rythme de développement de nos énergies renouvelables est inférieur à ce qu’il devrait être, comme le sont nos progrès en matière d’économies d’énergie. N’oublions pas, par ailleurs, les mises en garde de RTE sur les risques que ferait courir à moyen terme à la sécurité de nos approvisionnements une telle diminution de notre énergie nucléaire.

M. Charles de Courson. L’intérêt de cet amendement est qu’il évoque la dimension européenne de la politique énergétique, que le texte ne traite malheureusement pas. La moitié de l’électricité produite par la centrale de Fessenheim est exportée vers la Suisse et vers l’Allemagne, et la centrale de Chooz livre un tiers de sa production à la Belgique qui, après avoir fermé cinq de ses réacteurs nucléaires, connaît une pénurie d’électricité. On ne résoudra donc pas seul les problèmes énergétiques de la France.

M. Denis Baupin. Je ne veux pas entrer dans un grand débat sur le nucléaire, et je renvoie nos collègues au rapport de la commission d’enquête sur ce sujet. Toutefois, pour couper court aux idées reçues qui risquent de revenir régulièrement, je rappelle que nous ne produisons pas d’uranium sur notre territoire. Peut-on vraiment parler d’indépendance énergétique quand 100 % de l’uranium consommé par nos centrales nucléaires proviennent de l’étranger ?

Je le dis en tant qu’écologiste, nous sommes défavorables à la reprise du charbon en Allemagne. C’est la raison pour laquelle les écologistes ne participent pas à la coalition entre la CDU et le SPD. En tout état de cause, en Allemagne, le charbon remplace, non pas le nucléaire, mais le gaz, comme en Grande-Bretagne et en France. Aujourd’hui, du fait de la production de gaz de schiste aux États-Unis, la consommation de charbon y est moindre. Le charbon arrive donc en Europe en plus grande quantité et à bas prix, ce qui contribue à sa reprise. Ce n’est pas une bonne chose, mais cela ne doit pas être mis en relation avec la sortie du nucléaire en Allemagne.

Enfin, le prix de l’électricité de nos voisins allemands est certes plus élevé que chez nous, mais leur consommation est moindre. Ce qui importe, c’est la facture, c’est-à-dire la multiplication de la consommation par le tarif ; en l’occurrence, nos voisins allemands consacrent à peu près la même part de leur revenu à l’énergie que les ménages français. C’est bien la preuve qu’avec une politique tarifaire et une politique de consommation menées de concert, on peut avoir à peu près le même impact sur les ménages.

M. Jean-Luc Laurent. Je voterai cet amendement de principe, qui rappelle opportunément nos atouts énergétiques industriels que sont les coûts à bon marché, et le nécessaire développement de nouvelles filières, en particulier la quatrième génération de réacteurs nucléaires.

Je tiens à dire à Denis Baupin que le choix du charbon par l’Allemagne résulte de la volonté de sortir du nucléaire. Or, pour répondre à la demande, encore faut-il avoir une capacité de production d’énergie ! Comme quoi, la sortie du nucléaire, telle qu’elle est conduite en Allemagne et telle qu’elle pourrait l’être en France si l’on écoutait les écologistes, serait une catastrophe du point de vue de l’industrie, mais aussi des usagers, qu’ils soient entreprises ou particuliers.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS533 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis surpris que M. Baupin utilise encore l’argument l’uranium, sachant que les éoliennes utilisent des métaux rares importés de Chine.

Il faut sortir de l’ambiguïté : soit nous voulons une loi pragmatique, soit nous en faisons une qui risque d’asphyxier lentement une filière pourtant extrêmement importante pour réussir la transition énergétique. L’adoption de notre amendement précédent aurait permis de faire apparaître des mots clés, comme « Europe », « enfouissement des déchets », « quatrième génération ». Le Parlement doit prendre conscience qu’il y aura des choix à faire dans les années à venir.

Aujourd’hui, avec la mise en concurrence, il existe des tensions dans certaines industries du secteur qui ont des statuts spéciaux. Le service public doit se voir reconnaître une place au cœur de la transition énergétique, au titre d’un modèle social français dont il est la colonne vertébrale. Tel est le sens de l’amendement CS533.

Mme la ministre. Il faut veiller à ce que la loi ne soit pas une suite de pétitions de principe, où chacun se fait plaisir. Le service public a, certes, un rôle majeur à jouer, mais nous devons nous en tenir à un texte opérationnel, avec des normes juridiques claires qui entrent dans le cadre législatif.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Article 1er
(articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie)

Objectifs de la politique énergétique

1.  État du droit

Le livre Ier du code de l’énergie contient un titre préliminaire consacré aux objectifs de la politique énergétique. Ce titre, composé de quatre articles, a été introduit dans le code de l’énergie à l’occasion de la codification opérée par l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie. Pour l’essentiel, ces articles sont issus de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi « POPE ».

L’article L. 100-1 du code de l’énergie, issu de l’article 1er de la loi POPE, énonce les objectifs de la politique énergétique. Initialement, ces objectifs ne faisaient pas partie du texte déposé devant le Parlement, mais figuraient au sein d’une annexe détaillant les grandes orientations de la politique énergétique française. C’est à l’initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques de l’époque, M. Serge Poignant, que ces objectifs ont été intégrés en tant que tel dans le corpus législatif.

Légèrement modifiés au moment de la rédaction de l’ordonnance précitée, ces objectifs sont au nombre de quatre :

– assurer la sécurité d’approvisionnement ;

– maintenir un prix de l’énergie compétitif ;

– préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre ;

– garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie.

L’article L. 100-2 du code de l’énergie est principalement issu de l’article 2 de la loi POPE, alors que ces dispositions figuraient également initialement dans l’annexe mentionnée ci-dessus. L’article énonce les moyens auxquels l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales, peut recourir en vue d’atteindre les objectifs fixés à l’article L. 100-1.

Ces moyens sont au nombre de quatre :

– maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité ainsi que la sobriété énergétiques ;

– diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles et augmenter la part des énergies renouvelables (ENR) dans la consommation d’énergie finale ;

– développer la recherche dans le domaine de l’énergie ;

– assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.

Les deux premiers moyens ont été complétés par l’ordonnance de codification précitée. Ainsi, dans la foulée du Grenelle de l’environnement, l’accent a été mis sur le renforcement de l’efficacité et de la sobriété énergétiques – premier moyen – et sur l’augmentation de la part des ENR dans la consommation d’énergie finale, couplée à la réduction du recours aux énergies fossiles.

L’article L. 100-4 du code de l’énergie concerne les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique nationale. La rédaction actuelle, peu lisible, se limite à des renvois à d’autres textes : les sixième à quinzième alinéas de l’article 2 et aux articles 3 à 13 de la loi POPE et le chapitre IV du titre Ier de la loi n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (Grenelle 1).

Loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (articles 2 à 13)

Loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement

- Assurer 10 % des besoins énergétiques par les ENR en 2010

- Porter à 21 % la part des ENR dans le mix électrique

- Accroître de 50 % la chaleur renouvelable d’ici 2010.

- Réduire le recours aux énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre et de porter à au moins 23 % en 2020 la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale, soit un doublement par rapport à 2005

- Augmenter de 20 millions de tonnes équivalent pétrole la production annuelle d’énergies renouvelables d’ici à 2020, en portant celle-ci à 37 millions de tonnes équivalent pétrole

Contribuer à la fixation d’un objectif de diminution par deux des émissions de GES au niveau mondial d’ici 2050, ce qui requiert une division par 4 ou 5 de ces émissions dans les pays développés

 

Atteindre un rythme annuel de diminution de l’intensité énergétique finale de 2 % dès 2015 et 2,5 % d’ici 2030

Diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France

Incorporer 10 % de biocarburants d’ici le 31 décembre 2015 dans l’essence et le gazole commercialisés à des fins de transport.

Atteindre un objectif d’installation de 200 000 chauffe-eau solaires et de 50 000 toits solaires par an en 2010.

Atteindre un objectif d’une économie d’importations d’au moins 10 millions de tonnes d’équivalent pétrole en 2010 grâce à l’apport de la biomasse pour la production de chaleur et de carburants

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le projet de loi apporte quelques compléments nécessaires aux articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l’énergie. Les apports du projet de loi sont par ailleurs plus conséquents s’agissant de l’article L. 100-4 du même code.

Concernant l’article L. 100-1 (alinéas 2 à 8), la nouveauté apportée par le projet de loi est l’insertion de « l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois » grâce à « la mobilisation de toutes les filières industrielles et notamment celles de la croissance verte », définie comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement. Les filières de la croissance verte sont autant les industries directement liées à l’environnement – assainissement de l’eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables – que les secteurs traditionnels – transport, agriculture et bâtiment.

Ce nouvel objectif rappelle combien la transition énergétique et écologique constitue le moyen de replacer notre pays sur le chemin de la croissance et de la compétitivité, conformément aux conclusions du débat national sur la transition énergétique (DNTE).

Concernant l’article L. 100-2 (alinéas 9 à 16), plusieurs moyens supplémentaires sont ajoutés à ceux d’ores-et-déjà prévus par le code :

– garantir l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, aux personnes les plus démunies (alinéa 11) ;

– diversifier les sources de production d’électricité (alinéa 12) ;

– assurer la transparence et l’information de tous, notamment sur les coûts et les prix de l’énergie ainsi que sur leur contenu carbone (alinéa 13).

Par ailleurs, outre l’État et les collectivités territoriales, le projet de loi confie la mission de traduction des objectifs de la politique énergétique aux citoyens et aux entreprises (alinéa 9). Même s’il lui semble difficile que les citoyens soient invités à veiller à, par exemple, garantir l’accès à l’énergie aux personnes les plus démunies ou à développer la recherche dans le domaine de l’énergie, votre co-rapporteure reconnaît que la transition énergétique et écologique, comme l’a d’ailleurs montré l’intense mobilisation sur les territoires dès le lancement du débat national, intéresse l’ensemble de la population et repose sur une démarche participative, seule garante de son succès.

Enfin, l’article L. 100-2 définit (alinéa 16) les territoires à énergie positive (TEPOS), comme des territoires qui s’engagent dans une démarche permettant d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale. Pour ce faire, un territoire à énergie positive favorise l’efficacité énergétique et vise le déploiement des énergies renouvelables au sein du mix énergétique territorial. Pour la constitution de tels territoires, le projet de loi invite l’État, les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens à associer leurs efforts. La reconnaissance par la loi des territoires à énergie positive constitue une étape importante pour la promotion des initiatives locales engagées dans une démarche de transition énergétique. Cette disposition est évidemment à rapprocher de l’article 56 du projet de loi, qui vise à impulser une dynamique d’expérimentation de territoires à énergie positive, partagée entre l’État et les collectivités territoriales, l’objectif étant d’engager, d’ici 2017, deux cents expérimentations de territoires à énergie positive.

Concernant l’article L. 100-4 (alinéas 17 à 23), de nombreux objectifs quantitatifs fixés par des textes antérieurs sont repris et actualisés. Deux nouveaux objectifs quantitatifs d’importance sont ajoutés : la réduction de la consommation énergétique finale des énergies et la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité.

Au final, cinq objectifs sont ainsi fixés :

1° réduire les émissions de gaz à effets de serre de 40 % en 2030 par rapport à la référence 1990, et respecter l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à 1990 (alinéa 19).

2° réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 (alinéa 20) ;

3° réduire la consommation énergétique finale des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence 2012 (alinéa 21) ;

4° porter, en 2030, la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation finale brute d’énergie. Dans l’étude d’impact, cet objectif d’énergie renouvelable est décomposé en : 40 % de la production d’électricité, à 38 % de la consommation finale de chaleur et à 15 % de la consommation finale de carburants (alinéa 22) ;

5° porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 (alinéa 23).

DÉFINITIONS

Énergie finale : L’énergie finale représente la quantité d’énergie livrée au consommateur (essence à la pompe, électricité au foyer, etc.).

Énergie primaire : L’énergie primaire représente non seulement l’énergie finale livrée au consommateur, mais aussi les pertes d’énergie induites par la transformation de l’énergie (rendement d’une centrale électrique, etc.) et le transport de cette énergie (pertes en ligne d’électricité, etc.). Pour les statistiques d’énergie primaire, la France s’est alignée sur les conventions de calcul de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Émissions directes/ indirectes : Dans le secteur résidentiel-tertiaire par exemple, les émissions directes désignent les émissions produites à l’intérieur du bâtiment ; les émissions indirectes sont celles qui sont produites ailleurs mais qui résultent de consommations du bâtiment, par exemple la production d’électricité.

Émissions totales : C’est l’ensemble des émissions de GES d’un secteur ou d’un pays selon la comptabilisation officielle de la CCNUCC (convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). Des inventaires nationaux sont publiés tous les ans.

Unités de mesures :

- millions de tonnes équivalent CO2 (MteqCO2) pour les mesures contribuant à la réduction des gaz à effet de serre (GES) ;

- millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) pour les mesures contribuant à la réduction de la consommation d’énergie (EE : efficacité énergétique).

Paquet énergie-climat : Composé d’un ensemble de textes législatifs adoptés en décembre 2008 sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, il fixe un objectif européen commun, dit 3 x 20, qui consiste, d’ici à 2020, à : diminuer de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990 ; porter la part d’énergie renouvelable dans la consommation énergétique finale à 20 % en 2020 ; améliorer de 20 % l’efficacité énergétique de l’Union européenne. Dans ce cadre, la France s’est engagée à atteindre 23 % d’énergie renouvelable dans sa consommation d’énergie finale en 2020, à réduire de 14 % entre 2005 et 2020 les émissions de GES des secteurs non soumis à la directive européenne 2003/87/CE, établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES (directive SCEQE), et à améliorer son efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020.

Comme le souligne l’étude d’impact, « les objectifs ainsi fixés aux horizons 2030 et au-delà ne reviennent sur aucune des options correspondant aux engagements européens et internationaux de la France à l’horizon 2020, respectivement dans le cadre du paquet énergie climat et au titre de la seconde période d’engagement du protocole de Kyoto. Au contraire, c’est l’approfondissement des objectifs fixés à l’horizon 2020 en termes de développement des énergies renouvelables (23 % à l’horizon 2020), de réduction des émissions de gaz à effet de serre (notamment la réduction de 14 % par rapport à 2005 des émissions non couvertes par le système communautaire d’échange de quotas d’émissions) et d’efficacité énergétique (diminution significative de la consommation d’énergie), qui est recherché. Y est ajouté un objectif de diversification du mix de production électrique », qui passe notamment par la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique français, conformément à l’engagement n° 41 de M. François Hollande lors de la campagne présidentielle.

À l’heure actuelle, la production d’électricité française est largement dominée par le nucléaire. Cette situation résulte d’un choix effectué dans les années 1970 pour réduire la dépendance énergétique de la France aux pays exportateurs de pétrole et de gaz. Cette production est concentrée sur 19 sites comportant entre 2 et 4 réacteurs.

Le mix électrique français

Source : CRE

Votre co-rapporteure invite le lecteur intéressé à se reporter au rapport, rendu public le 5 juin 2014, de la commission d’enquête parlementaire relative au coût de la filière nucléaire (6), à laquelle votre co-rapporteure a participé, afin d’appréhender de manière globale la place du nucléaire dans le mix électrique français.

Les orientations de la politique énergétique ainsi fixées seront déclinées dans des documents de programmation définis au titre VIII du présent projet de loi : une stratégie bas-carbone, des « budgets » carbone – c’est-à-dire des plafonds d’émission – (article 48) ainsi qu’une programmation pluriannuelle de l’énergie, fixant les priorités d’actions des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie (article 49). Ces documents ont pour objectifs d’assurer la transition énergétique, en prolongeant les efforts entrepris par la France depuis plusieurs années pour réduire nos émissions de GES.

Après deux décennies de croissance, la consommation d’énergie finale est quasiment stable depuis 2000, autour de 160 Mtep par an, traduisant ainsi l’efficacité des politiques publiques en faveur de l’amélioration de l’efficacité énergétique. Bien que bons – la France figure parmi les meilleurs élèves de l’Europe – ces résultats ne sont pas encore au niveau de l’ambition affichée.

Le présent projet de loi forme donc système, afin de mettre en œuvre de manière ambitieuse la transition énergétique et écologique. L’étude d’impact expose le scénario de référence puis présente les principaux effets du changement de modèle énergétique induit par le projet de loi.

Le scénario de référence se fonde sur les éléments suivants :

– la consommation finale énergétique et les émissions de CO2 repartent à la hausse après 2020, sous l’effet de la croissance économique, malgré l’augmentation du prix des énergies fossiles importées (respectivement + 4 % et + 2 % pour la consommation finale énergétique et les émissions de CO2 sur la période 2020-2030) ;

– la part des énergies renouvelables dans la consommation n’augmente que très légèrement sur la période 2020-2030 pour atteindre 19 % en 2030 ;

– la facture énergétique de la France reste stable.

Comme le souligne l’étude d’impact, ce scénario suppose des efforts d’efficacité énergétique pour contenir la hausse de la consommation d’énergie à l’horizon 2020, alors que le scénario correspondant à la mise en œuvre de la transition énergétique générera des effets positifs sur l’économie, au-delà des bienfaits qu’elle engendrera sur l’environnement et l’amélioration du bien-être social. Ainsi, l’étude d’impact souligne que « les impacts économiques du scénario de transition énergétique, mesurés en écart par rapport au scénario de référence, sont positifs dès 2020 et cet avantage relatif s’accroît à l’horizon 2030. Ainsi le PIB (en volume), dans le scénario de transition énergétique, est respectivement supérieur de 0,8 % et 1,5 % (fourchette de 1,4 % à 1,7 %) en 2020 et 2030 par rapport à son niveau en situation de référence. La transition énergétique serait à l’origine de la création nette de l’ordre de 100 000 emplois à court terme et de l’ordre de 220 000 (jusqu’à 300 000 en 2030). Elle induit donc des effets positifs pérennes sur l’emploi. Grâce aux économies d’énergie dans le bâtiment et les transports, la facture énergétique de la France baisse de 7 % à l’horizon 2030 par rapport à 2012 et la part du revenu des ménages consacré à l’énergie est stable sur la période 2012-2030. »

3.  Position de votre co-rapporteure

Même si votre co-rapporteure est consciente des critiques parfois formulées à l’encontre de l’intégration d’objectifs dans la loi, elle considère qu’il est essentiel que le Parlement énonce les grands principes devant guider l’action des acteurs publics. Si la loi est « l’expression de la volonté générale », il est impératif que cette volonté se traduise dans les textes normatifs. C’est pourquoi elle soutient le maintien de ces objectifs au niveau législatif, ainsi que les compléments apportés par le présent projet de loi. Votre co-rapporteure considère ainsi que la définition, par la loi, des territoires à énergie positive, permettra de multiplier les initiatives régionales ambitieuses en faveur de la transition énergétique et écologique. Elle a néanmoins proposé quelques amendements rédactionnels afin de simplifier, clarifier et préciser certaines dispositions.

Les objectifs mentionnés à l’article 1er du projet de loi ne resteront pas lettre morte, et ne peuvent en aucun cas être considérés comme de simples vœux sans lendemain. L’ensemble du projet de loi a vocation à décliner ces principes. Il constitue ainsi un ensemble cohérent en faveur de la transition énergétique et écologique.

Au cours de l’examen du projet de loi en commission, plus d’une trentaine d’amendements ont été adoptés sur l’article 1er. Votre co-rapporteure s’interroge sur la pertinence de certaines nouvelles dispositions, et ne s’interdit pas de proposer de nouvelles modifications en vue de la séance publique. Elle tient à rappeler que l’article 1er fixe les grands objectifs structurants de la politique énergétique nationale, et regrette que la commission ait parfois décidé de diluer ces objectifs, de détailler outre mesure certains points, ou de procéder à des ajouts qu’elle juge superfétatoires.

Outre neuf amendements rédactionnels, de correction, de cohérence ou de précision, votre commission a donc adopté :

– un amendement de votre rapporteure visant à substituer, dans le Titre Ier, l’expression « changement climatique » à celle de « réchauffement climatique ». En effet, bien que le premier enjeu demeure la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) – et donc la lutte contre le réchauffement climatique, les perturbations climatiques ne correspondent pas toutes à un réchauffement climatique. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ont créé, en 1988, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui s’intéresse à la question du changement climatique, réchauffement ou refroidissement, et de l’impact de ces évolutions sur notre planète ;

– contre l’avis de votre co-rapporteure et du Gouvernement, quatre amendements identiques émanant des groupes UMP, SRC et RRDP, visant à faire figurer à la première place l’objectif de préservation de la santé et de l’environnement au sein de l’article L. 100-1 du code de l’énergie. Cette modification apparaît totalement inutile à votre rapporteure, dans la mesure où les objectifs assignés à la politique énergétique ne sont pas hiérarchisés ;

– un amendement du groupe écologiste ayant pour objet de préciser que la politique énergétique a pour objectif de favoriser l’émergence d’une économie non seulement sobre en énergie et en ressources, mais aussi en carbone. Votre co-rapporteure n’est pas convaincue par la rédaction proposée. Par ailleurs, elle estime que cette préoccupation était satisfaite par la rédaction de l’alinéa 6 de l’article 1er, aux termes duquel la politique énergétique doit lutter contre l’aggravation de l’effet de serre ;

– un amendement du groupe écologiste précisant que la politique a pour objet de réduire la dépendance aux importations, et ce afin de sécuriser davantage l’approvisionnement national tout en réduisant le déficit de la balance commerciale française ;

– trois amendements identiques émanant des groupes écologiste, SRC et UDI, visant à préciser que la politique énergétique maintient un coût de l’énergie compétitif, alors que la rédaction initiale du texte faisait référence au « prix » de l’énergie. Votre co-rapporteure s’est opposée à ces amendements. En effet, si l’on peut penser que la réduction du coût de l’énergie aura nécessairement un effet sur le prix, elle considère que si l’on se focalise uniquement sur le coût, cela pourrait entraver le développement de nouvelles filières de production d’énergie encore immatures – ainsi certaines énergies renouvelables présentent aujourd’hui un coût encore important au regard d’énergies moins propres. Par ailleurs, à ses yeux, ce qui importe est avant tout le maintien d’un prix compétitif pour le consommateur, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entreprise ;

– un amendement de M. Jean-Paul Chanteguet et un amendement du groupe écologiste précisant que la politique énergétique veille à maîtriser le risque nucléaire et les risques industriels majeurs. Votre co-rapporteure considère que l’adoption de ces deux amendements conduit à une rédaction très lourde de la loi, d’autant qu’ils apparaissent quelque peu redondants. Par ailleurs, elle estime que la maîtrise du risque nucléaire comme la prévention des risques industriels sont inhérentes à la politique énergétique nationale, et que ces ajouts sont superfétatoires ;

– six amendements identiques émanant des groupes SRC, UMP, RRDP et écologiste, visant à préciser que si la politique énergétique garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie, elle doit veiller que cet accès soit garanti sans coût excessif au regard des ressources des ménages. Bien évidemment, votre co-rapporteure partage l’objectif poursuivi par les auteurs de ces amendements, et estime nécessaire que l’État garantisse un prix de l’énergie accessible. Toutefois, elle note que la rédaction initiale du projet de loi impose à la politique énergétique d’assurer l’accès de tous à l’énergie. Or, l’accès à l’énergie ne désigne pas uniquement un accès technique, mais bel et bien la possibilité pour chacun de pouvoir disposer effectivement de ressources énergétiques, c’est-à-dire à un prix accessible. C’est d’ailleurs ce principe qui est au fondement de la péréquation tarifaire, des tarifs sociaux et, demain, du chèque énergie ;

– un amendement de M. Abad et de plusieurs membres du groupe UMP visant à préciser que la politique énergétique nationale contribue à la mise en place d’une politique énergétique européenne ;

– un amendement de plusieurs membres du groupe socialiste visant à préciser que la politique énergétique nationale lutte contre la précarité énergétique. Votre co-rapporteure considère que cette précision complète utilement l’objectif de « cohésion sociale et territoriale » et « d’accès à l’énergie », déjà mentionné à l’article L.100-1 du code de l’énergie ;

– un amendement de Mme Le Dain reconnaissant le rôle des associations dans la mise en œuvre des principes de la politique énergétique, aux côtés de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens ;

– un amendement de précision de plusieurs députés socialistes ;

– un amendement du groupe écologiste précisant que l’État garantit l’accès des personnes les plus démunies non seulement à l’énergie, mais également aux services énergétiques ;

– un amendement de M. Jean-Paul Chanteguet, rectifié au cours des débats, précisant que l’État veille à procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie, dans la perspective d’une division par quatre des GES ;

– un amendement de M. Le Déaut et de Mme Le Dain indiquant que l’État veille à garantir la formation aux problématiques et aux technologies de l’énergie de tous les professionnels impliqués dans les actions d’économie d’énergie, notamment par l’apprentissage ;

– quatre amendements émanant des groupes socialiste, UMP et écologiste, visant à substituer la notion d’énergie primaire à celle d’énergie finale s’agissant de l’objectif de réduction des énergies fossiles. S’agissant des énergies fossiles, votre co-rapporteure considère qu’il s’agit d’une utile précision, intégrant la consommation indirecte des combustibles ;

– un amendement émanant du groupe socialiste visant à ajouter à la liste des objectifs quantitatifs listés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie des dispositions spécifiques aux outre-mer : atteinte de l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer en 2030 ; objectif de 50 % d’ENR d’ici 2020 en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, et de 30 % à Mayotte. Il s’agit de reprendre des dispositions figurant dans la loi du 3 août 2009, dite Grenelle I ;

– un amendement prévoyant de disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilé, à horizon 2050 en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes. Votre co-rapporteure, qui a participé à la rédaction de cet amendement au cours de la séance, ne s’interdit pas néanmoins de proposer des améliorations rédactionnelles en vue de la séance.

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La Commission est saisie des amendements identiques CS294 de M. Michel Heinrich, CS806 de M. Julien Aubert, CS1242 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1994 de M. Joël Giraud.

M. Michel Heinrich. L’objectif de santé publique et d’environnement doit jouer un rôle primordial dans la transition énergétique et diriger tous les autres.

M. Alain Leboeuf. Nous pouvons sans doute tomber d’accord sur un amendement comme celui-ci qui, sans dénaturer le texte, rappelle le rôle primordial de la santé publique et de l’environnement.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il nous semble important de remonter dans la liste des objectifs de la politique énergétique la préservation de la santé humaine et de l’environnement.

M. Joël Giraud. Même logique, même raisonnement : il s’agit de prioriser cet objectif.

Mme la ministre. Avis défavorable. La liste des objectifs n’est pas hiérarchisée ; ils ont tous la même importance et le même intérêt. Ne perdons pas de temps avec des considérations hiérarchiques quand il y a, dans ce texte, des sujets majeurs.

Si cela peut vous rassurer, je présenterai prochainement en conseil des ministres un plan global pour la stratégie nationale de santé et, au cours de la Conférence environnementale qui aura lieu au mois de novembre, un thème spécifique « santé et environnement » sera traité à l’Institut Pasteur.

La rédaction de l’article 1er a fait l’objet de nombreuses consultations, et notamment d’un débat approfondi dans le cadre du Conseil national de la transition écologique. Il ne serait pas de bon aloi de changer, au gré des humeurs, l’ordre des objectifs qui sont tous également prioritaires.

M. Bertrand Pancher. La santé humaine, madame la ministre, passe également par un bon sommeil. Ce type d’amendement nous fait bien dormir la nuit ; c’est une belle intention qui ne change absolument rien. Il y a d’ailleurs des tas de déclarations de ce genre dans votre projet de loi. Je ne vois pas pourquoi nous n’adopterions pas cet amendement.

Mme la rapporteure. Certains de ces objectifs figuraient déjà dans cet ordre dans le code de l’énergie. Avis défavorable.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS1395 de M. Jean-Luc Laurent, les amendements identiques CS436 de M. Patrick Hetzel et CS929 de M. Julien Aubert, les amendements CS1438 et CS1439 de M. Denis Baupin, les amendements identiques CS1136 de M. Bertrand Pancher, CS1245 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1440 de Mme Cécile Duflot, les amendements identiques CS437 de M. Patrick Hetzel et CS928 de M. Julien Aubert, l’amendement CS1441de M. Denis Baupin et l’amendement CS1253 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement CS1395 propose une autre hiérarchisation des différents objectifs de la politique énergétique et précise certains éléments.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre mérite d’être affirmée d’emblée et ne doit pas être sacrifiée aux enjeux nouveaux qui sont au cœur du projet de loi. Alors que Paris va accueillir la Conférence sur le climat en décembre 2015, la France ne peut pas apparaître en retrait.

Par ailleurs, il est important d’affirmer la nécessité de la souveraineté énergétique sur le territoire national, de préserver la santé humaine, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de maintenir un prix de l’énergie compétitif, qui doit participer au redressement productif et à la compétitivité retrouvée de la France. Voilà pourquoi je propose une rédaction différente des alinéas 3 à 6.

M. Julien Aubert. L’amendement CS929 est défendu.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1438 précise que nous voulons soutenir les filières industrielles sobres en énergie et en ressources, mais aussi en carbone.

Pour ce qui est de l’amendement CS1439, il tend à préciser les objectifs de la politique énergétique en y inscrivant la recherche de l’indépendance énergétique, gage de la souveraineté du pays. Aujourd’hui, notre dépendance, et celle de l’Europe en général, aux importations d’énergies fossiles est forte : près de 500 milliards d’euros y sont consacrés chaque année au niveau européen. Ces milliards sont utilisés à des fins géopolitiques par certains – je pense à M. Poutine, au Qatar et à des groupes terroristes qui ont aujourd’hui la maîtrise de territoires où il y a des productions pétrolières. Il s’agit du transfert de fonds le plus important à travers le monde, tout cela parce que l’Europe n’a pas de politique de maîtrise de l’énergie. Il me semble donc qu’avoir une vision de ce que l’on importe ou non est un élément stratégique de politique énergétique.

Enfin, que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques soient fabriqués avec des éléments importés, tout comme l’uranium, m’a-t-on rétorqué, j’en conviens. Seulement, il y a une grosse différence entre l’investissement et le fonctionnement. S’agissant de l’investissement, on importe aussi les cuves de nos réacteurs nucléaires, et ceux-ci fonctionnent sous licence Westinghouse, avec de l’uranium importé. En revanche, nous n’importons ni le soleil ni le vent !

M. Bertrand Pancher. Le développement indispensable de l’efficacité énergétique passe par un changement de paradigme, à savoir la nécessité de raisonner non plus en fonction du prix de l’énergie, mais de son coût global pour le consommateur quel qu’il soit. C’est pourquoi l’amendement CS1136 tend à substituer le mot « coût » au mot « prix ».

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1245, identique, est défendu.

Mme Cécile Duflot. Il en est de même de l’amendement CS1440.

M. Patrick Hetzel. L’amendement CS437 vise à favoriser l’innovation et la recherche dans le domaine de l’énergie des entreprises, et particulièrement des très petites, petites et moyennes entreprises.

Les arguments développés par M. Baupin sur la filière énergétique sont discutables. On ne peut pas avoir une vision simpliste du nucléaire. Pour effectuer actuellement, au sein de l’OPECST, un travail sur les terres rares, je puis vous dire qu’il faut en utiliser jusqu’à une tonne par éolienne. Or ces terres rares sont obtenues par un processus en amont qui pollue énormément, mais l’on n’entend jamais M. Baupin sur ce point.

M. Martial Saddier. Mme la ministre ne sera pas insensible à notre amendement CS928, car nous ne relèverons pas le défi de la transition énergétique sans les très petites, petites et moyennes entreprises, qui sont l’un des objectifs de ce texte.

M. Denis Baupin. À l’alinéa 6, l’impact sur la santé humaine et l’environnement n’est envisagé qu’à travers l’aggravation de l’effet de serre. Les risques industriels majeurs peuvent également, dans le cadre de la production énergétique, être lourds de conséquences. L’amendement CS1441 propose de les ajouter.

M. Jean-Paul Chanteguet. Avec cinquante-huit réacteurs, la France est le pays le plus nucléarisé au monde. Il me paraît nécessaire d’indiquer, dans l’alinéa 6, qui concerne la préservation de la santé humaine et de l’environnement, que la politique énergétique vise aussi à la maîtrise du risque nucléaire.

Mme la ministre. Tous les objectifs sont d’une importance égale. En changeant l’ordre des priorités, on donnerait un signal négatif, au sens où l’on ferait apparaître que certains objectifs seraient plus importants que d’autres. C’est contraire au but recherché. Avis défavorable à l’amendement CS1395 de M. Laurent, de même qu’aux amendements CS436 de M. Hetzel et CS929 de M. Aubert.

Pour ce qui concerne les amendements CS1438 et CS1439 de M. Baupin, j’émets un avis favorable au premier. Quant au second, qui vise à réduire la dépendance aux importations d’énergie, il est satisfait par la référence à l’autonomie énergétique du pays. Cet amendement me semble donc redondant. Cela étant, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

Avis favorable aux amendements identiques CS1136 de M. Pancher, CS1245 de M. Chanteguet et CS1440 de Mme Duflot, qui me paraissent judicieux.

S’agissant des amendements identiques CS437 de M. Hetzel et CS928 de M. Aubert relatifs aux petites et moyennes entreprises, pour lesquelles vous connaissez mon attachement, je suggère de les déplacer à l’endroit du texte où nous débattrons des moyens donnés à la recherche. S’il faut faciliter l’accès à l’innovation et à la recherche pour les petites et moyennes entreprises, ces dernières peuvent travailler en sous-traitance pour des grands groupes, et il ne faut pas les opposer les unes aux autres. On entre là dans des mécaniques qui s’éloignent un peu des grands objectifs de la loi définis à l’article 1er.

Les risques industriels majeurs sont déjà intégrés à la question de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Néanmoins, j’émets un avis favorable à l’amendement CS1441 de M. Baupin. En tout cas, je le préfère à l’amendement CS1253 de M. Chanteguet, car il y a des risques industriels majeurs qui vont bien au-delà des risques nucléaires. L’amendement de M. Baupin englobe la totalité des risques industriels majeurs.

Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CS1395 de M. Laurent.

Je donne un avis favorable à l’amendement CS1438 de M. Baupin, mais défavorable au CS1439 du même auteur. Assurer la sécurité de l’approvisionnement implique de renforcer l’indépendance énergétique nationale en réduisant notamment les importations.

Je profite de cet amendement pour répondre de manière globale à tous ceux qui suivront. Le projet de loi apporte des compléments nécessaires, mais peu nombreux, aux articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l’énergie. Ainsi, la plupart des objectifs listés figurent déjà dans le code de l’énergie, dont la sécurité d’approvisionnement. Les amendements me semblent donc satisfaits.

J’ai a priori un avis plutôt défavorable aux amendements identiques CS1136 de M. Pancher, CS1245 de M. Chanteguet et CS1440 de Mme Duflot, car il me semble que si l’on ne se préoccupe que du coût de l’énergie, on peut entraver le développement de nouvelles filières de production d’énergie. Je ne suis pas sûre que ce soit notre objectif premier.

Je suis défavorable aux amendements identiques CS437 de M. Hetzel et CS928 de M. Aubert, dont l’objet est abordé à l’alinéa 14 de l’article 1er ainsi qu’à l’article 53.

Enfin, avis favorable à l’amendement CS1441 de M. Baupin et défavorable à l’amendement CS1253 de M. Chanteguet.

M. Denis Baupin. Je ne vois pas, dans le projet de loi, où figure la mention de la réduction de nos importations d’énergie. Assurer la sécurité d’approvisionnement ne procède pas tout à fait de la même idée : cette sécurité peut être assurée par le biais de pas mal d’importations, ce qui ne contribue pas à la réduction de notre dépendance aux importations.

M. Patrick Hetzel. L’intérêt de l’amendement CS437 était précisément de figurer à cette place de l’article 1er. Néanmoins, je le retire.

Les amendements identiques CS437 et CS928 sont retirés.

La Commission rejette successivement l’amendement CS1395 et les amendements identiques CS436 et CS929.

Puis elle adopte successivement les amendements CS1438 et CS1439, les amendements identiques CS1136, CS1245 et CS1440 ainsi que les amendements CS1441 et CS1253.

La Commission est saisie des amendements identiques CS293 de M. Michel Heinrich, CS620 de Mme Barbara Romagnan, CS807 de M. Julien Aubert, CS1257 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1442 de Mme Cécile Duflot et CS1993 de M. Joël Giraud.

M. Michel Heinrich. Nombre de nos concitoyens sont concernés par la précarité énergétique ou pourraient l’être. L’objectif de cohésion sociale, assuré par la possibilité d’accéder à une énergie à bas coût, compatible avec les revenus de nos concitoyens, doit être affirmé dans la loi.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS807 vise à prendre en compte la nécessité de l’accès à l’énergie pour tous.

M. Daniel Fasquelle. Avec l’amendement CS807, il s’agit de mettre le droit français en conformité avec la directive européenne 2003/54/CE, selon laquelle les prix doivent être « comparables, transparents et raisonnables ».

Madame la ministre, une commission d’enquête sur la tarification de l’électricité a été créée, mais vous avez, dans le même temps, fait des annonces à la suite d’une décision du Conseil d’État. Quelle est votre position en ce qui concerne l’évolution des prix de l’électricité et leur tarification ?

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1257 est défendu.

Mme Cécile Duflot. Il en est de même de l’amendement CS1442.

M. Joël Giraud. La cohésion sociale ne doit pas être qu’incantatoire.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte les amendements.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS218 et CS244 de M. Damien Abad.

M. Damien Abad. L’amendement CS218 tend à prendre en compte la dimension européenne de la transition énergétique, qui est la grande oubliée du projet de loi. L’idée est de construire une politique commune de l’énergie, considérant que c’est en marchant ensemble et en s’accordant sur une politique commune de transition énergétique que les États membres de l’Union pourront changer véritablement la donne. Ce texte doit être un premier pas dans ce sens.

L’amendement CS244 va un peu plus loin en proposant de fixer comme objectif la mise en place d’une communauté européenne de l’énergie, un peu sur le modèle de l’ancienne Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Mme la ministre. Nous sommes bien évidemment engagés dans une dynamique européenne. D’ailleurs, dans le domaine de l’énergie, beaucoup de sujets relèvent de la compétence européenne. Ces amendements ne me paraissent pas très utiles. Sagesse.

Mme la rapporteure. L’article L. 100-1 définit les objectifs de la politique énergétique nationale à laquelle il n’y a pas lieu d’associer la construction d’une Europe de l’énergie, même si cet objectif est souhaitable.

M. Charles de Courson. Il faut inscrire la politique française de l’énergie sinon dans une politique européenne de l’énergie, qui fait actuellement défaut, du moins dans une perspective européenne. En matière d’énergie, l’Europe va au-devant de grandes difficultés, qui pourraient commencer dès cet hiver. Chaque État compte sur les autres, qui ne pourront pas toujours l’approvisionner.

Je préfère le second amendement, dont on pourrait modifier ainsi la rédaction, lors de la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88 : « participe à l’élaboration d’une future politique européenne de l’énergie ».

Mme la rapporteure. Je suis plus favorable à l’amendement CS218 qu’au CS244.

La Commission adopte l’amendement CS218.

Puis elle rejette l’amendement CS244.

Elle examine ensuite l’amendement CS976 de Mme Barbara Romagnan.

M. Christophe Bouillon. Il s’agit d’ajouter un sixième objectif à la politique énergétique de la France : la lutte contre la précarité énergétique.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS1583 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’alinéa 9 doit mentionner explicitement, aux côtés des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens, les associations, dont il faut rappeler la place et le rôle dans notre société.

Mme la ministre. Avis favorable. Reste à savoir s’il n’existe pas un terme plus englobant, qui permettrait d’inclure aussi les organisations non gouvernementales.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques CS956 de M. Julien Aubert et CS1604 de M. Joël Giraud.

M. Daniel Fasquelle. Il s’agit de garantir la proportionnalité des aides visant à améliorer la performance énergétique de bâtiments existants aux économies réellement réalisées. On s’assurerait ainsi que l’argent public est bien dépensé.

M. Joël Giraud. On ouvrirait aussi la porte à l’innovation.

Mme la ministre. Avis défavorable. J’invite les auteurs de ces amendements à les retirer, afin de les déplacer, car la performance énergétique des bâtiments est étudiée au titre II du texte. La possibilité de conditionner les aides à la performance énergétique des bâtiments à énergie positive sera ouverte aux régions à titre expérimental.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour la même raison. En outre, on ne peut insérer dans un code un article demandant la remise d’un rapport. Enfin, si l’on veut conditionner les aides publiques à l’efficacité énergétique réelle, mieux vaut solliciter la création d’une mission d’information au sein de l’Assemblée nationale.

Les amendements CS956 et CS1604 sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS780 de M. Julien Aubert et les amendements identiques CS438 de M. Patrick Hetzel et CS927 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. À l’alinéa 10, l’amendement CS780 propose d’ajouter après « efficacité » les adjectifs « énergétique active et passive ». L’efficacité active a trait à la gestion et au pilotage, l’efficacité passive, à l’isolation.

M. Patrick Hetzel. L’amendement CS438 tend à supprimer la référence à la sobriété énergétique, cheval de bataille des économistes de la décroissance. Je m’étonne de l’écart qui oppose les orientations du Gouvernement en matière énergétique et celles que le Premier ministre a présentées dans son discours de politique générale. La croissance est indispensable si l’on veut aider nombre de nos concitoyens à accéder à l’emploi.

Mme la ministre. L’amendement CS780 entre en contradiction avec les amendements CS438 et CS927. Le premier rappelle que l’efficacité énergétique active et passive est complétée par la sobriété énergétique, que les deux autres proposent de supprimer.

Le Gouvernement, qui entend construire une société de sobriété énergétique, est défavorable aux amendements CS438 et CS927. Pour l’amendement CS780, il s’en remet à la sagesse de la Commission. Attention, toutefois, au mot « passif » qui prend, en matière d’énergie, un sens particulier. Quelqu’un qui isole un bâtiment ou le dote d’équipements plus performants est loin d’être passif, au sens où on l’entend généralement.

M. Charles de Courson. Qu’est-ce que la sobriété ? Consiste-t-elle à ne pas boire du tout ou à consommer peu d’alcool ? D’ailleurs, que signifie boire peu ? Évitons d’introduire dans la loi une notion aussi floue, qui n’a pas de portée normative.

M. le président François Brottes. Je partage votre avis sur ce point.

M. Bertrand Pancher. Les amendements ouvrent aussi le débat entre la croissance et la décroissance, ce qui n’a pas de sens. Sur le plan économique, une société est tenue de se développer.

M. Julien Aubert. Je comprends le concept de performance ou d’efficacité énergétique active ou passive, qui établit un lien avec les smart grids et la gestion moderne de l’énergie. Mais pourquoi invoquer une sorte de jansénisme ou de chasteté énergétique, qui nous renvoie à un modèle social très différent du nôtre ? On dépasse l’enjeu du texte si l’on prétend ne plus consommer d’énergie ou tout recycler, et, si vous voulez ouvrir un débat national, nous devons disposer d’une expertise qui nous fait défaut.

M. Serge Letchimy. Je comprends mal le lien que M. Aubert établit entre sobriété énergétique et décroissance. Être sobre, c’est rechercher l’efficacité technique et réduire la demande en modifiant le comportement de chacun. C’est une adhésion collective à une démarche, ce qui n’a rien à voir avec la décroissance.

M. Christophe Bouillon. La sobriété énergétique répond à un engagement européen, auquel nous adhérons. Nul n’ignore que les ressources ne sont pas infinies.

M. Éric Alauzet. La sobriété est un objectif, qui consiste à consommer moins ; l’efficacité énergétique est un moyen. M. de Courson fait sûrement la différence entre la sobriété et l’abstinence.

La Commission rejette successivement l’amendement CS780 et les amendements CS438 et CS927.

Elle aborde l’amendement CS646 de Mme Barbara Romagnan.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS646 tend à garantir un droit effectif à l’énergie, sur le modèle du droit d’accès au compte bancaire, à l’eau ou au logement.

Mme la ministre. Sagesse.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les dispositifs existants, même imparfaits, assurent à nos concitoyens l’accès à l’énergie. Les lois Brottes et ALUR ont renforcé la protection des plus précaires en encadrant le dispositif des coupures et en allongeant la trêve hivernale.

M. Julien Aubert. Pourquoi affirmer un droit sans le rendre opposable, ce qui en limite la portée ? Mieux vaudrait garantir l’existence d’un service public et protéger celui-ci, malgré l’ouverture à la concurrence.

M. Jean-Paul Chanteguet. On ne peut garantir un droit d’accès à l’énergie qu’en luttant contre la précarité énergétique, comme le fait le texte.

M. le président François Brottes. Le vote de l’amendement appellerait une série de dispositions normatives que ses auteurs ont sûrement anticipées.

La Commission rejette l’amendement CS646.

Elle en vient à l’amendement CS1443 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Les plus démunis doivent bénéficier non seulement de l’accès à l’énergie mais de tous les moyens qui permettent de l’économiser. On évitera ainsi que certaines personnes ne soient logées dans des passoires énergétiques.

Mme la ministre. Avis favorable, d’autant que le déploiement des compteurs intelligents permet désormais une gestion active de la consommation.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS972 de M. Yves Daniel.

Mme la ministre. Avis favorable.

Mme la rapporteure. La précision est inutile, puisque le texte définit les objectifs de la politique énergétique nationale.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement C974 de M. Yves Daniel.

M. Christophe Bouillon. Dès lors que le projet de loi reconnaît l’énergie comme bien de première nécessité, il doit favoriser son accès à tous tant sur le territoire national qu’à l’étranger. La pauvreté énergétique étant un frein majeur au développement des pays les plus pauvres, nous proposons de faire de l’accès à l’énergie une priorité de notre politique d’aide au développement.

Mme la ministre. Sagesse.

Mme la rapporteure. L’amendement apporte une précision superfétatoire. L’article 4 et le rapport annexé de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dite loi Canfin, font de l’accès à l’énergie une priorité de notre aide au développement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1444 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Les consommateurs et les acteurs économiques sont responsables de leur consommation énergétique. Encore faut-il qu’on leur donne les moyens de la maîtriser, notamment par le biais d’internet et des nouveaux outils, comme les compteurs intelligents.

Mme la ministre. Sagesse. L’amendement me semble satisfait par les dispositions tendant à permettre une gestion active de la consommation d’énergie.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par les alinéas 10 et 13.

L’amendement CS1444 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS2190 de la rapporteure et les amendements identiques CS196 de Mme Sophie Rohfritsch et CS590 de M. Stéphane Travert.

Mme la rapporteure. L’amendement CS2190, qui tend à substituer le mot « électricité » au mot « énergie », est de précision.

Mme Sophie Rohfritsch. Le texte souffre sur ce point, non d’un manque de précision, mais d’un véritable flou : il est presque exclusivement orienté vers l’électricité, ce que l’amendement CS196 propose de corriger.

M. Stéphane Travert. Pour éviter d’opposer les énergies les unes aux autres ou d’exclure certains modes de production d’énergie, l’amendement CS590 propose d’ajouter, après le mot « électricité », les mots « , de gaz et de chaleur ».

Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement CS1290. Dès lors qu’il s’agit de corriger une erreur matérielle, les procès d’intention ne sont pas de mise. Avis défavorable aux amendements CS196 et CS590.

M. Bertrand Pancher. S’agit-il vraiment de corriger une erreur matérielle ? Le texte, ciblé sur l’électricité, parle fort peu du gaz ou d’autres formes de production énergétique.

M. Charles de Courson. L’amendement de la rapporteure, auquel nous sommes favorables, n’est pas de précision. L’objectif premier du texte était d’abaisser à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire et d’augmenter la part du renouvelable, autrement dit de diversifier de manière équilibrée les sources de production d’électricité. Il s’agissait d’un texte « tout électrique », qui ignorait en grande partie le gaz et le pétrole.

M. le président François Brottes. Mme la ministre a plaidé l’erreur. Évitons les faux débats.

M. Charles de Courson. L’amendement est non de la ministre mais de la rapporteure. Et celle-ci a raison de dire qu’il faut mener une politique globale des énergies. Mais il s’agit là d’une modification réelle.

Mme la ministre. Relisez le titre du projet de loi : vous constaterez que celui-ci porte sur la transition énergétique, non sur la transition électrique. Quant au pétrole, il est au cœur du texte, qui vise à remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables ou les économies d’énergie, afin de diminuer la facture énergétique.

La Commission adopte l’amendement CS2190.

En conséquence, les amendements CS196 et CS590 sont sans objet.

La Commission en vient à l’amendement CS916 de Mme Béatrice Santais.

Mme Béatrice Santais. L’amendement vise à inscrire dans le texte de loi les énergies renouvelables produisant de la chaleur.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par l’amendement CS2190, que nous venons d’adopter.

Mme la rapporteure. Même position.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS926 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Pour revenir un instant sur les amendements précédents, je rappelle qu’aucun chapitre du projet de loi ne traite des hydrocarbures ni des énergies fossiles. Les énergies vertes et électriques ne remplacent pas le pétrole, mais le nucléaire. Autant dire que la substitution du mot « énergie » à celui d’« électricité » ne relève pas d’une simple précision.

L’amendement CS926 vise à remettre la compétitivité des entreprises au cœur du texte, pour donner à celui-ci une dimension tant écologique qu’économique.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait, puisque le mot compétitivité figure à l’article 1er.

Mme la rapporteure. Même position.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques CS89 de M. Martial Saddier et CS212 de M. Charles de Courson.

M. Martial Saddier. L’amendement CS89 est défendu.

M. Charles de Courson. Nous avons eu un long débat sur la compétitivité. Je retire l’amendement CS212.

L’amendement CS212 est retiré.

Mme la ministre. L’amendement CS89 est satisfait.

Mme la rapporteure. Même position.

M. Martial Saddier. Je retire l’amendement CS89.

L’amendement CS89 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1163 de M. Jean-Yves Le Déaut.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’alinéa 12 de l’article 1er, afin de préciser que l’État doit veiller à « promouvoir un contexte réglementaire favorable à l’innovation, notamment dans les petites et moyennes entreprises et dans les petites et moyennes industries ; ».

Mme la ministre. Cet amendement sera satisfait, car nous intégrerons la prise en compte des PME dans le volet consacré à l’innovation et à la recherche.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1252 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2014, l’Assemblée nationale a inséré une disposition créant une contribution climat-énergie. Le carbone fait partie de l’assiette de la fiscalité sur les énergies fossiles, et le prix de la tonne de carbone a été fixé à 7 euros pour cette année, à 14 euros pour l’année prochaine et à 22 euros en 2016. La commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard sur les priorités stratégiques d’investissement dans le cadre d’un emprunt national, et le rapport remis par M. Jean Pisani-Ferry, intitulé Quelle France dans dix ans ?, ont proposé que le prix de la tonne de carbone atteigne 100 euros en 2030, afin d’atteindre l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous souhaitons que l’alinéa 12 prévoie que l’État veille à « procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie, qui, dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre, doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2 ; ».

Mme la ministre. Je comprends la préoccupation sous-tendue par cet amendement, mais le prix de la tonne de carbone résulte du mix et du pilotage énergétiques ; afficher brutalement une hausse de l’énergie enverrait un signal malheureux aux consommateurs en situation de précarité, qui subissent déjà des augmentations de leur facture énergétique.

Mme la rapporteure. Ce sera aux budgets carbones et à la stratégie bas carbone de définir la trajectoire à suivre pour réduire les émissions de GES. La stratégie bas carbone pourra inciter à moduler la contribution climat énergie. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

M. Bertrand Pancher. MM. Jean-Paul Chanteguet et Arnaud Leroy ouvrent un beau débat en déposant cet amendement : les signaux relatifs au prix du carbone manquent actuellement de clarté et de prévisibilité, comme l’atteste l’instabilité des prix constatée ces dernières années. Les certificats d’économies d’énergie illustrent également les difficultés présentes en ne constituant pas une quelconque valeur pour les entreprises. En outre, nous ne devons pas faire abstraction du débat européen sur le coût des quotas de CO2.

Madame la ministre, on ne peut pas se contenter de brandir l’argument de la dureté de la situation pour occulter cette question. Si nos compatriotes ne changent pas leur mode de consommation, les choses ne s’amélioreront jamais. La réorientation de la fiscalité se révèle stratégique : on ne fera pas de politique de l’environnement sans créer de contraintes et en se contentant d’invoquer une prise de conscience de la part de chacun.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je pourrais déposer un autre amendement indiquant la nécessité de l’évolution du prix de la tonne de carbone dans le temps pour permettre un changement de comportement des consommateurs et des entreprises, mais ne précisant pas le niveau de ce prix en 2030.

Mme la ministre. Nous devons inciter les consommateurs et les opérateurs à changer de comportement pour que le prix évolue. Si nous décidions, au contraire, de matraquer les gens et les entreprises en annonçant aujourd’hui une hausse de la tonne de carbone jusqu’à 100 euros en 2030, nous ferions naître un sentiment anxiogène. Les élus des collectivités territoriales sont engagés dans la transition énergétique et modifient leur comportement, y compris dans leur gestion des fonds publics. Le crédit d’impôt incitera nos concitoyens à faire évoluer leur conduite, et la gestion du prix et des coûts des énergies renouvelables pousseront les entreprises à investir dans la transition énergétique. Il s’agit d’un choix démocratique et de responsabilité des acteurs économiques et des citoyens, afin que les gens aient la possibilité et donc la liberté de modifier leur comportement au moment où nous enverrons un signal sur le prix. Le matraquage par les prix et l’écologie punitive rendront difficile l’évolution des comportements que nous souhaitons. La question du prix du carbone en 2030 se posera, bien entendu, mais ce sont le mix et le pilotage énergétiques – dans lesquels le Parlement aura un rôle très important à jouer – qui permettront de fixer le prix adapté aux comportements les plus vertueux.

M. Éric Alauzet. On peut comprendre les réserves et les appréhensions de l’opinion publique à de telles annonces, mais le prix constitue le seul levier efficace pour assurer la transition écologique ; bien entendu, dans un monde parfait où l’argent serait abondant, on pourrait fonder cette politique sur les seules aides, mais ce choix n’est pas soutenable pour les finances publiques : il convient donc de créer des systèmes de bonus- malus.

La société a besoin de stabilité et de signaux clairs. La contribution climat-énergie a été lancée pour trois ans, mais quel message adressons-nous pour la suite ? La proposition de M. Jean-Paul Chanteguet de ne pas afficher un prix pour 2030 doit permettre de lever les réticences tout en conservant l’annonce d’une direction pour les moyen et long termes. Nous devons avoir ce courage-là.

Mme la ministre. L’annonce d’une augmentation de 100 euros du prix de la tonne de carbone induira chez les Français la perception d’une hausse de 100 euros de leur facture. Il y a lieu d’expertiser cet amendement avant la séance publique, afin de pouvoir répondre à votre préoccupation, M. Chanteguet.

M. Julien Aubert. Il s’agit d’un vrai débat, et le groupe UMP soutient l’adoption de cet amendement. En Allemagne, le développement du charbon résulte du dysfonctionnement du marché du carbone. Madame la ministre, la fermeture des centrales nucléaires enverra également un signal sur le prix de l’électricité. Nous sommes d’accord sur les objectifs, et vous avez sans doute raison sur le calendrier, mais ce qui vaut pour le fossile vaut aussi pour l’électrique. Donnons-nous un horizon plus long pour la hausse du prix de la tonne de carbone, mais n’abandonnons pas le symbole politique et remettons d’aplomb le marché carbone en tapant du poing sur la table.

Mme Cécile Duflot. Le secrétaire général de l’ONU et les présidents français et péruvien ont consacré un important développement à la taxation carbone dans leur déclaration hier à New York. Plus personne ne considère qu’une lutte efficace contre le dérèglement climatique puisse faire l’impasse sur un système donnant à la tonne de carbone un prix bien plus élevé qu’il n’est aujourd’hui. Des grandes entreprises, regroupées dans une coalition dirigée par le président-directeur général de Statoil, acceptent cette idée de la contribution carbone, et les États-Unis sont prêts à s’engager dans cette démarche. Nous ne pouvons pas ne pas nous insérer dans cette dynamique mondiale sur la taxation du prix du carbone.

La France souhaitant se montrer exemplaire avant le sommet sur le climat qu’elle organisera l’année prochaine, nous devons emprunter ce chemin menant à la sortie de la civilisation du carbone. Pour ce faire, nous devons élaborer des objectifs ambitieux en matière de taxation du carbone, ce qui nous permettra de travailler efficacement avec les autres pays.

M. Bertrand Pancher. La nécessité de fixer un niveau élevé au prix du carbone ne suscite aucune controverse chez les chercheurs et les experts. Si nous éludons cette exigence, nous ne réussirons pas à changer notre modèle énergétique. Il faut laisser au consommateur la possibilité de s’adapter, dites-vous, mais la vitesse du changement climatique pourrait ne pas le permettre. Nous devrions donc insérer cet objectif de prix du carbone dans le projet de loi – s’il n’y en avait qu’un à retenir, ce serait sans doute celui-ci.

M. Christophe Bouillon. Chacun s’accorde sur le constat et sur l’objectif louable, mais la rédaction de cet amendement n’est pas satisfaisante. Il serait utile de le retravailler d’ici à la séance publique, afin de fixer en toute connaissance de cause un prix au carbone qui soit adapté au signal que nous souhaitons envoyer.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je ne suis pas opposé à une modification de la rédaction de l’amendement, mais je maintiens celui-ci, car il faut adresser un signal fort. Il sera toujours possible de le réécrire dans le cadre de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale ou en séance. Je tiens enfin à rappeler que c’est notre majorité qui a mis en place la contribution climat-énergie.

M. Éric Alauzet. La politique d’aide en matière de déchets – prévention, réutilisation, tri, déchetteries – permet péniblement de diminuer la quantité de déchets de 2 à 4 % ; la redevance incitative, quant à elle, a induit une baisse de 30 % en un an. Les aides consomment de l’argent public et s’avèrent peu efficaces, alors que la facturation au prix possède un effet puissant.

M. Martial Saddier. Nous sommes un certain nombre de députés à nous être battus pour que les textes adoptés par les commissions soient ceux discutés en séance publique. Servons-nous de ce renforcement des pouvoirs du Parlement, maintenant entré dans les faits, pour adopter cet amendement, quitte à ce que le Gouvernement propose un nouvel amendement en séance publique. Je rejoins mes collègues sur la nécessité d’envoyer un signal dès maintenant sur le prix du carbone et d’adopter cet amendement.

Mme la ministre. Je propose un sous-amendement qui consisterait à laisser la partie « procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre » et à supprimer la partie indiquant que cette contribution « doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2 ; ». Nous conduirons une expertise technique d’ici à la séance publique.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je soutiens l’adoption du sous-amendement présenté par Mme la ministre.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1884 de Mme Anne-Yvonne Le Dain, CS2175 de la rapporteure, CS1445 de M. Denis Baupin, CS650 de M. Yves Daniel et CS2176 de la rapporteure.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’alinéa 13 de l’article 1er dispose que l’État veille à « assurer l’information de tous de manière transparente, notamment en matière de coûts et de prix de l’énergie ainsi que leur contenu carbone (…) ». Mon amendement vise à préciser que cette action touche autant le consommable – ce que paient les consommateurs, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises – que les investissements initiaux. Il est important d’insérer la consommation en tant qu’acte dans l’article 1er du projet de loi.

M. le président François Brottes. Les amendements CS2175 et CS2176 de Mme la rapporteure sont rédactionnels.

M. Denis Baupin. La transparence de l’information s’avère importante, car plus les consommateurs connaîtront véritablement les prix et les coûts et plus ils effectueront leurs choix dans le sens de l’intérêt général. Ainsi, en ne parlant que du coût, du prix et du contenu carbone, on néglige les impacts sanitaires, sociaux et environnementaux des énergies – pollution de l’air ou risques industriels notamment.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS650 est défendu.

Mme la ministre. Les amendements CS1884, CS1445 et CS650 sont satisfaits, car le texte prévoit déjà le droit à l’information de tous. Il n’est pas souhaitable d’alourdir la loi, et l’énumération pourrait conduire à des oublis alors que la formule du droit à l’information couvre tous les aspects directs et indirects de l’énergie.

J’émets, en revanche, un avis favorable à l’adoption des amendements CS2175 et CS2176 de Mme la rapporteure, le premier ayant justement pour objet la transparence et l’information de tous.

Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’adoption de l’amendement CS1445, ne serait-ce qu’en raison de sa mauvaise rédaction. Mon avis est le même pour les amendements CS1884 et CS650, déjà satisfaits.

M. Denis Baupin. Je retire mon amendement.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS650 est retiré.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire également mon amendement.

Les amendements CS1884, CS1445 et CS650 sont retirés.

La Commission adopte les amendements CS2175 et CS2176.

La Commission est saisie de l’amendement CS1886 de Mme Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est nécessaire que le consommateur puisse maîtriser sa consommation. Pour ce faire, il convient qu’il la connaisse exactement ce et pas a posteriori en allant chercher l’information sur un compteur difficile d’accès, ce qui est plutôt la norme aujourd’hui. Cela vaut pour le gaz, mais surtout pour l’électricité.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. L’amendement de Mme Le Dain est satisfait. Ce matin, nous avons évoqué l’accès de tout citoyen à la maîtrise de la consommation active. Pour maîtriser sa consommation de façon active, il faut forcément en avoir l’information.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Même avis.

M. Julien Aubert. Il me semble que l’amendement vise à aller au-delà des informations que fournira le compteur Linky. Mais cet au-delà n’est pas financé… De deux choses l’une : ou bien le compteur Linky donnera tous les éléments nécessaires, auquel cas cet amendement est inutile, ou bien il s’agit d’un service supplémentaire, et il faudra bien le matérialiser. Je suis plutôt défavorable.

M. le président François Brottes. Monsieur Aubert, je me demandais si vous n’étiez pas l’auteur de l’article 40 de la Constitution ! Je vous signale que cet amendement n’aurait pas pu être présenté s’il avait pour but d’entraîner une dépense supplémentaire.

M. Julien Aubert. On reproche parfois au compteur Linky de ne pas fournir suffisamment d’informations. Permettre à l’usager de connaître sa propre consommation pour pouvoir la maîtriser suppose donc des équipements particuliers. S’il faut installer des équipements supplémentaires, cela suppose un coût. Je doute que ce soit ERDF ou le contribuable qui paient.

M. le président François Brottes. Monsieur Aubert, merci de nous avoir donné votre avis. J’essaierai de vous le demander de temps en temps ! (Sourires)

Mme Anne-Yvonne Le Dain. J’ai bien entendu les observations de Mme la ministre. Ce qui est important, c’est d’envoyer un signal en direction du consommateur.

Monsieur Aubert, nulle part je n’ai dit qu’il reviendra à la puissance publique de financer cette affaire. En revanche, la loi peut très bien préciser qu’il appartiendra au fournisseur d’accès de faire en sorte que le consommateur puisse avoir facilement accès à certaines informations. Tout n’est pas argent public, cher collègue.

Je retire l’amendement CS1886.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1885 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il s’agit de mettre en place des méthodes d’appréciation explicites des externalités positives et négatives de toutes les énergies, fossiles ou renouvelables. Il est important d’inscrire dans la loi qu’il faut se donner les moyens de regarder ce qui vient en plus et en moins en termes de coût financier, de coût carbone pour l’ensemble des énergies, et particulièrement pour ce qui touche au calcul des durées d’amortissement des investissements, dont on ne parle jamais, mais qui varient considérablement selon les technologies.

Mme la ministre. Avis défavorable. Je rappelle que nous sommes sur l’article 1er qui arrête les grands objectifs. Tout ce qui complexifie ces grands objectifs risque de les affaiblir. Nous pourrons rediscuter des moyens techniques dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et lors de l’élaboration des textes réglementaires d’application.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire l’amendement CS1885.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1164 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il faudrait définir une politique d’achat public exemplaire en faveur des petites et moyennes entreprises et des petites et moyennes industries, en appréciant les offres sur la base des prix calculés sur le cycle de vie, et en poursuivant une politique d’investissement indispensable au maintien de la performance des services publics impliqués dans la transition énergétique et la croissance verte.

Le marché de la rénovation sera très important dans les prochaines années. Malheureusement, on voit que les grands groupes en bénéficient plus que les PME-PMI. Si l’on veut que les PME-PMI se développent dans nos territoires, – c’est l’équivalent de ce que prévoient les États-Unis avec le Small business act ou ce que l’on a fait au niveau du ministère de la défense –, il serait bon de l’inscrire dans la loi.

Mme la ministre. Même avis que précédemment. Le texte que vous proposez d’introduire à l’article 1er est extrêmement complexe. Je crains même qu’il n’effraie les PME-PMI et affaiblisse les grands objectifs. Mieux vaut examiner cette disposition lorsque nous aborderons les articles relatifs aux investissements, à l’encouragement, à l’innovation, à l’achat de l’énergie.

Le Gouvernement est prêt, et je l’ai prouvé, à une co-construction de ce texte de loi en vue de l’améliorer. Mais il ne faut pas oublier que ce projet est aussi le fruit de consultations extrêmement denses et nos partenaires doivent pouvoir s’y retrouver. Beaucoup de choses ont déjà été introduites dans le texte à la suite de négociations très longues avec le Conseil national de la transition écologique où tous les partenaires sociaux sont représentés, ainsi que les ONG. Ensuite, le projet a été examiné par le Conseil économique, social et environnemental. Là aussi, des heures de travail ont été nécessaires pour trouver un juste équilibre. Puis ce fut au tour du Conseil d’État d’en être saisi. Enfin, votre commission a procédé à des auditions. Le Gouvernement souhaite respecter toute cette procédure de consultations préalables de l’ensemble des forces vives du pays, y compris l’ensemble des filières économiques et industrielles liées à la transition énergétique.

Des amendements ont été débattus au sein du groupe socialiste qui a beaucoup travaillé et des amendements individuels de parlementaires sont venus s’y rajouter à ce dispositif. Par ailleurs, la commission du développement durable a effectué un travail important ainsi que le président de la commission spéciale et les rapporteurs. Il appartient aux parlementaires de la majorité et de l’opposition de prendre leurs responsabilités. Je m’en remets à votre sagesse, mais j’appelle votre attention sur la question de l’équilibre de ce texte. Les opérateurs économiques attendent quelque chose de simple et efficace qui doit déclencher l’investissement économique dans notre pays. Tout ce qui risque de complexifier les choses doit être vraiment calculé à l’aune des possibles effets pervers, dans un texte particulièrement délicat et technique, dont les équilibres sont subtils grâce au travail que nous avons accompli les uns et les autres en partenariat. C’est cet équilibre que je m’attacherai à défendre globalement, laissant les parlementaires prendre leurs responsabilités, sous la houlette du président de la commission spéciale et du président de la commission du développement durable, de vos rapporteurs et des groupes, particulièrement ceux de la majorité.

M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos arguments et je vais m’y rallier en retirant mon amendement. Le travail collectif réalisé par le Parlement montre qu’il y a un certain nombre de freins réglementaires et que l’État ne montre pas l’exemple – mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Si l’on veut une politique exemplaire en matière de croissance, notamment de croissance verte, il faudrait que l’État soit le premier à aller dans ce sens. Je souhaite donc que l’on puisse en rediscuter dans une autre partie du texte. Peut-être vos conseillers pourraient-ils réfléchir sur cette question qui me paraît très importante.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS532 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement fait partie des conclusions que l’UMP a rendues sur l’autre débat sur la transition énergétique. Nous pensons qu’une loi sur la stratégie énergétique ne peut pas faire l’économie d’un débat sur les hydrocarbures non conventionnels, que l’on soit pour ou contre. Il faut savoir sortir, à un moment donné, d’un débat qui a été gelé. Je souligne qu’il ne s’agit pas d’un sujet opposant la droite et la gauche puisque les avis sont très partagés de part et d’autre de l’hémicycle.

Nous ne proposons pas ici d’autoriser l’exploitation du gaz de schiste et du pétrole de schiste, mais d’appliquer la loi du 13 juillet 2011 et de permettre l’exploration et les expérimentations – sous contrôle public – en matière non de gaz de schiste, mais de pétrole de schiste. Nous faisons une distinction entre ces deux énergies car le pétrole de schiste est localisé en Île-de-France, dans une région où l’on exploite déjà le pétrole et où, à croire les experts, il y aurait des ressources confirmées, ce qui n’est pas tant le cas du gaz de schiste. Nous pensons que ce projet est un bon véhicule pour faire avancer les choses. Nous n’en sommes pas encore à parler des méthodes d’exploitation, mais on ne peut pas avoir un débat serein si l’on ne connaît pas le montant exact de ces ressources. Et si elles devaient un jour être exploitées, il est précisé que les éventuelles recettes perçues par l’État devraient être destinées au développement des énergies vertes. C’est une source comme une autre de financement de la transition énergétique qui coûtera très cher.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Des rapports viennent d’être publiés très récemment aux États-Unis sur le bilan de l’exploitation des gaz de schiste. Ils font état d’effets pervers liés à une bulle spéculative, de dommages graves aux riverains en termes de santé publique et de dégradation de l’environnement. Lorsque les puits de gaz de schiste sont épuisés, ils sont abandonnés de façon sauvage sans que la responsabilité des entreprises soit engagée en matière de réparation de ces graves dégradations portées à l’environnement, avec des riverains laissés à eux-mêmes, des salariés déplacés ou contraints au chômage. Le fait que les États-Unis eux-mêmes soient donc en train de revenir sur ces expériences montre que la France n’a pas à se lancer à l’aveugle dans ce type d’investigations nocives pour la santé publique et destructrices pour l’environnement.

Mme la rapporteure. Défavorable, la question de l’exploration des hydrocarbures ayant été réglée par la loi du 13 juillet 2011, dite loi Jacob.

M. Julien Aubert. L’existence d’une loi Jacob n’a pas échappé à l’UMP… Premièrement, mon amendement ne vise pas à autoriser l’exploitation du gaz ou du pétrole de schiste, mais à procéder à une évaluation géologique des éventuelles réserves que possède la France. Je précise que 90 % de ce travail ne nécessite pas de creuser le moindre trou et que la connaissance du sous-sol, outre l’avantage de connaître les réserves, permettrait de disposer d’informations qui pourraient être utiles dans toute une série de domaines et donc de nourrir des filières.

Deuxièmement, la loi Jacob interdit le recours à la fracturation hydraulique, mais met en place un comité de suivi pour piloter les recherches qui ne seraient pas nocives à l’environnement. Si l’interdiction a bel et bien été appliquée, le volet pilotage n’a jamais été mis en œuvre. J’ajoute que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a fait évoluer sa position sur la question en reconnaissant qu’il fallait désormais dépasser ce clivage.

L’environnement ne sera pas massacré parce que nous expertisons nos ressources géologiques. Cela permettra d’avoir un vrai débat public et un vrai débat économique et de savoir exactement de quoi l’on parle. Pour ma part, je ne suis pas nécessairement favorable au gaz de schiste, mais j’estime que ne pas savoir est profondément antiéconomique.

Mme Sophie Rohfritsch. Il est question dans l’agglomération strasbourgeoise d’expérimenter de la géothermie profonde, voire très profonde. Or on ne se pose pas de question sur la faisabilité ou non d’une telle expérimentation. Les permis sont délivrés par le ministère et même directement par la préfecture quand il s’agit de profondeurs moyennes. Les méthodes employées ont déjà provoqué de sérieux dégâts à Lochwiller dans le Bas-Rhin. Et voilà que vous vous opposez à un amendement qui ne vise qu’à autoriser la recherche de nouvelles sources énergétiques par des méthodes très encadrées… Où est la logique ?

M. Denis Baupin. Ce matin, M. Aubert nous a expliqué, au nom du groupe UMP, que l’objectif unique de toute politique énergétique était de réduire les émissions de gaz à effet de serre. En la matière, il y a une nette différence entre la géothermie et les gaz de schiste. Je rejoins la position de Mme la ministre et Mme la rapporteure. Si véritablement l’objectif que vous avez défendu – et dont on voit bien les arrière-pensées – est uniquement de lutter contre le dérèglement climatique, il ne faut surtout pas aller chercher des réserves d’énergies fossiles supplémentaires, sachant que les réserves connues au niveau planétaire sont cinq fois plus élevées que ce qu’il faudrait utiliser si l’on veut limiter le réchauffement de la planète à deux degrés. On n’a donc vraiment pas besoin d’aller chercher des réserves supplémentaires.

M. Christian Bataille. C’est un sujet que je connais fort bien puisque j’ai rédigé un rapport de plusieurs centaines de pages avec le sénateur Jean-Claude Lenoir. Je trouve pour ma part l’argumentation de M. Aubert excellente.

Je rappelle que le point de départ, c’est la loi Copé-Jacob de 2011. L’interdiction de la recherche, notamment sismique, découle d’un décret de Mme Batho : une décision aussi obscurantiste est particulièrement choquante dans le pays de Voltaire. Permettre la recherche ne débouchera pas nécessairement sur une exploitation industrielle. Notre sous-sol n’est pas très connu ; dans bien des endroits, nous avons besoin d’un travail scientifique pour l’explorer. Cet amendement me paraît tout à fait justifié.

Mme Sabine Buis. C’est un sujet que, moi aussi, je connais très bien pour avoir failli être victime de permis qui auraient pu être accordés dans ma circonscription. J’espère que M. Bataille s’est exprimé en son nom et non pas au nom du groupe socialiste, car je ne partage pas du tout son avis.

M. Bertrand Pancher. Ce sujet n’est pas facile à appréhender. La problématique n’est pas la même suivant le type de carburant compte tenu de leurs incidences variables en termes d’émission de gaz à effet de serre. L’idée de redémarrer des recherches peut séduire, à ceci près que toutes les sociétés concernées diront qu’une telle opération n’a de sens que si les investissements sont couverts par des perspectives d’exploitation… Je ne suis pas certain qu’il faille traiter ce sujet au détour d’un amendement. Mais le débat méritait d’être ouvert.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je m’abstiens sur cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS925 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’article 1er met en avant l’importance de la recherche-développement dans le domaine de l’énergie. La transition énergétique n’a de sens que si elle se met au service de l’emploi. On sait que l’emploi est localisé dans les très petites, les petites et moyennes entreprises de ce pays. Il s’agit d’un amendement d’appel.

Mme la ministre. J’ai répondu tout à l’heure sur le bien-fondé de cette préoccupation et sur le fait que l’article 1er ne peut intégrer des amendements aussi pointus. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen des articles relatifs à l’investissement dans les entreprises. Par ailleurs, il ne faut pas opposer les PME et les grandes entreprises : les PME sous-traitantes doivent pouvoir bénéficier elles aussi des commandes des grands groupes.

Mme la rapporteure. Même avis. L’article 1er concerne les grands objectifs et pas les déclinaisons.

M. Julien Aubert. Je retire l’amendement CS925, même s’il n’est pas aussi pointu que vous le dites, madame la ministre : reconnaissez qu’il n’est pas aussi complexe que ceux que j’ai défendus précédemment.

M. le président François Brottes. Mais il ne relevait pas des grands objectifs. Les articles suivants sont mieux à même de traiter du détail.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1398 de M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement vise à compléter l’alinéa 14 par les mots : « et notamment les recherches sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération ».

La diversification du mix énergétique est un objectif légitime mais il ne doit pas masquer un objectif caché de sortie du nucléaire. La filière nucléaire n’est pas une impasse dont il faut sortir, mais un atout important de notre pays. Pérenniser la filière nucléaire nécessite de préparer son avenir, autrement dit d’investir dans la recherche, et celle-ci doit apparaître au rang des objectifs au titre de l’article 1er.

Mme la ministre. La recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération est en cours. Afficher dans le projet de loi la nécessité d’une recherche déjà en cours se retournerait au final contre la filière nucléaire. Ajoutons que bien d’autres domaines dans le nucléaire nécessitent qu’on y développe la recherche.

Mme la rapporteure. Même avis.

M. Jean-Luc Laurent. Je maintiens mon amendement.

M. Julien Aubert. J’irai dans le sens de cet excellent amendement. On sait bien qu’il y a des recherches, mais il faut établir des hiérarchies. En réalité, ce projet de loi prévoit de baisser la production nucléaire alors que, dans le même temps, notre pays investit dans une nouvelle génération de réacteurs. L’opposition d’aujourd’hui et la majorité de demain vont devoir trancher pour savoir comment cette quatrième génération s’inscrit dans le processus de réduction de la capacité nucléaire. Compte tenu des investissements réalisés et de la nature particulière de la quatrième génération, qui permettra de recycler une grande partie des déchets, ce qui répond à l’un des arguments avancés par les opposants au nucléaire, il est important de montrer que ce projet de loi ne vise pas à éteindre sans le dire la réflexion en matière nucléaire. Ne pas voter cet amendement pourrait être interprété comme une forme de recul, de renoncement… ou d’euthanasie cachée.

M. Denis Baupin. Il ne faut pas limiter la recherche dans le domaine de l’énergie aux seuls réacteurs nucléaires de quatrième génération ! D’autant que le directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire nous a précisé que cette génération pourrait, au mieux, être déployée à la fin de ce siècle. Par ailleurs, lorsqu’il a été auditionné par la commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, le directeur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables a déclaré que les directives de l’Autorité de sûreté nucléaire sur le projet ASTRID – Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration – étaient excessives par rapport à ce que le CEA avait prévu de faire. L’OPECST lui-même, qui n’est pourtant pas connu pour être un repaire d’écologistes – si l’on excepte ma collègue sénatrice Corinne Bouchoux et moi-même –, a dû rappeler au CEA qu’il devait se conformer à ces directives ! Nous devrions donc prendre en compte tous les risques liés aux réacteurs au sodium, seule filière de quatrième génération sur laquelle la France envisage de faire des recherches. Et cette filière n’est autre que Superphénix, projet qu’un gouvernement soutenu à l’époque par un certain nombre d’entre vous a décidé d’arrêter ! Nous devrions plutôt faire profil bas.

De toute façon, malgré mon opposition, la recherche sur les réacteurs de quatrième génération est prévue. Il n’est pas nécessaire de mettre à nouveau un coup de projecteur sur ces projets. Ou alors, faisons la liste de l’ensemble des technologies qui seraient utiles non pas dans un siècle, mais dès aujourd’hui ! Si l’on souhaite encourager la recherche, il y a largement de quoi faire en matière de développement des énergies renouvelables, de stockage et de réseaux.

M. le président François Brottes. L’échéance pour le développement des réacteurs de quatrième génération est plutôt trente ou quarante ans que la fin du siècle. Par ailleurs, à l’échelle mondiale, des recherches sont menées sur quatre technologies de quatrième génération, qui permettraient de réduire la quantité de déchets. En France, le projet sur lequel travaille le CEA est financé depuis longtemps. Mais je ne suis pas convaincu de l’intérêt de le mentionner dans le texte.

M. Christophe Bouillon. Il y a trois attitudes possibles s’agissant du nucléaire : avoir peur, se faire peur et faire peur. M. Aubert cumule les trois. L’engagement de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 est tout sauf l’abandon du nucléaire. Les travaux de recherche sont en cours. Il est inutile de chercher à faire peur avec un tel amendement. S’il existe une intention cachée, nous savons d’où elle vient : elle cherche à faire dire à ce texte ce qu’il ne dit pas.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas moi qui ai déposé cet amendement…

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1165 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nombre de rapports de l’OPECST sont adoptés à l’unanimité, monsieur Baupin. Tel a notamment été le cas du rapport sur les nouvelles mobilités et du rapport sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment.

M. Denis Baupin. Mais pas de celui qui porte sur le gaz de schiste !

M. Jean-Yves Le Déaut. Non, en effet.

Aujourd’hui, l’énergie est un des grands domaines de recherche dans notre pays, même si les travaux en la matière ne sont probablement pas suffisamment diversifiés. Ainsi, la physique du bâtiment, qui constitue une science en tant que telle et fait partie des priorités de recherche dans la plupart des pays développés, notamment en Allemagne, est, à mon sens, délaissée en France. Or, pour développer la maison passive ou le bâtiment à énergie positive évoqué à l’article 4, il faudra savoir accumuler de l’énergie et la restituer quand on en a besoin. Tel est précisément l’objet de la physique du bâtiment. Au Conseil stratégique de la recherche, où je représente l’Assemblée nationale, je suis intervenu pour qu’elle soit incluse dans notre stratégie de recherche. C’est nécessaire si l’on veut réussir la rénovation des bâtiments dans notre pays. Mon amendement vise donc à ce que l’État veille au développement de la recherche non seulement dans le domaine de l’énergie, mais aussi dans celui de la physique du bâtiment.

Mme la ministre. Même observation que précédemment : l’article 1er vise à fixer les grands objectifs. Pour avoir construit, en tant que maître d’ouvrage régional, des bâtiments passifs et à énergie positive, je sais que la physique du bâtiment est un domaine de recherche important pour la transition énergétique. Mais c’est loin d’être le seul : il y a aussi, entre autres, le choix des matériaux, l’orientation des bâtiments, ainsi que la réaction des matériaux – par exemple des briques réfractaires – en fonction de l’orientation du bâtiment. En focalisant sur un domaine trop précis dans l’article 1er, on risque de réduire le champ de la recherche. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Le Déaut.

En fait, la question sous-jacente que vous posez est celle de la gouvernance du Centre scientifique et technique du bâtiment. Mais il ne revient pas à la loi de fixer les priorités des organismes de recherche : si elle le faisait, certains domaines de recherche risqueraient d’être délaissés, y compris des domaines complémentaires à celui de la physique du bâtiment. En revanche, nous pourrions réfléchir à la manière de mieux représenter le Parlement au sein du CSTB, afin que les priorités fixées par la présente loi dans le domaine du bâtiment soient dûment prises en compte dans les programmes de recherche, en particulier la physique du bâtiment.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Déaut. Afin de tenir compte de vos remarques, madame la ministre, je propose de modifier mon amendement comme suit : remplacer « et de la physique du bâtiment » par « et du bâtiment ».

Mme la ministre. Le bâtiment est en effet un domaine très important, mais si nous le mentionnons à l’article 1er, il faudrait citer également tous les autres aspects de la transition énergétique qui font l’objet du présent projet de loi : les énergies renouvelables, la mobilité propre, etc. L’énergie est le facteur commun à ces différents volets.

M. le président François Brottes. Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Le Déaut, et à le retravailler en liaison avec le Gouvernement d’ici à la séance publique.

Mme la ministre. Votre amendement aurait sans doute davantage sa place au titre VIII, dont une partie traite de la recherche, qu’à l’article 1er. Mais il convient dans tous les cas de dresser une liste exhaustive des domaines de recherche, faute de quoi chacun risque de mettre l’accent sur ce qu’il connaît le mieux. Les enjeux de la recherche sont globaux. N’isolons pas tel ou tel secteur et veillons à ce qu’aucun des acteurs économiques qui seront appelés à investir massivement dans la transition énergétique ne se sente marginalisé ou moins bien considéré que d’autres.

M. le président François Brottes. Chaque fois que l’on dresse une liste, il y a des oubliés. Mieux vaut en rester à une formulation générale.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire mon amendement CS1165, mais je souhaiterais, madame la ministre, que nous réfléchissions ensemble, d’ici à la séance publique, à la manière de mettre en exergue les questions relatives au bâtiment à l’article 1er. Ce sont les progrès dans ce domaine qui permettront la transition énergétique, j’en suis persuadé.

Mme la ministre. Il s’agit en effet du secteur où le retour sur investissement sera le plus rapide.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS216 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre politique ne doit pas s’appuyer uniquement sur de très grandes entreprises, elle doit viser à former un véritable tissu économique en veillant à constituer une filière de PME dans les différents domaines de la transition énergétique. Nous avons réussi à le faire dans le domaine de l’armement, mais moins bien dans d’autres secteurs.

Mme la ministre. Mêmes avis que précédemment.

Mme la rapporteure. Même avis que Mme la ministre. En outre, de multiples initiatives ont été lancées afin de constituer des filières d’excellence, en particulier les centres techniques industriels, les pôles de compétitivité, les trente-quatre plans de reconquête industrielle et les comités stratégiques de filière, dont la mission est de développer des stratégies de filière robustes.

M. Charles de Courson. Mme la rapporteure est donc tout à fait favorable à l’esprit de mon amendement…

Mme la rapporteure. J’estime qu’il est satisfait, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Dans ce cas, je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1189 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Ma longue immersion dans le domaine du bâtiment m’a convaincu qu’il convenait aussi de renforcer la formation aux problématiques et aux technologies de l’énergie. C’est un enjeu majeur pour la réussite de la transition énergétique. Mon amendement vise donc à ce que la formation et l’apprentissage – sur lequel le Gouvernement vient de faire une déclaration – apparaissent dans les objectifs fixés à l’article 1er.

Mme la ministre. La formation professionnelle est traitée au titre VIII. Cela dit, il s’agit en effet d’une problématique globale, commune à tous les grands objectifs fixés au titre Ier. L’insuffisance de la formation et de la qualification est, à l’évidence, un des freins à la rénovation énergétique et à la construction de bâtiments à énergie positive. Pour avoir moi aussi lutté pour le développement de l’apprentissage et de la formation, j’en suis pleinement consciente. Néanmoins, il ne faudrait pas que les régions, dont c’est la responsabilité, nous reprochent d’empiéter sur leurs compétences. Peut-être conviendrait-il d’ajouter la mention « en partenariat avec les régions ». Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme la rapporteure. La dimension de la formation professionnelle et de l’adaptation des compétences mérite d’être confortée, mais il me semble que nous pourrions le faire dans le titre VIII, à l’article 52.

M. Serge Letchimy. Je soutiens l’amendement de M. Le Déaut. La formation est un problème majeur, a fortiori dans les régions qui ont besoin de se développer. La transition énergétique est non seulement un problème de technologies, mais aussi de transversalité. À cet égard, la formation est un élément moteur. Si, outre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous souhaitons atteindre un objectif de croissance, c’est-à-dire créer de l’activité et de l’emploi, nous avons tout intérêt à donner une dimension importante à la formation. Il s’agit d’inciter les régions en ce sens, d’orienter leur action. En tant que président de région, je suis tout à fait favorable à ce que l’on intègre la formation, dès le départ, dans les grands principes de notre politique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS60 de M. Julien Aubert.

M. Michel Heinrich. Cet amendement vise à inscrire formellement dans les objectifs de la loi le recours aux modes flexibles de production d’énergie tels que l’hybridation, la cogénération, la biomasse, la valorisation des déchets et toutes les formes écologiques de production de gaz. Il est en effet ressorti de « l’autre débat sur la transition énergétique » que ces modes de production étaient quasiment absents du projet de loi, ce qui est assez étonnant. La liste assez complète que nous proposons est le fruit d’un long travail de réflexion.

Mme la ministre. Le concept est original, mais n’a guère sa place à l’article 1er. Il devrait plutôt être abordé dans le cadre d’une intervention en séance publique. D’autre part, comme souvent en pareil cas, l’énumération est trop détaillée et, dans le même temps, pas nécessairement complète, ce qui risque de déstabiliser les opérateurs économiques plutôt que de les conforter. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 12, qui prévoit que l’État veille à diversifier les sources d’approvisionnement énergétique.

M. Julien Aubert. Cela ne correspond pas exactement à notre proposition. Nous sommes confrontés, d’une part, à un problème de stabilisation du réseau électrique et, d’autre part, à une dépendance à l’égard des énergies fossiles. Pour que la transition énergétique soit flexible, il convient de mettre l’accent sur les technologies qui permettent de sortir du dilemme entre la production d’électricité et les énergies fossiles. Tel est le cas des technologies hybrides, en matière de transport et de chauffage par exemple, ainsi que des énergies vertes non électriques, qui présentent en outre moins d’inconvénients que les énergies renouvelables électriques du point de vue de la stabilisation du réseau et de la gestion de l’intermittence. Parmi les formes de production de gaz, on trouve notamment le biogaz et l’e-gaz – issu de l’électricité –, dont il a beaucoup été question au cours de nos auditions. La liste que nous proposons est volontairement limitée : la priorité doit aller, selon nous, aux technologies très particulières que nous avons énumérées plutôt qu’aux seules énergies éolienne ou photovoltaïque. En mettant l’accent sur les énergies renouvelables électriques, on s’enferme en effet dans le débat « électricité versus énergies fossiles ».

Mme Sophie Rohfritsch. J’insiste sur l’intérêt de la biomasse, absente de ce texte. François-Michel Lambert et moi-même avons déposé un rapport sur ce sujet le 19 juin 2013. La production d’énergie à partir de la biomasse, immédiatement mobilisable, permettrait de remplir très rapidement les objectifs fixés par le texte. Il serait donc très utile de la mentionner spécifiquement dès l’article 1er, ainsi que nous le proposons avec cet amendement.

M. le président François Brottes. S’agissant des énergies renouvelables, rappelons que le projet de loi vise à valoriser non seulement la production d’électricité, mais aussi celle de chaleur.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CS990 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. D’après ce que nous ont expliqué les opérateurs compétents dans le cadre de « l’autre débat sur la transition énergétique », l’équipement des logements collectifs en compteurs-répartiteurs aurait un impact direct et très important sur la maîtrise de la consommation d’énergie. Or cette mesure ne figure pas dans le projet de loi. Certes, l’article 1er n’est peut-être pas l’endroit opportun pour la mentionner, mais l’idée mériterait d’être expertisée – si vous en êtes d’accord, madame la ministre – afin de pouvoir l’inscrire dans le texte.

Mme la ministre. L’objectif n’est pas en cause, mais cette disposition n’est pas de nature législative et n’a pas sa place à l’article 1er. Du reste, il existe un programme de déploiement des compteurs intelligents – nous avons d’ailleurs veillé à ce qu’ils soient réellement « intelligents ». Six entreprises françaises ont été sélectionnées à l’issue d’un appel d’offres et vont pouvoir créer des emplois dans ce domaine.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Cette mesure n’a peut-être pas sa place à l’article 1er, mais elle relève bel et bien, selon moi, de la loi. J’ai déjà vu des dispositions législatives beaucoup plus concrètes et précises que celle-là !

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS991 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il faut mettre l’accent sur l’accélération de la formation et de la qualification des professionnels chargés de la rénovation énergétique. Tel est en tout cas le point de vue de la plupart des acteurs que nous avons auditionnés. Il ne suffit pas de décider, en amont, d’évolutions dans le domaine énergétique, encore faut-il que les PME et les professionnels puissent prendre en compte les modifications de la réglementation et installer les nouveaux équipements. L’horizon de la loi étant assez rapproché, un grand plan de formation et de qualification est nécessaire.

M. le président François Brottes. Selon moi, votre amendement est satisfait par le CS1189 que nous venons d’adopter.

M. Julien Aubert. J’en conviens.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS992 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il s’agit de mettre l’accent sur le développement des réseaux de chaleur, notamment en étudiant la possibilité d’un renforcement du Fonds chaleur. Cet objectif est déjà mentionné dans le texte, mais il convient de le faire figurer dans les priorités fixées à l’article 1er.

Mme la ministre. Il va de soi que la transition et la rénovation énergétiques passent par le développement de toute une série de techniques nouvelles, dont les réseaux de chaleur. Il n’est pas opportun de citer tous les modes de production ou de diffusion d’énergie à l’article 1er.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : cela relève de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

M. Julien Aubert. Nous avons un désaccord de fond : selon nous, il n’est pas opportun d’encourager le développement des énergies tous azimuts ; le législateur doit faire des choix. C’est d’ailleurs ce que vous faites s’agissant du nucléaire. Pour notre part, nous estimons que le législateur est dans son rôle lorsqu’il promeut telle énergie verte plutôt que telle autre, chacune de ces énergies présentant des avantages et des inconvénients. Ainsi, nous n’avons déposé aucun amendement tendant à développer les énergies vertes électriques. Il est nécessaire de hiérarchiser.

M. le président François Brottes. L’enjeu actuel est plutôt d’encourager un foisonnement des énergies renouvelables. Si le législateur fixe des priorités figées dans la loi pour ces énergies, il sera nécessaire de recourir de nouveau à la loi pour les modifier, ce qui est source de confusion. C’est d’ailleurs ce que nous avons dû faire pour certaines dispositions trop rigides de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité et des lois Grenelle. En agissant une nouvelle fois de la sorte, nous ne serions guère crédibles et nous empêcherions le Gouvernement d’être réactif, par exemple s’il souhaite favoriser une filière qui a accompli un saut technologique.

Mme la ministre. Vous énumérez, amendement après amendement, tous les modes de production d’énergie. Il peut y avoir un intérêt à dresser une telle liste, mais vos propositions ne sont pas de nature législative et n’ont pas leur place à l’article 1er. Elles auraient davantage leur place dans la discussion générale, lorsque vous présenterez votre vision des différentes énergies, le cœur même de ce projet de loi étant de diversifier le mix énergétique.

M. Julien Aubert. Je n’énumère pas tous les modes de production d’énergie. Je n’ai pas cité certains d’entre eux, en particulier l’éolien et le photovoltaïque, et c’est volontaire. Nous avons fait une analyse des différentes énergies vertes et distingué celles qu’il convient selon nous de développer en priorité.

J’entends bien l’argument du président. Mais ce texte de loi fige la capacité nucléaire de la France, ce qui est autrement plus contraignant que mes propositions : si, dans trois ans, une rupture technologique se produit dans le domaine nucléaire, nous serons obligés d’adopter une nouvelle loi. Pourquoi ce qui vaut pour le nucléaire ne vaudrait-il pas pour les autres énergies ?

M. le président François Brottes. Dans le domaine nucléaire, les sauts technologiques ne surviennent pas tous les trois ans…

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS993 et CS994 de M. Julien Aubert.

Elle en vient aux amendements CS995 et CS996 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’amendement CS995 vise à mentionner expressément la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires présentes sur le territoire national. Il est temps d’avoir un grand débat sur la stratégie énergétique de la France : convient-il oui ou non de prolonger la durée de vie des centrales ? Jusqu’à quand ? Quel mix électrique voulons-nous dans trente ans ? Qu’en sera-t-il avec le déploiement des réacteurs de quatrième génération ? Si ce texte est adopté, ces questions concerneront encore 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025, c’est-à-dire une part considérable de nos ressources.

L’amendement CS996 prévoit un plan de soutien à la filière de retraitement des déchets radioactifs. Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, la question des déchets se pose de toute façon à nous. Notre stratégie énergétique doit donc concerner non seulement la production et la consommation d’électricité, mais aussi la gestion des externalités ex post.

Mme la ministre. Ces questions seront abordées ultérieurement dans le cadre de la PPE et du plan stratégique. Elles n’ont pas leur place dans l’article 1er. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La Commission rejette successivement les amendements CS995 et CS996.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS764 de M. Julien Aubert, CS1417 de M. Philippe Plisson, CS1446 de Mme Cécile Duflot, CS1246 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1228 de M. Charles-Ange Ginésy, CS2174 de Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, CS998 de M. Bertrand Pancher, CS854 de M. Julien Aubert, CS1605 de M. Joël Giraud, CS975 de M. Yves Daniel, CS965 de Mme Béatrice Santais, et CS1166 M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Julien Aubert. L’amendement CS764 propose une définition du concept de territoire à énergie positive (TEPOS) introduit par le projet de loi.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS1417 prévoit que les efforts conjoints de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens portent également sur la rénovation du parc de bâtiments existants, chantier prioritaire pour réduire la consommation d’énergie.

Mme Cécile Duflot. L’amendement CS1446 propose une définition alternative des territoires à énergie positive qui fait intervenir la sobriété et l’efficacité énergétiques ainsi que le déploiement des énergies renouvelables locales.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1246 est défendu.

Mme Sophie Rohfritsch. L’amendement CS1228 propose une définition des territoires à énergie positive, inspirée du travail des collectivités pionnières dans ce domaine.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’amendement CS2174 est rédactionnel.

M. Bertrand Pancher. La notion de territoire à énergie positive est intéressante mais la définition qui en est donnée dans le projet de loi ne correspond pas à celle retenue par les acteurs des territoires et par l’ADEME : « un territoire à énergie positive vise l’objectif de réduire ses besoins d’énergie au maximum, par la sobriété et l’efficacité énergétiques, et de les couvrir par les énergies renouvelables locales. »

Mon amendement CS998 insiste d’une part sur la sobriété énergétique et la lutte contre la précarité et d’autre part sur le recours aux énergies renouvelables locales qui permet de valoriser les productions du territoire ainsi que les territoires eux-mêmes tout en créant de l’emploi.

Cette démarche, qui s’inscrit réellement dans le développement durable, sera validée si les objectifs des territoires à énergie positive sont précisés.

M. Julien Aubert. L’amendement CS854 est défendu.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1605, presque rédactionnel, ajoute dans la définition des territoires à énergie positive une référence à la sobriété énergétique qui figure dans les objectifs du projet de loi.

M. Christophe Bouillon. L’amendement CS975 complète la notion de territoire à énergie positive en leur assignant l’objectif de favoriser les mobilités alternatives, comme le recommande le Conseil national de la transition énergétique.

Mme Béatrice Santais. L’amendement CS965 insère dans le texte les énergies renouvelables produisant de la chaleur.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS1166 vise à prendre en compte la notion de gestion active de l’énergie. Les territoires à énergie positive doivent à terme aboutir à la constitution d’un réseau fermé d’utilisateurs dont l’équilibre entre l’offre et la demande lui est propre. Pour y parvenir, il faut à la fois des énergies renouvelables – le texte initial y concourt et les suggestions de mes collègues ne manquent pas – et de la gestion active de l’énergie dans l’utilisation des bâtiments. J’apprécie que Mme la ministre ait souligné son importance.

M. le président François Brottes. Puisque vous êtes un parlementaire chevronné, vous trouverez sans doute d’ici à la séance une formulation plus appropriée que « cela suppose »… Vous nous avez habitués à mieux !

Mme la ministre. Je salue la volonté louable d’améliorer la définition des territoires à énergie positive. Mais le débat prouve qu’à trop vouloir la préciser, on risque d’étouffer la créativité des territoires. Il témoigne également d’une adhésion au concept dont je me félicite car elle n’était pas acquise.

Le projet de loi s’appuie sur la mise en valeur et la généralisation d’initiatives de terrain – les territoires à énergie positive, les territoires « zéro gaspillage, zéro déchet » et le plan de méthanisation s’inspirent des territoires qui se sont déjà engagés dans la transition énergétique. Le modèle démocratique proposé n’est pas celui d’une loi qui impose des normes abstraites : il prend en compte de la créativité des territoires et emprunte aux réalisations éprouvées pour amplifier une dynamique.

C’est pourquoi, sans attendre le vote de la loi, ont été lancés des appels à projets avec des cahiers des charges pour les territoires à énergie positive, pour les quarante territoires « zéro gaspillage, zéro déchet » et pour la méthanisation, qui, tous, rencontrent un écho favorable.

Dès lors que l’on s’inscrit dans une logique contractuelle et que l’on fait confiance aux territoires – sans les chapeauter, les réglementer, les cadrer –, les initiatives se développent plus rapidement.

Tous les points que vous avez évoqués figurent dans le cahier des charges, déjà mis en ligne sur le site du ministère, qui est volontairement très ouvert. En effet, les sujets ne sont pas les mêmes selon que les territoires sont urbains, ruraux, denses, déjà engagés ou non dans la rénovation des bâtiments ou la gestion du mix énergétique. Il faut laisser un espace de respiration et de créativité aux territoires.

À partir des thématiques de la transition énergétique que vous avez mentionnées et qui figurent dans le cahier des charges – le bâtiment, les énergies renouvelables, la mobilité, l’efficacité énergétique, les transports et les déchets – il appartiendra aux territoires d’arrêter leurs priorités. Compte tenu des investissements nécessaires, ils ne peuvent s’impliquer massivement dans tous les aspects.

À l’égard des territoires qui se sont emparés de l’un des thèmes – environ quarante territoires à énergie positive sont aujourd’hui financés par l’ADEME et les régions –, le cahier des charges permettra d’élever le niveau d’exigence et de les inciter à une démarche plus globale. Les territoires qui n’ont pas encore pris le train de la transition énergétique trouveront un cadre suffisamment souple dans lequel toutes les clés leur sont données.

Je déconseille toute tentative de réglementation car elle aurait pour conséquence de décourager les initiatives ou de les formater. La normalisation s’accompagnera inévitablement de contrôles administratifs ; chaque notion donnera lieu à un décret d’application, des arrêtés, etc. L’usine à gaz ainsi créée aura pour effet de ralentir les projets.

Malgré tout, je comprends le sens de ces amendements et je suis sensible à l’adhésion dont ils témoignent à l’égard du concept.

M. le président François Brottes. En résumé, vous êtes favorable à l’amendement rédactionnel de la rapporteure, mais vous invitez les auteurs des autres amendements à les retirer.

M. Bertrand Pancher. Le développement des territoires à énergie positive est une bonne idée.

Vous refusez de trancher les compétences des collectivités territoriales en matière d’environnement et d’énergie – je ne nie pas la complexité du sujet. Dans le même temps, le Gouvernement mène une réflexion sur le regroupement des collectivités dont nous ignorons aujourd’hui quelles en seront les conclusions, particulièrement en zone rurale. Enfin, les appels à projets exigent le soutien de collectivités territoriales de niveau supérieur – régions et départements – dont l’avenir est incertain. Reconnaissez que c’est un pari audacieux que de s’engager dans les territoires à énergie positive dans ces conditions !

Si le territoire à énergie positive est l’alpha et l’oméga de la transition énergétique, il doit être possible de progresser dans cette voie de manière plus modeste. Beaucoup d’élus locaux pourtant très engagés dans la transition énergétique s’interrogent sur la mise en place des territoires à énergie positive. Les plans de financement pourraient être remis en cause par la disparition d’une collectivité ou un changement de majorité. Je vous souhaite bien courage.

M. Julien Aubert. Je vais retirer mon amendement CS764, mais ce retrait ne vaut pas blanc-seing. Le concept, au demeurant positif, met en question la solidarité énergétique entre les territoires. N’oubliez pas que les Français ont l’habitude de payer le même prix pour l’énergie quel que soit le lieu de consommation.

La référence à « l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale » peut laisser croire à une forme d’autarcie énergétique par rapport à l’énergie fournie par les centrales. L’articulation avec la production nucléaire demande à être explicitée car elle peut apparaître comme une révolution dans la gouvernance énergétique.

Tous ces points méritent d’être éclaircis lors du débat en séance publique car ils ne seront pas sans répercussions sur le développement du réseau et la gouvernance.

M. Charles de Courson. Cet alinéa 16 m’a plongé dans des abîmes de perplexité. Madame la ministre, vous reconnaissez que sa rédaction est très floue. Mais il est ce flou que l’on ne sait pas très bien où l’on va !

Certains territoires peuvent naturellement être riches en énergies renouvelables sans que ce soit pour autant le résultat d’une politique ou d’une volonté d’exemplarité.

Deuxième question : qui fait quoi ? Alle zusammen, comme disaient les rockers allemands autrefois ? Il faut une structure porteuse : en matière d’urbanisme, la compétence a été dévolue aux intercommunalités, mais cela ne suffit pas, en tout cas pas chez moi : nous avons quatre communautés de communes, réunies dans un syndicat mixte qui porte le pays, au sein duquel nous réfléchissons à ces questions. Un opérateur est indispensable.

Quant à l’optimisation de l’énergie, elle doit s’apprécier dans le temps : on peut être excédentaire à certaines périodes et déficitaires à d’autres. L’absence de maîtrise du réseau électrique nous contraint à rechercher avec EDF les économies potentielles. Et il n’y a pas que l’électricité : pour le carburant, peut-on mener une politique locale avec les distributeurs pour augmenter le taux d’incorporation de biocarburants ? C’est très difficile.

Je reste très perplexe sur le fond. Une ancienne ministre disait : « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup »…

Mme la ministre. S’agissant de la gouvernance, on observe que l’impulsion vient des régions et des pays. Mais la construction des territoires à énergie positive est d’abord le fait des communautés de communes et des communautés d’agglomération. C’est l’échelon opérationnel, actif et performant.

Il faut laisser la liberté d’initiative aux acteurs de terrain. L’objectif du Gouvernement est d’accélérer les dynamiques de ces territoires et de les généraliser. Vos amendements présentent l’inconvénient d’introduire de la rigidité. Je vais vous transmettre le cahier des charges.

N’en doutez pas : l’engagement en faveur de la transition énergétique est réel ; il y a un basculement, une prise de conscience, y compris de la part des entreprises qui veulent s’investir et trouver ainsi des marchés. La dynamique est là.

Le concept des territoires à énergie positive doit être suffisamment global pour entraîner les acteurs, mais aussi suffisamment généreux pour leur épargner des contraintes administratives lourdes.

Dans les territoires qui resteront à l’écart de cette dynamique globale et ambitieuse de transition énergétique, nous incitons l’ADEME à signer des contrats locaux de transition énergétique avec des plus petits territoires, ou sur des projets plus sectoriels, afin de faire profiter ces derniers d’un soutien financier et de les encourager à entrer dans la logique plus globale des TEPOS.

M. le président François Brottes. Chacun a compris la volonté du gouvernement de laisser s’épanouir les initiatives de manière indépendante car le biorythme des territoires n’est pas le même pour tous.

M. Philippe Plisson. Je retire mon amendement CS1417. En réponse à M. de Courson, le territoire pertinent pour une gouvernance efficace, c’est précisément l’objet de la réforme territoriale. Je lui conseille de regrouper ses quatre intercommunalités en une seule pour gérer efficacement ce territoire rural.

Mme Cécile Duflot. Je suis embarrassée : je ne conteste pas la nécessité d’encourager les initiatives mais la rédaction proposée par mon amendement CS1446, identique à celle de l’amendement CS764, reprend la définition utilisée aujourd’hui par l’ADEME dans l’évaluation des projets. Elle ne me semble donc pas de nature à bloquer les initiatives des territoires. Pour les écoquartiers, dont le concept est comparable, l’existence d’un référentiel trop large est apparue potentiellement comme un facteur de risques.

La définition que je propose n’empêche pas les initiatives mais elle est suffisamment précise pour éviter les dérives.

M. le président François Brottes. Il y a une nuance entre ce que dit votre amendement : « assurer son approvisionnement par le déploiement d’énergies renouvelables locales » et ce que dit le projet de loi, à savoir qu’il faut tout mettre en œuvre pour développer ces énergies. Votre formulation, quelque peu absolue, peut induire une déconnexion du réseau. Je vous invite à la prudence quant aux conséquences sur la péréquation et la sécurisation de l’approvisionnement : il ne faudrait pas se déconnecter les uns des autres. Votre rédaction exclusive pourrait poser problème à terme.

Mme Cécile Duflot. Vous savez à quel point l’expression « viser le déploiement » peut signifier tout et son contraire. Je suis prête à retirer mon amendement si la ministre s’engage à retravailler la définition des territoires à énergie positive.

Mme la ministre. C’est précisément le but du cahier des charges des appels à projets.

Les régions sont très attentives au copilotage du dispositif. Elles sont très réticentes à l’égard de critères restrictifs ou incomplets. Il faut leur laisser la liberté, en tant que co-financeurs, de compléter le cahier des charges.

M. le président François Brottes. Madame Duflot, vous connaissez trop bien l’art de faire la loi pour ne pas savoir que votre formulation est exclusive. En revanche, elle ne le serait pas si vous écriviez : « assurer son approvisionnement au maximum… ».

Mme Cécile Duflot. Mon intention est uniquement de trouver une rédaction un peu plus ambitieuse de l’alinéa 16.

Mme la ministre. Je maintiens que c’est une erreur de vouloir définir précisément un territoire à énergie positive. C’est contre-productif. Si la loi est trop rigide, cela risquera de freiner leur développement en décourageant et en verrouillant les initiatives. Je devrais prendre un décret d’application pour savoir ce que chaque mot veut dire, et c’en sera fini des territoires à énergie positive. Les régions, qui sont très demandeuses d’un copilotage, doivent pouvoir ajouter leurs propres objectifs dans le cahier des charges, dans le cadre d’un véritable partenariat avec le ministère de l’écologie.

Je déconseille vivement d’adopter des amendements qui demandent des textes d’application. En revanche, les éléments que vous souhaitez préciser figurent pour la plupart dans le cahier des charges sur lequel je suis prête à retravailler avant la séance.

M. Serge Letchimy. Je partage la position de la ministre. Il faut pouvoir tenir compte des réalités locales et de leur complexité : ainsi, la situation de la Guyane n’a rien à voir avec celle de la Martinique ou de la Guadeloupe. Les enjeux en matière de ressources naturelles sont très différenciés d’un territoire à l’autre. La pire des choses serait de nous enfermer au lieu de choisir une méthode de contractualisation souple. Ce sont les objectifs qui comptent. Il faut éviter d’être trop rigide dans ce contrat de partenariat indispensable entre l’État, les collectivités et surtout la population.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous annonce que M. le Président de la République vient de confirmer l’assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel.

(Mmes et MM. les députés ainsi que Mme la ministre se lèvent et observent une minute de silence.)

M. Jean-Paul Chanteguet. Je souhaiterais soulever un problème d’ordre rédactionnel sur lequel nous devons nous pencher avant l’examen du texte en séance publique. En effet, il est fait référence, dans les amendements, aux « énergies renouvelables locales » et, dans le texte du Gouvernement, aux « énergies renouvelables ». Or, ce n’est pas du tout la même chose : dans le premier cas, on fait référence à une décentralisation énergétique alors que, dans le second, on conforte un système relativement centralisé.

M. le président François Brottes. Vous avez raison, c’est un véritable débat.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je vais retirer l’amendement CS1166, mais je souhaiterais que l’on puisse inscrire la gestion active de l’énergie, qui diffère de l’efficacité énergétique, parmi les objectifs. Je déposerai donc un autre amendement en ce sens.

M. Damien Abad. Je maintiens mon amendement CS220.

Les amendements CS764, CS1417, CS1446, CS1246, CS1228 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CS2174.

La commission rejette successivement les amendements CS998, CS854 et CS220.

Les amendements CS1605, CS975, CS965 et CS1166 sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement CS1447 de Mme Allain.

Mme Cécile Duflot. Il s’agit de préciser que les territoires ruraux disposent d’atouts importants pour atteindre les objectifs de la politique énergétique, notamment en matière de production d’énergies renouvelables.

Mme la ministre. Tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, peuvent être des territoires à énergie positive. Il ne faut surtout pas opposer les uns et aux autres, car on s’aperçoit qu’une telle opposition a bien souvent été source de difficultés en matière de transition énergétique. Plutôt que d’établir une hiérarchie entre le rural et l’urbain, laissons les territoires, dans leur complexité, leurs interactions, leurs réseaux, concevoir la manière dont l’un et l’autre se complètent.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Si je souscris au propos de Mme Duflot sur les territoires ruraux, puisque j’en suis moi-même issue, je pense que la disposition proposée n’aurait pas d’effet normatif et qu’il vaut mieux ne pas distinguer les territoires dans le texte.

Mme Cécile Duflot. Compte tenu de l’attention portée aux territoires ruraux, je retire l’amendement.

L’amendement CS1447 est retiré.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CS531 de M. Aubert et CS221 de M. Abad.

M. Julien Aubert. Le Gouvernement affiche de nombreux objectifs et, ce faisant, il charge la barque. Pour notre part, nous estimons que le seul et véritable objectif d’une loi sur la transition énergétique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’ailleurs d’un objectif européen sur lequel nous avons pris des engagements. Pour tout le reste, il convient de parler de trajectoires plutôt que d’objectifs, lesquels sont contraignants. Si le législateur peut souhaiter que l’on s’oriente vers une réduction de 50 % de la consommation d’énergie, par exemple, en faire un objectif complexifierait la gouvernance et le pilotage de la transition énergétique. Il convient donc de fixer un objectif, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et d’indiquer des trajectoires, qui sont autant de moyens d’y parvenir.

M. Damien Abad. L’un des défauts de ce texte est l’absence de hiérarchisation des objectifs et des priorités. Selon nous, l’objectif principal doit être la réduction des émissions de CO2. Les autres objectifs que sont, par exemple, le soutien aux énergies propres ou l’amélioration de l’intensité énergétique ne doivent être appréhendés que comme des moyens d’atteindre cet objectif prioritaire.

Mme la ministre. Avis défavorable à ces amendements. Ils affaibliraient en effet le processus, le mot « trajectoire » étant plus faible que le mot « objectif ». Je préfère atteindre des objectifs que de fixer des trajectoires dont on ne connaît pas les objectifs.

M. Julien Aubert. Je retire l’amendement CS531, mais uniquement pour des raisons de forme, car il est mal rédigé.

M. Bertrand Pancher. Certes, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est l’objectif principal, mais il serait dangereux de se concentrer uniquement sur celui-ci car, si l’on ne fixe pas d’objectifs complémentaires qui matérialisent les efforts à réaliser, on ne l’atteindra jamais. Je pense notamment à la diminution de la consommation énergétique et, selon le scénario de sortie du nucléaire qui est retenu, au développement des énergies renouvelables. Je suis donc assez sensible aux arguments de Mme la ministre sur ce point. Toutefois, il ne suffit pas d’afficher les objectifs, encore faut-il se donner les moyens de les atteindre. Et c’est là que le bât blesse.

M. Éric Alauzet. Ces amendements me semblent excessifs ; il faut avoir une vision plus large des choses. Si deux scénarios s’avèrent extrêmement proches, il se peut que les critères secondaires permettent d’arbitrer entre ceux-ci. Je donne un exemple très précis : les pressions exercées pour le développement de la méthanisation sont parfois telles que celle-ci peut être dévastatrice pour la biodiversité. Il est donc bon de fixer une priorité assortie de critères.

M. le président François Brottes. C’est également vrai pour la collecte du bois.

L’amendement CS531 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS221.

La commission examine l’amendement CS1448 de Mme Duflot.

Mme Cécile Duflot. Il s’agit d’ajouter les mots : « au minimum », afin d’indiquer que ces objectifs peuvent être dépassés. Soyons optimistes !

Mme la ministre. Défavorable. Si nous pouvons faire mieux, nous le constaterons. En tout état de cause, nous sommes actuellement dans un processus de négociation européenne délicat. Tout changement de vocabulaire ou tout renforcement de l’objectif serait contre-productif et soulèverait un certain nombre de questions au niveau européen et chez certains opérateurs, qui estiment que cet objectif est déjà beaucoup trop ambitieux.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Si nous atteignons l’objectif d’une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, nous ne nous arrêterons pas en chemin : il va de soi que nous poursuivrons nos efforts.

M. Bertrand Pancher. Je suis assez sensible à l’amendement de Mme Duflot et de M. Baupin. Chacun sait que, que si nous voulons que l’augmentation de la température moyenne n’excède pas deux degrés, il faut viser le facteur 4 en 2050. Or, selon les experts, pour ce faire, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 50 % d’ici à 2030. Certes, il sera sans doute difficile d’atteindre 40 % en 2030, mais il faut avoir le courage d’afficher ses objectifs. Sinon, on ment à l’opinion publique.

M. Denis Baupin. En effet, la question n’est pas tant de savoir si l’objectif est ambitieux que de savoir s’il est suffisant pour limiter l’augmentation de la température du globe à deux degrés. C’est la préoccupation majeure. L’Union européenne s’était fixée pour objectif de diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020, objectif qui pouvait être porté à 30 % en cas d’accord international. Or, ces 30 % seront presque atteints en 2020. L’objectif de 40 % en 2030 n’est donc pas si ambitieux que cela. Certes, les négociations européennes sont difficiles, car la situation géopolitique et la dépendance au charbon de certains pays, notamment la Pologne, leur rendent les choses plus complexes. Parfois, on définit un objectif en se disant simplement que l’on fera le maximum pour l’atteindre. Mais là, il s’agit d’être au rendez-vous de l’histoire.

M. Julien Aubert. Gardons-nous de faire comme l’URSS avec ses plans quinquennaux qui fixaient des objectifs parfaitement inatteignables. Quand bien même atteindrions-nous une réduction de 100 % des émissions de gaz à effet de serre, la France serait peut-être au rendez-vous de l’histoire, mais le problème continuerait de se poser au niveau mondial puisque la quantité de gaz à effet de serre produit par la Chine en une année dépasse largement celle que nous émettons en un siècle. Au reste, si, comme le suggère Mme Duflot, on se fixait pour objectif une diminution de 40 % « au minimum », on ne définirait plus un objectif mais un seuil. À la limite, je préférerais « maximum » à « minimum » ; au moins ce serait cohérent et pragmatique.

M. Éric Alauzet. Selon moi, l’amendement traduit l’exigence de parvenir au minimum à une réduction de 40 %. Sinon, on risque de se contenter d’une réduction de 35 % ou de 38 %. Or, la réduction de 40 % n’est pas une option !

Mme la ministre. Soit les dispositions du texte ont force de loi, et un pourcentage est un pourcentage, soit nous envisageons nous-mêmes la possibilité que ces objectifs ne puissent pas être atteints, et nous nous fixons une contrainte supplémentaire pour avoir la volonté politique de les atteindre. Mais, dans ce cas, tous les pourcentages qui figurent dans le projet de loi – qu’il s’agisse des énergies renouvelables ou de la production d’électricité – doivent être précédés des mots « au minimum », et la loi va devenir ridicule. Je suis d’autant plus hostile à cet amendement que, dans les négociations européennes, particulièrement complexes, la France apparaît déjà souvent comme une donneuse de leçons parce qu’elle dispose, avec l’énergie nucléaire, d’une énergie décarbonée et n’a donc pas besoin de faire d’efforts. Nous nous sommes néanmoins imposé cet objectif de 40 %, qui nous obligera à faire des efforts considérables, beaucoup plus importants que si nous disposions d’énergies à forte teneur en carbone – même si, pour ces dernières, un effort considérable sera également nécessaire en matière de substitution.

Ces chiffres figurent dans la feuille de route gouvernementale. Nous pourrions nous faire plaisir en affichant des objectifs plus ambitieux, mais nous avons une responsabilité politique, non seulement dans les négociations européennes qui se dérouleront au mois d’octobre, mais aussi dans le signal que nous allons envoyer aux entreprises, dont il ne faut pas mettre en péril la compétitivité et la performance économique. On ne peut pas modifier les repères au dernier moment. Vous connaissez le poids des mots dans les enjeux globaux sur lesquels il va falloir faire converger les pays européens.

Mme Cécile Duflot. Il ne s’agit pas de se faire plaisir. Si nous fixons des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, c’est parce que nous en avons le devoir. La France n’a pas été exemplaire en la matière et, dans les précédentes négociations climatiques, notamment à Copenhague, elle a été, s’agissant de la fixation des objectifs européens, un frein et non un moteur. Il faut dire la vérité ! Au demeurant, je ne vois pas en quoi le fait de se fixer des objectifs élevés poserait problème dans les négociations européennes dans la mesure où, en ce qui concerne le paquet climat, d’autres pays, notamment le Danemark, incitent l’Europe à se fixer de tels objectifs et à les défendre au plan international.

Vous avez raison, madame la ministre, nous pourrions ajouter « au minimum » avant tous les pourcentages figurant dans le texte ; nous aurions également pu proposer de remplacer 40 % par 50 %. Mais, comme l’a dit Éric Alauzet, si l’on se fixe simplement un objectif de 40 %, on risque de se contenter de 35 % ou de 37 %.

Mme la ministre. Pas du tout !

Mme Cécile Duflot. Notre amendement a simplement pour objet de souligner que l’objectif de 40 % est un compromis, car il faudrait aller au-delà, mais que nous nous engageons de manière très volontariste à l’atteindre.

M. Christophe Bouillon. Entre le Gosplan et le flou, il y a l’ambition de cet engagement, qui nous permettra d’être au rendez-vous de l’histoire et qui fait de nous l’un des pays les plus en avance et les plus exemplaires en ce domaine. Nous souhaitons réussir la conférence de Paris, et cet engagement s’inscrit dans cette perspective. J’imagine mal, si l’objectif de 40 % est atteint, les autorités françaises stopper net l’effort qui aura été consenti pour y parvenir. Reconnaissons à la fois l’ambition défendue par la France et appliquons une forme de pragmatisme dans la définition des moyens d’atteindre notre objectif.

M. Charles de Courson. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre concerne la période 1990-2030. Actuellement, à mi-parcours, nous sommes à 13 % ou 14 %.

Mme la ministre. Nous sommes actuellement à environ 20 %, c’est-à-dire la moitié.

M. Charles de Courson. Quoi qu’il en soit, nous nous sommes calés sur les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés à l’échelle européenne. Ce qui m’importe, c’est la faisabilité. Or, il ne me semble pas très raisonnable de se fixer pour objectif d’atteindre le facteur 4 à l’horizon 2050. Restons-en à 2030 ! Par ailleurs, l’étude d’impact retient une hypothèse de croissance du PIB de 1,8 %. On en est loin ! Mais il est vrai, et c’est triste à dire, que plus la croissance est faible, moins l’objectif est difficile à atteindre. Ces quelques observations méthodologiques montrent que la fixation de tels objectifs ne me paraît pas raisonnable. Vous me direz, il n’y a pas de sanction. On se fait donc plaisir…

M. Bertrand Pancher. On découvre, à la faveur de nos échanges, qu’il sera très difficile d’atteindre nos objectifs et que ceux que nous nous sommes fixés pour 2030 ne sont pas suffisants pour suivre la trajectoire du facteur 4, c’est-à-dire une réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Or, si l’on se fixe de tels objectifs, ce n’est pas pour se faire plaisir ou se livrer à une surenchère, mais pour tenir compte des observations des climatologiques, qui nous disent que si nous ne les atteignons pas, l’augmentation de la température dépassera à coup sûr deux degrés. Si l’on se dit que l’on n’y parviendra peut-être pas, la catastrophe est certaine ! Lorsqu’un jour ou l’autre, l’opinion publique se retournera et que l’on nous demandera ce que nous avons fait, nous pourrons au moins répondre que nous l’avions prévenue de la catastrophe qui ne manquerait pas de se produire si nous ne changions pas de mode de vie, si nous n’abandonnions pas le système de consommation ancien, l’obsession du pouvoir d’achat et de la croissance.

On dit que 40 %, c’est déjà pas mal. Mais, à Varsovie, l’an dernier, tous les ministres de l’environnement européens se sont mis d’accord pour que ce soit l’objectif européen. Or, la France – c’est en tout cas la conception que je m’en fais – peut proposer des modèles susceptibles de tirer ses partenaires vers le haut. Veut-on faire autant, voire moins que l’Europe ou veut-on faire davantage ?

Mme la ministre. Nous sommes là pour atteindre ces 40 %.

M. le président François Brottes. Nous examinons un projet de loi et non une proposition de résolution : si nous fixons des objectifs, c’est pour les atteindre. Sinon nous ne les inscririons pas dans la loi.

La commission rejette l’amendement CS1448.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS2177 de Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure.

La commission adopte l’amendement de correction d’une erreur matérielle CS2178 de Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure.

La commission est saisie des amendements identiques CS91 de M. Martial Saddier, CS930 de M. Julien Aubert, CS999 de M. Stéphane Demilly et CS1936 de M. Jacques Krabal.

M. Martial Saddier. L’amendement CS91 se justifie par son texte même.

M. Julien Aubert. On mesure, lorsque l’on descend dans le détail des mesures, les efforts qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs. Au demeurant, on sait d’ores et déjà, puisque cela a été reconnu lors du débat national sur la transition énergétique, que le secteur agricole ne pourra pas atteindre le facteur 4. Le débat que nous venons d’avoir a donc une portée non seulement théorique, mais aussi pratique pour l’économie française. Aussi proposons-nous par l’amendement CS930 de sécuriser la trajectoire de l’agriculture, qui obéit à des lois spécifiques.

M. Bertrand Pancher. Il est parfaitement légitime de prendre en compte la capacité respective des divers secteurs à atteindre les objectifs fixés. Dans le secteur agricole, l’ADEME estimait en octobre 2012 qu’il serait impossible de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre sans « combiner des hypothèses extrêmement fortes, pouvant induire des ruptures drastiques, ou générer des émissions indirectes par délocalisation de la production ». D’où l’amendement CS999.

M. Jacques Krabal. Il ne s’agit pas d’opposer les secteurs mais de reconnaître les spécificités comme cela a été fait par le débat national sur la transition énergétique. C’est le but de notre amendement CS1936. Qui peut nier que les gaz à effet de serre sont d’origine naturelle et que la spécificité de l’agriculture doit en conséquence être prise en compte ?

Mme la ministre. Ces amendements sont satisfaits par l’alinéa 22 de l’article 48 qui précise que la nature des émissions de gaz à effet de serre est prise en compte dans la stratégie bas-carbone.

Les amendements CS91, CS930, CS999 et CS1936 sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CS259 de M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Pour préserver l’environnement, il est essentiel de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. En la matière, l’Europe et la France entendent faire preuve d’exemplarité. Au vu de l’ampleur de la tâche, tous les efforts consentis dans le cadre de la politique énergétique nationale doivent être consacrés à la réduction des émissions de CO2. Les autres objectifs ne peuvent constituer que des moyens au service de la poursuite de cet enjeu prioritaire.

Mme la ministre. Avis défavorable. Il n’est pas vraiment cohérent de rendre plus complexes les objectifs de la politique énergétique affichés à l’article 1er. Un certain nombre d’éléments pourront parfaitement être précisés en séance publique.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que l’amendement CS221 précédemment rejeté par la Commission spéciale.

M. Damien Abad. J’en conviens, et je le retire.

L’amendement CS259 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS61 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il s’agit de supprimer l’objectif de réduction de la consommation finale d’énergie prévue à l’alinéa 20. Divers concepts, comme la maîtrise de la consommation d’énergie, ont été introduits dans le texte sans être directement liés à la lutte contre les gaz à effet de serre. Il est pourtant parfaitement possible de réduire massivement la consommation d’énergie d’origine nucléaire sans que cela ait aucun effet sur les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons par ailleurs constaté que les experts ne s’accordaient pas sur l’évolution de la consommation globale d’énergie.

Mme la ministre. Avis défavorable. La réduction de la consommation d’énergie conditionne la réussite de la transition énergétique. Supprimer l’objectif de réduction de la consommation énergétique finale revient à renoncer à mettre en œuvre le projet de loi.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

M. le président François Brottes. La réduction de la consommation d’énergie est une condition absolument nécessaire de la transition énergétique, mais pas une condition suffisante.

M. Julien Aubert. Votre conception n’est pas unanimement partagée. Certains experts considèrent que l’énergie constitue aujourd’hui l’un des facteurs de la croissance, au même titre que le capital et le travail. La réduction de la consommation énergétique entraînerait donc une réduction de la croissance ; il faut en tenir compte. Selon nous, il est parfaitement possible de réussir la transition énergétique en « se contentant » de « décarboner » l’économie à moindre coût.

M. Denis Baupin. Monsieur Aubert, vous avez assisté comme moi, la semaine dernière, à l’audition de M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF Suez. Ce dernier, qui à ma connaissance n’est pas membre du « parti de la décroissance », expliquait que « même dans un contexte de croissance nulle et de baisse de la consommation d’électricité et de gaz, le secteur des services de l’efficacité énergétique, lui, continue de croître, à un rythme de 2 à 2,5 % par an ». Autrement dit, son business model a changé. Il est donc possible de conjuguer l’activité économique et l’emploi avec une baisse de la consommation énergétique. Cela n’a rien d’incompatible ; c’est même la voie de la compétitivité pour notre économie !

M. Jean-Paul Chanteguet. Deux des scénarios retenus par le comité d’experts du débat national sur la transition énergétique – le scénario ADEME et le scénario « négawatts » – ont démontré que pour atteindre l’objectif de division par quatre les émissions de gaz à effet de serre, il était indispensable de diviser par deux la consommation d’énergie finale.

M. Charles de Courson. L’alinéa 20 comporte deux objectifs : l’un, que nous devrions supprimer, concerne la réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012, l’autre, que nous devrions conserver, veut porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030. Ce rythme doit aujourd’hui se situer autour de 1 ou 1,5 %. Atteindre 2,5 % en 2030 constituerait donc déjà un effort important.

Comment annoncer sérieusement la réduction de la consommation finale de 50 % d’ici à 2050 ? Cela revient implicitement à anticiper un taux de croissance sur une période extrêmement longue. Bien malin qui peut faire de telles prédictions ! Je souhaite proposer un sous-amendement pour ne supprimer dans l’alinéa 20 que les mots : « De réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 et ».

M. le président François Brottes. Monsieur de Courson, je me vois dans l’obligation de refuser votre sous-amendement : sa rédaction correspond plutôt à un amendement que vous pourrez déposer en séance. Il n’est pas très évident de sous-amender un amendement de suppression.

Mme la ministre. En période de transition énergétique, la question de la mesure de la croissance est posée. Peut-on continuer de considérer que la consommation énergétique doit entrer dans la mesure du taux de croissance ? Aujourd’hui, une économie fortement consommatrice d’énergie, y compris d’énergies carbonées, enregistre une croissance plus forte qu’une économie qui a fait le choix de la sobriété énergétique. Au fur et à mesure que nous réussirons la transition, il nous faudra résoudre ce problème qui n’est pas si théorique que cela.

M. Denis Baupin, rapporteur. La loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique a été adoptée alors que la majorité précédente était au pouvoir. Je m’étonne que l’opposition d’aujourd’hui l’ait oubliée. Ce texte dit « loi POPE » fixe déjà des objectifs de rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2 % pour 2015, et 2,5 % pour 2030. Avec ces rythmes, choisis par la majorité d’alors, je remarque que l’on parviendrait, sans prendre en compte le niveau de la croissance, à une baisse de 70 % de la consommation énergétique finale en 2050. Il serait tout de même étonnant que la loi que nous votons aujourd’hui soit en retrait par rapport au droit existant. L’opposition n’avait sans doute pas totalement conscience de ce qu’elle votait en adoptant la loi POPE !

M. Serge Letchimy. Si j’ai bien compris M. Julien Aubert, il serait impossible de réduire le rythme de la consommation d’énergie et d’obtenir une croissance positive. En Martinique, la demande d’énergie croît de 5 % par an alors que notre alimentation en électricité dépend pour 97 % de l’énergie fossile ; pour ne pas passer pour un « décroissant » aux yeux de M. Aubert, faut-il que je favorise la progression de cette demande d’énergie ? Est-ce à dire que je commettrais un péché économique mortel en visant une efficacité énergétique permettant de réduire la consommation ? Ce raisonnement ne me paraît pas très cohérent. La baisse de la consommation constitue l’un des éléments permettant de lutter contre les gaz à effet de serre et de mener la transition énergétique. Sans réduction de la demande, nous entamerions une course-poursuite sans fin.

M. Charles de Courson. La position de M. Denis Baupin rejoint la mienne : il faut conserver la deuxième partie de l’alinéa 20.

La Commission rejette l’amendement CS61.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CS222 de M. Damien Abad, l’amendement CS127 de M. Martial Saddier, l’amendement CS1450 de Mme Cécile Duflot, l’amendement CS1247 de M. Jean-Paul Chanteguet, et l’amendement CS1000 de M. Bertrand Pancher.

M. Damien Abad. Viser une réduction de 50 % de la consommation d’énergie à l’horizon 2050 n’est ni nécessaire ni réaliste. Un tel objectif compromettrait surtout l’ambition de mettre la transition énergétique au service du redressement industriel et de la croissance.

Diviser par deux la consommation à l’horizon de 2050 se traduirait de fait par une contrainte beaucoup plus forte car la croissance économique et la progression démographique tendent mécaniquement à faire croître la demande énergétique. Ce choix pèserait sur l’économie, le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises au-delà des gains espérés sur la facture d’énergie.

Il convient donc d’adopter une politique énergétique fondée sur une trajectoire qui combine des actions sur la demande et sur l’offre et qui renforce les atouts d’un mix énergétique français déjà très peu émetteur en CO2. C’est l’objet de mon amendement CS222.

M. Denis Baupin. L’objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 est lointain. Le Conseil national de la transition écologique et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’en sont largement fait l’écho lors de la préparation du projet de loi. Notre amendement CS1450 propose en conséquence de prévoir une étape intermédiaire en fixant un objectif de réduction de 35 % en 2030.

M. Jean-Paul Chanteguet. Des objectifs intermédiaires ont été fixés à l’horizon 2030 pour les énergies fossiles et les énergies renouvelables. Il serait logique de faire de même pour la consommation énergétique finale. Mon amendement CS1247 propose qu’elle soit réduite d’au moins 35 % à cette date par rapport à la référence 2012.

M. Bertrand Pancher. La version initiale du projet de loi proposait peu d’objectifs intermédiaires. Le CESE a heureusement insisté pour qu’ils soient introduits dans le texte.

Une amélioration de l’efficacité énergétique peut être identifiée soit par une diminution de l’intensité énergétique, soit par une réduction en pourcentage de la consommation, soit par un chiffrage en valeur absolue de la consommation visée. À l’instar du Grenelle de l’environnement qui avait adopté cette dernière solution en fixant l’objectif d’une consommation de 131,4 millions de tonnes équivalent pétrole en 2020, nous proposons par notre amendement CS1000 d’inscrire dans l’alinéa 20 l’objectif intermédiaire de 115 millions de tonnes équivalent pétrole en 2030.

Mme la ministre. L’alinéa 20 est le résultat de longues consultations menées auprès du Conseil national de la transition écologique, du CESE, et des partenaires sociaux. Un accord a été trouvé sur une stratégie très ambitieuse pour 2050, mais des questions se posent à propos de la trajectoire qui ne sera pas linéaire : s’il est facile de réduire au départ, cela devient beaucoup plus contraignant par la suite. Imaginer une trajectoire théorique avec des étapes intermédiaires n’aboutirait qu’à réveiller des polémiques et à raviver des débats qui ont déjà eu lieu. Les entreprises et les opérateurs économiques surveillent de près l’évolution du texte car ils ont pris conscience de l’inéluctable. Je suggère de nous en tenir à la feuille de route issue de la Conférence environnementale sans chercher à improviser sur des trajectoires sur lesquelles nous n’avons pas de visibilité. Il est en revanche tout à fait possible de prévoir des rendez-vous réguliers pour vérifier la trajectoire suivie. Dans le cadre des débats relatifs à la stratégie bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie, il faudra progressivement durcir les conditions si les trajectoires ne sont manifestement pas de nature à atteindre les objectifs que nous avons fixés. Avis défavorable sur tous ces amendements.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis que Mme la ministre.

La Commission rejette successivement les amendements CS222, CS127 et CS1450.

L’amendement CS1247 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS1000.

La Commission examine l’amendement CS1449 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Le présent projet reprend ce que la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) prévoyait à l’horizon 2030, mais en omettant malencontreusement la partie prévue à partir de 2015. Cet amendement vise à rappeler cet objectif.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Les objectifs intermédiaires relèvent de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Il faudra discuter de votre proposition au moment où nous évoquerons cet ensemble, afin de nous assurer que l’objectif ambitieux de division par deux de la consommation d’énergie d’ici à 2050 soit bien atteint.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V du projet de loi. Même avis.

M. Denis Baupin. Il ne s’agit pas d’un objectif intermédiaire, mais du rythme de progression. Il est plus facile de prévoir un rythme annuel : nous sommes à 1,5 % par an de baisse annuelle de l’intensité énergétique, alors que la loi POPE prévoyait 2 % à partir de 2015. Au moment d’adopter une loi visant à accélérer le mouvement, ne donnons pas le sentiment que nous sommes en retrait par rapport à la loi précédente.

M. le président François Brottes. Mme la ministre a souligné cet après-midi qu’il valait mieux des rendez-vous par étapes qu’une linéarité improbable telle que vous la demandez là.

M. Christophe Bouillon. Le titre VIII du projet de loi porte sur la PPE : ce rendez-vous régulier permettra de faire le point sur le rythme des efforts déployés pour atteindre les objectifs ambitieux de la loi. Les objectifs que vous évoquez, monsieur le rapporteur, pourront être discutés dans ce cadre.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS62 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La loi sur la transition énergétique doit diminuer la consommation des énergies fossiles. Nous proposons donc que la part du fossile dans le mix énergétique français diminue sensiblement, à l’horizon de 2050.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS129 de M. Martial Saddier, CS797 de M. Julien Aubert, CS1248 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1451 de Mme Cécile Duflot, et l’amendement CS1171 de Mme Martine Lignières-Cassou.

M. Martial Saddier. L’amendement CS129 est défendu.

M. Julien Aubert. Il conviendrait, à l’alinéa 21, de parler d’énergie fossile « primaire » plutôt que « finale », afin d’inclure les éventuelles énergies fossiles utilisées dans la production électrique.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1248 est défendu.

M. Denis Baupin. Il ne faudrait pas, en effet, donner le sentiment que nous voudrions favoriser le charbon pour produire de l’électricité.

Mme Chantal Guittet. L’amendement CS1171 est défendu.

Mme la ministre. L’objectif exprimé en énergie finale est à la fois plus ambitieux et plus compréhensible, l’énergie finale étant celle qui est consommée par les usagers.

Mme la rapporteure. Il est possible de réduire la consommation d’énergie primaire sans réduire celle d’énergie finale, par la substitution du gaz à l’électricité, par exemple. La notion d’énergie finale renvoie en effet à l’énergie effectivement consommée, tandis que l’énergie primaire englobe les pertes liées au transport, à la transformation et à la production. Agir sur l’énergie finale est plus ambitieux. Avis défavorable.

Mme la ministre. Nous avons eu cette discussion au sein du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Les organisations non gouvernementales, qui avaient présenté des amendements similaires, les avaient retirés après que nous leur avions expliqué de quoi il s’agissait. Du fait de l’articulation de la réduction de la consommation finale et de celle de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, il faut que soit privilégiée la diminution des énergies à effet de serre. Les partisans de l’énergie nucléaire défendent l’idée que la consommation peut augmenter : si c’est de l’électricité, ce n’est pas de l’énergie carbonée et tout va bien. Or ce sont la sobriété et la performance énergétiques que nous visons.

M. Martial Saddier. En attendant d’avoir trouvé des énergies alternatives au nucléaire, au charbon, au gaz naturel, ce dernier, dans la gamme des énergies fossiles dont nous souhaitons la disparition, est le plus propre. Que ce soit en termes d’efficacité énergétique, avec les nouvelles chaudières à condensation, ou en termes de pollution de l’air et de particules fines, il est bien supérieur au charbon. Ces amendements visent à empêcher que la France ne connaisse l’ineptie de la situation allemande, où la production de charbon explose en raison du retrait drastique du nucléaire, ce qui est une catastrophe pour l’environnement. De 35 à 45 % des émissions de particules fines sur les zones frontalières de notre pays proviennent des pays limitrophes, et en particulier de leurs centrales à charbon. Ancien président du Conseil national de l’air, j’affirme que le gaz naturel est une alternative efficace et saine, pour l’air et l’environnement, en attendant d’avoir trouvé mieux.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il s’agit de réduire la consommation des énergies fossiles. L’argumentation de Mme la ministre laisse entendre que les énergies fossiles utilisées pour produire de l’électricité ne sont pas des énergies consommées, alors que c’est le cas. L’actuelle rédaction du projet de loi favorise l’électricité.

M. Denis Baupin. Nous sommes à l’alinéa 21, qui concerne uniquement les énergies fossiles, et j’ai le sentiment que l’argument de Mme la ministre porte sur l’alinéa 20. La différence entre énergie finale et énergie primaire correspond à la part utilisée pour produire l’électricité. Si nous nous en tenons à la rédaction actuelle, nous réduirons de 30 % l’énergie fossile dans tous les domaines, sauf pour la production d’électricité. La rédaction que nous proposons permettrait de réduire cette consommation dans tous les domaines, y compris dans la production d’électricité.

Mme la ministre. Du débat naît la lumière. J’accepte les amendements identiques.

Mme la rapporteure. Même avis.

L’amendement CS1171 est retiré.

La Commission adopte les amendements CS129, CS797, CS1248 et CS1451.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS130 de M. Martial Saddier, CS853 de M. Julien Aubert et CS1001 de M. Bertrand Pancher, et les amendements CS966 de Mme Sylviane Alaux, CS798 de M. Julien Aubert et CS1222 de M. Éric Alauzet.

M. Martial Saddier. L’amendement CS130 est défendu.

M. Julien Aubert. L’amendement CS853 a été longuement discuté avec l’Association française du gaz (AFG). Le texte ne fait aucune distinction entre des énergies fossiles comme le charbon et le pétrole, que, à l’UMP, nous appelons des « énergies rouges », et le gaz naturel, qui se situe entre les « énergies vertes » et ces « énergies rouges », et que nous appelons pour cette raison une « énergie orange ». Un projet intelligent doit opérer une telle distinction et moduler les objectifs par énergie fossile en fonction des émissions de gaz à effet de serre de chacune.

M. Bertrand Pancher. L’amendement CS1001 n’a plus de guère de pertinence après le précédent vote. Je le retire.

Les amendements CS130, CS853 et CS1001 sont retirés.

M. Jean-Yves Caullet. Non seulement le gaz naturel présente des avantages en termes de particules fines, mais il est en outre substituable par le biogaz.

M. le président François Brottes. C’est partiellement le cas : de l’ordre de 10 à 15 %.

Mme la ministre. Un amendement dans le même sens est prévu à l’article 49, dans le cadre de la PPE.

L’amendement CS966 est retiré.

M. Julien Aubert. L’amendement CS798 est défendu.

M. Éric Alauzet. Le débat que nous avons eu sur l’énergie primaire et finale est un débat quantitatif. Celui que j’ouvre avec cet amendement est qualitatif. Le fioul n’est pas égal au gaz, qui n’est pas égal au charbon. Le gaz rejette 12 à 20 % de carbone en moins que le fioul, par exemple. De telles considérations qualitatives peuvent permettre de développer la substitution du fioul par le gaz dans les flottes de véhicules des collectivités locales ou de l’État. L’arbitrage entre le gaz et le charbon peut également être orienté par cette approche qualitative.

Mme la ministre. Les amendements CS798 et CS1222 sont également satisfaits par un amendement à l’article 49.

Les amendements CS798 et CS1222 sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS63 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. C’est en agissant sur les « énergies rouges » qu’on produit le plus grand effet sur la réduction des émissions de carbone. Nous sommes donc favorables à des objectifs drastiques pour ces énergies très carbonées, en laissant les énergies vertes se développer selon une trajectoire raisonnable, sans prévoir d’objectif trop élevé qui pourrait, notamment en termes de production électrique, avoir des conséquences sur l’équilibre du réseau et la gouvernance nationale. Nous proposons donc de porter la part des énergies renouvelables à 20 %.

Mme la ministre. Défavorable. L’objectif de 23 % en 2020 est un engagement européen de la France.

Mme la rapporteure. Même avis. L’amendement supprime en outre l’objectif à l’horizon 2030, ce qui n’est pas acceptable.

M. Bertrand Pancher. J’ai du mal à suivre mes collègues de l’UMP. Réduction des objectifs en termes d’énergies renouvelables, réduction des objectifs de consommation énergétique, sans compensation par de l’énergie fossile : dites clairement qu’il faut une explosion de la production nucléaire ! Ce serait sortir des accords passés avec la société civile dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Autant je ne crois pas que les objectifs de ce texte en termes de réduction du nucléaire seront atteints, autant je ne suis pas mes collègues sur cet amendement. Le Grenelle avait porté à 23 % la part des énergies renouvelables ; nous ne les atteindrons certainement pas, faute d’une volonté forte, mais sacraliser ce renoncement, c’est un pas osé.

M. Julien Aubert. Nous ne souhaitons pas une diminution drastique du nucléaire, et nous pensons en outre qu’une substitution massive d’énergie renouvelable électrique au nucléaire est impraticable, car, d’après l’Union française de l’électricité (UFE), cela représente 35 gigawatts d’éolien, 70 gigawatts de photovoltaïque, et coûterait 200 milliards d’euros. Nous préférerions donc une trajectoire moins raide pour les énergies renouvelables. Ce n’est pas une trahison : la différence entre les deux trajectoires est de trois points seulement.

M. Charles de Courson. Cela n’est possible que par une renégociation au niveau communautaire, puisqu’il s’agit d’un engagement européen. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler qui a négocié cet accord.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1454 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Ne sachant pas ce que signifie, à l’alinéa 22, l’expression de « consommation finale brute d’énergie », qui n’existe nulle part ailleurs, nous proposons de la remplacer par celle de « consommation énergétique finale », qui figure déjà dans le corps du texte.

Mme la ministre. La différence entre la « consommation finale brute d’énergie » et la « consommation énergétique finale » est au contraire tout à fait substantielle, et, en supprimant la référence à la « consommation finale brute d’énergie », nous rabaisserions considérablement nos exigences. En effet, la « consommation finale brute d’énergie » inclut la consommation énergétique du secteur énergétique : pour produire de l’énergie une centrale a besoin de consommer de l’énergie. Or nous souhaitons que les pourcentages mentionnés s’appliquent à la consommation globale d’énergie, c’est-à-dire non seulement l’énergie produite, mais également l’énergie consommée par le secteur énergétique. C’est ce que signifie la référence à la « consommation finale brute d’énergie », tandis que la « consommation finale nette » ne renverrait qu’à la production d’énergie.

M. Denis Baupin. Je prends note de la définition donnée par Mme la ministre de cette notion qui n’existe nulle part ailleurs.

Mme la ministre. Ce sont les termes qu’emploie la Commission européenne.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS1455 de Mme Michèle Bonneton est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS315 de M. Jean-Jacques Cottel, CS904 de Mme Chantal Guittet, CS1002 de M. Bertrand Pancher, CS1238 de M. Philippe Plisson, et les amendements CS1003 de M. Bertrand Pancher et CS1456 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Jacques Cottel. Il s’agit d’inscrire dans la loi les objectifs ambitieux du Gouvernement en matière de part des énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique.

Mme Chantal Guittet. L’amendement CS904 est défendu.

M. Bertrand Pancher. Avant les élections présidentielles, l’accord passé entre les Verts et le parti socialiste tablait sur une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, ce à quoi personne ne croit. Si l’on veut néanmoins tendre vers cet objectif, il faut accélérer non seulement nos économies d’énergie, mais également notre production d’énergies renouvelables. Nous proposons donc de porter en 2030 la part des EnR à 32 % de la consommation finale brute d’énergie et à 40 % de la production d’électricité totale.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS1238 est défendu.

M. Bertrand Pancher. L’amendement CS1003 est défendu.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1456 vise à renforcer l’objectif global que nous nous sommes fixé en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030, en passant la part de ces énergies de 32 % à 40 %.

Mme la ministre. Ces pourcentages ont été stabilisés. Ils sont connus de tous les acteurs de la filière et de tous les opérateurs, et ont été approuvés par les différentes instances, qu’il s’agisse du Conseil de la transition écologique ou du Conseil économique, social et environnemental. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La loi a vocation à fixer des objectifs, déclinés ensuite dans la PPE.

M. Jean-Jacques Cottel. Il me paraît important d’inscrire dans la loi un objectif chiffré que Mme la ministre a elle-même annoncé lors d’une conférence de presse en juin dernier.

M. Bertrand Pancher. Si l’objectif arrêté pour 2020 est de 23 % d’énergies renouvelables, vouloir atteindre 32 % en 2030 dessine une trajectoire largement insuffisante pour atteindre 50 % d’énergies renouvelables en 2050, puisque cela signifie, sur la période, un rythme de progression inférieur à 1 % par an. Nous sommes ici très loin du facteur 4.

M. Julien Aubert. Aucun des objectifs dont il est question ici n’est financièrement chiffré. Nous avons déjà 80 millions d’euros d’engagements sur les EnR, dont la part n’excède pas 10 %, et l’UFE estime que quadrupler ce taux et atteindre les objectifs que vous défendez aurait un coût de 200 milliards d’euros, sans compter ce qu’implique en termes de gestion l’augmentation considérable du volume d’énergies renouvelables intermittentes injecté dans le réseau. N’imitons pas les Allemands qui ont multiplié les énergies vertes, mais ont vu malgré tout leur empreinte carbone augmenter.

M. Charles de Courson. L’étude d’impact table sur un taux de croissance de 1,8 %, ce qui n’est pas réaliste. Or si la croissance n’est pas au rendez-vous, les objectifs fixés par la loi deviennent inatteignables. C’est donc une erreur de méthode que d’inscrire des pourcentages dans la loi.

M. Denis Baupin. On confond la politique énergétique globale et la politique électrique. Les pourcentages dont il est question concernent toutes les énergies renouvelables, qu’il s’agisse du carburant, du chauffage ou de l’électricité.

Je pense par ailleurs comme Bernard Pancher que les objectifs fixés par la loi pour 2020 et 2030 dessinent pour cette période une trajectoire moins ambitieuse que celle que nous nous sommes fixée d’ici à 2020. Ralentir l’effort est pourtant contradictoire avec la transition énergétique.

Mme la ministre. Les 32 % renvoient à l’ensemble des énergies renouvelables, dont la part, aujourd’hui, n’est que de 14 %. Cela représente un saut quantitatif très important, et, si l’on peut aller plus vite – en pariant sur la baisse du prix d’installation des EnR –, nous le ferons, dans le cadre de la PPE. Mais il serait contre-productif d’afficher d’emblée dans la loi des objectifs qui ne sont pas crédibles aux yeux des opérateurs économiques et des acteurs de la filière industrielle des énergies renouvelables. Faisons confiance à ceux dont c’est le métier et qui ont tout intérêt, par ailleurs, au développement massif des énergies renouvelables. Donnons-nous rendez-vous dans un an pour un point d’étape qui permette d’évaluer la montée en puissance de nos capacités.

M. Bertrand Pancher. Se fixer un tel rendez-vous après deux ans de débats publics est bien la preuve que nous sommes en pleine impréparation !

Les amendements CS315, CS904 et CS1238 sont retirés.

La Commission rejette successivement les amendements CS1002, CS1003 et CS1456.

Elle examine ensuite l’amendement CS1453 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement ne modifie pas les objectifs de la loi, mais vise à inscrire dans le corps de la loi des chiffres figurant dans l’exposé des motifs, afin de préciser les objectifs poursuivis pour chaque secteur énergétique. Cela permettra de rassurer les différents acteurs industriels. La fixation de ces chiffres ne relève pas de la PPE, laquelle ne fixe pas des objectifs, mais définit des politiques pour les atteindre.

M. le président François Brottes. J’aurais une remarque de forme sur votre amendement : on n’écrit pas dans une loi « afin d’y parvenir ».

Mme la ministre. Cet amendement a le mérite d’exister, car il permet de mieux définir ce que sera la programmation pluriannuelle, sur laquelle nous avons commencé à travailler avec les industriels. Or on ne peut, sans les consulter, inscrire dans la loi des pourcentages figés. Nous avons besoin, pour réussir la transition énergétique, des industriels, des banques, de tous les acteurs des filières d’avenir dans le domaine de l’énergie, qui sont fortement mobilisés autour de ce projet. Il existe une hiérarchie cohérente entre les textes : la loi fixe les objectifs globaux ; la PPE, qui relève d’un décret, en développe les détails et nécessite pour cela la contribution des industriels. Je ne les prendrai pas par surprise en inscrivant dans ce texte des pourcentages sur lesquels ils n’auraient pas été consultés.

Mme la rapporteure. Les sous-objectifs par type d’énergie relèvent de la PPE. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CS92 de M. Martial Saddier et CS1749 de M. Jacques Krabal.

M. Martial Saddier. Nous insistons sur le fait que le coût de la transition énergétique doit être acceptable par nos concitoyens, qui ont de plus en plus de mal à payer leur facture énergétique. Par ailleurs, elle doit permettre d’améliorer la qualité de l’air, en s’appliquant notamment dans les secteurs les plus polluants : le chauffage domestique et les transports, individuels et collectifs. Cet amendement décline donc les objectifs à atteindre en matière de chauffage domestique et de transports.

M. Jacques Krabal. Je voudrais répondre à la ministre qu’il ne s’agit pas de modifier les objectifs de la loi sans l’accord des industriels, puisque ces objectifs figurent dans l’exposé des motifs. Les inscrire dans le corps du texte renforcerait sa force et sa cohérence.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements CS92 et CS1749.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS1607 et CS1606 de M. Joël Giraud, CS1457 de Mme Cécile Duflot et CS852 de M. Julien Aubert.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1607 propose d’inscrire dans la loi un objectif de 15 % d’EnR incorporés à la consommation de gaz à l’horizon 2030, pour fixer une ambition à la hauteur des enjeux industriels du secteur. L’amendement CS1606 est un amendement de repli qui abaisse ce taux à 10 %.

M. Denis Baupin. Il s’agit d’envoyer un signal fort en faveur du développement du biogaz en affichant un objectif de 10 % pour 2030.

M. Julien Aubert. Le biogaz et l’hydrogène sont des filières d’avenir.

M. le président François Brottes. Il faut préciser dans votre amendement qu’il s’agit des énergies « incorporées au réseau de gaz naturel ».

M. Julien Aubert. Je rectifie mon amendement CS852 en ce sens.

Mme la ministre. Cela relève de la PPE. Peut-être même irons-nous plus vite que cet objectif.

Mme la rapporteure. Même avis.

L’amendement CS1607 est retiré.

La Commission rejette successivement les amendements CS1606, CS1457 et CS852 rectifié.

Puis elle est saisie des amendements identiques CS64 de M. Julien Aubert et CS224 de M. Damien Abad.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à supprimer la limitation de la part du nucléaire dans le mix électrique français. Ce qui nous gêne, c’est moins de limiter cette part à 50 % que de vouloir atteindre cet objectif à l’horizon 2025. La plupart des industriels du secteur jugent cette perspective irréaliste. Outre son coût financier, elle signifierait en effet une diminution de la production de 20 gigawatts, soit la fermeture d’une vingtaine de centrales. Le nucléaire est une énergie pivot ; sa part dans notre mix énergétique va inéluctablement baisser avec le développement des EnR, mais l’envisager dans un délai si court relève d’un Gosplan volontariste qui n’est pas acceptable, pas plus que ne l’est la fermeture de la centrale de Fessenheim pour des motifs uniquement politiques.

M. Damien Abad. En limitant la part du nucléaire dans le mix électrique, on commet un triple non-sens : non-sens économique, car cela va mettre à mal la compétitivité des entreprises françaises qui ont aujourd’hui accès à une électricité 35 % moins chère que la moyenne européenne ; non-sens social, car cela va diminuer le pouvoir d’achat des ménages ; non-sens éthique, puisqu’on va ainsi à contre-courant de la lutte contre le dérèglement climatique et de la stratégie bas carbone.

Cet objectif ne peut être que la conséquence de choix politiques. Sous l’impulsion du général de Gaulle, la France avait fait le choix du nucléaire comme ressource de base pour sa production d’électricité et pour assurer son indépendance énergétique. Ce serait un retour en arrière que de limiter la part du nucléaire dans le mix énergétique.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Même avis.

M. Charles de Courson. L’étude d’impact indique que nous allons rester à 29 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) de production nucléaire stable jusqu’en 2020 et passer de 29 à 20 millions de TEP entre 2020 et 2030, soit une baisse d’un tiers. Par ailleurs, l’éolien doit passer de 1 à 2 millions de TEP entre 2012 et 2020, et de 2 à 8 entre 2020 et 2030. C’est infaisable !

Réduire la part du nucléaire à 50 %, cela correspond à un tiers de fermetures avec une croissance de 1,8. Si la croissance est de l’ordre de 1, il faudra fermer 50 % des centrales. Il ne faut pas fermer Fessenheim, car cela nous ruinerait, la moitié de la production étant livrée à la RWE allemande et à trois entités suisses, qu’il faudrait indemniser, peut-être à hauteur de 1 ou 2 milliards. L’Allemagne et la Suisse ayant financé la moitié de la centrale, nous ne leur vendons pas l’électricité fournie par Fessenheim au prix du marché, mais au prix de revient hors amortissement.

Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment nous allons faire ? Si je me réfère à l’étude d’impact, il faut fermer 30 % des centrales. Mais il faut rajouter Flamanville, pour parvenir à un tiers de fermetures en 2030, ce qui n’est pas cohérent avec l’objectif de réduction des gaz à effet de serre. Et à quel coût ? L’étude d’impact ne l’évoque pas. Dans quelles proportions le prix de l’électricité va-t-il augmenter en France ? 50, 60 % ? Nous allons vers un modèle à l’allemande.

M. Denis Baupin. Certains de nos collègues imaginent que les centrales nucléaires seront toujours là et que l’on n’a pas à se poser la question du coût de leur prolongation ou de leur remplacement, comme si ces installations ne vieillissaient pas. Or l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a plusieurs fois montré que rien n’était acquis concernant la prolongation de la vie des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans. Aujourd’hui, la plus vieille centrale nucléaire du monde a quarante-cinq ans : nous n’avons aucun retour d’expérience sur l’état d’une centrale de cinquante ou soixante ans. On n’a aucune information sur la résistance des cuves, qui ne peuvent pas être changées.

Le coût a été chiffré par la Cour des comptes : pour maintenir en activité des réacteurs jusqu’à quarante ans, il faut sortir 110 milliards – c’est le grand carénage. Il faudra prévoir des coûts supplémentaires si l’on prolonge les réacteurs au-delà de quarante ans. L’ASN a indiqué que, si elle autorisait une telle prolongation, il faudrait que le référentiel de sûreté de ces réacteurs soit à peu près équivalent à celui de l’EPR. Cela entraînera donc des dépenses significatives. Aussi, ne dites pas que maintenir le parc nucléaire tel qu’il est ne coûte rien. Vous évoquez toujours le coût d’une fermeture, mais le maintien du parc va coûter encore plus cher !

La question de l’indemnisation se pose en fonction de la loi et des durées d’autorisation de fonctionnement, soit, au maximum, dix ans.

Nous serons moins vulnérables si nous dépendons à 50 % d’une même technologie, plutôt qu’à 78 %. Les réacteurs de nos centrales sont tous identiques : l’avantage, c’est que les coûts de construction ont pu être diminués ; l’inconvénient, c’est que, si on leur trouve des défauts génériques, on risque d’être obligés d’en fermer plusieurs à la fois. C’est en tout cas l’opinion du président de l’ASN.

M. le président François Brottes. Il dit aussi que cela permet de tout réparer rapidement et que c’est plus efficace en termes de maintenance.

M. Denis Baupin. Les écologistes souhaiteraient aller plus loin que 50 %, mais ce serait moins de vulnérabilité que 78 %, et cela permettrait de diversifier le mix.

M. Bertrand Pancher. Je partage une partie de l’analyse de Denis Baupin, mais pas ses conclusions. Ce projet de loi matérialise l’accord intervenu entre les Verts et le PS au moment de l’élection présidentielle. Mais il est impossible d’atteindre l’objectif fixé pour 2025. On ne peut déjà pas atteindre celui fixé pour 2016 ! La synthèse du bilan prévisionnel de Réseau de transport d’électricité (RTE), qui veille à préserver l’équilibre entre l’offre et la demande, évoque « un déficit de capacité » « en cas de vague de froid décennale dès l’hiver 2015-2016 », et augmentant à l’hiver 2016-2017. « Cette dégradation de la sécurité d’approvisionnement […] intervient en raison notamment de l’arrêt des centrales au fioul et au charbon qui s’ajoute à celui, fin 2016, de deux tranches nucléaires. » L’engagement que vous avez pris n’est pas tenable !

M. Julien Aubert. L’UFE explique que, si l’on veut remplacer 20 gigawatts de nucléaire par 50 % d’éolien et 50 % de photovoltaïque, cela représente 140 térawattheures, soit, le taux de disponibilité de l’éolien et celui du photovoltaïque n’étant pas identiques, 35 gigawatts d’éolien et 70 gigawatts de photovoltaïque. Cela coûterait 190 milliards d’euros, ce qui est bien plus que les 110 milliards que la Cour des comptes estime nécessaires pour le maintien en activité des réacteurs jusqu’à quarante ans.

Sur le plan pratique, il faudrait 20 000 éoliennes et 657 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques. L’UFE estime à 1 000 kilomètres carrés – d’autres estimations font état de 5 000 kilomètres carrés – le total de la superficie des toits orientés vers le sud en France. Avec 1 000 kilomètres carrés, nous occupons déjà 70 % des toits disponibles pour accomplir en dix ans l’objectif fixé par le Gouvernement.

Je suis favorable à la diversification des sources électriques. Le problème, ce n’est pas la réduction de 50 % de la part du nucléaire, c’est le délai que l’on se fixe. Car 2025, c’est demain. En dix ans, il faudrait fermer entre un tiers et la moitié du parc nucléaire ! Or 400 000 personnes vivent de cette filière, directement ou indirectement. Il y a ainsi 200 000 emplois directs. En dix ans, il faudra reconvertir 80 000 ou 90 000 personnes. Si encore l’éolien ou le photovoltaïque pouvaient créer des emplois, ce serait une bonne chose : mais, pour ce qui est de la filière photovoltaïque, ce seront surtout des emplois en Chine !

M. Michel Sordi. La date de 2025 est trop proche. Un haut responsable d’EDF a expliqué, lors d’une audition, que, en paramétrant l’évolution des consommations et en repoussant cette date de dix ou quinze ans, nous atteindrions les 50 % sans fermer de réacteurs sur notre territoire.

La petite sœur de la centrale de Fessenheim, installée aux États-Unis, vient de recevoir une autorisation pour soixante ans d’exploitation. Il ne faut pas faire le marchand de peurs ! Après l’accident de Fukushima, François Fillon avait demandé un audit sur l’ensemble des réacteurs français : les travaux qui avaient alors été jugés nécessaires sont en cours de réalisation. Les travaux, à Fessenheim, sont les plus avancés en la matière sur le territoire national. Sur les trois dernières années, 300 millions d’euros ont été consacrés à des mises aux normes, à des changements de générateurs de vapeur, etc.

Il est ahurissant, en pleine crise économique, de vouloir fermer une centrale nucléaire et de supprimer 2 000 emplois directs et indirects. Que va-t-on dire aux salariés d’une entreprise qui est bénéficiaire ? Cela s’apparente à du licenciement boursier ! On ne sait pas non plus quel sera le coût de l’opération. Que vont demander les Allemands et les Suisses ? L’addition risque d’être élevée pour EDF et pour le budget de l’État. Il conviendrait de repousser d’une dizaine d’années la limite que vous avez fixée. Ainsi, la région ne serait pas affectée, les écoles, les commerces ne fermeraient pas, car rien n’est prévu pour remplacer ces emplois. Ce que vous proposez est une hérésie !

M. Michel Heinrich. En effet, la suppression des emplois n’est pas prise en compte dans l’étude d’impact. En 2012, le rapport Énergies 2050, remis au ministre de l’industrie, démontrait que, pour réduire de 50 % la part du nucléaire, on détruirait entre 200 000 et 300 000 emplois. À Fessenheim, ce seront 3 000 emplois directs et 12 000 emplois indirects qui disparaîtront.

La Commission rejette les amendements CS64 et CS224.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS65 de M. Julien Aubert, CS226, CS227 et CS228 de M. Damien Abad, CS860 de M. Stéphane Travert, CS225 de M. Damien Abad, CS595 de M. Christian Bataille, CS529 et CS530 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Plutôt que de réfléchir sur la capacité nucléaire ou sur le mix énergétique, nous proposons de stabiliser le potentiel nucléaire français. La notion de « potentiel » nucléaire est différente de celle de « capacité ». Le nucléaire est une filière, avec des capacités d’exportation. Notre objectif dans ce domaine est de garantir cette valeur ajoutée française que représente le potentiel nucléaire, en termes d’énergie sociale pour les Français, mais aussi en termes de capacité d’exportation. Si nous perdons de notre technicité et de nos connaissances, les Chinois et les Britanniques ne nous achèteront pas de centrales nucléaires. On n’achète pas un produit dont les vendeurs eux-mêmes ne veulent pas !

L’idée est de parler de « potentiel » nucléaire en y introduisant le programme de renouvellement des centrales existantes et l’allongement de leur durée d’activité. L’État mènera ensuite une réflexion sur la définition du parc optimal. Si nous ne modifions pas le texte, nous sortirons du débat sans savoir exactement quel parc nous aurons dans quelques années. Il faut, de ce point de vue, établir des grands principes d’évolution.

M. Damien Abad. Notre amendement de repli CS226 vise à prendre en compte les performances économiques et techniques des énergies renouvelables.

M. Baupin a dit que le photovoltaïque créerait beaucoup d’emplois en France. M. Aubert lui a répondu que ce serait plutôt en Chine. En Allemagne, l’emploi dans le photovoltaïque a reculé entre 2012 et 2013, passant de 100 000 emplois en 2012 à 60 000 en 2013. Un euro investi dans le nucléaire crée jusqu’à trois fois plus d’emplois que dans les autres filières de production – gaz, éolien ou photovoltaïque. Les emplois qui seront créés dans les EnR ne compenseront pas les pertes d’emplois dans le nucléaire. C’est pourquoi nous vous proposons de lisser, en prenant en compte les performances économiques et techniques des énergies renouvelables.

En France, la facture d’électricité est l’une des moins chères d’Europe. L’amendement de repli CS227 propose de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité, sous réserve que cela n’ait aucun impact sur le prix de l’électricité ni sur les émissions de gaz à effet de serre. Il est urgent de réaliser une étude d’impact sur le sujet. Les Allemands pourraient témoigner que, après les choix qu’ils ont faits en matière de mix énergétique, le prix de l’électricité a considérablement augmenté.

L’amendement CS228, enfin, vise à prendre en compte la sécurité d’approvisionnement, qui est renforcée par l’énergie nucléaire. Vous risquez de mettre en cause l’indépendance énergétique française et la sécurité d’approvisionnement.

M. Stéphane Travert. L’amendement CS860 va dans le même sens. La diversification énergétique est un enjeu majeur, mais l’équilibre du mix énergétique doit se faire en temps et en heure, « à mesure de l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables ».

L’EPR de Flamanville sera probablement mis en service fin 2016. Aujourd’hui, nous ne connaissons pas encore les conditions de mise en exploitation de l’éolien offshore en baie de Seine ou sur la côte atlantique, et l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour l’hydrolien n’a pas plus d’un an.

M. Damien Abad. Le nucléaire étant, chacun en est conscient, l’énergie bas carbone la plus compétitive, à quoi bon se précipiter ? Certes, le maintien d’une centrale a un coût, mais la non-rénovation et la non-modernisation en ont un aussi, économique et technologique. Un désengagement hâtif aurait des conséquences en matière d’augmentation des prix de l’électricité et de hausse des émissions de CO2. L’Allemagne a augmenté ses émissions de CO2 de 2,3 % entre 2011 et 2013. Pourquoi ce qui arrive outre-Rhin n’arriverait-il pas en France ? Avec l’amendement de repli CS225, nous proposons de réduire à 50 % la part du nucléaire non pas en 2025, mais en 2030.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il y a un an, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’est penché sur cette question dans un rapport sur la transition énergétique. Il est important de se fixer des objectifs, et nous pouvons soutenir ceux qui figurent dans le texte : baisse de la part du nucléaire, des rejets de gaz à effet de serre et de la consommation globale. Cependant, le rythme de réduction doit tenir compte de l’évolution de la part des EnR dans la production globale. Or nous ignorons quel sera, en 2025 ou en 2030, le niveau réel de production des énergies éolienne et photovoltaïque. Il faut donc avoir pour objectif de développer les EnR et, en fonction des évolutions techniques, de fixer ensuite des objectifs globaux que nous ne saurions définir au préalable. C’est ce que l’OPECST a appelé, dans son rapport, une « trajectoire raisonnée ».

M. Julien Aubert. Il importe que le projet ITER soit mentionné dans le texte, car, même si le nucléaire de troisième et de quatrième génération est abandonné, cela ne doit pas affecter la recherche scientifique sur la fusion. Cela permettrait de montrer que la France tiendra ses engagements internationaux.

L’amendement CS530 concerne de même les investissements réalisés dans les réacteurs de quatrième génération. Comme le texte ne dit rien sur l’avenir du parc, nous risquons de nous retrouver, du fait de décisions que nous aurons prises par défaut, dans l’incapacité de basculer dans la quatrième génération, qui présente pourtant beaucoup moins d’inconvénients, notamment au niveau des déchets.

Mme la ministre. Avis défavorable. La stratégie d’obstruction qu’adopte l’opposition ne rend pas service à EDF, qui devra tôt ou tard s’engager dans la transition énergétique. Pourquoi prétendre que le nucléaire restera l’énergie la moins chère et que de nombreux pays étrangers continueront de nous acheter des centrales ? C’est faux. EDF ne persistera à trouver des marchés internationaux qu’en mêlant le nucléaire aux énergies renouvelables dans le mix énergétique.

Le groupe se fragilise quand il refuse d’investir en France dans les énergies renouvelables, alors qu’il le fait à l’étranger, puisqu’il a construit avec son homologue brésilien la centrale photovoltaïque du grand stade de Rio. Il ne continuera à vendre de l’énergie nucléaire que s’il propose aussi de la performance énergétique, des services énergétiques et des énergies renouvelables.

Les ingénieurs français ont été des pionniers en matière de solaire et d’éolien, mais, pour n’avoir investi que dans le nucléaire, nous avons perdu cette avance. N’aurions-nous effectué, depuis les années soixante-dix, que 10 % des investissements dans les énergies renouvelables, que nous serions très bien placés au niveau mondial. Malheureusement, il n’y a pas eu de débat. Les décisions ont été prises de manière unilatérale.

Aujourd’hui, il revient au Parlement d’être visionnaire et d’encourager les opérateurs, les petites entreprises comme les grands énergéticiens, les ouvriers comme les ingénieurs. Je ne blâme pas ceux d’entre eux qui adoptent une posture corporatiste, parce qu’ils ont du mal à imaginer l’avenir, mais notre rôle est justement de les entraîner. Le prix des énergies renouvelables, encore élevé, baissera tôt ou tard. Pour avoir eu la chance d’entendre des chefs d’État et de gouvernement s’exprimer sur le sujet, je sais que la compétition industrielle mondiale est lancée.

La sécurité nucléaire dont nous disposons nous permet de penser la transition énergétique en toute sécurité. Profitons de cette chance. Faute d’avoir investi il y a quinze ans dans la voiture électrique réalisée par Peugeot, nous avons été dépassés par les Chinois. Ne répétons pas cette erreur : notre responsabilité, au-delà des clivages politiques, est de pousser la transition énergétique.

Quand nous avons lancé les appels à projets sur l’éolien offshore, qui représente un marché considérable, EDF n’était pas à l’offensive. Les ingénieurs doivent penser la mutation de leur métier. À l’échelle planétaire, il y aura bientôt 450 centrales à démanteler. Qui peut mieux se positionner sur ce créneau que ceux qui ont construit les centrales ? Si, pour des raisons idéologiques, nous faisons du démantèlement un sujet tabou, nous perdrons aussi ce marché, ce qui, je le répète, ne rendra pas service à la France.

Mme la rapporteure. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements. Que M. Aubert se rassure : la France ne prévoit pas de se retirer d’un programme international dans lequel elle s’est fortement engagée.

M. Denis Baupin. Je regrette que notre groupe ne puisse défendre l’amendement CS1462, dont Mme Duflot est la seule signataire et qui tend à porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 0 % en 2040. Les écologistes n’ont pas changé de point de vue à cet égard. Compte tenu du coût des nouvelles centrales, l’histoire nous donnera probablement raison.

À en croire nos collègues de l’UMP, Mme Merkel serait si mauvaise en économie que nous pourrions lui donner des leçons. Je tiens à rectifier les chiffres qu’ils agitent. L’Allemagne a créé 400 000 emplois dans les énergies renouvelables. En France, il n’y a pas plus de 25 000 salariés qui travaillent dans des centrales nucléaires. Si l’on fermait un tiers d’entre elles, on ne détruirait pas plus de 8 000 emplois.

Ce n’est pas une raison pour le faire brutalement. Avec M. Brottes et M. Sordi, je suis allé rencontrer les ouvriers de Fessenheim, qui défendent légitimement leur outil de travail. En tant qu’élus, nous devons accompagner les restructurations industrielles et territoriales liées à la fermeture des installations nucléaires, mais nous savons que, même si celles-ci durent quarante, cinquante, voire soixante ans, elles devront tôt ou tard être fermées.

Je conviens que l’Europe a perdu, contre les Chinois, la bataille des panneaux photovoltaïques. Reste que ceux-ci ne produisent que 20 % de l’énergie solaire. Le travail d’installation, de réparation ou d’entretien, lui, n’est pas délocalisable. En Allemagne, 60 000 personnes travaillent dans le solaire, contre 10 000 en France, qui, cependant, est plus ensoleillée. Il existe donc un important gisement d’emplois dans ce secteur.

Auditionné par la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire, M. Oursel, président du directoire d’Areva, a confirmé que le business model du nucléaire s’érodait. Les activités sont de moins en moins rentables. Faute d’une reprise nucléaire au Japon, le cours de l’uranium a chuté, ce qui est plus grave pour Areva que pour EDF. Nous ne construisons plus de centrales nucléaires à l’étranger. Si le nucléaire fournit toujours 78 % de l’électricité française, il ne représente plus que 10 % de la production d’électricité mondiale, contre 20 % il y a dix ans. Sur le plan industriel, la France a tout intérêt à miser sur la diversification, au lieu de s’enfermer dans un secteur sans avenir.

M. Julien Aubert. Si nous voulions faire de l’obstruction, madame la ministre, nous nous y prendrions autrement ! Nous nous contentons pour l’instant de défendre une autre vision de la transition énergétique et d’appeler votre attention sur les conséquences budgétaires et sociales du projet de loi.

Je m’étonne de la charge que vous venez de mener contre EDF. Cette entreprise cotée en Bourse choisit sa stratégie en se positionnant, en accord avec ses actionnaires, sur certains marchés. Vous regrettez que Peugeot ne soit pas en tête dans le secteur de la voiture électrique. Quel rapport y a-t-il entre ce dossier et celui du nucléaire ou des énergies renouvelables ?

Vous nous accusez d’avoir une vision idéologique. N’est-ce pas plutôt le cas de ceux qui, sans aucun chiffrage, veulent démanteler, au profit d’industries massivement concentrées dans des pays très concurrentiels, le secteur nucléaire, dans lequel nous sommes en tête depuis cinquante ans et qui emploie chez nous des centaines de milliers de personnes ?

Notre désaccord porte moins sur l’objectif – il va de soi qu’EDF doit se diversifier – que sur la méthode. Faut-il clore en quinze jours le débat sur l’énergie et révolutionner en dix ans le modèle énergétique français ? La transition énergétique créera peut-être des centaines de milliers d’emplois, mais combien en détruira-t-elle ? On ne fermera pas vingt centrales nucléaires sans casse sociale ni dommage pour les territoires. La création de 50 000 à 70 000 emplois dans l’éolien ou le photovoltaïque ne permettra pas de reconvertir les 100 000 salariés que l’on aura mis au chômage.

Veut-on parler des coûts cachés ? Actuellement, 80 milliards d’euros d’engagement sur les énergies renouvelables sont financés par la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Celle-ci, depuis dix ans, a considérablement augmenté, sa hausse annuelle ayant même atteint 100 %. À quel moment comprendrez-vous que la bulle va exploser et que ces investissements ne sont pas soutenables ?

Vous vous obstinez à répéter que le nucléaire n’est pas une énergie d’avenir. Pendant que nous réduisons la voilure, M. Cameron autorise l’installation de deux EPR au Royaume-Uni, avec l’accord du contribuable britannique et la bénédiction des autorités européennes, et les Chinois construisent des centrales. Si nous continuons ainsi, il sera difficile de vendre les nôtres à l’étranger ; or je doute que, dans dix ans, la France soit une grande exportatrice de photovoltaïque et d’éolien.

M. le président François Brottes. La commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire a montré qu’il y avait peu de coûts cachés dans le nucléaire.

M. Michel Sordi. Contrairement à M. Baupin, je pense qu’il faut poursuivre la Recherche et développement sur les centrales de quatrième génération, et qu’il est bien dommage que, en 1997, Mme Voynet ait interrompu pour des raisons idéologiques les programmes de recherche.

Les réacteurs de quatrième génération permettront d’augmenter nos réserves pendant des générations, alors que les stocks de pétrole disponibles représentent quatre-vingts ans de consommation, et ceux de gaz ou de nucléaire, cent vingt ans. Aujourd’hui, un réacteur nucléaire consomme 1 % de sa charge, le reste constituant les déchets. La quatrième génération consommera 90 % de la charge, ce qui permettra à nos réserves de couvrir 6 000 années de consommation.

Enfin, notre stock stratégique correspond à un mois de consommation de pétrole et deux mois de gaz, contre trois ans d’uranium. Celui-ci nous est fourni par des pays de l’OCDE, principalement le Canada et l’Australie. Autant dire que son approvisionnement est autrement plus sûr que celui du gaz et du pétrole, fragilisé la politique de Poutine et la situation du Moyen-Orient.

M. Charles de Courson. L’histoire de l’énergie est celle d’une perpétuelle transition. Il n’y a donc pas lieu d’être conservateur dans ce domaine. Je regrette que Mme la ministre n’ait pas répondu à certaines questions. Si le texte est voté, de combien le kilowatt augmentera-t-il pour le consommateur ? Existe-t-il une seule raison économique ou technique justifiant qu’on abaisse à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire ? Le Gouvernement a-t-il passé à ce sujet un accord avec les Verts, qu’il pourra dénoncer à tout moment ?

Le vrai problème est la vitesse à laquelle doit s’effectuer la transition. Or vous n’avez mené aucune réflexion sur ce point. En outre, alors que la politique française de l’énergie avait toujours fait l’objet d’un consensus, les Verts ont allumé l’incendie. Les socialistes leur ont cédé, certains à leur corps défendant. Quand nous reviendrons au pouvoir, ce qui ne saurait tarder, nous abrogerons ces mesures. C’en est fini du consensus qui avait toujours prévalu. Beau résultat pour ceux qui aiment notre pays !

M. le président François Brottes. Aucun d’entre nous n’a de leçons à recevoir en ce qui concerne l’amour de la patrie.

Les amendements CS860 et CS595 sont retirés.

La Commission rejette successivement les amendements CS65, CS226, CS227, CS228, CS225, CS529 et CS530.

La Commission examine l’amendement CS66 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Si l’objectif premier du projet de loi est de réduire l’émission de gaz à effet de serre, il faut interdire le charbon en tant qu’énergie primaire, ce que nous proposons de faire dans un délai de cinq ans. Puisque, dans les prochaines années, les pays européens rétabliront un véritable marché du carbone, aidons nos industries à anticiper cette décision et à se détourner d’une énergie condamnée à ne pas être compétitive.

Mme la ministre. Avis défavorable. Il faut réduire de manière drastique le recours au charbon, mais ce rôle revient à la PPE. En outre, gardons-nous d’agir trop vite, compte tenu de la situation des départements d’outre-mer, où des sucreries recourent massivement à cette source d’énergie.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Par ailleurs, l’article 55, alinéa 16, décourage, voire interdit d’augmenter la part du charbon dans le mix énergétique.

M. le président François Brottes. La France a anticipé ces dispositions : en métropole, les centrales de production d’électricité à base de charbon ferment les unes après les autres.

M. Julien Aubert. Dès lors que la loi comporte des objectifs chiffrés afin de réduire le nucléaire – qui menacent 400 000 emplois –, pourquoi renvoyez-vous ceux qui concernent le charbon à la PPE, en invoquant les conséquences sociales qu’ils pourraient avoir ? Cette attitude manque pour le moins de cohérence.

M. le président François Brottes. Le dosage relatif des énergies relève de la PPE.

Mme la ministre. Il faudra accompagner la sortie du charbon, fréquemment utilisé dans des bassins industriels en grande difficulté, pour éviter que le changement de source d’énergie ne contraigne des entreprises à fermer.

M. Julien Aubert. L’impact territorial de la mesure sera particulièrement concentré, mais l’objectif paraît essentiel. Pour le reste, nous pourrions renoncer au charbon dans dix ans plutôt que dans cinq.

Mme Sophie Rohfritsch. Son pays ayant renoncé au nucléaire, le consommateur allemand subit l’augmentation des tarifs de l’électricité, du prix de la production et de la fiscalité ; en outre, les Allemands émettent 9 tonnes de CO2 par habitant, alors que les Français en sont à 6. Ne suivons pas ce mauvais exemple et soyons vertueux en protégeant le consommateur physiquement, socialement et financièrement.

La Commission rejette l’amendement CS66.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS785 de M. Julien Aubert.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS779 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Lorsque la commission spéciale a auditionné les représentants des industries gazo-intensives, ceux-ci ont déploré la division du marché du gaz en France et le prix plus élevé du gaz dans la zone sud du pays à cause d’un retard en termes d’infrastructures – qui devrait être corrigé par le projet Eridan. Il s’avère important d’envoyer un signal fort aux entreprises gazo-intensives en nous fixant pour objectif de bâtir un marché unique du gaz en France à l’horizon 2018. L’État afficherait ainsi sa résolution à résoudre ce problème de compétitivité.

Mme la ministre. Ce marché unique est déjà réalisé, puisqu’une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 7 mai dernier a créé la place de marché unique pour le gaz naturel en France. Inscrire dans la loi un objectif déjà réalisé n’est pas nécessaire. Je suggère donc le retrait de cet amendement.

Mme la rapporteure. Mon avis est identique : l’action conduisant à la réalisation de cet objectif est déjà engagée.

M. Julien Aubert. Si nous souhaitons réaliser cet objectif, il ne peut être superflu d’écrire dans la loi notre détermination à l’atteindre très rapidement. Néanmoins, j’accepte de retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS1460 de Mme Cécile Duflot, les amendements identiques CS295 de M. Michel Heinrich, CS649 de Mme Barbara Romagnan et CS1243 de M. Jean-Paul Chanteguet, et les amendements CS2013 de M. Joël Giraud, CS1459 de Mme Cécile Duflot et CS528 de M. Julien Aubert.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à insérer un objectif supplémentaire dans le texte, évoqué à l’occasion du débat au CNTE et consistant à fixer un horizon de moyen terme – l’année 2050 – pour disposer d’un parc immobilier entièrement rénové selon les normes de basse consommation. Pour atteindre cet objectif, il conviendra de tenir un rythme annuel de rénovation des bâtiments.

Mme la ministre. J’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

Mme la rapporteure. Même avis.

M. Michel Heinrich. Ce texte étant une loi de programmation, il apparaît indispensable d’intégrer des objectifs chiffrés et sectoriels. Le rythme de 500 000 logements rénovés par an, à compter de 2017, doit permettre de résorber le stock de passoires thermiques à l’horizon de 2025 ; il pourra ensuite être réévalué, ce programme devant se concentrer impérativement sur les logements occupés par des ménages modestes.

M. Philippe Plisson. Même argumentation. Nous reprenons l’objectif de l’amendement défendu par M. Baupin, en élevant son ambition chiffrée.

M. Jean-Paul Chanteguet. Nos amendements se distinguent tout de même de celui défendu par M. Baupin, car ils y ajoutent une dimension sociale. En effet, nous souhaitons que 66 % des 500 000 logements rénovés par an à partir de 2017 soient occupés par des ménages modestes. Notre but est de lutter contre la précarité énergétique.

M. Joël Giraud. Mon raisonnement est identique à celui de M. Chanteguet, mais je retiens la proportion d’au moins la moitié des logements à rénover habités par des ménages modestes, et non les deux tiers. Il est important de cibler les ménages modestes, car, dans certaines régions, notamment de montagne, le chauffage est allumé dix mois par an, et la précarité énergétique heurte particulièrement les habitants de zones isolées dans lesquelles les offices HLM n’agissent pas pour améliorer la situation.

M. Denis Baupin. L’objectif global de rénovation de l’ensemble du parc immobilier peut en effet trouver une déclinaison annuelle de 500 000 logements. Monsieur Chanteguet, nous avons également la préoccupation des ménages à revenus modestes, et l’amendement CS1459 a pour objet de préciser que cette rénovation doit concerner « en priorité » les logements occupés par ces ménages.

M. Julien Aubert. Notre amendement n’évoque pas le chiffre des 500 000 logements, car nous nous méfions des objectifs ambitieux qui entraînent des coûts élevés, mais il est important de cibler les HLM où les besoins d’économie d’énergie sont les plus forts.

Mme la ministre. Que pense de ces amendements le porte-parole du groupe SRC ?

M. Christophe Bouillon. Tout le monde s’accorde à cibler la rénovation des logements habités par des personnes aux revenus modestes, qui se trouvent les plus en difficulté pour faire face aux dépenses énergétiques qu’entraînent les mauvaises isolations. Je soutiens une précision visant à indiquer cette priorité – qui touchera les HLM –, mais je me demande s’il est bien opportun d’inscrire un chiffre dans la loi. Il est en revanche important d’inscrire dans le texte l’objectif des 500 000 logements par an à partir de 2017.

M. Joël Giraud. Le mot « prioritairement » n’aura pas de portée, alors que, si nous écrivons « au moins la moitié », nous nous montrerons plus précis.

M. Bertrand Pancher. Comment allons-nous atteindre l’objectif de 500 000 logements par an alors que nous n’en sommes actuellement qu’à 230 000 ? Le Président de la République a annoncé ce bel objectif lors de la première conférence environnementale, il y a plus de deux ans. Des mesures d’accompagnement – dont les effets commenceront à se faire sentir en 2015 – ont été mises en place, mais leur utilité reste douteuse, et nous ignorons ce qu’il adviendra du crédit d’impôt après 2015. Avec ces moyens, nous ne réussirons jamais à rénover 500 000 logements par an.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à l’adoption de ces amendements, et suis seulement favorable au CS1460 défendu par M. Baupin.

Mme Sabine Buis. Certes, nous n’avons pas rénové 500 000 logements par an jusqu’à présent, mais notre travail législatif permettra de lever les freins que nous avons identifiés et d’accorder des moyens adaptés aux objectifs que nous nous fixons. Malgré la difficulté d’atteindre l’objectif des 500 000 logements, il convient de l’inscrire dans la loi.

Il y a lieu d’accorder une priorité aux ménages modestes, sans toutefois indiquer de chiffre dans le texte.

M. Jean-Yves Le Déaut. La rénovation des logements est en panne. Il faut donc entreprendre un effort dans ce domaine, afin de ne pas mettre en danger les objectifs de transition écologique que nous devons atteindre. Il me semble donc opportun d’indiquer que la rénovation doit concerner au moins pour moitié des ménages modestes.

M. Christophe Bouillon. Les ménages modestes ne sont pas assignés à résidence. On peut rénover un logement dont les occupants changent. On peut s’entendre sur l’objectif de 500 000 logements rénovés par an à partir de 2017, on peut viser prioritairement le parc social et les logements habités par des personnes aux revenus modestes, mais la définition d’un taux précis entraînera des difficultés pratiques en raison du hiatus entre le stock de logements et le flux de leurs occupants.

M. Christophe Borgel. Il y a lieu de fixer un objectif politique en matière de rénovation thermique. Celui-ci doit fixer le nombre de logements rénovés
– 500 000 par an – et concerner prioritairement les ménages modestes, sans pour autant préciser de part chiffrée du fait des problèmes évoqués à l’instant par M. Bouillon.

S’agissant de l’objectif annuel, vous proposez, monsieur Aubert, de rénover 66 % de l’ensemble du parc social, ce qui représente un nombre bien supérieur à celui de 500 000 que vous jugez pourtant irréalisable. Votre amendement n’est donc pas en ligne avec vos déclarations.

M. Julien Aubert. Vous avez raison, mon amendement affirme que la rénovation des logements doit concerner 66 % de ceux occupés par des ménages modestes, mais j’ai oublié de préciser que cette proportion devait s’entendre par an.

M. Jean-Paul Chanteguet. Quatre millions des 30 millions de logements sont des passoires énergétiques, et, si nous voulons lutter efficacement contre la précarité énergétique, il faut rénover majoritairement les logements occupés par des ménages modestes. Le taux de 50 % me convient, le terme « prioritairement » s’avérant insuffisant.

M. le président François Brottes. Nous cherchons à réduire la consommation d’énergie, notamment dans le bâtiment et les transports. Atteindre cet objectif général exige de diminuer la consommation partout, dans tous les foyers et dans toutes les entreprises. Il est vrai que ce sont principalement les gens modestes qui vivent dans des passoires énergétiques, et il n’est pas illogique d’agir prioritairement dans ces foyers, mais ne nous empêchons pas de rénover d’autres bâtiments à cause de quotas stricts. Il faut concilier l’augmentation des économies d’énergie et la priorité donnée aux ménages modestes. Ce n’est pas simple, et c’est pourquoi il est important d’écrire soigneusement la loi.

M. Philippe Plisson. Comme les riches habitent rarement des logements indignes, il est nécessaire de définir une priorité pour les ménages modestes. Celle-ci peut se révéler délicate à formuler, mais là résident les gisements d’économies d’énergie et d’argent public. Nous devons faire montre d’un volontarisme énergétique, social et politique.

M. le président François Brottes. Ce sont plutôt les classes moyennes et supérieures qui gaspillent l’énergie, ne serait-ce que parce que les ménages modestes n’en ont pas les moyens. Il ne faut donc pas négliger les logements occupés par les gens plus aisés si l’on veut atteindre notre objectif en matière d’économies d’énergie.

Mme la rapporteure. Je propose que la Commission adopte l’amendement CS1460 ainsi rectifié : « 6° De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiments basse consommation” ou assimilé, à horizon 2050 et rénover thermiquement 500 000 logements par an à compter de 2017 et en priorité ceux occupés par des ménages modestes. »

M. Joël Giraud. La proposition de Mme la rapporteure serait parfaite si la fin de la phrase était la suivante : « 500 000 logements par an à compter de 2017 dont au moins la moitié sont occupés par des ménages modestes ». Il ne serait pas scandaleux d’afficher clairement un objectif social !

M. Julien Aubert. Toute la difficulté est d’élaborer une loi qui veut concilier des objectifs environnementaux, de maîtrise d’énergie et sociaux. Le coût de l’énergie se situe sur une pente ascendante – certaines études évoquent un doublement dans les dix ans à venir, et ce texte ne freinera en rien ce mouvement, bien au contraire –, et c’est surtout le pouvoir d’achat des classes modestes qui sera touché. Il est donc utile d’accorder une priorité aux logements occupés par ces personnes, même si les déperditions d’énergie n’y sont pas les plus élevées. L’adverbe « prioritairement » est trop faible, et je préfère que l’on inscrive dans la loi le taux de 66 %, qui permettrait d’alléger en partie la surcharge financière liée à l’évolution du coût de l’énergie.

Mme la ministre. Un titre du projet de loi est consacré au bâtiment. Nous ne discutons ici que de l’article 1er et des grands objectifs qu’il définit. Si nous voulons insérer un objectif chiffré pour la part de logements occupés par des ménages modestes dans le programme de rénovation, nous devons nous demander comment aller au-delà des simples déclarations d’intention. Ce taux s’entendra-t-il nationalement ou par région ? Dans certaines régions, la rénovation du parc social est presque terminée et se situe donc à un niveau supérieur à 66 % : cela voudrait-il dire que, le taux étant dépassé, nous ne pourrions plus rénover de logements occupés par des personnes modestes ?

Je suggère que l’on adopte l’amendement affichant l’objectif global de la rénovation complète des logements à l’horizon de 2050, et que l’on entre dans le détail lorsque nous examinerons les dispositions relatives à la performance énergétique des bâtiments, intégrées au titre Ier du projet de loi.

J’ai récemment rencontré les offices HLM qui ne doivent plus construire que des bâtiments à énergie passive. La plus grande performance énergétique pour les nouveaux logements sociaux n’est pas encore atteinte, et l’argument du coût mis en avant est faux.

M. Julien Aubert. Nous n’avons qu’à supprimer tous les pourcentages de l’article 1er, madame la ministre, y compris celui sur le nucléaire !

M. le président François Brottes. Mme la rapporteure a mis à profit cette courte interruption de nos travaux pour rechercher un équilibre entre la nécessaire priorité accordée à la rénovation thermique des logements des ménages les plus modestes et l’idée que les mesures d’économie d’énergie concernent tout le monde.

Mme la rapporteure. Je propose de retenir l’amendement CS1460, rectifié de la façon suivante :

« Après l’alinéa 23, insérer l’alinéa suivant :

« “6° De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilé, à horizon 2050 en menant une politique de rénovation thermique des logements dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes.” »

Nous traiterons plus précisément d’habitat, et d’objectifs chiffrés de rénovation, au titre II.

M. Michel Heinrich. Cette formulation est un peu ambiguë, mais c’est une avancée. Je m’y rallie.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’objectif des 500 000 logements figurera donc plus loin dans le texte.

Mme la rapporteure. C’est ce qui a été convenu.

M. Julien Aubert. Cette moitié de logements occupés par des ménages modestes, est-ce un objectif annuel ou un objectif qui doit être respecté en 2050 ?

Mme la rapporteure. Pour moi, c’est un objectif annuel. Cela devra être précisé en séance publique.

Les amendements CS295, CS649, CS1243, CS2013, CS1459 et CS528 sont retirés.

M. Jean-Luc Laurent. Tous ici, nous sommes des partisans du volontarisme, parfois d’un volontarisme radical et même, pour quelques-uns, de la planification. Mais même la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ne prétendait pas que l’on allait rénover l’ensemble du parc immobilier d’ici à 2050 ! On peut se payer de mots, bien sûr, mais un tel objectif n’est vraiment pas réaliste.

Mme la rapporteure. Si l’on rénove 500 000 logements par an, c’est crédible.

M. le président François Brottes. C’est ambitieux, bien sûr.

La Commission adopte l’amendement CS1460 ainsi rectifié.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CS736 de M. Jean-Luc Bleunven et CS783 de M. Julien Aubert, et l’amendement CS1608 de M. Joël Giraud.

M. Jean-Luc Bleunven. Les réseaux de chaleur, qui fonctionnent comme un chauffage mutualisé, présentent beaucoup d’avantages : ils permettent de valoriser les énergies renouvelables, mais aussi de créer des emplois et de développer l’économie circulaire. Nous proposons de les développer fortement.

M. Julien Aubert. L’amendement CS783 est défendu.

M. Joël Giraud. Mon amendement va dans le même sens, mais il est plus modeste : il prévoit un doublement plutôt qu’un quintuplement.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je partage l’idée qu’il serait judicieux de renforcer la place de la chaleur dans le projet de loi. Mais c’est la PPE qui devra décliner et préciser les grands objectifs prévus par le nouvel article L. 100-4.

L’amendement CS736 est retiré.

M. Bertrand Pancher. Le Grenelle de l’environnement fixait déjà des objectifs très ambitieux en matière de chaleur renouvelable. Le Gouvernement nous annonce maintenant un doublement du fonds chaleur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), mais je demeure dubitatif. Ne voyez dans ma question aucune malice, mais quels moyens financiers les auteurs de ces amendements prévoient-ils pour atteindre cet objectif ambitieux ?

M. Julien Aubert. Tout d’abord, nous proposons de cesser de soutenir les énergies vertes électriques ; d’autre part, nous pensons que les recettes que percevrait l’État grâce à l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels pourraient être consacrées intégralement au développement des énergies vertes.

Quoi qu’il en soit, vous aurez remarqué que ce projet de loi ne résout strictement aucun problème de financement.

M. Joël Giraud. Aujourd’hui, 5 % du parc immobilier français est desservi par des réseaux de chaleur, contre 13 % en moyenne en Europe : nous devrions pouvoir progresser, même avec des moyens limités.

La Commission rejette successivement les amendements CS783 et CS1608.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS979 de M. Serge Letchimy et CS1413 de M. Victorin Lurel.

M. Serge Letchimy. Cet amendement vise à réparer un oubli : en effet, l’article 1er ne mentionne pas les zones non interconnectées (ZNI), qui comprennent notamment les départements et régions d’outre-mer, et qui doivent être traitées de façon spécifique. Le Grenelle fixait pour ces régions des objectifs très ambitieux, et il existe aujourd’hui une véritable dynamique : les énergies renouvelables se développent bien plus vite outre-mer que dans l’hexagone. Ainsi, la Guyane utilise beaucoup l’hydraulique, La Réunion dépasse les 30 % d’EnR et, grâce à la géothermie, la Guadeloupe avance énormément. La Martinique est aujourd’hui à 10 %, alors qu’elle était à 2 % il y a quatre ans.

Nous proposons donc de fixer des objectifs pour les ZNI. Au-delà des objectifs chiffrés, nous voulons créer une dynamique territoriale pour changer de modèle économique et atteindre l’autonomie énergétique en 2030. Cela peut paraître ambitieux, mais, à mon sens, il faut changer de braquet.

Mayotte s’étant engagée plus tardivement dans cette voie, nous proposons un objectif de 30 % d’EnR en 2020 pour ce territoire. Les députés mahorais ont été consultés sur ce point.

Mme Ericka Bareigts. L’amendement CS1413 vise à réparer le même oubli que le précédent, mais sa démarche est un peu différente : le mix énergétique ultramarin est aujourd’hui catastrophique, puisque la part des énergies fossiles dans la consommation d’énergie primaire est par exemple de 82 % en Guyane et de 99 % à Mayotte. Il nous semble donc raisonnable de fixer pour l’autonomie énergétique la date de 2040 plutôt que celle de 2030. Nous proposons aussi de fixer un objectif intermédiaire de 30 % en 2020, et de 20 % à Mayotte. C’est donc un amendement également audacieux, mais qui se veut plus réaliste.

Mme la rapporteure. Avis favorable à l’amendement CS979, plus ambitieux.

Mme Ericka Bareigts. Nous souhaitons tous trouver un équilibre entre les objectifs très ambitieux du Grenelle et une réalité difficile.

L’amendement CS1413 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS979.

Elle examine ensuite l’amendement CS949 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. Cet amendement vise à préciser que le rapport d’évaluation rendu au Parlement doit examiner les conséquences de la politique énergétique sur la compétitivité de l’économie française.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’article 1er du projet de loi dispose que le développement d’une économie compétitive est l’un des objectifs de la politique énergétique. Le sujet sera donc nécessairement abordé par le rapport, et cette précision est superflue.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CS2179, l’amendement de correction d’une erreur matérielle CS2180 et l’amendement de conséquence CS2181, de la rapporteure.

Elle adopte enfin l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission examine l’amendement CS67 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’amendement CS67 porte sur les hydrocarbures non conventionnels. Il est proche de l’amendement CS532 déjà présenté, mais mentionne en outre que les recettes perçues par l’État seraient affectées au développement des usages non carbonés.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, avec la même réponse sur la loi du 13 juillet 2011, dite loi Jacob.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CS68 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à demander un rapport sur la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, prévue par cette loi Jacob – qu’il ne faut surtout pas réduire à l’interdiction de la fracturation hydraulique ! Cette loi n’est aujourd’hui appliquée qu’à moitié. Si elle l’était entièrement, nous pourrions peut-être exploiter ces hydrocarbures non conventionnels sans atteinte à l’environnement. Il est faux de dire que l’exploitation de ces hydrocarbures aggraverait notre empreinte carbone. Nous consommons du gaz, et que nous l’importions de Russie ou que nous le produisions nous-mêmes, l’émission de gaz à effet de serre est la même. En revanche, il y a fort à parier que la consommation de gaz produit en France aurait une empreinte carbone inférieure à celle d’un gaz que l’on fait venir de loin. Nous proposons donc de nous comporter de façon plus rationnelle et d’appliquer la loi Jacob.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je vous conseillerai de demander plutôt à Mme la ministre de présenter le bilan d’activité de cette commission d’ici à la séance publique.

M. Denis Baupin. Il vaut certes mieux consommer du gaz produit nationalement que du gaz importé : il faut donc utiliser du biométhane, ce que GRTgaz nous a présenté comme la troisième révolution du gaz, qui n’est donc pas du tout celle du gaz de schiste.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS527 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à inscrire dans la loi la stabilité du cadre réglementaire, administratif et fiscal. C’est une demande de toutes les entreprises.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le principe d’une programmation pluriannuelle est justement de garantir la stabilité du cadre juridique : la précision est superflue.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2
Intégration dans les politiques publiques des objectifs de la politique énergétique

1.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 2, composé de quatre alinéas, comporte des dispositions très générales, non codifiées, relatives à l’intégration des objectifs de la politique énergétique dans les politiques publiques.

Le premier alinéa impose l’intégration dans les politiques publiques des objectifs d’efficacité énergétique et de gestion économe des ressources, tels que définis par les articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie, renouvelés par l’article 1er du projet de loi.

Le deuxième alinéa pose le principe selon lequel les politiques publiques soutiennent la croissance verte, au travers du développement et du déploiement de processus sobres en émission de gaz à effet de serre, de la maîtrise de la consommation d’énergie et de matières, ainsi que de l’économie circulaire, dans l’ensemble des secteurs de l’économie. Sont particulièrement visés l’industrie, la production d’énergie, l’agriculture, les activités tertiaires et les transports.

Le troisième alinéa indique que les politiques publiques, nationales ou territoriales, intervenant dans les domaines économique, de recherche et d’innovation, d’éducation, de formation initiale et continue, contribuent à l’émergence et au renforcement de la croissance verte, en recourant à l’ensemble des dispositifs réglementaires, financiers et fiscaux, incitatifs et contractuels mis en place par l’État et les collectivités territoriales.

Le quatrième alinéa précise que les politiques publiques concourent au renforcement de la compétitivité de l’économie française et à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages. Pour ce faire, elles privilégient un approvisionnement compétitif en énergie et favorisent l’émergence et le développement de filières à haute valeur ajoutée et créatrices d’emplois, et accompagnent les mutations professionnelles dues à la transition énergétique et écologique.

2.  Position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure est bien consciente des fragilités juridiques des dispositions figurant traditionnellement au sein des titres préliminaires. Les critiques émises de longue date à l’encontre du droit « mou », « flou », voire à « l’état gazeux » selon les expressions communément employées par le Conseil d’État, découlent de l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi(7). Les objectifs assignés à des politiques publiques sont en effet dénués de toute normativité, et souvent critiqués pour leur caractère purement incantatoire. Il en ressortirait un droit « bavard », à même d’estomper la frontière entre ce qui est obligatoire et ce qui ne l’est pas, ce qui est sanctionnable et ce qui ne saurait l’être. Néanmoins, au cours des auditions, il est apparu que les principes énoncés par cet article revêtaient un caractère important pour nombre d’acteurs économiques et de collectifs citoyens. Pour cette raison, votre co-rapporteure soutient le maintien de cet article.

À son initiative néanmoins, quatre amendements de précision rédactionnelle ont été adoptés. Par ailleurs, a été adopté un amendement émanant du groupe écologiste visant à préciser que l’État porte une politique internationale ambitieuse en matière de lutte contre le changement climatique.

*

* *

La Commission se saisit de l’amendement CS2182 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Les politiques publiques doivent respecter l’intégralité des objectifs assignés à la politique énergétique nationale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS2183 de la rapporteure, CS1464 de Mme Cécile Duflot, CS2185 de la rapporteure et CS508 de M. Julien Aubert.

Mme la rapporteure. L’amendement CS2183 est rédactionnel ; l’amendement CS2185 est de précision.

La Commission adopte l’amendement CS2183.

En conséquence, les amendements CS1464, CS2185 et CS508 tombent.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2184 de la rapporteure.

En conséquence, l’amendement CS1463 de Mme Cécile Duflot n’a plus d’objet.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS2186 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CS1465 de Mme Cécile Duflot.

M. Denis Baupin. Dans cet article qui évoque les grandes orientations de la politique énergétique, nous souhaitons indiquer que la France soutient les mêmes objectifs au niveau européen et international, et donner ainsi un signal important à un moment où notre pays s’apprête à accueillir la conférence des Nations unies sur les changements climatiques.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CS1465.

La Commission est saisie des amendements identiques CS296 de M. Michel Heinrich, CS804 de M. Julien Aubert, CS1467 de Mme Cécile Duflot et CS2014 de M. Joël Giraud.

M. Michel Heinrich. Il est important de préciser que l’un des objectifs des politiques d’efficacité énergétique doit être de maintenir et même d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages, notamment de ceux qui se trouvent en situation de précarité énergétique.

M. Alain Leboeuf. Vous avez bien mentionné ici la compétitivité de l’économie française que je vous demandais d’ajouter dans un alinéa précédent. Nous voudrions aussi insister sur cette particularité des ménages exposés à la précarité énergétique.

M. Denis Baupin. Nous insistons aussi sur la nécessité de prendre en compte les ménages exposés à la précarité énergétique.

M. Joël Giraud. Mon amendement poursuit le même objectif.

Mme la rapporteure. Je rappelle que nous avons adopté, à l’article 1er, un amendement qui fait de la lutte contre la précarité énergétique un objectif de la politique nationale énergétique. Ces amendements me paraissent satisfaits et je vous invite à les retirer.

Les amendements CS296, CS1467 et CS2014 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement CS804.

Puis elle examine l’amendement CS1466 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il peut sembler superfétatoire d’ajouter une fois de plus dans le texte la notion d’efficacité énergétique, mais nous pensons qu’il est important de le faire à cet endroit où il est question de faire émerger des filières afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et la création d’emplois. Il faut prendre en compte l’efficacité énergétique, y compris en la matière, et cela va mieux en le disant.

Mme la rapporteure. Je pense que cela ne va pas mieux en le disant et que c’est tout à fait redondant avec l’alinéa 10 de l’article 1er : « – maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité ainsi que la sobriété énergétiques ».

M. le président François Brottes. Vous voulez dire que cela ne va pas mieux en le redisant. Prenons garde à ne pas écrire quatre fois la même chose dans trois articles différents.

M. Denis Baupin. Je retire mon amendement dans un esprit de conciliation, mais signale que la compétitivité est aussi mentionnée à d’autres endroits, et deux fois dans ce même paragraphe.

L’amendement CS1466 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS924 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. Nous souhaitons que l’alinéa 4 mentionne l’attention particulière qui sera portée aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire celles qui sont très créatrices d’emploi sur tout le territoire.

Mme la rapporteure. Tous les acteurs économiques méritent l’attention des politiques publiques. J’émettrai donc un avis défavorable, d’autant que Mme la ministre s’est engagée à les réintroduire à l’article 53 du titre VIII.

La Commission rejette l’amendement CS924.

Elle examine ensuite l’amendement CS750 de M. Yves Blein.

M. Christophe Borgel. L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La rédaction proposée est assez redondante avec celle de dispositions contenues dans l’article 2.

L’amendement CS750 est retiré.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CS69 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement reprend une idée issue de l’autre débat sur la transition énergétique – la création d’un Commissariat à la transition énergétique – et il a nécessité beaucoup de travail de concertation avec les acteurs du milieu.

Cette création vise d’abord à répondre à une critique récurrente des acteurs de terrain qui se plaignent de l’organisation administrative, du manque de coordination entre les différents services concernés.

Deuxième enjeu : nous devons prendre des décisions assez subtiles concernant l’avenir du parc nucléaire, en établissant un plan ambition de développement des énergies renouvelables, tout en imaginant un réseau électrique qui soit le plus efficient possible et en développant des stratégies régionales destinées à rendre les territoires plus autonomes. Le Parlement va adopter des objectifs nationaux et, au plan régional, les collectivités territoriales vont décider de leurs stratégies en matière d’énergies renouvelables. Si nous voulons que tout cela soit correctement articulé et harmonisé, il faut créer une instance rattachée au Premier ministre, qui soit chargée d’avoir une vision stratégique des plans de développement sur vingt ou trente ans, de piloter leur financement et d’expliquer la démarche de transition énergétique sur le terrain, une fois que le Parlement aura adopté la loi.

Voilà pourquoi nous proposons d’expérimenter pendant trois ans ce Commissariat à la transition énergétique qui serait placé directement sous l’autorité du Premier ministre et qui se substituerait à certains services, permettant ainsi une mutualisation des coûts. Dans les départements, les meilleurs maillons sont les sous-préfectures qui sont actuellement menacées alors qu’elles sont au plus près des collectivités territoriales. Un sous-préfet, représentant le Commissariat, serait chargé du suivi de la transition énergétique ; il pourrait coordonner les services et devenir le point d’entrée unique des acteurs de l’énergie qui souhaitent obtenir des autorisations ou seulement se voir simplifier la tâche au jour le jour.

M. le président François Brottes. En matière de proximité, il y a ceux qui ferment les tribunaux de proximité et ceux qui les rouvrent. Quant aux sous-préfectures, on n’en a fermé aucune.

Mme la rapporteure. Votre amendement ne me semble pas très sérieux, monsieur Aubert. Vous voulez réorganiser une grande partie des services de l’État, à titre expérimental, quitte à repartir en sens inverse au bout de trois ans. Par ailleurs, l’organisation de l’administration est une compétence du Gouvernement. Enfin, il existe déjà un Commissariat général au développement durable.

M. Julien Aubert. Vous aurez noté, madame la rapporteure, que ce Commissariat général n’occupe pas du tout les mêmes fonctions que celles énumérées dans notre liste et sur lesquelles nous avons beaucoup réfléchi. Cette proposition n’est pas sérieuse, dites-vous. Je vous rappelle qu’il y avait naguère un Commissariat général au plan qui a fait de très bonnes choses.

M. Jean-Luc Laurent. Vous l’avez supprimé !

M. Julien Aubert. C’était une erreur. Ce genre de structure est utile à qui veut avoir une logique à la fois temporelle et spatiale. Enfin, le Commissariat permettrait de répondre au problème de la gouvernance et de son articulation entre le niveau national et le niveau local. Nous passons notre temps à dire que les collectivités territoriales vont réaliser la transition énergétique, sans chef d’orchestre, ce qui risque d’entraîner un écart terrible entre prévisions et réalisations, et des conséquences que des acteurs comme ERDF et EDF vont ensuite gérer.

M. le président François Brottes. J’aurais pu décider de ne pas débattre de cet amendement, qui est en quelque sorte une injonction au Gouvernement, mais il me semblait normal que vous puissiez exposer votre idée dans ce débat.

M. Julien Aubert. Je vous en remercie, même si ce que je propose s’apparente plutôt à la création d’une autorité administrative indépendante.

La Commission rejette l’amendement CS69.

Puis elle examine l’amendement CS70 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Nous proposons l’élaboration d’un rapport – marronnier du parlementaire cherchant à contourner l’article 40 – sur la création d’un Commissariat à la transition énergétique. Vous avez tort de considérer qu’il s’agit d’un problème mineur, chers collègues. Le problème de la gouvernance de la transition énergétique va se poser : pour réaliser vos nombreux et ambitieux objectifs, vous devez compter sur une grande variété d’organismes qui n’ont pas de chef d’orchestre. À défaut de créer un commissariat, quel qu’en soit le nom, il faudra bien désigner qui sera chargé de mettre de l’ordre. Actuellement, aucun acteur n’est capable d’avoir une vision d’ensemble du système électrique, de la production nucléaire et de la production des EnR, tant au niveau national qu’au niveau local.

Mme la rapporteure. Ce sujet concerne à nouveau l’organisation des services de l’État, qui relève de la compétence du Gouvernement. C’est donc à Mme la ministre qu’il reviendra de vous répondre.

M. Julien Aubert. La recomposition des services de l’État visait surtout à éviter de créer une charge pour les finances publiques.

La Commission rejette l’amendement CS70.

TITRE II
MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS

Le bilan énergétique de la France en 2013, publié par le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie en juillet 2014, indique que la consommation finale d’énergie, corrigée des variations climatiques et tous usages confondus, s’est établie l’année dernière à 165,4 Mtep, après deux années autour de 167 Mtep (– 1 % par rapport à 2012). (8)

Avec 69 Mtep consommées en 2013 (dont 46,9 Mtep dans le résidentiel et 22,1 Mtep dans le tertiaire), le secteur du résidentiel-tertiaire représentait à lui seul 44,8 % de la consommation finale énergétique, devant les transports (31,6 %) et l’industrie (20,6 %). Au cours des quarante dernières années, cette part est restée remarquablement stable, alors que les parts des transports et de l’industrie dans cette consommation finale connaissaient des évolutions marquées et inverses.

Structure sectorielle de la consommation finale énergétique

Données corrigées des variations climatiques, en %

Secteur

1973

1990

2002

2011

2012

2013

Résidentiel-tertiaire

42,0

41,00

42,2

44,5

44,6

44,8

dont résidentiel

28,7

29,8

30,1

30,4

dont tertiaire

13,5

14,7

14,4

14, 3

Transports

19,4

29,0

31,2

31,7

31,6

31,6

Industrie

35,9

27,1

23,8

20,8

20,9

20,6

dont sidérurgie

9,4

4,7

3,8

3,2

3,1

3,2

Agriculture

2,7

2,8

2,8

2,9

2,9

3,0

Total énergétique

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : CGEDD

L’objectif ambitieux d’une réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, auquel invite l’article L. 100-4 du code de l’énergie dans sa rédaction issue du III de l’article 1er du présent projet de loi, ne pourra donc être atteint que si les secteurs du logement et du bâtiment sont placés au cœur de l’action des pouvoirs publics.

Une telle préoccupation est d’autant plus légitime que les diagnostics de performance énergétique, obligatoires depuis novembre 2006 pour la vente et juillet 2007 pour la location, renvoient une image préoccupante de la qualité thermique moyenne des logements. (9) Leur analyse montre qu’en 2012, plus de la moitié (53,6 %) du parc des logements en France métropolitaine consomme entre 151 et 330 kWhEP /m²/an d’énergie (étiquette énergétique moyenne D ou E), contre seulement 14 % qui bénéficient d’étiquettes plus performantes (A, B ou C). En matière d’émissions de gaz à effet de serre, un tiers de ces logements sont classés en A, B ou C, et 40 % en D ou E. La date de construction du logement, sa taille, son statut d’occupation et surtout l’énergie de chauffage utilisée et la localisation géographique constituent des variables discriminantes.

Le Grenelle de l’environnement a constitué une étape essentielle dans la prise de conscience de la nécessité de se fixer des objectifs ambitieux et d’agir plus volontairement. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009, dite « loi Grenelle I », a ainsi fixé comme objectifs à l’État la réduction de la consommation d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 et la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013. Elle a ouvert la voie à un durcissement très significatif de la réglementation thermique applicable aux bâtiments neufs (d’une consommation d’énergie primaire moyenne de 150 kWh/m²/an dans le cadre de la RT 2005 à 50 kWh/m²/an dans le cadre de la RT 2012), à la réalisation d’audits énergétiques obligatoires pour les bâtiments de l’État, à la montée en puissance de programmes de formation comme FEE-Bat ou encore à une amélioration des dispositifs financiers et fiscaux de soutien (prêts à taux privilégié aux bailleurs sociaux, crédit d’impôt en faveur des économies d’énergie, etc.).

Plus récemment, l’engagement de rénover 500 000 logements par an a été pris lors de la conférence environnementale de 2012 et cet engagement peut s’appuyer sur une série d’actions ou de décisions qui attestent de la mobilisation de l’actuelle majorité autour d’une question qui n’est pas seulement économique, environnementale ou technique, mais également sociale (précarité énergétique). On peut mentionner, à ce titre, le Plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) lancé en mars 2013, les mesures visant à simplifier et raccourcir les délais d’obtention des permis de construire ou à simplifier les règles de construction, la mise en place nouvelles incitations fiscales pour relancer la construction de logements (abattement de 30 % de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur les plus-values de cession pour les terrains vendus avant le 31 décembre 2015, abattement sur les donations de terrain, TVA à taux réduit pour les logements construits par les ménages modestes dans les quartiers prioritaires) ou encore le renforcement du crédit d’impôt « développement durable ».

Le présent projet de loi marque la volonté d’aller plus loin encore. Son titre II comprend donc un ensemble de dispositions visant à favoriser une meilleure rénovation des bâtiments, afin d’économiser l’énergie tout en créant des emplois nouveaux dans les secteurs du bâtiment et de l’équipement des logements.

Article 3 A [nouveau]
(article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation)

Rapport au Parlement sur la stratégie nationale à l’horizon 2050

Cet article pose le principe selon lequel, tous les cinq ans, un rapport présentant la stratégie nationale à l’horizon 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l’énergie dans le parc national de bâtiments publics et privés à usage résidentiel et tertiaire devra être présenté par le Gouvernement au Parlement. Cette stratégie comprend notamment :

– une analyse détaillée du parc national de bâtiments, au regard notamment de leur performance énergétique ;

– une présentation des stratégies de rénovation économiquement pertinentes, en fonction des types de bâtiment et des zones climatiques ;

– un bilan des politiques conduites et un programme d’action visant à stimuler les rénovations lourdes de bâtiment économiquement rentables ;

– un programme d’action visant à guider les particuliers, l’industrie de la construction et les établissements financiers dans leurs décisions d’investissement.

*

* *

La Commission en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CS1955 de la rapporteure, CS1268 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1428 de M. Philippe Bies et CS1469 de Mme Cécile Duflot, tendant à la création d’un article additionnel avant l’article 3.

Les amendements CS1268 et CS1428 sont identiques.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je suggère que le Gouvernement présente, tous les cinq ans, un rapport au Parlement afin de présenter la stratégie nationale à l’horizon 2050 pour la maîtrise de l’énergie dans le domaine du logement.

M. le secrétaire d’État. C’est l’objet des budgets carbone et de la stratégie bas- carbone de définir cette feuille de route. La France met déjà en œuvre des dispositions de la directive européenne de 2012 sur l’efficacité énergétique ; à cette fin un rapport a été transmis à la Commission européenne sur la stratégie de rénovation des bâtiments. L’horizon retenu est 2020.

Par ailleurs, ladite stratégie doit être mise à jour tous les trois ans et rendue publique par la Commission. L’amendement me paraissant satisfait, je suggère son retrait.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1268 est défendu.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS1428 l’est aussi.

Mme Cécile Duflot. Il est nécessaire de définir une stratégie de plus long terme, à l’horizon 2050 et non 2020, afin de permettre aux acteurs de s’organiser. Ce n’est pas un hasard, monsieur le secrétaire d’État, que l’amendement de la rapporteure ait été relayé par d’autres.

M. le secrétaire d’État. La stratégie bas carbone est définie sur quinze ans glissants : la prise en compte des objectifs est donc assurée de façon permanente. Aussi, je maintiens ma demande de retrait des amendements.

M. Denis Baupin. La stratégie doit être claire et visible, ce qui n’a pas été le cas des plans successifs. Nous avons adopté, hier, un amendement important pour inscrire dans la loi l’objectif de rénovation de tous les bâtiments à l’horizon 2050. Un rapport qui précise régulièrement la stratégie, même si ce n’est pas forcément tous les cinq ans, serait donc utile.

Mme Cécile Duflot. Contrairement à celui de la rapporteure, notre amendement n’impose pas la remise d’un rapport tous les cinq ans. Nous pouvons partager les objectifs, mais la question est de savoir les moyens que nous mobilisons pour les atteindre. Sans stratégie de moyen terme sur le développement des compétences des acteurs, sans lisibilité pour les particuliers ni sur l’évolution des transactions immobilières, voire sans une réflexion sur le rôle du diagnostic de performance énergétique (DPE), l’objectif de 500 000 rénovations thermiques, par exemple, ne sera pas atteint. Je regrette, de ce point de vue, d’avoir retiré la mesure relative au bouquet de travaux ouvrant droit au crédit d’impôt. Bref, sans une stratégie de long terme, nous en resterions à un bel affichage non assorti de moyens, en termes financiers et au regard des perspectives d’avenir pour les acteurs.

M. le président François Brottes. Maintenez-vous votre amendement, madame la rapporteure ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Oui, pour les raisons qui viennent d’être évoquées.

La Commission adopte l’amendement CS1955.

En conséquence, les amendements CS1268, CS1428 et CS1469 tombent.

Article 3 B [nouveau]
(article L. 101-2 du code de la construction et de l’habitation)

Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels

Cet article pose le principe selon lequel, d’ici quinze ans, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures équivalent pétrole par mètre carré et par an (classes F et G) devront avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique.

*

* *

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS1956 deuxième rectification de la rapporteure, et CS1006 de M. Bertrand Pancher.

Mme Sabine Buis, rapporteure. À l’horizon 2030, les bâtiments résidentiels et tertiaires doivent avoir fait l’objet d’une rénovation leur permettant de sortir des catégories F et G du DPE.

M. Bertrand Pancher. Les bâtiments neufs représentent seulement 1 % des constructions chaque année, et ils sont déjà réglementés. L’objectif de réduction de moitié de notre consommation d’énergie finale à l’horizon 2050 passe par une vision ambitieuse et à long terme du parc existant ; c’est d’ailleurs ce que prévoit la directive relative à l’efficacité énergétique.

M. le secrétaire d’État. L’ambition du Gouvernement en matière d’efficacité énergétique dans les bâtiments est inscrite à l’article 1er du projet de loi, avec un objectif de 100 % de bâtiments performants à l’horizon 2050. Ces amendements me semblent donc superfétatoires ; aussi je suggère leur retrait.

M. le président François Brottes. Tout cela suppose de revoir les normes du DPE.

Mme Cécile Duflot. Je soutiens l’amendement de la rapporteure. Nous sommes en effet au cœur du sujet, s’agissant de l’obligation de rénovation et des moyens que nous nous donnons. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : l’objectif d’une division par deux de la consommation d’énergie restera un objectif de papier sans une stratégie concrète, dotée de moyens financiers, politiques et associant les collectivités – même si les transports seront bien entendu déterminants, nous y reviendrons. Je rappelle que 75 % des logements dans lesquels nous vivrons en 2050 sont déjà construits. La rénovation est donc un enjeu décisif – d’ailleurs le problème est plus complexe encore s’agissant des logements des années 50-60 à 80. Dans ce cadre, un DPE plus normé et plus prescriptif me semble en effet essentiel.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CS1006.

La Commission adopte l’amendement CS1956 deuxième rectification.

L’amendement CS1006 est retiré.

Avant l’article 3

La Commission examine l’amendement CS526 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je propose d’inscrire dans le titre II l’objectif de diminution des émissions de CO2, en d’autres termes de la consommation d’énergie fossile.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Cet amendement restreint les objectifs d’économies d’énergie dans les bâtiments aux seules énergies fossiles. Or le texte vise aussi à diminuer l’empreinte environnementale des bâtiments et à limiter leur consommation pour faire baisser la facture des ménages. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure sur le titre II et le titre IV. Avis défavorable également : le texte porte sur la sobriété énergétique, sans se limiter aux énergies fossiles.

M. Martial Saddier. Nous sommes d’accord avec l’idée de la sobriété énergétique, mais déplorons l’absence de mesures en faveur de l’efficacité énergétique, qui puissent aider nos concitoyens à moderniser leurs appareils de chauffage et permettent d’encadrer leur facture d’énergie.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1954 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. La méthode de calcul permettant de justifier du respect des caractéristiques des bâtiments neufs ou existants définies par décret en Conseil d’État et la méthode de calcul visé par le diagnostic de performance énergétique sont différentes dans leur périmètre et leur mode de calcul. Cela entraîne des résultats différents pour un même bâtiment ou un même logement.

M. le secrétaire d’État. Je souscris à cet objectif d’harmonisation, et le ministère y travaille, mais la disposition est de niveau réglementaire. Les méthodes de détermination de la performance énergétique doivent être adaptées aux caractéristiques techniques des bâtiments concernés ; pour les bâtiments existants, il convient notamment de distinguer l’ensemble des techniques constructives, dont les caractéristiques sont beaucoup plus variées que dans le domaine de la construction neuve. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. L’amendement témoigne d’un souci de précision. De ce point de vue, pourrait-on avoir des garanties, par voie législative ou réglementaire, quant à la prise en compte des zones géographiques, qui, pour des bâtiments similaires, posent des enjeux spécifiques en matière énergétique ?

M. le secrétaire d’État. Cela est déjà pris en compte dans la réglementation, et le sera encore en l’espèce, bien entendu.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission passe à l’amendement CS181 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Il s’agit d’un amendement d’appel. Une fois encore, je regrette l’absence d’un volet dédié à l’efficacité énergétique.

L’exemple de ce qui a été fait, sur une partie du territoire, avec le Conseil national de l’air devrait nous inspirer. L’acte de vente me semble être la meilleure occasion d’afficher les atouts et les contraintes d’un bien immobilier, s’agissant en particulier du chauffage. Une expérimentation est menée actuellement sur les cheminées ouvertes : tout acte notarié doit préciser au vendeur et à l’acheteur si le chauffage au bois est défectueux.

M. le secrétaire d’État. L’amendement présente un risque d’inconstitutionnalité car il limiterait le droit du vendeur à disposer librement de son bien. De surcroît, certains vendeurs peuvent être dans une situation financière rendant difficile la réalisation de tels travaux. Cet amendement aurait également un impact négatif sur le marché immobilier, avec une augmentation des prix de vente et un surcoût lié aux travaux de l’ordre de 30 000 euros, au détriment des ménages qui ont déjà des difficultés à accéder à la propriété.

Le projet de loi, dans son titre II, contient des dispositions visant à améliorer les performances du parc de logements, comme l’accompagnement de travaux d’une certaine ampleur et l’obligation de réaliser une amélioration énergétique, selon le principe des travaux embarqués. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. En marquant que « la rénovation énergétique des logements participe à la politique de l’énergie de la France », l’amendement se borne à rappeler un état de fait, pour ne pas dire une évidence. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 3
(article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme)

Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation

Cet article vise à lever certains freins aux travaux d’amélioration de la performance énergétique de l’enveloppe des bâtiments, résultant de dispositions du code de l’urbanisme. Les exigences en termes d’aspect extérieur du bâtiment, d’emprise au sol ou encore d’implantation des constructions figurant dans les documents locaux d’urbanisme de certaines collectivités, ainsi que dans le règlement national d’urbanisme, contrarient parfois la réalisation de l’isolation d’un logement par son propriétaire : afin d’atteindre l’objectif de 500 000 rénovations lourdes par an d’ici 2017, des possibilités de dérogation à ces règles d’urbanisme sont donc instituées.

1.  L’état du droit

Modifié en dernier lieu par l’article 158 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, l’article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme prévoit aujourd’hui que le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre ou à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants de l’immeuble ou de la partie d’immeuble concernés – et ce, nonobstant les règles relatives à l’aspect extérieur des constructions éventuellement prévues par les plans locaux d’urbanisme, les plans d’occupation des sols, les plans d’aménagement de zone et les règlements des lotissements.

Ce principe n’est néanmoins pas applicable dans un secteur sauvegardé, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l’article L. 642-1 du code du patrimoine, dans le périmètre de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques défini par l’article L. 621-30 du même code, dans un site inscrit ou classé en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l’environnement, à l’intérieur du cœur d’un parc national délimité en application de l’article L. 331-2 du même code, ni aux travaux portant sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou adossé à un immeuble classé, ou sur un immeuble protégé en application du 2° du III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme.

Il n’est pas non plus applicable dans des périmètres délimités, après avis de l’architecte des Bâtiments de France, par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, motivée par la protection du patrimoine bâti ou non bâti, des paysages ou des perspectives monumentales et urbaines.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

L’article 3 du projet de loi vise à instituer, au bénéfice de certains travaux d’isolation et d’efficacité énergétique, un mécanisme dérogatoire analogue à celui déjà applicable aux matériaux renouvelables et aux équipements favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable à des fins domestiques.

Il est ainsi prévu que, nonobstant les règles des plans locaux d’urbanisme, des plans d’occupation des sols, des plans d’aménagement de zone, du règlement national d’urbanisme et des règlements des lotissements relatives à l’aspect extérieur, l’emprise au sol, la hauteur et l’implantation des constructions, le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne pourront s’opposer à la mise en œuvre d’une isolation en saillie des façades et par surélévation des toitures des constructions existantes ou de dispositifs de protection contre le rayonnement solaire en saillie de ces façades (alinéas 2 et 3).

Toutefois, ce principe ne serait applicable ni dans un secteur sauvegardé, ni aux travaux portant sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, adossé à un immeuble classé, ou sur un immeuble protégé en application du 2° du III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme (alinéas 4 et 5).

Il ne serait pas non plus applicable dans des périmètres délimités, après avis de l’architecte des Bâtiments de France, par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent (alinéa 6).

3.  La position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure soutient la mesure proposée, dans la mesure où l’expérience confirme que les dispositions des documents d’urbanisme sont parfois opposées à la réalisation d’opérations d’isolation par doublage des façades, alors même que de telles opérations peuvent permettre d’obtenir des gains énergétiques substantiels.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, une telle mesure est susceptible de concerner, s’agissant des seuls bâtiments à usage d’habitation :

– pour les façades, entre 22 000 et 44 000 logements par an, soit une économie d’énergie comprise entre 150 et 300 MWh d’énergie primaire et un chiffre d’affaires supplémentaire des entreprises compris entre 400 et 800 millions d’euros (prestations supplémentaires de rénovation de façades avec isolation par l’extérieur) ;

– pour les toitures, entre 25 000 et 50 000 logements par an, soit une économie d’énergie comprise entre 60 et 120 MWh d’énergie primaire et un chiffre d’affaires supplémentaire des entreprises compris entre 150 et 300 millions d’euros (prestations supplémentaires de réfection de toiture avec isolation).

Votre co-rapporteure estime néanmoins que la réalisation de telles opérations ne saurait avoir pour prix une dégradation du patrimoine architectural de notre pays, tant en milieu urbain que rural. Il conviendra donc que les organes délibérants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, le cas échéant, puissent établir dès la promulgation de la loi une cartographie des espaces qui, en raison de leur valeur esthétique, architecturale ou patrimoniale, devront impérativement être préservés.

De ce point de vue, elle considère important que l’annonce réalisée dans le cadre de la même étude d’impact, selon laquelle un article réglementaire sera ajouté au code de l’urbanisme prévoyant de limiter pour la majorité des cas la saillie sur les façades à 20 cm par rapport aux règles d’emprise et d’implantation des constructions autorisées, soit pleinement suivie d’effet.

*

* *

La Commission est saisie d’un amendement CS103 de M. Martial Saddier, tendant à la suppression de l’article.

M. Martial Saddier. Je ne vois pas comment cet amendement pourrait laisser insensible la rapporteure. L’article introduit en effet une dérogation au code de l’urbanisme, qui s’imposerait à toutes les autorisations délivrées par le maire ou, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qu’il s’agisse du permis de construire, des documents d’urbanisme ou des prescriptions des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU). Avouez que c’est un peu fort de café.

L’isolation extérieure des bâtiments, par ailleurs nécessaire, est inscrite dans le texte comme un unique et sacro-saint principe ; or un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) le confirme, les techniques évolueront.

M. le secrétaire d’État. L’article 3 complète l’article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme ; il tend à lever certains blocages qui, systématiquement rencontrés dans les PLU, empêchent l’isolation des façades extérieures et la mise en place de dispositifs de protection contre le rayonnement solaire. Il ne s’agit en aucun cas de privilégier une technique particulière, mais de permettre le recours à cette technique quand elle est adaptée, et quand seul le manque de souplesse du règlement du PLU empêche sa mise en œuvre.

Mme Sabine Buis, rapporteure. De nombreux cas exigent en effet une dérogation au code de l’urbanisme. L’appréciation de M. Saddier ne me paraît pas tout à fait objective. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. N’avez-vous pas l’impression que l’article gèle l’état actuel des techniques de rénovation ?

M. Martial Saddier. Votre réponse m’étonne, monsieur le secrétaire d’État. Elle laisse en effet entendre que tous les documents d’urbanisme empêchent la rénovation extérieure des bâtiments. Encore une fois, je ne suis pas contre ce type de rénovation, mais de là à en faire une obligation qui s’impose au pouvoir du maire en matière d’urbanisme, il y a un pas que je ne franchirais pas. S’il existe des blocages, il faut ouvrir la possibilité de dérogation, non en faire une obligation légale qui s’appliquera sur l’ensemble du territoire.

M. le président François Brottes. Les blocages sont nombreux, on le sait…

M. Bertrand Pancher. Prenons-y garde car, dans beaucoup de communes, l’urbanisme ne peut faire l’objet de n’importe quelle évolution : songeons au patrimoine classé ou aux règlements locaux soucieux de la qualité architecturale. S’il y a des blocages, nous pourrions les identifier et en débattre. Votre souhait de modifier la réglementation suscite beaucoup d’interrogations.

Mme Cécile Duflot. Je suis résolument opposée à l’amendement de M. Saddier, que je soupçonne de mauvaise foi. L’article, passez-moi l’expression, vise à empêcher l’empêchement ; autrement dit, sans empêchement il n’aura pas d’objet.

Par ailleurs, monsieur Pancher, ses dispositions ne s’appliqueront ni au secteur sauvegardé ni aux bâtiments classés.

Le fait est que certains PLU interdisent explicitement toute isolation extérieure. On ne peut poursuivre les objectifs que nous avons fixés sans permettre aux habitants de rénover leurs logements.

La Commission rejette l’amendement.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS1190 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’installation de parois végétalisées se développe de plus en plus en plus en milieu urbain. Les progrès réalisés dans cette technique devraient permettre à terme de coupler sa dimension décorative à une fonction d’isolation. Le présent amendement vise à lever les blocages qui, dans les règlements d’urbanisme, subsistent parfois à leur installation.

M. le secrétaire d’État. L’article L.111-6-2 dispose déjà que « le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales etc. ». Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Il n’est pas opportun de consigner dans la loi l’emploi d’une technique particulière.

M. Martial Saddier. Je relève avec plaisir que le Gouvernement et la rapporteure sont d’accord pour ne pas fixer par des dispositions légales une préférence en faveur d’une technique plutôt que d’une autre.

L’amendement CS1190 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements identiques CS1005 de M. Bertrand Pancher et CS1373 de M. Philippe Plisson.

M. Bertrand Pancher. Le projet de loi prévoit que le permis de construire ne peut pas s’opposer à certains travaux visant l’isolation thermique des bâtiments. Il faut cependant veiller à leur bonne intégration architecturale dans l’ensemble. Des prescriptions particulières pourraient à cet effet accompagner le permis de construire.

M. Philippe Plisson. Il convient en effet de pouvoir tracer des limites et éviter les verrues architecturales sous prétexte d’isolation thermique.

M. le secrétaire d’État. En l’état du droit, le permis de construire peut déjà être assorti de conditions, avec avis d’un architecte des Bâtiments de France. Le présent amendement n’ajoute donc rien, à part de la complexité. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Une telle disposition risque d’être source de difficultés, voire de favoriser les nids à contentieux.

M. Bertrand Pancher. Je suis étonné d’entendre des arguments si contradictoires, la rapporteure déplorant le surcroît de contraintes, tandis que le secrétaire d’État soutient quant à lui que l’amendement n’ajouterait rien au droit existant. Cela m’inquiète.

M. le président François Brottes. Naguère, les maires pouvaient contrôler la situation a posteriori à l’occasion de la déclaration d’achèvement des travaux. Mais une majorité précédente a voulu simplifier les procédures…

L’amendement CS1373 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS1005.

Puis la Commission adopte l’article 3 ainsi modifié.

Après l’article 3

La Commission est saisie de l’amendement CS1372 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Lorsqu’un propriétaire met en location un bien pouvant être considéré comme une passoire thermique, le maire devrait pouvoir le contraindre à engager des travaux de rénovation énergétique de son bien.

M. le secrétaire d’État. Je comprends votre souci de faire bénéficier les locataires du parc de logements privés d’un niveau de confort thermique minimum, mais 30 % du parc locatif est classifié F ou G au regard de la nomenclature thermique. Il s’agit souvent de biens appartenant à des propriétaires aux faibles revenus. L’adoption de l’amendement conduirait donc à retirer du marché du logement beaucoup de biens, réduisant ainsi une offre de location souvent déjà insuffisante.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’objectif ultime de l’amendement fera consensus, personne ne voulant tolérer les marchands de sommeil. Je crains pourtant que sa mise en œuvre soit difficile. J’émets néanmoins un avis favorable.

M. Christophe Bouillon. En entendant le secrétaire d’État, je me demande quels sont les moyens alors mis en œuvre pour réduire le stock de ces logements. Les maires sont souvent confrontés à des problèmes d’isolation thermique ou même d’insalubrité. Que peuvent-ils faire dans un cas pareil ?

M. Martial Saddier. Je voudrais mettre en garde tant la majorité que le Gouvernement contre la tentation de faire de ce projet de loi un texte sur les collectivités territoriales. Alors que le projet de loi propose des mesures qui, ajoutant aux règlements d’urbanisme, entament la compétence des maires en ce domaine, il risque de transférer, dans le même temps, sur ceux-ci de nouvelles charges.

D’autres textes, relatifs aux collectivités territoriales, sont en cours d’examen devant notre assemblée. Ne faudrait-il pas développer une vue plus globale de ces questions, et, surtout, réfléchir au rôle laissé en définitive aux maires en matière d’urbanisme ?

M. le président François Brottes. Ceux qui ont l’expérience des responsabilités municipales savent que les communes doivent trop souvent assumer les frais des travaux, se trouvant en face de propriétaires désinvoltes ou non solvables. À la lumière de cet état de fait, la recevabilité financière de l’amendement apparaît ainsi problématique.

M. le secrétaire d’État. Je partage l’objectif affiché, mais la méthode retenue pourrait faire naître des difficultés. Après l’article 4, le Gouvernement a déposé l’amendement CS2386, qui répond à ces préoccupations, mais en renvoyant à un texte réglementaire le soin des modalités de mise en œuvre.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Dans ces conditions, il semble peut-être préférable de retirer l’amendement.

Mme Cécile Duflot. J’ajoute que le décret « décence » n’inclut aucune disposition sur la performance énergétique des logements. L’article 5 devrait nous fournir l’occasion d’en débattre à nouveau.

L’amendement CS1372 est alors retiré.

Article 4
(articles L. 123-1-5 et L. 128-1 du code de l’urbanisme)

Institution d’obligations de performances énergétiques et environnementales dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction
sous maîtrise d’ouvrage publique

Cet article vise à promouvoir les bâtiments à énergie positive ou à structure en bois, ainsi que l’exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage publique.

1.  L’état du droit

 L’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme prévoit que le règlement du plan local d’urbanisme fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols, délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définit, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions.

Ce document peut ainsi, par exemple, préciser l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées, délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme est affecté à des catégories de logements qu’il définit dans le respect d’objectifs de mixité sociale ou encore identifier et délimiter les quartiers, îlots et voies dans lesquels doit être préservée ou développée la diversité commerciale.

Au titre de la caractérisation architecturale, urbaine et écologique des espaces concernés, le règlement peut également imposer aux constructions, travaux, installations et aménagements, notamment dans les secteurs qu’il ouvre à l’urbanisation, de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées qu’il définit (paragraphe III, 6°).

 L’article L. 128-1 du même code prévoit aujourd’hui que, dans les zones urbaines ou à urbaniser, le règlement peut autoriser un dépassement des règles relatives au gabarit résultant du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu dans la limite de 30 % et dans le respect des autres règles établies par le document, pour les constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou alimentées à partir d’équipements performants de production d’énergie renouvelable ou de récupération.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

 Le paragraphe I (alinéas 1er et 2) de cet article modifie le 6° du III de l’article L. 123-1-5 précité. La formulation proposée, outre divers aménagements à portée essentiellement rédactionnelle, étend la capacité prescriptive du règlement du plan local d’urbanisme, en lui permettant d’imposer aux constructions une production minimale d’énergie renouvelable, dans les secteurs qu’il définit et en fonction des caractéristiques du projet.

 Le paragraphe II (alinéa 3) pose le principe selon lequel toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État et de ses établissements publics et des collectivités locales font preuve « d’exemplarité énergétique » et seront, « chaque fois que possible », à énergie positive.

 Le paragraphe III (alinéa 4) modifie le premier alinéa de l’article L. 128-1 du code de l’urbanisme afin que l’autorisation de dépassement des règles relatives au gabarit résultant du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu puisse bénéficier aux constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique « ou environnementale » élevée.

Il s’agit donc d’étendre les boni de constructibilité prévus par le code de l’urbanisme aux constructions à haute performance environnementale. Cette extension vise en particulier à permettre le développement de bâtiments dont les impacts environnementaux sont réduits, non seulement pour ce qui concerne les ressources énergétiques, mais également le changement climatique, les ressources en eau, les rejets, les déchets, etc.

3.  La position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure soutient globalement l’ensemble de ces dispositions, qui lui paraissent aller dans la bonne direction.

Le paragraphe I, complétant les dispositions qui donnent déjà aux collectivités territoriales, dans le cadre de leur plan local d’urbanisme, la possibilité d’imposer aux constructions, installations et aménagements de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées, permet de renforcer encore les initiatives locales en faveur des bâtiments performants, par exemple dans le cas d’éco-quartiers.

Votre co-rapporteure estime néanmoins que la rédaction du paragraphe II de cet article soulève certaines interrogations, pouvant justifier que certaines améliorations y soient apportées.

Le concept « d’exemplarité énergétique » apparaît ainsi manquer de précision, dans la mesure où les caractéristiques énergétiques de l’ensemble des bâtiments nouveaux, privés ou publics, doivent aujourd’hui s’inscrire dans le cadre de la RT 2012. Alors même que, de l’avis général, l’appropriation complète des nouvelles techniques induites par le respect de cette réglementation n’est pas acquise auprès de tous les professionnels, imposer aux maîtres d’ouvrage publics d’aller encore au-delà risque de soulever des problèmes techniques ou d’induire des surcoûts financiers non négligeables.

Par ailleurs, la référence systématique aux « bâtiments à énergie positive » (BEPos) mérite débat. Comme l’observait malicieusement l’un des participants à une table ronde sur l’efficacité énergétique, organisée par votre co-rapporteure en Ardèche, le 12 septembre dernier, un bâtiment en matériaux de synthèse importés, dont les ouvrants sont en plastique et la toiture couverte de panneaux photovoltaïques de médiocre qualité, obtiendra assez facilement la qualification « BEPos ».

Du fait que le concept de bâtiment à énergie positive ne bénéficie aujourd’hui d’aucune reconnaissance officielle, puisqu’il s’agit simplement d’un label de l’association Effinergie, et que son contenu même fait débat, sans doute conviendrait-il alors de lui préférer un concept plus englobant, qui permettrait de reconnaître une place à la durabilité et à l’impact environnemental du nouveau bâtiment. Pourraient ainsi être mieux pris en compte le type de matériau utilisé (bois et autres matériaux issus de la biomasse), sa durabilité, sa recyclabilité et ses sources d’approvisionnement (valorisation des ressources de proximité), l’originalité des solutions techniques mises en œuvre, la gestion de l’air et de l’eau, la limitation des rejets, l’énergie « grise » (10), etc.

Votre co-rapporteure a néanmoins proposé d’associer le bonus de constructibilité aux bâtiments à énergie positive, afin de promouvoir les actions d’exemplarité énergétique.

Un bâtiment public durable et exemplaire :
la cité scolaire de Saint-Cirgues-en-Montagne (Ardèche)

En 2010, le conseil général de l’Ardèche a décidé de reconstruire le collège de la Montagne ardéchoise à Saint-Cirgues-en-Montagne. Comme, par ailleurs, la commune souhaitait la création d’une école publique sur son territoire, les deux collectivités se sont associées pour créer une « cité scolaire » qui regroupe école maternelle, école élémentaire et collège et a ouvert ses portes à la rentrée 2014.

Afin que cet ensemble serve d’exemple pour les constructions à venir, la commune et le département ont décidé que cette cité scolaire labellisable « haute qualité environnementale » serait l’un des premiers établissements scolaires à énergie positive construit en altitude (1 100 m) en France.

Le bâtiment est construit principalement en ossature bois (épicéa, provenance régionale) avec, comme isolant principal, des blocs de paille de 36 cm d’épaisseur.

Le recours à la botte de paille est en effet une solution intéressante au plan environnemental, car il s’agit d’un matériau permettant la valorisation locale d’une ressource naturelle renouvelable, qui participe à la lutte contre les gaz à effet de serre (matériau stockant le CO2), possédant de très intéressantes propriétés thermiques, dont le bilan en énergie grise est élevé, recyclable, sain (pas de dégagement de composés organiques volatils), perspirant (étanche à l’air mais pas à la vapeur d’eau), possédant de très bonnes propriétés d’affaiblissement acoustique et économique (environ 15 € HT/m²).

Seule la zone de la demi-pension est réalisée en béton, pour assurer le coupe-feu nécessaire entre l’établissement et l’internat. Cette partie est isolée par l’intérieur et l’extérieur pour atteindre les performances générales de l’enveloppe.

Le bâtiment est couvert par une double toiture en ossature bois et isolation bloc de paille, étanchée par une membrane et un toit en bac acier ventilé (lié à la spécificité du climat montagne).

Les fenêtres sont toutes en bois, avec double ou triple vitrage selon les expositions.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques CS236 de M. Damien Abad et CS1211 de Mme Marie-Hélène Fabre.

M. Martial Saddier. L’amendement CS236 est défendu.

Mme Marie-Hélène Fabre. La réalisation de bâtiments respectant des performances énergétiques et environnementales renforcées devrait se faire par la volonté du maître d’ouvrage, et non du fait de mesures coercitives. Les dispositions proposées risquent d’aboutir à la multiplication de référentiels locaux, alors qu’ils ont fait l’unanimité contre eux de la part de l’ensemble de la maîtrise d’ouvrage lors des groupes de travail « objectifs 500 000 » mis en place au sein du ministère du logement. L’amendement propose leur suppression.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement veut encourager la créativité, sans poser d’exigence plus élevée, mais en faisant naître un nouveau marché dont la demande stimule les cabinets d’architectes et les urbanistes. Il veut que les pouvoirs publics soient exemplaires. L’objectif est de tirer la construction en France vers le haut. Des prêts de la Caisse des dépôts seront accordés aux collectivités qui s’engagent de manière volontaire dans la transition énergétique. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est normal d’attendre de l’État, dans le domaine énergétique, l’exemplarité qui est posée comme principe par cet article. Je ne peux soutenir la suppression de certains de ses alinéas. Avis défavorable.

Les amendements CS236 et CS1211 sont retirés.

La Commission examine ensuite les amendements identiques CS332 de M. Jean-Jacques Cottel, CS738 de M. Jean-Luc Bleunven et CS1394 de M. Philippe Plisson.

M. Jean-Jacques Cottel. Des engagements du Grenelle découle la volonté de construire des villes durables, lesquelles impliquent de concevoir la ville à l’échelle des quartiers. Le présent amendement vise à obliger les collectivités compétentes en matière d’urbanisme à intégrer systématiquement une réflexion sur la stratégie énergétique en établissant des objectifs et des normes plus ambitieux sur des zones identifiées.

M. Jean-Luc Bleunven. Défendu !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il s’agit de compléter la loi ALUR pour parvenir à une meilleure performance énergétique des constructions.

M. le secrétaire d’État. Le gouvernement se refuse à imposer des contraintes zone par zone. Cela pourrait se révéler trop contraignant, notamment pour les collectivités de petite taille. Le projet de loi propose une position intermédiaire, en pratiquant l’incitation, mais non la contrainte. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. La mise en œuvre de cet amendement me semble devoir déboucher sur des difficultés pratiques. Avis défavorable.

Les amendements CS332, CS738 et CS1394 sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques CS2188 de la rapporteure et CS562 de M. Martial Saddier.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le présent amendement vise à renforcer la cohérence entre les plans locaux d’urbanisme et les schémas régionaux climat air énergie.

M. Martial Saddier. Nous avons en effet multiplié les schémas et outils de planification ces dernières années. Il faut désormais veiller à ce qu’ils soient cohérents les uns avec les autres.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le Gouvernement approuve la mise en cohérence des plans locaux d’urbanisme avec les schémas régionaux climat-air-énergie. Mais, compte tenu de la hiérarchie juridique en la matière, il est préférable d’indiquer que cette cohérence s’apprécie à travers le PCET qui constitue l’échelon intermédiaire.

L’amendement CS2188 est retiré.

M. Martial Saddier. Les collectivités devraient être néanmoins plus étroitement associées à la définition des schémas régionaux.

L’amendement CS562 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CS1610 de M. Jacques Krabal.

M. Joël Giraud. Comme la parité, l’engagement en faveur des énergies renouvelables recueille l’assentiment général au stade des principes, mais il n’en va pas de même lorsqu’il faut passer à la mise en œuvre. Je crois qu’il faut imposer une production minimale d’énergie renouvelable à toutes les nouvelles constructions. C’est le seul moyen de faire émerger une filière économique.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement veut encourager les acteurs locaux à ajuster ces dispositifs à leurs besoins et contraintes propres. L’adoption de ces amendements restreindrait le champ des possibilités qui leur sont ouvertes, sans apporter de valeur ajoutée. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Tous les territoires ne sont pas identiques. L’amendement ne permettrait pas de prendre en compte les contraintes locales. Dans certains cas, fixer une valeur plancher pourrait même avoir un coût prohibitif, si cette énergie était trop difficile à produire. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Le soutien aux énergies renouvelables ne doit pas engendrer de perte financière. Pour chaque nouveau kilowattheure, il faut prendre en compte le bilan coût-avantages. Car la transition énergétique doit être flexible, souple et adaptable. Au demeurant, l’argument de la filière économique me semble peu pertinent. Alors que tous les Français ont une voiture, notre industrie automobile se porte-t-elle bien ?

M. Joël Giraud. Le décret d’application pourrait fixer la flexibilité nécessaire. Je maintiens l’amendement.

La Commission rejette l’amendement CS1610.

Elle examine ensuite l’amendement CS1167 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Une obligation de production d’énergie renouvelable, sans autre précision, pourrait se traduire par la multiplication des installations photovoltaïques à des fins de spéculation, sans aucun apport du point de vue de l’efficacité énergétique intrinsèque des bâtiments.

Il importe au contraire que les contraintes supplémentaires éventuellement imposées par les plans locaux d’urbanisme encouragent les efforts pour développer des solutions techniques orientées vers la réalisation de bâtiments se rapprochant des constructions passives, c’est-à-dire maximisant le recours aux énergies renouvelables disponibles sur place, et minimisant le besoin d’apport thermique via les équipements de chauffage classiques, alimentés par les réseaux d’électricité ou de gaz.

Il s’agit, par exemple, d’encourager l’installation de puits canadiens, de capteurs solaires thermiques, de récupérateurs de chaleur dans les eaux grises, de réseaux de chaleur alimentés avec des combustibles renouvelables. Tout effort pour utiliser ces techniques permettra en effet d’en accélérer la diffusion par un effet d’apprentissage. Et cela évitera la spéculation.

M. le secrétaire d’État. S’orienter de manière systématique vers des énergies renouvelables produites et consommées sur place irait à l’encontre des objectifs que nous poursuivons, dans la mesure où beaucoup d’énergies renouvelables peuvent également être stockées. De nombreux ballons d’eau chaude peuvent ainsi fonctionner grâce au solaire thermique. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement pourrait avoir un effet pervers et freiner le développement des énergies renouvelables qui ne seraient pas consommables sur place.

M. le président François Brottes. Nous sommes en effet favorables à l’autoconsommation, mais pas à l’exclusion de tout le reste. L’adoption de l’amendement poserait un problème d’équilibre économique, voire d’équilibre du réseau s’il dissuadait le stockage de capacité.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je me perds dans cette casuistique réglementaire, mais j’accepte vos explications.

L’amendement CS1167 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CS563 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. L’article faisant l’objet de l’amendement vise à favoriser l’autoproduction d’énergies au sein des nouvelles constructions. L’amendement tend à prévoir que l’installation de production d’énergies renouvelables sera surdimensionnée au vu de la consommation du logement ou du bâtiment qu’elle alimente.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement s’inquiète des répercussions pratiques sur la gestion des flux par le réseau électrique. Sans doute l’idée est-elle intéressante, mais il n’est peut-être pas indispensable de fixer les choses au niveau législatif. Sagesse.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le principe est vertueux, même si la mise en pratique peut se révéler difficile. Sagesse.

M. le président François Brottes. Il s’agit d’un vrai problème en tout cas.

L’amendement CS563 est adopté.

La Commission est saisie des amendements identiques CS132 de M. Martial Saddier, CS782 de M. Julien Aubert, CS1007 de M. Bertrand Pancher et CS1609 de M. Joël Giraud.

M. Martial Saddier. Défendu !

M. Julien Aubert. L’amendement va dans le sens de la transition flexible et souple que nous défendons. Il vise en effet à garantir que ne soient pas exclus du champ de l’article 4 les modes de production d’énergies renouvelables collectifs, par exemple un réseau de chaleur alimenté par des énergies renouvelables ou de récupération (biomasse, géothermie, unité de valorisation énergétique) ou une unité de méthanisation alimentant un réseau de gaz dédié. Car l’essentiel est que le bâtiment soit alimenté en énergies renouvelables produites à proximité, dans le secteur ou par exemple dans une commune voisine.

M. Bertrand Pancher. Il me semble à moi aussi que le plan local d’urbanisme pourrait imposer une production minimale d’énergies renouvelables. Notre amendement permet de ne pas exclure des modes de production d’énergies renouvelables collectifs de la définition dans les PLU des bâtiments à énergie positive.

M. Joël Giraud. Nous avons déjà entendu un exposé complet au soutien de ces amendements. J’ajouterais seulement que leur adoption permettrait de faciliter, le cas échéant, l’acheminement de l’énergie renouvelable d’une commune à l’autre.

M. le secrétaire d’État. En favorisant la production d’énergies renouvelables, le Gouvernement ne veut pas se restreindre à l’échelle de la parcelle, mais accepte tout à fait de fixer les règles à l’échelle du quartier, plus adapté notamment pour les réseaux chaleur. Les amendements visent à garantir que les modes de production d’énergies renouvelables collectifs ne soient pas exclus. L’article L.123-1-5 permet d’imposer des prescriptions de production d’énergies renouvelables aux constructions et aménagements et pourrait faire l’objet d’une interprétation à la lettre impliquant obligatoirement que ce soit ces constructions et des aménagements qui produisent directement l’énergie. Or il serait intéressant de permettre le recours à des solutions collectives. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Nous sommes tous favorables à la création d’îlots à énergie positive. La notion de proximité mériterait seulement d’être précisée, s’agissant d’une disposition légale. Avis favorable.

Les amendements CS132, CS782, CS1007 et CS1609 sont successivement adoptés.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ensuite l’amendement CS850 de M. Julien Aubert.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2 et CS3 de Mme Sabine Buis, rapporteure, et les amendements identiques CS4 de Mme Sabine Buis, rapporteure, et CS1611 de M. Joël Giraud.

Elle examine ensuite l’amendement CS1470 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. En substituant aux mots du projet de loi le verbe « devront », l’amendement vise à imposer une réelle obligation énergétique aux commandes publiques.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement partage votre volonté, mais il est nécessaire, avant de les généraliser, de vérifier l’opportunité et la faisabilité des projets en termes techniques, économiques et au regard du bilan environnemental. En milieu urbain dense, il est parfois difficile d’obtenir un bilan positif du fait du faible gisement en énergies renouvelables disponibles. Des surcoûts de nature à remettre en cause l’équilibre financier des projets de construction pourraient apparaître. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il ne serait en effet pas systématiquement possible de respecter cette obligation sans devoir faire supporter parfois un coût prohibitif aux finances publiques. Avis défavorable.

M. Bertrand Pancher. Je suis consterné quand j’examine cet alinéa. Quels en sont la portée et l’intérêt ? Les collectivités fournissent déjà l’effort maximal en termes énergétiques, lorsque c’est possible. Je comprends l’amendement de Cécile Duflot. Nous avons là un exemple de loi bavarde, qui se contente d’afficher des objectifs dans un grand flou artistique.

Mme Cécile Duflot. Le projet de loi prévoit en l’état actuel que « toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État et de ses établissements publics et des collectivités locales font preuve d’exemplarité énergétique et seront, chaque fois que possible, à énergie positive ». Voilà ce qu’on aurait pu écrire dans une loi semi-écolo des années 90 ou 80 ! « Faire preuve d’exemplarité » est beaucoup trop vague. Soit il faut imposer une mise en œuvre obligatoire, soit il vaut mieux ne rien prévoir du tout.

M. Denis Baupin. Nous sommes un peu étonnés de ne pas retrouver dans la loi l’enthousiasme dont Mme la ministre a fait preuve la semaine dernière dans un communiqué. Je veux bien admettre qu’il soit nécessaire d’assortir notre proposition de certaines exceptions, ce qui pourrait être fait au moyen d’un sous-amendement, mais la règle doit être affirmée clairement. Pour ce qui est des contradictions qui pourraient exister entre la notion de bâtiments à énergie positive et d’autres aspects environnementaux, je pense que les architectes maîtrisent parfaitement les moyens techniques, notamment en matière de ventilation, visant à ce qu’un bâtiment à énergie positive ne devienne pas un thermos.

M. Jean-Paul Chanteguet. Mme Duflot disait il y a quelques instants que certains objectifs ne pourraient pas être atteints si nous ne mobilisions pas les moyens nécessaires. Il en est de même dans le cas présent : la loi peut donner des orientations, voire imposer, nous n’en demeurons pas moins confrontés à la problématique du financement, et ce ne sont pas les annonces faites par Mme la ministre sur ce point qui permettront de répondre à nos interrogations. Ne soyons pas schizophrènes, mes chers collègues !

M. Julien Aubert. Je rejoins Mme Duflot quand elle affirme que la simple exigence d’« exemplarité énergétique » n’a pas de sens. Cela dit, aller plus loin en précisant que tous les bâtiments sous maîtrise d’ouvrage publique devront être des bâtiments à énergie positive risque d’entraîner une explosion du montant des devis, ce qui va aggraver les problèmes auxquels sont déjà confrontées nos collectivités désargentées. En fait, on en revient toujours à la même question, consistant à savoir où nous devons placer l’argent public pour qu’il produise un effet maximal sur la réduction des gaz à effet de serre. Non seulement nous ne disposons pas d’étude d’impact sur le coût budgétaire de la mesure proposée, mais nous ne connaissons pas le rapport entre le montant des fonds engagés et leur effet sur les objectifs attendus – ce qui fait qu’il est permis de se demander si ces sommes ne devraient pas être affectées à d’autres mesures qui auraient un effet supérieur en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ne perdons pas de vue le véritable problème, à savoir la recherche de l’efficacité maximale en matière économique et environnementale, qui mériterait sans doute une analyse plus approfondie.

Mme Cécile Duflot. C’est justement pour tenir compte de la problématique des coûts que nous devons faire évoluer les choses. Dès lors que la construction de bâtiments à énergie positive sera généralisée, le coût des matériaux et des processus de fabrication va diminuer – s’ils sont chers pour le moment, c’est parce qu’ils sont expérimentaux, donc rares. L’instauration de la réglementation thermique 2012 a démontré la validité de ce raisonnement.

M. Julien Aubert. C’est valable pour l’EPR, j’imagine ?

Mme Cécile Duflot. Il suffit d’aller faire un tour en Finlande pour se rendre compte du contraire.

M. Julien Aubert. Et en Chine ?

M. le secrétaire d’État. La disposition proposée crée des charges pour l’État et pour les collectivités locales et n’aurait donc pas dû être soumise au débat. Le Gouvernement a néanmoins considéré qu’un tel débat, concernant également la politique du logement, était utile. En l’état actuel, plutôt que d’invoquer l’irrecevabilité de l’amendement CS1470, je suggère qu’il soit retiré en vue d’une nouvelle rédaction auquel le Gouvernement pourrait souscrire.

M. le président François Brottes. Effectivement, cet amendement est rédigé d’une telle manière que j’aurais moi-même dû invoquer son irrecevabilité au titre de l’article 40.

Mme Cécile Duflot. Je ne suis pas d’accord : imposer de nouvelles normes en matière de performance énergétique n’entraîne pas nécessairement une augmentation des charges publiques.

M. le président François Brottes. L’augmentation des charges ne fait pas de doute au regard de la rédaction de l’amendement.

M. Denis Baupin. Considérer d’emblée qu’investir pour l’efficacité énergétique constitue une charge publique est un point de vue très contestable et à tout le moins restrictif. Une fois le bâtiment construit, il en résultera des économies qui contribueront à la diminution des charges publiques : il faut donc y voir un investissement qui n’a aucune raison d’être sanctionné au titre de l’article 40, bien au contraire, et sans doute ne serait-il pas inutile d’ouvrir un débat sur ce point. Cela dit, nous ne sommes pas opposés à une réécriture de l’amendement.

M. le président François Brottes. Je persiste à penser que cet amendement présente un problème de recevabilité, et je demanderai à ce qu’il soit à nouveau vérifié sur ce point. La position du Gouvernement ne consiste pas à vouloir enterrer cet amendement – ce qu’il aurait, à mon sens, la possibilité de faire en invoquant l’article 40 – mais simplement à souligner que son écriture n’est pas aussi normative qu’elle devrait l’être, et à suggérer une nouvelle rédaction avant la séance publique.

M. Julien Aubert. Contrairement à ce que vient de dire M. Baupin, tout investissement n’est pas forcément rentable : il faut systématiquement comparer le surcoût qu’entraîne la construction à hautes performances énergétiques avec les économies que cet investissement doit permettre de réaliser, et c’est seulement quand le bilan résultant de cette comparaison est positif qu’il faut réaliser l’investissement envisagé. Au vu de cette règle, M. le président a raison de dire que l’amendement proposé est irrecevable au titre de l’article 40.

M. le président François Brottes. Il ne s’agit pas d’avoir raison, mais simplement de faire application du droit.

Mme Sabine Buis, rapporteure. En matière d’exemplarité énergétique, nous avons beaucoup débattu, jusqu’à présent, sur le coût de construction d’un bâtiment à énergie positive. Or, la notion d’exemplarité énergétique ne se limite pas à cela : des initiatives peuvent être prises dans d’autres domaines, comme cela a été fait dans ma circonscription.

Mme Cécile Duflot. Si je souscris à ce que vient de dire Mme la rapporteure, il me semble tout de même que nous ne pouvons pas laisser inchangé l’alinéa 3 de l’article 4. Cela étant, nous acceptons la proposition de M. le secrétaire d’État de retravailler la rédaction de l’amendement CS1470 afin de le mettre en accord avec la déclaration faite le 6 septembre dernier par Mme la ministre et de tenir compte de toutes exigences s’imposant à nous en matière d’efficacité énergétique, et retirons donc cet amendement.

M. le secrétaire d’État. Je vous confirme que le Gouvernement est disposé à travailler en vue d’aboutir à une nouvelle rédaction compatible avec les exigences juridiques évoquées.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CS1944 de la rapporteure, CS1008 de M. Stéphane Demilly et CS1719 de M. Jacques Krabal, l’amendement CS119 de M. Martial Saddier – qui fait l’objet d’un sous-amendement CS2372 de la rapporteure –, et les amendements identiques CS1009 de M. Stéphane Demilly et CS2047 de M. Jacques Krabal.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1944 vise à compléter l’exigence d’exemplarité énergétique en matière de construction des bâtiments par une exigence d’exemplarité environnementale.

M. Bertrand Pancher. Partant du principe qu’il vaut mieux s’en tenir à des objectifs accessibles, l’amendement CS1008 a simplement pour objectif de compléter le mot « énergétique » par les mots « et environnementale » à l’alinéa 3 de l’article 4.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1719 est identique à celui qu’a présenté Mme la rapporteure.

M. Martial Saddier. L’amendement CS119 est pratiquement identique à celui de Mme la rapporteure, si ce n’est qu’il propose de compléter également l’alinéa 3 de l’article 4 par les mots « et à haute valeur environnementale ».

M. le président François Brottes. On voit que vous avez été député du Mont-Blanc, cher collègue !

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le sous-amendement CS2372 vise à remplacer, dans l’amendement CS119 de M. Saddier, les mots « à haute valeur environnementale » par les mots « à haute performance environnementale ».

M. Bertrand Pancher. L’amendement CS1009 est défendu.

M. Joël Giraud. L’amendement CS2047 l’est également.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CS119 sous-amendé par le sous-amendement CS2372.

L’amendement CS1944 est retiré.

La Commission adopte le sous-amendement CS2372 puis l’amendement CS119 ainsi sous-amendé.

En conséquence, les amendements CS1008, CS1719, CS1009 et CS2047 tombent.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS1906 de M. Jacques Krabal.

M. Joël Giraud. Cet amendement vise à inciter l’État à l’exemplarité en matière d’utilisation d’énergie renouvelable, en précisant que le chauffage électrique pourra être remplacé par des solutions de chauffage plus sobres à chaque fois que cela sera possible.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement, qui ne relève pas du domaine législatif, part du principe que le chauffage électrique présente forcément de mauvaises performances énergétiques, ce qui est faux, car certaines solutions électriques, telles les pompes à chaleur, sont très performantes. Si nous devons fixer des objectifs énergétiques au niveau de la loi, celle-ci ne doit pas avoir pour objet de stigmatiser une énergie sans faire de propositions concrètes, les acteurs concernés devant conserver le choix des moyens afin d’atteindre les objectifs évoqués. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il n’y a effectivement pas de raison de pointer du doigt telle ou telle solution de chauffage. Avis défavorable.

M. le président François Brottes. Effectivement, dans un bâtiment parfaitement isolé – c’est le cas des bâtiments dits à énergie positive –, un tout petit radiateur électrique, qui augmente légèrement la température du logement avant que ses occupants ne rentrent, est suffisant. Il ne me paraît donc pas justifié de condamner en bloc l’usage du chauffage électrique.

L’amendement CS1906 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS2373 du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement vise à affirmer la possibilité pour les collectivités territoriales de bonifier et de prioriser leurs aides financières en faveur des bâtiments à énergie positive.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Pour encourager le développement des bâtiments à énergie positive, il est important que les aides financières octroyées par les collectivités territoriales puissent prendre en compte cet objectif. Avis favorable.

M. Michel Heinrich. Pourquoi faut-il préciser dans la loi une possibilité déjà offerte aux collectivités territoriales – et à laquelle nombre d’entre elles ont déjà recours ?

M. le président François Brottes. Je pense que c’est une précision utile pour se prémunir d’éventuelles remarques de la part de la Cour des comptes – je parle en connaissance de cause.

M. Bertrand Pancher. Je me demande comment les collectivités territoriales vont pouvoir se plier aux injonctions croissantes de l’État en matière d’aide aux bâtiments à énergie positive, alors qu’une diminution moyenne de 30 % des dotations de l’État est attendue dans les trois ans.

M. Martial Saddier. Sans vouloir polémiquer, je remarque que, si l’article 40 restreint considérablement les possibilités offertes aux parlementaires d’influer sur la politique gouvernementale, le Gouvernement, lui, ne se prive pas d’augmenter la dépense des collectivités territoriales, alors qu’une diminution de 30 % de leurs dotations est annoncée et que ce projet de loi n’est absolument pas financé. Je trouve cela un peu facile pour l’État de faire la leçon aux collectivités territoriales tout en les laissant régler la facture.

M. le président François Brottes. Ce n’est pas exactement ce que dit l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS2371 du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement vise à étendre le bonus de constructibilité aux bâtiments à énergie positive et aux projets atteignant un certain niveau de performance environnementale. Ainsi, au-delà des seuls aspects de performance énergétique, pourront être pris en compte d’autres éléments tels que les émissions de CO2 ou « l’énergie grise » consommée lors de la construction du bâtiment.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable – j’avais d’ailleurs déposé un amendement identique.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS1957, CS364, CS1255, CS1471, CS983, CS1221 et CS 1890 tombent.

Elle examine ensuite l’amendement CS867 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. L’amendement CS867 vise à prévoir la mise en place d’actions de sensibilisation des utilisateurs à la maîtrise de leurs consommations.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement a le mérite de souligner un aspect très important de la performance énergétique du bâtiment. En effet, les modalités d’usage et d’occupation sont primordiales pour atteindre l’objectif de faible consommation, en particulier dans les bâtiments à haute performance énergétique. Avis favorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis également favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques CS1010 de M. Bertrand Pancher, CS1429 de M. Philippe Bies et CS1887 de M. Jacques Krabal.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à tenir compte de la directive 2010/31/UE relative à la performance énergétique des bâtiments, visant à ce qu’à partir de 2020, tout nouveau bâtiment soit à énergie quasi nulle, ce qui exige un dispositif de production d’énergie renouvelable – géothermie, panneaux solaires photovoltaïques ou thermiques, et caetera. Elle exige qu’il en soit de même pour les nouveaux bâtiments détenus par le secteur public à partir de 2018 – ce qui risque d’être compliqué compte tenu du contexte budgétaire.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS1429 précise qu’à partir de 2018, tout nouveau bâtiment devra être doté d’un dispositif de production d’énergie renouvelable ou de raccordement à un réseau urbain si celui-ci comporte une part d’énergie renouvelable.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1187 vise, lui aussi, à mettre en cohérence les dispositions prévues dans le présent projet de loi avec le droit communautaire.

M. le secrétaire d’État. Si le Gouvernement partage la volonté de voir se généraliser le recours aux énergies renouvelables, la rédaction proposée ne lui paraît pas de nature à permettre de mutualiser des systèmes de production d’énergie renouvelable à l’échelle du quartier. De nombreux amendements déposés sur le même sujet montrent pourtant qu’il s’agit d’une alternative réellement pertinente pour de nombreux systèmes d’exploitation d’une énergie renouvelable. Par ailleurs, la précision apportée par ces amendements ne nous paraît pas du tout relever du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Je suggère donc à leurs auteurs de les retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Les amendements CS1010, CS1429 et CS1887 sont retirés.

La Commission adopte l’article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis [nouveau]
(article L. 111-10-5 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)

Carnet de santé numérique du logement

Le paragraphe I de cet article complète la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation par un article L. 111-10-5 relatif au « carnet de santé numérique du logement ».

Le principe est ainsi posé, selon lequel « afin d’améliorer la connaissance d’un logement par son propriétaire ou occupant et de favoriser la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique », un tel carnet est appelé à être créé pour tous les immeubles privés à usage d’habitation. Une mise en œuvre échelonnée est néanmoins prévue, puisqu’il sera d’abord obligatoire pour toute construction neuve dont le permis de construire sera déposé à compter du 1er janvier 2017 et ensuite pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation, à compter du 1er janvier 2025.

Ce nouvel instrument aura vocation à mentionner l’ensemble des informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement. Le détail des informations appelées à y être incluses – notamment, les différents diagnostics obligatoires prévus à l’article L. 2714 du code de la construction et de l’habitation – sera précisé par un décret en Conseil d’État.

Le paragraphe II de cet article prévoit, quant à lui, que dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement déposera sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l’extension du carnet de santé numérique aux bâtiments tertiaires, en particulier publics.

*

* *

La Commission examine ensuite les amendements quasiment identiques CS1961 troisième rectification de la rapporteure et CS2384 du Gouvernement.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1961, troisième rectification, vise à créer un carnet de santé numérique du logement, qui serait obligatoire pour toute construction neuve à compter du 1er janvier 2017 et pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation à compter du 1er janvier 2025.

M. le secrétaire d’État. Je retire l’amendement CS2384 du Gouvernement au profit de l’amendement de la rapporteure.

M. Martial Saddier. En tant qu’humaniste, je suis gêné par l’appellation « carnet de santé », celle-ci visant la santé de chacun des membres de la famille. Il serait préférable d’en changer.

M. le président François Brottes. Je ferai observer qu’un logement insalubre nuit à la santé de ses occupants.

M. Bertrand Pancher. Je m’interroge sur l’évolution de ce texte.

Le 1er août dernier, il nous a été transmis une version qui n’avait rien à voir avec celle qui avait été présentée en conseil des ministres. Alors que nous l’examinons dans des conditions très difficiles, voilà qu’on nous propose des amendements dont la portée a dû faire l’objet de discussions. Avec qui un tel amendement, dont je ne remets pas en cause le bien-fondé mais qui mériterait presque un texte spécifique, a-t-il été préparé ? Quelles ont été les conditions de sa rédaction ?

M. le secrétaire d’État. Que le Gouvernement et Mme la rapporteure aient proposé deux amendements identiques n’est pas contraire au fonctionnement normal des institutions. Par ailleurs, je ne suis pas opposé à une modification de l’appellation de ce carnet de santé numérique. Le Gouvernement y réfléchira d’ici à la séance publique.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je proposerai un amendement en séance à cette fin. J’ai rédigé cet amendement en concertation avec le Gouvernement. Les nombreuses auditions auxquelles j’ai participé en ma qualité de rapporteure ont également inspiré cette rédaction.

M. le président François Brottes. Les rapporteurs n’ont pas besoin d’attendre les suggestions explicites de tel ou tel pour rédiger un amendement.

L’amendement CS2384 est retiré.

La Commission adopte à l’unanimité l’amendement CS1961 troisième rectification.

Les amendements identiques CS2376 de la rapporteure, CS1335 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1612 de M. Joël Giraud sont retirés.

Article 4 ter [nouveau]
(article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989)

Critère minimal de performance énergétique

L’article 6, alinéa 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prévoit aujourd’hui que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

Cet article nouveau propose de faire évoluer les critères de décence des logements afin d’y intégrer la performance énergétique : trop de locataires occupent en effet des logements pour lesquels la facture énergétique est exorbitante. Par ailleurs et dans un souci d’efficacité, il est proposé une mise en œuvre progressive : le seuil de performance exigé sera ainsi relevé au fur et à mesure des années.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS2386 du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. L’amendement CS2386 vise à intégrer la performance énergétique dans les critères de décence des logements, et précise que cette intégration se fera de manière progressive.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable à une mesure qui nous paraît constituer une grande avancée.

La Commission adopte l’amendement CS2386.

Après l’article 4

Elle en vient ensuite à l’amendement CS1162 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS1162, qui visait à insérer un alinéa précisant qu’une insuffisance du système de chauffage ne met en jeu la décence d’un logement que dans le cas où le besoin d’apport thermique n’est pas couvert, me paraît satisfait. Par conséquent, je le retire.

L’amendement CS1162 est retiré.

La Commission est saisie d’un amendement CS525 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Défendu.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS 1183 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Les amendements situés après l’article 4 sont le fruit du rapport que le président de l’Assemblée nationale avait demandé à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment. Je vais d’abord présenter deux ou trois amendements individuellement, avant de faire une présentation globale de ceux relatifs au Centre scientifique et technique du bâtiment, qui sont la traduction de la position de repli que j’ai adoptée à la suite d’une discussion avec le ministère du logement.

L’amendement CS1183 tire les conséquences de l’absence de coordination entre les certifications nationales et les certifications européennes, qui constitue l’un des freins au développement de l’isolation des bâtiments. Il est proposé que, pour les matériaux innovants utilisés dans le secteur du bâtiment et non encore couverts par une norme publiée au niveau européen, les certifications nationales délivrées par un organisme établi dans l’Espace économique européen et accrédité par un organisme d’accréditation signataire de l’accord européen multilatéral pertinent pris dans le cadre de la coopération européenne pour l’accréditation soient reconnues pour une période de trois ans à compter de la date de leur délivrance. L’objectif poursuivi est de vaincre les blocages freinant le développement des matériaux innovants, notamment la ouate de cellulose.

M. le secrétaire d’État. L’introduction d’une telle clause dans la loi française nous paraît contraire au règlement européen 764/2008 portant sur la reconnaissance mutuelle des règles techniques nationales appliquées à des produits commercialisés légalement dans un autre État membre de l’Union européenne. Ce règlement prévoit déjà la reconnaissance entre États membres de certificats nationaux équivalents, et ne limite pas la validité de cette reconnaissance dans le temps. La loi française ne peut donc ni répéter un règlement européen d’application directe, ni limiter la portée de l’une de ses dispositions. De plus, il ne relève pas du cadre législatif d’encadrer la reconnaissance de dispositifs volontaires de certification de qualité, qu’ils soient établis par un organisme français ou par un organisme étranger.

Les dispositifs de certification volontaire restent régulés par les acteurs du marché en ce qui concerne le cadre de reconnaissance de la qualité intrinsèque du produit. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement et, à défaut, émettra un avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable, dans la mesure où la disposition proposée entrerait en contradiction avec un règlement européen.

M. Jean-Yves Le Déaut. J’ai bien étudié le règlement 764/2008 et je n’en fais pas du tout la même interprétation que vous, monsieur le secrétaire d’État. En tout état de cause, ce règlement n’est pas appliqué en France et les normes freinent donc le développement de nouveaux produits et la transition énergétique.

Mme Cécile Duflot. Si je partage l’avis de M. Le Déaut sur l’existence de freins au développement des nouveaux matériaux – notamment certains éco-matériaux –, je ne suis pas d’accord avec la solution qu’il propose. Je sais que M. le président n’aime pas trop que l’on demande des rapports, mais il me semble tout de même qu’il serait bon d’engager une réflexion sur l’harmonisation des matériaux de construction : il n’est pas normal que les coûts de construction soient plus élevés en France que chez nos voisins et que, du fait de l’absence de filières de production de matériaux bio-sourcés en France, nous soyons obligés de nous procurer ces matériaux – je pense notamment au bois et au verre recyclé – dans d’autres pays européens.

M. le président François Brottes. Je n’ai jamais dit que je n’aimais pas les rapports, madame Duflot, et il m’arrive d’ailleurs souvent d’en proposer. Je vous rappelle qu’à l’époque où vous étiez ministre, nous avions visité ensemble des bâtiments où il nous avait été expliqué que les normes en vigueur n’étaient plus du tout adaptées aux nouveaux matériaux utilisés, du fait d’une réactivité insuffisante des bureaux de contrôle. Les amendements que nous examinons actuellement sont donc relatifs à un problème bien réel, celui des entraves normatives au développement des nouveaux produits.

M. Michel Heinrich. Nous sommes là confrontés à une vraie difficulté : celles de nos PME qui souhaitent développer des matériaux bio-sourcés ne le peuvent parce que les organismes certificateurs défendent plutôt de grands groupes, de grands lobbies qui, et c’est un scandale, siègent au sein des dits organismes – dès lors juges et parties – et y établissent et y modifient les normes. Ainsi, pour la ouate de cellulose, la norme a changé à trois reprises en une seule année, si bien que ce qui est commercialisable un jour ne l’est plus le lendemain, si bien que pour obtenir une certification il faut produire pendant un an ou deux. L’Allemagne ne rencontre pas du tout les mêmes difficultés et nos entreprises parviennent à vendre outre- Rhin, pas en France !

M. le président François Brottes. L’accord paraît général à la fois sur le sort réservé à ces matériaux – un sort à géométrie variable – et sur l’application du dispositif. Je sais que le Gouvernement travaille sur un texte visant à libérer un certain nombre de leviers de croissance. Quand on mesure la difficulté d’entrer dans le sérail des bureaux d’étude, des bureaux de contrôle où, au nom d’une nécessaire longue expérience, règne une vraie oligarchie, quand on constate que seuls des grands groupes ont la main sur la norme, il faut certainement réduire la voilure réglementaire pour qu’interviennent de nouveaux acteurs. Dans le secteur du bâtiment, les réglementations et les exigences en matière d’assurances sont telles qu’elles empêchent l’initiative et induisent des surcoûts.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement se préoccupe également de la question et entretient des contacts, sur le plan local, avec les PME innovantes. Le travail de simplification en cours, de même que l’élaboration du texte sur la croissance permettront d’ouvrir ce débat parfaitement légitime.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1201 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement concerne les départements ruraux qui n’ont pas accès au gaz naturel, ainsi que l’effacement des périodes de pointe de consommation d’électricité. Il vise à modifier le deuxième alinéa de l’article L. 111-9 du code de la construction et de l’habitation. Lors d’une audition par l’OPECST, en février 2014, Alain Lambert a souligné la rupture d’égalité entre les territoires, certains choix techniques entraînant des surcoûts de construction dans des zones déjà en difficulté économique. Je propose ici de régler par la loi la question de l’effacement, lequel doit permettre, pendant les périodes de pointe, après déconnection du réseau, l’usage de chauffages d’appoint.

M. le secrétaire d’État. La réglementation thermique de 2012 (RT2012) est applicable aux bâtiments neufs construits depuis 2013. Elle fixe un plafond de consommation d’énergie primaire de 50 kWh par mètre carré et par an en moyenne. Ce plafond est modulé pour tenir compte du climat, de l’altitude, de certaines énergies et des faibles émissions de gaz à effet de serre. La prochaine réglementation énergétique tiendra également compte de la performance énergétique des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments, afin de répondre aux enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique.

C’est dans le contexte de la préparation de cette future réglementation que doivent être débattues les propositions d’adaptation de la règle évoquée par l’amendement. En effet, le secteur de la construction a aujourd’hui besoin de la stabilité réglementaire nécessaire à la bonne conception des projets et à l’assimilation complète de la réglementation de 2012. Les questions d’effacement de la consommation d’électricité évoquées par l’amendement seront sans aucun doute importantes dans la conception de cette future réglementation.

Je suggère donc à son auteur de retirer l’amendement, faute de quoi, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire l’amendement. Je n’en regrette pas moins que, dans le cadre d’un débat sur la transition énergétique, le logement apparaissant comme le secteur dans lequel on peut réaliser le plus d’efforts, on ne tienne pas compte des solutions existantes en matière de réglementation thermique. Je n’ai pas demandé la modification de la réglementation de 2012, considérée par le rapport de l’OPECST comme un progrès. M. le secrétaire d’État vient de le dire : la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre, pour la future réglementation thermique, est une bonne chose. Nous souhaitons seulement qu’on puisse mentionner dès aujourd’hui les zones qui n’ont pas accès au gaz naturel ainsi que les installations qui permettent l’effacement.

Député depuis longtemps, je trouve assez anormal qu’un travail parlementaire tel que le rapport de l’OPECST n’ait été suivi d’aucune discussion approfondie avec le ministère du logement – alors qu’il a été sollicité. Le député n’a pas vocation à s’entendre dire que le problème pour lequel il propose une solution sera réglé dans quelques années ; si j’en crois mes vingt-huit années d’expérience à l’Assemblée, on vous répond ainsi pour en fait ne pas aborder le problème. Nous nous honorerions de reprendre contact avec le ministère pour vraiment traiter de la question.

M. Julien Aubert. Les considérations de M. Le Déaut sont très pertinentes, même si je serais un peu moins laudateur que lui sur la RT2012 car, s’agissant des constructions neuves, on note un effondrement du nombre de primo-accédants dû à la surfacturation des coûts liée à l’application de cette réglementation thermique.

En tant qu’élu d’un territoire rural, je ne peux qu’être sensible à l’argumentation de M. Le Déaut : en effet, le choix de la source d’énergie n’est pas le même lorsqu’on se trouve sur un territoire rural. Or son amendement doit être déconnecté de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, car donner la priorité aux territoires ruraux en souffrance et promouvoir les techniques d’effacement me paraît tout à fait pertinent.

Enfin, au-delà de toute considération partisane, je ne puis que souscrire à la méthode proposée par M. Le Déaut : des parlementaires prennent beaucoup de temps pour mener une réflexion de fond et remettent des rapports d’une qualité – ici celui de l’OPECST – dont on peut regretter qu’il ne soit pas tenu compte au cours du travail législatif. C’est à désespérer ceux qui veulent faire avancer les choses ! Les rapports doivent servir, ceux émanant du Parlement comme ceux de la Cour des comptes.

M. le président François Brottes. Les considérations de M. Le Déaut sont de même nature que les empêchements, que nous évoquions tout à l’heure, dont est victime le secteur du bâtiment. À l’origine de la création du marché de l’effacement, je constate qu’il est complètement torpillé aujourd’hui par ceux qui ne s’intéressent qu’à la capacité de production supplémentaire. Je m’entendrai avec le président de la commission des affaires économiques pour organiser une audition sur le rapport de l’OPECST en présence de la ministre du logement. Nous pourrons ainsi, à la veille de l’examen du texte sur la croissance, prendre en compte tous les aspects abordés qui ne sont ni mineurs ni dérisoires. Le Gouvernement n’a pas pu intégrer dans le présent projet de loi toutes les dispositions entrant comme ici dans le détail, certaines, du reste, étant de nature réglementaire. Il faut en effet, sur ces questions, si j’ose dire, secouer les cocotiers administratifs.

M. le secrétaire d’État. Je rappelle que la ministre s’est engagée à répondre point par point aux recommandations du rapport en question.

L’amendement CS1201 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS365 de M. Antoine Herth, CS1473 de Mme Cécile Duflot et CS1156 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Michel Sordi. L’amendement CS365 est défendu.

Mme Cécile Duflot. Il en est de même pour l’amendement CS1473.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS1156 vise à harmoniser la méthode de calcul permettant de justifier le respect des caractéristiques des bâtiments neufs ou existants, et la méthode de calcul visée par le diagnostic de performance énergétique. Ces méthodes, différentes dans leur périmètre, entraînent des résultats différents pour un même bâtiment ou un même logement.

M. le secrétaire d’État. Vous avez raison de souligner que les différentes réglementations doivent être harmonisées le plus possible. Les services du ministère travaillent à l’uniformisation des outils mis à disposition des professionnels. Reste que vos propositions ne relèvent pas, à l’évidence, du domaine législatif. Je vous invite par conséquent à retirer vos amendements respectifs.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons : si nous considérons l’objet de ces amendements tout à fait louable, ils ne relèvent pas du domaine de la loi.

Les amendements CS365 et CS1156 sont retirés.

L’amendement CS1473 est rejeté.

La Commission examine l’amendement CS1198 M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. La définition du bâtiment à énergie positive est proche de celle de la directive 2010/31/CE du 19 mai 2010 sur les bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle. Je propose ici de la reprendre afin que le texte soit plus précis.

M. le secrétaire d’État. Je vous invite à retirer votre amendement. Cette question sera en effet traitée par décret et le Gouvernement s’engage à travailler avec vous sur sa rédaction.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CS871 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Quand, à la demande de M. Chassaigne, le bureau de l’Assemblée a demandé, il y a plus d’un an, au même M. Chassaigne, comme à MM. Heinrich, Bui en Bretagne, Dufau dans les Landes, et à moi-même en Lorraine, de traiter l’affaire dite de la ouate de cellulose, nous avons déploré les errements de l’administration.

La ouate de cellulose, produit isolant fabriqué à partir du bois, est ignifugée grâce au sel de bore. La réglementation européenne REACH a interdit l’emploi du bore, substance qu’aucun pays n’a pourtant retirée car, en tant qu’ignifugeant, les quantités utilisées n’étaient pas susceptibles, estimait-on en Allemagne, en Finlande, d’avoir des effets nocifs. On s’est néanmoins servi de cette interdiction pour, en quelques mois, demander aux exploitants de changer d’ignifugeant. Ils ont utilisé du nitrate d’ammonium dont on s’est rendu compte, au bout de six mois, qu’il dégageait bien plus d’ammoniaque que le bore. On est par conséquent revenu sur cette réglementation. L’Agence de la qualité de la construction – agence privée –, dont le rôle est de déceler, en lien avec les assurances, tout danger sériel causé par certains produits, a déclaré qu’il y avait des dangers d’incendie, non du fait de la ouate de cellulose mais de la présence de spots avoisinants. J’avais alors saisi Mme Duflot sur les certificats d’économie d’énergie. Les exploitants ont eu tellement d’ennuis que certaines sociétés on fait faillite comme NrGaïa à Épinal.

Quand on observe le système d’accréditation technique de ces produits, on s’honorerait d’améliorer la gouvernance. Notre enquête dans le monde du contrôle et de la réglementation énergétique du bâtiment nous a fait découvrir un système similaire à celui qui régissait le domaine nucléaire il y a une vingtaine d’années : mélange des genres entre recherche, évaluation, conseil, expertise et contrôle ; combinaison désordonnée entre une centralisation à outrance des instances décisionnaires et une multiplicité des opérateurs institutionnels travaillant plus en concurrence qu’en coopération ; endogamie des acteurs décisionnels avec les responsables industriels – l’Autorité de la concurrence est d’ailleurs saisie d’un autre dossier que celui de la ouate de cellulose ; distance marquée entre les universités, les écoles d’architecture et les centres techniques chargés des technologies du bâtiment – on ne trouve pas un seul architecte, pas un seul universitaire au sein de ces instances décisionnaires ; aucune place dans le monde de la recherche pour la physique des bâtiments en tant que tels – à l’inverse de ce qui se passe en Allemagne ; pas de réelle stratégie pour traiter des priorités absolues de la rénovation. En somme, le bâtiment est en France une discipline subalterne.

Il faut changer tout cela. Le ministère du logement et en particulier la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) en a pris conscience et des progrès ont été réalisés au cours de ces derniers mois même si, avec le système de gouvernance actuel, ceux qui restent à accomplir seront difficiles. J’avais d’abord proposé de couper en deux les activités du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Selon certains – parmi lesquels Mme Duflot – cela risquait d’ajouter de la confusion à la confusion. Je retire donc les amendements proposant cette séparation.

Et, je viens de l’évoquer avec le secrétaire d’État, je suis prêt à discuter de tous ces amendements relatifs à la gouvernance. Nous pouvons nous mettre d’accord sur les améliorations à apporter en la matière sans tout chambouler. Reste qu’aujourd’hui, quand on saisit l’autorité de la concurrence, quand on constate l’endogamie déjà évoquée, quand on observe ce monde cloisonné et quand on mesure à quel point la rénovation est une priorité, on ne peut que convenir de la nécessité d’un gros effort. Si le Gouvernement en est d’accord, nous sommes prêts à retravailler nos propositions pour proposer des amendements au titre de l’article 88 du règlement.

M. le président François Brottes. Je félicite une fois encore l’OPECST pour la qualité de son expertise.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement partage complètement vos préoccupations, monsieur Le Déaut, et poursuit les mêmes objectifs de modification de la gouvernance que vous. Je prends acte du retrait de vos amendements sur le sujet, le Gouvernement s’engageant à travailler d’ici à l’examen en séance sur un amendement qui permettrait d’atteindre ces fins. Aussi le Gouvernement retire-t-il l’amendement CS2370 rectifié.

Les amendements CS871 et CS989 de M. Jean-Yves Le Déaut sont retirés, l’amendement CS2370 rectifié du Gouvernement est retiré et les amendements en discussion commune CS877 et CS1938 de M. Jean-Yves Le Déaut sont retirés.

La Commission examine les amendements identiques CS163 de M. Jean-Marie Tetart et CS333 de M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Marie Tetart. Les plans départementaux de l’habitat doivent prendre en compte les objectifs d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS333 est défendu.

M. le secrétaire d’État. Il ne paraît pas indispensable de compléter les PLH dès lors que ce sont les plans « Climat Air Énergie Territoriaux » (PCAET) qui ont vocation à décliner les objectifs d’efficacité énergétique au sens large. Avis défavorable.

L’amendement CS333 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, l’amendement CS163 est rejeté.

La Commission examine l’amendement CS71 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Nous nous sommes rendu compte que l’un des problèmes majeurs de la rénovation résidait dans la complexité des circuits. Si vous voulez bénéficier d’une incitation fiscale à l’occasion de travaux de rénovation thermique, vous allez avoir affaire à plusieurs acteurs : la PME, compétente mais pas toujours au courant de la réglementation ; le diagnostiqueur, censé vous encourager à réduire votre consommation mais qui est par ailleurs, souvent, celui qui vous vend l’énergie ; l’administration fiscale qui a sa propre logique. Aussi le citoyen se demandera-t-il s’il vaut bien la peine d’engager des frais importants de rénovation thermique.

Pour remédier à cette complexité, notre proposition est radicale : si nous voulons vraiment « décoincer » ce marché, le diagnostic énergétique doit relever de l’État et doit être gratuit. Nous voulons éviter que le diagnostic énergétique soit lié à des intérêts privés et nous assurer que le citoyen n’aura aucune mauvaise surprise fiscale ou liée à l’application de la réglementation.

Il s’agit ensuite pour l’État de pouvoir exercer une action directe sur la rénovation qu’il souhaite engager, autrement dit de pouvoir mener une véritable politique avec la possibilité de demander à ses diagnostiqueurs de réduire ou au contraire d’étendre la voilure.

Pour satisfaire aux obligations de l’article 40 de la Constitution, nous proposons une expérimentation d’une durée de trois ans. Une contractualisation avec un opérateur extérieur est également prévue.

Le directeur départemental de La Poste m’expliquait que la baisse de l’activité liée à la distribution courrier conduisait à la recherche de nouveaux métiers comme le gardiennage, la rénovation thermique… Des réseaux existants peuvent donc être amenés à évoluer.

L’idée est bien que le diagnostic énergétique relève désormais du service public, à l’heure où l’on a plutôt tendance à réduire le périmètre des services publics. Si l’on veut consacrer cette fonction régalienne, aller au cœur du problème, il faut la sanction de la loi.

M. le secrétaire d’État. Je prends acte de la proposition de l’opposition de créer un nouveau service public, mais le principe de celui que vous appelez de vos vœux est déjà inscrit dans la loi Brottes. Nous y reviendrons au titre VIII, dans le cadre du débat que nous aurons sur la gouvernance de la transition énergétique.

C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Si je rejoins l’idée d’un service public, je tiens à souligner qu’il existe déjà. De plus, pourquoi l’amendement en limite-t-il la portée au diagnostic énergétique ? Avis défavorable.

M. Bertrand Pancher. Il existe un vrai débat sur les conditions de la réussite de la transition énergétique, notamment dans le domaine du logement.

On ne réussira pas à passer ce cap en menant des politiques centralisées, notamment parce que les contrôles de l’État voient leurs moyens diminuer. Il faut donc poursuivre la décentralisation et augmenter les compétences des collectivités territoriales en la matière.

Un tel amendement me met mal à l’aise : à mes yeux l’État doit limiter son rôle à engager de grandes stratégies et à cibler les moyens avant de confier l’ensemble des responsabilités en la matière aux collectivités locales, comme c’est le cas en Allemagne ou en Autriche, où ces politiques réussissent.

Je tenais à intervenir dès maintenant, car j’ignore si je pourrai assister aux travaux de la commission lorsque nous débattrons de la gouvernance de la transition énergétique.

M. le président François Brottes. J’ai demandé à la présidence de l’Assemblée nationale de me préciser les possibilités de procuration aux élections sénatoriales pour les députés : ils doivent en faire la demande vendredi avant midi aux préfectures.

M. Jean-Paul Chanteguet. Ce sera trop tard puisqu’il faut faire cette demande par lettre recommandée avec accusé de réception.

M. le président François Brottes. Je vous communique simplement les éléments à ma disposition.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je vous renvoie à mon amendement CS2193 après l’article 5, qui vise à asseoir le service public sur les plateformes territoriales.

M. Julien Aubert. Ce sujet, qui invite à un vrai débat de fond entre deux écoles – celle des Girondins et celle des Jacobins –, pose également la question du mode d’organisation de l’énergie, qui est centralisée en France, où existent de grandes entreprises publiques. Certains pensent qu’il faudrait dynamiter ce monopole au profit d’une organisation décentralisée fondée sur des énergies vertes.

Il convient de rester pragmatique sur la question, tout en sachant qu’il est risqué de basculer d’un modèle à l’autre sans réfléchir à la gouvernance ni à l’articulation. On ne peut pas laisser les collectivités territoriales multiplier les énergies intermittentes sans en référer à EDF qui doit gérer le réseau : dans un monde ouvert aux interconnexions, c’est prendre le risque d’une panne de courant électrique.

Si l’amendement prévoit un service public national du diagnostic énergétique, c’est que l’incitation est d’ordre fiscal et que l’administration fiscale est une administration nationale : le but est d’éviter toute perte de transmission entre le diagnostiqueur et l’administration fiscale. Tant que le citoyen n’aura pas la certitude que les sommes qu’il débourse pour rénover son logement bénéficieront bien de l’incitation fiscale promise, il y regardera à deux fois avant d’engager les dépenses nécessaires. Il ne doit plus craindre de voir son imposition réévaluer sous prétexte qu’il aura mal lu la réglementation. L’instauration d’un système simplifié est nécessaire pour obtenir un effet de masse.

L’objet de l’amendement n’est d’ailleurs pas tant d’instaurer un système centralisé que de reconnaître le caractère national de l’enjeu de ce service public et d’assurer son articulation avec l’administration fiscale. En revanche, le niveau de l’opérateur n’est pas fixé. Le service public du diagnostic énergétique pourra très bien être décliné au plan local.

Le service public proposé dans la loi Brottes n’a pas la même matérialité. Celui que je propose sera directement accessible aux citoyens et assurera un diagnostic gratuit et personnalisé. Trop souvent, les Français n’ont de contact individuel avec l’administration que lorsqu’il s’agit pour celle-ci de les contrôler ou de les réprimander – en cas de contrôle fiscal, l’État sait très bien se rendre au domicile des Français ! En revanche, vous pouvez le demander aux TPE et au PME, lorsqu’il s’agit de demander de l’aide, les Français n’ont plus affaire qu’à des acteurs globaux ! Élaborons des administrations ou des services publics modernes, qui iront au contact des citoyens et sauront les aider.

M. Denis Baupin. Monsieur Aubert, les États fédéraux savent depuis longtemps gérer la complémentarité entre les plans national et local pour éviter les pannes de courant.

M. Julien Aubert. S’il n’y a pas de black-out en Allemagne, c’est que celle-ci importe de l’électricité française.

M. Denis Baupin. Chaque mois, c’est la France qui importe de l’électricité d’Allemagne et non l’inverse. Le pays le plus menacé d’un black-out est la France, comme l’indiquent d’ailleurs les rapports de RTE.

M. le président François Brottes. Ne rouvrons pas les mêmes débats à chaque article du projet de loi !

M. Denis Baupin. Il n’y a aucune contradiction entre décentralisation, péréquation et coordination.

Je partage néanmoins le point de vue de M. Aubert, sinon son amendement, sur la question de l’indépendance et de la crédibilité du diagnostic de performance énergétique des bâtiments. Nos concitoyens sont trop souvent démarchés par des diagnostiqueurs intéressés qui ne leur font pas de propositions pertinentes. S’agissant de l’organisation du service public de l’efficacité énergétique entre les plans national, régional, intercommunal, je tiens d’ores et déjà à indiquer que je déposerai des amendements à l’article 56. La coordination nécessaire entre les différents niveaux ne doit pas brider les initiatives.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il ne faut pas faire l’impasse d’une réflexion sur l’organisation d’un service public de l’efficacité énergétique. Le futur Conseil de la construction et de l’efficacité énergétique, sur lequel nous reviendrons au titre de l’article 88 du Règlement, y contribuera.

Des pays fédéraux comme l’Allemagne ont réussi à traiter cette question en créant des conseillers à la rénovation qui sont mis à la disposition des Länder. Au nombre de 7 000, ils sont indépendants et issus de différents secteurs – ils peuvent être architectes, ingénieurs-conseils ou artisans. Ce corps de l’efficacité énergétique pourrait s’appuyer, en France, au plan national sur l’ADEME et, au plan régional, sur les conseillers des Points rénovation info service.

La Commission rejette l’amendement CS71.

Puis elle passe à l’examen des amendements identiques CS104 de M. Martial Saddier et CS173 de M. Jean-Marie Tetart.

M. Martial Saddier. Pour assurer son application efficace, il faudrait réussir à faire comprendre et à faire accepter le texte par nos concitoyens, ce qui est un vrai défi. À cette fin, l’amendement CS104 vise à créer un guichet unique national de la rénovation, relayé département par département. C’est à cette seule condition que les mesures, que nous inscrirons dans la loi, pourront être effectivement appliquées sur le terrain.

M. Jean-Marie Tetart. Je retire l’amendement CE173.

M. le secrétaire d’État. Je demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement. Il sait en effet que le Gouvernement a mis en place en septembre 2013 un guichet unique national de la rénovation énergétique des logements, constitué d’une plateforme téléphonique nationale et d’un site internet orientant les ménages vers un réseau de 450 Points rénovation info service qui, répartis sur tout le territoire, fournissent un premier niveau d’information et de conseil indépendant et gratuit. Les collectivités locales ont également mis en place des plateformes de la rénovation énergétique, qui fournissent un accompagnement complet des ménages tout au long de leur démarche.

Les expérimentations de passeport rénovation énergétique à partir de 2015 s’articuleront aux initiatives des collectivités locales visant à développer et à améliorer le conseil, notamment en l’orientant vers une approche globale.

Enfin, le guichet unique et le réseau des Points rénovation info service ont été définis dans la circulaire de territorialisation du 22 juillet 2013 et ne nécessitent pas de définition législative, laquelle rigidifierait le système.

J’émettrais un avis défavorable à l’amendement s’il n’était pas retiré.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le mécanisme de guichet proposé par l’amendement existe d’ores et déjà. Par ailleurs, il n’est pas certain que ces dispositions relèvent de la loi. Je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi j’émettrai, moi aussi, un avis défavorable.

M. Martial Saddier. Si j’ai bien précisé qu’un dispositif existait déjà. Mais il ne fonctionne pas parce qu’il est trop centralisé.

Si vous comptez sur le dispositif actuel pour vendre l’usine à gaz qu’est ce texte, vous prenez un double risque d’incompréhension et de blocage et la loi ne sera pas appliquée.

Mon amendement est un amendement d’alerte : il vise à décliner un guichet unique département par département et à engager tous les acteurs autour des préfets de département.

Monsieur le président, vous nous avez informés de la possibilité de voter par procuration aux élections sénatoriales. Alors que nous regrettons tous l’abstention croissante aux élections, il serait pour le moins fâcheux que les grands électeurs de la représentation nationale ne puissent pas, physiquement, participer à un scrutin élisant la deuxième chambre du Parlement.

En serions-nous arrivés là ?

M. le président François Brottes. Je réunis à l’issue de cette séance le bureau et les rapporteurs pour organiser la poursuite de nos travaux.

M. Bertrand Pancher. Les dispositifs d’information mis en place par l’État ne fonctionnent pas : tous les élus locaux, de gauche comme de droite, le savent.

Les moyens étant trop éparpillés, il serait souhaitable de les transférer aux collectivités territoriales en leur donnant mission, via des points d’information ou des sociétés de services en économie d’énergie, de muscler le dispositif, d’autant que nous assistons à une diminution notamment du nombre des agents de l’État sur les territoires.

Je partage les propos de M. Saddier, que j’avais mal interprétés dans un premier temps.

M. le secrétaire d’État. Seul le système d’information est aujourd’hui centralisé. De plus, votre constat d’échec doit être nuancé, voire infirmé puisque le nombre des ménages ayant bénéficié des crédits de l’Agence nationale de l’habitat – ANAH – dans le cadre du programme « Habiter mieux » a été multiplié par trois depuis 2012.

L’amendement CS173 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS104.

Elle examine ensuite l’amendement CS257 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement CS257 vise à créer une recette additionnelle, ce qui, il est vrai, n’est pas très populaire en ces temps difficiles.

L’évaluation technique des nouveaux produits de la construction a un intérêt direct pour les compagnies d’assurance, du fait que cette activité permet de réduire à la source les risques mis en jeu par le régime de responsabilité décennale, ce qui profite, de facto, aux compagnies d’assurance, qui exigent des avis techniques pour assurer les bâtiments. Or les compagnies ne participent pas financièrement au processus d’évaluation technique : membres de l’Agence de la qualité de la construction (AQC), un organisme privé, elles se contentent de participer à l’aval technique puisque l’AQC gère les informations relatives aux sinistres constatés en cherchant à identifier les sinistres sériels.

Alors que le CSTB souffre aujourd’hui d’un manque de moyens, cette recette conforterait son rôle, en lui permettant de mieux accompagner les entreprises dans les régions. Je tiens à souligner que les CSTB accompagnent déjà des PME-PMI en Bourgogne, en Alsace, dans les Pays-de-la-Loire ou en Gironde, dans l’évaluation technique. Bien qu’elles y soient opposées, les assurances doivent participer à ce dispositif.

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques a adopté cette disposition à l’unanimité.

M. le secrétaire d’État. Ce débat sur les moyens du CSTB a plus sa place dans l’examen du projet de loi de finances. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement – d’autant que la discussion sur la gouvernance du CSTB a été renvoyée à la séance publique.

Il ne faudrait pas non plus qu’une telle initiative entre en contradiction avec la politique du Gouvernement de relance du logement.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je suis également favorable au retrait de l’amendement.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je le retire.

L’amendement CS257 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements identiques CS1334 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1613 de M. Joël Giraud.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1334 prévoit la création d’un seuil d’alerte précarité énergétique entraînant, à compter du 1er janvier 2025, une obligation de réaliser des travaux.

Les logements dont la performance énergétique crée des situations de précarité énergétique seront identifiés, notamment via une enquête auprès des personnes sollicitant des aides aux impayés d’énergie.

Les propriétaires de ces logements seront contactés afin d’être sensibilisés aux différentes aides pour réaliser les travaux. Ils devront mettre en place le volet énergétique du carnet de santé du logement dans un délai fixé par voie réglementaire puis réaliser les travaux dans un délai de dix ans, afin de sortir du seuil d’alerte.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1613 prévoit un plan contraignant à long terme visant à mettre fin aux situations de précarité énergétique qui sont liées à la très faible performance énergétique des bâtiments.

M. le secrétaire d’État. Ces amendements ouvrent un débat de fond sur la méthode, puisqu’ils reviennent à demander aux propriétaires concernés, qu’ils soient bailleurs ou occupants, à réaliser des travaux. Or il apparaît difficile pour des questions sociales d’obliger notamment des propriétaires occupants en situation de précarité énergétique de réaliser de tels travaux. Ces publics, qui sont pour la plupart fragiles, ont besoin de mesures d’accompagnement plutôt que de mesures coercitives.

Il vaut mieux continuer à les accompagner avec le programme « Habiter mieux » que les confronter à des obligations qu’ils ne pourraient pas honorer en raison de leur manque de moyens financiers.

Ces amendements risquant d’avoir un effet contraire à l’objectif recherché, je vous demande de bien vouloir les retirer.

Mme Sabine Buis, rapporteure. On ne saurait faire abstraction de la situation financière dans laquelle se trouvent de nombreux ménages. Par ailleurs, c’est l’article 5 qui traite la question des travaux de rénovation. Je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je retire l’amendement tout en soulignant qu’il ne prenait effet qu’à compter du 1er janvier 2025. Il convient d’adopter dans le reste du texte des dispositions permettant de mieux lutter contre la précarité énergétique.

M. Joël Giraud. Avant de retirer mon amendement, j’aimerais connaître la teneur finale de l’article 5.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Vous avez sous les yeux l’article 5 tel qu’il a été rédigé par le Gouvernement. En revanche, personne ne connaît sa rédaction définitive, les amendements à cet article n’ayant pas encore été examinés. Il n’en reste pas moins que votre amendement entre dans le cadre de cet article.

M. Joël Giraud. Je maintiens l’amendement.

L’amendement CS1334 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS1613.

La Commission examine ensuite l’amendement CS524 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur la mise en œuvre d’une incitation à la rénovation énergétique par le biais d’un dégrèvement de la taxe foncière.

Par ailleurs, j’indique à M. Baupin que ses assertions sur les exportations et les importations d’électricité entre la France et l’Allemagne sont totalement fausses. Les chiffres qu’il a cités, issus de RTE, portent sur les contrats échangés au niveau des bourses européennes alors que ce sont les échanges physiques qu’il faut prendre en compte. Or les chiffres donnés à ce sujet par les douanes françaises, accessibles sur le site internet du ministère des finances, font apparaître pour janvier, février et mars 2013 un solde positif en faveur de la France, de l’ordre de 200 à 600 gigawattheures.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le code général des impôts prévoit la possibilité pour les communes et les EPCI d’exonérer de la taxe foncière sur les propriétés bâties, à concurrence de 50 % ou de 100 %, les logements achevés avant le 1er janvier 1989 ayant fait l’objet par le propriétaire de dépenses d’équipements éligibles au crédit d’impôt dédié au développement durable.

Cette disposition est méconnue alors même qu’elle peut faciliter la décision du propriétaire de se lancer dans des travaux de rénovation. Une transposition aux bâtiments non résidentiels pourrait être étudiée. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CS72 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. En matière de diagnostic énergétique, des initiatives existent au plan local, mais elles impliquent des disparités. Pour assurer l’égalité de tous, je suggère, en bon républicain, de mettre en place un service public national qui permettra d’harmoniser les méthodes là où des dispositifs sont déjà place et d’encourager les bonnes pratiques là où ils ne le sont pas encore.

Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre dans les six mois suivant la promulgation de la loi un rapport au Parlement sur la création d’un tel service public. J’ai l’espoir qu’il aura en outre la vertu de nous engager dans un débat de fond, au-delà des multiples questions techniques, sur ce qu’est un service public et de nous conduire à une forme de consensus.

M. le secrétaire d’État. Comme la commission a rejeté la création du service public du diagnostic énergétique sur la mise en place duquel vous demandez un rapport, la cohérence impose de demander le retrait de l’amendement.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 5
(articles L. 111-9 et L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation,
et article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965)

Dispositions réglementaires applicables en matière de performance énergétique des bâtiments et règles de majorité au sein des copropriétés
pour les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique

Cet article vise à faire prendre en compte l’amélioration de la performance énergétique en cas de travaux importants de ravalement, de toiture ou d’aménagement de nouvelles pièces.

1.  L’état du droit

 Figurant au sein de la section IV du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, consacrée aux caractéristiques et aux performances énergétiques et environnementales des bâtiments, l’article L. 111-10 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer :

– les caractéristiques énergétiques et environnementales et la performance énergétique et environnementale – notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre, de la maîtrise de l’énergie, de la production d’énergie renouvelable, de la consommation d’eau et de la production de déchets – des bâtiments ou parties de bâtiment existants qui font l’objet de travaux, en fonction des catégories de bâtiments, du type de travaux envisagés ainsi que du rapport entre le coût de ces travaux et la valeur du bâtiment ;

– les catégories de bâtiments ou parties de bâtiments existants qui font l’objet, avant le début des travaux, d’une étude de faisabilité technique et économique évaluant les diverses solutions d’approvisionnement en énergie, ainsi que le contenu et les modalités de réalisation de cette étude ;

– les caractéristiques thermiques que doivent respecter les nouveaux équipements, ouvrages ou installations mis en place dans des bâtiments existants, en fonction des catégories de bâtiments considérées ;

Il prévoit par ailleurs que les mesures visant à améliorer les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des bâtiments existants ainsi que leur impact sur les loyers, les charges locatives et le coût de la construction sont évalués dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

 En dépit des nombreuses modifications dont elle a fait l’objet au cours des années récentes, la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 demeure le texte de référence fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Ses articles 24 et 25 règlent les conditions de vote et de majorité dans lesquelles sont prises les décisions de l’assemblée générale des copropriétaires. Aux termes de l’article 24, relèvent ainsi de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés, par exemple :

– les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement ;

– les modalités de réalisation et d’exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d’un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique, notifié au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic ;

– les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et réglementaires intervenues depuis son établissement.

Inversement, relèvent de la majorité de l’article 25, c’est-à-dire la majorité des voix de tous les copropriétaires, certaines décisions comme l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, la désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du conseil syndical, la modification de la répartition des charges communes ou encore l’installation de compteurs d’énergie thermique ou de répartiteurs de frais de chauffage.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

 Le paragraphe I (alinéas 1er à 10) de cet article réécrit dans sa totalité l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation.

La nouvelle rédaction proposée reprend la plupart des dispositions figurant dans la rédaction actuelle (1°, 2°, 7° et 8°). Elle complète néanmoins cette liste conformément aux objectifs visés par le titre II du projet de loi, c’est-à-dire favoriser une meilleure isolation des bâtiments par des mécanismes plus contraignants. Il revient ainsi au décret en Conseil d’État auquel renvoie l’article L. 111-10 précité de déterminer, en outre :

– les catégories de bâtiments existants qui font l’objet, lors de travaux de ravalement importants, d’une isolation de la façade concernée, excepté lorsque celle-ci n’est pas réalisable techniquement ou juridiquement ou qu’il existe une disproportion manifeste entre ses avantages et ses inconvénients de nature technique, économique ou architecturale ;

– les catégories de bâtiments existants qui font l’objet, lors de travaux importants de réfection de toiture, d’une isolation de cette toiture, sous ces mêmes réserves ;

– les catégories de bâtiments résidentiels existants qui font l’objet, lors de travaux d’aménagement de pièces ou de parties de bâtiment annexes en vue de les rendre habitables, de travaux d’amélioration de la performance énergétique de ces pièces ou de ces parties de bâtiment annexes ainsi que la nature des travaux susceptibles d’être entrepris, en fonction de leur coût et de leur impact sur la superficie des pièces.

Devenu obsolète, le renvoi à un rapport du soin d’évaluer l’efficacité des mesures prises, cinq ans après la publication de la loi du 13 juillet 2005 précitée, se trouve supprimé par cohérence.

 Le paragraphe II (alinéas 11 et 12) complète la liste des opérations relevant des conditions de majorité prévues par l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire la majorité simple des voix des copropriétaires présents ou représentés : la nouvelle rédaction proposée prévoit d’y inclure les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique prévues en application des 3° et 4° de l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation, à l’occasion de travaux affectant les parties communes.

3.  La position de votre co-rapporteure

La réglementation thermique des bâtiments existants ne fixe aujourd’hui d’exigences que lors de rénovations lourdes ou lorsque les maîtres d’ouvrage entreprennent des travaux de remplacement ou d’installation de matériaux d’isolation ou de systèmes énergétiques portant sur le chauffage, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage ou la ventilation.

L’objet de la modification de l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation étant de profiter d’un premier investissement des maîtres d’ouvrage pour engager en même temps des travaux d’économies d’énergie, votre co-rapporteure ne peut fortement soutenir cette idée « d’embarquer la rénovation énergétique » à l’occasion de travaux significatifs réalisés sur l’enveloppe du bâtiment (façades, toiture). Associer l’amélioration énergétique de celui-ci à l’occasion d’une rénovation crée en effet une opportunité de faire gagner le bâtiment en confort et en valeur, permet des économies d’échelle et évite de multiplier les interventions.

Votre co-rapporteure estime néanmoins important d’encadrer ce principe par la prise en compte de l’ensemble des critères techniques, architecturaux et économiques pertinents pour juger de la faisabilité d’une rénovation énergétique. Le décret en Conseil d’État qui aura à préciser ces critères ne devra en effet pas avoir pour conséquence d’imposer le doublage par l’extérieur des façades de bâtiments anciens ou traditionnels qui, sans présenter de valeur patrimoniale exceptionnelle justifiant leur protection par un classement, sont constitutifs de l’identité architecturale et visuelle de notre pays (fermes, mas, longères, immeubles en pierre meulière, etc.).

Par ailleurs, votre co-rapporteure s’interroge sur l’opportunité d’imposer, de manière uniforme, le même dispositif sur tout le territoire et pour toutes les catégories de bâtiment. L’étude d’impact annexée au projet de loi indique en effet, s’agissant d’une isolation thermique par l’extérieur lors d’un ravalement de façade, que « l’intérêt économique de cette mesure reste variable selon la typologie de logements étudiés, la nature de l’énergie principale de chauffage (plus rentable en électricité qu’en gaz) et la zone climatique. En effet, les travaux d’isolation de la façade pour les bâtiments implantés dans le pourtour méditerranéen apparaissent dans une grande majorité des cas comme non rentables (temps de retour pouvant être supérieurs à 30 ans). On constate [en revanche] des temps de retour particulièrement faibles dans le cas de ravalement de très grands immeubles (7 ans) car les économies d’énergie générées sont substantielles et le surcoût lié à l’isolation est relativement faible par rapport aux coûts fixes (de 30 à 40 % de surcoût). »

Votre co-rapporteure a, par ailleurs, proposé « d’embarquer la rénovation » acoustique des logements situés dans un point noir du bruit, à l’occasion de travaux de rénovation mentionnés à l’article 5.

Elle a également proposé d’amender la rédaction du projet de loi afin que l’obligation d’effectuer des travaux n’entraîne pas la perte pour les ménages, notamment les plus précaires, des dispositifs de soutien existants.

Enfin votre co-rapporteure a souhaité asseoir l’existence juridique de deux outils fortement plébiscités par les ménages :

– d’une part, les plateformes territoriales de la rénovation énergétique, sur lesquelles devra s’appuyer le service public de la performance énergétique de l’habitat, et qui continueront à fournir aux citoyens les informations techniques et financières nécessaires à l’élaboration de leur projet de rénovation ;

– d’autre part, les groupements d’artisans, qui pourront mieux s’organiser afin de proposer une offre groupée, avec la possibilité d’un interlocuteur unique, notamment dans le domaine de la rénovation énergétique des bâtiments et de l’accessibilité.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS73 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à supprimer l’article 5. L’obligation de travaux supplémentaires constitue une contrainte pour les propriétaires qui n’ont pas les moyens financiers nécessaires. Une incitation fiscale les aurait poussés à faire un calcul économique et financier en cherchant un équilibre entre le coût de la rénovation énergétique et les économies d’énergies qui en découlent. Sans cet équilibre, il n’y aura pas de rénovation énergétique.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Avis défavorable. Le Gouvernement ne saurait accepter la remise en cause de la rénovation énergétique des bâtiments existants.

Mme Sabine Buis, rapporteure pour les titres II et IV. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. Nous cherchons tous à éviter de voter des dispositions qui amèneraient les particuliers à supporter des charges considérables. J’exhorte le Gouvernement à bannir toute rédaction qui l’empêcherait de mettre en place des aides pour la rénovation des appareils de chauffage et pour les travaux en faveur de l’efficacité énergétique. Il faut que la loi lui permette de prendre des décrets en ce sens s’il souhaite le faire ultérieurement.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine les amendements identiques CS899 de M. Christophe Bouillon, CS1474 de Mme Cécile Duflot et CS978 de M. Martial Saddier.

M. Christophe Bouillon. Mon amendement introduit des niveaux de performance qu’il est nécessaire d’atteindre lors des travaux de rénovation énergétique. Il est cohérent avec la volonté gouvernementale d’accélérer la rénovation énergétique du parc bâti, tout en n’enfermant pas les propriétaires dans une obligation de rénovation trop contraignante.

M. le secrétaire d’État. La réglementation respectant nécessairement les objectifs de la politique énergétique, ces amendements ne sont pas véritablement nécessaires. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

La Commission adopte ces amendements identiques.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite l’amendement CS849 de M. Julien Aubert.

Puis elle est saisie des amendements identiques AS93 de M. Martial Saddier et AS1935 de M. Jacques Krabal.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

L’amendement AS1935 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS93.

Elle en vient à l’amendement AS1475 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. L’obligation d’améliorer significativement la performance énergétique doit être étendue à tous les bâtiments existants qui font l’objet de travaux de rénovation, sans qu’il soit besoin de préciser que ces travaux doivent être « importants ». L’importance est une notion imprécise qui n’est pas juridiquement définie ; il serait regrettable de la faire entrer dans la loi.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Dans la réglementation thermique des bâtiments existants issue du Grenelle de l’environnement, il est d’ores et déjà fait référence aux « travaux de rénovation importants ».

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

M. Julien Aubert. L’adoption de l’amendement aurait-elle des conséquences financières pour ceux qui doivent réaliser les travaux ?

M. Jean-Marie Tetart. Cette notion de « travaux de rénovation importants » mérite tout de même d’être précisée. L’alinéa 5 de l’article fait par exemple référence au ravalement. Cela peut-il ne concerner que de simples travaux de peinture. Ne vaudrait-il pas mieux dans ce cas évoquer des « travaux qui touchent à la structure de la façade » ?

M. le secrétaire d’État. Le projet de loi impose l’isolation thermique lorsqu’elle est techniquement réalisable. Le surinvestissement pour le propriétaire est alors relativement faible car il bénéficie d’une mutualisation des travaux. L’adoption de cet amendement lui imposerait en revanche des dépenses sans commune mesure avec l’investissement initial. Nous n’allons pas obliger un propriétaire à isoler toute une façade qu’il a seulement prévu de nettoyer ! Il serait de la même façon disproportionné d’imposer d’isoler totalement une toiture quand un artisan se contente de changer quelques tuiles.

M. Jean-Marie Tetart. Qui jugera de l’« importance » des travaux ?

M. le secrétaire d’État. Des précisions seront évidemment apportées par la voie réglementaire.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS5 de la rapporteure.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1011 de M. Bertrand Pancher et CS1431 de M. Philippe Bies.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS1431 vise à intégrer les modalités de contrôles de l’atteinte des objectifs dans la liste des éléments déterminés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article 5.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable sur les deux amendements. Monsieur Pancher, le cadre législatif français, tel que complété par le présent projet de loi, est conforme à la directive européenne du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments. La comparaison entre la réglementation thermique applicable aux bâtiments neufs, et celle valables pour les bâtiments existants est difficile car les exigences ne peuvent être comparables.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis. Les précisions apportées par l’amendement CS1011 sont inutiles : la directive du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments et l’article L. 100-4 du code de l’énergie sont évidemment pris en compte, et l’actualisation régulière du référentiel constitue une obligation.

Les amendements sont retirés.

L’amendement CS1934 de M. Jacques Krabal est également retiré.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS94 de M. Martial Saddier.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS1620 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. L’étude de faisabilité technique et économique doit intégrer, outre les solutions d’approvisionnement, une analyse des systèmes énergétiques du bâtiment.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Cette précision est superflue puisque les rénovations importantes sont soumises à la réglementation thermique dans l’existant.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Pour ma part, je suis plutôt favorable à l’amendement.

M. Joël Giraud. Les arguments de M. le secrétaire d’État me montrent que l’amendement est satisfait. Il est donc retiré.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1974 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CS1924 de M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Il s’agit de permettre aux utilisateurs de connaître et de maîtriser leur consommation d’énergie. S’ils disposent d’informations, ils pourront mettre en œuvre les travaux qu’ils jugeraient nécessaires pour réduire leur consommation.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable.

M. Julien Aubert. L’exposé sommaire indique qu’il s’agit de permettre à chacun de « piloter en connaissance de cause sa consommation ». Est-ce une référence aux smart grids et à la « gestion active » – ce qui serait positif – ou à l’installation d’appareil dans chaque logement – ce qui poserait un problème de coût ?

M. Philippe Plisson. Votre première hypothèse est la bonne !

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS105 de M. Martial Saddier.

L’amendement CS1932 de M. Jacques Krabal est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement identique CS95 de M. Martial Saddier.

Suivant le même avis de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS183 de M. Martial Saddier.

L’amendement identique CS1256 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ensuite l’amendement CS143 de M. Jean-Marie Tetart.

Elle en vient à l’amendement CS778 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Lors des auditions, nous avons entendu dénoncer le tropisme du projet de loi en faveur de l’efficacité énergétique passive – isolation, installation d’équipements performants… Nous avons en conséquence souhaité opérer un rééquilibrage en faveur des actions d’efficacité énergétique active : équipements permettant de gérer et de piloter la consommation d’énergie…

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Dans l’esprit du projet de loi, l’isolation de façade ou de toiture effectuée lors de travaux importants ne crée pas un surcoût considérable : les entreprises sont sur place, les échafaudages sont installés… Il en irait bien autrement si l’amendement de M. Aubert était adopté, car il prévoit une rénovation énergétique complète des bâtiments concernés.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

M. Julien Aubert. Les arguments du ministre m’ont convaincu. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS869 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Cet amendement a pour objet de permettre au pouvoir réglementaire d’associer les travaux d’isolation des façades de certaines catégories de bâtiments existants à des actions visant à préserver la qualité de l’air intérieur, à un redimensionnement de leurs équipements de chauffage ainsi que l’installation d’un système de pilotage de la consommation énergétique.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Les travaux concernant la qualité de l’air intérieur, le système de chauffage, et la gestion active de l’énergie peuvent être réalisés indépendamment de l’intervention initiale. Les catégories de travaux mentionnées dans l’amendement sont déjà couvertes par les règlementations sanitaire ou thermique pour l’existant.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS591 de M. Michel Sordi et les amendements identiques CS140 de M. Jean-Marie Tetart et CS184 de M. Martial Saddier.

M. Michel Sordi. Il faut sécuriser les travaux d’isolation engagés. L’expression proposée à l’alinéa 5, « lorsque celle-ci n’est pas réalisable techniquement ou juridiquement », est trop vague. Elle pourrait donner lieu à des recours car les critères qui rendent impossible la réalisation technique et juridique des travaux d’isolation ne sont pas définis.

Le mécanisme proposé pose le principe de la réalisation d’une étude de faisabilité préalable pour renoncer à une isolation de façade. Elle pourrait être menée par le maître d’œuvre, architecte ou bureau d’étude.

M. Jean-Marie Tetart. Le principe d’une étude a été retenu pour ce qui concerne la mise en accessibilité des commerces pour les personnes à mobilité réduite. Une commission est même chargée de se prononcer sur la sincérité de cette étude.

M. Martial Saddier. Il s’agit de rendre la loi plus précise.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Un décret en Conseil d’État précisera les motifs permettant de déroger à l’obligation d’isolation. Étant donné la diversité des situations à prendre en considération, ces précisions ne peuvent être apportées dans la loi. Dans certains cas, il ne me paraît pas opportun d’imposer des surcoûts inutiles pour financer une étude.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Si nous renvoyions à une étude, de nombreuses questions se poseraient sur son responsable, son contenu, son impartialité et sa qualité.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’amendement de précision CS6 de la rapporteure.

Elle est saisie, en discussion commune, de l’amendement CS981 de M. Martial Saddier, des amendements identiques CS2132 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1476 de Mme Cécile Duflot et CS368 de M. Antoine Herth, et des amendements CS182 de M. Martial Saddier et CS948 de M. Julien Aubert.

M. Martial Saddier. Il s’agit de supprimer la dérogation à l’obligation de travaux pour améliorer la performance énergétique fondée sur « l’existence d’une disproportion manifeste entre avantages et inconvénients de nature technique, économique ou architecturale ».

M. Jean-Paul Chanteguet. Mon amendement a le même objet.

M. Julien Aubert. Une dérogation doit être prévue si les travaux ne sont pas pertinents au regard de critères économiques, énergétiques, techniques, environnementaux, juridiques ou architecturaux. N’allons pas trop loin ! La loi doit permettre aux agents économiques de prendre en compte les éléments qui minoreraient l’avantage qu’ils ont à faire des travaux d’isolation.

M. le secrétaire d’État. À défaut d’un retrait de ces amendements, le Gouvernement émettra sur chacun d’eux un avis défavorable. Dans le cadre de notre politique énergétique, il n’est pas possible d’imposer des travaux dont l’efficacité serait très limitée en termes d’économies d’énergies au regard des investissements consentis. Il existe bien une « disproportion manifeste » dès lors, par exemple, qu’il s’agit d’entreprendre des travaux d’isolation sous un climat méditerranéen, ou lorsque la performance initiale d’un bâtiment est déjà élevée.

Mme Sabine Buis. Avis défavorable.

Mme Cécile Duflot. La notion de « disproportion manifeste entre les avantages et les inconvénients » me paraît juridiquement mal fondée. Le Gouvernement est-il certain de sa solidité juridique ? Peut-il nous éclairer sur le sujet ?

M. le secrétaire d’État. La loi fixe des principes que le règlement met en œuvre. Un décret en Conseil d’État apportera les précisions que vous demandez.

M. le président François Brottes. Les dérogations sont nécessaires, mais il faudra éviter toute manœuvre dilatoire. Le décret devra y veiller, et il faudra l’appliquer.

M. Julien Aubert. Vous renvoyez très souvent, monsieur le ministre, au pouvoir réglementaire, mais il me semble important que le législateur décide quels avantages et inconvénients sont à prendre en considération. Que vous déterminiez réglementairement ce que l’on appelle un avantage économique ou un inconvénient patrimonial, c’est une chose, mais êtes-vous sûr qu’il soit pertinent d’invoquer les articles 34 et 37 de la Constitution ? La loi ne doit pas trop encadrer, mais elle doit tout de même orienter.

Mme Cécile Duflot. Je me demande s’il n’y a pas un risque d’incompétence négative à ce que le législateur laisse tant dans le flou la définition du décret.

M. le secrétaire d’État. Le pouvoir réglementaire n’aura pas la liberté d’inventer les critères. La loi dispose que ce sont des critères techniques, des critères patrimoniaux et des critères de coût. Le décret en précisera seulement les proportions.

M. Martial Saddier. Si le logement comporte une vieille chaudière à fioul de quarante ans d’âge, qui est une vraie passoire, peut-on espérer que le Gouvernement et la majorité ne ferment pas la porte à un encouragement, voire une aide, pour que le propriétaire en change ? C’est très important.

M. le secrétaire d’État. Si le Gouvernement décide un jour d’aller dans ce sens, il peut ajouter un tel dispositif dans une loi de finances. Je ne prends aucun engagement, mais ce n’est pas parce que nous ne l’écrivons pas aujourd’hui que cela ne se fera jamais.

La Commission rejette successivement ces amendements.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS233 de M. Damien Abad, CS544 de M. Antoine Herth et CS1614 de M. Jacques Krabal, et l’amendement CS1015 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Les alinéas 5 et 6 suspendent l’obligation de réaliser certains travaux s’il existe une disproportion jugée manifeste entre les avantages et les inconvénients de ces travaux. Le terme « manifeste » est particulièrement imprécis, voire subjectif. Dans le cas d’une disproportion avérée, le marché étant sensible à toute augmentation des coûts, ce type d’exigence peut conduire à des blocages et induire l’effet inverse de celui qui est recherché, en incitant les ménages à ne pas réaliser de travaux. Il semble donc préférable de supprimer ce terme.

Je souhaite bon courage à ceux qui appliqueront cet article, dont la logique, au demeurant, est fort simple. L’État n’ayant pas d’argent pour accompagner financièrement la transition énergétique, il impose des obligations de rénovation dans le cadre de travaux dits lourds. C’est facile, mais cela ne réglera pas le problème des propriétaires désargentés, et le contrôle, dans un contexte de moyens déconcentrés de l’État de plus en plus modestes, ne sera pas assuré.

J’ai rencontré un retraité du ministère de l’environnement, qui avait été en charge des installations classées. Il m’a montré la liste des obligations et des effectifs de son service dans la Meuse il y a dix ans, et la même liste aujourd’hui : les obligations ont doublé et les effectifs ont été réduits d’un tiers. Vous avez beau légiférer, nous n’avons plus aucun moyen de contrôle.

M. le président François Brottes. Je rappelle qu’au moment même où la loi Grenelle était en préparation, on prévoyait de ne pas remplacer un fonctionnaire partant en retraite sur deux. Par ailleurs, le terme « manifeste » n’est pas nouveau.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le caractère manifeste de la disproportion est important pour maintenir l’efficacité du dispositif. Un décret en Conseil d’État précisera les motifs pouvant être invoqués pour déroger à l’obligation d’isolation. Compte tenu de la diversité des situations à prendre en considération, cela ne peut être fixé au niveau législatif.

L’amendement CS1614 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements identiques CS233 et CS544 ainsi que l’amendement CS1015.

L’amendement CS872 de Mme Frédérique Massat est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS96 de M. Martial Saddier et CS1930 de M. Jacques Krabal.

M. Martial Saddier. Il s’agit de préciser que l’alinéa 6 de l’article 5 s’applique aux bâtiments « à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public ».

M. le secrétaire d’État. Défavorable. Le secteur du logement est très énergivore et présente un potentiel important de réduction des consommations d’énergie. Restreindre la réglementation serait un écart vis-à-vis de la directive européenne sur la performance énergétique du bâtiment. L’obligation de travaux dans le tertiaire est un dispositif complémentaire du présent dispositif, car elle vise à fixer des objectifs d’amélioration de la performance énergétique systématiquement et indépendamment de la décision du maître d’ouvrage d’entreprendre les travaux.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Défavorable. Il n’y a aucune raison d’exempter les bâtiments individuels ou collectifs à usage d’habitation de l’obligation d’engager des travaux de rénovation.

L’amendement CS1930 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS96.

La Commission examine les amendements identiques CS186 de M. Martial Saddier et CS1261 de M. Jean-Paul Chanteguet.

L’amendement CS1261 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS186.

La Commission examine les amendements identiques CS144 de M. Jean-Marie Tetart et CS187 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Il s’agit d’un amendement de sécurisation juridique.

M. le secrétaire d’État. Défavorable. Il n’est pas nécessaire d’imposer systématiquement une étude, qui pourrait s’avérer source de surcoûts inappropriés.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ces amendements identiques.

La Commission adopte l’amendement de précision CS7 de la rapporteure.

La Commission examine les amendements identiques CS369 de M. Antoine Herth, CS1477 de Mme Cécile Duflot et CS2133 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Un des axes importants de la politique énergétique nationale est de concentrer les investissements sur les actions les plus efficaces. Ces amendements auraient pour conséquence d’imposer des travaux dont l’efficacité est très limitée en termes d’économies d’énergie ou au regard des investissements consentis.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Défavorable également. Il convient de maintenir la possibilité de ne pas réaliser les travaux d’isolation si leur coût est prohibitif par rapport aux gains attendus ou si le temps de retour sur investissement se chiffre en dizaines d’années. Ne pas considérer l’équilibre financier de l’opération pourrait conduire à imposer la réalisation de travaux non justifiés.

La Commission rejette ces amendements identiques.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS1017 de M. Bertrand Pancher.

La Commission examine les amendements identiques CS232 de M. Damien Abad, CS541 de M. Antoine Herth et CS1615 de M. Jacques Krabal.

M. Martial Saddier. Il semble que le mot « locaux » soit plus approprié juridiquement que le mot « pièces ».

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. La pièce est rattachée à la notion de logement, alors que le local a un sens plus large et peut avoir une autre destination : un local technique, par exemple.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis. Le terme « pièce » fait référence à un espace ou à un lieu d’habitation. Le terme « local » est, quant à lui, susceptible de couvrir un ensemble d’espaces beaucoup plus large, comme des locaux d’entreposage ou des locaux techniques. Il est donc préférable de conserver la rédaction actuelle.

M. Julien Aubert. À l’alinéa 7, nous lisons : « pour les rendre habitables ». Si j’aménage un garage, je rends habitable un local et non une pièce. Une pièce, selon moi, est déjà habitable.

Mme Cécile Duflot. L’alinéa 7 parle de bâtiments résidentiels. Dès lors, même un garage est une pièce.

Ces amendements identiques sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS231 de M. Damien Abad et CS1922 de M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Il s’agit, comme pour mon précédent amendement, de prévoir la possibilité d’installation de systèmes permettant à l’utilisateur de maîtriser sa consommation d’énergie.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. L’alinéa 8 définit la nature des travaux d’amélioration de la performance énergétique lors de travaux d’aménagement de nouvelles pièces. Cela comprend la gestion active, et le décret d’application comportera donc des obligations sur ce point.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Compte tenu des explications du ministre, je souhaite le retrait des amendements.

L’amendement CS1922 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS231.

La Commission adopte l’amendement de précision CS8 de la rapporteure.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1381 de M. Philippe Plisson et CS2134 de M. Damien Abad.

M. Philippe Plisson. Il s’agit de nouveau de démocratiser l’enjeu énergétique par le partage de la maîtrise.

M. le secrétaire d’État. L’argumentation est la même qu’à l’alinéa 8. Le décret d’application comprendra des obligations, notamment sur la gestion active.

Mme Sabine Buis, rapporteure. J’invite les auteurs de ces amendements à les retirer.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS1418 de M. Philippe Plisson et les amendements identiques CS120 de M. Martial Saddier, CS472 de M. Antoine Herth et CS1929 de M. Jacques Krabal.

M. Philippe Plisson. Il s’agit de s’assurer, lors de la rénovation, que soient vérifiées non seulement la performance énergétique par l’isolation mais aussi la performance des équipements, de façon à ne pas avoir, dans des logements hermétiques, des équipements énergivores.

M. Martial Saddier. Il convient d’être exemplaire dans le choix des matériaux.

M. le secrétaire d’État. Je souhaite le retrait de ces amendements, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable. Le terme « thermique » peut être jugé réducteur au regard des technologies d’efficacité énergétique existantes. Par ailleurs, il ne semble pas nécessaire de préciser l’ensemble de l’installation du bâtiment concerné par la réglementation, car cela alourdit la loi ; ces précisions viendront par décret.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS106 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet article coûtera très cher à nos concitoyens. L’arbitrage interministériel a été défavorable, puisqu’elles ne sont pas dans ce texte, à des mesures d’incitation à la modernisation des appareils de chauffage ainsi qu’à des mesures financières de modernisation du parc automobile, qui se trouve dans un état catastrophique pour près de 13 millions de nos concitoyens. Il aurait été intéressant d’examiner les moyens de ne pas faire exploser la facture de nos concitoyens qui rénovent leur habitation, de ne pas leur faire supporter la totalité des coûts, et à cette fin d’établir un diagnostic global et hiérarchisé de ce qu’il est important de faire pour l’environnement. L’UMP ne souhaite pas que nos concitoyens soient assassinés fiscalement et financièrement.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Pour les opérations de rénovation énergétique importantes, il est très fréquent qu’un diagnostic soit réalisé par les maîtres d’ouvrage, pour comparer différentes solutions de rénovation avant de procéder aux travaux. Dans le secteur tertiaire, ce type de diagnostic est couramment pratiqué, et les obligations issues du décret en cours de préparation sur les obligations d’économies d’énergie encourageront cette démarche.

En ce qui concerne le secteur résidentiel, je souhaite également encourager cette démarche d’audit et d’accompagnement des ménages par un professionnel qualifié, mais sans ajouter de nouvelles obligations réglementaires pour les ménages. C’est l’objet du passeport rénovation qui sera mis en place dans les prochains mois pour accompagner, de manière incitative, les propriétaires souhaitant réaliser des travaux de performance énergétique.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également. L’amendement crée une dissymétrie de traitement entre différents types de bâtiments. Une démarche plus globale de type « passeport énergétique », dans le cadre duquel un diagnostic global serait réalisé avant le lancement des travaux, paraît préférable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS255 de M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. L’efficacité énergétique des immeubles collectifs est bien souvent faible. Nous avions discuté, au cours du débat sur la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », la possibilité, pour l’ajout d’un étage à des immeubles collectifs, de dérogations permettant de financer la rénovation énergétique de l’ensemble du bâtiment. La loi l’a permis dans les dents creuses seulement, et il est très rare, autrement, que les copropriétaires aient les moyens de la financer. Nous proposons donc d’écrire : « Les conditions dans lesquelles la construction et la commercialisation d’un étage supplémentaire, en vue d’atteindre l’équilibre financier de l’opération, ou de réaliser des opérations de rénovation plus importantes, est possible à titre dérogatoire, sous réserve de l’accord de la copropriété. »

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Les conditions d’autorisation préalable à la construction d’un étage supplémentaire ne sont pas régies par le code de la construction mais par la législation en matière d’urbanisme et le code civil. Du reste, le Gouvernement, par une ordonnance dite « Surélévation », a déjà pris des dispositions pour faciliter de telles opérations.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également, car l’amendement me paraît satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS367 de M. Antoine Herth, CS1263 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1478 de M. Denis Baupin.

M. Antoine Herth. Il s’agit de profiter du moment de la transaction immobilière pour exécuter un saut qualitatif de la rénovation thermique. La réglementation a créé une hiérarchie sur le marché, qui a intégré dans ses prix les conditions d’isolation d’un bâtiment. En revanche, il n’y a aucune obligation d’engager des travaux pour la personne qui acquiert à moindre prix un appartement mal isolé.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il convient en effet de profiter de chaque transaction pour assurer une mise aux normes.

Mme Michèle Bonneton. Nous proposons qu’une telle mesure devienne obligatoire à partir de 2020, de façon que les propriétaires ne subissent pas un couperet dès la promulgation de la loi.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le principe est intéressant, mais ces amendements se heurtent à la réalité. Une personne âgée dépendante qui doit quitter son logement pour vivre dans un établissement, un travailleur soumis à une mutation professionnelle, un couple qui vend un appartement dans le cadre d’une séparation : pour ces personnes en difficulté, la vente est imposée par les aléas de la vie. Même si nous n’appliquons la mesure qu’en 2020, de telles situations existeront toujours.

Mme  Sabine Buis, rapporteure. Après avoir hésité à déposer un amendement allant dans le même sens, j’émets, compte tenu des difficultés d’application d’un tel dispositif, un avis défavorable.

M. le président François Brottes. Le marché joue déjà son rôle de régulateur, et les biens qui ne sont pas aux normes perdent de fait de leur valeur. Certains propriétaires n’ont pas les moyens financiers de mettre aux normes le bien qu’ils sont pourtant dans l’obligation de vendre, pour des raisons personnelles.

M. Michel Sordi. Lorsque des offices HLM procèdent à des cessions de logement à des particuliers pour se refaire de la trésorerie, on pourrait néanmoins envisager qu’ils soient soumis à une obligation de mise aux normes.

Mme Michèle Bonneton. J’entends les difficultés dont nous ont fait part le secrétaire d’État et la rapporteure, et c’est la raison pour laquelle nous avons indiqué comme horizon de départ de cette obligation 2020.

Il faut par ailleurs être conscient que le nombre de mutations est deux fois plus important que celui des mises sur le marché de logements neufs. La mesure que nous proposons aura donc un effet loin d’être négligeable sur la rénovation du parc.

M. Bertrand Pancher. Nous sommes ici dans un cas de figure identique à celui de l’assainissement des maisons individuelles. Le législateur a finalement imposé aux propriétaires un certain nombre d’obligations en la matière, instaurant une décote sur le prix de vente lorsque celles-ci n’étaient pas respectées. J’ai conscience qu’il s’agit de mesures assez techniques, mais l’expérimentation permettrait de tester des procédures adaptées. Cela pourrait faire l’objet d’un sous-amendement.

M. le président François Brottes. Le secrétaire d’État a évoqué les couples mariés sous le régime de la communauté et qui sont obligés de vendre leur bien immobilier en cas de divorce : telle est la réalité que nous expérimentons dans nos permanences.

M. Denis Baupin. Les mesures que nous proposons peuvent contribuer massivement à la rénovation énergétique des logements. Quant aux situations particulières, qu’on ne peut évidemment négliger, le secrétaire d’État a rappelé qu’un décret en Conseil d’État préciserait un certain nombre d’éléments techniques. Dans ces conditions ne peut-on pas, d’ici la discussion en séance publique, retravailler la rédaction de cet amendement conçu comme un signal adressé à nos concitoyens au sujet de la mise en place d’un dispositif qui ne sera effectif qu’en 2020 ?

M. Antoine Herth. On ne peut empêcher un propriétaire de vendre son bien s’il est dans l’obligation personnelle de le faire. Mais plaçons-nous du point de vue de l’acheteur. Dans mon chef-lieu de circonscription, il peut acquérir pour 250 000 euros un appartement de 65 à 70 mètres carrés de classe B ou C. Une même surface de classe E vaut 100 000 euros de moins. Ce qui importe, c’est que l’acheteur qui réalise cette économie de 100 000 euros ait l’obligation de réinvestir cette somme dans des travaux de rénovation, qu’il réalisera dans un délai et selon des modalités que pourra définir le décret.

M. Serge Letchimy. Je mesure la portée éthique de ces amendements, dont le but est d’inciter le vendeur ou l’acheteur à effectuer des travaux de rénovation, mais il ne faut pas perdre de vue qu’ils risquent de freiner le rythme des mutations immobilières. Des mesures ont déjà été prises pour favoriser la rénovation de l’habitat, notamment le financement des travaux à hauteur de 50 % pour les familles les plus modestes. Il ne faut pas entraver cette dynamique et conserver au marché des transactions toute sa fluidité.

Il faut distinguer par ailleurs le parc immobilier privé et le parc public. Dans ce dernier cas, on peut envisager d’imposer une obligation de mise aux normes, car il est anormal qu’un office public HLM puisse vendre des appartements sans les avoir rénovés.

M. Martial Saddier. Le Conseil national de l’air – dont je rappelle au passage qu’il attend depuis juin de voir ses membres renouvelés – a mis en place, à titre expérimental et sur des périmètres où la pollution de l’air était principalement due au chauffage domestique, l’obligation de procéder, lors de chaque transaction immobilière, à un diagnostic thermique devant notaire. Il ne s’agit d’étrangler ni l’acheteur ni le vendeur, mais que l’un et l’autre s’entendent, en toute connaissance de cause, sur les mises aux normes obligatoires et sur leur coût. Nous aurions été bien inspirés de reprendre dans la loi un tel dispositif pour le mettre en œuvre sur tout ou partie du territoire, en fonction notamment de nos trente-cinq plans de protection de l’atmosphère (PPA). Si le Conseil national de l’air est pour l’heure en sommeil, le juge européen des contentieux, lui, continue de travailler…

M. Julien Aubert. Le surcoût occasionné par les mesures proposées risque de bloquer des transactions sur un marché déjà tendu. Sans doute faudrait-il, dans ces conditions, envisager un dispositif d’exonération ou d’abattement fiscal permettant de le compenser. On peut également imaginer d’introduire un plafond dans le dispositif, en limitant l’obligation à des travaux dont le coût n’excède pas 3 ou 4 % de la valeur du bien. Ne perdons pas de vue que ce sont essentiellement les ménages modestes qui habitent les « passoires thermiques », et qu’ils n’en sortiront pas s’ils ne peuvent pas les vendre.

M. Antoine Herth. Le dispositif n’étant pas encore stabilisé, je retire mon amendement.

L’amendement CS367 est retiré.

M. le secrétaire d’État. Nous ne parlons pas ici d’une obligation de diagnostic mais de rénovation, qui peut d’ailleurs poser une question de constitutionnalité.

En ce qui concerne les HLM, la loi ALUR instaure déjà des obligations spécifiques en cas de vente. Dans le cas du domaine privé nous souhaitons privilégier les mesures incitatives – prêt à taux zéro ou crédit d’impôt –, qui existent déjà mais que l’on peut sans doute renforcer.

La Commission rejette successivement les amendements CS1263 et CS1478.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CS896 de M. Christophe Bouillon, qui fait l’objet du sous amendement CS2377 de la rapporteure.

M. Christophe Bouillon. Le cycle de rénovation est un cycle long, et il est rare qu’un bien soit rénové plus de deux fois en trente ou quarante ans. Alors que nous nous sommes fixé l’objectif ambitieux de rénover 500 000 logements par an d’ici 2017, nous souhaitons que la rénovation thermique soit également l’occasion d’engager une rénovation acoustique, les nuisances sonores étant pour nombre de Français un véritable problème.

M. le président François Brottes. Ceux qui sont maires ou l’ont été savent que le bruit est l’un des principaux motifs des conflits de voisinage.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Mon sous-amendement précise l’amendement de M. Bouillon, en insistant sur les bâtiments situés dans des points noirs du bruit.

M. le sous-secrétaire d’État. Il s’agit d’ajouter des obligations concernant les travaux de rénovation acoustique, obligations qui pourraient être à l’origine de coûts de mise en œuvre très importants. L’incitation et la sensibilisation apparaissent donc préférables au Gouvernement. La charge actuelle pesant sur les propriétaires ne constitue pas un contexte favorable pour soumettre les nouveaux équipements, ouvrages ou installations mis en place dans les bâtiments existants à des exigences acoustiques.

De même, les collectivités locales qui seraient concernées par l’amendement tel que rédigé – lequel ne se limite pas aux bâtiments d’habitation – et qui sont soumises par ailleurs à de nombreuses obligations de mise aux normes, notamment en matière d’accessibilité, d’isolation thermique, de sécurité incendie et de sécurité sismique, peuvent difficilement supporter des obligations nouvelles.

La spécificité de l’acoustique nécessite, lors des travaux dans les bâtiments existants, de prendre en compte les conditions d’exposition au bruit effective au cas par cas, afin de ne pas augmenter la perception des bruits intérieurs à un bâtiment, générant alors de nouvelles nuisances. Les objectifs de performance acoustique doivent être adaptés aux caractéristiques du bâtiment et à l’exposition au bruit extérieur. Un traitement acoustique différencié est généralement nécessaire selon la façade du bâtiment et selon les étages. Un objectif trop ambitieux pouvant au bout du compte se révéler néfaste au confort acoustique des occupants, le Gouvernement prend en compte le sous-amendement qui limite ces difficultés et, sous réserve de son adoption, émettra un avis favorable sur l’amendement.

M. le président François Brottes. La réhabilitation ne doit pas aggraver les problèmes acoustiques. Les analyses acoustiques reposent souvent sur des moyennes, ce qui n’a pas de sens lorsque la nuisance sonore provient, par exemple, du passage d’un train. Il est regrettable de ne pouvoir modifier ces règles, car elles ne tiennent pas compte de ce qu’éprouvent les gens dans la réalité.

La Commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement sous-amendé.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS97 de M. Martial Saddier, CS473 de M. Antoine Herth, CS1717 de M. Jacques Krabal, et l’amendement CS895 de M. Christophe Bouillon.

M. Martial Saddier. J’aurais souhaité que l’on accorde plus d’attention à la qualité de l’air intérieur, sans se focaliser uniquement sur l’isolation. Je prédis que, dans dix ans, il nous faudra revenir sur des travaux d’isolation qui n’ont tenu compte ni de l’insonorisation ni de la qualité de l’air intérieur. Il n’est peut-être pas trop tard pour y réfléchir avant la discussion en séance publique.

M. le président François Brottes. D’autant qu’il existe aujourd’hui des capteurs permettant de mesurer la qualité de cet air.

M. Antoine Herth. Il s’agit de favoriser les filières bio-sourcées pour les matériaux d’isolation.

M. Joël Giraud. Les produits bio-sourcés apportent des bénéfices en termes énergétiques mais aussi en matière de qualité de l’air.

M. Christophe Bouillon. Mes arguments sont identiques.

M. le secrétaire d’État. Si le Gouvernement partage vos objectifs, il vous alerte sur le fait que l’imposition d’un taux minimal de bois dans la construction a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel. Il est évident que toute obligation de même nature encourrait la même sanction et nous exposerait au risque d’une question préalable de constitutionnalité. Il faut donc s’en tenir à des recommandations ou à des mesures d’encouragement. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je souhaite pour ma part soutenir ce type d’initiative. Avis favorable.

M. Christophe Bouillon. Sensible au soutien de la rapporteure, je le suis également aux arguments du secrétaire d’État. Je souhaiterais avoir des précisions sur les recommandations auxquelles il songe pour aider la filière. Dans l’attente, je retire mon amendement.

L’amendement CS895 est retiré.

M. le président François Brottes. J’étais personnellement très favorable, à l’origine, à l’idée d’imposer un pourcentage minimum de bois dans la construction. Or cette idée a surtout permis aux maîtres d’œuvre de se donner bonne conscience en se limitant aux minima requis, et elle a par ailleurs favorisé les importations, nos filières n’étant pas prêtes. Par ailleurs, conjuguer rénovation thermique et isolation acoustique exige parfois de recourir à une diversité de matériaux, dont tous ne sont pas bio-sourcés. L’argument constitutionnel, enfin, est imparable.

M. Antoine Herth. Notre amendement propose simplement de fixer un objectif minimal en matière d’utilisation de matériaux bio-sourcés. C’est un horizon, non une obligation.

M. le président François Brottes. On peut considérer qu’il s’agit d’une obligation minimale.

M. Joël Giraud. J’accepte de rectifier mon amendement et de supprimer la référence à un objectif minimal.

M. le secrétaire d’État. Puisque nous sommes contraints par la jurisprudence constitutionnelle, je propose de nous en tenir à l’inscription dans la loi d’objectifs ayant valeur de simples recommandations. Ce travail pourrait être fait d’ici la discussion en séance publique.

Les amendements CS97, CS473 et CS1717 sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS1815 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit de faire en sorte que le décret prenne en compte, à côté des mesures concernant les travaux effectués sur l’enveloppe des bâtiments, les dispositifs de gestion active de l’efficacité énergétique, qui peuvent compléter utilement les travaux de rénovation.

M. le secrétaire d’État. La gestion active de l’énergie est un moyen parmi d’autres d’améliorer la performance énergétique des bâtiments. Son utilisation est déjà prise en compte et imposée dans certains cas, dans la réglementation thermique des bâtiments existants, en application depuis 2007. Cet amendement n’est pas nécessaire puisque le cadre législatif actuel satisfait déjà son objet au titre de l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants. Par ailleurs, la question de la gestion active est déjà satisfaite par l’amendement CS1924 adopté précédemment.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’examen des amendements identiques CS955 de M. Julien Aubert et CS1616 de M. Joël Giraud.

M. Julien Aubert. La rénovation énergétique ne peut être déconnectée d’un bilan coûts-avantages ni d’une évaluation intégrant le coût de la tonne de CO2 évitée. Tout cela doit être consigné dans un document où soient inscrits les engagements pris par le professionnel effectuant les travaux en matière d’économies d’énergie.

Nous craignons en effet que l’ensemble des mesures figurant dans ce texte aboutissent à renchérir le prix de l’énergie pour les consommateurs mais aussi pour les contribuables. Ce document, opposable, permettrait d’évaluer la véritable efficacité économique des travaux engagés et responsabiliserait les professionnels.

M. Joël Giraud. Nous devons tous nous accorder sur la nécessité de recentrer la problématique de la rénovation sur la performance énergétique réelle, plutôt que sur des calculs théoriques déconnectés de la réalité. Le contrat que nous proposons serait non seulement une mesure de protection du consommateur mais aussi des finances publiques, puisqu’il empêcherait que des fonds publics puissent être « détournés » vers des technologies dont l’efficacité n’a pas été prouvée.

M. le secrétaire d’État. La question de la différence entre la performance énergétique calculée et la performance réellement constatée après travaux est extrêmement complexe. L’utilisation du logement peut varier ; il peut, par exemple, être occupé par une famille plus nombreuse, ou dont les membres sont plus souvent présents, ce qui modifie substantiellement la facture d’énergie. Certes, on pourrait prendre en compte tous ces facteurs, mais il faudrait, pour protéger le maître d’œuvre qui s’engagerait ainsi, élaborer des documents d’une très grande complexité, une sorte d’usine à gaz incorporant toutes les situations, familiales, climatiques ou autres, susceptibles de modifier le calcul théorique effectué au départ. Simple et efficace en apparence, l’idée est en réalité très complexe à mettre en œuvre, et risque en outre d’inciter le maître d’œuvre à présenter les choses de façon délibérément incompréhensible par le maître d’ouvrage.

S’agissant du secteur du logement, le Gouvernement est plutôt favorable à une information, mais l’obligation qui résulterait de ce texte est trop forte. Le Gouvernement souhaite plutôt développer le « passeport rénovation », c’est-à-dire un cadre favorisant l’accompagnement des ménages par des professionnels qualifiés, qui réaliseront un audit, conseilleront les travaux à entreprendre et s’assureront de leur bonne réalisation.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Si l’on ne peut que partager l’objectif visé, à savoir l’obligation de résultat, ils paraissent en revanche difficilement applicables, ce qui m’incite à émettre un avis défavorable. La question de fond mérite néanmoins d’être posée, et nous trouverons peut-être d’autres dispositifs d’accompagnement, en termes de formation professionnelle par exemple.

M. Julien Aubert. Nous allons mobiliser des milliards d’euros pour inciter les Français à faire de la rénovation énergétique, économiser l’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais, ne sachant pas calculer l’impact réel de chaque mesure, nous pouvons seulement faire des calculs abstraits.

Il faut se demander où et comment l’argent du contribuable sera le mieux dépensé. C’est le cœur du problème. Faut-il vraiment affecter 4 ou 5 milliards d’euros à un secteur où aucun professionnel n’est capable de dire à son client l’économie d’énergie qu’il peut effectivement espérer, dans la mesure où il ne dispose que de moyennes qu’il ne sait pas adapter à chaque cas particulier ? Cette situation nous renvoie d’ailleurs à la problématique du service public du diagnostic énergétique.

Cet aveu d’impuissance me préoccupe beaucoup, car les ressources financières sont limitées. Sans une étude plus rigoureuse de la façon de dépenser l’argent du contribuable, nous jetterons des milliards d’euros à la poubelle. Il y aura certes un effet de maîtrise énergétique, mais personne ne saura dire s’il n’aurait pas été possible de dépenser mieux, ou si l’on n’aurait pas dû dépenser davantage dans d’autres secteurs.

L’adoption de l’amendement aurait le mérite de contraindre le secteur à revoir ses pratiques. Qui dit professionnalisation dit coercition et responsabilisation, car le contrat est la meilleure manière de garantir la bonne compréhension des obligations réciproques qui incombent à chaque partie. N’oublions pas qu’il y a, à l’arrivée, un coût fiscal.

M. le secrétaire d’État. Je note, monsieur Aubert, que vous avez conclu en évoquant une obligation non pas légale, mais contractuelle.

Pour ma part, l’amendement CS1888 de M. Le Déaut, qui viendra en discussion après l’article 5, me paraît être une bonne solution intermédiaire. Je le cite : « Tout contrat de prestation visant à une amélioration de la performance énergétique ou environnementale d’un bâtiment, qu’il s’agisse d’une construction, de l’installation d’un produit ou d’un équipement, ou de travaux d’amélioration plus importants, doit préciser, sous peine de nullité, par une mention explicite, si le prestataire formule ou non une allégation de résultat. »

Avec cette formulation, le prestataire n’est pas obligé de s’engager, mais, s’il s’engage, son engagement sera contractuel. On passe ainsi du champ légal au champ contractuel, si bien que le maître d’ouvrage pourra choisir le maître d’œuvre en sachant quel est son degré d’engagement de cause. Cette solution intermédiaire, que nous pourrons examiner plus tard, me semble être, en l’état de notre discussion, préférable au système rigide proposé par les amendements en discussion.

M. Julien Aubert. Notre amendement repose sur l’idée qu’il ne faut pas raisonner uniquement en termes d’énergie économisée, mais aussi de gain financier espéré et de durée du retour sur investissement. Cette idée figure-t-elle dans l’amendement CS1888, ou l’engagement porte-t-il uniquement sur les économies d’énergie ?

M. le secrétaire d’État. Dès lors qu’il s’agit d’un dispositif contractuel, l’un n’exclut pas l’autre. Je ne sais pas s’il revient au législateur d’inscrire cette précision. Mais pourquoi pas ? En tout cas, l’engagement étant contractuel, il sera opposable. C’est, aux yeux du Gouvernement, la meilleure solution pour tenir compte à la fois des objectifs et des contraintes.

M. Julien Aubert. Je retire mon amendement, quitte à le redéposer, sous une forme légèrement modifiée, en séance.

L’amendement 955 est retiré.

M. le président François Brottes. C’est un usage assez courant dans le monde de l’entreprise ou des collectivités territoriales, cela l’est moins dans celui des particuliers. Il faut que les maîtres d’œuvre apprennent à faire des offres qui permettent aux particuliers d’entrer dans une vraie démarche contractuelle.

Je me souviens avoir porté un projet de piscine dans le cadre d’un contrat concernant la conception, la construction et l’exploitation, avec des obligations en matière de consommation d’eau et d’énergie. Chaque année, nous faisions le point pour savoir si les engagements étaient tenus. S’ils ne l’étaient pas, le maître d’ouvrage devait être dédommagé. Reste à adapter cette démarche à la relation entre particuliers et entreprises, ce qui n’est pas facile.

Quant à l’idée de chiffrer en euros les économies d’énergie annoncées, elle semble difficile à concrétiser, car les règles du jeu peuvent changer, notamment en ce qui concerne la fiscalité de l’énergie, alors que les quantités constituent un élément sur lequel les parties ont plus de prise.

M. Joël Giraud. Si, après l’article 5, un amendement est proposé qui précise les contours de cette information contractuelle, j’accepte de retirer le nôtre.

Une certaine ambiguïté n’en demeure pas moins. Je me souviens, par exemple, de la folie du radon : en Bretagne, dans les Alpes et dans le Massif Central, on obligeait les maires – j’étais déjà maire à l’époque – à installer des ventilations mécaniques contrôlées (VMC) dans les écoles parce qu’il y avait du radon, en nous fourguant des notices qui n’avaient pas valeur contractuelle, alors qu’il suffisait d’ouvrir les fenêtres pour que le radon sorte. Il y a toujours autant de radons aujourd’hui, et tout le monde s’en fiche puisque nous avons payé l’équipement en VMC ! Je ne souhaite pas que l’on en arrive aux mêmes extrémités.

L’amendement CS1616 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1021 de M. Bertrand Pancher et CS1271 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Mon amendement vise à organiser le contrôle de l’atteinte des objectifs qui figurent à l’article 5.

L’étude d’impact indique que, grâce à la mise en œuvre des mesures permettant de mieux isoler les logements à la suite de travaux de façade ou de toiture, près de 300 000 logements supplémentaires feront l’objet d’une rénovation énergétique. Les résultats de cette étude m’étonnent, et je souhaiterais que le secrétaire d’État nous donne quelques explications.

M. le secrétaire d’État. Cela nous renvoie à une discussion que nous avons eue précédemment. Il y a deux niveaux de contrôle possibles.

Le premier vise à s’assurer que les obligations prévues par l’article – par exemple l’obligation d’isoler la toiture en cas de réfection – seront mises en œuvre. Cette possibilité de contrôle est prévue à l’article L. 152-1 du code de la construction et de l’habitation. Les agents assermentés de l’État et des collectivités peuvent vérifier le respect des obligations et mettre en œuvre les sanctions prévues par la loi.

Le deuxième niveau de contrôle concerne la réalisation des performances énergétiques prévues. Une telle garantie est en effet difficile à apporter, car la consommation dépend fortement du comportement des occupants. Il est cependant possible de veiller à la qualité des travaux entrepris. C’est l’objectif de la démarche de qualification des entreprises, dite RGE (Reconnu Garant de l’Environnement), mise en œuvre par le ministère.

Du côté des maîtres d’ouvrage, le « passeport rénovation », qui vise à inciter à l’accompagnement des ménages par un professionnel qualifié au moment de la définition des travaux et pendant leur réalisation, s’inscrit aussi dans cette perspective. Dans les deux cas, il n’apparaît pas opportun d’apporter cette précision à l’article 5.

Quant aux chiffres figurant dans l’étude d’impact, elles résultent des données sur les ravalements, telles qu’elles ressortent notamment de l’enquête effectuée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Mme Sabine Buis, rapporteure. J’émets un avis défavorable, estimant les amendements en grande partie satisfaits.

Les amendements CS1021 et CS1271 sont retirés.

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CS2194 de la rapporteure, CS1020 de M. Bertrand Pancher, CS1433 de M. Philippe Bies et CS1270 de M. Jean-Paul Chanteguet.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS2194 tend à demander que la publication du décret mentionné à l’article intervienne dans l’année suivant la promulgation de la loi.

Les amendements CS1020 et CS1433 sont retirés.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1270 propose que le décret soit publié moins de six mois après la promulgation.

M. le président François Brottes. Dans la liasse que j’ai en main, laquelle fait autorité, l’amendement CS2194 mentionne à tort un délai de six mois. C’est donc l’amendement CS2194 rectifié que nous examinons, et qui est ainsi rédigé : « Le décret mentionné est pris dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi. ».

M. le secrétaire d’État. Avis favorable à cet amendement. Un délai de six mois serait trop court, compte tenu des consultations auxquelles il faudra procéder avant de publier le décret.

M. Julien Aubert. À l’heure où nous accélérons la procédure législature, il est piquant qu’un texte mentionne l’obligation de prendre rapidement des décrets d’application. Est-il meilleure preuve de l’ineffectivité de la loi ?

M. le président François Brottes. Nous attendons toujours certains décrets du Grenelle de l’environnement…

M. Bertrand Pancher. Vous avez pourtant eu deux ans et demi pour les prendre !

L’amendement CS1270 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS2194 rectifié.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CS2196 rectifié de la rapporteure, CS538 rectifié de M. Antoine Herth, CS1022 rectifié de M. Bertrand Pancher, CS1909 rectifié de M. Jacques Krabal, et de l’amendement CS235 rectifié de M. Damien Abad.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS2196 rectifié tend à éviter que l’obligation d’effectuer des travaux n’entraîne la perte, pour les ménages précaires, des dispositifs de soutien existants.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

Les amendements CS538 rectifié, CS1022 rectifié, CS1909 rectifié et CS235 rectifié sont retirés. La Commission adopte l’amendement CS2196 rectifié.

La Commission examine les amendements identiques CS2249 de la rapporteure, CS134 de M. Martial Saddier, CS747 de M. Jean-Luc Bleunven et CS1617 de M. Joël Giraud.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS2249 vise à simplifier et à faciliter la prise de décision par l’assemblée générale des copropriétaires. Les actions de performance énergétique peuvent être plus vastes que celles mentionnées dans l’article.

M. le secrétaire d’État. Je suggère le retrait. À défaut, avis défavorable. Le point a été débattu lors de l’examen de la loi ALUR. Il est difficile de distinguer des travaux d’efficacité énergétique d’autres travaux d’amélioration. Ce découpage artificiel conduirait à voter à des majorités différentes les travaux d’un même projet, ce qui serait une source de confusions et de contentieux.

M. Julien Aubert. Quand on simplifie les règles de majorité, on augmente le risque qu’un propriétaire ayant de faibles revenus financiers se voie imposer des travaux collectifs onéreux, ce qui peut le contraindre à vendre son bien. Les procédures de vote bloqué visent à éviter ce type de drame.

Les amendements CS2249, CS134, CS747 et CS1617 sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1939 troisième rectification de la rapporteure, CS710 rectifié de Mme Maud Olivier, CS1479 de Mme Cécile Duflot, CS334 de M. Jean-Jacques Cottel, CS363 de M. Jean-Marie Tetart, les amendements identiques CS803 de M. Julien Aubert et CS898 de M. Christophe Bouillon, et les amendements CS2016 de M. Joël Giraud, CS1024 de M. Bertrand Pancher, CS1192 rectifié et CS1193 rectifié de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est essentiel d’intégrer la performance énergétique dans les critères de décence.

Mme Frédérique Massat. Nous souhaitons que le bailleur soit tenu de remettre au locataire un logement respectant un niveau de performance minimal.

Mme Cécile Duflot. Notre idée est la même, quoique nous ayons retenu une rédaction différente. Reste à savoir comment l’amendement s’articule avec les dispositions adoptées hier à l’article 4. Il s’agit d’éviter aux personnes les plus pauvres de se retrouver dans des logements délabrés, ce qui les place dans une situation de précarité énergétique.

M. le secrétaire d’État. Je vous suggère de retirer ces amendements, que satisfait l’amendement CS2386 du Gouvernement, adopté ce matin.

Les amendements CS1939 troisième rectification, CS710 rectifié, CS1479, CS334 et CS363 sont retirés.

M. Julien Aubert. L’amendement CS803, qui tend à harmoniser la loi du 6 juillet 1989 et le code civil, insiste sur l’importance, pour le locataire, de pouvoir satisfaire ses besoins de chauffage et d’eau chaude sans coût excessif. Sans retirer du marché locatif des logements en cours de location, il faut générer de manière progressive des travaux élémentaires d’amélioration énergétiques.

M. Joël Giraud. On doit épargner aux locataires d’habiter dans des passoires thermiques.

M. Bertrand Pancher. Il convient de modifier le premier alinéa de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, afin de susciter progressivement des travaux de rénovation énergétique dans les logements locatifs classés F et G.

M. le secrétaire d’État. Je vous renvoie encore une fois aux dispositions de l’amendement CS2386, et je vous suggère de retirer les amendements. Le projet de loi n’a pas à dresser une liste exhaustive des travaux concernés, rôle dévolu au décret. Par ailleurs, il faut réfléchir à l’impact qu’aurait une décision d’application immédiate et non échelonnée sur le parc locatif.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même position.

Les amendements CS803, CS898, CS2016, CS1024, CS1192 rectifié et CS1193 rectifié sont retirés.

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements identiques CS802 de M. Julien Aubert et CS897 de M. Christophe Bouillon, et l’amendement CS2017 de M. Joël Giraud.

M. le secrétaire d’État. Je suggère le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable. Ils sont en effet satisfaits par l’amendement CS2386.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS1618 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Il convient de ne pas limiter aux seules actions d’isolation de la façade ou de la toiture les règles de vote simplifié prévues à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, et d’étendre celles-ci à la rénovation intérieure des bâtiments insalubres ou malpropres. Il est fréquent que des propriétaires non occupants empêchent toute rénovation. Pour éviter le rejet de l’amendement, qui avait été déposé, dans une rédaction plus simple, sur la loi ALUR, nous précisons que le montant des travaux concerné ne doit pas dépasser la somme payée par chaque occupant au syndic, au titre des honoraires annuels.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. L’amendement, qui est étranger au projet de loi sur la transition énergétique, est déjà satisfait. L’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit déjà que les décisions concernant « les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement définies par les dispositions prises pour l’application de l’article 1er de la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat » sont prises à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés.

Mme Sabine Buis, rapporteure. J’invite M. Giraud à retirer son amendement, qui est déjà satisfait.

M. Joël Giraud. L’article que vient de citer le secrétaire d’État ne prévoit pas la possibilité de procéder au nettoyage d’un immeuble qu’on n’a pas entretenu pendant trente ans : il traite de la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, non de la propreté des lieux. La législation doit être modifiée sur ce point. J’accepte de retirer l’amendement, puisqu’il s’agit d’un cavalier, à condition que le Gouvernement s’engage à résoudre le problème.

Mme Cécile Duflot. L’amendement, qui n’a pas grand-chose à voir avec la loi de transition énergétique, pose le problème des copropriétés dans lesquelles des propriétaires non occupants n’ont aucun intérêt à faire des travaux. Quand un immeuble n’a pas été nettoyé depuis trente ans, il devient insalubre. Dans ce cas, la loi ALUR prévoit qu’on puisse réaliser des travaux d’office et soumettre les copropriétaires à une astreinte, tant que les travaux ne sont pas effectués.

M. Joël Giraud. Je retire l’amendement, en attendant d’aller vérifier ce point.

L’amendement CS1618 est retiré.

M. Bertrand Pancher. En tant que syndic bénévole d’une copropriété, j’ai résolu le problème de ce type en invoquant l’article de loi cité par le secrétaire d’État.

La Commission étudie l’amendement CS1986 rectifié du président François Brottes.

Mme Frédérique Massat. L’amendement vise à mettre le projet de loi en cohérence avec le code de la construction et de l’habitation.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

La Commission adopte l’amendement CS1986 rectifié.

Elle examine l’amendement CS1619 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Dans la rédaction actuelle, seuls les propriétaires habitant leur logement sont incités à effectuer des travaux d’amélioration de la performance énergétique, puisque les propriétaires bailleurs ne bénéficient pas directement des économies d’énergie. Il serait opportun d’instaurer un mécanisme sanctionnant les propriétaires de biens dont la performance énergétique se révèle, à la lumière d’un audit obligatoire, inférieure à un référentiel minimum.

M. le secrétaire d’État. Je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable. La mise en place d’un dispositif financier instaurant un système de bonus ou de malus relève de la loi de finances. En outre, le mécanisme freinerait la mise sur le marché de logements destinés à la location.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable, puisque l’amendement demande la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation.

M. Julien Aubert. Je soutiens l’amendement, qui rejoint une proposition de l’UMP. Il serait bon que nous disposions d’une étude permettant de favoriser une fiscalité intelligente.

M. le secrétaire d’État. Il n’y a pas lieu de demander au Gouvernement d’étudier une proposition à laquelle il n’est pas favorable, et qu’il a écartée ce matin.

La Commission rejette l’amendement CS1619.

M. le président François Brottes. En tant que président de la commission des affaires économiques, j’ai fait dresser une liste des rapports que le Parlement a demandés au Gouvernement depuis le début de la législature. Beaucoup se font attendre…

M. Julien Aubert. Je tiens à expliquer pourquoi le groupe UMP ne votera pas l’article 5. Nous aurions souhaité savoir quel sera le coût des mesures adoptées pour les acteurs économiques. L’approche écologique doit s’inscrire dans une logique financière et respecter un modèle social.

M. le président François Brottes. Quand on change de modèle de croissance, il faut accepter certaines incertitudes.

La Commission adopte l’article 5 modifié.

Article 5 bis [nouveau]
(article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation)

Rénovation énergétique du secteur tertiaire

L’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit aujourd’hui que des travaux d’amélioration de la performance énergétique doivent être réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012. Il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la nature et les modalités de cette obligation de travaux, notamment les caractéristiques thermiques ou la performance énergétique à respecter.

Dès lors que ce décret n’a toujours pas été publié, l’obligation faite au secteur ne peut être mise en œuvre et les acteurs économiques, qui attendent une clarification réglementaire avant d’engager les investissements, sont plongés dans l’expectative.

Il est donc proposé d’amender l’article L. 111-10-3 précité afin d’offrir une perspective de long terme au secteur tertiaire : le cadre législatif de l’obligation est ainsi prolongé jusqu’en 2050, par périodes de dix ans, et l’objectif de performance finale se trouve clairement fixé.

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La Commission en vient à l’amendement CS1481 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Depuis 2010, une obligation de rénovation énergétique a été inscrite dans la loi pour le secteur tertiaire. Or cette disposition n’est toujours pas appliquée puisque le décret en Conseil d’État n’a pas été publié. Les acteurs économiques restent donc dans l’expectative.

Comme le secteur du bâtiment tertiaire est régi par le temps long – les baux sont de trois, six et neuf ans pour les locataires et les bailleurs –, il convient d’ajuster la réglementation pour qu’elle offre de la visibilité aux auteurs des travaux de rénovation. Dans cette optique, le décret doit prévoir une durée applicable suffisamment ample, que nous souhaitons fixer à cinq années.

M. le secrétaire d’État. L’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitat, issu du Grenelle de l’environnement, instaure une obligation d’économies d’énergie de 38 % à l’horizon de 2020 pour les bâtiments du secteur tertiaire. Cette disposition est essentielle pour assurer la contribution des 850 millions de m² du parc immobilier tertiaire aux objectifs d’économies d’énergie que nous nous sommes fixés. Les services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie travaillent actuellement sur un projet de décret qui définira les conditions de mise en œuvre de cette contrainte et qui veillera à ce que les entreprises n’aient pas à subir une charge financière élevée. Mme Ségolène Royal lancera une concertation à ce sujet dans les prochaines semaines.

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.

Mme la rapporteure. J’émets pour ma part un avis favorable.

Mme Cécile Duflot. Cet amendement permettra de sortir de la situation actuelle. Delphine Batho, lorsqu’elle occupait la place de Mme Royal qui va lancer une concertation, avait annoncé la publication du décret et avait déjà mis en œuvre une concertation ; en outre, le Président de la République avait affirmé lors de la conférence environnementale que le décret serait publié avant la fin de l’année 2013…

M. le secrétaire d’État. Le décret sera publié avant la fin cette année.

La Commission adopte l’amendement.

Article 5 ter [nouveau]
(article L. 213-4-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)

Marchés privés de bâtiment portant sur des travaux et prestations de service réalisés en sous-traitance

Cet article complète le chapitre III du titre Ier du livre II du code de la construction et de l’habitation par un article L. 213-4-1 visant à préciser le régime juridique de la cotraitance.

Alors que les clients des artisans et des PME du bâtiment attendent de plus en plus fréquemment une offre globale de travaux avec un seul interlocuteur (extension d’un bâtiment, amélioration de la performance énergétique d’une maison individuelle, rénovation de logements en petit collectif, etc.), il convient de limiter le risque juridique encouru par ces professionnels dans le cadre d’un tel groupement.

Le droit de la cotraitance est en effet complexe, largement issu de décisions jurisprudentielles et potentiellement pénalisant pour les intéressés : ceux-ci se trouvent exposés aux risques liés à la solidarité conventionnelle, à la condamnation à une solidarité de fait (si les travaux se révèlent indivisibles dans leur réalisation) ou encore à une requalification en contrat de maîtrise d’œuvre.

Cet article prévoit donc un régime juridique plus protecteur en cas de cotraitance, pour les marchés privés de travaux et de prestations de services d’un montant inférieur à 100 000 euros HT : parmi les mentions obligatoires, devront ainsi obligatoirement figurer l’exclusion de solidarité envers le maître d’ouvrage ou encore la limitation de la mission du mandataire commun à une mission de représentation des cotraitants.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1958 de la rapporteure, CS1482 de Mme Cécile Duflot, CS1623 de M. Jacques Krabal, et les amendements identiques CS234 de M. Damien Abad et CS536 de M. Antoine Herth.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement porte sur les groupements professionnels : les clients des artisans et des petites entreprises du bâtiment attendent de plus en plus fréquemment une offre globale de travaux, portée par un seul interlocuteur. Il peut s’agir, par exemple, d’ouvrages d’extension d’un bâtiment ou d’amélioration de la performance énergétique. Les entreprises artisanales du bâtiment ont aujourd’hui recours à la cotraitance – forme de groupement dépourvue de personnalité morale ; or le droit applicable est complexe et jurisprudentiel, en l’absence de lois définissant le régime juridique de la cotraitance.

Ma proposition s’inscrit dans le prolongement des recommandations élaborées dans le cadre de la démarche de concertation dite « Objectifs 500 000 ».

Mme Cécile Duflot. Mon argumentation est la même que celle de Mme la rapporteure.

M. Joël Giraud. Cet amendement est important, car il prévoit un régime juridique pour les travaux réalisés en cotraitance et n’excédant pas un montant de 100 000 euros hors taxes ; la profession attend ce cadre législatif avec impatience.

M. Antoine Herth. En Alsace, des entreprises artisanales allemandes ont recours depuis de nombreuses années à la cotraitance sans que personne ne s’assure du cadre juridique de leur action, alors que les entreprises françaises s’exposent à des questions dès qu’elles proposent une offre globale aux particuliers.

Mme Cécile Duflot. Il ne s’agit pas uniquement d’une question juridique, car les travaux de rénovation énergétique – notamment ceux visant à garantir l’isolation des logements – sont efficaces lorsque la collaboration des différents corps d’État est assurée.

M. le secrétaire d’État. Ces amendements présentent un intérêt évident pour les entreprises artisanales, car ils leur permettraient d’échapper au risque représenté par la solidarité financière, mais cela créerait un aléa supplémentaire pour le client. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission spéciale.

M. le président François Brottes. Le prescripteur est-il compris dans le groupement, madame la rapporteure ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Mon amendement n’exclut pas le prescripteur.

Les amendements CS1482, CS1623, CS234 et CS536 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS1958.

Article 5 quater [nouveau]
(article L. 312-7 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)

Fonds de garantie pour la rénovation énergétique

À l’initiative du Gouvernement, cet article vise à créer un fonds de garantie pour la rénovation énergétique, dont la mission sera notamment de répondre aux besoins des personnes physiques engageant la rénovation énergétique de leur logement.

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La Commission étudie l’amendement CS2363 du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. L’amendement vise à créer un fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), lequel répondra aux besoins des personnes physiques engageant la rénovation énergétique de leur logement.

Les travaux de la Conférence bancaire et financière pour la transition énergétique et les travaux préparatoires conduits par la Caisse des dépôts et consignations ont montré que les personnes disposant de ressources modestes ou les propriétaires de logement régis par une copropriété peuvent rencontrer des difficultés, faute de trouver un financement auprès des établissements de crédit.

Le fonds garantira les expositions, sous forme de garanties, des entreprises d’assurance ou sociétés de caution concourant à favoriser la construction ou l’amélioration d’habitation.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable.

M. le président François Brottes. La phrase « Le chapitre II du même chapitre est complété par une section IV ainsi rédigée » est redondante avec la suite de l’amendement.

M. le secrétaire d’État. C’est juste. Je rectifie l’amendement en conséquence.

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous nous réjouissons de voir réapparaître ce fonds de garantie, qui figurait dans le texte en mai 2014. Le Gouvernement souhaite-t-il toujours le financer grâce à une partie des certificats d’économie d’énergie ?

M. le secrétaire d’État. Oui.

M. Bertrand Pancher. Je suis favorable à l’amendement, mais une étude d’impact a-t-elle été réalisée ? Nous attendons le décret sur la troisième prolongation des certificats d’économie d’énergie, et je doute que ceux-ci permettent de financer le fonds. Quand on présente un amendement aussi lourd de conséquences, il faut l’anticiper par une étude sérieuse.

M. Julien Aubert. À combien s’élèvera le montant du fonds et comment sera-t-il financé ? Pourquoi sa création ne figure-t-elle pas plutôt dans une loi de finances ?

M. le président François Brottes. Le choix du véhicule législatif relève du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. Les certificats d’économies d’énergie ne constitueront pas la seule source d’alimentation du FGRE, et des fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) l’abonderont également ; à l’issue de la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique, la CDC a mis en place un groupe de travail sur le fonctionnement du fonds, qui remettra prochainement un rapport.

Le fonds de garantie permettra aux prêteurs d’intervenir auprès des ménages modestes, alors qu’ils ne les prennent pas suffisamment en compte aujourd’hui.

M. Julien Aubert. La CDC hébergera-t-elle ce fonds ?

M. le secrétaire d’État. Oui.

M. Julien Aubert. Une loi est-elle nécessaire pour cela ?

M. le secrétaire d’État. La CDC n’est qu’un instrument, et rien n’interdit que la loi précise son rôle en la matière afin que l’on ne crée pas un nouveau gestionnaire.

M. Julien Aubert. Vous ignorez le montant de ce fonds ?

M. le secrétaire d’État. En effet. Nous devons attendre les conclusions du groupe installé par la CDC, celui-ci ne se contentant pas d’étudier les modalités de financement, mais évaluant également les besoins.

M. Michel Sordi. S’agira-t-il d’un cautionnement ? D’une garantie ?

M. le secrétaire d’État. D’une garantie.

La Commission adopte l’amendement rectifié.

Article 5 quinquies [nouveau]
(article L. 232-2 [nouveau] du code de l’énergie)

Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique

À l’initiative de votre co-rapporteure, cet article introduit un article L. 232-2 nouveau dans le code de l’énergie, consacré au service public de la performance énergétique de l’habitat.

Le service public a vocation à s’appuyer sur un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique, mises en œuvre à l’échelle d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ces plateformes ont une mission d’accueil, d’information et de conseil du consommateur : elles doivent ainsi fournir au demander les informations techniques, financières, fiscales et réglementaires pertinentes, nécessaires à l’élaboration de son projet de rénovation.

La plateforme pourra en outre, à titre onéreux, compléter ces missions principales par un accompagnement technique ou financier, voire par la mise en place d’un suivi et d’un contrôle des travaux de rénovation.

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La Commission examine l’amendement CS2193 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement tend à conforter le rôle des plateformes territoriales du service public de la performance énergétique de l’habitat.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 5

La Commission examine les amendements identiques CS373 rectifié de M. Antoine Herth, CS1139 de M. Bertrand Pancher et CS1487 de Mme Cécile Duflot.

M. Antoine Herth. Cet amendement prévoit de modifier le code des assurances afin que les travaux de remise en état consécutifs à un sinistre respectent les exigences de la réglementation thermique.

M. le secrétaire d’État. L’adoption de ces amendements modifierait considérablement la règle édictée dans le code des assurances, qui dispose que l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. L’indemnité ne peut couvrir une remise en état d’un bâtiment aux nouvelles normes réglementaire, et seule la valeur d’avant le sinistre peut être garantie.

On peut modifier ce principe, mais l’aléa supplémentaire qui en découlerait pour les compagnies d’assurance se traduirait par une augmentation importante des polices d’assurance. Si, après un sinistre, les assureurs devaient financer des travaux non de remise en état mais de construction respectant les dernières normes en vigueur, l’ensemble des assurés financeraient l’augmentation des dépenses supportées par les assureurs. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à l’adoption de ces amendements.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Ils reposent sur un principe qui peut sembler séduisant, mais les surcoûts induits par la mise à niveau des bâtiments portent le risque d’une répercussion inflationniste sur le montant des primes d’assurance. Je suggère aux auteurs de ces amendements de les retirer et émettrais un avis défavorable à leur adoption s’ils étaient maintenus.

M. Antoine Herth. Mettons-nous à la place de la personne ou de la famille sinistrée : elle percevra une prime d’assurance couvrant l’état initial d’un bâtiment touché par un incendie, mais lorsqu’elle déposera son permis de reconstruire, on l’obligera à respecter les nouvelles normes de construction, et elle devra donc engager une dépense obligatoire. Inclure ce risque dans l’assiette de l’assurance permet de le répartir entre tous les assurés et, donc, de mutualiser le risque environnemental.

J’accepte cependant de retirer mon amendement.

M. Bertrand Pancher. Moi aussi.

Mme Cécile Duflot. Je le retire également.

Les amendements sont retirés.

Puis la Commission étudie les amendements identiques CS537 de M. Antoine Herth, CS985 de M. Martial Saddier et CS1026 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. La sécheresse de 2003 fut un événement climatique exceptionnel qui causa 138 000 sinistres dans des habitations de milliers de communes. En provoquant d’importants mouvements de terrain dans des zones argileuses, cet épisode a rendu des logements inhabitables. Entre 1989 et 2007, plus de 444 000 sinistres dus à de tels mouvements de terrain se sont produits.

Cet amendement vise à imposer une étude de sol à la vente du terrain, afin de prévenir la sinistralité du risque de mouvement de terrain faisant suite à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux. Cette étude concernera les seules zones exposées à ce danger, recensées par un arrêté des ministres chargés de la construction et de l’environnement. Elle s’avère particulièrement importante, notamment aux yeux des assureurs, dans cette période de réchauffement climatique.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je souhaite que ces amendements soient retirés.

Les amendements identiques CS537 et CS985 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement CS1026.

La Commission étudie, en discussion commune, l’amendement CS1959 de la rapporteure, les amendements identiques CS336 de M. Jean-Jacques Cottel et CS403 de M. Jean-Marie Tetart, et les amendements CS1621 et CS1622 de M. Joël Giraud.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement prescrit l’élaboration d’un calendrier de travaux d’amélioration de la performance énergétique des copropriétés – sauf celles des catégories A à C – au 1er janvier 2018. Ces travaux devront être achevés en dix ans.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1621 est défendu, et le CS1622 lui est semblable, mais il prévoit en outre un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application du dispositif.

M. le secrétaire d’État. La loi ALUR dispose que, à compter du 1er janvier 2017, l’assemblée générale des copropriétaires se prononce sur la question de la réalisation d’un diagnostic global des parties communes ; ensuite, l’assemblée pourra décider la mise en œuvre d’un plan pluriannuel de travaux. Cette loi a également rendu non facultative la constitution d’un fonds de travaux, abondé par des cotisations équivalentes à 5 % du budget prévisionnel. Cela constitue une avancée notable en faveur de la rénovation énergétique. Le Gouvernement ne souhaite pas créer une obligation d’effectuer des travaux, car certains propriétaires modestes ne pourraient pas faire face à leur coût et risqueraient d’être évincés de leur logement. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de ces amendements.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je ne suis pas convaincue par ces arguments.

M. le secrétaire d’État. On ne peut pas créer de telles contraintes sans en mesurer les conséquences sociales. Dans un immeuble, les copropriétaires ne se trouvent pas tous dans la même situation financière, et le législateur doit anticiper ces difficultés.

Mme Cécile Duflot. La loi ALUR va dans le bon sens en prévoyant la constitution du fonds de travaux ; celui-ci permettra aux copropriétés de disposer d’un budget pour engager les ouvrages sans que leur poids financier soit trop élevé.

L’amendement n’évoque qu’un calendrier de travaux d’amélioration du bilan énergétique, sans définir un quelconque niveau de performance à atteindre. Fixer une durée de cinq ans serait déraisonnable au vu de l’âge moyen des copropriétés en France, mais dans le cadre du diagnostic du fonds et de la possibilité d’établir un plan, la rédaction de l’amendement s’avère souple, et les travaux pourraient être légers et adaptés au budget de chaque copropriété.

M. le secrétaire d’État. J’entends bien cet argument, mais l’amendement n’écarte pas la faculté de décider de grands travaux, qui pourraient être difficiles à assumer financièrement pour certains copropriétaires.

M. le président François Brottes. Cela ne concerne que les parties communes, si bien que des propriétaires au rez-de-chaussée de l’immeuble pourraient, par exemple, imposer des travaux d’aménagement de l’entrée de celui-ci s’ils bénéficient d’une forte capacité de vote dans la copropriété.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Nous ne devons pas faire abstraction des problèmes liés à la copropriété, et la mollesse du texte permet de traiter la question sans fixer d’objectifs trop élevés.

Par ailleurs, j’émets un avis favorable à l’adoption de l’amendement CS1622.

M. le secrétaire d’État. Mon avis sur ces amendements est défavorable.

Les amendements CS336, CS403 et CS1621 sont retirés.

La Commission rejette les amendements CS1959 et CS1622.

La Commission étudie les amendements identiques CS1396 de M. Philippe Plisson et CS1897 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement CS1897 a trait à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, imposée par la réglementation en matière thermique. Cette performance dépend en grande partie de la qualité des travaux réalisés, ainsi que de l’ingénierie de conception. La compétence des professionnels du bâtiment s’accroît progressivement dans ces domaines, mais des non-conformités sont encore constatées. Elles sont liées à la méconnaissance du respect des règles de l’art pour la mise en œuvre de matériaux ou d’équipements, ou encore à des négligences dans la précision et le respect des documents de conception du bâtiment. Les autres causes peuvent être rattachées soit à des manquements de vérification en cours de chantier ou au moment de la réception du bâtiment, soit encore à des fraudes.

Afin d’assurer la qualité de la rénovation énergétique des logements – que l’État et les collectivités soutiendront fortement –, le renforcement des contrôles est nécessaire. Celui-ci s’effectue aujourd’hui par le biais des attestations fournies au moment de l’autorisation d’urbanisme et qui sont vérifiées par l’autorité l’ayant délivrée, ou par des tests d’étanchéité pouvant intervenir à l’issue des travaux.

L’amendement propose que les maîtres d’ouvrage de constructions neuves ou en rénovation qui bénéficient d’aides publiques doivent provisionner le coût d’un contrôle indépendant.

M. le secrétaire d’État. Le contrôle du respect de la réglementation thermique s’effectue déjà par différents moyens, qu’il s’agisse des attestations à fournir en lien avec les études thermiques ou de la justification du niveau de performance de l’étanchéité à l’air par un test avant réception. Les agents de l’État et des collectivités réalisent en outre un contrôle des règles de construction sur un échantillon de bâtiments après leur achèvement.

Le Gouvernement n’estime pas pertinent de rendre obligatoire le contrôle de cette réglementation par un tiers indépendant : la rémunération du nouvel intervenant, en plus de l’architecte et du bureau d’études thermiques, augmenterait par définition le coût des opérations de construction. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également : une telle disposition renchérirait le coût des travaux et, pour peu qu’elle ait un effet dissuasif, irait à l’encontre des objectifs poursuivis.

M. Jean-Luc Laurent. Je maintiens l’amendement, car une incompréhension demeure.

M. le président François Brottes. Le contrôle des travaux finis est peu efficace ; et s’il a lieu tout au long du chantier, il coûte cher.

L’amendement CS1396 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS1897.

Puis elle se saisit de trois amendements identiques : CS1025 de M. Bertrand Pancher, CS1269 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1434 de M. Philippe Bies.

M. Bertrand Pancher. À travers cet amendement, qui peut apparaître de repli par rapport à d’autres précédemment débattus, je propose de favoriser la rénovation des logements à l’occasion de leur vente. Serait ainsi délivrée, outre le diagnostic de performance énergétique (DPE), une étude de rénovation thermique afin d’inciter les acheteurs à réaliser des travaux qui améliorent la performance énergétique du logement. Cette mesure s’inspire du décret du 3 décembre 2012, relatif au plan de travaux pour les économies d’énergie dans les immeubles collectifs.

M. Jean-Paul Chanteguet. Même argumentation.

M. le secrétaire d’État. Lors de la vente d’un bien, la réalisation d’un DPE, qui inclut des recommandations de travaux et en donne une estimation, est déjà requise. Le DPE joue d’ailleurs pleinement son rôle de sensibilisation, puisque beaucoup d’acheteurs réalisent ces travaux. Imposer une étude dont le coût avoisinerait les 1 000 euros ne paraît pas utile : il est préférable qu’une telle étude soit réalisée pour le compte de celui qui est susceptible d’engager les travaux ; d’où l’idée du passeport de la rénovation thermique, qui comprendra les éléments nécessaires à leur réalisation et sera financé via les certificats d’économies d’énergie (CEE). Enfin, si l’on part du principe que l’acheteur doit disposer, non seulement du diagnostic, mais aussi du chiffrage des travaux, pourquoi l’étude ne porterait-elle pas également sur l’amiante ou l’électricité ? Le coût de l’ingénierie serait alors très élevé. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable également, pour les mêmes raisons.

Mme Cécile Duflot. La fiabilité des DPE, monsieur le secrétaire d’État, est sujette à débats. Les arguments de M. Pancher me semblent justes, d’autant que les travaux, dans la grande majorité des cas, sont en effet réalisés au moment de la vente ; dès lors, l’articulation entre le DPE et les recommandations constitue l’élément décisif. Le « passeport rénovation », lui, peut être mobilisé à tout moment. De 500 000 à 700 000 ventes de logements anciens ont lieu chaque année : le moment de la cession est donc celui qu’il faut cibler pour atteindre l’objectif de 500 000 rénovations.

L’inconvénient de l’amendement CS1025 est qu’il ajoute un nouveau diagnostic – avec le coût que cela suppose – à ceux qui, depuis plusieurs années, s’additionnent sans cohérence globale. Reste qu’une réflexion du ministère sur le DPE, afin notamment d’en faire un document prescriptif fourni dès la promesse de vente, s’impose d’ici à l’examen en séance.

M. Bertrand Pancher. Les CEE ne financent rien directement, monsieur le secrétaire d’État : mis en œuvre dans plusieurs pays, notamment l’Italie, et soutenus par la Commission européenne, ils imposent aux fournisseurs d’énergie une réduction minime de leurs livraisons dans le cadre d’une diminution de la consommation. En période de crise, de telles contraintes ne sont évidemment pas du goût des entreprises, au premier rang desquelles EDF et GDF. Le discours du Gouvernement, jusqu’à présent, consistait à dire qu’il revient aux entreprises de s’engager, à travers les CEE, dans des actions vertueuses ; mais les contraintes sont si légères qu’elles ne le font guère. M. Baupin et Mme Duflot le savent bien : parler de financement par les CEE est un leurre.

M. le président François Brottes. Le DPE, dont le coût peut varier de 35 à 500 euros, donne de vraies indications lorsqu’il est de qualité. L’idée d’un devis, elle, me paraît dangereuse, tant la nature des travaux, donc le montant du devis, dépend de choix personnels, par exemple quant aux matériaux utilisés. Comment, dans ces conditions, ce devis pourrait-il être réalisé par le vendeur pour le compte de l’acheteur ? La vraie question est de faire le tri entre les diagnostiqueurs à travers la délivrance des agréments : nous le répétons depuis des années.

M. Bertrand Pancher. Je retire mon amendement, non sans rappeler que mes arguments ne sont pas plus absurdes que ceux d’après lesquels certains dispositifs sont financés par les CEE.

M. Jean-Paul Chanteguet. Les CEE font en effet débat. M. le secrétaire d’État m’a répondu tout à l’heure qu’ils serviraient aussi à financer le fonds de garantie, même si l’on ignore encore à quel niveau. Bref, les CEE doivent financer de multiples dispositifs. Il serait bon que le Gouvernement nous précise ses intentions à ce sujet, d’autant que les sommes disponibles ne sont pas si considérables. Quoi qu’il en soit je retire mon amendement.

Ces amendements identiques sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS1027 de M. Bertrand Pancher.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable.

M. Bertrand Pancher. Nous avons toujours milité pour que l’État soit exemplaire en matière de rénovation énergétique de ses bâtiments : non seulement les nouveaux bâtiments sous sa maîtrise d’ouvrage, comme le prévoit le texte, mais aussi le parc existant, qui ne fait l’objet d’aucun objectif ambitieux. Nous souhaitons donc que l’État présente un plan de rénovation énergétique de ses bâtiments à partir d’un état des lieux actualisé. Ce plan inclurait un rythme de travaux, des objectifs et des moyens pour les atteindre. Les efforts de l’État en la matière ayant fait débat, un tel amendement serait de nature à nous rassurer.

M. le président François Brottes. Un rapport sur ce point est envisageable, mais si votre amendement impose un plan assorti de dépenses, il sera irrecevable.

M. Bertrand Pancher. Je le retire donc, pour en revoir la rédaction d’ici à l’examen en séance.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1480 rectifié de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. S’agissant précisément des moyens, sur lesquels M. Baupin et moi avons déjà insisté, cet amendement donne aux conseils généraux la possibilité de créer un bonus-malus écologique sur les droits de mutation : ainsi modulée en fonction de critères de performance énergétique, la taxe leur permettrait de soutenir des objectifs de rénovation des logements.

M. le secrétaire d’État. Les travaux d’amélioration énergétique se font plus naturellement lors de la mutation. Afin de favoriser l’achat de biens de bonne qualité en ce domaine, vous proposez de moduler les droits de mutation à titre onéreux. Cette proposition pose une difficulté constitutionnelle, puisqu’elle n’encadre pas les éléments constitutifs de la modulation. D’une part, un système de bonus-malus est difficile à équilibrer ; de l’autre, la taxe visée étant affectée aux collectivités territoriales, l’État aurait à compenser l’éventuelle perte de recettes pour elles, d’autant que se pose le problème de la répartition géographique. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement, qui gagnerait à être précisé, risque d’entraîner une inégalité de traitement entre départements. Avis défavorable, donc.

Mme Cécile Duflot. Sans être arc-boutée sur la rédaction de cet amendement, je ne suis pas d’accord avec les interprétations qui en sont faites : il n’est question que d’offrir une latitude aux conseils généraux, ce qui permettrait au passage de fixer des objectifs différenciés selon les territoires. On peut envisager des moyens, quitte à les encadrer, mais il n’est pas nécessaire de prévoir une compensation dès lors que la modulation n’est pas décidée au niveau national.

M. le secrétaire d’État. « La perte des recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement », écrivez-vous…

Mme Cécile Duflot. Ce que vous venez de lire correspond à la première version, non rectifiée, de l’amendement.

M. le secrétaire d’État. Cela ne change rien sur le fond : l’amendement aurait des conséquences financières pour l’État ; il mériterait donc, pour le moins, d’être revu d’ici à l’examen en séance. À ce stade, le Gouvernement a d’ailleurs quelques doutes quant à sa recevabilité financière.

M. le président François Brottes. C’est justement la commission des finances qui a suggéré le retrait du gage… La rédaction, qui fait précéder la cause de l’effet – la création du bonus-malus –, me semble en tout cas poser problème.

M. Jean-Yves Caullet. De deux choses l’une, en effet : si le choix est laissé aux collectivités, elles en assument les conséquences, après avoir fixé elles-mêmes les critères de la modulation ; s’il « est créé » un système a priori, comme l’indique à ce stade l’amendement, les collectivités pourront à bon droit exiger une compensation par l’État. L’intention me paraît bonne, mais il vaudrait mieux revoir la rédaction.

M. Julien Aubert. Nous avions proposé de moduler la taxe foncière pour financer la rénovation énergétique. En tout état de cause, notre débat illustre bien les problèmes que pose, pour la gouvernance, l’articulation entre les niveaux national et local. Soit dit au passage, l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas au niveau plus technique des modes de production.

Outre que l’amendement pourrait freiner les transactions, il me semble illogique de consacrer le rôle pilote des régions tout en réservant cette modulation financière aux conseils généraux – qui se plaignaient d’ailleurs d’être oubliés. Une vision globale de la gouvernance de la transition énergétique s’impose. Désigner plusieurs pilotes est le moyen le plus sûr de n’en avoir aucun : cela nécessite des coordinations qui provoquent un surcroît de complexité administrative et, in fine, une déresponsabilisation des acteurs.

Mme Cécile Duflot. L’amendement de Mme la rapporteure participe de la même logique que le mien. Vos remarques sur le pilotage sont justes, monsieur Aubert, mais c’est le département qui encaisse la taxe foncière et le droit d’enregistrement. Notre amendement est une mesure de décentralisation, qui donne la main aux collectivités : j’accepte cependant de le retirer pour en revoir la rédaction.

M. le secrétaire d’État. La mention du choix laissé aux conseils généraux doit en effet précéder l’énoncé du principe. Il faut aussi veiller à neutraliser toute décision d’un département en ce domaine au regard du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) : c’est là un sujet très sensible, sur lequel il convient peut-être de prendre l’attache de l’Association des départements de France.

L’amendement est retiré.

La Commission passe à l’amendement CS1946 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je le retire également, de même que l’amendement CS1948, afin d’en revoir la rédaction avec Mme Duflot d’ici à l’examen en séance.

Les amendements CS1946 et CS1948 sont retirés.

Article 6
(articles L. 511-6, L. 511-33, L. 612-1, L. 612-2 du code monétaire et financier, article L. 333-4 du code de la consommation)

Mise en œuvre du service de tiers-financement

Cet article a pour objet de clarifier le cadre juridique des mécanismes de tiers-financement portés par les sociétés de tiers-financement instituées par les articles L. 381-1 et L. 381-2 du code de la construction et de l’habitation.

1.  L’état du droit

Le mécanisme dit de « tiers-financement » consiste à faire financer la rénovation d’un bâtiment par un tiers, qui réalise les travaux et les prend en charge. Le bénéficiaire des travaux paye ensuite un loyer, qui intègre les économies de fonctionnement que la rénovation a permis de générer.

Le tiers-financement constitue donc un montage financier original, permettant de surmonter les difficultés à trouver un financement bancaire. Il est ainsi particulièrement adapté pour accélérer la réalisation de travaux de rénovation sur les bâtiments anciens afin de réaliser des économies d’énergie.

L’amélioration du bilan énergétique d’un bâtiment est en effet une opération coûteuse, mais qui peut faire baisser considérablement la facture de chauffage. Les économies générées peuvent ensuite être partagées entre le tiers-financeur, qui encaisse un loyer intégrant le coût des travaux, le coût du portage financier et son propre bénéfice, et le bénéficiaire, qui acquitte un loyer d’un montant inférieur à son ancienne facture énergétique. À l’expiration de la période de versement des loyers, la totalité des économies réalisées reviendront au bénéficiaire.

Jusqu’à une date récente, il n’existait pas de statut juridique du tiers-financement pour les travaux de rénovation de logements, bien que le mécanisme ait pu être mis en œuvre avec succès par certaines collectivités territoriales ou dans le cadre d’initiatives privées : en Île-de-France, la région, associée à treize autres collectivités, à la Caisse des dépôts et consignations et aux caisses d’épargne, a ainsi créé la société d’économie mixte Energies Posit’if pour porter une offre de tiers-financement tant auprès des bailleurs sociaux que des copropriétés.

Il faut donc se féliciter qu’une initiative commune de nos collègues députés Audrey Linkenheld et Daniel Goldberg, rapporteurs de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ait récemment permis de donner une base juridique au tiers-financement dans le champ des opérations de rénovation de bâtiment, tant dans le parc public que privé, à travers l’introduction de deux articles dans le code de la construction et de l’habitation :

– l’article L. 381-1 définit le tiers-financement comme « l’intégration d’une offre technique, portant notamment sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques, à un service comprenant le financement partiel ou total de ladite offre, en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps. Est exclue du service de tiers-financement au sens du présent article la vente ou la revente d’énergies » ;

– l’article L. 381-2 attribue la qualité de « société de tiers-financement » à tout organisme susceptible d’offrir au maître de l’ouvrage un service de tiers-financement tel que défini à l’article L. 381-1 précité.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

Cet article complète le chapitre unique du titre VIII du livre III du code de la construction et de l’habitation par un article L. 381-3, relatif à la mise en œuvre du service de tiers-financement.

Il prévoit ainsi que le service de tiers-financement défini à l’article L. 381-1 précité peut être mis en œuvre par les sociétés de tiers-financement selon deux modalités :

– soit directement, s’il s’agit de sociétés agréées au titre de l’article L. 511-10 du code monétaire et financier ;

– soit indirectement, dans le cadre de conventions établies avec des établissements de crédit ou des sociétés de financement agréées au titre de l’article L. 511-10 précité. Il appartiendra notamment à ces conventions de fixer les modalités de rémunération de la société de tiers-financement par l’établissement de crédit.

3.  La position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure estime que, dans la situation économique difficile que connaît aujourd’hui la grande majorité des ménages et face au manque d’engagement du secteur bancaire au titre du financement de la rénovation énergétique, le développement du tiers-financement constitue l’une des solutions les plus prometteuses.

L’existence de mécanismes pérennes, transparents et peu onéreux permettant l’avance de fonds au maître d’ouvrage et leur remboursement grâce aux économies d’énergie réalisées, lui apparaît de nature à faciliter la prise de décision et l’engagement des opérations de travaux.

Votre co-rapporteure estime néanmoins que soumettre les sociétés de tiers-financement aux règles prudentielles applicables au secteur bancaire peut contraindre leur développement. Au regard de la préoccupation légitime tenant à la garantie de la solvabilité de ces établissements, une solution pourrait consister à limiter l’activité d’avance de fonds par rapport aux autres activités comme le conseil, l’assistance technique à la maîtrise d’ouvrage ou encore le suivi et le contrôle des travaux réalisés.

Dans cette optique, votre co-rapporteure a proposé d’amender le texte du projet de loi, afin de permettre aux collectivités locales de poursuivre la mise en place d’opérateurs de tiers-financement, tout en les faisant bénéficier d’une dérogation au monopole bancaire. Cette solution leur permettra de continuer à avancer financièrement le coût des travaux aux citoyens demandeurs, tout en les conseillant.

*

* *

M. le président François Brottes. L’amendement CS2191 rectifié de la rapporteure proposant une nouvelle rédaction de l’article, son adoption ferait tomber tous ceux qui s’y rattachent, le mien y compris... J’ouvre donc un débat général sur l’ensemble des amendements.

La Commission procède en conséquence à l’examen de l’ensemble des amendements à l’article 6 : CS2191 rectifié de la rapporteure, CS729 de M. Philippe Bies, CS371 de M. Antoine Herth, CS1483 de Mme Michèle Bonneton, CS629 de M. Jean-Jacques Guillet, CS1403 de M. Philippe Plisson, CS1028 de M. Bertrand Pancher, CS1624 de M. Joël Giraud et CS1991 du président François Brottes.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je propose une deuxième rectification de mon amendement, consistant à substituer, au début du troisième alinéa, « 8 » à « 7 ».

Sur le fond, il s’agit d’ouvrir le tiers-financement aux collectivités territoriales : ayant déjà fait leurs preuves en la matière, elles avaient toutefois besoin d’un cadre juridique sécurisé.

M. Jean-Paul Chanteguet. Cet amendement est important : pourriez-vous nous le présenter de façon plus précise ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est en effet très attendu par de nombreuses collectivités, qui jusqu’à présent pratiquaient le tiers-financement dans un cadre relativement incertain, notamment au regard du monopole bancaire.

Le tiers-financement consiste à faire financer une rénovation de bâtiment par un tiers. Suite à la réalisation des travaux, le client rembourse à ce tiers l’avance et les intérêts associés dont il a bénéficié. Dès la fin du contrat, les économies d’énergie sont au bénéfice du client.

Plusieurs collectivités locales, en particulier des régions, ont mis en place des opérateurs dédiés sous forme d’entreprises publiques locales (EPL), afin de traiter certains segments du parc immobilier. Sur le modèle du guichet unique, ces organismes ont développé une offre globale, intégrée et composée de trois services complémentaires permettant d’accompagner, voire de réaliser et de financer les travaux de rénovation énergétique en copropriété avec un seul interlocuteur.

Si l’offre construite par les organismes est articulée autour de ces trois services complémentaires, leur volonté est de proposer un service à la carte, adapté à la diversité des situations rencontrées en copropriété et par les copropriétaires. Ainsi, un propriétaire pourra solliciter un accompagnement tout au long des travaux de rénovation sans avoir recours à l’offre de financement. La motivation première des collectivités, il faut y insister, n’est pas le financement mais la participation à ces opérations.

L’amendement permet aux EPL de tiers-financement de ne pas être soumises aux conditions d’agrément des établissements de crédit et des sociétés de financement. Il renvoie à un décret le régime prudentiel applicable à ces sociétés, régime qui pourra donc être simplifié et allégé compte tenu de leur objet limité. Les sociétés de tiers-financement n’en seront pas moins soumises à la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) dans leur activité de crédit.

L’amendement précise également le dispositif applicable aux prêts collectifs. Enfin, il élargit l’accès au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) aux organismes de caution dans le seul cas des prêts collectifs.

C’est là, me semble-t-il, un bon compromis, de nature à satisfaire les collectivités, les ménages et les milieux bancaires.

M. Michel Sordi. L’amendement CS371 tend à exonérer les sociétés de tiers-financement du monopole bancaire, afin de leur permettre une expérimentation sans avoir à conclure un partenariat avec une banque commerciale : elles pourraient ainsi proposer ce système sans surenchérir le coût de l’emprunt. Néanmoins, au bénéfice des explications précédentes, je le retire.

Les amendements CS729 et CS371 sont retirés.

Mme Cécile Duflot. Le tiers-financement n’est apparu qu’en raison de l’absence du secteur bancaire dans le financement de la transition énergétique. D’autres pays européens l’ont mis en œuvre. Il faut le dire : l’article 6, loin de le favoriser, le tuera en consacrant les règles de contrôle prudentiel des banques. C’est donc avec la plus grande énergie que je défendrai, dans l’hémicycle, un amendement de suppression de cet article, dont il est scandaleux de prétendre qu’il favorisera le tiers-financement.

Votre amendement, madame la rapporteure, peut sembler intéressant, mais le diable se niche dans les détails : en l’occurrence, dans ce décret en Conseil d’État qui « précise les conditions dans lesquelles [les sociétés de tiers-financement] sont autorisées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à exercer des activités de crédit […] ». Autant dire que c’est l’Autorité de contrôle prudentiel qui décidera ; or nul n’ignore qu’elle est opposée au tiers-financement.

L’opposition des banques est au demeurant assez mystérieuse ; mais je l’ai éprouvée, dans le cadre de mes anciennes fonctions ministérielles, en tentant de confier à deux personnalités qualifiées une mission d’étude sur les monnaies locales, que l’on a alors accusées, sans crainte du ridicule, de mettre en péril l’euro. Cette volonté de stériliser toute initiative en dehors du secteur bancaire est très préjudiciable.

Loin de vous faire un procès, madame la rapporteure, je salue vos efforts. Reste que votre amendement, tel qu’il est rédigé, porterait un coup fatal au tiers-financement : mieux vaut en rester à l’article 124 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « ALUR ».

Je suis habituée à ces habiletés de technicien, qui consistent à dissimuler l’essentiel au détour d’une phrase brève, dans un amendement dont le texte occupe une page entière ; mais la méthode me semble pour le moins baroque, et en tout cas bien peu respectueuse des parlementaires. Soit il existe une volonté politique de créer le tiers-financement, moyennant bien entendu qu’on l’encadre ; soit on y renonce. Mais gardons-nous de toute hypocrisie.

M. Martial Saddier. Je défendrai l’amendement de M. Guillet, mais il me semble que le secrétaire d’État et la rapporteure doivent d’abord répondre à Cécile Duflot, car les divergences de vues au sein de la majorité laissent l’humble membre de l’opposition que je suis dans le plus grand désarroi...

L’amendement CS1403 est retiré.

M. Bertrand Pancher. Grâce à mon expérience locale, je sais comment fonctionne une société d’économie mixte, en l’occurrence une société de services en efficacité énergétique. Il importe pour elle de pouvoir négocier avec les établissements de crédit les meilleurs tarifs. Or, ce ne sera pas possible si l’on adopte cette seconde version de l’article 6. Cécile Duflot a mis les pieds dans le plat en incriminant le lobby bancaire. Nous sommes souvent accusés, à tort, d’être le relais de lobbies, mais nous avons maintenant à nous prononcer sur des dispositions scandaleuses, qui vont tuer ces sociétés de services. Elles ne seront plus, en effet, que des relais d’information, alors qu’elles ont pour principal intérêt de libérer de tout souci les particuliers en négociant elles-mêmes les prêts auprès des banques. Ces dernières ont refusé pendant des années de distribuer des éco-prêts à taux zéro. Leur tentative de lobbying est malvenue, et il faut faire toute la transparence sur les conditions de rédaction de cette nouvelle mouture de l’article 6.

M. Joël Giraud. Mon amendement porte sur un problème souvent peu pris en compte, à savoir l’éclairage public, qui constitue tout de même la deuxième source des investissements des collectivités locales. Selon les choix opérés, celles-ci peuvent diminuer d’un quart, ou même davantage, la facture électrique et la pollution lumineuse qui lui sont liées. L’éclairage public vertueux constitue donc un enjeu important. Par ailleurs, je partage, comme actionnaire d’une société d’économie mixte locale, les inquiétudes de nos collègues Cécile Duflot et Bertrand Pancher. Je ne veux pas assister à la mort d’une économie décentralisée de l’énergie.

M. le président François Brottes. Je crains que cet amendement ne soit quelque peu à côté du sujet principal…

M. Jean-Luc Laurent. Plutôt que de renvoyer à un décret en Conseil d’État, comme le prévoit la nouvelle mouture de l’article 6 proposée par la rapporteure, l’amendement CS1390 que je défendrai après l’article 6 tend à créer une exception de rang législatif au profit des sociétés de tiers-financement, qui seraient autorisées par la loi à emprunter auprès des établissements de crédit.

L’article 124 de la loi ALUR donne déjà une base juridique au tiers-financement et aux organismes habilités à le pratiquer. De nombreuses initiatives locales, en Île-de-France, en Rhône-Alpes, en Picardie ou en Poitou-Charentes, ont vu le jour, mais elles se heurtent au monopole des établissements de crédit. Pour dynamiser cette politique publique essentielle, l’amendement propose donc de créer une exception en faveur des sociétés de tiers-financement, qui leur permette de développer directement cette activité. Cette exception s’ajouterait à d’autres qui existent déjà en faveur du 1 % logement, des sociétés d’aménagement régional ou de l’assainissement collectif.

Tel qu’il est rédigé, l’article 6 constitue un frein au développement des sociétés d’économie d’énergie. L’habitat représente environ 40 % des sources de progrès potentiel vers la transition énergétique. Le renvoi à un décret en Conseil d’État ne peut que nous faire perdre dix-huit ou vingt-quatre mois, avant que l’on constate que le cadre normatif n’est pas efficace en ce domaine. L’amendement de la rapporteure améliore certes le dispositif, mais insuffisamment.

Je partage les inquiétudes de Cécile Duflot, tout en me voulant plus constructif. La réalité est que les banques ne jouent pas le jeu et préfèrent prêter directement, sans avoir affaire à des tiers. En outre, le dispositif conventionnel envisagé ne pourra qu’entraîner des surcoûts, car il faudra bien rémunérer les intermédiaires. Voilà deux bonnes raisons d’adopter cet amendement, qui n’est du reste pas exclusif de celui de la rapporteure.

En tout état de cause, il faut se donner les moyens d’atteindre nos objectifs, sans quoi nous en resterons au stade de la palabre.

M. le président François Brottes. Si nous révisons le code monétaire et financier, il ne faut pas que ce soit un marché de dupes…

Certains particuliers ont besoin d’un financement à 100 % de leurs opérations de rénovation thermique, le cas échéant par un prêt viager hypothécaire, tel que le propose mon amendement. Pour le bailleur de fonds, le retour sur investissement s’en trouve reporté à la mutation du bien. L’échéance est incertaine, mais la valeur du bien s’en trouve augmentée, de sorte que l’investisseur se remboursera – principal et intérêts – au moment du décès de l’emprunteur ou lors de l’aliénation ou du démembrement de la propriété. Cela offre une possibilité supplémentaire dans le panel de solutions ouvert à qui veut mener une opération de rénovation thermique. Du reste, l’amendement était conçu pour s’insérer dans un article 6 que notre délibération pourrait éventuellement faire disparaître.

M. le secrétaire d’État. Je ne reviendrai pas sur le tableau qui est brossé de cette nouvelle mouture de l’article 6. Mais, quelques critiques radicales ayant fusé, exigeant de savoir quelle grande organisation occulte a ourdi ce « mauvais coup », je dois une réponse à la Commission. Le texte est le fruit d’une négociation entre le gouvernement et l’Association des régions de France (ARF). Qui sont, en effet, les opérateurs actuels du tiers-financement ? Les régions Île-de-France, Rhône-Alpes et Picardie, principalement. Or, non seulement elles se heurtent au problème du contrôle bancaire de leur activité de prêt, mais elles sont également confrontées, à l’instar des entreprises de l’économie sociale et solidaire, à leurs propres inquiétudes sur ces opérations par nature incertaines.

Aussi les élus de ces régions, ne pouvant rester inertes, se sont-ils rapprochés du ministère des finances. Mme Cécile Duflot a cru pouvoir dénoncer une vilenie, mais le recours à un décret en Conseil d’État n’est rien de moins que la procédure normale pour encadrer des prêts sans faire courir de risques excessifs à ceux qui les consentent. Je refuse tout faux procès, et le Gouvernement communiquera d’ailleurs, d’ici l’examen en séance publique, le projet de décret envisagé, pour que vous puissiez vérifier qu’il ne vide pas le dispositif de son contenu. Vous verrez que ce décret ressemble à tous les autres pris dans le même domaine.

D’autres estiment que la labellisation « opération de crédit » devrait supporter en l’espèce une exception. Le Gouvernement considère, pour sa part, qu’il faut faire attention. À l’heure actuelle, seules les collectivités publiques se lancent dans ces opérations, à cause de la défaillance des acteurs privés. Mais il faut qu’elles puissent le faire dans le cadre de règles qui les garantissent contre des opérations hasardeuses. Le système actuel doit pouvoir connaître des améliorations, telles que celles qui sont résultées du dialogue entre l’association des régions de France et le secteur bancaire. Avis favorable, donc, à l’amendement de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir, par vos explications, apaisé le débat. La situation actuelle n’est pas satisfaisante, car les banques ne sont pas au rendez-vous. Cela rend nécessaire le recours à d’autres structures de financement, et les élus ont pris les choses en main. De quel « lobbying » parle-t-on ? La seule considération qui me guide, c’est l’intérêt collectif.

Comme conseillère régionale, je me rends compte des attentes sur le terrain. Je n’ai donc pas rédigé cette nouvelle mouture de l’article 6 seule dans mon coin, mais en associant au contraire toutes les parties prenantes. Les élus, notamment ceux de l’ARF, se retrouvent dans cet amendement. Si des difficultés peuvent se dissimuler derrière un projet de décret, l’assurance du ministre de nous en communiquer le projet avant la séance publique est de nature à couper court à tout procès d’intention. Pour ma part, j’avais déjà toute confiance dans le recours à cet instrument, mon souci principal étant de faire avancer plus vite les choses. Si j’avais été sous l’influence du lobby bancaire, j’aurais plutôt laissé l’article en l’état.

M. Martial Saddier. Je ne mets en doute ni la qualité de votre travail ni votre bonne foi, madame la rapporteure. Nous prenons acte, par ailleurs, de la volonté du ministre de transmettre le projet de décret par avance aux parlementaires, mais vous comprendrez que les commissaires du groupe UMP s’abstiennent, à titre conservatoire, sur cette nouvelle mouture de l’article 6.

M. Denis Baupin. En aucune façon, madame la rapporteure, je ne mets en cause votre bonne foi : je mets au contraire à votre crédit d’avoir recherché un compromis dans une situation compliquée. Lorsque le Président de la République a annoncé qu’une conférence bancaire et financière aurait lieu pour traiter de la transition énergétique, cela a fait naître chez moi des espoirs dont le moins que je puisse dire est qu’ils sont déçus, car nous n’assistons pas à la mobilisation attendue. D’ailleurs, lorsque nous en viendrons à l’examen du titre VIII, je ferai des propositions destinées à réorienter la finance privée.

Le monde bancaire aimerait que nous croyions que tout va bien et qu’il suffit de le laisser agir. Mais la réalité, c’est que l’économie est au service de la finance et non l’inverse, car les établissements de crédit fixent leurs propres règles.

Lorsque j’ai rencontré des responsables de l’ARF, je n’ai pas entendu le même message que la rapporteure. Je soutiendrais donc volontiers l’amendement de notre collègue Jean-Luc Laurent. Étant donné le niveau actuel du tiers-financement, il ne faut pas créer d’obstacles ou de contraintes supplémentaires. L’ACP, ne l’oublions pas, avait initialement donné son accord à la création de l’exception législative proposée, dont l’instauration serait loin de faire s’effondrer le système financier. Je pense que ce serait la meilleure solution et suis d’avis, pour le reste, d’attendre le projet de décret avant de me prononcer en séance publique sur une nouvelle mouture de l’article 6. Ce serait l’intérêt de tout le monde que de pérenniser ce qui fonctionne tout en sécurisant les élus.

M. Christophe Bouillon. Nous donnons crédit à Mme la rapporteure de son important travail préparatoire, fait d’auditions, d’échanges et de rencontres. Il a permis de faire émerger un constat partagé par de nombreux élus qui sont en faveur d’un dispositif efficace et pragmatique. Soucieux de l’intérêt général, nous voulons obtenir, par le tiers-financement, la rénovation d’un nombre considérable de logements dans notre pays.

Mme Bernadette Laclais. Cosignataire de l’amendement de la rapporteure, je considère que celui-ci répond à la demande qui s’exprime dans de nombreux territoires. Notre débat d’aujourd’hui a au moins permis une avancée majeure, puisque le Gouvernement nous présentera le projet de décret avant la séance publique. Cela me semble de nature à apaiser les inquiétudes, même si j’avais déjà, pour ma part, toute confiance dans la démarche.

M. Bertrand Pancher. À aucun moment, je n’ai imputé de mauvaises intentions à qui que ce soit. Mais un député ne peut expertiser 2 300 ou 2 400 amendements en quelques jours seulement en se reposant sur ses propres forces. Aussi est-ce l’association AMORCE, regroupant collectivités, associations et entreprises pour la gestion des déchets, de l’énergie et des réseaux de chaleur, qui m’a alerté sur cet amendement, où elle décèle la trace de fortes interventions du milieu bancaire.

M. le président François Brottes. Comme président de la Commission spéciale, je puis vous assurer, monsieur Pancher, que les rapporteurs ont tout expertisé et qu’il n’est pas un seul amendement signé par eux qui soit le copier-coller d’un texte émanant d’où que ce soit. Ils ont mené un travail d’expertise et d’analyse en liaison avec les personnes qu’ils ont entendues. Le Parlement est à même de former son propre jugement.

M. Bertrand Pancher. Je conteste tout à fait votre affirmation sur les moyens mis à la disposition des parlementaires. Nous aurons d’autres occasions d’en reparler.

M. le président François Brottes. Je parle, il est vrai, des assemblées et de leurs commissions, pas forcément de leurs membres pris individuellement.

Mme Cécile Duflot. J’ai voulu soulever un problème grave, et non porter une attaque personnelle contre quiconque. Les contraintes qui pèsent sur le ministre lui ont imposé ce compromis issu d’un arbitrage interministériel, sans quoi la version initiale existerait toujours. La question centrale est celle de la place laissée à l’expérimentation.

J’ai pris contact avec la vice-présidente de la région Île-de-France en charge de l’environnement, qui pilote le dossier pour cette collectivité par ailleurs actionnaire de la plus grosse société d’économie d’énergie. Elle conteste formellement l’accord de l’ARF sur l’amendement en débat.

Il s’agit au demeurant d’une enveloppe limitée, de 150 millions d’euros, qui ne fait courir aucun risque d’effondrement au système bancaire. Inversement, nous risquons de tuer dans l’œuf un dispositif qui pourrait apporter des solutions, même si je ne mésestime pas les contraintes. Il faut reconnaître que le régime actuel ne fonctionne pas, et je suis assez encline à rejoindre notre collègue Jean-Luc Laurent, dont l’amendement paraît toutefois incompatible avec celui de la rapporteure, puisqu’il faudra choisir entre le décret en Conseil d’État et l’expérimentation par la loi. Alors que nous nous apprêtions à inventer un dispositif, analogue à celui du 1 % logement, qui permette de stimuler fortement l’efficacité énergétique, le point de compromis auquel le Gouvernement est arrivé empêchera l’émergence du tiers-financement. Il suffira en effet que le décret édicte des règles prudentielles très strictes pour étouffer dans l’œuf son développement.

La précédente majorité avait alloué, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), 500 millions d’euros à la transition énergétique. Or, 50 millions seulement ont été dépensés, en raison de règles absurdes qui imposaient des montants élevés de travaux à des ménages très modestes. Des causes analogues risquent fort de produire les mêmes effets, et la France aggravera encore son retard. Là où les collectivités attendent un feu vert, elles verront s’allumer un orange clignotant.

M. le secrétaire d’État. Puisque certains ont cru bon de mettre en doute ce que j’ai dit au nom du Gouvernement sur le fait que nous avions travaillé en concertation avec l’Association des régions de France, je produirai l’ensemble des éléments de nature à le prouver, à commencer par celui que j’ai sous les yeux, c’est-à-dire la confirmation, sous la forme d’un courriel qui m’a été adressé par un responsable de l’ARF, de l’accord de cette association sur la solution trouvée, assortie de quelques propositions de modification. Si j’accepte le débat de fond, j’admets difficilement que l’on mette ma parole en doute, et je montrerai que je n’ai pas menti.

M. Julien Aubert. Je trouve un peu surprenant qu’au terme de 37 heures d’auditions, nous n’ayons pas trouvé le moyen d’entendre les acteurs bancaires. Par ailleurs, je veux bien que M. le secrétaire d’État se prévale d’avoir reçu des courriels de l’ARF, mais cela ne me paraît pas une méthode de travail satisfaisante que celle consistant à régler ces questions sur un coin de table : il s’agit tout de même de s’exonérer du monopole bancaire, donc des règles prudentielles d’une grande exigence auxquelles ce secteur est soumis.

Mme Duflot insiste sur le fait que nous parlons de petites sommes : admettons, mais de grandes ambitions sont en jeu, puisque l’objectif global que nous poursuivons consiste à effectuer la transition énergétique, ce qui nécessitera des opérations de grande ampleur, mobilisant plusieurs milliards d’euros. Comment pouvons-nous nous prononcer sur une telle question sans avoir entendu les acteurs concernés au premier chef, et en nous satisfaisant de la promesse du Gouvernement de nous communiquer le décret avant la séance publique ?

J’ajoute qu’il est étonnant de voir surgir tardivement un débat de cette nature, alors que nous manquons déjà de temps pour étudier les amendements comme nous le souhaiterions.

M. le président François Brottes. Je rappelle que nous avons tout de même auditionné le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, qui intervient dans le financement du logement.

M. Jean-Luc Laurent. Pour en revenir au fond, je voudrais souligner qu’il convient de relativiser l’importance des risques évoqués, notamment celle du risque systémique. Et puisque la loi crée régulièrement des exceptions, rien ne s’oppose à ce qu’elle en crée une dans le domaine qui nous intéresse.

Par ailleurs, Mme la rapporteure a parfaitement fait son travail en proposant, après avoir entendu tous les points de vue, une solution prévoyant l’intervention d’un décret en Conseil d’État. Si M. le secrétaire d’État a levé quelques interrogations, notamment en matière de délais, en s’engageant à nous présenter un projet de décret avant la séance publique, cela ne fournit pas toutes les garanties que nous attendons. On pourrait concevoir que les exceptions soient prévues par la loi, tandis qu’un décret viendrait préciser les modalités d’application, de contrôle et d’encadrement. Il me semble que le dispositif que j’avais proposé permettait d’aller plus vite. Cela dit, je vais retirer mon amendement CS1390 déposé après l’article 6, en me réservant le droit de le redéposer lors du débat en séance publique, en fonction de l’éclairage que le Gouvernement et Mme la rapporteure pourront nous apporter.

M. le président François Brottes. J’en profite pour retirer également le mien.

L’amendement CS1991 est retiré.

M. Christophe Borgel. Je pense que nous pouvons nous accorder sur le fait que les réponses apportées par M. le secrétaire d’État et Mme la rapporteure sont de nature à lever les inquiétudes que nous pouvions avoir – à moins de considérer qu’ils déclarent n’importe quoi devant notre Commission spéciale, ce que je ne peux imaginer – quant à leur volonté de faire avancer les choses sur la question des sociétés de tiers-financement.

La deuxième question est celle du décret venant fixer les conditions du dispositif, notamment celles dans lesquelles l’autorité prudentielle permettra qu’il se mette en place. Le fait qu’un décret soit pris allongera-t-il les délais par rapport à ceux qui se seraient appliqués dans le cadre d’un système d’exceptions ? Honnêtement, la proposition de M. le secrétaire d’État de nous soumettre le projet de décret doit nous permettre de vérifier si le système peut fonctionner ou s’il est condamné à rester lettre morte – et si nous détections un risque de blocage du système de tiers-financement que nous appelons tous de nos vœux, il serait toujours temps de déposer un amendement afin de corriger les choses.

Dans ces conditions, j’estime que nous avons tout intérêt à soutenir l’amendement de la rapporteure – en nous réservant la possibilité de déposer un autre amendement d’ici la discussion en séance publique si nous estimions finalement ne pas être satisfaits par le décret.

M. le secrétaire d’État. Il est ici question de déroger aux règles trouvant habituellement vocation à s’appliquer au secteur bancaire. De fait, ce texte est un texte dérogatoire. Dès lors, je pose une question – à laquelle je ne prétends pas avoir la réponse, même si j’en ai une petite idée –, à savoir : l’ensemble des dérogations déjà présentes dans la loi ne sont-elles pas en réalité, elles aussi, systématiquement validées par le même décret – celui-là même dont Cécile Duflot déclare se méfier ? Je pense que nous aurions intérêt à répondre à cette question avant le débat en séance publique.

Mme Cécile Duflot. Je voudrais poser une simple question : à quelle date le décret nous sera-t-il soumis ? Si je ne me trompe pas, la date limite de dépôt des amendements pour la séance est le mercredi 1er octobre au matin, ce qui implique que le décret nous soit communiqué avant.

M. le président François Brottes. Pour tout vous dire, tout dépendra de l’heure à laquelle nous terminerons nos propres travaux, mes chers collègues…

M. le secrétaire d’État. Je me suis engagé à ce que le décret vous soit communiqué avant la séance publique, mais je ne peux être plus précis, dans la mesure où le texte demeure soumis à des arbitrages.

M. le président François Brottes. Je rappelle par ailleurs que le dépôt d’un amendement par le Gouvernement sur un article rouvre, pour l’ensemble des parlementaires, le délai de dépôt des amendements sur l’article en question.

Mme Cécile Duflot. Mais transmettre un projet de décret n’est pas déposer un amendement, monsieur le président !

M. le président François Brottes. Certes.

La Commission adopte l’amendement CS2191, deuxième rectification.

En conséquence, les amendements CS1483, CS629, CS1028 et CS1624 tombent.

La Commission adopte l’article 6 modifié.

Article 6 bis [nouveau]
(article L. 314-1 du code de la construction et de l’habitation)

Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire

Le prêt viager hypothécaire est un contrat, créé par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, par lequel un établissement de crédit consent à une personne physique un prêt garanti par une hypothèque constituée sur un immeuble à usage exclusif d’habitation. Il s’agit d’un instrument parfaitement adapté au financement d’opérations de rénovation qui valorisent le bien immobilier.

Cet article propose d’étendre le dispositif à une variante où l’emprunteur rembourserait régulièrement les intérêts, l’hypothèque à financer ne portant plus que sur le capital : cet aménagement devrait permettre, sans augmenter véritablement le risque pour le prêteur, qui pourra toujours se rembourser au moment de la mutation du bien, d’élargir la clientèle potentielle à des personnes plus jeunes, et en plus grand nombre.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1216 et CS1925 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Caullet. L’amendement CS1216 propose que les prêts viagers hypothécaires puissent prévoir un remboursement régulier des intérêts, celui du capital intervenant au moment de la mutation. Il s’agit d’éviter que la capitalisation des intérêts n’aboutisse, au terme du contrat, à des sommes considérables lorsque ce sont des personnes jeunes qui ont financé leurs travaux par ce moyen. Afin d’éviter toute dérive, l’amendement CS1925 précise que le prêt viager hypothécaire assorti de telles modalités de remboursement n’est possible que pour des travaux d’amélioration de la performance énergétique du bien immobilier hypothéqué.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. L’amendement CS1216 nous paraît de nature à favoriser la distribution des prêts viagers hypothécaires, le Gouvernement y est donc favorable.

Il se montre plus réservé sur l’amendement CS1925. Le prêt viager hypothécaire défini à l’article L. 314-1 du code de la consommation peut déjà, dans sa forme actuelle, servir au financement de la rénovation énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. L’article L. 314-2 du même code précise uniquement qu’il ne peut être destiné à financer les besoins d’une activité professionnelle. Or l’amendement favoriserait les travaux de rénovation thermique au détriment d’autres travaux comme ceux relatifs à l’accessibilité et à l’adaptation au vieillissement des logements, qui sont essentiels pour les personnes en situation de perte d’autonomie. Le Gouvernement est donc défavorable à ce second amendement.

L’amendement CS1925 est retiré.

Mme Sabine Buis, rapporteure sur les titres II et IV du projet de loi. Avis favorable sur l’amendement CS1216.

La Commission adopte l’amendement.

Article 6 ter [nouveau]
(article L. 241-9 du code de l’énergie)

Précision de la notion de « coût excessif »

Cet article vise à préciser la notion de « coût excessif » inscrit à l’article L. 241-9 du code de l’énergie, afin de limiter les cas de non installation du comptage de chaleur dans les immeubles chauffés collectivement.

Une telle précision s’inscrit d’ailleurs en cohérence avec les exigences de la directive européenne 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique, qui impose la comptabilisation individuelle de chauffage à tous.

*

* *

Puis elle examine les amendements identiques CS207 de M. Charles de Courson, CS414 de M. Patrick Hetzel, CS786 de M. Julien Aubert et CS1627 de M. Joël Giraud.

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre, vous avez tué le suspense en indiquant à l’avance votre préférence pour l’amendement CS1627. Celui-ci permettra certes de débloquer la machine, mais il n’est pas sous-tendu par une volonté politique. Ainsi, pour répondre à la critique du Conseil constitutionnel relative au trop court délai pour la mise en place du comptage individualisé, nous avons proposé de porter l’échéance au 1er janvier 2018, ce qui laisserait trois ans supplémentaires ; vous avez refusé. À un moment donné, il faut bien fixer une date pour rendre une loi effective !

Alors que le texte prévoit des objectifs très ambitieux, voire irréalisables dans de nombreux domaines, je ne comprends pas pourquoi cette précision-là serait refusée.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1627 permet de tracer une trajectoire en précisant que seule la nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage peut être opposée à la mise en place de compteurs individuels.

M. le secrétaire d’État. Je suis favorable à l’amendement CS1627 et demande le retrait des trois autres.

Mme la rapporteure. Même avis.

La Commission adopte les amendements.

Après l’article 6

Puis la Commission examine l’amendement CS194 de M. Charles de Courson.

M. le secrétaire d’État. Je donnerai, sur cet amendement, une explication qui vaudra pour les suivants traitant du même sujet. Le Gouvernement émettra un avis favorable à l’amendement CS1627 du groupe RRDP, qui sera appelé avant l’article 7, parce qu’il précise la notion de coût excessif pour l’installation de compteurs individuels. L’obligation d’individualiser les frais de chauffage et d’eau chaude lorsque c’est techniquement possible et économiquement rentable est déjà définie à l’article L. 241-9 du code de l’énergie ainsi que dans les textes d’application, conformément aux exigences de la directive européenne sur l’efficacité énergétique.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement CS194 ; à défaut, il émet un avis défavorable.

L’amendement CS194 est retiré.

Elle en vient à l’amendement CS730 de M. Philippe Bies.

M. Philippe Plisson. Le seuil d’éligibilité des baux emphytéotiques administratifs aux attributions du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est de 10 millions d’euros. Nous proposons de le relever à 15 millions d’euros pour permettre la réalisation de travaux de réhabilitation lourde sur les bâtiments publics.

M. le secrétaire d’État. Cette question, certes légitime, relève néanmoins de la discussion du projet de loi de finances. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1492 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à remédier à une anomalie. Plus de 90 % des ressources du livret de développement durable (LDD) sont utilisées pour tout à fait autre chose que le développement durable. Nous proposons que ces sommes soient affectées à la Banque publique d’investissement (BPI) pour financer le développement durable, donc la transition énergétique.

M. le secrétaire d’État. L’amendement CS2363 du Gouvernement, que vous avez précédemment adopté et portant création d’un fonds de garantie pour la rénovation énergétique, introduit un moyen qui nous paraît plus pertinent de parvenir à la fin que vous souhaitez. Aussi, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. L’adoption de cet amendement ferait de BPI France un acteur de la politique du logement et un établissement de financement des particuliers, en contradiction avec la mission que lui a confiée le Parlement lors de sa création. Aux termes de l’article 1 A de l’ordonnance du 29 juin 2005, BPI France est en effet un groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l’État et par les régions. En vue de soutenir la croissance durable, l’emploi et la compétitivité de l’économie, elle favorise l’innovation et l’amorçage de développement, l’internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres.

M. le président François Brottes. Une partie de cet argent sert vraiment l’économie locale, à travers la délivrance aux PME de prêts à faibles taux d’intérêt. Il faut se garder du risque de siphonner la capacité financière des banques locales.

M. Denis Baupin. Il s’agit évidemment d’un amendement d’appel qui avait été déposé avant que l’on ne décide de localiser le fonds de garantie pour la rénovation énergétique à la CDC. On pourrait très bien décider d’attribuer les ressources en question à ce fonds, ce qui ferait tomber une bonne partie de l’argumentation de la rapporteure.

Je serais d’ailleurs étonné, monsieur le secrétaire d’État, que l’argent qui abondera le fonds de garantie pour la rénovation énergétique corresponde aux sommes collectées sur le livret A et le LDD : il y aura au moins un facteur dix entre les deux. Nos concitoyens, lorsqu’ils versent de l’argent sur un LDD, s’attendent à ce qu’il soit vraiment consacré au développement durable. Le problème, c’est que ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui.

Je retire l’amendement, mais nous reviendrons sur la question en séance publique.

L’amendement CS1492 est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CS1390 de M. Jean-Luc Laurent et CS1484 de Mme Cécile Duflot.

L’amendement CS1390 est retiré.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement CS1484. Les objectifs en paraissent satisfaits par l’amendement CS2191 rectifié de la rapporteure, qui propose un juste équilibre entre la prévention du risque bancaire et l’ambition de massifier l’accompagnement des ménages pour la rénovation de leur logement.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je propose également le retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1215 de M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Caullet. Le présent amendement prévoit la remise d’un rapport analysant les conditions dans lesquelles la mise en place d’un fonds de garantie pourrait permettre d’élargir la distribution des prêts viagers hypothécaires.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. Le Fonds de garantie pour la rénovation énergétique doit améliorer l’accès de certains publics au dispositif d’aide à la rénovation thermique. Je ne suis pas sûr qu’un rapport apporte grand-chose ; mieux vaudrait retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1491 de M. Éric Alauzet.

M. Denis Baupin. Cet amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement, dans les six mois suivant l’adoption du présent texte, un rapport sur l’impact et les modalités de mise en œuvre d’une catégorie spécifique de prêt hypothécaire viager consacré à la rénovation thermique des logements.

M. le secrétaire d’État. Le prêt viager hypothécaire défini à l’article L. 314-1 du code de la consommation peut déjà, dans sa forme actuelle, servir au financement de la rénovation énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. L’article L. 314-2 de ce même code précise uniquement que le prêt viager hypothécaire ne peut être destiné à financer les besoins d’une activité professionnelle.

La proposition formulée dans l’amendement pourrait favoriser les travaux de rénovation thermique au détriment d’autres travaux comme ceux relatifs à l’accessibilité et à l’adaptation au vieillissement des logements, essentiels pour les personnes en situation de perte d’autonomie. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

L’amendement est retiré.

Avant l’article 7

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS411 de M. Patrick Hetzel, CS1626 de M. Joël Giraud et CS789 de M. Julien Aubert.

M. Martial Saddier. J’espère que Mme la ministre de l’écologie, Mme Royal, va bien, et j’imagine qu’elle doit regretter que son agenda très chargé l’empêche de partager les moments intenses que nous vivons pour l’avenir de la transition énergétique.

Pour que nos concitoyens s’engagent dans une démarche volontaire, encore faut-il qu’ils soient bien informés. Comme nous avons adopté des dispositions en ce sens pour l’eau et les déchets, l’amendement CS411 vise à permettre à chacun de connaître, à tout instant, sa consommation énergétique et donc à en être responsable. Il s’agit, à travers une démarche individuelle, de servir l’effort collectif – par exemple en apprenant à ses enfants à fermer le robinet d’eau chaude, à éteindre les lumières.

M. le secrétaire d’État. Nous risquons prochainement de subir un pic de pollution qui suppose de prendre des décisions et de mettre en œuvre certains moyens. Mme la ministre est totalement mobilisée par cette urgence.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1626 relève de la même logique que celui présenté par M. Saddier, à une nuance importante près. Une récente proposition de loi a été rejetée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle prévoyait la mise en place du comptage individualisé de la consommation à une date trop proche de la promulgation de la loi, à savoir le 1er janvier 2015. Nous proposons de reporter cette date butoir au 1er janvier 2018.

M. Julien Aubert. Nous sommes en retard en matière de comptage individualisé de la consommation, il convient par conséquent d’avancer ; mais j’ai cru comprendre que M. le secrétaire d’État était favorable à l’amendement CS1627.

M. le secrétaire d’État. Le comptage individuel est un excellent moyen de maîtriser sa consommation. L’article L. 241-9 du code de l’énergie ainsi que les textes d’application définissent l’obligation d’individualiser les frais de chauffage et d’eau chaude lorsque cela est techniquement possible et économiquement rentable, conformément aux exigences de la directive européenne sur l’efficacité énergétique. La généralisation sans condition de l’obligation d’installer des compteurs individuels peut avoir des conséquences financières importantes pour les utilisateurs. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable à ces trois amendements.

Il se déclarera, en revanche, favorable à l’amendement CS1627 à venir, qui aménage un compromis.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je propose le retrait de ces trois amendements.

L’amendement CS1626 est retiré.

M. Julien Aubert. L’argument avancé par le secrétaire d’État repose sur le coût du dispositif que nous proposons. Notre amendement présente toutefois le double avantage de fixer une date, celle du 1er janvier 2018, et de laisser la possibilité au propriétaire ou au bailleur de démontrer que les installations en question ne sont pas techniquement possibles ou rentables – à la différence de l’amendement CS1627 de M. Giraud.

Au cas où l’amendement CS789 ne serait pas adopté, nous défendrons néanmoins le même dispositif que M. Giraud, en précisant que la notion de coût excessif faisant obstacle à l’installation de compteurs répartiteurs doit en réalité s’apprécier au regard de la nécessité de modifier l’ensemble du chauffage, sans pour autant qu’un plan de rattrapage soit prévu.

L’adoption de l’amendement CS789 enverrait le message que vous engagez une action forte avec le 1er janvier 2018 pour terme ; celle de l’amendement CS1627, même en permettant d’éliminer une partie des obstacles, aura pour résultat qu’il faudra cinq ou dix ans pour rattraper notre retard en matière d’installation de compteurs répartiteurs. Votre opposition à notre amendement, monsieur le secrétaire d’État, tient-elle à la forme ou au fond ? En d’autres termes, le Gouvernement a-t-il la volonté politique de procéder, dans des délais très rapprochés, à l’installation de compteurs répartiteurs en France ?

M. le président François Brottes. J’ai gardé de l’expérience d’une proposition de loi en partie rejetée par le Conseil constitutionnel qu’on ne peut pas mettre en place un dispositif de tarification et de comptage identique sur l’ensemble du territoire tant que tout le monde ne disposera pas d’un compteur individuel, y compris dans les immeubles collectifs. Contrairement à ce qu’avancent certains, il n’y a plus aucun frein technologique : on sait comptabiliser à l’échelle de l’appartement. Nous avons donc intérêt à nous montrer très volontaristes, faute de quoi nous serons empêchés demain, au sens juridique du terme, d’appliquer des dispositifs valables sur l’ensemble du territoire. Si les uns ont le chauffage collectif et les autres le chauffage individuel, les freins subsisteront pour innover en matière de tarification. Il est donc important, monsieur le secrétaire d’État, que nous avancions.

M. le secrétaire d’État. Nous sommes favorables, je l’ai dit, au comptage individuel, mais l’obligation sans condition d’installer les compteurs peut avoir des conséquences financières importantes pour les utilisateurs. Nous souhaitons, par conséquent, garder le principe des dérogations pour coût excessif. Il nous semble cependant nécessaire, le moment venu, de limiter ces dérogations au maximum. Cette réduction des dérogations, plus strictement encadrées par la loi, répond à une volonté politique qui ne pourra que vous satisfaire.

M. Martial Saddier. Je veux vous remercier très sincèrement, monsieur le président : malgré la censure du Conseil constitutionnel, malgré nos échanges un peu vifs dans l’hémicycle, c’est à vous que nous devrons d’avoir progressé en conscience, y compris sur le plan législatif. Il nous faut maintenant avancer, car si nous ne proposons pas à nos concitoyens la possibilité de mesurer leur consommation quotidienne individuelle, nous ne serons pas fondés à leur demander les efforts prévus par le texte. Le président Brottes aura été l’un des premiers à défendre cette mesure.

La Commission rejette successivement les amendements CS411 et CS789.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CS205 de M. Charles de Courson et CS787 de M. Julien Aubert, et l’amendement CS413 de M. Patrick Hetzel.

M. Julien Aubert. Compte tenu de l’adoption des amendements précédents, le CS787 est retirable.

M. le secrétaire d’État. Je peux difficilement être plus convaincant que M. Aubert : le retrait des trois amendements serait effectivement cohérent au regard de l’adoption des amendements précédents.

Mme la rapporteure. Je demande également le retrait de ces trois amendements.

Les amendements CS205, CS787 et CS413 sont retirés.

Article 7
Institution de sanctions administratives par voie d’ordonnances

Cet article vise à assurer la pleine transposition de l’article 13 de la directive du Parlement européen et du Conseil de 2012 sur l’efficacité énergétique.

1.  L’état du droit

Entrée en vigueur le 4 décembre 2012, la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE, établit un cadre commun de mesures pour promouvoir l’efficacité énergétique au sein de l’Union européenne, afin de réaliser l’objectif fixé par l’Union d’accroître de 20 % l’efficacité énergétique d’ici à 2020 et de préparer la voie à de nouvelles améliorations de l’efficacité énergétique au-delà de cette date.

L’article 13 de cette directive dispose que les États membres « déterminent le régime des sanctions applicables » en cas d’infraction aux dispositions nationales adoptées en vertu de ses articles 7 (institution de mécanismes d’obligations en matière d’efficacité énergétique), 8 (audits énergétiques et systèmes de gestion de l’énergie), 9 (relevés), 10 (facturation), 11 (coût de l’accès aux relevés et informations relatives à la facturation) et 18, § 3, et qu’ils « prennent les mesures nécessaires » pour en garantir l’application. Les sanctions prévues doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives ».

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

Tant pour ce qui concerne l’électricité que le gaz, le manquement à l’obligation des gestionnaires de réseaux de distribution d’installer des compteurs communicants ne se trouve aujourd’hui pas susceptible d’être sanctionné en droit français, en l’absence de disposition législative impérative et en dépit des prescriptions de la directive de 2012 précitée sur l’efficacité énergétique.

Cet article autorise donc le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’instaurer un régime de sanctions administratives :

– en cas de manquement aux dispositions relatives aux systèmes de comptage de la consommation de chaleur ;

– en cas d’absence de déploiement de dispositifs de comptage respectant les spécificités techniques fixées par décret en Conseil d’État, destinés au comptage de la consommation sur les réseaux publics d’électricité, prévus à l’article L. 341-4 du code de l’énergie ;

– en cas d’absence de déploiement des dispositifs de comptage interopérables de la consommation sur les réseaux de gaz, prévus à l’article L. 453-7 du code de l’énergie.

Ces ordonnances devront être prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi et un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de douze mois à compter de la publication de chaque ordonnance prévue par le présent article.

3.  La position de votre co-rapporteure

En dépit des réserves qu’appelle toujours le recours à la procédure des ordonnances de l’article 38, votre co-rapporteure soutient pleinement cette disposition.

Les compteurs communicants ont en effet vocation à constituer la première brique du déploiement des réseaux intelligents, qui seront indispensables pour atteindre les objectifs de la France en matière d’efficacité énergétique et d’intégration des énergies renouvelables et la mesure proposée vise à assurer le respect de l’obligation de leur déploiement par les gestionnaires de réseau de distribution.

*

* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS9 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 7 ainsi modifié.

Article 7 bis [nouveau]
(article L. 337-3-1 [nouveau] du code de l’énergie)

Mise à disposition des consommateurs des données sur leur consommation

À l’initiative du Gouvernement, cet article prévoit que, pour les consommateurs bénéficiant du tarif social d’électricité ou de gaz, la mise à disposition des données de comptage s’effectue au moyen d’un boîtier situé dans l’habitation. Ce boîtier met à leur disposition des données exprimées en euros.

Une telle installation permettra aux consommateurs en situation de précarité énergétique de suivre l’évolution de leur consommation en temps réel ainsi de pouvoir adapter leur comportement et de réduire le montant de leur facture.

*

* *

Elle examine ensuite l’amendement CS2366 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement CS2404 du président François Brottes.

M. le secrétaire d’État. Afin que les consommateurs puissent bénéficier d’une meilleure connaissance de leur consommation, les gestionnaires de réseau d’électricité et de gaz doivent mettre à leur disposition des données de consommation, et permettre à chacun de construire son propre système d’alerte lié aux évolutions de sa consommation. Ce système permettrait à chaque consommateur de se fixer des objectifs de consommation et d’être alerté en cas de risque de dépassement. Ces services ne doivent pas donner lieu à facturation.

Je précise, compte tenu des amendements qui suivent, que la généralisation des dispositifs d’affichage en temps réel aurait un coût très élevé
– 500 millions d’euros –, qui se répercuterait sur la facture du consommateur. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose un dispositif qui répond au même objectif sans imposer l’affichage en temps réel.

M. le président François Brottes. Chacun reconnaît que, pour être un conducteur averti, il faut disposer à la fois d’un compteur de vitesse et d’un indicateur du niveau de carburant. C’est la vérification de ces deux données en temps réel qui permet au conducteur d’adapter son comportement. De même, si le consommateur dispose d’une compréhension en temps réel de son comportement énergétique, il l’ajustera pour éviter tout dérapage. De surcroît, les indications seront mieux comprises si la consommation est exprimée en euros plutôt qu’en kilowattheures.

Le sous-amendement CS2404 prévoit l’installation d’un dispositif de comptage dans l’habitation pour les consommateurs qui bénéficient du tarif social d’électricité : il convient, en effet, de les accompagner dans la compréhension de leur facture d’énergie. Peut-être le dispositif devra-t-il être financé sur la CSPE et amorti en cinq ans : les industriels évaluent un boîtier de comptage déporté entre 50 et 100 euros.

M. le secrétaire d’État. Loin d’être défavorable à votre sous-amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.

Mme la rapporteure. J’avais rédigé, dans les mêmes termes que votre sous-amendement, monsieur le président, un amendement qui devait être examiné juste après celui du Gouvernement. Je propose de le retirer au profit de votre sous-amendement, auquel je suis favorable.

M. Jean-Paul Chanteguet. Le sous-amendement du président Brottes est intéressant puisqu’il permettra aux personnes en situation de précarité énergétique de connaître exactement leur consommation, qu’il s’agisse de gaz ou d’électricité. Je ne comprends pas, en revanche, qu’on ne généralise pas cette disposition.

J’entends bien la raison avancée de son coût, estimé à quelque 500 millions d’euros. Permettez-moi de rappeler qu’ERDF a versé, en 2013, 800 millions d’euros de dividendes à EDF. La mise en place des comptes déportés ne pose donc aucun problème financier. Ce qui manque, c’est la volonté politique de permettre à tous les ménages de connaître leur consommation exacte en euros et en kilowattheures.

Je ne suis pas favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. Bertrand Pancher. Quelle est la différence entre un compteur déporté et un compteur classique ?

S’il n’est pas possible de généraliser la pose de ces boîtiers pour une question de coût, sont-ils toutefois accessibles à tous les consommateurs moyennant facturation ?

Mme Frédérique Massat. J’avais rédigé deux amendements, dont un de repli, qui visaient à permettre à tous les foyers de connaître en temps réel leur consommation.

Je rappelle que les associations de consommateurs et le médiateur de l’énergie se sont déclarés favorables à ce dispositif au cours de leurs auditions.

Aujourd’hui, le compteur intelligent sert principalement l’intérêt du fournisseur. Un de mes deux amendements prévoyait que les fournisseurs d’électricité puissent se faire agréer ces dispositifs dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (CEE), ce qui devait les inciter à développer et à améliorer en permanence les interfaces permettant d’économiser l’électricité ainsi que les services d’accompagnement correspondants.

Les compteurs Linky devront bien finir par devenir un outil efficace également pour le consommateur.

M. Julien Aubert. Je tiens tout d’abord à combattre l’idée reçue selon laquelle Linky servirait uniquement l’intérêt du fournisseur : jusqu’à preuve du contraire, Linky est un compteur intelligent qui est également fait pour fournir des services aux consommateurs.

Par ailleurs, il n’est pas certain qu’avoir la possibilité de connaître en temps réel le coût de sa consommation soit très efficace. Les factures nous permettent déjà aujourd’hui de connaître notre consommation et Linky nous donnera un peu plus d’informations. Si un conducteur a intérêt à connaître en temps réel sa vitesse, c’est en raison de la présence de radars. Il doit connaître également son niveau d’essence pour ne pas tomber en panne. En revanche, quel intérêt y a-t-il à connaître en temps réel la consommation de son poste de télévision ou de sa machine à laver ?

Quant au coût de la mesure, monsieur Chanteguet, vous savez aussi bien que moi qu’EDF verse à son tour ses dividendes à l’État. Le déploiement de ce dispositif affectera les comptes d’EDF et, pour finir, ceux de l’État, surtout si son coût a été initialement mal évalué.

Enfin, centrer le dispositif sur les consommateurs en situation de précarité énergétique ne me semble pas pertinent au plan économique : puisqu’ils reçoivent des aides pour payer leur énergie, ont-ils vraiment intérêt à tempérer leur consommation ? D’autant que, comme vous l’avez vous-même rappelé précédemment, monsieur le président, les études révèlent que ceux qui habitent des passoires énergétiques n’appartiennent pas tant aux classes les plus pauvres qu’aux classes moyennes, voire très favorisées. Ce n’est donc pas en ciblant les consommateurs qui bénéficient du tarif social d’électricité que le dispositif aura le plus fort impact. Il serait préférable de viser ceux des consommateurs qui ont le plus intérêt à disposer de cette information pour changer leur comportement, c’est-à-dire ceux qui payent de leur poche.

M. Joël Giraud. Si le groupe RRDP est favorable aux compteurs déportés, il ne saurait voter un sous-amendement qui ne cible que les consommateurs pauvres, ce qui est stigmatisant. C’est pourquoi nous sommes favorables à la généralisation du dispositif.

M. Denis Baupin. M. Aubert a rappelé qu’un prix peu élevé invite à la surconsommation : c’est exactement ce que nous soulignons depuis longtemps déjà à propos de l’électricité. À force de répéter que son coût est peu élevé, on a équipé le pays en chauffages électriques, ce qui a augmenté le nombre des précaires énergétiques.

Ayant défendu un amendement à l’article 1er qui visait à donner aux consommateurs les moyens de maîtriser leur consommation, je suis très favorable au sous-amendement du président, regrettant seulement, comme M. Giraud, que le dispositif ne concerne pas tous les consommateurs.

Je tiens toutefois à rappeler que, lors de leur audition, les représentants d’ERDF, répondant à une question que je leur avais posée, nous ont indiqué que l’information ne serait donnée au consommateur par le compteur Linky qu’une fois par jour : c’est très loin du temps réel ! D’ailleurs, le sous-amendement ne précise pas que l’information sera donnée en temps réel. Il serait important qu’il le fasse, car une information fournie une seule fois par jour serait insuffisante.

De plus, le dispositif ne devra pas donner lieu à facturation puisque, de toute façon, c’est le consommateur qui finira par payer Linky. Il faut éviter toute discrimination entre les usagers.

M. Martial Saddier. J’ai du mal à comprendre la cohérence de la position du Gouvernement : alors, monsieur le ministre, que vous avez donné un avis défavorable à tous les amendements visant à généraliser l’installation de compteurs individuels, vous venez de développer strictement les mêmes arguments que ceux qui les défendaient !

Outre que le dispositif que vous proposez ne s’applique pas à tous les ménages, je ne vois pas comment il pourrait être efficace dans les immeubles collectifs.

Par ailleurs, je me demande comment vous pouvez affirmer, la main sur le cœur, que ces services ne devront pas donner lieu à facturation. Sachant que rien n’est gratuit en ce bas monde, à un moment ou à un autre, quelqu’un devra payer. Ce sera bien sûr l’opérateur, qui ne manquera pas de répercuter ce nouveau coût sur le prix de l’énergie, renchérissant ainsi la facture énergétique acquittée par nos concitoyens.

M. Jacques Krabal. Je sens la possibilité d’un consensus sur un dispositif délivrant des données en temps réel à tous les abonnés. Personne n’est dupe : ce sont les consommateurs qui paieront in fine. Au moins ce dispositif permettra-t-il une sensibilisation par le portefeuille, qui partout a montré son efficacité.

Nous pouvons tous nous mettre d’accord, alors votons ! Le seul qui pourrait ne pas être d’accord, c’est ERDF. Mais est-ce grave ?

M. le président François Brottes. Mon vœu serait, bien évidemment, que le système d’alerte puisse bénéficier à tout le monde mais, pour l’heure, les contraintes industrielles et les difficultés financières nous contraignent à limiter l’échantillon.

Tous les compteurs ont la capacité de fournir des données en temps réel aux consommateurs, mais comme ils sont la plupart du temps situés à l’extérieur du domicile, il est nécessaire d’installer dans l’habitation une interface de lecture. Or l’appel d’offres lancé pour la fabrication des premiers compteurs Linky n’intègre pas la livraison de cet équipement. Il paraît difficile de revenir massivement sur ces commandes.

Je précise que, dans son amendement, le Gouvernement ouvre à tout le monde la possibilité de contrôler sa consommation sur des écrans déportés existants, ce qui, de mon point de vue, n’implique pas de surcoûts. Mon sous-amendement prévoit, de manière complémentaire, d’exprimer les données en euros pour rendre leur compréhension plus pédagogique.

Si j’ai proposé de réserver ce système à un public ciblé, c’est aussi en raison d’une possibilité de financement qui n’existerait pas en cas de généralisation. Les personnes en situation de précarité énergétique bénéficient d’un soutien financier spécifique. À cet égard, je précise à M. Aubert que la tarification spéciale n’est pas synonyme de gratuité. Ces consommateurs paient bel et bien leur électricité, et il est particulièrement intéressant pour eux de savoir où ils en sont de leur consommation, car ils sont parfois obligés de couper leur chauffage au beau milieu du mois pour boucler leur budget. Ce n’est pas parce qu’ils paient moins qu’ils n’ont pas à être responsabilisés. Ils n’ont pas vocation à rester éternellement en situation de précarité.

Enfin, j’aimerais vous livrer la position du régulateur sur ce sujet : il estime qu’il revient au marché de gérer ce système, autrement dit qu’il appartient à des opérateurs spécifiques de fournir aux clients une offre payante. À quoi le Gouvernement répond avec son amendement qui, de même que mon sous-amendement, repose sur la volonté de responsabiliser davantage le consommateur. Mais nous partons de loin, car ce dernier a été pendant très longtemps négligé.

M. le secrétaire d’État. Votre argumentation est tout à fait pertinente, monsieur le président, et je n’ai pas grand-chose à y ajouter. S’il doit y avoir une cible à privilégier, ce sont bien sûr les consommateurs en situation de précarité, pour lesquels les informations sur la consommation, à l’euro près, sont de première importance. Cela n’exclut pas une montée en charge progressive du dispositif qui aboutira à une généralisation.

Par ailleurs, si, dans l’exposé sommaire de notre amendement, nous avons tenu à préciser que « ces services ne doivent pas donner lieu à facturation », c’est pour éviter toute tentative de marchandiser ces équipements.

M. Joël Giraud. En Grande-Bretagne, le dispositif de compteur individuel déporté est obligatoire. EDF répond aux appels d’offres qui s’y rapportent. Pourquoi cela lui serait-il impossible en France ?

Mme Cécile Duflot. Je soutiens pleinement les dispositifs de suivi en temps réel de la consommation, et pour tous les consommateurs. Pour l’essence, les études ont démontré que de semblables dispositifs avaient un impact direct sur la vitesse des conducteurs : ils ralentissent dès qu’ils constatent que leur consommation monte trop. Pour l’électricité, ces systèmes permettront à tous les consommateurs de réduire leur consommation, alors que, pendant des années, ils ont été encouragés dans notre pays à gaspiller l’énergie. Pour sortir de ses habitudes, il importe de pouvoir en voir les conséquences. Dans les années 80, en Pologne, certaines familles laissaient leur gazinière allumée car le gaz était gratuit mais le prix des allumettes très élevé. Cela semble choquant mais ce n’est pas autrement que nous nous conduisons tous les jours avec l’électricité à notre domicile.

M. Philippe Plisson. La généralisation est une excellente proposition mais je comprends les obstacles financiers auxquels elle se heurte. Ne serait-il pas possible de rectifier la rédaction du sous-amendement en indiquant qu’il est prévu une généralisation du dispositif à l’ensemble de la population ?

M. Denis Baupin. Quant à moi, je proposerai de sous-amender l’amendement CS2366 en insérant, après les mots « mise à disposition » aux troisième et sixième alinéas, les mots « en temps réel ».

M. Julien Aubert. Monsieur le président, vous avez indiqué que Linky ne correspondait pas aux besoins. Nous devrions garder cela à l’esprit alors que ce projet de loi prévoit des généralisations massives de certains équipements, comme les 7 millions de bornes électriques.

Deuxièmement, je trouve un peu piquant que la liaison entre compteurs situés à l’extérieur et interfaces situées à l’intérieur repose sur des ondes radioélectriques, alors que les écologistes ont déposé de multiples textes pour appeler l’attention sur leur nocivité.

Troisièmement, ce qui me choque profondément, c’est que personne ne prenne en compte le coût de ce service, dont je ne nie pas les bénéfices. Aucune étude sérieuse n’a été réalisée pour l’estimer. Vous débattez de la question de savoir s’il faut l’appliquer à une portion réduite de la population ou le généraliser sans prendre en considération l’incidence financière, qui varie du simple au quintuple. Qui plus est, considérant que Linky ne répond pas à des besoins que vous avez identifiés entre-temps, vous envisagez une deuxième vague de déploiement d’un nouvel appareil, ce qui aura encore un coût.

Quatrièmement, vous ne prenez pas en compte l’existence des smart grids qui permettent, depuis un smartphone, de gérer sa consommation d’électricité. Vous prévoyez de développer des dispositifs dont le coût s’élève à des millions d’euros alors qu’une application à moins de deux euros atteint le même objectif.

Cinquièmement, la démarche est confuse quant à son objectif. Il me semble que la première des questions qui se pose à nous est de savoir comment parvenir à réduire le plus possible la facture énergétique de la France. Or vous donnez une dimension sociale à cet enjeu en réservant le système d’alerte aux bénéficiaires de la tarification spéciale. Il faut choisir : veut-on se donner les moyens de maîtriser l’énergie en évitant les gaspillages par des économies généralisées ou aider les publics en difficulté ?

M. Bernard Pancher. Je tiens à féliciter François Brottes pour son sous-amendement. Le dispositif qui vise à responsabiliser les usagers en difficulté en mettant à leur disposition des systèmes de contrôle sera complexe à mettre en œuvre, mais il permettra à chacun de prendre la mesure de ses efforts, comme cela a été le cas avec les redevances incitatives mises en œuvre par les collectivités dans le cadre de leur politique de gestion des déchets.

La seule critique que je peux adresser à ce dispositif, c’est que son financement repose sur la CSPE alors que la barque est déjà bien chargée. Je conseille à François Brottes de surveiller très attentivement ses conditions d’application, car nous avons vu trop de bonnes idées ne jamais être mises en œuvre.

M. Jean-Paul Chanteguet. J’aurai une première question pour M. le secrétaire d’État : quelle serait la périodicité de la mise à disposition des données ?

Par ailleurs, je comprends mal la proposition de M. Brottes de réserver ce système d’alerte aux bénéficiaires de tarifs sociaux, car ces tarifs sont appelés à être remplacés par le chèque énergie dans le présent projet de loi.

Enfin, j’aimerais avoir des précisions sur le financement par la CSPE et sur le processus industriel de fabrication.

M. le président François Brottes. Si le tarif social a vocation à être remplacé par le chèque énergie, il s’agit toujours d’un tarif spécial destiné aux personnes en situation de précarité. L’exposé sommaire de mon sous-amendement se rapporte au système existant actuellement mais les dispositions envisagées pourront s’appliquer une fois les changements intervenus. Elles devront simplement être ajustées selon qu’il y aura un système mixte ou un basculement direct.

S’agissant du processus industriel, vous avez bien compris que la fabrication étant engagée, nous ne pouvons qu’agir sur une cible restreinte, choix qui se justifie aussi par la possibilité de mettre à profit sur plusieurs années un financement existant sans peser sur les finances de l’opérateur, ce qui ne serait pas possible si le système était généralisé.

Nous travaillons à la mise en place du dispositif avec les industriels et pas avec les opérateurs, qui ne jouent pas un rôle moteur en ce domaine car ils n’ont pas envie de sortir du schéma dans lequel ils se trouvent. C’est bien pour cela qu’il nous appartient, en tant que législateurs, de faire des propositions plus audacieuses.

L’électricité et le gaz, monsieur Pancher, sont des biens de première nécessité, qui relèvent d’une mission de service public dont personne ne doit être exclu. Ils ne sauraient se confondre avec une marchandise, ce qui implique une approche très spécifique.

Je veux vous rassurer, monsieur Aubert : les données en question sont transmises par des courants porteurs en ligne et non par des ondes radioélectriques.

M. Baupin propose de préciser que les données sont transmises en temps réel. La rédaction actuelle ne l’interdit pas même si elle ne l’indique pas expressément. Une expertise est nécessaire avant de la modifier en ce sens. Je vous propose donc de réserver ce type d’amendement pour la séance afin de nous laisser un peu de temps.

Enfin, j’adhère à la rectification proposée par M. Plisson qui tend à ajouter : « Le dispositif prioritairement destiné aux personnes en situation de précarité énergétique sera progressivement proposé à l’ensemble des utilisateurs ». Cela permet d’ouvrir une perspective de généralisation après qu’une première étape, d’expérimentation en quelque sorte, aura été franchie, qui aura permis de s’assurer de la solidité du dispositif des points de vue social, technique et financier ; une première étape nécessaire, sachant que les choses ne sont pas gagnées d’avance.

M. le secrétaire d’État. La périodicité de la mise à disposition des informations sera d’au minimum une fois par jour, monsieur Chanteguet. 

S’agissant de la situation au Royaume-Uni, monsieur Giraud, les services ministériels doivent se livrer à une expertise contradictoire. Il semblerait que les Britanniques reviennent sur cette politique et il sera extrêmement intéressant de savoir pourquoi.

Quant à la rectification proposée par M. Plisson, le Gouvernement préférerait, pour des raisons juridiques et financières sur lesquelles je ne m’appesantirai pas, une formulation aux termes de laquelle « le dispositif ... sera progressivement proposé » et non pas « étendu ». Le terme « proposé » implique que l’extension ne se fera pas dans les mêmes conditions pour l’ensemble de la population, notamment pour ce qui est de la gratuité. Si c’est bien cette rédaction qui est retenue, alors le Gouvernement s’en remettra à votre sagesse.

M. Julien Aubert. Revenons sur les chiffres. La cible retenue par M. le président couvre 4 millions de foyers. Sachant que le coût d’installation des compteurs oscille entre 50 et 100 euros, cela porte le coût total à 200 millions d’euros au minimum.

M. le président François Brottes. La CSPE, qui finance la tarification sociale et demain le chèque énergie, pourra venir soutenir ce dispositif en étalant la charge financière sur plusieurs années.

M. Julien Aubert. Oui, mais qu’en est-il du coût total ? Pour les énergies renouvelables, la charge a beau être étalée, 80 milliards restent à financer. Il est indispensable de connaître l’ampleur financière de cette mesure, qui n’a rien d’une mesurette. Cela ne coûtera rien à l’opérateur, avez-vous dit, monsieur le président, mais, à un moment donné, il faudra bien que quelqu’un paie.

La CSPE, dont une partie est destinée à soutenir des dispositifs sociaux, est déjà bien mise à contribution. Avec le dispositif que vous proposez, cette part croîtra encore. Ce n’est pas une critique, c’est un constat.

Enfin, pour que chacun ait bien conscience de l’enjeu financier avant de voter, êtes-vous bien d’accord pour estimer le coût de cette mesure entre 200 et 400 millions d’euros, soit l’équivalent du budget du conseil général du Maine-et-Loire ou de l’État du Vatican ?

M. le président François Brottes. Nous voulons aider ceux qui sont en situation de précarité à en sortir. La responsabilisation constitue l’un des éléments de l’effort entrepris ; ce n’est pas le seul. N’ayons pas une approche statique !

Je ne saurais vous donner exactement le coût unitaire du boîtier, mais il n’y a rien à inventer : l’information qu’il devra afficher est déjà dans le compteur, et nous disposons des savoir-faire nécessaires. Pour réduire les coûts de fabrication, il faut seulement que nous passions au stade de l’industrialisation. Le plus cher dans cette affaire, c’est le coût de l’installation des boîtiers. Peut-être les intervenants qui effectuent des actions d’accompagnement au domicile des précaires pourraient-ils s’en charger ? Cette tâche ne reviendrait pas nécessairement à ERDF.

M. Julien Aubert. Hormis votre certitude que ces boîtiers feront baisser la facture des consommateurs, nous ne disposons d’aucun élément qui puisse nous en persuader –aucune expérimentation, aucune étude d’impact pour une mesure coûtant la bagatelle de 400 millions d’euros ! Votre objectif est louable, mais je ne pourrai pas me prononcer en faveur de votre sous-amendement.

La Commission adopte le sous-amendement CS2404 rectifié puis l’amendement CS2366 ainsi sous-amendé.

Après l’article 7

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS203 de M. Charles de Courson, CS412 de M. Patrick Hetzel et CS788 de M. Julien Aubert, et l’amendement CS1625 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Il est parfois nécessaire, pour atteindre les objectifs fixés, de donner un petit coup de bâton. Alors que les dispositifs de comptage de la consommation individuelle équipent près de 90 % du parc immobilier en Europe parce que la mesure y est contraignante, ils équipent seulement 10 % du parc français parce que notre législation ne prévoit aucune sanction.

L’objet de l’amendement CS1625 est de pénaliser non pas le locataire mais le bailleur.

M. le secrétaire d’État. L’individualisation obligatoire des frais de chauffage, dont les modalités, les impossibilités techniques et la définition des seuils de rentabilité économique sont définies par le décret du 23 avril 2012 et l’arrêté du 27 août 2012, est soumise au vote de l’assemblée des copropriétaires pour adopter les conditions de sa mise en œuvre. Un propriétaire bailleur d’un immeuble collectif ne maîtrise donc pas nécessairement la mise en conformité de la copropriété avec l’obligation d’individualisation des frais de chauffage.

Par ailleurs, un locataire ne peut dénoncer la non-conformité de son logement au motif de l’absence de dispositif d’individualisation, puisqu’il existe des cas où une telle absence est justifiée. Il ne connaît pas non plus la quote-part des charges allouée au chauffage. Ces dispositifs paraissent donc inopérants au Gouvernement.

C’est pourquoi il souhaite le retrait de tous ces amendements, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

Mme la rapporteure. Ces amendements autorisent en quelque sorte à se faire justice soi-même. Avis défavorable.

M. le président François Brottes. Le propriétaire, le fournisseur d’énergie et le locataire constituent trois entités : ce dispositif risquerait de punir celle qui n’est pas coupable.

M. Julien Aubert. L’amendement CS788 est un amendement d’appel qui dénonce le fait que comme, jusqu’à présent, personne ne prend ses responsabilités, c’est le locataire qui se trouve finalement pénalisé. Peut-être est-il mal rédigé ou pose-t-il des problèmes juridiques : il n’en ouvre pas moins un vrai débat, d’autant qu’aucune date n’a été fixée pour le déploiement des compteurs répartiteurs.

Je maintiens mon amendement.

M. Joël Giraud. Quel dispositif prévoir pour éviter au locataire d’être, in fine, sanctionné de fait ? Le débat doit être ouvert et une solution trouvée.

Je maintiens, moi aussi, mon amendement.

M. le président François Brottes. D’autres textes avaient donné le droit au locataire de réviser le bail si le propriétaire n’assumait pas ses responsabilités. Ce n’est pas ici exactement le cas.

Successivement, la Commission rejette les amendements identiques CS203, CS412 et CS788, et l’amendement CS1625.

Les amendements CS1942 de la rapporteure et CS973 de Mme Frédérique Massat, ainsi que les amendements identiques CS715 de Mme Frédérique Massat et CS1632 de M. Jacques Krabal, et l’amendement CS758 de M. Jean-Luc Bleunven sont retirés.

Article 8
(articles L. 221-1, L. 221-6 à L. 221-10, L. 221-12, L. 222-1, L. 222-2, L. 222-7 et L. 222-9 du code de l’énergie)

Amélioration du dispositif des certificats d’économie d’énergie

Créés par la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005, dite « loi POPE », les certificats d’économies d’énergie (CEE) incitent les fournisseurs d’énergie, dits « obligés », à promouvoir l’efficacité énergétique auprès de leurs clients en leur imposant une obligation triennale de réalisation d’économies d’énergie, calculée en fonction de leur poids dans les ventes d’énergie et chiffrée en kWh cumac d’énergie finale.

Afin de remplir leurs obligations, les obligés ont le choix des actions qu’ils souhaitent mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité (résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, transport) et auprès des différents types de clients (ménages, entreprises, collectivités territoriales). Trois types d’actions peuvent donner lieu à certificats : la réalisation d’opérations relevant d’un catalogue d’opérations standardisées répertoriées sous forme de fiches dont la liste est fixée par arrêté ; la valorisation d’opérations spécifiques correspondant à des opérations plus complexes ou non génériques ; le financement de programmes correspondant à des actions organisées de maîtrise de l’énergie. Les obligés peuvent également acheter leurs certificats auprès d’autres acteurs appelés, pour cette raison, « éligibles ».

Les certificats obtenus par chacun sont enregistrés sur un registre (EMMY) géré par un prestataire extérieur. En fin de période triennale et en cas de non-respect de leurs obligations, les obligés doivent verser une pénalité libératoire de 2 centimes d’euro par kWh cumac manquant.

Modifiant les deux premiers chapitres du titre II du livre II du code de l’énergie, l’article 8 du projet de loi vise à améliorer le cadre juridique applicable au mécanisme des CEE.

1.  L’état du droit

Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’énergie regroupe les principales dispositions régissant l’organisation du dispositif des certificats d’économies d’énergie.

 L’article L. 221-1 définit la catégorie des « obligés » : il soumet, dans la limite de certains seuils de vente, un ensemble d’opérateurs du marché de l’énergie (personnes qui mettent à la consommation des carburants automobiles et personnes qui vendent de l’électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals) à une obligation d’économie d’énergie, dont ces opérateurs peuvent se libérer soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d’énergie, soit en acquérant des certificats d’économies d’énergie.

 L’article L. 221-6 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions d’application des articles L. 221-1 à L. 221-5, en particulier les seuils de vente mentionnés à l’article L. 221-1 et les conditions et modalités de fixation des obligations d’économies d’énergie, en fonction du type d’énergie considéré, des catégories de clients et du volume de l’activité.

 L’article L. 221-7 constitue le fondement législatif de la catégorie des « éligibles » : les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux, les sociétés d’économie mixte (SEM) exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux, les SEM dont l’objet est l’efficacité énergétique et qui proposent le tiers-financement ainsi que l’Agence nationale de l’habitat peuvent ainsi obtenir, sur leur demande, des certificats d’économies d’énergie pour celles de leurs actions qui, additionnelles par rapport à leur activité habituelle, permettent la réalisation d’économies d’énergie d’un volume supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie.

Il est par ailleurs prévu que la contribution à des programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés ou à des programmes d’information, de formation et d’innovation en faveur de la maîtrise de la demande énergétique – notamment, en faveur du développement de la mobilité durable et des véhicules à faibles émissions de dioxyde de carbone – puisse donner lieu à la délivrance de certificats d’économies d’énergie. La liste des programmes éligibles et les conditions de délivrance des certificats d’économies d’énergie sont définies par un arrêté du ministre chargé de l’énergie.

 L’article L. 221-8 donne un contenu juridique précis au concept de « certificats d’économies d’énergie », définis comme des biens meubles négociables, dont l’unité de compte est le kilowattheure d’énergie finale économisé. Ils peuvent être détenus, acquis ou cédés par toute personne visée à l’article L. 221-1 ou par toute autre personne morale. Le nombre d’unités de compte est fonction des caractéristiques des biens, équipements, services, processus ou procédés utilisés pour réaliser les économies d’énergie et ce montant peut en outre être pondéré en fonction des bénéficiaires des économies d’énergie, de la nature des actions réalisées et de la situation énergétique de la zone géographique où les économies sont réalisées.

 L’article L. 221-9 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les conditions d’application des articles L. 221-7 et L. 221-8, les critères d’additionnalité des actions, certaines dates de référence et la durée de validité des certificats d’économies d’énergie, qui ne peut être inférieure à cinq ans.

 L’article L. 221-10 précise que les certificats d’économies d’énergie sont exclusivement matérialisés par leur inscription au registre national des certificats d’économies d’énergie, accessible au public et destiné à tenir la comptabilité des certificats obtenus, acquis ou restitués à l’État. Toute personne visée à l’article L. 221-1 ou toute autre personne morale peut ouvrir un compte dans le registre national, dont la tenue peut être déléguée à une personne morale désignée par l’État.

Le chapitre II du titre II précité traite, quant à lui, des sanctions administratives et pénales encourues en cas de manquement aux obligations prévues au chapitre premier.

— L’article L. 222-1 pose le principe selon lequel le ministre chargé de l’énergie peut sanctionner les manquements qu’il constate, de la part des personnes mentionnées à l’article L. 221-1, aux dispositions des articles L. 221-1 à L. 221-5 ou aux dispositions réglementaires prises pour leur application.

— L’article L. 222-2 organise la procédure de sanction en cas d’infraction. Dans cette hypothèse, le ministre met l’intéressé en demeure de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions dont le non-respect peut être sanctionné conformément à l’article L. 222-1 et peut rendre publique cette mise en demeure.

Lorsque l’intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre peut prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l’intéressé, à l’ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.

— L’article L. 222-7 règle le régime des sanctions encourues en cas de manquement aux dispositions réglementaires concernant l’archivage et la mise à disposition des informations et pièces justificatives conservées après la délivrance des certificats d’économies d’énergie.

— L’article L. 222-9 habilite les fonctionnaires et agents des services de l’État chargés de l’industrie mentionnés à l’article L. 172-1 du code de l’environnement à rechercher et à constater l’infraction prévue à l’article L. 222-8 du code de l’énergie, c’est-à-dire le fait de se faire délivrer indûment, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un certificat d’économies d’énergie.

Une telle infraction est punie des peines prévues aux articles 441-6 et 441-10 du code pénal – soit deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, éventuellement assortis de peines complémentaires comme l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou l’exclusion des marchés publics.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

L’article 8 du projet de loi réécrit plusieurs articles des chapitres Ier et II du titre II du livre II du code de l’énergie, afin d’en accroître la lisibilité et la cohérence tout en conservant l’économie générale du dispositif et en introduisant une série d’améliorations.

 Le paragraphe I (alinéas 1er à 36) modifie la plupart des articles constituant le chapitre Ier précité :

– le dernier alinéa de l’article L. 221-1 est abrogé ;

– les articles L. 221-6 et L. 221-9 sont abrogés, mais leurs dispositions se trouvent reprises, de manière presque identique, à l’article L. 221-12 nouveau ;

– dans un souci de clarté et de lisibilité, la rédaction de l’article L. 221-7 est entièrement refondue, afin notamment de rendre plus apparente la liste des catégories éligibles.

La réorganisation interne de l’article L. 221-7 est complétée par des modifications rédactionnelles plus substantielles. À l’alinéa 9, le terme « collectivité publique », figurant dans la rédaction actuelle, est remplacé par la mention des « collectivités territoriales, groupements de collectivités territoriales et de leurs établissements publics », ce qui ouvre explicitement la voie à l’éligibilité des intercommunalités et des EPCI. La possibilité d’obtenir des certificats est étendue aux sociétés publiques locales qui proposent un service de tiers-financement (alinéa 10). La valorisation, sous forme de certificats, de la contribution à des programmes de logistique et de mobilité économes en énergies fossile est rendue possible (alinéa 19). Enfin, l’installation d’équipements de production de chaleur, permettant le remplacement d’une source d’énergie non renouvelable par une source d’énergie de récupération, pourra désormais donner lieu à la délivrance de certificats selon des modalités de calcul spécifiques (alinéa 21) ;

– la modification à l’article L. 221-8 constitue une amélioration d’ordre rédactionnel ;

– la nouvelle rédaction de l’article L. 221-10 vise notamment à permettre à tous les éligibles d’ouvrir un compte au registre national des certificats d’économies d’énergie ;

– l’article L. 221-12 nouveau permet de regrouper dans un article unique l’ensemble des renvois réglementaires, aujourd’hui dispersés dans les différents articles constituant le chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’énergie

 Le paragraphe II (alinéas 37 à 49) modifie quatre articles du chapitre II du titre II précité du code de l’énergie :

– outre une amélioration rédactionnelle, la nouvelle rédaction de l’article L. 222-1 aboutit à étendre le pouvoir de sanction du ministre aux obligés et aux éligibles, au regard de l’ensemble des dispositions du chapitre Ier du titre Ier ;

– les modifications apportées au deuxième alinéa de l’article L. 222-2 visent principalement à en améliorer la rédaction et à étendre la liste des sanctions susceptibles d’être prononcées par le ministre chargé de l’énergie en cas de manquement à ses obligations d’un obligé ou d’un éligible.

Si le principe de la sanction pécuniaire est maintenu, le respect d’un double plafonnement est désormais imposé : le montant de cette sanction ne devra en effet ni excéder deux fois la pénalité prévue à l’article L. 221-4 par kilowattheure d’énergie finale concerné par le manquement, ni pouvoir excéder 2 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos (portés à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation).

Par ailleurs, la liste des sanctions susceptibles d’être infligées est enrichie, au-delà du mécanisme existant de la sanction pécuniaire. Confronté à un manquement, le ministre chargé de l’énergie se voit ainsi reconnaître la possibilité de priver le contrevenant de la possibilité d’obtenir des certificats d’économies d’énergie selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article L. 221-7, d’annuler des certificats d’économies d’énergie de l’intéressé pour un volume égal à celui concerné par le manquement ou encore de suspendre ou rejeter les demandes de certificats d’économies d’énergie faites par l’intéressé ;

– l’article L. 222-7 est abrogé ;

– les modifications apportées à la rédaction de l’article L. 222-9 sont de cohérence.

3.  La position de votre co-rapporteure

Outils mixtes associant une obligation réglementaire – un objectif est fixé par les pouvoirs publics par période triennale – et le jeu du marché – les obligés sont libres de choisir la forme de leurs actions pour remplir leurs obligations –, les certificats d’économies d’énergie ont fait la preuve de leur efficacité au cours des années récentes. (11)

Dans le prolongement des recommandations présentées par la Cour des comptes dans le cadre de son récent rapport thématique sur ce sujet (octobre 2013), le Gouvernement a d’ores et déjà décidé de simplifier le dispositif (mise en place d’un processus déclaratif de demande des certificats d’économies d’énergie, couplé à un contrôle a posteriori), d’en accroître la transparence (création d’un comité de pilotage chargé d’assurer un dialogue permanent avec les parties prenantes) et de favoriser les actions complémentaires nécessaires à la montée en puissance des actions de rénovation énergétique, en nombre et en qualité.

Votre co-rapporteure soutient, quant à elle, sans réserve un ensemble de dispositions visant à mieux assurer le fondement législatif de ce dispositif, dans la perspective d’une montée en puissance souhaitable.

Votre co-rapporteure a également souhaité inscrire dans la loi le principe d’une 4e période de certificats d’économie d’énergie. Il apparaît en effet opportun que cet outil, qui a d’ores et déjà permis à trois cent mille ménages d’effectuer des travaux de rénovation énergétique – notamment, grâce au soutien financier du programme « Habiter mieux » de l’ANAH – voie son existence et sa reconduction mieux assurées.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1973 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement vise à affecter une part des certificats d’économies d’énergie au programme Habiter mieux conduit par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

M. le secrétaire d’État. La fixation d’un quota de CEE prenant en compte la précarité énergétique n’est pas opportune. Deux voies avaient été envisagées pour amplifier la contribution du dispositif dans la lutte engagée sur ce terrain : la fixation d’un sous-objectif tourné vers les ménages les moins favorisés, comme le propose l’amendement, ou une bonification des actions en leur faveur. Cette dernière solution a été privilégiée et elle a porté ses fruits, comme le montre le succès du programme Habiter mieux.

Le Gouvernement invite donc au retrait de l’amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Ce programme a tellement bien fonctionné qu’il manque aujourd’hui de fonds. Afin qu’il bénéficie de certaines garanties, je maintiens mon amendement.

M. Julien Aubert. Je constate que nous affectons au moins pour la troisième fois des produits de certificats d’économies d’énergie à des actions diverses : peut-être devrions-nous avoir une réflexion d’ensemble pour mesurer l’ampleur des prélèvements sur une ressource non illimitée.

M. Jean-Paul Chanteguet. Quel montant les CEE représentent-ils ?

M. le secrétaire d’État. Le chiffre serait de 2,5 milliards d’euros sur trois ans.

M. Bertrand Pancher. Un stock important de CEE reste inutilisé, et rien ne garantit que la troisième période triennale d’obligation de réalisation d’économies sera bien engagée à partir de janvier prochain. La ministre ne s’est pas prononcée sur le niveau des obligations, le prix des CEE est en baisse continue, si bien que je me demande si nous aurons les moyens de mettre en œuvre les politiques prévues.

M. le secrétaire d’État. Mme la ministre de l’écologie n’ayant pas arbitré à ce jour, l’objectif d’économies d’énergie de la troisième période reste fixé annuellement à 220 térawattheures d’énergie finale cumulée et actualisée sur la durée de vie du produit (cumac), ce qui représente un total de 660 térawattheures cumac pour la période.

M. Bertrand Pancher. Mes craintes se confirment : nous ne pourrons pas mobiliser les CEE dans la mesure de nos besoins. Les sociétés de service en économies d’énergie, en plein essor, incitent les producteurs, en particulier EDF, à recycler les CEE dans des opérations spécifiques adressées aux collectivités, ce qui est très controversé. Nous ne cessons d’afficher des objectifs financés par les CEE mais, comme nous ne voulons ni d’une écologie punitive ni faire d’efforts, nous ne nous donnons pas les moyens de les atteindre.

M. le président François Brottes. Il faudra remettre tout cela à plat. Ce serait un sujet pour une mission d’information.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS136 de M. Martial Saddier.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1488 de Mme Cécile Duflot et CS2018 de M. Joël Giraud ainsi que les amendements identiques CS657 de Mme Barbara Romagnan et CS1254 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1488 vise à affecter une part des économies d’énergie, déterminée par arrêté, au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.

M. Joël Giraud. L’amendement CS2018 tend à sécuriser le financement du programme Habiter mieux de l’ANAH, déjà insuffisant en 2014 et en péril à partir de 2015.

M. Philippe Plisson. Selon un rapport d’octobre 2013 de la Caisse des dépôts et consignations, seulement 3 % des CEE auraient été alloués à la lutte contre la précarité énergétique au cours de la seconde période d’ouverture. L’amendement CS657 vise à assurer un fléchage des fonds en direction des plus précaires.

M. le secrétaire d’État. J’ai déjà indiqué que le fléchage d’un quota de CEE vers la précarité énergétique n’est pas opportun aux yeux du Gouvernement. Pour amplifier la contribution du dispositif dans la lutte contre la précarité, c’est une bonification des actions en faveur des ménages les moins favorisés qui a été privilégiée. Le succès du programme Habiter mieux témoigne qu’elle a porté ses fruits.

Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ou, à défaut, leur rejet.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1488 soutenu par M. Baupin renvoie la fixation du quota au règlement, ce qui me semble préférable à son inscription dans la loi. Je le crédite donc d’un avis favorable et invite nos collègues à s’y rallier.

M. Bertrand Pancher. En s’opposant à tous ces amendements, le Gouvernement fait l’aveu que le dispositif actuel ne peut pas répondre à l’ensemble des demandes. Disons que cette position a le mérite de la cohérence !

Rien ne peut nous garantir que les actions additionnelles demandées par la loi aux fournisseurs d’énergies, les « obligés », dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique, n’entreront pas en concurrence avec des opérations en cours réalisées au bénéfice des ménages, des entreprises ou des collectivités territoriales. Je rappelle que nous disposons d’un stock de 230 térawattheures cumac, que la valeur des CEE a chuté, et que le secrétaire d’État vient d’annoncer que le niveau des obligations de la troisième période ne serait pas augmenté. Comment seront financées les actions nouvelles ?

M. le secrétaire d’État. J’ai dit qu’aucune décision n’avait été prise dans le sens d’une augmentation du niveau des obligations de la troisième période ; je n’ai pas dit que la décision avait été prise de ne pas faire évoluer ce niveau.

Par ailleurs, le dispositif des CEE est fondé sur une obligation de résultat en termes d’économies d’énergie, pas sur une obligation de moyens. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’introduction d’un fléchage car cela en modifierait la nature.

Les amendements CS2018, CS657 et CS1254 sont retirés

La Commission adopte l’amendement CS1488.

Elle en vient à l’amendement CS1489 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Les obligés ont, pour l’heure, la faculté de générer des CEE dans tous les domaines de l’énergie. Alors qu’un tiers des certificats proviennent des pétroliers, seulement 2 à 3 % sont utilisés dans le domaine de la mobilité, qui est pourtant celui où la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre doit être la plus importante. En finançant des CEE dans le bâtiment plutôt que dans la mobilité, les pétroliers s’évitent d’avoir à faire des efforts dans leur propre domaine, et donc d’avoir à réduire leurs propres marges. Cela ne correspond pas à l’esprit dans lequel ces certificats ont été conçus de réduction de la consommation de toutes les énergies. Pour lutter contre cet effet pervers, il est proposé que les obligés soient tenus de réaliser 50 % des CEE dans le domaine de l’énergie qu’ils produisent.

Cette proposition a recueilli une majorité de voix au Conseil supérieur de l’énergie, au sein duquel je siège au nom de l’Assemblée avec les producteurs, les syndicats, les collectivités territoriales et les consommateurs.

M. le secrétaire d’État. Le dispositif des certificats d’économies d’énergie est fondé sur l’obligation faite aux vendeurs d’énergie de faire réaliser des économies d’énergie à proportion de leurs ventes. L’objectif de la troisième période 2015-2017, de 600 térawattheures sur trois ans, est pratiquement le double de celui de la période précédente. Cela représente plus de 2,5 milliards d’euros. Le dispositif a été conçu dans une optique de résultats, les moyens d’atteindre les objectifs étant laissés au libre choix des obligés. Dans le domaine des transports, les économies sont en croissance avec, notamment, le développement du covoiturage sur les longues distances.

Sur la période 2015-2017, une part significative des programmes éligibles sera consacrée à la mobilité et à la logistique durable. Cette solution souple évitera d’introduire des rigidités dans le dispositif en instaurant des quotas. D’autres outils comme le bonus-malus permettent déjà de soutenir les progrès technologiques pour une mobilité sobre.

Vous avez précédemment adopté l’amendement CS1488 de Mme Cécile Duflot, qui opère un fléchage en faveur des ménages en situation de précarité énergétique. Je suggère que cela reste exceptionnel, et je vous invite à ne pas ouvrir plus la boîte de Pandore. Si le fléchage devient la règle, les demandes diverses afflueront, et la nature même du dispositif sera modifiée. Cela reviendrait à introduire des rigidités qui ne pourraient qu’être contre-productives. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Comme l’a souligné le secrétaire d’État, un fléchage exceptionnel est possible. À l’amendement précédent, nous l’avons prévu vers l’habitat et la lutte contre la précarité énergétique.

M. Jean-Paul Chanteguet. Une partie des certificats d’économies d’énergie est déjà utilisée pour la formation des artisans, une action à laquelle ceux-ci sont attachés.

M. Julien Aubert. Nous avons, dans le service public du diagnostic énergétique, des acteurs qui font tous un peu la même chose. Il manque, par ailleurs, une réflexion sur la cible où le gain de CO2 est le plus important. Enfin, n’existe-t-il pas un risque, avec cet amendement, que les entreprises se dotent de filiales pour séparer les activités, en vue d’échapper au dispositif ?

M. Denis Baupin. Aujourd’hui, c’est le marché qui décide, et ce en fonction des bénéfices que permet le dispositif. Or nous souhaitons orienter nos politiques vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc le flécher vers ce qui réduit le plus ces émissions : la mobilité. Il ne s’agit pas de rigidifier, comme se plaisent à l’affirmer les partisans du marché, mais de réguler. Le dispositif des CEE a été dénaturé. Je maintiens l’amendement. À force de formuler des propositions, nous avons réussi à faire entendre qu’il fallait faire plus en matière de mobilité, mais nous ne sommes pas encore à la hauteur.

M. le président François Brottes. Un fléchage a été adopté, mais la superposition des fléchages risque de ne plus être gérable. Si une remise à plat du système serait la bienvenue, ce dont nous sommes tous d’accord, l’argument du ministre est à ce stade imparable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1490 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Nous avons des inquiétudes concernant les 660 térawattheures cumac prévus pour la troisième période, qui sont déjà largement entamés. En effet, 230 térawattheures cumac sont déjà en stock, à la suite des actions engagées. Nous risquons ainsi d’aborder la troisième période avec ce potentiel amputé d’environ un tiers par le stock. Par ailleurs, quelque 100 térawattheures seront fléchés en direction du fonds de garantie pour la transition énergétique, du passeport pour la rénovation énergétique ou de la mobilité durable. Ainsi, sur ces 660 térawattheures, il ne reste que la moitié : alors que l’effort devait être accru d’environ 80 %, nous risquons de le voir se situer sous le niveau de la deuxième période. C’est un système contre-productif, qui risque de casser la dynamique. Cet amendement précise donc que le volume s’appliquera aux actions réalisées pendant la période concernée et en dehors des opérations fléchées.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement fait montre d’une extraordinaire subtilité pour parvenir à introduire dans la loi une disposition à caractère réglementaire. Le Gouvernement, souhaitant faire respecter ses prérogatives, en demande le retrait.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

M. Bertrand Pancher. Je ne comprends toujours pas pourquoi la ministre ne s’est pas prononcée sur le niveau d’obligations de la troisième période. Les opérations soutenues par les CEE ne tiennent que si ces certificats sont mobilisés à un niveau suffisant. Une étude d’impact précise sur ce point nous aurait permis de partir d’un niveau souhaitable quantifié. Je soutiens la démarche de M. Baupin.

M. Denis Baupin. La question essentielle est de savoir si nous serons capables de respecter la directive européenne en matière d’efficacité énergétique, et si notre pays sera au rendez-vous de 2015. Nous pouvons avoir des craintes, sauf si Mme la ministre annonçait, par exemple, qu’elle suivra la préconisation de l’ADEME sur le niveau des CEE, à 900 térawattheures cumac.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS873 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Cet amendement ajoute à la liste des éligibles aux CEE les associations, placées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901, qui regroupent les collectivités. Cette liste inclut les collectivités territoriales et les établissements publics, mais de nombreuses associations de collectivités portent aussi des programmes de CEE. Cela permet, notamment à des collectivités de petite taille, une mutualisation de l’action et des moyens, et, en période de disette des dotations, des économies, sans agrandir le périmètre.

M. le secrétaire d’État. La possibilité pour les collectivités locales de faire appel à un mandant pour regrouper et déposer les demandes en leur nom existe déjà. Il n’est, en revanche, pas souhaitable que les associations soient directement éligibles car, dans ce cas, ce seraient elles qui devraient prouver leur rôle actif et incitatif dans la réalisation de l’action, alors que c’est la collectivité locale qui a donné l’impulsion. De même, ces associations devraient présenter les différents justificatifs en cas de contrôle, alors que ces documents sont généralement conservés par la collectivité locale. Loin de faciliter l’obtention de CEE par les collectivités, l’amendement la complexifierait. J’en demande donc le retrait.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

Mme Frédérique Massat. Je suis désolée, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir à vous contredire. Les choses ne se passent pas comme vous le dites. Sans ces associations, qui produisent tous les justificatifs demandés, les actions seraient abandonnées.

M. le secrétaire d’État. Si ces associations de collectivités sont une médiation nécessaire avec l’État, la demande n’en est pas moins faite au nom des collectivités. Si nous adoptions l’amendement, c’est l’association en tant que telle qui deviendrait, comme les collectivités aujourd’hui, bénéficiaire. Or une association loi 1901 relève du droit privé. Entrevoyant les difficultés que pourrait entraîner l’adoption d’un tel amendement, je vous demande de le retirer, quitte à le redéposer après qu’il aura été expertisé.

M. le président François Brottes. Il convient, monsieur le secrétaire d’État, d’étudier la possibilité de syndicat intercommunal. Si l’on ferme des pistes, il faut en ouvrir d’autres.

M. Martial Saddier. Je confirme que ces associations existent au quotidien et que, sur une partie du territoire, elles sont indispensables. Il faut, monsieur le secrétaire d’État, trouver une solution avant la séance.

M. le secrétaire d’État. Nous chercherons une solution. Le système, dans la pratique, est d’une grande souplesse ; il ne faudrait pas l’alourdir par des formules de syndicat mixte ou autre.

Mme Frédérique Massat. Je redéposerai l’amendement en séance, ce qui laissera du temps pour les expertises.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS734 de M. Philippe Bies.

M. Philippe Plisson. Cet amendement vise à permettre à toutes les entreprises publiques locales, y compris les sociétés d’économie mixte (SEM), d’être éligibles au dispositif des CEE.

M. le secrétaire d’État. Aujourd’hui, seules les SEM proposant un service de tiers financement sont éligibles au dispositif des certificats. Le projet de loi propose d’étendre cette éligibilité aux services publics locaux. L’amendement va plus loin en l’étendant aux SEM à opération unique dès lors que l’efficacité énergétique figure dans leur objet d’intervention. L’intention est louable mais difficilement applicable, car le critère est malaisément vérifiable, au contraire du service de tiers financement, sans ambiguïté. Dès à présent, les SEM actives dans le domaine de l’efficacité énergétique peuvent se voir confier la mission d’obtenir des certificats pour le compte des collectivités qui les ont créées, sous la forme d’un mandat. Il n’est donc pas nécessaire d’étendre le champ des sociétés éligibles. Je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision CS10 de la rapporteure.

Elle examine les amendements identiques CS98 de M. Martial Saddier et CS1716 de M. Jacques Krabal.

M. Martial Saddier. Il s’agit de rétablir la bonification des certificats dans le cadre des démarches ISO, de manière à ne pas pénaliser les plans de financement pour des travaux d’économies d’énergie.

M. Jacques Krabal. Le référentiel ISO 50001 étant particulièrement adapté à la réalisation des objectifs écologiques, il serait pertinent de le faire apparaître à cet endroit.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. La fixation des bonus relève du niveau réglementaire. En outre, les bonus doivent être strictement encadrés, car ils ne contribuent pas à l’objectif d’efficacité énergétique fixé par la directive 2012/27/UE, et impliquent même une baisse de l’ambition puisqu’il suffit de moins d’économies réelles pour atteindre l’objectif fixé au niveau national. D’autres dispositifs énergétiques permettent de promouvoir la démarche de la certification ISO.

L’amendement CS1716 est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS98.

Elle en vient à l’amendement CS230 de M. Damien Abad.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS99 de M. Martial Saddier, CS939 de M. Julien Aubert et CS1714 de M. Jacques Krabal.

M. Julien Aubert. Nous proposons d’étendre les certificats d’économies d’énergie aux chargeurs consentant un effort d’optimisation logistique.

M. le secrétaire d’État. Les opérations logistiques durables, notamment l’intermodalité route-rail et route-fluvial sont déjà éligibles et font l’objet de plusieurs fiches d’opérations standardisées. Par ailleurs, l’alinéa 19 de l’article 8 permet de valoriser, sous forme de certificat, la contribution financière à des programmes structurants de logistique économes en énergie fossile. L’amendement me paraissant ainsi satisfait, j’en demande le retrait, à défaut de quoi l’avis est défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement CS546 de M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Les pouvoirs publics encouragent des structures, telles que sociétés d’économie mixte et sociétés publiques locales (SPL), dont l’objet est l’efficacité énergétique. Ces dernières peuvent désormais proposer un service de tiers financement afin d’aider les particuliers à engager des travaux d’économies d’énergie dans leur logement. Une collaboration entre ces SEM et SPL et les obligés pourrait être envisagée afin qu’ils œuvrent ensemble, sur leurs territoires, à la réalisation d’économies d’énergie. Afin d’encourager les obligés à apporter leur concours aux initiatives publiques, il serait utile de comptabiliser leur participation dans leurs obligations d’économies d’énergie.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable. L’alinéa 10 de l’article 8 dispose que les SEM et SPL proposant le tiers financement peuvent obtenir des certificats en contrepartie des actions qu’elles impulsent sur leurs territoires. Récompenser également l’entrée au capital de ces sociétés sous forme de certificat constituerait un double compte, et ce n’est pas comptabilisable au titre de la directive sur l’efficacité énergétique. En outre, l’amendement permettrait à un obligé d’être exonéré de toute obligation alors même qu’aucune action réelle d’économie d’énergie ne serait réalisée.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CS16 et l’amendement de précision CS11 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS1416 de M. Victorin Lurel.

Mme Ericka Bareigts. J’attire l’attention du Gouvernement sur le mauvais fonctionnement des CEE dans les outre-mer. Nous avons rendu un rapport qui fait clairement état de nos difficultés à mobiliser des financements en faveur d’actions de maîtrise de la demande d’énergie sur nos territoires. Cela vient du fait que le dispositif fonctionne à la maille nationale, sans contrainte territoriale pour les opérateurs, qui privilégient des interventions simples comme le remplacement de chaudière ou d’appareil de chauffage, sans grande pertinence pour nous. Il est donc impératif de trouver un moyen permettant aux outre-mer de capter davantage de certificats.

M. le président François Brottes. Le rapport de Mme Bareigts insiste par ailleurs sur le fait que, une part importante de la CSPE étant affectée aux outre-mer, il serait judicieux de concentrer prioritairement nos efforts en matière d’économies d’énergie et de lutte contre les gaz à effet de serre sur ces territoires.

M. le secrétaire d’État. Votre amendement propose que les fournisseurs d’énergie dans les territoires ultramarins soient contraints de réaliser les opérations d’économie d’énergie sur ces mêmes territoires. Aujourd’hui, c’est plutôt la voie de la bonification des opérations menées dans ces territoires qui a été retenue, pour la raison suivante : le doublement des certificats attribués dans les outre-mer est une incitation claire, visible et efficace. Actuellement, 2 % des certificats y sont délivrés, ce qui est comparable à la part des ventes d’électricité – 1,5 %. Introduire un nouveau système d’échange – voire six nouveaux systèmes, pour les six territoires – complexifierait le dispositif et conduirait à un renchérissement notable du prix des énergies outre-mer. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1273 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’absence de visibilité sur la gestion des certificats d’économies d’énergie à la fin de chaque période a entraîné une diminution des investissements. Cet amendement vise donc à envoyer aux acteurs un signal de long terme, afin qu’ils puissent inscrire leurs actions d’économie d’énergie dans la durée.

M. le secrétaire d’État. L’amendement demande que soit fourni au Parlement un rapport sur le fonctionnement du dispositif et ses évolutions, un an avant la fin de chaque période. Afin de donner aux acteurs une meilleure visibilité sur la conduite du dispositif et de favoriser le développement de leur action en faveur de l’efficacité énergétique, en application d’une recommandation de la Cour des comptes dans son rapport d’octobre 2013, un comité de pilotage rassemblant l’ensemble des parties prenantes a été instauré. Il se réunit autant que de besoin, au minimum deux fois par an, et permet d’examiner l’ensemble des éléments de bilan du dispositif et de débattre des possibilités d’évolution, notamment réglementaires. En outre, le dispositif des certificats fait l’objet d’une lettre d’information publique bimestrielle, qui fait le point sur les périodes en cours. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CS790 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. Le dispositif des certificats d’énergie doit nous aider à atteindre nos objectifs de 2020 ; le manque de visibilité à la fin de chaque période est donc très problématique. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons envoyer aux acteurs un signal de long terme. Outre la remise d’un rapport au Parlement, nous proposons de rendre public le prix moyen auquel ces certificats ont été acquis ou vendus.

M. le secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons qu’indiquées précédemment, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1628 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Cet amendement vise à accroître, en conformité avec l’ensemble du droit, les avis de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), le droit européen et le décret du 26 mai 2011, la transparence de l’information publique par la publication sur internet des données relatives aux certificats délivrés. La Cour des comptes a, de son côté, recommandé une transparence accrue sur ces certificats d’économies d’énergie.

M. le président François Brottes. Il me semble que cette disposition est de nature réglementaire.

M. le secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur le président, de défendre les intérêts du Gouvernement, et je confirme votre observation. Il existe, par ailleurs, toute une série de moyens d’information que j’ai déjà mentionnés. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

M. Joël Giraud. Si j’ai l’assurance que la publication sur internet fera l’objet d’un décret, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision CS12 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CS1963 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement vise à remédier à une faille juridique relevée par le médiateur national de l’énergie dans son rapport annuel d’activité pour 2013, en précisant dans la loi que le fournisseur d’énergie est responsable de la bonne fin des travaux lui donnant droit à des CEE et réalisés par une société agréée. Il s’agit d’éviter qu’en cas de disparition ou de faillite des sociétés agréées partenaires, le fournisseur d’énergie se désengage de toute responsabilité vis-à-vis du client de la société dont il est partenaire, alors même qu’il retire un bénéfice économique direct de l’opération.

M. le secrétaire d’État. Pour obtenir les certificats, la fin des travaux doit être attestée, la délivrance des certificats ne peut donc intervenir en cas de travaux non terminés. Les défaillances survenant après la fin des travaux doivent être traitées dans le cadre général de la garantie décennale ou de la responsabilité civile professionnelle, puisqu’il n’y a pas de spécificité du dispositif sur ce point.

Par ailleurs, le dispositif des CEE n’impose pas un lien contractuel ou une reconnaissance entre les fournisseurs d’énergie et les entreprises qui réalisent les travaux. L’amendement opérerait un transfert de responsabilité de l’entreprise réalisant les travaux vers l’obligé qui serait partenaire, alors même que celui-ci n’a pas a priori de responsabilité directe à ce titre. Ce transfert de responsabilité pourrait dissuader les obligés de soutenir certaines actions d’économies d’énergie.

À partir du 1er janvier 2015, comme pour tous les autres dispositifs de soutien public – crédit d’impôt, écotaxe, prêt à taux zéro –, les certificats seront éco-conditionnés, ce qui obligera les bénéficiaires à faire appel à des entreprises titulaires d’un signe de qualité délivré par un organisme accrédité ayant signé une convention avec l’État. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Est-on certain que les nouvelles procédures de référencement et de convention avec l’État vont combler cette faille juridique ? Si une société labellisée par l’État fait faillite, éviterons-nous les drames humains que vivent aujourd’hui les consommateurs sans recours juridique ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS13 et CS14 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS2248 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il s’agit de pérenniser le dispositif des CEE sur la période 2018-2020.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Article 8 bis [nouveau]
(article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles)

Harmonisation des dates de fin de trêve locative et énergétique

Cet article vise à harmoniser les dates des deux trêves hivernales, la trêve locative et la trêve énergétique, sur la même période courant du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante.

La trêve hivernale de l’énergie pour l’électricité, le gaz et la chaleur a été instaurée par les dispositions de l’article 19 de la loi n° 2013312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, sur le modèle de la trêve hivernale locative. Depuis, les dispositions de l’article 25 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a prolongé la trêve locative du 15 au 31 mars : il s’agit donc de mettre en cohérence les dates de ces deux trêves.

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La Commission adopte ensuite les amendements identiques CS1950 de la rapporteure et CS1629 de M. Joël Giraud, visant à harmoniser les deux trêves hivernales, locative et de l’énergie, sur la même période.

Article 8 ter [nouveau]
Rapport au Parlement sur les colonnes montantes dans les immeubles d’habitation

À l’initiative de votre co-rapporteure, cet article vise à ce que les gestionnaires des réseaux de distribution, sous l’égide de l’État et en lien avec les autorités organisatrices, établissent un état des lieux contradictoires des colonnes montantes d’électricité et de gaz dans les immeubles d’habitation.

Dans les immeubles collectifs, les colonnes montantes qui acheminent l’électricité et le gaz du réseau aux appartements sont souvent vétustes, ne supportent pas la pose d’un nouveau compteur ou une augmentation de puissance, ou ont besoin d’être rénovées pour des raisons de sécurité. Selon les gestionnaires de réseau, environ 300 000 colonnes montantes, hors concession, ne seraient pas aux normes.

Juridiquement, depuis 1946, les colonnes montantes sont incorporées aux réseaux de distribution publics, gérés et entretenus par le concessionnaire. Mais celles qui existaient avant peuvent encore appartenir aux copropriétaires.

Il est donc proposé que les pouvoirs publics se saisissent sans délai de la question de la mise aux normes des colonnes montantes par un état de lieux contradictoire, une proposition de clarification juridique de leur propriété, et une proposition de co-financement des investissements à mettre en œuvre, dans un délai de six ans.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1941 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement vise à ce que les gestionnaires des réseaux de distribution, sous l’égide de l’État et en lien avec les autorités organisatrices, établissent, sous la forme d’un rapport remis au Parlement, un état des lieux contradictoire des colonnes montantes d’électricité dans les immeubles d’habitation.

M. Julien Aubert. Le problème des colonnes montantes concerne surtout l’Île-de-France et les grandes agglomérations. Il est lié au fait que ces colonnes relèvent de la copropriété, ce qui pose la question de savoir qui réalise les travaux. Un rapport au Parlement est-il pour autant nécessaire sur cette micro-question ?

M. le président François Brottes. La question des colonnes montantes concerne l’ensemble des réseaux, que ce soit dans le domaine des télécommunications, du gaz, de l’électricité ou de l’eau. Elle concerne, par ailleurs, tout l’habitat vertical. C’est donc un problème d’envergure nationale, qui exige une expertise technique que le rapport pourrait apporter.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 8

La Commission est saisie des amendements identiques CS954 de M. Julien Aubert et CS1630 de M. Joël Giraud.

M. Julien Aubert. Aujourd’hui les travaux de rénovation et de construction se fondent sur des calculs théoriques de performance énergétique, et la prise en charge du défaut d’économies d’énergie n’est assurée par aucune des parties prenantes. Ce risque, pourtant bien réel, est donc supporté au final par le consommateur. Il existe certes des solutions assurantielles, mais le contenu de ces assurances est laissé à la discrétion des parties. Pour instaurer un climat de confiance vis-à-vis des investisseurs et garantir la sécurité juridique énoncée dans cette loi comme l’un des grands principes devant présider à la transition énergétique, une garantie des défauts de performance énergétique est nécessaire si l’on veut éviter le recours aux deniers publics. Nous prônons, en d’autres termes, une obligation de résultat sur la performance énergétique réelle.

M. Jacques Krabal. L’intention est bien d’améliorer la qualité des résultats et d’offrir, dans le cas contraire, une possibilité de recours aux consommateurs.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CS1631 de M. Joël Giraud.

M. Jacques Krabal. Cet amendement vise à sécuriser les mécanismes de crédit affecté finançant les travaux de rénovation énergétique. L’objectif est de mieux protéger les consommateurs qui contractent des contrats de vente mixtes.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS1486 de Mme Cécile Duflot.

M. Denis Baupin. Les CEE peuvent aujourd’hui être attribués pour la réalisation d’opérations isolées. Nous souhaitons la mise en place d’un dispositif spécifique destiné aux bouquets de travaux compris dans une opération complète d’économies d’énergie sur une installation.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Les opérations les plus fréquemment réalisées font l’objet de fiches d’opération standardisées, qui précisent les conditions techniques de délivrance des certificats et déterminent un forfait d’économie d’énergie correspondant. Ces fiches sont élaborées avec l’ensemble des parties prenantes, dans le cadre de groupes de travail animés par l’Association Technique Énergie Environnement, puis validées par l’ADEME, avant d’être présentées par la DGEC au Conseil supérieur de l’énergie. Les bouquets de travaux sont par nature des combinaisons d’opérations unitaires d’économies d’énergie ; ils sont chaque fois différents en fonction de la situation initiale et de la séquence des travaux. Ils ne peuvent donc être standardisés. Avis défavorable.

M. Denis Baupin. La loi est censée améliorer les dispositions en vigueur. Je propose donc de réfléchir à la manière dont on pourrait bonifier plusieurs opérations réalisées sur un même site, grâce à un système plus incitatif.

L’amendement est retiré.

TITRE III
DÉVELOPPER LES TRANSPORTS PROPRES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR ET PROTÉGER LA SANTÉ

Chapitre Ier A
Priorité aux modes de transport les moins polluants

Ce nouveau chapitre comprend deux articles, posant des principes et des priorités d’action pour développer l’usage des modes de transport les plus conformes aux objectifs du développement durable.

Article 9 A [nouveau]
Logistique urbaine pour les « derniers kilomètres »

La problématique des « derniers kilomètres » est celle de l’approvisionnement des villes par livraison de marchandises et des échanges de marchandises dans les villes. L’amélioration du bilan énergétique de ces transports passe par une action globale de développement de la logistique en milieu urbain. L’amendement adopté par votre commission prévoit que les expérimentations en la matière seront soutenues et valorisées.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS881 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Il convient d’engager une réelle « politique des derniers kilomètres » afin d’améliorer le bilan énergétique.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CS881.

Article 9 B [nouveau]
Priorité aux transports en commun moins polluants et au report modal

Votre commission a adopté un amendement du co-rapporteur qui établit une priorité à donner aux transports en commun à faibles émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, et qui réaffirme, dans le prolongement du Grenelle de l’environnement et de ses lois de mise en œuvre, la priorité que l’État doit donner au report modal de la route vers le rail, pour le transport des voyageurs et des marchandises, et au report modal de la route vers le fluvial pour le transport des marchandises.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1598 du rapporteur, CS902 de M. Christophe Bouillon, CS1633 et CS1634 de M. Joël Giraud.

Les amendements CS902 et CS1633 sont identiques.

M. Philippe Plisson, rapporteur pour les titres III et VI. L’amendement CS1598 vise à favoriser les différents modes de transport peu polluants. Plutôt que d’en dresser la liste, qui non seulement ressemblerait à un inventaire à la Prévert mais ne pourrait être exhaustive en raison des progrès susceptibles d’intervenir dans ce domaine, nous avons préféré une formule générique, à même de couvrir le champ.

M. Christophe Bouillon. L’amendement CS902 est défendu.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1633 est défendu, de même que l’amendement CS1634.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CS1598 du rapporteur. Le report modal vers des modes de transport moins polluants est en effet l’une des clés essentielles de la transition énergétique dans les transports. Ce point fait, du reste, l’objet de nombreux amendements convergents qui seront satisfaits par l’adoption de celui-ci.

Les amendements CS902, CS1633 et CS1634 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS1598 à l’unanimité.

Avant l’article 9

La Commission examine l’amendement CS882 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Il me semble que cet amendement est satisfait puisqu’il a trait au report modal vers le transport fluvial, prévu dans l’amendement CS1598.

L’amendement CS882 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS707 de Mme Maud Olivier.

Mme Frédérique Massat. Il s’agit d’étendre la définition de la précarité énergétique à la mobilité.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Denis Baupin. J’avais déposé, avant l’article 9, un amendement sur les enjeux globaux de la mobilité et la programmation pluriannuelle de l’énergie. Or il a été placé après l’article 9. Nous devrons donc revenir, et je m’en excuse, à des sujets généraux après l’article 9.

L’amendement CS707 est retiré.

Chapitre Ier
Efficacité énergétique et énergies renouvelables dans les transports

Article 9
(articles L. 224-1, L. 224-5, articles L. 224-6, L. 224-7, L. 224-7-1, L. 224-7-2 et L. 224-8 [nouveaux] du code de l’environnement, articles L. 318-1 et L. 318-2 du code de la route)

Obligation renforcée pour l’État et les établissements publics d’acquérir des véhicules hybrides ou électriques, et expérimentation de véhicules innovants à délégation de conduite

I. L’ÉQUIPEMENT DES FLOTTES DE L’ÉTAT ET DES AUTRES PERSONNES PUBLIQUES EN VÉHICULES UTILISANT DES CARBURANTS ALTERNATIFS

A.  ÉTAT DU DROIT

L’article L. 318-2 du code de la route a instauré, pour les parcs automobiles (de plus de vingt véhicules) gérés directement ou indirectement par toutes les personnes publiques, l’obligation pour celles-ci d’acquérir ou d’utiliser au moins 20 % de véhicules électriques, au GPL ou au gaz naturel. Cette disposition a été introduite par la loi du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (« LAURE »).

L’obligation a un champ d’application très large : elle vise l’État, ses établissements publics, les entreprises nationales (pour leurs activités n’entrant pas dans le secteur concurrentiel), les collectivités locales et les groupements de collectivités locales.

Elle ne s’applique toutefois qu’aux véhicules dont le PTAC est inférieur ou égal à 3,5 tonnes (ce qui exclut les poids lourds, qu’il s’agisse du transport de personnes ou de marchandises). De plus, elle s’applique « sous réserve des contraintes liées aux nécessités du service ».

L’article R. 318-7 du code de la route précise que :

1° Les véhicules concernés sont ceux acquis ou loués par des contrats d’une durée cumulée supérieure à un an, et pour lesquels « il existe sur le marché européen des modèles concurrents de même usage fonctionnant à l’énergie électrique, au gaz de pétrole liquéfié ou au gaz naturel » ;

2° Pour les services de l’État, le parc automobile est apprécié dans le cadre de chaque :

– direction gestionnaire de moyens pour les administrations centrales,

– service déconcentré gestionnaire de crédits permettant l’acquisition de véhicules

– service à compétence nationale

– autorité administrative indépendante.

L’article R. 318-8 du même code précise que les dérogations à l’obligation d’achat ou d’utilisation liées à la nécessité du service sont accordées par les préfets, et couvrent « notamment » les contraintes dues aux conditions d’approvisionnement en carburant, aux exigences de sécurité liées à l’utilisation des véhicules fonctionnant avec des énergies alternatives, et à l’insuffisance des performances de ces véhicules par rapport aux missions de service.

Pour les flottes de plus de vingt véhicules à usage de transport public en commun de voyageurs, l’article L. 318-3 du code de la route oblige l’État, ses établissements publics, les entreprises publiques (pour leurs activités hors secteur concurrentiel), les collectivités locales et leurs groupements à utiliser « des véhicules fonctionnant à l’aide de carburants dont le taux minimal d’oxygène a été relevé ». Cette disposition est applicable dans les périmètres de transports urbains des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Elle est également conditionnée aux contraintes liées aux nécessités du service.

B.  MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI :

Le projet de loi introduit dans le code de l’environnement un dispositif beaucoup plus ambitieux que le droit en vigueur. En conséquence, il propose d’abroger l’article L. 318-2 du code de la route, et d’intégrer l’obligation prévue à l’article L. 318-3 de ce code dans le code de l’environnement, au sein du nouveau dispositif (articles L. 224-5 à L. 224-8).

Une définition légale des « véhicules propres » : le nouvel article L. 224-6 définit les « véhicules propres » comme « les véhicules électriques ou hybrides rechargeables, ainsi que tous les véhicules ayant un très faible niveau d’émission de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques fixé par référence à des seuils déterminés par décret ».

Le Gouvernement a ainsi suivi l’avis du CNTE qui recommandait d’étendre le nouveau dispositif à tous les véhicules propres et non pas de privilégier les véhicules électriques.

Une obligation renforcée pour l’État : désormais ce sont au moins 50 % des véhicules acquis ou utilisés par l’État et ses établissements publics qui devront être « électriques ou hybrides rechargeables » (pour les moins de 3,5 tonnes), ou « fonctionnant à l’énergie électrique, au gaz de pétrole liquéfié ou au gaz naturel » (pour les plus de 3,5 tonnes).

Pour les collectivités locales, les groupements de collectivités locales et les entreprises nationales, le taux de 20 % demeure inchangé.

Quant aux véhicules utilisés pour les transports en commun de voyageurs, l’obligation d’utilisation de véhicules « fonctionnant à l’aide de carburants dont le taux minimal d’oxygène a été relevé » reste identique.

On peut noter que le développement du véhicule électrique est également l’objectif d’un autre article du projet de loi (article 10).

Parcs et flottes concernés : seuls les parcs automobiles de plus de vingt véhicules sont concernés, comme dans le dispositif en vigueur, mais désormais tous les véhicules automobiles sont concernés quel que soit leur PTAC.

4° Comme dans le dispositif actuel, sont exonérés de ces dispositions les « véhicules opérationnels ». Une liste non exhaustive de ces véhicules est donnée : ceux de la défense nationale, de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile ; les ambulances ; les véhicules d’intervention et d’exploitation routière. S’agissant de l’État, ces véhicules exonérés représentent environ la moitié du parc.

5° Ces dispositions entreront en vigueur :

– à compter du 1er janvier 2016 pour l’État et ses établissements publics,

– par dérogation, pour les zones non interconnectées au réseau métropolitain national, à une date fixée dans la programmation pluriannuelle de l’énergie créée par l’article 49 du projet de loi (nouvel article L. 141-1 du code de l’énergie)

Selon l’étude d’impact du projet de loi, le surcoût pour les personnes publiques concernées sera « soutenable ». Pour le parc automobile de l’État, dont le taux de renouvellement annuel est de 15 %, la dépense correspondante serait inférieure à 10 millions d’euros par an. Pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes, le surcoût à l’acquisition, « aujourd’hui modeste, est largement amorti dans la durée par les gains carburants ».

II. UNE HABILITATION D’EXPÉRIMENTATION DE VÉHICULES INNOVANTS

Dans la même démarche d’impulsion au bénéfice du secteur industriel automobile, le IV de l’article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures afin « de favoriser dans des conditions sécurisées l’expérimentation de la circulation sur la voie publique de véhicules innovants à délégation de conduite ». Ces mesures devront être prises dans l’année suivant la publication de la loi.

Cette expérimentation s’inscrit dans la mise en œuvre du plan « Véhicules à pilotage automatique », qui est l’un des 34 plans de reconquête pour la Nouvelle France Industrielle, présentés par le Président de la République le 12 septembre 2013.

Présentation du plan « Véhicules à pilotage automatique »

(Ministère du Redressement productif, septembre 2013)

« Nous construisons la France des voitures intelligentes et autonomes. Le véhicule à pilotage automatique révolutionne le transport individuel. Autonome, équipé de capteurs et de logiciels embarqués, il interagit avec son environnement, communique avec les autres véhicules, facilite les manœuvres de conduite et contribue à améliorer la sécurité routière en supprimant les erreurs de conduite. Libérés du volant, les passagers disposent en toute sécurité d’un nouveau temps libre durant leurs trajets. Les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées peuvent retrouver l’usage de leur véhicule personnel. Grâce aux véhicules connectés encore, la gestion et la régulation du trafic devient plus prévisible et plus fluide. La voiture intelligente et autonome naît de la rencontre des entreprises de la filière automobile et des acteurs du monde de l’économie numérique. Les aides à la conduite occupent une place croissante et deviennent stratégiques pour l’industrie automobile et le maintien de ses emplois, notamment en R&D et en conception. Au moment où les grands acteurs de l’internet s’intéressent à la voiture, les constructeurs et les équipements automobiles prennent le virage de la transition numérique et développent une offre compétitive de composants automobiles, de capteurs et de logiciels afin de proposer, d’ici à 2020, des véhicules autonomes à prix abordable. L’ambition de ce programme est de faire de l’industrie automobile française une des pionnières dans l’automatisation des véhicules en levant notamment les obstacles réglementaires à son développement. Un marché de plusieurs milliards d’euros à l’échelle mondiale d’ici à dix ans s’ouvre aux pionniers de ce marché nouveau. »

III. POSITION DE VOTRE CO-RAPPORTEUR

Votre co-rapporteur tient à souligner que le développement de l’acquisition et de l’usage des véhicules électriques, qui a été présenté comme l’un des objectifs majeurs du projet de loi, n’est que l’une des solutions possibles pour améliorer le bilan énergétique du parc de véhicules en France. L’article 9 va introduire en droit positif une notion juridique, celle de véhicule propre. Bien entendu, aucun véhicule motorisé ne peut réellement être « propre », mais il est en tout cas indispensable de définir cette notion de manière à souligner qu’elle couvre un éventail de technologies, et que celui-ci peut encore s’élargir. Le rythme des progrès technologiques à venir ne pouvant être connu, votre co-rapporteur considère qu’il faut s’interdire de définir le véhicule propre par une liste limitative. La formulation retenue par la commission est adéquate : les véhicules propres sont « les véhicules électriques, ainsi que les véhicules de toutes motorisations et de toutes sources d’énergie » dont les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques sont inférieures à des seuils qui seront fixés par décret.

Votre co-rapporteur approuve le renforcement de l’obligation, pour les collectivités publiques, d’améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux lors du renouvellement de leurs flottes de véhicules. Ces flottes représentent un nombre considérable de véhicules, qu’il s’agisse des véhicules légers ou des poids lourds. L’impulsion qui sera donnée au développement du marché des véhicules propres sera très positive, ainsi que l’exemplarité des collectivités publiques et la familiarisation du grand public avec ces véhicules. Votre co-rapporteur a donné un avis favorable aux amendements visant à inclure, sans caractère obligatoire, les véhicules utilisés par les services assurant des missions opérationnelles, au lieu d’exclure ces parcs totalement de la démarche. Et pour aller plus loin dans celle-ci, il a présenté des amendements portant sur deux autres catégories de flottes importantes de véhicules (celles des loueurs et celles des compagnies de taxis et de véhicules de transport avec chauffeur), afin de les soumettre à une obligation de même nature mais dans des proportions beaucoup plus réduites.

*

* *

La Commission adopte l’amendement de coordination CS36 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement CS499 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Défavorable. Les collectivités locales sont déjà visées par ce type de dispositions à l’article L. 318-2 du code de la route.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Défavorable. L’obligation pour les collectivités locales de renouveler à hauteur de 20 % leur flotte par des véhicules propres a été introduite par la loi dite « LAURE » de 1996.

La Commission rejette l’amendement CS499.

La commission est saisie de l’amendement CS2396 du Gouvernement.

Mme la ministre. Il s’agit de prévoir l’obligation, pour l’État et ses établissements publics, d’acquérir à chaque renouvellement de leur parc automobile des véhicules propres dans la proportion minimale de 50 %. Tout à l’heure, nous avons examiné un amendement similaire prévoyant la même obligation pour les collectivités territoriales, mais il s’est heurté au principe selon lequel on ne peut imposer de contraintes financières excessives aux collectivités territoriales. Le but est de faire en sorte que l’État donne l’exemple.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis favorable.

M. Julien Aubert. Les véhicules propres tels que définis dans l’amendement incluent-ils bien les nouvelles sources d’énergie du type biométhane, e-gaz, etc. ?

M. Martial Saddier. Sur le fond, je souscris à cet amendement. Mais je souhaiterais faire une remarque sur la forme. Dans le passé, lorsque l’État s’est imposé ce type de mesures, la loi a toujours prévu une dérogation pour un certain type de véhicules – je pense notamment aux véhicules de secours. Est-ce également le cas en l’espèce ?

Mme la ministre. Oui, le texte exclut bien les véhicules de secours et de santé publique. Quant à la question du biométhane soulevée par M. Aubert, elle est traitée dans l’amendement CS2399, qui remanie la définition du véhicule propre afin de tenir compte des débats qui ont eu lieu et de l’étendre à d’autres types de véhicules propres que le véhicule électrique.

M. Philippe Plisson, rapporteur. L’amendement fait référence aux « véhicules de toutes motorisations et de toutes sources d’énergie permettant l’atteinte de faibles niveaux d’émission de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques ». Le spectre est le plus large possible : rien n’est exclu.

La Commission adopte à l’unanimité l’amendement CS2396.

En conséquence, les amendements CS165 de M. Martial Saddier, CS427 de M. Razzy Hammadi, de CS848 M. Julien Aubert, CS1029 de M. Bertrand Pancher, CS198 de Mme Sophie Rohfritsch, CS133 de M. Jean-Marie Tetart, CS796 de M. Julien Aubert, CS714 de M. Stéphane Travert, CS138 de M. Martial Saddier, CS846 de M. Julien Aubert, CS155 du rapporteur, CS900 de M. Christophe Bouillon, CS1172 de Mme Martine Lignières-Cassou, CS147 de M. Jean-Marie Tetart, CS148 de M. Martial Saddier, CS594 de M. Bernard Accoyer, CS847 de M. Julien Aubert, CS875 de Mme Frédérique Massat, CS630 de M. Jean-Jacques Guillet, CS763 de M. Julien Aubert, CS1229 de M. Charles-Ange Ginesy, CS582 de M. Charles de Courson, CS1499 de M. Denis Baupin, CS845 de M. Julien Aubert, CS1030 de M. Bertrand Pancher, CS1635 de M. Joël Giraud, CS584 de M. Charles de Courson et CS1636 de M. Joël Giraud tombent.

La Commission examine l’amendement CS199 Mme Sophie Rohfritsch.

M. Martial Saddier. Il convient de respecter une neutralité technologique et énergétique dans les choix de motorisation proposés et dans l’accompagnement des initiatives privées et territoriales.

Mme la ministre. Un amendement du Gouvernement que nous allons examiner dans un instant précise que sont qualifiés de véhicules propres « les véhicules électriques à batterie ou à pile à combustible à hydrogène, hybrides électriques, les véhicules fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié ou gaz naturel, au biométhane, y compris tout mélange hydrogène gaz naturel ou gaz naturel liquéfié, et les véhicules fonctionnant avec des carburants à haute teneur en biocarburants et définis par voie réglementaire ». La définition du véhicule propre est la plus étendue possible pour tenir compte des observations qui ont été faites et des nouvelles technologies.

L’amendement CS199 est retiré.

La commission examine l’amendement CS762 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable. Pour les services opérationnels, les opérateurs sont soumis à des contraintes et des exigences de service telles que le respect de l’obligation d’achat lors du renouvellement des flottes n’est pas envisageable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis. Nous allons examiner dans un instant un amendement de notre collègue Baupin qui prévoit que ces flottes peuvent contribuer à l’objectif poursuivi sans pour autant les y obliger, car cela pourrait poser problème s’agissant de véhicules d’intervention d’urgence.

Mme la ministre. Cet amendement est quelque peu contradictoire avec l’inquiétude exprimée tout à l’heure par M. Saddier, puisqu’il vise les véhicules de la défense nationale, de la police, de la gendarmerie, de la sécurité civile, des ambulances, des véhicules d’intervention et d’exploitation routière. En raison de contraintes techniques, l’acquisition d’au moins 50 % de véhicules propres n’est pas imposée pour les services assurant des missions opérationnelles, mais elle sera vivement recommandée. L’exonération devra bien être justifiée par les obligations de service.

M. Julien Aubert. Il ne faut pas voir de contradiction entre cet amendement et la question posée par M. Saddier, Mme la ministre. Certes, une dérogation a toujours été prévue pour ce type de véhicules. Mais, dans la gendarmerie, la police ou la défense nationale notamment, le matériel roulant est ancien et n’est pas de très grande qualité, et nous avons vu dans ce texte l’occasion de forcer, sans le dire, l’État à moderniser leur parc automobile.

Mme la ministre. Je partage tout à fait cet objectif. Des précisions seront apportées dans les circulaires : cette dérogation ne doit pas être un prétexte pour ne pas renouveler les flottes de véhicules.

La Commission rejette l’amendement CS762.

La commission est saisie de l’amendement CS1501 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement est quasiment rédactionnel. Il s’agit en effet de préciser que, sans y être obligées, la défense nationale, la police, la gendarmerie et la sécurité civile notamment sont incitées à privilégier l’acquisition de véhicules propres lorsque ceux-ci sont adaptés à leurs missions.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CS1501.

En conséquence, l’amendement CS1325 tombe.

La Commission examine l’amendement CS260 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Il est satisfait par l’adoption de l’amendement précédent.

L’amendement CS260 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS217 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement CS1637 de M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Il s’agit de s’assurer que l’obligation imposée par la loi sera respectée ; la loi sur l’air comportait une disposition identique qui n’a jamais été appliquée…

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CS1637.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2076 rectifié du rapporteur.

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CS2399 du Gouvernement, CS719 de M. Stéphane Travert et CS200 de Mme Sophie Rohfritsch.

Mme la ministre. Le développement des véhicules propres est une condition nécessaire à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques du secteur des transports. Afin de n’écarter aucune technologie ni source d’énergie, et compte tenu des développements en cours et futurs en la matière, le présent amendement précise la définition du véhicule propre, tant pour les véhicules légers de moins de 3,5 tonnes que pour les véhicules lourds de plus de 3,5 tonnes.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis tout à fait favorable !

M. Stéphane Travert. Je retire l’amendement CS719, car il est satisfait par l’amendement du Gouvernement.

M. Martial Saddier. Je retire également, pour les mêmes raisons, l’amendement CS200, en précisant qu’il nous tenait à particulièrement à cœur.

Les amendements CS719 et CS200 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS2399.

En conséquence, les amendements CS1282 rectifié de M. Jean-Paul Chanteguet, CS150 de M. Jean-Marie Tetart, CS266 de M. Martial Saddier, CS843 de M. Julien Aubert, CS1148 de M. Bernard Accoyer, CS167 de M. Martial Saddier, CS248 de M. Charles de Courson, CS844 de M. Julien Aubert, CS1031 de M. Bertrand Pancher et CS1638 de M. Joël Giraud tombent.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS17 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement CS1504 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit d’insérer, à l’alinéa 11, la même disposition que celle proposée à l’amendement CS1501.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CS1504.

La Commission est saisie de l’amendement CS695 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Les flottes des loueurs automobiles étant importantes et leurs parkings pouvant être adaptés pour intégrer des points de ravitaillement, il est proposé d’imposer à ces loueurs d’acquérir, lors du renouvellement de leur parc, au moins 10 % de véhicules propres.

Mme la ministre. Avis favorable. Il serait toutefois judicieux que, s’agissant de la définition de ces véhicules, il soit fait référence, dans l’amendement, au deuxième alinéa de l’article L. 224-6, que nous venons d’adopter.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Pour tenir compte de la remarque de Mme la ministre, je vous propose d’adopter l’amendement dans la rédaction suivante : « Art. L. 224-7-1. – Les loueurs automobiles acquièrent, lors du renouvellement de leur parc, dans la proportion minimale de 10 % avant 2020, des véhicules propres tels qu’ils sont définis au deuxième alinéa de l’article L. 224-6. »

M. Julien Aubert. Sachant que cet amendement va faire peser une nouvelle contrainte sur les loueurs automobiles, je souhaiterais savoir si l’on a recueilli leur avis. A-t-on une idée du poids financier d’une telle mesure, qui pourrait avoir un impact sur la marge bénéficiaire de ces entreprises dès lors que les véhicules propres ont un coût plus élevé que les véhicules à essence ?

M. Philippe Plisson, rapporteur. Dès lors que nous imposons des contraintes aux détenteurs d’une flotte importante de véhicules, il est logique que les loueurs automobiles soient eux aussi concernés. Je précise toutefois que la contrainte est en l’espèce assez légère et qu’elle s’appliquera seulement lors du renouvellement de leur parc. Cette mesure semble frappée au coin du bon sens.

M. Julien Aubert. Certes, mais à la différence des autres secteurs, on touche là au cœur de l’activité du loueur automobile. Il ne faudrait pas que l’on s’aperçoive, après l’adoption de cet amendement, que l’on a sous-estimé ses conséquences. A-t-on pour le moins cherché à recueillir leur opinion ?

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je n’ai pas eu le temps de rencontrer toutes les personnes concernées par le texte, mais je ne crois pas que cette contrainte sera aussi lourde que vous semblez le dire, car le coût des véhicules propres est aujourd’hui à peu près identique à celui des autres véhicules.

M. Michel Sordi. Il me paraît difficile d’appliquer une telle règle de manière générale à l’ensemble du territoire ; il faut tenir compte de la localisation géographique des sociétés de location, de la nature du territoire, etc.

M. Martial Saddier. On peut en effet comprendre qu’une telle mesure s’applique à un parc de location situé dans la couronne parisienne. En revanche, dans d’autres parties du territoire, où les distances à parcourir peuvent être très longues, il n’est pas certain qu’elle soit opportune. Peut-on avoir l’engagement, Mme la ministre, que la profession sera associée à l’élaboration des décrets ?

Mme la ministre. Le Gouvernement est tout à fait favorable à l’organisation d’un tour de table avec les professionnels. Cela dit, je pense que, chez certains professionnels, le pourcentage inscrit dans l’amendement sera largement dépassé. Les coûts d’entretien des véhicules propres sont en effet bien moindres que ceux des autres véhicules – ce qui permettra d’ailleurs peut-être aux loueurs d’inciter financièrement leurs clients à choisir un véhicule propre. Mais il est vrai que les véhicules électriques ne sont pas forcément adaptés aux longues distances, même s’ils sont aujourd’hui autonomes jusqu’à 200 kilomètres.

M. Julien Aubert. Pourrait-on proposer un sous-amendement afin de préciser que des dérogations sont possibles selon les contraintes géographiques ?

M. le président. Je vous propose que l’on voie cela en séance publique.

La Commission adopte l’amendement CS695 tel qu’il a été rectifié.

La Commission examine l’amendement CS2113 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il convient d’appliquer la règle que nous venons d’adopter en rectifiant de la même manière l’amendement pour les loueurs de véhicules automobiles aux taxis, qui assurent un grand nombre de trajets interurbains pour lesquels il n’est pas indispensable que les véhicules disposent d’une autonomie considérable. Bien entendu – j’anticipe les critiques qui pourraient m’être adressées –, l’amendement ne vise pas les artisans mais uniquement les compagnies de taxis et de VTC disposant d’au moins dix véhicules.

Mme la ministre. Sagesse.

M. Martial Saddier. Là encore, il nous faudra peut-être apporter des précisions par sous-amendement en séance publique et tenir compte notamment de la situation géographique des compagnies. Je pense aux compagnies de taxi qui exercent leur activité en zone de montagne, par exemple.

Mme la ministre. Je rappelle que les véhicules hybrides sont parfaitement adaptés aux longues distances.

La Commission adopte l’amendement CS2113 rectifié.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1498 de M. Denis Baupin, CS711 de M. Stéphane Travert et CS197 de Mme Sophie Rohfritsch.

M. Denis Baupin. Cet amendement résulte d’un long travail réalisé sur le véhicule écologique avec ma collègue sénatrice Fabienne Keller dans le cadre de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il ressort de nos travaux que les constructeurs automobiles seraient prêts à mettre sur le marché des véhicules plus petits et moins puissants, qui coûteraient donc moins cher à l’usager et seraient plus respectueux de l’environnement, si les pouvoirs publics incitaient les acheteurs à choisir ce type de véhicules.

Nous proposons donc d’étendre aux véhicules sobres un dispositif existant dans le code de la route pour les véhicules les moins polluants. Il s’agit d’améliorer leur identification et de leur accorder des avantages en matière de circulation et de stationnement. Moi qui ai souvent été caricaturé comme un ayatollah anti-automobile lorsque j’étais maire adjoint en charge des déplacements à Paris, je pense qu’il y a une place pour le véhicule automobile, à condition qu’il évolue dans un sens plus écologique.

M. Stéphane Travert. Un moyen de transport doit être considéré comme un ensemble. Ainsi l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre ne peut être limitée à la seule motorisation du véhicule. Dans le cadre du transport de marchandises, il convient donc de tenir compte des groupes frigorifiques éventuellement présents sur les camions et utilisés pendant le transport. Les groupes frigorifiques autonomes sont en effet de gros émetteurs de gaz à effet de serre, en raison de leur consommation de diesel et des fuites de liquide frigorigène.

M. Martial Saddier. L’amendement CS197 est défendu.

Mme la ministre. S’agissant de l’amendement CS1498, je comprends son objectif, mais je souhaiterais savoir si les facilités accordées aux possesseurs de véhicules écologiques seraient soumises à une décision municipale. Je suis favorable à ce que les véhicules électriques puissent emprunter les couloirs de bus, par exemple, mais en cas de trafic important, cela risque de gêner la circulation des véhicules de transport collectif. Le principe – qui sera débattu dans le cadre de la conférence environnementale, dont un des volets sera consacré au transport propre – selon lequel les véhicules propres bénéficient de conditions de circulation et de stationnement privilégiées va dans le bon sens, mais il faut prévoir une responsabilité des maires en ce domaine, afin d’éviter une décision trop globalisante.

Je vous suggère donc, Monsieur Baupin, de retirer votre amendement en attendant que soit réalisé un examen plus complet de la question qui tienne compte de l’impact de ces procédures dérogatoires afin de nous assurer que le dispositif proposé est fonctionnel.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Défavorable à l’amendement CS1498. Je crois qu’il s’agit d’une fausse bonne idée. Il est nécessaire de modifier les comportements et de privilégier les transports en commun. Si l’on autorise tous les véhicules propres à circuler dans les couloirs de bus, les embouteillages y seront plus nombreux que sur la voie normale, comme c’est le cas en Norvège.

M. Denis Baupin. La mesure proposée se borne à étendre un dispositif existant, sans le modifier. Mais il va de soi qu’un décret précisera les choses. Par ailleurs, en ce qui concerne les compétences municipales, ayant moi-même décidé la création de dizaines de couloirs de bus dans Paris, je n’imagine pas que, rue de Rivoli par exemple, où passent sept à huit lignes de bus, sans compter les taxis, on autorise d’autres véhicules à emprunter le couloir de bus.

Mon amendement ne vise évidemment pas à permettre à ces véhicules d’emprunter systématiquement les voies de bus. Cette possibilité doit être examinée au cas par cas. C’est bien pour cela qu’un décret doit préciser les choses. Une disposition existe déjà pour les véhicules peu polluants, c’est-à-dire roulant au GPL, au GNV ou à l’électricité. Nous proposons de l’étendre aux véhicules de petite taille et dont la consommation n’excède pas par exemple les deux litres aux cent kilomètres.

Bien sûr, Mme la ministre, les mesures qui pourraient être prises en matière de stationnement de ces véhicules feront l’objet d’une décision municipale. Mais pour que les élus municipaux puissent prendre de telles mesures, encore faut-il que la loi les y autorise.

M. Julien Aubert. M. Baupin risque d’aider les loueurs de voitures, car comme 10 % de leur flotte devra être composée de véhicules propres c’est sur les véhicules les plus petits, parce que les moins chers, que se portera leur choix étant donné que l’on n’a pas précisé quelle doit être la taille des véhicules.

Lorsque les véhicules sobres et peu polluants représenteront une proportion signification de la flotte, j’ai peur que l’on n’aboutisse à l’inverse de l’effet recherché : on aura tout intérêt à avoir un véhicule polluant parce qu’il y aura moins d’embouteillages dans une voie normale que dans les couloirs de bus ! Là encore, je pense que le diable est dans le détail. Et comment va-t-on gérer les stationnements privés de type Vinci ? Comment gérer la situation aux parcmètres ? Va-t-on transformer les policiers en experts techniques ? J’imagine déjà que des macarons de type « Je suis un véhicule sobre et peu polluant » devront être apposés sur le véhicule. Dès lors que l’on va vers une massification de l’usage des véhicules propres et peu polluants, est-il vraiment nécessaire de bâtir une sorte de cathédrale avec une multitude de petites chapelles dérogatoires pour pouvoir s’adapter aux territoires ruraux, urbains et aux situations diverses et variées ? Ce sera un enfer !

Mme Frédérique Massat. C’est vrai, la disposition proposée nécessite une concertation avec les associations d’élus, notamment de maires, pour ce qui est du stationnement.

Il faut rapprocher la mesure proposée des objectifs fixés dans le texte, à savoir l’implantation de millions de bornes de recharges électriques qui vont nécessairement s’accompagner de places de stationnement sur le domaine public.

M. Martial Saddier. Je suis plutôt favorable à cet amendement sur le fond. Mais ce qui nous inquiète, c’est sa généralisation. Les trente-trois plans de protection de l’atmosphère font l’objet de concertations et d’enquêtes publiques. Ne pourrait-on pas envisager que la proposition de M. Baupin qui mérite peut-être d’être encadrée, soit expérimentée dans un premier temps dans les zones soumises à un PPA ? Ce sont des zones urbaines particulièrement concernées par les problématiques de la pollution de l’air. Cela permettrait de monter en puissance tout en répondant aux inquiétudes des uns et des autres, notamment celles dont vient de faire état Mme la ministre concernant les problèmes réglementaires et les relations avec les élus, ainsi que les problèmes d’enquête publique, d’associations en amont du grand public. Cela couvrirait déjà une grande partie des zones urbaines de notre pays.

M. Bertrand Pancher. Tout ce qui va dans le sens du renforcement des responsabilités locales et de la décentralisation, et notamment dans le domaine environnemental, recueille notre adhésion. L’amendement de M. Baupin va dans le bon sens. Laissons aux collectivités locales le choix de décider et vous verrez que tout se passera très bien, car elles ont beaucoup de bon sens et une capacité à réagir en fonction des problématiques de chaque quartier. Je ne comprends pas que l’on puisse se poser la question, monsieur le rapporteur.

Mme Cécile Duflot. Monsieur Aubert, votre intervention aurait peut-être été d’actualité en 1986, mais aujourd’hui elle paraît assez ridicule. On ne peut pas dire à la fois qu’il est urgent d’agir et ne pas s’en donner les moyens. On ne peut pas reprocher à ceux qui veulent avoir une démarche coercitive qu’elle l’est trop.

Nous vivons aujourd’hui le quatrième jour de pic de pollution à Paris après une séquence, la semaine dernière, de trois jours de pic de pollution aux particules fines particulièrement dangereuses pour les enfants. Il suffit de marcher du métro Invalides jusqu’à l’Assemblée nationale pour s’en rendre compte. Cet amendement offre la possibilité d’être incitatif. On n’interdit pas certains véhicules : on rend plus intéressante la possibilité d’utiliser des véhicules propres ou des petits véhicules.

Si l’on autorise les véhicules dont la consommation est inférieure à tant de litres aux cent de circuler les jours de pic de pollution, alors nos concitoyens se diront qu’il vaut mieux acheter une voiture qu’ils peuvent utiliser tous les jours. C’est une démarche incitative.

Monsieur Plisson, notre amendement ne vise pas à autoriser tous les véhicules les plus sobres et les moins polluants à emprunter tous les couloirs de bus. On ne peut pas faire dire n’importe quoi à un amendement qui dit exactement le contraire. Vous craignez d’embouteiller les accès aux grandes villes. Mais qu’en est-il dans la vallée de Chamonix, par exemple ? Ce que nous voulons, c’est offrir la possibilité aux collectivités locales d’agir. Je ne comprends pas que l’on puisse s’opposer à un amendement qui se borne à ouvrir, par décret, des possibilités.

La municipalité parisienne a demandé au Gouvernement la mise en place de la circulation alternée. Mais il a refusé par crainte de déranger les gens qui travaillent. Voilà pourquoi il faut anticiper, ce que permet l’amendement. On ne peut donc pas à la fois refuser les démarches coercitives et ne pas vouloir mettre en place des démarches incitatives.

M. le président François Brottes. Il serait bon pour la suite de nos travaux que la discussion se poursuive sur un ton plus apaisé…

Mme la ministre. Effectivement, la passion n’empêche pas la courtoisie. Madame Duflot, je ne suis pas du tout d’accord avec la façon dont venez de vous comporter à l’égard de l’opposition. Nous sommes ici dans un débat constructif et personne ici ne tient des propos ridicules.

Mme Cécile Duflot. Mais les parlementaires ont la liberté de s’exprimer !

Mme la ministre. Je souhaiterais que l’amendement soit rectifié pour tenir compte du débat. Aussi, je vous propose de remplacer la phrase : « Les véhicules les plus sobres et les moins polluants peuvent notamment bénéficier de conditions de circulation et de stationnement privilégiées. » par la phrase : « L’autorité chargée de la police de la circulation et du stationnement – en l’occurrence les maires – peut faire bénéficier les véhicules les plus sobres et les moins polluants de conditions de circulation et de stationnement privilégiées. »

M. Philippe Plisson, rapporteur. À mon tour, je souhaite que l’on dépassionne le débat. Je ne comprends pas bien pourquoi Mme Duflot s’est lancée tout à coup dans une diatribe indignée.

Nous devons être d’accord quant à l’objectif poursuivi. Je suis favorable à ce que l’on encourage les véhicules les plus propres. Mais il faut aussi permettre de résoudre les problèmes d’embouteillages qui causent des thromboses à l’entrée de toutes les villes. Or c’est également une affaire de comportement. Ce n’est pas parce que l’on changera les voitures qui roulent au diesel ou à l’essence par des voitures propres que le comportement des automobilistes changera : ils seront toujours seuls dans leur voiture, ils seront toujours dans les embouteillages et l’on mettra toujours trois heures pour rentrer dans Bordeaux. Et si les émissions de gaz à effet de serre diminueront, n’oublions pas qu’il faudra tout de même produire de l’électricité pour faire rouler les véhicules. Il ne faut donc pas se jeter sur une solution apparemment très bonne mais qui, au bout du compte, ne résout qu’une partie des problèmes.

Il faut avant tout privilégier un autre mode de comportement : les transports en commun. Si l’on permet à un véhicule électrique ne transportant qu’une seule personne d’emprunter les voies dédiées aux transports en commun, celles-ci seront très vite embouteillées. Voilà pourquoi je n’y suis pas favorable. Les collectivités ont la possibilité aujourd’hui de procéder à des expérimentations, comme c’est le cas à Paris où il existe des parkings réservés aux véhicules propres. Dès lors, pourquoi ne pas laisser mener des expérimentations dans le cadre des PPA, comme le suggérait notre collègue Saddier, plutôt que de vouloir pousser tout le monde à privilégier une solution qui, au bout du compte, aura les effets inverses du but recherché ?

Quant à la proposition que vient de faire Mme la ministre, je ne peux qu’y être favorable : je suis un bon soldat !

M. Denis Baupin. Je suis tout à fait d’accord avec la proposition de Mme la ministre et j’accepte bien volontiers de rectifier comme elle le suggère mon amendement.

Monsieur le rapporteur, je partage votre point de vue sur les embouteillages. Il y a trois manières de les réduire : soit les gens changent de mode de transport, soit les voitures sont mieux remplies, soit l’on réduit la taille des voitures. Si l’on remplaçait un certain nombre de voitures par des Twizy, ce véhicule conçu par Renault, on aurait beaucoup moins de problèmes d’embouteillages et de stationnement car elles prennent beaucoup moins de place.

M. Julien Aubert. Je remercie sincèrement Mme la ministre pour son intervention.

Le groupe UMP est favorable à l’amendement CS1498 tel qu’il vient d’être rectifié. Nous aurions même été prêts à nous rallier à une autre rectification qui aurait intégré la proposition de M. Saddier sur les pics de pollution.

Mme la ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements CS711 et CS197.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis que le Gouvernement.

La Commission adopte à l’unanimité l’amendement CS1498 ainsi rectifié.

La Commission rejette successivement les amendements CS711 et CS197.

La Commission examine l’amendement CS156 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il s’agit de sanctuariser les couloirs de bus car il est indispensable de privilégier ce mode de transport.

Mme la ministre. Je propose le retrait de cet amendement car nous venons de voter un dispositif qui me semble concilier ces deux préoccupations.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS18 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme la ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 9 ainsi modifié.

Article 9 bis [nouveau]
Stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et des infrastructures correspondantes

Votre commission a adopté un amendement du rapporteur annonçant la définition d’une stratégie nationale pour le développement des véhicules propres – ce terme étant défini à l’article 9 du projet de loi – et des infrastructures nécessaires pour alimenter ceux-ci en carburants. Cette stratégie sera définie par le Gouvernement, soumise pour avis au Conseil national de la transition énergétique, et transmise au Parlement. Elle s’articulera avec la programmation pluriannuelle de l’énergie dont l’élaboration est prévue au Titre VIII du projet de loi, puisque les objectifs fixés s’inscriront dans le cadre temporel de cette programmation.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS703 du rapporteur et CS1640 de M. Jacques Krabal.

M. Philippe Plisson, rapporteur. L’amendement CS703 vise à diversifier les lieux d’avitaillement pour les véhicules autres qu’électriques. Il s’agit d’anticiper un projet de directive.

M. Joël Giraud. Un consensus a été obtenu sur la promotion des carburants alternatifs entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens. Il serait intéressant d’inclure dans le texte cette disposition qui va de toute façon devenir une directive européenne.

Contrairement à l’amendement CS703, mon amendement CS1640 prévoit que, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant la stratégie pour le développement des véhicules propres.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CS703.

J’ajoute que si cet amendement est adopté, les auteurs de l’amendement CS1640 obtiennent satisfaction. C’est pourquoi je suggère que l’amendement CS1640 soit retiré.

M. Martial Saddier. Environ 46 millions de véhicules sont en circulation dans notre pays, dont 6 millions de véhicules utilitaires et 40 millions de véhicules légers.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il y en a moins !

M. Martial Saddier. Parmi ces 40 millions de véhicules légers, on compte entre 11 et 13 millions de véhicules polluants ou très polluants. On parle d’une éventuelle augmentation du prix du gazole, une hausse d’un centime représentant 350 à 360 millions d’euros.

Mme la ministre, envisagez-vous d’aider nos concitoyens, à l’instar de ce qui est fait en matière de modernisation des bâtiments ? M. Plisson a pris un exemple très intéressant et sur lequel je me bats beaucoup au regard de la pollution de l’air : ce n’est pas par plaisir si certains de nos concitoyens roulent dans des véhicules polluants, mais parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire autrement. Souvent, ils utilisent ces véhicules pour leur trajet domicile-travail parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Peut-on envisager que le Gouvernement mette en place une aide à la reconversion du parc le plus vieillissant et le plus polluant en faveur de nos concitoyens les plus en difficulté ? À titre personnel, je regretterais que l’on aille vers une augmentation du prix du gazole et que la ressource fiscale ainsi dégagée ne serve pas à aider ceux de nos concitoyens les plus en difficulté à changer leurs véhicules les plus polluants.

M. le président François Brottes. Nous connaissons votre passion et votre expertise sur le sujet, mais je souhaite que l’on se concentre sur l’amendement de M. Plisson.

L’amendement CS1640 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS703.

Après l’article 9

La Commission examine, en discussion commune l’amendement CS1505 rectifié de M. Denis Baupin, et les amendements identiques CS170 rectifié de M. Martial Saddier et CS841 rectifié de M. Julien Aubert.

M. Denis Baupin. Dans le même esprit que précédemment, l’amendement CS1505 rectifié vise à faire en sorte que les sociétés d’autoroute favorisent les véhicules sobres et peu polluants en proposant de mettre en place des voies réservées ou une tarification incitative.

M. Martial Saddier. L’amendement CS170 rectifié est défendu.

M. Julien Aubert. L’amendement CS841 rectifié est défendu.

Mme la ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission sur l’amendement CS1505 rectifié.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je suis plutôt défavorable à l’amendement CS1505 rectifié dans la mesure où la négociation des concessions autoroutières est un processus contractuel. Une négociation difficile vient juste de s’achever. Elle n’a pas encore reçu l’aval de la Commission européenne. Tout nouvel allongement de la durée de concession semble exclu à ce stade, ce que sous-tendrait cette proposition.

Mme la ministre. Suite au rapport concernant les autoroutes, des consultations, concertations et remises à plat vont s’engager. D’ailleurs, une mission d’information a été créée dont Jean-Paul Chanteguet a pris l’initiative. La loi prévoit ici d’ouvrir une possibilité. Il faudra en vérifier la conformité avec les règles européennes et l’adaptation, l’application et l’inscription dans les concessions et les conventions avec les sociétés autoroutières.

M. Martial Saddier. Je suis au cœur d’un plan de protection de l’atmosphère dans une vallée alpine traversée par une autoroute et confrontée à un véritable défi de pollution. Il ne nous semblerait pas inutile que la loi permette qu’un débat s’engage sur les moyens propres à favoriser les véhicules propres qui empruntent l’autoroute. Même si nous ne méconnaissons pas toute la complexité de cette affaire en termes de compensations financières pour la société d’autoroute, il me semble important de pouvoir ouvrir un tel débat dans certaines zones spécifiques particulièrement touchées par la pollution de l’air.

M. Jean-Paul Chanteguet. Effectivement, une mission d’information a été mise en place, dont Bertrand Pancher est le président et moi-même le rapporteur. C’est un dossier d’actualité puisque l’Autorité de la concurrence a remis un rapport particulièrement inquiétant et qui ne peut que nous conduire, en tant que responsables politiques, à nous interroger sur les cahiers des charges des contrats des concessions autoroutières et sur l’avenir. Nous sommes confrontés à une vraie difficulté. Allons-nous nous orienter vers un allongement des contrats des concessions autoroutières sachant que cela pourrait permettre d’engager rapidement un programme d’investissements relativement important, de l’ordre de 3,6 milliards d’euros ? Nous engageons-nous dans une dénonciation des contrats des concessions autoroutières ? Nous engageons-nous dans une renégociation de ces contrats ? Il est trop tôt pour voter un tel amendement, d’autant que je ne crois pas qu’il soit particulièrement incitatif. Il se traduira plutôt par une forme d’effet d’aubaine. Je ne suis pas sûr que l’on incitera les ménages à acheter des véhicules peu polluants en les exonérant ici du coût du parking, là du péage autoroutier. Je crois que l’élément déclencheur sera plutôt la politique soutenue par le Gouvernement à travers la prime de conversion. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose que de multiplier les exemptions, les réductions et les exonérations. Cela ne fait que multiplier des effets d’aubaine supplémentaires. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président François Brottes. Mme la ministre, accepteriez-vous de lever le gage si cet amendement était adopté ?

Mme la ministre. Oui, monsieur le président.

M. Denis Baupin. M. Chanteguet a raison de dire que ces mesures doivent s’intégrer dans le cadre des négociations sur la redéfinition des conventions autoroutières et que c’est une bonne opportunité. Mais je ne partage pas son point de vue quand il soutient que le coût que la seule chose qui peut motiver les consommateurs de changer de type de véhicules ou de motorisation. Évidemment, la question du coût est essentielle, mais il est important d’envoyer des signaux. Le stress quotidien de nos concitoyens lié à la variabilité des temps de déplacements est très important. En permettant à un automobiliste qui roule dans un véhicule peu polluant d’emprunter les voies réservées et de trouver plus facilement une place de stationnement, donc d’avoir plus de chances d’arriver à l’heure au travail, nous enverrions un message important.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Ma circonscription est située à soixante-dix kilomètres de Bordeaux. Une convention avait été mise en place avec Vinci pour aider financièrement les gens qui devaient se rendre à Bordeaux à emprunter l’autoroute ; en fait, on les incitait à prendre leur voiture et à s’encastrer dans les embouteillages. Aujourd’hui, on se demande si la participation ne pourrait pas être conditionnée au covoiturage.

Les habitants de ma circonscription sont plutôt défavorisés, ils n’ont pas forcément les moyens d’acheter des véhicules propres. Aussi, ils continueront à conserver leur voiture polluante et à s’entasser dans les embouteillages. Du coup, ils ne pourront pas bénéficier de la mesure proposée. Je le répète, c’est une fausse bonne idée.

M. Jean-Paul Chanteguet. J’approuve M. Baupin lorsqu’il indique que l’on met en place un certain nombre de dispositifs ou de mécanismes permettant de se rendre plus rapidement sur son lieu de travail. En revanche, la baisse des tarifs du péage ne permettra jamais d’arriver plus rapidement sur son lieu de travail…

M. le président François Brottes. Le jour où beaucoup de véhicules peu polluants rouleront en France, il faudra créer un autre dispositif…

M. Julien Aubert. C’est un amendement d’appel. On ne peut pas faire l’impasse sur les autoroutes. Mais c’est un problème compliqué qu’on ne pourra pas régler en quelques minutes. Je suis sensible à la réflexion de M. Chanteguet.

On aurait pu sous-amender l’amendement en mettant en place un tarif spécifique en cas de covoiturage.

Je retire l’amendement CS 841 rectifié.

Les amendements identiques CS170 rectifié et CS841 rectifié sont retirés.

La Commission rejette l’amendement CS1505 rectifié.

La Commission est saisie de l’amendement CS159 rectifié du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le secteur des transports représente environ un tiers des émissions françaises de gaz à effet de serre. Mon amendement vise à mettre en place une stratégie de véhicules propres pour le transport.

Mme la ministre. Je suggère le retrait de cet amendement car le projet de loi prévoit déjà la stratégie bas carbone. Par ailleurs, nous disposons du rapport Mobilité 21 et de l’amendement CS703 du rapporteur que nous venons d’adopter. Nous avons donc tous les outils pour définir cette stratégie nationale bas carbone dans le domaine des transports.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1496 rectifié de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’amendement du rapporteur qui a été adopté tout à l’heure a permis d’élargir significativement la vision de la mobilité dans cette loi qui jusqu’à présent donnait l’impression d’être concentrée uniquement sur le véhicule électrique. Il était donc important d’avoir une vision un peu plus large.

Le présent amendement essaie de voir dans quels domaines il conviendrait que la programmation pluriannuelle (PPE) se penche en matière de mobilité. Les différents sujets que j’évoque dans l’amendement résultent d’ailleurs des concertations menées dans le cadre du Conseil national de la transition écologique pour faire évoluer la mobilité de façon plus sobre et écologique.

Mme la ministre. Je partage cette préoccupation. Toutefois, je suggère le retrait de l’amendement pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment. Nous disposons en effet déjà de beaucoup d’outils, comme la stratégie bas carbone, le rapport Mobilité 21, la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ne passons pas notre temps à élaborer des stratégies et à faire des études ; rendons bien efficaces les dispositifs prévus dans le projet de loi et qui ont le même objectif.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Denis Baupin. Je suis prêt à le retirer si Mme la ministre nous précise que les indications mentionnées dans l’amendement seront transmises à ceux qui élaboreront la PPE.

Mme la ministre. Tout à fait d’accord.

L’amendement est retiré.

Article 10
(articles L. 111-5-2 et L. 111-5-4 du code de la construction et de l’habitation, article L. 123-1-12 du code de l’urbanisme, article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis)

Déploiement d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables

I. L’ÉTAT DU DROIT ET DES TRAVAUX EN COURS

A.  LES ARTICLES L. 111-5-2, L. 111-5-3 ET L. 111-5-4 DU CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’HABITATION

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a introduit dans le code de la construction et de l’habitation un article L. 111-5-2 prévoyant :

– l’obligation, pour toute personne qui construit un ensemble d’habitations équipé de places de stationnement individuelles couvertes ou d’accès sécurisé, de doter cet ensemble des gaines techniques, câblages et dispositifs de sécurité nécessaires à l’alimentation d’une prise de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable et permettant un comptage individuel ;

– une obligation de même nature pour toute construction de bâtiment à usage tertiaire équipé de places de stationnement destinées aux salariés, pour qu’une partie de ces places soit dotée d’un dispositif d’alimentation d’une prise.

Ces deux obligations sont devenues applicables à partir du 1er janvier 2012, pour les nouveaux permis de construire. Il a été précisé par décret que le nombre de places équipées serait de 10 % des places des parkings clos, couverts et sécurisés.

La même loi a créé l’article L. 111-5-3, qui dispose que « des équipements permettant la recharge de véhicules électriques ou hybrides ainsi que des infrastructures permettant le stationnement sécurisé des vélos doivent être installés dans les bâtiments existants à usage tertiaire et constituant principalement un lieu de travail, lorsqu'ils sont équipés de places de stationnement destinées aux salariés, avant le 1er janvier 2015. »

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », a modifié l’article L. 111-5-2 pour y ajouter des obligations similaires pour les nouvelles constructions de bâtiments à usage industriel et de bâtiments constituant un ensemble commercial ou accueillant une salle de cinéma, avec une application prévue pour les permis de construire déposés après le 1er janvier 2016.

De plus, la loi ALUR a créé un article L. 111-5-4 qui dispose que toute personne qui procède à des travaux sur des parcs de stationnement annexes d’un bâtiment existant ou d’un ensemble de bâtiments existants constituant un ensemble commercial ou accueillant une salle de cinéma, doit doter une partie des places destinées à la clientèle des mêmes dispositifs d’alimentation.

Extraits de l’article premier du décret n° 2011-873 du 25 juillet 2011 relatif aux installations dédiées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables dans les bâtiments et aux infrastructures pour le stationnement sécurisé des vélos

« I. ― Il est inséré à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation les articles R. 111-14-2 à R. 111-14-5 ainsi rédigés :

« Art. R. 111-14-2. - Lorsque les bâtiments neufs à usage principal d'habitation groupant au moins deux logements sont équipés d'un parc de stationnement bâti clos et couvert d'accès réservé aux seuls occupants des places de stationnement, constitué notamment de places de stationnement individuelles fermées ou d'accès sécurisé, ce parc est alimenté en électricité pour permettre la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.

« L'équipement réalisé est relié à un tableau général basse tension en aval du disjoncteur de l'immeuble, se situant dans un local technique électrique.

« Tout ou partie des places du parc de stationnement doit être conçu de manière à pouvoir accueillir ultérieurement un point de charge pour la recharge normale d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable, disposant d'un système de mesure permettant une facturation individuelle des consommations.

« Dans ce but, des fourreaux, des chemins de câble ou des conduits sont installés à partir du tableau général basse tension de façon à pouvoir desservir au moins 10 % des places destinées aux véhicules automobiles, avec un minimum d'une place. (…)

« Les places desservies sont soit des places individuelles, soit un espace commun. (…)

« Art. R. 111-14-3. - Lorsque les bâtiments neufs à usage principal tertiaire sont équipés d'un parc de stationnement bâti clos et couvert d'accès réservé aux salariés, ce parc est alimenté en électricité pour permettre la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.

« L'équipement réalisé est relié à un tableau général basse tension en aval du disjoncteur principal, situé dans un local technique électrique.

« Tout ou partie de ces places doit être conçu de manière à pouvoir accueillir ultérieurement un point de charge pour la recharge normale d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable, disposant d'un système de mesure permettant une facturation individuelle des consommations.

« Dans ce but, des fourreaux, des chemins de câble ou des conduits sont installés à partir du tableau général basse tension du parc de façon à pouvoir desservir au moins 10 % des places, calculé par rapport à la totalité des places de stationnement destinées aux véhicules automobiles exigé par le document d'urbanisme, avec un minimum d'une place. (…)

― Le titre III du livre Ier du code de la construction et de l'habitation est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Infrastructures pour la recharge des véhicules électriques dans les bâtiments et le stationnement sécurisé des vélos

« Art. R. 136-1. - Pour l'application de l'article L. 111-5-3, lorsque les bâtiments, dont la demande de permis de construire a été déposée avant le 1er janvier 2012, situés en France métropolitaine, à usage principal de bureaux ne comportant pas de logements et équipés d'un parc de stationnement bâti clos et couvert d'accès réservé aux salariés, possèdent les caractéristiques suivantes :

« ― capacité de stationnement supérieure à 20 places dans les aires urbaines de plus de 50 000 habitants, capacité de stationnement supérieure à 40 places dans les autres cas ;

« ― un unique propriétaire et un unique occupant de l'ensemble constitué des locaux et du parc de stationnement,

« le propriétaire réalise, à partir d'un tableau général basse tension situé en aval du disjoncteur de l'immeuble, des circuits électriques dédiés permettant la connexion de points de charge pour la recharge normale des véhicules électriques ou hybrides rechargeables et équipe une partie des places du parc de stationnement de ces points de charge.

« Cette installation dessert au moins 10 % de la totalité des places du parc de stationnement destinées aux véhicules automobiles dans les aires urbaines de plus de 50 000 habitants, 5 % dans les autres cas.

« Art. R. 136-2. - Dans les bâtiments à usage principal d'habitation groupant au moins deux logements et comprenant un parc de stationnement bâti clos et couvert, avant de procéder aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques ou hybrides rechargeables avec un système de mesure permettant une facturation individuelle des consommations, le locataire ou occupant de bonne foi du logement en informe le propriétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

« Une description détaillée des travaux à entreprendre est jointe à cette information, assortie d'un plan ou d'un schéma (…).

« Dans le cas d'un immeuble en copropriété, la demande est notifiée au copropriétaire avec copie au syndic de copropriété représentant le syndicat des copropriétaires. Dans le délai de trois mois suivant la réception de la demande, le copropriétaire notifie au syndic sa demande d'inscription de la question à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale. (…)

« Le propriétaire, ou le cas échéant le syndicat des copropriétaires (…), qui entend s’opposer aux travaux (…) doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal d’instance du lieu de l’immeuble dans le délai de six mois suivant la réception de la demande. (…)

« Le propriétaire, ou le cas échéant le syndicat des copropriétaires(…), peut dans le même délai décider de la réalisation de tels travaux afin d’équiper l’ensemble des places de stationnement de l’immeuble. (…)»

B.  LE DÉPLOIEMENT D'UN RÉSEAU D'INFRASTRUCTURES DE RECHARGE DE VÉHICULES ÉLECTRIQUES SUR L'ESPACE PUBLIC : LA LOI DU 4 AOÛT 2014

Le problème du déploiement d’infrastructures de recharge des véhicules électriques a fait l’objet de travaux législatifs récents, sur la base d’une proposition de loi de M. Bruno Le Roux et Mme Frédérique Massat, avec la loi n° 2014-877 du 4 août 2014 facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public. L’objectif visé est de compléter les initiatives des collectivités territoriales et des acteurs privés, qui se développent mais qui demeurent largement insuffisantes pour constituer un réseau national, en particulier dans les zones rurales. Bien que le réseau français soit le premier d’Europe, il ne compte pour l’instant que 8 000 points de charge installés ou programmés.

Cette loi prévoit que l’État ou tout opérateur, y compris un opérateur au sein duquel une personne publique (par l’exemple l’ADEME ou la Caisse des dépôts) détient une participation, peut créer, entretenir et exploiter sur le domaine public de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements un réseau d'infrastructures nécessaires à la recharge de véhicules électriques et de véhicules hybrides rechargeables sans être tenu au paiement d'une redevance, lorsque cette opération s'inscrit dans un projet de dimension nationale – c’est-à-dire qui concerne le territoire d'au moins deux régions. Les modalités d'implantation des infrastructures font l'objet d'une concertation entre le porteur du projet, les collectivités territoriales et les personnes publiques gestionnaires du domaine public concerné, l'autorité ou les autorités organisatrices du réseau de distribution d'électricité, lorsqu'elles assurent la maîtrise d'ouvrage des travaux de développement des réseaux publics de distribution d'électricité, ainsi que les gestionnaires de réseau de distribution d'électricité compétents au titre de leur zone de desserte exclusive.

Selon le rapport présenté par Mme Frédérique Massat au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, il est probable que les infrastructures de recharge installées sur le domaine public seront peu utilisées car les propriétaires de ces types de véhicules utiliseront en priorité les prises équipant leurs domiciles ; toutefois, le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge doit impérativement précéder l’augmentation des acquisitions de tels véhicules, car il en constitue un préalable indispensable pour inciter à ces acquisitions.

C.  TRAVAUX LÉGISLATIFS EN COURS AU NIVEAU EUROPÉEN

Une proposition de directive sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants de substitution, présentée le 24 janvier 2013, prévoit de rendre obligatoire la mise en place, dans tous les États membres de l’Union européenne, d’une infrastructure offrant une couverture minimale pour l’électricité, l’hydrogène et le gaz naturel (GNC et GNL) afin que les consommateurs commencent à adopter ces carburants de substitution et que les professionnels du secteur assurent leur développement et leur déploiement.

La proposition prévoit, pour chaque État membre, l’établissement d’un nombre minimum de points de recharge pour véhicules électriques, dont 10 % doivent être publics. Les chiffres par État membre seront établis sur la base d’objectifs nationaux (déjà définis dans de nombreux États membres pour les véhicules électriques), et du nombre total à prévoir pour l’ensemble de l’Union. La proposition de directive prévoit également que les États devront veiller à ce qu’un nombre approprié de points de ravitaillement en GNL et en GNC soient installés ouverts au public.

Ce texte a fait l’objet d’un accord politique au Conseil, et a été amendé par le Parlement européen le 15 avril 2014. Il devrait être adopté définitivement d’ici la fin de l’année.

Ainsi, tant l’adoption de la loi du 4 août 2014 que l’examen de l’article 10 du présent projet de loi s’inscrivent dans une démarche d’anticipation des obligations européennes à venir.

D.  LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT DES BORNES DE RECHARGE

Le développement du réseau permettant de ravitailler les véhicules « propres » en carburants alternatifs constitue non seulement un enjeu environnemental majeur, mais aussi un enjeu industriel important. Parmi les 34 plans pour la Nouvelle France industrielle présentés par le Président de la République le 12 septembre 2013, figurent le plan « Bornes électriques de recharge », qui vise à couvrir l’ensemble du territoire d’un réseau complet de bornes de recharge pour les véhicules électriques, pour accélérer la diffusion de ceux-ci, ainsi que le plan « Autonomie et puissance des batteries », corollaire du premier, qui vise à développer une technologie française permettant la production de batteries en France, pour d’accompagner par l’innovation technologique l’électrification des moyens de transports terrestres, aériens et maritimes.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

L’objectif est de faire réaliser des pré-équipements (gaines techniques, installation électrique générale,…) dans les parcs de stationnement intérieurs et extérieurs pour : les bâtiments neufs et existants à usage tertiaire et industriel, et les bâtiments existants à usage d’habitation.

Ne seront concernés que les bâtiments comprenant des parkings de taille significative – celle-ci sera définie par décret en Conseil d’État ; l’étude d’impact annonce un seuil de 40 places pour les parkings des bâtiments neufs autres que les bâtiments d’habitation.

A.  LES PARCS DE STATIONNEMENT DES NOUVEAUX BÂTIMENTS

La nouvelle rédaction proposée pour l’article L. 111-5-2 du code de la construction et de l’habitation vise à rendre plus lisible la règle applicable aux constructions de nouveaux bâtiments comportant des parcs de stationnement :

Le I formule plus clairement l’obligation d’intégrer un stationnement sécurisé pour les vélos dans les parcs de stationnement des ensembles d’habitations et des bâtiments à usage tertiaire lors de leur construction. Cette obligation n’est pas modifiée.

Le II réunit les dispositions applicables aux parcs de stationnement des bâtiments nouvellement construits, quel que soit le type de bâtiment :

S’agissant des bâtiments neufs à usage tertiaire et industriel, le droit en vigueur prévoit déjà un pré-équipement en installations électriques mais le projet de loi étend cette obligation à tous les bâtiments tertiaires et aux bâtiments publics, y compris pour les parkings destinés aux salariés ; l’étude d’impact ajoute que le décret d’application inclura dans le dispositif les parkings extérieurs et non plus seulement les parkings intérieurs, et qu’il fixera un seuil de 40 places pour le champ de l’obligation ;

S’agissant de la construction d’immeubles d’habitation (« ensembles d’habitation équipés de places de stationnement »), le constructeur doit doter une partie des places des « gaines techniques, câblages et dispositifs nécessaires à l’alimentation d’une prise de recharge pour véhicule » ; cette obligation est applicable y compris pour les places de stationnement extérieures ; il est précisé que cette installation doit permettre un décompte individualisé de la consommation d’électricité par le propriétaire de la place de parking.

B.  LES PARCS DE STATIONNEMENT EXISTANTS, LORSQU’ILS FONT L’OBJET DE TRAVAUX

1.  Une nouvelle rédaction pour l’article L. 111-5-4 du code de la construction et de l’habitation

L’article L. 111-5-4 actuel ne vise que les travaux réalisés sur les parcs de stationnement destinés à la clientèle des bâtiments constituant un ensemble commercial ou accueillant un cinéma. Pour ces parcs, la réalisation de travaux doit s’accompagner de l’installation, pour une partie des places, de équipements nécessaires à l’alimentation de prises de recharge.

Le projet de loi élargit considérablement cette obligation, puisque seront désormais concernés les immeubles d’habitations, les parcs de stationnement pour les salariés des bâtiments industriels ou tertiaires, et ceux des bâtiments accueillant un service public.

En ce qui concerne les bâtiments d’habitation, comme pour la construction de bâtiments neufs, l’équipement doit permettre un décompte individualisé de la consommation d’électricité.

2.  La modification de l’article 24 de la loi sur la copropriété des immeubles bâtis

Comme l’a relevé le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’utilisation des véhicules écologiques (12), l’installation de bornes ou de prises de recharge des véhicules électriques dans les copropriétés relève de procédures trop longues : en application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, c’est l’assemblée générale des copropriétaires qui décide de cette installation, ce qui suppose qu’un propriétaire de véhicule électrique peut avoir à attendre jusqu’à un an l’approbation ; de plus, la majorité des voix de tous les copropriétaires est exigée (article 25 de la loi de 1965).

Le projet de loi propose que la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés suffise pour approuver l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques, et insère en conséquence cette disposition dans l’article 24 de la loi de 1965.

III. LA POSITION DE VOTRE CO-RAPPORTEUR

Votre co-rapporteur a estimé que les dispositions de l’article 10 devaient être complétées par un avancement significatif de la politique d’encouragement de l’usage du vélo. Il a présenté deux amendements, qui ont été adoptés par la commission :

Le paragraphe I de l’article 10 affirme la priorité à donner au développement et à la diffusion de moyens de transports à faibles émissions de gaz à effet de serre et de polluants, mais n’appliquer cette priorité qu’au déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides. Votre commission a donc introduit l’affirmation d’une priorité équivalente au développement et à la diffusion des « mobilités douces » grâce au déploiement des infrastructures correspondantes que sont les voies de circulation dédiées et les places de stationnement.

Pour concrétiser la priorité ainsi affirmée, l’obligation d’équiper une partie de chaque parc de stationnement de places pour les vélos doit s’appliquer non seulement, comme le prévoit le projet de loi, lors de la construction de bâtiments neufs, mais également lors de travaux sur les parcs existants. Il pourra ne pas s’agir de places de stationnement sécurisées, car celles-ci sont des locaux fermés, ou du moins verrouillés, ce qui n’est guère concevable pour des parcs de stationnement situés à l’extérieur des bâtiments. Il convient de noter que cette obligation n’est guère « pénalisante », compte tenu du fait que les places pour vélo sont peu consommatrices d’espace.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS953 de M. Julien Aubert, tendant à supprimer l’article.

M. Julien Aubert. Comment en sommes-nous venus, au groupe UMP, à déposer cet amendement, qui peut sembler quelque peu manichéen ? Nous sommes convaincus que la transition énergétique se fait dans un monde incertain. Dans le domaine de l’énergie, les acteurs ne s’accordent pas sur le calendrier des ruptures technologiques : aucun expert des hydrocarbures n’aurait pu prévoir la révolution du gaz de schiste il y a dix ans. De même, qui peut dire dans combien de temps le stockage électrique sera parfaitement efficace ? – Cinq, dix, quinze ou vingt ans ? La transition énergétique doit donc, selon nous, être flexible, ce qui suppose de favoriser le développement des technologies nouvelles sans pour autant en privilégier une par rapport à une autre.

Or le choix fait avec ce texte – qui s’est certes atténué au fil des discussions – est celui du « tout électrique », avec un plan de déploiement de 7 millions de bornes de recharge. Si l’énergie électrique a évidemment sa place dans les transports, veillons à ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier ! Gardons notamment en mémoire la « jurisprudence Minitel » : lorsque l’on décide un plan de déploiement généralisé et massif – nous avons discuté hier du compteur Linky –, les technologies évoluant, on peut avoir de mauvaises surprises plusieurs années après, et il est alors trop tard. D’où notre proposition de supprimer l’article 10. Il s’agit d’un amendement d’appel : nous invitons le Gouvernement à élargir son spectre et à éviter de privilégier une technologie par rapport à une autre.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS35 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CS141 de M. Martial Saddier et CS840 de M. Julien Aubert, l’amendement CS631 de M. Jean-Jacques Guillet et l’amendement CS1506 de M. Denis Baupin.

M. Martial Saddier. L’amendement CS141 est défendu. Vous n’avez pas répondu, Mme la ministre, aux questions que nous avons posées sur le prix du gazole et sur la prime au renouvellement des véhicules les plus polluants. Des éléments de réponse seraient pourtant utiles pour la suite de nos travaux.

M. Julien Aubert. Mon amendement CS840, dont le champ est moins large que celui de l’amendement de M. Baupin, prévoit que l’État publie une stratégie pour rendre disponibles les carburants routiers autres que le gazole et le supercarburant, ainsi que le gaz naturel liquéfié maritime ou fluvial. Nous gagnerions ainsi du temps, puisque la directive européenne sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants de substitution nous imposera de toute façon de clarifier notre stratégie en la matière. Je suis d’accord avec vous, Mme la ministre : nous avons tendance à élaborer beaucoup trop de stratégies, de schémas et de plans. Néanmoins, il serait possible d’inclure un volet sur les carburants dans un plan existant. Nous aurions ainsi une clause de rendez-vous.

M. Martial Saddier. L’amendement CS631 est défendu.

M. Denis Baupin. Mon amendement CS1506 est en partie satisfait par l’amendement CS703 du rapporteur, que nous venons d’adopter. Mais il conviendrait de préciser ce dernier lors de l’examen du texte en séance publique. La directive européenne va en effet obliger la France à définir une stratégie de développement des carburants alternatifs.

Mme la ministre. Je suggère le retrait de tous ces amendements, qui sont satisfaits : l’État doit définir une stratégie nationale bas carbone et une programmation pluriannuelle de l’énergie. Il me semble plus intéressant de rassembler toutes les données pertinentes au sein d’un document unique et cohérent, qui couvrira l’ensemble des secteurs consommateurs d’énergie, dont les transports.

La prime à la conversion des véhicules les plus polluants est bien à l’étude, monsieur Saddier. Le principe en est inscrit dans le projet de loi. L’instauration de cette prime n’a d’ailleurs aucun lien avec une éventuelle taxation supplémentaire du gazole : nous allons trouver d’autres moyens de la financer. C’est évidemment un sujet majeur : il s’agit notamment de permettre aux propriétaires modestes de véhicules polluants de s’orienter de manière significative vers des véhicules propres.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Martial Saddier. Merci de votre réponse, Mme la ministre.

M. Julien Aubert. Vous vous engagez donc, Mme la ministre, à inclure un volet sur les carburants dans la stratégie nationale bas carbone ?

Mme la ministre. Oui.

M. Julien Aubert. Cet engagement apparaîtra-t-il dans le texte ou bien est-il simplement oral ?

Mme la ministre. La Commission a adopté l’amendement CS703 du rapporteur, l’auriez-vous oublié ?

M. Julien Aubert. J’avais donc satisfaction sans le savoir… Je retire mon amendement.

Les amendements CS141, CS840, CS631 et CS1506 sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS161 deuxième rectification du rapporteur, les amendements identiques CS154 de M. Martial Saddier et CS839 rectifié de M. Julien Aubert, l’amendement CS201 rectifié de Mme Sophie Rohfritsch, l’amendement CS724 rectifié de M. Stéphane Travert et l’amendement CS1507 de M. Denis Baupin.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Aux termes de mon amendement CS161 deuxième rectification, l’État établirait une feuille de route pour doter le réseau routier français d’une infrastructure d’avitaillement en carburant gaz naturel et en biométhane. De même que pour les bornes électriques, nous souhaitons que l’ensemble du territoire soit couvert de stations permettant d’alimenter tous les types de véhicules propres. Si nous adoptons ma proposition, les amendements suivants seront satisfaits.

M. Martial Saddier. L’amendement CS154 est défendu.

M. Julien Aubert. Les amendements CS839 rectifié et CS201 sont défendus. Le rapporteur va dans la bonne direction, il faut l’encourager dans cette voie.

M. Stéphane Travert. L’amendement CS724 rectifié est défendu.

M. Denis Baupin. Mon amendement CS1507 est plus précis que celui du rapporteur : la France se fixerait comme objectif l’installation d’au moins une station de gaz naturel pour véhicules tous les 150 kilomètres en 2020. Le projet de loi prévoit que notre pays se dote de 7 millions de bornes électriques d’ici à 2030, nous devrions avoir la même ambition pour les autres types d’énergie. Néanmoins, l’amendement du rapporteur permettrait déjà d’avancer.

Mme la ministre. Je suggère le retrait de tous ces amendements, qui sont satisfaits par l’amendement CS703 du rapporteur, que la Commission a adopté. J’en rappelle les termes : « L’État doit définir une stratégie de développement des véhicules propres et des infrastructures d’avitaillement correspondantes. Cette stratégie concernera toutes les technologies de véhicules propres et toutes les sources d’énergie. En outre, elle devra déterminer des territoires et des réseaux routiers prioritaires pour le développement desdites infrastructures, et sera transmise au Parlement. » L’amendement CS703 a permis de concentrer dans un seul texte l’ensemble des éléments liés à la stratégie bas carbone.

Les amendements CS161 deuxième rectification, CS154, CS839 rectifié, CS201 rectifié, CS724 et CS1507 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS19 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CS1508 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Nous avons une inquiétude s’agissant de l’objectif de déploiement de sept millions de bornes électriques – chiffre très impressionnant – affiché dans la loi : il ressort des auditions préparatoires que ni Réseau de transport d’électricité, ni Électricité réseau distribution France, ni la Commission de régulation de l’énergie ne disposent d’évaluation de l’impact que pourraient avoir ces sept millions de bornes sur le réseau. Lorsque nous évoquons le développement des énergies renouvelables avec nos interlocuteurs chargés des réseaux de distribution et de transport d’électricité – nous, écologistes, nous battons en ce sens depuis de nombreuses années déjà –, ils invoquent souvent la complexité d’une telle entreprise et les modifications qu’elle induirait en termes d’équilibre des réseaux. Cet argument n’est d’ailleurs pas dénué de tout fondement, ce qui implique de travailler sérieusement en élaborant des schémas de déploiement. Or l’impact de l’installation de sept millions de points de charge sur les réseaux sera au moins aussi important que celui du développement des énergies renouvelables. Mon amendement vise donc à ce qu’une étude d’impact nationale soit réalisée, afin de déterminer les conditions dans lesquelles nous pourrons réussir ce déploiement sans déséquilibrer les réseaux. Nous devrions inclure une disposition analogue à celle qui figure au début du titre V s’agissant du développement des énergies renouvelables : « sous réserve de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux ».

Mme la ministre. Cet amendement est très prématuré : commençons d’abord par développer les véhicules électriques. Alors même que nous avons du mal à faire décoller ce marché et à mobiliser nos investisseurs et nos industriels pour qu’ils s’engagent massivement dans cette voie, nous n’allons pas commencer à susciter des inquiétudes en mettant en avant les éventuels risques en termes de surconsommation d’électricité… Souhaitons d’ailleurs que cette question se pose un jour : cela voudra dire que le développement des véhicules électriques aura réussi ! Quant à RTE, sa fonction est en effet de surveiller l’équilibre des réseaux.

Par ailleurs, le groupe Schneider Electric a mis au point des bornes de recharge alimentées par des panneaux photovoltaïques – j’ai pu les voir récemment. Il faut aussi investir massivement dans ces nouvelles technologies, qui vont se développer très rapidement. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je suis d’accord avec Mme la ministre : on ne peut pas à la fois encourager le développement des véhicules électriques et anticiper les difficultés à venir. Néanmoins, le problème existe et nous devons être vigilants : RTE nous a alertés sur les éventuelles conséquences pour le réseau de distribution d’électricité. Du reste, c’est aussi une question de comportement : si les automobilistes se rendent tous en même temps dans les stations-service pour faire une recharge rapide de leur voiture électrique, comme ils font actuellement un plein d’essence – ce qui correspond à une charge de 10 mégawatts ! –, cela créera des pics de consommation très difficiles à gérer pour RTE. C’est pourquoi le projet de loi et plusieurs amendements visent à encourager les recharges lentes dans les immeubles et sur les parkings des entreprises. Je vous suggère, monsieur Baupin, de retirer votre amendement, qui est sans doute trop catégorique et quelque peu traumatisant.

M. Denis Baupin. Je le maintiens.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je soutiens cet amendement. Je comprendrais votre raisonnement, Mme la ministre, si l’objectif d’installer 7 millions de points de charge à l’horizon 2030 ne figurait pas dans le texte. Rappelons qu’il y a près de 30 millions de véhicules individuels en France.

Mme Frédérique Massat. À la fin du mois de juillet, nous avons adopté une loi qui prévoit la création d’un opérateur national chargé de l’implantation des bornes de recharge sur le territoire national. Ces opérations doivent concerner le territoire d’au moins deux régions, et le système est équilibré et contrôlé par l’État. Nous disposons donc d’assurances en matière d’aménagement du territoire. En outre, le déploiement doit se faire en concertation avec les gestionnaires de réseau et les autorités organisatrices de la distribution d’électricité, de gaz et de chaleur. Nous disposons donc déjà d’outils qui permettent d’éviter la surcharge du réseau. Si nous adoptons aujourd’hui des dispositions qui contredisent celles que nous venons de voter pour permettre à l’État d’intervenir, cela risque d’être compliqué à gérer !

Mme Cécile Duflot. Les écologistes ont été beaucoup trop polis et trop sages depuis trente ans, Mme la ministre : s’ils l’avaient moins été, nous aurions peut-être avancé plus vite ! D’autre part, je n’ai attenté ni à l’honneur ni à la dignité de M. Aubert.

Je reviens à la lettre de l’amendement de M. Baupin : nous demandons simplement une étude d’impact coordonnée par RTE pour mesurer les conséquences d’un plan de déploiement massif des bornes électriques. Il ne s’agit ni de freiner ni de favoriser le développement des véhicules électriques, mais d’anticiper, pour que ce développement soit un succès. Si l’installation des bornes se fait plus rapidement que prévu et provoque une surcharge du réseau, c’est-à-dire à une situation de blocage, cela limitera l’utilisation des véhicules électriques. Des blocages pourraient également se produire en cas de concentration de véhicules électriques dans un même endroit à l’occasion d’une manifestation particulière – un festival, par exemple – si le réseau n’a pas été dimensionné pour y faire face, faute d’anticipation. Voilà ce qui pourrait freiner le développement des véhicules électriques.

M. Julien Aubert. Pour une fois, les écologistes sont responsables… Depuis le début de l’examen de ce texte, nous n’avons de cesse d’appeler votre attention sur les coûts et sur la gestion du réseau électrique. Or tous nos arguments ont été balayés. Nous sommes donc heureux qu’un amendement responsable soit présenté et que l’on s’interroge enfin sur les conséquences des choix qui sont faits !

Cependant, vous avez raison, Mme la ministre : cet amendement est tout de même un peu anxiogène. Car si le développement massif des véhicules électriques peut en effet avoir des conséquences sur l’équilibre des réseaux et induire des risques de surcharge, il présente aussi des avantages éventuels en matière de gestion de l’effacement : ces millions de véhicules stockeront de l’électricité. Il conviendrait de le mentionner dans l’amendement. D’un autre côté, si une étude est réalisée, il faudra aussi tenir compte du développement, dans le même temps, d’énergies électriques intermittentes qui modifient le mix électrique et qui rendent les prévisions plus difficiles, ce qui exige de mieux gérer l’effacement.

Je propose donc de sous-amender la proposition de M. Denis Baupin comme suit : « Cet objectif fera l’objet d’une étude d’impact nationale coordonnée par RTE pour en mesurer les conséquences sur l’équilibre des réseaux, la gestion de l’effacement, les risques de renforcement de la pointe électrique et des besoins de puissance engendrés, notamment dans la perspective d’un développement simultané des énergies électriques intermittentes dans le mix énergétique français. »

M. le président François Brottes. Soyons optimistes : la voiture électrique est un excellent moyen de stocker l’électricité. Monsieur Aubert, je vous suggère de déposer votre sous-amendement en vue de la séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CS178 rectifié du rapporteur est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1509 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’installation de nombreuses bornes à recharge rapide pèserait très lourd sur le réseau. Cet amendement vise donc à encadrer ce déploiement : il prévoit que l’on installe prioritairement des bornes de recharge d’une puissance inférieure à 12 kilowatts.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS20 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CS84 de M. Lionel Tardy.

M. Martial Saddier. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CS1510 de M. Denis Baupin est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1641 de M. Joël Giraud.

M. Jacques Krabal. Cet amendement vise à donner au consommateur le libre choix du fournisseur d’électricité pour la recharge de son véhicule électrique. Il ne doit pas être contraint de suivre les choix effectués par les gestionnaires de bornes de recharge. Il convient, en outre, de garantir des prix aussi bas que possible.

Mme la ministre. Avis défavorable. Je suggère le retrait de cet amendement. Un cahier des charges a été élaboré pour les infrastructures publiques de recharge. Il prévoit l’itinérance des services, ce qui permettra un accès aisé à toutes les bornes publiques. Cela doit contribuer à la constitution d’un marché concurrentiel ouvert à tous les opérateurs, ainsi qu’à la création de services innovants et performants. Les protocoles de communication permettant l’échange entre opérateurs des données nécessaires à l’ouverture du service directement ou via une plate-forme d’interopérabilité existent déjà. L’appel à manifestation d’intérêt destiné aux collectivités territoriales lancé dans le cadre du programme d’investissements d’avenir est piloté par l’ADEME et intègre vos préoccupations, monsieur Krabal.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il paraît impossible d’imposer que tous les fournisseurs d’électricité soient présents dans tous les points de charge. En revanche, pour les infrastructures de recharge situées à leur domicile, les utilisateurs auront bien la possibilité de choisir l’opérateur avec lequel ils souhaitent conclure un contrat.

M. Joël Giraud. Je souhaiterais néanmoins m’assurer que la libre concurrence sera garantie et que la couverture territoriale sera suffisante. Il est arrivé que l’on m’invite aimablement à franchir deux fois la frontière franco-italienne pour me rendre dans le centre de contrôle technique le plus proche !

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS21 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CS1513 de Mme Michèle Bonneton.

M. Denis Baupin. Aux termes de cet amendement, le réseau des bornes de recharge devrait être principalement alimenté par de l’électricité d’origine renouvelable. Il convient d’associer deux objectifs : le développement des voitures électriques – auquel nous sommes, bien sûr, favorables – et celui des énergies renouvelables. Dans le passé, la surproduction d’électricité nous a incités à développer le chauffage électrique, et nous le payons aujourd’hui par une dépendance inquiétante à l’électricité et une vulnérabilité aux pics de consommation.

Mme la ministre. Je suggère le retrait de cet amendement, qui est satisfait : en 2030, 40 % de la production d’électricité devra être d’origine renouvelable. Cette exigence s’appliquera à tous les secteurs qui consomment de l’énergie et de l’électricité : ils devront tous faire l’effort de privilégier les énergies renouvelables. Focaliser sur un seul de ces secteurs reviendrait à dire que l’on sera moins exigeant avec les autres.

Par ailleurs, s’agissant de la recharge privée, les particuliers ont déjà la possibilité de choisir un fournisseur proposant de l’électricité d’origine renouvelable. Tel est également le cas des institutionnels, qui auront d’ailleurs intérêt à s’orienter vers ces énergies en raison de la baisse du coût des équipements correspondants. L’objet même de ce texte est de favoriser le recours aux énergies renouvelables.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Denis Baupin. Je vous remercie, Mme la ministre, d’avoir confirmé que l’objectif était bien d’atteindre 40 % d’électricité d’origine renouvelable en 2030. Cela figure dans l’exposé des motifs et nous aurions souhaité l’inscrire dans la loi. Cette confirmation est de bon augure pour la PPE.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS836 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. Cet amendement, que je défends en tant qu’élu de la côte atlantique, vise à ce que l’État favorise la distribution du gaz naturel liquéfié dans les ports pour les navires et les bateaux. Ceux-ci utilisent actuellement des fiouls lourds. Il convient d’encourager la réduction des émissions de dioxyde de carbone en facilitant le recours au gaz naturel liquéfié. Il s’agirait d’un signal clair et durable à l’attention des acteurs du secteur. Ne prenons pas de retard ! En outre, cet amendement est cohérent avec la proposition de directive européenne sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants de substitution.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait par l’amendement CS703 adopté tout à l’heure : l’État doit définir une stratégie de développement des transports propres et des infrastructures d’avitaillement correspondantes. Cette stratégie concernera toutes les sources d’énergie et toutes les technologies de transports propres, y compris celles qui concernent les navires et les bateaux. En outre, elle fixera des objectifs de développement territorialisés et priorisés – les ports pourront être traités dans cette partie – et sera soumise au Parlement.

M. Julien Aubert. Nous aurions néanmoins souhaité que les termes « ports », « navires » et « bateaux » figurent dans la loi, afin que ce secteur très particulier ne soit pas oublié ou considéré comme mineur. Nous maintenons donc l’amendement.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je suis très sensible à votre souhait, tout à fait légitime. Cependant, dans la mesure où cet amendement est satisfait, j’en demande le retrait.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS160 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement vise à favoriser le développement des modes de transport doux, en particulier de la bicyclette, chère à mon cœur. Je propose que la France se fixe un objectif de déploiement massif, d’ici à 2030, de voies de circulation douce et de stationnements dédiés aux mobilités douces, en particulier de stationnements sécurisés pour les vélos.

Mme la ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Commission, étant entendu que ce domaine relève de la compétence des collectivités territoriales.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Ces dispositions constitueront donc une incitation pour ces dernières.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS74 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Nous appelons à une transition énergétique souple. À cet égard, l’obligation d’installation de bornes électriques ne correspond pas à notre philosophie : nous aurions préféré une incitation, d’autant que ce texte, sans doute rédigé un peu rapidement, ne précise pas certains éléments importants tels que les conditions techniques – doit-il s’agir d’un chargement rapide ou long ? – ni le nombre minimal de bornes.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CS1279 rectifié de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1511 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1279 rectifié vise à étendre l’obligation de doter les bâtiments de stationnements sécurisés dédiés aux vélos, afin de faciliter leur utilisation dans les déplacements quotidiens.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1511 est défendu.

Mme la ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord sur le principe. Cependant, il conviendrait de préciser ce que l’on entend par « stationnements sécurisés » : cela signifie-t-il « sécurisés contre le vol » ? Si tel est le cas, cela risque de poser problème.

Mme la ministre. L’objectif de l’amendement est très louable. Rappelons néanmoins que les bâtiments neufs sont déjà tous assujettis à une obligation de créer des stationnements pour les vélos, que les bâtiments à usage tertiaire existants doivent réaliser des emplacements sécurisés, et que des modalités simplifiées sont prévues en la matière pour les bâtiments d’habitation collectifs.

M. Denis Baupin. Le terme « sécurisés » figure non pas dans l’amendement, mais dans le projet de loi. L’amendement vise simplement à élargir la liste des bâtiments concernés.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le problème se pose lorsque le stationnement se fait à l’extérieur des bâtiments.

La Commission adopte l’amendement CS1279 rectifié et l’amendement CS1511 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CS1194 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Frédérique Massat. Défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit alors de l’amendement CS1512 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Nous proposons que le nombre de places de stationnement sécurisées réservées aux vélos ne puisse pas être inférieur à 10 % du nombre de places de stationnement automobile.

Mme la ministre. Avis défavorable : ce serait trop rigide. Qui plus est, cette précision relève du règlement.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CS1195 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Frédérique Massat. Défendu.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement de précision CS22 de M. Philippe Plisson, rapporteur.

Elle se saisit alors de l’amendement CS172 rectifié du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Dans le même esprit que les amendements précédents, il s’agit d’encourager le développement d’infrastructures destinées au stationnement des vélos.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement CS1196 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Frédérique Massat. Défendu.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement de précision CS23 du rapporteur, ainsi que l’amendement de coordination CS37 du rapporteur.

Elle se saisit alors de l’amendement CS38 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte alors l’article 10 ainsi modifié.

Après l’article 10

La Commission se saisit de l’amendement CS838 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. Pour obtenir un permis de construire, il est obligatoire de prévoir un certain nombre d’aires de stationnement, en fonction du nombre de logements prévus. Nous proposons d’encourager les promoteurs à mettre à disposition des véhicules électriques en autopartage ; en contrepartie, le nombre de places obligatoires pourrait être réduit.

Mme la ministre. L’intention me paraît très louable, mais l’amendement sera satisfait puisqu’il est déjà prévu de réduire les exigences imposées lors de la construction de nouveaux logements. Sagesse.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le principe est bon, mais l’application sera difficile : comment savoir dès la construction si un autopartage sera bien prévu ?

M. Alain Leboeuf. Ce n’est pas si compliqué : le promoteur peut intégrer l’autopartage à son projet. Il n’y a pas d’obligation, mais un simple encouragement. On gagnerait de la place tout en encourageant l’usage du véhicule électrique.

M. le président François Brottes. Ne faudrait-il pas s’assurer que le promoteur a déjà prévu un opérateur pour offrir ce service aux habitants ? Si l’autopartage est simplement prévu mais n’est pas mis en place faute d’opérateur, il y aura un problème. Votre amendement ne me paraît pas suffisamment précis sur ce point.

M. Julien Aubert. Une telle précision relève, me semble-t-il, d’un décret. Avec cet amendement, nous souhaitons favoriser l’inventivité et les convergences innovantes entre le secteur du transport et celui du bâtiment. De telles solutions présenteraient des avantages financiers, puisque le secteur privé financerait ainsi le développement de la voiture électrique. Enfin, en diminuant le nombre de places de stationnement nécessaires, on faciliterait la construction, notamment dans les centres-villes.

M. le président François Brottes. La loi ALUR a assoupli les obligations en matière de places de stationnement, le problème ne se pose donc plus. Mais si un autopartage est prévu sans être vraiment mis en œuvre, les habitants se retrouveront Gros-Jean comme devant ! Je vous suggère d’y réfléchir d’ici à la séance.

M. Julien Aubert. Soit.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements identiques CS204 de Mme Sophie Rohfritsch et CS968 de M. Laurent Kalinowski.

M. Martial Saddier. L’amendement CS204 est défendu.

M. Stéphane Travert. La création d’un marché des crédits des véhicules propres pourrait inciter les constructeurs à proposer de tels véhicules à des prix acceptables par nos concitoyens.

Mme la ministre. Avis défavorable, en raison de la complexité d’un tel mécanisme.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Article 11
(articles L. 641-5, L. 641-6 et L. 661-1-1 [nouveau] du code de l’énergie)

Développement des biocarburants avancés et surveillance de la qualité des carburants

I. UN OBJECTIF CHIFFRÉ INCHANGÉ POUR L’ÉNERGIE DE SOURCE RENOUVELABLE UTILISÉE DANS LES TRANSPORTS

A.  L’ÉTAT DU DROIT

La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables assigne à la France l’objectif de 23 % d’énergie de sources renouvelables dans le bouquet énergétique en 2020, dont 10 % dans le secteur des transports. L’article L. 641-6 du code de l’énergie, depuis sa modification par l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011 portant transposition de la directive de 2009, a fixé un objectif chiffré de consommation finale, dans le secteur des transports, d’énergie produite à partir de sources renouvelables. Il dispose que l’État « crée les conditions pour que la part de cette énergie dans tous les modes de transport en 2020 soit d’au moins 10 % ».

B.  LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

Le projet de loi ne modifie pas cet objectif de 10 %, qui constitue un engagement européen contraignant pour la France. La modification proposée pour l’article L. 641-6 vise à supprimer l’alinéa de cet article qui fixe des objectifs chiffrés pour la part des carburants renouvelables dans la teneur énergétique de l’essence et du gazole mis en vente sur le marché national.

II. UNE VOLONTÉ DE DÉVELOPPER LE RECOURS AUX BIOCARBURANTS AVANCÉS

A.  L’ÉTAT DU DROIT

La directive 2009/28/CE précitée qui fixe l’objectif de 10 % d’énergie de source renouvelable dans la consommation finale d’énergie par les transports, et la directive 2009/30/CE qui a fixé un objectif de réduction de 10 % des émissions de gaz à effet de serre générées sur l’ensemble du cycle de vie des carburants d’ici 2020 (objectif qui figure dans l’article L. 641-7 du code de l’énergie), prescrivent que seuls les biocarburants et les bio-liquides satisfaisant des critères de durabilité seront pris en compte dans la poursuite de ces objectifs ; ils seront seuls éligibles à une aide financière pour leur consommation.

La loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable a transposé les deux directives précitées en introduisant dans le code de l’énergie :

– l’article L. 661-1, qui définit les termes biocarburant et bioliquide ;

– l’article L. 661-2, qui indique que les biocarburants et bioliquides qui remplissent des critères de durabilité seront comptabilisés pour la satisfaction des objectifs assignés, et pourront bénéficier d’une aide financière pour leur consommation ;

– l’article L. 661-3, qui précise que les critères de durabilité sont applicables à toutes les étapes de la chaîne de production et de distribution ;

– l’article L. 661-4, qui impose que la production et l’utilisation de biocarburants et bioliquides présentent un potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 35 % par rapport aux émissions résultant des carburants et combustibles fossiles ;

– l’article L. 661-5, qui interdit la production de biocarburants et de bioliquides à partir de terres de grande valeur en termes de biodiversité, présentant un important stock de carbone, ou ayant le caractère de tourbières, sauf si cette production ne porte qu’une atteinte limitée à ces terres ;

– l’article L. 661-6, qui impose le respect des bonnes pratiques applicables dans le cadre de la politique agricole communautaire pour la production de biocarburants et de bioliquides ;

– l’article L. 661-7, qui prévoit les conditions à remplir par les opérateurs pour démontrer le respect des critères de durabilité dans le cadre d’un système de contrôle national et indépendant ;

– l’article L. 661-8, qui prévoit un contrôle des informations relatives aux critères de durabilité assuré par l’autorité administrative.

Le premier alinéa de l’article L. 641-6 du code de l’énergie dispose que « l’État soutient le développement des biocarburants et encourage l’amélioration de la compétitivité de la filière. À cette fin, l’État crée les conditions permettant de porter à 7 % dans la filière essence et à 7,7 % dans la filière gazole la part des biocarburants et des autres carburants renouvelables dans la teneur énergétique de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transport. »

B.  LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

La nouvelle rédaction de l’article L. 641-6 proposée par l’article 11, comme indiqué plus haut, supprime l’alinéa précité, et fait donc disparaître les objectifs chiffrés existants.

L’article 11 du projet de loi propose en revanche la création d’un article L. 661-1-1 dans le code de l’énergie imposant la fixation, par la « programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE) instaurée par l’article 49 du projet, d’un objectif d’incorporation de biocarburants avancés dans la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports. L’article 11 définit les biocarburants avancés comme les « biocarburants qui, produits à partir de matière première ne créant pas de besoin de terres agricoles supplémentaires, ne comportent pas, ou que peu, de risques d’émissions de gaz à effet de serre liées aux changements indirects dans l’affectation des sols ». La liste de ces biocarburants et les mesures de mise en œuvre de l’objectif devront être fixées par voie réglementaire. Comme la PPE sera fixée par décret, l’objectif « biocarburants » sera également défini par le pouvoir réglementaire.

III. UNE BASE LÉGALE POUR LE DISPOSITIF EXISTANT DE SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DES CARBURANTS

A.  L’ÉTAT DU DROIT

Le tableau des « produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible passibles d’une taxe intérieure de consommation » est établi par l’article 265 du code des douanes. L’article L. 641-4 du code de l’énergie, par renvoi à cet article, fait de ce tableau la liste des carburants autorisés à la consommation en France, et l’article L. 641-5 renvoient au pouvoir réglementaire la définition des règles techniques d’utilisation et les caractéristiques des produits pétroliers inclus dans cette liste.

La directive 98/70/CE du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel a défini des spécifications minimales relatives à ces carburants, motivées par des considérations liées à la protection de la santé et de l’environnement. Cette directive, dans sa version issue d’une révision de 2003, dispose que les États membres doivent mettre en place un système de surveillance de la qualité des carburants distribués sur leur territoire, pour assurer le respect de ces exigences de qualité en termes de réductions des émissions de polluants atmosphériques.

En France, un système de surveillance de la qualité des carburants est en place depuis 2006 (échantillonnage des carburants vendus en station-service, analyse des échantillons et recueil des résultats), mais sans base juridique législative.

B.  LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

Le Gouvernement propose de donner une base législative au système de surveillance existant, en complétant l’article L. 641-5 du code de l’énergie par une description de ce système opérationnel (prélèvement et analyse d’échantillons chez les grossistes et les distributeurs), et en conférant à l’autorité administrative le pouvoir d’imposer des mesures correctives aux fournisseurs des produits et, si ceux-ci ne les appliquent pas, de suspendre provisoirement la commercialisation des produits en cause.

*

* *

La Commission adopte les amendements rédactionnels CS24 et CS25 du rapporteur.

Elle se saisit ensuite des amendements identiques CS100 de M. Martial Saddier, CS1349 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1432 de M. Julien Aubert.

M. Martial Saddier. Il s’agit d’afficher un objectif ambitieux, mais réaliste, d’utilisation des énergies renouvelables dans les transports collectifs, à l’horizon 2030.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1349 est défendu.

M. Julien Aubert. L’amendement CS1432 est défendu.

Mme la ministre. Ces amendements seront satisfaits par la PPE. Je demande leur retrait.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement CS1349 est retiré.

Puis la Commission rejette les amendements CS100 et CS1432.

Elle examine alors l’amendement CS1515 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Le texte semble insister sur les agrocarburants ; or tous les vecteurs énergétiques doivent être pris en considération. Notre amendement met en avant le rôle du biogaz et des biocarburants de deuxième et troisième générations.

Mme la ministre. La rédaction actuelle, beaucoup plus large, est préférable : en citant certains vecteurs, on risque d’en écarter d’autres, dont certains peut-être n’existent pas encore. Ainsi, votre amendement ne cite pas l’hydrogène. C’est l’inconvénient des énumérations.

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit ensuite de l’amendement CS1516 de M. Denis Baupin.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait, car la PPE fixe les objectifs de développement des différents types d’énergie utilisables dans les transports. Qui plus est, nous avons adopté l’amendement CS703, qui demande une stratégie de développement des véhicules propres.

M. Denis Baupin. Dont acte.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS101 de M. Martial Saddier, CS784 de M. Julien Aubert, CS837 de M. Julien Aubert, CS1033 de M. Bertrand Pancher, CS1034 de M. Bertrand Pancher, CS1517 de Mme Brigitte Allain, CS1712 de M. Jacques Krabal, CS913 de M. Jean-Yves Caullet et CS914 de M. Jean-Yves Caullet.

M. Jacques Krabal. Nous souhaitons le développement des biocarburants sur notre territoire. L’amendement CS1712 vise à inclure explicitement le développement des biocarburants issus de déchets et de résidus parmi les objectifs de la PPE.

M. Jean-Yves Caullet. Mon amendement CS913 est similaire. En outre, l’amendement CS914 rappelle le seuil de 7 % fixé pour les agrocarburants de première génération : le développement des biocarburants nouveaux ne doit pas faire cesser la production des biocarburants actuellement utilisés.

Mme la ministre. Ces amendements sont très intéressants mais satisfaits : la PPE fixera les différents objectifs, et l’amendement CS703 déjà mentionné prévoit la mise en œuvre d’une stratégie pour les véhicules propres. Voilà un amendement proprement miraculeux, qui fera date dans la transition énergétique…

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis : je ne peux que partager la position de la ministre…

M. Jean-Yves Caullet. Mais conservera-t-on le fonds actuel, tout en progressant dans les nouvelles technologies ?

Mme la ministre. Bien sûr, les biocarburants nouveaux ne font pas disparaître les anciens. Les textes réglementaires en tiendront compte. Tous ces éléments ont été soigneusement notés.

M. Bertrand Pancher. Nous assistons ce matin à un petit miracle : il n’y a plus aucune controverse sur les biocarburants ! Élu d’un département agricole, je suis attaché à l’équilibre entre développement de biocarburants et soutien à l’agriculture. Je me réjouis donc de ce consensus, tout à fait nouveau.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement CS1517, bien que je ne partage pas l’enthousiasme de M. Pancher… Nous en reparlerons en séance.

Ces amendements sont retirés.

Puis la Commission examine l’amendement CS523 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement est philosophique : jamais l’agriculture n’a été uniquement destinée à nourrir les hommes. Elle a toujours rempli bien d’autres fonctions : lorsque l’on donnait de l’avoine à un cheval, ancêtre de nos voitures, il s’agissait bien de permettre les déplacements !

Mme la ministre. Avis défavorable.

Le projet de loi mentionne les biocarburants avancés, c’est-à-dire qui ne sont en concurrence ni avec la production agricole, ni avec les autres usages traditionnels du sol ; nous voulons en effet éviter la spéculation et la disparition de terres agricoles. De la même façon, le Gouvernement refuse l’établissement des parcs photovoltaïques sur des terres à usage agricole. C’est donc un consensus, monsieur Pancher, qui n’a rien de miraculeux : nous concilions le développement des énergies renouvelables et la protection de nos terres agricoles – à la demande des agriculteurs eux-mêmes d’ailleurs.

M. Julien Aubert. Nous avons plutôt entendu des demandes dans l’autre sens !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable.

Je reste pour ma part très hostile aux agrocarburants et je considère que l’agriculture n’a pas pour objet de fabriquer du carburant. Toutefois, les technologies évoluent, et certains biocarburants peuvent être encouragés – je pense par exemple à ceux qui sont issus de la biomasse. L’économie circulaire nous en convaincra plus loin.

Je trouve particulièrement savoureuse l’image employée par notre collègue Aubert : autrefois, son grand-père faisait le plein de son cheval avec de l’avoine, et aujourd’hui il fait le plein de sa voiture avec du biocarburant… Dans un souci de déplacements doux, je lui suggère de revenir au cheval !

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels CS26 et CS27 du rapporteur.

Elle adopte alors l’article 11 ainsi modifié.

Après l’article 11

La Commission examine l’amendement CS1514 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’amendement propose d’augmenter la taxe sur les véhicules de sociétés pour les véhicules diesel afin de renforcer la prise en compte de leur caractère polluant.

Mme la ministre. Défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement, auquel je suis plutôt favorable sur le principe, demande à être étudié dans le cadre du projet de loi de finances.

M. Bertrand Pancher. Mme la ministre peut-elle nous éclairer sur les intentions du Gouvernement quant à la taxe sur le gazole ? J’ai cru lire dans la presse économique que le Gouvernement s’apprêtait à augmenter cette taxe pour compenser le manque à gagner de l’écotaxe.

Mme la ministre. Ce sujet relève du ministre du budget. Vous connaissez ma conviction : la transition énergétique ne s’accomplira pas par des taxes. Celle-ci doit être engagée de manière positive, notamment grâce au crédit d’impôt de transition énergétique et aux divers moyens financiers offerts à l’ensemble des opérateurs économiques pour les exhorter à participer à la transition énergétique.

M. Christophe Bouillon. Cet amendement n’a pas sa place dans ce texte. Je suggère à M. Baupin de trouver le véhicule législatif approprié pour défendre cette idée au demeurant intéressante.

M. Denis Baupin. Mon intention était de sensibiliser à ce sujet. Je retire donc l’amendement.

L’amendement est retiré.

Chapitre II
Réduction des émissions et qualité de l’air dans les transports

Avant l’article 12

La Commission est saisie des amendements CS1274 et CS1275 de M. Jean-Paul Chanteguet.

Mme la ministre. Je propose le retrait de ces amendements qui sont satisfaits par les travaux communautaires en cours.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

Les amendements sont retirés.

Article 12
Objectifs contraignants de réduction de l’intensité en gaz à effet de serre pour le secteur de la grande distribution

Les transporteurs routiers ont engagé en 2008 une démarche volontaire pour la réduction des émissions de GES du transport routier de marchandises (TRM) et du transport routier de voyageurs, sous forme d’une charte « Objectif CO2 – les transporteurs s’engagent » à laquelle ont adhéré 2 % des entreprises du secteur, représentant environ 18 % de la flotte de véhicules de transport routier français. En décembre 2013, dans son évaluation de la mise en œuvre de la charte, l’ADEME a relevé que les objectifs ainsi fixés ont été globalement atteints, mais que la démarche n’a pas eu d’effet d’entraînement sur les autres acteurs du TRM, notamment les chargeurs.

I. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le Gouvernement propose d’obliger les grandes entreprises du secteur de la distribution à engager une démarche de réduction des émissions de GES liées au transport des produits finis depuis les sites de production jusqu’aux points de destination finale (surfaces de vente ou point de livraison au consommateur), avec un objectif chiffré contraignant.

L’article 12 du projet de loi prévoit donc que les « grandes entreprises du secteur de la distribution » (la taille des entreprises visées sera précisée par voie réglementaire) devront réduire, par rapport à 2015, « l’intensité en gaz à effet de serre » du TRM qu’elles réalisent d’au moins 10 % en 2020 et d’au moins 20 % en 2025. L’intensité en GES est définie comme le rapporteur entre le volume des émissions de GES et les quantités de marchandises commercialisées. Les programmes d’action correspondants devront être établis au plus tard au 31 décembre 2016, et communiqués à l’ADEME qui en dressera un bilan un an après.

L’étude d’impact du projet de loi apporte les précisions suivantes :

– une centaine d’entreprises sont potentiellement visées par cette mesure ;

– les chargeurs de la distribution de l’e-commerce ne sont pas expressément visés, mais pourront être intégrés dans le champ de la mesure par voie réglementaire ;

– les mesures prises pourront porter sur les distances parcourues (choix d’implantation des centres logistiques, optimisation des tournées d’approvisionnement…), la performance énergétique des véhicules utilisés, leur taux de chargement, la multimodalité, l’écoconduite ;

– le double objectif chiffré a été fixé sur la base des résultats de la démarche « Objectif CO2 » des transporteurs, certains transporteurs ayant réussi à réduire de 10 à 15 % en trois ans les émissions à la tonne transportée avec une seule mesure, et en prenant l’exemple du groupe Carrefour qui a réduit de 12,5 % ses émissions de CO2 par unité de transport sur la période 2009-2012 ;

– des effets économiques positifs sont annoncés pour les entreprises, en termes de réduction de la consommation de carburants et en termes d’image.

II. LA POSITION DE VOTRE CO-RAPPORTEUR

Votre co-rapporteur a présenté un amendement, qui a été adopté par la commission, précisant que les programmes d’actions ne devront pas seulement concerner les émissions de gaz à effet de serre, mais également les émissions de polluants atmosphériques. La contribution du secteur de la distribution à l’amélioration de la qualité de l’air doit porter sur la totalité des rejets polluants.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS102 de M. Martial Saddier.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS922 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’article 12 nous paraît un peu stigmatisant pour les entreprises du secteur de la distribution en faisant peser sur elles une contrainte supplémentaire. En outre, il est à craindre que cette contrainte soit répercutée en aval sur les fournisseurs et les sous-traitants.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS718 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement étend au secteur du transport routier de marchandises l’obligation de présenter des programmes d’action pour réduire les émissions polluantes.

Mme la ministre. Je suggère le retrait de cet amendement qui est satisfait par la charte Objectif CO2, pilotée par l’ADEME, dans laquelle les transporteurs routiers se sont engagés à réduire leurs émissions, à hauteur de 800 000 tonnes de COévitées pour 100 000 véhicules aujourd’hui. Le ministère a l’intention d’amplifier cette démarche volontaire des transporteurs.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS180 rectifié du rapporteur, CS1035 de M. Bertrand Pancher et CS1520 de M. Denis Baupin.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Par leurs activités, les entreprises de la grande distribution ont un fort impact sur le flux des transports de marchandises. Leur contribution à la réduction des pollutions émises ne peut se cantonner aux seuls gaz à effet de serre et doit inclure la totalité des rejets de polluants dans l’air.

M. Bertrand Pancher. Il s’agit en effet d’ajouter un volet consacré aux particules fines, très nocives pour la santé, au programme d’actions que les entreprises du secteur de la distribution doivent établir.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1520 est défendu.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. Martial Saddier. Je salue cette avancée qui satisfait tous ceux qui, comme moi, se sont battus pour que la pollution atmosphérique soit prise en compte dans les textes.

La Commission adopte à l’unanimité les amendements.

La Commission examine l’amendement CS1036 de M. Bertrand Pancher.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS28 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 12 ainsi modifié.

Article 12 bis [nouveau]
Réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant des activités au sol des plateformes aéroportuaires

Votre commission a adopté, avec l’avis favorable du co-rapporteur, un amendement visant les aéroports définis à l’article 1609 quatervicies A du code général des impôts, qui sont les aéroports dont le trafic est le plus important. Il s’agit, en 2014, des neuf aéroports suivants : Roissy-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Toulouse-Blagnac, Nantes-Atlantique, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nice-Côte-d’Azur et Strasbourg-Entzheim.

Indépendamment de la pollution causée par les avions en vol, l’activité des plateformes aéroportuaires est source de pollution atmosphérique et de bruit, du fait, d’une part, de l’utilisation par les avions de leurs moteurs auxiliaires de puissance pour le roulage au sol, et d’autre part, de la circulation de nombreux véhicules sur les plateformes, notamment pour le chargement et le déchargement des avions.

L’amendement adopté prévoit que les exploitants de ces grands aéroports devront présenter à l’ADEME, au plus tard le 31 décembre 2016, un programme d’actions pour réduire les émissions polluantes liées à leur activité. Un objectif chiffré leur est assigné pour la réduction de l’intensité en gaz à effet de serre : au moins 10 % par rapport en 2020 (par rapport à 2015), et au moins 20 % en 2025. Les véhicules de sécurité et de secours ne sont pas concernés.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS535 de M. Gérard Sebaoun.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Si les aéroports internationaux français sont pourvoyeurs d’emplois et d’activité économique, ils sont également un vecteur majeur de pollution atmosphérique, qui touche en premier lieu les salariés des plateformes aéroportuaires ainsi que les riverains. Cet amendement a pour objet de faire porter les efforts en faveur de la réduction des émissions sur les déplacements au sol dans ces plateformes.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

*

M. le président François Brottes. Chers collègues, ou bien nous achevons nos travaux tard dans la nuit, ou bien nous arrêtons plus tôt ce soir et finissons demain. En tout de cause, nous devons terminer l’examen du projet de loi.

M. Jean-Paul Chanteguet. Pas dans n’importe quelles conditions !

Mme la ministre. Je vous l’accorde, mais les conditions sont bonnes. En outre, le débat se poursuivra en séance. Le Gouvernement a étudié dans le détail chacun des amendements. Rien n’est improvisé.

M. Jean-Paul Chanteguet. Le calendrier de nos travaux ne peut pas être ajusté heure après heure. Il faut définir des règles pour garantir des conditions d’examen de ce texte respectueuses des droits du Parlement.

M. le président François Brottes. Les droits du Parlement sont respectés. Les séances de travail de demain sont inscrites à l’ordre du jour de la commission. Je me contente de vous présenter l’alternative pour la fin de l’examen de ce texte : demain ou à une heure avancée cette nuit, comme cela est arrivé souvent. Nous devons achever l’examen du texte pour que le délai de dépôt des amendements soit suffisant.

M. Christophe Borgel. Je partage votre point de vue. Nous devons prendre le temps nécessaire. Puisque les séances de demain ont été annoncées, je ne crois pas que le fait de travailler demain porterait atteinte aux droits du Parlement.

M. le président François Brottes. Il est arrivé des milliers de fois dans cette assemblée de travailler le samedi !

M. Bertrand Pancher. J’émets quelques doutes, monsieur le président, sur votre dernière affirmation. Vous avez pris part à la réforme de la Constitution qui avait notamment pour ambition de garantir au Parlement des conditions de travail apaisées. Nos agendas en circonscription sont très chargés, particulièrement en week-end.

Mme la ministre, vous mettez en avant le rôle de la séance publique mais nous serons confrontés au même problème, compte tenu du nombre d’amendements.

Avouez que les conditions d’examen de ce texte sont folles. Il suffisait de se donner le temps mais vous avez voulu faire un coup politique en annonçant que ce texte serait discuté avant le budget. Voilà un texte qui est annoncé depuis deux ans par le Président de la République et nous l’étudions dans des conditions scandaleuses.

Mme Catherine Beaubatie. Je n’ai pas l’expérience de certains d’entre vous mais je suis étonnée de l’organisation des débats. Même si nous siégeons demain, quelle certitude avons-nous d’avoir terminé demain soir ?

M. Joël Giraud. Ma question prolonge celle de notre collègue : que se passera-t-il si nous n’avons pas terminé demain ?

M. le président François Brottes. Je ne peux pas le présupposer. Nous verrons en temps utile.

M. Jean-Paul Chanteguet. Cette réponse est inacceptable.

M. le président François Brottes. Allons ! Cette question sera abordée lors de la réunion du bureau.

M. Julien Aubert. Je comprends le problème d’organisation. Si nous avions examiné la moitié des amendements et que vous nous proposiez d’accélérer pour terminer le texte, nous serions d’accord. Mais nous risquons de nous retrouver demain à examiner à la va-vite les amendements au terme de débats affadis.

Je suis très satisfait de votre présidence des débats. Mais, au rythme actuel, nous ne réussirons pas à examiner 1 000 amendements en vingt-quatre heures, sauf à faire un travail de piètre qualité.

La solution logique, je le répète, serait de reporter le début de la discussion générale, fixée mercredi 1er, au mardi 6 octobre. Le ministre Vidalies semblait considérer que c’était possible. C’est en tout cas la demande de l’UMP que je vous ai déjà soumise, monsieur le président. Nous pourrions alors poursuivre le travail en commission sereinement la semaine prochaine et disposer de cinq jours pour débattre en séance, ce qui me semble convenable.

Il est hors de question d’emprunter le tunnel que vous nous proposez. Alors que le Gouvernement a donné deux ans pour débattre à la société civile, il ne consentirait pas à octroyer deux jours de plus au Parlement ! Le Parlement, ce n’est pas marche ou crève !

M. le président François Brottes. Je vous remercie pour votre appréciation de la présidence. Je n’ai pas l’intention de changer ma façon de présider dans laquelle rien ne sera inacceptable. J’entends vos remarques et je vous propose maintenant d’avancer.

Article 13
(article L. 2213-4-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales, articles L. 222-6,
L. 223-1, L. 223-2, L. 228-3 et L. 361-2 du code de l’environnement)

Mesures de restriction de la circulation en cas de mauvaise qualité de l’air et prime à la conversion des véhicules

I. L’ÉTAT DU DROIT

1.  Les pouvoirs de police du maire en matière de circulation et de stationnement

Les articles L. 2213-4 et suivants du code général des collectivités territoriales régissent les pouvoirs de police du maire en matière de circulation et de stationnement. Le maire peut, en particulier, interdire à certaines heures l’accès de certaines voies à des catégories d’usagers ou de véhicules (notamment au titre de la protection de la qualité de l’air), règlementer l’arrêt et le stationnement des véhicules, et réserver des emplacements de stationnement aux véhicules des personnes handicapées et aux véhicules portant le label « autopartage ».

2.  Les plans de protection de l’atmosphère

Les articles L. 222-4 et suivants du code de l’environnement chargent les préfets d’élaborer, pour certaines zones et pour toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants, des plans de protection de l’atmosphère (PPA). L’article L. 222-6 précise que, pour atteindre les objectifs définis par un PPA, les autorités compétentes en matière de police arrêtent les mesures préventives, d’application temporaire ou permanente, destinées à réduire les émissions polluantes, et notamment prescrire des limitations à la circulation des véhicules.

3.  Les mesures d’urgence en cas d’épisode de pollution

En cas de pic de pollution, le préfet a le pouvoir, en vertu de l’article L. 223-1 du code de l’environnement, de « prendre les mesures propres à limiter l’ampleur et les effets de la pointe de pollution sur la population ». Ces mesures sont prises en application du PPA lorsqu’il existe, mais peuvent également être décidées en dehors d’un PPA. Elles consistent à restreindre ou à suspendre les activités « concourant aux pointes de pollution, y compris, le cas échéant, de la circulation des véhicules ».

4.  Les zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA)

La loi « Grenelle » n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a introduit dans le code de l’environnement la possibilité d’instituer, à titre expérimental, dans les communes ou groupements de communes où une mauvaise qualité de l’air est avérée, une « zone d’actions prioritaires pour l’air », dont l’accès est interdit aux « véhicules contribuant le plus à la pollution atmosphérique ». Cette expérimentation peut être engagée soit à l’initiative des communes ou groupements de communes, soit sur proposition du préfet adressées à ces communes ou groupements. La loi de 2010 fixait un délai de deux ans pour la présentation des projets de ZAPA

Plusieurs agglomérations ont lancé des études de faisabilité pour la création de ZAPA sur leur territoire, mais aucune n’a déposé de dossier dans le délai fixé.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

1.  Les zones à circulation restreinte

Pour remplacer les ZAPA qui n’ont jamais été concrétisées, le Gouvernement propose d’abroger l’article prévoyant cette expérimentation et d’introduire un nouvel outil pour les maires, les zones à circulation restreinte (ZCR), dans les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux pouvoirs de police de ceux-ci.

Ce dispositif constitue un complément aux PPA, puisque la création de ZCR ne pourra avoir lieu que dans le périmètre d’un tel plan – avec un seuil de 100 000 habitants. Une ZCR sera créée par le maire ou par le président d’un EPCI à fiscalité propre lorsque celui-ci dispose du pouvoir de police de la circulation. Au préalable, les autorités responsables en matière de mobilité, les communes limitrophes, les gestionnaires de voirie et les chambres consulaires seront consultées, et le projet d’arrêté accompagné de ces avis seront mis à la disposition du public.

L’arrêté qui crée la ZCR fixe les mesures de restriction de circulation applicables et détermine les catégories de véhicules concernés. La ZCR est créée pour une durée maximale de trois ans, l’arrêté pouvant être reconduit pour une période d’un an, renouvelable une fois.

Contrairement aux ZAPA, il n’est pas prévu de phase d’expérimentation limitée dans le temps avec approbation de la liste des collectivités volontaires par décret en Conseil d’État.

2.  Des précisions apportées aux articles L. 222-6, L. 223-1 et L. 223-2 du code de l’environnement

Il est proposé de préciser, dans l’article L. 222-6 et dans l’article L. 223-1, que les mesures de limitation de la circulation des véhicules prises dans le cadre d’un PPA ou en cas de pic de pollution peuvent consister en une réduction des vitesses maximales autorisées. La modification de l’article L. 223-2 est une mesure de coordination.

3.  Vers une « prime à la conversion » sur critères géographiques et sociaux pour le remplacement des véhicules anciens polluants

L’État apporte une aide importante à la diminution du prix des véhicules « propres » par l’intermédiaire du bonus-malus, créé en 2007. Ce bonus-malus est financé par le budget de l’État, sous la forme du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres », qui dans la loi de finances pour 2014 est doté de 268,3 millions d’euros. Au 1er novembre 2013, le barème du bonus pour le coût d’acquisition toutes taxes comprises (augmenté le cas échéant du coût des batteries) d’un tel véhicule est le suivant :

BARÈME DU BONUS AUTOMOBILE

Taux d’émission
de CO2
(en grammes par kilomètre)

Montant du bonus
au 1er novembre 2013

0 à 20 g

6 300 euros

(dans la limite de 27 % du coût d’acquisition)

21 à 60 g

4 000 euros

(dans la limite de 20 % du coût d’acquisition)

61 à 90 g

150 euros

Source : Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Le dernier paragraphe de l’article 13 du projet de loi propose que « des aides à l’acquisition de véhicules propres », tels que définis à l’article 9 du projet de loi, en remplacement de véhicules anciens polluants puissent être attribuées dans des conditions définies par voie réglementaire, « en fonction de critères sociaux ou géographiques ». L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi indique qu’il s’agira d’une « prime à la conversion ». Le principe de cette prime ainsi posé, les critères d’attribution devront être définis en loi de finances.

III. LA POSITION DE VOTRE CO-RAPPORTEUR

Votre co-rapporteur a présenté deux amendements, qui ont été adoptés par la commission, sur le dispositif des zones à circulation restreinte. Il a considéré qu’il ne fallait pas restreindre la possibilité de créer des ZCR aux communes et EPCI de plus de 100 000 habitants, mais l’ouvrir à toutes les communes et intercommunalités qui souhaiteraient faire preuve de volontarisme en la matière. D’autre part, au lieu d’un possible renouvellement à deux reprises pour un délai d’un an, votre co-rapporteur a proposé que l’arrêté créant la ZCR puisse être renouvelé une seule fois, mais pour une durée de deux ans, pour permettre une meilleure mesure de l’impact de cette action.

*

* *

La Commission adopte les amendements rédactionnels CS2093 et CS29 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS261 du rapporteur, CS1276 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1891 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il est proposé de ne pas restreindre la possibilité de créer des zones à circulation restreinte aux communes de plus de 100 000 habitants et de l’ouvrir à toutes les communes qui feraient preuve de volontarisme en la matière.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. Martial Saddier. J’observe que le Gouvernement réintroduit avec cet article les zones d’action prioritaire pour l’air (ZAPA) que nous avions créées à l’issue du Grenelle de l’environnement. Sur ce sujet, comme sur de nombreux autres, le Gouvernement, après s’être ingénié à démanteler tout ce qui avait été fait par la précédente majorité, fait machine arrière.

Je salue donc l’arrivée de ces ZAPA rebaptisées tout en regrettant que nous ayons perdu deux ans et demi. J’espère, Mme la ministre, que vous réussirez à recréer une dynamique autour de la mise en place de ces zones : cette affaire est loin d’être simple car les enjeux pour la qualité de l’air et la santé publique restent largement sous-estimés.

Mme la ministre. J’ai pris note de vos propos, monsieur le député.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1276 est défendu.

M. Christophe Borgel. L’amendement CS1891 est également défendu.

La Commission adopte ces amendements ainsi que les amendements rédactionnels CS30, CS31 et CS32 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement CS500 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. L’amendement est défendu. J’en profite pour interroger Mme la ministre sur le partage des responsabilités en cas de contentieux pénal lié à la pollution de l’air. Je pense en particulier aux sanctions infligées par l’Union européenne : les collectivités seront-elles mises à contribution en cas de pénalités ? J’ai aussi en tête l’exemple d’une zone géographique dans laquelle une plainte contre X a été déposée pour atteinte à la santé publique. Il appartiendra évidemment à la justice de se prononcer. Mais les responsabilités en matière de pollution de l’air sont-elles clairement définies ?

Mme la ministre. Conformément au code pénal, la responsabilité des collectivités territoriales est engagée si elles ne respectent pas les normes de lutte contre la pollution. Si elles se conforment à la loi, il n’y a aucune raison de mettre en cause leur responsabilité.

En tout état de cause, l’État épaulera les collectivités territoriales. J’ai ainsi décidé de reporter sine die l’obligation pour toutes les collectivités de mesurer dans toutes les pièces de toutes les crèches la qualité de l’air. Il est possible d’atteindre les mêmes objectifs – protéger la santé des enfants et s’assurer de la qualité de l’air – en donnant aux maires la responsabilité d’appliquer certaines règles de bon sens. Le ministère a adressé à l’Association des maires de France un guide pratique en ce sens ; des kits de mesure de l’air vont également être mis à disposition.

Chaque fois que cela sera possible, le ministère se trouvera aux côtés des élus locaux pour les aider à remplir leurs obligations au moindre coût et avec bon sens et efficacité.

Je suis favorable à cet amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement ainsi que l’amendement rédactionnel CS33 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement CS1521 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement propose que l’étude qui accompagne le projet d’arrêté délimitant une zone à circulation restreinte expose les bénéfices sanitaires de la mesure.

Mme la ministre. Sagesse.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

La Commission adopte l’amendement ainsi que l’amendement rédactionnel CS34 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement CS417 rectifié du rapporteur.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie des amendements identiques CS107 de M. Martial Saddier, CS938 M. Julien Aubert, CS1037 de M. Stéphane Demilly et CS1711 de M. Jacques Krabal.

M. Julien Aubert. Ces amendements de bon sens prévoient la consultation des catégories professionnelles concernées lors de la rédaction du décret relatif aux zones à circulation restreinte.

Mme la ministre. La rédaction d’un décret donne toujours lieu à la consultation des catégories concernées. Votre préoccupation me semble donc satisfaite, mais si vous souhaitez le préciser, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

La Commission adopte ces amendements.

La Commission examine l’amendement 420 rectifié du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. En cas de pic de pollution, la restriction ou la suspension de la circulation s’accompagne de la gratuité des transports publics. Cette mesure a coûté l’année dernière aux collectivités locales de la région parisienne 4 millions d’euros par jour. Compte tenu de l’état des finances des collectivités, ce coût me paraît exorbitant. L’amendement propose de laisser les autorités organisatrices de transports libres d’adopter d’éventuelles mesures tarifaires. Pourquoi ceux qui paient le carburant de leur véhicule ne pourraient-ils pas payer les transports publics ? Pourquoi les collectivités territoriales devraient-elles supporter seules le coût des mesures ? Cet amendement répond à une demande de représentants des collectivités.

M. Martial Saddier. Je trouve cette marche arrière surprenante…

M. Philippe Plisson, rapporteur. Si la circulation est interdite, les utilisateurs des véhicules se reportent naturellement sur les transports en commun, que ceux-ci soient gratuits ou non – au point d’ailleurs qu’ils sont submergés ! Alors que les dotations aux collectivités locales diminuent, il n’est pas normal de leur faire absorber le déficit qui résulte de ces mesures. Il est logique que chacun règle son addition.

Mme la ministre. Je comprends votre préoccupation, mais votre amendement envoie un signal tout à fait négatif. Il serait en outre très complexe à mettre en place, alors que ces situations exigent des décisions très simples et d’application immédiate.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je maintiens l’amendement.

M. Julien Aubert. Monsieur le rapporteur, vous avez budgétairement raison. Mais, d’une part, reconnaissez avec moi que la qualité de service dans les transports en commun n’est pas la même lorsque la circulation est interdite – il n’y a qu’à prendre les transports un jour de grève pour le constater. D’autre part, vous ne tenez pas compte des personnes en difficulté pour lesquelles le coût des transports publics devrait être modulé. Alors que ce projet de loi entend alléger le coût de l’énergie pour les plus modestes, vous proposez une mesure qui frappera indistinctement toutes les catégories sociales. Je vous suggère donc d’améliorer votre amendement sur ce point si vous souhaitez le maintenir.

M. Philippe Plisson, rapporteur. L’amendement prévoit de laisser leur libre arbitre aux collectivités au lieu de l’impératif brutal qui leur est fixé aujourd’hui.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS1523 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement a pour objet de donner la priorité aux transports publics dans l’attribution des aides à l’acquisition de véhicules électriques.

Mme la ministre. Avis défavorable : les transports publics bénéficient d’autres dispositifs de soutien.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement sera retravaillé avant la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS39 du rapporteur.

La Commission en vient à l’amendement CS40 deuxième rectification du rapporteur.

M. Denis Baupin. Je profite de l’occasion pour interroger Mme la ministre au sujet d’un de nos amendements, refusé au titre de l’article 40 : nous proposions que l’aide prévue pour l’achat de véhicules neufs puisse aussi s’appliquer à des véhicules d’occasion moins chers et donc plus accessibles à des personnes aux revenus modestes. Nous sommes tous conscients des impacts sociaux des mesures que nous prenons en matière de qualité de l’air. Vous êtes disposée à revoir des amendements qui n’auraient pas passé le cap de l’article 40, dites-vous. Pensez-vous que cette idée présente un intérêt et seriez-vous prête à la reprendre dans un amendement déposé en séance ?

Mme la ministre. Nous sommes en train de creuser cette idée qui paraît judicieuse. Reste à savoir comment la mettre en application : qui va contrôler le caractère propre du véhicule d’occasion ?

Pour en revenir à l’amendement du rapporteur, j’y suis défavorable car il fait référence au deuxième alinéa d’un article qui ne comporte pas de premier alinéa.

L’amendement CS40 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1223 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit de favoriser les transports publics moins polluants, notamment ceux qui fonctionnent à l’électricité. Le citoyen aura davantage l’impression de participer à la lutte contre la pollution s’il prend un bus électrique plutôt qu’un bus diesel, sachant qu’un bus diesel plein vaudra toujours mieux qu’une quinzaine de voitures. Cet amendement tend à rééquilibrer les aides aux transports pour favoriser le développement des transports publics électriques.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait dans la mesure où il existe déjà des aides destinées aux transports collectifs, mais qui ne relèvent pas des mêmes dispositifs que celles accordées pour les véhicules personnels.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis. Je suggère le retrait de cet amendement.

L’amendement CS1223 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1524 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Le système de bonus-malus prend en compte les émissions de gaz à effet de serre mais pas la pollution de l’air. Comme l’article 40 ne nous permet pas de proposer de bonus, nous préconisons d’infliger un malus aux véhicules les plus polluants.

Mme la ministre. Avis défavorable. Compte tenu du contexte et de l’évolution du pouvoir d’achat des Français, je suis défavorable à la création de nouvelles taxes.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Julien Aubert. Cette proposition a le désavantage de créer une taxe mais elle a aussi un aspect positif que je tiens à souligner : elle permettrait de moduler entre différentes sources d’énergies, car certaines émettent du CO2 tout en étant moins nocives en termes de pollution de l’air. S’il ne faut pas augmenter la facture pour Français, il ne me semble pas totalement stupide de réfléchir à une modulation.

M. Denis Baupin. Nous le redéposerons dans le cadre du PLF.

L’amendement CS1524 est retiré.

La Commission adopte l’article 13 ainsi modifié.

Après l’article 13

La Commission examine l’amendement CS728 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il s’agit de rendre obligatoire l’élaboration d’un plan de déplacement d’entreprise dans les entreprises de plus de cinquante salariés, afin de rationaliser les transports et d’organiser les déplacements doux.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait puisque l’article 18 du projet de loi définit déjà les plans de mobilité d’entreprise et permet même au préfet de les rendre obligatoires dans les zones les plus polluées.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le mien était plus coercitif. Je vais le retirer même si je me méfie du manque de volontarisme de certains.

L’amendement CS728 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS731 du rapporteur..

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je le retire également puisqu’il s’agit d’un amendement de repli visant à rendre le PDE obligatoire dans les entreprises de plus de 100 salariés.

L’amendement CS731 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1278 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il est défendu.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait.

L’amendement CS1278 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1526 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Lorsque nous avons déposé cet amendement d’appel, nous ne pensions pas être à ce point au cœur de l’actualité quand nous en discuterions. Mme la ministre, alors que nous subissons de plus en plus de pics de pollution, les pouvoirs publics semblent avoir du mal à appliquer des mesures réellement efficaces. Pour avoir été maire adjoint de Paris, en charge des transports ou de la qualité de l’air et de l’environnement, j’ai pu constater combien il était difficile de trouver des moyens d’action.

Il faudrait faire évoluer la réglementation afin de permettre aux pouvoirs publics de mieux répondre aux pics de pollution. Il n’est certes pas aisé d’utiliser des outils tels que la circulation alternée, mais nos concitoyens ne comprennent pas ce qui leur apparaît de plus en plus comme une incapacité de pouvoirs publics à réagir. C’est un message d’alerte que je veux adresser au travers de cet amendement.

Mme la ministre. Avis défavorable. Un arrêté du 24 mars dernier a déjà révisé le dispositif national de gestion des pics de pollution afin de le rendre plus efficace. Il faut stabiliser les règles juridiques pour que chacun puisse connaître ses droits et ses devoirs.

En ce qui concerne l’actualité, après examen attentif des rapports, je précise que le seuil de 50 microgrammes de particules par mètre cube n’a pas été atteint. Pour que les politiques publiques soient crédibles, il faut respecter les normes fixées avant de déclencher des actions. Pour demain, les cartes PREV’AIR montrent une tendance à l’amélioration de la situation. Il ne faut pas confondre l’indice de pollution publié par Airparif – une note calculée sur 100 – et les valeurs réglementaires fixant une concentration de microgrammes de particules par mètre cube.

Nous suivons de très près la situation et la mairie de Paris a déjà pris des mesures, mais le seuil à partir duquel la circulation alternée s’applique n’a pas été atteint. Déclencher une telle mesure la veille à dix-huit heures pour le lendemain, comme cela m’avait été proposé, alors même que les normes de pollution n’étaient pas atteintes, cela pose la question du respect des citoyens. Une telle décision aurait été irréalisable et source de grande confusion. Cela étant, si le pic de pollution était dépassé, les procédures seraient immédiatement appliquées.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je partage l’avis de Mme la ministre.

M. Denis Baupin. Je vais retirer mon amendement, mais je constate que les propos de Mme la ministre confortent mon analyse : il est compliqué de dire aux gens qu’ils ne pourront pas circuler le lendemain ; alors on est tenté de ne pas agir, ce qui pose problème quand les pics de pollutions durent comme ils risquent de le faire une bonne partie de l’hiver. Comment se donner les moyens de mieux anticiper et agir ?

L’amendement CS1526 est retiré.

Article 14
(article L. 1231-15 du code des transports et article L. 173-1 du code de la voirie routière)

Modification de la définition du covoiturage et habilitations pour l’instauration de servitudes

L’objectif commun des dispositions de l’article 14 du projet de loi est de faciliter le développement de modes de transports à moindres émissions polluantes : le covoiturage, le transport public de personnes par câbles aériens et le futur réseau de transport public du Grand Paris.

I. LA DÉFINITION DU COVOITURAGE

A.  L’ÉTAT DU DROIT

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a créé un cadre juridique pour la pratique, en pleine expansion, du covoiturage. L’article L. 1231-15 du code des transports définit le covoiturage comme « l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs passagers majeurs pour un trajet commun ». Cette reconnaissance du covoiturage par le législateur est un facteur important d’encouragement au développement de cet usage partagé des voitures, mais celui-ci ne pourra véritablement bénéficier d’un soutien fort des autorités publiques que si le contrôle est possible. Or la condition d’âge incluse dans la définition actuelle rend le contrôle pratiquement impossible, puisqu’elle obligerait les forces de police, pour vérifier qu’un véhicule est effectivement utilisé pour pratique le covoiturage, à immobiliser le véhicule pour contrôler l’âge des passagers.

B.  LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

Le Gouvernement propose de modifier la définition du covoiturage en supprimant le mot « majeurs », ainsi que la mention d’un « trajet commun » qui apparaît superflue.

C.  LA POSITION DE VOTRE CO-RAPPORTEUR

Votre co-rapporteur est très favorable à toutes les mesures qui favorisent la pratique du covoiturage, tout en reconnaissant que le problème du contrôle est susceptible de faire obstacle à une politique volontariste en la matière. Le covoiturage a été évoqué à plusieurs reprises au cours de l’examen du texte par la commission, et plusieurs propositions des députés ont dû être rejetées pour ce motif. La commission a cependant adopté, après l’article 14, un amendement présenté par le co-rapporteur qui inclut le covoiturage – avec un seuil de trois personnes par véhicule – dans la réflexion sur l’opportunité de réserver certaines voies routières aux usages de la route autres que l’autosolisme.

II. DES SERVITUDES PERMETTANT DE RÉALISER DES RÉSEAUX DE TRANSPORT PUBLIC

A.  LE TRANSPORT URBAIN DE VOYAGEURS PAR CÂBLE

Le transport urbain par câble regroupe l'ensemble des systèmes de transport ayant recours au câble pour assurer la traction des véhicules en ville. Plusieurs systèmes à câble existent : les funiculaires, les téléphériques, les tramways à traction par câble. La majorité des installations de ce type sont réalisées pour répondre à des conditions géographiques particulières (traversées de fleuve, accès à des îles, coupures urbaines majeures telles que des routes nationales ou des voies ferrées, ou dénivelées importantes). Automatique et électrique, ce mode de transport n'émet pas directement de gaz à effet de serre. Sans motorisation embarquée, les véhicules n'émettent pas de nuisances sonores.

Une dizaine de projets de transport urbain par câble existent en France, notamment à Brest, à Toulouse et dans le Val-de-Marne. La loi en vigueur (loi du 8 juillet 1941 établissant une servitude de survol au profit des téléfériques) institue une servitude, conférée au constructeur ou à l’exploitant, « de libre survol au-dessus des terrains non bâtis, non fermés de murs ou autres clôtures équivalentes », mais ne permet pas d’installer un transport par câbles à moins de 50 mètres au-dessus du sol, ce qui bloque la réalisation de ces projets, car seul le recours à l’expropriation est envisageable pour s’affranchir de cette limite.

Le projet de loi propose donc d’habiliter le Gouvernement à modifier, par voie d’ordonnance, le cadre législatif de ce mode de transport pour le moderniser. Votre co-rapporteur propose à la commission d’approuver cette disposition.

B.  LE TUNNEL DU FUTUR MÉTRO DU GRAND PARIS

Pour réaliser le réseau de transport public du Grand Paris, en application de la loi 2010-597 du 3 juin 2010, l’établissement public Société du Grand Paris bénéficie d’outils juridiques spécifiques, tels que la procédure d’expropriation d’extrême urgence (article 5 de la loi de 2010). Ce procédé d’extrême urgence permet une prise de possession anticipée (sans intervention préalable du juge et avant le versement d’une indemnité aux propriétaires) mais est réservé à des cas très spécifiques. La SGP peut avoir recours à l’expropriation de droit commun, elle aura un grand nombre de procédures d’expropriations à mener dans des délais contraints pour acquérir des volumes en sous-sol pour réaliser les nouvelles lignes de métro.

Le projet de loi propose d’habiliter le Gouvernement à lui accorder, par voie d’ordonnance, un autre outil juridique : une servitude d’utilité publique. Cette servitude produit immédiatement ses effets, permettant la réalisation des travaux souterrains, le juge de l’expropriation n’intervenant qu’ensuite pour fixer l’indemnité due au propriétaire. L’étude d’impact indique que cette servitude particulière s’appliquera à partir de 15 mètres en-dessous du sol naturel (servitude en tréfonds), la majorité des emprises du futur tunnel étant située sous cette limite. Votre co-rapporteur propose à la commission d’approuver cette disposition.

C.  L’ancrage des lignes aériennes de contact

En application de l’article L. 173-1 du code de la voirie routière, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de voirie, d’éclairage ou de transport en commun ont la possibilité de recourir, plutôt qu’à l’expropriation, à une servitude d’ancrage pour l'établissement et l'entretien des appareils d'éclairage public et de signalisation ainsi que des câbles électriques pour les transports en commun (lignes aériennes de contact – LAC). Cette servitude permet, quand il n’est pas possible d’accrocher ces câbles à des mâts le long des voies, de les fixer sur les façades des immeubles riverains de la voie publique. Votre rapporteur a proposé d’étendre aux syndicats mixtes la possibilité de recours à cette servitude d’ancrage, et la commission a adopté cet amendement.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS733 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il s’agit de donner un cadre officiel au covoiturage pour permettre aux covoitureurs de se rendre administrativement visibles et de pouvoir ainsi bénéficier des dispositions réglementaires. Ce dispositif ouvre en outre la perspective d’une prise en compte du covoiturage en tant que ressource attestée de transport partagé, puis, avec le concours de Pôle emploi, de ressource de transport solidaire, dans les services d’information multimodale prévus à l’alinéa 3 de l’article L. 1231-8 du code des transports.

Mme la ministre. Je suggère un retrait de cet amendement qui prévoit un système complexe, difficile à appliquer et qui susciterait en outre l’inquiétude des chauffeurs de taxi. Les systèmes de covoiturage – comme la société d’économie mixte que j’ai créée dans ma région – fonctionnent très bien et les gens ont parfaitement compris leur usage. À un moment où nous souhaitons alléger les normes, je suggère que l’on fasse confiance à l’initiative citoyenne et à l’organisation locale du covoiturage, avant d’en dresser un bilan et de proposer d’éventuels aménagements. Joseph Stiglitz, le prix Nobel d’économie, parlait encore hier de cette économie du partage que nous sommes en train d’inventer. À trop vouloir la normaliser par anticipation, nous risquons de la décourager.

L’amendement CS733 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS423 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. L’amendement CS423 vise à changer les dispositions du code de la voirie routière pour faciliter l’installation de lignes aériennes de contact sur les façades, et de les rendre aussi applicables aux syndicats mixtes qui ont parfois la responsabilité des transports en commun.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS423.

La Commission en vient à l’amendement CS1527 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. C’est le frère jumeau de l’amendement qui nous fait débattre de l’opportunité de permettre aux collectivités locales d’accorder des avantages aux véhicules les plus propres. Le plus important est de mieux remplir les voitures, estimait alors le rapporteur ; il anticipait un peu puisque c’est à l’article 14 que se pose cette question du remplissage. Nous devons évidemment faire en sorte que les véhicules soient à la fois plus propres et mieux remplis. D’où l’idée de faire bénéficier les véhicules de covoiturage de conditions de circulation et de stationnement privilégiées. Nous pouvons préciser, comme souhaité précédemment par Mme la ministre, que ce sont les autorités organisatrices de transport qui prennent ces dispositions.

Mme la ministre. Avis défavorable. Comment savoir s’il s’agit de covoiturage ou simplement d’un véhicule avec plusieurs passagers à bord ? Tout le monde sera en covoiturage au risque d’en arriver à une saturation des voies de transport en commun qui soit sans commune mesure avec le débat sur les véhicules propres que nous avons eu tout à l’heure.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis. Cette idée part d’un très bon sentiment, mais comment effectuer les contrôles ? Comment savoir, sinon par un logo, que la voiture vide stationnée sur une place de parking a été occupée par des covoitureurs ? Mais s’il s’agit d’un conducteur qui ne fait du covoiturage qu’une fois par mois, comment savoir s’il était seul ou non dans sa voiture ce jour-là ?

M. Denis Baupin. Je vais le retirer et nous allons le retravailler. De nombreux pays, même les États-Unis qui ne sont pas connus pour être
anti-automobile, réservent certaines voies de circulation, pas forcément au cœur des villes, aux voitures qui comptent au moins trois passagers. Nous avons intérêt à faire la promotion de cette idée qui permet de mieux utiliser l’infrastructure.

L’amendement CS1527 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1528 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement préconise la création d’une signalétique spécifique pour les véhicules utilisés dans le cadre du covoiturage, afin de faciliter leur contrôle.

Mme la ministre. Ce genre de mesure n’est pas de nature législative : rien n’empêche une commune de mettre en place une signalétique sur le covoiturage et certaines l’ont déjà fait.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement CS1528 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS41 du rapporteur, auquel Mme la ministre a émis un avis favorable.

Puis elle adopte l’article 14 ainsi modifié.

*

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, le Bureau de la Commission s’est réuni tout à l’heure. Nous allons poursuivre nos travaux comme c’était prévu ; nous siégerons donc demain si nous n’avons pas terminé ce soir l’examen du texte.

M. Julien Aubert. Monsieur le président, nous n’approuvons pas cette décision. Nous savions qu’il était éventuellement possible que la Commission travaille samedi soir, mais beaucoup d’entre nous doivent être dimanche dans leur circonscription pour les élections sénatoriales.

Le Gouvernement a souhaité une co-construction du texte. Il lui revient de nous permettre de travailler dans des conditions décentes et donc de modifier le calendrier des travaux. Nous sommes déjà, ce vendredi après-midi, beaucoup moins nombreux dans cette salle.

Nous ne participerons donc pas aux travaux de la Commission demain, en signe de protestation – sauf si, en conservant un rythme normal à nos débats, il restait effectivement peu d’amendements à examiner, mais nous n’avons encore débattu que d’un cinquième des articles, et de moins de la moitié des amendements. Ce ne sont pas vos décisions que nous remettons en cause, mais celles du Gouvernement, qui foule aux pieds les droits des députés. La société a eu deux ans pour discuter de ce projet, et on ne pourrait pas nous accorder deux jours supplémentaires ?

Cette loi sera donc portée par la seule majorité parlementaire.

M. le président François Brottes. Monsieur Aubert, il n’est pas question pour moi de modifier le rythme de nos débats. D’autre part, l’organisation des travaux de la Commission n’a pas été modifiée, et le Gouvernement n’est pas concerné. Chacun a reçu une convocation qui mentionnait trois séances demain samedi. Je comprends que certains ne puissent y assister, mais personne n’a été pris au dépourvu. Il arrive à l’Assemblée nationale de travailler le samedi : les précédents sont nombreux.

M. Julien Aubert. Envisager de finir le texte demain serait compréhensible s’il restait peu d’amendements. Nous en avons examiné en moyenne trente-cinq par heure, comment espérer en examiner 1 400 en dix heures ?

M. le président François Brottes. En tout cas, la Commission travaillera, et si vous deviez être absent, nous le regretterions.

Article 14 bis [nouveau]
(article L. 1213-3-1 du code des transports)

Extension des objectifs du schéma régional de l’intermodalité

Les schémas régionaux de l’intermodalité sont régis par les articles L. 1213-3-1 et suivants du code des transports, créés par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. L’article L. 1213-3-1 définit le schéma régional de l’intermodalité : élaboré dans chaque région dépourvue d’autorité organisatrice de transport unique (c’est-à-dire à ce jour toutes les régions sauf l’Île-de-France), ce schéma coordonne les politiques de mobilité menées par l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, en ce qui concerne l’offre de services, l’information des usagers, la tarification et la billetique. Le troisième alinéa ajoute que le schéma « définit les principes guidant l’articulation entre les différents modes de déplacements ».

La commission a adopté un amendement de votre co-rapporteur complétant ce troisième alinéa pour prévoir que le schéma régional de l’intermodalité doit tenir compte en particulier des besoins de déplacement quotidien domicile-travail, et qu’il doit assurer la cohérence des différents plans de déplacements urbains. Votre co-rapporteur constate en effet que les besoins de mobilité domicile-travail, en particulier ceux des travailleurs résidant en zone rurale et travaillant en zone urbaine, sont mal pris en compte.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS735 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir un rapport évaluant l’opportunité d’instauration d’une indemnité kilométrique versée aux salariés qui se rendent à leur travail à vélo.

Mme la ministre. Ce rapport est en cours : il est réalisé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit alors de l’amendement CS1241 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il est nécessaire de mieux prendre en considération les déplacements quotidiens entre domicile et travail. En particulier, il faut développer l’offre de transport destinée aux actifs habitant à la périphérie des villes – bus, parcs relais, pôles d’échanges multimodaux… – et donc l’intermodalité douce.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 14 ter [nouveau]
(
articles L. 1213-3-2-1 [nouveau] et L. 1213-3-3 du code des transports)
Plans de mobilité rurale

Comme l’article 14 bis qui a complété le dispositif des schémas régionaux de l’intermodalité, l’article 14 ter issu d’un amendement, présenté par votre co- rapporteur et adopté par la commission, vise à améliorer la prise en compte des besoins de déplacements par les instruments de planification élaborés à l’échelle des collectivités locales.

Votre co-rapporteur a proposé que chaque schéma régional de l’intermodalité puisse être complété par un ou plusieurs « plans de mobilité rurale », afin de prendre en compte au niveau régional les spécificités des territoires à faible densité de population. L’objectif est double : il s’agit à la fois d’améliorer la mise en œuvre, pour les habitants de ces territoires ruraux, du droit au transport, et d’encourager l’utilisation, par ces habitants, des modes de transport qui contribuent à la transition énergétique (transports collectifs, autopartage, covoiturage, vélo…).

Les plans de mobilité rurale seront élaborés par les établissements publics de coopération intercommunale compétents pour élaborer des schémas de cohérence territoriale (SCOT), et chaque plan couvre tout ou partie du territoire du groupement de communes qui le met en place. Ces plans donneront lieu à une consultation préalable de toutes les collectivités territoriales concernées, à une consultation publique, et, s’ils le demandent, à une consultation des acteurs professionnels et associatifs. Les plans de mobilité rurale devront prendre en compte les autres documents de planification existants sur le territoire qu’ils couvrent, tels que les plans de déplacements d’entreprises.

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* *

La Commission examine l’amendement CS2403 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement vise à donner au monde rural les mêmes possibilités qu’au monde urbain, en créant des plans de mobilité rurale. Les territoires ruraux sont beaucoup moins organisés et structurés que les villes. Ces plans organiseraient donc les transports, en prenant en compte tous les types de transports, mais aussi les plans mis en place par les entreprises, les transports scolaires, le covoiturage… Ils ouvriraient ainsi de nouvelles perspectives de mobilité pour des populations trop souvent enclavées, et pourraient inciter au développement de nouvelles infrastructures.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. Martial Saddier. L’esprit de cet amendement est louable, mais vous courez le risque de créer de véritables usines à gaz. De tels plans seraient très lourds pour des territoires ruraux.

La Commission adopte l’amendement.

Article 14 quater [nouveau]
Voies routières réservées aux comportements plus respectueux de l’environnement : demande de rapport au Parlement

Dans le cadre du débat en commission sur les choix à effectuer en matière de circulation, votre co-rapporteur a, à plusieurs reprises, indiqué qu’il n’est pas favorable à ce que les voies réservées aux bus soient ouvertes à certaines catégories de véhicules, mais bien à certains usages des véhicules, pour contribuer efficacement à un changement des comportements.

La création de voies dédiées au transport en commun routier et à des modes de circulation routière plus respectueux de l’environnement que l’« autosolisme » est illustrée par de nombreux exemples étrangers, notamment aux États-Unis et en Espagne. Des expérimentations sont en cours ou en projet sur plusieurs autoroutes françaises.

Votre co-rapporteur considère que les phénomènes de congestion à l’approche des grandes villes aux heures de pointe, particulièrement pénibles pour les « rurbains » pour leurs trajets quotidiens domicile-travail, et l’importance de développer, notamment pour ces personnes, les transports en commun, l'autopartage et l’usage du covoiturage, doivent amener à envisager une généralisation de cette mesure. Il pourrait par exemple être décidé, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, de réserver une voie sur les 20 ou 30 derniers kilomètres de chaque autoroute menant vers le centre-ville des grandes aires urbaines.

La commission a adopté l’amendement de votre co-rapporteur demandant au Gouvernement de présenter, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi relative à la transition énergétique, un rapport évaluant l’opportunité de réserver, sur les autoroutes et routes nationales comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole, une de ces voies aux modes de transport suivants : les transports en commun (autobus), les taxis, l’autopartage, et le covoiturage lorsque le véhicule est occupé par au moins trois personnes.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS687, deuxième rectification, du co-rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement demande un rapport évaluant l’opportunité de réserver une voie – sur certaines routes ou autoroutes menant à des métropoles – aux taxis, aux transports en commun, à l’autopartage et au covoiturage. Cela marche très bien en Espagne, aux États-Unis… Il s’agit avant tout de faciliter la circulation à l’entrée de nos villes, qui sont trop souvent congestionnées, en incitant à l’usage de modes de transport plus vertueux.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. Julien Aubert. Je suis opposé à cet amendement. Les taxis et les bus ne représentent qu’une faible part du trafic ; quant au covoiturage, comment distinguer une famille de quatre personnes d’un véritable covoiturage ? Vous allez créer un effet d’aubaine.

D’autre part, l’amendement mentionne les « métropoles » : vous visez donc les seules métropoles, au sens administratif du terme.

M. le président François Brottes. Juridiquement, le terme de « métropoles » revêt en effet un sens précis.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 14

La Commission examine l’amendement CS271 rectifié de M. Philippe Plisson, rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement vise à abaisser à 50 000 habitants le seuil au-delà duquel les agglomérations doivent se doter d’un plan des déplacements urbains. Le nombre d’agglomérations concernées serait ainsi doublé.

Mme la ministre. Sagesse. C’est encore une norme supplémentaire, et il me semble que de tels plans existent souvent, même dans les agglomérations qui n’ont pas l’obligation d’en créer un.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il me paraît préférable d’étendre l’obligation : certains ne sont vertueux que malgré eux.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1525 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit de passer à la mobilité 2.0 en améliorant l’information des usagers : l’information embarquée est importante pour mieux se déplacer, surtout de façon multimodale. La RATP comme la SNCF disposent de leurs systèmes propres ; mais l’État devrait prendre la main pour permettre aux usagers de disposer facilement de l’ensemble des informations nécessaires à leurs déplacements. Un cadre juridique précis est nécessaire, notamment en raison des besoins de confidentialité des informations commerciales.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait. Un système d’information multimodale doit couvrir l’ensemble du territoire ; c’est l’un des points du plan d’action Mobilités 2.0. C’est l’Agence française pour l’information multimodale et la billettique qui pilote ce projet.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS2361 de M. le président François Brottes est retiré.

Article 15
(articles L. 130-8, L. 318-3 et L. 318-4 du code de la route)

Délit de « défapage »

I. UNE PRATIQUE ACTUELLEMENT NON SANCTIONNÉE

L’installation d’un FAP (filtre à particules) sur les véhicules diesel est systématique sur les véhicules les plus récents pour répondre aux normes EURO : depuis le 1er janvier 2011, la norme EURO V a imposé un seuil d’émissions de particules qui a pour conséquence la généralisation des FAP sur les véhicules diesel neufs. Cette installation permet de réduire de plus de 95 % les émissions de particules. Or, la pratique du « dé-FAP-age » se développe, aux motifs que le retrait du FAP permettrait d’augmenter la puissance du véhicule, de réduire les coûts d’entretien et de réduire la consommation de carburant. Comme la pratique du « débridage » des cyclomoteurs, cette pratique consiste à supprimer un dispositif technique obligatoire.

Le débridage des cyclomoteurs est pénalement sanctionné (article L. 317-5 du code de la route), mais aucune sanction n’est prévue contre le « défapage ». Si cette pratique n’a pas d’impact, a priori, sur la sécurité routière, elle est très préjudiciable pour la qualité de l’air et pour la santé, les émissions de particules fines étant cancérigènes.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Il est proposé d’instaurer dans le code de la route des sanctions pénales contre cette pratique. Cette disposition sera codifiée à l’article L. 318-3, l’actuelle rédaction de cet article se trouvant transférée dans le code de l’environnement (voir article 9 du projet de loi).

La pratique sanctionnée est définie comme « le fait de réaliser sur un véhicule des transformations ayant pour effet de supprimer un dispositif de maîtrise de la pollution, d’en dégrader la performance ou de masquer son éventuel dysfonctionnement, ou de se livrer à la propagande ou à la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de ces transformations. ». Les sanctions proposées visent à être dissuasives : une amende de 7 500 euros, et des peines complémentaires différentes selon que l’auteur de l’infraction est une personne physique (interdiction d’exercice de l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise) ou une personne morale (fermeture d’établissements, exclusion de marchés publics, confiscation, publicité de la sanction).

Le paragraphe II de l’article 15 opère des coordinations dans le code de la route en conséquence de la nouvelle rédaction de l’article L. 318-3, notamment pour donner compétence aux agents de la DGCCRF pour rechercher ces infractions.

III. LA POSITION DE VOTRE CO-RAPPORTEUR

Votre co-rapporteur relève que l’introduction de cette disposition est appropriée, compte tenu du contentieux qui oppose la France à l’Union européenne sur le non-respect des directives européennes relatives à la qualité de l’air. Il propose d’adopter cet article sans modifications autres que rédactionnelles.

*

* *

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS42 et CS43 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 15 ainsi modifié.

Après l’article 15

La Commission se saisit de l’amendement CS2131 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cet amendement prévoit d’expérimenter l’intégration d’un contrôle des performances environnementales au contrôle technique périodique des véhicules.

Mme la ministre. Avis défavorable. Le contrôle technique vérifie déjà les performances environnementales.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2388 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il s’agit de promouvoir l’éco-entretien des véhicules automobiles, qui est nécessaire pour maintenir les véhicules à leur niveau nominal d’émissions polluantes.

Mme la ministre. Je n’ai pas pu prendre connaissance de cet amendement. Sagesse.

M. Martial Saddier. La date du 1er janvier 2016, mentionnée par l’amendement, paraît bien proche. Nos voitures sont beaucoup plus compliquées que naguère.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il faut absolument améliorer l’information des utilisateurs sur les émissions de leurs véhicules. Un peu de volontarisme est nécessaire.

M. le président François Brottes. Si je puis me permettre une remarque de forme, cet amendement mériterait, je crois, d’être écrit de façon plus sobre.

Mme la ministre. Il faut aussi se poser la question du financement. Je préférerais le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

Article 16
Habilitation à transposer par voie d’ordonnance la directive 2012/33/UE sur la teneur en soufre des combustibles marins

I. L’ÉTAT DU DROIT

La teneur en soufre d’un combustible liquide détermine les émissions de dioxyde de soufre (SO2) associées à la combustion de celui-ci. La directive 1999/32/CE a réglementé la teneur en soufre des combustibles utilisés dans le transport maritime, pour intégrer dans le droit communautaire des règles internationales adoptées dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI). Cette directive a notamment prévu des règles plus strictes en ce qui concerne la teneur en soufre des combustibles utilisés dans des zones nécessitant une protection spéciale de l’environnement (zones de contrôle des émissions de soufre – ZCES).

Les règles de l’OMI sur la pollution de l’air par les navires ayant été révisées en 2008 (modification de l’annexe VI de la Convention MARPOL), la directive de 1999 a été modifiée en 2012 pour mettre le droit européen en conformité avec ces nouvelles prescriptions. Les principales modifications apportées visent à réduire la teneur en soufre de tous les combustibles marins, en la ramenant de 4,5 % à 0,5 % d’ici 2020 (règle générale), avec une règle encore plus stricte pour la protection des écosystèmes marins fragiles (teneur à ramener de 1,5 % à 0,1 % pour les ZCES dès 2015).

La directive 2012/33/UE du 21 novembre 2012 modifiant la directive 1999/32/CE en ce qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins devait être transposée par les États membres avant le 18 juin 2014. Si la directive de 1999 avait pu être transposée uniquement par des actes réglementaires, la présence de dispositions appelant les États à créer des sanctions pénales impose, en ce qui concerne le droit français, une mesure de transposition de nature législative pour la directive de 2012.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

Le Gouvernement demande au Parlement l’autorisation de procéder à la transposition de cette directive par voie d’ordonnance, y compris en adoptant des mesures d’adaptation nécessaires pour son application dans les collectivités territoriales d’outre-mer. Les dispositions législatives à modifier sont les articles L. 218-5 et L. 218-20 du code de l’environnement, relatifs aux sanctions encourues en cas de violation des règles de limitation des polluants dans les zones maritimes.

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* *

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS44, CS45 et CS46 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 16 ainsi modifié.

Chapitre III
Mesures de planification relatives à la qualité de l’air

Article 17
(article L. 222-9 [nouveau] du code de l’environnement)

Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques

I. L’ÉTAT DU DROIT

La planification de l’action en matière de qualité de l’air est actuellement dotée de trois outils juridiques, régis par le code de l’environnement : le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (articles L. 222-1 à L. 222-3), le plan de protection de l’atmosphère (articles L. 222-4 à L. 222-7) et le plan de déplacements urbains (article L. 222-8).

Le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) est élaboré conjointement par l’État et la région. Son élaboration est obligatoire, et il fixe des orientations et des objectifs à horizon 2020 et à horizon 2050.

Le plan de protection de l’atmosphère (PPA) est élaboré par le préfet, est obligatoire pour toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants ainsi que pour certaines autres zones, et doit être compatible avec le SRCAE. Le PPA comporte les mesures nécessaires pour ramener, à l'intérieur de la zone qu’il couvre, la concentration en polluants dans l'atmosphère à un niveau conforme aux normes de qualité de l'air.

Enfin, le plan de déplacements urbains (PDU) définit les principes de l'organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, dans un périmètre de transports urbains, c’est-à-dire à l’échelle d’une commune ou d’un EPCI compétent en matière de transport de personnes. Le PDU est arrêté par l’autorité organisatrice. Il doit également être compatible avec le SRCAE.

À ces trois catégories de plans définis par le législateur, s’est ajouté un « programme de réduction des émissions de polluants atmosphériques», établi au niveau national, par arrêté ministériel du 8 juillet 2003. L’adoption d’un plan national en la matière est prescrite par la directive 2001/81/CE du 23 octobre 2001 fixant des plafonds d'émission nationaux pour certains polluants atmosphériques : dioxyde de soufre (SO2), oxydes d’azote (NOx), composés organiques volatils (COV), ammoniac (NH3).

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI

Dans la perspective de la révision prochaine de la directive 2001/81/CE, le Gouvernement propose d’inscrire dans la loi l’obligation d’établir un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA), par la création d’un article L. 222-9 dans le code de l’environnement. Conformément aux dispositions de la directive, ce plan fixe des objectifs nationaux de réduction des émissions, et sera réévalué tous les cinq ans. Il prendra la forme d’un décret, et sera arrêté d’ici le 31 décembre 2015. Les objectifs et mesures du PREPA seront pris en compte dans les SRCAE et dans les PPA.

*

* *

La Commission se saisit de l’amendement CS1977 de M. Jacques Krabal.

M. Joël Giraud. Il s’agit d’exclure du champ d’application du futur programme de réduction des émissions de polluants atmosphériques les émissions de méthane entérique, naturellement produites par les ruminants. Les éleveurs sont très inquiets.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable. Je reconnais que le problème que vous soulevez est réel, mais on ne peut pas exonérer tel ou tel secteur. Pour le moment, il n’y a aucune menace concrète.

Mme la ministre. Sagesse.

M. Martial Saddier. J’apprécie l’avis de sagesse de Mme la ministre. Les territoires concernés constituent pour nous un puits de carbone très important, et le pastoralisme mérite que l’on prenne ce problème en considération. Au nom de mon engagement pour l’agriculture de montagne, je soutiens donc cet amendement avec force.

M. Julien Aubert. La réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être une priorité, mais les inquiétudes du monde de l’élevage sont tout à fait compréhensibles. Je suis favorable à cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement rédactionnel CS250 du rapporteur, puis les amendements rédactionnels identiques CS47 du rapporteur et CS1529 de M. Denis Baupin.

L’amendement CS158 de Mme Sophie Rohfritsch est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement de précision CS251 du rapporteur.

Elle se saisit alors de l’amendement CS2130 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit de préciser que le futur programme de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) prend en considération les enjeux sanitaires de la pollution de l’air.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CS121 de M. Martial Saddier, CS1710 de M. Jacques Krabal et CS937 de M. Julien Aubert.

Mme la ministre. Amendement satisfait. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Martial Saddier. Je défends, vous l’avez compris, le PREPA. L’amendement précise que les représentants des catégories professionnelles concernées doivent être associés en amont.

Mme la ministre. Je vous ai déjà apporté des garanties sur ce point ce matin. Les concertations ont même déjà été lancées.

Les amendements CS121, CS1710 et CS937 sont retirés.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CS48 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CS265 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je propose, avec cet amendement, que les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), ainsi que les schémas régionaux en tenant lieu et les plans de protection de l’atmosphère, soient obligatoirement compatibles avec les objectifs et les actions du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques. Sur ce sujet sensible, il faut de la cohérence.

Mme la ministre. Tel est déjà le cas.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte alors l’article 17 ainsi modifié.

Article 18
(articles L. 221-2, L. 222-4, L. 222-5, L. 222-6 et L. 572-2 du code de l’environnement, articles L. 1214-7 et L. 1214-8-1 du code des transports, articles L. 123-1-9 et L. 123-12-1 du code de l’urbanisme, et article L. 301-5-1 du code de la construction et de l’habitation)

Mesures de simplification et d’amélioration de la planification territoriale en matière de qualité de l’air

L’article 18 vise à apporter plusieurs améliorations au dispositif des plans de protection de l’atmosphère, soit en termes de simplification des procédures, soit en termes d’efficacité de la planification.

I. MESURES DE SIMPLIFICATION

Les articles L. 222-4 et L. 221-2 du code de l’environnement renvoient à un décret en Conseil d’État pour fixer la liste des agglomérations de plus de 100 000 habitants et de plus de 250 000 habitants, pour permettre l’application des dispositions légales relatives aux PPA, aux PDU et à d’autres mesures de planification. Le Gouvernement propose que ces listes soient définies par arrêté interministériel, pour pouvoir prendre acte plus rapidement des évolutions démographiques.

D’autre part, il propose une simplification de la procédure d’élaboration des PPA. La procédure actuelle comporte une consultation obligatoire du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, préalable à la consultation de tous les conseils municipaux et organes délibérants d’EPCI intéressés et à l’enquête publique. Comme il est fréquent qu’un projet de PPA évolue de manière significative pour prendre en compte les avis des collectivités territoriales et les demandes et observations exprimées pendant l’enquête publique, les services de l’État se trouvent contraints de soumettre le projet une deuxième fois au CODERST avant la signature, ce qui rallonge la procédure ; il est donc proposé de supprimer la consultation obligatoire du CODERST préalable à l’enquête publique (elle deviendra facultative). D’autre part, il est proposé de ne consulter, parmi les EPCI intéressés, que les EPCI à fiscalité propre et les autorités organisatrices de transports.

Enfin, concernant les liens de compatibilité entre les PPA et d’autres documents de planification, il est proposé de supprimer la mention du « plan régional pour la qualité de l’air », qui n’a plus d’existence juridique, et de changer le lien de compatibilité avec le SRCAE en lien de prise en compte.

II. MESURES DE RENFORCEMENT DE L’EFFICACITÉ DES PLANS DE PROTECTION DE L’ATMOSPHÈRE

A.  ARTICULER LES PDU ET LES PPA

Actuellement les plans de déplacements urbains ne prennent pas en compte la problématique de la qualité de l’air, et il n’existe pas d’articulation entre les PDU (ou les plans locaux d’urbanisme intercommunaux en tenant lieu) et les PPA. Il est proposé que les PDU et les PLUi tenant lieu de PDU, outils qui permettent de favoriser les formes plus durables de mobilité urbaine, devront prendre en compte les objectifs de réduction des émissions de polluants visés par les PPA lorsqu’ils existent.

B.  AMÉLIORER LE SUIVI DE LA MISE EN œUVRE DES PPA

L’article L. 222-6 du code de l’environnement dispose que, dans le périmètre de chaque PPA, les autorités compétentes en matière de police prennent des mesures préventives pour réduire les émissions polluantes. Il est proposé d’obliger ces autorités à communiquer chaque année au préfet toutes les informations utiles sur les actions ainsi engagées. Cette obligation de transmission permettra à l’État de se conformer à ses obligations communautaires, puisque, en application de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, des informations précises doivent être fournies chaque année par les États membres à la Commission européenne sur le suivi des actions mises en place localement.

C.  COMPLÉTER LES PPA PAR DES PLANS DE DÉPLACEMENTS D’ENTREPRISES

L’un des objectifs que l’article L. 1214-2 du code des transports assigne aux plans de déplacements urbains (PDU) est « l'amélioration du transport des personnels des entreprises et des collectivités publiques en incitant ces dernières à prévoir un plan de mobilité ». Mais cet article n’envisage qu’une incitation à mettre en place des plans de déplacements d’entreprise (PDE) et des plans de déplacements d’administration (PDA) : ces plans sont actuellement des démarches volontaires. Or ces plans de mobilité peuvent être des outils efficaces à la fois pour améliorer le transport des personnes et des biens, et pour réduire les émissions de polluants liées à ce transport.

Le projet de loi propose donc de donner au préfet, compétent pour mettre en place un plan de protection de l’atmosphère (article L. 222-4 du code de l’environnement), la possibilité d’imposer à certaines catégories d’établissements générateurs de trafic d’élaborer et de mettre en œuvre un « plan de mobilité » (PDE ou PDA). L’article L. 222-5 du code de l’environnement serait ainsi complété par une définition de ces « plans de mobilité » : un tel plan « évalue l’offre de transport existante et analyse les déplacements professionnels liés à l’entreprise. (…) il comporte un programme d’action adapté à la situation de l’établissement, ainsi qu’un plan de financement et un calendrier de réalisation (…) [Il] peut notamment comporter des mesures relatives à la promotion des moyens de transports alternatifs à la voiture individuelle, à l’organisation du travail ou à la logistique. »

*

* *

La Commission se saisit de l’amendement CS1532 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’alinéa 5 de cet article ne prévoit plus qu’une simple prise en compte des SRCAE par le préfet lorsqu’il élabore un plan de protection de l’atmosphère (PPA). Or une véritable cohérence est évidemment préférable ; il serait regrettable de réduire l’influence de la région. Nous proposons donc de conserver la formulation actuelle.

Mme la ministre. Avis favorable. Mais tous les acteurs doivent faire un effort de coopération et de coordination. Sur ces sujets, il faut vraiment mettre en place une communauté de travail.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS268 du rapporteur et CS1813 de M. Joël Giraud.

M. Philippe Plisson, rapporteur. L’amendement CS268 vise à ouvrir aux agglomérations de moins de 250 000 habitants la possibilité de mettre en place des PPA.

Mme la ministre. Sagesse, avec une préférence pour l’amendement CS1813. Toutes les agglomérations qui le souhaitent peuvent de toute façon adopter un PPA. Il me semble donc qu’une telle disposition ne relève pas de la loi, mais pourquoi ne pas les y inciter ?

L’amendement CS268 est retiré.

M. Martial Saddier. L’intention est louable. Toutefois, j’appelle votre attention sur le fait que le PPA est un outil de crise, que l’on utilise après un diagnostic dans les zones où un problème se pose. Et, je vous l’assure, sa mise en place n’est pas une mince affaire. Je vous mets donc en garde contre un risque de banalisation de cet outil très spécifique.

La Commission adopte l’amendement CS1813.

Puis elle examine les amendements identiques CS122 de M. Martial Saddier et CS1923 de M. Jacques Krabal.

M. Martial Saddier. Les projets de PPA doivent être soumis pour avis au Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST).

M. Joël Giraud. L’amendement CS481 est défendu.

Mme la ministre. Ces amendements sont satisfaits, car le texte laisse la possibilité au préfet de consulter le CODERST avant ou après l’adoption du PPA : mieux vaut laisser les acteurs locaux décider du moment opportun, sans alourdir les procédures ni multiplier les consultations. Faisons confiance au dialogue entre les autorités préfectorale et municipale.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Martial Saddier. Il n’est pas rare qu’un PPA, dont l’élaboration prend plusieurs mois, voire plusieurs années, passe dans les mains de plusieurs préfets successifs. L’expérience le montre, ce sont la concertation et l’association des acteurs locaux qui garantissent la réussite de ces plans.

M. Joël Giraud. Je partage ce point de vue. Dans mon département, les préfets ne restent en poste que de neuf à quinze mois en moyenne. Soumettre les PPA aux CODERST me semble donc nécessaire.

Mme Cécile Duflot. Je soutiens aussi ces amendements, d’autant que les CODERST, qui associent les professionnels – dont les agriculteurs et les industriels –, peuvent donner un avis au sujet de certaines installations : ils constituent l’instance de coordination par excellence. Si leur saisine reste optionnelle, elle risque de ne jamais avoir lieu.

Mme la ministre. Ces amendements ne prêtent pas vraiment à conséquence, mais ils alourdiraient les procédures à l’heure où nous entendons plutôt les simplifier en confiant davantage de responsabilités aux acteurs locaux : le projet de loi doit aussi être l’occasion de franchir un seuil de ce point de vue. Si l’enquête publique ne fait pas apparaître la nécessité d’autres avis, pourquoi imposer une nouvelle consultation ?

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS252 du rapporteur.

Elle passe à l’amendement CS1530 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je propose que les entreprises de plus de cinquante salariés situées en zone couverte par un PPA élaborent un plan de mobilité : les choses sont d’autant plus efficaces qu’elles sont organisées en amont. Les entreprises auraient d’ailleurs tout à y gagner, puisque la diminution des déplacements en voiture réduit d’autant les besoins en places de parking.

Mme la ministre. Avis défavorable : l’excès de normes tue la norme.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS49 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS270 du rapporteur et CS2121 de M. Denis Baupin.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je suggère que soient mis en œuvre des plans de déplacement dans les zones d’aménagement commercial. Les plans de mobilité sont une solution efficace ; ils requièrent peu de moyens tout en améliorant la mobilité et en réduisant la pollution atmosphérique.

Mme la ministre. Avis défavorable, pour la même raison que précédemment. Laissons les élus locaux apprécier les seuils pertinents pour les plans de mobilité dans le cadre des PPA.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je retire l’amendement, auquel je croyais la ministre favorable.

M. Denis Baupin. Je retire le mien également.

Les amendements CS270 et CS2121 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS50 du rapporteur, tendant à la suppression d’une mention superflue.

Puis elle est saisie de l’amendement CS1533 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Les plans de déplacement urbain doivent rester compatibles avec les SRCAE ; faute de quoi ceux-ci s’en trouveraient affaiblis.

Mme la ministre. Par cohérence avec ce qui a été voté tout à l’heure, je suggère le retrait de cet amendement.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS51 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CS253 du rapporteur.

Mme la ministre. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Je rappelle néanmoins que, dans l’énoncé de la loi, le verbe « être » a valeur impérative et se suffit donc à lui-même : si l’on commence à le faire précéder du verbe « devoir », sa portée s’en trouvera affaiblie dans l’ensemble de notre corpus législatif.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Instruit par ce cours de sémantique, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de coordination CS53 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement rédactionnel CS54 du rapporteur.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission passe à l’amendement CS1531 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement relaie une demande des associations responsables de la qualité de l’air, tel Airparif, qui sont inquiètes pour leur pérennité. Afin de les consolider juridiquement, il tend à responsabiliser les régions, non seulement sur la qualité, mais aussi sur la surveillance de l’air.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui confie déjà aux régions le rôle de chef de file en matière de qualité de l’air. Quant à la surveillance, l’article L. 221-1 du code de l’environnement dispose que « l’État assure, avec le concours des collectivités territoriales […], la surveillance de la qualité de l’air ». Cette surveillance repose sur des associations agréées, financées de manière tripartite entre l’État, les collectivités territoriales et les professionnels, et faisant l’objet d’une gouvernance partagée. À ce jour, de nombreuses communes ou conseils généraux contribuent au financement de la surveillance de la qualité de l’air et à sa gouvernance : l’amendement risquerait de mettre fin à ce partenariat, qui associe notamment les agglomérations à la gouvernance.

M. Denis Baupin. Ce que vous dites est juste, madame la ministre : je le sais pour avoir été vice-président d’Airparif pendant plusieurs années. Reste que, dans les faits, des entreprises et des collectivités se désengagent, à l’instar de ce département fort pauvre d’Île-de-France, les Hauts-de-Seine, et d’une ville tout aussi pauvre, Issy-les-Moulineaux. Quoi qu’il en soit, mon amendement visait d’abord à appeler l’attention sur ce problème qui se posera à nouveau dans le projet de loi de finances ; à ce stade, je le retire.

M. Martial Saddier. Ce qui fait la force des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), c’est leur diagnostic ; et c’est leur indépendance, leur capacité à associer tous les échelons territoriaux, qui garantit la fiabilité et le caractère incontestable de ce diagnostic.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 18 ainsi modifié.

Article 18 bis [nouveau]
(article 4 de la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 et article L. 253-8 du code rural)

Interdictions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques

Le Gouvernement a demandé à votre commission d’intégrer dans le projet de loi relatif à la transition énergétique une disposition introduite dans le projet de loi relatif à la biodiversité lors de l’examen de celui-ci par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale le 26 juin 2014, pour que cette disposition puisse rapidement entrer en vigueur.

L’amendement adopté par votre commission reprend donc, avec une modification de date d’entrée en vigueur, le dispositif des articles 51 quater et 51 sexies du texte adopté par la commission du développement durable, qui modifient les articles L. 253-7 du code rural (dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national) et L. 253-8 du même code. Votre co-rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement.

I. L’ÉTAT DU DROIT

L’article L. 253-7 tel que rédigé par la loi du 6 février 2014 comporte :

– une interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques par les collectivités territoriales (sur les espaces verts et les promenades ouvertes au public), devant entrer en vigueur au 1er janvier 2020 ;

– une interdiction de mise sur le marché, d’utilisation et de détention de ces mêmes produits pour un usage non professionnel, devant entrer en vigueur au 1er janvier 2022 ;

– une dérogation à ces deux interdictions, au profit des produits à faibles risques et des produits dont l’usage est autorisé en agriculture biologique, dérogation applicable à compter du 1er janvier 2022 (donc en même temps que la seconde interdiction, mais deux ans après la première interdiction).

L’article L. 253-8 du même code interdit la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques. Il prévoit cependant une dérogation : cette pulvérisation peut être autorisée, pour une durée limitée, par l’autorité administrative, dans deux cas :

– s’il existe un danger menaçant les végétaux, les animaux ou la santé publique, et que ce danger ne peut être maîtrisé par d’autres moyens,

– ou si, à l’inverse, ce type d’épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement par rapport à une pulvérisation terrestre.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR L’AMENDEMENT DU GOUVERNEMENT

S’agissant de l’article L. 253-7, l’amendement adopté, rectifié à la demande des membres de la commission spéciale, modifie la date d’entrée en vigueur de la première interdiction (en la fixant au 31 décembre 2016) et aligne sur celle-ci la date d’entrée en vigueur de la dérogation (qui sera donc également le 31 décembre 2016).

S’agissant de l’article L. 253-8, l’amendement adopté :

– inscrit dans la loi la date du 31 décembre 2015 comme date de fin de toutes les dérogations existantes accordées en vertu de cet article ;

– et permet de conserver, au-delà de cette date, une possibilité d’autorisation temporaire dans une seule hypothèse : en cas de danger sanitaire grave et lorsque ce danger ne peut être maîtrisé par d’autres moyens.

*

* *

La commission en vient à l’amendement CS2369 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement reprend celui qui avait été adopté à l’unanimité par la commission du développement durable dans le cadre du projet de loi relatif à la biodiversité. Il s’agit d’interdire, en cas de danger sanitaire grave, l’épandage aérien de produits phytosanitaires et phytopharmaceutiques.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis de sagesse.

M. Jean-Yves Caullet. La disposition tendant à ramener la date de mise en œuvre des interdictions de 2020 à 2016 vise, me semble-t-il, les espaces verts publics, dont beaucoup sont municipaux. Je suis moi-même à la tête d’une commune qui a exclu l’usage de ces produits ; mais il faut songer aux nouveaux maires, élus en 2014, à qui la loi donne jusqu’à 2020 pour le faire. Le plus tôt sera le mieux, mais les équipes municipales, comme les entreprises, doivent s’adapter : dix-huit mois pour changer les méthodes d’entretien, cela me semble un peu court.

Mme Frédérique Massat. Environ 10 % des communes se sont engagées dans des démarches vertueuses ; les autres, même si elles sont volontaires, ne disposent pas toutes de l’ingénierie suffisante pour le faire d’ici à 2016, surtout si elles ont à leur tête de nouvelles équipes. La mesure proposée serait difficile à mettre en œuvre dans ma circonscription, où la commune la plus importante ne compte que 15 000 habitants. La date de 2020 paraît plus raisonnable, d’autant qu’il faut aussi penser à accompagner les entreprises dans leur reconversion.

M. le président François Brottes. Il faut toujours du temps à un maire pour convaincre ses administrés que le fait de laisser pousser la mauvaise herbe n’est pas signe de négligence.

M. Martial Saddier. Cet amendement réapparaît dès que s’ouvre une fenêtre de tir législative. Un accord a été passé sur le sujet avec les associations d’élus et les maires de France. L’accélération du calendrier proposée – j’en parle d’autant plus librement que je fais partie des 10 % de maires qui ont fait appliquer la mesure – serait contre-productive : il faut du temps pour former le personnel, changer les matériels et faire passer le message auprès des habitants.

M. Denis Baupin. Pour ma part, je soutiens l’amendement. Il est courageux de faire preuve de volontarisme, et je me félicite de voir ici relayée une mesure que nous avions défendue.

Mme la ministre. Les communes qui ont consenti cet effort doivent servir de modèle aux autres.

L’interdiction des pesticides dans les jardins des écoles maternelles est la première étape : doit-elle vraiment attendre 2020 ? L’amendement ne propose pas de tout accomplir en un an, mais d’enclencher le processus au 1er mai 2016. Qui plus est, les communes réaliseront des économies en achetant moins de produits phytosanitaires.

Cependant, pour apaiser les craintes qui se sont exprimées, je suis prête à reporter la mesure d’un an, au 1er mai 2017. Alors que nous venons d’adopter une série de mesures contre la pollution de l’air, il serait pour le moins malvenu d’autoriser le déversement de pesticides dans les espaces publics – cimetières et terrains de football, pour beaucoup d’entre eux – jusqu’en 2020. Au reste, le seul fait d’obliger les communes à inscrire ce point à leur ordre du jour permet en général d’accélérer la décision, notamment dans les écoles.

La logique du projet de loi est de généraliser les bonnes pratiques ; en l’occurrence, la démarche proposée n’est en rien contraignante ; elle s’appuie sur l’exemple des communes ayant éliminé les pesticides afin de protéger les populations. Interdire l’usage de ces produits dans les écoles n’est pas très difficile : un délai de plus d’un an et demi me paraît suffisant.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je soutiens l’amendement, qui reprend en effet celui que nous avions adopté à l’unanimité en commission du développement durable lors de l’examen du projet de loi sur la biodiversité. Le fait d’avancer l’échéance donnerait une impulsion, et le 1er mai 2016 ne serait pas une date couperet ; c’est au demeurant celle qui figurait dans la proposition de loi initiale, adoptée au Sénat à l’initiative d’un membre du groupe écologiste.

M. Christophe Bouillon. Lorsque j’étais maire, je m’étais engagé dans une telle démarche. Elle exige en effet du temps, mais nous devons marquer notre engagement. Le report à 2017 permettrait de le faire tout en laissant aux nouvelles équipes municipales le temps de prendre les dispositions nécessaires. Comme vous l’avez vous-même observé, madame la ministre, il ne s’agit pas de brûler les étapes, mais de marquer la volonté politique des communes, l’enjeu étant à la fois environnemental et sanitaire.

M. Jean-Yves Caullet. Étant favorable à la mesure sur le fond, je pense que la date de 2017, qui coïncide d’ailleurs avec la fin d’un mandat politique, est appropriée.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Cela fait des années que je mène, en tant que maire, ce combat auprès de mes administrés ; pour le gagner, j’ai dû pour ainsi dire confisquer les bidons de Roundup… Le problème est que les populations accusent souvent les communes volontaires de laisser-aller. Des mesures obligatoires me semblent donc justifiées ; aussi, je plaide pour le maintien de la date de 2016.

M. Alain Leboeuf. J’ai également travaillé sur ces sujets dans mes fonctions de maire. Cependant, madame la ministre, si cette démarche vertueuse, que je soutiens, génère des économies sur les achats, elle implique des dépenses d’entretien.

M. Julien Aubert. La sécurité juridique est l’un des grands principes du texte. De ce point de vue, il me paraît maladroit d’avancer la date butoir qui servait de référence aux acteurs. Y gagnera-t-on vraiment, au regard des effets induits ? Tous les messages que nous avons reçus au sujet de cette mesure font état d’une opposition virulente, compte tenu des coûts. L’objectif reste cependant le même ; à défaut de maintenir la date de 2020, celle de 2017 constituerait une solution intermédiaire.

M. le président François Brottes. La date du 31 décembre 2016, qui repousserait l’échéance de six mois tout en conservant la référence à 2016, serait peut-être un bon compromis. Il me semble, en tout cas, que six mois sont bien suffisants lorsque l’on fait preuve de bonne volonté.

Mme la ministre. Je suis d’accord pour rectifier l’amendement en ce sens, en substituant donc la date du 31 décembre 2016 à celle du 1er mai 2016.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Après l’article 18

La Commission est saisie de l’amendement CS1534 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il existe une mesure simple et rapide pour lutter contre le dérèglement climatique ; elle permet de surcroît d’économiser le pétrole, de soutenir le pouvoir d’achat et d’améliorer la sécurité routière ; l’Agence internationale de l’énergie en fait la promotion depuis des années : je veux bien entendu parler de la réduction de la vitesse maximale autorisée sur l’ensemble des voiries.

Mme la ministre. Avis défavorable. D’une part, la mesure est de nature réglementaire ; de l’autre, il a été démontré que le ralentissement de la circulation des véhicules très polluants aggrave la pollution, car ces véhicules restent alors plus longtemps dans l’agglomération.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable également.

M. Denis Baupin. Des études allemandes montrent que la limitation à 30 kilomètres-heure en ville augmente en effet les émissions au pot d’échappement, mais diminue les effets d’accordéon et la remise en suspension des polluants, si bien que le bilan est globalement positif.

M. Pascal Deguilhem. M. Baupin évoque les villes ; mais c’est le mot « agglomération » qui figure dans son amendement ; or, en milieu rural, la mesure serait impossible à appliquer, car l’agglomération s’étend souvent entre deux panneaux qui en marquent les frontières sur une route. Les zones limitées à 30 kilomètres-heure, au demeurant, sont déjà nombreuses dans les centres-bourgs.

M. Martial Saddier. Des études sérieuses, notamment dans le cadre des PPA, montrent aussi que la diminution de la vitesse de 130 à 120 kilomètres-heure ne change strictement rien aux émissions de polluants, notamment de particules.

Si la vitesse maximale autorisée ne dépasse pas les 30 kilomètres-heure en ville, à quel niveau M. Baupin envisage-t-il de la porter sous la pluie, puisque son amendement conserve le principe de l’abaissement des vitesses en cas d’intempérie ?

M. Julien Aubert. Je m’étonne que cet amendement ait échappé au couperet de l’article 40, car il implique de changer tous les panneaux de limitation de vitesse : cela a un coût.

La Commission rejette l’amendement.

TITRE IV
LUTTER CONTRE LES GASPILLAGES ET PROMOUVOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : DE LA CONCEPTION DES PRODUITS À LEUR RECYCLAGE

Depuis la fin du XVIIIe siècle et la Révolution industrielle, voire au-delà, les pays développés ont assis leur développement sur un modèle économique linéaire, fondé sur une production intensive en énergie et en matières premières, une consommation de masse et la faible attention prêtée aux résidus de la séquence production-consommation.

Il aura donc fallu plusieurs siècles pour que nos sociétés prennent conscience du fait que nous vivons dans un monde fini, dont les ressources sont limitées et épuisables, et que les déchets produits par la société de consommation constituent un sujet de préoccupation majeure autant qu’une ressource largement sous-exploitée.

En faisant entrer dans notre droit le concept « d’économie circulaire », le présent projet de loi invite donc à un changement de paradigme dans la manière dont notre société envisage son rapport à la matière – au sens que donnait à ce terme l’historien des sciences T. S. Kuhn dans son ouvrage majeur, La Structure des révolutions scientifiques (1962) : il ne s’agit rien moins, en effet, que d’assurer une transition vers un modèle d’économie circulaire fondé sur le développement d’un système de production et d’échanges prenant en compte, dès leur conception, la durabilité et le recyclage des produits ou de leurs composants de sorte qu’ils puissent être réutilisés ou redevenir des matières premières nouvelles, afin de réduire la consommation des ressources et d’améliorer l’efficacité de leur utilisation.

Avant l’article 19

La Commission examine les amendements CS507 de M. Julien Aubert et CS1817 de M. François-Michel Lambert, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Julien Aubert. L’amendement vise à modifier le libellé du titre IV en y supprimant la mention de l’« économie circulaire ». Ce thème me semble flou en effet, alors que les parties prenantes à la Conférence environnementale lui ont préféré la notion de « transition écologique de l’économie ». La définition de l’économie circulaire n’est pas stabilisée. Ainsi, pour M. Montebourg, l’économie circulaire, c’est la valorisation des déchets ; pour M. Hamon, c’est la volonté d’accroître la durabilité des produits ; pour Emmaüs, c’est l’activité de récupération et de réparation des déchets.

La mention de l’économie circulaire se justifierait si elle ne recouvrait que le recyclage des déchets, mais la conception retenue paraît s’étendre à l’économie de la frugalité, à la décroissance, voire à la « sobriété heureuse ». Qu’une loi sur la transition énergétique se fixe comme objectif le recyclage des déchets, c’est compréhensible. Mais, s’il s’agit de promouvoir une vision alternative de l’économie, allant, dans une perspective anticapitaliste, à l’encontre de la création de richesses et de la recherche d’une plus-value, je ne peux y souscrire.

La loi ne peut s’écrire dans des termes flous. Les experts proposent des définitions différentes de l’économie circulaire. Il vaut donc mieux ne pas y faire référence, ou alors donner nous-mêmes une définition législative de cette expression, si nous voulons l’employer.

M. François-Michel Lambert. Non, nous ne voulons certes pas nous borner au recyclage du passé, comme dans certains partis. Nombre d’entreprises et de territoires ont fait le choix stratégique de l’économie circulaire. Hier encore, un forum mettait à l’honneur l’économie circulaire au Havre, ville dont le maire appartient au même parti que vous, monsieur Aubert. Ceux qui recourent à ce terme y voient bien davantage que du recyclage. Vous agitez des peurs, mais vous ne voyez pas la réalité, que ce soit au niveau européen ou ailleurs dans le monde.

Il est bon qu’un projet de loi relatif à la transition énergétique comprenne un volet « économie circulaire ». La loi de juillet 2014, portée par Pascal Canfin, relative à la politique de développement et de solidarité internationale, en donne d’ailleurs déjà une définition législative. Nous ne faisons que renforcer ce corpus législatif. Je propose quant à moi d’inclure dans le code de l’environnement une définition de l’économie circulaire comme économie « qui tend à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières ». Il n’est donc question d’aucune régression.

Mme la ministre. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Sabine Buis, rapporteure pour les titres II et IV. Que la notion d’économie circulaire puisse être encore un peu floue n’est pas une raison pour en faire abstraction. L’ancien modèle de croissance ayant fait la preuve de ses limites, nous sommes à la recherche d’un nouveau modèle, qui passera nécessairement par l’économie circulaire. Plutôt que de faire l’impasse sur cette notion, je propose donc d’en donner une définition plus claire et plus précise, par l’amendement CS1965 que nous examinerons ultérieurement. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces deux amendements.

M. Julien Aubert. Mon analyse se fonde sur des recherches conduites sur Wikipedia et dans les revues environnementales. Ce n’est pas parce qu’un terme est à la mode qu’il en existe une définition précise. Aller dans le sens du vent, « c’est avoir un destin de feuille morte ».

Mme la rapporteure évoque un nouveau modèle de croissance : c’est à croire qu’il n’y a pas de croissance possible sans économie du recyclage. Or certains pays font d’autres choix, misant par exemple sur les nouvelles technologies, et ils connaissent la croissance. Si celle-ci a disparu dans notre pays, c’est pour d’autres raisons.

Monsieur Lambert, dans la Lettre du cadre territorial, vous définissez l’économie circulaire comme « une remise en cause du modèle de l’hyperconsommation, surtout de la partie productive ». On peut recycler les déchets sans sortir de la société de consommation capitaliste !

Mme Cécile Duflot. La référence à l’économie circulaire ouvre un débat sur la croissance. La croissance peut-elle être infinie sur une planète où les ressources sont limitées ? Et la question ne se pose pas seulement dans les sociétés occidentales : en Chine, les plus hauts dirigeants prennent conscience des risques nouveaux pour le climat, pour la santé des populations et pour l’environnement.

On produit désormais pour consommer, dans une perspective productiviste qui reposait sur l’obsolescence programmée des biens de consommation. Mais la notion de bien-être n’est pas prise en compte. J’ai cru entendre une certaine ironie dans l’évocation de la « sobriété heureuse ». L’évolution historique nous pousse pourtant dans ce sens, car l’âge du carbone se révélera comme un âge très court dans l’histoire de l’humanité, celui où des ressources constituées au cours de milliards d’années auront été gaspillées en quelques décennies.

Il nous reste donc à emprunter le chemin de l’inventivité. Or l’économie circulaire ouvre assurément ce chemin de progrès pour l’humanité. Elle mérite d’être définie comme le modèle de développement soutenable et durable qui est respectueux des générations futures, tout en s’inquiétant des générations d’aujourd’hui.

M. François-Michel Lambert. Monsieur Aubert, vous devriez davantage vous intéresser aux travaux réalisés dans le domaine de l’économie circulaire et passer moins de temps à rechercher sur internet des phrases que vous tordez pour les faire servir à vos démonstrations idéologiques.

Mon amendement paraît mieux adapté que celui de Mme la rapporteure aux objectifs fixés par l’article L. 110-1 du code de l’environnement, dont le III stipule :

« L’objectif de développement durable, tel qu’indiqué au II, répond, de façon concomitante et cohérente, à cinq finalités :

« 1° La lutte contre le changement climatique ;

« 2° La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;

« 3° La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ;

« 4° L’épanouissement de tous les êtres humains ;

« 5° Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables. »

La Commission rejette successivement les amendements CS507 et CS1817.

Article 19
(article L. 110-1 du code de l’environnement)

Transition vers un modèle d’économie circulaire
et objectifs de la politique en matière de déchets

1.  L’état du droit

La politique actuelle en matière de gestion des déchets repose sur la directive-cadre n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui s’inscrit dans le prolongement d’une précédente directive de 2006 sur ce sujet. La directive de 2008 reprend et affirme les orientations majeures de la politique de gestion des déchets : principe du pollueur-payeur, principe de proximité et responsabilité élargie du producteur. Elle énonce une hiérarchie des déchets qui devra être mise en œuvre dans la législation et la politique des États membres : prévenir la production de déchet, préparer les déchets en vue de leur réemploi, les recycler, les valoriser et enfin les éliminer de manière sûre et dans des conditions respectueuses de l’environnement.

Cette directive impose aux États membres l’établissement de programmes de prévention des déchets, avec des objectifs chiffrés de recyclage, de récupération et de valorisation pour 2020, comme diminuer de moitié les déchets mis en décharge.

En septembre 2009, un plan d'actions sur les déchets a, par ailleurs, été publié par le ministère chargé du développement durable. Ce document affirme la nécessité de poursuivre et amplifier le découplage entre croissance et production de déchets. Un tel objectif exige des politiques volontaristes, cohérentes et hiérarchisées, conformément à la législation européenne précitée : priorité à la réduction à la source, développement de la réutilisation et du recyclage, extension de la responsabilité des producteurs, réduction de l'incinération et du stockage.

Le plan d'actions, qui couvre la période 2009-2012, vise les objectifs quantifiés fixés par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement du 3 août 2009 :

– réduire de 7 % la production d'ordures ménagères et assimilés par habitant sur les cinq premières années ;

– porter le taux de recyclage matière et organique des déchets ménagers et assimilés à 35 % en 2012 et 45 % en 2015. Ce taux est fixé à 75 % dès 2012 pour les déchets des entreprises et pour les emballages ménagers ;

– diminuer de 15 % d'ici 2012 les quantités partant à l'incinération ou au stockage.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

L’article 19 comprend trois paragraphes.

Le paragraphe I rappelle les principes politiques qui justifient le développement de l’économie circulaire. Il s’agit de sortir du modèle de consommation actuelle en optimisant le cycle de vie du produit. Le but poursuivi est de réduit la consommation de ressources et les émissions de gaz à effet de serres en prenant en compte la durabilité, la réutilisation et le recyclage de ce produit.

Le deuxième alinéa précise le contenu de cette politique, qui intègre le principe de proximité et d’autosuffisance, tout en soulignant l’intérêt économique qui s’attache au développement de filières locales liées à l’économie circulaire. Enfin, cet alinéa lie le développement de l’économie circulaire au principe d’information et de participation du public.

Le paragraphe II de cet article anticipe la mise en place du nouveau « plan déchets 2014-2020 » qui est encore en consultation publique, en donnant une série d’objectifs chiffrés pour 2025 dans le but de satisfaire aux exigences européennes précitées.

Le paragraphe III modifie l’article L. 110-1 du code de l’environnement, qui comprend les principes fondamentaux qui régissent ce droit. Il insère ainsi, dans les finalités du développement durable, la transition vers l’économie circulaire, permettant une reconnaissance législative de ce concept, ainsi que de son objectif politique.

3.  La position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure a tout d’abord souhaité améliorer la visibilité et la pérennité des dispositions du paragraphe I de l’article 19, en codifiant de nouvelles dispositions à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

Il lui est également apparu opportun d’ajouter aux cinq engagements pris par la France afin de réaliser l’objectif d’un développement durable, la promotion de l’économie circulaire, définie comme fondée sur « une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires » ainsi que sur « la réutilisation, en priorité, des matières premières secondaires ».

De même, votre co-rapporteure a proposé une réécriture des principaux objectifs poursuivis dans le cadre de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets.

Votre co-rapporteure a également souhaité inscrire dans la loi l’obligation, pour les aides publiques, de respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets.

Elle a enfin défendu un amendement rappelant que la commande publique constitue un levier important du développement de l’économie circulaire et invitant à l’adoption de schémas de promotion des achats socialement et écologiquement responsables.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS506 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Le groupe UMP est favorable à la croissance verte, si l’on entend par là une croissance décarbonée dans un modèle capitaliste, mais il semble que, avec l’économie circulaire, on veuille imposer un autre modèle de croissance – semblable à celui que Frank Herbert a décrit dans son roman d’anticipation Dune –, en arguant du fait que les ressources ne sont pas infinies. Il ne me semble pourtant pas que la force du vent ou l’énergie solaire, voire l’énergie nucléaire de quatrième génération, puissent être considérées comme des ressources limitées.

Monsieur Lambert, je n’ai nullement déformé vos propos, me contentant de lire ce que vous avez déclaré au site lettreducadre.fr.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1643 de M. Jacques Krabal.

M. Joël Giraud. Je retire cet amendement si Mme la rapporteure accepte que je cosigne avec elle l’amendement suivant.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je l’accepte bien volontiers.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1965 de la rapporteure et CS1830 de M. François-Michel Lambert.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Nous proposons de clarifier le lien entre l’objectif d’un développement durable et les cinq engagements pris par la France pour le réaliser. Au nombre de ces engagements figure désormais la promotion de l’économie circulaire. Il importe donc d’en donner une définition claire et lisible.

M. François-Michel Lambert. Il me semble peu judicieux d’insérer une définition dans un chapitre qui aborde les finalités du développement durable. Sur le fond, la définition me paraîtrait gagner à inclure l’allongement de la durée d’usage des produits, ce qui permettrait d’en faire un guide complet pour l’action.

Mme la ministre. Je suis heureuse que l’économie circulaire suscite autant de propositions. Je salue votre travail, monsieur Lambert, comme président de l’Institut de l’économie circulaire, dont les propositions ont constitué une véritable source d’inspiration. Il me semble que vos suggestions d’amélioration devraient pouvoir être prises en compte.

M. François-Michel Lambert. Je retire mon amendement et demande également à cosigner celui de Mme la rapporteure. Je crois que l’allongement de la durée de vie pourrait d’ores et déjà être inséré et qu’un travail plus complet pourrait avoir lieu d’ici à la séance publique.

L’amendement CS1830 est retiré.

M. le président François Brottes. Je voudrais mettre en garde contre toute tentative d’improvisation. La question de la durée de vie des produits a déjà été abordée dans la loi sur la consommation et dans la loi relative à la biodiversité. Il faut veiller à la cohérence des textes législatifs les uns avec les autres.

Mme la ministre. Je propose, moi aussi, que vous adoptiez cet amendement et que vous enrichissiez le texte, d’ici à la séance publique, avec le soutien du Gouvernement.

M. Julien Aubert. La définition de l’économie circulaire donnée par Mme la rapporteure dans son amendement me paraît beaucoup moins dangereuse que celle de M. Lambert. Alors que celui-ci veut plafonner la consommation, elle se contente de vouloir la limiter. Tandis qu’il promeut la réutilisation des matières premières, elle appelle à réutiliser en priorité les matières premières secondaires, que l’homme a déjà transformées.

Mon point de désaccord avec elle porte cependant sur la notion de sobriété. Notre collègue Charles de Courson nous a expliqué qu’un homme sobre est un homme qui ne boit pas.

Mme Cécile Duflot. Ne confondons pas sobriété et abstinence !

M. Julien Aubert. Pour ma part, j’estime qu’un bon emploi des ressources doit être qualifié d’efficace, non de sobre. Loin d’être seulement technique, de telles définitions sont politiques : une fois qu’elles sont fixées dans la loi, elles sont reprises partout et peuvent propager à notre insu un autre modèle de société et de croissance.

Mme Cécile Duflot. Selon le Larousse, la sobriété n’a rien de dépréciatif, puisqu’elle repose sur les notions de mesure et de modération.

La Commission adopte l’amendement CS1965.

En conséquence, les amendements CS1289 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1437 de M. Philippe Bies n’ont plus d’objet.

La Commission examine l’amendement CS2382 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement entend inscrire dans le code de l’environnement les objectifs de la politique nationale des déchets. Il comporte un objectif de généralisation à la source des déchets organiques. Il tend à mieux définir les conditions de recours à la valorisation des déchets et à celle des combustibles solides de récupération, qui ne peut constituer une priorité.

Tel que je l’ai rédigé, cet amendement tient compte des contributions de certains des amendements qui tomberont s’il est adopté. Ainsi, reprenant les idées du président Chanteguet, il porte de 7 à 10 % la réduction des déchets ménagers devant être atteinte en 2020 par rapport à 2010. Il fait également une place à la notion de réemploi. Enfin, il préconise d’éviter le déploiement de nouvelles installations de tri-mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles en vue de la valorisation en épandage agricole.

Mme la ministre. Avis favorable. Ces compléments me paraissent judicieux.

M. Martial Saddier. Sans doute, madame la rapporteure, il faut saluer votre travail : en rassemblant plusieurs amendements, le vôtre aura au moins le mérite d’en faire tomber quelques-uns. Mais, s’il est bon que la loi soit ambitieuse, pourrons-nous vraiment tenir les objectifs qui sont inscrits dans celle-ci, et qui sont encore relevés avec cet amendement ?

Ces mesures échappent à toute étude d’impact. En prévoyant que les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que 15 millions d’habitants soient couverts en 2020 et 25 millions en 2025, nous risquons d’aggraver le clivage entre le monde rural et le monde urbain. En exigeant que 70 % des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics à l’horizon 2020 soient valorisés, nous fixerions un autre objectif impossible à atteindre.

M. Julien Aubert. Pourquoi fixer à 10 % plutôt qu’à 7 % la réduction des déchets ménagers ? Qu’est-ce qui justifie qu’on aille au-delà de ce que proposait le Gouvernement ?

Il est prévu que « les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets ». En vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, il n’est jamais très bon que le Parlement leur fixe des objectifs. Ces dispositions sont soit inutiles, puisqu’elles créent des obligations qui ne s’imposent pas vraiment à elles, soit vouées à l’échec, puisque les moyens nécessaires ne sont pas prévus.

Enfin, en ce qui concerne la valorisation « de 70 % des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics à l’horizon 2020 », je note que le secteur du BTP souffre particulièrement sur le plan économique et je n’ai pas le sentiment qu’il accueille avec enthousiasme de nouvelles obligations.

M. François-Michel Lambert. Je veux d’abord souligner que l’objectif consistant à valoriser 70 % des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics à l’horizon 2020 n’est pas irréaliste quand on sait ce qui se fait déjà dans un secteur extrêmement dynamique – et bien plus en avance que vous, monsieur Aubert, qui apprendriez beaucoup en allant à sa rencontre. Pour ma part, je salue l’ambition affichée par Mme la rapporteure et confirmée par Mme la ministre.

M. Julien Aubert. Cela fait deux fois que mon intervention est immédiatement suivie d’une attaque personnelle à mon égard. Si chacun pouvait faire preuve d’un peu de bienveillance plutôt que de partir du principe que celui dont on ne partage pas les conceptions n’a aucune compétence, le respect des principes républicains y gagnerait.

M. le président François Brottes. Chacun pourrait effectivement trouver son compte à appliquer les principes que vous prônez, monsieur Aubert – surtout si vous commenciez par vous les appliquer à vous-même.

Mme la ministre. J’insiste sur un point : la récupération et le recyclage des déchets du bâtiment vont augmenter la productivité de cette filière. L’objectif de 70 %, arrêté en référence à une directive européenne et en accord avec le secteur, est tout à fait accessible, puisque nous en sommes déjà à 63 %. Cet amendement constitue un encouragement à faire encore mieux afin que nous nous hissions au meilleur niveau européen en matière de recyclage des déchets du bâtiment. Nous aurons l’occasion d’évoquer à nouveau cette question dans quelques instants en examinant un amendement du Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement CS2382.

En conséquence, les amendements CS1585 de M. Philippe Bies, CS669 de M. Serge Letchimy, CS501 de M. Martial Saddier, CS1818 de M. François-Michel Lambert, CS1284 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1820 de M. François-Michel Lambert, CS1970 de la rapporteure, CS350 de M. Jean-Jacques Cottel, CS1045 de M. Bertrand Pancher, CS1537 de M. Philippe Bies, CS1978 de M. Jacques Krabal, CS1821 de M. François-Michel Lambert, CS1967 de la rapporteure, CS1046 de M. Bertrand Pancher, CS1290 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1472 de M. Philippe Bies, CS1823 de M. François-Michel Lambert, CS1883 de M. Jacques Krabal, CS1154 et CS1153 de M. Jean-Jacques Cottel, CS1822 de M. François-Michel Lambert, CS360 de M. Jean-Jacques Cottel, CS1283 rectifié de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1047 de M. Bertrand Pancher, CS1824 de M. Éric Alauzet, CS502 de M. Martial Saddier, CS1825 de M. François-Michel Lambert, CS287 de M. Michel Heinrich, CS1050 de M. Bertrand Pancher, CS1051 de M. Bertrand Pancher, CS1968 de la rapporteure, CS361 de M. Jean-Jacques Cottel, CS1285 rectifié de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1826 de M. François-Michel Lambert, CS15 de la rapporteure, CS1197 de Mme Audrey Linkenheld, CS276 rectifié de M. Michel Heinrich, CS1048 de M. Bertrand Pancher, CS1969 de la rapporteure, CS1053 de M. Bertrand Pancher, CS1291 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1579 de M. Philippe Bies, CS1827 de M. Éric Alauzet, CS289 de M. Michel Heinrich, CS1952 de la rapporteure, CS454 de M. Patrick Hetzel, CS921 de M. Julien Aubert, CS540 de M. Martial Saddier, CS277 de M. Michel Heinrich, CS1286 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS288 de M. Michel Heinrich, CS1064 de M. Jean-Paul Tuaiva, CS1828 de Mme Brigitte Allain et CS1220 de M. François-Michel Lambert tombent.

M. Julien Aubert. Je ne comprends pas pourquoi certains amendements sont tombés, monsieur le président – je pense notamment à mon amendement CS921.

M. Martial Saddier. J’avais un amendement sur les pièces détachées qui est tombé de façon tout aussi inexplicable.

M. le président François Brottes. Ils sont tombés parce que le texte auquel ils se rattachaient n’existe plus. Vous pourrez les redéposer en séance, en les modifiant en fonction du texte qui aura été adopté.

M. Julien Aubert. Si je comprends bien votre règle, il suffirait qu’un rapporteur dépose le même article en n’y changeant qu’un ou deux mots pour que tous les amendements qui y étaient rattachés disparaissent ?

M. le président François Brottes. Ce n’est pas ma règle, mais la règle, monsieur Aubert.

M. Julien Aubert. Loin de moi l’idée de mettre en cause la présidence, je voulais simplement souligner les limites de cette règle.

M. le président François Brottes. Premièrement, le Gouvernement ne donnerait sans doute pas un avis favorable à un amendement consistant à modifier deux virgules d’un article. Deuxièmement, Mme la rapporteure a accompli un travail de fond d’une grande cohérence, et de nature à nous faire gagner du temps, en concentrant la réécriture de plusieurs alinéas de l’article 19 en un seul amendement. Il s’agit là d’une pratique courante et qu’il est tout à l’honneur de cette majorité de mettre en œuvre lors du travail en commission, en toute transparence, plutôt qu’en séance publique – comme on a malheureusement pu le voir en d’autres temps – au moyen d’une réécriture à la marge visant à se débarrasser du débat.

M. Julien Aubert. En tant qu’homme de droite, je ne contesterai certainement pas la règle que je vous remercie de nous avoir rappelée, monsieur le président.

M. Martial Saddier. Pour ma part, j’ai été témoin, au cours des deux ans et demi qui viennent de s’écouler, de l’adoption de tels amendements en séance. Ne prenez pas ce que je vais dire pour une critique de votre présidence, que j’estime excellente, mais quand l’adoption d’un amendement en fait tomber cinquante autres, ne pourriez-vous pas nous en prévenir ?

M. le président François Brottes. Mme la rapporteure l’a fait, monsieur Saddier.

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, en dépit de vos explications, que j’ai bien comprises, je dois vous dire que je suis moi aussi très frustré de ne pouvoir défendre mon amendement CS669, et j’espère pouvoir le faire en séance publique.

M. le président François Brottes. Je vous confirme que vous en aurez la possibilité, monsieur Letchimy.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1966, deuxième rectification, de la rapporteure, CS1292 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1580 de M. Philippe Bies et CS1819 rectifié de M. François-Michel Lambert.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1966, deuxième rectification, prévoit que les soutiens et aides publiques respectent la hiérarchie des modes de traitement des déchets.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1292 est défendu.

M. Philippe Plisson. De même que l’amendement CS1580.

M. François-Michel Lambert. Et l’amendement CS1819 rectifié.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CS1966, deuxième rectification, et considère que les autres amendements en discussion commune sont satisfaits, dans la mesure où ils sont fondés sur l’idée de la hiérarchie des modes de traitement des déchets et de l’adaptation des soutiens et des aides publiques en fonction de cette hiérarchie.

Les amendements CS1292, CS1580 et CS1819 rectifié sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS1966, deuxième rectification.

Elle en vient ensuite à l’amendement CS920 de M. Julien Aubert, qui fait l’objet d’un sous-amendement CS2422 du Gouvernement.

M. Julien Aubert. L’amendement CS920 vise à intensifier la lutte contre les sites illégaux de tri et de traitement des déchets, qui revêt un caractère prioritaire quand on entend développer le recyclage.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CS920, sous réserve de l’adoption du sous-amendement CS2422, qui reprend le texte du sous-amendement CS2383 de la rapporteure qui n’a pu être débattu, l’amendement CS455 de M. Hetzel, qu’il proposait de modifier, n’ayant pas été défendu.

La Commission adopte le sous-amendement CS2422, puis l’amendement CS920 sous-amendé.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS919 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Pour fermer la boucle de l’économie circulaire, il est important de favoriser l’utilisation des matières premières recyclées, ce qui passe par une reconnaissance de la qualité de ces produits.

Mme la ministre. Avis défavorable. Si je vous rejoins sur l’objectif consistant à favoriser l’utilisation de matières issues du recyclage, je pense que la priorité est de mettre fin à la discrimination existant actuellement à l’égard des matériaux recyclés, ce qui fait l’objet de l’un des articles de la loi.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable : si une réflexion mérite d’être menée sur ce point, cela doit se faire avec une grande prudence et non dans la précipitation.

M. Julien Aubert. Je vous rejoins, madame la rapporteure, quand vous dites que nous travaillons dans la précipitation.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS835 de M. Julien Aubert et CS1642 de M. Joël Giraud.

M. Alain Leboeuf. Nous proposons d’insérer un alinéa visant à ce que les installations de production de biogaz soient encouragées grâce à un cadre réglementaire adapté, afin d’augmenter la valorisation énergétique des effluents d’élevages dans le cadre des installations de méthanisation.

En effet, les effluents d’élevage représentent un gisement de ressources permettant, par méthanisation, de produire de l’électricité, de la chaleur, du biogaz épuré et injecté dans le réseau de gaz naturel ou encore du biométhane carburant. Le résidu solide, le digestat, est également valorisable puisqu’il constitue un engrais minéral naturel se substituant aux engrais d’origine fossiles.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1642 est défendu.

Mme la ministre. Ces amendements me paraissent satisfaits dans la mesure où les objectifs qu’ils poursuivent figurent déjà dans la définition globale de l’économie circulaire et dans les actions concrètes de valorisation de la méthanisation. En outre, alors que l’intention de leurs auteurs est, me semble-t-il, d’encourager certaines pratiques plutôt que de renforcer les normes existantes, ils présentent l’inconvénient de donner l’impression que la réglementation n’est pas suffisante, ce qui m’obligerait, s’ils étaient adoptés, à prendre un décret ayant pour objet de réglementer le pourcentage de valorisation énergétique des bâtiments d’élevage.

Comme vous le savez, les méthaniseurs vont faire l’objet, afin de faciliter leur installation, d’une expérimentation consistant en un permis unique dont la mise en œuvre, s’accompagnant d’un appel à projets pour 1 500 unités, pourrait vous donner l’occasion de faire valoir votre préoccupation. En l’état actuel, je recommande donc le retrait de ces amendements.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable : ces amendements expriment une position de principe à portée essentiellement déclarative, et non normative.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS1329 rectifié de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Afin de donner à l’alinéa 9 de l’article 19 une meilleure visibilité, l’amendement CS1329 rectifié codifie les dispositions de l’article 19 modifiant l’article L.110-1 du code de l’environnement. Il propose de clarifier le lien entre l’objectif d’un développement durable et les cinq engagements pris par la France pour le réaliser. Au nombre de ces engagements figure désormais la promotion de l’économie circulaire. Il importe d’en donner une définition claire et lisible, puis d’indiquer quels sont les facteurs qui contribuent à cette nouvelle prospérité. Cet article élargit la définition de l’économie circulaire au-delà des produits et déchets et rend compte des réflexions contemporaines sur les valeurs d’usage et de partage des produits, ainsi que de l’émergence de l’économie collaborative.

Mme la ministre. Cet amendement est intéressant, mais il me paraît satisfait par un autre, adopté précédemment.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis. J’invite donc M. Chanteguet à retirer son amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1829 de M. Éric Alauzet.

M. François-Michel Lambert. Défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable, la disposition proposée relevant de la loi de finances.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 19 ainsi modifié.

Article 19 bis [nouveau]
(article L. 541-10-5 du code de l’environnement)

Interdiction de la mise à disposition de sacs de caisse en matière plastique

Cet article reprend des dispositions déjà présentées et votées lors de l’examen, en première lecture et devant la Commission du développement durable saisie au fond, du projet de loi (n° 1847) relatif à la biodiversité. (13)

À l’initiative du Gouvernement, il engage la fin de la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, de sacs de caisse en matière plastique à usage unique : les solutions alternatives – qu’il s’agisse de sacs réutilisables, quelle que soit leur matière, ou d’autres modes de transport des marchandises (cabas, chariots, etc.) – sont en effet désormais connues et éprouvées, et les pratiques des grandes surfaces alimentaires démontrent que le changement d’attitude du consommateur est possible voire bien accueilli.

Cet article traite, par ailleurs, des enjeux liés à la consommation importante de sacs « fruits et légumes » qui, jusqu’à présent, n’ont jamais fait l’objet de dispositions visant à en réduire la consommation. Leur interdiction de distribution est ainsi prévue à terme, sauf pour des sacs répondant à des conditions particulières (sacs biosourcés, avec une teneur en composants biosourcés qui ira croissant avec le temps, et compostables en compostage domestique).

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS2368 du Gouvernement, CS1951 de la rapporteure, CS1287 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1832 de M. François-Michel Lambert.

Mme la ministre. L’amendement CS2368 porte interdiction des sacs de caisse en matière plastique à usage unique. Dans le cadre de l’économie circulaire et du traitement des déchets, tout un travail a été conduit avec le secteur de la distribution pour développer les sacs à usage non unique. La filière du papier française, en grande difficulté, a été remobilisée autour de ce projet qui peut lui ouvrir des perspectives de développement. Nous avons aussi constitué toute une filière économique pour fabriquer en France les sacs biodégradables qui pourront se substituer aux sacs plastiques à usage unique, importés à plus de 90 % et dont l’accumulation forme un véritable continent sous-marin.

L’amendement CS1951 est retiré.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1287 a ceci de plus que celui du Gouvernement qu’il indique qu’à compter du 1er juillet 2015, « ne sont autorisés à la distribution gratuite ou à la vente, que les sacs réutilisables d’une contenance supérieure ou égale à quarante litres, d’une épaisseur supérieure ou égale à cinquante micromètres et pour lesquels il existe en France une filière de recyclage ».

M. François-Michel Lambert. Nous avons estimé qu’il fallait accélérer la mise en œuvre de ce dispositif déjà évoqué au cours des débats sur la biodiversité. Je retire toutefois l’amendement CS1832 au profit de celui du Gouvernement.

L’amendement CS1832 est retiré.

Mme la ministre. Après examen du dispositif technique proposé par M. Chanteguet, nous pourrons éventuellement compléter l’amendement du Gouvernement en séance publique.

L’amendement CS1287 est retiré.

M. Martial Saddier. Mme la ministre peut-elle nous éclairer sur l’accélération prévue du calendrier qui, au-delà de l’impact environnemental souhaité risque d’avoir un impact social ?

La teneur de vos propositions m’amène à suggérer que nous observions une minute de silence en mémoire de la loi sur la biodiversité dont nous retrouvons ici les amendements – les désherbants dans les collectivités locales tout à l’heure et les sacs plastiques maintenant. Cela en dit long sur la probabilité que cette loi examinée en commission du développement durable n’arrive jamais en séance publique, sauf indication contraire de Mme la ministre.

M. Julien Aubert. L’autorisation de sacs pour lesquels il existe une filière de recyclage est intéressante, car elle encourage l’emploi. Il faudrait inclure cette disposition dans l’amendement du Gouvernement.

Mme la ministre. Je ne me serais jamais permis de reprendre, pour le compte du Gouvernement, un amendement d’origine parlementaire. Le président Chanteguet a soutenu les deux amendements que j’ai présentés en commission du développement durable et je l’en remercie. C’est qu’un lien très étroit unit la biodiversité et la transition énergétique, qui n’est pas suffisamment mis en valeur : réduire la pollution et les atteintes à l’environnement, c’est aussi protéger la biodiversité. Enfin, je vous assure que le Gouvernement est fermement déterminé à inscrire, en début d’année prochaine, le projet de loi sur la biodiversité.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement CS2368 est adopté.

Article 19 ter [nouveau]
(article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014)

Mise en place de schémas de promotion des achats publics
socialement et écologiquement responsables

Modifiant le I de l’article 13 de la loi n° 2014856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, cet article issu d’un amendement de votre co-rapporteure prévoit que, lorsque le montant total annuel de ses achats est supérieur à un montant fixé par décret, le pouvoir adjudicateur – ou l’entité adjudicatrice mentionnée au 2° de l’article 2 du code des marchés publics ou aux articles 3 et 4 de l’ordonnance n° 2005649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics – doit adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables et en assurer la publication.

Ce schéma déterminera les objectifs de passation des marchés publics, comportant des éléments à caractères social et écologique, ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1953 de la rapporteure, CS1327 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1645 rectifié de M. Jacques Krabal.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1953 prévoit que la commande publique adopte un schéma de promotion des achats publics socialement et économiquement responsable, contribuant à la promotion d’une économie circulaire.

Mme la ministre. Favorable.

M. Martial Saddier. Sur la forme, je me demande tout de même si la loi n’a pas vocation à encadrer les montants prévus par voie réglementaire.

M. Julien Aubert. Pour ma part, je ne comprends pas bien ce que signifie l’expression « un schéma de promotion des achats publics socialement et économiquement responsable, contribuant à la promotion de l’économie circulaire ». Certes, c’est là un noble objectif, mais, sur le terrain, l’addition de ces nouveaux critères risque de mal s’accorder avec un code des marchés publics déjà très compliqué. Il me semble que nous serions mieux avisés de faire en sorte que ce code favorise les entreprises locales et les TPE et PME, qui se plaignent souvent d’être écartées de ces marchés. Pouvez-vous m’expliquer de quoi il est question exactement, madame la rapporteure ? S’agit-il, par exemple, de favoriser les entreprises qui recyclent leurs déchets ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le recyclage fait effectivement partie de l’économie circulaire, même s’il ne se résume pas à cela.

M. Julien Aubert. Si je me souviens bien, la définition est même beaucoup plus large, puisqu’elle fait référence à une utilisation sobre des ressources. Allez-vous interroger chaque entreprise pour savoir si elle gaspille ou non les ressources ? Concrètement, sur quels critères va-t-on se déterminer ?

Pour ce qui est de la « promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables », d’une part, j’espère que les responsables chargés des marchés publics ne nous ont pas attendus pour être socialement responsables, d’autre part, je ne vois pas ce que cette préoccupation vient faire dans un texte sur l’énergie.

Mme la ministre. Ayant, en tant que présidente de région, rédigé des années durant des cahiers des charges, je suis en mesure de vous donner un exemple très concret. Quand, à prix égal, on avait le choix entre une entreprise de construction recyclant 70 % de ses déchets et une autre n’en recyclant que 20 %, on donnait la préférence à la première.

M. Martial Saddier. On peut donc déjà le faire !

Mme la ministre. Il ne s’agit que d’une orientation, comme l’expriment les mots « ce schéma contribue également à la promotion d’une économie circulaire », s’adressant non pas aux maîtres d’ouvrage qui mettent déjà en œuvre ces principes, mais aux autres : le fait que cette incitation figure dans la loi peut constituer un déclic lors de la rédaction des cahiers des charges et de l’ouverture des plis. À mon sens, c’est ainsi que doit s’opérer la transition énergétique et se mettre en place le cercle vertueux de l’économie circulaire : par une prise de conscience débouchant sur une action conforme à la fois à l’intérêt général, à la construction et à la création d’emplois.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à faire figurer la promotion de l’économie circulaire dans la loi relative à l’économie sociale et solidaire, au sein d’un volet relatif à la réinsertion des personnes en difficulté. Il me semble que l’économie circulaire a une portée beaucoup plus large et que l’article 13 de la loi ESS ne constitue pas le bon véhicule pour une telle disposition. Pour ma part, j’avais rédigé un amendement se plaçant différemment au regard du corpus législatif.

Les amendements CS1327 et CS1645 rectifié sont retirés.

M. Martial Saddier. J’ai bien entendu l’exemple donné tout à l’heure par Mme la ministre, mais, dans le cahier des charges préparant les appels d’offres publics, il est déjà tout à fait possible de faire figurer des critères permettant, à prix équivalent, de donner la préférence à une entreprise vertueuse.

Par ailleurs, je me vois contraint de poser à nouveau cette question qui n’a pas obtenu de réponse tout à l’heure : la loi ne doit-elle pas encadrer les montants fixés par décret ?

Enfin, Mme la ministre et Mme la rapporteure sont-elles en mesure de nous donner un ordre de grandeur de ces montants ? Des discussions ont-elles eu lieu sur ce point avec les associations représentatives des collectivités territoriales ?

M. Julien Aubert. Je n’ai pas été convaincu par votre explication, madame la ministre : pourquoi la loi devrait-elle fixer des objectifs au sujet de ce qui est déjà possible ? À l’heure actuelle, dans la plupart des marchés publics, le critère de coût est malheureusement le critère déterminant. Si l’on ne hiérarchise pas les critères, le critère écologique risque de céder systématiquement le pas au critère financier.

Par ailleurs, si je suis évidemment favorable au critère d’insertion sociale et professionnelle des travailleurs handicapés ou défavorisés, l’insertion de ce critère dans une loi à vocation écologique, sur la transition énergétique, me laisse dubitatif.

Enfin, si l’on veut faire évoluer les marchés publics au bénéfice de l’écologie, il me semble que l’on devrait commencer par faire en sorte de favoriser les entreprises locales, qui ont une empreinte carbone beaucoup plus faible que les autres – sans même parler de l’intérêt économique qu’aurait une telle mesure, qui donnerait un argument aux collectivités territoriales pour donner du travail aux entreprises locales – et en tout cas, aux entreprises françaises plutôt qu’étrangères.

Mme la ministre. Premièrement, pour ce qui est du rapprochement entre les préoccupations sociales et écologiques, je rappelle qu’il existe des liens très étroits entre le progrès social – notamment la réinsertion des travailleurs handicapés ou défavorisés – et la question de la prise de conscience et de l’intégration de l’écologie, les deux thèmes reposant sur les mêmes valeurs. Faire figurer l’intégration sociale et professionnelle des travailleurs handicapés ou défavorisés dans un cahier des charges n’est pas facile, cela nécessite de vaincre d’énormes résistances de la part des entreprises et de mettre en place un véritable accompagnement et une surveillance – j’en sais quelque chose, cela m’a pris deux ou trois ans au niveau de ma région.

Deuxièmement, la notion d’économie circulaire renferme celle de circuits courts. Ces derniers révèlent parfois que les entreprises ont des compétences approchant de très près celles qui sont requises. Aussi encourageons-nous les formations professionnelles pour leur permettre de répondre à un certain nombre d’appels d’offres en s’associant, par le biais de réseaux, à des entreprises de proximité.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je m’associe aux propos de Mme la ministre. Cet amendement a également vocation à faciliter l’accès des entreprises locales aux marchés publics. Les achats réalisés près de chez soi seront forcément « écologiquement responsables », et je ne vois pas en quoi ce que je propose pourrait avoir des effets néfastes sur les entreprises locales, sachant que nombre d’entre elles obéissent d’ores et déjà au schéma défini par l’amendement.

M. François-Michel Lambert. Nous poursuivons le même objectif mais envisager ce dispositif à cet endroit du texte pose problème ; c’est pourquoi j’avais placé mon propre amendement après l’article 22. L’économie circulaire, dans la perspective tracée par l’amendement, est seulement rattachée à un schéma, certes nécessaire, mais restrictif.

M. Julien Aubert. Sauf erreur de ma part, dans la définition que nous avons adoptée tout à l’heure de l’économie circulaire, la notion de circuits courts n’apparaît pas, ce que je regrette.

M. Jean-Marie Tetart. J’adhère à l’idée d’obligation de la prise en compte de critères écologiques ou sociaux dans les consultations publiques. Je crains fort néanmoins que s’ils prennent en compte tous les critères nécessaires, les schémas soient identiques pour l’ensemble des collectivités locales. Il existe, par exemple, un cahier des charges des travaux routiers écoresponsables qui prend en considération l’économie des matières premières, les différents types d’enrobés et leur provenance, entre autres. On sait donc quelles sont les conditions sociales et écologiques attachées aux différents types de travaux ou d’achats. J’ai peur, par conséquent, qu’on ne se contente d’un « copier-coller » de guides généraux émanant des ministères.

M. le président François Brottes. De nouvelles pratiques vont se généraliser ; c’est toute la logique de ce projet de loi.

La Commission adopte l’amendement n° CS1953.

Article 19 quater [nouveau]
(articles L. 541-21-3 à L. 541-21-5 [nouveaux], article L. 541-10-2 du code de l’environnement
et article 59 octies du code des douanes)

Récupération des véhicules hors d’usage. Gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques. Contrôle des transferts transfrontaliers
de déchets

À l’initiative de votre co-rapporteure, cet article vise à améliorer le cadre juridique applicable à certaines catégories de déchets, qu’il s’agisse de la récupération des véhicules hors d’usage ou de lutte contre les trafics et les transferts illégaux.

Le paragraphe I complète la sous-section III de la section III du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement par trois articles traitant de la récupération des véhicules hors d’usage (VHU) : les particuliers ignorent en effet souvent l’existence de filières de retraitement de ces véhicules, parfois abandonnés au fond d’un jardin ou d’un garage et qui peuvent, dans certains cas, se révéler des habitats accueillants pour des insectes propagateurs d’épidémie (chikungunya).

Il est ainsi prévu de reconnaître au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent la faculté de mettre en demeure le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule – ou le propriétaire du terrain – de remettre le véhicule à un centre VHU agréé ou de faire procéder à son évacuation d’office en cas de carence.

Le paragraphe II vise à lutter contre le trafic de déchets d’équipements électriques et électroniques, en disposant que les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent gérer des déchets d’équipements électriques et électroniques que s’ils disposent de contrats passés en vue de la gestion de ces déchets avec les éco-organismes agréés ou avec les systèmes individuels mis en place par les producteurs.

Le paragraphe III autorise les agents des douanes et les agents de la direction générale de la prévention des risques et de ses services déconcentrés, « pour les besoins de leurs missions de contrôle des transferts transfrontaliers de déchets et de contrôle des substances et produits chimiques », à se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS2389 de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement vise à consolider le cadre juridique entourant les véhicules hors d’usage stockés sur la voie publique ainsi que les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), et à autoriser les échanges d’informations entre les agents des douanes et ceux de la prévention des risques.

Mme la ministre. Les départements d’outre-mer sont confrontés au grave problème représenté par les VHU abandonnés au bord des routes ou au fond des jardins. Une des causes du développement du chikungunya est la stagnation de l’eau dans ces épaves.

Cet article additionnel permettra aux maires d’interdire le stockage d’épaves sur la voie publique ou dans les jardins, en leur donnant notamment la possibilité de faire enlever les épaves dans les propriétés privées et de les envoyer dans des filières de recyclage, ce qui contribuera à résoudre un problème majeur de santé publique dans les DOM-TOM. Avis favorable.

M. Martial Saddier. Il conviendrait alors de rectifier l’amendement en offrant cette possibilité également au président de l’EPCI concerné, en cas d’existence d’une police intercommunale.

Je vous propose d’ajouter, après chaque occurrence du mot « maire », les mots : « ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ».

M. Serge Letchimy. Cet amendement règle, beaucoup plus largement, le problème national qu’est l’irresponsabilité économique des consommateurs. L’abandon des VHU est un exemple de filière inaboutie, puisque la réalité commerciale du produit est déconnectée de toute responsabilité écologique et sociale.

Il appartient aux collectivités locales d’enlever les épaves le long des rues, mais elles ne peuvent le faire qu’après avoir identifié le propriétaire. La procédure peut demander jusqu’à six mois pour éviter tout conflit d’ordre juridique avec celui-ci. La législation devrait raccourcir ce délai. De surcroît, les communes supportent seules le coût financier de cet enlèvement, sans aucune contribution des concessionnaires ni des acheteurs.

L’économie circulaire doit nous permettre d’accompagner le traitement et la récupération des pièces dans le cadre d’une commercialisation durable. Alors que de véritables casses sont organisées sur des parcelles privées, c’est une bonne initiative que d’y interdire le stockage des épaves. Il serait encore mieux d’intéresser le concessionnaire et le propriétaire du VHU à la filière de traitement, ainsi que d’éviter de réexporter les déchets vers l’Europe – une aberration économique et écologique. Mieux vaudrait construire des filières partagées avec des pays voisins. Il est indispensable d’adapter la réglementation européenne, qui privilégie non pas le traitement des déchets sur place, mais le financement de la réexportation de l’acier en métropole ou vers le reste de l’Europe. Cela n’a aucun sens !

M. le président François Brottes. J’avais fait adopter un amendement de ce type dans la loi sur les territoires ruraux : on m’a fait savoir qu’il n’était pas suffisamment opérationnel. Tout progrès en la matière est une bonne chose !

De nombreux maires ont commis des abus de pouvoir en matière de retrait d’épaves : que la loi couvre leur action est préférable.

Madame la rapporteure, êtes-vous favorable à la rectification de votre amendement, consistant à ajouter, après chaque occurrence du mot « maire », les mots « ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent » ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. J’y suis favorable.

La Commission adopte à l’unanimité l’amendement ainsi rectifié.

Après l’article 19

Elle examine ensuite les amendements identiques CS2381 de la rapporteure et CS263 de M. Jean-Pierre Decool.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS2381 prévoit que les magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés proposent les denrées alimentaires invendues encore consommables à une ou plusieurs associations d’aide alimentaire.

M. Julien Aubert. Je retire l’amendement identique CS263, que j’ai cosigné un peu vite, car il n’est pas nécessaire de légiférer sur une pratique qui existe déjà.

L’amendement CS263 est retiré.

Mme la ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission, avec cette question : la loi doit-elle tout prévoir ? Il ne faudrait pas étouffer les partenariats. L’idée proposée est bonne, mais les associations caritatives ont signé de nombreuses chartes d’engagement pour le développement du don avec les grandes enseignes de la distribution et développé un partenariat humainement positif. L’ériger en obligation permet certes d’affirmer un principe, mais il conviendrait de laisser au milieu associatif, qui du reste n’est pas demandeur, un espace de discussion.

De nombreux magasins de commerce de détail de moins de mille mètres carrés font déjà de tels dons, et, en milieu rural, des contrats de travail collectif lient des associations caritatives et la distribution alimentaire. On risque d’instaurer un système à deux vitesses : tous les magasins de moins de mille mètres carrés se sentiront dispensés de l’obligation prévue. En tout cas, la proposition ne répond pas à une demande des associations.

M. le président François Brottes. Avec la menace des autorités européennes de réduire significativement leur apport aux banques alimentaires, un signal fort a été donné qui a déclenché des réalisations très positives. La grande distribution a fait un travail considérable en signant des accords de partenariat qui impliquent de très nombreux bénévoles ; les patrons de magasins sont heureux de contribuer à la chasse au gaspillage. J’ai peur que l’adoption de l’amendement soit perçue par certains comme une forme de stigmatisation.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cette disposition était censée être utile ; je ne voudrais pas qu’elle soit contre-productive.

L’amendement CS2381 est retiré.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CS894, CS893 et CS892 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Ces amendements visent à conforter l’information des consommateurs sur la composition et la présence de certains produits et matières premières portant atteinte à l’environnement.

Mme la ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission : si votre idée est bonne, il existe déjà le label européen, l’écolabel et différents marquages.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Tous les produits ou matières sont, à un stade ou à un autre, extraits de la nature, ce qui constitue une atteinte à l’environnement. L’obligation que vous proposez risque de se révéler démesurée ; je vous invite à retirer vos amendements.

M. Christophe Bouillon. Je réfléchirai à la question, en particulier s’agissant des matières stratégiques, d’ici à l’examen en séance publique. En attendant, je retire ces amendements.

Les amendements CS894, CS893 et CS892 sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS1831 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Dans l’esprit de celui que nous venons d’adopter, cet amendement tend à interdire, dès le 1er janvier 2016, les ustensiles de cuisine jetables à usage unique – gobelets, couverts, assiettes –, qui polluent les eaux des mers, rivières, lacs. Il existe une offre de substitution puisque nous avons, dans cette salle de commission, des gobelets compostables à notre disposition.

Mme la ministre. Je comprends la préoccupation de M. Lambert mais, à la différence des sacs à usage unique, nous ne disposons pas de produits de substitution généralisables pour les ustensiles de cuisine jetables. En outre, le dispositif proposé risque d’apparaître comme un amendement « anti-pique-nique ». Une filière de matériel biodégradable de pique-nique se met en place et il faut l’encourager. Il semble néanmoins trop tôt pour appliquer, comme vous le souhaitez, une interdiction totale du jour au lendemain.

M. François-Michel Lambert. Je vous montrerai, dans l’hémicycle, qu’il existe des assiettes, des couverts, des verres biodégradables ou réutilisables. Prenez, par exemple, le succès des ecocups : lors de n’importe quelle manifestation, les gens ont pris l’habitude de verser une caution pour avoir un verre, une assiette et des couverts réutilisables. Du reste, rien n’empêche les citoyens d’aller à la plage avec leurs couverts et leurs assiettes réutilisables. Et il faudrait développer, madame la ministre, les ustensiles compostables.

Mme Cécile Duflot. Une substitution totale est possible comme pour les sacs plastiques, madame la ministre. On peut pique-niquer avec des assiettes en carton, en bois, en pulpe de canne à sucre. Il existe des matériaux de substitution compostables et, même les ustensiles non réutilisables sont bien moins dangereux pour l’environnement que le plastique. Le parallèle avec les sacs plastiques établi par M. Lambert est donc parfaitement fondé.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, l’amendement est rejeté.

La Commission examine l’amendement CS667 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Mon approche est simple, pragmatique. S’en tenir au cycle commercial d’un produit limite le progrès et conduit à des désastres écologiques. Il est donc essentiel d’appréhender l’économie en termes de cycle de vie durable, comme l’illustre bien la mutualisation énergétique.

Le présent amendement ne reprend pas la division qui chargerait la région des déchets dangereux et le département des autres déchets. Au-delà du traitement classique des déchets, il convient, en matière d’économie circulaire, de planifier des politiques territoriales. Il s’agit de permettre une expérimentation locale pouvant même déborder les limites géographiques du pays. En Martinique, cela pourrait prendre la forme de mutualisations, pour transformer les déchets en énergie, avec des îles comme Sainte-Lucie ou la Dominique, assurant ainsi la viabilité de l’économie circulaire.

Ensuite, il faut constituer une véritable filière fondée sur la responsabilité écologique et même sur la responsabilité tout court. Il faut assurer le financement du traitement des déchets depuis leur ramassage jusqu’à leur transformation. On le voit bien avec les véhicules hors d’usage (VHU) : les concessionnaires qui importent des voitures sont déchargés de toute responsabilité après le cycle de vente. La responsabilité écologique et sociale passe par un circuit qui va du produit vendu jusqu’à son recyclage.

Enfin, il est important que les régions qui ont besoin de créer de l’activité développent des filières.

L’amendement propose de confier à une collectivité – aujourd’hui la région et demain la collectivité territoriale unique de Martinique – la possibilité de planifier ces stratégies de développement qui intègrent des volets de formation et de réappropriation collective.

Mme la ministre. La régionalisation de la planification en matière de gestion des déchets, notamment dans les territoires d’outre-mer, est tout à fait opportune. Il conviendrait toutefois de retravailler le dispositif puisqu’il faut compter avec les compétences des conseils généraux pour les déchets non dangereux, le schéma régional d’aménagement et de développement territorial, prévu dans le projet de loi sur la décentralisation. Le Gouvernement ne verrait que des avantages à ce que vous acceptiez d’approfondir ce sujet des déchets et des filières, de manière à avoir une approche globale de la question.

M. Serge Letchimy. Je suis tout à fait d’accord. L’amendement prévoit, en effet, que le chef de file serait plutôt le conseil général. Il faut également noter que nous accusons un retard assez considérable mais variable entre les îles, entre les différents pays d’outre-mer, en matière de dynamique du recyclage. Une réflexion globale paraît donc essentielle. Je souhaite néanmoins que vous reteniez le département plutôt que la région comme chef de file.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CS542 de M. Martial Saddier et CS889, CS890 et CS891 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Les amendements CS889, CS890 et CS891 sont fondés sur trois idées : aider le développement des filières de fabrication de matière secondaire ; répondre à la difficulté d’approvisionnement en métaux stratégiques ; envisager les conditions dans lesquelles ces matières sont extraites. Néanmoins, je retire ces amendements.

Les amendements CS889, CS890 et CS891 sont retirés.

Mme la ministre. L’amendement de M. Saddier est intéressant : il reprend l’idée de la traçabilité. Reste que le dispositif proposé est très compliqué à mettre en place. Avis défavorable.

L’amendement CS542 est retiré.

Avant l’article 20

La commission examine l’amendement CS1644 de M. Jacques Krabal.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1644 vise à inscrire les objectifs de la politique nationale des déchets dans la loi pour en améliorer la visibilité.

À cette fin, il propose de reprendre les objectifs de la deuxième partie de l’article 19 du projet de loi initial, notamment la généralisation du tri à la source des déchets organiques et les expérimentations sur les dispositifs de consigne.

Mme la ministre. Il est satisfait par l’adoption de l’amendement CS2389 rectifié.

L’amendement est retiré.

Article 20
(article L. 541-1 du code de l’environnement)

Renforcement des principes de proximité et d’autosuffisance
en matière de déchets

1.  L’état du droit

L’article L. 541-1 du code de l’environnement contient les dispositions générales du chapitre sur l’élimination des déchets et la récupération des matériaux. Il prescrit donc les objectifs qui doivent être poursuivis par les politiques de gestion des déchets actuels.

Le 4° d’I prévoit que les transports de déchets doivent être limités en distance et en volume : il constitue donc une reconnaissance implicite du principe de proximité, auquel le projet de loi entend donner plus de visibilité.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

Modifiant l’article L. 541-1 du code de l'environnement, cet article y insère tout d’abord la notion de « principe de proximité », auquel il donne donc une pleine consécration législative (alinéa 2).

Le principe de proximité signifie que la gestion et la prévention des déchets doivent être assurées au plus proche du lieu de leur production. Ce principe doit s’apprécier en fonction du territoire, de la nature des déchets, des modes de traitement envisagés et des débouchés existant. Comme la plupart des dispositions qui ont trait à l’économie circulaire et à la gestion des déchets, celles-ci doivent respecter les règles de concurrence et de libre circulation des marchandises d’origines communautaires (alinéa 6).

Cet article propose ensuite d’intégrer dans le code de l'environnement le « principe d’autosuffisance », également issu de la directive-cadre sur les déchets de 2008. Ce principe impose que chaque territoire assure, dans la mesure du possible, l’élimination des déchets non valorisables qu’il produit.

3.  La position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure soutient pleinement ces dispositions.

*

* *

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS543 de M. Martial Saddier.

Puis elle examine l’amendement CS668 de M. Serge Letchimy, qui fait l’objet du sous-amendement CS2385 rectifié de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le sous-amendement CS2385 rectifié vise à modifier la rédaction de l’alinéa 4 de l’amendement.

M. le président François Brottes. Mme la rapporteure propose, en fait, une nouvelle rédaction de l’amendement CS668.

M. Serge Letchimy. Cette rédaction me semble plus complexe que la mienne, mais peut-être est-ce nécessaire. Je tiens seulement à ce que soit maintenu l’objectif de travailler à la mutualisation des externalisations possibles, y compris pour les déchets traductibles en énergie, afin de ne plus avoir à se reporter au seul dispositif local.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je confirme que tel est bien l’objectif.

Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement CS668 et défavorable au sous-amendement CS2385 rectifié.

Le sous-amendement CS2385 rectifié est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS668.

Elle en vient aux amendements identiques CS123 de M. Martial Saddier, CS936 de M. Julien Aubert et CS1646 de M. Jacques Krabal.

L’amendement CS123 fait l’objet du sous-amendement CS2387 de la rapporteure.

M. Martial Saddier. L’alinéa 7 du texte me paraît trop restrictif puisqu’il ne cible que la collecte en mélange. D’autres filières peuvent être vertueuses. C’est ainsi que les organisations agricoles privilégient des filières de collecte séparée. C’est pourquoi l’amendement vise à supprimer les mots « collectés en mélange ».

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le sous-amendement CS2387 tend à préciser le second alinéa de l’amendement CS123.

M. le président François Brottes. Madame la rapporteure, il aurait mieux valu déposer un amendement, car votre sous-amendement revient à réécrire complètement l’alinéa 7 de l’article 20. Accepter un tel procédé créerait une jurisprudence. Le mieux est que vous retiriez votre sous-amendement et que vous déposiez un amendement au titre de l’article 88.

Le sous-amendement CS2387 est retiré.

M. Alain Leboeuf. Préciser un mode de collecte à ce niveau de la législation reviendrait à orienter délibérément la valorisation des déchets ménagers et assimilés vers des filières de type Tri Mécano-Biologique (TMB), alors que d’autres filières plus vertueuses existent.

Mme la ministre. Avis défavorable. La définition du principe d’autosuffisance est le résultat d’un travail réalisé avec les parties prenantes qui, en l’état, ne conduit pas à orienter la valorisation des déchets ménagers et assimilés vers les installations de type TMB.

Je souhaite que, compte tenu des enjeux techniques et économiques importants posés à l’article 20, ces amendements soient retirés et retravaillés en liaison avec l’ensemble des parties prenantes, notamment la filière de traitement.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’article 20 ainsi modifié.

Après l’article 20

La Commission est saisie de l’amendement CS1833 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Afin de ne pas favoriser un développement anarchique des nouvelles solutions de traitement, il convient de mieux connaître les capacités de traitement actuelles et leurs évolutions possibles, ce qui passe par un inventaire annuel.

Mme la ministre. C’est une bonne idée, toutefois, les collectivités locales croulent aujourd’hui sous les obligations de plans, d’inventaires, de rapports ou de comptes rendus qui, de plus, ont un coût.

En outre, les collectivités doivent déjà réaliser l’inventaire évoqué par l’amendement au moment de la réalisation du plan territorial de prévention et de gestion des déchets. Or, comme il n’y a aucune raison de trouver un écart entre l’inventaire et le plan, lequel prévoit l’installation très contrôlée de l’ensemble du dispositif des installations de traitement de déchets, on peut considérer que l’amendement est satisfait. Vous précisez d’ailleurs vous-même dans l’exposé sommaire que cet inventaire est déjà effectué tous les deux ans pour les installations de déchets ménagers.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Un tel inventaire étant déjà prévu et obligatoire, je vous demande, monsieur Lambert, de retirer votre amendement.

L’amendement CS1833 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS888 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Il s’agit de permettre aux déchèteries de vendre les produits qui leur sont déposés lorsque ceux-ci peuvent faire l’objet d’un réemploi ou d’une réutilisation.

Mme la ministre. Les déchèteries sont déjà autorisées à revendre leurs déchets pour le réemploi et le recyclage.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Elles bénéficient d’ores et déjà, dans le cadre des textes réglementaires en vigueur, de la possibilité de vendre les produits qu’elles ont reçus. Certaines d’entre elles ont même aménagé des aires spécialisées dédiées aux biens susceptibles d’être réemployés.

J’émettrai un avis défavorable à l’amendement s’il n’est pas retiré.

M. François-Michel Lambert. Je prends acte de vos précisions mais, comme M. Bouillon, j’ai l’impression que les déchèteries sont très réticentes à redistribuer des produits et préfèrent les filières de recyclage aux filières de réutilisation. Il convient donc de s’assurer que toutes les déchèteries connaissent cette possibilité qui leur est offerte et de promouvoir les initiatives allant en ce sens.

M. Stéphane Travert. Je suggère au Gouvernement d’informer sur ce point l’ensemble des collectivités qui gèrent des déchèteries. Si je prends l’exemple de la Manche, cette possibilité est méconnue des collectivités locales et n’est surtout utilisée, en lien avec des associations, que pour le textile.

Il est vrai que les déchèteries travaillent aujourd’hui avec des syndicats mixtes qui gèrent des centres d’enfouissement technique ou des centres de recyclage.

M. Christophe Bouillon. Le dépôt de cet amendement est la preuve que cette possibilité est méconnue. Une meilleure information s’impose.

L’amendement CS888 est retiré.

Article 21
(article L. 541-10 du code de l’environnement)

Mise en place d’incitations financières
en faveur d’une gestion de proximité des déchets

1.  L’état du droit

L’article L. 541-10 du code de l’environnement constitue le fondement législatif des éco-organismes.

Il faut ici rappeler que ces opérateurs sont des structures à but non-lucratif auxquelles les producteurs soumis à un principe de « responsabilité élargie du producteur » transfèrent leurs obligations de gérer la fin de vie des équipements qu’ils mettent sur le marché, moyennant le paiement d’une contribution financière.

Leur statut leur impose une pleine conformité au cahier des charges réglementaire défini par l’État pour chaque filière.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

Cet article vise à permettre aux éco-organismes de recourir à des incitations financières « proportionnées » afin de favoriser une gestion des déchets respectant le principe de proximité. Toutefois, cette possibilité devra être accordée par l’État au cas par cas, dans les cahiers des charges de chaque filière à responsabilité élargie concernée.

3.  La position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure soutient pleinement ces dispositions.

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* *

La Commission est saisie des amendements identiques CS425 de M. Jean-Marie Tetart et CS461 de M. Martial Saddier.

M. Jean-Marie Tetart. Les dispositions de l’article 21 risquent de conduire les éco-organismes à apprécier et à juger les politiques des collectivités territoriales et, le cas échéant, à les sanctionner. En ce sens, l’article va à l’encontre du principe de libre administration des collectivités locales ; je propose de le supprimer.

M. Martial Saddier. L’article 21, tel qu’il est rédigé, risquerait de rompre les équilibres qui ont été trouvés entre les collectivités territoriales et les associations nationales représentatives, dont certaines ont joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre d’éco-organismes, puisque ces éco-organismes seraient autorisés, le cas échéant, à sanctionner financièrement la bonne gestion des collectivités territoriales. Pour ces dernières, ces dispositions sont politiquement inacceptables et constituent, au plan juridique, une entorse à leur libre administration.

Mme la ministre. Il y a un malentendu, puisque cet article permettra, au contraire, aux organismes d’éco-emballage de soutenir financièrement, en concertation avec elles, les collectivités dans leurs actions visant à favoriser la gestion de proximité des déchets.

Cet article autorisera notamment des partenariats entre les organismes d’éco-emballage et les collectivités locales pour financer le recyclage des emballages. Des alliances de proximité pourront être conclues.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. Il y a effectivement un malentendu. Les représentants des collectivités territoriales craignent que les incitations financières « proportionnées » mentionnées l’alinéa 2 de l’article 21 soient entendues à la hausse comme à la baisse. Ils comprennent cette disposition comme la possibilité donnée aux éco-organismes de sanctionner les collectivités – je ne dis pas que telle est votre intention, madame la ministre. Cet article provoque une crispation, voire un blocage des collectivités territoriales, qu’il faudrait lever d’ici à la séance publique.

M. Julien Aubert. Pourquoi ne pas substituer au mot « incitations » le mot « bonus » ? Par définition, un bonus, même proportionné, ne saurait être négatif.

Mme la ministre. L’article ne vise qu’à des incitations positives : l’idée est donc bien celle du bonus. Il ne faudrait toutefois pas supprimer l’idée de cofinancement que recouvre l’adjectif « proportionnées ». L’éco-organisme ne décidera pas tout seul d’éventuels bonus, et le cofinancement se fera en partenariat avec les collectivités.

M. Martial Saddier. Ces précisions ne cadrent pas avec la rédaction actuelle du texte. Quand on lit : « la mise en place par l’éco-organisme d’incitations financières proportionnées », on comprend que c’est l’éco-organisme qui décide ; aucun partenariat n’est envisagé.

Mme la ministre. Le Gouvernement pourrait déposer un amendement visant à substituer aux mots : « proportionnées à la contribution » les mots : « contractualisées avec les parties prenantes ».

M. le président François Brottes. Cela permettrait aux auteurs des amendements de suppression de les retirer.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS918 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. L’article 21 ajoute, à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, un alinéa qui semble redondant avec un 5° déjà existant. Dans un double souci de cohérence et de simplification, l’amendement CS918 propose une nouvelle rédaction de ce 5° précisant le cahier des charges des éco-organismes, dans le cadre des filières de responsabilité élargie du producteur (REP).

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Même avis.

L’amendement CS918 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS886 de M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Le présent amendement vise à permettre de moduler la contribution à l’éco-organisme des entreprises participant au financement de l’éco-conception.

Mme la ministre. Il est satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements CS1293 et CS1294 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Cet amendement vise à insérer les mots « en amont », après le mot « prévention » afin d’éviter des confusions analogues à celles qui ont entraîné par le passé des contentieux entre les collectivités locales et les éco-organismes.

Mme la ministre. Je suggère le retrait. Il va de soi que les efforts des entreprises sont davantage attendus, en matière de prévention, en amont, au niveau de l’éco-conception, qu’en aval, à travers la communication auprès des usagers. Cela dit, il n’y a pas lieu de restreindre a priori les incitations financières qui seront décidées au cas par cas dans chaque filière.

M. Jean-Paul Chanteguet. J’entends bien votre argument. J’ai précisément déposé un autre amendement qui vise cet autre niveau de la prévention, en permettant la mise en place d’une contribution financière aux actions de prévention en aval.

Mme la ministre. Dans ces conditions, je donne un avis favorable aux deux amendements de M. Chanteguet.

M. le président François Brottes. Pour des raisons de cohérence rédactionnelle, l’amendement du Gouvernement que nous avons prévu d’examiner à la fin de l’article va intégrer, outre les suggestions de MM. Saddier et Aubert, la modification proposée par Jean-Paul Chanteguet dans son amendement CS1293, qu’il accepte de retirer. Quant à l’amendement CS1294, il ne pose pas problème car il complète l’article.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je suis favorable à ces modifications et à l’amendement CS1294.

L’amendement CS1293 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1294.

La Commission en vient à l’amendement oral du Gouvernement.

M. le président François Brottes. Pour que les choses soient claires, je précise que l’amendement du Gouvernement propose la rédaction suivante pour l’alinéa 2 de l’article 21 :

« Les cahiers des charges peuvent prévoir, selon les filières, la mise en place par l’éco-organisme d’incitations financières définies en concertation avec les parties prenantes à la prévention en amont des déchets et à leur gestion à proximité des points de production. »

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte l’article 21 ainsi modifié.

Article 21 bis [nouveau]
(article L. 541-14 du code de l’environnement)

Extension du contenu des plans départementaux de prévention et de gestion des déchets non dangereux

L’article L. 541-14 du code de l'environnement pose le principe selon lequel chaque département est couvert par un plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux et il précise le contenu obligatoire de ces plans.

Issu notamment d’un amendement présenté par votre co-rapporteure, l’article 21 bis étend le périmètre de ces plans de prévention, afin de prévoir qu’il leur appartiendra désormais, en outre :

– de fixer des objectifs d’intégration de produits issus du réemploi ou de la réutilisation dans la commande publique ;

– de fixer des objectifs de performance en matière de réduction du gaspillage alimentaire ;

– de déterminer les modalités selon lesquelles les collectivités territoriales concernées contribuent au développement de l’économie sociale et solidaire en mettant à disposition des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées mentionnées au II de l’article L. 3332171 du code du travail leurs fournitures inutilisées à la suite d’un rééquipement.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS1972 rectifié de la rapporteure et CS1596 de M. Philippe Bies, l’amendement CS1843 rectifié de Mme Brigitte Allain et l’amendement CS1853 rectifié de M. François-Michel Lambert.

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement CS1972 rectifié prévoit la possibilité pour la commande publique de s’équiper en matériel d’occasion et de donner des produits réemployables aux acteurs de l’économie sociale et solidaire.

M. François-Michel Lambert. La commande publique constitue un formidable levier pour orienter les marchés, qu’il s’agisse par exemple des produits à base de matières recyclées ou des produits de proximité. Notre amendement CS1853 rectifié vise à lui permettre d’acquérir des matériels d’occasion, qui ne trouvent pas toujours preneurs sur le marché classique. Cela permettra d’éviter deux types de gaspillage : celui des matériels eux-mêmes mais aussi celui de l’argent public.

Mme la ministre. Avis favorable aux amendements identiques ainsi qu’aux amendements CS1843 rectifié et CS1853 rectifié.

La Commission adopte les amendements identiques CS1972 rectifié et CS1596.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, elle adopte également successivement les amendements CS1843 rectifié et CS1853 rectifié.

Article 21 ter [nouveau]
Interdiction de la production, de la distribution, de la vente, de la mise à disposition et de l’utilisation de sacs constitués de plastique oxo-fragmentable

Cet article prévoit que la production, la distribution, la vente, la mise à disposition et l’utilisation de sacs à usage unique destinés au transport de marchandises et constitués de plastique oxo-fragmentable sont interdites. Adopté à l’initiative de votre co-rapporteure et de notre collègue Arnaud Leroy, il reprend la proposition de loi que MM. Bruno Leroux et Arnaud Leroy avaient déposée le 8 janvier 2014 et que la commission du développement durable devait prochainement examiner (n° 1682).

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La commission est saisie de l’amendement CS168 rectifié de la rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Depuis plusieurs années, se développent sur le marché français des sacs – sacs de caisse, sacs-poubelles, sacs pour fruits et légumes – fabriqués à partir de plastique oxo-fragmentable, appelé par les fabricants « oxo-dégradable », voire « oxo-biodégradable ». Or ces plastiques posent de nombreux problèmes, notamment environnementaux et sanitaires, et contreviennent au principe de précaution inscrit dans la Constitution. L’amendement CS168 rectifié vise à interdire la production, la distribution, la vente et la mise à disposition de ces sacs.

Mme le ministre. Favorable.

M. Julien Aubert. Avant de me prononcer sur cet amendement, j’aimerais savoir, madame la rapporteure, ce qu’est le plastique oxo-dégradable, quels sont les problèmes qu’il pose, et s’il existe une filière française de production desdits sacs.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Toutes les réponses figurent dans l’exposé sommaire de l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Article 21 quater [nouveau]
(article L. 541-10-9 [nouveau] du code de l’environnement)

Reprise des déchets par les distributeurs de matériaux, produits et équipements destinés aux bâtiments et aux travaux publics

À l’initiative du Gouvernement, cet article prévoit qu’à compter du 1er janvier 2017, les distributeurs de matériaux, produits et équipements de construction doivent s’organiser pour reprendre, à proximité de leurs sites de distribution, les déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction qu’ils vendent.

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Puis elle examine l’amendement CS2413 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement vise à mobiliser les plateformes de distribution de matériaux du BTP en vue d’une reprise des déchets dont se défont leurs utilisateurs.

Les déchets du BTP représentent 80 % de notre production annuelle de déchets mais seulement 60 % sont recyclés. Il faut savoir que leur poids les rend difficiles à transporter sur une longue distance. Le maillage du territoire par de nombreux centres de collecte est à cet égard essentiel : ils doivent se trouver à proximité des chantiers, donc à proximité des zones urbaines. Aujourd’hui, les sites de collecte sont trop peu nombreux, ce qui donne lieu à une multiplication de dépôts sauvages et de décharges illégales.

Les amendements qui ont été déposés pour encourager les déchetteries professionnelles en sont restés au niveau des principes. Les amendements visant à mettre en place une filière à responsabilité élargie du producteur pleine et entière pour les déchets du bâtiment supposent un processus trop lourd et coûteux – il faudrait trois ans pour que les éco-organismes soient prêts.

Je vous invite donc à vous rallier à l’amendement du Gouvernement, plus opérationnel, qui demande aux distributeurs de matériaux de construction d’organiser sur leurs sites de vente la reprise des déchets issus de l’utilisation desdits matériaux. Cela contribuera à mettre en place un maillage de points d’apport à disposition des personnes qui se défont de ces matériaux, à renforcer la responsabilité élargie du producteur, à encourager les filières de recyclage et de réutilisation des déchets du bâtiment.

Le bilan dressé par le ministère de l’écologie montre que cette pratique constitue une source de revenus complémentaires pour les fournisseurs qui ont pu organiser une filière de recyclage rentable et un facteur de fidélisation des clients.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis favorable, mais sous réserve.

Il existe un lien évident entre le titre II et le titre IV. Cet amendement se présente comme un premier pas vers l’organisation d’une filière REP dans le secteur du bâtiment, ce dont je me félicite. Ne devrait-on pas, toutefois, considérer que la responsabilité de la récupération des matériaux incombe aux producteurs et non aux distributeurs ?

D’autres questions se posent, à commencer par celle de l’emprise foncière. Comment nous assurer que les magasins de distribution disposent d’une surface foncière suffisante pour recueillir ces matériaux ?

M. le président François Brottes. L’installation d’opérateurs de traitement de déchets de matériaux du bâtiment dans les zones d’activité suscite une grande animosité chez les élus locaux : alors que ceux-ci devraient l’obliger, ils mettent tout en œuvre pour l’empêcher. Je peux vous le dire d’expérience, ayant eu à traiter pendant quinze ans deux dossiers de ce type : cette question est douloureuse. Il n’y a pas un élu pour accepter l’installation de tels centres même s’ils ne polluent pas. Généralement, toutes les dispositions du PLU sont mises à profit pour l’entraver, en vue de ménager les populations.

Dès lors que l’obligation est posée dans la loi, il faut veiller à ce qu’il ne subsiste pas de moyens d’empêchement, ce qui suppose de lever certaines contraintes relevant du droit de l’urbanisme.

M. Martial Saddier. Le problème soulevé dans l’amendement apparaît insoluble pour beaucoup d’élus locaux : les habitants ne veulent pas de tels centres à proximité de leur domicile ; les agriculteurs refusent qu’ils soient installés sur des terres agricoles ; et si vous trouvez enfin un site, le monde environnemental découvre dans la moindre flaque d’eau un crapaud sonneur à ventre jaune, une espèce rare de roseau ou une couleuvre à collier. Le système est donc complètement figé.

Le caractère systématique de l’amendement me gêne un peu, à cause de la date butoir fixée au 1er janvier 2017. Il faut bien voir que certains sites ont été absorbés dans le tissu urbain ou périurbain du fait d’une urbanisation rampante. L’emprise foncière, malgré toute la bonne volonté dont peuvent faire preuve les distributeurs de matériaux, ne suffit généralement pas. Elle doit être beaucoup plus importante qu’on ne le pense du fait de la capacité de braquage des camions qui vont et viennent.

Si j’adhère au principe de l’amendement, je doute que son caractère systématique permette de régler un problème que nous rencontrons tous sur le terrain.

M. Julien Aubert. Ce caractère systématique empêche sans doute de prendre en compte les contraintes géographiques spécifiques. Dans ma circonscription du Vaucluse, très fortement marquée par les plans de prévention des risques d’inondation et la réglementation environnementale, une entreprise de recyclage de déchets va être obligée de déménager, sans solution de réinstallation, du fait de mesures de protection de l’environnement. Il est paradoxal qu’une activité intervenant dans la protection de l’environnement doive cesser son activité en raison même de normes environnementales !

Il serait intéressant de trouver une formulation moins rigide d’ici à l’examen en séance publique.

M. le président François Brottes. Pour être efficace, cette obligation devrait avoir la force d’une déclaration d’utilité publique : personne ne doit pouvoir contrecarrer un projet majeur pour l’intérêt général. Sinon, nous aurons beaucoup de mal à imposer ce dispositif auquel tout le monde adhère.

Mme la ministre. Entendons-nous bien, l’amendement porte sur les sites de collecte des déchets de matériaux et non sur les centres de traitement ou de recyclage.

Pourquoi donnons-nous la responsabilité de cette collecte aux distributeurs ? D’abord, parce qu’il serait très difficile d’identifier les producteurs. Ensuite, parce que les distributeurs ont une marge beaucoup plus importante que les artisans du bâtiment, sur qui retombe in fine la responsabilité de la gestion des déchets – d’où les décharges sauvages. Avec ce système, le camion qui va fournir les matériaux reviendra avec les déchets. L’idée est de mailler le territoire de sites de collecte à proximité soit des chantiers, soit des lieux de vente des matériaux de construction. Les exemples existants ont montré que, non seulement le phénomène des décharges sauvages était endigué, mais que la filière dégageait des marges grâce à la revente des déchets à des opérateurs de traitement et de concassage.

Sans dispositif législatif, la situation actuelle perdurera, ce qui serait dramatique. Une fois le principe posé dans la loi, un décret d’application sera nécessaire. Nous discuterons de ses modalités avec vous et les responsables de filière, s’agissant de la fixation des seuils, de la réglementation des dépôts, des quantités et des contrôles. Cela nous permettra de nous orienter vers une réduction des déchets à la source et vers leur valorisation et de mettre ainsi en place un cercle vertueux.

C’est une modification substantielle des façons de faire qui peut surprendre mais elle a pleinement sa place dans l’économie circulaire que nous voulons encourager : elle allie proximité et responsabilité.

M. le président François Brottes. Que la collecte des déchets doive s’organiser sur les sites mêmes de distribution me dérange. Bon nombre de distributeurs sont dans l’incapacité absolue de procéder à l’extension de leur site. Devront-ils déménager pour remplir cette obligation, au risque de subir la pénurie foncière ? Ne pourrait-on pas plutôt assouplir la rédaction de l’amendement pour indiquer que la collecte se fait « à proximité » des sites de distribution et non pas sur ces sites ? Cela permettrait de déverrouiller bien des situations.

M. Martial Saddier. Dans ces conditions, nous pourrions adhérer sans réserve à l’amendement. Sur certains sites de distribution, la seule place disponible est celle du parking.

Mme la ministre. Je suis favorable à cette rectification qui consiste à remplacer le mot « sur » par les mots : « à proximité de ».

La Commission adopte l’amendement CS2413 ainsi rectifié.

Après l’article 21

La Commission examine ensuite l’amendement CS1834 de M. Éric Alauzet.

Mme Cécile Duflot. Le présent amendement vise à assurer la prise en charge minimale des coûts de traitement des déchets par les metteurs sur le marché, à hauteur de 50 % au terme du premier agrément et de 80 % à terme. Il s’appuie sur un renforcement du principe de responsabilité élargie des producteurs.

Mme le ministre. L’amendement prévoit une uniformisation de la couverture de prise en charge des coûts qui ne permet pas de tenir compte des spécificités de chaque filière de responsabilité élargie du producteur, lesquelles figurent dans un cahier des charges propre. En outre, il risque d’être contre-productif, car il importe de pouvoir être plus ou moins exigeant selon l’importance des efforts à fournir et la nature de chaque filière. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement CS1835 de M. Éric Alauzet.

Mme Cécile Duflot. La création des REP avait notamment pour objectif de gérer des flux de déchets jusqu’alors peu ou mal captés et de les valoriser en responsabilisant les metteurs sur le marché. Le présent projet de loi ainsi que le plan de prévention des déchets prévoient un taux de valorisation matière de 60 % à l’horizon 2025 pour les déchets non dangereux et non inertes, soit un taux inférieur à celui de la Commission européenne qui affiche un objectif de 70 % en 2030 pour les déchets municipaux.

Ces objectifs ne pourront être atteints que si la collecte des différents flux de déchets soumis à une responsabilité élargie du producteur est performante. Fixer un taux de valorisation n’est pas suffisant. Il importe d’obliger les producteurs, dans le cadre des filières REP, à capter la majorité du gisement de déchets en mettant en œuvre les moyens nécessaires à cette collecte.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement CS521 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Des auditions de l’Autre débat sur la transition écologique est ressortie la volonté de valoriser certaines biotechnologies. Pour notre part, nous souhaitons donner la priorité au biométhane. À la différence de Mme la ministre, qui, à l’article 1er, a indiqué ne pas vouloir énumérer les énergies au risque d’en oublier, nous estimons que le projet de loi doit mettre en avant certaines technologies.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Article 22
(articles L. 541-21-2, L. 541-33 et L. 541-39 du code de l’environnement)

Institution d’une obligation de tri des déchets de bois

1.  L’état du droit

L’article L. 541-21-2 du code de l'environnement impose à tout professionnel producteur ou détenteur de déchets de mettre en place un système de tri des déchets à la source et, si cela apparaît irréalisable pour des raisons techniques, environnementales ou économiques, de mettre en place une collecte séparée desdits déchets.

L’article L. 541-33 du même code pose le principe de non-discrimination à l’égard des produits issus du recyclage : une stipulation qui établirait une discrimination en raison de la présence de matériaux ou éléments issus de déchets valorisés dans des produits par ailleurs conformes à la réglementation, sera ainsi réputée non-écrite.

Enfin, l’article L. 541-39 concerne les sociétés de financement des économies d’énergie mentionnées par la loi du 15 juillet 1980 relative aux économies de chaleur. À l’origine prévu essentiellement pour l’économie et la production d’électricité, cet article permet également à ce type de société de pouvoir financer par crédit-bail des opérations visant au traitement et au recyclage des déchets.

2.  Les modifications apportées par le projet de loi

Le deuxième alinéa de cet article permet d’étendre au bois les catégories de déchets visées par l’article L. 541-21-2 du code de l’environnement. Les professionnels seront donc désormais contraints d’assurer le tri des déchets composés de bois, ce qui se justifie notamment par le fait que le bois dispose d’un fort potentiel de valorisation.

Le quatrième alinéa supprime la référence au décret en Conseil d’État pour les produits susceptibles d’être discriminés. L’obligation de non-discrimination se trouve ainsi généralisée à l’ensemble des produits issus du recyclage ou d’une autre forme de valorisation, sans distinction de catégorie et sous réserve d’atteindre un même niveau de performance compte tenu de l’usage envisagé.

Le dernier alinéa de cet article abroge l’article L. 541-39 du code de l'environnement. Dans la mesure où le recours à de telles sociétés pour financer des activités de traitement des déchets apparaît de plus en plus rare, les dispositions correspondantes apparaissent obsolètes.

3.  La position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure soutient pleinement ces dispositions.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1288 de M. Jean-Paul Chanteguet.

Mme la ministre. L’amendement répond à une intention louable mais se heurte à un problème d’applicabilité pratique en rendant plus contraignante l’obligation de tri en cinq flux par les professionnels et en supprimant la possibilité de déroger, pour des raisons techniques ou économiques, à la création d’une amende sanctionnant la non-application de l’obligation.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1589 de M. Philippe Bies.

Mme la ministre. Je demande son retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient aux amendements identiques CS1295 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1592 de M. Philippe Bies et CS1836 de M. Éric Alauzet.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’économie circulaire se développe selon deux boucles complémentaires : celle de la prolongation de la durée de vie des objets puis celle du recyclage des matériaux qui composent ces objets. Il convient donc d’ajouter cette notion de produits issus du réemploi et de la réutilisation aux déchets valorisés provenant du recyclage afin d’éviter toute discrimination envers les produits issus des deux boucles de l’économie circulaire, tant que le niveau de performance reste égal.

Mme la ministre. Ces amendements sont tout à fait judicieux. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte les amendements à l’unanimité.

Puis elle adopte l’article 22 ainsi modifié.

Article 22 bis [nouveau]
(article L. 213-1 du code de la consommation)

Lutte contre l’obsolescence programmée des produits

L’article L. 213-1 du code de la consommation réprime aujourd’hui d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 300 000 euros quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit :

– soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;

– soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat ;

– soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre.

L’article 22 bis prévoit d’étendre cette liste à l’hypothèse d’une durée de vie du produit intentionnellement raccourcie lors de sa conception.

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La Commission examine l’amendement CS1840 de M. Éric Alauzet.

Mme Cécile Duflot. Cet amendement vise également à lutter contre l’obsolescence programmée, en empêchant que la durée de vie du produit soit intentionnellement raccourcie lors de sa conception par la fragilisation de certains de ses composants.

Mme la ministre. L’amendement est intéressant, mais il serait difficilement applicable : comment prouver, une fois qu’on l’a retrouvé, que le producteur a intentionnellement raccourci la durée de vie du produit ?

M. Julien Aubert. L’intention du producteur est parfois difficile à caractériser. Je pense à un constructeur de téléphones portables qui lorsqu’il met à jour un modèle en profite pour modifier le format de la prise, de sorte que l’ancien chargeur n’est plus adapté. Il peut prétendre qu’il s’agit d’une évolution technologique, mais nous savons que sa motivation peut être commerciale.

Mme Cécile Duflot. Nous ne parlons pas de la même chose. Dans l’exemple que vous citez, on ne modifie pas intentionnellement le produit pour qu’il tombe en panne. Je parle, quant à moi, de produits dont des ingénieurs ont révélé qu’ils ont, à la demande de leur direction, volontairement fragilisé les composants. Certes, la preuve doit en être apportée, mais elle l’est par ces « repentis ». L’obsolescence programmée n’est pas un scoop !

M. le président François Brottes. Le fait est, tout de même, que la durée d’usage de certains biens est telle qu’ils sont rapidement obsolètes.

Mme Cécile Duflot. L’obsolescence programmée est, comme son nom l’indique, le fait de concevoir, parfois de manière très élaborée, un produit pour que sa durée de vie ne puisse pas dépasser dix-huit mois. Elle est prouvée. Pour certains produits même, le plastique est serti à chaud afin d’empêcher toute réparation. C’est une réalité. Du reste, le sénateur Jean-Vincent Placé a déposé une proposition de loi sur ce sujet.

M. le président François Brottes. L’obsolescence programmée est d’abord liée au marketing et à la mode avant même d’être inscrite dans la trajectoire technologique des produits. C’est un débat passionnant.

Mme la ministre. À l’issue du débat, l’idée me paraît d’autant plus intéressante que nous voulons changer de modèle. Sagesse, donc.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Sagesse également.

La Commission adopte l’amendement CS1840.

Article 22 ter [nouveau]
(article L. 222-1 du code de l’environnement)

Recensement de l’ensemble des réseaux de chaleur

Le paragraphe II de l’article L. 222-1 du code de l'environnement prévoit que le schéma régional du climat, de l’air et de l'énergie (SRCAE) s’appuie sur un inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, un bilan énergétique, une évaluation du potentiel énergétique, renouvelable et de récupération, une évaluation des améliorations possibles en matière d'efficacité énergétique ainsi que sur une évaluation de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé publique et l'environnement menés à l'échelon de la région et prenant en compte les aspects économiques ainsi que sociaux.

La nouvelle rédaction de cet article proposée par l’article 22 ter vise à compléter ce schéma par un recensement de l’ensemble des réseaux de chaleur.

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La commission en vient à l’amendement CS1849 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit d’interdire toute nouvelle installation d’une usine de tri mécano-biologique (TMB) à partir du 1er janvier 2016. Ce type de tri, qui privilégie l’incinération, ne permet pas une collecte effective et performante de la matière ni, par conséquent, sa valorisation importante en quantité et en qualité.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Article 22 quater [nouveau]
(article L. 229-26 du code de l’environnement)

Valorisation du potentiel en énergie de récupération

L’article L. 229-26 du code de l'environnement traite du plan climat-énergie territorial, prévoyant que ce document définit, pour les collectivités territoriales compétentes :

– les objectifs stratégiques et opérationnels de la collectivité afin d'atténuer et lutter efficacement contre le réchauffement climatique et de s'y adapter ;

– le programme des actions à réaliser, afin notamment d'améliorer l'efficacité énergétique, d'augmenter la production d'énergie renouvelable et de réduire l'impact des activités en termes d'émissions de gaz à effet de serre, conformément aux objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat ;

– un dispositif de suivi et d'évaluation des résultats.

Cet article vise à intégrer au périmètre de ce document de planification la valorisation du potentiel en énergie de récupération.

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La commission examine ensuite l’amendement CS1848 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. On estime aujourd’hui que 30 % de la consommation énergétique française, soit 150 térawattheures, est perdue dans l’industrie. Il s’agit de favoriser la récupération de cette ressource à travers les plans climat énergie territoriaux (PCET).

Mme Sabine Buis, rapporteure. C’est une bonne idée. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 22 quinquies [nouveau]
(articles L. 541-13 et L. 541-14 du code de l’environnement)

Optimisation des équipements existants aux plans interrégional
et interdépartemental

Les articles L. 541-13 et L. 541-14 du code de l'environnement prévoient, respectivement, la mise en place de plans régionaux (ou interrégionaux) de prévention et de gestion des déchets dangereux et la mise en place de plans départementaux (ou interdépartementaux) de prévention et de gestion des déchets non dangereux.

L’article 22 quinquies modifie la rédaction des deux articles précités, afin de préciser que ces plans doivent rechercher une optimisation des équipements existants au plan interrégional ou interdépartemental, notamment lors des phases de baisse de la quantité de déchets à traiter ou lors de la fin de vie d’un équipement.

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La commission est saisie de l’amendement CS1841 de M. Éric Alauzet.

M. François-Michel Lambert. Plutôt que de construire de nouveaux équipements destinés au traitement des déchets, il convient d’améliorer les sites déjà existants.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Article 22 sexies [nouveau]
(article L. 581-43 du code de l’environnement)

Réduction du délai de mise en conformité des publicités,
enseignes et préenseignes

L’article L. 581-43 du code de l'environnement dispose aujourd’hui que :

– les publicités, enseignes et préenseignes, qui ont été mises en place avant l'entrée en vigueur des actes pris pour l'application des articles L. 581-4, avant-dernier alinéa, L. 581-7, L. 581-8, L. 581-14 et L. 581-18, deuxième et troisième alinéas et qui ne sont pas conformes à leurs prescriptions, ainsi que celles mises en place dans des lieux entrés dans le champ d'application des articles L 581-4, L. 581-8 et L. 581-44 du code de l'environnement en vertu d'actes postérieurs à leur installation, peuvent, sous réserve de ne pas contrevenir à la réglementation antérieure, être maintenues pendant un délai maximal de six ans à compter de l'entrée en vigueur des actes précités ;

– les publicités, enseignes et préenseignes soumises à autorisation en vertu du présent chapitre qui ne sont pas conformes à des règlements mentionnés ci-dessus et entrés en vigueur après leur installation peuvent être maintenues, sous réserve de ne pas contrevenir à la réglementation antérieure, pendant un délai maximal de six ans à compter de l'entrée en vigueur de ces règlements ;

– les publicités, enseignes et préenseignes qui ont été mises en place avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et des décrets en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article 36 de cette loi peuvent, sous réserve de ne pas contrevenir aux dispositions antérieurement applicables, être maintenues pendant un délai maximal de six ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi et des décrets en Conseil d'Etat précités.

L’article 22 sexies vise à réduire, dans chaque cas, à deux ans le délai maximal de mise en conformité de ces installations.

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La Commission en vient à l’amendement CS1652 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Cet amendement vise à lutter contre la pollution lumineuse en imposant l’extinction des enseignes lumineuses la nuit. En effet, si un décret de 2013 a réduit de six à deux ans le délai dans lequel les publicités et pré-enseignes doivent être mises en conformité avec les règlements locaux de publicité, il n’est pas applicable aux enseignes car la réglementation relative à ces dernières est de nature législative. Il s’agit donc d’aligner le régime des enseignes sur celui des publicités et pré-enseignes.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Article 22 septies [nouveau]
(article L. 2234-22 du code général des collectivités territoriales)

Incitation à la maîtrise de l’éclairage public

Modifiant la première phrase du 2° de l’article L. 233422 du code général des collectivités territoriales, cet article vise à inciter les communes rurales éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR) à la sobriété énergétique, en favorisant celles qui limitent l’éclairage inutile : il prévoit ainsi un bonus, sous forme d’un doublement de la longueur de voirie prise en compte pour le calcul d’une fraction de cette DSR, pour les communes pratiquant une réduction d’au moins 50 % du volume de leur éclairage public.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1647 rectifié, CS1648 rectifié et CS1649 rectifié de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Ces amendements visent à inciter les communes rurales à la sobriété énergétique en favorisant celles qui limitent l’éclairage public inutile. Ce poste de dépense a été multiplié par deux en quelques années, de sorte qu’en dix ans, le nombre de points lumineux a plus que doublé sur le territoire national. Actuellement, de nombreuses communes choisissent soit d’éteindre une ampoule sur deux, soit de recourir à des dispositifs permettant de réduire cette pollution de 50 %. Outre qu’il réduit considérablement la facture énergétique, ce type de mesures a également un effet bénéfique sur la santé et sur la faune.

L’amendement CS1648 rectifié, qui est à mon sens le meilleur des trois, vise à instaurer une forme de bonus en doublant la longueur de la voirie dans la dotation de solidarité rurale (DSR) pour les communes pratiquant une réduction d’au moins 50 % du volume de leur éclairage public. Je précise qu’il s’agirait d’une pondération au sein de la DSR existante – pondération qui est déjà appliquée pour les collectivités territoriales qui ont des sujétions particulières, comme les îles ou les zones de montagne.

M. Martial Saddier. J’approuve sans réserve ces amendements.

Les amendements CS1647 rectifié et CS1649 rectifié sont retirés.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CS1648 rectifié.

Article 22 octies [nouveau]
Rapport au Parlement sur le réemploi, le recyclage ou la valorisation des déchets enfouis dans les installations de stockage

Cet article demande au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la future loi, un rapport, à la suite d’une large concertation de toutes les parties prenantes, sur la possibilité d’assurer le réemploi, le recyclage ou la valorisation des déchets enfouis dans les installations de stockage de déchets et sur les conditions de réalisation éventuelle d’expérimentations.

Ce rapport devra intégrer une réflexion sur le principe de réversibilité du stockage de déchets dans une approche strictement conforme à la priorité donnée à la prévention de la production des déchets ainsi qu’au respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Il fera le point, non seulement, sur les techniques disponibles ainsi que sur les risques sanitaires et écologiques d’une application de ce principe de réversibilité du stockage, à un coût économique raisonnable, mais aussi sur l’intérêt du principe de réversibilité pour la promotion d’une économie circulaire

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La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS1219 de M. François-Michel Lambert et CS1326 de M. Jean-Paul Chanteguet, l’amendement CS1651 de M. Jacques Krabal, et les amendements identiques CS1947 de la rapporteure et CS1650 de M. Jacques Krabal.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Par l’amendement CS1947, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité d’assurer le réemploi, le recyclage ou la valorisation des déchets enfouis dans les installations de stockage de déchets.

M. Julien Aubert. Alors qu’un débat est déjà engagé sur la réversibilité des déchets nucléaires, il est question ici d’un rapport sur la réversibilité des déchets dangereux. Je trouve dommage d’avoir deux lignes de réflexion disjointes.

M. le président François Brottes. La réversibilité ne concerne pas que les déchets nucléaires, elle les concerne aussi. Elle apparaît dans la loi relative à la gestion durable des déchets radioactifs, et son interprétation est source de conflit sémantique. Mais son champ est tellement large que cela justifie d’affiner la réflexion par le biais d’un rapport du Gouvernement.

La Commission adopte successivement les amendements CS1219 et CS1326, et les amendements CS1947 et CS1650.

L’amendement CS1651tombe.

Article 22 nonies [nouveau]
Rapport au Parlement identifiant les produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie du producteur

Cet article invite le Gouvernement à remettre au Parlement, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la future loi, un rapport identifiant les produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie du producteur sur lesquels il y a un potentiel de réemploi insuffisamment développé, et qui pourraient alimenter les activités de l’économie sociale et solidaire.

Ce rapport présentera les freins et les leviers pour développer ce potentiel de réemploi en lien avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire

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La Commission examine les amendements identiques CS1943 de la rapporteure et CS1595 de M. Philippe Bies.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif REP.

L’amendement CS1595 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1943.

Après l’article 22

La commission est saisie de l’amendement CS1839 de M. Éric Alauzet.

Mme Cécile Duflot. Cet amendement vise à lutter contre l’obsolescence programmée en imposant la mise à disposition, pour les biens meubles, des pièces détachées et des notices de réparation pendant une période de dix ans à compter de la vente. Ce faisant, nous développerions l’activité des réparateurs indépendants et nous contribuerions donc à la création d’emplois non délocalisables.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait par la loi de mars 2014 sur la consommation, qui oblige déjà les producteurs à afficher la durée pendant laquelle les pièces détachées de leurs produits seront disponibles. Cette loi n’étant pas appliquée, il convient de la mettre en pratique avant d’imposer aux producteurs des contraintes supplémentaires.

Mme Cécile Duflot. La loi de 2014 oblige les producteurs à annoncer la durée de disponibilité des pièces détachées – durée que, du reste, ils ne connaissent pas ; nous, nous proposons de fixer cette durée à dix ans. C’est la loi qui doit imposer une durée de mise à disposition des pièces détachées, ce qu’a fait d’ailleurs la loi relative à la consommation en imposant une durée de garantie.

M. le président François Brottes. Je me souviens qu’au moment de l’examen de ladite loi, la question de la durée de la garantie a fait l’objet d’un débat. Nous sommes parvenus à un point d’équilibre en allongeant la durée existante à deux ans. Il me semble qu’il serait très difficile d’aller au-delà ; les filières n’y sont pas prêtes du tout.

M. Julien Aubert. Les biens meubles auxquels l’amendement fait référence comprennent-ils les produits technologiques, tels que l’IPhone ? Pour des produits de ce type, une telle mesure ne présenterait aucun intérêt dans la mesure où ils sont rapidement dépassés.

Mme Cécile Duflot. Oui, tous les biens meubles seraient concernés.

M. Julien Aubert. En ce cas, ce serait une erreur. Il faudrait traiter à part les biens technologiques.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CS1839.

La Commission est saisie de l’amendement CS1837 de M. Éric Alauzet.

M. François-Michel Lambert. Notre politique des déchets souffre d’une lacune importante : l’inexistence d’une fiscalité amont sur les produits manufacturés fortement générateurs de déchets. Nous avons certes le dispositif de responsabilité élargie du producteur (REP), qui vise à favoriser à la fois l’éco-conception des produits, leur recyclage et la prise en charge des coûts de gestion des déchets par les metteurs sur le marché, mais plus d’un tiers des produits destinés à devenir des déchets ménagers échappent à l’éco-contribution car ils ne disposent d’aucune filière de recyclage. On accorde ainsi une sorte de prime aux cancres, puisque ceux qui ne cherchent pas à améliorer la récupération et le recyclage sont dispensés de payer. Par cet amendement, nous proposons de corriger cette situation inégale, en taxant ces derniers via la TGAP.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable, dans la mesure où cet amendement semble relever de la loi de finances.

M. Julien Aubert. Il me semble que le concept de responsabilité élargie du producteur devrait être inclus dans la définition de l’économie circulaire.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CS1850 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il ressort du rapport sur la biomasse que j’ai rédigé avec Sophie Rohfritsch pour le compte de la commission du développement durable que nous n’avons pas, en France, de dispositif permettant d’identifier les ressources en biomasse et d’élaborer les outils de captation et de valorisation les plus appropriés. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place des schémas régionaux biomasse.

La région Guyane dispose déjà d’un schéma de ce type, qui lui a permis d’identifier le potentiel réel de son territoire en matière de biomasse et de lancer ensuite des appels d’offres adaptés. En métropole, on a adopté la méthode inverse : on lance d’abord des appels d’offres et on cherche ensuite la ressource correspondante. Il s’agit, par cet amendement, de remettre la charrue derrière les bœufs.

M. le président François Brottes. Ayant en effet constaté, à certains endroits, une surtension sur la collecte de la biomasse, j’avais déposé sur le projet de loi d’avenir sur l’agriculture un amendement visant à confier à l’ADEME le soin de mener un travail d’inventaire, de diagnostic, de la gestion de la ressource biomasse, afin d’en envisager la régulation. Cet amendement a été adopté et la loi promulguée.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Cet amendement est intéressant sur le fond, mais il doit être examiné en cohérence avec les autres exercices de planification. C’est pourquoi la question sera abordée dans le cadre de la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République. Je suggère donc le retrait de cet amendement.

M. Jean-Yves Caullet. Elle doit être examinée aussi en cohérence avec d’autres documents prévus par loi d’avenir pour l’agriculture, notamment les programmes régionaux de la forêt et du bois, qui ne forment certes qu’une partie de la biomasse, mais une partie importante. Je partage entièrement les objectifs, mais l’inventaire national qui doit être réalisé par l’ADEME permettra de les atteindre.

M. Julien Aubert. Si le problème visé par l’amendement de M. Lambert est réel, il ne se pose pas partout. Je préférerais que l’on trouve une solution à ce problème particulier, plutôt que de voter une disposition de portée générale.

M. François-Michel Lambert. Le dispositif que je propose me semble complémentaire à l’amendement que vous aviez fait adopter dans la loi d’avenir pour l’agriculture, monsieur le président. Ce sujet est un véritable casse-tête dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et le préfet de cette région ainsi que ceux des régions Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon ont besoin de ce type de document.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1851 de M. François-Michel Lambert.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Sur le fond, je suis favorable à l’arrêt du tri mécano-biologique, mais il convient de miser sur le tri à la source des bio-déchets, idée qui a été reprise à l’article 19. Cet amendement ne semble plus nécessaire, j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1838 de M. Éric Alauzet.

Mme Cécile Duflot. Il s’agit d’améliorer l’information du consommateur sur les possibilités de réemploi et de recyclage des déchets issus des produits d’équipement ménagers et électroniques. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités de cette information.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Ces éléments sont déjà prévus dans le décret du 19 août 2014 relatif aux déchets d’équipement électriques et électroniques, dits DEEE. Cet amendement ne semble donc pas nécessaire.

L’amendement est retiré.

Elle examine ensuite l’amendement CS1846 de Mme Brigitte Allain.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Supprimer la mention de la date limite d’utilisation optimale pour les produits alimentaires non périssables est une proposition intéressante, mais elle est prématurée. Des travaux pour déterminer les produits susceptibles d’être concernés ont débuté au niveau européen, qui, en raison de la circulation des produits, est en effet l’échelon pertinent. Il n’est donc pas possible de retenir cet amendement ; j’en demande le retrait.

Mme Cécile Duflot. Je retire l’amendement, en souhaitant que la France soit impliquée dans cette démarche, car c’est un outil décisif de lutte contre le gaspillage alimentaire. Aucune date de péremption ne devrait figurer sur le riz, par exemple, car elle incite les gens à jeter des aliments qui peuvent parfaitement être consommés.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS1845 de Mme Brigitte Allain est également retiré.

L’amendement CS1842 de Mme Brigitte Allain est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1419 de M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Cet amendement vise à garantir aux citoyens et consommateurs une information crédible et exhaustive sur la performance énergétique des appareils et produits consommateurs d’énergie promus dans des messages publicitaires par leurs fabricants.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Enfin, l’amendement CS1852 de M. François-Michel Lambert est retiré.

TITRE V
FAVORISER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR DIVERSIFIER NOS ÉNERGIES ET VALORISER LES RESSOURCES DE NOS TERRITOIRES

Chapitre Ier
Dispositions communes

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M. Julien Aubert. Monsieur le président, notre réunion se terminera-t-elle à une heure du matin pour reprendre demain matin, ou s’agit-il d’achever l’examen du texte dans la nuit ?

M. le président François Brottes. Nous ferons le point à une heure du matin.

M. Martial Saddier. Nous n’habitons pas tous dans le 7arrondissement et, comme vous le savez, les pilotes d’Air France sont en grève.

M. le président François Brottes. J’ai indiqué que l’on pouvait siéger samedi matin, après-midi et soir. Mais peut-être aurons-nous terminé avant l’examen de ce texte. En tout état de cause, nous pourrions lever la séance à une heure raisonnable, vers une heure, une heure et demie.

M. Julien Aubert. Vous connaissez notre position.

Article 23 A [nouveau]
Prise en compte de l’énergie de récupération dans les textes relatifs à la construction et à l’urbanisme

Cet article additionnel a été voté en commission pour acter l’importance de valoriser les énergies de récupération, au même titre que les énergies renouvelables, dans les textes relatifs à la construction et à l’urbanisme.

Cependant, en l’état, il n’a pas de portée normative. En conséquence, votre rapporteure avait demandé le retrait pour une proposition plus précise devant être formulée pour l’examen du texte en séance.

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La Commission est saisie des amendements identiques CS833 de M. Julien Aubert, CS1879 de M. Denis Baupin et CS1339 rectifié de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Julien Aubert. La production d’énergie de récupération doit être prise en compte dans l’ensemble des textes relatifs à la construction et à l’urbanisme, et en particulier dans les réglementations thermiques, énergétiques et environnementales des bâtiments.

Les énergies de récupération sont déjà partiellement intégrées à divers textes de loi, mais la meilleure façon d’harmoniser et de simplifier la prise en compte de ces énergies de récupération consiste à les qualifier comme telles d’énergies renouvelables. Tel est l’objet de l’amendement CS833.

M. Denis Baupin. Pour avoir travaillé sur le territoire de la ville de Paris, notamment pour essayer de mettre en place un plan climat et une politique énergétique, j’ai pu constater à quel point il y avait des potentiels de récupération d’énergies perdues sur le territoire. Nous avons intérêt à nous organiser en la matière. Tel est l’objet de l’amendement CS1879.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1339 rectifié est défendu.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’énergie de récupération est l’énergie captée sur l’air extrait et sur les eaux usées. Ces énergies ne sont donc pas renouvelables. Elles ne peuvent pas compter dans l’atteinte des objectifs relatifs à la part d’énergie renouvelable. L’amendement est donc contraire à la directive. Pour rendre cet amendement applicable, il faudrait proposer des modifications législatives à chaque article concerné au sein des textes relatifs à la construction ou à l’urbanisation.

Défavorable donc.

M. Martial Saddier. L’argumentation de Mme la rapporteure me surprend. Nous proposons un amendement réflexe, c’est-à-dire que la production d’énergie de récupération doit être prise en compte à tout moment, pour toutes les décisions.

Nous venons d’examiner l’article relatif à l’économie circulaire : avec l’eau usée et l’air extrait, on est au cœur du sujet. Pourquoi se priver de la capacité d’optimiser la récupération d’énergies que l’on trouve quotidiennement ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’énergie de récupération est une énergie de recyclage et non une énergie renouvelable.

M. le président François Brottes. Il faut néanmoins la valoriser.

M. Martial Saddier. Mercredi soir, Mme Royal nous a appelés à l'offensive, à bousculer les habitudes, les corporatismes, à être innovants, à nous inscrire dans le XXIe siècle. J’ai été bouleversé, je n’en ai pas dormi de la nuit… Recyclons l’énergie recyclable et ouvrons une page de l’histoire du Parlement en permettant que l’énergie recyclable devienne une énergie renouvelable !

M. le président François Brottes. L’énergie de récupération vaut aussi pour le sommeil, monsieur Saddier.

M. Julien Aubert. Nous avons eu un long débat sur l’économie circulaire. On nous a expliqué que la croissance verte et l’économie circulaire, c’était un peu la même chose. Cet exemple montre qu’il est bon d’avoir des définitions car il y a bien plusieurs idées : la croissance verte décarbonée, les énergies renouvelables et le concept d’économie circulaire. Il faut éviter le gloubi-boulga sémantique. Ce texte n’est pas un paquet-cadeau et nous pouvons avoir des divergences.

M. le président François Brottes. Vous convenez néanmoins qu’il y a une différence entre ces deux énergies.

M. Julien Aubert. Oui, mais nous aurions pu innover.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Rien ne vous empêche d’innover un peu plus tard. C’est juste un problème de définition. Sur le principe, il faut valoriser les énergies de récupération, mais pas avec le statut des énergies renouvelables (EnR)

M. Julien Aubert. Avec cet amendement, la quatrième génération serait devenue une énergie renouvelable. Puisqu’on recycle les déchets, on aurait pu élargir le domaine de la lutte.

M. le président François Brottes. Et je suis sûr que ceux qui défendent les mêmes arguments sur la récupération seront d’accord avec vos propos sur la quatrième génération.

M. Denis Baupin. Je ne céderai pas aux provocations primaires.

Madame la rapporteure, seriez-vous favorable à mon amendement si je le rectifiais en supprimant le deuxième alinéa, c’est-à-dire la phrase suivante : « Un équipement de production d’énergie de récupération est considéré comme un équipement de production d’énergie renouvelable. » ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Votre proposition ne me paraît pas satisfaisante. Si vous supprimez cette phrase, vous enlevez une définition.

M. le président François Brottes. La production d’énergie de récupération doit être prise en compte dans un certain nombre de dispositifs sans pour autant être assimilée à de l’énergie renouvelable. Il faudra aborder la question des énergies de récupération pour voir comment elle peut être mieux valorisée et mieux cernée.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Cette question devra être revue avant l’examen du texte en séance publique.

M. Denis Baupin. La suppression de l’alinéa que je propose permet d’avaliser une première étape.

M. le président François Brottes. Ce soir, on a compris qu’il ne faut pas assimiler énergie de récupération et énergie renouvelable. Pour autant, l’énergie de récupération n’est pas assez valorisée. Si l’on veut lui attribuer un certain nombre de modes de reconnaissances dans différents domaines, il faut en mesurer l’impact.

Ne pourriez-vous pas réfléchir, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à une écriture de l’amendement qui prévoirait un statut spécifique pour les énergies de récupération et appellerait à un volontarisme et un encouragement en faveur de ces énergies-là dans les bons endroits ? Mieux vaut peut-être supprimer le deuxième alinéa de l’amendement que de le laisser, mais encore faudrait-il pouvoir l’insérer dans le titre VIII. Cela dit, à ce stade du débat, vous n’avez pas le droit d’amender le titre VIII.

M. Denis Baupin. Je suis prêt à rectifier l’amendement afin de montrer qu’il y a un consensus ici pour avancer. Nous serons d’autant plus amenés à le compléter que l’on aura recueilli ce soir un vote favorable.

M. François Brottes. Je comprends que vous souhaitiez, dès ce soir, mettre un pied dans la porte. Je ne crois pas qu’il y ait de désaccord sur la nécessité de mieux cibler les énergies de récupération.

Monsieur Aubert, êtes-vous d’accord pour supprimer l’alinéa 2 de votre amendement CS833 ?

M. Julien Aubert. Je suis neutre car j’ai du mal à en apprécier les conséquences juridiques et financières. J’ai mieux compris, grâce au débat, la différence entre les énergies de récupération et les énergies renouvelables, mais je reste prudent et je retire mon amendement.

L’amendement CS833 est retiré.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je suis d’accord pour rectifier mon amendement CS1339 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Favorable.

La commission adopte l’amendement CS1879 ainsi rectifié et l’amendement CS1339 deuxième rectification.

Avant l’article 23

La Commission examine l’amendement CS520 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’autre débat sur la transition énergétique que nous avions conduit avec Daniel Fasquelle avait montré qu’en matière de transport, il était intelligent d’essayer de positionner, sur le parc de véhicules, le type d’énergie le plus propice à l’accueillir de manière à diversifier les choix énergétiques, à éviter le mono-technologique, bref à faire en sorte de ne pas favoriser une technologie plutôt qu’une autre dans un contexte marqué parfois par l’incertitude mais aussi par la complémentarité entre les énergies. C’est pourquoi nous vous proposons d’encourager le recours à l’électricité et aux biocarburants pour les véhicules légers, le recours au gaz naturel de ville pour les flottes captives et le recours au gaz naturel liquéfié et le mix diesel-gaz pour les véhicules lourds.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Je pense que la demande de M. Aubert est satisfaite et qu’il n’est pas nécessaire de prévoir un recours coûteux à une expérimentation nationale grâce aux nouveaux plans Climat-air-énergie territoriaux prévus à l’article 56 qui incluront le développement du véhicule électrique et la mobilité en général – c’est l’alinéa 12 – ainsi que grâce à l’article 9 qui favorise le déploiement des véhicules propres dans les flottes publiques qui sont des flottes captives. Avis défavorable donc.

M. Martial Saddier. Pourrait-on connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. le président François Brottes. À ce stade, ce n’est pas possible. Mais Mme la ministre va nous rejoindre d’ici peu. Je vous le rappelle, le règlement de l’Assemblée prévoit que si le Gouvernement peut exiger d’être présent, nous ne pouvons avoir la même exigence.

M. Martial Saddier. Vous confirmez néanmoins que le Gouvernement va nous rejoindre.

M. le président François Brottes. Tout à fait !

M. Martial Saddier. À la bonne heure !

M. Julien Aubert. Madame la rapporteure, notre préoccupation n’est pas tout à fait satisfaite. Notre amendement vise en effet à mettre en face de chaque type de véhicule une énergie. Cette répartition n’est pas née du cerveau malade d’un quelconque député du groupe UMP : c’est le fruit d’un travail de concertation avec les professionnels du secteur. L’UMP défend, depuis le début, l’idée d’une transition énergétique comportant un vrai réflexe de stratégie de hiérarchisation et d’objectifs. Certes, tous les instruments existent, mais ils sont présentés comme des mikados emmêlés.

La Commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement CS522 de M. Julien Aubert.

M. Martial Saddier. Cet amendement vise à insérer, avant l’article 23, l’article suivant : « La biomasse favorise la diminution des gaz à effet de serre, une diversification du potentiel agricole français et l’aménagement du territoire. » En fait, il s’agit de reconnaître par la loi toute la place qui revient à la biomasse.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Sensible au développement de cette énergie, je suis, sur le fond, plutôt d’accord pour mettre en avant l’importance de la biomasse dans le volet consacré aux énergies renouvelables. Toutefois, cet amendement est dénué de portée normative, ce qui constitue un handicap certain dans un texte de loi. En outre, les articles L. 661-1 et L. 661-3 du code de l’énergie reconnaissent l’importance de la biomasse dans la production de biocarburants et de bioliquides, et l’article L. 222-1 du code de l’environnement reconnaît la biomasse comme une technique performante d’efficacité énergétique. J’ajoute que le développement de la biomasse sera également prévu dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Madame la rapporteure un élément vous a échappé : certes, nous souhaitons mentionner spécifiquement la biomasse dans la loi, mais nous voulons le faire dans le cadre de l’aménagement du territoire. Nous pensons en effet que cet instrument est beaucoup plus adaptable à la diversité géographique que l’énergie éolienne ou photovoltaïque.

M. le président François Brottes. Non !

M. Julien Aubert. Si, parce qu’il vaut mieux produire de l’énergie éolienne là où il y a du vent, et l’énergie photovoltaïque là où il y a du soleil.

Vous dites que la loi doit avoir un rôle normatif. Cet argument n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Cela fait deux ans et demi que je vois passer des textes avec des pétitions de principe et des colifichets destinés à amuser la galerie. Sachez que je me souviendrai de cet argument…

M. le président François Brottes. Dans ce cas, j’imagine que beaucoup d’amendements ne seront plus présentés…

La Commission rejette l’amendement CS522.

Article 23
(articles L. 311-6, L. 314-4, L. 314-7, L. 314-7-1 [nouveau] L. 314-1, L. 314-18 à L. 314-23 [nouveaux], L. 121-7 du code de l’énergie 1519D et 1519F du code général des impôts)

Complément de rémunération

1.  État du droit

a.  Le régime de l’obligation d’achat

Le soutien au développement des énergies renouvelables en France s’est traduit, dans la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, par la mise en place du mécanisme de l’obligation d’achat, désormais codifié à l’article L. 314-1 du code de l’énergie.

Ce mécanisme permet aux exploitations produisant de l’électricité d’origine renouvelable (éolien, solaire thermique ou photovoltaïque, biomasse, etc.) de vendre cette électricité en dehors des conditions normales du marché.

En effet, selon l’article L. 314-1, tout producteur d’électricité dont l’installation répond aux critères énumérés par cet article peut demander la conclusion d’un contrat d’achat de son électricité à EDF ou, le cas échéant, à une entreprise locale de distribution d’électricité (ELD), qui sont tenues de répondre favorablement. Le prix de l’électricité vendue dans ces conditions est fixé réglementairement, à un niveau supérieur aux prix du marché, afin d’encourager le développement des filières renouvelables : ce sont les tarifs d’achat garantis.

Ce mécanisme se justifie d’autant plus que la particularité de filières comme l’éolien ou le solaire photovoltaïque est d’être particulièrement capitalistiques : les investissements de départ sont importants, bien qu’ensuite le coût marginal de production de l’électricité soit quasi nul. L’objectif de cette protection contre le marché est donc d’accompagner le développement des filières jusqu’à ce qu’elles soient parvenues à un degré suffisant de maturité. Une installation ne peut ainsi bénéficier qu’une fois du contrat d’achat – à l’exception de la filière hydroélectrique, pour laquelle une dérogation permet de doubler la période de quinze ans pendant laquelle le régime de l’obligation d’achat est possible, sous condition d’investissements suffisants (article L. 314-2).

EDF ou l’ELD concernée revendent cette électricité sur le marché. La moins-value qu’ils encaissent dans ce processus d’intermédiation est compensée intégralement au titre d’une charge imputable aux missions de service public (article L. 121-7 du code de l’énergie).

Les installations d’électricité renouvelable qui peuvent bénéficier de l’obligation d’achat doivent être situées sur le territoire national. Ce sont :

– les installations de valorisation énergétique des déchets, par exemple des incinérateurs de déchets ménagers raccordés à des réseaux de chaleur (cf. commentaire infra sous l’article 57), ainsi que les installations de valorisation des énergies de récupération ;

– les installations de production d’électricité renouvelable, à condition d’avoir une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts – par exemple, les installations hydroélectriques ou solaires photovoltaïques ;

– certaines installations production d’électricité renouvelable ne sont pas soumises à ce plafond, et bénéficient donc sans limite du régime de l’obligation d’achat : c’est le cas des parcs éoliens, du solaire thermique, de l’énergie marine, géothermique ou hydrothermique ;

– les moulins à vent ou à eau utilisés pour la production d’électricité ;

– les installations électriques des départements d’outre-mer qui produisent de l’électricité à partir de la biomasse, notamment par combustion des résidus de canne à sucre.

Le régime de l’obligation d’achat est considéré comme un succès : aujourd’hui, la part de l’électricité d’origine renouvelable dans le mix électrique s'élève à 15 %, avec un objectif fixé à 23 % en 2020. Selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), la consommation d’électricité renouvelable a crû de plus de 33 % en dix ans.

L’enjeu pour les années à venir est d’anticiper la croissance de la part de l’électricité renouvelable dans le mix électrique français, et le risque de distorsions importantes du marché qui en résulteront.

b.  Les limites du régime de l’obligation d’achat

Le régime de l’obligation d’achat a des vertus reconnues, mais comporte trois défauts principaux, qui tendent à s’accentuer avec le développement des filières qui en bénéficient :

– les tarifs administrés supposent une coordination des prix par l’autorité publique plutôt que par le marché. Cela se traduit par des problèmes classiques d’ajustement entre l’offre et la demande d’électricité. Ainsi, lorsque les tarifs administrés de la filière du thermique photovoltaïque sont restés fixés à un niveau élevé, tandis que les gains de productivité liés à l’évolution des technologies permettaient de tirer les coûts de production vers le bas, une « bulle » est apparue dans le secteur. De nombreux acteurs sont entrés sur le marché et sont parvenus à dégager une rentabilité économique importante grâce au soutien public, alors qu’une logique concurrentielle aurait évité ce phénomène ;

– les producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat sont certains de vendre, auprès d’EDF ou d’une entreprise locale de distribution, tout l’électricité qu’ils produisent, à un prix fixé d’avance. Ils produisent donc toujours au maximum, sans tenir compte de l’évolution de la demande des consommateurs, qui est très cyclique (selon l’heure du jour) ; on observe alors des perturbations sur le réseau électrique, qui doit assurer à tout instant l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité (14). Si ces perturbations sont encore marginales, l’augmentation de la part d’électricité d’origine renouvelable dans le mix électrique laisse augurer de plus fréquentes déstabilisations ;

– le régime de l’obligation d’achat protège du marché, même lorsque les filières sont devenues matures et pourraient affronter la concurrence. En conséquence, le coût du dispositif de soutien public augmente tendanciellement alors même qu’il ne satisfait plus un besoin de développement.

L’exemple allemand, où le régime équivalent des tarifs garantis a conduit à une forte hausse de la facture d’électricité des ménages, a donc conduit l’Union européenne à adopter de nouvelles lignes directrices pour envisager un régime de soutien alternatif.

c.  Les nouvelles lignes directrices de l’Union européenne

L’autre motivation d’une telle évolution de la position de l’Union européenne tient à une distorsion de concurrence sur le marché européen dans son ensemble : le soutien aux filières de production d’électricité renouvelable est considéré comme une aide d’État, qui doit être encadrée pour que joue une concurrence libre et non faussée entre pays de l’Union. La Commission européenne a donc adopté le 9 avril 2014 de nouvelles lignes directrices, précisant le régime des aides d’État à l’énergie et à l’environnement. Elles organisent une meilleure articulation avec les règles de marché, tout en tâchant de ne pas mettre en péril le modèle économique de développement de ces filières du renouvelable.

Les lignes directrices préservent la possibilité de recourir à des tarifs d’achat garantis, pour les plus petites installations seulement, dotées d’une puissance installée inférieure à 500 kilowatts. Un régime plus favorable est prévu pour l’éolien (puissance installée inférieure à 3 mégawatts). Mais le régime général imposera de recourir à une vente directe sur le marché de l’électricité, accompagnée d’une prime, à compter du 1er janvier 2016.

En pratique, les exploitations de production d’électricité renouvelable, au-delà d’un seuil de puissance installée, deviendront acteurs de marché. Ils vendront directement l’électricité produite sur le marché de gros, ou bien recourront à un agrégateur de marché.

Dans les modèles les plus efficients, l’aide publique prend la forme d’une prime, qui peut être versée ex ante (sous la forme d’une prime à l’investissement initial, en fonction des capacités installées par exemple), ce qui laisse les producteurs entièrement dépendants des logiques de marché ; ou versée ex post : dans ce cas, en fonction de l’évolution des prix du marché de l’électricité, la prime est modulée pour que les producteurs soient correctement compensés et obtiennent une rémunération stable. Ce dernier modèle est plus protecteur, car il écarte une grande partie du risque de marché (les producteurs ne sont pas soumis aux aléas des prix, puisque la prime fait office de « tampon ») et se rapproche dans sa logique des tarifs garantis, à la différence qu’ils ne sont plus administrés. Cependant, les producteurs se confrontent à un risque commercial, puisqu’ils doivent effectivement vendre leur électricité sur le marché.

1.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 23 du projet de loi permet de soutenir la production d’électricité provenant de sources renouvelables d’une manière alternative au régime de l’obligation d’achat, afin de se mettre en conformité avec les évolutions du droit de l’Union européenne. Il s’agit d’autoriser les installations de production à vendre directement sur le marché leur électricité, en contrepartie du versement d’une prime, appelée « complément de rémunération ».

Le I (alinéas 1 et 2) modifie le premier alinéa de l’article L. 314-1 du code de l’énergie pour prévoir que la liste des installations de production d’électricité qui bénéficient du régime d’obligation d’achat est désormais fixée par décret, parmi l’ensemble des installations répondant aux critères fixés par les alinéas 2 à 9 de l’article, inchangés. Cette disposition a pour objet d’introduire un parallélisme de forme avec la procédure mise en place pour le nouveau régime de complément de rémunération, et qui prévoit également une intervention réglementaire. Surtout, elle confère au pouvoir réglementaire la capacité de prévoir de quel régime ces installations pourront bénéficier, et donc la possibilité d’adapter avec souplesse les nouvelles lignes directrices en matière d’aides d’État (cf. supra).

Le II (alinéas 3 à 21) organise le nouveau régime de complément de rémunération en introduisant une sous-section 3 au chapitre IV, relatif aux dispositions particulières à l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables, au sein du titre Ier du livre III du code de l’énergie. Sept nouveaux articles sont créés :

L’article L. 314-18 (nouveau) définit ce régime de complément de rémunération, qui prend la forme d’un contrat répondant aux mêmes formes que le contrat d’obligation d’achat prévu à l’article L. 314-1, dans sa rédaction issue du présent projet de loi : il prévoit l’obligation de conclure un contrat, pour EDF et les sociétés locales de distribution, sur demande des producteurs d’électricité dont les installations répondent aux critères fixés par les alinéas 2 à 9 de l’article L. 314-1, sur le territoire national, et dont la liste est fixée par décret. Cependant, ce contrat porte sur le versement de la prime et non sur l’achat de l’électricité produite.

L’article L. 314-19 (nouveau) prévoit l’incompatibilité du régime du complément de rémunération avec celui de l’obligation d’achat : il s’agit donc d’un dispositif complémentaire de celui dont bénéficient actuellement les installations de production d’électricité renouvelable.

L’incompatibilité concerne le régime général de l’obligation d’achat prévu à l’article L. 314-1 du code de l’énergie, ainsi que le régime similaire, prévu à l’article L. 121-27 du même code, pour des contrats conclus préalablement au 11 février 2000. Est également concernée par cette exclusion, l’obligation d’achat d’électricité prévue à l’article L. 311-12 du même code, qui lie EDF ou, le cas échéant, les sociétés locales de production, au résultat de la procédure d’appel d’offres lancée par l’autorité administrative en cas de dépassement des capacités de production d’électricité.

Le décret d’application de la présente sous-section, pris en Conseil d’État (cf. infra), prévoit dans quelles conditions les installations ayant bénéficié du régime de l’obligation d’achat peuvent ensuite bénéficier du régime du complément de rémunération. La réalisation d’un programme d’investissement est un prérequis, comme c’est actuellement le cas dans la filière hydroélectrique pour continuer de bénéficier, au bout de quinze ans, du régime d’obligation d’achat.

L’article L. 314-20 (nouveau) prévoit les modalités selon lesquelles le complément de rémunération sera calibré, selon la filière et les caractéristiques techniques de chaque exploitation. Ces modalités sont regroupées en cinq catégories : les investissements et les charges d’exploitation requis, ce qui permet de tenir compte de l’intensité capitalistique de chaque filière ; le coût d’intégration de l’installation dans le système électrique, ce qui comprend notamment la compensation des coûts de participation à l’équilibre du réseau ; les recettes de l’exploitation ; l’impact des filières sur les objectifs de la politique énergétique, ce qui justifie notamment le principe du soutien public ; les situations d’autoproduction ou d’autoconsommation de l’électricité.

Le complément de rémunération, en outre, doit assurer une rémunération raisonnable aux capitaux investis : la rentabilité des exploitations de production, au regard des risques liés à cette activité, doit être normale. Cette disposition trouve sa justification dans la volonté de prévenir les effets d’aubaine, dont le seul support serait le versement d’aides trop généreuses.

En corollaire, le calibrage du complément de rémunération doit être régulièrement révisé, afin de tenir compte de la baisse des coûts supportés par les installations. Il s’agit en effet de filières dans lesquelles les gains de productivité sont rapides et élevés.

Enfin, un décret en Conseil d’État organise les contours précis du complément de rémunération. La Commission de régulation de l’énergie est saisie pour avis.

L’article L. 314-21 prévoit, comme c’est actuellement le cas en matière d’obligation d’achat, que le recours au complément de rémunération peut être modulé par l’autorité administrative (suspension partielle ou totale) en fonction des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (cf. commentaire sous l’article 49).

Le III (alinéas 22 et 23) prévoit d’ajouter le complément de rémunération à la liste des charges imputables aux missions de service public de l’électricité. En effet, l’obligation faite à EDF et aux entreprises locales de distribution de conclure des contrats offrant complément de rémunération avec les producteurs d’électricité renouvelable est une obligation de service public, dont le surcoût doit être compensé.

2.  Position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure note que l’évolution du régime de soutien public aux filières qui produisent de l’énergie renouvelable, vers une logique de marché, devrait apporter suffisamment de garanties pour ne pas menacer le développement de cette énergie verte.

Elle sera toutefois vigilante à ce que les décrets d’application du présent article aillent dans le sens d’un soutien équilibré, qui préserve les petites exploitations et les filières non matures, et qui sache concilier exigences du marché et intérêt général lié à l’augmentation de l’énergie renouvelable dans notre mix énergétique.

*

* *

M. Philippe Plisson. L’amendement CS1414 propose de rétablir l'égalité entre EDF, les entreprises locales de distribution et les autres fournisseurs en modifiant également la disposition concernant la compensation par la CSPE.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1540 est défendu. Il est important que d’autres producteurs puissent racheter l’électricité produite par les énergies renouvelables et pas simplement EDF. D’ailleurs, le PDG d’EDF que nous avons auditionné a indiqué qu’il était favorable à cette mesure ; il s’est dit prêt à partager ce qu’il a appelé une charge.

M. le président François Brottes. Qu’entendez-vous par « d’autres producteurs » ?

M. Denis Baupin. Ce sont les fournisseurs mentionnés au chapitre III du titre III du livre III.

M. le président François Brottes. Les ELD ?

M. Denis Baupin. En l’occurrence ce ne sont pas les ELD, mais plutôt Enercoop et d’autres sociétés de ce type.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1905 est défendu. Il s'agit de regarder plus particulièrement les fournisseurs d’énergie coopératifs.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je suis très partagée sur ces amendements.

Il s’agit d’étendre le nombre de fournisseurs d’électricité qui pourraient conclure des contrats d’obligation d’achat avec les producteurs d’électricité renouvelable afin de profiter de cette électricité verte pour la valoriser sur le marché. Mais ce système se heurte à des difficultés importantes qui risquent de faire augmenter les coûts de gestion. Je rappelle qu’actuellement, les coûts de gestion ne sont pas pris en compte dans la compensation à EDF. Peut-être les nouveaux producteurs la demanderont-ils.

Dans ce cas de figure, qui devient l’acheteur obligé ? Chacun prendra-t-il sa part de marché ?

M. le président François Brottes. Vous l’avez rappelé, monsieur Baupin : le président-directeur général d’EDF n’a déclaré à aucun moment qu’il souhaitait conserver le « monopole » d’EDF en matière d’obligation d’achat. Il a même laissé entendre, à peu de choses près, qu’il s’en passerait volontiers. C’est en effet un travail pour EDF : l’entreprise assure la trésorerie de la Contribution pour le service public de l’électricité (CSPE), qui compense l’obligation d’achat. À un moment donné, 5 milliards d’euros étaient restés en attente de compensation, et EDF se serait bien passé de cet épisode ! Il faut donc, premièrement, que les opérateurs soient capables de couvrir le risque financier lié au versement différé de la CSPE. Une entreprise telle qu’EDF peut l’assumer, jusqu’à un certain point, l’État ayant dû prendre le relais quelques années plus tard.

Deuxièmement, plus le nombre d’acheteurs obligés est élevé, plus cela devient compliqué à gérer. À titre personnel, j’estime que des structures de la taille et de la nature d’Enercoop sont bien placées pour devenir des acheteurs obligés, dans la mesure où elles peuvent être des agrégateurs d’autres producteurs et qu’elles sont capables de gérer à la fois l’obligation d’achat et le nouveau dispositif des primes complémentaires, créé par le présent texte. Les petits producteurs d’électricité ne sont pas à même de gérer un tel système, et il est bon qu’ils soient en relation avec un agrégateur qui réalise ce travail pour leur compte.

Selon moi, il existe une voie moyenne entre le monopole d’EDF et l’ouverture du système à tous les fournisseurs : les acheteurs obligés pourraient être EDF et un certain nombre d’agrégateurs, œuvrant notamment dans le domaine des énergies renouvelables. La question des frais de gestion et de la couverture financière est importante. Le bénéficiaire de l’obligation d’achat exigera d’être rémunéré rapidement. Or comment l’acheteur obligé fera-t-il pour payer s’il ne reçoit pas la compensation en temps voulu ? Comment couvrira-t-il ce risque financier ? Ne perdons pas de vue qu’EDF assure aujourd’hui la « couverture tous risques » ! Si l’on multiplie les acteurs, ils auront tous des frais de gestion, on ne peut pas le nier.

L’hypothèse a été évoquée que Réseau de transport d’électricité (RTE), qui dispose d’un monopole et entretient des relations avec tous les acteurs, gère le système de l’obligation d’achat. Cependant, le président du directoire de RTE a déclaré qu’il n’était pas intéressé et que son entreprise n’était pas équipée pour ce faire. C’est regrettable, mais il est difficile d’aller contre la volonté des acteurs. En somme, le sujet n’est pas simple, et nous devons en débattre.

M. Martial Saddier. Vous ne vous êtes pas du tout mêlé aux débats, monsieur le président ! Mais, en l’espèce, je ne vous en veux pas, car je partage votre point de vue. Quant au président-directeur général d’EDF, ce ne serait pas la première fois qu’il explique, la main sur le cœur, que la fin d’un monopole ne le dérange pas, mais que suffisamment de leviers sont actionnés pour que rien ne bouge si jamais on le propose.

Je vous rejoins, monsieur le président, madame la rapporteure : cet amendement n’est pas anodin. Il pose d’abord la question de la compensation intégrale par la CSPE. Ensuite, vous l’avez évoqué, madame la rapporteure : que se passera-t-il dans le cas où il n’y a pas d’acheteur, c’est-à-dire lorsque ni EDF ni l’ELD concernée ne sont intéressées ? À ce moment-là, qui achètera et qui compensera, y compris sur le plan financier ? Ces amendements sont donc louables, mais j’émets quelques réserves sur la faisabilité de ce qui est proposé.

M. Denis Baupin. Les questions que vous posez, monsieur le président, madame la rapporteure, sont légitimes. En tout cas, je me réjouis que nous ouvrions pour la première fois ce débat. Tel était d’ailleurs l’objectif de mon amendement. Est-il pertinent qu’EDF détienne un monopole en la matière ? Il y a en effet des coûts de gestion, mais cela entraînera-t-il une augmentation de la compensation ? Telle n’est pas notre proposition. La compagnie que vous avez citée, monsieur le président, se dit prête à assumer le rôle d’acheteur obligé : elle estime qu’elle peut mieux valoriser qu’EDF le potentiel économique de l’électricité verte, ce qui permettrait in fine de réduire la part du coût des énergies renouvelables qui pèse sur la collectivité – on peut être d’accord ou non avec son point de vue. Quoi qu’il en soit, le fait que d’autres concurrents d’EDF se positionnent sur le marché pourrait être source d’économies – tel est le raisonnement que tient généralement l’UMP. Je ne me serais d’ailleurs jamais permis de déclarer publiquement et avec autant de force ce qu’a dit M. Saddier à propos du président-directeur général d’EDF ! L’idée que vous défendez, monsieur le président, me paraît pertinente : les autres acheteurs obligés pourraient être des agrégateurs tels qu’Enercoop. En tout cas, il est utile d’ouvrir une porte aujourd’hui, afin de pouvoir construire sur cette base par la suite.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le débat est intéressant. Ces amendements soulèvent trois questions. D’abord, celle des coûts de gestion qui, d’après M. Baupin, n’entraîneraient pas une augmentation de la CSPE, et qui seraient donc pris en charge par les agrégateurs. Ensuite, celle des acheteurs obligés : Enercoop est-elle prête à jouer ce rôle sur une partie du territoire ? Enfin, ces amendements portent uniquement sur l’obligation d’achat, ce qui en relativise la portée. Avec la nouvelle formule de rémunération, les petits producteurs pourront tous vendre leur électricité où ils le souhaitent, et le marché va se réduire.

M. le président François Brottes. Vous dites, monsieur Baupin, qu’il est utile d’ouvrir une porte, mais il me semble que le dispositif est loin d’être calé. En particulier, comment sécurise-t-on la situation de ceux qui attendent de bénéficier soit de l’obligation d’achat soit de la prime complémentaire, que nous n’avons même pas encore votée ? Je ne suis pas convaincu que les amendements couvrent la totalité de la problématique. Des sommes considérables sont en jeu, et certains acteurs ne peuvent pas déployer leurs investissements et exploiter leur production. N’aurions-nous pas intérêt à retravailler ensemble ces amendements et à réfléchir à un meilleur cadrage du dispositif, en ciblant des agrégateurs plutôt que l’ensemble des producteurs ? Enercoop remplit une fonction d’agrégateur des producteurs d’énergie renouvelable, ce qui est parfaitement louable et donne une visibilité à une offre qui se construit désormais bien davantage qu’il y a quelques années. Mais si nous considérons que tous les petits producteurs – microcentrales, parcs éoliens de faible dimension, unités photovoltaïques – peuvent gérer l’obligation d’achat, nous leur faisons courir un risque, compte tenu des coûts de gestion et de la couverture financière que cela implique.

M. Denis Baupin. J’entends vos arguments, monsieur le président. Mon amendement était plutôt un amendement d’appel à l’attention du Gouvernement. Il serait utile d’avoir le point de vue et l’éclairage juridique du Gouvernement, notamment en réponse aux questions que vous posez. Dès lors qu’une majorité serait favorable à la mise en place d’un tel dispositif, si le Gouvernement marquait sa disposition à y travailler et à proposer une nouvelle rédaction, nous pourrions retirer notre amendement avec le sentiment d’avoir fait progresser le débat.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je suis préoccupée par l’incidence que ce dispositif pourrait avoir sur la CSPE. À ce stade, je reste défavorable à ces amendements et demande leur retrait, afin qu’on puisse les retravailler.

M. le président François Brottes. À ma connaissance, la position du Gouvernement est proche de celle que vient d’exposer Mme la rapporteure. Quant à moi, j’ai fait preuve d’une certaine ouverture, mais je me suis exprimé à titre personnel.

M. Denis Baupin. Je ne présume pas de la position du Gouvernement.

M. le président François Brottes. Mme la ministre a montré à de nombreuses reprises qu’elle était à l’écoute et que sa réflexion pouvait évoluer au cours du débat par rapport à sa position initiale. Je propose aux auteurs des amendements de les retirer.

M. Philippe Plisson. La situation actuelle est enkystée et ne peut pas perdurer. Cependant, on ne peut pas citer dans l’amendement certains producteurs que l’on aurait éventuellement sélectionnés. Il convient de poursuivre le travail sur le sujet, à partir de l’ouverture qui s’est manifestée. Je retire mon amendement.

M. le président François Brottes. Je me suis permis de citer un opérateur particulier, afin de donner un exemple de ce que peut être, selon moi, un agrégateur. Mais il en existe d’autres, tant dans le domaine des capacités que dans celui de l’effacement. Ils agrègent les capacités de production ou d’effacement de plusieurs producteurs, et sont l’interlocuteur du réseau et de l’acheteur obligé, ce qui simplifie l’organisation.

M. Denis Baupin. Je retire mon amendement pour qu’il ne soit pas rejeté par la Commission. Il convient de poursuivre le débat. J’espère que le Gouvernement prendra en compte les options que nous proposons et que le débat évoluera d’ici à la séance publique.

M. Joël Giraud. Je retire mon amendement, avec le même espoir.

Les amendements CS1414, CS1540 et CS1905 sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS1305 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1539 de M. Denis Baupin, et l’amendement CS1240 de M. Philippe Plisson.

M. Jean-Paul Chanteguet. Actuellement, la liste des installations bénéficiant de l’obligation d’achat est fixée par la loi. La nouvelle rédaction de l’article 23 prévoit que cette liste soit désormais arrêtée par voie réglementaire. Je propose de supprimer cette disposition. Selon moi, la liste des installations doit continuer à relever de la loi.

M. Denis Baupin. Même argumentation. En outre, la nouvelle rédaction de l’article 23 expose les producteurs à un risque d’insécurité juridique entre le moment où la loi sera adoptée et celui où le décret sera publié. Dans cet intervalle, l’ancien dispositif aura été supprimé, sans que le nouveau soit encore entré en vigueur.

M. Philippe Plisson. Mon amendement n’est pas tout à fait identique, mais son esprit est similaire. Même argumentation.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. La liste des filières éligibles à un dispositif de soutien est et restera inscrite dans la loi. Toutes ces filières sont assurées d’une rentabilité économique suffisante, ce qui est le point essentiel. La modification que vous proposez de supprimer trouve pourtant une explication logique : le pouvoir réglementaire doit pouvoir déterminer sur la base de quels critères telle ou telle unité de production d’énergie renouvelable bénéficiera soit du complément de rémunération soit de l’obligation d’achat. Si nous adoptions l’un de ces amendements, toutes les installations concernées bénéficieraient automatiquement de l’obligation d’achat. Or tel n’est pas l’objectif recherché avec la nouvelle rédaction de l’article 23.

M. Philippe Plisson. Je retire mon amendement.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je ne suis pas d’accord avec Mme la rapporteure : ce qui est possible aujourd’hui ne le serait pas demain ? J’avoue ne pas bien comprendre. Je maintiens mon amendement.

M. Julien Aubert. Je ne suis pas non plus certain d’avoir bien compris. Pourriez-vous revenir sur votre explication, madame la rapporteure ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. La liste des filières éligibles à un dispositif de soutien restera inscrite dans la loi.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il convient de distinguer les filières, d’une part, et les installations, d’autre part.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le rôle de pouvoir réglementaire se limitera à répartir les différentes catégories d’installation entre le système de l’obligation d’achat et celui du complément de rémunération. Il est nécessaire de garder une certaine flexibilité, car les frontières vont se modifier dans le temps : toutes les filières ne vont pas évoluer de la même façon. Il faudra, en outre, tenir compte du retour d’expérience des premières années de fonctionnement et des concertations régulières avec les acteurs. Si une catégorie d’installation quitte l’obligation d’achat pour le complément de rémunération, les contrats existants ne seront pas remis en cause et les nouvelles modalités ne concerneront que les nouveaux projets. Les garanties me semblent donc suffisantes. D’où mon avis défavorable aux trois amendements.

Mme Cécile Duflot. J’entends votre explication, madame la rapporteure, mais elle ne me semble pas correspondre au texte proposé. Vous indiquez que la liste figurera toujours dans la loi. Tel est bien le cas en effet, mais rien n’interdira au décret d’être restrictif par rapport à la loi : il n’y a aucune garantie que les installations figurant dans la loi seront toutes reprises dans le décret. En revanche, le décret ne pourra pas mentionner d’autres installations que celles qui figurent dans la loi.

M. le président François Brottes. Vous avez relevé un point très important, madame Duflot : le décret ne pourra pas ajouter d’installations à la liste qui figure dans la loi. Or c’est un vrai problème : dans le domaine des énergies renouvelables, de nouvelles installations vont se développer, qui ne sont pas encore connues ou pas clairement identifiées aujourd’hui. Lorsque nous avons examiné le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) dans le domaine du développement durable, le Gouvernement a dû déposer un « amendement pompier » pour « sauver » la cogénération. Si le Gouvernement doit obtenir une modification de la loi chaque fois qu’il souhaite prendre en compte des technologies nouvelles ou de nouveaux modèles économiques, cela va poser de réelles difficultés. Vous craignez, madame Duflot, que le Gouvernement ne dresse une liste restrictive par rapport à la loi. Pour ma part, je redoute plus encore que l’on ne puisse pas ajouter d’installations sans modifier la loi.

Mme Cécile Duflot. Tel est déjà le cas actuellement : le décret ne peut rien ajouter à la liste fixée par la loi. Pour pouvoir prendre en compte les nouvelles installations, il faudrait que la loi dispose que d’autres installations peuvent être définies par décret.

Quant à la nouvelle rédaction de l’article 23, elle n’a aucune raison d’être si le Gouvernement n’a pas l’intention de prendre un décret restrictif par rapport à la loi.

M. le président François Brottes. Il existe deux listes : celle des filières et celle des installations relevant de chaque filière. Pour que le décret puisse fixer une liste des installations, il faut d’abord que la loi fixe la liste des filières. À défaut, le pouvoir réglementaire ne disposerait pas de base juridique lui permettant d’appliquer des dispositifs particuliers aux filières en question. En tout cas, il convient selon moi de laisser au pouvoir réglementaire le soin d’ajuster la liste des installations relevant de chaque filière en fonction des évolutions technologiques. Si l’on dresse une liste exhaustive des installations dans la loi, on se lie les mains ! D’autant que, dans certaines filières, coexistent des installations de nature très différente. Ainsi, dans la filière des hydroliennes, l’hydrolienne marine et l’hydrolienne fluviale n’ont pas du tout le même modèle économique.

M. Denis Baupin. Je n’ai pas obtenu de réponse à ma question : que se passera-t-il pendant la période intermédiaire entre l’adoption de la loi et la publication du décret ? Les juristes ont appelé notre attention sur un vide juridique : les nouvelles installations risquent de ne pas bénéficier de l’obligation d’achat, car elles ne seront pas couvertes par la loi. De ce point de vue, la nouvelle rédaction de l’article 23 n’est pas satisfaisante.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le décret n’exclura aucune filière mentionnée dans la loi : il ne fera que répartir les installations entre les deux systèmes. Les contrats existants ne seront pas remis en cause, monsieur Baupin : par défaut, c’est le système de l’obligation d’achat qui s’appliquera.

M. Denis Baupin. Mais qu’en sera-t-il pour les nouvelles installations ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Si aucun décret n’est pris, toutes les installations continueront à relever du système de l’obligation d’achat. Tel n’est cependant pas l’objectif recherché avec le nouveau texte : il s’agit de favoriser l’orientation vers le complément de rémunération, afin de rendre les filières – notamment celles qui sont matures – plus autonomes. Ainsi, avec la nouvelle rédaction de l’article 23, les parcs éoliens d’une puissance supérieure à 1 mégawatt pourront bénéficier du complément de rémunération, alors que les parcs éoliens d’une puissance inférieure à 1 mégawatt resteront sous le régime de l’obligation d’achat.

M. le président François Brottes. Il n’y a pas de vide juridique, monsieur Baupin : tant que le décret n’est pas signé, l’ancien système s’applique.

M. Denis Baupin. Je n’en suis pas certain, monsieur le président. C’est très probablement l’analyse que le Gouvernement a faite, mais, compte tenu de la nouvelle rédaction de l’article 23, les juristes d’EDF pourront soutenir qu’EDF n’est plus soumis à l’obligation d’achat, en tout cas tant que le décret n’est pas publié. Il y a un vide juridique potentiel.

M. le président François Brottes. D’ici à la séance publique, il est nécessaire que le Gouvernement apporte des réponses précises aux questions que nous nous posons, tant sur l’articulation entre la loi et le règlement s’agissant de la liste des installations que sur le risque de vide juridique évoqué par M. Baupin.

Mme Cécile Duflot. S’agissant de l’obligation d’achat, l’article L. 314-1 du code de l’énergie fait référence non pas à des filières qui seraient subdivisées en installations, mais directement à des installations – l’article L. 314-1 en énumère sept, dont une qui concerne les outre-mer. Je propose, à titre conservatoire, que nous en restions à la version du code de l’énergie actuellement en vigueur. Je partage l’analyse de M. Baupin : si l’obligation d’achat s’applique à des installations définies par décret, elle ne s’appliquera pas tant que le décret n’est pas publié.

M. le président François Brottes. Je crains que nous ne figions le dispositif si nous en restons à la version actuelle du code.

Mme Cécile Duflot. Non, nous reverrons la rédaction en séance publique. En tout cas, nous ne pouvons pas prendre pour base la nouvelle rédaction de l’article 23, compte tenu des fortes incertitudes sur le plan juridique.

M. le président François Brottes. Nous avons besoin de réponses claires de la part du Gouvernement sur ce point.

M. Martial Saddier. Chers collègues de la majorité, vous débattez de ces amendements entre vous depuis près de trente minutes ! En l’absence de Mme la ministre, la sagesse voudrait que vous renvoyiez cette discussion à la séance publique et que vous obteniez des éclaircissements. Veuillez nous excuser de nous mêler de vos affaires !

Mme Cécile Duflot. Ce sont les affaires de la France, monsieur Saddier !

M. Julien Aubert. Cela fait toute de même deux ans que vous préparez ce projet de loi !

M. le président François Brottes. La nouvelle rédaction de l’article 23 et celle qui est proposée dans les amendements posent l’une et l’autre problème. Il serait en effet plus sage de retirer les amendements et de les déposer à nouveau en vue de la séance publique, afin que le Gouvernement puisse apporter les clarifications nécessaires.

M. Denis Baupin. Je maintiens mon amendement : c’est la proposition du gouvernement qui devrait être retirée.

M. Martial Saddier. Nous sommes tout à fait favorables au retrait du texte ! (Sourires.)

M. Denis Baupin. Je rejoins Mme Duflot : par sécurité, il vaut mieux s’en tenir à la version du code de l’énergie actuellement en vigueur. Or mon amendement permet justement d’y revenir. Je suggère donc de l’adopter.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je maintiens également mon amendement.

La Commission rejette les amendements CS1305 et CS1539.

L’amendement CS1240 est retiré.

La Commission en vient aux amendements identiques CS1931 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS2094 de M. Philippe Plisson.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’éventuelle suppression, à l’avenir, d’une catégorie d’installation au sein de la liste des installations qui bénéficient de l’obligation d’achat entraînera une incertitude juridique nouvelle, alors même que ce projet de loi vise à promouvoir le développement des énergies renouvelables. La nouvelle disposition introduite par l’article 23 ne doit pas conduire à un risque juridique inconsidéré pouvant augmenter la durée de développement des projets d’énergies renouvelables, déjà très longue en France en raison de l’instabilité du cadre juridique. Dès lors, il est indispensable de prévoir un délai suffisant pour que les installations puissent s’adapter aux nouvelles règles. Aussi, l’article 23 devrait préciser que les contrats en cours ne seront pas affectés par le changement de régime. Toutefois, l’amendement ne préjuge pas de la capacité du pouvoir réglementaire à supprimer, modifier ou réduire les mécanismes de soutien par voie d’arrêté, l’obligation d’achat étant plus large.

M. Philippe Plisson. Mon amendement est défendu.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ces amendements auraient toute leur pertinence dans le cas où un projet ou une proposition de loi viserait à supprimer une catégorie d’installation. Or, en l’espèce, aucune catégorie n’est supprimée par le projet de loi. Du reste, ces amendements n’empêcheraient pas qu’une catégorie soit supprimée à l’avenir. Je ne vois donc pas leur utilité. Avis défavorable.

M. Serge Letchimy. Cet amendement présente une solution pour gérer l’incertitude, situation qu’a connue la filière photovoltaïque. Celle-ci a été déstabilisée par des décisions successives qui ne laissaient pas le temps aux acteurs de s’organiser. L’amendement propose une période transitoire d’un an pour permettre à certains opérateurs de trouver une porte de sortie honorable.

Cette période transitoire est indispensable. Compte tenu des mutations à venir, les filières peuvent être confrontées à de graves difficultés.

M. le président François Brottes. Il est prévu d’instaurer un autre dispositif que l’obligation d’achat. Si le choix entre les deux mécanismes est fixé par des dispositions réglementaires, l’amendement est pertinent. En revanche, si ce choix appartient à l’opérateur, il ne faut pas que celui-ci lui soit interdit pendant la période transitoire instaurée par l’amendement. Il faut préserver les contrats existants sans empêcher le producteur qui le souhaite d’évoluer.

M. Jean-Paul Chanteguet. M. Letchimy livre une bonne interprétation. L’amendement prévoit une période de sécurité d’un an pendant laquelle l’obligation d’achat demeure en cas de suppression d’une catégorie d’installations de la liste.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Votre crainte d’une modification des contrats en cours est infondée car le projet de loi prévoit le maintien des contrats en cours.

Votre amendement n’a d’intérêt que s’il y a une volonté de supprimer une filière, ce qui n’est nullement l’intention du projet de loi.

M. le président François Brottes. Il ne vaut que pour les nouveaux entrants dans une filière puisque les contrats en cours ne sont pas affectés.

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement évoque bien le cas de la suppression d’une catégorie d’installations.

M. Julien Aubert. Je suis dubitatif car M. Chanteguet a alternativement fait référence aux catégories d’installations qui sont déterminées par la loi et à la liste des installations qui est définie par décret. Quant à Mme la rapporteure, elle évoque les filières.

M. le président François Brottes. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous retrouver. L’évolution des modalités de rémunération des énergies renouvelables suscite en effet de nombreuses questions : qu’advient-il pour les contrats en cours ? Que se passe-t-il jusqu’à la publication du décret ? Quid des filières soumises aux nouvelles modalités de financement ? Enfin, dès lors que les listes fermées d’installations relèvent désormais du décret et plus de la loi, y a-t-il un risque de voir certaines installations supprimées ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Je m’interroge sur les conséquences sur le contrat d’achat de la suppression d’une catégorie de la liste et sur l’incertitude qui pourrait en résulter.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En premier lieu, les modifications ne sont pas applicables aux contrats en cours. La sécurité juridique est donc garantie pour les installations existantes.

En second lieu, les règles européennes sur les aides d’État fixent une obligation de compatibilité entre les différentes énergies à partir du 1er janvier 2016 sous peine d’illégalité.

Je n’étais pas demandeuse d’une transition aussi rapide mais le risque d’une annulation consécutive à un contentieux européen crée une instabilité juridique forte qui favorise des anticipations négatives peu propices au développement des installations et à la rentabilisation des énergies renouvelables.

Je vous suggère de retirer l’amendement puisque vous êtes assuré d’un maintien des contrats en cours. En outre, je souhaite associer les parlementaires à la concertation que je vais engager rapidement pour définir des règles permettant d’être opérationnel au 1er janvier 2016.

J’indique, par ailleurs, que toutes les installations demeureront soutenues, à un niveau qui sera déterminé par la concertation. Eu égard aux contraintes européennes, nous devons établir des règles claires qui garantissent une visibilité juridique aux filières d’énergies renouvelables.

Paradoxalement, votre proposition d’instaurer une période transitoire crée de l’incertitude juridique. Je le répète, les contrats en cours ne sont pas remis en cause.

M. Denis Baupin. Vous rappelez à bon escient qu’il n’y a pas de rétroactivité. L’amendement de M. Chanteguet donne une période d’un an entre la décision et son application pour permettre aux filières de s’adapter. Les professionnels ont bien compris que le dispositif était voué à évoluer. Mais les inquiétudes portent sur le glissement de l’obligation d’achat au complément de rémunération et ses modalités d’application

Selon mon analyse, la directive européenne s’applique à tout nouveau dispositif entrant en vigueur après le 1er janvier 2016. En revanche, elle n’impose pas une mise en conformité au 1er janvier 2016 d’un dispositif existant.

Donner un an aux acteurs de la filière pour s’adapter au passage du tarif d’achat au complément de rémunération ne me paraît pas scandaleux. Au contraire, c’est une précaution qui peut s’avérer utile.

Mme la ministre. Je comprends vos questions car je me les suis posées également.

Nous avons intérêt à nous préparer dans la perspective de la date butoir du 1er janvier 2016 car les opérateurs s’interrogent sur les règles à venir. Nous disposons d’une certaine liberté pour arrêter les règles applicables car je n’ai pas notifié les dispositifs à la Commission, sauf pour l’éolien, précisément pour nous laisser le temps de les préparer.

D’ici à la fin de l’année, nous devons organiser la concertation avec les filières sur un dispositif afin qu’elles puissent se projeter en 2016. On pourrait parler de période transitoire mais cette expression déstabilise les opérateurs économiques qui ne retiennent que son caractère provisoire.

Nous avons trop subi les changements de pied sur le prix du photovoltaïque qui ont provoqué la ruine de certaines entreprises. Dans le processus de transition énergétique, nous ne pouvons plus nous permettre de laisser les filières industrielles dans l’incertitude.

Je propose que nous travaillions ensemble sur le dispositif et la concertation pour être prêt au 1er janvier 2016 et faire les notifications au premier semestre 2015.

M. Julien Aubert. Je souhaite dissiper un doute. L’amendement de M. Chanteguet renvoie à la liste des installations établie par décret alors que les filières de production relèvent de la loi. Il serait bon de préciser à quoi renvoie l’expression de catégories d’installation.

Mme la ministre. La loi détermine les filières alors que le décret définit les catégories d’installation.

M. Julien Aubert. Et s’il y a la volonté de supprimer une filière ?

Mme la ministre. Il faut modifier la loi. J’espère néanmoins que d’ici là, les filières seront montées en puissance.

La difficulté tient à ce que nous sommes dans une phase intermédiaire qui correspond à la transition. Il nous faut trouver des règles suffisamment astucieuses pour que le système continue de se développer – que les prix du renouvelable baissent, que la rentabilité augmente, sans abandonner le soutien. C’est la raison pour laquelle nous accélérons les appels à projets. Ces derniers doivent contribuer à sécuriser les filières en offrant des marchés solvables.

M. Jean-Paul Chanteguet. Si, au 1er janvier 2015, la liste des installations bénéficiaires du tarif d’achat est modifiée, le basculement vers le complément de rémunération est-il immédiat ?

Mme la ministre. Oui. Mais il ne concerne pas les contrats en cours.

M. Jean-Paul Chanteguet. Dans ce cas, la question de la période transitoire ne se pose pas. Je retire donc mon amendement.

M. le président François Brottes. Il semble que le nouveau mécanisme de complément de rémunération s’applique à une partie des opérateurs en fonction de leur niveau de production. Pourtant, certains opérateurs que nous avons auditionnés réclament la possibilité de choisir entre les deux mécanismes. Ce choix existera-t-il ?

Mme la ministre. Cette question sera abordée dans la préparation du décret sur les catégories d’installations pour laquelle, je le redis, je souhaite la création d’un groupe de travail avec les parlementaires. Nous sommes en discussion avec les filières pour que le décret soit le plus adapté possible.

Le développement des énergies renouvelables a été marqué par la spéculation et les aléas juridiques.

Il faut en finir avec la spéculation et trouver le juste prix au regard de la transition énergétique. Ce prix doit garantir des marges de rentabilité sans encourager la spéculation. Il s’agit de définir un nouveau modèle économique et financier pour favoriser la montée en puissance des énergies renouvelables, sans créer de distorsions de concurrence ou de rentabilité ou de bulle spéculative. C’est le décret qui le précisera en actant les prix catégorie par catégorie.

M. le président François Brottes. Nous retenons l’idée que des membres de la commission participent aux travaux sur le décret.

Un dernier point, le maintien des contrats en cours peut gêner un opérateur qui souhaiterait changer de système. Peut-on envisager un droit d’option ?

Les amendements CS1931 et CS2094 sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS1541 de M. Denis Baupin qui fait l’objet d’un sous-amendement CS2418 de la rapporteure.

M. Denis Baupin. Les dispositifs de soutien aux filières d’énergies renouvelables sont appelés à évoluer, au gré notamment de la variation des coûts de fabrication.

L’amendement précise que chaque évolution des dispositifs d’aide est précédée d’une concertation avec les acteurs de la filière concernée, incités à se réunir dans un comité de filière, même si la décision appartient à l’État et à la collectivité en dernier ressort.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’idée est intéressante mais les comités de filière ne sont pas toujours représentatifs. C’est la raison pour laquelle le sous-amendement que je propose préfère les termes « d’instances représentatives » à ceux de « comité de filière », d’autant que certaines filières sont dépourvues de comité.

M. Denis Baupin. Il n’existe aucun comité de filière. L’amendement a précisément pour objet d’encourager leur constitution.

Quant au sous-amendement, certaines filières comptent plusieurs organisations qui ne sont pas représentatives quand d’autres ne disposent d’aucune instance représentative. Le texte prescrirait donc à toutes les filières de se doter d’instances représentatives. Ma solution me semble plus souple. Les organismes représentatifs peuvent également être inter-filières : le syndicat des énergies renouvelables a ainsi vocation à faire partie de chaque comité de filière.

Mme la ministre. La question est de savoir si l’on consulte les filières ou si l’on crée des comités de filière. Au bout de cinq mois, je constate que ces filières sont assez structurées, qu’elles sont représentées au Conseil supérieur de l’énergie et qu’elles sont consultées par la Commission de régulation de l’énergie. Nous risquons de perdre un temps fou à créer des organismes nouveaux – arrêter leur statut et organiser l’élection de leurs présidents – et d’entrer dans un mécanisme généralisant alors que chaque filière s’est organisée en fonction de son profil : biomasse, éolien, compteurs intelligents, etc.

Nous pouvons déjà consulter les filières telles qu’elles existent, sans créer de bureaucratie intermédiaire, puis les inciter à mettre en place ce type de comités dans l’année à venir. Cela étant, il me semble difficile d’imposer une structure d’organisation à des industriels : c’est un peu lourd et inédit hors énergies renouvelables ; cela ne relève pas de la loi ; c’est contre-productif parce qu’elles sont déjà organisées et que l’on a besoin de nouer rapidement la concertation avec elles.

M. Julien Aubert. Spontanément, j’aurais pensé que l’État préférerait des relations un peu flexibles avec les filières pour s’adapter aux évolutions. Si l’on se met à institutionnaliser la concertation autour d’un thème un peu vague – les évolutions du dispositif de soutien – on risque d’être obligé de réunir le comité de filière à chaque modification de virgule et de s’embourber dans la réunionite. Un subtil équilibre est à trouver, partant de ce qui devrait être une évidence : l’administration travaille avec les filières. Je mets en garde mes collègues sur ce type d’amendement.

M. Martial Saddier. Mme la ministre a appelé plusieurs fois à l’audace, à l’initiative, à la simplification et à l’efficacité. Recréer des structures tous azimuts ne me semble pas aller dans le sens de l’efficacité énergétique.

M. Denis Baupin. En tant que vice-président du Conseil supérieur de l’énergie, je précise qu’il y a, en tout et pour tout, un représentant de toutes les filières de l’énergie renouvelable dans cette instance. Le groupe de travail « énergies renouvelables » s’est réuni une seule fois, il y a deux ans, pour entendre la présentation d’un rapport de la direction générale de l’énergie et du climat. Madame la ministre, vous pouvez donner les consignes nécessaires pour qu’il soit activé.

Le fait de réunir tous les acteurs dans un comité de filière rendra leur consultation plus aisée ; cela permettra aussi qu’ils s’habituent à travailler ensemble, en complémentarité et non pas toujours en concurrence. Lors de l’attribution du dernier contrat sur appel d’offres pour l’éolien offshore, vous avez d’ailleurs incité tous les constructeurs à venir, même les perdants, pour qu’ils se sentent tous partie prenante de la même équipe France. Nous avons intérêt à ce que, gros ou petits, ils se sentent plus complémentaires que porteurs d’intérêts divergents.

J’entends votre engagement à concerter en amont des décisions et j’accepte le sous-amendement de Mme la rapporteure.

M. le président François Brottes. Il faut aussi définir le périmètre de la filière. Intègre-t-on le stockage ? Le consommateur qui paie la contribution au service public de l'électricité est-il associé à la réflexion sur le soutien ? Le périmètre que vous retenez est celui de la filière de production d’énergie renouvelable, n’est-ce pas ?

M. Denis Baupin. Pour cette concertation, oui. Mais pour la CSPE, les consommateurs sont davantage associés que les producteurs.

La Commission adopte le sous-amendement CS2418, sur lequel le Gouvernement a émis un avis favorable.

Puis, elle adopte l’amendement CS1541 ainsi sous-amendé.

La Commission en vient à l’amendement CS674 de Mme Catherine Troallic.

M. Christophe Bouillon. Il faut accompagner les énergies marines dont chacun connaît le potentiel et ce qu’il représente pour la France. Cet amendement vise à la publication d’un arrêté tarifaire spécifique aux démonstrateurs industriels et aux fermes pilotes, car c’est le seul moyen de consolider la filière.

Mme la ministre. Je félicite les élus qui se mobilisent pour les fermes pilotes et les énergies marines mais je crois que cet amendement est satisfait : le code de l’énergie prévoit déjà que les énergies marines renouvelables puissent bénéficier d’un tarif d’achat, ce qui est de nature réglementaire.

Par ailleurs, le code de développement des énergies renouvelables en mer est soutenu par l’État via des dispositifs spécifiques comme les manifestations d’intérêt et les appels d’offres, qui permettent de tenir compte de la dimension d’intérêt général de ces projets. Ceux-ci doivent absolument être soutenus en phase de démarrage, notamment par des aides à la recherche dans le cadre des investissements d’avenir. Les processus de rentabilité privés ne permettraient pas l’investissement dans la recherche et le développement, un domaine où le retour sur investissement est un peu long.

Instaurer un tarif d’achat spécifique reviendrait à afficher des distorsions dans la loi, alors que les énergies renouvelables méritent toutes d’être soutenues en fonction de leur configuration et de la masse des investissements nécessaires qui diffèrent d’une énergie à l’autre. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

L’amendement CS674 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1878 de Mme Ericka Bareigts et CS 742 de M. Daniel Fasquelle.

Mme Ericka Bareigts. J’ai présenté un rapport sur la situation énergétique dans les Outre-mer devant la Commission des affaires économiques et la Commission spéciale ; Serge Letchimy a fait de même devant la délégation des Outre-mer.

Nous avons pu mettre en évidence que le coût de production des installations des énergies renouvelables dans nos territoires était plus élevé que dans l’Hexagone. Ce surcoût s’explique par différents facteurs : les coûts de raccordement, notamment en Guyane où le territoire est immense ; la prise en compte de conditions cycloniques et sismiques ; la prise en compte du seuil de 30 % à partir duquel EDF-Systèmes énergétiques insulaires (SEI) déconnecte les installations. Pour toutes ces raisons, il est difficile de développer suffisamment les énergies renouvelables dans nos territoires.

Cet amendement propose deux principes nouveaux : l’avis des présidents des collectivités – région, département ou collectivité, selon les statuts des territoires – pourra être sollicité dans la procédure de fixation des tarifs d’achat spécifiques aux zones non interconnectées ; lorsque le développement d’une filière est inférieur aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, un droit d’alerte permettra aux collectivités de solliciter l’expertise de la Commission de régulation de l'énergie qui se prononcera sur l’adéquation entre le tarif d’achat et le coût de production des installations. Il s’agit de trouver des solutions pour redynamiser ces énergies renouvelables dans nos territoires.

M. Martial Saddier. Nous voulions collectivement féliciter Mme Bareigts pour les travaux qu’elle a réalisés avec notre collègue Fasquelle. L’amendement CS742 est donc défendu.

Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement de Mme Bareigts dont je salue le travail tout à fait remarquable sur les énergies dans les Outre-mer. Compte tenu des spécificités de chaque territoire, les tarifs d’achat uniques fixés pour toutes les zones non interconnectées peuvent conduire soit à des taux de rentabilité excessifs et des risques d’emballement, soit à des taux de rentabilité trop faibles et un développement limité de ces énergies. La possibilité de fixer des tarifs par zone non interconnectée est donc un principe tout à fait pertinent.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis. Cet amendement a trouvé un bon équilibre, suite aux recommandations du rapport de Mme Bareigts et de M. Fasquelle.

L’amendement CS742 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1878.

La Commission est saisie de l’amendement CS1869 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il faudrait clarifier les dispositions concernant la garantie d’origine pour les électricités vertes. Actuellement, le bénéfice de la garantie d'origine est transféré à l’acheteur, c'est-à-dire à EDF ou aux entreprises locales de distribution. Dans le cadre du complément de rémunération qui va être créé, la question de cette garantie d’origine et de son attribution se pose. Sachant qu’il y a un marché pour les électricités vertes, autant inciter à cette valorisation et faire en sorte qu’elle vienne en déduction de ce qui incombe à la solidarité nationale via la CSPE.

Nous proposons d’indiquer clairement dans la loi la répartition de la garantie d’origine : la part qui restera au producteur et celle qui sera déduite du complément de rémunération. Cette proposition s’inspire du dispositif existant pour le biométhane.

Mme la ministre. Avis favorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Si je trouve l’idée pertinente, je pense qu’elle se heurte à une difficulté : la fixation de la nature du complément de rémunération est réglementaire. En fonction de la forme qu’elle prendra et qui reste à définir, ex ante ou ex post, cet amendement risque de poser des problèmes de compatibilité. Il vaudrait mieux que ce soit au décret, pris en Conseil d’État et organisant le complément de rémunération, de préciser les modalités de bénéfice des garanties d’origine et, plus généralement, toutes les modalités visant à redynamiser le marché des garanties d’origine.

Mon amendement CS2187 va dans ce sens. Dans le cas du biométhane que vous citez, le régime de ces garanties d’origine est bien réglementaire. Il est fixé par le décret du 21 novembre 2011 relatif aux garanties d’origine du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel. Je vous invite à vous rallier à l’amendement CS2187 à l’alinéa 12.

Cet amendement vise à insérer « la valorisation par les producteurs des garanties d’origine » après le mot « produite », dans cet alinéa 12. Il s’agit de prévoir que la valorisation sur le marché des garanties d’origine – qui certifient la provenance verte de l’électricité produite – soit comprise dans le calcul du complément de rémunération pour les producteurs, de la même manière que c’est le cas actuellement pour EDF, en matière d’obligation d’achat.

M. Denis Baupin. L’amendement de Mme la rapporteure ne clarifie pas la répartition : qui va bénéficier de la valorisation de la garantie d’origine ? Y a-t-il un partage entre l’acheteur et le producteur comme le prévoit mon amendement ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ce sera précisé dans le décret, en fonction de la forme que prendra la prime.

Mme la ministre. Tout en vous donnant satisfaction, l’amendement de Mme la rapporteure est plus global : le complément de rémunération tient compte de l’ensemble des recettes possibles de l’installation, notamment des garanties d’origine, et le décret offre plus de marge de manœuvre. Je me rallie donc à l’amendement de Mme la rapporteure.

M. Denis Baupin. Mme la ministre préfère un amendement qui laisse la main au Gouvernement ; je préfère le mien qui indique dans la loi qu’une partie de la valorisation revient au producteur, de façon à faire émerger un véritable marché des garanties d’origine qui dynamise la production d’électricité verte.

M. le président François Brottes. L’amendement de Mme la rapporteure prévoit une reconnaissance des garanties d’origine qui conduit au même résultat.

Mme la ministre. Le pouvoir réglementaire agit en partenariat avec le Parlement. Il faut de la souplesse pour mener les concertations et mettre en place un nouveau modèle énergétique dont nous n’avons pas encore mesuré tous les effets induits. Des dispositions législatives nous obligeraient à revoir la loi pour nous adapter à un système économique qui va bouger en fonction des nouvelles règles adoptées. Nous avons donc intérêt à avoir un système ouvert et ajustable par règlement.

M. Denis Baupin. L’amendement de Mme la rapporteure va conduire à un dispositif identique à celui qui existe actuellement : il y aura non pas un marché des garanties d’origine mais simplement une déduction de la garantie d’origine de la part du complément de rémunération, c'est-à-dire un système complètement fermé. Je maintiens donc mon amendement qui est plus pertinent que celui-ci.

Mme la ministre. Vous regrettez que l’amendement de Mme la rapporteure ne prévoie pas que le producteur bénéficie du complément de rémunération ? Il est prévu que lorsqu’une garantie d’origine est vendue, une part de la recette fixée par décret vient en déduction du complément de la rémunération versée au producteur. De fait, c’est le producteur qui bénéficie de la garantie d’origine.

M. Denis Baupin. Actuellement, les garanties d’origine vont à EDF et pas au producteur. Comme elles sont déduites de la CSPE, il n’y a aucune possibilité de créer un marché incitatif en faveur de l’électricité verte. La répartition de cette garantie d’origine entre le producteur et l’acheteur permettrait de créer un marché. Si l’amendement peut être amendé dans ce sens, je ne vois pas d’objection à l’adopter plutôt que le mien.

M. le président François Brottes. Comme l’amendement de Mme la rapporteure sera examiné plus tard, je vous propose de retirer le vôtre et d’échanger avec elle pour que votre préoccupation soit prise en compte.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Cette valorisation se fait dans le cadre des obligations d’achat pour EDF et des compléments de rémunération pour les producteurs qui peuvent vendre où ils veulent. La différence se situe là.

M. Denis Baupin. Dans votre exposé sommaire, vous semblez vous caler sur les dispositifs existants puisque vous écrivez « de la même manière que c’est le cas aujourd’hui ». Cette écriture laisse à penser que le dispositif est le même. Cela étant, je retiens la proposition du président : je veux bien retirer mon amendement et voir comment le vôtre peut être complété.

L’amendement CS1869 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1903 de M. Jacques Krabal.

M. Joël Giraud. Dans le cadre d'une vente sous le régime du tarif d'achat, la garantie d'origine ne peut être demandée que par l'acheteur obligé qui, s'il la valorise, se voit retirer la totalité de cette vente du montant de CSPE qu'il recevra. Il n'y a donc aucun marché des garanties d’origine pour les installations sous contrat d'achat.

Dans le cadre du complément de rémunération, le bénéficiaire potentiel des garanties d’origine doit être défini et l'utilisation du produit de son éventuelle vente doit être déterminée. À l'exemple de ce qui se fait sur le biométhane, il serait juste que la garantie d’origine soit rendue disponible pour tout acheteur et que les recettes liées à sa vente soient partagées entre la collectivité qui a payé pour le surcoût vert via la CSPE et l'acteur de marché qui vendra cette garantie.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait puisque les producteurs d’électricité renouvelable qui bénéficient d’un complément de rémunération conservent le bénéfice des garanties d’origine.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

L’amendement CS1903 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1653 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Actuellement, l’assiette de l’indemnité forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et le tarif d’obligation d’achat reposent sur la notion de puissance installée. Or, il arrive qu’une machine fonctionne à un régime différent de celui pour lequel elle a été conçue, pour différentes raisons : bridage, contrainte réglementaire telle que l’augmentation des débits réservés pour l’hydroélectricité, etc. La base de calcul est donc plus théorique que réelle. Au lieu de se référer à la puissance installée, je propose de retenir la notion de puissance active maximale injectée au point de livraison.

Mme la ministre. C’est une bonne idée. Avis favorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Votre idée est pertinente car elle permettra de réduire le nombre élevé des fraudes. Cependant, il appartiendra au pouvoir réglementaire, notamment dans les arrêtés tarifaires, d’encadrer correctement cette évolution législative. J’émets un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS1653.

La Commission examine l’amendement CS1862 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Nous en revenons à la question de l’acheteur de l’électricité. Vous avez rappelé la position du président de RTE, monsieur le président, mais c’est à nous qu’il revient de décider de l’organisation. À l’étranger, le plus souvent, c’est l’entreprise équivalente à RTE qui achète.

Quelle est la position du Gouvernement ? L’ouverture de l’achat à d’autres acteurs, comme Enercoop, vous paraît-elle possible ?

Mme la ministre. La multiplication des structures de gestion ne me paraît pas une bonne idée, car elle ferait sans doute grimper les frais. EDF OA (EDF Agence Obligation d’achat) dispose de l’expérience et de la logistique nécessaires, et c’est un interlocuteur connu de tous. De plus, votre solution impliquerait un risque social, puisqu’il y aurait nécessairement un transfert de personnel d’EDF vers RTE.

Il me semble qu’il serait préférable de contrôler plus étroitement les tarifs pratiqués par EDF OA. C’est le rôle de la puissance publique.

Je demande le retrait. Mais la question est importante.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Sur le fond, il serait intéressant de confier à un acteur indépendant du marché la gestion des compléments de rémunération – idéalement, la puissance publique s’en chargerait. Mais RTE n’a ni les moyens, ni les compétences pour effectuer une telle mission.

M. Denis Baupin. La question des frais de gestion doit effectivement être prise en considération. Mais les acteurs publics ne sont pas les seuls ; certains acteurs privés, comme Enercoop, sont prêts à entrer sur ce marché.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission examine les amendements identiques CS1341 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS831 de M. Julien Aubert, CS1654 de M. Joël Giraud et CS1542 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Paul Chanteguet. Cet amendement propose l’établissement obligatoire de périodes de transition entre les différents mécanismes de rémunération. Anciens et nouveaux dispositifs fonctionneraient en même temps pendant une période de quatre années au moins.

M. Julien Aubert. C’est une proposition sensée.

Mme la ministre. L’objectif du syndicat des énergies renouvelables est de mettre en œuvre le complément de rémunération lorsque les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) auront été atteints, en prévoyant une période de maintien de l’obligation d’achat : c’est important pour la rentabilité et la sécurité.

Mais les règles européennes sur les aides d’État sont strictes et nous contraignent à mettre en œuvre le complément de rémunération dès le 1er janvier 2016 pour certaines catégories d’installation. Les objectifs de la PPI étant fixés à l’horizon 2020, les aides d’État seront illégales de 2016 à 2020. Or il est crucial pour nous d’éviter l’insécurité juridique à cette filière qui en a déjà beaucoup trop souffert.

C’est à coup sûr une question essentielle, mais je demande le retrait de ces amendements.

M. Julien Aubert. Vous avez voulu fixer des objectifs très ambitieux en matière d’énergies renouvelables, quand nous vous proposions d’adopter une trajectoire plus pragmatique, conforme au rythme naturel de l’évolution. Mais ici, le Gouvernement est pris dans ses contradictions, puisque le développement des énergies renouvelables pourrait même être freiné par l’évolution des mécanismes de soutien financier.

M. Denis Baupin. Cette question n’est pas tout à fait claire. Il me semble avoir compris qu’à partir de 2016, nos règles devront être conformes aux lignes directrices si nous opérons des changements. En revanche, nous ne serions pas dans l’obligation de les modifier toutes au 1er janvier 2016 : celles déjà en place pourraient continuer d’exister. Il n’y a pas de couperet, et j’ai d’ailleurs cru comprendre que cette situation était le résultat d’une négociation réussie.

Cet amendement me semble donc pertinent, travaillé par des gens qui, certes, défendent leur filière, mais qui en connaissent la situation juridique.

Mme la ministre. Non, pas du tout. Aujourd’hui, nos dispositifs sont illégaux, car le précédent Gouvernement a omis, pour des raisons que j’ignore, de les notifier à Bruxelles. L’échéance du 1er janvier 2016 est donc impérative, sinon toutes les aides d’État deviendront illégales et seront condamnées.

M. Denis Baupin. Ne suffirait-il pas de notifier nos dispositifs pour que nous puissions les conserver au-delà de 2016 ?

Mme la ministre. Non. Les aides ne sont plus conformes, il n’y a aucun doute là-dessus. Le risque de catastrophe économique est réel. Je vous propose une réunion pour faire le point sur ces questions techniques.

M. le président François Brottes. Merci, madame la ministre : il est important que les acteurs de la filière sachent exactement ce qu’il en est.

M. Martial Saddier. Il ne faut surtout pas reproduire les oscillations brutales de prix des dernières années. Mais il faut aussi rassurer tous les acteurs, opérateurs comme investisseurs : laisser le doute s’insinuer serait très dangereux.

M. Denis Baupin. Il faut savoir exactement ce qu’il en est. L’interprétation juridique des règles européennes qui m’a été donnée est qu’il serait possible de notifier nos aides actuelles jusqu’au 1er janvier 2016. C’est un sujet qui mérite d’être travaillé.

M. Jean-Paul Chanteguet. Les professionnels sont inquiets : il faut leur prêter la plus grande attention et les rassurer, par exemple en étudiant des mécanismes transitoires.

Mme Frédérique Massat. Il faut, je crois, écouter la parole du Gouvernement. Nous pouvons nous fier à cette expertise, qu’il serait dangereux de remettre en cause.

M. le président François Brottes. Mme la ministre ne parle pas au nom d’un cabinet de conseil, monsieur Baupin ; sa parole engage l’État et, ici, les mots sont graves. Elle a été très claire. Chacun souhaite mettre au point des solutions robustes et durables.

Les amendements sont retirés.

La Commission se saisit de l’amendement CS723 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet amendement porte sur les entreprises locales de distribution d’électricité (ELD).

Mme la ministre. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de Mme la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine alors les amendements identiques CS318 de M. Jean-Jacques Cottel, CS1307 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1544 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Jacques Cottel. Veuillez excuser mon absence de tout à l’heure, monsieur le président : j’accueillais à Arras M. le Premier ministre et M. le secrétaire d’État aux transports. J’ai été ravi d’apprendre que les travaux du canal Seine-Nord Europe allaient être lancés dès 2017.

Mon amendement CS318 propose de supprimer le renvoi à un décret de la liste des implantations pour lesquelles EDF est tenue de conclure un contrat de complément de rémunération. Cette liste est aujourd’hui inscrite dans la loi ; un décret serait source d’incertitude juridique.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable, comme plus haut à l’alinéa 2.

Les amendements sont retirés.

La Commission se saisit de l’amendement CS777 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à souligner l’importance des tiers agrégateurs, en s’inspirant de ce qui se fait en Allemagne, où le marché de l’agrégation a connu une forte croissance.

Mme la ministre. Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par la rédaction actuelle, qui permet déjà le recours aux agrégateurs.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

M. Julien Aubert. Il me semblerait préférable de mentionner explicitement les agrégateurs.

Mme la ministre. Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Cette mention serait superflue.

L’amendement est retiré.

La Commission examine alors l’amendement CS1981 de M. Jacques Krabal.

M. Joël Giraud. EDF, comme gestionnaire du complément de rémunération, a accès à des informations confidentielles sur ses concurrents, producteurs ou acheteurs. Cette entreprise se trouve dans une position dominante et, dès lors, il y a un risque d’abus et de contentieux. Nous proposons donc que la gestion du complément de rémunération soit confiée à un organisme indépendant.

Mme la ministre. Avec le complément de rémunération, le producteur vend directement son électricité au consommateur ; il n’a pas à passer par EDF. Les risques de distorsion de concurrence sont donc très limités.

Le Gouvernement estime préférable qu’EDF conserve la gestion des contrats. En effet, EDF a des coûts de gestion qu’aucun autre opérateur ne pourrait approcher : vouloir réduire le coût de gestion en confiant ces contrats à une autre entité qu’EDF est une illusion. Or il faut éviter l’augmentation du prix pour le consommateur final. Ne vous y trompez pas, EDF serait tout à fait d’accord pour cesser de gérer ces contrats, qui pour eux sont plutôt une charge !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable, d’autant que votre amendement qui définissait les contours de cet organisme indépendant n’a pas passé la barrière de l’article 40.

M. le président François Brottes. EDF, je le souligne, a l’obligation de fournir une part significative de sa production nucléaire historique à des clients qu’il ne choisit pas, et à un prix qu’il ne fixe pas. C’est une situation très mal vécue par EDF.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS319 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1545 de M. Denis Baupin, les amendements identiques CS1546 de M. Denis Baupin et CS1655 de M. Joël Giraud, les amendements CS776 de M. Julien Aubert, CS1549 de M. Denis Baupin et CS1979 de M. Jacques Krabal, les amendements identiques CS1340 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1656 de M. Joël Giraud et CS1548 de M. Denis Baupin, et l’amendement CS1547 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Jacques Cottel. Mon amendement CS319 vise à sécuriser les conditions dans lesquelles les installations de production passeront d’un contrat d’obligation d’achat au mécanisme du complément de rémunération.

Mme la ministre. Avis favorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS319.

En conséquence, tous les autres amendements en discussion commune tombent.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS312 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1550 de M. Denis Baupin, et l’amendement CS2187 de la rapporteure.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS312 est défendu.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1550 l’est aussi.

Mme la ministre. Ces amendements ont pour objectif de fonder le complément de rémunération sur l’électricité produite. C’est déjà l’un des paramètres, mais il ne faut pas oublier les autres : rémunération de la chaleur, garanties d’origine ou modulation en fonction de l’autoconsommation. Je suggère donc le retrait de ces amendements.

Mme la rapporteure. Même avis : les amendements réduisent le champ des recettes.

M. Jean-Jacques Cottel. Je retire mon amendement.

M. Denis Baupin. Mon amendement vise aussi à interroger le Gouvernement sur le fait de savoir si le dispositif de prime est ex ante ou, comme cela semble être le cas, ex post. D’après le président de la CRE, c’est le dispositif ex post qui sécurise le plus les constructeurs, donc réduit les frais financiers et finalement les coûts pour la collectivité. Le texte laisse le champ ouvert, mais il serait bon que le Gouvernement précise ce qui lui semble être le plus pertinent.

Mme la ministre. Le plus pertinent est bien entendu le dispositif ex post, pour peu qu’il intègre l’ensemble des paramètres de la rémunération : le décret le précisera.

M. Denis Baupin. Au bénéfice de cette réponse, je retire mon amendement.

Je suggère d’autre part de rectifier l’amendement CS2187 de la rapporteure, pour insérer, après le mot : « valorisation », les mots : « , par les producteurs, ».

Mme  Marie-Noëlle Battistel. rapporteure. Je suis d’accord.

Mme la ministre. Avis favorable à cette rectification.

La Commission adopte l’amendement CS2187 ainsi rectifié.

Les amendements CS312 et CS1550 sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS2023 de M. Denis Baupin et CS460 de M. Jean-Jacques Cottel.

M. Denis Baupin. Mon amendement est défendu.

Mme la ministre. Cet amendement, qui vise à prendre en compte dans le complément de rémunération les charges supplémentaires liées aux responsabilités d’équilibre, est satisfait par l’alinéa 11 de l’article.

M. Denis Baupin. En ce cas je le retire.

M. Jean-Jacques Cottel. Mon amendement CS460 vise à prendre en compte dans le complément de rémunération le coût induit par la responsabilité d’équilibre pesant sur chaque filière.

Mme la ministre. Il est également satisfait par l’alinéa 11.

M. Jean-Jacques Cottel. Je le retire aussi.

Les amendements CS2023 et CS460 sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS1420 de M. Victorin Lurel.

Mme Ericka Bareigts. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Cet amendement est d’importance, puisqu’il vise à prendre en compte dans le complément de rémunération les charges spécifiques aux zones interconnectées. Avis favorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis. La production d’énergies renouvelables en outre-mer est soumise à des contraintes spécifiques, susceptibles de renchérir le coût de production des installations.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS2137 de la rapporteure.

Elle se saisit ensuite des amendements identiques CS313 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1551 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS313 est défendu.

M. Denis Baupin. Le terme « raisonnable », appliqué à la valorisation des capitaux, me semble juridiquement incertain. Fixer un niveau par voie réglementaire serait plus sécurisant.

Mme la ministre. L’expression de « rémunération raisonnable » est déjà définie par la Commission européenne, qui jugera, filière par filière, si le dispositif de soutien est compatible avec le régime des aides d’État. Fixer une rémunération par décret, via un mécanisme indiciaire, serait inapplicable ; mais nous veillerons à ce que le dispositif de soutien soit compatible avec les aides d’État, afin d’assurer une rémunération correcte. Je suggère donc le retrait de l’amendement.

Mme  Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis : le projet doit avoir une rentabilité normale si l’on veut éviter une nouvelle bulle, comparable à celle du photovoltaïque.

M. Denis Baupin. Je ne pense pas que mon amendement aurait créé une bulle, mais je le retire.

M. Jean-Jacques Cottel. Je retire le mien également.

Les amendements CS313 et CS1551 sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS2095 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement précise le mode de calcul du complément de rémunération, au regard de la différence entre la rémunération raisonnable définie par le contrat et les recettes générées.

Mme la ministre. J’invite M. Baupin à retirer son amendement : un tel dispositif doit faire l’objet de concertations avec les parties prenantes des différentes filières. Par ailleurs, l’amendement restreint significativement le champ d’application du complément de rémunération, défini comme une prime ex post annuelle. Des dispositifs plus souples peuvent exister, comme les primes ex ante dans la cogénération. Bref, n’excluons rien. Ces différents amendements ont néanmoins le mérite de souligner la complexité de la définition du nouveau modèle énergétique.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il est à craindre que cet amendement donne une prime à l’inefficacité. Si les recettes s’avèrent insuffisantes, le complément de rémunération s’adapte. Avis défavorable.

M. Denis Baupin. Je suis convaincu par l’argumentation de Mme la ministre, mais pas par celle de la rapporteure, qui sous-entend que tout mécanisme ex post serait peu incitatif. Si c’est le cas, pourquoi le président de la CRE nous a-t-il dit qu’il est le plus sûr et le moins coûteux pour la collectivité ? Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement au bénéfice des explications de la ministre.

L’amendement CS2095 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS320 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1552 de M. Denis Baupin, et l’amendement CS1657 de M. Joël Giraud.

M. Jean-Jacques Cottel. Je suggère que « les conditions de rémunération [fassent] l’objet d’une révision périodique afin de tenir compte de l’évolution des coûts de production et d’investissement des installations ».

M. Denis Baupin. Mon amendement est identique. Le texte part du postulat que les coûts diminueront : nous le souhaitons, bien entendu, mais la loi ne saurait en préjuger. Une évolution à la hausse doit aussi pouvoir être prise en compte.

M. Joël Giraud. L’amendement CS1657 est défendu.

Mme la ministre. Avis favorable, sous réserve de supprimer les mots : « de production et d’investissement », afin de ne pas rendre la disposition limitative – les coûts peuvent aussi tenir à la recherche ou à la formation professionnelle, par exemple.

M. Jean-Jacques Cottel. Je suis d’accord.

M. Denis Baupin. Moi aussi.

Mme  Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis favorable à ces amendements ainsi rectifiés, même si l’on peut raisonnablement penser, monsieur Baupin, que la prime devrait tendre à la baisse.

M. Julien Aubert. Le terme « périodique » vous paraît-il précis ?

Mme la ministre. Oui : il suggère que les conditions de rémunération suivront l’évolution des coûts – par exemple en cas d’investissement lourd dans une nouvelle technologie. La vérification sera régulière.

La Commission adopte les amendements identiques ainsi rectifiés.

En conséquence, l’amendement CS1657 tombe.

La Commission se saisit, en discussion commune, des amendements CS775 de M. Julien Aubert et CS2138 de la rapporteure.

M. Julien Aubert. C’est, selon nous, à la CRE qu’il revient de fixer les critères du complément de rémunération : elle dispose de l’expertise et des données pour le faire. Le ministre disposerait d’un droit de veto.

Mme la ministre. Avis défavorable. La définition de la politique de soutien aux énergies renouvelables et des conditions de ce développement incombe à l’État et au Parlement, non à la CRE.

Mme  Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable également. C’est, contrairement à ce que suggère l’amendement, le Gouvernement qui mènera la concertation définissant les critères de la prime, sous le contrôle de la CRE.

M. Julien Aubert. Sauf erreur de ma part, la CRE a les compétences requises. Le ministère, je le répète, conserverait un droit de veto.

M. François Brottes. Ce que vous proposez ne change pas grand-chose.

M. Julien Aubert. L’amendement me semble en effet traduire un juste équilibre, dans la logique du système actuel.

Mme la ministre. La CRE est saisie pour avis : elle ne décide pas de la stratégie énergétique du pays.

M. Julien Aubert. Je suis heureux de vous entendre dire que les aspects financiers et stratégiques sont liés. Cela me permet de réitérer mes regrets quant aux lacunes du texte à cet égard.

La Commission rejette l’amendement CS775.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS2138 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS962 de M. Julien Aubert.

M. Martial Saddier. Il s’agit d’encadrer, par arrêté ministériel afin d’engager la parole de l’État, les conditions de suspension ou de résiliation des contrats. Cet amendement apporterait une sécurité juridique supplémentaire.

Mme la ministre. Nous avons déjà eu le débat : avis défavorable. Il est préférable de laisser la gestion des contrats à EDF, si l’on veut éviter une augmentation des coûts de gestion.

Mme  Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement CS2393 de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’amendement a pour objet de renforcer l’application des sanctions prévues dans le droit actuel – et renforcées par l’article 24 du projet de loi – afin d’apporter de vrais moyens à la lutte contre la fraude aux aides publiques dans le secteur des énergies renouvelables. Il s’agit notamment de rendre les contrôles plus réguliers lors de la mise en service : faciles à organiser, ils font défaut aujourd’hui. Ils permettraient sans doute de régler 80 % des problèmes.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS2172 de la rapporteure.

Mme  Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Cet amendement de coordination étend la possibilité offerte à EDF de suspendre ou de résilier un contrat administratif d’obligation d’achat en cas de manquement à ses clauses, sous contrôle de l’autorité administrative. Cette possibilité figure à l’alinéa 20 pour le régime du complément de rémunération.

Mme la ministre. Avis favorable. Il s’agit de prévoir que les contrats d’achat fixent les conditions de résiliation par EDF. Le texte consacre un alinéa sur ce point au complément de rémunération.

M. Julien Aubert. Qui est « l’autorité administrative » à laquelle il est fait référence ? Le ministère ? La CRE ?

Mme la ministre. Le ministère.

M. Denis Baupin. Pourquoi donner à EDF, plutôt qu’à l’autorité administrative, la possibilité de résilier les contrats ? C’est lui conférer une nouvelle compétence, assimilable à un pouvoir de sanction.

Mme la ministre. Il s’agit de contrats-types, contrôlés et validés par l’État.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. C’est ce qui existe pour les obligations d’achat.

Mme la ministre. Les propositions visant à remettre en question le monopole d’EDF suggèrent qu’il y a un abus de position dominante ; mais elles iraient à l’inverse du but recherché, car EDF a aussi des obligations de service public, dont les contrats-types – par ailleurs contrôlés par la commission de régulation – et les tarifs imposés. Restreindre ces obligations imposées à EDF, qui ne demanderait que cela, revient donc à affaiblir sa mission de service public.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS2392 de la rapporteure.

Mme  Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Cet amendement, qui rejoint le précédent, a trait aux contrats d’obligation d’achat.

Pour répondre à votre question de tout à l’heure, monsieur Saddier, les contrôles sont effectués aux frais du producteur par des organismes agréés.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS1554 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Les producteurs d’électricité renouvelable qui bénéficient de la prime conservent le bénéfice des garanties d’origine. L’amendement étant satisfait, j’invite son auteur à le retirer.

M. Denis Baupin. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS108 de M. Martial Saddier et CS1658 de M. Joël Giraud.

M. Martial Saddier. Mon amendement est défendu.

M. Joël Giraud. Le mien l’est aussi.

Mme la ministre. Avis défavorable. Les amendements proposent des périodes d’expérimentation pour le complément de rémunération ; or ces mécanismes de soutien à la production d’énergies renouvelables doivent répondre aux règles européennes en matière d’aides d’État : celles-ci définissent des catégories d’installation et fixent le calendrier au 1er janvier 2016. Il ne sera matériellement pas possible de mettre en œuvre des expérimentations préalables ; cependant, des concertations approfondies, auxquelles les parlementaires sont bien entendu conviés, seront organisées avec chacune des filières afin de définir les paramètres de la façon la plus fine. Une première phase de concertation doit intervenir au premier semestre 2014 ; les conclusions seront rendues publiques dans les prochains jours.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

M. Martial Saddier. Sans remettre en cause les arguments juridiques avancés, je crois que nous devons chercher à optimiser toutes les possibilités de production d’énergie dans les territoires. Madame la ministre, vous devez amener l’Union européenne à éclaircir les règles relatives aux aides d’État. Certaines solutions qui semblaient non rentables à l’époque d’un pétrole peu cher peuvent retrouver un intérêt. La somme des petits projets peut contribuer à relever le défi de la transition énergétique.

La Commission rejette les amendements identiques.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CS1597 de M. Philippe Bies et CS1298 de M. Jean-Paul Chanteguet, et l’amendement CS1555 de M. Denis Baupin.

M. Philippe Plisson. Ces dernières années, les énergies éolienne et photovoltaïque ont été handicapées, le photovoltaïque par une gestion trop brutale des aides –soutien trop élevé au début, puis déstabilisation de toute une filière provoquée par le moratoire de 2010 avec la perte de près de 15 000 emplois –, et l'éolien par une réglementation déraisonnable.

Avant de modifier à nouveau ce fonctionnement, il paraît essentiel que ces deux énergies se développent et arrivent à un niveau suffisant. Le présent amendement propose de fixer ce niveau à 10 % de la consommation électrique en France. Aujourd'hui, ces deux énergies ne représentent qu’environ 5 % de la production électrique française.

Mme la ministre. Nous abordons de nouveau la question de l’aménagement d’une période transitoire, idée judicieuse mais dont la mise en œuvre se heurte à des contraintes juridiques et à des contraintes de calendrier. Si cette période est censée permettre une meilleure concertation avec les filières, je puis vous assurer qu’elle s’est désormais accélérée, de façon à être prêts au 1er janvier 2016.

Les amendements CS1597 et CS1298 sont retirés.

M. Denis Baupin. Je conserve néanmoins mon interprétation de la date du 1er janvier 2016.

L’amendement CS1555 est retiré.

La Commission adopte l’article 23 modifié.

*

* *

M. Julien Aubert. Je voudrais revenir sur le sujet du calendrier de nos travaux, que la ministre avait annoncé vouloir placer sous le signe de la coproduction et de la coopération législative. L’opposition s’emploie, quant à elle, à jouer le jeu. Mais il est maintenant une heure du matin et, alors que le projet de loi compte 65 articles, nous n’en sommes qu’à l’article 23 après trente heures et trente minutes de débat, ce qui nous place à un rythme d’examen d’un amendement par minute.

L’opposition a fait le choix de la responsabilité en se refusant à déposer des milliers d’amendements qui auraient conduit à une obstruction des travaux. Il n’en reste pas moins que, selon votre calendrier, monsieur le président, seule une dizaine d’heures sont encore disponibles pour traiter de ce projet de loi important, en particulier de la partie qui mobilise le plus le groupe UMP, à savoir l’avenir de la filière nucléaire française. Car l’objectif de 50 % fixé par l’article 1er ne représente que peu de choses par rapport à la limitation de la capacité envisagée dans les articles qui nous restent à voir.

Nous avons une divergence de vues sur le calendrier d’examen. Deux solutions s’ouvrent à nous. La première serait celle d’un examen forcé en dix heures, éventuellement au cours de la journée du samedi que vous avez décidé, mercredi 23, d’ouvrir à nos travaux, alors que n’était pas encore connu le prolongement de la grève d’Air France, qui rend plus malaisé le déplacement nécessaire à l’accomplissement de notre devoir électoral au scrutin sénatorial.

La seconde serait de demander, forts du constat que nous ne pouvons examiner ce texte dans des conditions normales, au président Bartolone de reporter le début de la discussion générale prévue en séance publique le 1er octobre au 6 octobre, de façon à laisser les lundi, mardi et mercredi de la semaine prochaine libres pour une poursuite de l’examen du texte en commission. Je rappelle que notre collègue Michel Sordi, après avoir attendu trois jours et trois nuits pour pouvoir parler de la centrale de Fessenheim, a dû partir sans avoir pu le faire.

Un débat, c’est mieux à deux qu’à un. Si l’on veut absolument accélérer, il n’y aura pas de débat.

M. le président François Brottes. Je prends acte. Ce soir, je propose que nous allions jusqu’à une heure trente ; nous reprendrons nos travaux demain matin. J’avais proposé à nos collègues que nous examinions de manière anticipée dans le débat de la question du nucléaire, mais vous avez jugé que ce n’était pas indispensable, préférant un examen au fil de l’eau.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas parce que certains de nos collègues ont une sensibilité particulière à cette question que nous pouvons ignorer d’autres aspects de ce projet de loi, qui touche à tous les domaines de la vie humaine. Nous avons déjà tiré, lentement, la sonnette d’alarme.

M. le président François Brottes. Je viens de vous expliquer comment nous allions travailler. Il n’entre pas dans les compétences du président Bartolone de fixer l’ordre du jour de l’Assemblée.

M. Julien Aubert. Aussi fais-je cette déclaration devant la ministre !

M. le président François Brottes. Nous ne modifierons pas la méthode retenue pour poursuivre nos débats.

M. Julien Aubert. Nous sommes confrontés à un problème pratique. Soumis à l’obligation électorale de participer au scrutin des sénatoriales, nous devons rejoindre nos circonscriptions un jour de grève des transports. Je suis partisan de faire une nuit blanche pour achever l’examen du texte, si vous pensez que c’est possible. Nous sommes prêts à le faire. C’est la seule possibilité que nous voyons.

Sinon, ce ne sera pas de la co-construction. Vous misez simplement sur le fait qu’à un moment ou à un autre, nous devrons partir et que les travaux pourront s’achever lorsqu’il n’y aura plus personne dans la salle. Mais il ne s’agit pas alors d’un véritable examen d’amendements.

M. le président François Brottes. Je m’étais renseigné auprès de la présidence de l’Assemblée sur les modalités de représentation aux élections sénatoriales, pour m’assurer, quand il en était encore temps, que vous pouviez donner mandat pour un vote par procuration. Il est trop tard maintenant, j’en conviens.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, nous formons une commission spéciale. Combien de fois par législature une telle procédure est-elle mise en œuvre ? Parlement et Gouvernement se sont entendus sur le recours à cet instrument spécifique. Vous me direz que nous avons déjà travaillé le samedi. Mais une commission spéciale s’est-elle souvent réunie ce jour-là ?

Madame la ministre, alors que le Gouvernement fait de ce projet de loi un texte phare de la législature, il recourt pour son examen à la procédure accélérée, qui réduit l’examen à une seule lecture.

Le Parlement ne siège pas cette semaine, à l’exception de la séance extraordinaire de deux heures ouverte mercredi pour nous permettre d’approuver l’engagement de nos forces armées. Nous nous réunissons ainsi jour et nuit depuis mercredi alors que le Parlement est fermé. Il n’est pas anodin d’utiliser un pouvoir, réduisant ainsi à un acte symbolique la participation à l’élection du Sénat, qui est le pendant de l’Assemblée nationale au sein du Parlement.

C’est, de loin, la majorité qui s’est le plus exprimée au cours des débats. L’opposition n’a pas abusé de son temps de parole et il n’y a eu aucune obstruction de sa part. Une partie de l’opposition n’est déjà plus là, le groupe UDI n’étant plus représenté. Nous sommes par définition moins nombreux, conformément à la volonté des électeurs. Mais cela rend plus difficile aux groupes d’opposition d’assurer une présence en continu.

Ces conditions de travail ne respectent pas les droits du Parlement. Elles ne permettront pas de parvenir au texte le plus consensuel possible, à l’issue d’un examen où les droits des uns et des autres auront été respectés.

J’y insiste, malgré vos recherches, vous ne trouverez pas d’exemple de commission spéciale se réunissant le samedi d’une semaine où le Parlement n’est pas réuni, à la veille des sénatoriales, alors que nous siégeons déjà sans discontinuer depuis mercredi matin neuf heures. C’est du jamais vu dans l’histoire du Parlement. Mieux vaut employer la semaine prochaine, du lundi au samedi, pour achever l’examen du texte.

Nous en sommes déjà, madame la ministre, à trente-sept heures d’audition et à trente heures d’examen du texte et une partie de l’opposition a déjà levé le camp. Vous ne pourrez pas dire dans l’hémicycle que vous avez travaillé correctement.

M. Christophe Borgel. Je crois qu’il est difficile de contester que nous prenons le temps d’examiner les amendements, d’approfondir les sujets et de recevoir, sur chacun d’entre eux, les précisions nécessaires tant des rapporteurs que de la ministre. La composition de la commission spéciale offre la possibilité à chaque groupe d’être représenté, indépendamment de la grève du transport aérien, même si elle est plus ennuyeuse pour les élus de Haute-Garonne. Tous les groupes politiques ont des membres qui peuvent venir participer à nos travaux sans traverser toute la France.

Ce qui nous sépare, c’est que nous, membres de la majorité, avons la volonté de pouvoir adopter ce texte avant le début de l’examen du projet de loi de finances, car il y a urgence. Vous êtes en désaccord avec nous sur ce point. Depuis hier, le président Brottes a cherché de bonne foi à répondre favorablement à votre demande. Comme vous le savez, la semaine prochaine sera une semaine banalisée, du fait des activités autour des groupes politiques. Mais dire que notre débat est réduit ne correspond pas à la réalité de notre travail depuis plusieurs jours maintenant.

M. le président François Brottes. Des élections sénatoriales ne sont pas organisées dans tous les départements. Notre commission spéciale est la quatrième commission spéciale constituée sous cette législature. Entre 2007 et 2012, sous la législature précédente, deux réunions de commission ont eu lieu un samedi matin. En outre, la convocation de la réunion mentionnait la poursuite possible des travaux le samedi. Je propose que nous travaillions jusqu’à une heure et demie du matin et que nous reprenions demain à neuf trente ou quarante-cinq.

M. Julien Aubert. Nous ne demandons pas un report du texte. Mais en trois jours, à un rythme normal, nous n’avons examiné que la moitié des amendements. Comment pourrons-nous maintenant examiner quarante articles et mille amendements en une journée ? Est-ce que ce serait du bon travail législatif ? Il s’agit d’une question arithmétique. Cela n’est pas de notre fait. Nous avons écouté la ministre, soucieuse de coproduction et de coopération. Le sujet de l’énergie est un sujet consensuel sur lequel nous nous refusons à l’obstruction. Aussi est-ce dans une volonté de compromis que nous vous proposons d’aller jusqu’au bout de la nuit.

Mais une grande loi du quinquennat ne peut émerger de travaux qui commencent par un long tunnel d’auditions avec des travées vides, pour se poursuivre avec des réunions à des heures indues, où l’examen des amendements, traités à la hache, est saccagé. Des éléments très importants ne pourront être traités.

M. le président François Brottes. Il n’est pas possible de parler de saccage, comme chacun peut le constater.

M. Christophe Bouillon. Nous ne perdrons pas de temps si nous restons sereins. Les conditions sont en vérité réunies pour une co-construction, dans un état d’esprit où nous voulons tous aboutir à la meilleure loi possible. Aujourd’hui même, des amendements de l’opposition ont été acceptés.

Je relève d’abord que vous tenez pour impossible d’achever l’examen en dix heures demain, alors que vous proposez de le terminer immédiatement en six heures –j’attends de connaître par quelle méthode. Ensuite, vous donnez le sentiment qu’il n’y aurait pas la possibilité d’un débat en séance, alors qu’elle existera bel et bien.

Les mêmes contraintes matérielles s’imposent à tout le monde, comme le disait notre collègue Christophe Borgel. La tâche peut être répartie au sein de chaque groupe et vous pouvez vous faire représenter en organisant un roulement.

Le projet de loi que nous examinons est un texte attendu, car il y a urgence climatique. Après deux ans de travail avec les organisations non gouvernementales et avec le Conseil national de la transition énergétique, il convient de l’adopter avant le débat budgétaire. C’est possible si chacun a le sens des responsabilités.

M. Julien Aubert. Je veux conclure. Je propose que nous allions jusqu’au bout de la nuit, au moment où il reste 1 027 amendements. Les communistes ne sont plus là, l’UDI non plus et la présence du groupe radical ne tient qu’à un fil. La co-construction ne peut se faire qu’à deux. Madame la ministre, vous ne pouvez décider en imaginant que les autres doivent vous suivre.

M. le président François Brottes. Nous aurons plus de latitude en examinant le texte le samedi toute la journée.

M. Julien Aubert. Vous oubliez les contingences de transport, qui nous imposent de rejoindre plus tôt dans nos circonscriptions.

M. le président François Brottes. Cette commission spéciale compte trente députés de l’opposition !

M. Julien Aubert. Nous avons sans doute eu tort de croire à ce travail de fond. Mais nous saurons prendre nos responsabilités, si vous faites le calcul de faire fuir les gens. Devant cette situation scandaleuse, nous boycotterons les travaux de demain.

Mme la ministre. Vous avez évoqué à plusieurs reprises la co-construction. Nos travaux présentent un caractère remarquable. Il est rare de voir 2 400 amendements sur un texte et il serait dommage de minimiser le travail parlementaire. Vous vous portez préjudice. Vous-mêmes avez beaucoup travaillé sur ce texte et j’émets aussi des avis favorables aux amendements de l’opposition. Ce projet de loi compte non moins de six rapporteurs…

M. Julien Aubert. Mais aucun de l’opposition !

Mme la ministre. Au moment où nous parlons, vingt personnes sont réunies dans une salle du ministère pour préparer des argumentaires et apporter des réponses précises aux parlementaires. Ils se relaient par roulement. Vos amendements constituent un acquis. Vous pouvez peut-être trouver un parlementaire de permanence demain pour les défendre. Il serait dommage que vos amendements ne puissent être appelés. Nous ne ferons pas de polémique sur votre absence.

Je participe à vos travaux alors que le Gouvernement n’y est pas tenu au stade de l’examen en commission. J’ai regardé moi-même tous les amendements un à un, dans la perspective de reprendre toutes les bonnes idées.

Vous avez déjà livré une contribution écrite valable. L’idéal serait de trouver un parlementaire, même non spécialisé, pour présenter vos amendements. Il est certainement possible de commencer demain matin, pour une demi-journée, par les dispositions relatives au nucléaire. Le président Brottes vous a fait plusieurs propositions. Il serait dommage que soit perdu le travail de co-construction que vous avez fait, comme celui qu’a fait la majorité.

M. le président François Brottes. Il y a vingt-quatre membres du groupe UMP dans la commission spéciale et plus de la moitié d’entre eux sont élus dans des départements qui ne sont pas concernés par le renouvellement du Sénat. Les deux membres de la commission spéciale du groupe Écologiste sont toujours présents, quant à eux.

M. Martial Saddier. La qualité de nos travaux ne sera pas la même si 1 027 amendements doivent désormais être examinés en une seule journée. Ce n’est pas possible. Vous serez entre vous pour cet examen à la schlague, comparable à une réunion au titre de l’article 88. Soucieuse de co-construction, l’opposition ne peut se satisfaire de cette situation. Il y a un problème de temps et de calendrier.

M. le président François Brottes. Le nombre d’amendements que vous invoquez est trompeur, car beaucoup sont identiques ! Le volume réel qui reste à examiner est plus réduit, si on sait dépasser le chiffre brut.

M. Martial Saddier. On peut en dire autant du volume d’amendements que nous avons déjà examiné.

M. Julien Aubert. Vous savez bien que nous sommes parfois restés quarante-cinq minutes sur un amendement, monsieur le président, et qu’en procédant de la sorte, nous avons examiné vingt-trois articles en trois jours. Il nous en reste quarante, soit près du double : comment allons-nous faire pour terminer notre travail en une seule journée ?

M. le président François Brottes. Cela fait une demi-heure que vous répétez la même chose, monsieur Aubert, et je commence à me demander si vous ne faites pas exprès de nous faire perdre du temps. Nous avons essayé de trouver des solutions, mais vous ne semblez pas vouloir faire preuve de bonne volonté. Je vous confirme que nous allons lever la séance vers une heure trente pour reprendre nos travaux demain matin.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas du travail !

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS1406 de M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Au-delà d’un certain plafond de puissance, les tarifs d’achat garantis ne s’appliquent plus et les porteurs de projets doivent répondre aux appels d’offres nationaux. Les petits producteurs privés et les collectivités se trouvent souvent dans l’incapacité de répondre aux appels d’offres relatifs à la production d’énergie renouvelable.

Le présent amendement permet de ne pas se priver des initiatives locales de production d’énergie renouvelable portées par les collectivités territoriales et d’ouvrir les appels d’offres aux petits producteurs privés.

Mme la ministre. Avis défavorable, car la disposition proposée conduirait à une hausse injustifiée de la Contribution au service public de l'électricité (CSPE), donc du prix de l’électricité.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CS342 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1557 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Jacques Cottel. L’article 88 de la loi Grenelle 2 a ouvert la possibilité aux collectivités locales de mettre en place des installations de production d’énergie renouvelable. L’amendement CS342 a pour objet de faciliter l’action des collectivités locales et des établissements publics locaux au profit de la transition énergétique et de la lutte contre la précarité énergétique.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1557 est défendu.

Mme la ministre. Si l’intention de ces amendements est louable, les mécanismes de soutien à la production d’énergie n’ont pas été conçus pour venir en aide aux personnes en situation de précarité, le chèque énergie et les tarifs sociaux ayant vocation à répondre à cette problématique.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’article 23 modifié.

Article 24
(articles L. 311-12 et L. 311-13, articles L. 311-13-1 à L. 311-13-3 [nouveaux],
article L. 311-19 du code de l’énergie)

Adaptation des procédures d’appel d’offres pour la production d’électricité renouvelable

1.  État du droit

L’article L. 311-10 du code de l’énergie prévoit que « lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, (…) l'autorité administrative peut recourir à la procédure d'appel d'offres » pour lancer des projets de nouvelles installations de production d’énergie renouvelable qui seront soutenus dans le cadre de l’obligation d’achat. Il s’agit par exemple d’assurer un bon maillage de la localisation géographique des installations, ou d’encourager l’implantation de techniques innovantes ou durables de production d’énergie. Elle est utilisée pour les moyennes et les grosses installations, en termes de puissance installée, qui ont les moyens d’engager les sommes requises pour monter un projet d’exploitation suffisamment élaboré pour candidater à l’appel d’offres.

La procédure d’appel d’offres est utile pour mettre en concurrence des porteurs de projet : les tarifs administrés dont bénéficient les installations retenues par l’appel d’offres sont établis au « mieux-disant », ce qui incite les candidats à faire une offre la plus proche possible de leurs coûts estimés de production, et permet de rendre plus efficient le soutien public.

Toute personne exploitant ou souhaitant exploiter une unité de production d’électricité répondant aux critères posés par l’appel d’offres peut candidater, y compris les collectivités territoriales dans les conditions prévues par le code de l’énergie ainsi que, naturellement, la société EDF ainsi que les entreprises locales de distribution.

L’article L. 311-12 prévoit alors que le ou les candidats désignés par l’autorité administrative à l’issue de la procédure d’appel d’offres concluent un contrat d’achat de l’électricité qu’il produira avec EDF ou, le cas échéant, une entreprise locale de distribution, qui sont en situation de payeur obligé, selon le même mécanisme que l’obligation d’achat attribué automatiquement aux installations dont la puissance installée est inférieure à un seuil qui dépend de chaque filière (cf. commentaire sous l’article 23).

Une obligation de confidentialité s’impose à ces entreprises à propos des informations économiques, financières et techniques dont elles prennent connaissance au moment de la négociation et de la conclusion du contrat d’achat. En effet, EDF et les entreprises locales de production ayant elles-mêmes une activité de production, déroger à cette règle de confidentialité entraverait l’exercice d’une concurrence libre. L’article L. 311-19 prévoit une amende de 15 000 euros en cas de divulgation de telles informations.

La disposition relative à l’obligation d’achat, en toute logique, ne s’applique pas si EDF ou une entreprise locale de distribution sont elles-mêmes désignées par l’autorité administrative. En revanche, en vertu de l’article L. 311-13, les surcoûts éventuels des installations qu'elles exploitent font l'objet d'une compensation au titre des obligations de service public (cf. supra le commentaire sous l’article 23).

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 24 du projet de loi a deux objectifs :

– réaménager les articles L. 311-12 et L. 311-13 du code de l’énergie pour adapter la procédure d’appel d’offres à la création du régime du complément de rémunération prévu à l’article 23 ;

– mettre le droit en conformité avec les lignes directrices européennes, qui prévoit la généralisation de la procédure d’appels d’offres pour les installations de puissance supérieure à 1 mégawatt (six mégawatts pour la filière éolienne), et ce à compter du 1er janvier 2017.

Le I modifie ainsi la rédaction de l’article L. 311-12 pour prévoir que l’appel d’offres lancé par l’autorité administrative choisit les modalités selon lesquelles le candidat retenu bénéficie d’un soutien à l’électricité produite : soit un contrat d’achat (régime actuel), soit un contrat offrant un complément de rémunération (régime alternatif créé par le projet de loi).

Lorsque le premier terme de l’alternative est choisi, l’article L. 311-13, dont la rédaction est entièrement revue, s’applique. Il prévoit, comme dans le droit actuel, que la société EDF et, le cas échéant, les entreprises locales de distribution, sont tenues de conclure un contrat d’achat avec le candidat retenu (si elles ne sont pas retenues elles-mêmes) ; il prévoit également la même obligation de confidentialité des informations sensibles de l’entreprise de production, qui s’applique à EDF et aux entreprises locales de distribution en application de l’actuel article L. 311-12.

Néanmoins, de manière nouvelle, l’article L. 311-13 prévoit cette fois une obligation de communication de ces informations à l’autorité administrative, à sa demande et si elles sont nécessaires à l’exercice de ses missions. L’autorité administrative en préserve à son tour la confidentialité.

Le II insère trois articles à la suite de l’article L. 311-13 :

– l’article L. 311-13-1 (nouveau) dispose, conformément au droit actuel, que si l’appel d’offres aboutit au choix d’EDF ou d’une entreprise locale de distribution, les éventuels surcoûts de production d’électricité sont compensés au titre de charges de service public ;

– l’article L. 311-13-2 (nouveau) organise le cas du choix, par l’autorité administrative qui lance l’appel d’offres, d’aboutir à un contrat offrant un complément de rémunération. À la différence de l’alternative du contrat d’achat, seule EDF est tenue de conclure ce contrat avec le candidat retenu de l’appel d’offres. Un second alinéa prévoit la même obligation de confidentialité prévue à l’article L. 311-13 pour les contrats d’achat, y compris la dérogation prévue pour l’exercice des missions de l’autorité administrative ;

– l’article L. 311-13-3 (nouveau) dispose que si EDF – uniquement – est retenue par un appel d’offres aboutissant à un contrat offrant complément de rémunération, EDF verse à son exploitation ce complément, et bénéficie en retour d’une compensation pour charge de service public. Le système reste transparent puisque ces flux financiers restent identifiés au sein même de l’entreprise EDF et de ses filiales.

Enfin, le III prévoit une mesure de coordination juridique qui tient compte de la nouvelle disposition de la section relative à l’appel d’offres.

3.  Position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure approuve les évolutions législatives proposées, qui tirent logiquement les conséquences de l’introduction du complément de rémunération et de l’évolution des lignes directrices européennes.

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La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1870 de Mme Ericka Bareigts et CS743 de M. Daniel Fasquelle.

Mme Ericka Bareigts. L’amendement CS1870 a pour objet d’éviter que les projets d’énergie renouvelable ne continuent à s’enliser sur nos territoires, et qu’un si grand nombre d’appels d’offres restent infructueux. Pour cela, nous formulons une proposition consistant à associer davantage les collectivités territoriales de nos territoires à l’élaboration des appels d’offres pour que ceux-ci soient mieux formatés ; par ailleurs, afin d’atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et d’imprimer un rythme à celle-ci, nous souhaitons que les collectivités territoriales puissent demander à l’autorité administrative le lancement d’un appel d’offres lorsqu’elles se rendent compte que l’objectif fixé est un peu éloigné, et que l’éventuel refus de l’autorité administrative soit motivé.

M. Martial Saddier. Je me contenterai de dire que l’amendement CS743 est défendu, afin que ceux qui suivent nos débats comprennent à quoi vont se résumer nos travaux demain.

Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement CS1870 – l’amendement CS743 en diffère dans la mesure où il mentionne la Corse, dont les habitants ne souhaitent pas être intégrés au dispositif –, puisqu’il s’agit d’améliorer la gouvernance dans les territoires d’outre-mer. Par ailleurs, je rappelle à M. Saddier que chaque amendement est accompagné d’un exposé des motifs que le Gouvernement et les rapporteurs ont déjà lu avant les travaux en commission.

M. le président François Brottes. Pour ma part, je veux souligner que les auditions publiques aboutissent à des comportements de ce genre, qui nous éloignent un peu du travail de fond.

M. Martial Saddier. Des Corses sont signataires de l’amendement CS743, madame la ministre. Cela étant, au bénéfice de vos explications – vous voyez que l’exposé des motifs ne saurait remplacer le dialogue –, je le retire.

L’amendement CS743 est retiré.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CS1870, qui me paraît constituer une solution d’équilibre.

La Commission adopte l’amendement CS1870.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS109 de M. Martial Saddier et CS935 de M. Julien Aubert.

M. Martial Saddier. Défendu.

M. Julien Aubert. Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire.

M. le président François Brottes. Vous allez nous manquer, cher collègue.

Mme la ministre. Il n’est pas possible de retenir cet amendement sur la biomasse, dans la mesure où les règles européennes en matière d’aides d’État imposent le recours aux appels d’offres pour toutes les installations de plus d’un mégawatt à partir du 1er janvier 2016.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis, en raison des contraintes résultant des directives européennes.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CS2139 et CS2140 de la rapporteure.

L’amendement CS1558 de M. Denis Baupin est retiré.

La Commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CS2141, CS2142 rectifié, CS2143 rectifié et CS2144 de la rapporteure.

M. le président François Brottes. Je vous fais remarquer, mes chers collègues, le grand nombre d’amendements rédactionnels ne nécessitant pas de débat de fond, et qu’il conviendrait donc de déduire des chiffres qui ont été donnés tout à l’heure. Réduits à de plus justes proportions, ces chiffres ne paraîtraient sans doute plus aussi monstrueux.

La Commission est saisie de l’amendement CS726 de M. Saddier.

M. Martial Saddier. L’opposition étant muselée, je me bornerai à dire que cet amendement est défendu.

M. le président François Brottes. Vous vous muselez vous-même, monsieur Saddier.

Mme la ministre. Avis défavorable, pour des raisons déjà évoquées à plusieurs reprises.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

L’amendement est rejeté.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS310 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1235 de M. Philippe Plisson.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS310 est défendu.

Mme la ministre. Défavorable, même si le débat méritait d’être posé.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

L’amendement CS310 est retiré.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS1235 est défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable : l’objectif de l’appel d’offres étant de faire baisser les coûts, rémunérer tous les lauréats au prix le plus élevé conduirait à une dépense excessive et non justifié – ce qui est d’ailleurs incompatible avec les lignes directrices en matière d’aides d’État.

L’amendement CS1235 est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CS311 de M. Jean-Jacques Cottel, CS1236 de M. Philippe Plisson et CS1559 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Jacques Cottel. L’amendement CS311 vise à instaurer un indicateur permettant le lancement d’appels d’offres, étant précisé qu’entre le début et l’aboutissement du projet de construction d’éoliennes, il peut s’écouler six à dix années, ce qui pose de gros problèmes.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS1236 est défendu.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1559 l’est également.

Mme la ministre. Ces amendements très importants sont satisfaits dans la mesure où la réduction des délais de construction des installations d’énergie renouvelable est au premier plan de mes préoccupations. À cet effet, j’ai mis en place la généralisation par ordonnances de l’expérimentation du permis unique, dont nous débattrons au titre VII du projet de loi ; le fait que cette disposition se trouve confortée par la loi va permettre de raccourcir encore les délais, que j’aimerais voir passer de quatre ou cinq ans à moins de deux ans afin de nous aligner sur les pays les plus performants dans ce domaine.

Les amendements CS311 et CS1236 sont retirés.

M. Denis Baupin. J’entends bien l’engagement de Mme la ministre, mais nous ne pouvons avoir la certitude que son objectif de réduire les délais sera atteint, d’où l’utilité de prévoir un délai maximal, fixé par voie réglementaire, pour les appels d’offres, afin de sécuriser le dispositif. Je retire l’amendement CS1559, mais sans être pleinement convaincu.

L’amendement CS1559 est retiré.

M. le président François Brottes. J’établirai le décompte des amendements rédactionnels et le mettrai à disposition de la presse, afin de montrer que le nombre d’amendements justifiant un débat est inférieur de 30 % ou 40 % aux chiffres annoncés précédemment.

M. Martial Saddier. Quand on ne cesse de se justifier, c’est souvent qu’on n’a pas très bonne conscience, monsieur le président.

M. le président François Brottes. J’ai surtout le souci de la plus grande transparence à l’égard de nos travaux, monsieur Saddier.

La Commission en vient à l’amendement CS737 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. L’amendement CS737 étant relatif aux entreprises locales de distribution d’électricité (ELD), qui distribuent 5 % de l’électricité en France, je crains fort qu’il ne soit rejeté comme tous ceux que j’ai déjà présentés sur ce thème – auquel je vous sais pourtant sensible, madame la ministre. Il s’agit en l’occurrence de faire en sorte que les ELD, qui réalisent les missions de service public relatives au secteur électrique sur leur zone de desserte, soient reconnues au même titre qu’EDF. Pouvez-vous au moins nous dire, madame la ministre, si le Gouvernement et la majorité ont l’intention de prêter une oreille attentive aux ELD, que nous ne serons pas là pour défendre demain ?

Mme la ministre. Je vous remercie pour votre question, monsieur Saddier, qui me donne l’occasion de rappeler que j’attache beaucoup d’importance aux entreprises locales de distribution d’électricité qui, à mes yeux, assurent ce que j’appelle la « démocratie énergétique », la reprise en main par les citoyens, au moyen de circuits courts, de leur production d’énergie. Bien sûr, les ELD n’ont pas vocation à se substituer au modèle énergétique français, mais elles n’en sont pas moins très importantes pour les citoyens – et, pour citer Joseph Stiglitz, elles font partie de « l’économie du partage ».

Ayant mis en place, en tant que présidente de région, des entreprises locales de distribution d’électricité sous la forme d’entreprises d’économie mixte rassemblant des collectivités locales, des citoyens et la région, je sais à quel point les projets de ce type sont difficiles à monter – il nous a fallu quatre ans pour mener à bien le projet TIPER, un projet exemplaire aujourd’hui désigné comme une référence, notamment par l’ADEME. Le titre VII de la loi portera sur les entreprises locales de distribution d’électricité et comportera tout un dispositif d’encouragement des ELD, qui doivent être aidées par des dispositions spécifiques à la nature de l’électricité produite et à son mode de distribution établi dans un esprit de démocratie locale : il ne s’agit pas de les contraindre à s’aligner sur les mêmes obligations qu’EDF, car cela les tuerait. L’examen du titre VII sera l’occasion de dissiper les malentendus qui peuvent subsister quant à nos intentions sur ce point.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS2145 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement CS977 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. L’amendement CS977 vise à conforter la reconnaissance des ELD.

Monsieur le président, je regrette à nouveau que vous ne nous permettiez pas de faire, sur les mille amendements restant en discussion, le même travail que celui que nous avons fait sur les mille premiers – et en signe de protestation, nous allons quitter la séance dès maintenant, sans attendre que vous ne la leviez.

M. Julien Aubert. Je souhaite également prendre la parole, monsieur le président.

Mme la ministre. Avis défavorable, pour les raisons précédemment exposées.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

M. Julien Aubert. Je vous avais demandé la parole, monsieur le président !

M. le président François Brottes. J’avais l’intention de vous la donner après le vote sur l’amendement CS977, monsieur Aubert.

M. Julien Aubert. L’autoritarisme autiste, ça suffit !

M. le président François Brottes. Je mettrai vos propos sur le compte de la fatigue.

(M. Martial Saddier et M. Julien Aubert quittent la salle de commission.)

La Commission rejette l’amendement CS977.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2146 rectifié de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS1659 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je m’inquiète un peu au sujet de la procédure d’appel d’offres relative aux projets de taille modeste. Afin de ne pas généraliser une procédure qui fait courir des risques importants à la filière des petits porteurs de projets, il serait intéressant de réserver les appels d’offres aux ouvrages placés sous le régime de la concession.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

L’amendement CS1659 est retiré.

La Commission adopte l’article 24 modifié.

Article 25
(articles L. 311-14 et L. 311-15 du code de l’énergie)

Renforcement et élargissement des sanctions applicables aux régimes de soutien des énergies renouvelables

1.  État du droit

Les articles L. 311-14 et L. 311-15 du code de l’énergie s’inscrivent dans la section relative aux sanctions administratives et pénales liées à la production d’électricité.

L’article L. 311-14 prévoit que si l'autorité administrative constate des irrégularités dans les conditions dans lesquelles une installation de production d’électricité est autorisée ou concédée, le contrat d’achat de l’électricité conclu entre cette installation et EDF ou une ELD est suspendu ou résilié. Le décret n° 2003-885 du 10 septembre 2003 précise les modalités d’application de ces sanctions et notamment les conditions dans lesquelles le titulaire de l’autorisation ou de la concession peut régulariser sa situation.

L’article L. 311-15 prévoit plus largement qu’en cas de manquement d’une installation de production d’électricité aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent son activité, l’autorité administrative peut entamer une procédure de sanction. Une mise en demeure préalable et éventuellement publique peut conduire, si le manquement persiste et selon sa gravité, à une sanction pécuniaire, à une suspension temporaire voire à un retrait de l’autorisation administrative d’exploitation.

Ces sanctions administratives cèdent la place à des sanctions de nature pénale lorsque l’infraction est plus grave : en vertu de l’article L. 311-16, la production d’électricité sans autorisation est punie d'un an d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Cet article a pour vocation d’élargir et de renforcer les sanctions prévues en cas de fraudes au soutien public ou de non-respect du cahier des charges des appels d’offres. Il laisse plus de marge de manœuvre à l’autorité administrative pour faire respecter les conditions dans lesquelles une exploitation peut bénéficier de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération.

Le I (alinéas 1 à 6) de l’article 25 modifie les dispositions de l’article L. 311-14 du code de l’énergie, à la fois dans le sens de l’approfondissement des sanctions, et dans le sens de l’extension des installations qui peuvent être sanctionnées.

Les alinéas ajoutés à cet article L. 311-14 prévoient d’abord (alinéa 2) que ses dispositions sont étendues aux trois situations juridiques dans lesquelles EDF ou une ELD sont tenues de conclure des contrats d’achat de l’électricité : le régime de l’obligation d’achat de l’article L. 314-1, le régime du complément de rémunération de l’article L. 314-18 (nouveau) et le régime de l’appel d’offres de l’article L. 311-12, pour lequel l’obligation pour EDF ou l’ELD concernée résulte de l’issue cet appel d’offres.

Ces contrats conclus obligatoirement peuvent donc désormais être suspendus ou résiliés par l’autorité administrative si l’installation de production d’électricité bénéficiaire du contrat ne respecte pas les exigences réglementaires prises en application des articles L. 314-1 et L. 314-18, précités, ainsi que, dans le cas de l’appel d’offres, les exigences du cahier des charges qui l’accompagne. Il s’agit par exemple de la fraude dite de « saucissonnage », dans laquelle une exploitation ayant une puissance installée d’un mégawatt crée artificiellement dix exploitations de 100 kilowatts pour profiter de tarifs d’achat plus favorables – ces tarifs d’achat étant dégressifs en proportion de la puissance installée.

L’alinéa 3 a pour effet de renforcer l’arsenal des sanctions si l’autorité administrative observe les manquements précités : si elle choisit de prononcer la résiliation du contrat d’achat, l’autorité administrative peut assortir cette sanction de l’obligation pour l’installation de production de rembourser les sommes perçues en application du contrat résilié dans la période où les irrégularités ont été constatées. Cette nouvelle sanction concerne à la fois les manquements mentionnés à l’alinéa 2 – propres au régime particulier des contrats conclus obligatoirement – et les manquements aux prescriptions qui accompagnent la concession ou l’autorisation d’exploiter de l’installation de production. En matière d’autorisation d’exploiter, il s’agit par exemple des fraudes à la puissance installée, la puissance effective étant supérieure à celle autorisée par l’appel d’offres

Dans le cas des contrats d’achat conclus sous le régime de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération, ce remboursement s’effectue dans la limite des surcoûts supportés par EDF ou l’ELD (15). Par exemple, dans le cas du régime de l’obligation d’achat, où EDF ou l’ELD concernée achète obligatoirement l’électricité produite par l’installation de production à un tarif fixe, le surcoût pour EDF ou l’ELD – engendré par la différence entre le tarif versé et la revente sur le marché de l’électricité achetée – devrait être remboursé par l’installation si l’autorité administrative constate des manquements et décide d’appliquer cette sanction.

En troisième lieu, dans les seuls cas des contrats conclus sous le régime de l’obligation d’achat, du complément de rémunération ou de l’appel d’offres, les alinéas 4 et 5 prévoient que l’autorité administrative a également le pouvoir de :

– suspendre le contrat pour une durée de six mois au plus, renouvelable, en cas de procès-verbal constatant une potentielle infraction à la législation relative au travail dissimulé (article L. 8221-1 du code du travail) ;

– suspendre le contrat pour une durée de six mois au plus, renouvelable, en cas de procès-verbal d’un inspecteur du travail constatant qu’une situation dangereuse – manquement, sur le lieu de travail, aux mesures générales de prévention, de santé et de sécurité –, n'a pas cessé après mise en demeure ;

– résilier le contrat si une condamnation définitive résulte des infractions citées précédemment. En cas de résiliation, la sanction prévue à l’alinéa 3 peut s’appliquer sur la période allant de la constatation de l’infraction à la condamnation définitive.

Le II (alinéas 7 et 8) de l’article 25 prévoit une modification de l’article L. 311-15 du code de l’énergie, en cohérence avec les dispositions précédentes. Cet article est complété par un alinéa qui organise la possibilité, pour l’autorité administrative, de prendre des sanctions pécuniaires à l’encontre des installations de production qui manqueraient aux exigences rappelées aux deux premiers alinéas de l’article L. 311-14 dans sa rédaction issue du présent projet de loi.

Ces sanctions pécuniaires peuvent être prises sans préjudice des sanctions conduisant à la suspension ou la résiliation du contrat d’achat de l’électricité prévues à l’article L. 311-14. Une mise en demeure préalable de l’installation de production est requise. En outre, le respect des procédures et des garanties qui régissent la prise de sanctions administratives dans le domaine du gaz et de l’électricité (articles L. 142-30 et suivants du code de l’énergie) doit être assuré. Enfin, la sanction doit être modulée en fonction de la puissance électrique maximale installée de l’exploitation, et un plafond est fixé à 100 000 euros par mégawatt.

3.  Position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure est favorable à cette évolution des sanctions. Les fraudes aux aides publiques pour les énergies renouvelables sont inacceptables. Elles nuisent à un secteur dont le développement relève de l’intérêt général. Aujourd’hui, beaucoup de producteurs d’énergie renouvelable, de bonne foi, constatent avec amertume la multiplication des fraudes dans leur secteur, qui ternissent leur image et sèment le doute sur leur capacité de développement vertueux.

Elle a donc proposé un amendement qui prévoit que les autorités administratives compétentes mettent effectivement en œuvre les contrôles prévus à l’article 23 (cf. la position de votre co-rapporteure sous l’article 23).

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS321 de M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. L’article 25 introduit dans le projet de loi des clauses, de nature contractuelle, de vérification de la bonne exécution des contrats. Or, en l’état actuel du droit, les modèles de contrat d’achat sont établis par EDF et validés par le ministre. Le droit contractuel, voire le pouvoir réglementaire, suffisent par conséquent à assurer la bonne exécution des contrats.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Avis défavorable. La loi en vigueur prévoit que le contrat d’achat peut être suspendu ou résilié si l’installation n’est pas régulièrement autorisée, mais elle ne prévoit pas la possibilité, pour l’autorité administrative, de suspendre ou de résilier les contrats d’achat si les conditions du bénéfice de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération, ou celles de l’appel d’offres, ne sont plus respectées, ou encore en cas d’infraction grave. Supprimer ces dispositions serait un mauvais signal.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS2148 de la rapporteure est également retiré.

Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2147, CS2149, CS2150, CS2151, CS2152, CS2153 et CS2154 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CS1560 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit de préciser que c’est l’autorité administrative compétente, et non tel ou tel organisme intéressé au sujet, qui effectue les contrôles du respect des prescriptions, de manière à assurer une procédure indépendante, à éviter les conflits d’intérêts et à garantir l’équilibre entre les contractants.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je suggère d’ajouter, à la dernière phrase de l’amendement, les mots : « , ou lors des contrôles mentionnés aux articles L. 314-7-1 et L. 314-23. »

M. Denis Baupin. D’accord.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel CS2155 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 25 modifié.

Article 25 bis [nouveau]
(article 88 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010)

Production et vente d’électricité par les collectivités territoriales et leurs groupements

Cet article aménage l’article 88 de la loi dite « Grenelle II », du 12 juillet 2010. Il introduit une souplesse bienvenue dans la capacité juridique des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de production et de vente d’électricité.

Désormais, ces collectivités pourront produire tous types d’énergies renouvelables, et les vendre. En outre, elles pourront bénéficier de l’obligation d’achat même si les exploitations de production ne sont plus liées à des équipements affectés à des missions de service public (des panneaux photovoltaïques sur le toit d’une école par exemple), et s’ils ne sont pas sur leur territoire.

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* *

La Commission est saisie des amendements CS876 et CS878 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. L’amendement CS878 ouvre à certaines entités publiques, tels les syndicats mixtes et les ententes départementales, la possibilité de bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteur. Avis favorable à ces deux amendements, qui introduisent de la souplesse dans le recours au tarif d’achat pour l’électricité produite par les collectivités.

La Commission adopte successivement les amendements CS876 et CS878.

Après l’article 25

Elle examine ensuite l’amendement CS1856 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement permettrait d’alléger la charge de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) pesant sur le consommateur, même si une partie s’en trouverait reportée sur le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE).

La réfaction, introduite en 2007 et supprimée en 2010 par la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », permettait d’équilibrer la prise en charge du coût de raccordement des installations renouvelables entre Électricité Réseau Distribution France (ERDF) et le producteur. Aujourd'hui, cet équilibre est rompu : le producteur doit prendre en charge une partie très significative des coûts.

Que se passerait-il si le coût de la ligne à très haute tension (THT) destinée à raccorder le réacteur EPR de Flamanville au réseau était imputé sur le coût du réacteur ? La facture, déjà pharaonique, ferait un nouveau bond !

Bref, il y a deux poids et deux mesures. Ce que je propose est de permettre un partage raisonnable. On a trop tendance à mettre à la charge des producteurs toutes les améliorations et prolongations de réseau qui auraient dû être faites de toute façon.

Ma proposition vise aussi à faire moins peser le développement des énergies renouvelables sur la CSPE.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. Si la réfaction peut se comprendre pour le raccordement des consommateurs au réseau, cela est moins évident pour les producteurs, qui doivent participer normalement aux coûts associés à la création d’une entreprise commerciale. Si l’on accordait un taux de réfaction de 40 % aux producteurs souhaitant se raccorder au réseau, le coût de cette ristourne se répercuterait sur le TURPE, payé par les seuls consommateurs.

Au reste, ce sujet est traité au titre VII du projet de loi.

M. le président François Brottes. En somme, l’amendement procède à un transfert de charge du producteur vers le consommateur.

M. Denis Baupin. Il y a déjà facturation au consommateur via la CSPE.

M. le président François Brottes. La CSPE est forfaitaire. Elle garantit une rémunération sans prendre en compte la réalité des coûts ou des surcoûts.

M. Denis Baupin. Si l’on veut, comme c’est le souhait du Gouvernement, intégrer progressivement les énergies renouvelables au marché en réduisant les aides, il faut un partage équilibré. Les coûts imputés aux producteurs de renouvelables ne doivent pas être différents de ceux que supportent les autres producteurs, par exemple lorsqu’ils construisent une centrale nucléaire. Si tout le monde n’est pas à égalité au départ, la comparaison entre les coûts est faussée.

M. le président François Brottes. Sauf erreur de ma part, ce ne sont pas les énergies renouvelables qui paient le réseau THT.

M. Denis Baupin. Ce n’est pas EDF non plus. Le producteur d’électricité nucléaire ne paie pas ce que paie le producteur de renouvelables en matière d’équilibrage du réseau.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Avis défavorable. Même si l’intention est bonne, cet amendement opère un transfert de charge au détriment du consommateur. Cela ne semble pas opportun dans les circonstances actuelles.

M. Denis Baupin. Cette prise en charge par le TURPE entraînera une diminution des compléments de rémunération financés par la CSPE. La question est de construire un business model conduisant à une diminution progressive des coûts des énergies renouvelables. Si on leur impute des coûts qu’on ne met pas à la charge du nucléaire, la comparaison devient inéquitable.

M. le président François Brottes. Si tant est que l’on puisse comparer le raccordement au réseau THT et le raccordement au réseau ERDF…

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS1857 du même auteur.

M. Denis Baupin. Il s’agit d’ouvrir aux pétitionnaires proposant un projet d’installation de production à partir d’énergies renouvelables la possibilité de se faire délivrer un certificat de projet par l’administration.

Mme la ministre. L’idée, là encore, est louable, et elle est d’ailleurs en cours d’expérimentation, pour une durée de trois ans, dans trois régions volontaires : l’Aquitaine, la Champagne-Ardennes et la Franche-Comté. Mieux vaut attendre un retour d’expérience pour juger de l’opportunité de généraliser le dispositif.

Notons que le certificat de projet est à géométrie variable selon les régions expérimentatrices. Sa généralisation devra donc tenir compte de critères assez fins. Pour l’heure, nous observons si les choix faits dans la conception du dispositif répondent aux attentes des porteurs de projet. Je propose que nous fassions un point de suivi et d’évaluation dès la fin de cette année pour apprécier les conditions et les modalités pertinentes d’une généralisation.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis. Il paraît sage de mener cette évaluation avant d’envisager une généralisation.

M. Denis Baupin. Au vu des engagements de la ministre, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Article 26
(article L. 2253-2 du code général des collectivités territoriales)

Participation des communes et de leurs groupements au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables

1.  État du droit

L’article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales dispose que, sauf autorisation prévue par décret en Conseil d'État, une commune ne peut entrer au capital d'une société commerciale et de tout autre organisme à but lucratif.

Une exception est prévue par l’article L. 2253-2, pour l’entrée au capital de sociétés d’économie mixte locales, qui ont le statut de société anonyme et qui les associent à des personnes privées et, éventuellement, à d’autres personnes publiques. Les communes et leurs groupements doivent alors détenir plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants. Ces SEML ont un objet d’intérêt général, comme l’exploitation de services publics industriels et commerciaux ou d’aménagement du territoire.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’objet de l’article 26 est d’ouvrir aux communes et à leurs groupements la possibilité de devenir actionnaires d’une société dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables, si cette entreprise est constituée en société anonyme. Habituellement, les exploitations de production d’énergie renouvelable choisissent ce statut, ou se constituent en société par actions simplifiée, dont la gestion est plus souple, ou encore en coopérative.

Il faut que la société soit présente sur le territoire de la commune ou du groupement de communes, ou, sinon, qu’elle soit implantée à proximité et qu’elle participe à l’approvisionnement de la commune ou de son groupement.

3.  Position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure approuve cet élargissement de la capacité d’investissement des collectivités territoriales, qui doivent pouvoir s’impliquer dans ces projets, qui parfois résultent d’initiatives citoyennes qui doivent être encouragées. En outre, les élus sont souvent un relais efficace pour promouvoir un projet d’intérêt général, comme un champ d’éoliennes sur le territoire d’une commune, et en susciter l’adhésion auprès des habitants.

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* *

La Commission adopte l’article 26 sans modification.

Article 27
(article L. 314-24 [nouveau] du code de l’énergie)

Financement participatif dans les sociétés de projet
de production d’énergie renouvelable

1.  État du droit

Dans le secteur de la production d’énergie, où les investissements de départ sont lourds, les techniques de financement sur projet représentent une catégorie répandue de montage financier. Les porteurs de projet se constituent en société de projet – en anglais, special purpose vehicle (SPV), qui est une société commerciale dont l’objet est de réunir suffisamment de capital pour concrétiser le projet d’investissement.

Cette personne morale spécialement constituée permet ainsi de rassembler les apports des différents acteurs qui participent au projet : entreprises, personnes physiques, personnes publiques, etc. Les contrats de partenariat avec une personne publique sont fréquemment conclus avec une société de projet. Elle n’a pas vocation à se dissoudre une fois le capital réuni : la société est ensuite en charge de la conception, de la construction et éventuellement de l’exploitation ou de la maintenance de l’installation.

Dans le champ plus spécifique de la production d’énergie renouvelable, le portage et le financement des projets ne sont pas uniquement réalisés par des professionnels : les projets citoyens se multiplient dans les territoires, nécessitant souvent le recours au financement participatif. À ce titre, le modèle allemand fait office d’exemple : plus de 50 % de la puissance de production renouvelable installée en Allemagne depuis 2000 – date d’entrée en vigueur de la loi « EEG » qui développe les énergies renouvelables – est détenue par des personnes privées, et seulement 7 % par les grands électriciens (16).

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 27 insère une nouvelle section dans le chapitre relatif aux dispositions particulières à l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables. Cette section, qui s’intitule « Investissement participatif aux projets de production d’énergie renouvelable », contient l’article unique L. 314-24 (nouveau), qui permet aux citoyens ou aux collectivités territoriales concernés d’investir dans des projets de production d’énergie renouvelable, dans une optique participative.

Le I (alinéa 4) de l’article L. 314-24 autorise les sociétés commerciales ou les sociétés d’économie mixte locales, constituées en sociétés de projet pour la production d’énergie renouvelable, à ouvrir une partie de leur capital aux habitants qui résident à proximité du lieu de réalisation du projet, ainsi qu’aux collectivités territoriales compétentes sur le territoire desquelles il se situe.

Le II (alinéa 5) a le même effet pour les coopératives régies par la loi du 10 septembre 1947, constituées en société de projet de production d’énergie renouvelable, mais l’ouverture éventuelle de leur capital s’effectue uniquement en direction des habitants résidant à proximité du lieu du projet, à l’exclusion des collectivités territoriales.

Le III (alinéas 6 et 7) de l’article L. 314-24 prévoit les formes que peut prendre l’offre de participation :

– directe, du porteur de projet aux habitants ou aux personnes publiques concernés ;

– par le biais d’un fonds spécialisé de l’économie sociale et solidaire, qui prend la forme d’un fonds d'entrepreneuriat social européen, en vertu de l’article 14 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ;

– par le biais d’une société dont l’objet est le développement des énergies renouvelables et qui est agréée « entreprise solidaire d’utilité sociale » au sens de l’article 7 de la loi précité du 31 juillet 2014 ;

– par le biais de conseillers en investissements participatifs, à compter de l’entrée en vigueur de l’article L. 547-1 du code monétaire et financier qui définit leurs missions – le 1er juillet 2016 ;

Dans tous les cas, l’offre de participation ne constitue pas une offre au public au sens de l’article L. 411-1 du code monétaire et financier, ce qui permet d’éviter le recours systématique à une procédure complexe, notamment la publication et la distribution d’un prospectus d’information financière soumis au visa préalable de l’Autorité des marchés financiers.

Le IV (alinéa 8) de l’article L. 314-24 prévoit enfin que l’entrée d’une collectivité territoriale au capital d’une société de projet de production d’énergie renouvelable est décidée par son organe délibérant, qui peut déléguer cette compétence à l’organe exécutif.

3.  Position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure salue l’avancée que constitue cet article, le financement participatif dans le domaine des énergies renouvelables étant une vraie clé de leur développement.

Certaines améliorations ont été proposées afin d’approfondir la portée du présent article : les habitants pourront investir dans des projets situés près de leur résidence principale comme de leur résidence secondaire ; les collectivités pourront, de manière plus claire, investir dans le capital de coopératives dont le statut l’autorise (c’est le cas des sociétés coopératives d’intérêt collectif), et l’investissement participatif pourra avoir non seulement à la constitution du capital, mais aussi à toute augmentation ou recomposition de ce capital au cours de la vie de l’exploitation.

*

* *

La Commission est saisie des amendements identiques CS343 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1407 de M. Philippe Plisson.

M. Jean-Jacques Cottel. Ces amendements visent à imposer aux sociétés constituées pour porter un projet de production d’énergie renouvelable d’ouvrir leur capital aux collectivités et aux citoyens.

Mme la ministre. Rappelons d’abord l’importance de l’article 27, qui favorisera la participation des habitants au capital de ces sociétés. Le développement des énergies renouvelables, on le sait, est parfois ralenti par des questions d’acceptabilité locale des installations de production. Pour permettre à l’ensemble de la population de se sentir partie prenante de la transition énergétique, l’article instaure une formule innovante de financement participatif. Nous lancerons bien entendu des appels à projets pour que cette nouvelle dynamique de production locale d’énergie puisse monter en puissance.

Les amendements procèdent d’une bonne intention, mais le Conseil d’État, dans l’avis qu’il a rendu sur le texte initial, a jugé qu’une telle disposition portait atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété, et que l’intérêt général recherché ne le justifiait pas. C’est pourquoi nous avons choisi ce dispositif incitatif.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis. Il est certes important d’associer plus largement les collectivités et les citoyens, mais les amendements posent un problème de constitutionnalité.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2156 de la rapporteure.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS1563 de M. Denis Baupin, CS1599 de M. Philippe Bies et CS2170 rectifié de la rapporteure.

M. Denis Baupin. Il s’agit de rendre possible l’entrée des collectivités ou des habitants au capital non seulement au moment de la création de ces sociétés, mais aussi au fur et à mesure de leur développement.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Les amendements de mes collègues semblent satisfaits par mon amendement CS2170 rectifié, qui prévoit la possibilité pour les collectivités et les citoyens d’investir dans ces sociétés au moment d’une évolution du capital.

M. Denis Baupin. Ce qui est plus restrictif que ma proposition, puisque l’investissement ne sera de nouveau possible que s’il y a une modification du capital.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Si l’on veut faire entrer d’autres participants, il y a forcément une évolution du capital, ne serait-ce que par transfert d’actions. Votre préoccupation est prise en compte par mon amendement.

Mme la ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission rejette l’amendement CS1563.

L’amendement CS1599 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1270 rectifié.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel CS2157 rectifié de la rapporteure.

En conséquence, l’amendement CS1564 de M. Denis Baupin tombe.

La Commission en vient à l’amendement CS2169 rectifié de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il s’agit de prévoir expressément que les collectivités territoriales peuvent investir dans des sociétés coopératives de projet, à condition que les statuts de celles-ci le permettent. C’est notamment le cas des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), qui, depuis la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, peuvent ouvrir jusqu’à 50 % de leur capital à des collectivités territoriales.

Mme la ministre. C’est implicite dans le texte, mais on peut l’expliciter. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2158, CS2159 et CS2160 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CS1567 de M. Denis Baupin.

Mme la ministre. Je suggère le retrait de l’amendement. Cette proposition visant à encourager le financement participatif est malheureusement incompatible avec la position de la Commission européenne en matière d’aides d’État dans le domaine de l’environnement et de l’énergie. Le soutien financier apporté aux sociétés d’énergies renouvelables doit permettre de procurer une rentabilité normale des capitaux investis sur la durée de vie des installations et pas au-delà. Le risque est de baisser les tarifs pour les autres projets et de pénaliser leur réalisation

Le Gouvernement proposera donc une disposition alternative consistant à inciter au financement participatif dans le cadre des appels d’offres, dans une rédaction compatible avec les règles relatives aux aides d’État.

M. Denis Baupin. Puisqu’il y a une disposition alternative, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 27 modifié.

Article 27 bis [nouveau]
(article L. 214-17 du code de l’environnement)

Mise à jour des listes de classements des cours d’eau

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) prévoit le classement des cours d'eau pour atteindre les objectifs fixés par la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000.

Cette loi prévoit également sa révision périodique. En effet, l'état des masses d'eau tout comme les technologies favorables à la préservation de l'environnement et de la biodiversité évoluent. Il est nécessaire de tirer les conséquences de ces évolutions, afin de ne pas se priver, le cas échéant, d'une ressource locale, propre et compétitive qui concoure à l'indépendance énergétique de la France, à la réduction des gaz à effet de serre, à l'équilibre et à la sécurité du réseau électrique, dès lors qu'elle ne nuit pas au bon état des masses d'eau.

Votre co-rapporteure s’associe pleinement à l’importance donnée à la nécessité de prévoir la mise à jour des listes de classements des cours d’eau en même temps que la révision des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). La révision périodique du SDAGE est en effet un moment privilégié pour réévaluer le classement de cours d’eau à la lumière des nouvelles connaissances et des nouvelles techniques disponibles, de recroiser les enjeux environnementaux et les enjeux des autres usages, notamment énergétiques, et d’adapter en conséquence le classement des cours d’eau.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS759 de Mme Frédérique Massat et CS1773 de M. Denis Baupin.

Mme Frédérique Massat. Mon amendement vise, dans le cadre de la révision du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), à la réévaluation du classement des cours d’eau.

M. Denis Baupin. Le mien relève de la même préoccupation.

Mme la ministre. La liste des cours d’eau classés au titre de la continuité écologique est établie en tenant compte des orientations et des objectifs fixés par le SDAGE. Si la mise à jour de chaque révision de ce dernier est importante, elle ne doit pas être étendue systématiquement à l’ensemble des cours d’eau, mais être limitée aux cas où il y a une évolution des enjeux et un besoin de connaître l’état des cours d’eau.

Ces amendements sont pragmatiques et judicieux. J’y suis donc favorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Une telle évaluation périodique est importante. Avis favorable également.

L’amendement CS1773 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS759.

Article 27 ter [nouveau]
(article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947)

Plafond de rémunération du capital investi dans des coopératives de production d’énergie renouvelable

Les coopératives de production d’énergie renouvelable permettent de concilier économie sociale et solidaire et développement durable : il faut donc encourager leur essor. Le présent article additionnel assouplit les conditions dans lesquelles ces coopératives peuvent rémunérer le capital prêté par ses sociétaires, jusqu’au double du taux moyen de rendement des obligations (TMO) – le droit commun des coopératives prévoyant que le TMO est le taux plafond.

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M. Denis Baupin. Cet amendement vise à favoriser l’essor de l’investissement participatif dans les projets de production d’énergie renouvelable. Les mesures contenues dans le projet de loi sont en effet utiles, mais insuffisantes pour stimuler ces investissements à la hauteur des besoins.

J’avais présenté cet amendement dans le cadre de la loi relative à l’économie sociale et solidaire (ESS). Il y avait eu un consensus en commission pour dire que l’idée était bonne, mais que la disposition avait plutôt sa place dans la loi sur la transition énergétique.

Mme la ministre. Sagesse.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

La Commission adopte l’amendement CS1566.

Article 27 quater [nouveau]
(article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014)

Assouplissement des règles de gestion imposées aux sociétés d’investissement participatif dans les activités de production d’énergie renouvelable

Il s’agit de donner l’opportunité aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) – plus largement qu’aux seules coopératives – qui investissent dans la production d’énergie renouvelable, de déroger aux règles générales de gestion applicables à l’ESS, en vertu de l’article 1er de la loi, dite ESS, du 31 juillet 2014. La dérogation conduit à assouplir largement ces règles de gestion : 10 % des bénéfices doivent être affectés à une réserve (contre 20 % dans le droit général) ; 25 % des bénéfices doivent être affectés au report bénéficiaire (contre 50 %) ; l’autorisation générale de racheter les actions et les parts sociales de son propre capital est donnée, sauf situations prévues par décret (contre un rachat subordonné aux mêmes exigences que celles des sociétés commerciales dans le droit général).

Si encourager la conciliation de l’ESS et de la production d’énergie renouvelable est un objectif louable, les conséquences de cette dérogation ne semblent pas suffisamment maîtrisées selon votre rapporteure, qui a émis un avis défavorable à l’adoption de cet amendement portant article additionnel en commission.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1565 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Dans le même esprit que l’amendement précédent, il s’agit de lever les freins au développement des sociétés d’investissement participatif.

Mme la ministre. Avis favorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’amendement vise toutes les sociétés, y compris celles qui sont hors du champ coopératif. Il n’est donc pas constitutionnel, car il impose à des sociétés commerciales des règles de gestion proches de celles des coopératives, restreignant ainsi leur liberté d’action.

M. Denis Baupin. Il est clairement précisé qu’il s’agit d’une exception aux dispositions de l’article 1er de la loi relative à l’économie sociale et solidaire (ESS). Le champ, par ailleurs, est clairement précisé.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Dans la mesure où sont concernées toutes les sociétés d’investissement participatif dans les activités de production d’énergie par l’exploitation de sources d’énergie renouvelables, l’amendement déborde du cadre de l’ESS.

Mme la ministre. Non, puisque l’amendement fait clairement référence à l’article 1er de la loi sur l’économie sociale et solidaire.

La Commission adopte l’amendement CS1565.

Après l’article 27

La Commission est saisie de l’amendement CS1568 de Mme Brigitte Allain.

M. Denis Baupin. Certains projets, en particulier celui de la « ferme des mille vaches », soulèvent des inquiétudes quant aux évolutions possibles de la méthanisation. Cet amendement vise donc à poser des garde-fous en précisant que les installations de méthanisation ne peuvent être alimentées par des matières autres que des déchets, des effluents d’élevage, des résidus de culture et des cultures intermédiaires. Il s’agit d’éviter l’installation de productions dédiées.

Mme la ministre. Le sujet mérite attention. À mon sens, il est trop tôt pour exclure totalement les cultures dédiées. Certes, le développement de la méthanisation doit être maîtrisé pour ne pas entrer en concurrence avec les cultures alimentaires, mais des recherches sont en cours pour développer des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), qui ne perturbent pas la production agricole à des fins alimentaires.

Nous partageons néanmoins votre prudence, puisque la programmation pluriannuelle des investissements pourra préciser que les politiques publiques de soutien aux installations de méthanisation prennent en compte les impacts potentiels de ces installations sur l’usage des surfaces agricoles. En aucun cas elles ne devront entrer en compétition avec les productions alimentaires.

Je suggère donc le retrait de l’amendement, puisque cette préoccupation sera prise en compte dans la programmation pluriannuelle et, en tout état de cause, dans le cahier des charges de l’appel à projets pour les 1 500 méthaniseurs.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. La généralisation de cultures dédiées n’est en effet pas souhaitable. Cela étant, l’amendement propose une évolution abrupte qui mériterait une concertation avec la filière. Je note qu’il existe déjà des tarifs d’achat différenciés afin de privilégier les meilleurs entrants, par exemple les effluents d’élevage. À ce stade, avis défavorable.

M. Denis Baupin. Au vu de l’engagement de la ministre, je retire cet amendement ainsi que les deux suivants, quitte à refaire des propositions en séance publique.

L’amendement est retiré, ainsi que les amendements CS1569 et CS1570 de Mme Brigitte Allain.

La Commission examine l’amendement CS1571 de Mme Barbara Pompili.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à conforter le caractère collectif du processus de méthanisation, en empêchant qu’un même exploitant ne concentre à lui seul plus de 80 % de l’alimentation annuelle de l’installation.

Mme la ministre. Je partage cet objectif, qui n’est toutefois pas de nature législative et qu’il faudra intégrer plutôt dans le cahier des charges et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPI).

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement, ainsi que le suivant, sans doute voué à recevoir le même avis…

Les amendements CS1571 et CS1572 sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS1573 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je propose que les contribuables souscrivant au capital d’une société exerçant une activité de production d’électricité grâce à l’énergie solaire ne soient pas exclus du bénéfice de la réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions au capital des sociétés, comme c’est le cas actuellement.

Mme la ministre. L’idée est bonne, mais une telle disposition relève de la loi de finances. Je vous suggère donc, monsieur Baupin, de retirer l’amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

M. Denis Baupin. Je veux bien le retirer, mais le Gouvernement l’acceptera-t-il si nous le redéposons en loi de finances ?

L’amendement CS1573 est retiré.

L’amendement CS1299 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.

Chapitre II
Concessions hydroélectriques

Article 28
(articles L. 521-16-1 à L. 521-16-3 [nouveaux] et L. 532-2 du code de l’énergie)

Méthode du barycentre

1.  État du droit

Les développements suivants sont extraits du rapport d’information de M. Éric Straumann et de votre co-rapporteure sur l’hydroélectricité (n° 1404, 7 octobre 2013).

a.  Le régime applicable aux concessions hydroélectriques

L’article L. 511-1 du code de l’énergie, issu de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, dispose que « nul ne peut disposer de l’énergie […] des cours d’eau sans une concession ou une autorisation de l’État ». L’énergie hydraulique est un bien national dont l’État se réserve l’usage.

L’article L. 511-5 distingue, en fonction de la puissance unitaire de l’installation, le régime de l’autorisation, applicable aux installations d’une puissance inférieure à 4,5 MW, à celui de la concession, pour les installations d’une puissance supérieure à 4,5 MW. Ces dernières sont la propriété de l’État, qui en assure la valorisation. Les obligations du concessionnaire vis-à-vis de l’autorité concédante en matière de production d’énergie, de versement de redevances, de préservation de l’environnement, de sécurité et de gestion des usages de l’eau, sont inscrites dans le cahier des charges des concessions.

La loi du 16 octobre 1919 a fixé la durée maximale des concessions à 75 ans. Cette limite est toujours en vigueur dans le droit actuel, au 2° de l’article L. 521-4.

Le bénéfice de la concession a été attribué, dans la très grande majorité des cas, pour une durée de 75 ans, mais à des dates différentes, selon l’année de construction des ouvrages. Par conséquent, les dates d’échéance de chaque concession s’échelonnent dans le temps selon un calendrier très étalé : 16 contrats se terminent avant 2015, tandis que d’autres courent jusque dans la décennie 2060.

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Source : Direction générale de l’énergie et du climat.

La question de l’avenir du parc hydroélectrique français se pose du fait de l’arrivée à échéance d’une partie des contrats qui liaient EDF et la SHEM à l’État.

b.  L’unique option du droit en vigueur : la mise en concurrence « sèche »

Héritages de l’histoire industrielle française, les concessions hydroélectriques sont, dans leur grande majorité, exploitées par l’opérateur national, qui voyait, jusqu’à une date récente, ses contrats de concession renouvelés de gré à gré.

Cette procédure n’est plus utilisable en l’état actuel de la législation, en raison de deux évolutions juridiques majeures :

– la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques a supprimé le « droit de préférence » qui était prévu par la loi du 16 octobre 1919 susmentionnée ; cette suppression a été exigée par la Commission européenne, au motif que le droit de préférence engendrait une distorsion de concurrence incompatible avec la libéralisation du marché intérieur de l’électricité.

– la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », prévoit une exception à l’obligation de mise en concurrence lors de l’attribution d’une délégation de service public si ce service public est confié à un établissement public. En transformant EDF en société anonyme, la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières a fait rentrer les concessions hydroélectriques dans le droit commun des délégations de service public. Le droit actuel prévoit que le régime de la concurrence entre opérateurs s'impose désormais dans le renouvellement des concessions hydroélectriques.

En 2006, le ministre délégué à l’industrie confie au Conseil général des Mines, à l’Inspection générale des finances et au Conseil général des ponts et chaussées, une mission d’expertise sur le renouvellement des concessions hydroélectriques. Cette mission propose une procédure de mise en concurrence.

À la suite de cette mission, la procédure de mise en concurrence est précisée par le décret n° 2008-1009 du 26 septembre 2008, modifiant le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique, ainsi que par les arrêtés du 23 décembre 2008 relatifs à la lettre d’intention, au dossier de demande de concession et au dossier de fin de concession. Le programme de renouvellement des concessions par mise en concurrence est annoncé par le ministre en charge de l’énergie le 22 avril 2010. Ce programme porte sur 10 vallées, pour une puissance totale de 5 300 MW, soit 20 % du parc.

Les concessions incluses dans ce programme sont celles dont la date d’échéance est la plus proche ; toutefois, afin d’attribuer conjointement les ouvrages situés sur une même chaîne, il est procédé à des regroupements d’aménagements hydrauliques en mettant un terme à certaines concessions de façon anticipée. Pour ces dernières, les candidats devront indemniser le concessionnaire sortant en lui versant une soulte d’un niveau équivalent à la perte économique consécutive à la réduction de la durée de la concession.

Il est important de noter que, dans le programme initial, ce regroupement n’est pas été effectué pour toutes les chaînes : dans certains cas, la date d’échéance des contrats arrivant à terme en dernier étant très éloignée, le montant de la soulte serait trop élevé, ce qui constituerait un trop grand obstacle financier pour les concurrents au concessionnaire sortant. C’est pourquoi, dans la constitution des lots remis en concurrence, le Gouvernement d’alors effectue un arbitrage entre la cohérence hydraulique des lots mis en concurrence et le montant de la soulte restant à payer.

c.  Les conséquences d’une remise en concurrence « sèche » sur le découpage des vallées

La remise en concurrence « sèche » aboutit à un découpage inadéquat des vallées remises en concurrence, faisant obstacle à une optimisation du potentiel du parc. En effet, les différents contrats de concession arrivent à échéance selon un calendrier échelonné dans le temps. Des ouvrages situés dans une même vallée peuvent donc être remis en concurrence dans un intervalle de temps très important. C’est le cas de trois vallées faisant partie du premier programme de renouvellement : la Maurienne, la Durance et le Drac.

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S’agissant de cette dernière, dans le programme de remise en concurrence initial, seul le Drac amont était remis en concurrence, c'est-à-dire les barrages du Sautet, de Cordéac et l’ouvrage de Saint-Pierre Cognet, soit un tiers de la puissance installée sur le cours d’eau. Les ouvrages du Drac aval – Monteynard et Notre-Dame-de-Commiers –, en situation de dépendance hydraulique vis-à-vis de ceux situés en amont, ne faisaient pas partie du premier lot de mise en concurrence.

Cette situation rend le renouvellement des contrats « au fil de l’eau » particulièrement inadapté. En effet, les ouvrages situés sur une même vallée sont dans une situation de dépendance hydraulique forte. En segmentant la mise en concurrence, plusieurs exploitants différents pourraient se retrouver à exploiter des ouvrages qui se suivent. Le résultat des exploitants se situant à l’aval dépendrait des décisions de ceux qui se trouvent à l’amont, ce qui donnerait lieu à de nombreuses contestations possibles.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 28 du projet de loi introduit une nouvelle forme de mise en concurrence : la méthode des barycentres. Cette dernière consiste à aménager le processus de remise en concurrence en favorisant la création de lots unifiés sur une même vallée, de façon à créer un ensemble cohérent avec une date d’échéance unique. Cette date est obtenue en pondérant les dates d’échéance des différents contrats au prorata des différents revenus générés.

En d’autres termes, il s’agit de raccourcir la durée des contrats les plus longs et de rallonger celle des contrats les plus courts d’une même vallée pour les faire se terminer à une même date.

exemple théorique de mise en œuvre de la solution du barycentre sur trois concessions d’une même vallée

(unités)

Concession

Revenus (M€2010/an)

Date d’échéance officielle

Date « barycentre »

Valeur de la concession (M€2010)

C1

5,5

2017

2019

11

C2

8,2

2015

2019

37

C3

12,1

2024

2019

– 48

Source : rapport d’information de Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Éric Straumann sur l’hydroélectricité

Le tableau ci-dessus donne un exemple théorique de mise en œuvre de la solution du barycentre sur trois concessions arrivant à échéance à des dates différentes. Le principe consiste à trouver une date commune d’échéance pour les trois concessions C1, C2 et C3, sans modifier l’équilibre économique global de la vallée. Repousser l’échéance des concessions C1 et C2 respectivement de 2 et 4 ans fait gagner respectivement 11 et 37 M€ (soit 48 M€ au total) au concessionnaire sortant. En contrepartie, la date d’échéance de la concession C3 doit être avancée de 5 ans.

En permettant un regroupement des concessions par vallées, la méthode des barycentres améliorera la gestion future des ouvrages hydrauliques situés sur une même chaîne.

Le présent article précise les modalités de mise en œuvre de la méthode des barycentres :

– l’alinéa 2 dispose que le regroupement des vallées s’effectue par décret en Conseil d’État ; il doit répondre à l’objectif d’optimisation du potentiel hydraulique de la chaîne regroupée ; l’application de la méthode du barycentre est toutefois limitée aux chaînes pour lesquelles il existe un concessionnaire unique ;

– l’alinéa 3 précise que le décret modifie directement les dates d’échéance des contrats ; la fixation de la date commune d’échéance peut requérir une dérogation à la limite de 75 ans prévue par le 2° de l’article L. 521-4 ;

– l’alinéa 4 énonce le principe selon lequel la valeur économique des contrats, appréciée sur l’ensemble des concessions regroupées, ne doit pas être modifiée ;

– l’alinéa 5 traite de la problématique des « délais glissants » ; le dernier alinéa de l’article L. 521-16 prévoit que : « A défaut par l'autorité administrative d'avoir, avant cette date, notifié sa décision au concessionnaire, la concession actuelle est prorogée aux conditions antérieures, mais pour une durée équivalente au dépassement » ; cette période de prorogation n’entre pas en compte pour le calcul de la date commune d’échéance.

3.  Position de la co-rapporteure

Les dispositions de l’article 28 constituent un premier pas vers une gestion équilibrée du parc hydroélectrique français. Elles ont été complétées lors de l’examen du texte en commission, suite à l’adoption d’amendements de votre co-rapporteure.

En premier lieu, une série d’amendements ont renvoyé au décret la description de la méthode précise de calcul du barycentre. Le projet de loi se borne désormais à énoncer les grands principes : la définition d’une date commune d’échéance entre les contrats d’une même vallée, préservant l’équilibre économique des contrats.

En deuxième lieu, la possibilité d’un regroupement des concessions d’une même vallée par la méthode des barycentres a été étendue aux vallées comprenant plusieurs concessionnaires, comme la Dordogne et le Rhône. Les modalités d’un tel regroupement sont similaires à celles du barycentre à concessionnaire unique. L’amendement précise que le calcul d’une date de barycentre commune « garantit l’égalité de traitement entre les opérateurs ».

En troisième lieu, le présent amendement introduit la possibilité de prolonger la durée de certaines concessions, afin de permettre la réalisation de travaux qui sont nécessaires à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique nationale. Cette éventualité est prévue par le droit de l’Union européenne, notamment l’article 43-1-c de la directive 2014/23/CE sur l’attribution des contrats de concession, qui offre des possibilités nouvelles de modification de contrat sans remise en concurrence. L’article 28 modifié lève les contraintes du droit interne qui empêcheraient de réaliser une telle prolongation, notamment la limite de 75 ans.

Enfin, il est proposé une nouvelle rédaction du 1er alinéa de l’article L. 523-2, portant sur la redevance. Pour le calcul de cette dernière, il distingue les recettes résultant de la vente d’électricité des autres types de recettes. Il précise par ailleurs que la prolongation pour motif de travaux donne lieu à l’imposition d’une redevance.

*

* *

Mme la ministre. Nous abordons l’article 28 relatif à la gestion des concessions hydroélectriques. Cette partie très importante du projet de loi vise à harmoniser la gestion des concessions hydroélectriques et à favoriser cette énergie renouvelable de premier plan, à améliorer la sécurité d’exploitation, à réduire les impacts de l’hydroélectricité sur l’environnement et à exploiter au mieux le potentiel énergétique de nos cours d’eau.

Je pars du principe que la mise en place d’une concession unique sur une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés suppose l’harmonisation préalable des dates de fin de contrat des ouvrages qui la constituent. L’hydroélectricité sera ainsi appréhendée tout au long de la vallée, sur une même unité écologique, en prenant en compte la performance énergétique globale et les complémentarités écologiques entre les ouvrages.

Cette vision nouvelle de l’hydroélectricité nous permettra de débattre de l’échéance des contrats sur un même périmètre, autour d’une date de fin unique, et de maintenir ainsi l’équilibre économique pris sur l’ensemble des contrats regroupés. Une impulsion sera ainsi donnée à l’énergie hydroélectrique, qui est l’un des fleurons de la technologie française.

La Commission adopte successivement les amendements CS2406, CS2407 et CS2046 de la rapporteure.

La Commission examine ensuite l’amendement CS2124 de Mme la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le projet de loi prévoit que les dates d’échéance retenues dans le calcul du barycentre ne tiennent pas compte des prorogations résultant de l’application des délais glissants.

Cela pose un problème juridique, puisque la prolongation du contrat sous le régime des délais glissants est une modification tacite du contrat. Revenir à la date d’échéance initiale revient à modifier unilatéralement les clauses du nouveau contrat, ce qui pourrait donner lieu à une demande d’indemnisation de la part du concessionnaire. Ce risque est d’autant plus important que la prorogation est due au manque de diligence de l’État dans le lancement de la mise en concurrence prévue en 2010 pour trouver des solutions plus appropriées.

Cela pose également un problème économique, puisque les exploitants sont soumis à des délais glissants pour des ouvrages sur lesquels ils ont consenti des investissements importants. L’amendement vise à trouver un équilibre qui permettrait de tenir compte les investissements réalisés.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à l’esprit de cet amendement. Toutefois, il conviendrait de moduler le dispositif en fonction des investissements, comme nous y a invités la Cour des comptes par son référé du 21 juin 2013.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Soit.

M. le président François Brottes. Je suis saisi par le Gouvernement d’une proposition de rectification ainsi rédigée :

« III. Compléter cet alinéa par les mots :

« à hauteur des investissements réalisés ».

La Commission adopte l’amendement CS2124 ainsi rectifié.

Elle adopte ensuite l’amendement CS2408 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement CS2398 de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’amendement traite de la question du calcul des barycentres pour les vallées qui comportent plusieurs concessionnaires, comme celles de la Dordogne et du Rhône, le Gouvernement ayant souhaité poser le principe la cohérence des chaînes hydrauliques. Au départ, en effet, les mises en concurrence prévues en 2010 l’étaient ouvrage par ouvrage. Il pouvait donc y avoir plusieurs exploitants sur une même vallée, ce qui posait problème.

Je propose d’écrire que les modalités de calcul « garantissent l’égalité de traitement entre les opérateurs » et de donner un cadre juridique aux prolongations pour travaux afin d’accélérer la modernisation du parc hydroélectrique sans attendre la mise en concurrence, et de soumettre ces prolongations à une nouvelle redevance.

Mme la ministre. Je suis favorable à cette souplesse accrue dans la gestion des concessions en contrepartie de la réalisation des investissements nécessaires.

M. Jean-Luc Laurent. Nous nous étions interrogés ici même, à l’occasion de la présentation du rapport d’information de Mme la rapporteure et de M. Straumann, sur la remise en cause, au nom de la concurrence et des règles européennes, de dispositifs importants qui s’inscrivent parfaitement dans la transition énergétique. La solution qui nous paraissait la plus pertinente à l’époque était l’allongement des concessions. La méthode du barycentre est une novation intéressante en ce qu’elle permet de raisonner au niveau de chaque vallée, mais nous devons rester vigilants, car il est crucial de préserver cet atout maître qu’est l’hydroélectricité, qui a demandé un investissement lourd. Il en va de même du nucléaire.

Mme Cécile Duflot. En tant qu’écologistes, nous ne saurions admettre que la rente hydroélectrique puisse être captée par quelques-uns sous prétexte de mise en concurrence. Si nous voulons engager la transition énergétique de manière ordonnée, il nous faut absolument pouvoir utiliser à la fois les possibilités de stockage qu’offre l’hydroélectricité et le fait que les investissements réalisés dans cette source d’énergie sont largement amortis.

Je tiens par ailleurs à dire à M. Laurent que nous aurons à payer lourdement le choix univoque du nucléaire, qui sera beaucoup plus coûteux que rentable dans les années qui viennent.

Mme Frédérique Massat. Les avancées considérables obtenues grâce au travail important accompli par le Gouvernement et le Parlement permettront de lever nombre d’incertitudes et d’inquiétudes, car des investissements lourds sont en attente. Le réservoir d’hydroélectricité que constituent nos montagnes est un enjeu majeur non seulement pour la transition énergétique, mais aussi pour le développement économique de nos territoires.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Madame Duflot, la nouvelle redevance instituée par le texte pourra servir au développement des énergies renouvelables. Une réflexion est en cours, s’agissant des électro-intensifs, sur l’affectation en nature.

La Commission adopte l’amendement CS2398.

Puis elle adopte l’article 28 modifié.

Article 28 bis [nouveau]
(article L. 523-2 du code de l’énergie)

Modification de la répartition de la redevance hydraulique entre les communes et les communautés de communes ou d’agglomération

L’article L. 523-2 du code de l’énergie définit les modalités de calcul de la redevance hydraulique et de son affectation. Le 3e alinéa précise qu’un sixième de cette redevance revient :

– soit aux communes ;

– soit à leur groupement, sous réserve de l’accord explicite de chacune d’entre elles.

Ces modalités de répartition ne permettent pas la « demi-mesure » : dès lors qu’une seule commune s’oppose à une affectation de la redevance à l’EPCI, ce dernier ne pourra pas en bénéficier.

Le présent article modifie ces règles en instituant un partage équitable et automatique des redevances, à hauteur d’un douzième pour les communes et d’un douzième pour leurs groupements.

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* *

La Commission examine à l’amendement CS982 de Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme la ministre. Avis favorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis. Le droit actuel prévoit l’attribution d’un douzième des redevances proportionnelles aux communes. Permettre à leurs groupements d’accéder à la répartition est un progrès.

La Commission adopte l’amendement CS982.

Article 29
(articles L. 521-18 à L. 521-20 [nouveaux] et L. 524-1 [nouveau] du code de l’énergie)

Sociétés d’économie mixte hydroélectriques

1.  État du droit

Conçus à l’origine comme des ouvrages industriels, dont le seul objet poursuivi était énergétique, les barrages font désormais partie intégrante du paysage des vallées des territoires de montagne. Lorsqu’il fait varier le niveau d’eau des rivières et des lacs de retenue, l’exploitant a un impact sur l’irrigation, la pêche et le tourisme. Il joue également un rôle très important en matière de prévention des crues. Enfin, si aucun dispositif n’est mis en place pour favoriser la continuité écologique des cours d’eau, les barrages ont un impact environnemental significatif sur la qualité écologique des cours d’eau et des lacs, ou encore la présence de bois flottant. L’ensemble de ces enjeux doit être pris en compte par l’exploitant, ce qui nécessite de tisser un rapport étroit avec les habitants et les élus.

Le cahier des charges n’est pas forcément l’outil le plus adapté. Plutôt que de favoriser la coopération, il impose une vision juridique de la gestion des enjeux locaux. Soit il est exhaustif et, dans ce cas, toute nouvelle contrainte imposée par l’autorité concédante entraîne obligation d’indemnisation du concessionnaire. Soit il est volontairement imprécis, pour permettre une évolution des missions remplies par le concessionnaire et laisser la place à des actions de collaboration volontaire. Mais alors la contrainte s’imposant à ce dernier est moins forte et le risque existe qu’une entreprise privée, a fortiori lorsqu’elle ne dispose pas d’importants effectifs sur place, ne souhaite pas aller au-delà des efforts minimums exigibles.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le présent article donne la possibilité de créer des sociétés d’économie mixte pour la gestion des ouvrages hydroélectriques. Plutôt que d’attribuer les concessions à un seul opérateur privé, dont l’objectif sera de maximiser le chiffre d’affaires tiré de l’exploitation du barrage, cet article ouvre la possibilité aux collectivités territoriales adjacentes au cours d’eau, ainsi qu’à d’autres partenaires publics, de participer activement à l’exploitation industrielle des ouvrages et à faire ainsi entendre le point de vue des populations locales.

Les alinéas 4 à 13, créant l’article L. 521-18 du code de l’énergie, définissent les principes de constitution, de fonctionnement et de dissolution de la « société d’économie mixte hydroélectrique » (SEMH) :

– cette société est constituée, à l’initiative de l’État, pour une durée limitée à l’exécution du contrat de concession ; l’alinéa 13 précise par ailleurs qu’elle est dissoute au terme de ce contrat ou à la suite de sa résiliation ;

– l’objet de la SEMH comprend uniquement la conclusion et l’exécution du contrat de concession (alinéa 5) ;

– la SEMH est une société anonyme, composée d’au moins deux actionnaires (alinéa 6) ; dans le cas d’une SEMH à deux actionnaires, ceux-ci sont nécessairement l’État et un « actionnaire opérateur » ;

– les alinéas 7 et 8 ouvrent le droit, pour les collectivités territoriales riveraines des cours d’eau, de participer au capital de la société, sous réserve de l’accord de l’État ;

– à la demande de l’État, d’autres personnes morales, entreprises ou organismes intégralement publics peuvent également devenir actionnaire (alinéa 9) ; cette disposition vise en particulier la Caisse des dépôts, qui pourra être amenée à participer au financement de la SEMH ;

– les alinéas 10 à 12 revêtent une importance particulière, dans la mesure où ils exigent que la part du capital et des droits de vote détenus par les acteurs publics doit être supérieure à 34 % ; en d’autres termes, compte tenu des règles de modification des statuts des sociétés anonymes, les acteurs publics sont assurés de détenir une minorité de blocage ; parallèlement, l’opérateur industriel doit lui aussi détenir au moins 34 % des droits de vote ou du capital.

Les alinéas 14 à 18, créant l’article L. 521-19 du code de l’énergie, visent à donner aux opérateurs industriels désirant intégrer la SEMH une visibilité sur les intentions de l’État, des collectivités territoriales et des autres partenaires publics. Avant le processus de sélection de l’opérateur industriel, les acteurs publics doivent se prononcer sur :

– les modalités de leur participation au capital et leur rôle dans la gouvernance de la société en cours de création ;

– une « indication » des montants d’investissements qu’ils consacreront aux projets des candidats.

Enfin, les alinéas 19 à 27, créant l’article L. 521-20, traitent de la procédure de mise en concurrence dans le cas où l’État décide de créer une SEMH :

– les règles de droit commun pour la mise en concurrence des concessions hydrauliques s’appliquent (alinéa 19) ;

– pour tenir compte du régime particulier des SEMH, les candidats sont informés des modalités de participation des acteurs publics à la SEMH et des principes de fonctionnement de celle-ci (alinéas 22 et 23) ; l’alinéa 25 précise par ailleurs que l’actionnaire opérateur pourra contribuer à l’exploitation de la concession par la mobilisation de ses propres ressources dans le cadre de contrats de gré à gré signés avec la SEMH. Cet alinéa est important car il donne de la souplesse dans la gestion des personnels travaillant pour la SEMH ; ces derniers pourront être employés directement par la SEMH ou bien être mis à disposition par l’opérateur, notamment s’agissant des salariés remplissant des fonctions support.

Enfin, les alinéas 27 à 29 établissent des coordinations avec des dispositions en vigueur relatives aux procédures de passation des marchés publics.

3.  Position de la co-rapporteure

L’article 27 permet aux collectivités territoriales de participer à l’exécution des concessions hydrauliques dans le cas où l’exploitation de la concession s’effectue par le biais d’une société d’économie mixte hydroélectrique (SEMH), ce qui constitue une avancée considérable.

En revanche, pour les concessions qui ne donnent pas lieu à la création d’une SEMH, les collectivités territoriales et, plus généralement, les riverains, n’ont que très peu de moyens de faire entendre leur vision sur la gestion des usages de l’eau. Le cahier des charges de la concession contient des prescriptions qui encadrent l’activité du concessionnaire. Mais, plutôt que de favoriser la coopération, il impose une vision juridique de la gestion des enjeux locaux.

Pour répondre à une telle préoccupation, votre co-rapporteure a proposé la création de structures de concertation locales : les comités de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau. La création de telles structures est obligatoire pour les concessions regroupant des ouvrages d’une puissance cumulée supérieure à 1 000 MW. Pour les concessions situées dans le périmètre des commissions locales de l’eau, ces dernières assurent le rôle du comité de suivi.

*

* *

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2044, CS2045 et CS2026 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS879 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Il s’agit de permettre aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité de prendre une participation dans le capital d’une société d’économie mixte hydroélectrique (SEMH).

Mme la ministre. L’article 29 crée une nouvelle catégorie de société d’économie mixte dont l’objet est d’exploiter des contrats de concessions hydroélectriques dans une vallée. Une inquiétude, à l’approche de l’échéance des concessions, se faisait jour en effet quant au basculement possible dans un régime de privatisation et de mise sur le marché qui aurait été incompatible avec nos valeurs comme avec l’impératif de la transition énergétique.

Grâce à cette disposition, nous pourrons mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des usages de l’eau et, partant, maintenir, voire renforcer le contrôle public sur le patrimoine commun que constitue le parc hydroélectrique français.

Pour l’attribution de certaines concessions, l’État pourra décider de recourir à la création d’une SEMH, à laquelle il pourra associer les collectivités locales ainsi que d’autres investisseurs publics. Afin de nous mettre en conformité avec les règles européennes tout en maintenant un contrôle public, le ou les actionnaires privés seront sélectionnés à l’issue d’une procédure de mise en concurrence qui permettra simultanément d’attribuer le contrat de concession à la société d’économie mixte nouvellement créée.

S’agissant de l’amendement, le Gouvernement y est favorable, sous réserve que soient supprimés les mots « directement ou par l’intermédiaire d’une régie ou d’une société publique locale », afin de garantir, s’agissant d’actionnaires sélectionnés sans mise en concurrence, que cette possibilité soit réservée à des structures détenues à 100 % par des capitaux publics.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis. Les régies, en effet, peuvent se trouver dans le champ concurrentiel.

M. le président François Brottes. A la rectification proposée par le Gouvernement, j’en ajouterai une autre : il conviendrait de remplacer le mot « accueille » par le mot « approuve ».

Mme Frédérique Massat. D’accord.

M. Jean-Luc Laurent. L’État, dans la rédaction actuelle du texte, est-il partie prenante dans ces sociétés d’économie mixte ?

Mme la ministre. Oui, mais dans des proportions qui peuvent être très différentes d’une SEMH à l’autre.

M. Jean-Luc Laurent. En tant qu’élu local, je suis rassuré de savoir que l’État est présent.

La Commission adopte l’amendement CS879 rectifié.

L’amendement CS2025 de la rapporteure est retiré.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CS2100 rectifié de Mme Frédérique Massat.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels CS2041 et CS2040 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS2380 de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le 2° de l’article L. 521-19 se borne à préciser, dans la rédaction du Gouvernement, que l’accord préalable entre l’État, les collectivités locales et les partenaires publics comporte une « indication » du montant de leurs investissements initiaux.

Je propose de substituer à cette formulation quelque peu floue l’exigence d’une « estimation provisoire de la quote-part » à la charge de chacun des partenaires, afin qu’ils puissent se prononcer en toute connaissance de cause.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2038, CS2024, CS2036, CS2034, CS2033, CS2032, CS2031, CS2030, CS2029 et CS2028 de la rapporteure.

L’amendement CS1300 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2125 de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. L’amendement ouvre la possibilité de créer, là où il n’existe pas de SEMH, un comité de suivi des usages de l’eau. Cette création sera de droit pour les chaînes d’aménagement d’une puissance supérieure à 1 000 mégawatts.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS2125.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2027 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 29 modifié.

Après l’article 29

La Commission examine les amendements identiques CS1332 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1575 de M. Denis Baupin.

L’amendement CS1332 est retiré.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1575 tend à simplifier le code de l’environnement afin de faciliter l’installation des éoliennes. Nous proposons que leur implantation dépende non plus du régime de l’autorisation mais de celui de la déclaration.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’installation d’un parc éolien peut avoir un impact sur l’environnement, ce qui justifie le maintien d’une procédure d’autorisation explicite, au vu d’une étude d’impact.

J’ai engagé un travail important de simplification et d’accélération de la construction des équipements d’énergies renouvelables. Nous expérimentons le permis unique dans sept régions, en espérant étendre bientôt le dispositif à tout le territoire. Cependant, au sein de cette procédure unique, il est indispensable de conserver le régime de l’autorisation. Le maintien d’un cadre juridique stable est d’ailleurs une nécessité pour les exploitants.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis.

Mme Cécile Duflot. Les pressions qui s’exercent sur le développement du renouvelable, particulièrement de l’éolien, sont plus contraignantes que celles qui pèsent sur d’autres installations. Pourquoi prétendre que les éoliennes ne peuvent coexister avec les radars militaires ? Si tel était le cas, la France serait le seul pays dans lequel nos forces aériennes peuvent intervenir, puisque tous les autres ont un parc éolien supérieur au nôtre. Les procédures d’autorisation sont si complexes qu’elles constituent en fait des procédures d’empêchement.

M. Jean-Jacques Cottel. Il a d’abord été interdit d’implanter des éoliennes à moins de trente kilomètres d’une installation militaire. Les réticences, voire les refus concernent à présent des installations situées à cinquante, voire soixante kilomètres d’un radar. Autant dire qu’on ne peut plus construire d’éoliennes sur les trois quarts du pays !

M. Philippe Plisson. Il n’y a pas lieu de soumettre les éoliennes aux mêmes procédures que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui sont le plus souvent des usines chimiques. Dans un souci de simplification, il suffirait de soumettre les éoliennes à un régime d’autorisation unique, préférable au cumul du permis de construire, de l’autorisation propre aux ICPE et de l’obligation d’études préalables. Il faut en outre sécuriser le cadre juridique, car le développement de l’éolien ne doit pas dépendre de la sensibilité politique de tel ou tel ministre.

M. le président François Brottes. Depuis le début de la législature, la situation a progressé, grâce à la suppression des zones de développement éolien (ZDE). Il faut cependant maintenir, dans un souci d’équilibre, la procédure de concertation publique.

M. Denis Baupin. Les professionnels sont les premiers à reconnaître les avancées qu’apporte la loi Brottes, mais les porcheries, qui ne sont tout de même pas moins polluantes que les éoliennes, sont passées sans difficulté du régime de l’autorisation à celui de la déclaration.

Quant à la simplification, nous y reviendrons quand nous aborderons le titre VII. La réunion des différentes procédures dans un même dossier n’est pas toujours beaucoup plus aisée et n’offre pas de réelle garantie juridique.

L’amendement CS1575 est retiré.

Mme la ministre. Nous avancerons sur ce point au cours du débat en séance publique.

Chapitre III
Mesures techniques complémentaires

Article 30
Habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures techniques

1.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 30 du projet de loi prévoit une large habilitation à légiférer par ordonnances dans plusieurs domaines techniques du secteur de l’énergie, la plupart des mesures proposées étant complémentaires des dispositions du présent projet de loi.

En outre, il supprime un plafond de puissance en kilovoltampères indiqué à l’article L. 2224-32, créé par la loi du 8 avril 1946 mais qui n’a plus de réelle justification aujourd’hui.

L’habilitation proposée par cet article concerne douze domaines clairement identifiés, qui devront être traités par ordonnance dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi.

Le premier domaine d’intervention de l’ordonnance concerne l’insertion des installations de production d’électricité renouvelable dans le marché de l’électricité. Devant les distorsions créées par l’actuel régime de l’obligation d’achat auquel peuvent prétendre ces installations (cf. supra le commentaire sous l’article 23), l’ordonnance pourra modifier les critères d’éligibilité à ce régime et préciser les conditions d’achat de l’électricité produite, notamment les obligations contractuelles d’EDF ou des entreprises locales de distribution en matière de détermination et de révision des clauses des contrats d’achat. L’objet d’une telle révision est de rendre le régime de l’obligation d’achat plus « réactif » aux évolutions du marché de l’électricité.

Le deuxième domaine est relatif à l’amélioration de l’intégration des installations de production d’électricité renouvelable au sein du réseau public de distribution. Le niveau d’électricité produite par ces installations a comme inconvénient de dépendre d’éléments exogènes (l’ensoleillement pour les installations photovoltaïques ; la force du vent pour les installations éoliennes), qui explique son intermittence. Pourtant, à terme, les exploitations d’électricité renouvelable devront pouvoir contribuer à l’équilibrage du réseau (l’adéquation à tout instant de l’offre et de la demande de l’électricité).

Le troisième domaine vise à réglementer les installations d’autoproduction et d’autoconsommation de l’électricité, en plein essor du fait d’un effet-ciseau positif constitué, d’une part, de la baisse des coûts de production de l’électricité renouvelable, et, d’autre part, de la hausse des prix à la consommation. La réglementation aura pour objet de maîtriser cet essor, notamment en assurant le respect d’exigences de sécurité. Un régime de l’autoproduction et de l’autoconsommation sera défini, et des expérimentations seront autorisées.

Les quatrième à neuvième domaines concernent la rénovation du régime juridique des concessions hydroélectriques, notamment sur la protection du domaine de la concession, sur régime des sanctions administratives et pénales, sur l’institution de servitudes et sur les installations exploitant des énergies renouvelables marines.

Le dixième domaine doit permettre d’assurer la coordination juridique entre la rénovation de la procédure d’appel d’offres, prévue par l’article L. 311-10 du code de l’énergie, dont le cahier des charges suit une liste de critères augmentée à l’article L. 311-5 du même code (cf. infra le commentaire de l’article 55 – cette liste valant également pour la délivrance des autorisations d’exploitation) et les nouvelles dispositions prévues par le présent projet de loi sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (cf. infra le commentaire de l’article 49).

Le onzième domaine prévoit l’intervention de l’autorité administrative, par voie d’appel d’offres, dès lors que les objectifs d’injection du biométhane dans le réseau de gaz se décorrèlent de la trajectoire prévue par la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Enfin, le douzième domaine d’intervention de l’ordonnance doit permettre l’organisation et la conclusion d’appels d’offres pluriannuels intégrés – à rapprocher des appels à manifestation d’intérêts de l’ADEME – pour encourager le développement (de la mise au point au déploiement) de technologies innovantes dans le domaine de l’énergie. Ces technologies concourent à remplir les objectifs de la politique énergétique de la France, ainsi qu’à créer des filières compétitives et créatrices d’emplois durables.

2.  Position de votre co-rapporteure

Votre co-rapporteure reconnaît la nécessité de recourir à des ordonnances sur ces sujets à la fois techniques et dont la mise en place est urgente. Elle sera néanmoins attentive au contenu de ces ordonnances, et à leur adéquation avec l’esprit du présent projet de loi.

Elle a également proposé des précisions, dans le respect de l’exigence constitutionnelle de ne pas élargir le champ des ordonnances : le régime de l’autoproduction et de l’autoconsommation, qui sera précisé par une de ces ordonnances, comprendra ainsi des dispositions relatives à l’accès au réseau de distribution de ses installations et de leur participation au TURPE.

*

* *

L’amendement CS1297 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2161 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CS2167 de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Les conditions dans lesquelles une exploitation consommant sa propre production électrique contribue au TURPE seront prévues dans le régime de l’autoproduction défini par ordonnance.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS2167.

Elle adopte successivement l’amendement CS666 de M. Serge Letchimy et les amendements rédactionnels CS2162 et CS2163 de la rapporteure.

Elle est saisie de l’amendement CS2367 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’amendement vise à ouvrir le financement participatif aux projets de production d’énergie renouvelable. Cet ajout complète l’article 27 du projet de loi.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Les amendements CS1301 et CS1333 de M. Jean-Paul Chanteguet sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CS2374 du Gouvernement.

Mme la ministre. Je propose que les critères applicables aux appels d’offres valorisent les investissements participatifs mentionnés à l’article L. 314-24.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CS2164 et CS2165 de la rapporteure.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, elle adopte l’amendement CS880 de Mme Frédérique Massat.

Puis elle adopte l’article 30 modifié.

Mme la ministre. L’article 30 que nous avons adopté est très important, puisque le Parlement y habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances ; comme je m’y étais engagée, celles-ci seront rédigées d’ici l’examen en séance publique. Elles permettront d’accélérer la transition énergétique – ce dont je vous sais gré –, car elles visent à : réformer les mécanismes de soutien des énergies renouvelables électriques, pour améliorer leur intégration au marché de l’électricité ; améliorer l’intégration au système électrique des installations de production d’électricité raccordées au réseau de distribution, notamment celles produisant à partir de sources renouvelables ; mettre en place les mesures nécessaires à un développement maîtrisé de l’autoproduction, notamment relatives à la réalisation d’expérimentations ; réformer le régime des sanctions applicables aux concessions hydroélectriques ; renforcer la protection du domaine hydroélectrique concédé, en instituant notamment des sanctions à l’encontre des auteurs d’actes portant atteinte à l’intégrité, à l’utilisation ou à la conservation de ce domaine, dans le but de lutter contre les dépôts illégaux de terres, de déchets et d’objets quelconques ; permettre l’institution des servitudes nécessaires à l’exploitation d’une concession hydroélectrique ; compléter la définition du droit d’entrée ainsi que les règles d’assiette de la redevance applicable aux concessions hydroélectriques instituée à l’article L. 523-2 du code de l’énergie ; préciser les conditions dans lesquelles sont exploitées les installations hydrauliques concédées pendant la période temporaire qui suit l’expiration de la concession jusqu’à l’institution d’une nouvelle concession ou de l’autorisation dans le cas où l’ouvrage relève de ce régime ; exclure les installations utilisant l’énergie des courants marins du régime général des installations hydroélectriques ; mettre en cohérence les articles du code de l’énergie relatifs à la procédure d’appel d’offres avec les dispositions du projet de loi et redéfinir les modalités de ces appels d’offre ; permettre à l’autorité administrative de recourir à une procédure d’appel d’offres lorsque les objectifs d’injection du biométhane dans le réseau de gaz s’écartent de la trajectoire prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie ; permettre l’organisation et la conclusion d’appels d’offres pluriannuels intégrés destinés à la mise au point, à l’expérimentation et au déploiement de technologies innovantes concourant à la satisfaction conjointe des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1 et L. 100-4 du code de l’énergie, notamment la constitution de filières compétitives d’excellence créatrices d’emplois durables.

Le II de cet article supprime le seuil de 8 000 kilovoltampères (kVA) dans le code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes d’exploiter une installation hydroélectrique quelle que soit sa puissance.

M. le président François Brottes. Les ordonnances ne rendent pas les parlementaires enthousiastes, mais nous avons compris que le pouvoir réglementaire devait pouvoir agir vite pour que la transition énergétique se déploie plus rapidement. Nous vous remercions de nous transmettre les textes dans les délais que vous aviez indiqués, cette situation est suffisamment rare pour que nous la saluions.

Article 30 bis [nouveau]
(article L. 164-1-1 [nouveau] du code minier)

Assurance obligatoire pour l’exploitation de sites géothermiques de minime importance

Le développement de la géothermie s’inscrit dans le contexte prioritaire de la transition énergétique pour la croissance verte. La géothermie couplée à une pompe à chaleur qui nécessite des forages de profondeur moyenne (entre 10 et 200 m) est appelée géothermie de minime importance. L’énergie produite est utilisée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire dans des maisons individuelles ou de petits lotissements.

Cet article additionnel dont votre co-rapporteure a proposé l’adoption en commission prévoit que les indemnisations des dégâts miniers causés par une installation géothermique de minime importance ne soient plus portées par l’État, mais par les entreprises de forage qui ont désormais l’obligation d’assurer. Il permet notamment aux dommages causés à plusieurs tiers à la suite de forages pouvant être commandés par des particuliers, comme cela a été le cas sur la commune de Lochwiller, d’être couverts par des contrats d’assurance.

*

* *

La Commission en vient à l’amendement CS2168 de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le régime général des mines prévoit une intervention publique en cas de dégât minier sur les sites de géothermie de minime importance. Mieux vaut que les entreprises de forage possèdent leur propre assurance.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 30 ter [nouveau]
Demande de rapport au Gouvernement sur le régime des installations d’autoproduction d’électricité

Selon votre co-rapporteure, à l’initiative de cet article additionnel, les installations d’autoproduction et d’autoconsommation d’électricité posent un défi au lien historique entre réseau de distribution d’électricité et exploitation de production. Il s’agit de demander au Gouvernement de clarifier les relations que ces exploitations en autoproduction (hormis celles en sites isolés) vont entretenir avec le réseau de distribution auquel elles sont raccordées. La question de la participation à l’entretien du réseau via le TURPE se pose particulièrement.

*

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La Commission est saisie de l’amendement CS2166 de la rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Les installations d’autoproduction et d’autoconsommation de l’électricité posent un défi au régime actuel du lien entre le réseau de distribution d’électricité et l’exploitation de production d’énergies renouvelables. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de clarifier les relations que ces exploitations en autoproduction – hormis celles situées en sites isolés – entretiendront avec le réseau de distribution auquel elles sont raccordées. La question de la participation à l’entretien du réseau via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) se pose particulièrement. Je souhaiterais commander un rapport sur les conditions d’utilisation du réseau de distribution de l’électricité par les installations d’autoconsommation.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 30 quater [nouveau]
Demande de rapport au Gouvernement sur l’élaboration d’un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné

Cet article additionnel, que votre co-rapporteure approuve, vise à demander la remise d’un rapport portant sur l’utilisation de l’hydrogène comme source d’énergie adaptée au développement de solutions de stockage et d’optimisation des réseaux de gaz et d’électricité.

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* *

Elle est saisie de l’amendement CS2409 du président François Brottes.

M. le président François Brottes. Je ne suis pas très fier de demander au Gouvernement la rédaction d’un rapport, mais les dispositions de l’article 40 m’interdisent d’aller plus loin. J’appelle l’attention de la ministre sur la nécessité de créer un modèle économique et industriel permettant de développer le stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné. Cet investissement sera source d’économies pour les réseaux de transport et de distribution, à laquelle la gestion de l’intermittence coûte 600 à 700 millions par an.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Après l’article 30

La Commission examine l’amendement CS322 de M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Le développement de l’éolien est plus faible en France que chez tous nos voisins européens, ce qui provient en partie d’une contestation quasi systématique des projets d’implantation devant le juge administratif. Nous proposons par conséquent de réviser l’article L. 211-2 afin de confier aux cours administratives d’appel le soin de statuer sur ces recours.

Mme la ministre. Avis défavorable. Selon le Conseil d’État, la production d’énergie renouvelable ne constitue pas un motif d’intérêt général, seule condition permettant de déroger au principe de la double juridiction. Sur ces sujets, la décision ne relève pas de la loi. Pour abréger les procédures, j’ai lancé, en lien avec la ministre de la justice, la rédaction d’un décret visant à confier le contentieux de l’éolien en mer à une cour d’appel administrative unique.

L’amendement CS322 est retiré.

La Commission étudie les amendements identiques CS323 de M. Jean-Jacques Cottel et CS1577 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Dans les outre-mer, la situation a été totalement bloquée, la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral imposant de construire dans la continuité du bâti, tandis que les règles régissant l’implantation des éoliennes exigeaient qu’elles soient placées à plus de 500 mètres des habitations. La loi Brottes a remédié à la situation.

L’amendement propose d’introduire en métropole la même dérogation, tout en harmonisant la loi « littoral » et la loi « montagne ». La procédure resterait toutefois très encadrée. La dérogation n’interviendrait qu’après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, et des ministres chargés de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie. Elle serait refusée aux constructions ou installations de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables, ou incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière.

M. le président François Brottes. Il faudra préciser si l’avis de la commission départementale et des ministres doit être simple ou conforme.

Mme la ministre. Plusieurs amendements visent à modifier la loi littoral pour permettre le développement de l’éolien. Le sujet est sensible, compte tenu des pressions que les secteurs de l’immobilier et du tourisme exercent sur ce texte. Je conviens que celui-ci entre en contradiction avec l’interdiction de construire des éoliennes à moins de 500 mètres des habitations ; mais il n’y a pas lieu d’étendre à l’hexagone les dérogations que la loi du 15 avril 2013 prévoit pour l’outre-mer. À nous de trouver une solution équilibrée pour développer l’éolien sans déroger à la loi littoral.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Même avis. Je salue le volontarisme de la ministre.

M. Philippe Plisson. Ce texte offre une occasion de lever de manière pragmatique et efficace les freins innombrables qui entravent le développement de l’éolien. La loi littoral interdit par exemple à EDF Énergies nouvelles de construire des éoliennes autour de la centrale du Blayais sur des terrains délaissés qui ne présentent aucun caractère touristique.

M. Denis Baupin. Certaines communes cèdent une partie de leurs territoires à la municipalité voisine, afin que celle-ci puisse y construire des éoliennes. Autant dire que le dispositif manque pour le moins de cohérence. Quand nous avons voté la loi Brottes, nous avons signalé le problème. On nous a engagés à attendre et à réfléchir. Un an et demi plus tard, nous n’avons guère avancé.

Mme la ministre. Une solution serait d’adopter les amendements, que je vous proposerai de sous-amender en séance publique.

Mme Cécile Duflot. Quoique signataire de l’amendement CS1577, je pense, comme la ministre, qu’il faut être très strict sur la loi littoral, que je considère comme un joyau de notre législation.

M. le président François Brottes. Il serait plus logique de retirer les amendements pour les retravailler avant la séance publique.

M. Philippe Plisson. Je me félicite également de l’existence de la loi littoral, qui interdit aux promoteurs de construire des marinas n’importe où, mais les éoliennes doivent être implantées le plus près possible des fleuves et des rivages.

Mme Cécile Duflot. Il faut en effet lever cette difficulté. Quand la loi littoral a été votée, en 1986, la question des éoliennes ne se posait pas.

M. Denis Baupin. Si le Gouvernement s’engage à proposer une solution en séance publique, je suis prêt à retirer l’amendement.

Mme la ministre. Ce sera le cas.

Les amendements CS323 et CS1577 sont retirés.

Elle étudie l’amendement CS1578 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’amendement propose qu’un décret en Conseil d’État précise les règles d’implantation des éoliennes vis-à-vis des installations et secteurs militaires, comme des équipements de surveillance météorologique et de navigation aérienne.

Mme la ministre. Plusieurs parlementaires ont soulevé ce problème, et je me suis rapprochée de mon collègue Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, qui a désigné une personnalité militaire chargée d’examiner, au cas par cas, la compatibilité entre les équipements militaires et les éoliennes. Un groupe de travail, dans lequel pourront siéger des parlementaires, sera mis en place pour que cette question soit rapidement réglée. Cette dynamique positive devrait permettre certaines autorisations.

En ce qui concerne la compatibilité avec les équipements de Météo France, le sujet est traité et un nouveau dispositif sera bientôt déployé.

Les exigences et les contraintes de la défense nationale ne relèvent pas de mon ministère, mais nous avons amorcé un partenariat intelligent avec le ministère de la défense, si bien que je vous demande de retirer votre amendement.

M. Denis Baupin. Il s’agit d’un amendement d’appel, mais les échos que nous avons recueillis de l’étude au cas par cas s’avèrent peu rassurants. Cette méthode peut fonctionner pour des projets déjà avancés, mais le couperet du ministère de la défense en dissuadera le lancement de nouveaux.

M. Philippe Plisson. Si une commission était mise en place, je souhaiterais y participer… (Sourires.)

Mme Cécile Duflot. La procédure du cas par cas se révèle très laborieuse ; il conviendrait de réfléchir, d’ici à la séance publique, à un dispositif qui prévoit que l’autorisation est de droit commun et que le refus doit être motivé par le ministère de la défense, le système actuel étant unique au monde.

L’amendement est retiré.

La Commission aborde l’amendement CS1187 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Frédérique Massat. Cet amendement vise à interpeller le Gouvernement et le Parlement pour qu’une expertise nationale relative aux capacités hydroélectriques soit conduite. Il s’agit d’un amendement d’appel ayant pour objet de réfléchir au développement de nouveaux ouvrages, notamment dans les massifs montagneux, l’hydroélectricité présentant de grands avantages en termes de mix énergétique et de stockage.

Mme la ministre. J’entends cette préoccupation, mais elle ne relève pas du domaine législatif. Le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a publié une synthèse de l’étude de convergence menée par l’État et les professionnels de ce secteur en 2012 et 2013.

L’amendement est retiré.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS984 de Mme Viviane Le Dissez, sous-amendé par les CS2395 de Mme Barbara Pompili et CS2394 de Mme Brigitte Allain, et les amendements CS986 de Mme Viviane Le Dissez, CS987 et CS988 de M. Jean-Pierre Le Roch.

M. Christophe Bouillon. Ces amendements comportent plusieurs propositions pour développer la méthanisation.

M. Denis Baupin. Les deux sous-amendements précisent que les installations de méthanisation recevant des avantages sont collectives.

Mme la ministre. Je vous suggère de retirer ces amendements, qui relèvent de la loi de finances.

M. Denis Baupin. Est-ce à dire que, le moment venu, nous pourrons nous prévaloir de votre soutien ?

Les amendements sont retirés.

TITRE VI
RENFORCER LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE
ET L’INFORMATION DES CITOYENS

Article 31
(articles L. 125-17 et L. 125-20, L. 125-16-1 et L. 125-25-1 [nouveaux], et L. 592-31 du code de l’environnement)

Information et transparence en matière nucléaire

L’article 31 du projet de loi vise à renforcer les commissions locales d’information afin de permettre une meilleure information des populations en matière nucléaire. Il comprend également une sollicitation du Gouvernement pour légiférer par ordonnance dans un délai de douze mois suivant la publication de la loi.

1.  État du droit

Une commission locale d’information (CLI) est une structure d’information et de concertation adossée à un site nucléaire. Au nombre de trente-sept sur le territoire, elles rassemblent quelque 3 000 membres – élus, syndicalistes, représentants associatifs et personnes qualifiées. Chaque CLI exerce une mission générale d’information du public en matière de sûreté et de suivi de l’impact des activités de l’installation classée sur les personnes et l’environnement. La loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (dite TSN) leur a donné un fondement législatif aux articles L. 125-17 et suivants du code de l’environnement.

L’Autorité de sûreté nucléaire alloue chaque année aux CLI une subvention annuelle d’un montant d’un million d’euros. Les collectivités territoriales et l’État participent également à leur budget.

La décision de créer une CLI relève du président du conseil du département dans lequel l’installation nucléaire de base (INB) est située. S’il y a plusieurs installations proches, il décide s’il convient de créer une ou plusieurs commissions. Il nomme les membres de la commission, qu’il préside.

La CLI peut être dotée de la personnalité juridique et revêtir le statut d’association. Pour l’exercice de ses missions, elle peut faire réaliser des expertises et procéder à toute mesure relative aux émissions ou rejets des installations du site. L’exploitant, l’ASN et les services de l’État lui communiquent toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Elle est informée de tout incident ou accident dans les meilleurs délais. La consultation de la commission est également obligatoire pour tout projet faisant l’objet d’une enquête publique.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le projet de loi conforte le caractère participatif des CLI en ordonnant, au sein du code de l’environnement, que chacune organise au moins une réunion publique annuelle (article L. 125-17).

La nouvelle rédaction de l’article L. 125-20 prévoit une prise en compte de la spécificité des CLI attachées à des installations nucléaires de base situées à proximité d’une frontière en permettant à des ressortissants de pays étrangers d’y siéger.

Le nouvel article L. 125-16-1 prévoit que les riverains d’une INB faisant l’objet d’un plan particulier d’intervention (PPI) reçoivent régulièrement, aux frais de l’exploitant, des informations sur les mesures de sécurité et la conduite à tenir en cas d’accident. Il s’agit là d’une harmonisation avec le régime applicable aux sites classés « Seveso » qui a été défini par la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable. Cette obligation est déjà souvent remplie en pratique, sous la forme de distribution périodique de plaquettes, notamment à l’occasion des distributions d’iode.

Le nouvel article L. 125-25-1 permettrait aux CLI de visiter les installations nucléaires de base à leur demande, en fonctionnement normal ou à la suite d’un incident significatif, et de recevoir toutes les explications nécessaires.

L’article L. 592-31 fait du rapport annuel de l’ASN un document de bilan en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Jusqu’à présent notifié aux plus hautes autorités de l’État, il serait désormais publié et mis à la disposition des citoyens.

L’article comporte enfin deux dispositions d’habilitation à légiférer par ordonnance. La première habilitation étendrait le champ des rapports annuels et de l’obligation de communication existante non plus seulement à la sûreté nucléaire et à la radioprotection, mais à l’ensemble des champs couverts par la législation des INB, à savoir la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement (sécurité, santé et salubrité publiques, protection de la nature et de l’environnement). Ceci recouvre les impacts chroniques des installations et non plus seulement les conséquences des accidents ponctuels, la gestion des déchets et les rejets non radioactifs.

La seconde habilitation créerait un régime de servitudes d’utilité publique attaché aux matières nucléaires : lorsqu’il subsiste des substances radioactives sur un terrain ou un bâti (en raison d’une pollution radioactive, après dépollution ou en présence de matériaux naturellement radioactifs), un dispositif conservant la mémoire de ces substances pour restreindre certains travaux d’aménagement ou de démolition. C’est d’ailleurs un procédé déjà prévu par le code de l’environnement pour les ICPE. Il importe que ces éléments soient portés à la connaissance de tout acquéreur éventuel. Les servitudes d’utilité publique seraient instituées par arrêté préfectoral, à l’instar de ce qui existe dans le code de l’environnement ou dans le code minier, après enquête publique si l’ampleur des servitudes le justifie. Au vu du parc de sites et sols pollués par des substances radioactives (moins de deux cents, hors INB et ICPE qui relèvent déjà de dispositifs de servitudes d’utilité publique spécifiques), on peut limiter à quelques dizaines les cas d’utilisation du dispositif dans les dix ans à venir.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur approuve l’article 31 du projet de loi, auquel il souhaite néanmoins apporter quelques évolutions. Un amendement prévoit notamment que la visite d’une CLI dans une installation nucléaire de base a lieu à la demande de son président ; un autre précise que l’inclusion de membres étrangers dans une CLI est de droit dès lors que l’INB concernée se trouve dans un département frontalier, écartant la notion trop floue de « proximité d’une frontière ». En outre, votre rapporteur a souhaité remplacer l’expression « accident ou incident » par « tout incident d’un niveau supérieur ou égal à 1 » sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES), élaborée en 1990 et mise en application au niveau international en 1991, qui semble globalement acceptée par l’ensemble des parties prenantes en dépit de ses imperfections scientifiques. Enfin, le délai imparti au Gouvernement pour déposer le projet de loi de ratification de l’ordonnance autorisée par l’article 31 est ramenée de six à quatre mois.

Par ailleurs, deux amendements déposés par Mme Cécile Duflot ont été adoptés avec le soutien de votre co-rapporteur : l’un indiquant que le PPI informe également les populations sur la nature du risque encouru, l’autre prévoyant qu’il fait l’objet d’une consultation de la CLI.

*

* *

La Commission étudie l’amendement CS1721 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Nous avons déposé plusieurs amendements sur les articles de ce titre VI qui améliore la transparence et la sûreté dans le domaine du nucléaire, objectif sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, quelles que soient nos convictions sur le nucléaire.

Cet amendement propose que les exploitants associent les commissions locales d’information (CLI) à l’élaboration des dispositifs déployés à l’occasion de la mise à l’arrêt définitif et du démantèlement d’une installation nucléaire. Monsieur le président, lorsque nous nous sommes rendus à Fessenheim pour la commission d’enquête relative aux coûts du nucléaire, nous avons constaté que la population n’était pas préparée à l’arrêt de la centrale ; il convient donc d’intégrer les CLI à la réflexion conduite en amont sur les conséquences d’un démantèlement. Cela permettrait de mener une action pédagogique et d’anticiper les problèmes dépassant le strict domaine technique.

Mme la ministre. L’article 31 renforce significativement l’information et la transparence. Il prévoit que la CLI – dont la composition pourra être adaptée – organise au moins une fois par an une réunion publique ouverte à tous, et que les riverains d’une installation nucléaire de base (INB) reçoivent régulièrement, aux frais de l’exploitant et sans qu’ils aient à le demander, des informations sur les mesures de sécurité et sur la conduite à tenir en cas d’accident. Enfin, cet article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour élargir le champ des informations qui doivent être rendues publiques et pour permettre d’instituer des servitudes d’utilité publique sur les terrains ou sur le bâti pollués par des substances radioactives, afin d’en garder la mémoire au regard des usages ultérieurs et de définir, si nécessaire, des restrictions d’usage ou des prescriptions encadrant les travaux futurs.

Cet article consacre les CLI comme des instances de concertation disposant d’une mission générale de suivi ; elles peuvent donc se pencher sur toutes les questions, et je ne souhaite pas que l’on déstabilise le dispositif en énumérant un sujet particulier.

J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

M. Philippe Plisson, rapporteur pour les titres III et VI. Même avis.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1722 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement a pour objet de permettre aux CLI d’assister aux visites décennales des installations nucléaires et de les associer à l’élaboration des améliorations formulées à l’issue de ces visites. Par ailleurs, il conviendrait que les CLI participent à la définition et la réalisation des exercices de sûreté. Leur implication en amont faciliterait l’édiction de règles applicables, alors que l’expérience montre l’existence de décalages entre les normes et la réalité.

Mme la ministre. Cet amendement est déjà satisfait puisque, les CLI ayant une mission générale de suivi et d’information, elles peuvent demander tous les documents et les informations utiles, étudier les suites des visites décennales des centrales nucléaires et saisir l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Avec cet article 31, ce qui s’est passé avant l’élaboration de cette loi n’a plus de portée, et la mission générale de suivi et d’information se trouverait amoindrie si on la détaillait dans le texte.

M. Denis Baupin. Les propos de Mme la ministre s’avèrent importants, car les membres des CLI pourront s’en prévaloir en cas de difficultés administratives. Cependant, il arrive que des membres de CLI et des élus locaux ne soient pas associés, malgré leur demande, aux exercices de sûreté ; le seront-ils désormais systématiquement ?

Mme la ministre. Ils pourront en faire la demande.

M. Denis Baupin. Ils le peuvent déjà, mais ils ont souvent essuyé des refus.

Mme Cécile Duflot. Tout est toujours possible : rendre publics les avis de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et ceux de l’ASN comme demander la communication de documents ; le problème est que l’on rejette la plupart du temps ces requêtes. Il faut donc sortir de la logique de la faculté pour entrer dans celle de l’automaticité, sinon les CLI resteront des organes à la compétence formelle, privés de véritable influence. Or, en cas d’accident, les élus locaux se trouveront en première ligne car les habitants se tourneront vers eux ; il serait donc logique qu’ils puissent travailler davantage avec les opérateurs.

M. Jean-Yves Caullet. L’article crée un cadre légal qui confère une compétence générale aux CLI ; en cas de refus, celles-ci pourront s’en prévaloir afin qu’une jurisprudence reconnaisse les documents à communiquer et les participations à autoriser. On renverse la charge de la preuve, la justification devant dorénavant accompagner les refus – ouvrant le droit à des recours – et non plus les demandes.

Mme la ministre. Je reprends à mon compte le raisonnement de M. Caullet : nous forgeons un nouveau système, reposant sur la transparence et sur la compétence générale des CLI. En énumérant des compétences, on exclut celles qui ne se trouveront pas sur la liste ! Les refus opposés aux demandes des CLI – y compris celles ayant trait à la participation aux exercices de sûreté – devront être justifiés.

Mme Cécile Duflot. Si vous souhaitez la transparence, ce dont je ne doute pas, Mme la ministre, pourquoi la loi ne pourrait-elle pas, à côté de la compétence générale, préciser que la participation des CLI aux exercices de sûreté est de droit ?

M. le président François Brottes. Madame Duflot, chaque fois que nous avons voulu privilégier un élément plutôt qu’un autre dans un texte, la pratique n’a retenu que la précision et a délaissé le reste. À vouloir durcir, on fragilise !

Mme la ministre. Si nous adoptons cet amendement, la CLI se trouverait associée aux exercices de sûreté, mais elle ne pourrait pas en demander, alors que la rédaction actuelle du texte l’autorise. L’énumération restreindrait la portée du texte.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1720 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement porte sur la composition des CLI ; les entreprises sous-traitantes n’y sont pas représentées aujourd’hui, alors que les questions de sûreté les concernent directement, 80 % des doses étant absorbées par les sous-traitants, notamment lors des périodes d’arrêts de tranche.

Mme la ministre. Là encore, une énumération s’avérerait contre-productive. Les CLI organiseront au moins une réunion publique par an à laquelle les salariés des entreprises sous-traitantes pourront participer ; la loi actuelle prévoit déjà la présence de représentants de salariés et d’organisations syndicales dans les CLI sans exclure ceux provenant d’entreprises sous-traitantes. Nous préciserons cette absence d’exclusion dans un décret d’application de la loi.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Monsieur Baupin, votre amendement cantonnerait les salariés à une présence consultative, alors que le texte leur confère une voix délibérative ; je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Denis Baupin. Les seuls salariés disposant d’une voix délibérative dans le projet actuel sont ceux d’EDF, M. le rapporteur.

Compte tenu de l’engagement pris par Mme la ministre d’insérer dans un décret la possibilité pour les entreprises sous-traitantes d’être représentées dans les CLI, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2390 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. L’alinéa 4 de l’article 31 dispose que, si un site est situé à proximité d’une frontière, la CLI inclut des membres issus des pays étrangers concernés ; mon amendement vise à préciser cette notion de proximité – afin de limiter le risque de contentieux – en l’entendant comme un département frontalier.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. le président François Brottes. Ne pourrait-on pas qualifier les pays concernés de « voisins » ou de « limitrophes » plutôt que d’« étrangers » ?

M. Jean-Yves Caullet. Il faudrait circonscrire les pays concernés et n’évoquer que les États frontaliers.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je soutiens cette réécriture.

M. Denis Baupin. Si cet amendement était adopté, le suivant, dont je suis l’auteur, tomberait ; or celui-ci prévoit que les représentants des États étrangers – ou au moins une partie d’entre eux – soient issus de la société civile.

M. le président François Brottes. Est-ce à la France de choisir l’identité des représentants des pays étrangers, ou appartient-il à ceux-ci de les désigner ?

Mme la ministre. Je souhaite le maintien du terme « étrangers » plutôt que « frontaliers », car le département où est située la centrale de Cattenom est limitrophe du Luxembourg, mais non de la Belgique, qui se situe cependant à 20 kilomètres de la frontière franco-luxembourgeoise et se trouve également concernée par l’activité de la centrale.

Mme Cécile Duflot. L’amendement auquel a fait allusion M. Baupin vise à accroître la présence des personnes intéressées par la sûreté et la transparence de l’information touchant aux installations nucléaires ; si l’État concerné envoie un fonctionnaire du ministère de l’environnement et de l’énergie, la mesure perdra de sa portée. Il convient d’élaborer une formulation juridique permettant d’améliorer l’information du public.

Mme la ministre. Je suis très défavorable à cette proposition : que dirait-on si la loi d’un pays étranger empêchait le maire d’une commune française limitrophe de participer à une telle commission d’information ? Les municipalités étrangères devront choisir elles-mêmes les personnes qu’elles souhaitent envoyer dans les CLI.

M. le président François Brottes. Il faudra préciser la rédaction d’ici l’examen en séance, afin que des pays éloignés de 100 kilomètres ne puissent pas demander à participer aux réunions des CLI.

La Commission adopte l’amendement rectifié.

En conséquence l’amendement CS1723 de M. Denis Baupin tombe.

La Commission en vient à l’amendement CS1724 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Toute la population du bassin de vie auquel appartient une installation nucléaire doit recevoir régulièrement les informations prévues. L’approche par bassin de vie, notion définie par l’INSEE, est plus adaptée que celle qui se contente de définir un périmètre en kilomètres.

Mme la ministre. Avis défavorable. Dans certaines zones, l’adoption de l’amendement risquerait de restreindre un périmètre qui peut être beaucoup plus étendu que le bassin de vie.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS1312 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1725 de M. Denis Baupin.

L’amendement CS1312 est retiré.

M. Denis Baupin. Madame la ministre, le bassin de vie peut sans doute couvrir un territoire trop peu étendu, mais, dans les textes actuels, le périmètre concerné est bien celui des dix kilomètres, qui ne correspond en aucun cas à celui touché lors des accidents nucléaires. Inutile que je vous démontre que l’impact des événements de Fukushima a très largement dépassé cette zone !

Sur le modèle des règles retenues par nos voisins allemands, nous proposons de définir un périmètre de cinquante kilomètres autour de l’installation nucléaire. Je note que pour une même centrale, comme celle de Fessenheim, deux périmètres différents jouent aujourd’hui selon le côté de la frontière où l’on se trouve.

Mme la ministre. Instaurer systématiquement un périmètre de cinquante kilomètres reviendrait à couvrir 40 % du territoire métropolitain. Le choix du périmètre du plan particulier d’intervention (PPI), adapté au cas par cas à la nature des risques liés à chaque installation, est plus judicieux que celui d’une zone arbitraire qui pourrait être, soit trop étendue pour permettre la mise en œuvre de mesures opérationnelles, comme l’évacuation ou la distribution de pastille d’iode, soit trop réduite, en cas d’accident majeur.

Le ministère de l’intérieur et l’ASN pilotent actuellement une démarche de retour d’expérience de la catastrophe de Fukushima, qui pourrait conduire à revoir prochainement les périmètres des PPI. Je propose d’écarter l’amendement dans l’attente des résultats de ces travaux.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Défavorable également. Je sais d’expérience que, plus le périmètre du territoire concerné est étendu, plus il est difficile d’informer et de mobiliser les populations ou d’organiser des exercices.

Mme Cécile Duflot. J’ai relevé que Mme la ministre nous indiquait que 40 % du territoire hexagonal se trouve à moins de cinquante kilomètres d’une centrale nucléaire. Une telle densité fait de la France une exception mondiale.

Mme la ministre. Raison de plus pour rester vigilants et adapter correctement les réglementations à la réalité de l’identité énergétique de notre pays !

M. le président François Brottes. Si j’ai bien compris, Mme Duflot appelle de ses vœux la répartition harmonieuse des centrales sur notre territoire et une plus grande proximité entre les sites de production énergétique et les lieux de consommation…

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CS2101 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Les informations transmises doivent aussi porter sur « la nature des risques d’accident et sur les conséquences envisagées », ainsi que sur le périmètre du plan particulier d’intervention.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement CS2102 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Afin que l’exploitant produise des informations sous une forme suffisamment équilibrée et accessible au public, ces dernières font l’objet, avant leur diffusion, d’une consultation de la CLI.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS1726 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Comment peut-on imaginer que des consignes totalement différentes soient données aux populations qui habitent à proximité d’une même centrale, selon qu’elles habitent d’un côté de la frontière ou de l’autre ? Il faut harmoniser les PPI en zone frontalière.

M. Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, affirmait, le 17 avril dernier, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les coûts de la filière nucléaire, que, lors de la catastrophe de Tchernobyl, « les critères de gestion de crise étaient différents de chaque côté du Rhin, si bien que les ordres donnés à quelques kilomètres de distance n’étaient pas cohérents ». À ma grande stupéfaction, il ajoutait même n’être pas certain que l’on ait beaucoup progressé depuis 1986 !

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait, car le décret relatif au PPI prévoit déjà ce dispositif. Je suggère son retrait.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Défavorable également.

M. Denis Baupin. Ce décret est-il en vigueur, ou en préparation ?

Mme la ministre. En tout état de cause, si un complément est nécessaire, des précisions seront apportées par les décrets d’application de la présente loi.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS2011 du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le président de la CLI doit pouvoir demander que l’exploitant organise une visite pour présenter aux membres de la commission le fonctionnement des installations concernées.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement CS2010 rectifié du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CS566 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à préciser la façon dont la visite prévue en cas d’accident ou d’incident s’articule avec les opérations de gestion de crise.

Mme la ministre. Cette mesure semble superflue : d’abord parce que l’exploitant est tenu par une obligation relative à la sécurité des personnes : ensuite parce que l’amendement CS2010 rectifié que nous venons d’adopter précise déjà que la visite a lieu « dès la restauration des conditions normales de sécurité ».

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1727 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Les CLI ont besoin de moyens pour s’organiser et embaucher un collaborateur permanent. Une partie de la taxe sur les installations nucléaires de base doit leur être affectée, comme cela est déjà prévu.

Mme la ministre. En effet, ce dispositif est déjà dans la loi. Puisque cela semble nécessaire, un texte réglementaire permettra aux CLI de connaître et d’utiliser les moyens qui doivent leur permettre de fonctionner correctement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS2009 du rapporteur.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2008 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CS2007 du même auteur.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements CS2103 et CS2014 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CS1729 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. La CLI doit pouvoir transmettre ses observations de façon quasiment systématique à l’exploitant, au ministre concerné et à l’ASN.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’avis sur la déclaration d’arrêt définitif et la consultation sur tout projet de déclassement d’installation nucléaire de base (INB) relèvent déjà des prérogatives de la commission locale d’information. Cette précision est donc inutile, et même contre-productive, car en citant certaines compétences de la CLI, vous affaibliriez toutes celles qui ne seraient pas mentionnées.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Il est toujours bon d’introduire plus de démocratie dans la gouvernance du nucléaire mais, en l’espèce, Mme la ministre a raison. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1730 de M. Denis Baupin.

Mme la ministre. Je demande également le retrait de cet amendement, qui ne fait que citer une compétence déjà attribuée à la CLI.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 31 ainsi modifié.

Article 31 bis [nouveau]
(articles L. 593-14, L. 593-15 et L. 593-19 du code de l’environnement)

Régime des autorisations délivrées par l’ASN et consultation du public sur les dispositions consécutives aux examens de sûreté des installations au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement

Le régime des installations nucléaires de base (INB) ne prévoit actuellement que deux cas de figure lorsqu’il s’agit d’apporter des modifications au plan initial de fonctionnement de l’installation :

– les modifications notables, prévues par l’article L. 593-14 du code de l’environnement, présentent une importance qui justifie une répétition de la procédure d’autorisation de création ordonnée aux articles L. 593-7 à L. 593-12 ; elle impose donc une enquête publique et concerne, par exemple, les changements de combustible des centrales nucléaires ou encore les extensions de capacité de stockages ;

– les autres modifications sont seulement soumises à déclaration auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire aux termes de l’article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007, suivant lequel l’ASN ne peut que prendre des prescriptions pour encadrer ces évolutions, que l’exploitant peut par ailleurs mettre en œuvre de plein droit après un silence de six mois conservé par l’Autorité.

Après plus de six années de retour d’expérience, le dispositif en vigueur apparaît insatisfaisant. En effet, certaines modifications d’installations nucléaires de base, sans justifier une nouvelle procédure d’autorisation complète, revêtent un caractère suffisamment important pour faire douter de la pertinence d’un simple régime déclaratif. C’est le cas d’un remplacement de générateurs de vapeur, de certains grands travaux réalisés à l’occasion des visites décennales, ou encore – et surtout – de la poursuite de l’exploitation au-delà de la durée initiale de conception.

C’est pourquoi le présent amendement, proposé par votre co-rapporteur, suggère la création d’un régime intermédiaire d’autorisation délivrée par l’ASN afin d’apporter une réponse proportionnée aux situations pour lesquelles la procédure de déclaration s’avère sous-dimensionnée. Il en résulterait une architecture juridique à trois étages :

– les modifications à l’impact limité seraient soumises à un régime de déclaration clarifié dans lequel l’exploitant n’aurait pas à attendre six mois pour agir tandis que les modifications plus importantes seraient soumises à une véritable autorisation contrairement à aujourd’hui ;

– les transformations notables, d’importante moyenne, seraient conditionnées à une décision d’autorisation de l’ASN, ce qui permettrait en outre d’organiser la participation du public lorsque les modifications envisagées sont susceptibles d’avoir une incidence directe et significative sur l’environnement (ce qui est typiquement le cas des modernisations que nécessite la prolongation du fonctionnement des réacteurs nucléaires) ;

– les évolutions substantielles, les plus significatives, nécessiteraient, comme aujourd’hui, de répéter la procédure d’autorisation de création conclue par un décret.

La création d’un régime intermédiaire aurait aussi pour conséquence positive de doter l’ASN d’un pouvoir de contrôle gradué, qui lui permettrait d’affecter ses moyens en proportion des enjeux. En outre, si la prorogation de l’autorisation d’exploitation des réacteurs électronucléaires au-delà de quarante années serait normalement couverte par la nouvelle procédure, la prescription de modernisations plus importantes que prévu entraînerait l’application du régime existant d’autorisation par décret. L’amendement ne saurait conduire, en dehors des modifications de très faible importance, à un affaiblissement du contrôle public sur le fonctionnement de l’industrie nucléaire.

Par ailleurs, une étape supplémentaire de contrôle des équipements importants pour la sûreté est intégrée pour renforcer le suivi des installations après la trente-cinquième année de fonctionnement. Elle intervient à mi-parcours, cinq ans après le réexamen de sûreté : ce rythme quinquennal à compter de quarante ans d’exploitation offre à l’ASN une nouvelle possibilité de procéder à des examens et de formuler des recommandations.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS2402 rectifié du rapporteur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le régime des installations nucléaires de base ne prévoit actuellement que deux cas de figure pour les modifications d’INB.

Les modifications notables, prévues à l'article L. 593-14 du code de l’environnement, revêtent une importance telle qu'elles nécessitent une nouvelle autorisation de l’installation par décret, à l’issue d’une procédure comportant une enquête publique. Sont notamment concernés les changements de combustible des centrales nucléaires et les extensions de capacité de stockage.

Les autres modifications sont seulement soumises à déclaration auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire aux termes de l'article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007. L'ASN peut seulement édicter des prescriptions pour les encadrer, et son silence pendant six mois vaut acceptation.

Ce dispositif apparaît insatisfaisant. Sans justifier la lourdeur d'une procédure complète, certaines modifications, comme le remplacement des générateurs de vapeur ou certains grands travaux réalisés à l’occasion des visites décennales, sont suffisamment importantes pour justifier une autorisation de l’ASN. C’est pourquoi il est proposé la création d’un régime intermédiaire d’autorisation, délivré par l’ASN, permettant de combler cette lacune de la législation.

Le présent amendement propose, par conséquent, de soumettre les modifications mineures à un régime déclaratif pur – l’exploitant n’aurait plus à attendre six mois pour les mettre en œuvre – tandis que les modifications importantes seraient soumises à une autorisation de l'ASN. Les évolutions fondamentales demeureraient, comme actuellement, sous le régime de la procédure la plus exigeante du décret d'autorisation de création.

Le régime intermédiaire d’autorisation de l'ASN offrirait l'occasion d'organiser la participation du public lorsque les modifications envisagées sont susceptibles d’avoir une incidence directe et significative sur l’environnement, comme c'est typiquement le cas des modifications importantes prévues pour la prolongation du fonctionnement des réacteurs nucléaires : cette demande serait couverte par le nouveau régime administratif ou par le régime préexistant d’autorisation par décret ministériel, en fonction des enjeux de protection de l’environnement et de sûreté.

Par ailleurs, les dispositions proposées par l'exploitant en réponse aux conclusions des réexamens de sûreté à partir de la trente-cinquième année de fonctionnement d'un réacteur seraient obligatoirement soumises à une enquête publique de façon à associer au mieux la population aux mesures envisagées.

Enfin, le suivi de la sûreté des installations après quarante ans d'exploitation est complété d'une étape supplémentaire de contrôle des équipements importants. Elle intervient à mi-parcours, cinq ans après le réexamen de sûreté. Ce rythme quinquennal à partir de quarante années d'exploitation complète le dispositif encadrant la prolongation des centrales nucléaires.

Afin de ne pas banaliser la prolongation au-delà des quarante ans, un audit complet est donc prévu ainsi qu’une enquête publique et un accord de l’ASN. Une clause de rendez-vous tous les cinq ans permettra de suivre l’évolution de l’installation.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. le président François Brottes. Nous remercions le rapporteur pour le travail collectif qu’il a mené sur les enjeux importants de la prolongation au-delà de quarante ans.

M. Denis Baupin. Cet amendement a fait l’objet, depuis la remise des conclusions de la commission d’enquête, d’un travail de co-construction important. En tant qu’écologistes, nous sommes pour l’arrêt des centrales nucléaires à quarante ans de vie. La majorité dans le cadre de laquelle nous avons été élus s’est toutefois engagée à faire passer la production électrique d’origine nucléaire de 75 à 50 %. Les deux objectifs n’étant pas entièrement compatibles, certaines centrales seront nécessairement prolongées au-delà de quarante ans. Compte tenu de la sensibilité de cette question, le président de l’ASN annonce que sera adopté un référentiel de sûreté spécifique ; il a en outre exprimé devant la Commission spéciale le souhait que la concertation sur le sujet soit renforcée. La proposition du rapporteur vise donc à renforcer cette concertation ainsi que le suivi de sûreté au-delà de quarante ans.

La question n’est pas anecdotique. L’enceinte de confinement et la cuve d’un réacteur nucléaire, essentiels à la sûreté de l’installation, ne sont pas remplaçables. Les radiations auxquelles les cuves sont soumises année après année les fragilisent ; en Belgique, la société Electrabel a des soucis avec certains réacteurs à cause de fissures sur les cuves.

Nous considérons que les décisions de prolongation doivent être prises par décret. Le rapporteur propose qu’elles le soient par l’ASN. Cela dit, inscrire dans la loi que les quarante ans sont une étape importante, faisant l’objet d’une enquête publique à laquelle la population est associée, ainsi que d’une autorisation de l’ASN et non plus d’un simple avis, et qu’un suivi particulier sera assuré, sont des avancées significatives, et nous sommes donc favorables à cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 31

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS901 rectifié de M. Christophe Bouillon et CS1731 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Comme les nombreux membres du groupe socialiste qui ont signé l’amendement CS901 rectifié, nous estimons qu’il est nécessaire d’encadrer le recours à la sous-traitance dans les centrales nucléaires. Les enjeux en termes de sûreté mais aussi de sécurité et de santé des personnels sont considérables. La volonté d’accélérer le rythme de certains chantiers ou de faire des économies provoque le recours à des sous-traitants successifs, ce qui peut être particulièrement préjudiciable.

Mme la ministre. Vous avez raison, M. Baupin, les sous-traitances « en cascade » empêchent toute transparence et toute traçabilité. Cela dit, vous proposez un dispositif qui, en l’état, se heurte au principe de la liberté industrielle des exploitants. Pour certaines opérations très spécifiques, le recours aux meilleurs spécialistes constitue aussi un gage de qualité.

Dans le cadre du comité stratégique de la filière nucléaire, un cahier des charges social a été élaboré en juillet 2012 qui est actuellement mis en œuvre grâce aux nouveaux appels d’offres. Il prévoit de limiter la sous-traitance en cascade en prohibant le recours à ce système au-delà du sous-traitant de niveau 3 – alors qu’il a déjà été fait appel à des sous-traitants de niveau 6 ! Il vise aussi à améliorer les conditions de travail et de séjour autour des sites, et contient des mesures favorisant le maintien de l’emploi lors du renouvellement des contrats. Nous devons veiller à la mise en œuvre de ce cahier des charges, et à son adoption par le conseil d’administration de l’opérateur.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Je me range à l’avis du Gouvernement.

M. Denis Baupin. Je suis surpris, car j’avais compris que le Gouvernement se préparait à soutenir un amendement identique au mien…

Mme la ministre. Nous y avions songé dans un premier temps, mais il ne nous a pas semblé pertinent d’introduire de nouvelles rigidités alors que le comité stratégique de la filière avait travaillé sur le sujet. Une solution souple se trouve désormais à notre portée qui n’empêchera pas d’avoir recours à la sous-traitance de qualité.

Le Gouvernement aurait aussi pu s’en remettre à la sagesse de la Commission sachant que le problème sera, quoi qu’il en soit, réglé par décret, ce qui permettra de travailler à nouveau sur la question.

M. le président François Brottes. Puisque vous évoquiez les rigidités, Mme la ministre, je me permets d’intervenir dans le débat en soulignant le problème posé par le dernier alinéa de l’amendement, qui demande que le décret définisse les activités « qui ne peuvent être confiées à un prestataire ». Comment établir une liste exhaustive qui soit valide sur la durée ? Les technologies peuvent évoluer, et un besoin, parfois urgent, peut apparaître. Peut-on ainsi se lier les mains sur un sujet aussi vital que la sûreté nucléaire ? À mon sens, cette disposition peut être extrêmement dangereuse.

Mme Cécile Duflot. Depuis plusieurs années, les syndicats, la presse et de nombreux témoins nous ont montré que la sous-traitance « en cascade » dans le secteur du nucléaire était préjudiciable à la sûreté et à la sécurité. Et je n’évoque même la question de la santé des personnels ! Comment assurer une formation et un suivi quand les sous-traitants ont recours à des intérimaires, notamment dans le secteur du nettoyage ? Dans ces conditions, le suivi de la santé des personnels exposés aux radiations est au-delà de l’aléatoire.

Monsieur le président, votre argument relatif au dernier alinéa me paraît pertinent, et je ne suis pas opposée à ce que nous le supprimions. L’encadrement de la chaîne de sous-traitance constitue en revanche une priorité.

Mme la ministre. Monsieur le président, votre observation relative au dernier alinéa montre qu’il est besoin de retravailler sur le sujet, et de ne pas le traiter de façon improvisée. Je demande le retrait de l’amendement.

M. le président François Brottes. Les travaux de la commission d’enquête sur la filière nucléaire ont montré que ce sujet donnait lieu à la propagation de nombreuses informations approximatives. Les choses se sont manifestement améliorées, notamment pour les travailleurs nomades, même si de nombreux progrès restent à accomplir.

M. Denis Baupin. Personne ne conteste l’utilité des sous-traitants.

Cet amendement n’est pas apparu par génération spontanée : il a déjà été inséré dans plusieurs avant-projets de loi. Un dispositif similaire au nôtre est d’ailleurs présenté par de nombreux députés du groupe socialiste dans l’amendement de M. Christophe Bouillon.

Un signal fort est indispensable pour endiguer la dérive actuelle de la sous-traitance dans le secteur du nucléaire. À ce stade, je serais prêt à retirer cet amendement mais, en tout état de cause, une disposition de cette nature devra être discutée en séance.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Depuis l’époque où les précaires du nucléaire entraient en zone confinée en retirant leurs dosimètres pour pouvoir continuer à travailler sur place, les conditions de travail se sont améliorées. Il existe aujourd’hui un dossier unique, qui permet de répertorier et de suivre tous les travailleurs du nucléaire.

Nous pouvons travailler d’ici à la séance à trouver une solution qui nous satisfera tous.

M. Christophe Bouillon. Madame la ministre, je suis prêt à retirer l’amendement CS901 rectifié, et je reste disponible pour travailler à une nouvelle version encadrant le recours à la sous-traitance d’ici à la séance publique – la sous-traitance de niveau 3 me semble constituer une bonne limite.

L’amendement CS901 rectifié est retiré.

Mme Cécile Duflot. Nous pourrions adopter l’amendement en supprimant son dernier alinéa. Un principe serait posé, quitte à ce qu’une nouvelle version soit proposée en séance publique.

Mme la ministre. Sur un sujet aussi lourd de conséquences, il serait judicieux que nous nous accordions un moment de réflexion. Nous traitons d’enjeux industriels majeurs et de techniques complexes.

M. Denis Baupin. Pourquoi ne pas rectifier l’amendement dans le sens proposé par Mme Duflot ?

M. Christophe Bouillon. Nous sommes d’accord sur le constat et sur l’objectif. Peut-être pourrions-nous faire un effort pour que la co-construction législative ne soit pas un vain mot ? Nous n’allons tout de même pas nous compter à ce stade !

Nous devons notamment travailler pour prendre une mesure ciblée qui ne remette pas en cause la sous-traitance. N’oublions pas que la grande majorité des entreprises concernées fait un travail remarquable !

J’ajoute qu’il ne s’agit pas de renvoyer le sujet aux calendes grecques : en tout état de cause, la question sera réglée la semaine prochaine.

M. Philippe Plisson, rapporteur. La sous-traitance ne doit pas être stigmatisée : elle est, la plupart du temps, de qualité et responsable.

Mme Cécile Duflot. Personne ne dit le contraire !

M. Philippe Plisson, rapporteur. Prenons le temps de travailler ensemble pour organiser un encadrement : nous sommes unanimes sur le sujet !

M. Denis Baupin. Il n’est évidemment pas question de stigmatiser ceux qui travaillent pour la sous-traitance. Nous cherchons au contraire à protéger ces salariés victimes d’une sorte de dérégulation.

Ce projet de loi a donné lieu à un réel effort de co-construction législative. Afin de respecter cet état d’esprit et de préparer au mieux la séance publique, compte tenu de l’engagement pris par Mme la ministre que le sujet sera traité, nous retirons l’amendement.

L’amendement CS1731 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1735 de M. Denis Baupin.

M. le président François Brottes. Avant de donner la parole à M. Baupin pour soutenir son amendement, je souhaite signaler que j’ai déposé avec Mme Massat, après l’article 34, un amendement CS1985 traitant du même sujet.

La commission d’enquête sur le nucléaire nous a notamment appris que les salariés des entreprises sous-traitantes étaient amenés à se rendre chez le médecin du travail de l’endroit où ils se trouvent. L’une des propositions du rapport de la commission, en lien avec les organisations de salariés, c’est que chacun de ces salariés soit suivi par un seul et même médecin du travail, qui serait une sorte de médecin référent. Cela nous paraît une garantie pour ces salariés particulièrement exposés, auquel ce « nomadisme » est imposé. M. Baupin et moi-même savons tous deux que ce n’est pas facile à mettre en œuvre, mais la spécificité de la situation justifie une approche adaptée.

M. Denis Baupin. Ces sous-traitants peuvent travailler aussi dans les industries chimiques, dans des raffineries pétrolières ou autres. Raison de plus pour qu’ils soient suivis par un médecin spécifique, car ils sont soumis à de multiples risques.

Mme la ministre. L’idée est bonne, mais risque de se heurter au nombre insuffisant de médecins du travail. À l’heure actuelle, aucune catégorie de travailleurs n’a de médecin du travail référent, mais une telle innovation semble assez justifiée dans le cas de ces salariés. Sans doute conviendrait-il cependant d’ajouter une formule du genre « dans la mesure du possible ».

M. le président François Brottes. L’exigence est en effet difficilement tenable, mais il faut absolument mettre fin à la pratique actuelle, qui conduit au salarié de changer de médecin du travail tous les ans. Quand bien même en changerait-il deux ou trois fois dans sa vie professionnelle, au gré des cessations d’activité des praticiens, ce serait tout de même un progrès appréciable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. La solution réside sans doute dans la constitution d’un dossier médical qui accompagnerait le salarié sur tous les sites où il se rend.

M. Jean-Yves Caullet. J’ai été membre d’un corps de la fonction publique très nomade, et j’ai résolu des problèmes de cette nature avec une agence bancaire et un cabinet d’assurance uniques, localisées à un endroit mais suivant mon dossier en permanence Nous pourrions matérialiser, d’ici à l’examen en séance, l’idée d’un suivi de ce genre.

M. le président François Brottes. Je propose que les amendements, en attendant, soient retirés, et que nous y travaillions avec le rapporteur.

M. Denis Baupin. Un dossier ne suffira pas. Je ne fais que proposer l’extension aux salariés concernés d’un dispositif qui existe déjà. Mais nous y travaillerons d’ici à l’examen en séance.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS1732 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Aussi bien la CGT et la CFDT, notamment leurs syndicats regroupant les salariés d’EDF, que les associations des travailleurs sous-traitants, souhaitent une intégration dans le régime des industries électriques et gazières. L’amendement propose d’engager une négociation à cette fin.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

M. Denis Baupin. Je ne m’attendais certes pas à ce que notre amendement soit adopté, mais j’espérais au moins entendre le Gouvernement nous dire si l’idée d’une négociation peut recevoir son appui.

Mme la ministre. Non, dans la mesure où les industries électriques et gazières comprennent les métiers de la production, du transport, de la distribution, de la commercialisation, de la fourniture aux clients, et non ceux, très variés, des sous-traitants de ces filières : laboratoires de recherche, agences de communication ou d’entretien, métiers techniques divers. L’extension semble donc contraire au principe selon lequel c’est l’activité principale de l’entreprise qui détermine le statut ou le type de convention collective applicable. Je comprends que l’on veuille limiter la sous-traitance, mais l’image de la sous-traitance qui transparaît sous cet amendement ne correspond pas à la réalité de ces métiers. Il ne s’agit pas d’une sous-traitance sous-qualifiée, et ses salariés ne souhaitent pas relever du statut des industries électriques et gazières.

La Commission rejette l’amendement, puis l’amendement CS1733 du même auteur.

Elle examine ensuite l’amendement CS1734 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur les critères de risques mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail au titre de l’environnement physique agressif, des rayonnements ionisants subis par les travailleurs du nucléaire et le stress induit par le risque nucléaire, en particulier pour les sous-traitants.

Mme la ministre. Avis défavorable. Il revient à l’Assemblée de produire ses rapports…

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable également.

M. Denis Baupin. Je note que, malgré la volonté collectivement affichée de progresser sur les questions liées à la sous-traitance, nous n’aurons rien décidé en la matière.

M. le président François Brottes. Des engagements ont été pris, qui seront tenus d’ici la discussion en séance.

M. Denis Baupin. Nous savons tous que les conditions du débat en séance sont très différentes, car plus contraintes. J’insiste vraiment pour que ces engagements soient tenus.

Mme la ministre. Permettez-moi de vous dire, et ce sans être désagréable à votre endroit, M. Baupin, que ce que vous demandez au Gouvernement est impossible : comment rendre sous trois mois un « rapport sur les modalités d’intégration, dans les critères de risques mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail au titre de l’environnement physique agressif, des rayonnements ionisants subis par les travailleurs du nucléaire et le stress induit par le risque nucléaire, en particulier pour les sous-traitants » ? Il existe déjà un cadre juridique très important, des normes européennes, des processus de traçabilité et de prévention, et d’autres facteurs doivent être considérés, comme la pénibilité. Il ne faut voter que des choses possibles : or, le Gouvernement ne peut rendre en trois mois un rapport sur un sujet si dense et si complexe.

M. Denis Baupin. Lorsque le compte de pénibilité a été examiné par l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi sur les retraites, j’ai proposé que les travailleurs du nucléaire fassent partie de ses bénéficiaires, mais le Gouvernement ne l’a pas souhaité et cela n’a pas été adopté. Il serait bon que la question soit réexaminée.

Quant au délai proposé, il est certes de trois mois, mais à compter de la promulgation de la loi et non pas d’aujourd’hui. Rien n’empêche donc de commencer à y travailler dès maintenant. Cela dit, si vous le souhaitez, je peux le rectifier en portant le délai à neuf mois…

L’amendement est retiré.

Article 32
(articles L. 593-24, et L. 593-25 à L. 593-31 [nouveaux] du code de l’environnement)

Démantèlement des installations nucléaires de base

L’article 32 du projet de loi a pour ambition de refonder intégralement le dispositif législatif actuel afin de retranscrire la doctrine nucléaire française consistant à privilégier, conformément aux recommandations internationales, un démantèlement des installations le plus rapidement possible après leur arrêt définitif.

1.  État du droit

Sous l’empire de la réglementation actuelle, l’exploitant d’une INB qui veut arrêter son installation doit déposer auprès du Gouvernement un dossier de demande d’autorisation de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement, et l’autorisation est accordée par décret. Mais rien n’oblige l’exploitant à déposer cette demande et à procéder à ce démantèlement, sauf en cas de risques graves et imminents (articles L. 593-21 à L. 593-24 du code de l’environnement).

Aux termes de la procédure actuelle établie par le décret du 2 novembre 2007, l’exploitant informe le ministre chargé de la sûreté nucléaire et l’ASN de son intention d’arrêt définitif – sans qu’un quelconque délai soit précisé. Au plus tard trois ans avant l’arrêt définitif, l’exploitant communique les opérations préparatoires au démantèlement ainsi qu’une mise à jour de son plan de démantèlement. Un an avant l’arrêt définitif, l’exploitant dépose son dossier de démantèlement ; celui-ci fait l’objet d’un délai d’instruction de trois ans et, après enquête publique, d’un décret d’autorisation de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Il est prévu d’inscrire dans la loi le principe d’un démantèlement au plus tôt : une nouvelle procédure, comportant, d’une part, une déclaration préalable à l’arrêt définitif portée à la connaissance de la CLI et du public, et d’autre part, le dépôt dans les deux ans d’un dossier qui aboutira à la prescription, par décret pris après enquête publique, du démantèlement et de ses conditions de réalisation.

L’article L. 593-24 est réécrit pour prescrire qu’une installation nucléaire de base qui cesse de fonctionner pendant une durée continue de deux ans est réputée définitivement arrêtée. Ce délai peut être prorogé de trois ans par arrêté ministériel motivé pris à la demande de l’exploitant et après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire. Une fois cette période expirée, l’exploitant de l’installation n’est plus autorisé à la faire fonctionner. Il doit entamer la procédure de démantèlement, en aviser la commission locale d’information et le public par voie électronique. L’ASN poursuit sa supervision de l’installation ; elle peut toujours adresser des prescriptions de sûreté.

Le nouvel article L. 593-25 dispose que l’arrêt définitif d’une installation entraîne son démantèlement dans un délai aussi court que possible, dans des conditions économiquement acceptables et dans le respect de l’environnement. Un décret précise les modalités de cette procédure.

Le nouvel article L. 593-26 prévoit que l’exploitant qui envisage l’arrêt définitif de son installation le déclare au ministre chargé de la sûreté nucléaire et à l’Autorité de sûreté nucléaire. Cette déclaration mentionne la date prévue de l’arrêt, qui a lieu dans un délai supérieur à deux années, et détaille les opérations de démantèlement planifiées. La déclaration est portée à la connaissance de la commission locale d’information ; elle est aussi mise à la disposition du public par voie électronique. L’exploitant n’est plus autorisé à faire fonctionner l’installation à compter de la date d’arrêt. L’ASN poursuit sa supervision de l’installation ; elle peut toujours adresser des prescriptions de sûreté.

Le nouvel article L. 593-27 ordonne à l’exploitant d’adresser au ministre, au plus tard deux ans après la déclaration d’arrêt programmé, un dossier précisant les opérations du démantèlement et d’entretien ultérieurs du site.

Le nouvel article L. 593-28 indique que le démantèlement est prescrit par décret après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et après enquête publique.

Le nouvel article L. 593-29 ajoute que l’ASN délivre les prescriptions nécessaires à la bonne réalisation du démantèlement. Elle soumet enfin à l’homologation du ministre une décision portant déclassement de l’installation aux termes du nouvel article L. 593-30.

Quant au nouvel article L. 593-31, il adapte la procédure précédemment décrite, conçue pour les réacteurs électronucléaires, aux spécificités liées aux installations de stockage de déchets radioactifs.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur soutient sans réserve la définition d’une nouvelle procédure de démantèlement des installations nucléaires de base qui soit plus exigeante que la réglementation actuelle issue du décret du 2 novembre 2007. Des interrogations ont été soulevées au cours des auditions quant à la pertinence d’une accélération des opérations à la suite d’un arrêt définitif : certains ont avancé qu’attendre permettait à la radioactivité de diminuer naturellement et de réduire en conséquence le danger du démantèlement ; d’autres ont souligné que le temps qui passe éloigne de l’installation les ingénieurs qui la connaissent le mieux et qui sont les plus qualifiés pour définir les modalités d’action. Ce dernier point, fondé sur l’exemple de Superphénix, s’est avéré particulièrement convaincant.

Pour cette raison, votre co-rapporteur n’a pas souhaité altérer l’équilibre de l’article 32 du projet de loi. Il s’est borné à présenter des amendements de nature rédactionnelle, d’harmonisation et de rectification.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques CS884 rectifié de M. Christophe Bouillon et CS1736 de M. Denis Baupin.

M. Christophe Bouillon. Il s’agit de demander à l’exploitant d’une installation nucléaire de base de présenter, lors de chaque visite décennale, un plan de démantèlement.

Mme la ministre. Je souhaite le retrait de ces amendements, car ils sont satisfaits par l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base. Le présent article clarifie l’encadrement de la mise à l’arrêt définitif et du démantèlement de ces installations, afin de privilégier le démantèlement le plus tôt possible après l’arrêt. Il prévoit qu’une INB arrêtée pendant deux ans sera considérée comme arrêtée définitivement, sauf cas particuliers validés par le ministre chargé de la sûreté nucléaire ou prévus par le décret d’autorisation, sans toutefois dépasser une durée de cinq ans.

J’ajoute qu’il y a là une filière à développer puisque ce sont 400 installations dans le monde qui sont à démanteler : il est très important que la France s’impose sans tarder dans les technologies du démantèlement.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Même avis.

Mme Cécile Duflot. Le démantèlement rapide après l’arrêt des installations n’est pas la même chose que les plans de démantèlement au fil de l’eau. Certains réacteurs attendent leur démantèlement depuis des années, et ce qui se passe en Bretagne montre bien l’importance de construire une filière du démantèlement. Celui-ci sera d’ailleurs plus rapide si un plan est préparé.

M. le président François Brottes. La commission d’enquête nous a permis de constater que ceux qui travaillent dans l’exploitation des centrales ont bien en tête les modalités d’un démantèlement futur. Je ne vois donc pas de contradiction entre les préoccupations exprimées par Mme la ministre et par Mme Duflot.

L’amendement CS884 rectifié est retiré.

Mme la ministre. Pour inciter M. Baupin à retirer son amendement, je lis l’arrêté du 7 février 2012 : « Le plan de démantèlement est mis à jour lors de la mise en service de l’installation, à l’occasion de toute modification du décret d’autorisation, et à chaque remise d’un rapport de réexamen prévu par le code de l’environnement. »

M. Denis Baupin. Il s’agit seulement des nouvelles installations : pour les installations existantes, ces plans n’ont pas été élaborés.

Mme la ministre. Cela vaut aussi, bien sûr, pour les installations existantes.

La Commission rejette l’amendement CS1736.

La Commission examine l’amendement CS1397 de M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement est, pour reprendre le terme de Mme la ministre, un « marqueur ». L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) doit être seule habilitée à arrêter le fonctionnement d’une installation. Cette prérogative essentielle ne doit pas être réduite par un délai automatique fixé par la loi et ne tenant pas compte des réalités de l’entretien d’une exploitation. Des travaux lourds peuvent provoquer de longs arrêts. Ce couperet administratif ne correspond à aucun critère technique. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 1 à 5 de l’article.

M. Philippe Plisson. Le développement du nucléaire doit être débattu par les autorités publiques régulièrement élues au suffrage universel. C’est légitimement que le pouvoir politique ne se borne pas à entériner les positions d’une autorité administrative. En l’occurrence, après cinq ans d’arrêt au maximum, soit deux ans de délai de droit commun et trois années supplémentaires de dérogation, on peut raisonnablement penser qu’il vaut mieux fermer une installation.

La Commission rejette cet amendement.

L’amendement CS1737 de M. Denis Baupin est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2005 du rapporteur.

Les amendements CS1738 et CS1739 de M. Denis Baupin sont successivement retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2003 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement CS598 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. Le délai prévu par l’alinéa 14 de l’article 32 n’est pas compatible avec la nécessité de fournir un dossier de qualité à l’administration. En effet, un dossier de démantèlement nécessite des études complexes concernant l’impact sur l’environnement, la sûreté des opérations, les filières d’évacuation des déchets, et sur le choix du scénario et des procédés de démantèlement économiquement acceptables. Le niveau de détail exigé par l’ASN et son appui technique, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), ne permet pas d’envisager la production d’un dossier robuste dans un délai aussi court. C’est pourquoi cet amendement vise à porter le délai maximum de dépôt du dossier à deux ans après la date d’arrêt visée dans la déclaration.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Défavorable. Certains amendements proposent d’accélérer les procédures, d’autres de les allonger. Le délai prévu par le projet me semble raisonnable.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission adopte les amendements rédactionnels CS2004 et CS2002 ainsi que l’amendement CS2022, corrigeant une erreur de référence, du rapporteur.

À la demande du rapporteur, les amendements CS885 rectifié de M. Christophe Bouillon et CS1740 de M. Denis Baupin sont retirés.

La Commission adopte l’article 32 ainsi modifié.

Article 33
Habilitation à renforcer par ordonnance les pouvoirs de l’Autorité de sûreté nucléaire et à transposer des directives européennes

L’article 33 du projet de loi habilite le Gouvernement à édicter par ordonnance un ensemble de mesures relatives aux pouvoirs de l’Autorité de sûreté nucléaire ainsi que les dispositions transposant en droit national les directives européennes n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 dite IED, relative aux émissions industrielles, et n° 2012/18/UE du 4 juillet 2012 dite Seveso III, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses. L’habilitation est sollicitée pendant une période de douze mois suivant la publication du présent projet de loi, et une période de six mois est ensuite dévolue pour le dépôt du projet de loi de ratification.

1.  État du droit

a.  L’Autorité de sûreté nucléaire

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a été créée par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN », par la suite codifiée au sein du code de l’environnement par l’ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012. Elle succède, avec des compétences élargies et un statut d’autorité administrative indépendante, au Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN) créé en 1973, devenu Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) en 1991 et Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) en 2002.

L’ASN est dirigée par un collège de cinq commissaires qui définit sa politique générale en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Chaque membre est nommé pour six ans : trois, dont le président, le sont par le président de la République tandis que le président de chaque assemblée parlementaire en désigne un. Ces commissaires sont irrévocables, sauf situation exceptionnelle, et astreints à un devoir d’impartialité. Le collège prend publiquement position sur les sujets majeurs qui relèvent de la compétence de l’ASN ; c’est à lui qu’il revient de rendre compte au Parlement.

L’Autorité est régie au jour le jour par un directeur général assisté de trois directeurs généraux adjoints. Outre le secrétariat général compétent pour les fonctions support, elle compte huit directions organisées selon une répartition thématique :

– trois directions fonctionnelles : une direction de la communication et de l’information des publics (DCI), une direction des relations internationales (DRI) et une direction de l’environnement et des situations d’urgence (DEU) compétente pour les questions relatives aux contrôles, à l’environnement et à la gestion des situations d’urgence ;

– cinq directions opérationnelles : une direction des centrales nucléaires (DCN), chargée de contrôler la sûreté des centrales nucléaires en exploitation ainsi que des futurs projets de réacteurs électrogènes ; une direction du transport et des sources (DTS) supervisant les activités des sources et du transport des matières radioactives ; une direction des déchets, des installations de recherche et du cycle (DRC) surveillant les installations nucléaires de recherche et en démantèlement ainsi que les sites pollués et les déchets radioactifs ; une direction des rayonnements ionisants et de la santé (DIS) contrôlant l’utilisation des rayonnements ionisants en matière médicale ; enfin une direction des équipements sous pression nucléaires (DEP), basée à Dijon, en charge de la sûreté et de la radioprotection dans le domaine des équipements.

Au 31 décembre 2013, l’effectif global de l’ASN s’élève à 478 personnes réparties entre les services centraux (257 agents), les divisions territoriales (218 agents) et l’international (3 agents). 374 personnes sont des fonctionnaires et des agents contractuels de l’Autorité alors que 104 sont mises à disposition par des établissements publics. L’ensemble des moyens concourant à l’exercice des missions confiées à l’ASN provient du budget général de l’État : le budget 2013 s’élevait à 79,05 millions d’euros de crédits de paiement, dont 39,78 millions d’euros de crédits de masse salariale.

Les missions de l’Autorité sont au nombre de quatre et sont présentées comme suit sur son site officiel :

– informer : l’ASN est chargée de participer à l’information du public, y compris en cas de situation d’urgence. Son ambition d’assurer un contrôle du nucléaire performant, légitime, crédible, reconnu par les citoyens et qui constitue une référence internationale repose en grande partie sur sa capacité à faire savoir, à associer et à rendre compte ;

– réglementer : l’ASN donne son avis au Gouvernement sur les projets de décrets et d’arrêtés ministériels et prend des décisions réglementaires à caractère technique pour compléter les modalités d’application de ces décrets et arrêtés, exception faite de ceux ayant trait à la médecine du travail ;

– contrôler : l’ASN vérifie le respect des exigences applicables aux installations ou activités entrant dans son champ de compétence, et s’assure que tout utilisateur de rayonnements ionisants, tout exploitant d’installation nucléaire ou tout expéditeur de matières radioactives exerce pleinement sa responsabilité et ses obligations en matière de radioprotection ou de sûreté nucléaire ;

– gérer les situations d’urgence de façon à prévenir les accidents et à en limiter les conséquences.

Par ailleurs, on ne saurait séparer l’ASN de l’établissement public chargé de lui procurer une expertise indépendante. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) fonctionne sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la défense, de l'environnement, de l'industrie, de la recherche et de la santé. Institué par la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale, il est issu de la fusion de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) rattaché au ministère de la santé. L’IRSN réalise des recherches, des expertises et des travaux dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la protection contre les rayonnements ionisants, du contrôle et de la protection des matières nucléaires et de la protection contre les actes de malveillance. Il formule des avis techniques sur sollicitation de l’ASN, qui est ensuite chargée d’arrêter une décision. Pour cette raison, le budget global de l’IRSN pour 2013 a atteint 212 millions d’euros dont 84 millions d’euros – soit plus du tiers – consacrés à l’action d’appui technique à l’ASN.

Le schéma suivant illustre la procédure d’autorisation et de contrôle d’une installation nucléaire, qui met en jeu l’ASN et l’IRSN.

ttp://www.andra.fr/download/site-principal/image/element_page/dechets-radioactifs/acteurs_surete.jpg

Source : IRSN

b.  Les directives européennes IED et Seveso III

Les directives IED et Seveso III sont les deux instruments européens de protection de l’environnement s’appliquant aux installations industrielles. La première a pour objectif de réduire les émissions polluantes dans le cadre d’un fonctionnement normal tandis que la seconde prévient les conséquences d’un accident majeur sur la santé humaine et l’environnement.

La directive IED, édictée le 24 novembre 2010, devait être transposée en droit interne au plus tard le 7 janvier 2013. Ainsi, l’ordonnance n° 2012-7 du 5 janvier 2012 a procédé à une première transposition des éléments relevant du domaine de la loi. Quant à la directive Seveso III, la France dispose encore d’un délai conséquent puisque la date-butoir est fixée au 1er juin 2015 ; toutefois l’impact de sa transposition sera important puisqu’elle impliquera une refonte en profondeur de la nomenclature ICPE.

Certaines installations nucléaires de base entrent dans le périmètre de ces deux ordonnances : les modalités de leur transposition sont donc directement liées au projet de loi de transition énergétique.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’ordonnance sollicitée par le présent article poursuivrait trois objectifs majeurs : le renforcement des pouvoirs de sanction de l’ASN (alinéas 2 à 7), l’élargissement des compétences de l’ASN (alinéas 8 à 12) et la transposition des ordonnances IED et Seveso III (alinéa 13).

a.  Les pouvoirs de sanction de l’ASN

Les pouvoirs de sanction de l’ASN seraient renforcés afin d’améliorer l’efficacité du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. L’Autorité et ses inspecteurs disposeraient de pouvoirs de contrôle gradués, par adaptation des dispositions transversales du code de l’environnement concernant notamment les sanctions pécuniaires. Le rattachement aurait pour effet de rendre applicable aux installations nucléaires de base, aux transports de matières radioactives et aux activités nucléaires réglementées par le code de la santé publique de nouveaux outils, tels que :

– des amendes et astreintes administratives – les montants maximaux génériques (15 000 euros et 1 500 euros par jour dans le code de l’environnement) seraient toutefois adaptés aux enjeux et portés, suivant les projets du Gouvernement, à 10 millions d’euros et 15 000 euros par jour ;

– des saisies et destructions ;

– une opportunité de composition administrative à travers une transaction financière.

L’extension de la compétence de contrôle donnerait aux inspecteurs de l’ASN un accès aux locaux extérieurs où sont exercées des activités importantes pour la sûreté, dans les mêmes conditions et avec les mêmes restrictions qu’au sein de l’installation elle-même (articles L. 596-4 et L. 596-6 du code de l’environnement), un accès aux documents afférents (article L. 596-5). Entraver leur activité, même en dehors du périmètre d’une installation nucléaire de base –chez les sous-traitants, chez les fournisseurs de matériels importants, dans les services centraux de l’exploitant – constituerait également un délit (article L. 596-27).

Une commission des sanctions serait instituée pour mettre en œuvre ces nouvelles prérogatives afin de respecter le principe de séparation des fonctions d’instruction, d’accusation et de jugement prévu par le droit français comme par les conventions internationales dans le cadre du droit à un procès équitable. Cette commission des sanctions comprendrait deux conseillers d’État désignés par le vice-président du Conseil d’État et deux conseillers à la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation, chacun pour six années et renouvelable une seule fois. Le président de la commission des sanctions serait élu en son sein. L’appartenance au collège de l’ASN serait incompatible avec une nomination à la commission des sanctions.

La violation par l’exploitant de ses obligations conduirait à une notification des griefs formulés par le collège à la commission des sanctions ; celle-ci prononcerait une sanction à l’issue d’une procédure contradictoire et publique. Les décisions prononcées par la commission des sanctions pourront faire l’objet d’un recours par les personnes concernées ainsi que par le président de l’ASN, après l’accord du collège, devant la juridiction administrative. Les autres mesures de police administrative resteraient de la compétence du collège de l’ASN.

b.  Les compétences de l’ASN

Dans une perspective de simplification administrative, il est envisagé d’élargir les compétences de l’ASN au sein des installations nucléaires de base à certaines décisions individuelles relatives aux déchets non radioactifs, aux produits et équipements à risques ainsi qu’aux produits chimiques. Le contour des décisions concernées n’a cependant pas été arrêté par le Gouvernement pour l’heure. Il est entendu que les procédures transférées le seront avec l’aval de l’ASN et à la condition expresses que celle-ci dispose des compétences nécessaires à leur mise en œuvre.

En outre, afin de conforter les décisions prises par l’ASN, il est prévu qu’elle puisse recourir à des tierces expertises, contrôles et études aux frais de l’assujetti, de manière analogue à ce qui existe dans les domaines des ICPE. Cette possibilité serait limitée aux cas où l’autorité administrative est difficilement à même d’apprécier une situation (par l’exemple l’état d’un matériel) ou les justifications fournies par l’exploitant (ainsi la validité d’une étude réalisée suivant une méthodologie nouvelle) et où la justesse de cette appréciation revêt un caractère particulièrement important. Une telle expertise peut engendrer un coût pour l’exploitant de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’euros ; on peut estimer à quelques-unes ou, au plus, à quelques dizaines leur nombre chaque année. Il en résulterait à la fois une meilleure protection des intérêts publics et une réduction du risque contentieux.

Le tiers expert, proposé par l’exploitant, pourrait soit être agréé par l’ASN si le domaine concerné justifie la mise en place d’un agrément du fait du nombre potentiel de tierces expertises, soit recevoir l’accord ponctuel de cette autorité. Les prestataires et les bureaux d’études susceptibles d’intervenir dans cette procédure existent déjà sur le marché.

L’ASN veillerait enfin à l’adaptation de la recherche publique aux besoins de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, principalement réalisée pour l’heure au sein de l’IRSN, du CEAEA et des universités. Il est prévu que l’ASN ait accès aux programmes de recherche et émette un avis sur leurs orientations en fonction des besoins qu’elle identifie.

c.  Les directives IED et Seveso III appliquées aux installations nucléaires de base

La transposition complète de ces directives impose d’inscrire au sein de la législation relative aux installations nucléaires de base les obligations qui en sont issues.

Concernant la directive IED, les dispositions applicables au régime des INB viseraient la mise en œuvre des meilleures techniques disponibles, le réexamen périodique des conditions d’exploitation avec participation du public dans certains cas, et l’établissement d’un rapport de base sur l’état du site. Les deux premiers principes figurent déjà dans la réglementation française et n’exigeront donc que quelques ajustements. En revanche, la participation du public lors de certains réexamens périodiques et l’établissement d’un rapport de base seraient des avancées nouvelles.

Quant à la directive Seveso III, elle impose le recensement régulier des substances dangereuses, l’élaboration d’une politique de prévention des accidents majeurs, la mise en place d’un système de management de la sécurité, et l’élaboration d’un plan d’urgence interne. La directive n’imposerait de les rendre applicables qu’aux seules INB relevant de son champ d’application. Néanmoins des obligations analogues, et parfois même plus précises, sont déjà applicables à l’ensemble des INB du fait du décret du 2 novembre 2007 (plan d’urgence interne) et de l’arrêté du 7 février 2012 (recensement, prévention des accidents majeurs et système de gestion de la sécurité). Ces dispositions seront donc simplement élevées au rang législatif.

Pour une meilleure lisibilité, le principe d’amélioration du cadre national de sûreté nucléaire et de radioprotection prévu par la directive n° 2009/71/Euratom du 25 juin 2009, établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires, sera porté au niveau législatif : il prévoit notamment des évaluations internationales périodiques. Son principe est peu normatif. Il est satisfait par l’accueil de missions IRRS (integrated regulatory service review, service de revue par les pairs réalisé sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique à la demande du pays d’accueil), organisé principalement par l’ASN. La France a reçu une mission en 2006 ; elle en a tiré les conséquences pour l’amélioration de son cadre national. Une seconde mission sera accueillie fin 2014.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur souscrit à l a demande d’habilitation présentée par le Gouvernement, étant entendu que les mesures projetées apparaissent excessivement techniques et ne se prêteraient que fort mal à un débat parlementaire. Il regrette toutefois, une nouvelle fois, que la transposition d’une directive européenne soit achevée en retard. Le Gouvernement a cependant accepté un amendement en commission spéciale réduisant son habilitation de douze à dix mois, ce qui constitue un progrès modeste mais réel.

Par ailleurs, outre deux modifications de nature rédactionnelle, la commission spéciale a adopté un amendement précisant que la tierce expertise à laquelle pouvait recourir l’ASN ne venait qu’en complément éventuel de l’évaluation menée par l’IRSN, et non en substitution à celle-ci, afin qu’il soit clair que la supervision de l’activité nucléaire en France demeurait sous le contrôle des autorités publiques.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS1741 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Dans le cadre des ordonnances, il est important que les sanctions de l’ASN soient non seulement proportionnées aux risques, mais aussi dissuasives. Une journée d’arrêt d’un réacteur nucléaire coûte un million d’euros ; si la pénalité est de quelques milliers d’euros, comme dans le cas des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), elle ne peut être dissuasive.

M. Philippe Plisson rapporteur. Lors des auditions, les opérateurs ont exprimé le souhait d’une référence aux ICPE, ce qui nous a semblé de nature à trop minorer la sanction. Mais il paraît compliqué de pratiquer des sanctions proportionnées qui soient, sans être contraires à la Constitution ni à la Convention européenne des droits de l’homme, dissuasives. J’invite M. Baupin à présenter un chiffre sur lequel nous puissions discuter.

M. le président François Brottes. J’invite, quant à moi, M. Baupin à présenter cet amendement en séance, afin qu’il entende du Gouvernement ce qui sera dans l’ordonnance.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine l’amendement CS1742 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement précise que les moyens doivent être donnés à l’ASN et à l’IRSN. Mon but était de connaître l’avis de la ministre. Je retire l’amendement pour l’instant.

Cet amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1743 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. À la différence des agences étrangères, l’ASN n’a pas de compétence en matière de sécurité, c’est-à-dire contre les atteintes volontaires aux installations, telles que les actes terroristes. Prendre en considération, dans les référentiels de sûreté, l’enjeu de la sécurité permettrait d’intégrer les deux domaines, qui ont souvent des interactions entre eux.

M. Philippe Plisson, rapporteur. La sécurité, surtout pour des installations nucléaires, relève de la défense nationale. Ce n’est pas le domaine de l’ASN, ou bien il faudrait créer en son sein une division spécifique, complémentaire de l’armée ou de la police. Il ne faut pas que les autorités administratives indépendantes exercent un autre métier que le leur.

M. le président François Brottes. J’invite M. Baupin à retirer l’amendement. Si je partage l’idée selon laquelle l’étanchéité est trop importante entre les services en charge de la sûreté et ceux en charge de la sécurité, il est vrai qu’on ne peut confier la sécurité du pays à une autorité indépendante. C’est pourquoi l’expertise du Gouvernement est nécessaire sur ce point.

M. Denis Baupin. Il ne s’agit pas de confier à l’ASN la compétence en matière de sécurité. Il s’agit de lui demander d’intégrer les enjeux de sécurité dans les référentiels de sûreté qu’elle édicte, c’est-à-dire les règles applicables aux installations nucléaires. Elle serait donc chargée de coordonner les règles, et non de les mettre en œuvre. J’observe, du reste, que les homologues étrangers de l’ASN exercent cette compétence.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Les travaux de l’ASN sont publics. Or, les questions de sécurité sont soumises à la confidentialité. Il est donc difficile de lui confier cette compétence. C’est pourquoi je demande à M. Baupin de retirer son amendement.

M. Denis Baupin. Si l’ensemble des travaux de l’ASN étaient publics, cela se saurait. C’est loin d’être le cas !

M. le président François Brottes. La plupart des avis, pour ne pas dire tous les avis, le sont.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS1744 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit de préciser que les référentiels de sûreté doivent être renforcés au regard des meilleurs niveaux internationaux.

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est déjà le cas actuellement. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

M. Jean-Luc Laurent. C’est un procès d’intention, monsieur Baupin !

M. Denis Baupin. Pas du tout ! L’ASN elle-même a affirmé sa volonté de se hisser aux meilleurs niveaux internationaux. Il s’agit de la soutenir dans cette ambition.

M. le président François Brottes. Cela pourrait aussi jeter la suspicion.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS599 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. L’alinéa 5 de l’article 33 a notamment pour objet d’étendre les pouvoirs de police de l’Autorité de sûreté nucléaire aux activités importantes pour la sûreté exercées par les fournisseurs, prestataires et sous-traitants de l’exploitant. Or, une telle mesure serait de nature à remettre en cause l’important principe de responsabilité première de l’exploitant en faisant évoluer le système français vers un système de responsabilité partagée entre l'exploitant et les prestataires. L’exploitant est, et doit rester, le seul responsable au plan administratif et pénal de la sûreté de son installation. C’est lui qui est redevable envers les autorités administratives et judiciaires, y compris des activités que mènent, pour son compte, ses prestataires. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’exploitant a une obligation de surveillance de ses prestataires.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable. L’extension du contrôle de l’ASN aux fournisseurs, prestataires et sous-traitants est au contraire une avancée. Nous savons en effet qu’il s’agit une zone grise, comme nous l’avons vu ce matin à propos du suivi sanitaire des travailleurs précaires.

La commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS604 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement a pour objet de garantir à l’IRSN sa place d’expert de référence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis favorable. Il s’agit en effet d’une précision utile. L’IRSN est l’expert attitré en la matière et il est bon que cela soit réaffirmé dans la loi.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS1152 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit d’un amendement de conséquence, qui résulte de l’adoption de l’amendement CS604.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable. L’exposé sommaire de l’amendement semble ne pas correspondre au contenu de celui-ci. En effet, il est proposé que les tierces expertises sollicitées par l’ASN soient réalisées par des experts choisis en accord avec les exploitants. Or, une telle limitation de la liberté d’investigation de l’ASN n’est pas envisageable.

M. Jean-Luc Laurent. Je m’étonne de votre avis, monsieur le rapporteur : cet amendement est purement rédactionnel.

M. le président François Brottes. Il semble que ce ne soit pas le cas, monsieur Laurent. De par la formulation choisie, l’amendement confierait à l’IRSN des compétences aujourd’hui dévolues à l’ASN.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement l’amendement de précision CS2000, l’amendement rédactionnel CS2001 et l’amendement de précision CS1999, tous du rapporteur.

La Commission adopte l’article 33 ainsi modifié.

Après l’article 33

La Commission est saisie de l’amendement CS1746 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il est proposé que, lorsque les minerais et combustibles utilisés dans les centrales nucléaires ne sont pas produits sur le territoire national, les conditions d’exploitation soient soumises à des règles au moins équivalentes à celles qui prévaudraient sur le territoire national.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable, bien que cet amendement parte d’un excellent sentiment, que l’on ne peut que partager. Au demeurant, si une telle disposition s’appliquait à l’ensemble des biens disponibles dans notre pays, nous ne consommerions plus grand-chose. Le code minier, à la réforme duquel s’est attelée la commission du développement durable, prescrit des dispositions applicables à l’exploration et à l’exploitation mais, comme toutes les lois françaises, il a vocation à s’appliquer sur le territoire national et ne saurait dicter une règle de conduite à des nations étrangères au motif que nous consommerions le minerai produit sur leur territoire.

Mme Cécile Duflot. On prétend, en France, que le nucléaire assure l’indépendance énergétique du pays alors que, depuis 1989, nous n’extrayons plus un gramme d’uranium du sol français.

M. le président François Brottes. Mais l’on produit du mox.

Mme Cécile Duflot. C’est vrai. Du reste, il serait bon que l’on arrête sa production. En tout état de cause, il ne faut pas que nous ignorions les responsabilités que nous avons vis-à-vis des pays dont nous exploitons les ressources, et les conséquences géopolitiques qu’a l’extraction d’uranium dans certains pays d’Afrique, notamment au Niger. Il importe que chacun soit bien conscient de l’impact produit par l’organisation de notre principal système de production d’électricité.

M. le président François Brottes. Le problème se pose dans bien d’autres secteurs, notamment celui des terres rares.

M. Denis Baupin. Il se trouve que la compagnie qui importe en France le combustible utilisé dans nos centrales nucléaires, AREVA, est à 100 % publique, ce qui n’est pas le cas pour les autres ressources que nous importons.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS1745 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Par cet amendement, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’accompagnement social, environnemental et économique de la fermeture des réacteurs nucléaires. Nous savons les difficultés que peut provoquer la fermeture de sites industriels lorsqu’elle n’est pas anticipée. Or, en l’espèce, il s’agit d’installations qui relèvent de la puissance publique et dont nous savons qu’elles seront fermées un jour ou l’autre. Il importe donc que le Gouvernement définisse une véritable stratégie d’accompagnement, comme ce fut le cas pour Superphénix.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Les parlementaires sont libres de demander aux présidents de commission et à la Conférence des présidents la création de missions d’information. Ils peuvent même user de leur droit de tirage pour ce faire si leurs propositions ne reçoivent pas l’accueil escompté. Cette demande de rapport, dont on sait qu’elles sont nombreuses à n’avoir débouché sur rien, ne me paraît donc pas utile. Je vous suggère de retirer l’amendement.

M. le président François Brottes. Monsieur Baupin, si le rapport demandé porte sur le dispositif d’accompagnement, et non sur les modalités de fermeture des sites, je vous suggère de retirer l’amendement et de le déposer en séance publique ; le Gouvernement vous répondra.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l'amendement CS1747 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Dans ses conclusions, la commission d’enquête relative aux coûts du nucléaire estime qu’il serait pertinent d’étudier la localisation des financements prévus pour les charges futures, c’est-à-dire les déchets et le démantèlement des centrales, au sein de la Caisse des dépôts et consignations, de façon qu’ils soient sécurisés et échappent à la spéculation. J’observe d’ailleurs que des propositions de loi allant dans ce sens ont déjà été déposées : l’une, il y a quelques années, était même signée par François Hollande et Christian Bataille, une autre par Hervé Morin. La volonté de créer une sorte de fonds souverain qui accueillerait ces financements est donc assez largement partagée. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur ce sujet.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis défavorable. Dans le dispositif actuel, EDF est responsable de ces fonds qui, en tout état de cause, devront un jour ou l’autre être mis à disposition, quel que soit leur gestionnaire. Cette proposition ne me paraît pas opportune.

M. le président François Brottes. Le dispositif actuel est encadré par la loi. Certes, il est nécessaire de vérifier que les fonds sont disponibles, mais ce contrôle peut être effectué par des missions parlementaires régulières.

Mme Cécile Duflot. L’amendement de M. Baupin est d’autant plus utile que la commission d’enquête a montré que le provisionnement des coûts et leur évolution étaient un véritable enjeu.

M. le président François Brottes. Il ne vous aura pas échappé, Madame Duflot, que la commission d’enquête a répondu à nombre de questions qui se posaient avant sa création. Mais il en reste, c’est vrai.

M. Denis Baupin. S’agissant du coût du démantèlement, la Cour des comptes elle-même estime qu’il est sous-évalué. Quant à celui de la gestion des déchets, il fait l’objet d’évaluations qui vont du simple au double. J’ajoute, monsieur le rapporteur, que ces dépenses interviendront peut-être dans un siècle, voire dans un siècle et demi : qui sait quel sera alors le statut d’EDF, d’AREVA ou du CEA ? La question du provisionnement et de la disponibilité des fonds est importante d’un point de vue économique et éthique.

M. le président François Brottes. J’ai le sentiment que, sur le plan éthique, le problème est réglé. En revanche, la question des montants mériterait des précisions, mais on est, à ce stade, incapable de les apporter.

M. Philippe Plisson, rapporteur. En matière nucléaire, il y a un grand principe, celui de la responsabilité de l’exploitant, qui vaut pour la sûreté et les déchets comme pour les financements. Si le Gouvernement place sous sa responsabilité les actifs de couverture de ces charges, il devra assumer également le risque lié à l’évaluation ou à la conduite des chantiers. Actuellement, EDF est responsable des actes de démantèlement et des financements nécessaires à la couverture des frais.

La Commission rejette l’amendement.

Article 34
Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2011/70 Euratom du Conseil du 19 juillet 2011

L’article 34 du projet de loi habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive européenne n° 2011/70/EURATOM du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs et à prévoir certaines adaptations de la législation existante liées à la transposition de cette directive. Aux termes de l’article 15 de la directive, les dispositions d’adaptation du droit interne des États membres devaient être prises avant le 23 août 2013.

1.  État du droit

Les déchets radioactifs sont générés par diverses activités, principalement la production d’électricité d’origine nucléaire, mais aussi d’autres secteurs économiques – la recherche, la médecine, l’industrie ou encore l’agriculture.

Les principes internationaux relatifs à la gestion des déchets radioactifs figurent dans la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, signée du 29 septembre 1997. Elle a été approuvée par la France le 22 février 2000 pour une entrée en vigueur le 18 juin 2001. Au 31 décembre 2013, soixante-neuf parties contractantes avaient déposé les instruments de ratification relatifs à ce texte.

Un cadre juridique a été progressivement construit au sein des institutions européennes sous l’égide de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA, plus fréquemment appelée Euratom). La directive n° 92/3/EURATOM du 3 février 1992, relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs entre États membres ainsi qu’à l’entrée et à la sortie de la Communauté, et la directive n° 2006/117/EURATOM du 20 novembre 2006, relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé, ont fixé des règles relatives au transit interétatique des déchets.

Plus récemment, la directive n° 2009/71/EURATOM, relative à la sûreté nucléaire, a établi un cadre communautaire encourageant les États à garantir un niveau de sûreté toujours plus élevé de leurs installations nucléaires. Cependant, jusqu’à présent, seules une recommandation de la Commission du 24 octobre 2006 et une résolution du Conseil du 16 décembre 2008 traitaient spécifiquement de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Cette lacune a été comblée par la directive n° 2011/70/EURATOM dont la transposition est envisagée ici.

En ce qui concerne le droit national, les déchets radioactifs et le combustible usé sont soumis aux dispositions du code de l’environnement, qui détermine les principes généraux en la matière et les règles applicables à certaines catégories d’installations de gestion de combustible usé ou de déchets radioactifs.

Le chapitre II du titre IV du Livre V, intitulé « Dispositions particulières à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs », comporte le dispositif général applicable, notamment les définitions spécifiques et les principes fondamentaux, tels que l’interdiction de stockage en France de déchets en provenance de l’étranger, ainsi que les prescriptions relatives au plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR). Des décrets d’application, notamment le décret n° 2013-1304 du 27 décembre 2013, en précisent les modalités.

La France s’étant dotée, avec les lois n° 91-1381 du 30 décembre 1991 et n° 2006-739 du 28 juin 2006, de programmes performants de gestion des matières et des déchets radioactifs qui ont servi de référence lors de l’élaboration de la directive européenne, la transposition de celle-ci en droit interne ne nécessitera que des compléments d’ordre technique et des adaptations en nombre limité.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 34 du projet de loi ne comporte aucune disposition juridique directement applicable puisqu’il consiste entièrement en une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance dans une période de douze mois suivant la publication de la présente loi. C’est donc à la directive n° 2011/70 Euratom du 19 juillet 2011 qu’il convient principalement de se référer pour décrire les conséquences qu’emporterait l’octroi d’une telle habilitation.

La directive harmonise et renforce les exigences applicables au cadre national des États membres afin de garantir la mise en œuvre de toutes les mesures relatives à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs seront mises en œuvre en temps voulu, de la disponibilité d’un financement suffisant, et d’une information complète du public tout au long des processus administratifs.

Les installations et activités de gestion du combustible usés et de déchets radioactifs entrant dans le champ d’application de la directive relèvent, selon leur nature et leur objet, de régimes d’autorisation et de contrôle spécifiques. L’ordonnance modifiera des règles applicables aux installations et activités de gestion du combustible relevant des régimes, d’une part, des installations nucléaires de base (INB) prévu au chapitre III du titre IX du livre V du code de l’environnement et, d’autre part, des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) prévu au titre Ier du livre V du code de l’environnement. Des dispositions du code de la santé publique sont également appelées à évoluer, notamment les articles L. 1333-1 et suivants.

La France s’est d’ores et déjà dotée, depuis la loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, des principaux outils prévus par la directive. Il ne sera, par exemple, pas nécessaire de recréer le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, mais simplement de lui apporter des adaptations mineures.

Les principales conséquences au plan juridique ou administratif se limiteront donc à :

– un ensemble de définitions relatives aux déchets, en complétant l’article L. 542-1-1 du code de l’environnement pour assurer sa compatibilité avec les définitions contenues à l’article 3 de la directive. La notion de « gestion des déchets radioactifs » comprendra ainsi toutes les activités liées à la manipulation, au prétraitement, au traitement, au conditionnement, à l’entreposage et au stockage des déchets radioactifs, à l’exclusion du transport hors site ;

– la possibilité pour l’autorité administrative, après avis de l’ASN, de qualifier des matières radioactives en déchets radioactifs – et inversement. Des dispositions de l’article 9 du décret n° 2013-1304 du 27 décembre 2013 seront ainsi élevées au rang législatif ;

– l’obligation de stockage sur le territoire national des déchets radioactifs qui y sont produits, qui fera l’objet d’un nouvel article L.542-2-2 au sein du code de l’environnement, étant entendu que cette règle s’appliquera aux déchets issus de combustible usé français exportés vers l’étranger à des fins de traitement. Ce principe n’aura pas d’impact significatif : les lois du 30 décembre 1991 et du 28 juin 2006 ont imposé le respect de cette règle que transcrivent depuis des accords intergouvernementaux, étant entendu que la France entend assumer pleinement sa responsabilité dans la gestion de ses propres déchets nucléaires ;

– la détermination d’exceptions au principe d’interdiction de stockage en France des déchets provenant de l’étranger, règle déjà formulée par l’article L. 542-2 du code de l’environnement qui n’admettait pour dérogation que le retour des résidus nationaux envoyés au-delà des frontières nationales à des fins de traitement ou de recherche ;

– un renforcement des sanctions administratives et pénales en cas de violation des dispositions applicables au combustible usé et aux déchets radioactifs. En particulier, un nouveau délit serait institué pour sanctionner le non-respect de l’obligation de stocker sur le territoire national les déchets radioactifs produits sur le territoire national.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, l’ordonnance autorisée à l’article 34 ne comporterait « pas de dispositions dont l’impact économique ou financier mérite d’être noté ». De manière générale, ses dispositions renforceront les mesures de protection de la santé et de l’environnement en matière de gestion de déchets radioactifs et de combustible usé. Elles renforceront les garanties dans l’exploitation des installations de gestion de déchets soumises à la législation ICPE (réexamen périodique des conditions de l’autorisation, mise en place d’un système intégré d’organisation interne comportant une garantie de la qualité).

3.  La position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur approuve pleinement le durcissement de la règlementation applicable en matière de gestion du combustible usé et des déchets nucléaires. Les instruments internationaux en la matière, en accroissant les obligations de chacun, participent à la sûreté de tous. Il est particulièrement appréciable que la directive européenne n° 2011/70/EURATOM du 19 juillet 2011 soit largement inspirée de dispositions issues de la législation française, ce qui montre combien la France attache de l’importance à la qualité de ses installations et à la gestion des déchets qui résultent de l’activité atomique, même si cela signifie paradoxalement qu’elle est l’une des nations où l’entrée en vigueur d’un cadre international équivaut à une faible progression des standards en vigueur.

Votre co-rapporteur, qui s’est borné à présenter deux amendements rédactionnels, remercie le Gouvernement d’avoir communiqué un projet très avancé d’ordonnance avant l’examen du projet de loi en commission spéciale. Il s’est attaché à le communiquer à l’ensemble des commissaires afin que chacun puisse déterminer son vote avec un maximum d’informations.

Votre co-rapporteur tient toutefois à exprimer un regret. La date-limite de transposition de la directive était fixée au 23 août 2013. Or le présent projet de loi ne sera vraisemblablement pas promulgué avant le début de l’année 2015. De surcroît, le Gouvernement a sollicité une habilitation courant sur douze mois, ce qui revient à une publication début 2016, et il s’est opposé à une réduction de ce délai proposée en commission. La France aura donc grandement tardé à honorer ses engagements auprès de ses partenaires européens, ce qui n’est jamais à l’honneur de notre pays.

*

* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1998 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement CS621 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. L’alinéa 4 de l’article 34 vise à définir une procédure permettant à l’administration de requalifier des matières en déchets radioactifs. Outre que l’étude d’impact n’indique pas clairement ce qui justifie une telle disposition, une telle faculté est de nature à déstabiliser l’ensemble de la filière dans la mesure où elle pourrait conduire à des décisions incompatibles avec la politique de retraitement développée par la France. Je propose donc la suppression de l’alinéa 4.

M. Philippe Plisson, rapporteur. L’amendement condamne une procédure au motif qu’elle déstabiliserait l’industrie alors qu’il est indiqué, dans le second alinéa de l’exposé sommaire, que cette procédure figure déjà dans un texte réglementaire. La chose n’est donc pas si grave… Sur le fond, certaines matières nucléaires seront peut-être exploitables dans un avenir plus ou moins lointain, mais, tant que des progrès technologiques ne sont pas intervenus, elles ne le sont pas. Il convient donc de les considérer comme des déchets, étant entendu qu’une procédure miroir permettra de les requalifier en matières une fois que la rupture technologique sera d’actualité.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Avis défavorable. L’article 34 vise à donner à un dispositif relevant actuellement d’un décret une base législative claire. J’ajoute que cette mesure est liée à la transposition de la directive de 2011 qui prévoit que le caractère de déchets radioactifs soit reconnu par une autorité administrative.

M. Jean-Luc Laurent. Je retire l’amendement, au bénéfice du doute.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1996 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement CS1995 du rapporteur.

Mme la ministre. Défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 34 ainsi modifié.

Article 34 bis [nouveau]
(articles L. 597-2, L. 597-5, L. 597-24, L. 597-25, L. 597-27 à L. 597-29, L. 597-32, L. 597-34  et L. 597-45 du code de l’environnement)

Incorporation dans le droit national des prescriptions conventionnelles relatives à la responsabilité nucléaire civile

La convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire du 29 juillet 1960, amendée le 28 janvier 1964 et le 16 novembre 1982, dite « convention de Paris », est le premier instrument international adopté dans le domaine de la responsabilité civile nucléaire. Le régime dérogatoire au droit commun qu’instaure cette convention fait de l’exploitant d’une installation nucléaire le seul responsable de tout dommage causé pendant l’exploitation ou à l’occasion du transport de « substances nucléaires » en provenance ou à destination de l’installation, sans recherche de responsabilité des fournisseurs ni des sous-traitants. Il incombe à l’exploitant une responsabilité exclusive et objective – la faute n’a pas besoin d’être prouvée. En contrepartie, la responsabilité de l’exploitant est plafonnée à 15 millions de droits de tirage spéciaux du FMI, soit environ 18 millions d’euros.

Une convention complémentaire établie à Bruxelles, le 31 janvier 1963, complète l’indemnisation prévue par la convention de Paris en prévoyant une prise en charge des dommages qui excèdent le plafond de responsabilité de l’exploitant, d’abord par l’État, puis par la communauté des États parties :

– une seconde tranche des dommages est à la charge de l’État de l’exploitant, jusqu’à 200 millions d’euros ;

– une troisième tranche des dommages est mise à la charge de la communauté des parties cocontractantes, jusqu’à 345 millions d’euros.

La convention de Paris consacre par ailleurs un principe d’unité de juridiction, qui confère une compétence exclusive aux tribunaux de l’État sur le territoire duquel l’accident est survenu ou, en cas de transport, aux tribunaux de l’État où est située l’installation dont l’exploitant est responsable.

Les conventions de Paris et de Bruxelles ont été renforcées par deux protocoles modificatifs signés le 12 février 2004. La notion de dommage nucléaire ouvrant droit à réparation inclut désormais les dommages immatériels, les pertes financières en relation directe avec une dégradation importante de l’environnement, ainsi que le coût des mesures de sauvegarde adoptées pour prévenir ou réduire les dommages nucléaires. Le montant minimal de responsabilité de l’exploitant est porté de 18 à 700 millions d’euros. Le délai de déchéance des actions en réparation est porté de dix à trente ans en cas de décès et de dommages aux personnes. Le bénéfice de la convention de Paris est étendu aux dommages subis sur les territoires d’États non-contractants dépourvus d’installations nucléaires et d’États non-contractants ayant adopté une législation nationale fondée sur les mêmes principes que la convention. Enfin, la seconde tranche à la charge de l’État atteint désormais 1,2 milliard d’euros, et celle qui est à la charge de l’ensemble des États parties est portée à 1,5 milliard d’euros.

En dépit de leur grand intérêt, ces deux protocoles n’ont pas encore été mis en vigueur. Les clauses conventionnelles prévoient une application une fois les instruments de ratification déposés par au moins deux tiers des parties contractantes. Or l’Union européenne a considéré, par une décision du Conseil du 8 mars 2004, que la révision intervenant notamment dans un domaine de compétence communautaire exclusive – la juridiction –, sa ratification devait être subordonnée à une ratification par l’ensemble des États membres de l’Union. Or, comme le souligne notre collègue Marie-Louise Fort dans un rapport à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale du 18 février 2014 (n° 1803), « trois États concernés n’ont pas encore achevé leur processus de ratification – la Belgique, le Royaume-Uni et l’Italie. [Si] le processus est engagé pour les deux premiers pays, et aurait de bonnes chances d’aboutir en 2014, il tarderait encore pour le troisième. » Bloquée dans un seul État membre, la ratification l’est donc pour l’ensemble des États de l’Union européenne, ce qui empêche l’entrée en vigueur des protocoles modificatifs.

La France s’est montrée exemplaire dans la négociation et dans l’application des normes internationales. La ratification des deux protocoles a été autorisée par la loi n° 2006-786 du 5 juillet 2006. Les mesures nécessaires pour leur application sont intégrées au sein de la première section du chapitre VII du titre IX du Livre V du code de l’environnement, mais leur entrée en vigueur ne sera effective qu’à compter de celle du protocole modificatif de la Convention de Paris.

Le rapport précité de Mme Fort signalait déjà que « le futur projet de loi de programmation sur la loi de transition énergétique, qui devrait être examiné en 2014, pourrait servir de vecteur législatif pour faire entrer en vigueur dans le droit français, par anticipation, les principaux aspects du protocole modificatif. »

Tel est très précisément le sens de l’amendement de M. Denis Baupin qui porte le plafond de responsabilité des exploitants de 91,5 à 700 millions d’euros, comme le prévoit le protocole modificatif de 2004 de la convention de Paris.

Votre co-rapporteur apporte son soutien plein et entier à cette initiative. Il est bon que le Parlement se détermine sereinement, dans le calme et sans urgence, et que la loi française soit déjà conforme aux prescriptions internationales au moment où le protocole modificatif à la convention de Paris entrera en vigueur.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS1750 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement reprend un article relatif à la responsabilité des exploitants en cas d’accident nucléaire, qui a été rédigé par les services du ministère. Une ministre précédente avait en effet pris devant l’Assemblée nationale l’engagement que cette loi accroîtrait la responsabilité de l’exploitant en cas d’accident pour la porter au niveau prévu dans la convention de Paris modifiée en 2004. Même si cette responsabilité reste très largement inférieure au coût d’un éventuel accident nucléaire, il convient que la France applique – sans attendre son entrée en vigueur, qui prend beaucoup de temps – les dispositions issues de la ratification par la France de la modification de la convention de Paris.

Mme la ministre. Avis favorable. La rigueur juridique devrait nous conduire à attendre le prochain projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, qui intégrera ce dispositif. Mais qui peut le plus peut le moins.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Avis d’autant plus favorable que j’ai été rapporteur d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne et que j’en conserve un très mauvais souvenir. Je me félicite donc que, pour une fois, nous anticipions cette adaptation.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 34

La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1748 et CS1752 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’évaluation réalisée par l’IRSN du coût d’un accident nucléaire majeur étant contestée par certains, nous proposons, par l’amendement CS1748, que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’impact d’un tel accident et de l’indemnisation des victimes sur les finances publiques. La question de l’indemnisation est cruciale, car, actuellement, aucun contrat d’assurance personnelle ne prévoit d’indemnisation dans cette hypothèse.

Quant à l’amendement CS1752, il a trait à l’estimation des charges futures liées au nucléaire. Les évaluations du coût d’un démantèlement dont nous disposons actuellement ont été réalisées par les exploitants. Or, la Cour des comptes estime que leurs calculs suscitent des interrogations et les commissaires aux comptes d’EDF eux-mêmes ne sont pas très à l’aise face à ces chiffrages. Une évaluation indépendante du coût des démantèlements permettrait de sécuriser leur financement.

Mme la ministre. Ces amendements sont satisfaits ; je demanderai donc leur retrait. S’agissant de l’impact sur les finances publiques d’un accident nucléaire majeur, la responsabilité de l’État est très clairement définie par les textes relatifs à la responsabilité civile nucléaire. L’engagement de la France est inscrit en annexe du compte général de l’État, dans la partie relative aux garanties liées à une mission d’intérêt général. En outre, l’IRSN a publié une étude complète sur la question du coût économique des accidents nucléaires et poursuit ses travaux. Je ne voudrais pas que la loi, en prévoyant un énième rapport sur le sujet, laisse entendre que le Gouvernement ne serait pas conscient de ses responsabilités en cas d’accident nucléaire majeur. Je comprends que, par la demande de rapports, on veuille témoigner du fait que certaines thématiques ne sont pas ignorées, mais je ne souhaite pas que l’on puisse penser que, sur ces sujets, rien n’a été fait ou que les instances responsables n'assument pas leur tâche.

Quant au problème du coût du démantèlement et de son financement, il a été abordé à de nombreuses reprises par la Cour des comptes, par les commissions d’enquête parlementaires et par la Commission nationale d’évaluation du financement. Le contrôle de l’autorité administrative décrit dans le code de l’environnement comprend le contrôle de l’évaluation des charges du démantèlement. Par ailleurs, de nouveaux éléments seront disponibles l’année prochaine. Le ministère a en effet lancé un audit avant l’été portant particulièrement sur le coût du démantèlement du parc nucléaire actuellement en activité. Ses conclusions seront connues avant l’été 2015 et feront l’objet d’une présentation devant le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire et devant les commissions compétentes de l’Assemblée si c’est nécessaire.

Si j’ai tenu à citer ces différentes instances, c’est, je le répète, parce que je ne souhaite pas que les Français puissent penser que rien n’est fait dans ce domaine et que ces instances croient que leur travail est méconnu ou méprisé.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement CS1752, car je souhaitais précisément savoir dans quel délai nous aurions connaissance des résultats de l’audit. Quant à l’amendement CS1748, je le retire également, mais, puisque des questions demeurent s’agissant de l’indemnisation, je le réécrirai en vue de son examen en séance publique, afin qu’il soit moins ambigu sur la question de la responsabilité.

Les amendements CS1748 et CS1752 sont retirés.

Mme Cécile Duflot. Puisque nous avons achevé l’examen du titre VI, je veux saluer avec force l’adoption de l’amendement CS1402 qui introduit dans notre législation une nouvelle procédure d’autorisation lorsque l’activité de centrales nucléaires est prolongée au-delà de quarante ans, faisant ainsi écho aux nombreuses inquiétudes suscitées par les dangers potentiels d’une telle prolongation. Il s’agira d’un rendez-vous décisif, puisque l’exploitation d’une installation ne pourra être poursuivie sans une autorisation en bonne et due forme. Par ailleurs, je veux redire l’importance que les écologistes attachent à certaines propositions concernant la sous-traitance et la transparence qui n’ont pu aboutir en commission mais que nous défendrons à nouveau en séance publique.

M. Christophe Bouillon. Depuis mercredi, nous pouvons constater que l’examen de ce texte s’apparente à une véritable co-construction. Je salue donc ceux de nos collègues qui y participent et le Gouvernement, qui la rend possible. Les députés ont des droits, notamment celui de fabriquer la loi en déposant des amendements, mais ils ont le devoir de le faire en étant présents à vos côtés, madame la ministre.

TITRE VII
SIMPLIFIER ET CLARIFIER LES PROCÉDURES
POUR GAGNER EN EFFICACITÉ ET EN COMPÉTITIVITÉ

Chapitre Ier
Simplification des procédures

Mme la ministre. Nous abordons l’examen du titre VII, qui vise à simplifier les procédures, conformément au souhait exprimé par nombre d’entre vous, pour faciliter la montée en puissance des énergies renouvelables. L’article 35 aménage ainsi les règles de consultation des ouvrages linéaires énergétiques. Le règlement européen sur les infrastructures énergétiques implique de raccourcir la procédure d’élaboration des projets à vingt-quatre mois et la procédure réglementaire d’autorisation à dix-huit mois, et si nous pouvons être plus rapides nous le serons. Il est en conséquence proposé, tout d’abord, de généraliser l’organisation des concertations sous l’égide d’un garant au choix de la commission nationale du débat public pour les ouvrages linéaires énergétiques. Cette procédure permet d’associer le public à l’élaboration du projet, notamment au choix des tracés, ce que le débat public ne permet pas car il ne porte que sur l’opportunité du projet. La démocratisation n’est donc pas incompatible avec le raccourcissement des délais.

Il vous est proposé, ensuite, pour les ouvrages de transport d’électricité non soumis à enquête publique, de maintenir une consultation du public sur le tracé général de l’ouvrage, afin de vérifier que les impacts sur la propriété privée ne sont pas excessifs.

Article 35
(articles L. 121-9 du code de l’environnement et L. 323-3 du code de l’énergie)

Suppression du débat public pour la construction de
réseaux électriques et gaziers

1.  État du droit

a.  Les règles de participation du public : article L. 121-9 du code de l’environnement

L’article L. 121-9 du code de l’environnement précise les modalités de participation du public sur les projets d’infrastructures. Tout d’abord, la CNDP apprécie la nécessité d’organiser un débat public pour chaque projet.

Si elle estime qu’un débat public est nécessaire, elle peut l’organiser elle-même ou charger le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable du projet de l’organiser.

Si elle estime qu’un débat public n’est pas nécessaire, elle peut recommander la tenue d’une concertation menée par le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable du projet. L’article 246 de loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (loi Grenelle II) a modifié l’article L. 121-9 et a introduit la possibilité pour la CNDP de désigner un garant chargé d’organiser cette concertation afin que le public puisse présenter ses observations et contre-propositions.

Depuis 2010, la CNDP a donc la possibilité de nommer un garant organisant une concertation du public :

– plus brève : le débat public implique d’importants délais puisqu’il faut 18 mois pour que la procédure soit terminée : la constitution du dossier prend 6 mois ; le débat se déroule pendant 4 mois ; 2 mois après le débat, la commission particulière publie un compte-rendu du débat public ; à partir de la date de publication, le maître d’ouvrage dispose de 3 mois pour faire connaître les suites qu’il souhaite donner au projet.

– plus opérationnelle : alors que la procédure de débat public porte uniquement sur l’opportunité de réalisation d’un ouvrage, la concertation associe le public à la définition du tracé de l’ouvrage.

Au contexte français s’ajoute l’évolution du droit européen. Le règlement européen n° 347/2013 sur les infrastructures énergétiques vise à raccourcir la procédure d’élaboration des projets à 24 mois et la procédure d’autorisation à 18 mois pour les projets communs déclarés d’intérêt commun. Or, en l’état actuel du droit, il est impossible de tenir ces délais resserrés sans garant. Les procédures d’infrastructures énergétiques sont devenues très longues, ralentissant le développement de nouveaux projets, notamment en matière d’énergies renouvelables.

b.  Les règles de consultation du public en cas d’ouvrages déclarés d’utilité publique : article L. 323-3 du code de l’environnement

Conformément à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, une étude d’impact doit être réalisée pour tout projet :

– de ligne aérienne d’une longueur supérieure à 15 km ;

– de liaison souterraine de tension supérieure ou égale à 225 000 volts et d’une longueur supérieure à 15 km ;

– de construction ou d’extension de poste.

En dessous de ces seuils, l’autorité administrative décide au cas par cas de la nécessité de l’étude d’impact.

Lorsque les projets de lignes électriques ne sont pas soumis à une étude d’impact, ils ne sont pas non plus soumis à une enquête publique. Pour ces projets, le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements a modifié la procédure de consultation : la consultation de proximité a été remplacée par une consultation du public par voie électronique. Une telle évolution pose problème s’agissant de la déclaration d’utilité publique : évaluer l’utilité publique des projets nécessite de mesurer si les atteintes à la propriété et aux autres intérêts publics ne sont pas excessifs par rapport à l’intérêt qu’ils présentent.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Cet article aménage les règles de consultation des ouvrages linéaires énergétiques, de façon à accélérer la construction de ces réseaux essentiels à la transition énergétique.

Dans le cas des ouvrages linéaires énergétiques, lorsque la CNDP estime qu’une participation du public est nécessaire, elle prend la forme d’une concertation sous l’égide d’un garant. Ce dernier est désigné par la CNDP, qui détermine également les modalités de cette participation du public, notamment concernant l’établissement et la publication du document de synthèse rendant compte du déroulement de la participation et de ses résultats. Par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 121-9, l’article supprime la possibilité pour la CNDP d’organiser un débat public pour ce type de projet. Le recours au garant vise à raccourcir les délais des procédures administratives et à faciliter l’accueil des nouveaux moyens de production.

Dans le cas des ouvrages de transport d’électricité non soumis à enquête publique, cet article rétablit une consultation du public sur le dossier de déclaration d’utilité publique auprès des mairies des communes traversées par l’ouvrage, afin de déterminer si l’expropriation n’est pas excessive au regard de l’intérêt public.

3.  Position de la co-rapporteure

L’évolution proposée par cet article s’inscrit dans un contexte général : celui du développement rapide des énergies renouvelables sur l’ensemble de notre territoire. Pour accompagner ce mouvement, il est inévitable de raccourcir les délais de raccordement de ces nouvelles capacités de production. Si le réseau ne suit pas, la transition énergétique demeurera lettre morte.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement de suppression CS1753 de M. Denis Baupin.

Mme Cécile Duflot. L’article 35 vise à priver la commission nationale du débat public de l’organisation de consultations sur les projets d’ouvrages de transport d’électricité : la concertation serait menée uniquement par le maître d’ouvrage, accompagné d’un garant. Chacun salue pourtant la méthode de travail de la commission nationale du débat public, et sa contribution à l’amélioration d’un certain nombre de projets. Je pense notamment à celui du Grand Paris Express, qui a fait l’objet d’une véritable adhésion populaire et citoyenne. L’installation d’ouvrages de transport d’électricité n’est pas anodine ; elle a un impact sur les paysages et sur la vie des agriculteurs notamment. Il serait étrange que cette législature soit marquée par une régression en matière de participation citoyenne.

Mme la ministre. Je ne partage pas du tout cet avis. Aussi, je suis défavorable à la suppression de l’article 35.

Au contraire, la concertation sous garant a montré son efficacité. La Commission nationale du débat public peut se saisir sur les sujets qu’elle souhaite. Les recommandations du Conseil économique, social et environnemental du mois de mars 2014 ont conduit à la rédaction de cet article qui prévoit la création et la participation du public pour les déclarations d’utilité publique sans enquête publique, ce qui est tout à fait nouveau et renforce la présence du public.

Mme Ericka Bareigts. Même avis que le Gouvernement, pour les mêmes raisons.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2049, CS2064, CS2050 et CS2065 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 35 modifié.

Article 36
(article L. 121-4 du code de l’énergie)

Extension du champ de compétence de RTE au domaine public maritime

1.  État du droit

L’article L. 121-4 du code de l’énergie prévoit que la compétence du gestionnaire des réseaux publics de transport et de distribution s’étend « à la mer territoriale, au plateau continental et à la zone économique au large des côtes du territoire de la République » dans le cas des ouvrages électriques raccordés aux réseaux publics terrestres. Ce champ exclut le sol, le sous-sol ainsi que le rivage.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le projet de loi étend la compétence de RTE au domaine public maritime, dont la définition est inscrite à l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques. En application du 1° de cet article, cette compétence inclut désormais « le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer ».

3.  Position de la co-rapporteure

Cet article ne nécessite pas de modification.

*

* *

Mme la ministre. L’article 36 prévoit la compétence du gestionnaire des réseaux publics de transport et de distribution en mer en ajoutant le domaine public maritime à la mer territoriale. Comme vous le savez, les énergies marines vont représenter un espace de création et de montée en puissance des énergies renouvelables très important dans les années à venir.

M. le président François Brottes. Elles ont besoin de réseaux à haute tension pour pouvoir être transportées.

La Commission adopte l’article 36 sans modification.

Après l’article 36

La Commission est saisie de l’amendement CS1761 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Nous avons déposé un certain nombre d’amendements sur le titre VII concernant la simplification en matière d’énergies renouvelables. Je ne vous cacherai pas qu’ils sont inspirés en partie de propositions des professionnels eux-mêmes qui nous ont fait part des difficultés auxquelles ils sont confrontés à différents endroits.

L’amendement CS1761 vise à permettre aux sites géothermiques à basse température de disposer demain d’un dispositif plus simple qu’il ne l’est aujourd’hui.

Mme la ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Les permis de géothermie basse ou haute température portent sur de larges périmètres qui peuvent excéder le périmètre d’un département, voire porter sur plusieurs départements, qui ont en général pour vocation à fournir de l’électricité à grande échelle. Il est légitime de conserver une compétence nationale pour l’attribution des titres. Bien évidemment, l’instruction des dossiers est faite par les préfets localement. Je ne crois pas que cela ralentisse ou prolonge les procédures. Il est important de disposer d’un contrôle national sur des périmètres aussi larges.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Même avis.

M. Denis Baupin. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1760 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit de déléguer au préfet la compétence pour l’instruction des demandes de permis exclusif de recherche de gîte géothermique à haute température.

Mme la ministre. Même observation que pour l’amendement précédent.

M. Denis Baupin. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1759 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à instituer au sein des Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) un pôle énergies renouvelables chargé de l’instruction des demandes d’autorisations relatives aux énergies renouvelables.

Mme la ministre. Les DREAL sont toutes mobilisées sur la question des énergies renouvelables. Elles vont avoir la responsabilité de mettre en mouvement la transition énergétique avec les autres opérateurs de l’État mais aussi les collectivités territoriales et les filières industrielles. L’organisation interne des DREAL ne relève pas de la loi.

Par exemple, les demandes de permis de construire sont instruites par les services des directions départementales des territoires (DDT) et les demandes d’autorisation des installations hydrauliques le sont par les services de la police de l’eau. Nous avons donc, au contraire, besoin de mettre en place des communautés de travail sur la transition énergétique car il y a eu trop de conflits de compétences, par exemple entre l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), les DREAL, les directions départementales, les services des régions, etc. D’ailleurs, je les ai réunis collectivement récemment, ce qui n’avait jamais été fait, pour leur demander de travailler ensemble et de mettre en place des communautés de travail autour des projets et non pas de s’arcbouter sur leurs propres compétences. Les agents de l’État et de l’ADEME estiment que cela redonne du sens à leur travail.

J’interviens prochainement devant l’ensemble des préfets de région et de département pour leur donner le sens de la transition énergétique, afin qu’ils soient aussi les animateurs des équipes locales et non arcboutés sur leurs compétences par peur d’en être dessaisis.

M. Denis Baupin. Mon amendement est satisfait. Aussi, je le retire.

L’amendement est retiré.

Article 37
(articles L. 146-4 et L. 146-6 du code de l’urbanisme)

Extension des dérogations à la loi littoral et aux règles de préservation des espaces remarquables pour permettre la pose de lignes électriques

1.  État du droit

La loi n° 82-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi littoral », prévoit que l’extension de l’urbanisation en zone littorale doit se réaliser en continuité avec le bâti. En dehors des espaces urbanisés, toute construction ou installation est interdite sur une bande littorale de 100 mètres.

La loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite « loi Brottes », comporte plusieurs mesures dérogatoires à la loi littoral, codifiées aux articles L. 146-4 et L. 146-6 du code de l’urbanisme.

L’article L. 146-4 prévoit les dispositions relatives à l’urbanisation dans la zone littorale et limite la réalisation d’ouvrages de raccordement aux réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité sur une bande littorale aux seules installations marines utilisant les énergies renouvelables. Cette dérogation, introduite par la loi Brottes, permet la réalisation de lignes de distribution ou de transport d’électricité nécessaires au raccordement des installations d’énergies renouvelables marines – éoliennes offshore et hydroliennes. Elle évite aux gestionnaires de réseau d’emprunter des détours de plusieurs kilomètres pour respecter le principe de continuité du bâti, ce qui induisait d’importants surcoûts. La loi Brottes a par ailleurs introduit deux conditions de réalisation de ces ouvrages afin de garantir le respect du littoral : la réalisation d’une enquête publique et l’obligation d’utiliser des techniques de raccordement souterraines de moindre impact environnemental.

De même, la loi Brottes a introduit à l’article L. 146-6 une dérogation aux dispositions limitant la construction d’ouvrages dans les espaces remarquables : la construction de canalisations du réseau public de transport ou de distribution d’électricité est autorisée dans ces espaces si elles visent à promouvoir des énergies renouvelables. Les deux conditions prévues à l’article L. 146-4 pour la réalisation de projets en zone littorale s’appliquent également aux constructions dans les espaces remarquables. En outre, l’approbation des projets de construction des ouvrages est refusée s’ils sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables.

Ces dérogations ne permettent donc pas de réaliser des interconnexions avec les pays voisins ou des projets sous-marins qui visent à éviter les impacts plus importants qu’auraient eu ces infrastructures à terre.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 37 élargit les dérogations à la loi littoral introduites par la loi Brottes. Toutes les lignes électriques atterrées peuvent bénéficier de cette dérogation, à condition :

– que leur réalisation soit nécessaire à l’exercice des missions de service public des gestionnaires de réseaux d’électricité ;

– que leur localisation réponde à une nécessité technique impérative.

La délivrance de l’autorisation d’occupation du domaine public ou de l’approbation des projets de construction, prévues par le code de l’urbanisme, est conditionnée par le respect de la notion de moindre impact environnemental. De plus, la délivrance de l’autorisation ou de l’approbation peut être assortie de prescriptions supplémentaires destinées à limiter l’impact environnemental des canalisations et de leurs jonctions.

Cet article permet ainsi de consolider la sécurité d’approvisionnement au niveau européen en autorisant le passage de câbles pour permettre des interconnexions avec les pays voisins.

3.  Position de la co-rapporteure

Dans le droit actuel, les dérogations à la loi littoral ne concernent que le raccordement au réseau des installations d’énergies renouvelables marines. L’extension du champ à l’ensemble des lignes électriques nécessaires à l’exercice de missions de service public va au-delà du raccordement des énergies renouvelables, mais est néanmoins nécessaire au développement de ces dernières. En effet, le développement des interconnexions permet de mutualiser l’ensemble des moyens de production sur la « plaque de cuivre européenne » et de profiter ainsi du foisonnement de la production renouvelable. Si les éoliennes offshore britanniques ou les panneaux photovoltaïques espagnols produisent davantage que les usagers de ces pays ne consomment, les échanges transfrontaliers d’électricité permettront d’absorber ce surcroît d’offre. À l’inverse, si la capacité de production française est en excédent à certains moments de la journée, elle peut être mobilisée pour répondre à la demande d’autres pays – notamment lorsque la production intermittente est à l’arrêt.

En résumé, l’extension du champ de la dérogation concerne des ouvrages qui ont le même rôle que les lignes dédiées au raccordement des installations de production : l’ensemble de ces ouvrages concourent à l’intégration au réseau des énergies renouvelables. En lien avec l’article précédent, le présent article répond à l’objet de la loi, qui est d’accélérer la transition vers un nouveau modèle énergétique.

Pourtant, le projet de loi ajoute une condition par rapport au droit en vigueur : la localisation du projet doit répondre à une « nécessité technique impérative ». Votre co-rapporteure est défavorable à cet ajout, dans la mesure où il peut conduire à priver d’effet l’article 37, voire même à un recul par rapport au droit en vigueur. En effet, il sera extrêmement complexe de démontrer une « nécessité technique impérative », ce qui rendra impossible la réalisation des projets – y compris ceux qui bénéficient déjà de la dérogation ; en réalité, la question est davantage celle du surcoût qu’engendre la nécessité de réaliser des contournements de plusieurs kilomètres pour effectuer l’atterrage dans une zone en continuité du bâti.

De plus, le projet de loi prévoit des garanties fortes : une enquête publique et l’obligation de réaliser ces ouvrages en souterrain selon des modalités garantissant le moindre impact environnemental.

Pour ces raisons, votre co-rapporteure propose la suppression de la condition de « nécessité technique impérative ».

*

* *

Mme la ministre. L’article 37 vise à autoriser le passage des canalisations souterraines des gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d’électricité dans les espaces du littoral et hors zone urbanisée. Cette exception qui était limitée au raccordement ou aux câbles visant à promouvoir les énergies renouvelables reste, bien sûr, soumise à enquête publique.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2068 de la rapporteure.

La Commission est saisie de l’amendement CS1763 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Mon amendement vise à préciser que la dérogation prévue ne s’applique qu’aux énergies renouvelables produites en mer.

Au travers de ces nouvelles autorisations, que vise-t-on ?

Mme la ministre. On vise également les interconnexions qui permettent de faciliter la diffusion des énergies renouvelables sur le réseau européen, notamment l’énergie éolienne britannique ou espagnole. Mais il s’agit, bien évidemment, des productions d’énergie.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement prive l’article 37 de tout intérêt puisqu’il vise à revenir au droit existant. Il est important d’étendre la dérogation à la loi littoral aux interconnexions électriques. Ces ouvrages sont absolument nécessaires au développement des EnR sur la plaque européenne.

M. le président François Brottes. Chacun a bien compris que lorsque l’on tire un réseau, il y a de l’énergie renouvelable mais pas uniquement de l’énergie renouvelable. La sécurisation des approvisionnements de l’Espagne, de l’Angleterre ou de la France rend nécessaires ces interconnexions. Parfois, la solution maritime est la bonne.

M. Denis Baupin. Au vu de ces explications, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2405 de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Il s’agit de supprimer la condition de nécessité technique impérative qui est difficile à apprécier. En pratique, elle priverait l’article de tout effet. L’intérêt de la dérogation est de permettre le raccordement direct d’un parc d’EnR marine ou la réalisation d’une interconnexion sans avoir à réaliser des détours de plusieurs kilomètres particulièrement coûteux. Cela ne repose pas sur une nécessité technique mais sur une approche de bonne gestion des deniers publics. In fine, en prenant un chemin direct, la réalisation d’une ligne passant par une zone littorale fait économiser plusieurs dizaines de millions d’euros de TURPE aux consommateurs d’électricité. Par ailleurs, toutes les garanties sont prises pour que cela n’entraîne aucun impact sur l’environnement.

Mme la ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2069 et CS2051 de la rapporteure.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS1600 de M. Philippe Bies et CS1765 de M. Baupin, et l’amendement CS1764 également de M. Denis Baupin.

M. Philippe Plisson. Cet amendement vise à étendre la dérogation à la loi Littoral introduite par la loi du 15 avril 2013. Mme la ministre nous a donné des assurances en indiquant qu’une réflexion allait être menée afin de trouver une solution avant l’examen du présent projet de loi en séance publique. Ses propos m’ayant rassuré, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

M. Denis Baupin. Je retire les amendements CS1765 et CS1764.

Les amendements CS1765 et CS1764 sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CS1762 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à encadrer davantage le dispositif prévu à l’article 37.

Mme la ministre. Défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2066, CS2052, CS2053 et CS2070 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 37 modifié.

Après l’article 37

La Commission examine les amendements identiques CS2097 de M. Philippe Bies et CS2098 de M. Denis Baupin.

M. Philippe Plisson. Je retire l’amendement CS2097.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement CS2098.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune les amendements CS1766 et CS1767 de M. Denis Baupin.

Mme la ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement CS1766 car il est satisfait. Une expérimentation du permis unique pour les éoliennes et les installations de méthanisation a en effet été mise en place.

M. Denis Baupin. Comme tous les documents jusque-là séparés ont été regroupés dans un même dispositif, les professionnels considèrent que cela n’a pas du tout allégé les procédures car les documents doivent être tous remplis de la même façon. On est passé au permis unique afin d’éviter une multitude de recours sur chaque document. Or les services juridiques de ces professionnels craignent un recours sur chacun des documents.

Madame la ministre, j’aimerais connaître votre analyse sur ce point assez stratégique en matière de simplification car on sait que c’est l’accumulation de recours successifs sur différents documents qui fait perdre beaucoup de temps pour construire les installations. Le permis unique garantit-il vraiment un recours sur un seul document ?

Mme la ministre. Absolument. D’ailleurs le Gouvernement a déposé un amendement CS2364 après l’article 38 qui précise qu’il y a fusion des dossiers dans l’autorisation unique. Il y a donc bien un seul dossier, donc une seule enquête publique et un seul recours.

M. Denis Baupin. Je suis heureux de voir que nos demandes aboutissent à des améliorations.

Mme la ministre. Je serai vigilante à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce sujet.

M. Denis Baupin. Je remercie Mme la ministre et je retire les amendements.

Les amendements sont retirés.

Article 38
(articles L. 111-86, L. 111-89, L. 111-95, L. 321-5 et L. 322-12 du code de l’énergie)

Toilettage et clarification de diverses dispositions du code de l’énergie

1.  État du droit

a.  Alinéas 1 à 4

Les articles L. 111-86 et L. 111-89 du code de l’énergie traitent de l’approbation par la CRE des règles comptables applicables aux entreprises électriques verticalement intégrées. Ils prévoient la détermination de leurs conditions d’application par voie réglementaire. Or, ces dispositions ne nécessitent pas de texte d’application.

L’article L. 111-95 du code de l’énergie prévoit un décret en Conseil d’État précisant les modalités d’application de la sous-section concernant les dispositions relatives aux réseaux électriques en matière de droit d’accès aux réseaux et aux installations, notamment pour les procédures d’établissement des contrats et protocoles. Ce décret s’est révélé inutile.

b.  Alinéa 5

La directive 012/27/UE relative à l’efficacité énergétique établit un ensemble de mesures communes pour la promotion de l’efficacité énergétique dans l’Union européenne. La codification d’une partie du décret de transposition de cette directive nécessite la création par la loi d’un nouveau chapitre dans le code de l’énergie.

c.  Alinéas 6 et 7

L’article L. 321-5 fait référence à l’article 10 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui prévoit les modalités de règlement des différends en cas de désaccord entre les gestionnaires de réseaux. Ces différends sont tranchés par une commission de trois membres présidée par un magistrat de la Cour des comptes, nommé sur proposition du premier président de la Cour des comptes. Les modalités de désignation des autres deux membres sont fixées par décret. La décision de cette commission peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative.

Néanmoins, cet article a épuisé ses effets et n’a donc pas été codifié dans le code de l’énergie.

d.  Alinéas 8 et 9

L’article L. 322-12 dispose que les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité doivent respecter des niveaux de qualité de l’électricité et des prescriptions techniques en matière de qualité qui sont définis par voie réglementaire.

En cas de manquement à ces obligations de qualité ou de défaut d’investissement sur le réseau de distribution d’électricité pour améliorer les niveaux de qualité, l’autorité concédante a la possibilité de consigner une somme d’argent entre les mains d’un comptable public jusqu’au rétablissement du niveau de qualité requis.

Cette sanction financière présente plusieurs inconvénients. Tout d’abord, elle est potentiellement contre-productive puisqu’en saisissant une somme d’argent, elle diminue les liquidités disponibles afin de réaliser les investissements nécessaires à l’amélioration de la qualité de l’électricité. De plus, elle n’est pas suffisamment incitative puisqu’elle intervient après que des défaillances soient constatées sur le réseau électrique.

L’article L. 341-3 dispose que la CRE peut prendre des mesures incitatives appropriées afin d’encourager les gestionnaires de réseaux à améliorer leurs performances, notamment en ce qui concerne la qualité de l’électricité. Ainsi, dans sa délibération du 12 décembre 2013 portant décision relative aux TURPE dans le domaine de tension HTA ou BT, la CRE prévoit pour ERDF une pénalité de 20 % du montant annuel de la part fixe du TURPE, versée aux utilisateurs du réseau en cas de six heures d’interruption. Cette pénalité vise à réparer l’éventuel préjudice subi par l’utilisateur en cas d’une longue coupure et à inciter à une meilleure continuité d’alimentation du réseau.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Les alinéas 1 à 4 procèdent au toilettage et à la clarification de diverses dispositions du code de l’énergie. Les alinéas 2 et 3 suppriment la référence à des décrets, qui ne sont pas nécessaires à l’application des dispositions en question. De même, l’article L. 111-95 est abrogé puisqu’il prévoit simplement un décret en Conseil d’État qui n’a finalement pas été nécessaire.

L’alinéa 5 crée un chapitre IV dans le titre III (« La performance énergétique ») du livre II (« La maîtrise de la demande d’énergie et le développement des énergies renouvelables ») du code de l’énergie. Ce nouveau chapitre intitulé « La performance énergétique dans la commande publique » permet la codification d’une partie du décret de transposition de la directive 012/27/UE relative à l’efficacité énergétique dans la future partie réglementaire du code de l’énergie.

Les alinéas 6 et 7 intègrent les dispositions utiles de l’article 10 de la loi du 9 août 2004 au code de l’énergie. Ils créent ainsi de façon permanente une commission en charge du règlement des désaccords entre les gestionnaires de réseaux.

Les alinéas 8 et 9 suppriment l’instrument dont disposent les autorités concédantes pour sanctionner financièrement les gestionnaires de réseaux publics de distribution de l’électricité. Ils donnent ainsi la priorité aux pénalités mises en œuvre dans le cadre de la régulation incitative opérée par la CRE, qui offre la possibilité de moduler les recettes de TURPE en fonction du niveau de qualité atteint par les gestionnaires. Il s’agit d’inciter les gestionnaires à investir dans l’amélioration de la qualité de l’électricité sans attendre le constat d’une dégradation.

3.  Position de la co-rapporteure

Ces dispositions techniques n’appellent pas de modification particulière.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS1771 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit de simplifier les procédures dans une seule convention.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Outre le fait que les divers contrats liant un usager avec le gestionnaire de réseau électrique peuvent être décalés dans le temps – cela peut poser un problème de regroupement entre le raccordement et l’accès au réseau par exemple – la solution proposée aurait pour effet de réunir des conventions à objets différents dans un seul document sans réel effet de simplification et même faire courir un risque de décalage et d’attente d’un certain nombre de documents qui seraient prêts et qui n’ont aucune raison d’attendre le regroupement de tous les contrats.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1313 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1768 de M. Denis Baupin, CS903 de Mme Frédérique Massat et CS2071 de Mme la rapporteure. Les amendements CS1313 et CS1768 sont identiques.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je retire l’amendement CS1313.

L’amendement CS1313 est retiré.

M. Denis Baupin. Les alinéas 8 et 9 de l’article 38 suppriment aux Autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE) la capacité de sanctionner leurs concessionnaires en cas de non-respect de leurs obligations en matière de qualité du courant délivré. Je ne vois pas pourquoi cette compétence est retirée car c’est un moyen de pression pour que le concessionnaire fournisse un courant de qualité. Voilà pourquoi l’amendement CS1768 propose de supprimer ces alinéas.

Mme Frédérique Massat. L’amendement CS903 vise à préciser que, dans le cadre de la régulation locale, l’intervention des AODE ne consiste pas à appliquer des pénalités au gestionnaire d’un réseau si celui-ci ne respecte pas les objectifs de qualité qui lui sont assignés mais uniquement à consigner une somme qui lui sera restituée après constat du rétablissement des niveaux de qualité. Le décret prévu à l’article L. 322-12 du code de l’énergie n’a toujours pas été pris, et ce depuis 2005, ce qui handicape les AODE.

Tel qu’il est rédigé, l’article 38 supprime une possibilité aux AODE, ce qui sera très préjudiciable à la qualité des réseaux.

Mme la ministre. Je suggère d’inciter plutôt que de pénaliser et il sera toujours temps de dresser un bilan. La logique de la pénalité qui aboutit à priver le gestionnaire de distribution de fonds dont il aurait besoin pour réaliser les investissements nécessaires même si vous envisagez le remboursement, est moins efficace qu’un dispositif incitatif pour favoriser les investissements.

Avis défavorable sur les amendements CS1768 et CS903.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Même avis.

M. Denis Baupin. J’entends les arguments de Mme la ministre, mais le manque de moyens du distributeur n’est-il pas en partie lié au fait que les dividendes remontés à la maison-mère se sont élevés l’an dernier à 800 millions d’euros ? Quand un distributeur nous dit qu’il ne peut pas investir alors que, dans le même temps sa maison-mère lui soutire 800 millions d’euros pour équilibrer son cours en bourse, je m’interroge. À force de tirer les fonds vers la maison-mère, c’est la qualité qui s’en ressent. Mais nous aurons l’occasion de reparler du statut d’ERDF.

M. le président François Brottes. Cet argument a déjà été développé à plusieurs reprises. Il sera examiné dans un chapitre ultérieur.

La Commission rejette l’amendement CS1768.

Mme Frédérique Massat. Je retire à regret l’amendement CS903, en insistant sur le fait que la qualité des réseaux risque de se dégrader.

L’amendement CS903 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2071 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 38 modifié.

Article 38 bis [nouveau]
(article L. 514-6 du code de l’environnement)

Inopposabilité des règles d’urbanismes postérieures à l’autorisation
d’une installation classée

Cet article additionnel vise à exclure l’opposabilité des normes d’urbanisme (schéma de cohérence territoriale, plan local d’urbanisme, plan d’occupation des sols ou carte communale), intervenues postérieurement à la délivrance des autorisations ICPE. La compatibilité d’une installation classée sera désormais appréciée à la date d’autorisation, de déclaration ou d’enregistrement. L’objectif est de limiter le risque de voir les opposants à un projet déjà autorisé obtenir la modification de documents d’urbanisme dans le but de rendre ce projet illégal.

*

* *

La Commission examine un amendement CS567 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à exclure l’opposabilité des normes d’urbanisme intervenues postérieurement à la délivrance des autorisations. L’objectif est de limiter le risque de voir les opposants à un projet déjà autorisé obtenir la modification de documents d’urbanisme dans le but de rendre ce projet illégal au moment où le contentieux est appelé devant le juge.

Mme la ministre. Très bon amendement : favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Article 38 ter [nouveau]
(ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 et ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014)

Généralisation de l’expérimentation du permis unique pour les éoliennes terrestres et les méthaniseurs

Dans le cadre de l’engagement du Gouvernement de faire monter en puissance les énergies renouvelables, cet article permet la généralisation sur tout le territoire national de l’expérimentation d’une « autorisation unique » dans le domaine énergétique.

Le I de cet article généralise ainsi l’autorisation unique dans le domaine de l’éolien terrestre et de la méthanisation. En application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises, le Gouvernement a pris l’ordonnance n° 2014-335 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’ICPE. Elle prévoit l’expérimentation, pendant 3 ans et dans sept régions, d’une autorisation unique pour les parcs éoliens et installations de méthanisation. En regroupant les procédures d’autorisation de ces installations (permis de construire, autorisation de défrichement…), l’autorisation unique vise à permettre la simplification et l’accélération des procédures d’autorisation de ces installations, tout en maintenant le même niveau de protection de l’environnement.

Le II généralise l’autorisation unique prévue par l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 pour les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement. Cela concerne en particulier les installations hydroélectriques de moins de 4,5 MW. Actuellement limitée aux seules régions Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes, l'expérimentation serait étendue à l'ensemble du territoire national.

Premier pas vers la pérennisation du dispositif de l’autorisation unique pour les énergies renouvelables, cet article témoigne de l’engagement du Gouvernement de simplifier le droit de l’environnement : avec un dossier unique, une procédure unique et une autorisation unique, les porteurs projets bénéficieront d’une lisibilité et d’une stabilité juridique accrues. Il répond à une autre préoccupation : la diminution des délais des procédures judiciaires en cas de contestation des autorisations accordées. Ne subsistant qu’une seule décision administrative, les possibilités de recours seront mathématiquement réduites.

Le niveau de protection n’en sera pas diminué pour autant : l'unification des régimes administratifs permet en effet une meilleure intégration de tous les enjeux environnementaux, en particulier de la biodiversité.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS2364 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement vise à faire monter en puissance les énergies renouvelables et pour généraliser, sur tout le territoire national, le dispositif de l’expérimentation d’une autorisation unique dans le domaine énergétique.

Le I généralise l’autorisation unique ICPE qui concerne les éoliennes et les installations de méthanisation. Actuellement, l’expérimentation est entrée en vigueur dans sept régions et doit permettre, en les regroupant, de simplifier et d’accélérer les procédures d’autorisation de ces installations, tout en maintenant le même haut niveau de protection de l’environnement. La protection de l’environnement n’est pas antinomique avec le développement économique et la création d’emplois, bien au contraire. Cette généralisation permettra de défendre l’autonomie et l’indépendance énergétique de la France tout en répondant aux exigences environnementales.

Le II généralise l’autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement. Cela concerne en particulier les installations hydroélectriques de moins de 4,5 mégawatts. Actuellement limitée aux seules régions Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes, l'expérimentation serait étendue à l'ensemble du territoire national. Cette extension vise à permettre, s'il devait être décidé à l'issue de l'expérimentation, de rendre ce dispositif pérenne, d'anticiper sur l’insertion de telles dispositions dans le droit commun applicable aux installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

Cette disposition répond à l’engagement du Gouvernement de simplifier le droit de l’environnement sans diminuer le niveau de protection : l'unification des régimes administratifs permet en effet une meilleure intégration de tous les enjeux environnementaux, en particulier l’intégration de la biodiversité, ainsi qu'une anticipation, une lisibilité et une stabilité juridique accrues pour le porteur de projet.

M. le président François Brottes. C’est une excellente nouvelle.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis très favorable. Cela correspond vraiment aux attentes qui sont été exprimées depuis le début de la discussion.

M. Denis Baupin. Tout à l’heure, Mme la ministre a indiqué que cet amendement prévoyait la consolidation juridique sur le fait qu’il y aurait une seule possibilité de recours. Quel est l’élément du texte qui permet cela ?

Mme la ministre. C’est implicite puisqu’il n’y a plus qu’un seul permis, une seule autorisation. Un décret précisera les choses.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 38

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1561 de M. Denis Baupin et CS654 de M. Serge Letchimy.

M. Denis Baupin. J’ai cru comprendre ce matin que Mme la ministre avait indiqué qu’un décret serait pris permettant de résoudre le problème que je soulève dans l’amendement CS1561.

Mme la ministre. Je confirme.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement CS1561 est retiré.

Mme la ministre. L’amendement CS654 est satisfait puisqu’on a décidé qu’une cour administrative d’appel sera compétente en premier ressort pour traiter de tous les contentieux, ce qui va raccourcir les délais de recours comme le souhaite l’amendement.

M. Serge Letchimy. Votre proposition permet-elle d’intervenir de manière efficace sur tout ce qui concerne le littoral et les énergies marines ?

Mme la ministre. Absolument.

M. Serge Letchimy. Je retire l’amendement CS654.

L’amendement CS654 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1757 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement assez complexe vise à simplifier malgré tout le régime des énergies marines.

Mme la ministre. Les travaux en cours répondent aux objectifs visés par cet amendement puisque le projet de loi prévoit la consolidation du régime d’autorisation unique pour les installations d’énergies marines renouvelables sur la zone économique exclusive au niveau législatif.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1769 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. À ma connaissance, il n’y a pas d’autorisation unique en ce qui concerne la production hydraulique. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place un dispositif d’autorisation unique.

Mme la ministre. Nous avons proposé d’étendre dès à présent à l’ensemble du territoire l’autorisation unique sur tout ce qui concerne l’eau. Cette mesure était inscrite dans le projet de loi sur la biodiversité. L’autorisation unique concernera tous les projets soumis à autorisation au titre de la loi sur l’eau et ne se limitera pas aux installations hydroélectriques. Cette autorisation unique ne comprend pas le permis de construire qui est attribué en général par les collectivités mais l’articulation entre les deux procédures est clarifiée. L’autorisation unique sera donc déployée plus rapidement dans les services.

Il s’agirait de raccrocher à ce texte un dispositif prévu dans la loi sur la biodiversité. Nous allons voir ce que l’on peut faire d’ici à l’examen du texte de loi en séance publique.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1770 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS761 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Nous vous proposons une mesure de simplification administrative afin de pouvoir accélérer les projets de production d’énergie renouvelable.

Mme la ministre. Comme l’a rappelé le Conseil d’État lors de l’examen du projet de loi, cette mesure est d’ordre réglementaire.

Mme Frédérique Massat. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1562 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à s’inspirer de ce qui est proposé pour les énergies maritimes, notamment pour l’éolien maritime, et à l’appliquer à l’éolien terrestre. Pour faciliter les procédures juridiques, nous proposons que les cours administratives d’appel soient en premier ressort compétentes pour connaître des recours.

Mme la ministre. Cet amendement relève du domaine réglementaire.

Je partage tout à fait votre souci de vouloir raccourcir et accélérer les délais, mais le Conseil d’État a dissocié cet article que j’avais inscrit initialement dans le projet de loi.

Par ailleurs, les motifs d’intérêt général invoqués ne semblent pas justifier de déroger pour tous les projets EnR. Le Conseil d’État a vraiment besoin d’un motif d’intérêt général. Or il a considéré qu’un projet d’énergie renouvelable ne permettait pas de renoncer au principe d’appel à une double juridiction.

Le Gouvernement va prendre des dispositions réglementaires appliquées au cas des énergies marines. Il faudra voir ce que l’on fait pour l’éolien lors de la rédaction du décret. On verra comment le décret peut inscrire la nécessité de raccourcir les délais que l’on n’a pas pu mettre dans la loi. Sans déroger au principe législatif ou au principe constitutionnel du droit d’appel, le décret pourra prévoir un raccourcissement des délais au cas par cas. Le Conseil d’État aurait accepté si le dispositif n’avait pas été généralisé à toutes les EnR. Il aurait fallu trouver des points spécifiques. Nous pourrons éventuellement y revenir lors de la discussion parlementaire si un complément législatif est nécessaire.

M. le président François Brottes. Je rappelle que le Gouvernement saisit le Conseil d’État chaque fois qu’un projet de loi est déposé et qu’il est obligé de suivre ses consignes.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1772 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à permettre la délivrance d’un certificat de projet par le préfet de département, sur demande du pétitionnaire, pour tout projet d’installation de production utilisant les sources d’énergies renouvelables.

Mme la ministre. Ce dispositif est expérimenté dans trois régions volontaires.

M. Denis Baupin. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1863 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Défendu.

Mme la ministre. Défavorable.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS575 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. L’article L. 512-1 du code de l’environnement conduit à une confusion et à de l’insécurité juridique qui donne lieu à des contentieux sur les capacités techniques et financières qu’un pétitionnaire doit démontrer.

L’amendement que je propose avec M. Prat vise à mettre en cohérence les conditions de délivrance de l’autorisation d’exploiter des installations classées avec l’objectif même de cette autorisation.

Mme la ministre. Défavorable. L’amendement est réducteur puisqu’il ne prend pas en compte par exemple la fin de vie de l’installation. Cette rédaction pourrait sortir du champ d’application la notion de remise en état qui est le fondement même des garanties financières.

M. Jean-Luc Laurent. Je retire l’amendement. Mais, si j’ai bien compris, c’est une invitation à le retravailler.

Mme la ministre. Pourquoi pas ? Deux problèmes se posent : la prise en compte de la fin de vie de l’installation et la remise en état. Si l’on ne fait porter l’autorisation d’exploiter que sur les capacités financières de l’exploitation et non sur la construction, on laisse de côté des champs d’action tout à fait déterminants.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS565 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit de simplifier les procédures relatives aux installations de production d’électricité et de faciliter la réalisation de projets industriels. Il nous paraît en effet opportun d’instaurer un mécanisme de prorogation de l’autorisation pour permettre au pétitionnaire de mettre en service leur installation dans un délai initial de trois ans pour des raisons indépendantes de leur volonté, donc de leur permettre d’obtenir une dérogation en ce sens.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait par le code de l’environnement depuis un décret récent d’autorisation unique qui a modifié le code de l’environnement sur ce point et qui prévoit, comme l’indique l’amendement, la possibilité de proroger le délai de validité d’autorisation en cas de recours contentieux.

M. Jean-Luc Laurent. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1756 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à permettre aux personnes qui souhaitent élaborer des projets dans le domaine des énergies renouvelables d’avoir accès à un certain nombre d’informations qui leur sont utiles pour constituer leur dossier.

Mme la ministre. Vous souhaitez, monsieur Baupin, améliorer l’information des producteurs sur le raccordement au réseau. Cependant, les dispositions que vous proposez relèvent non pas du domaine de la loi, mais de celui du règlement, voire de la documentation technique de référence. Au mois d’août dernier a été mis en place un site unique dédié au suivi des capacités de raccordement, notamment dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR). Il informe sur toutes les possibilités de raccordement des installations de production d’électricité au réseau de transport et de distribution. Tous les citoyens peuvent y accéder. Votre amendement étant satisfait, je vous suggère de le retirer.

L’amendement est retiré.

Chapitre II
Régulation des réseaux et des marchés

Article 39
(article L. 321-7 du code de l’énergie)

Compétence explicite de la CRE pour la validation des méthodes d’évaluation du coût prévisionnel des ouvrages prévus par les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR)

1.  État du droit

La mission d’élaboration du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) par le gestionnaire du réseau public de transport est définie par l’article L. 321-7 du code de l’énergie. Ce dernier doit évaluer le coût prévisionnel des nouveaux ouvrages nécessaires à l’atteinte des objectifs quantitatifs visés en matière d’énergies renouvelables.

L’article L. 321-7 du code de l’énergie précise également que le S3REnR doit définir un périmètre de mutualisation afin de répartir les coûts de raccordement entre les producteurs d’énergies renouvelables et d’éviter que le premier exploitant ne supporte l’intégralité des coûts des ouvrages nécessaires au raccordement. L’article L. 342-12 précise que le S3REnR définit une quote-part dont chaque producteur est redevable, en fonction de la puissance de l’installation.

L’article 6 du décret du 20 avril 2012 relatif aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables prévoit la soumission des méthodes de calcul du coût prévisionnel à l’approbation de la CRE. Toutefois, cette disposition attribuant une compétence nouvelle à la CRE, elle nécessite une élévation au niveau législatif.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 39 confie à la CRE la compétence explicite d’approbation des règles de calcul du coût prévisionnel des ouvrages créés dans le cadre des S3EnR. La neutralité de la CRE garantit la qualité de la méthode d’évaluation employée, afin de prévenir d’éventuelles contestations de la part des producteurs d’ENR.

Il est important de rappeler que la CRE est déjà chargée d’approuver les méthodes de calcul de la contribution due par les utilisateurs pour le branchement ou l’extension des réseaux, en application de l’article L. 342-7 du code de l’énergie. Les dispositions nouvelles constituent donc en réalité une simple extension du périmètre de compétence de la CRE.

3.  Position de la co-rapporteure

Ces dispositions n’appellent pas de modification particulière.

*

* *

Mme la ministre. Le chapitre II est relatif à la régulation des marchés et des tarifs de l’électricité et du gaz. Il comporte des dispositions clés pour accélérer la transition énergétique. En simplifiant les raccordements et en les rendant plus transparents, il favorise la montée en puissance des énergies renouvelables. L’article 39 donne à la CRE la compétence explicite pour approuver les méthodes de fixation des coûts des S3REnR. Il s’agit d’une disposition très technique, mais essentielle.

La Commission est saisie de l’amendement CS1774 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à préciser que les S3REnR sont soumis à l’approbation du conseil régional.

Mme la ministre. Avis défavorable. Les S3REnR sont des documents techniques qui doivent avant tout prendre en compte les contraintes physiques des réseaux. Rien n’empêche de les transmettre au conseil régional. Mais, pour conserver leur utilité et leur efficacité, ces schémas doivent conserver leur caractère technique.

Néanmoins, le décret n° 2012-533 relatif aux S3REnR a été modifié en juillet dernier afin de conforter le rôle des régions : le conseil régional est désormais officiellement consulté lors de l’élaboration du schéma. L’amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS1226 de M. Philippe Plisson, CS1316 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1775 de M. Denis Baupin.

M. Philippe Plisson. Une analyse des sept premiers S3REnR élaborés respectivement dans les régions Alsace, Auvergne, Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées et Picardie montre que plus de 75 % des coûts de ces schémas sont supportés par les producteurs d’énergies renouvelables. Avec cet amendement, je propose d’instaurer un principe de réfaction en imposant un partage égal des coûts entre producteurs et gestionnaires de réseau.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je retire mon amendement.

M. Denis Baupin. Mon amendement est défendu : je souscris à l’excellente argumentation de M. Plisson.

Mme la ministre. Les chiffres que vous citez, monsieur Plisson, ont peut-être été vrais à une certaine époque, mais ils sont désormais erronés : les proportions actuelles en sont l’exact inverse. Il ressort en effet de l’examen des neuf premiers S3REnR approuvés et publiés que la part payée par les producteurs s’élève à 23 % du total des investissements et celle des gestionnaires de réseau à 77 %. Le législateur a considéré justifié d’accorder aux seuls consommateurs un taux de réfaction pour le paiement des ouvrages de raccordement. Nous devons cependant rester très vigilants sur ce sujet.

Les amendements CS1226, CS1316 et CS1775 sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS1776 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à raccourcir les délais de raccordement au réseau.

Mme la ministre. Cette disposition est de nature non pas législative, mais réglementaire.

M. Denis Baupin. Êtes-vous néanmoins disposée, madame la ministre, à accroître la pression afin d’accélérer les raccordements au réseau ?

Mme la ministre. Bien sûr, je partage tout à fait cet objectif.

L’amendement est retiré.

Les amendements identiques CS1317 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1777 de M. Denis Baupin sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS2105 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement prévoit que les gestionnaires de réseau établissent chaque année un rapport sur la mise en œuvre des S3REnR.

Mme la ministre. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment : cette disposition relève non pas du domaine de la loi, mais de celui du règlement. L’article 11 du décret du 2 juillet 2014 modifiant le décret relatif aux S3REnR prévoit déjà que les gestionnaires de réseau public adressent chaque année au préfet de région un état technique de la mise en œuvre du S3REnR. Ils doivent en outre le publier sur leur propre site internet, ce qui est d’ailleurs plus contraignant que la simple transmission au préfet ou à la CRE que vous aviez prévue dans votre amendement, monsieur Baupin. Votre amendement est donc satisfait.

M. Denis Baupin. Nos concitoyens sont ainsi informés du faible pouvoir dont disposent les députés : tout relève du domaine réglementaire ! Je le dis sous forme de boutade.

Je vous remercie, madame la ministre, des éléments de réponse très concrets et utiles que vous apportez à ceux qui sont préoccupés par ces questions.

M. le président François Brottes. La gestion des affaires courantes revient aux ministres. Elle ne peut pas être du ressort de la loi. Si tel était le cas, le pays ne pourrait pas fonctionner.

Mme la ministre. En outre, évitons de demander un nouveau rapport à chaque article de loi ! Sinon, l’administration va passer son temps à les rédiger. Le Parlement peut d’ailleurs se saisir lui-même de ces questions et établir des rapports parlementaires.

M. le président François Brottes. Nous en rédigeons beaucoup, madame la ministre. Nous avons notamment mené des travaux sérieux et utiles sur l’hydroélectricité et sur l’adaptation du droit de l’énergie aux Outre-mer, qui nous ont servi à préparer l’examen du projet de loi. Cependant, nous ne pouvons pas nous saisir de tous les sujets !

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 39 sans modification.

Article 40
(articles L. 335-3 et L. 335-5 du code de l’énergie)

Adaptation de règles liées au marché de capacité

1.  État du droit

a.  Le mécanisme de garanties de capacités : article L. 335-3 du code de l’énergie

le mécanisme de capacité

La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi NOME) établit un dispositif d’obligation de capacité, codifié aux articles L. 335-1 et suivants du code de l’énergie. Dans le cadre d’un marché de capacité, tout fournisseur d’électricité doit être en mesure de justifier de capacités de fourniture ou d’effacement équivalentes aux capacités requises pour satisfaire les besoins de ses clients lors des pointes de consommation. Ces obligations de capacité sont garanties par des certificats.

L’objectif de ce mécanisme de capacité est d’assurer en permanence l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité et ainsi de garantir la sécurité de d’approvisionnement en France. Dans l’optique de la transition énergétique, ce mécanisme vise à modifier les comportements de consommation d’électricité à la pointe, puisqu’il incite les fournisseurs à réduire leurs obligations lorsque leurs clients diminuent leur consommation à la pointe. Les règles du mécanisme de capacité tendent à favoriser l’effacement en optimisant la consommation électrique grâce à la prise en compte des besoins réels en électricité. Le deuxième alinéa de l’article L. 335-2 prévoit par ailleurs une priorisation des effacements dans le mécanisme d’obligation de capacité, introduite par la loi « Brottes » du 15 avril 2013 : « A coût égal, il donne la priorité aux capacités d'effacement de consommation sur les capacités de production ».

Le décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012 relatif à la contribution des fournisseurs à la sécurité d’approvisionnement en électricité et portant création d’un mécanisme d’obligation de capacité dans le secteur de l’électricité a défini l’organisation générale du dispositif d’obligation de capacité.

L’article L. 335-3 du code de l’énergie prévoit le fonctionnement du mécanisme de capacité. Il est assuré par le gestionnaire du réseau de transport qui attribue les certificats de capacité aux installations de production ou aux dispositifs d’effacement et comptabilise les certificats détenus par le fournisseur. Les garanties de capacités sont échangeables et cessibles. Les fournisseurs d’électricité peuvent donc faire certifier leurs propres capacités de production ou d’effacement, ou acheter des certificats de capacité aux producteurs d’électricité.

b.  La possibilité pour les ELD de transférer leurs obligations : article L. 335-5 du code de l’énergie

L’article L. 335-5 du code de l’énergie assujettit les ELD aux obligations de capacités, mais leur donne la possibilité de transférer leurs obligations à d’autres ELD.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Cet article apporte plusieurs compléments au dispositif de marché de capacité, afin de l’adapter aux petits acteurs (petits exploitants et ELD), qui pourraient être pénalisés par l’obligation de capacité et le risque de pénalité financière.

Le I. crée la fonction de responsable de périmètre de certification, qui est chargé de prendre en charge la responsabilité des écarts entre les capacités certifiées et les capacités effectives. Dans le cas où la capacité effective dont il a la charge est inférieure à celle certifiée, comme dans le cas typique d’une défaillance de l’installation, le responsable de périmètre doit s’acquitter d’une pénalité financière envers le gestionnaire du réseau public de transport.

Un exploitant d’installation de production d’électricité peut décider d’assurer lui-même cette fonction de responsable de périmètre ou de transférer ce risque financier à un tiers. S’il ne transfère pas sa responsabilité à un tiers, il doit contracter avec RTE afin de définir les modalités de règlement de ses engagements.

Le II. prévoit une délégation d’obligations de capacités plus souple pour les ELD. Désormais, elles peuvent transférer leurs obligations de capacité à n’importe quel fournisseur d’électricité, et non plus seulement à une autre ELD.

Le II. dispose par ailleurs que les fournisseurs d’électricité peuvent transférer leurs obligations de capacité à un consommateur final ou à un gestionnaire de réseau, par le biais de la signature d’un contrat. Il s’agit de permettre aux consommateurs finals et aux gestionnaires de réseaux qui s’approvisionnent auprès de plusieurs fournisseurs de gérer eux-mêmes leur stratégie d’achat. Ils peuvent en effet préférer ne pas payer le prix de la garantie de la capacité, facturé par le fournisseur, en gérant eux-mêmes leurs obligations de capacité adaptées à leur consommation.

3.  Position de la co-rapporteure

Ces dispositions n’appellent pas de modifications.

*

* *

Mme la ministre. L’article 40 est très technique, mais stratégique. Il complète le dispositif de marché de capacité. Le mécanisme d’obligation de capacité vise à garantir la sécurité de l’approvisionnement en période de pointe. Il donne la priorité à l’effacement de consommation. En outre, les dispositions du projet de loi apportent plus de flexibilité pour les petits producteurs. Leur participation au dispositif est ainsi simplifiée.

La Commission adopte l’article 40 sans modification.

Article 40 bis [nouveau]
(article L. 321-15-2 du code de l’énergie)

Compétence de RTE pour limiter les risques de fraude
sur le marché de l’électricité

Dans plusieurs pays européens, les mécanismes liés aux marchés de l’électricité, à l’instar d’autres mécanismes de marchés – au premier rang desquels le marché des crédits CO2 –, ont été exposés à des actes de fraudes, parfois de grande ampleur.

Les gestionnaires de réseau public, faute de disposer des outils juridiques nécessaires permettant de refuser à un acteur de participer à une activité ou de réduire voire suspendre son activité, ont été confrontés à des pertes ayant porté sur plusieurs dizaines de millions d’euros.

Le présent article donne au gestionnaire du réseau public de transport la possibilité de se prémunir contre des risques de manipulation frauduleuse d’un acteur sur le mécanisme de responsable d’équilibre ou sur le marché des effacements. RTE, qui en gère le fonctionnement, aura la possibilité de réduire, voire de cesser l’activité d’un tel acteur sur lequel pèsent des suspicions. Néanmoins, l’article introduit deux garanties fortes :

– la limitation ou cessation d’activité ne pourra être décidée que sur des critères objectifs et non discriminatoires figurant dans les règles et méthodes approuvées par la Commission de régulation de l’énergie ;

– lorsque RTE utilisera son pouvoir, il devra le notifier à la CRE et à l’acteur concerné.

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La Commission est saisie de l’amendement CS2378 de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Cet amendement vise à donner à RTE des outils pour réagir lorsqu’il détecte des manipulations telles que les « carrousels de TVA » sur les marchés de capacité ou d’ajustement. De telles manipulations sont également détectées dans d’autres pays de l’Union européenne. Les pertes financières liées à la fraude se sont élevées à plusieurs dizaines de millions d’euros et ont été prises partiellement en charge par les tarifs d’accès au réseau. L’objectif de l’amendement est de préserver les droits des acteurs du secteur.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 41
(articles L. 337-5 et L. 337-6 du code de l’énergie)

Évolution du mode de calcul des tarifs réglementés vente

1.  État du droit

Historiquement, les tarifs réglementés de vente (TRV) étaient fixés de manière intégrée. Le ministre de l’énergie déterminait un niveau global, sur la base des coûts comptables d’EDF. L’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie et les exigences de séparation des activités de transport et de fourniture imposées par les directives sectorielles sur le marché de l’électricité ont rendu nécessaire une évolution du mode de calcul des tarifs réglementés de vente. Ce dernier contribuait à l’apparition d’un « ciseau tarifaire », les prix de détail proposés par EDF étant inférieurs aux prix de gros qui s’imposent aux fournisseurs alternatifs.

La loi NOME a ainsi introduit le principe selon lequel la construction des TRV s’effectue par empilement de postes de coûts :

– la part « acheminement », ou tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), rémunère le gestionnaire du réseau de transport et les gestionnaires des réseaux de distribution ; le niveau du TURPE est déterminé par la CRE, il est donc le même pour tous les fournisseurs ;

– l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) est un prix régulé de l’électricité nucléaire ; en effet, EDF disposant du monopole de la production nucléaire, la loi NOME a organisé un accès à l’électricité nucléaire pour les fournisseurs alternatifs alimentant des consommateurs sur le territoire français ; de cette façon, EDF ne peut tirer un avantage concurrentiel de son monopole ;

– le « coût du complément à la fourniture d’électricité », inclut les coûts de commercialisation, de la garantie de capacité ainsi qu’une rémunération normale de l’activité de fourniture.

En distinguant le TURPE et l’ARENH au sein du TRV, cette nouvelle architecture assure aux fournisseurs alternatifs l’existence d’un espace pour construire des offres compétitives. La loi NOME a prévu une évolution progressive vers cette nouvelle architecture en posant comme date butoir le 31 décembre 2015.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le présent article introduit deux modifications fondamentales :

– d’une part, il rend la nouvelle architecture pleinement applicable dès l’entrée en vigueur de la loi ;

– d’autre part, il substitue au « coût du complément à la fourniture d’électricité » le « coût du complément au prix de marché ». Selon une telle rédaction, les TRV seront explicitement fixés sur la base du prix de marché, et non sur celle des coûts de production d’EDF. Cette évolution permet d’assurer définitivement le principe de « contestabilité » du tarif. Les fournisseurs alternatifs, dont les offres sont calées sur le prix de marché, ont la garantie de pouvoir proposer des offres compétitives par rapport aux tarifs réglementés de vente.

3.  Position de votre co-rapporteure

Ces dispositions n’appellent pas de modifications.

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Mme la ministre. L’article 41 précise le cadre législatif applicable aux tarifs réglementés de vente de l’électricité à partir de 2015. L’article L. 337-5 du code de l’énergie dispose que les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont construits de façon à couvrir les coûts des opérateurs historiques, notamment EDF. L’article L. 337-6 prévoit une transition vers une nouvelle méthode de construction des tarifs réglementés, économique et non plus comptable, avec une échéance fixée au 31 décembre 2015 au plus tard.

En outre, l’article procède à des ajustements rédactionnels qui tiennent compte de l’achèvement de la période de transition prévue par la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) et précise que le calcul du complément d’approvisionnement, dont les modalités de calcul seront fixées par décret, tient compte des prix de marché de l’électricité.

La Commission adopte l’article 41 sans modification.

Article 42
(articles L. 111-56, L. 11-56-1 [nouveau], L. 341-2 et L. 341-3 du code de l’énergie et article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales)

Calcul du coût du capital pris en compte dans le TURPE en se fondant sur une méthode économique

1.  État du droit

Le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), qui constitue l’un des éléments de la facture d’électricité des usagers, est régulé par les pouvoirs publics. En application de l’article L. 341-3 du code de l’énergie, la CRE fixe les méthodologies utilisées pour élaborer le TURPE. Elle a mis en place un dispositif de rémunération des gestionnaires des réseaux de distribution (GRD) de nature économique. Outre la couverture stricte des charges d’exploitation, des amortissements des provisions pour renouvellement, le TURPE rémunère le capital investi, à un taux fixé correspondant au coût moyen de financement. Ce système incite les gestionnaires de réseau à investir car ils disposent d’une rémunération garantie sur un horizon de temps défini. Le capital investi par les GRD faisant l’objet d’une rémunération au taux fixé est comptabilisé dans la « base d’actifs régulés ».

Source : Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 13 novembre 2013 portant projet de décision relative aux tarifs d’utilisation d’un réseau public d’électricité dans le domaine de tension HTA ou BT

Le coût moyen de financement rémunérant les investissements effectués par le GRD est le coût moyen pondéré du capital (CMPC). Il s’agit de la moyenne du coût de financement pondérée par la part respective de la dette et des fonds propres dans le passif de l’entreprise ; plus l’entreprise utilise la dette pour se financer, plus son CMPC sera faible - on parle d’effet de levier.

Si le principe de cette approche économique est simple, sa mise en œuvre est rendue complexe par le régime juridique des concessions de distribution d’électricité. ERDF est le concessionnaire du réseau de distribution d’électricité – hors périmètre des ELD. Dans son bilan comptable, l’entreprise dispose à son actif des ouvrages qu’elle a financés en propre, ainsi que les actifs qui lui ont été remis en gestion par les autorités concédantes. À son passif, elle compte les droits en nature des autorités concédantes (« contre-valeur des actifs réputés financés par les concédants ») sur le réseau de distribution ainsi que les provisions pour renouvellement correspondantes – à la fin de la durée de la concession, ERDF doit remettre les ouvrages du réseau en état de fonctionnement.

Source : Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 13 novembre 2013 portant projet de décision relative aux tarifs d’utilisation d’un réseau public d’électricité dans le domaine de tension HTA ou BT

Les comptes spécifiques des concessions introduisent une complexité dans le calcul du coût moyen pondéré du capital car il existe une incertitude sur leur nature, et donc sur le niveau de rémunération auquel ils donnent droit. C’est l’objet de l’arrêt du Conseil d’État du 28 novembre 2012 annulant la décision de la CRE du 5 juin 2009 mettant en place le TURPE 3 pour la période 2009-2013. En évaluant le coût moyen pondéré du capital « comme si le passif de la société ERDF avait été composé à 40 % de capitaux propres et à 60 % de dettes ; en s’abstenant ainsi, pour déterminer le coût moyen pondéré du capital, de prendre en considération les « comptes spécifiques des concessions » (…) ainsi que les « provisions pour renouvellement des immobilisations » (…), la CRE et les ministres ont retenu (…) une méthode erronée en droit ».

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le présent article remédie à cette difficulté. Il précise, aux alinéas 2 et 3, que le calcul de la rémunération du capital investi ne tient pas compte du régime juridique des concessions. En d’autres termes, la structure réelle du bilan comptable d’ERDF ne doit pas faire obstacle à une rémunération incitative à l’investissement.

Ces deux alinéas disposent par ailleurs que, pour déterminer le taux de rémunération du capital, la Commission de régulation de l’énergie peut se référer à une structure de passif du gestionnaire de réseau « normative ». La méthode suggérée par la loi consiste à se référer à la situation comptable d’entreprises européennes comparables à ERDF.

Les alinéas 4 et 5 indiquent que le TURPE doit rémunérer l’activité industrielle des GRD selon une « marge raisonnable ». Il s’agit d’un principe constant dans le code de l’énergie pour la fixation des rémunérations régulées. Par exemple :

– aux termes de l’article L. 337-6, les tarifs réglementés de vente doivent inclure une « rémunération normale » ;

– s’agissant des contrats d’achat, ils ne peuvent conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux (article L. 314-7).

Enfin, les alinéas 6 à 8 modifient l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, afin de renvoyer à un décret la liste des informations que le concessionnaire du réseau de distribution doit transmettre aux autorités concédantes dans le compte rendu annuel de la concession. Cet alinéa s’inscrit dans le cadre d’une concertation en cours entre les deux parties, dont l’objet est précisément de déterminer les informations qu’elles peuvent échanger.

3.  Position de la co-rapporteure

Cet article répond à une nécessité : celle de garantir la sécurité juridique des tarifs réglementés de vente, qui ont déjà subi de nombreuses annulations. Comme le Conseil d’État l’a signalé dans le cadre de la préparation du projet de loi, l’arrêt du 5 juin 2009 sanctionnait une erreur de droit : la CRE avait utilisé une méthode économique, alors que la loi lui imposait d’adopter une approche comptable. Il convient de ne plus reproduire cette situation en donnant une base légale incontestable à la méthode de calcul du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité.

Preuve du fait que la méthode proposée par le projet de loi n’entraînera pas de surrémunération pour le gestionnaire de réseau, la différence entre le TURPE 3 annulé, construit sur une approche économique, et le TURPE transitoire, reposant sur une approche strictement comptable, est de 132 millions d’euros sur un total de 52,5 milliards d’euros, soit une différence de 0,2 % sur la période allant de janvier 2009 à juillet 2013.

Si les dispositions de l’article 42 sécurisent juridiquement le mécanisme du TURPE, elles n’apportent pas de réponse au problème de fond : le pilotage des investissements sur les réseaux de distribution d’électricité. Ce pilotage s’inscrit dans un cadre juridique particulier, dans la mesure où la maîtrise d’ouvrage est répartie entre les autorités concédantes et ERDF selon le type de commune concernée :

– dans le régime urbain, la maîtrise d’ouvrage et le financement sont en totalité à la charge du distributeur, ERDF ;

– dans les communes placées sous le régime rural, la maîtrise d’ouvrage et le financement des investissements sur le réseau sont à la charge de l’AODE.

Le coût de ces travaux est couvert selon des modalités propres :

– dans le cadre de la construction tarifaire proposée par la CRE, les investissements financés par ERDF sont directement rémunérés par le TURPE à partir d’une trajectoire d’investissements bâtie sur le programme prévisionnel d’ERDF ;

– pour le financement de leurs investissements, les collectivités concédantes disposent des subventions du FACE, ainsi que du produit des taxes sur la consommation finale d’électricité.

La question du pilotage des investissements et de leur financement a fait l’objet de vives controverses, présentées par exemple par le rapport d’information de MM. Proriol et Gaubert (rapport d’information sur la sécurité et le financement des réseaux de distribution du 5 avril 2011, n° 3307).

D’un côté, le gestionnaire du réseau de distribution considérait que les collectivités concédantes consacraient trop d’efforts sur le réseau en basse tension, et en particulier à l’enfouissement des lignes pour des raisons esthétiques, au détriment de la moyenne tension. Compte tenu de la contribution prépondérante à la fiabilité de l’ensemble du réseau de distribution, il aurait été préférable d’investir prioritairement sur le réseau HTA. Le GRD soulignait ainsi la contribution des collectivités concédantes à la hausse du TURPE, sans que cela se traduise par une amélioration du service rendu à l’usager.

De l’autre, les autorités concédantes reprochaient au gestionnaire de réseau de délaisser les investissements dans le réseau, au motif qu’ils ne seraient pas assez rémunérateurs, et de ne pas réaliser les investissements prévus par la trajectoire tarifaire du TURPE, dégradant ainsi la qualité du réseau dont elles sont propriétaires ; elles faisaient également valoir la part des financements réalisés sur les ressources propres, tirées des taxes locales sur la consommation d’électricité.

Le législateur a apporté une première réponse à cette controverse, en créant des conférences départementales (3ème alinéa de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales). Ces conférences, réunies sous l’égide du préfet, élaborent un programme prévisionnel de tous les investissements mis en œuvre sur le réseau public d’électricité à la maille départementale. Il s’agit donc d’une instance de concertation chargée de désamorcer les conflits locaux relatifs aux décisions d’investissement.

Toutefois, le droit actuel ne prévoit pas de structure chargée de piloter les investissements à la maille nationale.

Pour ces raisons, la commission a adopté un amendement de son président, co-signé par votre co-rapporteure. Cet amendement remédie à ce manque en créant un « comité du système de distribution publique d’électricité », dont le rôle est d’examiner les investissements d’ERDF et des AODE. Le comité émet un avis, à la fois sur les points à l’ordre du jour du conseil d’administration ou de surveillance d’ERDF portant sur les décisions d’investissement sur le réseau, et sur les programmes d’investissements élaborés par les conférences départementales.

De plus, il prévoit la nomination d’un représentant des collectivités concédantes au conseil d’administration ou de surveillance d’ERDF. Il est chargé de rendre compte des débats du comité du système de distribution publique d’électricité. Un commissaire du gouvernement est également nommé, afin de valoir la position de l’État.

Cette disposition constitue une avancée considérable. Elle ancre dans la loi le principe de collégialité des investissements sur les réseaux publics de distribution, au bénéfice de la qualité du réseau et du service rendu aux usagers.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1779 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à supprimer une partie des dispositions de l’article 42, qui nous paraissent contourner les compétences de la CRE en ce qui concerne le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE). Pourrions-nous avoir des éclaircissements sur ce point, madame la ministre ?

Mme la ministre. La rédaction de l’article 42 est strictement celle qui a été adoptée par le Conseil d’État, qui avait annulé le TURPE 3 pour erreur de droit – cette décision ne portait pas sur le niveau du tarif. L’article 42 vise à instaurer un cadre tarifaire lisible et incitatif, compatible avec le droit européen, qui favorisera les investissements de l’opérateur, afin de garantir notamment la qualité de l’électricité distribuée.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2054 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CS1385 de M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, le groupe de travail sur la distribution de l’énergie avait proposé une mesure consensuelle visant à faciliter l’accès des collectivités territoriales aux données énergétiques. Le présent amendement reprend l’essentiel de cette proposition. Il s’agit de donner aux collectivités les moyens de mener des politiques énergétiques efficaces, compte tenu de leurs nouvelles responsabilités en la matière.

Mme la ministre. Cet amendement est très utile, mais il est satisfait. D’une part, le texte du Gouvernement prévoit déjà la transmission aux autorités concédantes d’informations concernant la concession, ces informations étant définies par décret. D’autre part, le Gouvernement proposera un amendement à l’article 56 en ce qui concerne la question plus générale de l’accès des collectivités aux données énergétiques.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1780 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à renforcer les moyens de contrôle sur les gestionnaires de réseau dont disposent les collectivités territoriales en tant qu’autorités concédantes pour accomplir leur mission. Cette proposition fait suite aux difficultés que la Cour des comptes a relevées dans son rapport annuel de 2013.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait. L’objet de l’article 42 est justement d’harmoniser le périmètre des données transmises annuellement aux autorités concédantes par le gestionnaire de réseau public de distribution, ces données pouvant aujourd’hui varier d’une concession à l’autre. Le caractère exhaustif du compte rendu est garanti. Un groupe de travail réunit actuellement toutes les parties concernées, dans le respect du régime de droit commun des délégations de service public. Les organisations représentant les autorités concédantes et les distributeurs ont entamé une négociation sur ce sujet et sont sur le point d’aboutir à un accord.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS905 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales prévoit que les gestionnaires de réseau communiquent chaque année aux autorités organisatrices de distribution (AOD) des informations sur la valeur des ouvrages concédés. Dans un souci d’efficacité et de transparence entre les concessionnaires et les AOD, cet amendement vise à compléter la nouvelle rédaction de l’article L. 2224-31, en précisant que le compte rendu transmis aux AOD comporte notamment la valeur brute, la valeur nette comptable et la valeur de remplacement des ouvrages concédés, qui sont des informations très importantes.

Mme la ministre. Même réponse que précédemment : l’amendement est satisfait, dans la mesure où les négociations en cours vont donner un contenu technique et opérationnel à ce dispositif. Les parties prenantes souhaitent continuer à négocier pour préciser la nature des données financières qui seront transmises. Vous serez informé du résultat de ces négociations. Cette méthode est sans doute plus efficace que le vote de dispositions législatives dont on devrait attendre l’application concrète.

Mme Frédérique Massat. Certes, mais évitons tout déséquilibre : ERDF présente une version des faits avec laquelle les AOD ne sont pas nécessairement d’accord. Le problème est réel : les AOD ne disposent pas des éléments d’information de façon transparente et claire. Elles nous ont alertés à plusieurs reprises sur ce point. Le fait que la disposition que j’ai évoquée ne figure plus dans la loi les inquiète fortement. J’entends bien qu’un travail est en cours, mais, aujourd’hui, les AOD n’y retrouvent pas leurs petits ! Cette difficulté avait été relevée par le rapport de Jean Proriol et de Jean Gaubert sur la sécurité et le financement des réseaux de distribution d’électricité, travail auquel j’avais participé. Or nous n’avons pas fait beaucoup de progrès sur ce point depuis lors. C’est, du moins, ce qui nous remonte du terrain.

Mme la ministre. J’ai été convaincu par vos arguments. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1781 de M. Denis Baupin, faisant l’objet d’un sous-amendement CS2412 de la rapporteure.

M. Denis Baupin. Cet amendement concerne également les rapports entre les autorités concédantes et les gestionnaires de réseau : les premières sont en droit d’exiger un certain nombre d’informations de la part des seconds. Cet amendement vise à préciser que les gestionnaires de réseau doivent remettre à la collectivité concédante, au plus tard dix-huit mois avant le terme d’un contrat, un inventaire détaillé et localisé du patrimoine concédé comprenant les biens de retour, les biens de reprise et les biens propres qu’ils exploitent pour les besoins de la concession. J’ai présidé pendant douze ans la commission de contrôle de la concession d’électricité de Paris et pu constater à quel point le concessionnaire donnait peu d’informations à l’autorité concédante. Il y a une vraie difficulté à obtenir les informations. Il est donc important d’affirmer clairement que certaines informations doivent être fournies.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait : les organisations représentant les autorités concédantes et les distributeurs sont sur le point de signer un accord.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement rédactionnel. Le problème est réel. Il convient d’avoir une approche sur toute la durée de la concession plutôt que d’exiger un inventaire tous les ans.

Mme la ministre. Compte tenu de l’avis de Mme la rapporteure, je m’en remets à la sagesse de la Commission. Il faudra néanmoins veiller à ce que toutes ces dispositions figurent bien dans le même article. Évitons l’inflation législative.

Mme Frédérique Massat. Vous avez évoqué les négociations en cours, madame la ministre, mais elles n’ont pas encore complètement abouti. Nous proposons d’inscrire dans la loi des dispositions qui confortent cette volonté commune. Ce n’est pas incompatible.

La Commission adopte le sous-amendement CS2412.

Puis elle adopte l’amendement CS1781 sous-amendé.

Elle en vient à l’amendement CS2015 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Aux termes de cet amendement, les collectivités territoriales pourraient imposer aux gestionnaires de réseau des objectifs de qualité de service.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait : les objectifs de qualité font l’objet d’un dispositif national, qui traite en priorité les départements les plus touchés. Il est d’ailleurs complété par une régulation tarifaire : le taux de pénalité pour les coupures mises à la charge du gestionnaire de réseau a significativement augmenté dans le cadre du dernier tarif d’utilisation. Cette régulation très incitative est plus efficace qu’un système d’amendes punitif. Le dispositif actuel atteint ses objectifs.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement comporte une disposition qui permettrait de contourner l’interdiction de créer de nouvelles entreprises locales de distribution (ELD) posée par le code de l’énergie. Quant au fond, la CRE propose une régulation incitative renforcée dans le cadre du TURPE : 20 % sur six heures. Enfin, avec l’amendement CS2362 du président Brottes que nous allons examiner, nous proposons de changer de modèle, en faisant participer les autorités concédantes à la gouvernance d’ERDF et en créant un comité chargé d’examiner les investissements.

M. Denis Baupin. Je maintiens mon amendement : il convient d’exercer une certaine pression sur les gestionnaires de réseau.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CS2362 du président François Brottes, faisant l’objet d’un sous-amendement CS2421 de M. Denis Baupin.

M. le président François Brottes. Madame la ministre, nous avons travaillé sur une amélioration de la gouvernance des réseaux de distribution d’électricité, en liaison avec vos services. Les débats que nous avons eus sur ce sujet depuis quelque temps et ceux que nous venons d’avoir révèlent l’existence d’un certain nombre de dysfonctionnements dans la relation entre les collectivités territoriales et ERDF. Nous avons cherché à ce la gouvernance soit mieux partagée et que les investissements soient décidés en toute transparence, afin qu’il y ait moins de doutes sur la nature des choix effectués – on a parfois pu penser qu’ils étaient plus financiers que techniques.

Je rappelle le contexte : lorsque la précédente majorité a modifié le statut d’EDF pour en faire une société privée cotée en bourse, elle a valorisé, pour EDF, 30 milliards d’euros d’actifs qui appartenaient aux collectivités territoriales. Cela a mis la filiale ERDF dans une situation compliquée vis-à-vis de sa maison mère EDF. En effet, pour les actionnaires d’EDF, cette valorisation est une réalité, alors que les choses sont en fait plus complexes : il y a eu en quelque sorte « fausse donne » lors du changement de statut d’EDF. En outre, comme je l’ai déjà fait remarquer, c’est également à ce moment-là qu’il aurait fallu « remettre les compteurs à zéro » en matière de concessions hydroélectriques. La majorité précédente ne l’a pas fait. Certains problèmes quasi insolubles que nous rencontrons aujourd’hui sont liés à cette attitude irresponsable lors du changement de statut d’EDF – nous y reviendrons sans doute dans l’hémicycle.

Avec cet amendement, nous proposons de remplacer un représentant de l’État par un représentant des autorités concédantes au sein du conseil de surveillance d’ERDF. Cela ne modifierait ni le nombre de membres du conseil de surveillance ni le nombre de représentants des organisations syndicales au sein de ce conseil. En outre, un commissaire du Gouvernement près ce conseil de surveillance serait désormais désigné. Il n’aurait pas le droit de vote, mais jouerait un rôle d’observateur vigilant. Enfin, le comité du système de distribution publique d’électricité, qui est chargé d’examiner la politique d’investissement, émettrait un avis sur le plan d’investissement d’ERDF, laquelle serait tenue de justifier ses choix en réponse aux interpellations ou aux questions qui figureraient dans cet avis. Par le biais de cet avis, qui constituerait un élément de transparence nouveau, il y aurait un aller-retour entre les collectivités concédantes et le gestionnaire de réseau. L’adoption de cet amendement représenterait une avancée dans le sens d’une meilleure gouvernance, partagée entre les collectivités territoriales et ERDF.

M. Denis Baupin. Je vous remercie, monsieur le président, pour le travail accompli sur cet amendement. Il contribuera à une meilleure gouvernance de la distribution de l’électricité, après les situations problématiques, voire les abus que nous avons connus. S’agissant de Paris, la chambre régionale des comptes en avait d’ailleurs dénoncé quelques-uns, notamment la manière dont certains financements étaient remontés à la maison mère.

Mon sous-amendement vise à renforcer les compétences du commissaire du Gouvernement que vous proposez de désigner. Il lui donnerait la possibilité de s’opposer à l’adoption du budget lorsque la trajectoire d’investissement est notablement en deçà de celle qui a été fixée dans le cadre de l’élaboration du TURPE. Rappelons que le TURPE est payé par les consommateurs et qu’il est destiné non pas à soutenir le cours de bourse d’EDF, mais à financer les investissements dans les réseaux. Or il nous est arrivé de constater un décalage entre le produit du TURPE et le montant des investissements, ainsi que des remontées de dividendes très importantes d’ERDF à la maison mère. Nous avons besoin de la disposition que je propose pour éviter que cela ne se reproduise.

M. le président François Brottes. Je m’étais moi-même interrogé sur l’opportunité d’instaurer un tel droit de veto. Mais le projet de loi prévoit déjà de désigner un commissaire du Gouvernement au sein du conseil d’administration d’EDF. Il n’est peut-être pas nécessaire de disposer de deux commissaires du Gouvernement qui feront le même travail, l’un au sein de la filiale, l’autre au sein de la maison mère.

Mme la ministre. Avec cet amendement, vous proposez une rénovation de la gouvernance d’ERDF. Je félicite les membres de la Commission et son président pour le travail réalisé. Cela renforcera le contenu de l’article 42. Le dispositif que vous proposez est très intéressant et très opportun. Il permettra non seulement de sensibiliser le conseil de surveillance aux problématiques locales de la distribution, mais aussi de favoriser une politique d’investissement ambitieuse, visant à améliorer la qualité de l’électricité et à accompagner la transition énergétique. Avis tout à fait favorable.

S’agissant du sous-amendement, d’après l’examen juridique fait par mes services, l’instauration d’un tel droit de veto créerait un précédent dont il conviendrait de mesurer les conséquences. Le droit de veto au conseil de surveillance d’EDF ne portera, quant à lui, que sur le volet nucléaire. En outre, les recommandations formulées par le Gouvernement par l’intermédiaire de son commissaire sont généralement suffisantes pour exercer une influence et faire en sorte que les bonnes décisions stratégiques soient prises. La réforme proposée garantit déjà une gouvernance publique de la distribution.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis défavorable sur le sous-amendement pour les mêmes raisons que Mme la ministre. Avec l’amendement du président Brottes, nous changeons de modèle, et il nous semble préférable d’avancer graduellement plutôt que de bouleverser brutalement la gouvernance. Avis très favorable sur l’amendement du président Brottes.

M. Serge Letchimy. C’est, en effet, un excellent amendement, monsieur le président. Je souhaiterais néanmoins des explications concernant les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI). J’avais évoqué avec vous la possibilité de créer un comité de gestion, où les collectivités seraient représentées. Il conviendrait d’ailleurs de s’interroger sur le bon niveau territorial : les ZNI étant très éloignées, la gouvernance ne peut pas être efficace si ce comité n’est pas régionalisé.

Vous avez relevé que certains choix financiers d’EDF et ERDF étaient contestables, mais tel est également le cas de certains de leurs choix de politique énergétique. Ainsi, par une décision intempestive et inacceptable, M. Proglio a décidé d’arrêter le programme d’investissement avec la Dominique en matière de géothermie. La Martinique et la Guadeloupe ont vécu cela comme une humiliation. Cette décision a été prise sans aucune concertation, alors que la Martinique, la Guadeloupe et l’État avaient investi préalablement plusieurs centaines de milliers d’euros pour réaliser des forages en matière de géothermie. Un comité de gestion serait parfaitement à même de s’opposer à des décisions de cette nature, à condition que les collectivités d’outre-mer concernées y soient dûment représentées.

M. le président François Brottes. Au vu des remarques de M. Letchimy, je propose de compléter mon amendement, en précisant que les membres du comité du système de distribution publique d’électricité peuvent être choisis « y compris dans les zones non interconnectées ».

Mme la ministre. Ce n’est pas ERDF qui est en cause.

M. Serge Letchimy. EDF Martinique et Guadeloupe sont bien rattachées à l’entreprise nationale.

M. le président François Brottes. Oui, mais l’amendement concerne non pas EDF, mais ERDF. Je retire donc ma proposition. Le problème reste entier.

M. Serge Letchimy. Il demeure en effet. Nous pourrions réfléchir ensemble à un autre amendement en vue de la séance publique. C’est un frein considérable. Cette loi est extrêmement intéressante, mais des décisions unilatérales, et non gouvernementales, peuvent nous empêcher de négocier des connexions de réseaux, entre différentes îles par exemple. Il y a un vrai problème.

M. le président François Brottes. La question des ZNI pourra être abordée lorsque nous débattrons du titre VIII du projet de loi.

Mme la ministre. Je m’engage à essayer de trouver une solution.

M. Denis Baupin. Le commissaire du Gouvernement ne joue pas à ERDF le même rôle que celui qu’il joue à EDF : ici, il s’agit de faire respecter la courbe d’investissement. L’État se conduit de manière quelque peu schizophrénique : il veut mener une politique énergétique, mais il voudrait aussi faire remonter de l’argent des caisses d’EDF vers l’État… Affirmer plus fortement que c’est la politique énergétique de l’État stratège qui nous importe avant tout ne me paraît pas inutile, et semble de nature à renforcer le ministère de l’énergie, face à celui des finances.

La Commission rejette le sous-amendement CS2421.

Elle adopte alors l’amendement CS2362.

Puis elle adopte l’article 42 modifié.

Article 42 bis [nouveau]
(article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales)

Inventaire des besoins d’investissement sur les réseaux
de distribution d’électricité

Dans l’esprit du titre VII du projet de loi, cet article additionnel a pour objet d’améliorer la procédure actuelle de recensement des besoins d’investissement sur les réseaux pour lesquels la maîtrise d’ouvrage est partagée entre ERDF et les autorités concédantes de la distribution d’électricité.

Pour recenser les besoins en matière de renforcement des réseaux, ERDF utilise un outil qui repose sur une méthode générale de calcul à caractère statistique (GDO BT). Cette méthode a fait les preuves de son efficacité, mais ses limites sont également bien connues. Compte tenu de son caractère probabiliste, des écarts sont en effet régulièrement constatés entre les résultats théoriques et les mesures réelles effectuées sur le terrain, ce qui peut se produire si les données ne sont pas mises à jour régulièrement, ou bien encore en raison de la dispersion des comportements des utilisateurs par rapport à la moyenne. Ce risque est d'autant plus grand que le nombre d'utilisateurs raccordés au réseau est faible, ce qui est le cas dans les espaces ruraux en règle générale et plus vrai encore dans certains territoires qui se caractérisent à la fois par une très faible densité et une très forte dispersion de la population, comme les zones de montagne ou les Outre-mer.

Le manque de fiabilité de la méthode statistique est doublement pénalisant : non seulement certains travaux nécessaires ne sont pas identifiés, mais en plus la répartition des aides du FACE en est modifiée car cette dernière dépend de l’inventaire qui est réalisé, en application de l’avant dernier alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.

Dans le prolongement des conférences départementales, qui visent à favoriser l’échange entre le gestionnaire de réseaux et les autorités concédantes, cet article précise que la méthode statistique de recensement des besoins d’investissement est complétée par les « retours terrains » des autorités concédantes. La méthode proposée est à la fois plus efficace et plus transparente.

*

* *

La Commission se saisit alors de l’amendement CS727 de Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Il s’agit du Fonds d’amortissement des charges d’électrification. Aujourd’hui, comme Mme la rapporteure l’a montré, ce fonds est souvent défaillant dans les territoires ultramarins ; il en va de même dans les zones rurales. La méthode de calcul utilisée pour estimer les renforcements de réseaux nécessaires est fondée sur un logiciel de probabilités – il n’a pas grand lien avec la réalité ! Les autorités concédantes ne peuvent pas se faire entendre pour, par exemple, signaler des départs mal alimentés. Le Fonds – pourtant alimenté par les contributions des consommateurs – ne remplit donc plus son rôle d’accompagnement, pourtant nécessaire, car le renforcement des réseaux est très onéreux.

Il est urgent de clarifier la situation.

Mme la ministre. Vous nous avez effectivement alertés à plusieurs reprises sur la situation en Ariège.

Mme Frédérique Massat. D’autres départements rencontrent les mêmes problèmes.

Mme la ministre. Je vais vérifier comment fonctionnent les instances
– conférences locales et conseil de l’électrification rurale – qui doivent normalement régler ces problèmes. Compte tenu de la persistance des difficultés, avis favorable.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis favorable. Le problème soulevé par Mme Massat est grave et clairement identifié.

M. le président François Brottes. Il faudra que le comité du système de distribution publique d’électricité relève ces points.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 42

La Commission se saisit de l’amendement CS1754 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à renforcer l’indépendance des entreprises de distribution vis-à-vis de leur maison mère.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Même avis.

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS1409 de M. Philippe Plisson et CS2273 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Il s’agit, comme l’a proposé le médiateur de l’énergie, de détacher la gouvernance de la distribution de la gouvernance de la production. La France est dans une situation tout à fait paradoxale.

M. le président François Brottes. Il me semble que les statuts d’EDF et de GDF-Suez ne sont pas comparables.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Même avis.

La Commission rejette successivement les amendements CS1409 et CS2273.

Puis elle examine l’amendement CS1755 de M. Denis Baupin.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait, ou plus exactement le sera par l’une des ordonnances pour lesquelles nous demandons une habilitation à l’article 46.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS1342 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.

La Commission examine alors l’amendement CS2127 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement prévoit que le contrat de concession ou de délégation de service public entre l’autorité concédante et le gestionnaire de réseau peut contenir un volet consacré à l’action en faveur de l’efficacité énergétique et de promotion des énergies renouvelables.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Article 43
(article L. 351-1 [nouveau] du code de l’énergie)

Tarification des réseaux différenciée pour les entreprises électro-intensives

1.  État du droit

L’article L. 341-3 du code de l’énergie renvoie à la CRE la méthodologie de fixation du TURPE. Dans le cadre de son élaboration, l’autorité de régulation tient compte des orientations de politique énergétique indiquées par le gouvernement.

Actuellement, aucune disposition ne prévoit la possibilité de moduler le TURPE selon le profil des usagers. Pourtant, les utilisateurs ayant un profil de consommation stable ont un profil de consommation favorable au réseau électrique. D’une part, le dimensionnement des infrastructures de réseau électriques repose sur les pointes de consommation. Cela conduit à financer des installations dont l’intégralité de la puissance n’est utilisée que pendant de courtes périodes de l’année ou de la journée. Or, les consommateurs dont le profil de consommation est stable utilisent le réseau de manière uniforme, et contribuent donc faiblement aux coûts de développement de réseau. D’autre part, en assurant toute l’année un débouché pour la production d’énergie intermittente en période de faible consommation, ces consommateurs limitent les aléas de consommation et les coûts associés pour assurer l’équilibrage du système électrique.

La CRE a déjà tenté de prendre en compte les effets positifs des utilisateurs électro-intensifs sur le réseau électrique dans l’élaboration des TURPE. Ainsi, dans sa délibération du 7 mai 2014 portant décision sur l’évolution au 1er août 2014 des TURPE dans le domaine de tension HTB, la CRE a accordé un abattement exceptionnel de 50 % pour les sites d’entreprises électro-intensives, en fonction de leur volume de consommation et de leur durée d’utilisation. Cet abattement forfaitaire est applicable pour la seule période du 1er août 2014 au 31 juillet 2015. Cette délibération était motivée par le contexte économique actuel et l’exposition à la concurrence internationale, se traduisant par une perte de compétitivité des entreprises françaises, notamment par rapport aux électro-intensifs allemands qui bénéficient de tels avantages.

En effet, en Allemagne, un dispositif d’ajustement du tarif de transport pour les utilisateurs électro-intensifs existe déjà. Le tarif dit « de proximité » allemand consiste à fixer un tarif basé sur les coûts qui résulteraient de l’utilisation d’une ligne directe entre le consommateur et le producteur d’électricité le plus proche. Ces électro-intensifs payent ce tarif, dans la limite d’une réduction de 80 % à 90 % (selon la durée d’utilisation) sur le tarif « normal ».

Alors qu’en Allemagne, le mode de calcul du tarif de transport est très favorable aux électro-intensifs, en France, il leur est défavorable. Pour ces utilisateurs électro-intensifs au profil « stable et prévisible », qui ne sont pas à l’origine de la pointe de consommation d’électricité, l’introduction de l’horo-saisonnalité dans les tarifs de transport a conduit à une augmentation de facture, à l’occasion du passage au TURPE 4, de 3,2 % en moyenne contre 2,4 % pour l’ensemble des utilisateurs.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 43 donne une base juridique à la CRE pour fixer un tarif de réseau plus favorable aux entreprises électro-intensives au profil de consommation stable et prévisible. Cette différenciation de tarif se justifie par les effets bénéfiques de ces consommateurs sur le réseau électrique. Elle permet d’améliorer le lien entre les tarifs de transport facturés aux utilisateurs électro-intensifs au profil lisse et les coûts générés par ces utilisateurs, et ainsi de gratifier ceux dont le profil engendre le moins de coûts pour le réseau.

La différenciation de tarifs ne s’applique qu’aux sites fortement consommateurs d’énergie au profil lisse et pouvant justifier d’un impact individuel visible sur le réseau. Les sites concernés par la mesure sont ceux des consommateurs finals, qui sont soit :

– raccordés directement au réseau public de transport ;

– raccordés indirectement au réseau public de transport et équipés d’un dispositif de comptage géré par le gestionnaire du réseau.

Il s’agit de l’introduction d’un principe, dont les modalités seront précisées par décret. Le pouvoir réglementaire devra déterminer le seuil plancher de niveaux de consommation à partir duquel la modulation s’applique, ainsi que les critères d’utilisation du réseau que doivent respecter ces consommateurs pour en bénéficier. Le rabais du TURPE dépendra des caractéristiques propres à chaque site de consommation.

Cette disposition permet à la CRE de pérenniser la réduction exceptionnelle du TURPE accordée mi-mai aux utilisateurs électro-intensifs.

3.  Position de la co-rapporteure

Votre co-rapporteure a proposé une réécriture de l’article 43 afin de le préciser et de l’enrichir.

Dans sa rédaction initiale, l’article 43 ne vise à proposer des tarifs favorables que pour les entreprises électro-intensives au profil de consommation stable durant toute l’année au motif de leurs effets positifs sur la stabilité et l’optimisation du système électrique. Pourtant, les profils anticycliques présentent également des effets positifs puisqu’ils apportent un débouché pour la production d’électricité aux périodes de faible consommation. Pour cette raison, votre co-rapporteure propose d’inclure les entreprises au profil anticyclique parmi les destinataires de la modulation du TURPE. Sont notamment concernées les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).

L’article 43 tel qu’il est rédigé par le projet de loi ne prévoit pas un abattement maximal de tarif de transport. Votre co-rapporteure suggère que la prise en compte des effets positifs sur la stabilité et l’optimisation du système électrique ne puisse conduire à une différence de plus de 60 % par rapport au tarif acquitté par les utilisateurs de même niveau de consommation mais n’ayant pas un profil prévisible et stable ou anticyclique. Ceci garantit la contribution de tous les consommateurs au financement du réseau.

La rédaction du projet de loi initial vise les consommateurs finals, raccordés directement au réseau de transport ou « raccordés indirectement à ce réseau et équipés d’un dispositif de comptage ». Face à l’incertitude de la notion de raccordement indirect, votre co-rapporteure propose de modifier cette rédaction en précisant que les consommateurs finals concernés sont ceux raccordés directement au réseau ou ceux équipés d’un dispositif de comptage géré par le gestionnaire du réseau.

Enfin, l’article 43, dans sa nouvelle rédaction, précise que seront déterminés par décret le plancher de consommation et les critères d’utilisation du réseau justifiant les rabais de tarif de transport accordés.

*

* *

Mme la ministre. L’article 42 a fait évoluer le volet économique du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) pour inciter aux investissements sur les réseaux. Il a également sécurisé le cadre juridique qui sert à déterminer les tarifs d’utilisation des réseaux. À l’aube d’une période où les besoins en investissements dans les réseaux seront importants, à la fois pour renforcer la qualité de service dont bénéficient nos concitoyens et pour accompagner la transition énergétique, il est essentiel que le TURPE instaure un cadre favorable à l’investissement, en se fondant sur une méthode tarifaire stable, lisible et juridiquement solide. Je remercie les parlementaires, qui ont considérablement amélioré cet article, notamment en modifiant la gouvernance d’ERDF.

L’article 43 intègre le bénéfice apporté par les entreprises électro-intensives au système électrique. Les industriels ayant une consommation très stable et prévisible toute l’année assurent un débouché pour la production d’énergie intermittente en période de faible consommation ; ils limitent les aléas de consommation et les coûts associés pour assurer l’équilibre du système électrique. Le tarif de transport doit donc prendre en considération la plus faible contribution de ces utilisateurs aux coûts de réseaux.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, madame la ministre, pour la façon dont le Gouvernement a travaillé avec les parlementaires sur ces questions délicates, notamment en raison des contraintes européennes. Nous comprenons tous ici les problèmes spécifiques de ces industriels.

La Commission se saisit de l’amendement CS2417 de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Cet amendement apporte trois améliorations à l’article 43 : il inclut les consommateurs anticycliques ; il définit un seuil minimal de contribution des électro-intensifs ; enfin, il renvoie à un décret la fixation des méthodes utilisées pour calculer les abattements de tarif dont bénéficieront les industriels.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 43 est ainsi rédigé.

En conséquence, tous les autres amendements à l’article 43 tombent.

Article 43 bis [nouveau]
(article L. 451-4 du code de l’énergie)

Transposition des dispositions relatives à la tarification différenciée aux entreprises gazo-intensives

L’article L. 461-1 du code de l’énergie prévoit que les entreprises gazo-intensives dont l’activité principale est exposée à la concurrence internationale peuvent bénéficier dans des conditions spécifiques et pour certains sites de conditions particulières d’approvisionnement et d’accès aux réseaux de transport et de distribution de gaz naturel. Cet article avait été introduit dans le code de l’énergie par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013.

Le présent article vise à préciser les dispositions existantes en instaurant un dispositif similaire à celui prévu à l’article 43 du projet de loi pour les entreprises électro-intensives. Il s’agit de proposer une tarification du réseau de transport favorisant les industries gazo-intensives. La modulation des tarifs d’utilisation des réseaux publics est justifiée par le bénéfice collectif apporté par les entreprises au profil de consommation non thermosensible.

*

* *

La Commission adopte l’amendement CS1401.

Après l’article 43

La Commission se saisit ensuite, en discussion commune, des amendements CS1401 de M. Jean-Luc Laurent et CS2415 de la rapporteure.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à faire bénéficier les consommateurs gazo-intensifs d’un dispositif similaire à celui prévu pour les entreprises électro-intensives. Il faut prendre en considération les bénéfices collectifs apportés par les industries dont la consommation de gaz n’est pas corrélée à la température extérieure et qui contribuent ainsi à l’équilibre du système gazier.

Mme la ministre. Avis favorable. Les spécificités des consommateurs gazo-intensifs doivent être prises en considération. Cet amendement présente toutefois des problèmes de rédaction.

Mme Ericka Bareigts. L’amendement CS2415 traite du même sujet, de façon un peu différente. Je me rallie à celui de M. Laurent, et nous rechercherons une nouvelle rédaction d’ici à la séance publique.

L’amendement CS2415 est retiré.

Article 44
(article L. 341-4 du code de l’énergie)

Tarification des réseaux différenciée entre les consommateurs pour limiter les pointes locales

1.  État du droit

Le système électrique européen est confronté à une problématique inédite : l’écrasement du différentiel de prix entre la base et la pointe. Cette situation remet en cause la rentabilité des activités d’effacement et de stockage de l’électricité ainsi que l’attractivité des tarifs horo-saisonnalisés, qui ont pourtant un intérêt environnemental démontré.

L’une des solutions pour redynamiser ces activités est d’introduire de l’horo-saisonnalité dans la part acheminement de la facture d’électricité, de façon à accentuer le différentiel de prix total entre les heures creuses et les heures pleines. L’incitation à ne pas consommer au moment des pointes proviendrait alors non seulement de l’achat d’une énergie moins chère, mais également d’un tarif de réseau moins élevé à cet instant.

Le droit en vigueur prévoit la possibilité de mettre en place une telle incitation, au deuxième alinéa de l’article L. 341-4 du code de l’énergie :

« La structure et le niveau des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité sont fixés afin d'inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée ».

Ces dispositions comportent deux limites. D’une part, la CRE est contrainte de fixer un niveau de tarif pour chaque consommateur qui couvre les coûts qu’il a lui-même engendrés sur le réseau (articles L. 341-2 et L. 341-4 du code de l’énergie). D’autre part, ce système ne donne pas de marges de manœuvre suffisantes pour régler le problème des pointes locales ; ce type de pointe peut pourtant conduire à des défaillances alors même que l’équilibre offre-demande est réalisé au niveau national.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Cet article permet à la CRE de définir une option du TURPE qui incite les consommateurs à s’effacer au moment de pointes locales. Il donne également la possibilité d’accompagner les effacements tarifaires, telles EJP ou TEMPO pour ce qui est des tarifs réglementés de vente de l’électricité, en amplifiant la différence de prix entre les heures ou jours pleins et les heures ou jours creux. Pour rendre encore plus attractives ces offres nécessaires à la maîtrise de la pointe de consommation électrique en France, l’article offre la possibilité de fixer cette option du TURPE à un niveau qui ne couvre pas strictement les coûts. Cette possibilité de s’écarter pour un consommateur donné de la stricte couverture des coûts reste toutefois proportionnée à l’objectif d’intérêt général poursuivi, en l’occurrence la maîtrise de la pointe électrique.

3.  Position de la co-rapporteure

Cet article ne prévoit pas mécanisme similaire pour les consommateurs gazo-intensifs. C’est pourquoi votre co-rapporteure propose de transposer les dispositions prévues à l’article 44 aux entreprises gazo-intensives, dans un article additionnel après l’article 44 explicité ci-dessous.

*

* *

Mme la ministre. L’article 44 permet de soutenir le développement de l’effacement de consommation. L’article L. 341-4 du code de l’énergie est modifié pour inciter, via l’adaptation de l’offre tarifaire, aux réductions de consommations électriques lors des périodes de pointe. L’article précise la possibilité de s’écarter de la stricte couverture des coûts engendrés par un consommateur, de manière proportionnée à l’objectif de maîtrise des pointes électriques et sans remise en cause du principe de couverture globale de l’ensemble des coûts, et d’autre part élargit aux pointes locales les incitations à la réduction de consommation pouvant être appuyées par les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité.

M. le président François Brottes. C’est un sujet essentiel, trop souvent négligé.

La Commission se saisit de l’amendement CS717 de Mme Frédérique Massat.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS2055 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 44 modifié.

Article 44 bis [nouveau]
(article L. 452-2-1 [nouveau] du code de l’énergie)

Transposition des dispositions relatives à la tarification différenciée visant à limiter les pointes aux entreprises gazo-intensives

Dans sa rédaction proposée par le projet de loi, l’article 44 prévoit des dispositifs visant uniquement les consommateurs d’électricité et fait par conséquent abstraction des consommateurs de gaz.

Cet article additionnel a pour objet de transposer les dispositions de l’article 44, concernant les électro-intensifs, aux consommateurs gazo-intensifs. Ainsi, la structure et le niveau des TURPE sont fixés de façon à inciter les utilisateurs à réduire leur consommation lorsque celle-ci est la plus élevée.

*

* *

La Commission se saisit de l’amendement CS2416 de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Il s’agit encore de prendre en considération les consommateurs gazo-intensifs, afin de les faire bénéficier du même dispositif que celui prévu à l’article 44 pour les consommateurs électro-intensifs.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 45
(article 25 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation)

Accorder aux ELD le bénéfice des tarifs de cession durant la période des offres transitoires succédant à l’extinction des tarifs réglementés de vente

1.  État du droit

Le tarif de cession, prévu à l’article L. 337-10 du code de l’énergie, est un tarif particulier, calé sur les coûts complets de la production d’électricité d’EDF, qui bénéficie aux entreprises locales de distribution (ELD) pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés de vente (TRV) et la couverture de leurs pertes.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation met en place un dispositif transitoire destiné à accompagner les consommateurs d’électricité dont la puissance raccordée excède 36 kVa, qui ne bénéficieront plus des tarifs réglementés de vente à partir du 1er janvier 2016. Aux termes du II de l’article 25 de cette loi, les consommateurs n’ayant pas conclu de nouveau contrat avant l’extinction des TRV bénéficient d’un contrat tacite, proposé 3 mois avant la date d’extinction des TRV et durant 6 mois après cette date. Une telle mesure leur permettra ainsi de continuer à être alimentés en électricité pendant une période transitoire.

1.  Modifications par le projet de loi

Sans nouvelle disposition, les ELD n’ont pas le droit au tarif de cession pour alimenter les clients concernés par l’extinction des tarifs réglementés de vente bénéficiant des contrats tacites. Toutefois, le contrat proposé est assimilable à une prolongation des TRV pour une durée limitée de 6 mois. Il est donc tout à fait justifié que les ELD puissent bénéficier du tarif de cession pour ces offres transitoires.

2.  Position de la co-rapporteure

Ces dispositions n’appellent pas de modifications.

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Mme la ministre. L’article 45 modifie de manière temporaire les dispositions de l’article L. 337-10 du code de l’énergie. Il élargit le bénéfice des tarifs de cession afin que l’ensemble des entreprises locales de distribution (ELD) puissent disposer d’un approvisionnement en électricité leur permettant d’assurer l’obligation légale de fourniture en électricité des offres transitoires mentionnées à l’article 25 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation.

La Commission adopte l’article 45 sans modification.

Article 45 bis [nouveau]
(article L. 121-29, L. 121-31, L. 151-4 et L. 362-4 du code de l’énergie)

Fonds de péréquation des charges de distribution d’électricité

La péréquation des charges d’exploitation de distribution d’électricité est actuellement effectuée par l’intermédiaire d’un fonds, nommé Fonds de péréquation de l’électricité, géré par EDF (article L. 121-29 et suivants du code de l’énergie). Elle a pour finalité d’organiser un système d’aide entre les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité excédentaires et les gestionnaires déficitaires, de manière à ce que ces derniers puissent continuer à exercer leur mission de service public. La péréquation des charges d’exploitation de distribution d’électricité est établie, de manière forfaitaire, à partir d’une formule de calcul fixée par décret en conseil d’État.

La réforme proposée à cet article additionnel a pour finalité de parfaire un dispositif qui nécessite des modifications, afin de prendre en compte les particularités de certaines entreprises locales de distributions (ELD) rurales pour lesquelles la formule forfaitaire de péréquation ne semble plus adaptée. Cet article additionnel propose de procéder à une péréquation des charges de distribution d’électricité afin de répartir entre les gestionnaires les charges résultant de leur mission d’exploitation des réseaux publics et qui ne sont pas couvertes par le TURPE. Par ailleurs, cette péréquation permettra d’identifier spécifiquement les charges de péréquation des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental.

L’article 45 bis introduit par la commission donne la possibilité aux gestionnaires de réseaux desservant plus de 100 000 clients, ainsi qu’aux gestionnaires de réseaux des zones non interconnectées, d’opter pour un système de péréquation établi au regard de leurs comptes. La Commission de régulation de l’électricité, qui est compétente pour l’élaboration des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), paraît la plus qualifiée pour réaliser ce travail de calcul des coûts réels des ELD concernés.

Enfin, la réforme du FPE est l’occasion d’insérer Mayotte dans le dispositif général de péréquation tarifaire des réseaux, ce qui n’est pas le cas actuellement.

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* *

La Commission examine l’amendement CS2411 de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Cet amendement porte sur le Fonds de péréquation de l’électricité. Selon les règles actuelles, les charges des ELD comme celles des gestionnaires ultramarins sont calculées de manière forfaitaire. Pour les plus grosses ELD, les résultats s’éloignent sensiblement de la réalité des coûts. L’amendement propose que les gestionnaires de réseaux desservant plus de 100 000 clients, ainsi que les gestionnaires de réseaux de zones non interconnectées, puissent opter pour un système de détermination des coûts sur factures.

L’amendement permet également d’inclure Mayotte dans la péréquation tarifaire.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 45

Puis elle examine l’amendement CS1758 de M. Denis Baupin.

Mme la ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui irait contre les objectifs d’amélioration de l’efficacité énergétique.

L’amendement est retiré.

Chapitre III
Habilitations et dispositions diverses

Article 46
Habilitations à prendre par ordonnance diverses mesures

1.  Alinéa 2 : Habilitation en vue de modifier la périodicité des bilans des émissions de gaz à effet de serre et d’instituer une procédure de sanction en cas d’absence de réalisation

a.  État du droit

L’article L. 229-25 du code de l’environnement prévoit la réalisation de bilans des émissions de gaz à effet de serre tous les 3 ans pour :

– les entreprises de plus de 500 personnes ;

– les entreprises de plus de 250 personnes dans les régions et départements d’outre-mer ;

– l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics de plus de 250 personnes.

Les premiers bilans devaient être réalisés pour le 31 décembre 2012. L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) a réalisé une synthèse des bilans. Malgré le caractère obligatoire, le taux de retour a été de seulement 40 %. L’article L. 229-25 dans sa rédaction actuelle ne prévoit aucun mécanisme de sanction qui permettrait d’encourager la généralisation du dispositif.

Par ailleurs, la directive n° 21012-27 prévoit la réalisation d’audits d’efficacité énergétique pour les entreprises de plus de 250 salariés à partir de décembre 2015. Si les données requises sont proches entre les deux obligations, leur périodicité est différente puisque ces audits sont à réaliser tous les 4 ans.

Le décret n° 2011-829 du 11 juillet 2011 relatif au bilan des émissions de gaz à effet de serre et au plan climat-énergie territorial instaure déjà un suivi des bilans par les services de l’État et de la région. Codifiée à l’article R. 229-50 du code de l’environnement, cette disposition précise que le préfet de région et le président du conseil régional organisent le suivi des bilans.

b.  Modifications apportées par le projet de loi

L’objectif de cet alinéa est d’instaurer un mécanisme de sanction afin d’inciter les personnes morales à respecter leur obligation de réalisation des bilans des émissions de gaz à effet de serre.

La modification de la périodicité vise à coordonner la réalisation des bilans et des audits. Pour les entreprises, la périodicité de 4 ans est envisagée tandis que celle applicable aux personnes morales non soumises à l’obligation de réalisation d’audits énergétiques reste à préciser.

2.  Alinéa 3 : Habilitation à préciser et harmoniser les conditions d’habilitation des personnels VNF

a.  État du droit

L’article L. 2132-23 du code général de la propriété des personnes publiques cite les personnes ayant compétence pour constater les infractions commises sur le domaine public fluvial.

L’article L. 4272-2 du code des transports prévoit que les personnels commissionnés et assermentés de VNF peuvent constater les infractions définies par les règlements de police de la navigation intérieure.

L’article L. 4316-10 de ce code prévoit que les personnels commissionnés et assermentés de VNF peuvent effectuer le contrôle de l’acquittement de la taxe sur les titulaires d’ouvrages de prise d’eau, rejet d’eau ou autres ouvrages hydrauliques (dite taxe hydraulique).

Enfin, l’article L. 4462-4 du même code prévoit que les personnes habilitées à contrôler l’acquittement des péages sont les personnels VNF, les personnels des collectivités territoriales, les officiers de port et les agents.

b.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 3 vise à simplifier la procédure de contrôle par les personnels assermentés de VNF de l’acquittement de la taxe hydraulique et des péages. Pour remplir cet objectif, les procédures d’agrément et de commissionnement actuellement prévues peuvent être supprimées. Le directeur de VNF se verra attribuer la compétence pour désigner les personnels chargés des contrôles.

3.  Alinéa 4 : Habilitation à modifier les habilitations des agents chargés du contrôle des transports terrestres

c.  État du droit

L’article L. 225-4 désigne limitativement les personnes autorisées à accéder directement aux informations relatives au permis de conduire suivantes :

– les décisions administratives portant restriction de validité, retrait, suspension, annulation et restriction de délivrance ;

– les mesures de retrait du droit de faire usage du permis de conduire ;

– les procès-verbaux, décisions judiciaires et modifications du nombre de points.

En l’état actuel du droit, les agents chargés du contrôle des transports terrestres ne bénéficient pas de l’accès direct à ces informations. Ils doivent effectuer une demande préalable au préfet de département.

d.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 4 vise à compléter l’habilitation des agents chargés du contrôle routier afin qu’ils aient un accès direct à toutes les informations relatives au permis de conduire sans avoir à effectuer une demande de communication au préfet de département.

4.  Alinéa 5 : Habilitation à préciser les conditions d’assujettissement aux péages de navigation sur les parties internationales de la Moselle

e.  État du droit

Il existe une contradiction entre deux articles du code des transports en matière d’assujettissement aux péages de navigation sur les parties internationales de la Moselle, prévu par la convention internationale du 27 octobre 1956 conclue entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg :

– l’article R. 447-1 prévoit, en application de la convention de 1956, le reversement du produit des péages perçus en France par VNF sur la partie internationale de la Moselle à la Société internationale de la Moselle,

– l’article L. 4412-1 prévoit la perception de péages par et au profit de VNF à l’exception des parties internationales du Rhin et de la Moselle. Le Rhin est en effet également sujet de conventions spécifiques, notamment celle du 17 octobre 1868 qui ne prévoit pas de péages de navigation.

f.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 5 prévoit une habilitation afin de préciser la rédaction de l’article L. 4412-1 du code des transports en mentionnant les conventions internationales conclues par la France ayant établi ces exceptions.

5.  Alinéa 6 : Habilitation en vue d’introduire une exception au principe de l’autorisation de défrichement préalable

g.  État du droit

L’article L. 341-7 du code forestier dispose qu’une opération ou des travaux soumis à une autorisation administrative doivent préalablement avoir obtenu une autorisation de défrichement. L’exception à ce principe est prévue au titre Ier du livre V du code de l’environnement. Il s’agit des installations classées pour la protection de l’environnement.

Or, ce principe d’autorisation de défrichement préalable complexifie et rallonge excessivement les procédures, notamment pour les infrastructures comme les gazoducs qui doivent également se voir délivrer des autorisations de transport de gaz naturel.

h.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 6 prévoit une habilitation afin de modifier l’article L. 341-7 du code forestier pour y introduire une exception au principe de l’autorisation de défrichement préalable pour les infrastructures de transport de gaz naturel, comme en bénéficient déjà les installations classées pour la protection de l’environnement.

6.  Alinéa 7 : Habilitation en vue de modifier les conditions d’autorisation de transport relative au transport de gaz naturel ou assimilé

i.  État du droit

L’article L. 555-25 du code de l’environnement prévoit que les gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel doivent être titulaires d’une déclaration d’utilité publique (DUP) pour occuper le domaine public. Conformément à l’article R. 555-36 du même code, la DUP leur confère le droit d’exécuter les travaux nécessaires sur l’ensemble du domaine public et ses dépendances.

La difficulté posée par ces dispositions est celle des délais de procédures, notamment pour les projets de faible longueur.

j.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 7 habilite le Gouvernement à modifier l’article L. 555-25 du code de l’environnement afin que l’autorisation, et non la DUP, soit suffisante pour que les transporteurs de gaz aient le droit d’occuper le domaine public.

7.  Alinéa 8 : Habilitation en vue de modifier la réglementation relative aux canalisations de transport et de distribution à risques

k.  État du droit

L’encadrement juridique communautaire est faible en matière de sécurité des canalisations de transport et de distribution d’énergie. Il en est de même pour la sécurité des travaux à proximité des réseaux.

Au niveau national, si le cadre juridique pour la sécurité des travaux effectués à proximité des canalisations et concernant les canalisations de transport est développé, celui pour les autres canalisations est peu explicite et dispersé entre les codes de l’énergie et de l’environnement.

l.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 8 vise à permettre la création d’un socle transverse au sein du code l’environnement, traitant des canalisations à risques afin de réunir les règlements de sécurité existants dans ce domaine (conception, construction, exploitation). Il s’agit de rendre plus claires et plus lisibles les dispositions déjà codifiées.

8.  Alinéa 9, 10, 11 et 12 : Habilitation en vue de définir les règles de collecte des informations nécessaires au suivi et au contrôle des bilans des émissions de gaz à effet de serre et des audits énergétique

m.  État du droit

L’article L. 233-1 du code de l’énergie fixe le principe de réalisation des audits énergétiques tous les 4 ans.

L’article L. 229-25 du code de l’environnement, précédemment explicité, prévoit l’organisation de la réalisation de bilans des émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, l’article 13 du présent projet de loi prévoit l’établissement de plans d’action par les grandes entreprises de la distribution, dans l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre liés aux transports des produits.

La collecte de ces bilans et plans d’action est prévue par voie électronique.

n.  Modifications apportées par le projet de loi

Les alinéas 9, 10, 11 et 12 prévoient une habilitation permettant de simplifier le processus de collecte et de suivi des différents bilans, audits et plans d’action en matière d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre. Une application informatique unique sera mise en place à cet effet.

9.  Alinéa 13 : Habilitation en vue de préciser les règles relatives au transfert à l’État des données concernant la circulation sur les réseaux routiers par les collectivités territoriales et leurs groupements

o.  État du droit

La loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière et la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ont fixé d’importantes charges aux collectivités territoriales en matière d’information sur le réseau routier. Le préfet doit communiquer chaque année aux départements, aux communes et à leurs groupements un rapport d’information sur les accidents de la circulation routière et les infractions graves commises sur le réseau routier.

p.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 13 prévoit une habilitation visant à diminuer la charge des collectivités territoriales en matière de communication des informations relatives à la circulation sur les réseaux routiers dont elles assurent la gestion. Cette communication devrait se fonder uniquement sur les données disponibles au sein des collectivités.

10.  Alinéa 14 : Habilitation visant l’harmonisation de l’établissement du TURPE en matière de prise en compte des charges liées à l’exécution des contrats de service public

q.  État du droit

Le I de l’article L. 121-6 du code de l’énergie prévoit que les objectifs et modalités de mise en œuvre des missions de service public font l’objet de contrats conclus entre l’État et EDF, GDF Suez ou les sociétés gestionnaires des réseaux de transport et de distribution.

L’article L. 452-1 du code de l’énergie fixe le mode d’établissement des TURPE et les coûts qu’il est destiné à couvrir. Il ne mentionne pas explicitement la prise en compte pour les gestionnaires d’infrastructures de gaz naturel des charges liés à l’exécution des contrats de service public, contrairement aux gestionnaires d’infrastructures électriques.

r.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 14 vise à harmoniser les modalités d’établissement du TURPE afin que les coûts liés à l’exécution des contrats de service public soient pris en compte pour les gestionnaires de réseaux d’infrastructures gazières comme pour les gestionnaires d’infrastructures électriques. La mesure envisagée est de compléter l’article L. 452-1 du code de l’énergie.

11.  Alinéa 15 : Habilitation en vue de modifier les obligations de détention de stocks de gaz naturel, modalités d’accès aux infrastructures de stockage de gaz naturel et missions des gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel

s.  État du droit

L’article L. 121-32 détermine les obligations de service public qui sont liées à l’ensemble du réseau de fourniture, de transport et de distribution de gaz naturel. Il est divisé en 3 parties, le I° indique les destinataires de ces obligations : les opérateurs de réseau, les fournisseurs, et les concessionnaires de stockage de gaz naturel. Le II° liste 11 domaines sur lesquels portent ces obligations. Enfin le III renvoie aux autorisations administratives et à un décret un Conseil d’État le soin de préciser ces obligations.

L’article L. 134-1 indique quelles sont les missions de la Commission de régulation de l’énergie. Elle doit établir un certain nombre de règles pour garantir une bonne distribution du gaz naturel. Ces règles visent notamment les fournisseurs, les transporteurs, la distribution, mais aussi les conditions d’accès des utilisateurs au réseau, la passation des contrats, etc.

Les articles L. 431-3 à L. 431-12 concernent toutes les obligations concernant le stockage de gaz des fournisseurs. Ils ont l’obligation d’assurer des stocks de gaz naturel suffisant pour satisfaire la demande annuelle et aussi d’assurer l’accès à ces stocks. Ces articles définissent aussi les obligations réciproques qui s’imposent entre opérateurs et utilisateurs, dont des obligations de transparence et de non-discrimination.

Enfin l’article L. 431-3 concerne les obligations qui incombent au transporteur de gaz naturel. Il doit assurer la sécurité et l’efficacité du réseau. Il doit lui aussi respecter les règles de concurrence et de transparence.

t.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 15 prévoit une habilitation en vue de modifier les obligations de détention de stocks de gaz naturel, les modalités d’accès aux infrastructures de stockage de ce gaz, et enfin les missions des transporteurs et de la commission de régulation de l’énergie.

Le Gouvernement a engagé en 2014 une concertation avec les acteurs gaziers sur les évolutions du cadre législatif dans ce domaine. Des mesures temporaires ont été adoptées en mars 2014 pour renforcer les obligations actuelles de stockage de gaz naturel, mais celles-ci peuvent se révéler insuffisantes pour garantir la sécurité des approvisionnements.

Le but de cette habilitation est de permettre le renforcement de la sécurité des approvisionnements et de réguler les tarifs des capacités de stockage souterrain de gaz naturel si la situation économique l’exige.

12.  Alinéa 16 : Habilitation en vue de compléter les dispositions relatives aux effacements de consommation d’électricité

u.  État du droit

L’article L. 271-1 du code de l’énergie prévoit les règles relatives aux opérateurs d’effacement, notamment le versement d’une prime prenant en compte les avantages de l’effacement pour la collectivité.

La méthodologie utilisée pour établir cette prime est définie à l’article L. 123-1 du même code. Un montant maximal de cette prime est prévu, en fonction de la rémunération des capitaux immobilisés par rapport à la rémunération normale des capitaux compte tenu des risques inhérents à ces activités.

v.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 16 vise à créer un agrément technique préalable de l’opérateur d’effacement par le gestionnaire de réseau de transport pour bénéficier du dispositif, ainsi qu’à prévoir un encadrement annuel du montant des primes versées aux opérateurs d’effacement.

Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives à la valorisation des effacements et aux modalités d’attribution et de fixation du niveau de la prime maximale accordée.

13.  Alinéa 17 : Habilitation en vue de préciser les compétences du Comité de règlement des différends et des sanctions

w.  État du droit

Les articles L. 134-25, L. 134-28 et L. 134-31 du code de l’énergie fixent les compétences du comité de règlement des différends et des sanctions et l’établissement des sanctions encourues.

Ces dispositions ne sont pas en conformité avec le règlement n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie.

x.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 17 vise à permettre au Comité de règlement des différends et des sanctions de sanctionner le non-respect des mesures conservatoires et astreintes qu’il prononce ainsi que les manquements des gestionnaires à leurs obligations.

14.  Alinéa 18 : Habilitation en vue de modifier certaines dispositions relatives au contrôle et à la gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires : chapitre VIII du titre Ier du livre II de la partie législative du code de l’environnement

y.  État du droit

La France a adhéré par la loi n° 2008-476 du 22 mai 2008 à la Convention pour la gestion des eaux de ballast, adoptée par l’Organisation maritime internationale le 13 février 2004. Elle entrera prochainement en vigueur.

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et milieux aquatiques a créé les articles L. 218-82 à L. 218-86 et une section 8 « Dispositions relatives au contrôle et à la gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires » au chapitre VIII du titre Ier du livre II de la partie législative du code de l’environnement.

Or, les dispositions ne sont pas harmonisées entre le code de l’environnement et la Convention car le champ d’application de l’article L. 218-83 est limité à certains types de navires, alors que la Convention de 2004 s’applique à tous les navires conçus pour transporter de l’eau de ballast.

z.  Modifications apportées par le projet de loi

L’alinéa 18 doit permettre de modifier certaines dispositions du code de l’environnement afin de garantir leur conformité avec la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires qui entrera bientôt en vigueur en France.

L’ensemble des ordonnances prévues à cet article seront prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi.

*

* *

Mme la ministre. L’article 46 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur différents sujets. Ces ordonnances seront prêtes pour le débat en séance publique, notamment pour ce qui concerne les compétences de la CRE en matière de recueil des informations, les effacements de consommation, les obligations de détention de stock de gaz naturel par les fournisseurs, les conditions d’assujettissement aux péages de navigation, les conditions dans lesquelles des personnes sont habilitées à constater certaines infractions, l’institution d’une procédure de sanction pour absence de réalisation du bilan des émissions de gaz à effet de serre…

M. Serge Letchimy. La Commission doit saluer la façon dont procède Mme la ministre. Lorsque nous étions dans l’opposition, nous avons beaucoup contesté la méthode des ordonnances, qui étaient souvent validées de façon assez obscure. Ce ne sera pas le cas ici et nous ne pouvons que nous en féliciter.

J’aimerais que la même méthode soit adoptée pour les décrets d’application. Ceux-ci sont souvent signés de façon très tardive – parfois trois ans après la promulgation d’une loi !

Mme la ministre. Vous avez entièrement raison et nous ferons de notre mieux. Mes services sont très mobilisés. L’administration du ministère réalise un travail considérable, et il faut les en féliciter.

M. le président François Brottes. Notre règlement prévoit qu’un rapport de suivi peut être rédigé par deux députés, l’un de la majorité et l’autre de l’opposition, six mois après la promulgation d’une loi. C’est une façon de vérifier l’application de la loi et éventuellement de mettre la pression sur l’exécutif.

Mais je ne doute pas du volontarisme de Mme la ministre : ce qui est fait ici pour les ordonnances est assez rare pour être souligné.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2056, CS2057, CS2058, CS2059, CS2073, CS2072, CS2060, CS2074, CS2061, CS2075 et CS2062, tous de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CS2379 du Gouvernement.

Mme la ministre. Le régime juridique actuel de l’activité pétrolière repose sur les dispositions de la loi du 31 décembre 1992, qui impose à tout propriétaire d’une unité de distillation atmosphérique dans une usine exercée de raffinage de pétrole brut en France métropolitaine de disposer d’une capacité de transport maritime sous pavillon français proportionnelle aux quantités de pétrole brut qui entrent dans ladite usine.

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le paysage énergétique s’est profondément transformé. L’intensification de la concurrence internationale et l’érosion progressive des marges des raffineurs ont entraîné une baisse de la capacité de raffinage sur notre territoire et une réduction de l’assiette de l’obligation de détention de capacité de transport sous pavillon français, et mécaniquement, de celle de la flotte sous pavillon français. Ces évolutions peuvent entraîner, outre la disparition du raffinage sur le sol national, celle d’une expertise précieuse dans le domaine du transport pétrolier.

Aussi convient-il d’élargir cette assiette, afin que celle-ci soit mieux proportionnée aux besoins effectifs du pays en termes de consommation et de sécurisation des approvisionnements énergétiques.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2063 de Mme la rapporteure.

Elle adopte alors l’article 46 modifié.

Article 47
(articles L. 134-13, L. 134-18, L. 143-6, L. 431-6 et L. 432-10 du code de l’énergie)

Mesures diverses

Cet article procède à trois modifications du code de l’énergie.

Le deuxième alinéa, modifiant l’article L. 134-13, permet à la CRE de conclure des accords de coopération avec l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie, et non seulement avec les différents régulateurs nationaux.

Les troisième et quatrième alinéas permettent à la CRE de faire financer les frais d’audit des comptes des entreprises qu’elle contrôle par ces dernières. Une telle mesure se justifie par l’augmentation constante des missions confiées à la CRE : compte tenu du volume des informations recueillies, le régulateur doit pouvoir disposer des moyens de contrôle pertinents, en ayant notamment recours à des organismes tiers qu’elle choisit.

Enfin, les cinquième à septième alinéas suppriment des renvois inutiles à des textes réglementaires.

Ces dispositions n’appellent pas de modification.

*

* *

Mme la ministre. Ce sont des mises en cohérence dans le code de l’énergie.

La Commission adopte l’article 47 sans modification.

Après l’article 47

Les amendements CS1786 et CS1859 de M. Denis Baupin, CS1302 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1538 de M. Denis Baupin, CS1225 de M. Philippe Plisson, CS1303 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1227 de M. Philippe Plisson, CS1858 et CS1860 de M. Denis Baupin sont retirés.

TITRE VIII
DONNER AUX CITOYENS, AUX ENTREPRISES, AUX TERRITOIRES ET À L’ÉTAT LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE

Chapitre Ier
Outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique : programmation, recherche et formation

Article 48
(articles L.
 222-1-A, L. 222-1-B, L. 222-1-C, L. 222-1-D, L. 222-1-E [nouveaux] et L. 133-2 du code de l’environnement)
Budgets carbone et stratégie bas-carbone

1.  Modifications apportées par le projet de loi

En l’état actuel du droit, la section 1 du chapitre II du titre II du livre II du code de l’environnement définit le régime juridique des Schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE).

L’article 48 modifie le titre de cette section, désormais intitulée « Stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone et schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie » (alinéa 2). Il procède au transfert des dispositions relatives aux SRCAE au sein d’une nouvelle sous-section 2 insérée au sein de cette section 1 modifiée (alinéa 23) et à l’insertion d’une nouvelle sous-section 1 au sein relative à la définition d’une stratégie nationale de développement à faible intensité carbone, dénommée « stratégie bas-carbone », ainsi qu’à la fixation d’un plafond national des émissions de gaz à effet de serre (GES), dénommé « budget carbone » (alinéas 3 à 21).

La nouvelle sous-section 1 est composée de cinq nouveaux articles.

Le nouvel article L. 222-1-A pose le principe de la fixation, par décret, d’un plafond national des émissions de gaz à effet de serre. Ce plafond, dénommé « budget carbone », sera fixé pour une période initiale de 3 ans (2015-2018), puis par période de 5 ans à compter de 2019 (alinéa 6).

Le nouvel article L. 222-1-B définit la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée « stratégie bas carbone », les modalités de son établissement, son contenu et son impact sur les autres politiques publiques (alinéas 7 à 13) :

Fixée par décret, la stratégie bas-carbone est en fait une feuille de route visant à réduire les émissions de GES. Il s’agit de rationaliser la gouvernance de la politique climatique nationale, soit par le remplacement de certains dispositifs actuels, soit par une meilleure articulation avec les outils existants. Ainsi, la stratégie bas-carbone a vocation à remplacer le plan climat, prévu à l’article 2 de la loi POPE, aux termes duquel « l’État élabore un "plan climat", actualisé tous les deux ans, présentant l’ensemble des actions nationales mises en œuvre pour lutter contre le changement climatique ». De même, la stratégie bas-carbone a vocation à compléter le plan national d’adaptation climatique (PNACC), prévu par l’article 42 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle 1 ». Un premier « plan climat » a été élaboré dès 2004, parallèlement à l’examen de la loi POPE. Actualisé en 2006, en 2009 puis en 2011, le « plan climat » a été complété par le plan national d’adaptation au changement climatique, qui a pour objectif de présenter des mesures concrètes, opérationnelles pour préparer, de 2011 à 2015, la France à faire face et à tirer parti de nouvelles conditions climatiques (17) (alinéa 7).

La stratégie bas-carbone allouera aux différents secteurs économiques une partie du plafond d’émissions fixé – le budget carbone – par période, en tenant compte des engagements internationaux de la France (alinéa 8).

les engagements européens et internationaux de la France

- Les engagements internationaux

En ratifiant le protocole de Kyoto de 1997, les quinze États membres de l’Union européenne se sont engagés conjointement à réduire globalement leurs émissions des six principaux gaz à effet de serre d’origine anthropique (CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6) de 8 % en 2012 par rapport à leurs niveaux de 1990. Cet objectif européen se décline différemment selon les pays membres. En France, il s’est traduit par une stabilisation de ces émissions entre 1990 et la période 2008 – 2012.

- Les engagements européens :

(i) Le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de CO2

Dans le cadre de la ratification par l’Union européenne du protocole de Kyoto, le système communautaire d’échanges de quotas d’émissions de CO2 a été mis en place en 2005 (marché ETS). Ce système instaure pour les installations industrielles une limitation des gaz à émettre et un marché du carbone permettant à chaque organisme d’acheter ou de vendre des quotas de carbone. Les installations ciblées par ce système sont celles des secteurs les plus consommateurs et les plus émissifs (raffinage du pétrole, sidérurgie, métallurgie, industries cimentière, papetière, céramique, etc.). L’objectif, partagé par tous les États membres, consiste en une diminution des émissions de CO2 des entreprises soumises à quotas de 21 % en 2020 par rapport à 2005 ;

(ii) Le Paquet Énergie Climat

Le Conseil européen a entériné en mars 2007 trois objectifs à atteindre à l’horizon 2020 couramment nommés les « 3x20 ». Pour décliner des objectifs plus précis par secteur et par État membre, l’Union européenne a adopté en 2008 le « Paquet Énergie Climat », qui fixe trois objectifs :

1° porter à 20 % la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale. La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables fixe les modalités de calcul de ce ratio et les moyens nécessaires à l’atteinte de l’objectif ;

2° réduire de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990. Cet objectif se décline en deux objectifs : réduction de 21 % des émissions de GES, par rapport à 2005, des secteurs soumis à quotas CO2, et diminution de 10 % des GES, par rapport à 2005, des secteurs non soumis à quotas (bâtiment, transport, agriculture, etc.) ;

3° réduire de 20 % la consommation énergétique européenne par rapport à la consommation tendancielle. Dans ce cadre global, les États membres se sont engagés à respecter deux directives :

* la directive 2006/32/CE relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques (ESD) qui impose aux États membres un objectif de diminution des consommations énergétique, en 2016, par rapport à la consommation tendancielle. La directive impose aussi à chaque État de réaliser un plan national d’actions en faveur de l’efficacité énergétique ;

* la directive 2012/37/CE relative à l’efficacité énergétique, adoptée en 2012, qui fixe un objectif contraignant de réduction de 1,5 % par an de l’ensemble des ventes d’énergies hors transport ainsi qu’un objectif de 3 % de rénovation annuelle des bâtiments de chaque État membre.

Les engagements pris par la France, à l’horizon 2020, à l’occasion de l’adoption du Paquet Énergie-Climat visent à :

* porter à 23 % la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale

* réduire de 20 % les émissions de GES du territoire par rapport à 1990, ce qui correspond à une diminution de 14 % des émissions de GES, par rapport à 2005, des secteurs non soumis à quotas de CO2 et une diminution de 21 % des émissions de GES des secteurs soumis à quotas ;

* réduire de 20 % les consommations énergétiques du territoire par rapport à une consommation tendancielle.

Par ailleurs, la stratégie bas-carbone (SBC) fournira des recommandations pour chaque secteur quant aux réformes à mettre en œuvre afin de respecter les plafonds d’émissions (alinéa 10).

La SBC préconisera une valeur tutélaire du carbone, c’est-à-dire le prix de la tonne de carbone, de manière à l’intégrer dans l’évaluation des choix de politiques publiques. Le rapport de la commission présidée par Alain Quinet sur la valeur tutélaire du carbone (18), paru en 2009, notait ainsi « qu’une valeur tutélaire du carbone constitue fondamentalement un instrument de mesure permettant d’introduire dans les débats et les décisions un minimum de cohérence, tant au plan international que national ». De plus, cette valeur peut à la fois orienter l’action publique et constituer un élément d’information pour les agents économiques privés en leur donnant de la visibilité sur les orientations publiques de moyen-long terme. Afin de calculer cette valeur, la commission préconisait de prendre en compte les valeurs produites par les différentes simulations, les valeurs révélées par le marché ETS, ou des principes économiques de gestion optimale d’une ressource rare. Elle recommandait de fixer la valeur de la tonne de CO2 à 32 euros à court terme, puis à 100 euros à l’horizon 2030. À terme, l’enjeu est de parvenir à la fixation d’une valeur unique, qui permet d’égaliser le coût marginal d’abattement du carbone dans toute l’économie et de minimiser ainsi les coûts engagés pour accomplir un effort global donné. Bien évidemment, l’unicité du référentiel carbone peut s’accommoder d’une déclinaison différenciée au niveau des usages qui peuvent en être faits : les situations de départ sont très différentes d’un secteur à l’autre et les secteurs économiques n’ont pas le même degré d’exposition à la concurrence internationale ni la même capacité à répercuter le prix des permis ou les taxes sur le consommateur final ; dans les domaines où la sensibilité des agents économiques aux prix est limitée par la faiblesse des alternatives disponibles, le signal-prix peut être abaissé pour éviter d’induire des transferts de revenus importants. Le débat sur la valeur tutélaire du carbone rejoint celui sur la fiscalité des produits énergétiques fossiles, communément appelé « taxe carbone » ou « contribution énergie-climat ». (alinéa 11).

Extraits du rapport de M. Christian Eckert sur le projet de loi de finances pour 2014 (article 20 - Aménagement des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques) (19)

Pour aboutir aux nouveaux taux proposés pour 2014, 2015 et 2016, le Gouvernement prend en compte dans un premier temps une valeur de la tonne de carbone, qu’il fixe à 7 euros pour 2014, 14,50 euros pour 2014 et 22 euros pour 2016.

Cette valeur a été déterminée à partir d’objectifs de rentabilité budgétaire, fixés notamment pour le financement du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi (CICE) : il est prévu que la fiscalité écologique y contribue à hauteur de trois milliards d’euros en 2016. Cette démarche explique la différence avec les valeurs du carbone retenues par le projet de loi de finances pour 2009 et les commissions d’experts instituées à l’époque, ainsi qu’avec celle de M. Christian de Perthuis, président du Comité pour la fiscalité écologique (CFE), ou celles envisagées par de la Commission européenne.

La commission présidée par M. Alain Quinet et chargée en 2009 de valoriser la tonne de carbone afin que la France soit en mesure de respecter ses engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre était parvenue à un taux de 100 euros par tonne en 2030. Elle en a déduit, en lui appliquant un taux d’actualisation de 4 % par an, un taux de 45 euros par tonne en 2010. Cependant, pour des raisons tenant à l’acceptabilité et à la soutenabilité de la nouvelle taxe, elle a finalement proposé un taux de 32 euros par tonne, taux repris par la commission d’experts présidée par M. Michel Rocard. Compte tenu de l’impact qu’aurait eu un tel taux, le prix retenu par le Gouvernement en 2009 s’est limité à 17 euros par tonne, soit le prix moyen de la tonne de carbone sur le marché européen des quotas d’émission au cours des deux années précédentes.

M. Christian de Perthuis, président du Comité de la fiscalité écologique installé par le Gouvernement en septembre 2012, propose, pour sa part, de retenir un taux de 7 euros la tonne de carbone en 2014 et de 20 euros la tonne en 2020, prix également retenu par la Commission européenne à cette échéance, dans sa proposition de révision de la directive 2003/96/CE.

[ ...]

Dans un deuxième temps, le Gouvernement transpose cette valeur pour chaque produit, en euros par unité de perception de la TIC (100 kg nets ou hectolitre), obtenant ainsi la « composante carbone » de la TIC, variable selon les catégories de produits énergétiques. En effet, il est plus ou moins élevé selon les émissions de dioxyde de carbone qu’entraîne leur combustion.

La combustion du gazole émettant plus de dioxyde de carbone que celle du supercarburant, il sera donc plus taxé que ce dernier : la nature même de la modulation de TICPE implique un rattrapage, même très lent, de l’écart actuel de taux entre gazole et essence.

Enfin, dans un troisième temps, le Gouvernement propose d’augmenter pour 2014 le taux de TIC pour les produits énergétiques dont le taux en 2013 (correspondant à la « composante volumique » de la TIC) est inférieur au montant de la composante carbone prévue pour 2014.

Enfin, les deux derniers alinéas de ce nouvel article prévoient la prise en compte de la stratégie bas-carbone, selon des modalités définies par voie réglementaire, dans les documents de planification et de programmation de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dès lors que ceux-ci ont des incidences significatives sur les GES. Cela signifie notamment que la stratégie bas-carbone devrait être prise en compte dans le cadre de l’élaboration des schémas régionaux air-climat-énergie (SRCAE), prévus aux articles L. 222-1 à 222-3 du code de l’environnement, et des plans climat air énergie territoriaux, instaurés par l’article 56 du présent projet de loi (alinéas 12 et 13).

Le nouvel article L. 222-1-C détermine les modalités de fixation des budgets carbone. À des fins de visibilité, le texte prévoit une fixation très en amont. Ainsi, les « budgets carbone » des trois premières périodes – 2015-2018, 2019-2023, 2024-2028 – devront être publiés au plus tard le 15 octobre 2015. Pour chaque période suivante, le budget devra être publié au plus tard le 1er juillet de la dixième année précédant le début de la période – 1er juillet 2019 pour la période 2029-2033.

Le nouvel article L. 222-1-D traite des modalités d’élaboration de la stratégie bas-carbone et des « budgets carbone », ainsi que de l’association du Parlement et du Conseil national de la transition écologique. Il prévoit ainsi l’établissement par le Gouvernement d’un rapport, dont on ne connaît ni son caractère de publicité, ni sa périodicité, d’une part faisant état de la compatibilité des projets de stratégie bas-carbone et de budgets carbone avec les objectifs de la politique énergétique nationale – article L. 100-4 du code de l’énergie créé par l’article 1er du projet de loi – ainsi qu’avec les engagements communautaires et internationaux de la France, et d’autre part évaluant les impacts environnementaux, sociaux et économiques du budget carbone et de la stratégie bas-carbone sur la croissance et la compétitivité des activités économiques soumises à la concurrence internationale (alinéas 16 à 18).

Ce rapport, ainsi que les projets de budgets carbone et de stratégie bas-carbone, élaborés par le Gouvernement, seront ensuite soumis pour avis au Conseil national de la transition écologique (alinéa 19), et enfin présentés au Parlement dans les six mois suivant leur publication, accompagnés à compter de 2019 du bilan de la période écoulée (alinéa 20). Toutefois, le Gouvernement peut, de manière unilatérale, réviser la stratégie bas-carbone à tout moment, sans que l’économie générale de la stratégie bas-carbone ne puisse être modifiée et selon des modalités fixées par décret (alinéa 21).

Le nouvel article L. 222-0-5 prévoit enfin la fixation par voie réglementaire de la nature des émissions de gaz à effet de serre à prendre en compte dans un budget carbone et dans la stratégie bas-carbone (alinéa 22).

Enfin, les deux derniers alinéas de l’article 48 procèdent à des modifications de conséquence.

2.  Position de votre co-rapporteur

Cet article très important va permettre à la France de disposer d’outils cohérents et lisibles pour piloter la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Il vise à rationaliser la gouvernance de la politique climatique, alors que les dispositifs se sont empilés au fil des ans et des lois adoptées. La solution proposée s’inspire notamment de plusieurs rapports rendus publics ces dernières années.

Votre co-rapporteur a tenu à proposer deux modifications qui lui paraissent particulièrement importantes.

D’abord, il lui semble essentiel que la stratégie bas-carbone prenne en compte le poids des importations. En effet, l’objectif d’une stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone obéit à une logique de réduction du contenu des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble des activités de production et de consommation. Or, si les émissions de GES se sont stabilisées, voire ont décru sur le sol français, le différentiel entre le contenu en émissions des exportations et celui des importations s’est aggravé et l’empreinte carbone de la France augmente. C’est pourquoi il a proposé que la SBC intègre des orientations sur le contenu en émissions de gaz à effet de serre des importations, des exportations et de leur solde dans tous les secteurs d’activité. Votre commission a soutenu l’initiative de votre co-rapporteur à ce sujet.

Ensuite, votre co-rapporteur souhaite que soit précisée la procédure d’élaboration de la stratégie bas-carbone et des budgets carbone, afin de renforcer l’association du Parlement à l’élaboration d’une politique publique qui engage fortement notre pays. Aux yeux de votre co-rapporteur, la rédaction actuelle du texte est insatisfaisante : fixés par décret, la SBC et les budgets carbone ne feront l’objet que d’une simple consultation du CNTE, puis d’une information du Parlement, six mois après leur plus entrée en vigueur… Votre co-rapporteur a donc proposé de refondre cette procédure afin, d’assurer une meilleure analyse technique de ces documents stratégiques, de mieux associer le Parlement et de séquencer la procédure d’élaboration. D’abord, un comité d’experts, dont la création est proposée après l’article 54, serait consulté sur le respect du budget carbone en cours et la mise en œuvre de la SBC en cours six mois avant l’échéance d’une stratégie bas-carbone. Ensuite, les modalités de réalisation du rapport établi par le Gouvernement et de consultation du CNTE seraient précisées, le rapport devant être rendu public et le CNTE consulté quatre mois avant l’échéance d’une stratégie bas-carbone. Enfin, deux mois avant cette même échéance, le Gouvernement devrait transmettre aux commissions compétentes du Parlement les orientations des futurs budgets carbone et de la future SBC. À charge à elles de se saisir du sujet par la suite. Il s’agit ainsi de renforcer l’association du Parlement en amont, ce qui paraît essentiel s’agissant d’une politique qui engage si fortement notre pays. Il serait en effet complètement incompréhensible que le Parlement ne soit qu’informé, six mois après la prise des décrets, des modalités de la stratégie bas-carbone et des budgets carbone. À ce titre, votre co-rapporteur s’est inspiré des dispositions adoptées par le Parlement s’agissant de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, l’article 4 de la loi n° 2013660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche prévoyant une transmission des priorités du projet de stratégie nationale de l’enseignement supérieur et de la programmation pluriannuelle des moyens aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat « avant d’être arrêtées définitivement ». Au cours des débats, il est apparu que le gouvernement ne souhaitait pas modifier une procédure ayant fait l’objet d’une large concertation en amont. Votre co-rapporteur s’est étonné de cette argumentation, d’une part car la rédaction du projet de loi a été édulcorée après son examen par le Conseil d’État, c’est-à-dire après la concertation nationale – et d’autre part car il ne lui paraît pas pertinent de confier au Parlement la simple mission d’enregistrer des choix actés auparavant. Votre co-rapporteur a néanmoins accepté de retirer son amendement, mais a annoncé son intention de proposer une nouvelle rédaction en vue de la séance.

*

* *

Mme la ministre. Le titre VIII trace le cadre qui va permettre aux citoyens, aux territoires, aux entreprises et à l’État d’agir ensemble dans la même direction. Chacun doit pouvoir, avec ses moyens, à sa place, de s’engager dans la transition énergétique.

Son chapitre Ier crée les outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique en matière de programmation, de recherche et de formation.

L’article 48 instaure des budgets carbone et une stratégie nationale bas carbone. Ces outils visent à renforcer la gouvernance de notre politique d’atténuation du changement climatique sur la base de perspectives à long terme comme d’actions à court terme, pour encourager les investissements bas carbone. Ils répondent à l’obligation internationale et européenne de se doter d’une stratégie de développement à faible intensité carbone de long terme.

Nous prévoyons donc une planification cohérente de l’énergie et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le principe d’un réexamen tous les cinq ans a été arrêté, à la suite du Débat national sur la transition énergétique. Des objectifs seront fixés pour garantir systématiquement une visibilité de l’ordre de quinze ans sur la trajectoire d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre visée et une transparence accrue sur les modalités qui pourraient conduire à leur ajustement.

Ensemble, tous les agents publics, privés, économiques, administratifs, associatifs doivent agir pour réussir la transition énergétique.

L’amendement CS1362 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.

L’amendement CS1601 de M. Philippe Plisson est également retiré.

La Commission examine alors l’amendement CS2197 de M. Denis Baupin, rapporteur.

M. Denis Baupin. Il s’agit d’un amendement de précision.

Mme la ministre. Avis défavorable. Le Gouvernement souhaite ici faire référence aux secteurs comptables concernés par les objectifs.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement de précision CS2216 du rapporteur.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CS2217 et CS2218, tous deux du rapporteur.

Elle se saisit alors de l’amendement CS2325 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à tenir compte, dans la stratégie bas carbone, des émissions liées aux importations. Il faut éviter que la politique de lutte contre le dérèglement climatique n’entraîne des délocalisations.

Mme la ministre. Avis favorable. Il est en effet important de s’assurer que la baisse de nos émissions nationales n’est pas la conséquence d’un simple transfert de nos activités.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CS2198 et les amendements rédactionnels CS2219 et CS2199, tous trois du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS2326, CS2220 et CS2244 du rapporteur, CS1336 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS2221 du rapporteur, CS1602 de M. Philippe Bies et CS2278 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement CS2326 vise à réformer la procédure d’élaboration de la stratégie bas carbone, en associant le Parlement de façon plus étroite et en établissant un calendrier plus lisible. Enfin, il prévoit la consultation d’un comité d’experts. Ce dernier a été proposé lors du débat national sur la transition énergétique, mais aussi par le Conseil national de la transition écologique (CNTE). La commission d’enquête sur les coûts du nucléaire avait aussi relevé un besoin d’expertise. Le comité d’experts sera composé d’une dizaine d’experts au plus, choisis pour leur compétence. Alors que les acteurs de la transition énergétique sont nombreux et éparpillés, il manque un lieu permettant d’éclairer les choix.

Six mois avant l’échéance d’une stratégie, le comité d’experts analyse la période écoulée ; quatre mois avant, le Gouvernement remet le rapport prévu dans le texte ; deux mois avant l’échéance, il transmet des orientations aux commissions compétentes du Parlement.

Mme la ministre. L’amendement réécrit la procédure d’élaboration de la stratégie bas-carbone alors que celle-ci a fait l’objet d’une concertation approfondie. Je ne suis pas sûre que cela soit de bonne politique à l’égard des parties prenantes.

Le recours systématique aux experts me semble de nature à alourdir la procédure. Pour le reste, je ne vois pas ce qui justifie de réécrire complètement un dispositif qui a déjà été abondamment retravaillé. Mais je suis disposée à examiner les points qui peuvent être améliorés.

M. Denis Baupin, rapporteur. Sur la forme, la réécriture a pour but de rendre la procédure plus lisible. Sur le fond, la consultation du comité d’experts me semble légitime. Ce sujet a été souvent évoqué dans la concertation. La présidente du groupe de travail sur le projet de loi au sein du CNTE, Laurence Tubiana, souhaitait même qu’on réalise un travail de préfiguration sur ce groupe d’experts. Il serait regrettable de se priver d’une expertise dont le débat sur la transition énergétique a souligné la nécessité.

D’autre part, selon la rédaction actuelle, les nouveaux budgets carbone et la stratégie nationale bas-carbone sont transmis au Parlement six mois après leur adoption. Cela signifie que le Parlement n’aurait connaissance du premier budget carbone qu’après la COP de 2015. L’amendement propose donc que les orientations de la stratégie bas-carbone soient discutées en amont avec le Parlement.

M. Christophe Bouillon. L’argumentation de M. Baupin me paraît pertinente sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne l’association du Parlement. Mais on ne peut pas ignorer que ce texte est le résultat d’une longue concertation. Ne prend-on pas, en le modifiant, le risque de déstabiliser un compromis qui a été obtenu de haute lutte sur un élément essentiel pour inscrire dans la durée la transition énergétique ?

Mme Cécile Duflot. La stratégie bas-carbone emporte de telles conséquences pour notre pays et sur les autres travaux parlementaires qu’il serait dommage de ne pas y associer le Parlement, comme l’a fait la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. Denis Baupin, rapporteur. Le I de l’amendement reprend le texte de l’avant-projet de loi. Le II réécrit la procédure pour respecter l’ordre chronologique sans introduire de modifications. Le III renforce l’association du Parlement dans l’esprit de la loi citée par Mme Duflot. Je suggère d’adopter l’amendement et de le retravailler en vue de la séance.

Mme la ministre. La consultation du comité d’experts est une bonne idée à condition qu’elle n’alourdisse pas la procédure et qu’elle ne crée pas de conflits de pouvoir entre les différentes instances.

Cependant, un obstacle juridique majeur s’oppose à votre suggestion sur l’association du Parlement. En vertu de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne peut pas transmettre au Parlement des projets de textes réglementaires. Selon l’expertise juridique du Secrétariat général du Gouvernement, l’article 34 de la Constitution interdit de transmettre pour avis des textes réglementaires qui n’auraient pas été signés par le Gouvernement. Je vous conseille donc de retirer l’amendement et de déposer une nouvelle version qui donne une place au comité d’experts. Je déconseille de bouleverser une rédaction qui a été co-construite avec l’ensemble des partenaires de la transition énergétique.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je vous remercie pour ces réponses. Quant à l’obstacle constitutionnel, l’amendement n’envisage pas une transmission pour avis, mais pour information, à l’instar du dispositif mis en place dans la loi relative à l’enseignement supérieur. J’accepte de supprimer le III pour permettre l’adoption de l’amendement.

Mme la ministre. J’émets un avis défavorable à cet amendement. Je vous conseille de le redéposer en vous focalisant sur le comité d’experts qui en est le principal apport.

M. Denis Baupin, rapporteur. J’accepte de le retirer.

Les amendements CS2326, CS1336, CS1602 et CS2278 sont retirés.

La Commission adopte successivement les amendements CS2220, CS2244 et CS2221.

La Commission examine l’amendement CS2327 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’encadrer la procédure de révision simplifiée du budget carbone en prévoyant une consultation du CNTE et une transmission aux commissions du Parlement.

Mme la ministre. Je comprends votre préoccupation, mais il faut veiller à ne pas alourdir la procédure et à ne pas affaiblir la portée des saisines de ces instances.

La révision simplifiée a vocation à introduire des dispositions techniques ne modifiant pas l’équilibre général de la stratégie sur lesquelles il ne semble pas opportun de solliciter l’avis du CNTE et du Parlement. En outre, cela dénaturerait cette procédure : en prévoyant des consultations supplémentaires, on laisse à penser qu’elle peut comporter des éléments de révision significatifs.

En revanche, on peut envisager une transmission des informations sans que celle-ci donne lieu à un avis, ce dernier étant réservé aux révisions significatives. S’il estime, sur la base des informations transmises, que la révision est significative, le Parlement pourrait demander à être consulté.

M. Denis Baupin, rapporteur. Toute la question est de savoir ce que recouvre la révision simplifiée. Cette question doit être envisagée dans le cadre de la réflexion plus large sur la procédure concertée d’élaboration de la stratégie.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS2397 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement tend à renforcer l’information sur le financement de la transition énergétique, y compris par de l’argent privé.

Mme la ministre. Sagesse. Le Gouvernement n’a pas la capacité de produire un rapport sur les moyens privés qui échappent à son contrôle. En outre, il présente déjà régulièrement les moyens et les financements de la transition énergétique devant le Parlement et le CNTE. Imposer un rapport de plus peut être inopérant, d’autant qu’il ne sera qu’à moitié documenté.

M. le président François Brottes. Vous disposerez d’une analyse macroéconomique, mais vous ne réussirez pas à connaître l’origine des financements privés.

M. Denis Baupin, rapporteur. Le Commissariat général au développement durable réalise un travail d’analyse des données macroéconomiques. L’objectif est de s’assurer, non pas à partir d’une étude détaillée, mais en observant une tendance, que les outils créés produisent les résultats escomptés et que la transition énergétique se met en place.

M. le président François Brottes. Il serait sans doute plus pertinent que les commissions permanentes chargées de ces questions reçoivent chaque année l’interprofession pour établir un bilan. Un rapport du Gouvernement sur ce point ne présenterait aucune garantie de fiabilité.

Mme la ministre. Je suggère de retirer le terme « privés » ou, autre possibilité, de préciser que les données correspondent à une évaluation.

M. le président François Brottes. L’amendement est donc ainsi rectifié : les mots « et privés » sont remplacés par les mots « et évaluant les moyens privés ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CS2200 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Outre une précision juridique, cet amendement vise à indiquer que le CNTE sera consulté sur la stratégie nationale de la recherche énergétique prévue à l’article 53.

Mme la ministre. Sagesse. La stratégie nationale de la recherche énergétique constitue un volet de la stratégie nationale de recherche. Cette dernière est dotée de ses propres modalités de concertation qui garantissent une co-élaboration.

En outre, certains organismes de recherche dépendent du ministère de la recherche. Je ne souhaite pas empiéter sur les compétences de mes collègues.

Une fois encore, il n’est pas souhaitable de multiplier les procédures administratives.

M. Denis Baupin, rapporteur. Mais l’article 53 codifie cette stratégie de recherche. Il paraît logique de solliciter l’avis consultatif du CNTE.

M. le président François Brottes. En inscrivant la consultation du CNTE dans la loi, vous créez un motif de recours. Ce formalisme risque d’entraver la procédure.

Mme la ministre. Vous créez une procédure contraignante.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’article 53 prévoit l’élaboration d’une stratégie nationale qui donne nécessairement lieu à une procédure assez formelle, dans laquelle l’avis du CNTE a toute sa pertinence.

Mme la ministre. Il faut veiller à ce que les structures existantes fonctionnent bien, sans créer des échelons supplémentaires. Compte tenu du coût administratif des procédures de consultation, il faut que leur valeur ajoutée soit garantie.

Je préfère que la stratégie de recherche énergétique soit intégrée dans la stratégie nationale de recherche avec les différentes étapes de consultation déjà prévues, plutôt que de la marginaliser dans une procédure ad hoc. Il semble malvenu de cantonner cette stratégie dans une approche environnementale, alors même que nous avons l’ambition que la croissance verte irrigue tous les secteurs d’activité économique et institutionnelle. Donnons une dimension écologique aux institutions qui existent déjà.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je retire l’amendement, mais je rappelle que l’alinéa 15 de l’article 53 consacre un article du code de l’énergie à l’élaboration par le ministre chargé de l’énergie et de la recherche d’une stratégie nationale de la recherche énergétique, fondée sur les objectifs de la loi relative à la transition énergétique. Il existe donc un volet spécifique de la recherche sur la stratégie énergétique.

Mme la ministre. Ce volet est piloté par les deux ministres. N’inventons pas une procédure strictement environnementale.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 48 modifié.

Article 49
(articles L. 141-1 à L. 141-3 et L. 141-4 à L. 141-12 [nouveaux] du code de l’énergie)

Programmation pluriannuelle de l’énergie et programmation des capacités énergétiques

1.  État du droit

Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’énergie traite de l’évaluation des besoins et la programmation des capacités énergétiques et comporte trois sections.

La première section, relative à la programmation des capacités de production d’électricité, contient trois articles L. 141-1, L. 141-2 et L. 141-3.

L’article L. 141-1 confie au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité –Réseau de transport d’électricité (RTE) – la réalisation tous les deux ans d’un bilan prévisionnel pluriannuel afin de permettre l’élaboration par l’autorité administrative de la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité. Ce bilan prend en compte les évolutions de la consommation, des capacités de transport, de distribution et des échanges avec les réseaux étrangers. Afin d’établir ce bilan, l’article L. 141-1 autorise le gestionnaire du réseau public de transport à accéder à toutes les informations utiles auprès des gestionnaires de réseaux publics de distribution, des producteurs, des fournisseurs et des consommateurs, en l’obligeant à préserver la confidentialité des informations ainsi recueillies, et selon des modalités définies par voie réglementaire (article L. 141-2).

L’article L. 141-3, prévoit que dans les zones non interconnectées (ZNI), les gestionnaires des réseaux publics de distribution – EFD-SEI et Électricité de Mayotte – élaborent un bilan prévisionnel de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité dans leur zone de desserte les besoins nationaux et l’électricité disponible pour les satisfaire.

Les deux autres sections, consacrées à la programmation des capacités d’approvisionnement en gaz naturel (section II) et à la programmation des investissements pour la production de chaleur (section III), ne contiennent aucune disposition de nature législative.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 49 procède à la réécriture du chapitre du code de l’énergie consacré à l’évaluation des besoins et la programmation des capacités énergétiques, en instaurant notamment une programmation pluriannuelle de l’énergie. Ce nouveau chapitre est composé de trois sections.

La première section du chapitre tel que réécrit traite des dispositions communes à toutes les énergies. Elle comporte quatre articles.

Le nouvel article L. 141-1 définit la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Fixée par décret, celle-ci établit les priorités d’action des pouvoirs publics s’agissant de l’ensemble des formes d’énergie présentes sur le territoire de la France hexagonale. La PPE vise à évaluer les besoins et à identifier les capacités énergétiques, en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique nationale tels que définis aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie dans leurs versions issues du projet de loi. Elle doit également être également compatible avec la stratégie bas-carbone et les budgets carbone (alinéa 6).

Le nouvel article L. 141-2 liste les différents volets contenus dans la PPE : la sécurité d’approvisionnement, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie primaire fossile, le soutien aux ENR, le développement équilibré des réseaux, du stockage de l’énergie (alinéas 7 à 12).

Le de cet article prévoit que le volet « sécurité énergétique » aura vocation à définir les critères de sûreté énergétique, notamment le critère de défaillance. Il pourra par ailleurs prévoir la mise en œuvre de dispositions spécifiques visant à prévenir les risques systémiques, présentant un caractère exceptionnel et de forte gravité. L’intermittence de la production, la congestion ou l’instabilité accrue des réseaux constituent tous des effets systémiques, mais cet article vise également à anticiper l’impact d’accidents ou de catastrophes naturelles (alinéa 8).

Le indique que le volet « amélioration de l’efficacité énergétique et baisse de la consommation d’énergie primaire fossile » pourra identifier les usages pour lesquels la substitution d’une énergie à une autre est une priorité (alinéa 9).

Le acte simplement l’existence d’un volet spécifique au soutien des ENR (alinéa 10).

Le précise que le volet « développement équilibré des réseaux, du stockage de l’énergie et du pilotage de la demande d’énergie » aura pour but de favoriser la production locale d’énergie et l’autoproduction (alinéa 11).

Enfin, le dernier alinéa de cet article prévoit que les volets définis aux 2°, 3° et 4° intègrent des éléments d’analyse s’agissant des enjeux de développement des filières industrielles sur le territoire, de mobilisation des ressources énergétiques nationales et de création d’emploi.

Le nouvel article L. 141-3 traite également du contenu et du champ de la PPE. La PPE couvre deux périodes successives de 5 ans à compter de 2024 – la première PPE, établie en 2015, couvrira deux périodes successives de 3 et 5 ans. La PPE se veut un outil souple, destinée à présenter plusieurs scénarios possibles compte tenu des incertitudes qui pèsent nécessairement sur l’évolution de la situation énergétique. C’est pourquoi il est précisé que la PPE présente, pour la seconde période, des options hautes et basses au regard des hypothèses envisagées (alinéa 13).

Par ailleurs, la PPE définira des objectifs quantitatifs ainsi que l’enveloppe maximale des ressources publiques mobilisées pour les atteindre (alinéa 14), cette enveloppe étant présentée en engagements et en réalisations, conformément aux règles qui président à l’élaboration du budget de l’État (alinéa 16). Votre co-rapporteur tient à préciser, et alerter, qu’en l’état actuel de la rédaction, l’enveloppe maximale s’appliquerait également aux ressources des collectivités territoriales. La fixation d’un plafond, même indicatif, permettra par ailleurs notamment de mieux prévoir les dépenses liées à l’usage de la contribution au service public de l’électricité (CSPE).

De plus, cet article précise que le volet de la PPE consacré au soutien aux ENR contient des objectifs quantitatifs par type d’énergie, et potentiellement par zone géographique, en cohérence avec les ressources identifiées au niveau territorial par les SRCAE (alinéa 15).

Enfin, l’article renvoie à un décret la fixation des modalités d’élaboration d’une étude évaluant l’impact de la PPE sur la soutenabilité des finances publiques, sur les modalités de développement des réseaux, sur les prix de l’énergie et la compétitivité des entreprises exposées à la concurrence internationale. Cette étude d’impact devra par ailleurs comprendre un volet consacré aux charges couvertes par la CSPE, afin de mieux prévoir l’évolution de cette contribution. Cette dernière disposition est évidemment liée à l’article 50 du projet de loi, qui procède à la mise en place d’un comité de gestion de la CSPE (alinéas 17 et 18).

Le nouvel article L. 141-4 pose le principe d’une révision a minima tous les cinq ans de la PPE. Chaque révision de la PPE devra couvrir deux périodes de cinq suivant la période durant laquelle intervient la révision. Élaborée avant l’échéance de la première période de la programmation précédente, après avis du Conseil national de la transition énergétique, la PPE fait l’objet d’une simple présentation au Parlement. Enfin, comme la stratégie bas-carbone, la PPE peut être révisée de manière unilatérale par le Gouvernement, selon des modalités fixées par décret (alinéas 19 à 22).

La deuxième section du chapitre traite des dispositions spécifiques à l’électricité. Elle est composée de trois articles qui, pour l’essentiel, actualisent les dispositions contenues actuellement dans les articles L. 141-1 à L. 141-3 du code de l’énergie.

Le nouvel article L. 141-7 précise le sens de l’objectif de sécurité d’approvisionnement, défini à l’article L.100-1 du code de l’énergie comme l’un des objectifs de la politique énergétique. Au sens du texte, assurer la sécurité d’approvisionnement implique que soit évitée la défaillance du système électrique, dont le critère sera défini par voie réglementaire.

Le nouvel article L. 141-8 actualise les dispositions du code de l’énergie s’agissant de la réalisation, par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, d’un bilan pluriannuel. Dorénavant, RTE sera chargé d’établir annuellement un bilan électrique national et prévisionnel pluriannuel (minimum cinq ans) dans le but d’évaluer les capacités du système électrique et le risque de défaillance. Ces bilans, dont le contenu sera précisé par voie réglementaire, présenteront notamment les évolutions de la consommation, des capacités de production par filière, des capacités d’effacement, des capacités de transport et de distribution et des échanges avec les réseaux étrangers. Pour l’exercice de cette mission, RTE a accès à toutes les informations qu’il juge utile auprès des GRD, des producteurs, des fournisseurs, des agrégateurs de services, des opérateurs d’effacement et des consommateurs. Ont ainsi été ajoutés les agrégateurs de services et les opérateurs d’effacement à la liste des personnes auprès desquelles les informations peuvent être récoltées, ce qui permettra au gestionnaire de réseau de disposer d’une vision globale de l’ensemble du système. Cet élargissement va dans le bon sens, alors que l’on a parfois tendance à réduire le système électrique aux seules infrastructures. Enfin, RTE pourra être amené, selon des modalités fixées par décret, à saisir l’autorité administrative des risques de déséquilibre entre les besoins nationaux et l’électricité disponible pour les satisfaire. Alors que le nombre d’intervenants, et de données, ne cesse de se multiplier, il apparaît nécessaire de renforcer le droit actuel afin de nous doter de moyens plus performants en vue d’anticiper tout risque de défaillance. Le statut de RTE, qui agit de manière neutre, garantit un traitement équilibré des informations, d’autant plus que le gestionnaire de réseau demeure soumis à des obligations de confidentialité. (alinéas 27 à 30).

Le nouvel article L. 141-9 confie aux gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité des zones non interconnectées (EDF-SEI et Électricité de Mayotte) la réalisation d’un bilan prévisionnel de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité dans leur zone de desserte. Ce bilan est réalisé dans les mêmes conditions que le bilan prévisionnel pluriannuel mentionné à l’article précédent.

La troisième section du chapitre est consacrée aux dispositions spécifiques au gaz. Elle est composée d’un nouvel article unique, L. 141-10, qui confie aux gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel (GRT-Gaz et TIGF) la réalisation, au moins tous les deux ans et sous le contrôle de l’État, d’un bilan prévisionnel pluriannuel ayant les mêmes objectifs que le bilan pluriannuel relatif à l’électricité, et dans des conditions similaires.

Ainsi, ce bilan devra prendre en compte les évolutions de la consommation, des capacités de transport, de distribution, de stockage, de regazéification et des échanges avec les réseaux gaziers étrangers. Par cohérence avec les dispositions de la section 2, les gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel auront accès à toutes les informations utiles auprès des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel, des producteurs, des fournisseurs et des consommateurs, en demeurant soumis aux mêmes obligations de confidentialité des informations que le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (alinéa 34).

Enfin, le II. de l’article 49 traite des dispositions transitoires relatives à la mise en œuvre de la PPE. Est ainsi précisé que la première PPE devra être publiée avant la fin de l’année 2015. Dans l’attente de cette publication, valent programmation pluriannuelle de l’énergie :

- La programmation pluriannuelle des investissements de production électrique (PPI électricité), prévue par l’article 6 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. La PPI doit permettre de vérifier la mise en ligne des objectifs de politique énergétique et la sécurité d’approvisionnement à l’échelle nationale ;

– La programmation pluriannuelle des investissements de production d’énergies utilisées pour la production de chaleur (PPI chaleur), prévue par l’article 50 de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique ;

– Le plan indicatif pluriannuel gaz (PIP gaz) prévu par l’article 18 de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur soutient pleinement les dispositions de cet article, visant à renforcer la programmation de la politique énergétique nationale. Néanmoins, outre un certain nombre de modifications rédactionnelles, il a proposé plusieurs amendements ayant pour objet de préciser et d’améliorer cet article.

Il a notamment ainsi souhaité :

– indiquer que la PPE devait prendre en compte les SRCAE. Si la PPE, qui définit la politique nationale, ne doit en aucun cas être la somme de politiques régionales, il semble indispensable de prévoir qu’elle soit élaborée en prenant en compte les orientations fixées au niveau régional. Votre commission n’a pas retenu cette proposition ;

– qualifier les scénarios de consommation sur lesquels se fonde la PPE, en proposant qu’ils se fondent sur des critères démographiques, économiques, énergétiques et commerciaux ;

– compléter les dispositions relatives au contenu du volet de la PPE consacré à la sécurité d’approvisionnement. Dans la droite lignée des conclusions de la commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, il s’agit d’insister sur la nécessité de diminuer la production de matières dangereuses et réduire la vulnérabilité en amont et en aval de la production d’énergie. Votre commission n’a pas retenu cette proposition ;

– préciser que le volet « sécurité d’approvisionnement » indique également les besoins d’importation d’énergies fossiles, d’uranium, de biomasse et les échanges transfrontaliers d’électricité prévus dans le cadre de l’approvisionnement. Votre commission n’a étrangement pas retenu cette proposition ;

– indiquer que l’effort de réduction de la consommation d’énergie fossile se concentre en priorité sur les énergies les plus carbonées ;

– préciser qu’il s’agit de réduire l’ensemble de la consommation d’énergie primaire, sans se focaliser uniquement sur l’énergie primaire fossile ;

– prévoir un volet relatif au développement des smart grids, qui contribuent à la réduction de la consommation d’énergie en permettant une meilleure allocation des ressources ;

– préciser la nécessité, lors de la réalisation de la PPE, d’identifier les interactions pertinentes entre les réseaux pour le volet qui les concernent ;

– rappeler que la PPE doit poursuivre des objectifs de diversification des moyens de production d’énergie, et en conséquence viser la promotion et l’essor de filières industrielles variées ;

– indiquer que la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe les orientations générales relatives à la prolongation éventuelle d’exploitation des réacteurs nucléaires, en regard des exigences de sûreté applicable pour une telle prolongation. Votre commission n’a pas retenu cette proposition ;

– préciser que l’enveloppe maximale des ressources mobilisées ne vise que les ressources de l’État et de ses établissements publics ;

– renouveler la procédure d’élaboration de la PPE afin d’associer le comité d’experts, et de renforcer l’association du Parlement. La procédure proposée est harmonisée avec celle prévue pour l’élaboration de la SBC et du budget carbone, et ainsi séquencée : consultation et avis du comité d’expert six mois avant l’échéance de la première période de la PPE ; soumission pour avis des projets au CNTE quatre mois avant l’échéance de la première période de la PPE ; transmission au Parlement, deux mois avant l’échéance de la première période de la PPE, des projets de budget carbone et de la SBC. À la suite des débats sur la procédure d’élaboration de la stratégie bas-carbone, votre rapporteur a accepté de retirer cet amendement, pour une réécriture en vue de la séance ;

– préciser le contenu du bilan prévisionnel établi par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (RTE) dans le cadre de la PPE, qui devra prendre en compte les incertitudes liées notamment à la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires. Votre commission n’a pas retenu cette proposition ;

– renforcer le volet du bilan prévisionnel portant sur la demande en caractérisant plus précisément les actions de sobriété et d’efficacité prévues à l’horizon du bilan, ainsi que les actions de substitution des usages telles que le développement du véhicule électrique afin de quantifier leur impact ;

– préciser que le bilan établi par les gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel prendra en compte les évolutions de la production renouvelable ;

– introduire une nouvelle section, consacrée à la chaleur au sein du chapitre relatif à l’évaluation des besoins et la programmation des capacités énergétiques ;

– introduire une nouvelle section, consacrée aux hydrocarbures au sein du chapitre relatif à l’évaluation des besoins et la programmation des capacités énergétiques ;

– fixer dans la loi une date butoir pour la publication de la première PPE.

Outre ces amendements, votre commission a adopté un amendement du Président Brottes ayant pour objet d’intégrer à la programmation pluriannuelle de l’énergie un volet consacré non seulement au stockage, mais à la transformation de l’énergie ainsi qu’un amendement de Mme Ericka Bareigts et plusieurs députés socialistes visant à préserver, dans les zones non interconnectées, le principe d’un seuil de déconnexion des énergies renouvelables intermittentes, pour des impératifs de sécurité du réseau électrique en inscrivant ce seuil dans les PPE propres à chaque ZNI, de façon à ce qu’il soit adapté aux caractéristiques spécifiques de chacun des territoires.

*

* *

Mme la ministre. L’article 49 instaure une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui comporte des volets thématiques relatifs à l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie, à la sécurité d’approvisionnement, au soutien à l’exploitation des énergies renouvelables et au développement équilibré des réseaux, du stockage de l’énergie et de la flexibilisation de la demande en énergie.

Elle couvre deux périodes successives de cinq ans – sauf pour la première programmation, qui couvre deux périodes successives de trois et cinq ans –, en cohérence avec la stratégie bas-carbone, pour atteindre les différents objectifs du mix énergétique.

L’élaboration de la PPE est soumise à l’avis du comité d’experts pour la transition énergétique et climatique et du CNTE.

La Commission est saisie de l’amendement CS2201 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que la PPE poursuit les objectifs assignés à la politique énergétique nationale.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS2328 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer la prise en compte des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) par la PPE.

Mme la ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS2329 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Le présent amendement précise le contenu des scénarios de consommation sur lesquels se fonde la PPE.

Mme la ministre. Avis défavorable. Cette précision alourdit la procédure.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CS2222 du rapporteur.

Elle aborde ensuite l’amendement CS2330 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement précise que le volet de la PPE relatif à la sécurité de l’approvisionnement doit également avoir pour objet de diminuer la production de matières dangereuses et de réduire la vulnérabilité en amont et en aval de la production.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait, car ces questions sont prises en compte au travers des autorisations d’exploiter.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS2331 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement précise que le volet de la PPE relatif à la sécurité d’approvisionnement s’intéresse aux besoins d’importation des différentes énergies.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait, car les besoins d’importation sont au cœur de la sécurité d’approvisionnement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS2332 du rapporteur, CS1321 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1788 de Mme Cécile Duflot.

Mme la ministre. Avis favorable, sous réserve de rectifier l’amendement en ajoutant, après le mot « primaire », les mots : « en particulier ».

M. Denis Baupin, rapporteur. J’approuve cette rectification. Il convient de réduire l’ensemble de la consommation d’énergie primaire, « en particulier fossile ».

Les amendements CS1321 et CS1788 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS2332 ainsi rectifié.

La Commission est saisie de l’amendement CS2243 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Conformément à l’engagement pris par le Gouvernement dans le titre I, l’amendement propose de moduler l’objectif de réduction par type d’énergie fossile en fonction du caractère plus ou moins carboné de chacune d’elle.

Mme la ministre. Avis favorable, car cet amendement précise les orientations retenues par le Gouvernement. L’amendement accompagne les objectifs ambitieux du projet de loi en matière de réduction des gaz à effet de serre.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement CS2240 du rapporteur.

Les amendements CS2110 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1789 de Mme Cécile Duflot sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS2400 de M. le président François Brottes.

M. le président François Brottes. Cet amendement a pour objet d’intégrer à la PPE un volet consacré à la transformation des énergies.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS2245 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement propose d’intégrer le développement des réseaux intelligents dans le volet de la PPE consacré à la réduction de la consommation d’énergie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS2333 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement tend à préciser que le volet consacré aux réseaux d’énergie doit identifier les interactions pertinentes entre ces réseaux.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS592 de M. Patrice Prat.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à soutenir le développement et le fonctionnement des centrales à cycle combiné à gaz naturel.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait, puisque la flexibilité est intégrée dans le volet relatif à la sécurité d’approvisionnement. En outre, la flexibilité n’est pas seulement assurée par la production ; en la matière, l’effacement, la consommation et le stockage peuvent être plus vertueux que la production.

M. Denis Baupin, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2203 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rappeler que la PPE doit poursuivre des objectifs de diversification des moyens de production d’énergie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement CS2334 du rapporteur est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements CS2204 et CS2205 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS2111 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1790 de Mme Cécile Duflot, CS2223, CS2206 et CS2224 du rapporteur.

Les amendements CS2111 et CS1790 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS2223.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement CS2206 a pour objet de renforcer la prise en compte des SRCAE par la PPE.

Mme la ministre. Avis défavorable à cet amendement qui risque de contraindre la PPE par une territorialisation trop précise. Les analyses menées dans les SRCAE en termes de ressources éclaireront utilement les débats sur la PPE. Ces schémas ayant été menés dans des logiques parfois très différentes selon les régions, leur prise en compte exhaustive semble difficile et alourdirait considérablement les procédures.

M. Denis Baupin, rapporteur. J’entends la volonté de la ministre de les prendre en compte dans les faits sans que cela soit inscrit dans la loi. Les régions s’inquiètent surtout de la comptabilisation de la biomasse. Il est nécessaire de conduire une réflexion qui dépasse les schémas, tout en vérifiant que les ressources identifiées par les uns et les autres ne soient pas les mêmes. Compte tenu de la réponse de Mme la ministre, je retire mon amendement.

L’amendement CS2206 est retiré.

M. le président François Brottes. Dans la loi d’avenir pour l’agriculture, nous avons adopté une disposition qui charge l’ADEME de faire des propositions sur la régulation de la biomasse à travers le pays, car certaines sollicitations sont extravagantes. Compte tenu de la diversité des massifs forestiers, nous devons avoir une vision nationale de ce sujet.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement CS2224 apporte une précision.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS2224.

En conséquence, l’amendement CS1791 de Mme Cécile Duflot tombe.

La Commission adopte les amendements CS2225 et CS2241 du rapporteur.

L’amendement CS1337 de M. Jean-Paul Chanteguet est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision CS2207 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CS2335 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Le présent amendement vise à renouveler la procédure d’élaboration de la PPE afin d’associer le comité d’experts. Le modèle et les arguments sont les mêmes que pour la procédure d’élaboration de la stratégie bas-carbone et des budgets carbone dont nous avons discuté tout à l’heure. Compte tenu de la précédente discussion, je retire mon amendement pour le retravailler et en proposer une nouvelle rédaction lors de l’examen du texte en séance publique.

L’amendement CS2335 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2226 du rapporteur.

Puis, elle examine l’amendement CS2337 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer le volet du bilan prévisionnel portant sur la demande et à caractériser plus précisément les actions de sobriété et d’efficacité ainsi que les actions de substitution des usages.

Mme la ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CS2227 du rapporteur

La Commission en vient ensuite à l’amendement CS2336 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Pour informer les pouvoirs publics, le bilan prévisionnel établi par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité doit intégrer certains risques : aléas climatiques ou phénomènes liés à l’obsolescence d’installations telles que les centrales nucléaires.

Mme la ministre. Avis défavorable, pour deux raisons : ce sujet est traité dans la sécurité de l’approvisionnement de la PPE ; le bilan prévisionnel de RTE est un exercice qui prend déjà en compte des hypothèses très contrastées, portant aussi bien sur la demande d’électricité que sur le parc de production nucléaire. Il n’est pas nécessaire d’ajouter des contraintes supplémentaires.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision CS2228 du rapporteur.

La Commission examine ensuite l’amendement CS1876 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Sans remettre en cause la nécessité de préserver le principe d’un seuil de déconnexion des énergies renouvelables intermittentes dans les outre-mer pour des impératifs de sécurité du réseau électrique, nous considérons que le taux uniforme de 30 % entraîne un blocage. Nous proposons d’inscrire un taux dans les PPE propres à chaque ZNI, de façon que ces seuils soient adaptés aux caractéristiques spécifiques de chacun des territoires. Nous voulons donner à la PPE un rôle de co-gouvernance de la politique énergétique sur nos territoires.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. Denis Baupin, rapporteur. Même avis.

M. le président François Brottes. Cet amendement très important s’inspire des conclusions du rapport de Mme Bareigts.

La Commission adopte l’amendement.

Elle rejette ensuite l’amendement CS1877 de Mme Ericka Bareigts.

Puis elle adopte l’amendement de précision CS2229 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CS2208 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que le bilan établi de manière bisannuelle par les gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel devra prendre en compte les évolutions de la production renouvelable.

Mme la ministre. L’amendement tel qu’il est rédigé a pour conséquence de limiter l’étude du stockage et de la regazéification à la production renouvelable alors que la formulation actuelle l’inclut déjà, mais sans le limiter, car il est possible, par exemple, de regazéifier du gaz naturel liquéfié. Il faudrait ajouter « et » avant « de production renouvelable », car votre rédaction actuelle suggère que vous regazéifiez la production renouvelable.

M. Denis Baupin, rapporteur. Tout à fait d’accord, madame la ministre.

M. le président François Brottes. L’amendement est donc ainsi rectifié : « À la deuxième phrase de l’alinéa 34, après le mot : « regazéification », insérer les mots : « et de production renouvelable ».

La Commission adopte l’amendement CS2208 ainsi rectifié.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision CS2230 et l’amendement de cohérence CS2231 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement CS2247 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Certains orateurs ont regretté que la PPE soit très centrée sur l’électricité et le gaz. Le présent amendement vise à introduire une nouvelle section, consacrée à la chaleur, au sein du chapitre relatif à l’évaluation des besoins et la programmation des capacités énergétiques.

Mme la ministre. J’émettrai un avis favorable à cet amendement à condition que les objectifs ne soient pas précisément chiffrés et que les alinéas 8 et 9 soient supprimés.

Je propose la rédaction suivante :

« Après l’alinéa 34, insérer les sept alinéas suivants :

« Section 4

« Dispositions spécifiques à la chaleur

« Art. L. 14111. – La programmation pluriannuelle de l’énergie comporte un plan stratégique national de développement de la chaleur renouvelable, fatale et de récupération.

« Ce plan stratégique national a pour objectif de :

« – favoriser le développement de la chaleur renouvelable, en augmentant la part de chaleur issue des réseaux de chaleur dans le mix énergétique des logements et des entreprises du secteur tertiaire ;

« – mettre en place un plan de développement de la chaleur renouvelable par source énergétique ;

« – mettre en œuvre un plan national de valorisation des énergies fatales et de récupération. »

M. Denis Baupin, rapporteur. Cette rédaction me convient.

La Commission adopte l’amendement CS2247 ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CS2338 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il est aussi nécessaire de mettre en place des outils de planification dédiés aux produits pétroliers. Cet amendement propose qu’un bilan prévisionnel pluriannuel des évolutions de la consommation et de la production pétrolière soit établi tous les deux ans par un établissement désigné par le ministre chargé de l’énergie. Nous avons pensé que cet établissement pourrait être l’Institut français de l’environnement (IFEN), mais nous avons jugé préférable de ne pas le citer dans l’amendement, de façon à laisser le Gouvernement choisir, en vérifiant qu’il n’y ait pas de conflits d’intérêts potentiels.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS2202 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à fixer dans la loi une date butoir pour la publication de la première PPE : le 31 décembre 2015 au plus tard.

Mme la ministre. La formulation actuelle prévoit déjà que la PPE soit établie en 2015, donc au plus tard avant le 31 décembre 2015. Je demande le retrait de cet amendement, qui m’étonne.

M. Denis Baupin, rapporteur. N’y a-t-il pas une différence subtile entre « publiée » et « établie » ? Nous voulions être sûrs que la publication soit effective avant le 31 décembre 2015.

M. le président François Brottes. Quelle forme prendrait la publication ? Une telle borne peut se révéler très contraignante et il faut en mesurer les conséquences. Imaginez les recours possibles !

M. Denis Baupin, rapporteur. La publication des premiers budgets carbone et de la première stratégie bas-carbone est fixée au 15 octobre 2015.

M. le président François Brottes. Admettez que l’aspect normatif de la stratégie bas-carbone n’est pas exactement de même nature que celui de la PPE.

Mme la ministre. Il est peut-être inutile de préciser « au plus tard ». Je vous propose de rédiger ainsi le début de l’alinéa 35 : « Jusqu’à la date de publication de la première programmation pluriannuelle de l’énergie, au 31 décembre 2015, les documents… (le reste sans changement). »

La Commission adopte l’amendement CS2202 ainsi rectifié.

Puis elle adopte l’article 49 modifié.

Article 49 bis [nouveau]
(article L. 145-1 [nouveau] du code de l’énergie)

Création d’un comité d’experts pour la transition énergétique

À l’initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement procédant à l’insertion dans le code de l’énergie d’un nouvel article L. 145, créant un comité d’experts pour la transition énergétique. Inspiré des pratiques étrangères, et notamment britannique, ce comité d'experts est chargé d'accompagner le Gouvernement dans la définition de la stratégie-bas-carbone, des budgets carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ce comité sera composé de dix membres, au plus, nommés en raison de leurs qualifications juridiques, économiques et techniques.

Par ailleurs, le deuxième alinéa du nouvel article L. 145 encadre fortement la nomination des membres afin d’assurer leur indépendance vis-à-vis des acteurs économiques ou des personnalités susceptibles d'intervenir dans la définition des politiques énergétiques. Ainsi, les fonctions de membre du comité d’experts sont incompatibles avec tout mandat électif communal, départemental, régional, national ou européen et avec la détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur de l’énergie. Enfin, son coût sera nul, les membres du comité exerçant leurs fonctions à titre gratuit.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS2340 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit de la création, que nous avons déjà évoquée, d’un comité d’experts chargé d’accompagner le Gouvernement pour la transition énergétique.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 49

La Commission examine l’amendement CS551 de M. Jean Launay.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement propose une réforme de fond de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) : la création d’une contribution au service public de l’énergie visant à faire contribuer à la transition énergétique toutes les énergies de chauffage, en particulier fossiles – GPL, fioul, réseaux de chaleur – par le financement des dispositifs de solidarité nationale et de soutien aux énergies renouvelables.

Il s’agit de répondre à l’impasse financière dans laquelle se trouve la CSPE qui, depuis la loi du 10 février 2000, finance l’essentiel des EnR
– 3,8 milliards d’euros en 2014 et de l’ordre de 4,8 milliards d’euros en 2015 – au point d’être devenue une forme de dette déguisée.

Ainsi, la CSPE représente 13 % de la facture d’électricité en 2014 et représentera un tiers de l’augmentation des prix à l’avenir, selon la Commission de régulation de l’énergie. La CSPE supporte aussi le coût croissant de la péréquation tarifaire de l’électricité dans les zones non interconnectées : 1,7 milliard d’euros en 2014. Le financement de cette solidarité nationale ne devrait pas reposer sur les seuls consommateurs d’électricité.

La hausse des prix de l’énergie ayant pour conséquence, pour près d’un Français sur deux, des restrictions de chauffage pendant l’hiver, avec des impacts à terme sur la salubrité des logements et sur la santé des familles, il apparaît nécessaire de procéder à une réforme.

Cette nouvelle contribution au service public de l’énergie fusionne trois contributions existantes – une pour l’électricité, la CSPE, et deux pour le gaz – en une seule, en l’étendant aux principales autres énergies de chauffage.

La fusion de trois contributions existantes en simplifiera la gestion pour la CRE. Cette fusion-extension de la contribution aux autres énergies fossiles de chauffage n’est pas sans impact pour les consommateurs, comme le montre la simulation produite à l’appui de l’amendement : la facture annuelle de chauffage augmente pour certains et baisse pour d’autres. C’est donc une mesure d’équité et de justice sociale fondamentale.

M. le président François Brottes. Lors des auditions, nous sommes convenus qu’il fallait élargir l’assiette, ce qui n’est pas sans conséquence pour les consommateurs. En tant que président de la Commission spéciale, je précise que M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, m’a adressé une lettre de plusieurs pages pour m’informer que la CSPE relevait désormais de l’article 40 dans la mesure où l’État avait dû intervenir pour neutraliser une dette d’EDF, et que c’était assimilable à un impôt sur lequel la commission des finances devait désormais statuer. Pour autant, il n’a pas déclaré cet amendement irrecevable.

Mme la ministre. Cet amendement, qui a le mérite de poser une vraie question, décrit en quelque sorte un idéal. De la réalité à l’idéal, il y a un long chemin : ce dispositif très complexe produit des effets sur toutes les énergies, ce qui fait sa cohérence. Une réforme de cette envergure ne peut se faire par le biais d’un amendement.

Je suis favorable à votre proposition d’élaborer un rapport afin d’analyser précisément les conditions, notamment juridiques, d’une telle réforme et de mesurer son impact sur les consommateurs, les producteurs et les distributeurs des différentes énergies.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir fait ce travail considérable : votre amendement très abouti pourra servir de base aux auteurs du futur rapport. Reste à savoir qui pourrait conduire ce travail, une structure existante ou ad hoc. En tout cas, ce sujet mérite un examen approfondi, une réflexion, puis une décision politique.

M. le président François Brottes. À mon initiative, nous avons installé une commission d’enquête sur les tarifs, dont Clotilde Valter sera la rapporteure, et qui va commencer à travailler dès l’adoption de ce texte. La CSPE est au cœur de cette question des tarifs. Nous aurons six mois pour aller au fond des choses. La structure est donc toute trouvée.

M. Serge Letchimy. De manière un peu sibylline, on a parfois tendance à établir un lien entre la dimension solidarité de la CSPE et les outre-mer.

M. le président François Brottes. Les tarifs sociaux sont aussi financés par la CSPE.

M. Serge Letchimy. C’est pour cela que je veux appeler votre attention sur les processus de plafonnement possibles. Les coûts de production pour des territoires comme la Martinique ou la Guadeloupe sont doubles, triples, voire dix fois plus élevés qu’en métropole, parce que ce sont des zones non interconnectées. Pour que se développent les énergies renouvelables, il faut organiser une solidarité en matière de consommation, mais aussi accompagner la mutation écologique et énergétique.

La position de Gilles Carrez sur le caractère budgétaire de la CSPE m’inquiète, car c’est un système de solidarité nationale qui doit conserver un fonctionnement autonome. Des régions qui ne relèvent pas de l’article 73 de la Constitution, notamment Wallis-et-Futuna et la Polynésie, demandent à bénéficier de la CSPE. Tout le problème est de distinguer la différenciation politique et institutionnelle de l’égalité.

M. Jean-Luc Laurent. Je prends acte de la proposition de Mme la ministre et des informations que vient de donner le président sur la commission d’enquête. Je retire l’amendement, quitte à le redéposer en séance publique après discussion avec mes collègues.

Nos auditions ont montré qu’il était nécessaire d’élargir l’assiette pour que le système soit plus juste : les contributeurs à la CSPE ne doivent pas être les seuls consommateurs d’électricité, même si la réforme doit se traduire par la hausse de la facture de certains utilisateurs. Il faut avoir une vision républicaine et penser à l’intérêt général. Je suis sûr d’être entendu sur tous les bancs.

L’amendement est retiré.

Puis elle examine l’amendement CS2339 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de créer une commission des comptes de l’énergie qui permette de rassembler l’ensemble de l’information, sur le modèle de la commission des comptes des transports.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait, puisque c’est de nature réglementaire et que le décret est déjà en cours de rédaction.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je l’avais déposé pour entendre cette confirmation par Mme la ministre.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS2341 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à assurer que les contrats de service public signés entre l’État, EDF et d’autres entreprises publiques seront revus pour être mis en conformité avec les objectifs de la transition énergétique contenus dans ce texte.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait. Une telle disposition n’a pas vraiment sa place dans une loi sur la transition énergétique. D’une façon générale, il faut veiller à ce que le texte final ne devienne pas un objet non identifié.

L’actualisation des contrats de service public est en cours. Les grands opérateurs prennent leurs responsabilités. La négociation concernant le contrat de GDF Suez s’est formellement engagée en 2013 et va s’achever avant la promulgation de la loi. Concernant EDF, le processus de négociation va démarrer. Je m’engage bien sûr à intégrer dans le contrat les orientations retenues dans le cadre de ce texte.

La loi fixe des règles et engage des dynamiques, mais il ne faut pas laisser penser que nos interlocuteurs ne prennent pas leurs responsabilités et ne procèdent pas à la mise à jour des contrats de service.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je retire mon amendement compte tenu de ces précisions sur la feuille de route qui sera donnée aux entreprises.

L’amendement est retiré.

Article 50
(articles L. 121-6 à L. 121-28-1, L. 121-28-2 du code de l’énergie)

Comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité

1.  État du droit

L’article 50 du projet de loi procède à l’insertion dans le code de l’énergie d’un nouveau paragraphe, au sein de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier, relatif à la compensation des charges résultant des obligations de service public.

L’article L. 121-6 pose le principe selon lequel « les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques définies aux articles L. 121-7 et L. 121-8 sont intégralement compensées ». Cette compensation est assurée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), instituée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, qui vise :

– à compenser les charges de service public de l’électricité, qui sont supportées par les fournisseurs historiques, EDF pour l’essentiel, Électricité de Mayotte (EDM) et les entreprises locales de distribution (ELD), ainsi que les charges supportées par les fournisseurs alternatifs ayant des clients au « tarif de première nécessité » ;

– à financer le versement de la prime versée aux opérateurs d’effacement mentionnée à l’article L. 123-1 du code de l’énergie, instaurée par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013, dite loi « Brottes » ;

– à financer pour moitié le budget du Médiateur national de l’énergie, en application de l’article L. 121-13 du code de l’énergie.

Les charges de service public d’électricité couvrent :

– les surcoûts résultant des politiques de soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables (articles L.311-10, L.314-1 et L.121-27 du code de l’énergie) et les surcoûts résultant des contrats « appel modulable » (article 48 de la loi n° 2002-108 du 10 février 2000) ;

– la prime transitoire à la capacité pour les centrales de cogénération de plus de 12 MW (article L. 314-1-1 du code de l’énergie) ;

– les surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental (ZNI), dus à la péréquation tarifaire nationale (Corse, départements d’outre-mer, Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon et les îles bretonnes de Molène, d’Ouessant et de Sein). Les tarifs dans ces zones sont les mêmes qu’en métropole continentale alors même que les moyens de production y sont plus coûteux (article L.121-7 du code de l’énergie) ;

- les pertes de recettes et les coûts que les fournisseurs supportent en raison de la mise en œuvre de la tarification spéciale « produit de première nécessité » (TPN), en application du décret n° 2004-325 du 8 avril 2004, et de leur participation au dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité, prévu par un arrêté du 25 novembre 2005 ;

- les frais de gestion de la Caisse des dépôts et consignations (article L. 121-13 du code de l’énergie)

Schéma des charges financées par la contribution unitaire CSPE

La loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 a par ailleurs introduit une compensation exceptionnelle due à EDF d’un montant qui sera fixé par arrêté des ministres chargés de l’énergie et du budget et correspondant aux coûts de portage engendrés par le retard de compensation des charges imputables aux missions de service public définies aux articles L. 121-7 et L. 121-8 du code de l’énergie qu’elle a supportées jusqu’au 31 décembre 2012. Cette compensation exceptionnelle n’a pas été prise en compte pour le calcul de la contribution unitaire à appliquer en 2014.

Fonctionnement de la CSPE

Chaque année N, avant le 15 octobre, la CRE propose au ministre chargé de l’énergie les charges prévisionnelles de l’année N+1 et la contribution unitaire par kWh consommé en France permettant de les financer.

La proposition de la CRE est établie à partir de la déclaration de charges constatées pour l’année N-1 et à partir de la déclaration de charges prévisionnelles pour l’année N+1. Les déclarations sont effectuées par les opérateurs supportant des charges sur la base des règles définies par la CRE et doivent être envoyées à la CRE au plus tard le 31 mars et en juillet de l’année N en cours respectivement pour les charges constatées et prévisionnelles.

L’article L. 121-13 du code de l’énergie prévoit qu’à défaut de publication d’un arrêté fixant la CSPE de l’année N+1 au 31 décembre N, pris sur proposition de la CRE, c’est le montant de la CSPE proposé par la CRE qui entre en vigueur à partir du 1er janvier N+1, dans la limite d’une hausse de 3 €/MWh.

La contribution est due par tous les consommateurs finals d’électricité au prorata des kWh consommés (y compris les auto-producteurs).

Source : Commission de régulation de l’énergie

Comme le souligne l’étude d’impact, « la CSPE est donc un prélèvement obligatoire qui se comporte comme un impôt de répartition : le taux dépend directement des charges, dont la nature a été fixée par le législateur et dont le niveau est estimé annuellement par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour l’année à venir et n’est donc pas formellement fixé par le Parlement mais par l’exécutif. Aujourd’hui, les charges financées par la CSPE s’élèvent en montant annuel à 6,2 milliards d’euros – hors remboursement de la dette – et pourraient atteindre 9,5 milliards d’euros à l’horizon 2020. Le montant des charges pour une année N est très largement déterminé par des engagements pris au cours des années précédentes, par exemple sous forme de tarifs de rachat de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, garantis sur une vingtaine d’années. En outre, les décisions prises en matière de fixation des niveaux des tarifs de rachats ou de lancement d’appels d’offres ont un impact sur le rythme de réalisation des projets de raccordement de moyens de production d’électricité renouvelable, et ont donc un impact sur les engagements ».

Les charges de service public d’électricité prévisionnelles pour l’année 2014 sont évaluées à 8,4 Md€, dont 6,2 Md€ correspondent aux charges prévisionnelles au titre de 2014 et environ 2,2 Md€ à la régularisation de l’année 2012. D’après la CRE, jusqu’en 2010, la péréquation tarifaire générait le plus de charges mais depuis cette date, le poste « énergies renouvelables » est prépondérant (55 %), en raison essentiellement du fort développement du photovoltaïque et, dans une moindre mesure, de l’éolien. Les charges dues à la péréquation tarifaire représentent en 2012 environ le tiers des charges de service public.

Source : CRE

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Compte tenu de l’évolution de son montant, une meilleure maîtrise des charges de CSPE est nécessaire. Pour ce faire, l’article 50 a pour objet de renforcer la gouvernance de la CSPE et de mieux contrôler le dispositif.

L’article procède d’abord à une réorganisation légistique. Ainsi, les articles L. 121-6 à L. 121-28 sont regroupés au sein d’un paragraphe 1 relatif aux règles de la compensation des charges résultants des obligations de service public (alinéa 2). Il prévoit ensuite, au sein d’un nouveau paragraphe, la constitution d’un comité de gestion de la CSPE (alinéas 3 à 16) ainsi que les modalités d’association du Parlement à la maîtrise du dispositif (alinéas 17 et 18).

Le nouvel article L. 121-28-1 instaure donc un comité de gestion de la CSPE, dont la mission est le suivi et l’analyse prospective de l’ensemble des coûts couverts par la CSPE et de la CSPE en elle-même (alinéa 6). Pour ce faire, le comité de gestion est chargé :

– d’assurer un suivi semestriel des engagements pluriannuels pris au titre des coûts couverts par la CSPE, notamment s’agissant du soutien aux ENR dans le cadre des contrats d’achat prévus à l’article L. 314-1 et des appels d’offres prévus à l’article L. 311-10 du code de l’énergie, c’est-à-dire les deux instruments économiques permettant de favoriser le développement des énergies renouvelables (1° - alinéa 10) :

ü L’article L. 314-1 définit les tarifs d’obligation d’achat, qui imposent à l’opérateur historique une obligation d’achat de la production d’énergie obtenue à partir de sources renouvelables, à un tarif garanti sur une longue période : ils sont fixés par arrêtés ministériels après avis de la CRE, de façon à couvrir les coûts de production des exploitants et leur assurer une rémunération raisonnable. Le système des tarifs d’achat est un « guichet ouvert », qui ne permet pas de contrôler la quantité d’énergie qui bénéficie du soutien public ;

ü L’article L. 311-10 autorise le Gouvernement à lancer des appels d’offres (ou quotas avec enchères), qui permettent de fixer ex ante la puissance cumulée des installations d’énergie renouvelable bénéficiant du soutien public. Sous cette contrainte globale, les projets sont sélectionnés notamment en fonction du prix d’achat proposé par les candidats. Le tarif d’achat correspond à celui proposé par le candidat dans son offre. La procédure d’appels d’offres permet de maîtriser la production d’énergie renouvelable qui bénéficie du soutien public.

– d’estimer annuellement l’évolution de ces engagements, sur une période de cinq ans (2° - alinéa 11) ;

– d’assurer le suivi de la CSPE et d’établir, au moins une fois par an, des scénarios d’évolution dont il évalue la soutenabilité (3° - alinéa 12) ;

– de donner un avis préalable sur le volet consacré aux charges couvertes par la CSPE (4° - alinéa 13) ;

– de donner un avis aux ministres chargés de l’énergie et du budget s’il est sollicité (5° - alinéa 14).

Pour la réalisation de ces missions, le comité peut accéder à toute une série d’informations : comptabilité des entreprises intervenant dans le secteur électrique ainsi qu’aux informations économiques, sociales, et financières nécessaires à l’exercice de ses missions. Bien évidemment, les membres du comité sont soumis à une obligation de confidentialité (alinéa 15).

Les modalités de constitution du comité de gestion sont intégralement renvoyées au pouvoir réglementaire. Selon l’étude d’impact néanmoins, le comité de gestion sera composé de parlementaires, de représentants des ministères concernés, de la Cour des comptes et de la CRE, ainsi que de personnalités qualifiées (alinéa 16). Votre co-rapporteur propose d’inscrire cette composition dans la loi.

Le nouvel article L. 121-28-2 prévoit qu’un rapport relatif à la gestion de la CSPE soit annexé au projet de loi de finances (sous la forme d’un « jaune ») afin de permettre au Parlement de suivre davantage l’évolution des charges couvertes par la CSPE. Les annexes générales, les « jaunes » sont celles prévues par les lois et règlements et destinées à l’information et au contrôle du Parlement. Leur dépôt intervient tout au long de la discussion budgétaire et leur nombre est variable, certaines d’entre elles n’ayant pas une périodicité annuelle. Ces documents budgétaires de portée informative, doivent être déposés sur le bureau des assemblées et distribués au moins cinq jours francs avant l’examen, par l’Assemblée nationale en première lecture, des recettes ou des crédits auxquels elle se rapporte, conformément à l’article 39 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur s’est interrogé, à la lecture du projet de loi, sur la pertinence de ces dispositions. En effet, il lui est apparu que la plupart des missions assignées à ce comité de gestion étaient d’ores et déjà exercées par la Commission de régulation de l’énergie, la seule véritable avancée consistant en la remise au Parlement d’un « jaune » budgétaire consacré à la CSPE. Toutefois, à l’issue des auditions, il s’est convaincu qu’un tel dispositif pourrait utilement renforcer la gouvernance de la CSPE. La nécessité de consolider la CSPE n’est plus à démontrer, comme l’illustrent d’ailleurs les procédures menées ou en cours devant le Conseil constitutionnel, dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité.

Votre co-rapporteur en est convaincu, il est urgent de revisiter la CSPE, dont le principe doit être maintenu en raison de son importance pour le déploiement des énergies renouvelables et la garantie de la péréquation financière. À ce titre, une réflexion approfondie devrait être menée sur l’élargissement de l’assiette de la CSPE à l’ensemble des énergies. Le Gouvernement a fait part de son intention de procéder à quelques aménagements de la CSPE dans le cadre des prochaines discussions budgétaires. Au-delà, votre co-rapporteur espère que les travaux de la commission d’enquête relative aux tarifs de l’électricité, créée le 10 septembre dernier par votre assemblée, permettront d’identifier les pistes de réforme susceptibles de conforter et de sécuriser la CSPE.

S’agissant de l’article 50, votre co-rapporteur a simplement proposé de fixer dans la loi les grandes lignes de la composition du comité de gestion. Ainsi, en cohérence avec l’exposé des motifs du projet de loi, il a présenté un amendement indiquant que le comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité serait notamment composé de parlementaires, de représentants de l’État, de magistrats de la Cour des Comptes et de représentants de la Commission de régulation de l’énergie. La ministre s’étant engagée à associer le Parlement à la définition de la composition de ce comité, votre rapporteur a retiré cet amendement.

Aucun amendement n’a été adopté par votre commission à cet article.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS552 de M. Jean Launay.

M. Jean-Luc Laurent. Je le retire, car il est lié à l’amendement CS551.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1421 de M. Victorin Lurel.

Mme Ericka Bareigts. Afin de veiller à la bonne représentation des intérêts des zones non interconnectées, cet amendement vise à permettre au ministre des outre-mer de saisir le comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité pour toute question relative au suivi et à l’évaluation des politiques de péréquation.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait. Le Gouvernement a fait le choix de confier à ce comité une mission bien ciblée : le suivi, l’analyse prospective. Il analysera en particulier l’évolution du montant des charges, son impact sur les prix de l’énergie, l’évolution du montant unitaire de la CSPE. En revanche, le comité de gestion n’a pas vocation à être le lieu des discussions sur le service public de l’électricité, en particulier sur la péréquation tarifaire. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2246 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de préciser dans la loi la composition du comité de gestion, afin de s’assurer qu’elle comprend notamment des parlementaires, des représentants de l’État, des magistrats de la Cour des comptes et des membres de la Commission de régulation de l’énergie.

Mme la ministre. Il n’est pas utile de le préciser dans la loi. Je vous consulterai sur le décret que je prendrai pour constituer ce comité de gestion et je retiendrai vos propositions.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1052 de M. Victorin Lurel.

M. Christophe Bouillon. Cet amendement est défendu.

Mme la ministre. Cet amendement porte aussi sur la composition du comité de gestion. Je vous remercie pour vos propositions. Je veillerai à ce que le comité de gestion intègre les préoccupations exprimées, en l’occurrence à la représentation des zones non interconnectées et des outre-mer.

M. le président François Brottes. Cette question est vitale. Nous avons dû forcer la porte de la CRE pour que les zones non interconnectées soient représentées. Merci de votre vigilance.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 50 sans modification.

Après l’article 50

La Commission examine l’amendement CS1900 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable, car la CRE organise régulièrement des consultations dont le format est adapté en fonction des sujets qu’elle a à traiter. La création de commissions consultatives permanentes pour chaque catégorie de parties prenantes va compliquer et rigidifier un système. D’une façon générale, prenons garde à l’alourdissement de toutes ces procédures. Il faut garder aux procédures de consultation une certaine flexibilité et de la réactivité. Il faut faire en sorte que le souhait d’un meilleur fonctionnement soit intégré dans les feuilles de route que nous donnons à la commission consultative des autorités organisatrices de la distribution publique d’énergie.

M. Denis Baupin, rapporteur. Même avis.

M. Jean-Luc Laurent. Je retire l’amendement, mais je trouve dommage qu’il n’y ait aucune représentation des territoires.

M. Denis Baupin, rapporteur. Sauf erreur, depuis l’adoption de la loi Brottes, un membre du collège de la CRE a cette compétence.

M. le président François Brottes. Le collège comprend des représentants des zones non interconnectées, des consommateurs, de la sensibilité EnR, des services publics locaux de l’énergie. La réforme du collège visait précisément à faire en sorte que cette sensibilité s’exprime : un membre, nommé par le président du Sénat, représente les collectivités territoriales.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1902 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement propose d’élargir la composition du Conseil supérieur de l’énergie à des représentants d’associations de collectivités intéressées à la production et à la distribution d’électricité, de gaz et de chaleur ou de froid, et d’associations généralistes de collectivités.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait dans la mesure où les collectivités locales et les autorités organisatrices de la distribution sont déjà représentées au Conseil. À la faveur des prochaines nominations, nous veillerons à ce que les collectivités locales soient encore mieux représentées, car c’est l’esprit de ce texte qui consacre la montée en puissance d’une citoyenneté énergétique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1054 de M. Jean Launay.

M. Christophe Bouillon. Compte tenu de la réponse apportée précédemment à mon collègue Jean-Luc Laurent, je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

Article 51
(articles L. 11-72, L. 111-73, L. 111-77, L. 111-80 à L. 111-82, L. 133-6, L. 142-1, L. 142-3,
L. 142-4, L. 142-9-1 [nouveau] du code de l’énergie)

Amélioration de l’accès aux données de production et de consommation d’énergie et registre national des installations de production et de stockage d’électricité

1.  État du droit

L’article 51 procède à de multiples modifications du code de l’énergie permettant d’améliorer l’accès des services de l’État aux informations relatives au système énergétique. Il instaure par ailleurs un registre national des installations de production et de stockage d’électricité.

L’article L. 133-6 du code de l’énergie a trait aux compétences des agents et membres de la CRE. Ces dispositions, codifiées par l’ordonnance précitée, sont issues de plusieurs lois : la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie et la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

Aux termes de cet article, les membres et agents de la Commission de régulation de l’énergie exercent leurs fonctions en toute impartialité, sans recevoir d’instruction du Gouvernement, ni d’aucune institution, personne, entreprise ou organisme. Ils sont par ailleurs tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions. En particulier, les membres et agents de la commission ne communiquent pas les documents administratifs qui sont protégés par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. Afin de garantir cette disposition, il est prévu que le non-respect du secret professionnel, établi par une décision de justice, entraîne la cessation d’office des fonctions au sein de la Commission de régulation de l’énergie. Toutefois, les évolutions législatives ont prévu que l’obligation de secret professionnel ne fait pas obstacle à la communication par la Commission de régulation de l’énergie des informations ou documents qu’elle détient aux commissions du Parlement compétentes en matière d’énergie, à l’Autorité des marchés financiers ou à une autorité d’un autre État membre de l’Union européenne exerçant des compétences analogues à celles de la Commission de régulation de l’énergie, sous réserve de réciprocité et à condition que ses membres et ses agents soient astreints aux mêmes obligations de secret professionnel que celles définies au présent article.

L’article L. 142-1 du code de l’énergie précise que toute personne physique ou morale qui produit, transporte, distribue, importe, stocke, exporte ou fournit de l’énergie adresse à l’autorité administrative les données, dont la liste est définie par arrêté, relatives à son activité qui sont nécessaires :

1° à l’application des dispositions du code de l’énergie relatives à la politique énergétique ;

2° à l’établissement de statistiques aux fins d’élaboration de la politique énergétique ;

3° à l’information des organismes spécialisés, dans le cadre des engagements internationaux de la France.

Ces dispositions sont issues de l’article 10 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie. Initialement, il était également prévu que la synthèse de ces données était communiquée au Parlement par le Gouvernement. Elle fait, le cas échéant, l’objet d’une publication.

L’article L. 142-3 du code de l’énergie prévoit que les agents chargés de recueillir et d’exploiter les données mentionnées à l’article L. 142-1 sont tenus au secret professionnel. À ce titre, les informations sont recueillies sans préjudice des dispositions de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, qui dresse la liste des documents non communicables (parmi lesquels les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives, certains documents de la Cour des comptes, les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la monnaie et au crédit public… )

Toutefois, le dernier alinéa de l’article L. 142-3 précise que l’autorité administrative peut décider de rendre publiques les données relatives à la puissance raccordée aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité des installations de production d’électricité.

L’article L. 142-4 du code de l’énergie précise que pour l’accomplissement des missions qui lui sont confiées dans les secteurs de l’électricité et du gaz, le ministre chargé de l’énergie recueille les informations nécessaires auprès de la Commission de régulation de l’énergie, du ministre chargé de l’économie, auprès des gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, des opérateurs des ouvrages de transport ou de distribution de gaz naturel et des exploitants des installations de gaz naturel liquéfié, ainsi qu’auprès des autres entreprises intervenant sur le marché de l’électricité ou du gaz naturel.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 51 améliore les conditions d’accès à l’information des agents des services de l’État, selon plusieurs modalités :

– il assouplit le régime de confidentialité auquel sont soumis les agents de la CRE ;

– il autorise la transmission d’informations sensibles par les agents de la CRE aux agents des ministères chargés du suivi de la politique énergétique ;

– il élargit la nature des données devant être transmises à l’autorité administrative par toute personne physique ou morale qui produit, transporte, distribue, importe, stocke, exporte ou fournit de l’énergie ;

– il donne la possibilité à l’autorité administrative de déléguer le recueil de ces informations à des établissements publics, des gestionnaires de réseaux de transport et des gestionnaires de réseaux de distribution ou à des tiers ;

– il assouplit les conditions de publicité de ces informations.

Ainsi, le I. procède à la modification de l’article L. 133-6 du code de l’énergie afin, d’une part, d’apporter une précision juridique et, d’autre part, de préciser que les agents et membres de la CRE sont autorisés à transmettre les informations en leur possession aux fonctionnaires chargés de recueillir, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique énergétique nationale et de son analyse, des données auprès des acteurs économiques intervenant dans le secteur énergétique – producteurs, transporteurs, distributeurs, stockeurs, importateurs, exportateurs (alinéas 1 à 3).

Le II. procède à la modification de plusieurs articles du chapitre II du titre IV du livre Ier du code de l’énergie (alinéas 4 à 22).

Le modifie l’article L. 142-1 du code de l’énergie.

Le a) complète le deuxième alinéa. Est ainsi précisé que les données nécessaires à l’application des dispositions du code de l’énergie relatives à la politique énergétique contiennent notamment les données économiques nécessaires à l’élaboration des dispositions réglementaires définissant les dispositifs de soutien à la production de certaines formes d’énergie. Votre co-rapporteur doute de la pertinence comme de l’apport de cette formulation d’un point de vue juridique. Peut-être aurait-il fallu plutôt indiquer que l’autorité administrative était fondée à recueillir les données nécessaires à la mise en œuvre de la transition énergétique…

Le b) ajoute au troisième alinéa une disposition prévoyant que l’autorité administrative peut non seulement se voir communiquer des données destinées à l’établissement de statistiques aux fins d’élaboration de la politique énergétique, mais également « au suivi de sa mise en œuvre ».

Le c) complète cet article par l’ajout d’un alinéa, autorisant l’autorité administrative à déléguer le recueil des informations nécessaires à l’application des dispositions du code de l’énergie relatives à la politique énergétique, à l’établissement de statistiques aux fins d’élaboration de la politique énergétique ou à sa mise en œuvre et à l’information des organismes spécialisés, dans le cadre des engagements internationaux de la France. Cette délégation peut être confiée à des établissements publics, aux gestionnaires des réseaux de transport et de distribution ou à des tiers présentant des garanties d’indépendance à l’égard des producteurs, des fournisseurs et des opérateurs d’effacement. Afin de respecter le secret des affaires, il est précisé que les personnes chargées d’une telle mission sont tenues au secret professionnel. Par ailleurs, elles ne sont chargées que de la collecte des données, devant les transmettre à l’autorité administrative, seule à même de procéder à une analyse.

Le procède à une nouvelle rédaction du troisième alinéa de l’article L. 142-3. Ainsi plutôt que d’indiquer que l’autorité administrative peut décider de rendre publiques les données relatives à la puissance raccordée aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité des installations de production d’électricité, il est proposé de confier au ministre chargé de l’énergie la responsabilité de désigner les services de l’État et les établissements publics habilités à recueillir et exploiter des informations dont la divulgation serait susceptible de porter atteinte au secret des affaires, ainsi que celle de préciser les conditions et les modalités d’exploitation de nature à garantir ce secret et d’arrêter la nature des informations pouvant être rendues publiques. Ces dispositions ne font pas obstacle à la communication des informations relatives à l’environnement, garantie par le chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l’environnement.

Le procède à une simple modification d’ordre légistique, destinée à réorganiser les dispositions modifiées.

Le modifie l’article L. 142-4 du code de l’énergie, en ajoutant les établissements publics du secteur de l’énergie à la liste des structures auprès desquelles le ministre chargé de l’énergie recueille les informations nécessaires à l’accomplissement des missions qui lui sont confiées dans les secteurs de l’électricité et du gaz. À titre d’exemple, sont concernés l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), l’IFP-EN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)…

Le procède à l’insertion d’un nouveau paragraphe 2 au sein de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier du code de l’énergie, qui prévoient des dispositions spécifiques à l’électricité. Ce paragraphe est composé d’un article unique relatif à la création d’un registre national des installations de production et de stockage de l’électricité.

Le nouvel article L. 142-9-1 pose le principe d’un tel registre, établi par RTE et mis à disposition du ministre chargé de l’énergie. Ce registre répertoriera les installations raccordées aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. Les GRD auront une obligation de transmission à RTE des informations relatives aux installations raccordées à leurs réseaux. Un décret en Conseil d’État fixera la liste des catégories d’information ne pouvant être transmises qu’à des agents habilités, et ce dans un objectif de garantie du secret des affaires. Par ailleurs, les modalités d’application de cet article sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

Ces dispositions revêtent une importance particulière même si, aujourd’hui, RTE réalise déjà un recensement. Il s’agit ici néanmoins d’aller plus loin, en élargissant le champ de ce registre aux installations raccordées aux réseaux de distribution, ce qui est cohérent au regard de la multiplication des intervenants dans le secteur de l’énergie. Confier la réalisation d’un tel registre à RTE, acteur indépendant, neutre et transparent, permettra d’assurer l’objectivité des informations transmises aux pouvoirs publics.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur soutient pleinement ces dispositions qui visent à améliorer l’accès des services de l’État aux informations relatives au système énergétique. Il a néanmoins déposé un amendement visant à faciliter l’accès aux données de consommation permettant d’orienter efficacement les dispositifs de soutien en matière d’efficacité énergétique, que votre commission a adopté.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement du Gouvernement, ayant pour objet :

– d’élargir les dispositions actuelles par la mise à disposition de données plus fines que la maille communale et en élargissant les acteurs publics concernés au-delà des autorités concédantes et du service statistique du ministère (SOeS) ;

– de renforcer l’obligation des gestionnaires du réseau public de distribution d’énergie de mettre à disposition des données de consommation, de production et de transport à une maille si possible plus fine que la maille communale, telle que la maille IRIS (2 000 habitants).

Les collectivités territoriales pourront ainsi disposer des données techniquement disponibles auprès des distributeurs et des transporteurs dont elles ont besoin pour assumer les responsabilités précitées. La répartition précise des rôles des opérateurs sera définie par voie réglementaire. Pour les distributeurs et les transporteurs, la définition par voie réglementaire d’un cadre de mise en œuvre leur permettra d’exercer leur mission de gestionnaire des données en fixant un cadre à la production et la communication des informations, ce qui est nécessaire aux développements techniques futurs et à la prise en charge des coûts afférents.

Cette information sera assurée dans le respect de la réglementation en vigueur notamment en matière de protection des informations commercialement sensibles – article L. 11177 du code de l’énergie et décret n°2004183 du 18 février 2004 – et de protection des données à caractère personnel – loi n°7817 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés – tout en prenant en compte les limites apportées à cette réglementation par l’article L. 1244 du code de l’environnement. En effet, s’agissant de données relatives à l’environnement, cet article confie à l’autorité administrative la responsabilité d’apprécier au cas par cas l’opportunité et les conditions de certaines diffusions commercialement sensibles ou couvertes par le secret statistique, et de déléguer cette diffusion le cas échéant.

*

* *

Mme la ministre. Tel que vous venez de le modifier, mesdames et messieurs les députés, l’article 50 dote la CSPE d’un comité de gestion qui aura pour mission la supervision des charges couvertes, des engagements pluriannuels et de la contribution unitaire. Le dispositif traduit notre souci de protection du consommateur et de transparence.

M. Serge Letchimy. Je rappelle que la question de la gouvernance locale d’EDF est également primordiale.

S’agissant de la CSPE, ne pourrait-on imaginer un système de gouvernance analogue à celui de la CRE, laquelle assure une représentation technique spécifique pour les zones non interconnectées ? Les stratégies énergétiques de ces zones sont en effet très différentes et ont partie liée à des technologies très innovantes en matière de géothermie, d’énergie thermique en mer et de biomasse, par exemple.

Mme la ministre. Cela rejoint tout à fait mes préoccupations.

M. le président François Brottes. Les outre-mer peuvent être des territoires d’innovation dans ce domaine et mériteraient plus d’attention de la part de nos opérateurs principaux.

La Commission est saisie de l’amendement CS2342 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit de faciliter l’accès aux données utiles pour les économies d’énergie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS2365 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’article 51 aménage l’accès aux informations nécessaires à la politique énergétique et permet au Gouvernement de déléguer la collecte des informations à des tiers qui présentent des garanties d’indépendance à l’égard des acteurs opérant sur le marché concurrentiel. Il prévoit la création d’un registre des installations de production et de stockage d’électricité, mis à la disposition du ministre chargé de l’énergie pour améliorer le pilotage de la politique énergétique.

Cet amendement complète le dispositif en prévoyant la mise à disposition de données plus fines que la maille communale et en étendant le nombre d’acteurs publics concernés au-delà des autorités concédantes. Il vise à répondre aux attentes des collectivités chargées des politiques de transition énergétique, en particulier pour ce qui est de la maîtrise de la demande d’énergie, des énergies renouvelables et de la lutte contre la précarité énergétique, ainsi qu’en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Il renforce enfin l’obligation faite aux gestionnaires du réseau public de distribution d’énergie de mettre à disposition des données de consommation, de production et de transport.

M. Denis Baupin, rapporteur. Avis très favorable. Ces dispositions avaient fait l’objet d’un consensus fort lors du débat national sur la transition énergétique. L’amendement permettra d’améliorer significativement le ciblage des actions des collectivités territoriales, qui le demandaient depuis longtemps. C’est une bonne nouvelle !

M. le président François Brottes. Cet amendement est en effet très attendu.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS1894 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement prévoit que chaque organisme de distribution communique aux autorités organisatrices de distribution l’ensemble des données énergétiques relatives à leur territoire. Cette proposition a été formulée lors du débat national sur la transition énergétique par le groupe de travail sur la distribution d’énergie.

Mme la ministre. Elle est satisfaite par l’amendement qui vient d’être voté.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 51 modifié.

Article 52
Adaptation des politiques de l’emploi aux effets de la transition écologique et énergétique

1.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 52 pose le principe selon lequel les politiques d’emploi et de dialogue social tant au niveau des branches professionnelles que des entreprises consacrent une attention particulière à l’accompagnement des transitions professionnelles afférentes à la transition écologique et énergétique.

2.  Position de votre co-rapporteur

S’il soutient l’objectif porté par cet article, votre co-rapporteur considère qu’il est insatisfaisant en l’état. La rédaction du projet de loi est en effet totalement dénuée de portée normative. Afin de remédier à cette lacune, votre co-rapporteur a déposé un amendement poursuivant deux objectifs.

Premièrement, il s’agit de compléter les dispositions générales de l’article initial en intégrant dans le dispositif législatif la proposition du Conseil économique, social et environnemental, issue de son avis du 18 juillet 2014 sur le projet de loi, de mettre en place un plan de programmation de l’emploi et des compétences (PPEC). Il est ainsi proposé que l’État élabore, en concertation avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales, un plan de programmation de l’emploi et des compétences tenant compte des orientations fixées par la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ce plan indiquera les besoins d’évolution en matière d’emploi et de compétences sur les territoires et dans les secteurs professionnels au regard de la transition écologique et énergétique. Il incitera l’ensemble des acteurs au niveau régional à mesurer et à structurer l’anticipation des évolutions sur l’emploi et les compétences induites par la mise en œuvre des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie et des plans climat, air, énergie territoriaux. Cette proposition, qui a pu être soumise aux partenaires sociaux à l’occasion des auditions menées par la commission spéciale, a reçu leur plein assentiment.

Deuxièmement, il est proposé de modifier les articles L. 2241-2, L. 2323-7-1, L. 232312, L. 51111 et L. 53131 du code du travail, conformément aux conclusions du Débat national sur la transition énergétique, afin d’intégrer la prise en compte de l’impact de la transition énergétique et écologique au moment de la négociation de branche annuelle, dans les orientations que le comité d’entreprise fixe annuellement, lorsque celui-ci est consulté sur la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise, pour la délivrance des aides à l’emploi et dans le cadre de la mission d’observation exercée par les maisons de l’emploi.

Votre commission n’a pas adopté cet amendement, ce que regrette votre co-rapporteur. Alors que le Gouvernement avance régulièrement l’argument selon lequel le texte initial ne doit pas être amplement modifié au motif qu’il a fait l’objet d’une large concertation préalablement à son dépôt devant le Parlement, il est en effet dommage que des propositions ayant reçu l’aval des partenaires sociaux – et figurant d’ailleurs dans les premières versions du projet de loi – ne puissent prendre force de loi.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS2343 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Nos auditions ont fait apparaître la volonté de renforcer l’article 52, en l’état assez sommaire. J’ai pris le soin de m’assurer auprès des organisations syndicales et patronales qu’elles étaient bien d’accord avec le contenu de cet amendement, qui reprend les propositions adoptées de façon consensuelle par un des groupes de travail du débat national sur la transition énergétique.

Il s’agit d’abord de poser les principes du plan de programmation de l’emploi et des compétences que préconise le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Il s’agit ensuite d’intégrer la prise en compte de l’impact de la transition énergétique et écologique à différentes dispositions du code du travail.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l’article, qui inscrit l’objectif de prise en compte des impacts de la transition écologique et énergétique dans le champ de l’emploi, du dialogue social et de la formation professionnelle. Il serait contre-productif de rigidifier et d’alourdir les procédures. Je souhaite que les efforts de l’État se portent en priorité sur la mise en œuvre concrète de la transition énergétique dans les territoires et dans les entreprises. Laissons aux partenaires sociaux et aux collectivités territoriales le soin de dialoguer et de s’organiser, faisons confiance aux forces vives de notre pays !

M. Denis Baupin, rapporteur. Ce que nous ont dit les partenaires sociaux, c’est qu’ils souhaitaient cette impulsion de notre part. La transition énergétique s’accompagne de la création de beaucoup de nouveaux métiers, par exemple ceux d’ensemblier dans le domaine de la rénovation thermique des bâtiments. Il est nécessaire de qualifier ces compétences dans les conventions collectives. Ne pourrions-nous conserver la première partie de l’amendement afin d’envoyer un signal ?

Mme la ministre. Pardonnez-moi, mais la démarche proposée est très datée. Le temps que l’on consacre à élaborer des plans de programmation qui finiront dans un tiroir, c’est le temps que l’on ne consacre pas aux projets concrets de territoires à énergie positive, de contrats locaux de transition énergétique, de « territoires zéro gaspillage zéro déchets », de l’installation de 1 500 méthaniseurs, etc.

En matière de formation professionnelle, ce sont les régions qui sont compétentes. Laissons-les se saisir de la transition énergétique et mettre en place les qualifications nécessaires en partenariat avec les filières, et laissons les partenaires des filières négocier entre eux ! Que les régions agissent en interrégionalité pour créer des pôles de compétitivité, que les outre-mer déterminent eux-mêmes le profil de leurs formations professionnelles et la structuration de leurs entreprises !

M. Serge Letchimy. Nous devons en effet nous garder de l’enthousiasme que peut provoquer l’idée de plan. La loi fixe le cadre conceptuel et les objectifs, qui sont d’ailleurs des objectifs vitaux pour l’humanité tout entière. Pour le reste, mieux vaut partir des projets locaux et des actions concrètes. Il existe déjà, au niveau régional, des outils de planification de la formation professionnelle : il faut les utiliser pour réaliser, en concertation avec les entrepreneurs, des plans de compétences correspondant réellement à des programmes de développement et d’investissement.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je veux bien retirer cet amendement qui, soit dit en passant, ne fait que reprendre soit l’avant-projet de loi, soit les propositions du CESE. Mais votre collègue chargé de l’emploi, madame la ministre, ne pourrait-il inscrire dans l’agenda des prochaines conférences sociales un volet consacré à la transition énergétique et aux évolutions des métiers ?

Mme la ministre. C’est une bonne idée.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 52 sans modification.

Après l’article 52

La Commission est saisie de l’amendement CS1055 de Mme Monique Rabin.

M. Christophe Bouillon. Cet amendement réaffirme le rôle des régions en matière de transition énergétique et de formation professionnelle, et prévoit l’élaboration de nouveaux référentiels de formation. Plusieurs régions ont d’ailleurs pris des initiatives en ce sens.

Mme la ministre. Ce n’est qu’un rappel. Est-il bien utile de l’inscrire dans la loi ?

L’amendement est retiré.

Article 53
(articles L. 144-1A [nouveau] et L. 144-1 du code de l’énergie)

Recherche et innovation dans le domaine de la politique énergétique

1.  État du droit

L’article 53 du projet de loi procède à l’insertion de dispositions fixant les objectifs de la politique énergétique, et à une nouvelle rédaction de l’article L. 144-1 du code de l’énergie relatif à la stratégie nationale de la recherche énergétique.

En l’état actuel, l’article L. 144-1 du code de l’énergie confère aux ministres chargés de l’énergie et de la recherche la responsabilité d’arrêter et de rendre publique une stratégie nationale de la recherche énergétique. Définie pour une période de cinq ans et fondée sur les objectifs définis au titre préliminaire du code de l’énergie, cette stratégie précise les thèmes prioritaires de la recherche dans le domaine énergétique et organise l’articulation entre les recherches publique et privée. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) est chargé d’évaluer cette stratégie et sa mise en œuvre.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 53 vise à poser les principes de la recherche et de l’innovation dans le domaine de la politique énergétique, conformément aux orientations de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « ESR ». Par ailleurs, il procède à l’actualisation de l’article L. 144-1 qui définit la stratégie nationale de la recherche énergétique.

Le I. de l’article, non codifié, insiste sur l’importance de la recherche et de l’innovation en matière d’énergie, et rappelle leurs grands principes et objectifs : sécurité énergétique, soutien de la compétitivité globale de l’économie, préservation de la santé humaine et de l’environnement, limitation du risque climatique, gestion des ressources et de la cohésion sociale et territoriale. L’accent est mis sur l’accompagnement par l’État des activités de recherche dans le domaine des transports et de la mobilité, et notamment dans le domaine du transport aérien.

Les objectifs assignés à la politique de recherche et d’innovation en matière énergétique sont les suivants :

– renforcer le financement public et privé de la recherche pour la transition énergétique ;

– garantir un effort de recherche suffisant à court et à long terme ;

– permettre le développement d’un portefeuille de technologies de maturités variées visant un bouquet énergétique diversifié, une efficacité et une sobriété énergétique accrue pour répondre aux défis de la transition énergétique jusqu’à l’horizon 2050 ;

– préparer les ruptures technologiques ;

– favoriser le transfert de la recherche fondamentale à la recherche appliquée et industrielle ;

– présenter une efficacité maximale en termes de retombées économiques pour la France ;

– développer la pluridisciplinarité ;

– inciter à la coopération internationale.

Le II. procède à l’actualisation de l’article L. 144-1 du code de l’énergie relatif à la stratégie nationale de la recherche énergétique, afin d’assurer la cohérence avec la stratégie nationale de la recherche introduite par la loi « ESR » précitée. Par ailleurs, il est indiqué que la stratégie nationale de la recherche énergétique devra prendre en compte les orientations définies par la stratégie bas-carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie. Votre co-rapporteur note également qu’ont été supprimées les dispositions prévoyant la présentation de cette stratégie devant l’OPECST, et son évaluation par cet organisme.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre co-rapporteur salue l’initiative du Gouvernement de dresser la liste des objectifs assignés à la politique de recherche et d’innovation dans le domaine énergétique. Afin de conforter ces dispositions, votre co-rapporteur a proposé de les codifier dans le code de l’énergie, par la création d’une nouvelle section au sein du chapitre IV du titre IV du livre Ier, consacrée aux objectifs de cette politique.

Par ailleurs, outre quelques amendements rédactionnels ou de précision, votre co-rapporteur a proposé de compléter la liste de ces objectifs afin d’y inclure :

– l’identification de solutions permettant de prémunir notre pays des risques industriels. Votre commission n’a pas adopté cet amendement ;

– l’identification de solutions permettant d’accroître l’efficacité énergétique et de développer les ENR, conformément aux objectifs renouvelés par l’article 1er du projet de loi ;

– l'identification de solutions permettant de réduire le bruit émis dans le domaine aérien. Votre commission n’a pas adopté cet amendement ;

– l’atteinte des objectifs quantitatifs définis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, en plus de ceux mentionnés aux articles L. 100-1 et L. 100-2. Votre commission n’a pas adopté cet amendement ;

– les travaux en matière d’innovation organisationnelle ou sociétale, la sobriété énergétique étant accrue grâce à des leviers comme la rationalisation des espaces ou la mutualisation des équipements. Votre commission n’a pas adopté cet amendement ;

Par ailleurs, votre commission a adopté une série d’amendements rédactionnels ainsi qu’un amendement de M. Serge Letchimy visant à préciser que la politique de recherche et d’innovation vise à favoriser le développement des énergies nouvelles dans les départements d’outre-mer en apportant une attention toute particulière aux études concernant les procédés de stockage.

*

* *

Mme la ministre. L’article 53 affirme le rôle de la recherche et de l’innovation dans la transition énergétique et précise les modalités d’élaboration de la stratégie nationale de recherche en énergie. Cette stratégie est complétée par les stratégies de filière : ainsi, onze des trente-quatre filières industrielles d’avenir concernent la transition énergétique, preuve s’il en est des promesses de ce domaine en termes d’innovation et de recherche, donc de création d’activité et d’emploi. Il s’agit véritablement du ressort de la croissance verte et de la sortie de crise.

La Commission est saisie de l’amendement CS2209 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement vise à codifier les dispositions de cet article.

Mme la ministre. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS2344 du même auteur.

Mme la ministre. Avis défavorable.

M. Denis Baupin, rapporteur. La proposition est pourtant en cohérence avec l’article 1er.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels ou de précision CS2345, CS2234 et CS2235 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CS2346 du même auteur.

Mme la ministre. Avis défavorable. La réduction des bruits émis par le secteur aéronautique contribue à la préservation de la santé humaine et de l’environnement, telle que mentionnée à l’alinéa 1.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de cohérence CS2210 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CS2347 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit de préciser que la recherche doit également porter sur les innovations organisationnelles et sociétales, qui ont, elles aussi, des effets importants sur la consommation énergétique.

Mme la ministre. Avis défavorable. Cette formulation a pour effet de clore le champ visé par le texte. De plus, l’acceptabilité sociale fait déjà partie des enjeux de la recherche et de l’innovation décrits à l’alinéa 9 et des thématiques multidisciplinaires.

M. le président François Brottes. Ce n’est pas parce qu’une chose n’est pas mentionnée par la loi qu’elle n’entre pas dans son champ. A contrario, à trop vouloir cibler tel ou tel aspect, on risque d’en exclure d’autres.

M. Denis Baupin, rapporteur. J’entends bien. Mais la rédaction actuelle de l’article est très centrée sur la technologie et les « sciences dures ». Elle donne l’impression que seuls ces éléments seront pris en compte, ce qui est dommage. On n’a que trop tendance, dans le domaine de l’énergie, à sous-estimer le rôle des comportements dans les évolutions.

Mme la ministre. Le texte comporte déjà des sections consacrées à la santé et à la gouvernance. Nous veillerons par ailleurs à ce que les protocoles de recherche prennent en compte la question de l’interaction entre l’énergie et l’organisation de la société.

M. Denis Baupin, rapporteur. En matière de mobilités, par exemple, beaucoup d’enjeux énergétiques sont liés aux comportements.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement rédactionnel CS2236 du rapporteur.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. Serge Letchimy. Ni « outre-mer » ni « territoires français ultramarins » n’ont grand sens. Qui est de l’autre côté de la mer ? L’hexagone, ou nous ?

M. Denis Baupin, rapporteur. Excellente remarque !

M. Serge Letchimy. Avec la mutation écologique et énergétique, qui peut savoir s’il sera demain au centre ou à la périphérie ?

Mme la ministre. Tout à fait !

M. Serge Letchimy. Outre le fait que, pour moi, ces termes n’ont sociologiquement, historiquement et politiquement aucun sens, la Constitution a déjà imprimé une évolution par rapport au conservatisme intellectuel et sémantique concernant l’outre-mer : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, etc., y sont appelées par leur nom.

La Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CS1056 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. La production d’énergie renouvelable dans les départements d’outre-mer est en grande partie intermittente. Il faut que la technologie s’y adapte rapidement, moyennant un effort conséquent en matière d’études sur le stockage aussi bien pour la grande production que pour l’autoproduction et pour les véhicules électriques. Il ne suffit pas d’adapter les appels d’offres à nos pays, il faut donner du poids à l’innovation technologique locale. S’agissant de l’énergie thermique en mer (ETM), on a déployé une véritable ingénierie de l’organisation et du développement.

Mme la ministre. Avis favorable. C’est une très bonne initiative.

M. Denis Baupin, rapporteur. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels ou de précision CS2237 à CS2239 du rapporteur.

Elle adopte enfin l’article 53 modifié.

Article 54
(articles L. 321-6-1 [nouveau], L. 322-8, L.431-3 et L. 432-8 du code de l’énergie)

Adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’efficacité énergétique

L’article 54 vise à transcrire en droit national les dispositions du droit européen s’agissant des obligations qui pèsent sur les opérateurs énergétiques publics en matière d’efficacité énergétique. Il s’agit de transcrire en droit national les dispositions de la directive 2012/27/UE relative à l'efficacité énergétique. Ainsi, les dispositions de la directive 2012/27/UE imposent aux gestionnaires de réseaux d’énergie des actions en matière d’efficacité énergétique, notamment en ce qui concerne la minimisation des pertes d’énergie liées au transport de l’énergie. Par ailleurs, la tenue des objectifs en matière de développement des énergies renouvelables nécessite une implication forte des gestionnaires de réseaux pour intégrer les énergies renouvelables au système électrique.

Le nouvel article L. 321-6-1 confie à RTE la mission de mettre en œuvre des actions d’efficacité énergétique et de favoriser l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau.

L’article L.322-8 est complété afin d’assigner aux gestionnaires de réseaux de distribution un objectif de mise en œuvre d’actions d’efficacité énergétique et de favoriser l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau.

Les articles L.431-3 et L. 432-8 sont modifiés afin d’inclure les mêmes objectifs s’agissant des opérateurs de gaz.

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* *

La Commission adopte l’article 54 sans modification.

Article 54 bis [nouveau]
(articles L. 592
41 à L. 592-44 [nouveaux] du code de l’énergie)
Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Cet article, introduit à l’initiative de votre co-rapporteur, a pour objet de consacrer dans la loi l’existence de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Alors que l’IRSN est l'un des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) français les plus importants dans le domaine de la recherche et que sa compétence est reconnue par tous, son existence législative demeure des plus évanescentes.

Il s'agit donc d'actualiser les dispositions existantes, en les regroupant au sein d'une nouvelle section 6 au sein du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement, dédiée à l'IRSN. Par ailleurs, cet article pour objet de consacrer dans la loi l’organisation du contrôle dual de la sûreté nucléaire, articulé autour de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’IRSN, qui lui apporte expertise et appui technique.

Le nouvel article L. 59241 précise que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial qui exerce, à l’exclusion de toute responsabilité d’exploitant nucléaire, des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire.

Le nouvel article L. 59242 prévoit que pour la réalisation de ses missions, l’Autorité de sûreté nucléaire a recours à l’appui technique, constitué d’activités d’expertise soutenues par des activités de recherche, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Il est par ailleurs précisé que le président de l’autorité est membre du conseil d’administration de l’institut.

Le nouvel article L. 59243 indique que l’IRSN contribue à l’information du public. Il précise également que l’institut publie les avis rendus sur saisine d’une autorité publique ou de l’autorité de sûreté nucléaire, en concertation avec celles-ci, et organise la publicité des données scientifiques résultant des programmes de recherches dont il a l’initiative, à l’exclusion de ceux relevant de la défense.

Le nouvel article L. 59241 renvoie au pouvoir réglementaire la définition des modalités d’application de cette nouvelle section.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CS2348, deuxième rectification, du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à combler un vide juridique en ce qui concerne le statut de l’IRSN.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 54

La Commission est saisie de l’amendement CS2350 du rapporteur.

M. Denis Baupin. Cet amendement est issu de réflexions menées lors la conférence bancaire et financière pour la transition financière. Il rejoint les préoccupations de l’ancien vice-président américain Al Gore : beaucoup de fonds d’investissement placent leurs capitaux dans des sociétés très carbonées, en particulier les compagnies d’énergies fossiles dont le bilan est équilibré par les réserves connues. Or on sait aujourd’hui qu’on ne doit pas exploiter plus d’un cinquième de ces ressources si l’on veut rester en deçà d’un réchauffement global de 2 °C. Aussi la valeur de ces compagnies risque-t-elle de s’écrouler. Le message lancé aux investisseurs institutionnels est donc qu’ils rééquilibrent leurs capitaux en les dirigeant vers les activités non carbonées. Ils y trouveront leur intérêt et le financement de la transition énergétique en sera facilité.

Dans cette perspective, nous proposons que les rapports rendus par les investisseurs institutionnels indiquent clairement la « valeur carbone » de leurs placements. L’enjeu est d’orienter des dizaines de milliards d’euros de fonds privés vers les activités de la transition énergétique. Certains acteurs français, comme Novethic, se sont déjà engagés dans cette voie.

Mme la ministre. L’article 54 complète les missions des opérateurs publics de réseaux qui, désormais, doivent évaluer le potentiel d’efficacité énergétique de leurs infrastructures. L’article a confié aux gestionnaires de réseaux la mission de favoriser l’intégration des énergies renouvelables.

Il s’agit de rajouts législatifs qui ne sont pas mûrs. Par ailleurs, le reporting demandé est de nature à imposer une lourde charge aux acteurs privés, particulièrement ceux de petite taille, qui disposent de moyens réduits.

Les données ainsi exposées seront difficilement utilisables, en l’absence d’une méthodologie standardisée pour la production. Il n’existe pas aujourd’hui de méthodologie fiable pour mesurer l’empreinte carbone.

Cela étant, l’esprit de l’amendement est pris en considération puisque des travaux en ce sens sont en cours à l’ADEME. Le Gouvernement agira en fonction de la conclusion de ces études, que nous vous communiquerons dès que nous en disposerons.

Je vous suggère, monsieur le rapporteur, de retirer l’amendement.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il serait dommage de ne pas saisir le vecteur législatif pour donner une impulsion plus forte. Cela étant, je retire l’amendement, en espérant pouvoir convaincre Mme la ministre de l’importance du sujet avant la séance publique.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS1468 de Mme Cécile Duflot est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS2349 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les compétences du médiateur de l’énergie à l’ensemble des questions énergétiques.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Chapitre II
Le pilotage de la production d’électricité

Article 55
(articles L. 311-1, L. 311-5, L. 311-5-1 à L .311-5-7 [nouveaux] du code de l’énergie)

Pilotage du mix énergétique : réforme des autorisations d’exploiter et plan stratégique des exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité

1.  État du droit

Le chapitre II du titre VIII du projet de loi est composé d’un article unique relatif au pilotage du mix électrique. Cet article 55 a pour objet de renforcer les instruments de pilotage du mix électrique dont dispose l’État et instaure un plan stratégique pour les exploitants produisant plus d’un tiers de la production d’électricité nationale visant à préciser les actions mises en œuvre pour diversifier les sources de production d’énergie. Il modifie deux articles du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l’énergie relatif à la production d’électricité, et ajoute sept articles afin de préciser le régime de l’autorisation d’exploiter.

L’article L. 311-1 du code de l’énergie pose le principe de la soumission à autorisation administrative de l’exploitation d’une installation de production électrique. Cette autorisation est délivrée selon une procédure fixée par les articles L. 311-5 et L. 311-6 ou au terme d’un appel d’offres en application de l’article L. 311-10. Par ailleurs, cet article définit les nouvelles installations de production comme les installations qui remplacent une installation existante ou en augmentent la puissance installée d’au moins 10 %, ainsi que les installations dont la source d’énergie primaire change.

L’article L. 311-5 du code de l’énergie liste les critères sur lesquels l’autorité administrative doit se fonder pour délivrer l’autorisation d’exploiter. En l’état actuel du droit, ces critères sont au nombre de six :

– la sécurité et la sûreté des réseaux publics d’électricité, des installations et des équipements associés ;

– le choix des sites, l’occupation des sols et l’utilisation du domaine public ;

– l’efficacité énergétique ;

– les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;

– la compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l’environnement ;

– le respect de la législation sociale en vigueur.

Le régime d’autorisation d’exploiter des installations
de production d’électricité

1- Procédures applicables aux nouvelles installations de production d’électricité

1.1 Les installations de production d’électricité dont la puissance électrique installée est inférieure ou égale à un seuil fixé à l’article premier du décret n° 2000-877 sont réputées autorisées et ne nécessitent pas le dépôt d’une demande d’autorisation.

Les différents seuils applicables sont les suivants :

– installations utilisant l’énergie radiative du soleil : 12 mégawatts ;

– installations utilisant l’énergie mécanique du vent : 30 mégawatts ;

– installations utilisant, à titre principal, l’énergie dégagée par la combustion ou l’explosion de matières non fossiles d’origine animale ou végétale : 12 mégawatts ;

– installations utilisant, à titre principal, l’énergie dégagée par la combustion ou l’explosion de biogaz : 12 mégawatts ;

– installations utilisant l’énergie des nappes aquifères ou des roches souterraines : 12 mégawatts ;

– installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés, à l’exception des installations utilisant le biogaz : 12 mégawatts ;

– installations utilisant, à titre principal, des combustibles fossiles : 4,5 mégawatts.

Pour rappel, la puissance installée d’une installation de production est définie comme la somme des puissances unitaires maximales des machines électrogènes susceptibles de fonctionner simultanément sur un même site. La puissance à prendre en compte est, pour les installations de production disposant d’un même point de livraison unique aux réseaux publics d’électricité, la somme de leurs puissances installées.

1.2 Les installations de production d’électricité dont la puissance électrique installée est supérieure aux seuils mentionnés au 1.1 doivent faire une demande d’autorisation en application de l’article 2 du décret n° 2000-877

L’autorité administrative rend sa décision au regard des critères définis à l’article L 311-5 du code de l’énergie précité.

2- Procédures applicables aux installations de production d’électricité existantes

2.1 Les installations existantes, régulièrement établies au 11 février 2000 (article L. 311-6 du code de l’énergie) sont réputées autorisées.

2.2 Sont considérées comme nouvelles installations de production d’électricité (article L. 311-1 du code de l’énergie) :

– les installations qui remplacent une installation existante ;

– les installations dont la puissance électrique installée augmente d’au moins 10 % ;

– les installations dont la source d’énergie primaire change.

Ces installations doivent faire une demande d’autorisation suivant les indications du point 1.2.

2.3 Procédures applicables aux installations existantes dont la puissance installée actuelle est supérieure aux seuils mentionnés au 1.1

2.3.1 Installations existantes dont la puissance électrique installée est augmentée de moins de 10 % (dernier alinéa de l’article L. 311-6 du code l’énergie)

En application de l’article 7 du décret n° 2000-877, cette augmentation de puissance fait l’objet d’une déclaration de l’exploitant adressée au ministre chargé de l’énergie.

2.3.2 Installations existantes dont les caractéristiques principales – autres que l’augmentation de la puissance électrique installée (pour l’augmentation de puissance, voir points 2.2 et 2.3.1) – sont modifiées (énergie primaire, technique de production, rendements énergétiques, durée de fonctionnement en base, semi-base ou pointe)

En application de l’article 8 du décret n° 2000-877, ces modifications des caractéristiques principales doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation.

2.4 Procédures applicables aux installations existantes réputées autorisées en application du point 1.1 (point II de l’article 7 du décret n° 2000-877)

2.4.1 L’augmentation de la puissance électrique installée de l’installation existante est réputée autorisée tant qu’elle n’a pas pour effet de porter la puissance électrique totale installée au-delà des seuils mentionnés au point 1.1

2.4.2 Si l’augmentation de la puissance électrique installée de l’installation existante a pour effet de porter la puissance totale installée au-delà des seuils mentionnés au 1.1, alors une demande d’autorisation doit être déposée suivant les indications du point 1.2

3. Procédure applicable au changement d’exploitant d’une installation de production d’électricité existante.

3.1 Pour les installations existantes dont la puissance électrique installée est supérieure aux seuils mentionnés au point 1.1, une demande de transfert doit être adressée au ministre chargé de l’énergie (article 9 du décret n° 2000-877)

3.2 Pour les installations existantes dont la puissance électrique installée est inférieure ou égale aux seuils mentionnés au point 1.1, aucune demande de transfert n’est nécessaire.

Source : ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le 1° de l’article 55 procède d’abord à une nouvelle rédaction de l’article L. 311-1, qui pose le principe d’une autorisation administrative d’exploitation. L’exploitation de toute nouvelle installation de production d’électricité – ce qui comprend les installations existantes dont la puissance installée est augmentée d’au moins 20 % et celles dont la source d’énergie primaire est modifiée – est soumise à une autorisation administrative. En application de l’article L. 311-6 du code de l’énergie, tel que modifié par le présent projet de loi, les installations dont la puissance installée par site de production est inférieure ou égale à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, sont réputées autorisées, de même que les installations existantes, régulièrement établies au 11 février 2000 (alinéas 2 à 4).

Par ailleurs, le de l’article propose une nouvelle rédaction de l’article L. 311-5, définissant les éléments sur lesquels se fonde l’autorité administrative pour délivrer l’autorisation d’exploitation (alinéas 5 à 11) :

Critères actuels

Critères proposés par le projet de loi

1° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d’électricité, des installations et des équipements associés ;

2° Le choix des sites, l’occupation des sols et l’utilisation du domaine public ;

3° L’efficacité énergétique ;

4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;

5° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l’environnement ;

6° Le respect de la législation sociale en vigueur.

1° L’impact de l’installation sur l’équilibre offre-demande et la sécurité d’approvisionnement, évalués au regard de l’objectif fixé à l’article L. 100-1 ;

2° La nature et l’origine des sources d’énergie primaire au regard des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1 et L. 100-2 ;

3° L’efficacité énergétique de l’installation comparée aux meilleures techniques disponibles à coût économiquement acceptable ;

4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;

5° L’impact de l’installation sur les objectifs de lutte contre l’aggravation de l’effet de serre.

La disparition des critères relatifs au respect de la législation sociale et environnementale ou à l’occupation des sols et à l’utilisation du domaine public s’explique par une volonté de rationalisation et de simplification des procédures. En effet, ces critères s’imposent aux installations indépendamment de l’autorisation d’exploiter, par exemple dans le cadre de l’obtention du permis de construire ou de la procédure ICPE prévue au chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement. Ainsi, le choix a été fait de recentrer la procédure d’autorisation sur des critères énergétiques et climatiques, notamment afin de davantage prendre en compte l’effet de l’exploitation sur l’émission de gaz à effet de serre. Dans le but de renforcer cet aspect, le dernier alinéa de l’article L. 311-5 précise dorénavant que l’autorisation d’exploiter doit par ailleurs être compatible avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (alinéa 12).

Le de l’article procède à l’insertion de sept nouveaux articles visant à préciser les modalités de délivrance de l’autorisation d’exploitation, dans le but de renforcer le pilotage du mix électrique par l’État, et d’assurer la diversification des sources d’énergie.

Le nouvel article L. 311-5-1 confère la possibilité à l’autorité administrative de délivrer une autorisation d’exploiter unique regroupant toutes les installations d’un même site de production dès lors que plusieurs installations proches utilisent la même source d’énergie primaire ou ont le même exploitant, et ce dans un souci de simplification (alinéa 14).

Le nouvel article L. 311-5-2 impose à l’autorité administrative de délivrer une autorisation par unité de production dès lors qu’une installation de production regroupe plusieurs unités de production dont la puissance unitaire dépasse 800 MW. Aujourd’hui, les seules installations de production – hors installations hydroélectriques qui dépendent d’un autre livre du code de l’énergie – dont la puissance unitaire dépasse 800 MW sont les centrales nucléaires. Pour des centrales de cette puissance, il semble en effet nécessaire, dans le cadre du pilotage de la production électrique, de pouvoir différencier au niveau de l’autorisation d’exploiter deux unités situées sur un même site (alinéa 15).

Le nouvel article L. 311-5-3 confère à l’autorité administrative la possibilité de restreindre le temps de fonctionnement, par la fixation d’un nombre maximum d’heures de fonctionnement par an, des installations émettrices de gaz à effet de serre. Si les textes réglementaires d’application préciseront l’éligibilité et les conditions de limitation du nombre d’heures de fonctionnement, l’objectif d’une telle disposition est de cibler les centrales électriques les plus polluantes, et en priorité les centrales au charbon qui ne sont pas équipées de système de capture-stockage de CO2 (alinéa 16).

Le nouvel article L. 311-5-4 précise le caractère nominatif des autorisations d’exploitation et encadre les conditions de transfert en cas de changement d’exploitant. Ainsi, lorsque la puissance est supérieure au seuil mentionné à l’article L. 311-6 (20), le transfert de l’autorisation est soumis à une décision de l’autorité administrative (alinéa 17).

Le nouvel article L. 311-5-5 instaure un plafonnement à son niveau actuel (63,2 GW) de la capacité de production nucléaire. Cet article s’inscrit dans le cadre de l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, consacré par l’article 1er du projet de loi au sein de l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Le plafonnement de la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire a pour conséquence d’interdire la délivrance d’une autorisation d’exploitation si celle-ci aurait pour conséquence le dépassement de ce plafond. Pour apprécier la capacité totale autorisée, l’autorité administrative prend en compte les abrogations d’autorisation prononcées à la demande des exploitants (alinéas 18 et 19).

Concrètement, cet article oblige à la fermeture d’une centrale nucléaire préalablement à la mise en service de l’EPR de Flamanville, conformément à l’engagement n° 41 de M. François Hollande : « Je fermerai la centrale de Fessenheim et je poursuivrai l’achèvement du chantier de Flamanville (EPR). » L’EPR de Flamanville a reçu son décret d’autorisation de création en avril 2007, après que la loi d’orientation sur l’énergie du 13 juillet 2005 lui a fourni un cadre législatif adéquat et qu’un débat public a été organisé au plan national entre octobre 2005 et février 2006. Au début du chantier, la mise en service était prévue pour 2012. Cette date ne cessera d’être repoussée et la première production d’électricité en conditions commerciales est désormais prévue en 2016. Votre co-rapporteur invite le lecteur intéressé à se reporter à son rapport d’enquête afin d’y trouver une analyse exhaustive de l’EPR de Flamanville (21).

Le nouvel article L. 311-5-6 précise que s’agissant des installations de production d’électricité d’origine nucléaire, la demande d’autorisation d’exploiter doit être déposée au plus tard 18 mois avant la date de mise en service de l’installation, délivrée par l’Autorité de sûreté nucléaire. Il s’agit ainsi de s’assurer que l’autorité administrative ait le temps d’instruire les dossiers dans des conditions satisfaisantes (alinéa 20).

Le nouvel article L. 311-5-7 impose à tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité – en pratique, seule EDF est concernée – l’établissement d’un plan stratégique présentant ses engagements pour assurer la sécurité d’approvisionnement et la diversification des sources de production d’électricité, conformément aux objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie pour sa première période (alinéa 21).

Ce nouvel article liste également certains des éléments susceptibles de figurer dans le plan stratégique : évolutions des installations, en particulier d’origine nucléaire, scénarios permettant de réduire l’impact de ces évolutions sur la sécurité d’approvisionnement, l’exploitation du réseau de transport, la situation économique. Pour ce faire, le plan stratégique s’appuie sur le bilan prévisionnel réalisé par RTE au titre de la section II du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’énergie, dans sa version issue de l’article 49 du présent projet de loi (alinéa 22).

L’exploitant est tenu de soumettre son plan stratégique dans les six mois suivants la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie (alinéa 23). Sa compatibilité avec la PPE est ensuite appréciée par l’autorité administrative (alinéa 24).

Deux dispositions permettent d’assurer un contrôle de la compatibilité du plan stratégique avec la PPE, ainsi que le respect par EDF de ses obligations légales.

D’abord, le texte prévoit que l’exploitant rende compte chaque année de la mise en œuvre de son plan stratégique et de la façon dont il contribue aux objectifs fixés dans la PPE devant un comité spécial composé de membres des commissions des finances, des affaires économiques et du développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat. Votre co-rapporteur s’est étonné d’une telle disposition, alors que les commissions permanentes des assemblées sont maîtresses de leur ordre du jour et disposent de prérogatives importantes en matière de contrôle. Il rappelle à ce titre qu’en vertu de l’article 5 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires « une commission spéciale ou permanente peut convoquer toute personne dont elle estime l’audition nécessaire, réserve faite, d’une part, des sujets de caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, d’autre part, du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs. Le fait de ne pas répondre à la convocation est puni de 7 500 euros d’amende. » Il ne lui paraît ainsi pas nécessaire de procéder à la création d’un comité spécial, surtout si celui-ci n’est composé que de parlementaires (alinéa 25).

Ensuite, il est prévu que le commissaire du Gouvernement informé des décisions d’investissement de l’exploitant, puisse s’opposer à une décision dont la réalisation serait incompatible avec les objectifs du plan stratégique ou la PPE, ou si le plan stratégique n’est pas compatible avec la PPE. Si l’opposition formulée par le commissaire du Gouvernement est confirmée par le ministre chargé de l’énergie, la décision ne peut être appliquée sans révision du plan stratégique (alinéas 26 et 27). Votre co-rapporteur rappelle à ce stade que la présence d’un commissaire du Gouvernement au sein du conseil d’administration d’EDF, longtemps abandonnée, est de nouveau en vigueur depuis le décret n° 2012-406 du 23 mars 2012 (22). Aux termes de ce décret, « le ministre chargé de l’énergie désigne auprès d’Électricité de France un commissaire du Gouvernement. Le commissaire du Gouvernement assiste, avec voix consultative, aux séances du conseil d’administration de la société et de ses comités. Il a accès aux informations communiquées aux membres du conseil d’administration, dans les mêmes conditions que ces derniers. Il peut présenter des observations à l’assemblée générale. Il s’assure que les délibérations du conseil d’administration sont conformes aux orientations fixées par le Gouvernement et aux stipulations du contrat mentionné à l’article L. 121-46 du code de l’énergie (23). Il signale aux membres du conseil d’administration les dispositions des projets de délibérations qui lui paraissent contraires à ces orientations et stipulations. En cas d’adoption de ces dispositions par le conseil d’administration, il en informe le ministre en charge de l’énergie ». Dans la continuité de ce décret, cet article vise donc à renforcer le pilotage par l’État du mix électrique.

Enfin, l’article 55 supprime le dernier alinéa de l’article L. 311-6 du code de l’énergie, qui imposait à l’exploitant de déclarer à l’autorité administrative toute augmentation inférieure à 10 % de la puissance installée d’une installation existante, et ce dans un souci de simplification des procédures (alinéa 28).

3.  Position de votre co-rapporteur

Cet article vise à simplifier et clarifier les procédures d’autorisation d’exploitation, et à renforcer le pilotage du mix électrique par l’État. Votre co-rapporteur soutient pleinement les modifications apportées au droit en vigueur, même s’il aurait souhaité aller plus loin.

Parmi les apports du projet de loi, votre co-rapporteur se félicite de l’introduction de la possibilité d’instaurer un plafond d’heures de fonctionnement aux exploitations les plus polluantes. Surtout, il soutient évidemment pleinement les dispositions plafonnant à son niveau actuel la capacité de production nucléaire, qui engagent pleinement la France dans la transition énergétique et la diminution de la part du nucléaire dans le mix électrique national, qui réduit en conséquence notre vulnérabilité

Outre un amendement rédactionnel, votre commission a adopté trois amendements, également présentés par votre co-rapporteur, visant :

– à préciser que le plan stratégique de l’exploitant est élaboré dans l’objectif d’optimiser les conséquences économiques et financières des évolutions des installations, et non afin de les réduire. En effet, la rédaction initiale aurait pu laisser croire que la transition énergétique et écologique emporte des conséquences nécessairement négatives d’un point de vue économique et financier. Il s’agit au contraire d’une évolution qui permettra de replacer notre pays sur le chemin de la croissance ;

– à prévoir que le ministre se prononce sur la compatibilité du plan stratégique de l’exploitant à la PPE ;

– à supprimer le comité spécial composé de parlementaires devant lequel l’exploitant doit rendre compte de la mise en œuvre de son plan stratégique et de la façon dont il contribue aux objectifs fixés dans la PPE. Aux yeux de votre co-rapporteur, la création d’un comité spécial, outre son caractère confidentiel, aurait pour conséquence de limiter l’accès de la représentation nationale à des informations pourtant essentielles pour la mise en œuvre de la transition énergétique et le pilotage du mix électrique, et de concurrencer les commissions permanentes, bien plus légitimes qu'une énième instance.

Par ailleurs, votre co-rapporteur avait déposé une série d’amendements visant à davantage encadrer la prolongation de l’exploitation des centrales nucléaires au-delà de quarante ans. Au regard des avancées apportées par l’adoption d’un amendement de M. Philippe Plisson après l’article 31, il a décidé de tous les retirer.

*

* *

Mme la ministre. Nous entamons le chapitre II qui définit les règles de pilotage du mix énergétique. Il s’agit d’un autre élément stratégique de ce projet de loi. L’article 55 renforce les instruments du pilotage du mix énergétique dont dispose l’État, modifie le régime d’autorisation d’exploiter les installations de production d’électricité, donne des outils pour permettre un pilotage du mix énergétique par le biais des autorisations d’exploiter, rééquilibre le mix énergétique par une réduction de la part de l’énergie nucléaire, conformément aux engagements pris par le Président de la République.

L’article pose les principes d’un plafonnement à son niveau actuel de notre capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts.

Il instaure un plan stratégique pour tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité. La traduction de la programmation pluriannuelle de l’énergie sur le périmètre du parc de production doit être étudiée par les exploitants eux-mêmes qui ont la connaissance approfondie de l’état des installations et de leur insertion dans le réseau électrique.

Un commissaire du Gouvernement, nommé auprès de tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité, pourra s’opposer à une décision d’investissement incompatible avec la programmation pluriannuelle de l’énergie. Si cette opposition est confirmée par le ministre chargé de l’énergie, la décision ne pourra pas être appliquée sans révision du plan stratégique, dans les mêmes conditions que pour son élaboration initiale. Autrement dit, les pouvoirs publics, l’État en liaison avec le Parlement, reprennent en main le pilotage du mix énergétique afin de réussir la transition énergétique.

Je remercie le Parlement pour ses travaux d’accompagnement, qui nous ont permis d’enrichir ce texte. Le pilotage est non seulement national, mais territorial, car il engage les filières industrielles. On retrouve toujours ces trois piliers de la transition énergétique, dont l’objectif est de créer des activités et des emplois dans le domaine de la croissance verte et de protéger les consommateurs, en renforçant la démocratie énergétique, afin que les consommateurs paient le juste prix et s’engagent dans les économies d’énergie et dans la transition énergétique.

La Commission examine l’amendement CS2351 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je retire l’amendement au profit des amendements que nous avons déjà adoptés, concernant la durée de vie des réacteurs nucléaires.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS2211 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser les articles du code qui sont visés.

Mme la ministre. L’amendement étant satisfait, avis défavorable.

L’autorisation d’exploiter l’installation de production d’électricité doit être compatible avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui établit les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire et définit les objectifs quantitatifs.

M. Denis Baupin, rapporteur. Si, contrairement aux articles L. 100-1 et L. 100-2, l’article L. 100-4 n’est pas cité, alors que la PPE doit respecter les termes de ces trois articles, on donne l’impression que l’article L. 100-4 est moins important que les deux autres.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS2352 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prendre en compte le risque d’accident industriel.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS2353 du rapporteur est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2212 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CS2354 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’assurer la compatibilité entre les autorisations d’exploiter une installation de production d’électricité et les SRCAE.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1392 de M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à mieux définir le plafond d’électricité nucléaire prévu à l’article 55. Il propose de retenir un plafond de production plutôt qu’un plafond de capacité totale.

En matière d’énergie, la distinction entre puissance installée et production est fondamentale. C’est la distinction entre la théorie et la pratique. Pour la prise en compte des enjeux réels et des besoins d’énergie à court terme, il importe de prendre en compte la production effective plutôt que la capacité installée.

Mme la ministre. Ce n’est pas le choix qu’a fait le Gouvernement. Il est nécessaire d’instaurer un seuil en puissance, non en énergie produite, pour permettre un pilotage clair des capacités de production au travers de l’autorisation d’exploiter. En effet, un seuil en énergie produite serait plus fragile au plan juridique, puisque la production des centrales existantes peut varier selon les années. Par exemple, si les centrales connaissaient, une année, des indisponibilités ou des périodes de maintenance plus longues, il n’y aurait pas de critères stables pour accepter ou refuser de nouvelles autorisations.

Enfin, je note que la valeur proposée pour le seuil est nettement supérieure à la production électrique et nucléaire actuelle, et ne correspond pas à l’engagement d’une diversification de notre production électrique.

M. Denis Baupin, rapporteur. Comment un tel dispositif pourrait-il fonctionner ? Si l’on atteignait le plafond au mois de novembre, par exemple, on arrêterait toute la production. Ce serait compliqué pour le mois de décembre !

Avis défavorable.

M. Jean-Luc Laurent. La production est mesurable. On fait appel à des énergies d’appoint, notamment à l’hydroélectricité, pour répondre à l’ensemble des besoins et amortir les fluctuations.

Notre proposition sort de la ligne que vous avez tracée. C’est une autre vision, qui s’inscrit dans une logique de maintien de la puissance électrique propre, avec la filière nucléaire qui a montré ses atouts et qui a la capacité à répondre aux besoins. Je ne suis pas persuadé que les ratios et les plafonds indiqués dans le projet permettront de répondre aux évolutions nécessaires.

Donc, oui à toutes les énergies renouvelables et alternatives, mais sans nous priver de nos atouts. L’idée est de maintenir la production à un bon niveau, qui servirait d’étalon pour codifier la production.

La Commission rejette l’amendement.

Les amendements CS2355 et CS2375 du rapporteur sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CS2213 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit de prendre en compte l’ensemble de la PPE.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS2214 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. La rédaction actuelle de l’alinéa 22 pourrait laisser croire que le fait de modifier les installations aurait pour conséquence un accroissement des coûts. Il conviendrait plutôt de dire qu’il faut optimiser.

Mme la ministre. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS2356 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il est nécessaire que l’exploitant s’assure auprès de l’ASN de la compatibilité de son plan stratégique avec l’état des autorisations et des demandes d’autorisation en cours.

Mme la ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS2357 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre au Gouvernement de demander et d’obtenir des informations complémentaires de la part de l’exploitant s’il estime que le plan stratégique ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés par la PPE.

Mme la ministre. Le Gouvernement peut toujours demander des compléments d’information. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS2358 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS2359 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement prévoit que l’exploitant élabore un nouveau plan stratégique s’il n’est pas conforme à la PPE.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS2242 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il est un peu étrange de créer un comité spécial composé uniquement de parlementaires. Les commissions permanentes sont bien plus légitimes qu’une énième instance.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement CS2215 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à introduire de la cohérence sur le plan juridique. Le commissaire du Gouvernement peut se trouver devant un cas de conscience, le texte prévoyant qu’il peut ne pas s’opposer à une prise de décision d’investissement de l’exploitant, même s’il apparaît qu’elle n’est pas compatible avec son plan stratégique. L’automaticité permettrait d’éviter ce type de situation.

M. le président François Brottes. Cela relève du mandat impératif.

Mme la ministre. Faut-il laisser une marge d’appréciation ? Est-ce un pouvoir de blocage, plutôt qu’une application systématique du cadre de la PPE ? La notion de pouvoir contraint contenue dans l’amendement peut poser un problème de constitutionnalité.

M. le président François Brottes. Dès qu’il y a débat sur ce qui est incompatible, on laisse une marge d’interprétation. Toutes les décisions ne renvoient pas forcément à des éléments précis de la PPE et il peut être problématique de prévoir un mandat impératif alors que ce qui est incompatible n’est pas précisément défini.

Mme la ministre. Pour le Conseil d’État, il ne doit pas y avoir de pouvoir contraint. Le champ de compétence du commissaire du Gouvernement étant défini, il serait peut-être préférable de ne pas apporter de précisions.

M. le président François Brottes. On donne au commissaire du Gouvernement la faculté de s’opposer, ce qui lui laisse une marge d’interprétation. On ne peut inscrire dans le texte qu’il s’oppose systématiquement que s’il n’y a aucune difficulté d’interprétation sur les incompatibilités.

M. Jean-Luc Laurent. Il faut laisser l’État, par l’intermédiaire du ministre, donner des directives au commissaire du Gouvernement.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1875 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Il s’agit de transposer aux zones non interconnectées la disposition, introduite par le projet de loi, qui oblige les exploitants produisant plus d’un tiers de la production d’électricité nationale à élaborer un plan stratégique. L’idée est de coordonner les plans d’investissement et la PPE.

Nous allons avoir trois nouvelles centrales thermiques en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, qui ont été construites par manque d’anticipation et d’approche stratégique énergétique sur le territoire.

Mme la ministre. Avis défavorable. Ce dispositif a été spécifiquement défini pour les centrales nucléaires. Il est donc inadapté dans les zones non interconnectées, dans la mesure où toute nouvelle autorisation devra respecter la PPE spécifique à chaque territoire.

Dès lors que les territoires non interconnectés demandent, à juste titre, la prise en compte de leurs spécificités, évitons de plaquer un dispositif fait, notamment, pour les centrales nucléaires, ce qui emporte des contraintes supplémentaires. Cela dit, les nouvelles autorisations devront bien respecter la programmation pluriannuelle de l’énergie.

M. Serge Letchimy. Nous aurons tout à l’heure un débat sur le lien, aujourd’hui inexistant, entre les stratégies intégrées, notamment les SRCAE, et la programmation pluriannuelle. Il permettrait d’établir une stratégie territorialisée qui mettrait en connexion la planification politique régionale et la planification technique. Pour l’instant, les exploitants qui détiennent plus du tiers de la production agissent très librement.

L’amendement CS1875 est retiré.

La Commission adopte l’article 55 modifié.

Après l’article 55

L’amendement CS2360 du rapporteur est retiré.

Chapitre III
La transition énergétique dans les territoires

Article 56
(articles L. 222-1, L. 229-26 du code de l’environnement, L. 2224-32 et L. 2224-34, L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales et article 7 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011)

Le plan climat air énergie territorial

1.  État du droit

Depuis le plan climat national de 2004, les collectivités territoriales peuvent mettre en œuvre une politique énergétique et climatique locale, en rapport avec les compétences qui leur sont attribuées par le code général des collectivités territoriales. Elles constituent ainsi de véritables acteurs de la gouvernance locale de l’énergie, de l’air et du climat.

L’organisation et le développement de transports non-polluants, l’amélioration énergétique du bâti, l’inclusion d’un volet énergie dans les documents de stratégies territoriales tels les schémas de cohérence territoriale (ScoT) sont autant de leviers locaux d’action en faveur de la promotion d’un modèle de développement durable des territoires. De même, les collectivités territoriales ont une compétence dans la maîtrise et la distribution d’énergie et peuvent créer des infrastructures énergétiques s’alimentant principalement à partir d’énergies renouvelables, comme les réseaux de chaleur et de froid.

Afin d’articuler ces actions et ces compétences autour d’une stratégie et d’objectifs clairs, plusieurs outils efficaces d’action publique ont été mis en place depuis le début des années 1990.

a.  Les projets territoriaux de développement durable

Le chapitre XXVIII de la Déclaration de Rio de 1992 confie la mise en œuvre de projets territoriaux de développement durable aux collectivités territoriales, susceptibles d’adapter leurs plans d’action en fonction des réalités de leur territoire. En y associant la population et les acteurs locaux, l’initiation de ces projets a pour ambition de promouvoir le développement durable comme modèle privilégié de développement du territoire. Ces projets peuvent prendre le nom d’ « Agenda 21 » local.

Le cadre de référence national des projets territoriaux de développement durable, défini en 2006, distingue cinq éléments à prendre en compte dans l’élaboration de l’agenda 21 local : une stratégie d’amélioration permanente, la participation des acteurs, un pilotage efficient, des approches transversales et une évaluation partagée.

À l’heure actuelle, 301 projets respectant ces critères et concernant plus de la moitié de la population française ont été reconnus par le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, et font figure d’exemples de développement durable des territoires. Par ailleurs, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite loi « Grenelle II », autorise le soutien de l’État à ces agendas locaux.

b.  Les PCET et les SRCAE

Cette même loi « Grenelle II » dispose à l’article 75 que la plupart des collectivités territoriales métropolitaines (24) doivent avoir adopté un plan climat-énergie territorial (PCET) au plus tard le 31 décembre 2012.

En tenant compte du bilan énergétique et climatique de la collectivité, le PCET élabore un cadre d’action local en vue de maîtriser la consommation d’énergie, d’augmenter la production d’énergie renouvelable et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Logé à l’article 229-26 du code général des collectivités territoriales, le PCET, dont les modalités de mise en œuvre et d’organisation sont déterminées par les collectivités compétentes, est mis à jour tous les cinq ans. Il comprend :

– des objectifs stratégiques et opérationnels afin de garantir une adaptation au changement climatique et une atténuation de ses conséquences négatives ;

– un programme d’action pluriannuel autour de l’efficacité énergétique, la production d'énergie renouvelable et la réduction de l'impact des activités en termes d'émissions de gaz à effet de serre ;

– un suivi et une évaluation continue des résultats.

En outre, si les collectivités territoriales ont déjà élaboré un projet territorial de développement durable ou Agenda 21 local, le PCET en constitue son volet climat.

Au sein des collectivités territoriales, les régions remplissent l’obligation de constituer un PCET si elles l’intègrent au schéma régional du climat, de l’air et de l'énergie (SRCAE), élaboré conjointement avec les services préfectoraux, et mentionné à l'article L. 222-1 du code de l’environnement. Plus largement, l’article L. 229-26 du code de l’environnement dispose que les PCET doivent être compatibles avec le SRCAE.

Le SRCAE détermine les orientations à long terme en matière d’atténuation et d’adaptation aux conséquences du changement climatique, de qualité de l’air, de maîtrise de l’énergie et de valorisation des énergies renouvelables, et ce dans le respect des engagements nationaux, européens et internationaux de réduction des gaz à effet de serre.

c.  Les plans de protection de l’atmosphère

La loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie prévoit, pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants et celles dont les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées, l’élaboration de plans de protection de l’atmosphère (PPA). Ces derniers sont conçus par les services déconcentrés de l’État compétents en matière d’environnement (aujourd’hui, au niveau régional en particulier, la DREAL – direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) après consultation des acteurs locaux concernés. Ils renseignent sur la qualité de l’air, donnent des mesures d’action en vue d’une réduction de la pollution atmosphérique en deçà des valeurs réglementaires et fixent les modalités d’un mécanisme d’alerte du public en cas d’urgence.

d.  La maîtrise de la demande d’énergie

Enfin, l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales fixe les modalités d’action de maîtrise de la demande d’énergie (MDE) en ce qui concerne notamment les personnes en situation de précarité. L’accumulation des sources législatives régulant la répartition des compétences en la matière à l’échelon territorial compromet toutefois une lecture claire du rôle de chacune des collectivités et pose la nécessité d’une clarification juridique.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 56 a principalement pour objet de rationaliser l’élaboration des plans climat-énergie territoriaux, qui se superposent aujourd’hui à plusieurs échelons territoriaux : il en confie la responsabilité unique aux établissements publics de coopération intercommunale et aux métropoles. Par ailleurs, le champ des PCET est élargi à la qualité de l’air : ils deviennent des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET).

Le I établit qu’en matière d’efficacité énergétique, la région est l’échelon territorial d’action pertinent. En particulier, la région favorise l’implantation de plateformes territoriales de la rénovation énergétique, dont le principe a déjà fait l’objet d’un appel à manifestation d'intérêt de l’ADEME en Ile-de-France.

Le II de l’article 56 modifie d’abord l’intitulé de la section du code de l’environnement relative au bilan des émissions de gaz à effet de serre et au plan climat-énergie territorial (PCET), pour préciser qu’il s’agit désormais d’un plan climat-air-énergie territorial (PCAET).

Ensuite, il adapte l’article L. 229-26 dans trois directions.

Les alinéas 4 à 7 prévoient que les collectivités concernées par l’obligation d’élaboration du nouveau PCAET ne sont plus toutes les collectivités de plus de 50 000 habitants, mais les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, ainsi que la métropole de Lyon. La date butoir du 31 décembre 2016 est fixée.

A partir du premier janvier 2017, l’obligation d’élaborer un PCAET est étendue aux EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, qui doivent s’exécuter avant le 31 décembre 2018.

Enfin, une mesure de coordination déjà présente dans le droit actuel prévoit que si les EPCI concernés ou la métropole de Lyon sont engagés dans l’élaboration d’un projet territorial de développement durable ou un « Agenda 21 » local, le PCAET s’y intègre en tant que volet « climat ».

Les alinéas 8 à 15 prévoient les exigences concrètes que le PCAET doit remplir. Le plan définit, à l’échelle de la collectivité concernée :

– Les objectifs stratégiques et opérationnels de lutte contre et d’adaptation au changement climatique ;

– Le programme des actions pour réaliser ces objectifs, dans les différents champs de la lutte contre le changement climatique, parmi lesquels : l’amélioration de l’efficacité énergétique, le recours aux énergies renouvelables, la limitation des émissions de gaz à effets de serre, le développement des territoires à énergie positive. Ces actions contribuent également à anticiper les conséquences du changement climatique ;

– Un dispositif de suivi et d’évaluation des résultats.

Par rapport aux PCET existants, si les objectifs des PCAET demeurent inchangés, ainsi que le dispositif d’évaluation, le programme des actions évolue : la mention des territoires à énergie positive est nouvelle (cf. infra, le commentaire sous le point IV), et l’impératif de limitation des émissions de gaz à effet de serre est posé de manière plus directe. En outre, il n’est plus fait mention des objectifs fixés par la législation européenne en matière de climat.

Enfin, ce programme d’action se décline différemment dans trois cas spécifiques :

– Si un EPCI à qui la compétence communale en matière de création et d’entretien d’un parc de bornes de recharge électrique – compétence qui s’exerce en cas d’offre privée insuffisante – a été transférée, il prévoit dans l’élaboration de son PCAET un volet de développement du véhicule électrique et hybride rechargeable ;

– Si un EPCI est également l’autorité organisatrice des transports (AOT) de son territoire, il prévoit au sein de son PCAET un volet relatif au développement de la mobilité ;

– Si un EPCI, ou un établissement membre du pôle d’équilibre territorial et rural auquel il a été transféré l’obligation d’élaborer un PCAET, est compétent en matière de lutte contre la pollution de l’air, le PCAET comporte un volet relatif à la prévention et à la réduction des émissions de polluants atmosphériques, conformément aux normes nationales.

Les alinéas 16 à 23 disposent, ensuite, que le PCAET est renouvelé tous les six ans, au lieu de cinq ans au moins dans le droit actuel, par souci de coordination avec les SRCAE.

L’exigence de compatibilité du PCAET avec le SRCAE reste en vigueur. En outre, si une partie au moins du territoire couvert par le PCAET est incluse dans un plan de protection de l’atmosphère, le PCAET doit être compatible avec les objectifs fixés par ce PPA pour chaque polluant.

Puisqu’ils ne sont plus concernés par l’élaboration d’un PCAET, est logiquement supprimée l’obligation pour les départements d’intégrer ce plan dans leur rapport sur la situation de la collectivité en matière de développement durable (rapport présenté avant l’examen du budget départemental). En revanche, cette exigence est désormais valable pour les EPCI concernés ainsi que pour la métropole de Lyon, en vertu de l’article L. 2311-1-1 du code général des collectivités territoriales.

Enfin, et de manière nouvelle, seront prévues par voie d’arrêté les conditions de collecte des PCAET par l’ADEME.

Le III de l’article 56 refond l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales. Il s’agit de prévoir que l’échelon intercommunal est pertinent pour coordonner les actions locales dans le domaine énergétique, en cohérence avec le PCAET et le SRCAE.

Ces actions concernent notamment la maîtrise de la demande d’énergie, une compétence territoriale déjà reconnue par la version en vigueur de l’article L. 2224-34, que ce soit en matière de consommation finale de gaz, d’électricité basse tension ou lutte contre la précarité énergétique (aide financière pour des travaux contribuant à l’efficacité énergétique des logements ou des équipements électriques, par exemple).

Le IV prévoit la mise en place de deux cents expérimentations de territoires à énergie positive (TEPOS), entre l’État, les régions, la métropole de Lyon et les EPCI concernés par l’élaboration d’un PCAET. La définition de ces TEPOS est prévue à l’article 1er du présent projet de loi.

Le V modifie l’article L. 2224-31 en insérant une disposition qui prévoit que les autorités organisatrices d’un réseau public de distribution d’électricité ou de gaz, à savoir les communes, les EPCI – si la compétence leur est transférée – ou, le cas échéant, les départements, doivent, dans le cadre des actions qu’ils animent pour réaliser des économies d’énergie, éviter ou différer l’extension ou le renforcement de ces réseaux.

3.  Position de votre co-rapporteur

Cet article vise à consacrer la région comme échelon territorial privilégié pour la coordination des actions en matière d’efficacité énergétique, ainsi qu’à ajouter un volet « air » aux anciens plans climat-énergie territoriaux (PCET) devenus PCAET, tout en rationalisant leur élaboration. Votre co-rapporteur salue ces avancées décisives, qui rappellent l’importance de la gouvernance territoriale dans la lutte contre le changement climatique.

Il souligne en particulier la pertinence de la désignation de la région comme chef de file en matière d’efficacité énergétique. Toutefois, il a soumis deux amendements qui ont été adoptés par la commission, afin de renforcer la compétence d’action et de mise en œuvre de l’échelon régional comme des intercommunalités qui élaborent les PCAET, au-delà de leur compétence de planification :

– un premier amendement met en place un programme régional pour l’efficacité énergétique favorisant et accompagnant les citoyens qui entreprennent des travaux de rénovation énergétique ; il associe des acteurs nationaux et locaux, comme l’ADEME, les agences départementales d’information sur le logement, les agences locales de l’énergie et du climat, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement et les agences régionales de l’énergie ;

– un second amendement confère aux EPCI en charge de l’élaboration des PCAET le statut de coordinateurs de la transition énergétique, afin de signaler qu’elles ont aussi un rôle d’animation et de pilotage dans la mise en œuvre de ces PCAET.

La commission a également adopté un amendement présenté par votre co-rapporteur afin d’étendre au-delà des véhicules électriques l’objectif de développement de la mobilité sobre en émissions de CO2.

Votre rapporteur a en outre déposé deux amendements, après l’article 56, visant à permettre aux agences locales de l’énergie (ALEC) et aux agences régionales de l’environnement (ARE) de soutenir les régions qui exercent leurs compétences en matière d’énergie, d’environnement et de développement durable. Il regrette le refus qui a été exprimé de leur conférer une assise législative qui aurait été utile pour encadrer leurs missions et leurs compétences, et qui a conduit au retrait de ces deux amendements.

*

* *

Mme la ministre. Le chapitre III organise la transition énergétique dans les territoires et l’article 56 réaffirme le rôle de chef de file de la région dans le domaine de l’efficacité énergétique. Il instaure un plan climat air énergie territorial, établi sans doublon dans les territoires, grâce à un portage par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et comprenant un volet relatif à la qualité de l’air.

L’article clarifie les compétences entre les collectivités territoriales en matière de maîtrise de la demande d’énergie. Pour permettre la mobilisation de tous les acteurs concernés, des initiatives très concrètes ont été prises, non seulement tous les appels à projets de l’ADEME, faits en partenariat avec le ministère, mais aussi les 200 territoires à énergie positive, les territoires zéro déchet, les contrats locaux de transition énergétique, les projets de méthanisation, l’encouragement aux territoires à énergie positive, le développement de stratégies locales au bénéfice de collectivités déjà fortement engagées.

Ce projet de loi généralise les bonnes pratiques. Ce texte n’a pas été conçu de façon abstraite. J’ai voulu intégrer, dans la transition énergétique, l’expérience acquise à la tête de ma région qui, depuis une dizaine d’années, a fait de l’excellence environnementale sa colonne vertébrale. J’ai été confrontée à un certain nombre de difficultés et de blocages, j’ai pu rassembler des partenaires, notamment pour la production locale d’électricité. Ce travail, mené avec les collectivités, s’accomplit parallèlement au projet de loi. J’ai récemment réuni l’ensemble des régions et des élus responsables de la transition énergétique pour finaliser les meilleures pratiques. Les régions d’outre-mer, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane, se sont très fortement engagées et doivent absolument devenir les fers de lance de la transition et de l’autonomie énergétiques.

Tel est l’objet du chapitre III qui met en avant les territoires, parce que 70 à 80 % des actions concrètes qui vont conditionner la réussite de la transition énergétique se décident à un niveau infranational. Elles se mettent en place dans les partenariats entre les territoires, les entreprises, les associations, les forces vives de ces territoires qui ne demandent aujourd’hui qu’à avancer. Ils attendent que ce texte soit voté et que les moyens d’accompagnement financier soient mis en place dans le cadre de la conférence bancaire et financière.

J’insiste sur le rôle de la Caisse des dépôts et consignations, qui a prévu une ligne budgétaire de 5 milliards d’euros à destination des collectivités locales afin qu’elles engagent les travaux de performance énergétique sur leurs bâtiments.

L’amendement CS2252 rectifié du rapporteur est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1061 de Mme Monique Rabin.

M. Christophe Bouillon. Défendu.

Mme la ministre. Avis favorable. L’amendement concerne la formation pour les métiers en lien avec la transition énergétique. Les régions doivent s’engager, en coordination avec le ministère de l’éducation et les organisations professionnelles.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement CS1057 de M. Michel Lesage.

M. Christophe Bouillon. Défendu.

Mme la ministre. Il n’y a pas lieu de définir de manière rigide l’organisation de l’action publique en matière d’efficacité énergétique ni de trop encadrer les relations entre les acteurs. Laissons ce rôle aux collectivités locales.

M. Denis Baupin, rapporteur. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CS2424 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement vise à favoriser une impulsion régionale, qui ne doit pas prendre la forme d’une injonction. Le programme régional pour l’efficacité énergétique s’appuiera sur le service public de l’efficacité énergétique.

M. le président François Brottes. Attention, cependant : les actions qui ne figureraient pas dans le programme régional risquent de n’être plus éligibles à aucune aide.

Mme la ministre. Pour avoir été dix ans présidente de région, je pense lire l’amendement avec une acuité particulière. L’amendement est recevable.

M. Serge Letchimy. On éviterait le risque signalé par le président en écrivant « le programme régional pour l’efficacité énergétique s’attache plus particulièrement à ». L’amendement souligne à bon escient la nécessité de construire une stratégie régionale sur le plan énergétique.

La Commission adopte l’amendement CS2424 ainsi rectifié.

Elle en vient à l’amendement CS1058 de Mme Martine Lignières-Cassou.

M. Christophe Bouillon. Défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait, dès lors que les collectivités territoriales ont la responsabilité de réaliser les plans et de mettre les actions en œuvre. On introduirait une complexité supplémentaire en mentionnant la possibilité de confier cette obligation à un groupement d’intercommunalités.

M. Denis Baupin, rapporteur. Même analyse. Il n’y a pas lieu de préciser dans la loi une possibilité offerte aux collectivités.

Mme la ministre. Le plan climat air énergie territorial (PCAET) peut être ajusté, complété ou affiné au niveau territorial. Dans la mesure où il s’agit ici d’une possibilité, et non d’une obligation, peut-être peut-on accepter l’amendement.

M. Christophe Bouillon. L’amendement invite justement à cette déclinaison et répond à un besoin.

Mme la ministre. Dans ce cas, avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2253 et CS2254 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CS2255 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’ambition globale des schémas régionaux doit être en cohérence avec nos engagements internationaux.

Mme la ministre. La précision est inutile. Le titre Ier du projet de loi est cohérent avec nos engagements internationaux.

L’amendement CS2255 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2256 du rapporteur.

Elle aborde l’amendement CS2257 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit de prévoir que les programmes d’actions prévus dans les PCAET incluent les actions menées en faveur du développement du stockage de l’énergie, notamment de l’électricité, et de l’optimisation de la distribution de l’énergie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS2259 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement a pour objet d’étendre au-delà des véhicules électriques l’objectif de développer des modes de transports sobres en émissions de CO2.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2261 et CS2260 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CS2262 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit de prévoir que les programmes d’actions figurant dans les PCAET incluent les actions menées en matière de prévention de la pollution atmosphérique, sans limiter ce périmètre aux seuls EPCI ou pôles d’équilibre territorial et rural qui exercent la compétence de lutte contre la pollution de l’air. La politique en faveur de l’air doit aller de pair avec la politique climatique et énergétique.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait. L’air est pris en compte dans les plans climat air énergie territoriaux.

M. Denis Baupin, rapporteur. La rédaction introduit tout de même certaines conditions, qui justifient la précision.

Mme la ministre. Soyons sobres !

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS2263 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit d’ajouter un volet au PCAET pour permettre à une collectivité concernée d’évaluer et de réduire les émissions de gaz à effet de serre qui résultent de son activité, de ses compétences et de son patrimoine.

Mme la ministre. Je vous suggère de retirer l’amendement, non seulement pour réduire l’inflation législative, mais parce que nous devons réfléchir au signal que nous envoyons. La moitié des agents des collectivités locales passent leur temps à faire des plans, au lieu d’aller sur le terrain, ce qui représente un coût administratif considérable, ainsi qu’un coût financier, si l’on sous-traite le travail à des bureaux d’études. Laissez aux élus et à leurs agents la liberté de s’organiser intelligemment sans être contraints par la loi.

M. Denis Baupin, rapporteur. Mon but est d’éviter la confusion. Certains élus peuvent considérer qu’un PCAET ne porte que sur des questions de service public, alors qu’il faut inscrire leur réflexion dans une dimension territoriale globale.

Mme la ministre. Si l’on propose aux élus une maquette, qu’on leur montre ce que c’est qu’un bon plan avec une feuille de route et des exemples, ils auront envie d’agir, alors qu’une litanie de contraintes les découragera. Je veux une loi d’entraînement, qui donne envie de mettre la transition énergétique en mouvement et de réduire les gaz à effets de serre. Faisons confiance à l’intelligence des élus, qui ont parfaitement compris ce qu’est un plan territorial.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2264 et CS2265 du rapporteur.

Elle aborde l’amendement CS2267 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement vise à reconnaître aux EPCI et aux métropoles une responsabilité dans la mise en œuvre des PCAET qu’ils établissent. Ainsi, ce seront les mêmes personnes qui élaboreront les plans et qui agiront sur le terrain.

Mme la ministre. Avis favorable, mais le terme « autorité » n’est pas adapté à une mission d’animation et de coordination. Je propose de rédiger ainsi : « substituer aux mots : “ , peuvent, dans le cadre de leur périmètre, animer et coordonner”, les mots : “sont les coordinateurs de la transition énergétique. Elles animent et coordonnent, sur leur territoire,” ».

La Commission adopte l’amendement CS2267 ainsi rectifié.

Elle en vient à l’amendement CS2266 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de repli, que je retire.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2268 du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CS1059 de Mme Sylviane Alaux.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2269, CS188, CS2272, CS2270 et CS2271 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CS1060 de M. Michel Lesage.

Mme la ministre. Avis favorable. L’amendement tend à supprimer le lien entre les territoires à énergie positive (TEPOS) et les intercommunalités qui ont adopté un PCAET. Il faut s’adresser à tous les territoires pour ne pas déstabiliser les expérimentations en cours. Je rappelle que les collectivités qui n’appartiennent pas au réseau TEPOS pourront accéder aux contrats locaux de transition énergétique.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2274 du rapporteur.

Elle examine l’amendement CS2414 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2275 à CS2277 du rapporteur.

Elle adopte l’article 56 modifié.

Article 56 bis [nouveau]
(articles L. 123-1-2 à L. 123-1-4 du code de l’urbanisme)

Prise en compte de l’énergie dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme

Les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) prévues au sein du plan local d’urbanisme (PLU) apportent la vision transversale nécessaire aux thématiques d’aménagement, d’habitat, de transport et de déplacement. Votre co-rapporteur a jugé utile que, dans le cadre de leurs nouvelles responsabilités en matière de plan climat-énergie territorial et de développement des réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur, les collectivités bénéficient de cette vision transversale, ce qui leur permet de s’assurer que le développement des réseaux est cohérent avec l’atteinte des objectifs des politiques locales et nationales relatives à l’énergie et au climat.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS2303 rectifié du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement vise à ce que les PLU prennent en compte la préoccupation énergétique, notamment dans les zones en aménagement. J’ai pu constater à Paris que la question de l’énergie était parfois examinée trop tard, ce qui empêche d’avoir en amont une vision coordonnée des réseaux et de l’installation.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 56

La Commission étudie l’amendement CS2304 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement tend à préciser les missions qu’exercent les agences régionales de l’environnement, en appui aux régions.

Mme la ministre. Avis défavorable. Les régions savent à quoi servent les agences régionales de l’environnement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS2305 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je propose de préciser l’utilité des agences locales de l’énergie et du climat.

Mme la ministre. Je suggère le retrait. Ces agences ont déjà été évoquées.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS2323 du rapporteur est retiré.

La Commission aborde l’amendement CS2302 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. La proposition, rédigée avant l’adoption de l’amendement précisant la gouvernance d’ERDF, vise à demander qu’on établisse des synthèses de niveau régional sur les résultats des conférences départementales.

M. le président François Brottes. Laissons vivre la nouvelle gouvernance, qui générera d’elle-même certaines propositions. Le risque, quand on parle de la même chose à plusieurs endroits, est que l’on finisse par ne plus en parler nulle part.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

Article 57
(article L. 2224-38 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Réseaux publics de chaleur et de froid

1.  État du droit

a.  Définition et cadre juridique des réseaux de chaleur et de froid

Un réseau de chaleur ou de froid, parfois désigné « chauffage urbain » ou « froid urbain » est un système de distribution de chaleur ou de froid à destination de bâtiments publics ou privés. La chaleur ou le froid sont produits à partir d’énergies conventionnelles (gaz, fioul) ou renouvelables (biomasse : bois, résidus agricoles, cultures énergétiques ; géothermie) dans des chaufferies, ou récupérés à partir d’autres sources d’énergie comme la chaleur issue des eaux usées. Puis, la chaleur ou le froid sont transportés à l’aide d’un réseau de canalisations jusqu’à des sous-stations situées au bas des immeubles à approvisionner.

La loi n° 80-531 du 15 juillet 1980, relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur érige la distribution de chaleur et de froid en service public à caractère industriel et commercial, mais précise le caractère optionnel et non-exclusif de cette compétence des communes. La création de ces réseaux ne constitue pas, d’une part, une obligation pour les collectivités. D’autre part, ces installations peuvent être réalisées par d’autres acteurs, y compris privés, ou transférés à des groupements intercommunaux (25).

Ainsi le cadre juridique de la réalisation d’installations en vue d’alimenter un réseau de chaleur ou de froid peut revêtir la forme d’un affermage, d’une concession ou d’une régie publique avec ou sans contrat d’exploitation dans le cadre d’un service public, ou d’un réseau privé, sous contrat, dans le cas contraire.

b.  Développement des réseaux de chaleur et de froid comme outil privilégié d’utilisation des énergies renouvelables et de récupération

Les plans d’action nationaux en faveur des énergies renouvelables et en matière d’efficacité énergétique pris en application respectivement de l’article 4 de la directive 2009/28/CE et de l’article 24 de la directive 2012/27/UE portent l’ambition d’une progression de la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale d’énergie à horizon 2020. Dans ce cadre, les réseaux de chaleur ou de froid (432 sur le territoire français, dont 14 réseaux de froid), publics ou non, présentent de nombreux avantages justifiant leur modernisation et leur développement.

En effet, ces réseaux sont les seuls permettant de mobiliser une importante quantité d’énergies renouvelables et de récupération (ENR&R) dont l’accès et l’exploitation sont difficiles, en zones urbaine et péri-urbaine notamment. Il s’agit de la biomasse, la géothermie profonde ou encore des énergies de récupération provenant du traitement des déchets ou de sites industriels. En 2010, la part des ENR&R dans le bouquet énergétique global des réseaux de chaleur s’élève à 31 % (26).

À titre d’exemple, l’incinération des déchets ménagers produit de la chaleur dite « fatale » (sa production est inévitable) qui peut être récupérée par les réseaux de chaleur. De manière concrète, le raccordement d’une usine d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) à un réseau de chaleur offre la possibilité de fournir de l’électricité à un foyer à partir du traitement des déchets de 7 autres foyers. Ainsi, ce système de récupération permet de valoriser une ressource qui ne serait pas exploitée autrement puisque l’objectif premier n’est pas de produire de la chaleur. Le faible coût d’exploitation de cette ressource constitue un autre avantage, qui explique l’intérêt des collectivités territoriales dans le développement de tels réseaux.

Au niveau juridique, les réseaux de chaleur ou de froid peuvent être classés. Cette procédure permet de rendre obligatoire le raccordement à ce réseau d’un immeuble nouvellement construit ou faisant l’objet d’importants travaux de rénovation. Parmi les contraintes qui ouvrent le droit à un classement, figurent l’alimentation à 50 % du réseau par des énergies renouvelables ou de récupération et l’équilibre financier de l’exploitation du réseau pendant la période d’amortissement des installations. Ce classement vaut pour trente ans.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Le chapitre du code général des collectivités territoriales relatif aux services publics industriels et commerciaux est donc complété par une section 7 portant sur la distribution de chaleur et de froid. Il comporte l’article unique L. 2224-29 (nouveau).

Son I réaffirme que les communes sont compétentes pour créer et exploiter un réseau public de chaleur ou de froid. Cette compétence peut être transférée à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) auquel la commune appartient, ou à un établissement public d’aménagement, qui a le statut d’établissement public industriel et commercial, notamment dans le cas de grandes opérations d’urbanisme ou d’opérations d’intérêt national prévues à l’article L. 321-14 du code de l’urbanisme.

Cette activité constitue un service public industriel et commercial, qui peut être géré directement (en régie), par voie d’affermage ou de concession. En outre, si c’est un EPCI qui exerce la compétence relative à ces réseaux publics, il peut en transférer la maîtrise d’ouvrage à un autre établissement public, notamment un établissement public d’aménagement.

Le II de l’article L. 2224-29 rappelle d’une part l’objectif de 50 % d’énergie renouvelable dans l’alimentation des réseaux de chaleur et de froid à l’horizon 2020, qu’ils soient publics ou non. Pour y parvenir, les collectivités territoriales en charge d’un réseau public de distribution de chaleur ou de froid, en service à la date du 1er janvier 2009, doivent d’autre part élaborer un schéma directeur avant le 31 décembre 2019.

L’objet de ce schéma directeur est :

– d’identifier les vecteurs de densification et d’extension des réseaux, ce qui passe notamment par une meilleure interconnexion des réseaux existants entre eux ;

– d’évaluer comment développer la part d’ENR dans l’alimentation des réseaux ;

– d’évaluer comment mieux utiliser les énergies de récupération – produite par exemple par l’activité d’incinération des déchets – dans l’alimentation de ces réseaux.

3.  Position de votre co-rapporteur

Les réseaux de chaleur et de froid constituent l’une des sources privilégiées de développement des énergies renouvelables et de récupération, et constitue un moyen simple et peu onéreux d’engager de réelles économies d’énergies.

Or, les réseaux de chaleur et de froid ne desservent à l’heure actuelle que 5 % du parc immobilier français, alors que la moyenne européenne s’établit à 13 %. Le développement des réseaux de chaleur requiert dans ces conditions un encadrement juridique plus clair et la mise en place d’outils de pilotage allant dans le sens d’une utilisation accrue d’ENR&R.

Votre rapporteur appuie donc les avancées permises par cet article qu’il a souhaité amender dans le sens d’une meilleure mise en œuvre du développement des réseaux publics de chaleur et de froid. À cette fin, votre co-rapporteur a présenté un amendement, adopté par la commission, qui prévoit que l’évaluation incluse dans le schéma directeur de réseau créé par l’article comporte une étude de la qualité du service fourni.

Il a également souhaité mettre en avant l’importance des zones où ces réseaux sont classés. Le classement d’un réseau de chaleur ou de froid permet de rendre obligatoire le raccordement à celui-ci d’un immeuble nouvellement construit ou faisant l’objet d’importants travaux de rénovation. Les schémas directeurs devraient donc naturellement prêter une attention particulière à ces zones. Cette demande ayant été jugée satisfaite par le Gouvernement, l’amendement a été retiré.

*

* *

Mme la ministre. L’article 57 reconnaît un service public communal de chaleur et de froid, en promeut le développement, particulièrement en vue d’augmenter la part d’énergie renouvelable et de récupération. Il consolide le rôle des collectivités, notamment des communes et des intercommunalités, en réaffirmant leur rôle d’autorités organisatrices du service public de distribution de chaleur et en prévoyant qu’elles réalisent un schéma directeur du réseau de chaleur pour organiser et planifier le développement efficace et durable du réseau. Elles évaluent le potentiel de densification, d’extension, d’interconnexion des réseaux, ainsi que le potentiel de développement de la part des énergies renouvelables, de la récupération et de l’efficacité énergétique.

La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CS2280 du rapporteur, ainsi que son amendement CS2306, qui apporte une précision rédactionnelle.

Elle est saisie de l’amendement CS2307 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Il s’agit de préciser que les schémas directeurs des réseaux publics de chaleur et de froid prennent en compte la qualité du service rendu aux consommateurs.

Mme la ministre. Avis favorable, mais il sera difficile d’évaluer la qualité du service rendu.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde l’amendement CS2322 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’amendement vise à préciser que le schéma directeur du réseau de distribution de chaleur et de froid inclut les zones où ce réseau est classé au sens de l’article L. 712-1 du code de l’énergie, ce qui rend le schéma prioritaire dans les zones d’aménagement.

Mme la ministre. L’amendement est satisfait, puisque la loi n’établit aucune distinction entre les réseaux classés ou non, de sorte que les schémas directeurs portent sur l’ensemble du réseau.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2321 du rapporteur.

Mme la ministre. Satisfait. Les collectivités locales peuvent déjà introduire dans le contrat de concession des clauses particulières sur l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables ou de récupération.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CS1889 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit de permettre à titre expérimental à des abonnés d’intégrer l’exploitation des réseaux secondaires dans le périmètre du service public, en créant un terme R3 afin de financer cette partie du service public de distribution de chaleur ou de froid urbain.

Mme la ministre. Avis défavorable. Le réseau secondaire appartient au propriétaire du bâtiment qu’il dessert. L’amendement ne simplifie pas la situation, puisque les investissements sur le réseau secondaire resteront à la charge du maître d’ouvrage. Il subsistera donc deux facturations distinctes. C’est un point que nous allons vérifier.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 57 modifié.

Article 58
Expérimentation sur le développement des services de flexibilité locaux

1.  État du droit

L’acheminement de l’électricité depuis son lieu de production jusqu’aux consommateurs passe en particulier par un réseau public de distribution, appartenant aux collectivités territoriales ou aux établissements de coopération intercommunale qui le concèdent à des gestionnaires de réseau. Cette situation résulte de dispositions législatives particulières.

L’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales reconnaît en effet les communes (ou leur EPCI) et les départements comme autorités organisatrices compétentes pour la distribution d’électricité et de gaz (AOD).

L’article L 111-52 du même code dispose en outre qu’en pratique, les collectivités territoriales concèdent la gestion du réseau à ERDF qui constitue, avec une couverture de 95 % du territoire national continental et 35 millions de consommateurs finals, le principal gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité. Les 5 % restant sont gérés par des entreprises locales de distribution (ELD), via des régies.

La distribution de l’électricité est régulée par une autorité administrative indépendante, la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Parmi ses missions, la CRE sécurise le droit d’accès au réseau public de distribution d’électricité, veille à leur développement et à leur bon fonctionnement, et garantit l’indépendance des gestionnaires de réseaux.

Le rapport annuel de la Cour des comptes pour l’année 2013 offre un aperçu des différents modèles de distribution de l’électricité existant au sein de l’Union Européenne, soulignant le caractère substantiellement centralisé de la gestion de l’énergie en France (cf. encadré ci-dessous).

Les différents modèles européens

« En Europe, des modèles très différents coexistent : l’Allemagne compte par exemple plus de 900 distributeurs d’électricité, dont 90 % alimentent moins de 100 000 clients. A côté des régies communales (Stadtwerke) qui alimentent 50 % des clients, le marché est réparti entre quelques opérateurs (dont RWE, EON, EnBW et Vatenfall). L’écart de tarifs entre distributeurs peut atteindre 40 %.

En Suède, le réseau local est composé de 194 concessions géographiques gérées par 172 opérateurs différents. Ce système est également caractérisé par l’absence de péréquation tarifaire : chaque opérateur fixe le tarif d’acheminement, qui s’échelonne du simple au double.

Le Royaume-Uni s’inscrit pour sa part dans une logique de monopoles régionaux, avec 14 opérateurs de distribution appartenant à six groupes qui ont chacun leur zone de desserte exclusive. Le tarif de distribution, régulé nationalement, est également variable entre ces opérateurs en fonction de leurs charges et de leurs performances. »

Source : Cour des comptes, Rapport public annuel, février 2013, p. 109

2.  Modifications apportées par le projet de loi

Cet article a pour objet de lancer une expérimentation qui crée un service de flexibilité de la distribution d’électricité à l’échelle locale. Elle constitue un premier pas vers une gestion décentralisée de la distribution d’électricité. L’enjeu premier n’est pourtant pas d’évoluer vers un tel modèle, mais d’optimiser cette distribution en tenant compte de la part de plus en plus importante que forment les énergies renouvelables dans la production totale d’électricité en France.

L’expérimentation que prévoit l’article concerne les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants et la métropole de Lyon. Elle a une durée de quatre ans, renouvelable. Son périmètre géographique est déterminé après avis conforme et motivé du gestionnaire de réseau.

Son objet est la réalisation d’un service de flexibilité local (SFL) de la distribution d’électricité sur certaines portions du réseau : ce service aurait pour but d’optimiser le flux d’électricité distribuée par le gestionnaire de réseau, par un meilleur appariement de l’électricité produite localement, notamment à partir de sources renouvelables, et des besoins des consommateurs. L’objectif recherché est la réalisation de gains sur la taille et l’entretien du réseau : avec la mise en place de ces « boucles locales », le gestionnaire de réseau peut reporter ou diminuer les besoins d’investissements, et donc générer de substantielles économies.

Le SFL associe les établissements publics porteurs de l’expérimentation, les consommateurs et les producteurs d’électricité, éventuellement d’autres collectivités territoriales, qui peuvent constituer une personne morale ad hoc ou utiliser une structure existante, et le gestionnaire de réseau public d’électricité. Une convention lie ces deux parties, ou, dans le cas où une personne morale n’est pas constituée, l’établissement public ou la collectivité porteuse de l’expérimentation. La convention a pour objet de déterminer les conditions financières et techniques sous lesquelles le service de flexibilité local va fonctionner. La Commission de régulation de l’énergie approuve cette convention.

Si des économies sont effectivement dégagées grâce au SFL, l’intégralité des coûts évités pour le gestionnaire de réseau est répercutée sur les personnes concernées, par le biais d’une rémunération de la personne morale ad hoc ou de l’établissement public ou la collectivité porteur de l’expérimentation. Cette rémunération fait partie des charges couvertes par le TURPE (cf. commentaire sous l’article 42 du présent projet de loi).

Enfin, un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de cet article.

3.  Position de votre co-rapporteur

Votre rapporteur approuve le déploiement expérimental des « boucles locales » en matière de distribution d’électricité. Il s’agit d’anticiper la part plus importante d’électricité produite à partir de sources renouvelables dans le mix électrique français, et d’adapter le fonctionnement du réseau de distribution en fonction pour éviter les investissements inutiles, notamment sur sa partie basse tension, qui sera la plus concernée par l’expérimentation.

Il conviendra de suivre de près le développement des boucles locales expérimentées pour évaluer l’opportunité de leur généralisation à moyen terme.

*

* *

Mme la ministre. L’article 58 introduit un droit à l’expérimentation des boucles locales, afin de fédérer au sein d’un périmètre un ensemble de consommateurs et de producteurs et de gérer les flux d’électricité en corrélant la consommation et la production. Le gestionnaire du réseau de distribution pourra conclure des contrats avec les acteurs ainsi fédérés pour rémunérer les économies – comme les investissements évités – que leurs actions généreront dans la gestion du réseau.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2282 du rapporteur puis elle adopte l’amendement CS2308 du même auteur.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2283 et CS2284 du rapporteur.

Puis elle aborde l’amendement CS2309 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS2310 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à éviter que les entreprises éventuellement associées aux expérimentations utilisent les données collectées dans ce cadre à des fins commerciales.

Mme la ministre. Avis défavorable : le droit commun relatif à la confidentialité s’applique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2285 et CS2286 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 58 modifié.

Article 59
Habilitation relative au déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents et de dispositifs de gestion optimisée de l’énergie

1.  État du droit

a.  Les réseaux électriques intelligents (REI) et les dispositifs de gestion optimisée de l’énergie dans la transition énergétique

Un réseau d’électricité établit une connexion entre des producteurs d’énergie (centrales nucléaires et thermiques, panneaux solaires, éolienne) et des consommateurs (particuliers, industries). On qualifie d’« intelligent », d’après l’expression anglo-saxonne smart grid, un réseau électrique intégrant des fonctionnalités provenant des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

Le recours aux technologies informatiques comme les capteurs et les systèmes d’analyse de données permet de mieux connaître les actions et les besoins des différents utilisateurs du réseau électrique – producteurs, fournisseurs d’énergie, gestionnaires et consommateurs. Un réseau d’électricité intelligent permet par exemple de collecter l’information nécessaire pour détecter rapidement des incidents et éviter des coupures, et permet, à partir d’une connaissance affinée et en temps réel de la demande des usagers ainsi que de l’électricité produite, d’optimiser la gestion du réseau et de garantir l’équilibre entre offre et demande d’électricité.

Plus largement, les dispositifs de gestion optimisée de l’énergie offrent une meilleure flexibilité au système énergétique à partir d’autres sources d’énergie que l’électricité, comme la chaleur, le froid, le gaz et l’hydrogène. Par exemple, la technologie du « power-to-gas » apporte une solution au stockage du surplus d’électricité (notamment renouvelable) par leur transformation en hydrogène ou en méthane de synthèse (dite méthanation), qui peuvent être physiquement stockés voire redistribués dans le réseau de gaz.

Au sein de la transition énergétique, les REI et autres dispositifs de gestion optimisée de l’énergie ont donc à la fois un rôle de performance énergétique accrue et un rôle d’innovation technologique au service de la croissance verte. Ils permettront d’apporter des solutions durables à la nécessaire conciliation de l’augmentation de la consommation d’énergie et des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de développement des énergies renouvelables.

b.  Des initiatives de développement des REI

L’Union Européenne, en particulier par les directives 2006/32/CE du 5 avril 2006 relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques, et 2009/72/CE du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, a donné l’impulsion nécessaire au développement des réseaux électriques intelligents et de la gestion optimisée de l’énergie au sein des États-membres.

Un exemple de technologie smart grid : le compteur linky

Installés chez les particuliers, les compteurs évolués Linky sont des compteurs électromécaniques ou électroniques qui permettront de mesurer avec précision l’énergie consommée. Ils sont communicants, c’est-à-dire en interaction permanente avec un centre de supervision, ce qui leur permet d’envoyer et de recevoir des données à distance avec le réseau.

La technologie Linky offre au consommateur la possibilité de connaître précisément et de manière régulière sa consommation d’électricité par une consultation sur un site internet. Ainsi, le consommateur bénéficiant d’une meilleure information est mieux à même de comprendre et adapter sa consommation d’électricité et de ce fait de maîtriser sa dépense, sur la base d’une consommation réelle d’électricité et non sur une simple estimation. Le consommateur devient ainsi acteur de sa consommation.

Les compteurs Linky font l’objet d’une expérimentation confiée par la CRE à ERDF et généralisée en septembre 2011 pour atteindre l’installation de 35 millions de compteurs Linky d’ici 2020.

De plus, certaines collectivités territoriales françaises ont lancé des expérimentations en matière de développement de technologies smart grid. La forme expérimentale présente en particulier l’avantage de favoriser l’innovation et le développement de gammes qui auront prouvé leur efficacité à l’issue des projets.

À titre d’exemple, le projet « Sogrid » lancé par Toulouse Métropole a pour objet le développement d’un système global de communication permettant aux équipements du réseau de communiquer entre eux. L’enjeu de cette expérimentation est de parvenir à rendre le réseau lui-même plus flexible via sa surveillance, un meilleur pilotage et une possibilité d’intervention en temps réel. Le projet revêt la forme d’un consortium comprenant le gestionnaire de réseau, ERDF, des partenaires industriels, des PME ainsi que des laboratoires de recherche. Ce projet bénéficie de fonds publics à hauteur de 12 millions d’euros, versés par l’ADEME dans le cadre de ses appels à manifestation d’intérêt (AMI).

L’intervention publique en complément de l’initiative privée trouve également une concrétisation dans le cadre de la Nouvelle France industrielle, dont un des trente-quatre plans est consacré aux REI. Sa feuille de route affiche un objectif de 10 000 créations d’emplois à l’horizon 2020 sur ce secteur. L’adaptation du cadre législatif pour favoriser les expérimentations de technologies smart grid est d’ailleurs un engagement de l’État.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 59 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnances, dans les douze mois à compter de la publication de la présente loi, pour lancer à titre expérimental le déploiement de réseaux électriques intelligents ou de dispositifs de gestion optimisée de l’énergie. Les expérimentations devraient durer quatre années, durée renouvelable une fois, à partir de la publication des ordonnances en question.

Cette expérimentation rassemble, dans la région ou le département concerné, le gestionnaire de réseau, les autorités organisatrices des réseaux publics de distribution et les collectivités publiques compétentes en matière d’énergie sur le territoire. La CRE encadre les règles relatives à l’accès et à l’utilisation des réseaux.

3.  La position de votre co-rapporteur

Le développement des réseaux smart grids et des technologies d’optimisation de la gestion de l’énergie est bienvenu à la fois pour accroître les performances énergétiques sur les territoires et pour encourager la croissance verte, qui a besoin de ce potentiel d’innovation.

Il faudra cependant veiller à ce que les potentialités de ces réseaux électriques intelligents soient aussi appropriées par les consommateurs : en particulier, le compteur Linky devrait pouvoir offrir aux usagers un relevé précis et gratuit de leur consommation, exprimé en euros et mis à jour en temps réel, afin d’encourager les comportements vertueux.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement présenté par votre co-rapporteur qui réhabilite la fonction traditionnelle d’approbation – et non de fixation – par la CRE des règles particulières relatives aux conditions d’accès aux réseaux et à leur utilisation.

*

* *

La Commission aborde l’amendement CS2401 de M. le président François Brottes.

M. le président François Brottes. Cet amendement a pour objet de préciser que l’expérimentation prévue par voie d’ordonnance pourra porter sur le développement de technologies de gestion optimisée des énergies comprenant des technologies de stockage ou de transformation de l’électricité.

Mme la ministre. Cet amendement est satisfait, puisque l’optimisation globale des réseaux énergétiques inclut le stockage de l’énergie et a fortiori le power to gas permettant de couper les réseaux d’électricité et de gaz. Procéder à une énumération explicite des technologies pourrait créer de la confusion.

M. le président François Brottes. Il ne s’agit pas d’un inventaire des technologies : le stockage et la transformation des énergies sont des sujets dépassant la simple question des technologies.

Mme la ministre. Dont acte : avis favorable à l’amendement.

M. Denis Baupin, rapporteur. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS2290 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement rédactionnel CS2291 du rapporteur.

Mme la ministre. Avis défavorable. Il est plus cohérent de garder le pluriel à « réseaux ».

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements CS2287, CS2320, CS2289 et CS2288 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 59 modifié.

*

Mme la ministre. Nous venons d’adopter l’article 59 qui introduit un droit à un déploiement expérimental d’un ensemble de solutions de réseaux électriques intelligents dans une zone géographique. Cette mesure donne la possibilité au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour mener à bien ce déploiement expérimental, les technologies étant désormais mûres pour aborder des phases de déploiement à grande échelle.

Article 60
(articles L. 121-5, L. 121-8, L. 121-13, L. 121-16, L. 121-32, L. 121-35 à L. 121-37, L. 121-40, L. 124-1 à L. 124-4 [nouveaux], L. 337-3 et L. 445-5 du code de l’énergie)

Chèque énergie

1.  État du droit

a.  La lutte contre la précarité énergétique en France

À l’échelle européenne, le projet EPEE (étude de la précarité énergétique en Europe) associant le Royaume-Uni, la Belgique, l’Italie, l’Espagne et la France a contribué à la définition de la précarité énergétique, qui « désigne un foyer qui éprouve des difficultés, voire se trouve dans l’impossibilité de chauffer correctement son logement à un prix raisonnable qui dépend de ses revenus ». La précarité énergétique signifie souvent une « double peine » : vivre dans un logement vétuste se traduit souvent par des dépenses plus importantes d’énergie relativement aux logements décents.

En France, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 d’engagement national pour l’environnement modifiant la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit du logement consacre la notion de précarité énergétique au rang législatif. L’article 4 de la loi de 1990 précitée qualifie de situation de précarité énergétique l’état d’« une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».

Dans le cadre des travaux du Grenelle de l’Environnement initié en 2007, le rapport du Plan bâtiment présenté par Philippe Pelletier estime que 3,8 millions de ménages résidant en France métropolitaine sont en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire consacrant une part de leur revenu aux dépenses énergétiques – appelée taux d’effort énergétique – supérieure à 10 %. Le rapport met en outre en exergue que les populations les plus touchées sont les propriétaires occupants de maisons individuelles, et en majorité des ménages de plus de 60 ans résidant en milieu rural. De même, l’INSEE recense 3,8 millions de personnes déclarant souffrir du froid dans leur logement, au premier rang desquels les ménages modestes cumulant difficultés financières et habitat peu performant.

Parmi les mécanismes de lutte contre la précarité énergétique déjà existants, le crédit d’impôt développement durable favorise les dépenses visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments.

Le crédit d’impôt « développement durable »

L’article 200 quater du code général des impôts détaille les modalités d’application de ce crédit d’impôt. Il établit une liste des équipements éligibles, les taux qui lui sont appliqués, et précise les conditions de son obtention.

En particulier, l’aide est destinée au remboursement des dépenses liées à l’acquisition d’équipement performant : équipements de chauffage et appareils de régulation, équipements utilisant des énergies renouvelables, pompes à chaleur produisant de l’eau chaude sanitaire, équipements de raccordements à des réseaux de chaleur utilisant des énergies renouvelables ou des installations de cogénération, chaudières à micro-cogénération de gaz.

Simplifié par la loi de finances pour 2014, le dispositif prévoit désormais :

- un taux à 15 %  pour les dépenses réalisées sans travaux, qui ne concerne que les ménages dont le montant du revenu fiscal de référence est inférieur à un plafond ;

- un taux à 25 % pour les dépenses réalisées dans le cadre d’un bouquet de travaux, sans condition de ressources.

La politique principale de lutte contre la précarité énergétique en France repose néanmoins sur le mécanisme des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz.

b.  Les tarifs sociaux de l’énergie

Les tarifs sociaux de l’énergie consistent à prévoir, pour les ménages modestes, une réduction automatique de leur facture d’électricité et de gaz, prise en charge par la collectivité au travers de contributions spécifiques.

En vertu de l’article L. 337-3 du code de l’énergie, qui codifie une disposition créée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, l’établissement des tarifs de l’électricité doit tenir compte « du caractère indispensable de l'électricité ». La loi prévoit donc une tarification spéciale « produit de première nécessité » pour les consommateurs modestes, entendue plus communément sous le terme de tarif de première nécessité (TPN). Le tarif social de l’électricité a été mis en œuvre par le décret n° 2004-325 du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale de l'électricité comme produit de première nécessité.

Le tarif social du gaz, ou « tarif spécial de solidarité » (TSS) a été créé par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, et mis en œuvre par le décret n° 2008-778 du 13 août 2008, relatif à la fourniture de gaz naturel au tarif spécial de solidarité. L’expression législative du TSS est désormais codifiée à l’article L. 445-5 du code de l’énergie. Il s’agit d’une extension du TPN pour le gaz naturel : les bénéficiaires du TSS sont ceux qui bénéficient déjà du TPN ; les modalités d’application et du TPN et du TSS sont identiques.

Le TPN et le TSS consistent ainsi en une déduction forfaitaire annuelle du montant de la facture de gaz et d’électricité des ménages, qui atteint en moyenne une centaine d’euros par an sur chaque facture. Dans un immeuble chauffé collectivement au gaz, la déduction forfaitaire prend la forme d’un chèque versé aux consommateurs concernés par le fournisseur.

Aucune démarche de la part des particuliers éligibles n’est nécessaire pour bénéficier des tarifs sociaux. Les fournisseurs d’énergie ont en effet accès aux fichiers croisés de l’administration fiscale et des organismes d’assurance maladie, sous réserve de strictes règles de confidentialité.

NOMBRE DE FOYERS BÉNÉFICIAIRES DES TARIFS SOCIAUX DE L’ÉNERGIE

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

TPN

358 000

460 000

629 000

716 000

940 000

615 000

650 000

1 205 000

TSS

-

-

-

132 000

298 000

307 000

313 000

457 000

Source : Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2013-1031 du 15 novembre 2013, portant extension à de nouveaux bénéficiaires des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz naturel, les bénéficiaires des tarifs sociaux sont non seulement les personnes qui ont droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et ainsi que celles éligibles à l’aide pour la complémentaire santé (ACS) (27) , mais tous les foyers dont le revenu fiscal annuel ne dépasse pas 2 175 € par part fiscale (cette somme est majorée de 11,3 % dans les départements d’outre-mer). Selon les estimations du gouvernement, l’ajout du critère fondé sur le revenu fiscal de référence permettra à environ 4 millions de foyers de bénéficier des tarifs sociaux, contre 1,7 million avant 2013.

Le bénéfice des tarifs sociaux ouvre d’autres droits qui visent à éviter l’alourdissement de la facture énergétique pour les ménages modestes. Par exemple, la gratuité de la mise en service et de l'enregistrement du contrat avec le fournisseur d’énergie, ainsi qu’un abattement de 80 % sur la facturation d'un déplacement en raison d'une interruption de fourniture imputable à un défaut de règlement (article 4-1 du décret précité du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale de l'électricité comme produit de première nécessité et article 5 du décret précité du 13 août 2008 relatif à la fourniture de gaz naturel au tarif spécial de solidarité).

Enfin, le financement des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz reposent sur deux contributions : pour l’électricité, il s’agit d’une part de la contribution pour le service public de l’électricité (CSPE), à hauteur de 327 millions d’euros en 2014 selon la CRE. Cette disposition est prévue à l’article L. 212-8 du code de l’énergie. La CSPE est collectée sur les factures d’électricité de tous les ménages – y compris ceux qui bénéficient du TPN – par les fournisseurs d’électricité. Pour le gaz, il s’agit de la contribution au tarif spécial de solidarité applicable au gaz naturel (CTSS), en vertu de l’article L. 121-32 du même code. Elle est versée par les fournisseurs de gaz naturel au prorata de la quantité de gaz naturel qu’ils vendent aux consommateurs finals. Le montant de la CTSS pour 2014 devrait être de 107 millions d’euros environ, en forte augmentation, selon la CRE.

c.  Des lacunes mises en avant par plusieurs rapports

Les tarifs sociaux de l’énergie ont plusieurs avantages, le premier d’entre eux étant leur automaticité pour les bénéficiaires – ce qui écarte le problème du non recours aux droits sociaux, constaté dans nombre de politiques sociales.

Néanmoins, sur la période récente, un rapport de l’ADEME (28) ainsi qu’un rapport, non public, de plusieurs inspections (29), ont identifié les difficultés posées par les tarifs sociaux de l’énergie, et évoqué l’opportunité de passer à un système plus simple et plus efficace : le chèque énergie.

Les principales lacunes des tarifs sociaux sont, à l’heure actuelle :

– L’iniquité de l’assiette des ménages éligibles : les ménages utilisant l’électricité et, pour se chauffer, le gaz, bénéficient deux fois des tarifs sociaux ; les ménages utilisant uniquement l’électricité, y compris pour se chauffer, n’en bénéficient qu’une seule fois ; les ménages utilisant l’électricité, mais se chauffant au fioul ou au bois ne bénéficient de tarif social sur leur énergie de chauffage – tandis que ces énergies sont relativement plus chères que l’électricité ou le gaz ;

– La difficulté d’un ciblage efficace et stable des ménages bénéficiaires, à cause des nombreux recoupements à opérer entre administrations et fournisseurs ;

– L’absence de portée préventive : les tarifs sociaux ne permettent pas d’attaquer de front le problème des logements vétustes qui sont des « passoires thermiques », mais limite seulement le taux d’effort énergétique ;

– D’importants coûts de gestion, répercutés par les fournisseurs d’énergie sur la compensation dont ils bénéficient au titre de la CSPE ou de la CTSS.

Ces lacunes expliquent qu’un dispositif alternatif soit aujourd’hui proposé au sein du présent projet de loi.

2.  Modifications apportées par le projet de loi

L’article 60 crée un chèque énergie qui a vocation à se substituer aux tarifs sociaux de l’électricité et du gaz. Il profitera à tous les consommateurs d’énergie en situation de précarité énergétique (y compris ceux qui se chauffent au fioul ou au bois) et son utilisation pourra aller au-delà du seul paiement des factures.

Le I (alinéas 1 à 12) de l’article 60 crée un chapitre IV qui complète le titre II du livre Ier du code de l’énergie, relatif aux obligations de service public et à la protection des consommateurs.

Les aliénas 4 à 8 prévoient le cadre général du chèque énergie, au sein de l’article L. 124-1 (nouveau). Le chèque énergie est un titre spécial de paiement, sur le modèle du chèque restaurant ou du chèque vacances. Il pourra être utilisé pour acquitter des factures d’énergie, mais aussi contribuer aux dépenses que les ménages engagent pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement. Plus précisément, les dépenses de rénovation énergétique concernées sont celles qui ouvrent aujourd’hui le droit à bénéficier du crédit d’impôt développement durable, comme l’achat de matériaux d’isolation thermique, de thermostats, d’équipements de chauffage qui utilisent des énergies renouvelables, ainsi que le coût de leur installation dans le logement (cf. supra).

Le critère ouvrant droit au chèque énergie est unique, à la différence des tarifs sociaux. Il s’agit d’un seuil de revenus du ménage, qui tient compte de sa composition. L’administration fiscale sera en charge d’identifier ces ménages.

L’article L. 124-1 prévoit également qu’un organisme habilité par l’État aura la charge de la distribution des chèques, à partir du fichier constitué par l’administration fiscale – cette communication préserve la confidentialité des données recueillies –, ainsi que du remboursement des fournisseurs, des distributeurs d’énergie et des professionnels qui en sont destinataires.

Les aliénas 9 à 11 insèrent deux articles L. 124-2 et L. 124-3 (nouveaux) qui précisent certaines caractéristiques du chèque énergie : il est nominatif, doté d’une durée de validité (différente selon l’usage du chèque : à destination des factures d’énergie ou de la rénovation énergétique du logement), et doté d’une valeur faciale qui est modulée en fonction des revenus du ménage et de sa composition. Le chèque périme définitivement deux mois après la fin de sa durée de validité.

L’alinéa 12 crée l’article L. 124-4 (nouveau) qui organise le financement du chèque énergie ainsi que le financement des frais de gestion de l’organisme en charge de le délivrer. Le chèque énergie sera notamment pris en charge par une part de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et par une part de la contribution au tarif spécial de solidarité du gaz (CTSS). D’autres sources de financement pourront être mobilisées, mais sans être expressément mentionnées par cet article.

Aux alinéas 7, 9 et 12, des mesures réglementaires sont prévues, respectivement un décret en Conseil d’État pour préciser le cadre général du chèque énergie fixé par l’article L. 124-1 ; un arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie, des affaires sociales et de l’économie pour préciser les caractéristiques techniques du chèque énergie comme moyen de paiement ; enfin un arrêté conjoint des ministres en charge de l’énergie et du budget pour prévoir quelles parts de CSPE et de CTSS seront mobilisées pour financer ce chèque.

Le II (alinéas 13 à 23) de l’article 60 prévoit les modalités transitoires d’aménagement du code de l’énergie pour introduire les dispositions relatives au chèque énergie, à partir du moment où le décret en Conseil d’État mentionné à l’alinéa 7 sera publié. Ces aménagements portent sur les articles qui prévoient les circuits de financement des tarifs sociaux de l’énergie, conservés dans leur fonctionnement mais adaptés pour le chèque énergie. Les tarifs sociaux seront encore en vigueur mais le dispositif du chèque énergie, notamment le financement de l’organisme chargé de sa gestion, est mis en place.

Le III (alinéas 24 à 30) de l’article 60 entrera en vigueur à la date fixée par le décret en Conseil d’État mentionné à l’alinéa 7, et au plus tard le 31 décembre 2016, date à laquelle le chèque énergie entrera pleinement en vigueur. Il a pour objet d’abroger dans le code de l’énergie toutes les dispositions relatives aux tarifs sociaux de l’énergie.

Le IV (alinéa 31) prévoit que le décret en Conseil d’État mentionné à l’alinéa 7 peut comporter des dispositions transitoires pour assurer la bonne articulation entre la disparition des tarifs sociaux et l’entrée en vigueur du chèque énergie.

3.  Position de votre co-rapporteur

Le dispositif du chèque énergie est une avancée importante dans la lutte contre la précarité énergétique. Il est une alternative pertinente aux tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, car il peut être utilisé à des fins d’amélioration de l’efficacité énergétique du logement et de la maîtrise de la consommation énergétique par les ménages. Il remplit donc un double rôle : celui de soulager des dépenses immédiates, souvent lourdes pour des ménages en situation de précarité énergétique, et celui, de plus long terme, d’effectuer des économies d’énergie.

Votre co-rapporteur avait préconisé une expérimentation pour élargir cette utilisation vertueuse du chèque énergie à l’achat d’équipements performants en matière énergétique et indispensable à la satisfaction de besoins élémentaires, comme le chauffage, l’eau chaude sanitaire ou la réfrigération. Néanmoins, cet amendement a été retiré devant les réticences du Gouvernement.

Il a également préconisé de prévoir que les contributions des différentes énergies au financement du chèque énergie soient équitablement réparties, en intégrant notamment le fioul ou le bois. Si votre co-rapporteur a obtenu partiellement satisfaction, puisque l’article prévoit désormais explicitement une contribution du budget général de l’État, il veillera à ce que cette solidarité entre les consommateurs de tout type d’énergie de chauffage, au-delà de l’électricité et du gaz, soit effective.

Enfin, votre co-rapporteur a proposé, avec succès, un amendement qui prévoit que l’envoi postal du chèque énergie est accompagné d’une notice comportant des informations sur ses différents usages ainsi que de conseils pratiques pour améliorer l’efficacité énergétique de son logement.

*

* *

Mme la ministre. L’article 60 institue un chèque énergie versé sous condition de ressources et réservé aux achats d’énergie, qui devra à terme se substituer aux tarifs sociaux de l’électricité et du gaz. Ce dispositif de solidarité améliore l’égalité de traitement entre sources de chauffage, facilite l’atteinte de la cible de bénéficiaires grâce à des critères d’éligibilité plus simples et l’absence de croisements de fichiers, et repose sur un critère de revenu unique permettant une modulation de l’aide et une réduction des effets de seuil.

Le chapitre IV prévoit les dispositions spécifiques aux territoires d’outre-mer et aux autres zones non interconnectées.

M. le président François Brottes. Madame la ministre, je voudrais exprimer ma joie de voir mis en place ce chèque énergie. Lorsque nous avons travaillé sur l’élargissement des tarifs sociaux, nous n’avons pas réussi à obtenir la création de ce dispositif, alors que seul le chèque énergie peut être universel. Je tenais à vous remercier de votre implication et de votre réussite à faire émerger la solution universelle.

La Commission examine l’amendement CS2311 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’inclure dans les destinataires du chèque énergie les ménages qui n’acquittent pas directement leurs factures d’énergie ; cela concerne notamment les logements à chauffage collectif, où la dépense de fourniture d’énergie est incluse dans les charges locatives ou dans les charges de copropriété.

Mme la ministre. L’énergie n’est pas comprise dans le concept de fourniture. Si on donne un chèque qui ne correspond pas à la facture, il pourra être utilisé pour autre chose s’il n’est pas transmis au syndic de copropriété.

M. le président François Brottes. Il s’agit d’un sujet à creuser.

Mme la ministre. Oui. Les copropriétés se trouvent en retard dans l’installation, pourtant obligatoire, des compteurs individuels qui bénéficieront du crédit d’impôt sur la transition énergétique. Ces compteurs incitent immédiatement aux économies d’énergie, et on constate 20 % d’économies par rapport aux compteurs collectifs.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2312 du rapporteur.

Puis elle étudie l’amendement CS2313 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à rappeler que, parmi les dépenses qui sont prises en charge par le chèque énergie au titre de l’article 200 quater du code général des impôts, ne figurent pas que des dépenses de travaux de rénovation très lourdes, mais également des dépenses plus accessibles comme l’achat d’un thermostat.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement rédactionnel CS2292 du rapporteur.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission aborde l’amendement CS2319 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je me réjouis également de la mise en place du chèque énergie qui constitue une avancée importante : il couvre l’ensemble des consommateurs et permet de réduire les factures. La Fondation Abbé Pierre a attiré notre attention sur des postes de consommation élevés dans les ménages en précarité énergétique, comme les équipements de froid ou l’eau chaude sanitaire. Nous souhaitons que l’on puisse, durant une période expérimentale, utiliser le chèque pour améliorer son réfrigérateur et son équipement d’eau chaude sanitaire en achetant des appareils plus performants. Le décret d’application du dispositif du chèque énergie encadrerait cette disposition.

Mme la ministre. J’émets un avis défavorable, car il faut avant tout bien installer le mécanisme du chèque énergie pour le pérenniser. S’il fallait l’étendre, la priorité irait au changement des radiateurs électriques ; les vieux appareils consomment énormément et placent les familles dans une situation de grande précarité. J’ai d’ailleurs demandé à EDF de lancer une action de remplacement de plusieurs centaines de milliers de radiateurs électriques.

En outre, des aides régionales existent déjà pour l’acquisition de réfrigérateurs et d’appareils de production d’eau chaude.

M. le président François Brottes. Dès que l’on met en œuvre des aides à l’acquisition, les prix peuvent augmenter. Par ailleurs, j’ai été l’instigateur, dans la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, du chèque d’accompagnement personnalisé, que l’on peut flécher pour certains usages et que les collectivités locales utilisent.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je retire l’amendement, mais il faudra réfléchir à ces postes de dépenses importants pour les ménages et pour la collectivité.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte les amendements rédactionnels CS2293 et CS2294 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CS2314 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à ce que la réception du courrier comprenant le chèque énergie s’accompagne d’une notice donnant des conseils pratiques en matière d’efficacité énergétique.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS2295 du rapporteur.

Puis elle aborde l’amendement CS2315 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Le texte indique simplement que le financement du chèque énergie repose sur la CSPE et le gaz. L’article 40 de la Constitution ne permet pas aux parlementaires de se pencher sur cette question, mais nous pourrions préciser que le financement doit prendre en compte les différentes énergies et non seulement l’électricité et le gaz ; la solidarité nationale pourrait également financer en partie ce chèque.

Mme la ministre. Je défendrai tout à l’heure l’amendement CS2425 dont l’objectif sera de préciser que le financement du chèque énergie repose sur la CSPE et sur la contribution au tarif spécial de solidarité (CTSS) en tenant compte de la consommation résidentielle d’électricité et de gaz, et que cette source sera complétée par une contribution du budget de l’État.

M. Denis Baupin, rapporteur. D’autres énergies sont-elles prises en compte dans le financement ? Qu’en est-il du fioul ?

Mme la ministre. Il s’agit d’un cadrage global : si l’apport tiré de la CSPE et de la CTSS s’avère insuffisant, des crédits budgétaires financeront le mécanisme.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de coordination CS2316 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CS2425 du Gouvernement.

En conséquence l’amendement CS2296 du rapporteur tombe.

La Commission adopte les amendements rédactionnels CS2297 à CS2301 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 60 modifié.

Après l’article 60

La Commission en vient à l’amendement CS2317 du rapporteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) comprennent une partie spécifique contre la précarité énergétique.

Mme la ministre. Les articles 2 et 4 de la loi du 31 mai 1990 relative à la mise en œuvre du droit au logement prévoient déjà que les PDALHPD comportent des actions en faveur de la lutte contre la précarité énergétique. La loi du 12 juillet 2010 a intégré cette mission des plans. L’amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

Chapitre IV
Dispositions spécifiques aux outre-mer et
aux autres zones non interconnectées

Article 61
(article L. 141-5 [nouveau] du code de l’énergie)

Programmation pluriannuelle de l’énergie dans les Outre-mer

1.  État du droit

À une exception près, la gouvernance de l’énergie dans les Outre-mer ne comporte pas de spécificités par rapport à celle des autres régions françaises.

Les régions ultra-marines participent à l’élaboration du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE). Ce document contient des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la demande de l’énergie, dont la portée n’est pas contraignante. Notons que Mayotte, qui est un département, ou encore Saint-Pierre et Miquelon, qui entrent dans le champ de la CSPE, ne disposent pas de SRCAE.

C’est la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPI) qui constitue le socle de la gouvernance énergétique nationale. Elle sert de base aux appels d’offres pour les énergies renouvelables et aux autorisations d’exploitation accordées aux installations thermiques.

Enfin, le gestionnaire de réseau, EDF SEI ou EDM, publie un bilan prévisionnel de l’équilibre entre l’offre et la demande dans chaque zone non interconnectée, qui sert de base à la PPI. Ce bilan est comparable à celui réalisé par RTE pour la France continentale.

Seule exception, le plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d’exploitation des énergies renouvelables et d’utilisation rationnelle de l’énergie (PRERURE), instauré par la loi d’orientation pour l’Outre-mer du 13 décembre 2000 (article L. 4433-18 du code général des collectivités territoriales), est spécifique aux régions d’Outre-mer. Le contenu du PRERURE recoupe toutefois largement celui du SRCAE, si bien que l’on peut se demander si l’existence du premier avait été identifiée lors de la création du second, au cours de l’examen du projet de loi Grenelle II.

2.  Les dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique

L’article 61 précise que chaque territoire d’Outre-mer fait l’objet d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) distincte. Son contenu est le même que la PPE portant sur le territoire continental, à une exception près : la PPE fixe des objectifs différés de développement des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. En effet, compte tenu des spécificités des systèmes électriques locaux, le bilan écologique et économique de ces véhicules est différent, ce qui justifie que leur extension soit retardée.

Les modalités d’élaboration de ces PPE sont les mêmes que celles de la PPE applicable à la France métropolitaine : elles sont fixées par décret, après avis du Conseil national de la transition écologique et font l’objet d’une présentation au Parlement une fois approuvée (article 49, modifiant les articles L. 141-1 à L. 141-6 du code de l’énergie). Toutefois, pour les Outre-mer, il est prévu que « les modalités spécifiques d’association et de consultation des organes exécutifs ou délibérant de la collectivité sont précisées par décret » (alinéa 5).

3.  Position de la co-rapporteure

Dans le prolongement du rapport d’information de M. Fasquelle et de votre co-rapporteure sur l’adaptation du droit de l’énergie aux Outre-mer (30), la commission spéciale a adopté deux amendements de votre co-rapporteure, ouvrant la porte à une véritable révolution de la gouvernance énergétique dans les Outre-mer.

En premier lieu, le contenu de la PPE des territoires d’Outre-mer est intégralement redéfini. Une telle réécriture du contenu de la PPE se justifie par les spécificités des problématiques énergétiques ultra-marines. En effet, le contenu de la PPE hexagonale, décrit à l’article 49, traduit en filigrane les débats relatifs à l’évolution du mix énergétique métropolitain. Votre co-rapporteure souhaite que le document de programmation structurant la politique énergétique des Outre-mer corresponde aux besoins et aux axes de développement des territoires ultra-marins, à savoir :

– la sécurité d’approvisionnement en carburants ; les Outre-mer sont particulièrement dépendants de l’importation de produits pétroliers par bateaux, sans aucune solution de remplacement ; cette situation met en péril leur souveraineté énergétique ;

– la sécurité d’approvisionnement en électricité ; là encore, la dépendance aux importations de combustibles fossiles est particulièrement préoccupante ; les Outre-mer subissent par ailleurs des temps de coupure très élevés, en raison de la faiblesse des réseaux électriques et de leur situation de zone non interconnectée ; enfin, une partie de la Guyane, composée des communes de l’intérieur, est confrontée à une situation particulièrement grave, des milliers de citoyens n’ayant pas accès à l’électricité ;

– le soutien des énergies renouvelables stables, telles que la géothermie, les SWAC ou encore la biomasse doit être une priorité, dans la mesure où ces énergies constituent la meilleure alternative actuelle aux combustibles fossiles pour la production d’électricité ; à ce titre, la biomasse est une source d’énergie particulièrement importante, dans la mesure où elle est présente dans chacun des territoires ; néanmoins, compte tenu de la difficulté à identifier les ressources valorisables et à construire une filière, seul un plan de développement biomasse sera à même de mobiliser les acteurs locaux ;

– enfin, la poursuite du développement des énergies renouvelables intermittentes est liée à celui des smart grids et des moyens de stockage ainsi que de l’effacement ; à cette condition seulement, le seuil de déconnexion de 30 % ne constituera plus une barrière infranchissable ; ce seuil devra d’ailleurs être inscrit dans la PPE, et son niveau devra dépendre des caractéristiques propres de chaque territoire.

En second lieu, pour parvenir à amorcer un réel tournant dans les Outre-mer, il faut donner au pouvoir local un véritable pouvoir dans l’élaboration de la politique énergétique. Pourquoi faire une exception pour les Outre-mer ? Serait-ce un avantage trop important qui leur serait accordé, les autres régions françaises ne bénéficiant pas de tels pouvoirs ? En réalité, cette exception est parfaitement justifiée :

- car c’est une nécessité : sans cela les dispositifs mis en place ne sont pas adaptés aux Outre-mer, ce qui freine le développement des énergies renouvelables et les politiques de maîtrise de la demande d’énergie ;

- car la situation est très différente de celle des régions de métropole : en tant que ZNI, les territoires d’Outre-mer sont les seuls à subir leurs décisions ; à l’inverse, les régions de métropole sont dépendantes les unes des autres.

La co-élaboration de la PPE entre le Conseil régional et l’État semble le cadre le plus adapté. À travers les objectifs fixés, ce dernier demeurerait le garant des équilibres économiques et de la sécurité énergétique. La collectivité territoriale pourrait, quant à elle, faire valoir une vision de la transition énergétique ancrée dans la connaissance des enjeux, des forces et des faiblesses du contexte local.

L’amendement de votre rapporteure définit des modalités d’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) spécifiques aux zones non interconnectées (ZNI). Cette dernière est élaborée selon la procédure qui s’applique aujourd’hui au schéma régional climat air énergie (SRCAE). Le projet de PPE est élaboré conjointement par l’État et la collectivité ; après une phase de consultation du public, il est soumis à la délibération de l’assemblée de la collectivité et fixé par décret.

Fruit d’un travail collaboratif, la PPE reflète également l’engagement financier des deux parties : l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques mobilisées pour atteindre les objectifs de la PPE inclut à la fois les charges de CSPE, les ressources de l’État et de la région ou du département.

Enfin, votre co-rapporteure propose la suppression du plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d'exploitation des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie (PRERURE) prévu à l’article L. 4433-18 du code général des collectivités territoriales, dont l’objet était déjà quasi similaire à celui du SRCAE.

*

* *

Mme la ministre. L’article 61 définit les objectifs particuliers de la politique énergétique dans les territoires d’outre-mer. Ceux-ci peuvent se placer à l’avant-garde de la transition énergétique, en résolvant leurs problèmes de coût d’approvisionnement grâce à l’indépendance énergétique permise par les énergies solaire, éolienne et marine. Les élus accomplissent des efforts importants dans un contexte économique difficile – 50 % des jeunes se trouvent en situation d’inactivité à la Martinique. En tant que ministre de l’énergie, je compte sur la mobilisation des territoires d’outre-mer, qui peuvent montrer le chemin grâce à leur potentiel, leur retard actuel soulevant beaucoup de questions sur les politiques menées dans le passé. Regardons néanmoins l’avenir avec confiance, car les nouvelles technologies permettent la baisse du prix des énergies renouvelables et la montée en puissance de l’énergie thermique des mers – dont nous avons pu voir le prototype de DCNS.

Les territoires insulaires ont lancé un cri d’alarme au récent sommet sur le climat à New York, car ils subissent fortement les effets du réchauffement climatique, notamment à cause de l’élévation du niveau de la mer.

Cet article rappelle la particularité des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental et institue des programmations pluriannuelles de l’énergie spécifiques à chaque territoire non interconnecté ; celles-ci précisent notamment les objectifs de déploiement des dispositifs de charge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables. Ces objectifs sont établis de façon à maîtriser les impacts sur le réseau public de distribution électrique et à ne pas induire d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre tout en renforçant la sécurité de l’approvisionnement, la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des consommateurs. Les outre-mer peuvent puissamment contribuer à ce que la France atteigne ses objectifs énergétiques.

M. le président François Brottes. En 2012, lors des travaux sur le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer destiné à lutter contre la vie chère dans ces territoires, nous avions constaté que de terribles dysfonctionnements touchaient le secteur de l’énergie outre-mer. Tout récemment encore, le 17 septembre dernier, Mme Ericka Bareigts et M. Daniel Fasquelle ont présenté, au nom de la commission des affaires économiques, un rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie outre-mer. Madame la ministre, j’oserai presque dire qu’en matière d’énergie les outre-mer sont victimes de maltraitance ou, pour employer un mot un peu moins fort, de mépris. Il était temps que votre projet de loi vienne régler un certain nombre de problèmes.

La Commission en vient à l’amendement rédactionnel CS2083 de Mme Ericka Bareigts, rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII. L’amendement est défendu.

Mme la ministre. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS652 de M. Serge Letchimy et CS1422 de M. Victorin Lurel.

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, permettez-moi de vous dire l’émotion avec laquelle j’ai entendu vos propos, que je sais sincères. Ce texte nous offre le cadre qui pourrait nous permettre de changer de modèle économique. Pendant des années, nos pays ont été soumis à un asservissement mental, psychologique et personnel. Après cette période de colonisation, l’importation massive de la société de consommation a correspondu à l’espoir placé dans un système économique qui aurait pu reconnaître des processus de progrès fondés sur l’égalité. Aujourd’hui, nous pourrions entrer dans une économie dans laquelle l’activité aurait du sens tout en créant une dynamique nouvelle.

J’ai signé ces deux amendements qui précisent que le développement des énergies renouvelables dans les ZNI suppose l’instauration d’un prix de rachat équitable de l’électricité produite au sein de ces territoires, notamment l’électricité d’origine photovoltaïque et celle tirée de la biomasse – la prime de rachat de la bagasse doit être revalorisée.

Mme la ministre. Ces amendements sont satisfaits. Le projet de loi définit les objectifs de la politique énergétique dans les outre-mer, et il traite de la question du « juste prix ». Aujourd’hui, dans l’Hexagone, les énergies renouvelables (EnR) sont soutenues par des appels d’offres et des tarifs d’achat ; demain, elles seront soutenues dans les outre-mer par le dispositif de complément de rémunération qui sera, à n’en pas douter, plus efficace que celui consistant à confier à la CRE et aux autorités gestionnaires de réseaux le soin de fixer un prix équitable.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Monsieur Letchimy, je vous rappelle que nous avons cosigné un amendement déjà adopté qui prévoit que les tarifs d’achat feront l’objet d’un avis préalable du président du conseil régional.

M. Serge Letchimy. Je retire les amendements, mais j’insiste encore sur le très faible prix d’achat de la bagasse à La Réunion, qui crée un véritable problème de rémunération pour les petits planteurs.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2092 de la rapporteure.

Puis elle est saisie de l’amendement CS1874 du même auteur.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Comme le montre le rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer que j’ai présenté avec M. Daniel Fasquelle, les outre-mer se caractérisent par des problématiques et des objectifs de politique énergétique bien particuliers. En tant qu’instrument privilégié de la politique énergétique, la PPE doit être adaptée à ces particularités.

Elle comportera en conséquence des volets consacrés aux sujets suivants : la sécurité d’approvisionnement en carburant ; la santé de la sécurité d’approvisionnement en électricité dans un contexte de qualité de l’électricité dégradé par rapport à l’Hexagone ; le soutien aux EnR stables et l’obligation pour chaque territoire d’élaborer un « plan biomasse » ; enfin, le développement des énergies intermittentes, qui doit s’effectuer en parallèle de celui du stockage.

Concernant l’approvisionnement en électricité, je relève que la Guyane doit faire l’objet d’un plan d’électrification spécifique pour les communes de l’intérieur du territoire dont les populations se retrouvent aujourd’hui sans électricité. Il est impossible de laisser nos concitoyens dans une telle situation.

Dans la perspective d’une co-élaboration de la PPE entre l’État et les collectivités, ce document intégrera les ressources financières que chacune des parties est prête à consacrer à la mise en œuvre de la politique énergétique.

Cet amendement adapte le contenu de la PPE à la réalité et aux besoins des outre-mer. Il s’inscrit dans une perspective très opérationnelle, en faisant de la PPE un document structurant qui engage l’ensemble des acteurs.

Mme la ministre. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement. Je remercie Mme la rapporteure pour la qualité du travail qu’elle a effectué.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1873, de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. La PPE doit être élaborée « à quatre mains », comme l’est actuellement le SRCAE. Sont en conséquence prévus une rédaction du projet de PPE par la collectivité territoriale et les services déconcentrés, un avis de la collectivité et une approbation définitive par décret. La PPE devient ainsi le volet énergie du SRCAE.

Mme la ministre. Avis très favorable.

M. le président François Brottes. Il s’agit là d’une avancée significative. L’article 61 apporte décidément des solutions concrètes pour faire évoluer une situation dégradée.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 61 modifié.

Après l’article 61

La Commission en vient à l’amendement CS1871 de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Cet amendement vise, d’une part, à s’assurer que les nouvelles installations bénéficiant de contrats de gré à gré sont compatibles avec les orientations de politique énergétique déterminées par la PPE. Il permet, d’autre part, le développement de l’effacement dans les outre-mer, ce qui constitue un objectif prioritaire de la stratégie énergétique sur nos territoires.

Mme la ministre. Je suggère le retrait de l’amendement.

L’effacement constitue, dans les ZNI, un type d’action de maîtrise de la demande d’électricité (MDE) qui peut à ce titre être financé par la CSPE dans les conditions prévues à l’article L. 121-7 du code de l’énergie. Des dispositions relatives à ce point ont été prévues par un décret du 1er août dernier ; elles doivent être complétées par un arrêté ministériel qui sera publié très prochainement. Cette partie de l’amendement est donc satisfaite.

En ce qui concerne le fonctionnement des moyens de production, l’amendement tend à remettre en cause des contrats déjà signés si les objectifs de la PPE s’éloignent trop de la situation actuelle. J’estime qu’il est préférable de préciser que les nouveaux contrats doivent être compatibles avec la PPE, et je propose en conséquence de travailler sur ce point d’ici à la séance publique.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Madame la ministre, la précision que vous évoquez concernant les nouveaux contrats a déjà été apportée.

Les dispositions relatives à la « CSPE évitée » désavantagent l’effacement par rapport à la production. En effet, un opérateur d’effacement n’a pas le droit à une compensation intégrale des surcoûts de production : il doit en reverser 20 % à la CSPE. À l’inverse, l’exploitant d’une centrale au charbon peut être compensé sur l’intégralité des surcoûts de production. En d’autres termes, une solution d’effacement qui coûte 5 % de moins qu’un moyen de production thermique traditionnel ne pourra pas se développer.

Mme la ministre. Le sujet mérite d’être retravaillé…

M. Serge Letchimy. D’ici à la séance publique !

Mme la ministre et Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Pour la séance, évidemment !

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS653 rectifié de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Malgré le fait que, depuis un arrêté du 29 décembre 2010, la valeur des certificats d’économies d’énergie (CEE) est doublée en outre-mer – ce qui s’applique en pratique aux investissements répondant à la norme ISO 50001 –, ce dispositif reste moins utilisé dans ces territoires que dans l’Hexagone. Pour le rendre plus attractif, nous proposons qu’il fasse l’objet d’une bonification supplémentaire minimale de 150 %.

Mme la ministre. Avis défavorable. La fixation des bonus relève du pouvoir réglementaire. Quoi qu’il en soit, les bonus doivent être strictement encadrés, car ils ne contribuent pas à atteindre l’objectif d’efficacité énergétique fixé par la directive du 25 octobre 2012. Ils impliquent une baisse du niveau d’ambition puisqu’ils réduisent le nombre d’opérations nécessaire pour atteindre l’objectif national.

Je propose de conserver un doublement du volume des certificats délivrés pour toutes les opérations en outre-mer, et non plus seulement pour celles certifiées ISO 50001. Cette incitation est lisible et efficace puisque, depuis la mise en place du dispositif, 2 % des certificats ont été délivrés en outre-mer, soit plus que le pourcentage de l’électricité consommée par ces territoires.

Faisons un point sur la bonification déjà en œuvre avant d’en adopter une autre ! S’il en est besoin, je pourrai en tout état de cause prendre par voie réglementaire des mesures de bonification supplémentaires.

M. Serge Letchimy. Les CEE sont très peu utilisés localement. Je note votre engagement de modifier le règlement pour que le doublement de la valeur des certificats ne bénéficie plus aux seules opérations répondant à la norme ISO 50001. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1872 de la rapporteure.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Cet amendement vise à redynamiser le fonctionnement du dispositif CEE dans les ZNI en fixant des objectifs par territoire.

Mme la ministre. Avis défavorable. Un tel dispositif risque de provoquer une demande reconventionnelle de l’ensemble des régions. Le fait que la péréquation ne donne pas la bonne incitation pour faire des économies d’énergie pose problème. Le décret publié le 1er août modifiant les projets éligibles à la CSPE permettra de développer la maîtrise de la demande d’électricité dans ces territoires.

Vous semblez penser que les CEE sont insuffisamment développés en outre-mer ; je vous indique que l’analyse des services du ministère montre qu’il y a aujourd’hui, en proportion, autant de CEE dans les outre-mer que dans l’Hexagone.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. En matière de CEE, nous rencontrons un problème de bonification et un problème de ciblage. Les obligations étant définies à la maille nationale, les « obligés » ne sont pas contraints de réaliser un certain volume localement. Les opérateurs s’orientent volontiers vers des opérations plus faciles que celles réalisables en outre-mer.

Nous considérons que le dispositif des CEE est sous-utilisé en outre-mer. En tout état de cause, nous serions tous gagnants si nous le rendions plus efficient. Par la voix de M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, le Gouvernement a déjà refusé le ciblage proposé par l’amendement ; peut-être pourrions-nous réfléchir à la constitution de grandes zones – Antilles, Océan indien… – qui constitueraient des marchés attractifs pour les opérateurs ? Le sujet mérite que l’on s’y attarde.

L’amendement est retiré.

Article 62
Habilitation de la Martinique et la Guadeloupe
à fixer des règles dans le domaine de l’énergie

1.  État du droit

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, en application du troisième alinéa de l’article 73 de la Constitution, le législateur a la faculté d’habiliter les départements et régions d’outre-mer à adapter eux-mêmes les lois et règlements sur leurs territoires, dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi ou du règlement.

Le domaine de l’énergie peut tout à fait être couvert par une habilitation. En effet, le quatrième alinéa de l’article 73 précise de manière limitative les matières sur lesquelles aucune habilitation ne peut porter : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Une habilitation ne peut pas intervenir également lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

Les habilitations énergie sont accordées suite à la demande des collectivités elles-mêmes. La loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution a clarifié le processus d’habilitation :

– la loi accorde l’habilitation lorsque la demande porte sur l’adaptation d’une disposition législative. Elle vaut également habilitation à prendre les dispositions réglementaires d’application.

– le Conseil d’État accorde par décret l’habilitation lorsque la demande porte sur l’adaptation d’une disposition réglementaire.

Les articles L.O. 4435-9 à L.O. 4435-12 et les articles L.O. 7312-1 à L.O. 7312-3 du code général des collectivités territoriales déterminent, respectivement pour la Guadeloupe et pour la Martinique, les conditions de demande d’habilitation. Cette dernière doit être adoptée par délibération motivée du Conseil régional prise à la majorité absolue de ses membres. Elle précise les spécificités et contraintes locales justifiant la demande d’habilitation ainsi que la finalité des mesures envisagées.

Des habilitations en matière d’énergie ont été précédemment accordées :

– au Conseil régional de la Guadeloupe, par la loi du 27 mai 2009 et la loi du 27 juillet 2011

– au Conseil régional de la Martinique, par la loi du 27 juillet 2011

Ces habilitations sont arrivées à échéance le 26 juillet 2013. Les conseils régionaux de la Guadeloupe et de la Martinique ont pris des délibérations, respectivement le 14 juin 2013 et le 17 mai 2013, demandant au Parlement de renouveler leurs habilitations énergie.

2.  Le projet de loi

L’article 62 renouvelle l’habilitation des conseils régionaux de Guadeloupe et de Martinique à prendre des dispositions spécifiques en matière d’énergie, conformément à l’article 73 de la Constitution.

Aux termes de la délibération du 14 juin 2013 du Conseil régional de la Guadeloupe, cette habilitation concerne la maîtrise de la demande d’énergie, le développement des énergies renouvelables et la planification énergétique. La délibération du 17 mai 2013 du Conseil régional de la Martinique prévoit une habilitation en matière notamment de maîtrise de la demande d’énergies et d’énergies renouvelables.

L’article 62 prévoit également l’évaluation des charges de service public que pourraient induire ces habilitations. Il s’agit d’encadrer les conséquences financières que les délibérations des conseils régionaux pourraient avoir sur les consommateurs nationaux d’électricité. Ces mesures d’évaluation sont doubles :

– avant l’adoption des dispositions spécifiques au titre de l’habilitation, les conseils régionaux procèdent à l’évaluation de leurs impacts sur les charges de service public de l’électricité (alinéa 2 pour la Guadeloupe, alinéa 6 pour la Martinique) ; cette évaluation est transmise à la Commission de régulation de l’énergie pour avis ;

– lors de l’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie, ces impacts sont inclus dans l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques mobilisées. Si l’impact d’une disposition sur les charges publiques est significatif et non inscrit dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, celle-ci est révisée selon la procédure simplifiée (alinéa 3 pour la Guadeloupe, alinéa 7 pour la Martinique).

Aucune mesure particulière de promulgation ou de publication n’est requise pour l’entrée en vigueur des habilitations. Elles entreront en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi au Journal officiel.

Les habilitations sont accordées :

– jusqu’au prochain renouvellement de son Conseil régional pour la Guadeloupe, en décembre 2015 ;

– jusqu’à la fin du mandat en cours des membres de son Conseil régional pour la Martinique, en décembre 2015 également, comme le prévoit actuellement le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, modifiant la loi du 27 juillet 2011.

Aux termes des articles L.O. 4435-6-1 et L.O. 7311-7 du code général des collectivités territoriales, les habilitations peuvent être prorogées une seule fois par délibération motivée du Conseil régional adoptée dans les six mois suivant son renouvellement, pour une durée ne pouvant excéder le prochain renouvellement.

3.  Position de la co-rapporteure

Le bilan de l’exercice de l’habilitation législative dans le domaine de l’énergie est très positif. En Guadeloupe, région précurseur en la matière, cette habilitation a donné lieu à 19 délibérations du Conseil régional. Leur adoption a été précédée d’un travail de concertation approfondi, facilitant son accueil auprès des citoyens et des professionnels du secteur. Parmi les mesures les plus importantes :

– l’élaboration d’une réglementation thermique des logements neufs (RTG) et d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifiques à la Guadeloupe ;

– la limitation de la taille des centrales photovoltaïques au sol et la création d’une commission rendant un avis sur l’implantation des projets éoliens et photovoltaïques ;

– des obligations d’information du consommateur lors de la vente de chauffe-eau électriques ou de climatiseurs, ainsi que l’obligation pour EDF SEI de faire apparaître sur les factures le coût réel de production du kWh électrique ;

– la possibilité de céder le crédit d’impôt développement durable à un organisme de prêt dans le cas de l’acquisition d’un chauffe-eau solaire.

L’habilitation législative dans le domaine de l’énergie permet ainsi aux territoires d’être plus réactifs et de corriger les inadaptations de la réglementation au contexte local. Votre co-rapporteure est donc particulièrement favorable à ce que cette habilitation soit prorogée, comme le permet l’article 62. Elle regrette également que La Réunion n’ait pas la possibilité de procéder à de telles adaptations, conformément à l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution.

Au cours de l’examen du texte, la Commission spéciale a adopté des amendements de suppression des alinéas 2 et 6, qui soumettaient l’exercice de l’habilitation législative à un contrôle de la CRE. Un tel contrôle envoie un « mauvais signal » aux territoires bénéficiant de l’habilitation, en laissant penser que leurs initiatives seraient nécessairement dépensières, alors qu’en réalité elles ont contribué à une diminution des dépenses de CSPE.

*

* *

Mme la ministre. L’article 62 renouvelle l’habilitation accordée aux conseils régionaux de Guadeloupe et de Martinique, en application de l’article 73 de la Constitution, leur permettant de prendre pour leur territoire des dispositions spécifiques en matière de planification énergétique, de maîtrise de la demande d’énergie, y compris en matière de réglementation thermique pour la construction de bâtiments, et de développement d’énergies renouvelables.

Il prévoit également des mesures visant à évaluer précisément les charges de service public qui pourraient être induites au titre de ces habilitations. D’une part, les collectivités locales concernées réalisent des évaluations de l’impact des dispositions spécifiques qu’elles comptent mettre en œuvre au titre de l’habilitation sur les charges de service public de l’électricité et, d’autre part, ces impacts sont inclus dans les trajectoires de dépenses publiques évaluées au moment de la réalisation du document de programmation pluriannuelle de l’énergie. Lorsqu’une disposition qui pourrait avoir un impact significatif sur les charges de service public est prévue par la collectivité locale, la PPE est révisée selon la procédure simplifiée de manière à en tenir compte.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2091 et CS2090 de la rapporteure.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS1425 de M. Victorin Lurel, CS2085 de la rapporteure et CS1427 de M. Victorin Lurel.

M. Serge Letchimy. L’amendement CS1425 vise à supprimer l’alinéa 2. Les outre-mer se sont battus pour obtenir le pouvoir d’initiative locale qui leur permet désormais d’adapter et d’adopter des mesures réglementaires, mais surtout législatives. La Guadeloupe a bénéficié de la première habilitation au titre de l’article 73 de la Constitution, et la Martinique a utilisé ensuite cette procédure notamment en matière de formation professionnelle, de transport et d’énergie.

Le droit à l’égalité n’exclut pas des stratégies de différenciation de développement local. Comment penser à une territorialisation des mutations énergétiques si toutes les directives proviennent de Paris ? L’habilitation permet de vivre des moments d’inspiration et de respiration exceptionnels quand expérimentations de terrain et progrès technologiques se mêlent au droit.

Madame la ministre, alors que vos intentions semblent pures et que votre introduction résonne positivement, l’alinéa 2 de l’article contredit tout cela. Il introduit en effet une obligation nouvelle consistant à soumettre une étude d’impact à l’avis de la CRE. On nous a donné une liberté d’une main, et on vient maintenant nous la reprendre de l’autre ! La Martinique qui a déjà adopté dix-sept textes en vertu d’une habilitation, y compris, par exemple, en matière de réglementation thermique, s’est parfaitement passée de cet avis jusqu’à ce jour. Vous mettez en place un contrôle technique a posteriori qui n’a aucun sens, et je me demande ce que, de Paris, la CRE vient faire dans cette affaire.

Dans les faits, un dialogue préalable se noue avec les services du ministère et avec la CRE pour sécuriser juridiquement l’habilitation ; il n’y a pas lieu d’opérer un autre contrôle par la suite et d’amputer ainsi le processus. Je demande solennellement la suppression d’un alinéa qui revient sur une liberté accordée aux outre-mer. Rendez-nous l’habilitation telle qu’elle était prévue !

L’amendement CS1427 propose que l’État contribue à la réalisation des évaluations d’impact. M. Victorin Lurel et moi-même, qui l’avons signé, sommes sur la même longueur d’onde : l’essentiel n’est pas que l’on finance l’étude d’impact ; nous demandons avant tout que l’on nous libère !

Mme la ministre. Toutes les mesures qui ont un impact sur la CSPE sont aujourd’hui soumises à l’avis de la CRE, qui ne lie pas nécessairement le Gouvernement. Il ne faudrait pas adopter un amendement qui ferait courir un risque à tout le processus en termes de constitutionnalité.

M. Serge Letchimy. Lorsque nous légiférons par habilitation, nous transmettons le texte adopté au Premier ministre, et un contrôle est opéré par l’État avant sa publication. Un contrôle existe donc déjà. Pourquoi mettre en place une procédure obligatoire supplémentaire ? Madame la ministre, vous pouvez parfaitement saisir la CRE sans cela !

Mme la ministre. Le ministre de l’énergie saisira la CRE.

M. le président François Brottes. Il faut vraiment sécuriser la CSPE et ne laisser à personne l’occasion de contester les sommes collectées, ce qui implique que la CRE figure dans la boucle. Toute initiative particulière doit recevoir une approbation de l’ensemble, afin que les fléchages financiers soient acceptés.

M. Serge Letchimy. Cette approbation a lieu dans la procédure même de la loi organique.

Mme la ministre. Le ministre saisira la CRE, et ce ne sera pas à la charge de la collectivité territoriale.

La Commission adopte l’amendement CS1425.

En conséquence, les amendements CS2085 et CS1427 tombent.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2081, CS2082 et CS2078 de la rapporteure.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CS1430 de M. Serge Letchimy.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2089 et CS2128 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CS656 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Par l’habilitation, le Parlement autorise la collectivité qui le demande à légiférer et à réglementer dans un domaine précis. Suite à une habilitation, l’assemblée de la collectivité régionale de Martinique a ainsi adopté dix-sept textes. C’est quelque chose de très nouveau : lorsque je l’évoquais il y a quatre ou cinq ans, les gens, tant dans mon pays qu’ici, considéraient que c’était impossible. Nous avons obtenu la possibilité de légiférer et réglementer pendant six ans, c’est-à-dire la durée du mandat, et le nouveau président de la collectivité pourra, dans les six mois suivant son élection, demander un renouvellement. Vous ne pouvez vous imaginer quelle dynamique cela a créé localement. Nous sommes entrés dans un véritable processus de responsabilisation.

Or le présent texte réduit le champ de l’habilitation à la planification énergétique, et il ne sera plus possible d’adopter des textes concrets. Pour planifier, il n’y a nul besoin d’habilitation, cela peut se faire par le SRCAE ou d’autres documents de planification territoriale. Il me semble essentiel de revenir à l’habilitation initiale, tout en élargissant la notion de développement durable.

Mme la ministre. Si je suis sensible à ces arguments, je pense néanmoins que la proposition pose un problème constitutionnel, dans la mesure où les habilitations, selon l’article 73 de la Constitution, doivent être décidées à la demande de la collectivité concernée. Par ailleurs, la formulation retenue par le Gouvernement est très large, couvrant la planification énergétique, la maîtrise de la demande d’énergie – dont la réglementation thermique pour la construction des bâtiments –, le développement des énergies renouvelables, c’est-à-dire aux grandes thématiques du domaine de l’énergie, ainsi que l’avait souhaité le conseil régional de la Martinique.

La transition énergétique, c’est aussi la « social-écologie » : le social y est inclus. Le titre même du projet de loi évoque la « croissance verte » : l’économie est incluse. Je peux, dans une lettre adressée au président du conseil régional et à l’assemblée régionale, leur indiquer que la collectivité n’est pas limitée à l’énergie stricto sensu. Le développement durable est fondé sur les trois piliers écologique, économique et social.

M. Serge Letchimy. À l’article 1er de loi Grenelle I, a été introduite la possibilité pour les pays d’outre-mer, au titre de l’article 73, alinéa 3, de la Constitution, qui régit l’habilitation, d’intervenir dans le champ du développement durable. Nous avons, l’habilitation arrivant à terme, délibéré pour en demander la prolongation. En même temps, nous avons demandé une extension de son champ. Or vous rétrécissez ce dernier en nous invitant à faire des plans. Nous ne souhaitons plus faire de plans, nous en avons suffisamment : nous voulons passer à l’action. Il n’y a selon moi aucune difficulté à supprimer le terme de « planification ». En revanche, j’admets que ma demande d’extension du périmètre puisse poser un problème constitutionnel. Pourquoi ne pas oser ?

Mme la ministre. Cela demande une expertise. En cas de censure du Conseil constitutionnel, l’article sera entièrement annulé. Je ne peux donc approuver l’amendement, dont j’estime par ailleurs qu’il est satisfait. Compte tenu du volontarisme, de la détermination de la Martinique, du contrat que nous avons signé ensemble sur la transition énergétique, je ne demanderais pas mieux que de vous donner une impulsion supplémentaire, mais je ne peux faire droit à l’insécurité juridique.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Défavorable. M. Letchimy sait combien, à La Réunion, nous sommes envieux de la Martinique et de la Guadeloupe, qui ont reçu un pouvoir législatif par habilitation, permettant aussi de développer l’activité économique. Nous l’avons refusé et ne pouvons-nous en prendre qu’à nous-mêmes. Cependant, l’extension du champ de l’habilitation présente un risque constitutionnel, si une délibération en ce sens n’a pas eu lieu.

M. Serge Letchimy. L’alinéa 5 de l’article 62 renvoie aux articles L.O. 7312-1 à L.O. 7312-3 qui traitent de la nouvelle collectivité et non de la collectivité existante. Il faudrait corriger cela.

Le texte donne une habilitation de poursuivre des actions jusqu’à la fin du mandat, en décembre 2015, tout en resserrant le périmètre. Il ne nous sera plus possible d’intervenir ne serait-ce que sur les aspects techniques de la régulation thermique. Je conteste cette réduction.

En revanche, il existe bien un problème dans l’extension demandée, avec les mots « les aspects liés au développement économique et au progrès social ». Or Mme la ministre est d’accord avec moi sur le fait que le développement durable ne concerne pas que l’énergie, l’environnement, l’écologie. Nous pourrions donc examiner la question avec ses collaborateurs, d’ici à la séance, afin de cadrer au mieux cette extension.

Mme la ministre. Les termes de « développement durable » figurent-ils dans la délibération ? Si celle-ci demande une habilitation dans le champ du développement durable, je l’inscrirai dans la loi, malgré les réticences de certains services juridiques des outre-mer. Je souhaite que les territoires qui entendent aller de l’avant le puissent.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2088 de la rapporteure.

La Commission examine l’amendement CS670 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Il s’agit de supprimer l’alinéa 6, concernant cette fois l’habilitation pour la Martinique.

Mme la ministre. Comme pour la Guadeloupe, c’est donc le Gouvernement qui saisira la CRE.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

L’amendement CS671 de M. Serge Letchimy est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2087, CS2080, CS2079 et CS2077 de la rapporteure.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CS672 de M. Serge Letchimy.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS2129 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 62 modifié.

Article 63
(articles L. 4433-7 et L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales)

Intégration du SRCAE dans le schéma d’aménagement régional

1.  État du droit

En application de l’article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, les conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de la Réunion adoptent un schéma d'aménagement régional (SAR) qui fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement.

Ce schéma prend en compte l’ensemble des dimensions du développement durable : l'implantation des grands équipements d'infrastructures et de transport, l’urbanisation et l’implantation des activités industrielles, portuaires, artisanales, agricoles, forestières, touristiques, ainsi que les moyens de production d’énergie renouvelable ainsi que celles relatives aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

L’article L. 4433-8 définit les limites dans lesquelles le SAR doit s’inscrire. Il doit respecter : les règles prévues par le code de l’urbanisme, les servitudes d'utilité publique et les dispositions nécessaires à la mise en œuvre d'opérations d'intérêt national ainsi que la législation en matière de protection des sites et des paysages ainsi qu'en matière de protection des monuments classés ou inscrits.

2.  Le projet de loi

Dans un but de simplification des documents de programmation, l’article 63 procède à une intégration du SRCAE dans le SAR.

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* *

Mme la ministre. L’article 63 vise à intégrer le SRCAE dans le schéma d’aménagement régional (SAR). C’est la démonstration que la transition énergétique est un nouveau modèle économique, social et environnemental.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2084 et CS2086 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 63 modifié.

Article 63 bis [nouveau]
(article L. 4433-1-1 [nouveau]
du code général des collectivités territoriales)
Plan régional d’action sur l’économie circulaire

Cet article traite de l’économie circulaire dans les Outre-mer. Il donne deux compétences au Conseil régional sur ce sujet :

– la création d’un plan spécifique relatif à l’économie circulaire ;

– la possibilité de mener des expérimentations sur les opérations de ramassage, de tri et de recyclage des déchets ainsi que sur la valorisation de ces derniers sous forme de produits dérivés ou d’énergie.

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La Commission examine l’amendement CS662 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Il convient de développer localement de véritables stratégies d’économie circulaire.

Mme la ministre. Cet amendement vise à demander que les conseils régionaux puissent élaborer un plan régional d’économie circulaire et conduire des expérimentations en termes de collecte et de traitement des déchets. Compte tenu de la situation particulière, sur laquelle, monsieur le député, vous acceptez de conduire une mission, l’avis du Gouvernement est favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Article 63 ter [nouveau]
(article L. 4433-4-11 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Octroi d’une compétence au président du Conseil régional de Martinique en matière de mise en cohérence des textes régionaux de programmation sur l’environnement et l’énergie

Le droit existant et les futures mesures prévues par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, conduiront à une accumulation, voire à une concurrence entre les différents textes relatifs à l’énergie et à l’environnement (SAR, SRCAE, PPE, PRAD).

L’article 63 du projet de loi sur la transition énergétique tend à intégrer le SRCAE dans le SAR, mais il est sans doute possible d’aller plus loin. Cet article confie au président du Conseil régional un pouvoir de mise en cohérence des textes de programmation antérieurs à la PPE et portant sur l’environnement ou l’énergie.

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La Commission examine l’amendement CS658 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Il est défendu.

Mme la ministre. Il s’agit de donner au président du conseil régional de la Martinique un pouvoir de codification. Il me semble que le terme de « codification » devrait être remplacé par l’expression « mise en cohérence », et l’amendement ainsi rédigé : « Le président du conseil régional de la Martinique dispose d’un pouvoir de mise en cohérence lui permettant de rassembler tous les textes régionaux de programmation concernant l’environnement ou l’énergie antérieurs à l’institution de la programmation pluriannuelle de l’énergie. »

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Article 63 quater [nouveau]
Sanction de l’abandon d’épave de véhicule

Pour lutter contre l’augmentation des abandons de véhicules usagés dans les DROM, spécialement en pleine nature, il est proposé de prévoir une sanction pour cet abandon.

L’amendement vise le domaine public de l’État et des collectivités territoriales, ainsi que leur domaine privé. Outre la peine contraventionnelle, le contrevenant, s’il est retrouvé, s’expose éventuellement à la confiscation et à la destruction, à ses frais, de l’épave.

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La Commission examine l’amendement CS663 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Il s’agit de la question des véhicules hors d’usage (VHU).

Mme la ministre. Favorable. Dans ce que nous avons précédemment adopté, nous n’avons pas prévu d’amende. Il ne faut pas être timoré sur ce problème, qui dure depuis trop longtemps.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Cela nous semble être de nature réglementaire.

La Commission adopte l’amendement.

Article 63 quinquies [nouveau]
Rapport sur l’application à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna des dispositions du projet de loi

Au cours de ses débats du 11 septembre 2014 en vue de l’adoption de son rapport d’information, la Délégation aux Outre-mer a constaté que le projet de loi ne comportait que peu de dispositions concernant les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution.

Ces collectivités, indépendamment du fait qu’elles disposent d’une compétence pleine et entière dans le domaine de l’environnement, souhaiteraient pouvoir transposer tout ou partie des dispositions du projet de loi dans leur réglementation locale. Néanmoins, pour ce faire, elles butent sur le problème financier : leurs finances publiques sont fragiles et, souvent, elles ont conclu des accords de stabilité avec le Gouvernement pour ne pas augmenter leurs dépenses publiques.

Cet article a pour objet de demander au Gouvernement d’explorer les modalités selon lesquelles les principaux dispositifs du projet de loi pourraient trouver une application concrète au sein des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution.

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* *

La Commission examine l’amendement CS660 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Si, comme je le souhaite, la CSPE fait l’objet d’une réflexion globale, il me semble opportun que l’on s’interroge dans ce cadre sur la situation de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna. En effet, bien que le coût de la production d’électricité y soit extrêmement élevé, beaucoup plus qu’en Martinique et en Guadeloupe, et qu’il soit un facteur d’inégalités, ces territoires ne peuvent bénéficier de la CSPE au motif qu’il s’agit de collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. Au plan politique comme au plan intellectuel, cette réponse me paraît insatisfaisante. Lorsqu’il y va de l’accès à l’eau et à l’énergie, qui doivent être sacralisés, on ne peut se contenter d’un argument purement juridico-institutionnel ! Faut-il rappeler que la France ne serait certainement pas la puissance nucléaire qu’elle est aujourd’hui si elle n’avait pas pu procéder à des essais en Polynésie française ? Faut-il rappeler que, sans cette dernière et Wallis-et-Futuna, la présence maritime de la France dans le monde ne serait pas aussi exceptionnelle qu’elle l’est ? Je plaide donc pour que l’on étudie la possibilité de permettre aux familles de ces territoires de bénéficier de la solidarité nationale en matière d’accès à l’eau et à l’électricité.

Mme la ministre. L’État n’a aucune compétence en matière d’énergie en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. C’est un problème qui mérite sans doute qu’on lui consacre un rapport, même si je ne suis pas certaine que cela relève du domaine de la loi.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Il existe un doute sur la compétence de Wallis-et-Futuna en matière d’énergie. La question mérite donc que l’on s’y attarde, d’autant plus que les populations de ces territoires rencontrent des difficultés dans l’accès à l’énergie, notamment en raison de son coût. Par ailleurs, la configuration de la Polynésie et de Wallis-et-Futuna, qui sont composées d’une multitude de petites îles éparpillées, me semble être un atout très intéressant pour l’invention de dispositifs propres à ces territoires fonctionnant grâce à l’énergie solaire. En ce domaine, ils peuvent être à l’avant-garde. Au-delà de la question de la CSPE, il conviendrait donc d’étudier ces possibilités dans l’intérêt général.

Mme la ministre. Il faudrait en effet que l’étude demandée au Gouvernement porte non seulement sur les tarifs, mais aussi sur le modèle énergétique et les productions électriques de ces territoires.

M. Serge Letchimy. Un premier pas a été franchi, puisque vous semblez accepter le principe de l’amendement. Des études très pointues sur la production d’électricité dans leur territoire ont déjà été réalisées par ces collectivités qui peuvent nourrir la réflexion du Gouvernement sur ce point, mais il me semble important de maintenir le volet tarifaire de l’étude. Je rappelle que Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, bénéficie de la CSPE. Certes, elle était régie par l’article 73 lorsque le dispositif a été créé, mais elle n’en a pas perdu le bénéfice lorsqu’elle a changé de statut. Encore une fois, je ne peux pas comprendre que, sur une question aussi fondamentale que celle de l’accès à l’eau et à l’électricité, la République puisse priver ces territoires de la solidarité nationale.

M. le président François Brottes. En tout état de cause, il faudrait réécrire l’amendement : le périmètre de l’étude, qui comprend un volet juridique, un volet technique, un volet politique et un volet tarifaire, doit être plus étendu et son libellé moins précis.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 63

Puis elle examine l’amendement CS655 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Il est défendu.

Mme la ministre. Défavorable. Les décisions affectant la CSPE, notamment la mise en place des tarifs d’achat, relèvent de la compétence du Gouvernement, et les objectifs généraux par territoire seront définis dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie. La CRE et les gestionnaires de réseau n’ont pas d’attributions pour juger de la prise en compte de critères d’utilité sociale, mais il conviendra d’intégrer cette préoccupation dans la PPE, que la CRE devra appliquer.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS664 de M. Serge Letchimy est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS659 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement fournisse une étude tarifaire concernant les productions d’énergie renouvelable de Mayotte susceptibles d’être éligibles à la CSPE.

Mme la ministre. Sagesse.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. L’amendement me semble satisfait, dans la mesure où le projet de loi prévoit l’établissement d’une PPE spécifique pour Mayotte.

L’amendement est retiré.

Article 64
(article L. 121-7 du code de l’énergie)

Couverture des coûts échoués de projets de production d’électricité
dans les Outre-mer

1.  État du droit

Pour l’application du principe de la péréquation tarifaire a été mis en place un système de compensation : les opérateurs de service public chargés de fournir l’électricité dans les zones non interconnectées, EDF SEI et, à Mayotte, Electricité de Mayotte (EDM), doivent facturer celle-ci au tarif réglementé de vente. Les pertes auxquelles ils font face, égales à la différence entre le coût de production et le tarif réglementé de vente, leur sont remboursées intégralement à partir d’une contribution payée par l’ensemble des consommateurs français. Cette contribution est une composante de la CSPE (contribution au service public de l’électricité).

EDF SEI et EDM sont les gestionnaires de la péréquation tarifaire dans les Outre-mer et les destinataires exclusifs des compensations alimentées par la CSPE. Toutefois, les entreprises de service public ne sont pas les seuls producteurs d’électricité des outre-mer, ce qui implique de distinguer trois cas, énumérés par l’article L. 121-7 du code de l’énergie.

Premier cas, énoncé au a) du 2° de l’article L. 121-7, les fournisseurs historiques, EDF SEI et EDM, bénéficient d’une compensation pour le fonctionnement des installations dont ils sont les exploitants en propre. Cette compensation couvre leurs « surcoûts de production », représentant la différence entre le coût de production « normal et complet pour le type d’installation de production considérée dans cette zone » et la part production du tarif réglementé de vente, applicable sur l’ensemble du territoire français. Le coût de production normal et complet est calculé annuellement, à partir des coûts constatés par la CRE dans la comptabilité d’EDF et d’EDM.

Deuxième cas, EDF ou électricité de Mayotte rémunèrent les producteurs d’électricité qui participent à la fourniture d’électricité dans les Outre-mer. Le niveau de rémunération de ces producteurs est fixé selon deux types de règles différentes :

– dans le cas des contrats d’obligation d’achat, le prix d’acquisition correspond au tarif d’achat fixé dans le cadre d’un arrêté tarifaire ou du prix d’acquisition tel qu’il résulte de la procédure d’appel d’offres. Ce prix est censé permettre aux producteurs de développer leur projet tout en leur garantissant une rémunération raisonnable ;

– s’ils ne s’inscrivent pas dans ce cas précis, les producteurs doivent signer un contrat d’achat de gré à gré avec EDF SEI ou EDM, pour bénéficier d’un prix d’achat de leur électricité, en application du c) du 2° de l’article L. 121-7. Les surcoûts supportés par EDF SEI ou EDM liés à l’achat de cette électricité « sont pris en compte dans la limite des surcoûts de production qu'ils contribuent à éviter » (31) ; autrement dit, le niveau de référence est celui des installations de production thermiques « traditionnelles », et toute installation dont le coût de production se trouve au-dessus de ce tarif ne peut bénéficier d’un contrat. Avant signature, le projet de contrat entre un producteur tiers et EDF SEI (ou EDM) est communiqué à la CRE, pour qu’elle vérifie que la rémunération offerte au producteur est économiquement justifiée.

La majorité de l’électricité achetée par EDF SEI est produite par les centrales bagasse-charbon exploitées par Albioma en Guadeloupe et à La Réunion (45 % de l’électricité achetée par EDF et EDM dans les Outre-mer) et par des moyens de production thermiques détenus par EDF PEI.

Troisième cas, aux termes du b) du 2° de l’article L. 121-7, le dispositif de la péréquation tarifaire peut rémunérer des économies d’énergie ou des installations de stockage d’électricité qui évitent une production d’électricité équivalente, et donc engendrent des économies de CSPE – on parle alors de « CSPE évitée ». Cette prise en compte était nécessaire, dans la mesure où, avec le système de la péréquation tarifaire, les consommateurs ne paient pas l’électricité au « vrai prix ». Cela dissuade la réalisation des opérations d’économies d’énergie qui sont rentables par rapport au coût de production dans les outre-mer et non par rapport au tarif réglementé de vente. Afin de corriger cette situation, la loi de finances rectificative pour 2012 a étendu le périmètre du financement de la péréquation tarifaire dans les ZNI à deux nouveaux postes : les coûts des ouvrages de stockage d'électricité gérés par le gestionnaire du système électrique et les coûts supportés par les fournisseurs d'électricité en raison de la mise en œuvre d'actions de maîtrise de la demande portant sur les consommations d'électricité et diminués des recettes éventuellement perçues à travers ces actions (32) . Le décret permettant de mettre en œuvre une telle disposition date du 1er août 2014 (33).

2.  Le projet de loi

Le projet de loi inscrit un dernier cas de couverture des charges dans le cadre du mécanisme de la CSPE à destination des zones non interconnectées. Il s’agit des charges supportées par un producteur ou un fournisseur pour la réalisation d’études préalables à un projet prévu par la programmation pluriannuelle de l’énergie.

3.  Position de la co-rapporteure

Votre rapporteure est tout à fait favorable à ces dispositions, qui accentuent les chances de réaliser des projets ambitieux prévus par les programmations pluriannuelles de l’énergie territoriales. Par exemple, les acteurs de l’énergie n’accepteront de se lancer dans un projet de STEP marine (station de transfert d’énergie par pompage) que s’ils ont l’assurance d’être remboursés sur leurs frais d’études préalables, quelle que soit l’issue du projet.

*

* *

La Commission adopte l’article 64 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission spéciale vous demande d’adopter le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR MME MARIE-NOËLLE BATTISTEL, RAPPORTEURE
DES TITRES IER ET V

Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG)*

M. Marc Boudier, président

M. Luc Poyer, président du directoire d’E.On France

M. Benoit Doin, directeur de la réglementation et des relations externes d’Enel France

M. Pierre Plumejeau, directeur BKW France

Cabinet Gossement avocats

Me Arnaud Gossement, avocat

CFDT

M. Dominique Olivier, secrétaire confédéral en charge du développement durable

M. Dominique Bousquenaud, responsable du secteur chimie/énergie

M. Alain Leyrat, responsable du secteur des concessions hydrauliques

CFE-CGC

M. Georges Louis, délégué national - secteur développement durable, énergies, RSE et logement

Mme Catherine Halbwachs, représentant de la fédération CFE-CGC Énergies

M. Dominique Labouré, représentant de la fédération CFE-CGC Énergies

M. William Viry-Allemoz, représentant de la fédération CFE-CGC Énergies

Commission de régulation de l’Énergie (CRE)*

M. Jean-Yves Ollier, directeur général

Mme Catherine Edwige, commissaire

Mme Christine Lavarde, chef du département dispositifs de soutien aux énergies renouvelables et aux consommateurs

Mme France de Saint-Martin, chargée de mission pour les relations institutionnelles

Compagnie nationale du Rhône

Mme Élisabeth Ayrault, président du directoire

M. Frédéric Salat-Baroux, conseil (cabinet Weil)

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat

M. Mario Pain, directeur adjoint de l’énergie

M. Guillaume Méheut, directeur adjoint, direction de l’accès fixe et des relations avec les collectivités territoriales

M. Thibaud Normand, chef du bureau production électrique

M. Guillaume Lanier, adjoint au chef du bureau production électrique

M. Timothée Furois, chef du bureau des énergies renouvelables

Mme Suzelle Lalaut, adjointe au chef du bureau des énergies renouvelables,

Direct Énergie

M. Fabien Choné, directeur général délégué

EDF

M. Xavier Ursat, directeur de la division production et ingénierie hydraulique

M. Patrice Bruel, délégué aux régulations

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

Enercoop

M. Matthieu Richard, président du conseil d’administration

M. Emmanuel Soulias, directeur de la responsabilité sociale et environnementale à la Macif

M. Albert Ferrari, chargé de mission

Énergies partagées

M. Marc Mossalgue, coordinateur

M. Erwan Boumard, directeur du fonds citoyen Énergie partagée investissement

Enerplan

M. Thierry Mueth, président

Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

M. Jean-Claude Boncorps, président

Mme Élise Bourmeau, déléguée générale

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

M. Olivier Dauger, membre de la commission environnement, en charge du dossier énergie et climat

Mme Aurore Bescond, chargée de mission énergie climat

Mme Nadine Normand, attachée parlementaire

FerroPem

M. Jean-Philippe Bucher, président

M. Luc Baud, directeur

M. Éric Faujour, directeur des opérations

M. Jean-Paul Aghetti, directeur Énergie RioTinto Alcan

M. Gaëtan de Royer, communication & institutions

FNME CGT

Mme Marie-Claire Cailletaud

M. Laurent Duplessis, responsable Ufict (section ingénieurs, cadres et techniciens de maîtrise

FO Énergie Mines

M. Jacky Chorin, secrétaire fédéral

M. Rémy Scoppa, assistant fédéral

M. Frédéric Pinatel, animateur métier hydraulique

France énergie éolienne

M. Frédéric Lanoë, président

Mme Sonia Lioret, déléguée générale

France Photovoltaïque méthanisation

M. Olivier Gleize, président de Gleize Energie

Syndicat des énergies renouvelables (SER)*

M. Jean-Louis Bal, président

M. Damien Mathon, délégué général

Mme Marion Lettry, déléguée générale adjointe

M. Alexandre de Montesquiou, consultant

Union française de l’électricité (UFE)

M. Robert Durdilly, président

Mme Audrey Zermati, déléguée générale adjointe

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR MME SABINE BUIS, RAPPORTEURE
DES TITRES II ET IV

SUR LE TITRE II

Fédération française du bâtiment (FFB)*

• M. Jacques Chanut, président

• Mme Béatrice Guénard-Salaun, chef du service « Urbanisme »

• M. Bertrand Hannedouche, chef du service « Environnement »

• M. Benoit Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) 

• M. Etienne Crépon, président

• M. Jean-Christophe Visier, directeur du département « Énergie – Santé – Environnement »

Plan Bâtiment durable

• M. Philippe Pelletier, président

• Mme Anne-Lise Deloron, directrice adjointe en charge des relations institutionnelles

• M. Thomas Matagne, chargé de mission au Plan Bâtiment burable

Pouget consultants

• M. André Pouget, président

France nature environnement (FNE)*

• Mme Adeline Mathien, coordinatrice du réseau « Énergie »

Union sociale pour l’habitat (USH)

• M. Christophe Boucaux, directeur du service de la maitrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales

• M. Farid Abachi, responsable département énergie développement durable

• Mme Francine Albert, conseillère chargée des relations avec le Parlement

Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)*

• Mme Sabine Basili, vice- présidente et présidente de la commission nationale des affaires économiques

• M. Alain Chouguiat, directeur du pôle économique

• M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

CLER

• M. Raphaël Claustre, directeur

UFC Que Choisir

• M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission « Environnement et énergie »

• M. Frédéric Blanc, juriste

• M. Arthur Le Blanc, juriste

Isolons la terre contre le CO2 

• Mme Sylvie Charbonnier, porte-parole du collectif

Association des responsables de copropriété (ARC)

• M. Julien Allix, responsable du pôle « Énergie »

Conseil national de l’ordre des architectes

• Mme Catherine Jacquot, présidente

Médiateur national de l’énergie

• M. Jean Gaubert, Médiateur national de l’énergie

• M. Stéphane Mialot, directeur général

• Mme Aurore Gillmann, chef du service « Communication et relations institutionnelles »

Coalition France pour l’efficacité énergétique

• M. Joël Vormus

Régie SPEE Picardie

• M. Vincent Pibouleu, coordinateur du pôle « Activités économiques »

SEM Energies POSIT’IF

• M. Jean-Claude Gaillot, président du directoire

• M. Guillaume Cantillon, cabinet du président

• M. Arthur Clouzeau, conseiller parlementaire de M. Jean-Paul Huchon 

Association des régions de France (ARF)

• M. Jean-Jack Queyranne, président

• M. Dominique Ramard, vice-président

• M. Guilhem Isaac-Georges, conseiller « Développement durable, logement »

ADEME 

• M. Gwénaël Guyonvarch, directeur de l’action régionale Nord et Est

• M. Christophe Milin, économiste, service « Economie et prospective »

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

• M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC)

• M. Mario Pain, directeur adjoint de l’énergie (DGEC)

• M. Loïc Buffard, sous-directeur de l’efficacité énergétique et de la qualité de l’air

• M. Laurent Girometti, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

• Mme Katy Narcy, sous-directrice de la qualité et du développement durable dans la construction

• Mme Marie-Christine Roger, chef du bureau de la qualité technique et réglementation technique et de la construction

SUR LE TITRE IV

Me Arnaud Gossement, avocat, membre de l’Institut de l’économie circulaire et de La Fabrique écologique

M. François-Michel Lambert, député

France nature environnement (FNE)*

• Mme Pénélope Vincent-Sweet, responsable du réseau « Déchets »

Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC)*

• Mme Nora Megder, responsable des relations institutionnelles

AMORCE

• M. Nicolas Garnier, délégué général

Assemblée des communautés de France (AdCF)

• M. Damien Denizot, responsable du Club des agglos, politiques urbaines, climat-énergie

Valdelia

• M. Arnaud Humbert-Droz, directeur général

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

• Mme Patricia Blanc, directrice générale de la prévention des risques (DGPR)

• M. Baptiste Legay, chef du département politique de gestion des déchets (DPGD)

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

• M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables »

• M. Pierre Hérant, chef du service « Bâtiment »

• M. Daniel Béguin, directeur « Économie circulaire et déchets »

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR M. PHILIPPE PLISSON, RAPPORTEUR
DES TITRES III ET VI

SUR LE TITRE III

EDF

M. Jean-Noël Guillot, directeur de projet ville durable

M. Goulven Graillat, directeur du pôle prospective, direction stratégie

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Mario Pain, directeur adjoint de l’énergie (DGEC)

M. Jean-Bernard Kovarik, adjoint au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

M. Nicolas Chantrenne, sous-directeur des risques accidentels, direction générale de la prévention de risques (DGPR)

M. Charles-Antoine Louët, sous-directeur industrie nucléaire (DGEC)

M. Loïc Buffard, sous-directeur de l’efficacité énergétique et de la qualité de l’air (DGEC)

M. Vivien Isoard, adjoint au chef de bureau Industrie pétrolière et nouveaux produits énergétiques (DGEC)

Fédération nationale des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (ATMO France)

M. Bernard Garnier, président

Mme Anne Laborie, secrétaire générale

M. Jean-Félix Bernard, membre du bureau, président d’Air Parif

CFDT

M. Dominique Olivier, secrétaire confédéral chargé du développement durable

VINCI

M. André Broto, directeur de la stratégie et de la prospective

M. Bernard Hagelsteen, conseiller du président de Vinci Autoroutes

Groupement des autorités responsables de transport (GART)

M. Guy Le Bras, directeur général

Air Liquide Advanced Business

Mme Aliette Quint, directrice stratégie, réglementations et affaires externes

M. Jean-François Ducholet (AXANE)

M. Bastien Bodard, directeur, groupe Arcturus

France nature environnement (FNE)*

Mme Sophie Fleckenstein, coordinatrice du réseau santé – environnement

Mme Morgane Piederrière, chargée des relations avec le Parlement

Club du dernier kilomètre

Mme Anne-Laure Henault-Renard

Force ouvrière

M. Jean-Pierre Vallery, délégué syndical central Force Ouvrière, GDF Suez

M. Gildas Gouvaze, coordinateur Force Ouvrière, GDF-Suez

SUR LE TITRE VI

EDF

M. Dominique Minière, directeur délégué à la direction production ingénierie

M. Étienne Dutheil, directeur adjoint à la division production nucléaire

M. Christophe Loy, directeur juridique énergies

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Nicolas Chantrenne, sous-directeur des risques accidentels, direction générale de la prévention de risques (DGPR)

M. Mario Pain, directeur adjoint de l’énergie (DGEC)

M. Charles-Antoine Louët, sous-directeur industrie nucléaire (DGEC)

Cour des comptes

Mme Michèle Pappalardo, conseillère maître, rapporteure générale du rapport sur le coût de l’électricité nucléaire

M. Guy Piolé, président de la 2e chambre

Robin des Bois

M. Jacky Bonnemains, président

AREVA

M. Luc Oursel, président du directoire

M. Jacques Gérault, directeur des affaires publiques

M. Dominique Guilloteau, directeur sûreté, santé, sécurité, développement durable

Mme Laurence Chabanne-Pouzynin, directeur juridique droit public, nucléaire et de l’environnement

M. Guillaume Renaud, responsable des relations institutionnelles

Commission nationale du débat public (CNDP)

M. Christian Leyrit, président

M. Claude Bernet, président de la Commission particulière

Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD)

M. Roland Desbordes, président

Réseau « Sortir du nucléaire »

M. Martial Château, administrateur du réseau

Mme Charlotte Mijeon, chargée des relations extérieures

Association nationale des comités et commissions locales d’information sur le nucléaire (ANCCLI)

M. Jean-Claude Delalonde, président

Mme Monique Sené, vice-présidente

M. Michel Demet, conseiller du président et membre de la CLI de Gravelines

Commissariat à l’énergie atomique (CEA)*

M. Bernard Bigot, administrateur général

M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques

France Nature Environnement*

Mme Morgane Piederriere, chargée des relations parlementaires

Adeline Mathien, coordinatrice du réseau énergie

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR MME ERICKA BAREIGTS, RAPPORTEURE
DES TITRES VII ET VIII (CHAPITRE 4)

Commission de régulation de l’énergie (CRE)*

M. Philippe de Ladoucette, président

M. Jean-Yves Ollier, directeur général

Mme Cécile George, directrice de l’accès aux réseaux électriques

Mme Alexandra Bonhomme, directrice juridique

Mme Catherine Edwige, commissaire

Mme France de Saint-Martin, chargée de mission pour les relations institutionnelles

Commission nationale du débat public (CNDP)

M. Christian Leyrit, président

Mme Laurence Monnoyer-Smith, vice-présidente

Direct Énergie

M. Frédéric Barthelény, directeur des relations institutionnelles

M. Fabien Choné, directeur général délégué

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Laurent Michel, directeur général

Mme Annette Gogneau, chef du bureau de la synthèse stratégique à la Direction générale des infrastructures de transports et de la mer (DGIM)

Réseau de transport d’électricité (RTE)

M. Dominique Maillard, président

Mme Laurence Mugniery, directrice de la communication et des affaires publiques

M. Hervé Mignon, directeur de l’économie, la prospective et la transparence

Syndicat des énergies renouvelables (SER)*

M. Jean-Louis Bal, président

M. Damien Mathon, délégué général

Mme Marion Lettry, déléguée générale adjointe

M. Alexandre de Montesquiou, consultant

Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN)*

M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema et membre de l’UNIDEN

M. Claude Conrard, président de la commission gaz

M. Gildas Barreyre, vice-président de la commission climat & efficacité énergétique

M. Fabrice Alexandre, conseil

Voltalis

M. Pierre Bivas, fondateur

M. Alexis Galley, fondateur

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR M. DENIS BAUPIN, RAPPORTEUR
DU TITRE VIII (CHAPITRES 1, 2 ET 3)

Association AMORCE

M. Nicolas Garnier, délégué général

Cabinet Gossement avocats

Maître Arnaud Gossement

Commission de régulation de l’énergie (CRE) *

Mme Hélène Gassin, commissaire

M. Jean-Yves Ollier, directeur général

M. Christophe Leininger, directeur du développement des marchés

Mme Cécile George, directrice de l'accès aux réseaux électriques

Mme Alexandra Bonhomme, directrice juridique

Mme France de Saint-Martin, chargée de mission pour les relations institutionnelles

Direction générale de l’énergie et du climat

M. Laurent Michel, directeur général

M. Mario Pain, directeur adjoint de l’énergie

M. Pascal Dupuis, chef du service du climat et de l’efficacité énergétique

Mme Soraya Thabet, directrice de cabinet

Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

M. Daniel Belon, directeur adjoint, délégué au développement durable des territoires

M. David Beauvisage, chef du département de la stratégie et des moyens

Fondation Abbé Pierre

M. Bertrand Lapostolet, responsable de programme

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () http://www2.assemblee-nationale.fr/recherche/amendements#listeResultats=tru&idDossierLegislatif=33352&idExamen=4096&numAmend=&idAuteur=&idArticle=&idAlinea=&sort=&dateDebut=&dateFin=&periodeParlementaire=&texteRecherche=&zoneRecherche=tout&nbres=10&format=html&regleTri=ordre_texte&ordreTri=croissant&start=1

2 () Lois n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

3 () Le projet de loi relatif à la biodiversité a, par exemple, été examiné en commission du développement durable de l’Assemblée nationale en juin 2014.

4 () www.transition-energetique.gouv.fr

5 () Le président du Conseil économique, social et environnemental ; un commissaire général au développement durable ; huit élus représentant les collectivités territoriales ; huit représentants des organisations syndicales ; huit représentants des employeurs ; huit représentants des associations et fondations de protection de l'environnement ; huit membres au titre de diverses associations ; huit parlementaires.

6 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-enq/r2007-tI.pdf.

7 () Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999.

8 () Cf. Commissariat général au développement durable, Bilan énergétique de la France pour 2013, juillet 2014, coll. « Références », p. 79 et suiv.

9 () Cf. Commissariat général du développement durable, « Le parc des logements en France métropolitaine, en 2012 : plus de la moitié des résidences principales ont une étiquette énergie D ou E », Chiffres et statistiques, n° 534, juillet 2014

10 () L’énergie grise est la quantité d'énergie nécessaire au cycle de vie d'un matériau ou d'un produit, à savoir la production, l'extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l'utilisation, l'entretien puis pour finir le recyclage. En cumulant l'ensemble des énergies consommées sur l'ensemble du cycle de vie, on peut donc prendre la mesure du besoin énergétique d'un matériau ou d'un produit.

11 () L’étude d’impact annexée au projet de loi rappelle que l’objectif de la première période (54 TWh du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009) a été largement dépassé : au 1er juillet 2009, des économies d'énergie avaient été certifiées pour un volume de 65 TWh. Les opérations correspondantes ont relevé principalement du secteur des bâtiments résidentiels (87 %) et tertiaire (4 %) et du secteur industriel (7 %).

Cette première période a permis de générer près de 3,9 milliards d’euros d’investissements dans des travaux d’économies d’énergie et de réduire la facture d’énergie pour les consommateurs de 4,3 milliards d’euros sur la durée de vie des équipements et des travaux.

12 () Rapport présenté par M. Denis Baupin et Mme Fabienne Keller, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur « les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir et utiliser des véhicules écologiques », 16 janvier 2014.

13 () Cf. Rapport (n° 2064) de Mme Geneviève Gaillard (26 juin 2014), commentaire sous l’article 51 septies [nouveau], p. 369 sqq.

14 () L’étude d’impact relève ainsi l’apparition de prix négatifs sur le marché : les producteurs d’électricité issue de centrales nucléaires ou thermiques, qui se retrouvent confrontés à un pic imprévu d’offre d’électricité, notamment si des conditions climatiques favorables accélèrent la production d’électricité renouvelable, préfèrent payer un tiers pour acheter leur électricité et générer de la demande, plutôt que de devoir réduire leur production, ce qui est encore plus coûteux (par exemple l’arrêt et le redémarrage d’une centrale).

15 () Rappelons que ce surcoût est intégralement compensé par l’État au titre d’une charge de service public.

16 () N. Poize, A. Rûdinger, « Projets citoyens pour la production d’énergie renouvelable : une comparaison France-Allemagne », IDDRI-RAEE, janvier 2014.

17 () Tous ces documents sont disponibles ici : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-plan-climat-de-la-France-plan-d,14496

18 () http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000195/0000.pdf.

19 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r1428-tII.pdf

20 () Voir l’encadré « le régime d’autorisation d’exploiter des installations de production d’électricité » au 1.

21 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-enq/r2007-tI.pdf. pp.94 et suivantes.

22 () Décret modifiant le décret n° 2004-1224 du 17 novembre 2004 portant statuts de la société anonyme Électricité de France.

23 () Il s’agit du contrat de service public signé entre l’État et EDF.

24 () Précisément les régions et la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communautés urbaines, les communautés d'agglomération ainsi que les communes et les communautés de communes de plus de 50 000 habitants.

25 () Précisément, les syndicats mixtes, les syndicats de communes ou communautés urbaines.

26 () Enquête de branche du syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (2010)

27 () L'aide financière à l'acquisition d'une complémentaire santé concerne les personnes dont les ressources sont modestes mais néanmoins supérieures au plafond fixé pour l’attribution de la CMU-C. Ces personnes peuvent être bénéficiaires des tarifs sociaux du gaz et de l’électricité depuis 2012.

28 () Rapport d’audit sur les tarifs sociaux de l’énergie, ADEME, juillet 2013.

29 () Dispositif d’aide au paiement des factures d’énergie des ménages, IGF-CGDD-IGAS, avril 2014.

30 () 17 septembre 2014 (n° 2225)

31 () Article L. 121-7 du code de l’énergie.

32 () L’opérateur de l’action de MDE peut demander à son client une rémunération sur la quantité d’électricité économisée, mais, dans la plupart des cas, cette rémunération ne peut couvrir la totalité du coût de l’action de MDE, dans la mesure où l’électricité est valorisée par le client au tarif réglementé de vente (environ 60 €/MWh) alors que la rentabilité de l’opération s’apprécie en fonction du coût normal et complet de production (environ 220 €/MWh).

33 () Décret n° 2014-864 du 1er août 2014 modifiant le décret n° 2004-90 du 28 janvier 2004 relatif à la compensation des charges de service public de l'électricité.