Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 2235

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE DE M. THIERRY MARIANI (n° 1291) visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l’étranger à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen

PAR M. Patrice VERCHÈRE

Député

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES FRANÇAIS RÉSIDANT À L’ÉTRANGER PEUVENT DÉJÀ VOTER PAR INTERNET POUR ÉLIRE LEURS CONSEILLERS CONSULAIRES ET LEURS DÉPUTÉS 7

A. L’ÉLECTION DES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER 7

B. L’ÉLECTION DES DÉPUTÉS DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER 9

II. RIEN NE JUSTIFIE D’EXCLURE LA POSSIBILITÉ POUR LES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER DE VOTER PAR INTERNET AUX ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLE ET EUROPÉENNES 11

A. HARMONISER LES MODALITÉS DE VOTE OUVERTES AUX FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER 11

B. TENIR COMPTE DE LA SITUATION PARTICULIÈRE DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER 14

C. ACCROÎTRE LA PARTICIPATION ÉLECTORALE DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER 16

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 29

Article 1er (art. 13 bis [nouveau] de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du président de la République) : Ouverture aux Français de l’étranger de la faculté de voter par internet aux élections présidentielle et européennes 29

Article 2 : Gage 31

TABLEAU COMPARATIF 33

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 35

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 37

Mesdames, Messieurs,

En 2012, nos compatriotes résidant à l’étranger ont pu élire leurs représentants à l’Assemblée nationale par voie électronique, au moyen d’une connexion sécurisée à internet (1) :. La même procédure a été reconduite, en mai 2014, lors de l’élection des conseillers consulaires.

Cette nouvelle modalité de vote suscite, depuis plusieurs années, des réactions très contrastées. Certains y voient, sinon un facteur d’avènement d’une « démocratie électronique », au moins une conséquence nécessaire du progrès technique (2). D’autres, à l’image d’un récent rapport d’information présenté par nos collègues sénateurs, MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, font preuve d’une grande circonspection en la matière, craignant que l’opacité des systèmes informatiques nuise à la sincérité et au secret des scrutins (3).

La présente proposition de loi organique, présentée par M. Thierry Mariani, député élu dans la onzième circonscription des Français de l’étranger, ne prétend pas lancer, ni a fortiori trancher, un débat de principe sur le vote par internet. La démarche qui l’anime est plus pragmatique ; son objet est précisément circonscrit.

Le pragmatisme conduit à constater que le vote électronique est d’ores et déjà largement utilisé.

Il l’est tout particulièrement dans des élections non politiques : élections de représentants du personnel, élections prudhommales, élections dans la fonction publique, dans les chambres de commerce et d’industrie, dans les assemblées générales d’actionnaires ou encore au sein d’associations.

Il l’est également – on l’a dit – lors de l’élection des députés et des conseillers consulaires par les Français de l’étranger. En pratique, cette nouvelle modalité de vote a rencontré un franc succès parmi eux.

C’est également par la voie électronique, au moyen d’un site internet conçu sous l’égide du ministère de l’Intérieur, que seront recueillis, à compter du 1er janvier 2015, les soutiens de citoyens aux propositions de loi susceptibles de faire l’objet d’un référendum d’initiative partagée. Afin de tenir compte de la difficulté particulière qu’il y aura à collecter et à contrôler un nombre élevé de « signatures » de citoyens – l’article 11 de la Constitution requiert la réunion d’un dixième des électeurs –, leur recueil sous forme électronique a été décidé par le législateur organique en 2013 (4).

L’objet de la présente proposition de loi organique procède d’une logique similaire : il s’agit de répondre à la situation particulière des Français résidant à l’étranger, pour lesquels l’accès aux bureaux de vote ouverts par nos ambassades et consulats est parfois difficile. Il est ainsi proposé, pour les seuls électeurs établis hors de France, d’étendre la possibilité de voter par internet à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen. Cette possibilité s’ajouterait, sans s’y substituer, au traditionnel vote à l’urne dans les bureaux ouverts à l’étranger. Elle s’appliquerait également en cas de référendum.

L’adoption, dès aujourd’hui, de cette loi organique interviendrait suffisamment en amont des prochaines échéances électorales pour que toutes les dispositions – juridiques, techniques et pratiques – qui en découlent puissent être prises en temps voulu. Les citoyens français résidant à l’étranger pourront ainsi, dans les meilleures conditions, exercer pleinement leur droit de vote.

I. LES FRANÇAIS RÉSIDANT À L’ÉTRANGER PEUVENT DÉJÀ VOTER PAR INTERNET POUR ÉLIRE LEURS CONSEILLERS CONSULAIRES ET LEURS DÉPUTÉS

Depuis 2003, les Français établis à l’étranger peuvent voter par voie électronique pour élire les instances spécifiquement chargées de les représenter (A). Étendu à l’élection des députés des Français de l’étranger, le vote électronique a été mis en œuvre à compter des élections législatives de 2012 (B).

A. L’ÉLECTION DES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER

Les Français établis hors de France ont, pour la première fois, pu faire usage du vote électronique en 2003, lors de l’élection du Conseil supérieur des Français de l’étranger (CSFE) (5) – devenu Assemblée des Français de l’étranger (AFE) en 2004 (6).

Cette première expérimentation a ensuite été généralisée et renouvelée, en 2006 puis en 2009. Depuis 2012, un nouveau dispositif informatique a été mis en place, conforme aux recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) (7) et au référentiel général de sécurité approuvé par le Premier ministre (8).

Depuis 2013, le vote électronique est désormais applicable à l’élection des conseillers consulaires, qui représentent les Français établis hors de France auprès des ambassades et des consulats (9). Cette élection se déroule tous les six ans au suffrage universel direct : l’article 22 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France dispose que les électeurs peuvent soit voter dans les bureaux ouverts à l’étranger par les ambassades et les postes consulaires, soit « voter par correspondance électronique, au moyen de matériels et de logiciels de nature à respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin ». La même loi a, corrélativement, supprimé le vote par correspondance par voie postale (10).

Les premières élections des 442 conseillers consulaires (11) ont eu lieu en mai 2014 : du 14 au 20 mai pour le vote par internet ; les 24 et 25 mai pour le vote à l’urne, organisé dans 481 bureaux de vote, concomitamment aux élections européennes.

Le taux de participation à ces élections a été modeste : il s’est établi à 16,5 %, correspondant à environ 185 000 électeurs sur 1 130 000 inscrits. Toutefois, parmi les électeurs ayant pris part au scrutin, le nombre de votes par internet a été important, représentant 43,2 % (environ 80 000 électeurs), contre 56,8 % s’agissant du vote dans les bureaux de vote (environ 105 000 électeurs) (12).

Encore faut-il considérer que le vote à l’urne n’aurait sans doute pas été majoritaire si la possibilité de vote électronique avait été ouverte aux élections européennes, qui se déroulaient simultanément (13) : dès lors que l’électeur devait nécessairement, pour choisir ses représentants au Parlement européen, se déplacer dans un bureau de vote, il pouvait en profiter pour voter également aux élections consulaires, au détriment de la procédure de vote par internet.

Concrètement, pour pouvoir voter, nos compatriotes domiciliés à l’étranger doivent être inscrits au registre des Français établis hors de France, ainsi que sur la liste électorale consulaire. Quelques semaines avant le scrutin, l’administration consulaire adresse aux électeurs, par courrier postal, une lettre comprenant un code identifiant – qui peut aussi leur être adressé par SMS s’ils ont communiqué un numéro de téléphone portable à leur consulat. Ces électeurs reçoivent, par ailleurs, un mot de passe par courriel. Ces deux éléments, personnels et confidentiels, leur permettent de se connecter à un portail de vote sur internet et, ainsi, de voter en ligne. Le terminal informatique (ordinateur personnel ou public, smartphone, etc.) doit satisfaire à certaines conditions techniques de sécurité. Afin d’éviter tout double vote, la période de vote par internet a lieu quelques jours avant le vote à l’urne. Les résultats du vote électronique sont stockés par le serveur jusqu’à la clôture du scrutin.

B. L’ÉLECTION DES DÉPUTÉS DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 24 de la Constitution dispose que les Français établis hors de France sont représentés, non plus seulement au Sénat, mais également à l’Assemblée nationale. En conséquence, lors des élections législatives de 2012, onze députés ont été élus par nos compatriotes résidant à l’étranger. Par ailleurs, douze sénateurs représentant les Français de l’étranger sont élus par les conseillers consulaires et leurs délégués (14).

En juin 2012, les Français établis à l’étranger ont pu, pour la première fois à des élections nationales, recourir au vote électronique.

Cette possibilité s’ajoute à celle du vote à l’urne – en personne ou par procuration – dans les bureaux de vote ouverts dans les ambassades et les consulats et à celle du vote par correspondance par voie postale. Elle a été ouverte à l’article L. 330-13 du code électoral par l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France, ratifiée par la loi n° 2011-411 du 14 avril 2011 ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France. Au contraire, pour les élections législatives se déroulant en France, seul le vote à l’urne est possible.

Le bilan de la mise en œuvre du vote électronique aux élections législatives de 2012 s’avère positif.

Au premier tour, le vote par internet a été choisi par 127 007 électeurs, représentant 57 % des votes, à comparer à 41 % pour le vote à l’urne et à 2 % pour le vote par correspondance postale. Au second tour, la proportion des électeurs ayant voté par voie électronique n’a que légèrement baissé, atteignant 54 % des votes (soit 117 675 électeurs) (15).

Quelques difficultés – liées à l’acheminement des instruments d’authentification des électeurs ou à des incompatibilités entre le portail de vote et certains logiciels installés sur les ordinateurs utilisés – ont certes été signalées. Celles-ci sont, toutefois, demeurées circonscrites : aucune faille de sécurité ni aucune atteinte à l’intégrité de l’ « urne électronique » n’ont été constatées. La plupart de ces difficultés peuvent, de surcroît, s’expliquer par le caractère inédit du vote électronique organisé en 2012 ; elles ne devraient donc pas se reproduire.

En tout état de cause, le dispositif de vote électronique fait l’objet de contrôles rigoureux :

– les opérations de vote sont placées sous le contrôle d’un bureau du vote électronique, chargé de veiller au bon déroulement des opérations électorales et de vérifier l’effectivité des dispositifs de sécurité prévus pour assurer le secret du vote, la sincérité du scrutin et l’accessibilité au suffrage (16) ;

–  l’ensemble du dispositif, en particulier le code source du logiciel utilisé, a fait l’objet d’un double audit par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et par les experts indépendants chargés de vérifier la conformité du dispositif aux recommandations de la CNIL (17) ;

– saisi, dans le cadre du contentieux des élections législatives de 2012, de plusieurs griefs portant sur des votes par internet, le Conseil constitutionnel les a systématiquement rejetés (18).

Le succès du vote par internet ne s’est pas démenti lors des élections législatives partielles qui ont eu lieu à l’étranger en 2013.

Lors de ces élections, qui se sont déroulées dans la première (États-Unis ; Canada) et la huitième (Chypre ; Grèce ; Israël ; Italie ; Malte ; Turquie) circonscriptions (19), le vote par internet a, de nouveau, été majoritairement choisi par nos compatriotes – à hauteur de 65 % des électeurs au premier tour et de 70 % au second.

« Les élections partielles 2013 ont confirmé l’attachement des Français de l’étranger pour cette modalité de vote dématérialisée » soulignait en conséquence le directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire dans son rapport annuel de septembre 2013 (20). Ce dernier ajoute que, grâce aux mesures de sécurité mises en place, le vote s’est déroulé sans aucun incident.

II. RIEN NE JUSTIFIE D’EXCLURE LA POSSIBILITÉ POUR LES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER DE VOTER PAR INTERNET AUX ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLE ET EUROPÉENNES

L’extension de la faculté, pour les Français de l’étranger, de voter par internet aurait au moins trois avantages : elle permettrait d’harmoniser des modalités de vote aujourd’hui très disparates d’une élection à l’autre (A) ; elle répondrait aux difficultés spécifiques d’accès au vote rencontrées par les électeurs établis hors de France (B) ; elle favoriserait une plus grande participation aux élections européennes et à l’élection du chef de l’État (C).

A. HARMONISER LES MODALITÉS DE VOTE OUVERTES AUX FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER

Au 1er janvier 2014, 1 642 953 de nos compatriotes étaient inscrits au registre mondial des Français établis hors de France, en augmentation de 2 % par rapport à l’année précédente.

Du point de vue électoral, les Français domiciliés à l’étranger sont répartis en onze circonscriptions, présentées dans les deux tableaux ci-après.

CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

CIRCONSCRIPTION

COMPOSITION

1re circonscription

Canada ; États-Unis

2e circonscription

Belize ; Costa Rica ; Guatemala ; Honduras ; Mexique ; Nicaragua ; Panama ; Salvador ; Bolivie ; Colombie ; Équateur ; Pérou ; Venezuela ; Brésil ; Guyana ; Suriname ; Argentine ; Chili ; Paraguay ; Uruguay ; Antigua-et-Barbuda ; Bahamas ; Barbade ; Cuba ; République dominicaine ; Dominique ; Grenade ; Haïti ; Jamaïque ; Saint-Christophe-et-Niévès ; Sainte-Lucie ; Saint-Vincent-et-les-Grenadines ; Trinité-et-Tobago

3e circonscription

Irlande ; Royaume-Uni ; Danemark ; Estonie ; Finlande ; Islande ; Lettonie ; Lituanie ; Norvège ; Suède

4e circonscription

Belgique ; Pays-Bas ; Luxembourg

5e circonscription

Andorre ; Espagne ; Monaco ; Portugal

6e circonscription

Liechtenstein ; Suisse

7e circonscription

Allemagne ; Albanie ; Autriche ; Bosnie-Herzégovine ; Bulgarie ; Croatie ; Hongrie ; ancienne République yougoslave de Macédoine ; Pologne ; Roumanie ; Serbie-et-Monténégro ; Slovénie ; République tchèque ; Slovaquie

8e circonscription

Italie ; Malte ; Saint-Marin ; Saint-Siège ; Chypre ; Grèce ; Turquie ; Israël

9e circonscription

Algérie ; Maroc ; Libye, Tunisie ; Burkina, Mali, Niger ; Mauritanie ; Cap-Vert ; Gambie ; Guinée ; Guinée-Bissau ; Sénégal ; Sierra Leone ; Côte d’Ivoire ; Liberia

10e circonscription

Afrique du Sud ; Bostwana ; Lesotho ; Malawi ; Mozambique ; Namibie ; Swaziland ; Zambie ; Zimbabwe ; Comores ; Madagascar ; Maurice ; Seychelles ; Égypte ; Soudan ; Djibouti ; Érythrée ; Éthiopie ; Somalie ; Burundi ; Kenya ; Ouganda ; Rwanda ; Tanzanie ; Bénin ; Ghana ; Nigéria ; Togo ; Cameroun ; République centrafricaine ; Tchad ; Gabon ; Guinée équatoriale ; Sao Tomé-et-Principe ; Angola ; Congo ; République démocratique du Congo ; Irak ; Jordanie ; Liban ; Syrie ; Arabie saoudite ; Bahreïn ; Émirats arabes unis ; Koweït ; Oman ; Qatar ; Yémen

11e circonscription

Arménie ; Azerbaïdjan ; Biélorussie ; Géorgie ; Kazakhstan ; Kirghizstan ; Moldavie ; Ouzbékistan ; Russie ; Tadjikistan ; Turkménistan ; Ukraine ; Afghanistan ; Bangladesh ; Inde ; Iran ; Maldives ; Népal ; Pakistan ; Sri Lanka ; Chine ; Corée du Sud ; Japon ; Mongolie ; Birmanie ; Brunei ; Cambodge ; Indonésie ; Laos ; Malaisie ; Palaos ; Philippines ; Singapour ; Thaïlande ; Timor oriental ; Vietnam ;

Australie ; Fidji ; Kiribati ; Marshall ; Micronésie ; Nauru ; Nouvelle-Zélande ; Papouasie-Nouvelle-Guinée ; Salomon ; Samoa ; Tonga ; Tuvalu ; Vanuatu

Source : tableau n° 1 ter annexé au code électoral (ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés).

NOMBRE D’ÉLECTEURS INSCRITS PAR CIRCONSCRIPTION AU 1er JANVIER 2014

CIRCONSCRIPTION

ÉLECTEURS

1re circonscription

212 815

2e circonscription

99 471

3e circonscription

155 429

4e circonscription

171 911

5e circonscription

118 270

6e circonscription

163 600

7e circonscription

141 894

8e circonscription

142 261

9e circonscription

151 596

10e circonscription

150 464

11e circonscription

135 242

Total

1 642 953

Source : décret n° 2014-39 du 17 janvier 2014 authentifiant la population des Français établis hors de France au 1er janvier 2014.

Pour prendre part aux différentes élections politiques (21), les Français établis à l’étranger disposent, à tous les types de scrutin, de la possibilité de voter à l’urne – personnellement ou par procuration – dans des bureaux de vote ouverts dans les ambassades ou les postes consulaires.

Cette faculté, qui avait disparu en 2004 et 2009 pour les élections européennes (22), a été rétablie par la loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, qui a rattaché les Français de l’étranger à la circonscription de l’Île-de-France. Ces derniers ont, ainsi, pu voter dans des bureaux de vote ouverts à l’étranger lors des élections européennes de mai 2014.

En revanche, en fonction du type d’élection en cause, les autres modalités de vote offertes aux Français de l’étranger sont particulièrement disparates (voir le tableau récapitulatif ci-après).

Si, comme on l’a vu, le vote électronique est désormais possible aux élections consulaires et aux élections législatives, tel n’est le cas à aucun autre scrutin. En mai 2014, beaucoup de nos compatriotes expatriés ont trouvé singulier que, lors d’élections se déroulant simultanément – les élections consulaires et les élections européennes –, les modalités de vote ne soient pas identiques.

S’il a été supprimé au niveau national en 1975 (23), le vote par correspondance postale a, quant à lui, été retenu en 2009 pour l’élection des députés des Français de l’étranger, avant d’être écarté en 2013 pour l’élection des conseillers consulaires (24).

À ces différentes modalités de vote s’ajoutent, pour les élections se déroulant au suffrage indirect – celles des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et celles des sénateurs représentant les Français établis hors de France – la possibilité de voter par remise de pli à l’administration : le membre du collège électoral concerné vote, par anticipation, en remettant à un fonctionnaire son enveloppe contenue au sein d’un pli, acheminé jusqu’au bureau de vote à Paris par l’administration consulaire, à qui il incombe ensuite d’introduire l’enveloppe dans l’urne (25).

LES MODALITÉS DE VOTE OUVERTES AUX ÉLECTEURS FRANÇAIS À L’ÉTRANGER

Scrutin concerné

Vote à l’urne

Vote par correspondance électronique

Vote par correspondance postale

Vote par remise de pli à l’administration

Élection du président de la République

Oui

Non

Non

Non

Référendum national

Élection des députés

Oui

Oui

Élection des sénateurs

Non

Non

Oui

Élection des représentants au Parlement européen

Non

Élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger

Non

Oui

Élection des conseillers consulaires

Oui

Non

Source : MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, rapport d’information au nom de la commission des Lois du Sénat sur le vote électronique, n° 445, avril 2014, p. 39.

Au total, on ne peut qu’être frappé par l’hétérogénéité du droit en vigueur. Comme l’avait relevé la Cour des comptes en 2013, « ces différentes modalités de votes, peu lisibles, sont source d’incompréhension pour les Français de l’étranger (…). Une simplification visant à uniformiser les modalités de vote constituerait à cet égard un progrès raisonnable » (26).

En étendant la faculté de vote électronique à l’élection présidentielle, aux référendums et aux élections européennes (27), l’adoption de la présente proposition de loi organique constituerait un premier pas important vers une harmonisation des modalités de vote offertes aux Français établis à l’étranger.

B. TENIR COMPTE DE LA SITUATION PARTICULIÈRE DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER

Pour votre rapporteur, il incombe au législateur de tenir compte de la situation particulière de nos compatriotes expatriés et de faire en sorte de faciliter leur expression démocratique, où qu’ils résident.

Les électeurs résidant hors de France sont parfois contraints de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre jusqu’à un bureau de vote. De tels déplacements peuvent demander du temps, être difficiles, parfois dangereux – a fortiori en période de tensions géopolitiques.

Comme l’a souligné notre collègue sénateur, M. Alain Anziani, la distance à parcourir pour atteindre un bureau de vote « varie (…) considérablement d’un pays à l’autre : il y a des dizaines de bureaux de vote à Genève, mais un seul en Afghanistan et trois au Chili, ce qui oblige à un déplacement de plusieurs heures et coûteux pour voter à l’urne » (28). À titre d’illustration, lors des élections législatives de 2012, « en Russie, des bureaux de vote étaient ouverts à Moscou, Saint-Pétersbourg et Ekaterinbourg. Un expatrié vivant à Irkoutsk devait ainsi parcourir 2812 kilomètres pour voter à Ekaterinbourg, ce qui représente un trajet de 3 heures 20 en avion. Le prix du billet avoisine 470 euros pour un aller-retour » (29).

En fonction du pays de résidence, d’autres difficultés plus spécifiques peuvent se poser. Par exemple, certains États sont réticents à l’organisation, au profit de non-nationaux, d’élections sur leur sol : tel fut le cas du Canada lors des élections législatives de 2012. Dans d’autres pays, en particulier en Asie, le dimanche n’est pas un jour chômé, ce qui complique l’exercice du vote à l’urne.

Le droit en vigueur aménage certes quelques facilités en matière de vote par procuration. Il est ainsi possible à un mandataire de détenir trois procurations
– au lieu d’une seule pour les votes en France (
30). Pour autant, le vote par procuration ne supprime pas les déplacements : le mandant doit se rendre au poste consulaire afin d’établir la procuration ; le mandataire doit se présenter au bureau de vote le jour de l’élection. Le vote par procuration est donc loin de résoudre toutes les difficultés spécifiques aux Français de l’étranger.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil d’État a considéré en 2010 qu’ « eu égard à l’extrême difficulté, voire à l’impossibilité pratique, auxquelles peuvent se heurter les Français établis hors de France non seulement pour se rendre dans les bureaux de vote, mais encore pour donner procuration à un compatriote de confiance, et compte tenu par ailleurs des carences pouvant affecter le courrier dans certains pays, (…) le vote par voie électronique pouvait apparaître, dans nombre de cas, comme le seul moyen pour les Français résidant hors de France d’exercer effectivement un droit qu’ils tiennent désormais de la Constitution » (31).

Ce raisonnement, qui a prévalu pour l’élection des députés, puis des conseillers consulaires, mériterait aujourd’hui d’être transposé à l’élection du président de la République et aux représentants de la France au Parlement européen.

Votre rapporteur précise que c’est la situation spécifique des électeurs établis hors de France qui justifierait cette extension du vote électronique. Une telle mesure n’imposerait en rien que la même possibilité soit offerte à l’ensemble des électeurs résidant en France : le Conseil constitutionnel y verrait très probablement une banale application de sa classique jurisprudence sur le principe d’égalité, qui permet de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes. Si, à plus long terme, la perspective d’une généralisation du vote électronique à l’ensemble des citoyens français mériterait sans doute d’être explorée, une telle généralisation n’est, juridiquement, nullement impliquée par la présente proposition de loi organique.

Enfin, à rebours de certaines opinions défavorables à l’extension du vote électronique (32), il convient de souligner que d’éventuelles irrégularités liées à l’utilisation de cette modalité de vote supplémentaire n’entacheraient pas nécessairement d’illégalité l’ensemble des opérations électorales concernées : le juge électoral – le Conseil d’État pour les élections européennes, le Conseil constitutionnel pour l’élection présidentielle – ferait application de sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle ces irrégularités n’entraînent l’annulation totale de l’élection que si, par leur ampleur, elles ont affecté la sincérité du scrutin.

C. ACCROÎTRE LA PARTICIPATION ÉLECTORALE DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER

Du fait de sa simplicité, le vote électronique est incontestablement apprécié par les électeurs français établis à l’étranger.

Dans leur rapport d’information, pourtant très réservé sur l’usage du vote électronique, MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, sénateurs, relèvent que les électeurs plébiscitent cette modalité de vote à chaque fois qu’elle leur est proposée : « lorsque le "vote par internet" est possible, sa part parmi les votes émis n’a cessé de croître par rapport aux autres modalités de vote. Lors des élections législatives de 2012 et 2013, il a même été choisi par plus de la moitié des votants. Pour ces mêmes élections, le vote par correspondance sous forme papier s’effondrait à moins de 2 % des votants alors qu’il représentait pour les élections des conseillers à l’AFE en 2006 et 2009 plus de la moitié des votes émis » (33).

Cet effet de substitution pourrait, à terme, ouvrir la voie à la réalisation d’économies, en permettant à l’administration de réduire les coûts et la charge de travail liés à l’organisation des scrutins à l’urne.

Au-delà, étendre le vote par internet devrait favoriser une plus grande participation électorale des Français de l’étranger.

Une telle évolution serait particulièrement souhaitable aux élections européennes, compte tenu du taux massif d’abstention observé lors du dernier scrutin : en mai 2014, près de 89 % des Français de l’étranger n’ont pas pris part au vote (946 166 abstentionnistes sur 1 063 607 inscrits), soit une proportion très supérieure à celle – pourtant élevée – enregistrée au niveau national (57,6 % d’abstention).

En octobre 2013, une proposition de loi avait d’ailleurs été présentée au Sénat par M. Robert del Picchia, afin d’étendre le vote électronique, pour les Français de l’étranger, aux élections européennes. Son auteur soulignait : « l’abstention électorale est un mal endémique à l’étranger. Le vote par internet est un outil indispensable pour convaincre des électeurs très éloignés des bureaux de vote et peu sensibilisés aux enjeux civiques de se réapproprier les scrutins français » (34).

Toutefois, ce texte n’a été ni adopté par la commission des Lois du Sénat (35), ni examiné en séance publique. L’un des obstacles alors invoqués était la difficulté à mettre en œuvre une telle réforme quelques mois avant les élections européennes de mai 2014, compte tenu des délais nécessaires à son application (mesures réglementaires à publier, marchés publics à passer, etc.). Naturellement, ces objections ne sauraient valoir à l’encontre de la présente proposition de loi organique, qui n’a normalement pas vocation à s’appliquer avant 2017 pour l’élection présidentielle et avant 2019 pour les élections européennes.

Le vote électronique pourrait également améliorer la participation des Français de l’étranger à l’élection du chef de l’État.

Les opposants à la présente réforme ne manqueront certes pas de souligner qu’en pratique, l’absence de vote électronique n’empêche pas les Français de l’étranger de se mobiliser davantage à l’élection présidentielle qu’aux élections législatives, pour lesquelles le vote par internet est pourtant possible.

Cet argument n’emporte pas la conviction de votre rapporteur, pour les raisons suivantes :

– la différence de participation électorale à ces deux types d’élection (présidentielle et législatives) existe également au niveau national. Il est donc normal de la retrouver dans le comportement électoral des Français établis à l’étranger, quelles que soient les modalités de vote disponibles ;

– le vote électronique n’étant utilisé aux élections législatives que depuis 2012, le niveau d’information et de confiance dans la procédure de nos compatriotes résidant à l’étranger augmentera nécessairement lors des prochains scrutins. C’est à cette aune qu’il faut interpréter les taux de participation enregistrés jusqu’à présent aux élections de députés par les Français établis hors de France (36) ;

– même si l’élection du chef de l’État est celle qui, à l’étranger comme sur le territoire national, mobilise le plus les électeurs, la participation des Français de l’étranger à l’élection présidentielle reste très sensiblement inférieure à celles des électeurs votant en France. Ainsi, lors du dernier scrutin présidentiel, en 2012, l’abstention des électeurs établis hors de France a atteint 62 % au premier tour, puis près de 58 % au second, soit un niveau sans commune mesure avec les taux d’abstention constatés pour l’ensemble de la France (respectivement 20,5 % et 19,6 %). Le tableau ci-après confirme ce décalage, en montrant que, depuis 1981, les taux de participation à l’élection présidentielle des Français de l’étranger sont largement inférieurs à ceux observés en France : l’écart est, en moyenne, de plus de 28 points.

PARTICIPATION À L’ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DEPUIS 1981

 

Français établis hors de France

(votant à l’étranger)

France entière

Inscrits

Votants

Participation

Participation

1981

1er tour : 26 avril 1981

132 059

99 494

75,3 %

81,1 %

2nd tour : 10 mai 1981

132 141

104 112

78,8 %

85,9 %

1988

1er tour : 24 avril 1988

163 296

102 516

62,8 %

81,4 %

2nd tour : 8 mai 1988

162 496

105 481

64,9 %

84,1 %

1995

1er tour : 23 avril 1995

245 322

124 800

50,8 %

78,4 %

2nd tour : 7 mai 1995

245 317

130 036

53,0 %

79,7 %

2002

1er tour : 21 avril 2002

385 537

170 530

37,3 %

71,6 %

2nd tour : 5 mai 2002

385 615

170 719

44,2 %

79,7 %

2007

1er tour : 22 avril 2007

822 944

331 681

40,3 %

83,8 %

2nd tour : 6 mai 2007

821 919

346 310

42,1 %

84,0 %

2012

1er tour : 22 avril 2012

1 076 246

409 398

38,0 %

79,5 %

2nd tour : 6 mai 2012

1 078 579

453 990

42,1 %

80,4 %

Sources : Rapport du directeur des Français à l’Étranger et de l’administration consulaire, septembre 2012, p. 146 et site internet du ministère de l’Intérieur.

Il y a donc tout lieu de penser que l’extension de la faculté de voter par voie électronique permettrait un regain d’expression démocratique de nos compatriotes résidant à l’étranger.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa séance du mercredi 1er octobre 2014, la Commission examine, sur le rapport de M. Patrice Verchère, la proposition de loi organique de M. Thierry Mariani visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l’étranger à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 1291).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Notre ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi organique de M. Thierry Mariani visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l’étranger à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen. Afin de prévenir toute ambiguïté, je précise que nous nous interrogeons sur sa recevabilité financière, son article 2 faisant d’ailleurs référence à des charges qui résulteraient de son application. J’ai repris en la matière la pratique suivie par mon prédécesseur Jean-Luc Warsmann depuis la révision constitutionnelle de 2008 : à ce stade, je n’ai pas transmis cette proposition de loi organique au président de la commission des Finances car, si celui-ci avait dû se prononcer sur sa recevabilité avant notre réunion d’aujourd’hui et que cette proposition de loi, qui ne comporte qu’un seul véritable article, avait été déclarée irrecevable dans son intégralité, nous n’aurions pas pu procéder à son examen. Or, il m’a semblé utile que nous puissions en débattre. Toutefois, conformément à nos usages, je saisirai le président de la commission des Finances à l’issue de nos débats. Si jamais la proposition de loi organique était déclarée irrecevable, elle devrait être retirée de l’ordre du jour de la séance publique du 9 octobre.

M. Patrice Verchère, rapporteur. Nous examinons ce matin une proposition de loi organique de M. Thierry Mariani, inscrite à l’ordre du jour de la séance publique à l’initiative du groupe UMP. Il s’agit de permettre aux Français établis à l’étranger de voter par voie électronique – c’est-à-dire par internet – à l’élection présidentielle, aux élections européennes et lors des référendums nationaux. Cela reviendrait à étendre la faculté de voter par voie électronique déjà ouverte à nos compatriotes expatriés pour les élections législatives et consulaires.

En effet, à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les Français de l’étranger ont élu, pour la première fois en 2012, onze députés. Afin de tenir compte de la situation particulière de ces électeurs, le législateur a alors autorisé le recours au vote électronique. Plus récemment, le vote électronique a également été retenu dans la loi du 22 juillet 2013 qui a réformé les instances de représentation des Français établis hors de France : désormais, les Français résidant à l’étranger élisent directement des conseillers consulaires au moyen, notamment, du vote par internet. La première élection de ce type a eu lieu en mai dernier, en même temps que les élections européennes. Dans les deux cas
– élections législatives, d’une part, et consulaires, d’autre part – le vote électronique est une option, qui s’ajoute au traditionnel vote à l’urne dans les bureaux de vote ouverts dans les ambassades et les postes consulaires. C’est donc une possibilité supplémentaire offerte à l’électeur.

Compte tenu de ces précédents, nous disposons aujourd’hui d’un certain recul sur la procédure de vote électronique. Deux principaux enseignements peuvent être tirés. Premièrement, le vote électronique remporte un réel succès auprès des Français de l’étranger. Certes, le vote électronique n’a apparemment pas entraîné, à lui seul, une augmentation globale de la participation électorale. Mais il est probable que le niveau de participation aux élections législatives et consulaires aurait été plus faible en l’absence de vote électronique, a fortiori s’agissant de deux élections d’un type nouveau – ce qui rend d’ailleurs la comparaison impossible avec d’éventuels précédents.

D’autre part, le vote électronique a été, en pratique, largement utilisé par les électeurs : par une majorité d’entre eux – 57 % – aux élections législatives ; par une proportion certes moindre – 43 % – aux élections consulaires, mais cela s’explique sans doute par le fait qu’elles avaient lieu en même temps que les élections européennes, pour lesquelles seul le vote à l’urne dans les bureaux de vote était possible. S’agissant d’élections se déroulant le même jour, il est d’ailleurs assez singulier que les unes puissent donner lieu à un vote à distance par internet, tandis que les autres nécessitent un déplacement des électeurs. Dans les faits, très peu se sont déplacés : 89 % des Français de l’étranger se sont abstenus aux élections européennes de mai 2014, contre 57,6 % des électeurs à l’échelle de la France entière.

Le constat est donc clair : seul le vote électronique permet de surmonter les multiples obstacles qui, en fonction des États de résidence de nos compatriotes, peuvent entraver l’exercice de leur droit de vote – entre autres, l’éloignement des bureaux de vote, la difficulté voire la dangerosité des déplacements et le coût des transports.

Deuxième enseignement : le vote électronique a démontré sa fiabilité. Certes, il y a eu quelques « ratés » techniques en 2012, mais ceux-ci étaient largement imputables au caractère inédit de l’opération. Surtout, aucune fraude n’a été constatée, ni aucune atteinte à la sincérité du scrutin établie. En tant que juge des élections législatives, le Conseil constitutionnel a rejeté tous les griefs qui portaient sur les conditions de vote par voie électronique.

Bien sûr, certains opposants à cette proposition de loi organique nous objecteront que, avec le vote électronique, certaines fraudes peuvent ne pas être décelées, précisément parce qu’elles sont très efficaces. Mais alors, il conviendrait d’être cohérent et d’en tirer toutes les conséquences : il faudrait non seulement s’opposer à l’extension du vote électronique, mais aussi demander la suppression des possibilités de vote électronique déjà existantes, faute de quoi on mettrait en doute – insidieusement – la légitimité de nos collègues députés des Français de l’étranger.

En somme, rien ne me paraît donc sérieusement s’opposer à ce que le vote électronique soit étendu aux élections présidentielle et européennes, c’est-à-dire à l’ensemble des élections nationales au suffrage universel direct. Cette extension serait justifiée, je le précise, par la situation spécifique des électeurs établis hors de France. Une telle mesure n’imposerait donc en rien que la même possibilité soit offerte à l’ensemble des électeurs résidant en France : le Conseil constitutionnel y verrait très probablement une banale application de sa jurisprudence classique sur le principe d’égalité, qui permet de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite donc à adopter cette proposition de loi organique, qui permettra d’améliorer les conditions de l’expression démocratique de nos concitoyens.

M. François Vannson. S’agissant de l’économie générale de cette proposition de loi organique, les arguments pratiques apparaissent immédiatement : compte tenu des distances, le vote électronique faciliterait la vie des Français établis hors de France. Je souhaite néanmoins formuler deux remarques. D’une part, nous ne pouvons pas échapper à un débat sur la sécurisation des systèmes de vote : nous avons besoin de garanties en la matière. D’autre part, d’une manière plus générale, lorsque le vote se déroule dans un endroit préétabli et matériellement bien défini, l’exercice de ce devoir civique donne lieu à une forme d’émulation collective. Si l’on devait tendre vers une généralisation du vote électronique, je craindrais que l’on n’assiste à des votes un peu trop « aseptisés ».

M. Sergio Coronado. Je serai moins enthousiaste que vous, monsieur le rapporteur. L’instauration du vote électronique a certes constitué un progrès : elle a garanti à nos compatriotes établis à l’étranger la possibilité d’exercer leur citoyenneté. À cet égard, vous avez rappelé à juste titre que, dans certains pays de résidence, il est totalement impossible à nos compatriotes de voter autrement que par voie électronique. Néanmoins, cette procédure n’a pas été la panacée : d’une part, le taux de participation s’est certes amélioré, mais il n’a pas augmenté de manière considérable ; d’autre part, on a constaté des difficultés techniques, ainsi qu’une mauvaise connaissance du fonctionnement de la procédure elle-même.

La position du groupe écologiste est quelque peu paradoxale. Nous sommes résolument opposés à la généralisation du vote électronique. Vous avez vous-même mis en lumière, monsieur le rapporteur, les problèmes auxquels nous ferions face, en particulier la difficulté de vérifier la transparence de la procédure. Vous avez fait état de l’absence de fraude, mais il n’y a pas eu de vérification en tant que telle de la procédure de vote électronique à l’étranger. En outre, nous sommes favorables à ce que les logiciels utilisés pour le vote électronique ne soient pas la propriété d’une entreprise : ils doivent être libres, c’est-à-dire accessibles sans restriction, ainsi que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) l’a demandé à plusieurs reprises. Il s’agit d’une garantie nécessaire pour la vérification. Dans le cas où la proposition de loi organique serait adoptée, nous souhaiterions également que le Gouvernement prévoie la production d’un justificatif ou d’une preuve papier du vote.

Il n’en reste pas moins que nous sommes confrontés à un choix cornélien : soit nous étendons le recours au vote électronique pour nos compatriotes à l’étranger, soit nous les privons, de fait, de la possibilité d’exercer leur citoyenneté. Or, depuis plusieurs années, nous nous inscrivons dans une démarche de reconnaissance de la citoyenneté des Français établis à l’étranger. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : les dernières élections consulaires ont marqué une évolution dans la représentation des Français de l’étranger, avec la mise en place d’un réseau d’élus de proximité et la modification du corps électoral pour les élections sénatoriales. Il est nécessaire d’aller aujourd’hui jusqu’au bout de cette logique, en permettant aux Français de l’étranger de voter aux élections présidentielle et européennes dans les mêmes conditions qu’aux élections législatives et consulaires : rien ne justifie que l’on distingue de manière aussi discriminante ces différentes élections. En outre, les citoyens établis à l’étranger se verraient dans l’impossibilité de prendre part à des élections considérées comme majeures, en particulier à l’élection présidentielle. Je soutiens donc la proposition de loi organique.

M. Philippe Gosselin. Il y a quelques années, nous avons permis aux Français de l’étranger de voter par voie électronique aux élections législatives. Cette réforme était justifiée par un certain nombre de contraintes que tout le monde a en tête : la distance et les difficultés de déplacement. L’extension de la procédure à d’autres élections apparaîtrait assez logique et dans la continuité de ce que nous avons décidé alors.

Cependant, je partage les interrogations qui viennent d’être formulées s’agissant de la sincérité et du secret du vote. Des clarifications sont indispensables sur ces deux points. D’autre part, il serait imprudent de trop généraliser la procédure. Je suis de ceux qui sont attachés à un vote physique, non seulement pour des raisons de sincérité et de sécurité du scrutin – le passage dans l’isoloir permet de s’assurer que c’est bien l’électeur lui-même qui vote, alors qu’il est très facile à quiconque d’utiliser un code électronique, rien n’empêchant d’ailleurs l’électeur de déléguer son vote à son conjoint, à un ami ou à toute autre personne –, mais aussi à cause de l’émotion collective qui s’attache à ce rite républicain : le fait de se retrouver le même jour dans un même lieu me paraît un élément important pour vivifier la démocratie.

Nonobstant, il y a une logique à étendre le vote électronique à d’autres scrutins – présidentiel et européen – au bénéfice de nos compatriotes résidant à l’étranger, afin de leur permettre d’exercer pleinement leur citoyenneté. Au-delà des questions que j’ai soulevées en matière de sincérité et de secret du vote, je n’ai pas d’objections à une telle extension, compte tenu notamment du problème de la distance. D’ailleurs, la question d’un éventuel recours au vote électronique dans certaines collectivités ultramarines pourrait aussi se poser, eu égard au décalage horaire. Cela éviterait notamment que le résultat du scrutin dans ces collectivités ne soit connu à l’avance et parfois commenté sous le manteau.

M. Daniel Gibbes. Je félicite M. Mariani et M. le rapporteur de leur travail sur cette proposition de loi organique. J’y vois une réelle avancée. En outre, ainsi que vient de le suggérer M. Gosselin, nous pourrions envisager un recours au vote électronique dans les territoires ultramarins. Les Français d’outre-mer ne sont pas, bien sûr, des Français de l’étranger. Le problème est non pas celui de la distance, mais du décalage horaire : actuellement, dans plusieurs collectivités territoriales d’outre-mer, le vote est organisé le samedi, afin de ne pas se trouver « tronqué » par la publication des résultats en métropole. En étendant le vote électronique aux territoires ultramarins, non seulement nous économiserions du temps et de l’argent, mais nous réglerions le problème de l’abstentionnisme croissant dans ces territoires : le scrutin s’y déroulant la veille du vote en métropole, les enjeux n’y sont pas perçus de la même manière. Nous pourrions donc réfléchir à cette question et, le cas échéant, déposer un amendement à la présente proposition de loi organique.

M. Pascal Popelin. L’idée proposée dans ce texte est séduisante. Il est légitime que nous nous efforcions de trouver les moyens d’améliorer la participation citoyenne aux élections.

J’observe toutefois que la corrélation entre les modalités de vote et la participation n’est pas flagrante. Lors de la dernière élection présidentielle, organisée de façon classique – vote à l’urne –, le taux de participation des Français de l’étranger s’est élevé à 40 %. Aux élections législatives de la même année, malgré un recours important au vote électronique, il n’a atteint que 20 %. Bref, il me semble que la participation tient surtout à la perception que les électeurs ont, à tort ou à raison, de l’enjeu de l’élection.

Contrairement au rapporteur, qui a évoqué le problème pour l’écarter, je pense que cette proposition de loi organique présente un risque constitutionnel sérieux. En effet, l’élection présidentielle a lieu dans le cadre d’une circonscription nationale unique. Il est probable que l’ouverture de modalités de vote différentes soit considérée comme une rupture d’égalité devant le vote, une partie des Français ayant la faculté de voter par voie électronique quand la grande majorité du corps électoral ne l’aurait pas.

D’ailleurs, dès que l’on ouvre cette boîte, d’autres demandes se font jour, par exemple pour les départements et collectivités d’outre-mer.

Le dispositif pose également un problème de contrôle, en particulier lors des élections européennes où existe un risque de double vote. On le sait, les Français qui résident dans un autre pays de l’Union européenne – et qui représentent une part substantielle du corps électoral des Français de l’étranger – ont la possibilité de s’inscrire pour ce scrutin sur les listes électorales de leur pays de résidence. Si l’on permet le vote électronique, il sera très difficile, de l’aveu même des techniciens que vous avez auditionnés, monsieur le rapporteur, de procéder aux recoupements nécessaires pour garantir qu’aucun des électeurs concernés ne vote deux fois.

Enfin, le président Urvoas a soulevé à juste titre la question de la recevabilité du texte au titre de l’article 40 de la Constitution. Le coût de l’extension de cette procédure – mise en œuvre de logiciels, envoi d’identifiants, etc. – n’est pas neutre. Il est grossièrement gagé à l’article 2, comme on a l’habitude de le faire lorsqu’on essaie de passer sous les fourches Caudines de l’article 40. Si l’on faisait la somme de tous les gages de cette nature, le paquet de cigarettes coûterait 80 euros ! Quoi qu’il en soit, la commission des Finances se prononcera avant un éventuel examen en séance publique.

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe SRC votera contre cette proposition de loi organique.

M. Patrick Mennucci. Je trouve inquiétante la procédure de vote électronique, y compris celle qui est en place actuellement pour l’élection des députés des Français de l’étranger. Comment juger de la sincérité d’un vote fait dans un autre cadre que celui du bureau de vote ? On ouvre la voie, je crois, à toutes sortes de pratiques mal intentionnées : contrôle ou achat des votes, achat d’identifiants…

Je comprends les difficultés que peuvent rencontrer les Français de l’étranger pour se déplacer jusqu’à un bureau de vote, mais cela ne doit pas nous conduire à modifier notre doctrine en la matière.

L’intervention de M. Gibbes confirme mes inquiétudes : s’il acceptait le vote électronique pour d’autres élections que les législatives, le Parlement provoquerait un appel d’air. On évoque aujourd'hui les départements et collectivités d’outre-mer, pourquoi pas, demain, d’autres territoires de notre pays ? L’extension du vote électronique irait dans le sens de ceux qui veulent « déshumaniser » le vote. Se déplacer pour voter dans un bureau de vote est un acte républicain. Des contrôles sont effectués et l’on doit respecter certaines obligations : prendre plusieurs bulletins, passer par l’isoloir, etc. Il y a malheureusement beaucoup d’endroits en France où l’on assiste à des tentatives de fraude. Une technique de scrutin dématérialisé pourrait donner des idées à certains.

Pour des raisons de principe, donc, nous devons nous opposer à cette proposition de loi organique.

M. le rapporteur. Le dispositif du vote électronique fait l’objet de contrôles rigoureux. Les opérations de vote sont placées sous le contrôle d’un bureau de vote électronique qui est chargé de veiller au bon déroulement des opérations électorales et qui vérifie l’effectivité des dispositifs de sécurité prévus pour assurer le secret du vote. L’ensemble du dispositif, en particulier le code source du logiciel utilisé, fait l’objet d’un double audit par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information et par des experts indépendants chargés de vérifier la conformité du dispositif aux recommandations de la CNIL.

Je rappelle également que le Conseil constitutionnel, saisi dans le cadre du contentieux des élections législatives de 2012, a systématiquement rejeté les recours fondés sur cette question.

Le risque de fraude existe, bien sûr, mais il existe également pour le vote à l’urne. Nombre d’élections, par le passé, ont été annulées pour des faits de fraude.

Vous tirez argument, monsieur Vannson, de l’émulation qui se créerait à l’occasion du vote à l’urne. Mais une émulation existe aussi sur les réseaux sociaux tout au long de la campagne électorale et jusqu’à la veille du vote. Je doute un peu, d’ailleurs, qu’il y ait émulation à l’intérieur du bureau de vote. Il y a plus d’ambiance au moment du dépouillement !

Si cette proposition de loi organique est votée, monsieur Gibbes, il vous appartiendra de rédiger vous-même une nouvelle proposition, une fois constatée la réussite de ce nouveau dispositif, afin de chercher à l’étendre à certaines collectivités d’outre-mer.

Le risque de double vote lors des élections européennes existe déjà.

M. Pascal Popelin. Il est inutile de l’accroître !

M. le rapporteur. Si ce texte devait être rejeté, monsieur Popelin, il nous faudra prendre nos responsabilités et supprimer le vote électronique pour les deux élections où il est prévu. Je rappelle que c’est l’ancienne majorité qui avait instauré le dispositif pour les élections législatives, et l’actuelle pour les élections consulaires.

Sans doute le vote électronique a-t-il permis à nos compatriotes de l’étranger de voter plus massivement, mais il est impossible de faire des comparaisons puisqu’il s’agit d’une première. Ce que l’on sait, c’est que de nombreux électeurs – et même leur majorité dans le cas des législatives – ont choisi ce nouveau mode. S’il n’avait pas été mis en place, peut-être nos collègues députés des Français de l’étranger auraient-ils été élus avec encore moins de voix.

Le risque constitutionnel existe, je l’ai dit. Il appartiendra au Conseil constitutionnel de se prononcer, sachant que sa jurisprudence tend à démontrer que des pratiques différentes peuvent venir répondre à des situations différentes.

S’agissant enfin d’une éventuelle irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, le président Urvoas a indiqué que le texte serait transmis au président de la commission des Finances.

M. Sergio Coronado. Le débat n’est pas que de principe. Je suis pour ma part plutôt opposé à l’extension du vote électronique à des territoires de la République : là où l’État est présent, il doit assumer son rôle et garantir le secret et l’indépendance du vote. Cela dit, je vote à Bogota. Un seul bureau de vote étant installé dans cette ville de huit millions d’habitants, l’attente peut être de plusieurs heures. Avec un système électronique performant – ce qui n’a pas été le cas de celui des législatives de 2012 –, le taux de participation, notamment à l’élection présidentielle, serait bien plus élevé.

Le vote électronique est une nécessité si l’on souhaite que les Français de l’étranger exercent pleinement leur citoyenneté. Pourquoi s’arrêter au milieu du gué après avoir permis le vote électronique aux élections consulaires, mes chers collègues de la majorité ? Il y a une contradiction entre cette mesure récente et les arguments de portée générale soutenus par MM. Popelin et Mennucci.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. 13 bis [nouveau] de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du président
de la République)

Ouverture aux Français de l’étranger de la faculté de voter par internet aux élections présidentielle et européennes

Cet article tend à insérer un nouvel article 13 bis dans la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du président de la République (37) , afin de permettre aux Français résidant à l’étranger de voter par voie électronique lors de l’élection du président de la République.

Ce vote s’effectuerait par internet, au moyen d’un identifiant et d’un mot de passe, dans le cadre d’un dispositif informatique sécurisé. Cette faculté nouvelle s’ajouterait, sans s’y substituer, aux modalités actuelles de vote à l’urne
– en personne ou par procuration – organisé dans les bureaux de vote ouverts dans les ambassades ou les postes consulaires.

Le vote électronique est déjà applicable à l’élection des députés par les Français de l’étranger, en application de l’article L. 330-13 du code électoral, et à l’élection des conseillers consulaires, en application de l’article 22 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.

La rédaction du présent article s’inspire d’ailleurs directement de ces dispositions :

– elle précise que le vote électronique constitue une dérogation à l’article L. 54 du code électoral, qui prévoit que le scrutin ne dure qu’une journée. Le recueil des suffrages par internet se déroule, en effet, plusieurs jours avant la date du vote à l’urne, ce qui permet notamment d’éviter tout double vote ;

– elle réaffirme les exigences de secret du vote et de sincérité du scrutin, qui ont toutes deux valeur constitutionnelle en application, pour la première, de l’article 3 de la Constitution et, pour la seconde, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (38) ;

– elle renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités d’application du nouveau dispositif. À l’instar des dispositions existantes pour l’élection des députés des Français de l’étranger (39), ce décret pourrait mettre en place le traitement automatisé de données à caractère personnel nécessaire à la mise en œuvre du vote électronique, fixer les modalités concrètes de vote et prévoir les modalités de contrôle des opérations électorales.

Cette possibilité, pour les électeurs établis hors de France, de voter par internet s’appliquerait également aux référendums.

En effet, l’article 20 de la loi organique de 1976 précitée, qui serait modifiée par le présent article, dispose que « la présente loi est applicable au cas de référendum dans des conditions définies par décret » (40). La possibilité de voter par internet s’ajouterait donc au vote à l’urne dans les ambassades et les postes consulaires.

La faculté, pour les Français résidant à l’étranger, de voter par voie électronique s’étendrait, enfin, aux élections européennes.

Aucune modification de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen n’est nécessaire à cette fin, dès lors que le I de l’article 23 de cette loi renvoie aux modalités de vote définies par la loi organique de 1976 précitée (41) – laquelle serait modifiée par le présent article.

Rappelons qu’en mai 2014, en application de la loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les Français établis hors de France ont pu, de nouveau, voter aux élections européennes dans les bureaux de vote ouverts à l’étranger (42), les suffrages correspondants étant comptabilisés dans la même circonscription que celle de l’Île-de-France (43). Le vote électronique prévu au présent article constituerait une modalité supplémentaire offerte aux électeurs résidant à l’étranger.

*

* *

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2
Gage

Cet article prévoit, comme il est d’usage, les modalités de compensation des charges financières qui pourraient résulter de l’application de la loi issue de la présente proposition.

*

* *

La Commission rejette l’article 2.

Tous les articles ayant été rejetés, la Commission n’a pas à se prononcer sur l’ensemble de la proposition de loi organique, qui est ainsi rejetée.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi organique visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l’étranger à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 1291).

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi organique

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi organique visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l’étranger à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen

Proposition de loi organique visant à instaurer le vote par voie électronique des Français de l’étranger à l’élection présidentielle et à l’élection des représentants au Parlement européen

Loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République

Article 1er

Article 1er

Art. 13. – Cf. annexe

Après l’article 13 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, insérer l’article 13 bis ainsi rédigé :

Supprimé

Code électoral

Art. L. 54. – Cf. annexe

« Art. 13 bis. –  Les électeurs inscrits sur une liste électorale consulaire peuvent, par dérogation à l’article L. 54 du code électoral, voter par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

 
 

Article 2

Article 2

 

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Supprimé

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code électoral 33

Art. L. 54

Loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales
consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du
Président de la République
33

Art. 13

Code électoral

Art. L. 54. – Le scrutin ne dure qu’un seul jour.

Loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales
consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection
du Président de la République

Art. 13. – Les électeurs inscrits sur une liste électorale consulaire peuvent exercer, sur leur demande, leur droit de vote par procuration lorsqu’ils attestent sur l’honneur être dans l’impossibilité de se rendre au bureau de vote le jour du scrutin.

Les dispositions des articles L. 72 à L. 77 du code électoral sont applicables dans les ambassades et les postes consulaires.

Pour l’application de l’article L. 73 du même code, le nombre maximal de procurations dont peut bénéficier un même mandataire est de trois.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

● Ministère des Affaires étrangères

– M. Sylvain Riquier, sous-directeur de l’administration des Français de l’étranger et de l’administration consulaire

● Ministère de l’Intérieur

– M. Marc Drouet, adjoint à la directrice de la modernisation et de l’action territoriale

– M. Marc Tschiggfrey, chef du bureau des élections et des études politiques

– M. Flavio Bonetti, adjoint au chef du bureau des élections et des études politiques


© Assemblée nationale

1 () Dans le présent rapport, le « vote électronique » désigne le vote par internet (à partir de n’importe quel terminal informatique), et non pas le vote au moyen de machines à voter spécifiquement dédiées à cet usage.

2 () Voir, par exemple, la recommandation « Quel avenir pour le vote électronique en France ? », remise au ministre de l’Intérieur le 26 septembre 2003, par le Forum des droits sur l’internet.

3 () MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, rapport d’information au nom de la commission des Lois du Sénat sur le vote électronique, n° 445, avril 2014. Sur la question du développement du vote par internet, les rapporteurs prônent le statu quo, recommandant de « maintenir le vote par correspondance électronique uniquement dans les circonscriptions comptant exclusivement des électeurs établis hors de France » (p. 54).

4 () L’article 5 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution dispose : « Les électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent apporter leur soutien à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution. Ce soutien est recueilli sous forme électronique. ». Cette nouvelle procédure d’initiative partagée résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

5 () Loi n° 2003-277 du 28 mars 2003 tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l’étranger (ayant modifié l’article 6 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l’étranger).

6 () Loi n° 2004-805 du 9 août 2004 relative au Conseil supérieur des Français de l’étranger.

7 () Délibération de la CNIL n° 2010-371 du 21 octobre 2010 portant adoption d’une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique.

8 () Élaboré sous l’égide de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), le référentiel général de sécurité fixe les règles auxquelles les systèmes d’information mis en place par les autorités administratives doivent se conformer pour assurer la sécurité des informations échangées, et notamment leur confidentialité et leur intégrité, ainsi que la disponibilité et l’intégrité de ces systèmes et l’identification de leurs utilisateurs. La dernière version en date a été approuvée par le Premier ministre par arrêté du 13 juin 2014 portant approbation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en œuvre de la procédure de validation des certificats électroniques.

9 () Les compétences des conseils consulaires sont définies à l’article 3 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France conseil consulaire : le conseil consulaire est, en particulier, « chargé de formuler des avis sur les questions consulaires ou d’intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social, concernant les Français établis dans la circonscription ». En conséquence de cette réforme, les 90 conseillers de l’AFE sont désormais élus au suffrage indirect, par les conseillers consulaires.

10 () Cette dernière précision (« par voie postale ») s’impose dans la mesure où, juridiquement, le vote électronique par internet constitue une forme de vote par correspondance.

11 () Le nombre théorique de conseillers consulaires est de 443, mais, aucun candidat ne s’étant présenté dans la circonscription de Kiev, le siège prévu en Ukraine n’a pas été pourvu.

12 () Source : ministère des Affaires étrangères (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/vivre-a-l-etranger/voter-a-l-etranger-20721/les-elections-en-2014-pour-les-22736 ). Le détail par circonscription figure dans le Rapport du Gouvernement sur la situation des Français établis hors de France - 2014, p. 152 et s.

13 () Voir également infra, II, C.

14 () Dans les conditions prévues aux articles 40 et suivants de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.

15 () Source : Rapport annuel du directeur des Français de l’étranger et de l’administration consulaire, septembre 2012, p. 147 et 176 et s.

16 () Article R. 176-3-3 du code électoral. Ce bureau est présidé par un membre du Conseil d’État et composé du directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ou de son représentant, du directeur de la modernisation et de l’action territoriale du ministère de l’Intérieur ou de son représentant, du directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ou de son représentant et de trois membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger (article R. 176-3-1).

17 () Délibération de la CNIL n° 2010-371 du 21 octobre 2010 précitée.

18 () Par exemple dans la décision n° 2012-4580/4624 AN du 15 février 2013, Français établis hors de France (6e circ.) et dans la décision n° 2012-4627 AN du 15 février 2013, Français établis hors de France (2e circ.).

19 () Ces élections faisaient suite aux invalidations prononcées par le Conseil constitutionnel le 15 février 2013 (décisions n°s 2012-4551 AN et n° 2012-4633 AN). Elles se sont tenues les 25 mai et 8 juin 2013 dans la première circonscription et les 26 mai et 9 juin 2013 dans la huitième circonscription.

20 () Rapport du directeur des Français de l’étranger et de l’administration consulaire, septembre 2013, p. 21.

21 () Les développements qui suivent concernent les élections nationales. S’agissant des élections locales, les Français établis à l’étranger peuvent voter en France, s’ils sont inscrits sur la liste électorale d’une commune dans les conditions définies aux articles L. 12 et L. 14 du code électoral.

22 () Voir infra le commentaire de l’article 1er de la présente proposition de loi organique.

23 () Loi n° 75-1329 du 31 décembre 1975 modifiant certaines dispositions du code électoral (abrogation des articles L. 79 à L. 85 du code électoral).

24 () Voir supra, I, A et B.

25 () Dernier alinéa du II de l’article 22 et troisième alinéa de l’article 51 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.

26 () Cour des comptes, L’évolution des missions et de l’organisation des consulats français à l’étranger, communication à la commission des Finances de l’Assemblée nationale, septembre 2013, p. 35-36.

27 () Les règles relatives à l’élection présidentielle étant applicables aux référendums (article 20 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du président de la République), la présente proposition permettrait aux Français établis hors de France de voter aux référendums par voie électronique.

28 () Propos reproduits dans le rapport d’information précité, p. 65.

29 () MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, rapport d’information précité, p. 53.

30 () Articles L. 73 et L. 330-13 du code électoral.

31 () Conseil d’État, Rapport public 2010, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives, La Documentation française, Études et documents du Conseil d’État, n° 61, 2010, p. 148 (à propos de l’élection des députés par les Français établis hors de France).

32 () « Si le vote à distance était ouvert aux Français établis hors de France pour l’élection présidentielle ou une opération référendaire, toute annulation des opérations électorales électroniques pourrait, compte tenu du nombre de suffrages ainsi annulés et de l’écart de voix en présence, remettre en cause le résultat du scrutin pour l’ensemble du corps électoral français » (MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, rapport d’information précité, p. 54).

33 () MM. Alain Anziani et Antoine Lefèvre, rapport d’information au nom de la commission des Lois du Sénat sur le vote électronique, n° 445, avril 2014, p. 45.

34 () Proposition de loi tendant à autoriser le vote par internet pour les Français établis hors de France pour l’élection des représentants au Parlement européen, n° 48, 2013-2014.

35 () Cette dernière ayant, le 4 décembre 2013, « décidé de déposer une motion tendant au renvoi en commission de la proposition de loi ».

36 () En 2012, ce taux de participation a été, à chacun des deux tours, légèrement inférieur à 20 % (source : rapport annuel du directeur des Français de l’étranger et de l’administration consulaire, septembre 2012, p. 176 et s.), alors qu’il s’est établi, pour l’ensemble du corps électoral, à 57,2 % au premier tour et à 55,4 % au second.

37 () Loi organique prise sur le fondement du dernier alinéa de l’article 6 de la Constitution, relatif à l’élection du président de la République.

38 () Par exemple : décision n° 81-47 PDR du 15 mai 1981, Proclamation des résultats de l’élection du président de la République ; décision n° 2013-673 DC du 18 juillet 2013, Loi relative à la représentation des Français établis hors de France.

39 () Articles R. 176-3 et suivants du code électoral.

40 () Le décret en question est le décret n° 92-770 du 6 août 1992 fixant les conditions d’application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 au cas de vote des Français établis hors de France pour un référendum. On relèvera cependant que ses articles 1er et 12 renvoient aux dispositions d’un décret (n° 76-950 du 14 octobre 1976) abrogé depuis 2005 (par le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005). L’organisation d’un référendum rendrait donc nécessaire l’édiction de nouvelles mesures réglementaires relatives au vote des Français de l’étranger.

41 () « Les Français établis hors de France peuvent exercer leur droit de vote pour l’élection des représentants au Parlement européen conformément aux dispositions de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du président de la République ». S’agissant d’un renvoi d’une loi ordinaire à une loi organique, la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la « cristallisation » des dispositions organiques renvoyant à une loi ordinaire n’est pas applicable en l’espèce.

42 () Faute d’avoir été rattachés à l’une des huit circonscriptions créées par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politique, les Français de l’étranger n’ont eu que deux possibilités pour voter aux élections européennes de 2004 et 2009 : soit voter dans leur État de résidence pour ceux vivant dans un autre État de l’Union européenne (en participant alors aux élections organisées dans ce pays), soit voter en France, en personne ou par procuration, pour ceux demeurant inscrits sur une des listes électorales.

43 () Tableau annexé à l’article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée.