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Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 2527

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,
SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1365),

visant à renforcer les conditions d’
accès aux installations nucléaires de base (INB)
,

PAR M. Claude de GANAY,

Député.

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES FONT L’OBJET D’INTRUSIONS ILLÉGALES QUI METTENT EN JEU LEUR SÉCURITÉ 7

A. DES INSTALLATIONS EXTRÊMEMENT SENSIBLES ET PARTICULIÈREMENT MENACÉES 7

1. L’énergie : un secteur d’importance vitale soumis à une réglementation particulière 7

2. Des menaces potentiellement graves 8

B. AU-DELÀ DE LA MENACE TERRORISTE ET DU RISQUE DE SABOTAGE, LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES SONT RÉGULIÈREMENT CONFRONTÉES À D’AUTRES COMPORTEMENTS ILLÉGAUX 10

1. Les intrusions illégales : une problématique récurrente 10

2. Les drones : une nouvelle menace ? 13

C. LA PROTECTION DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES EST ASSURÉE PAR DES FORCES CONSACRÉES À CETTE MISSION 15

1. Les sites d’EDF sont protégés par une force militaire spécialisée 15

2. Le CEA et Areva recourent à des forces civiles de protection 16

3. La protection de l’espace aérien : le rôle de l’armée de l’air 16

D. DE RÉCENTES AVANCÉES LÉGISLATIVES QU’IL CONVIENT DE POURSUIVRE 17

II. L’ACTUEL DISPOSITIF DE PROTECTION JURIDIQUE EST INADAPTÉ ET INCOMPLET 17

A. UNE RÉPONSE PÉNALE INSATISFAISANTE EN L’ABSENCE D’UN RÉGIME RÉPRESSIF PROPRE 17

1. Le régime juridique français de protection des installations nucléaires 17

2. Quelques exemples de régimes juridiques étrangers 18

B. LA NÉCESSITÉ, POUR LE LÉGISLATEUR, D’AMÉLIORER LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES PAR LA CRÉATION D’UN RÉGIME PÉNAL SPÉCIFIQUE 19

EXAMEN EN COMMISSION 23

DISCUSSION GÉNÉRALE 23

EXAMEN DES ARTICLES 35

Article 1er (art. L. 4123-12 du code de la défense) : Classement des installations nucléaires de base en zones de défense hautement sensibles 35

Article 2 (art. L-591-1 du code de l’environnement) : Article de coordination 39

Titre 39

TABLEAU COMPARATIF 41

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 47

INTRODUCTION

La protection des installations abritant des matières nucléaires et, en particulier, des centrales est un sujet de préoccupation majeure depuis de nombreuses années compte tenu de leur sensibilité intrinsèque et de la multiplication d’événements de nature à mettre en doute leur sécurité et la fiabilité de leurs mesures de protection.

Naturellement les pouvoirs publics, dont le Parlement, ne sont pas restés inactifs face à cette question. En témoignent, pour n’évoquer que les exemples les plus récents, les débats menés dans le cadre de la loi de programmation militaire 2014-2019, le travail effectué par notre collègue Daniel Boisserie à l’occasion du projet de loi de finances pour 2015 et les auditions récemment organisées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la question des survols de centrales nucléaires par des drones.

Les intrusions ou tentatives d’intrusion illégales, répétées et de plus en plus régulières de militants à l’intérieur d’installations nucléaires civiles représentent en effet un défi majeur pour les pouvoirs publics comme pour les opérateurs du secteur.

Par ailleurs, les événements tragiques qu’a vécus notre pays en ce début d’année 2015 confèrent au débat relatif à ces intrusions une acuité particulière et rendent d’autant plus nécessaire et urgente l’adaptation du régime de protection de telles installations.

C’est au vu de ces éléments que la présente proposition de loi s’attache à faire évoluer le régime juridique applicable à ces installations afin d’en améliorer la protection.

I. LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES FONT L’OBJET D’INTRUSIONS ILLÉGALES QUI METTENT EN JEU LEUR SÉCURITÉ

A. DES INSTALLATIONS EXTRÊMEMENT SENSIBLES ET PARTICULIÈREMENT MENACÉES

Compte tenu de leur sensibilité et de leurs caractéristiques particulières, les développements qui suivent traiteront majoritairement du cas des 19 centres nucléaires de production d’électricité (CNPE), plus communément appelés les centrales nucléaires.

1. L’énergie : un secteur d’importance vitale soumis à une réglementation particulière

Il n’apparaît pas nécessaire de développer outre mesure cet aspect tant il semble évident : le secteur du nucléaire et, en particulier, les CNPE, revêtent une importance stratégique, énergétique, économique et sociale considérable pour la France.

De fait, le secteur de l’énergie fait partie des 12 secteurs d’activité d’importance vitale définis par arrêté du Premier ministre (1) et qui, à ce titre, doivent faire l’objet de mesures de protection particulières pour tout ou partie de leurs activités, installations et systèmes de production.

À chaque secteur correspond un ministre coordonnateur chargé du pilotage des travaux et des consultations interministérielles. Comme le précise le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), chaque opérateur est tenu d’identifier les « composants névralgiques » au sein de son système de production et de les proposer comme points d’importance vitale devant faire l’objet d’une protection particulière (2).

Pour ce faire, l’opérateur se réfère à la directive nationale de sécurité (DNS) du secteur dans lequel il exerce. La DNS du sous-secteur nucléaire est, comme toutes les autres, classifiée « confidentiel défense » et approuvée par un arrêté du Premier ministre non publié au Journal officiel (3).

Après une analyse de risques, l’opérateur élabore un double système de protection :

– il établit un plan de sécurité opérateur (PSO), conforme aux dispositions de la DNS, pour l’ensemble de ses activités relevant du secteur ou des secteurs d’importance vitale concernés ;

– il identifie les points d’importance vitale qui devront dès lors faire l’objet d’un plan particulier de protection (PPP) à sa charge, et d’un plan de protection externe (PPE) à la charge du préfet de département.

LE TRAITEMENT DES MENACES ET RISQUES DANS LES SECTEURS D’ACTIVITÉ D’IMPORTANCE VITALE

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Source : Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

2. Des menaces potentiellement graves

La DNS décrit les menaces, identifie les vulnérabilités génériques, fixe les exigences de protection et détermine les mesures graduées à mettre en œuvre en fonction de l’intensité de la menace, en cohérence avec le plan gouvernemental Vigipirate. D’après les informations communiquées au rapporteur, elle est en cours d’actualisation.

La DNS étant classée « confidentiel défense », il est impossible de dresser une liste détaillée et exhaustive des risques pesant sur les installations nucléaires. On peut toutefois indiquer que ces menaces sont recensées et définies sous le titre de « menace de référence » et que pour ce qui concerne les centrales nucléaires, il est fait état des moyens et des caractéristiques d’agresseurs potentiels d’origine interne ou externe à l’installation, visant à un enlèvement non autorisé de matières nucléaires à des fins de fabrication d’un engin nucléaire ou à un sabotage pouvant porter atteinte à la santé des personnes ou à l’environnement.

À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que notre pays compte quelque 58 réacteurs nucléaires et que la moitié de la population française vit à moins de 80 kilomètres d’un CNPE.

RÉPARTITION TERRITORIALE DES SITES NUCLÉAIRES

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Source : direction générale de la gendarmerie nationale.

Le risque terroriste n’est pas une vue de l’esprit. Les attaques, prises d’otages et meurtres récemment perpétrés en France nous le rappellent cruellement, de même que les attaques ayant visé des installations énergétiques à l’étranger : en juillet 2010 sur la centrale hydroélectrique de Baksan dans le Caucase russe (4) ; en janvier 2013 sur le site gazier d’In Amenas en Algérie (5) ; en avril 2013 sur la centrale thermique de Peshawar au Pakistan ; en mai 2013 sur l’usine de traitement d’uranium Somaïr, filiale d’Areva, au Niger (6).

B. AU-DELÀ DE LA MENACE TERRORISTE ET DU RISQUE DE SABOTAGE, LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES SONT RÉGULIÈREMENT CONFRONTÉES À D’AUTRES COMPORTEMENTS ILLÉGAUX

À ce jour, et c’est heureux, les centrales nucléaires n’ont eu à subir aucune attaque terroriste ni aucun sabotage. En revanche, elles ont fait l’objet d’actions, souvent massives et parfaitement organisées de la part de militants déterminés et bien équipés.

Si de telles actions ne relèvent naturellement pas de la « menace de référence » et ne présentent pas de risque majeur tant qu’elles sont effectivement le fait de simples militants, elles n’en demeurent pas moins préoccupantes.

Plus récemment, les CNPE ont été confrontés à un nouveau type d’intrusion, avec le survol illégal d’un certain nombre de sites par des drones.

1. Les intrusions illégales : une problématique récurrente

Depuis 2003, les CNPE ont subi 11 intrusions et trois tentatives d’intrusion. Depuis 2009, les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG), responsables de la sécurité des CNPE, ont procédé à l’interpellation de 156 personnes lors de telles actions.

BILAN DES ACTIONS MENÉES À L’ENCONTRE DE CNPE DEPUIS 2009

Année

Site nucléaire

Action

2009

Néant

Néant

2010

Néant

Néant

2011

EPR Flamanville

Intrusion massive par 42 militants

Quatre CNPE (a) et CEA Cadarache

Intrusions simultanées par 40 à 60 militants

2012

CNPE Gravelines

Tentative d’intrusion massive par environ 200 militants

CNPE Bugey

Intrusion et jet fumigène par voie aérienne par un militant

CNPE Tricastin

Approche maritime par 13 militants

2013

CNPE Tricastin

Intrusion par 29 militants

2014

CNPE Gravelines

Action européenne – tentative d’intrusion par des militants

CNPE Bugey

Action européenne – blocage par 10 militants

CNPE Fessenheim

Manifestation devant l’entrée du site

• intrusion par 55 militants

• action nautique par 15 militants

• projection de textes par cinq militants

Source : direction générale de la gendarmerie nationale.

(a) CNPE de Nogent-sur-Seine, Cruas, Blaye et Avoine.

L’encadré ci-dessous présente certaines des actions récemment menées par des militants écologistes. On le constate, ces infractions, pour sérieuses qu’elles soient compte tenu de la nature des installations ciblées par ces actions, font systématiquement l’objet de condamnations relativement clémentes. Un tel constat s’explique non pas par un supposé laxisme du juge, mais par l’inadaptation de notre dispositif pénal (cf. infra).

Les événements survenus à Bugey, au Tricastin, à Gravelines et Fessenheim et leurs suites judiciaires

● Bugey (2 mai 2012)

Détail de l’action menée

Un pilote de para-moteur survole le CNPE, lance un fumigène sur le toit du réacteur de la tranche 3, puis se pose à l’intérieur du site. L’individu, de nationalité allemande, est aussitôt interpellé par les gendarmes du PSPG.

Dans le même temps, un complice qui se trouvait à l’extérieur du CNPE en présence de plusieurs médias diffusant la scène en direct est interpellé.

Suites judiciaires

Le 6 février, lors de l’audience, il est requis six mois de prison avec sursis pour le pilote.

Le 27 mars, le tribunal condamne le pilote à six mois de prison avec sursis tandis que son complice est relaxé.

Le 29 janvier 2019, la cour d’appel de Lyon confirme la culpabilité du pilote pour survol volontaire de zone interdite, mais ramène sa peine de six à trois mois de prison avec sursis.

● Tricastin (15 juillet 2013)

Détail de l’action menée

Tôt le matin, à 5 h 02, 29 militants de huit nationalités différentes et appartenant à l’organisation non-gouvernementale Greenpeace franchissent les défenses passives qui assurent la protection de la centrale nucléaire de Tricastin. Leur objectif consiste à déployer des banderoles en s’accrochant aux structures métalliques des inter-tranches et en s’entravant au niveau du pont roulant. Tous sont interpellés par la gendarmerie à l’intérieur de l’enceinte.

Suites judiciaires

Le 14 janvier 2014, de six mois à un an de prison avec sursis sont requis à l’encontre des différents mis en cause.

Le 6 mars, le tribunal correctionnel de Valence condamne les 29 militants, dont un seul était présent à l’audience, à trois mois de prison avec sursis, accompagnés de 3 000 euros de frais de procédure au profit d’EDF et de la confiscation de tout le matériel utilisé.

● Gravelines (5 mars 2014)

Détail de l’action menée

17 militants s’introduisent sur le site et sont rapidement interpellés.

Suites judiciaires

Le tribunal correctionnel de Dunkerque les condamne à quatre mois prison avec sursis pour violation de domicile.

● Fessenheim (18 mars 2014)

Détail de l’action menée

Vers 5 h 45, 55 militants de Greenpeace de 18 nationalités différentes s’introduisent dans la centrale nucléaire de Fessenheim.

13 militants prennent place sur les toits de plusieurs bâtiments du CNPE dont celui du réacteur n° 1. Certains d’entre eux en condamnent l’accès aux forces de l’ordre en bloquant les diverses trappes des échelles. Tous sont interpellés par la gendarmerie. L’opération a mobilisé 290 gendarmes.

Suites judiciaires

Le 4 septembre 2014, le tribunal correctionnel de Colmar condamne les 55 militants à deux mois de prison avec sursis et 1 000 euros d’amende.

ACTIONS MENÉES PAR GREENPEACE DEPUIS 2003

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Source : direction générale de la gendarmerie nationale.

2. Les drones : une nouvelle menace ?

Depuis le 10 septembre dernier, 19 sites abritant des matières nucléaires ont été illégalement survolés par des drones, au cours de 40 épisodes distincts. La fréquence de ces actions s’est accélérée le mois suivant puisque 30 signalements ont été effectués à compter du 5 octobre. Parmi les 19 sites visés, on compte 14 des 19 CNPE, les cinq autres étant des centres à vocation de recherche ainsi que le réacteur de Creys-Maleville, en cours de démantèlement.

Ces survols illégaux, qui ont produit un effet psychologique et médiatique certain, ont donné lieu au lancement de 26 procédures judiciaires. Le Parlement a réagi rapidement à ce phénomène, ainsi qu’en témoignent les auditions organisées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui ont rassemblé les principaux acteurs concernés (7).

À ce stade, les engins utilisés – des micro ou mini drones – ne constituent pas un risque véritable du fait de leur faible autonomie, de leur capacité d’emport et de leur manœuvrabilité réduites. Rappelons en effet que les CNPE ont été conçus et dimensionnés pour résister à des agressions externes particulièrement massives telles que des séismes de grande ampleur ou des chutes accidentelles d’avions.

Il n’en demeure pas moins que ces appareils sont susceptibles de représenter à l’avenir un risque réel de collecte d’informations sensibles, d’intrusion, voire d’endommagement, de sabotage ou d’action terroriste.

En outre, la multiplication de tels survols sur une période relativement courte, la simultanéité de certaines actions – le 31 octobre dernier, six CNPE ont été survolés au même moment – supposent un degré d’organisation et de coordination qui semblent écarter l’hypothèse de survols accidentels et fortuits. L’actualité récente a par ailleurs démontré que les CNPE n’étaient pas les seuls sites sensibles confrontés à de tels phénomènes : dans la nuit du 15 au 16 janvier, le palais de l’Élysée a été survolé par un drone ; entre le 26 et le 27 janvier, soit la veille de l’adoption de la présente proposition de loi par la commission de la Défense, plusieurs appareils ont survolé la base navale de l’Île-Longue, qui abrite la flotte des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la force océanique stratégique.

À l’heure actuelle les drones, qui sont des aéronefs pilotés à distance, sont appréhendés par le droit comme des aéronefs classiques. Ils sont dès lors soumis aux mêmes interdictions de survol de certaines zones, et la violation de ces dispositions expose les contrevenants aux mêmes peines. Pour ce qui concerne les CNPE, rappelons que leur survol est interdit dans un périmètre de cinq kilomètres autour des sites et de 1 000 mètres d’altitude au-dessus d’eux. En application de l’article L. 6232-2 du code des transports, le contrevenant risque jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amende. En outre, l’article L. 6541-1 du même code sanctionne d’un an de prison et de 75 000 euros d’amende la conduite d’un aéronef sans être titulaire d’un brevet ou d’une licence.

S’il n’existe donc pas à proprement parler de « vide » juridique en ce qui concerne les drones, force est de constater la difficulté à appliquer les dispositions actuelles à ces aéronefs télépilotés. En effet, leur faible signature radar de même que leur altitude de vol ne permet pas aux moyens de surveillance aérienne et au réseau radar classiques de les détecter facilement. En outre, leurs pilotes peuvent se trouver à une distance certaine de la zone interdite au survol – sachant que les drones peuvent également être programmés pour voler en toute autonomie, grâce à l’enregistrement de coordonnées GPS, la navigation « à vue » ou le suivi d’itinéraires préprogrammés par exemple.

Il ne s’agit pas, dans le cadre du présent rapport, de dresser un état de lieux exhaustif de la question pas plus qu’il n’est possible d’apporter une réponse législative satisfaisante à la problématique des survols illégaux par les drones, tant les questions techniques et juridiques restent nombreuses.

Des pistes sont évidemment à l’étude quant à la neutralisation de ces appareils, toutefois elles ne semblent pas, à ce stade, suffisamment mûres pour être traduites en normes efficaces. Un certain nombre de solutions sont envisageables en termes de détection – présence de drones stationnaires permettant d’améliorer la couverture radar, utilisation de spectromètres (8) ou de techniques de radiogoniométrie (9) – comme en termes de neutralisation, des plus directes – la destruction par usage d’armes à feu – aux plus élaborées – le brouillage, la neutralisation électromagnétique ou laser.

Elles doivent encore faire l’objet d’analyses compte tenu de l’environnement très spécifique dans lequel elles seraient mises en œuvre. Ainsi, les débris d’un drone abattu pourraient constituer un risque pour les personnels ou certaines installations au sol – sans évoquer la difficulté à détruire un aéronef de petite taille, mobile et potentiellement éloigné du tireur –, tandis que les modalités de neutralisation technique pourraient créer des interférences et perturber le fonctionnement de certains matériels, appareils et installations au sein même des sites nucléaires.

Suite à ces survols illégaux, le Premier ministre a lancé une démarche interministérielle sur la protection contre les actes de malveillance commis au moyen de drones. Le SGDSN a été chargé de coordonner les travaux et la réflexion menés dans ce cadre et qui s’inscrivent dans trois directions :

– le champ juridique, sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, avec l’éventuelle adaptation des dispositions législatives et réglementaires existantes ;

– l’évaluation des risques et des menaces, sous la responsabilité du ministère de l’Écologie ;

– la réponse capacitaire à apporter (technologies et techniques de détection et de neutralisation), confiée au ministère de la Défense.

C. LA PROTECTION DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES EST ASSURÉE PAR DES FORCES CONSACRÉES À CETTE MISSION

1. Les sites d’EDF sont protégés par une force militaire spécialisée

Depuis 2009, les 20 sites nucléaires civils d’EDF – les 19 CNPE et le centre d’ingénierie et de déconstruction environnement (CIDEN) de Creys-Malville – sont placés sous la protection de pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG). Avant cette date, la sécurité de ces sites était assurée par les « PSIG (10) – Nucléaires » mis en place en 1980.

Les PSPG comptent 882 militaires bénéficiant d’une instruction, d’un équipement et d’un entraînement spécifiques, adaptés à leur mission. Le nombre de gendarmes par site varie d’une quarantaine à une cinquantaine, en fonction des caractéristiques de chacun d’entre eux : étendue de la zone à protéger, nombre de réacteurs, etc.

Menée en liaison avec l’opérateur – en l’espèce l’entreprise EDF –, leur mission consiste à neutraliser et/ou a minima fixer, au plus tôt, une menace terroriste telle que définie par la directive nationale de sécurité du sous-secteur nucléaire.

Les conditions d’affectation des PSPG à la sécurité des 20 sites précités sont déterminées par une convention signée entre la société EDF et la gendarmerie nationale. Une révision de ce document est intervenue le 6 novembre 2013 et s’est traduite par la signature d’une convention administrative et financière d’affectation temporaire de personnels (CAF) et d’un protocole opérationnel d’emploi, classifié « confidentiel défense ». En application de la CAF, EDF assure la prise en charge des frais afférents aux PSPG : rémunération des effectifs (y compris la contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions »), dépenses de fonctionnement, d’investissement (équipements), ainsi que le remboursement intégral des dépenses d’intervention, lesquelles correspondent aux subventions versées aux collectivités territoriales pour le financement de la construction des casernes destinées aux PSPG.

Il est nécessaire de le rappeler : les PSPG ont vocation à faire face à la menace terroriste et sont par conséquent formés, entraînés et équipés dans une optique de contre-terrorisme nucléaire. Ce rappel est important et permet de relativiser les critiques qui ont pu être émises à l’encontre du dispositif de sécurisation des centrales nucléaires confrontées à des intrusions – souvent avortées mais parfois réussies – de militants appartenant notamment à des organisations écologistes. De fait, et alors que les actions à visée médiatique menées par ces organisations ne relèvent pas, naturellement, du risque terroriste, les PSPG réagissent systématiquement comme s’ils étaient confrontés à une attaque de ce type. Aussi en cas d’intrusion, leur mission prioritaire consiste alors à se regrouper autour des points d’importance vitale du site afin de les sécuriser, et non de poursuivre des militants non-violents aux abords des grillages. Ce n’est qu’une fois la menace identifiée comme ne relevant pas de la menace terroriste et qu’une fois tout risque sur les points d’importance vitale écarté que les intrus peuvent effectivement être appréhendés, ce qui, dès lors, peut prendre quelques longues minutes. Mais en tout état de cause, les PSPG auront honoré leur contrat et leur mission, qui consistent d’abord et avant tout à sécuriser les éléments et emprises les plus sensibles.

Les PSPG constituent le premier échelon de la réponse de l’État et de la chaîne de contre-terrorisme nucléaire de la gendarmerie. En cas de menace d’ampleur le GIGN, qui a préalablement été informé dès le début de l’action, est engagé et projette ses éléments.

2. Le CEA et Areva recourent à des forces civiles de protection

Les deux autres opérateurs majeurs du secteur nucléaire ont fait un choix différent d’EDF en recourant aux services de forces civiles : les formations locales de sécurité (FLS), qui comptent souvent d’anciens policiers, gendarmes et pompiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou du bataillon des marins-pompiers de Marseille et, pour les interventions de haute intensité, le RAID, unité d’élite de la police nationale.

Il est important de préciser que les FLS assurent une double mission : d’une part, ils sont les gardiens de la matière nucléaire en assurant la protection des sites qui l’abritent ; d’autre part, ils ont vocation à gérer le risque incendie, qui reste le principal danger dans ce type d’installations.

3. La protection de l’espace aérien : le rôle de l’armée de l’air

La police du ciel relève d’une posture permanente de sûreté (PPS) placée sous la responsabilité du Premier ministre. Une Haute autorité de défense aérienne (HADA), composée d’officiers de l’armée de l’air, contribue au respect de la réglementation applicable en la matière, dont le respect des zones interdites de survol.

Elle s’appuie sur le centre national des opérations aériennes (CNOA), unité de l’armée de l’air basée à Lyon-Mont Verdun, afin de détecter les infractions, de les constater et, le cas échéant, de prendre des mesures ou de proposer des mesures au Premier ministres, lesquelles peuvent aller jusqu’à l’ordre de destruction d’un appareil.

D. DE RÉCENTES AVANCÉES LÉGISLATIVES QU’IL CONVIENT DE POURSUIVRE

À l’occasion des débats relatifs à la loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM), notre collègue Daniel Boisserie avait déposé un amendement, adopté en commission et confirmé en séance publique, habilitant le Gouvernement à légiférer par voies d’ordonnances afin de renforcer la protection des installations nucléaires, via l’insertion des dispositions afférentes dans le code de la défense et le code général des collectivités territoriales (11).

Cette initiative bienvenue a permis de franchir un premier pas important dans l’adaptation de notre régime juridique de protection des installations nucléaires. En effet, l’ordonnance prise en application de l’article 55 de la LPM a introduit un nouvel article L. 2215-10 dans le code général des collectivités territoriales donnant compétence aux préfets de département pour réglementer la circulation et le stationnement des véhicules dans un rayon de cinq kilomètres autour des installations nucléaires.

En revanche aucune adaptation du régime pénal n’a été effectuée. Il convient d’y remédier.

II. L’ACTUEL DISPOSITIF DE PROTECTION JURIDIQUE EST INADAPTÉ ET INCOMPLET

L’actuelle réponse pénale apportée en cas d’intrusion illégale au sein d’une installation nucléaire apparaît totalement inadaptée eu égard à la sensibilité de tels sites et aux risques potentiels liés à une remise en cause de leur intégrité.

Dès lors, il est indispensable de faire évoluer le dispositif juridique relatif à la protection de ces sites.

A. UNE RÉPONSE PÉNALE INSATISFAISANTE EN L’ABSENCE D’UN RÉGIME RÉPRESSIF PROPRE

1. Le régime juridique français de protection des installations nucléaires

En application de la législation en vigueur, les personnes menaçant la sécurité des installations nucléaires s’exposent à différentes peines en fonction de la nature des faits commis et de leur qualification par le juge :

– violation de domicile à l’aide de manœuvre, menaces, voies de fait ou contrainte (article 226-4 du code pénal) : un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende ;

– destruction ou détérioration du bien d’autrui commis en réunion (articles 322-1 et suivants du code pénal) : cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ;

– introduction non autorisée dans un local ou terrain intéressant la défense nationale (article 413-7 du code pénal) : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende ;

– survol d’une zone interdite (articles L. 6232-2 du code des transports) : un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

L’analyse des peines prononcées par le juge permet de constater que les personnes mises en cause lors d’intrusions subissent des condamnations relativement clémentes et, par conséquent, peu dissuasives. Elles consistent en des peines de prison de quelques mois avec sursis, parfois – mais pas toujours –assorties d’amendes. Dans l’hypothèse où les actes poursuivis relèveraient de l’action terroriste, des peines plus lourdes s’appliqueraient évidemment.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun délit pénal spécifique à l’intrusion illégale au sein d’installations nucléaires civiles. Aussi, l’infraction régulièrement retenue par les magistrats est celle de la simple violation de domicile, associée le cas échéant à la commission de dégradations. En somme, le fait de pénétrer de manière frauduleuse dans une centrale nucléaire est poursuivi sur le même fondement et puni de la même manière que l’intrusion dans un simple appartement.

Il y a donc aujourd’hui une absence totale de corrélation entre la sensibilité extrême des sites nucléaires et le régime légal relatif à leur protection.

Considérant l’importance stratégique, énergétique, économique et sociale des CNPE et compte tenu du contexte sécuritaire actuel, il ne semble plus possible de se satisfaire d’un tel état de fait.

2. Quelques exemples de régimes juridiques étrangers

Les réponses pénales apportées afin de dissuader l’intrusion sur un site nucléaire – hors action terroriste ou d’atteinte à la sûreté de l’État – de même que l’utilisation de la force armée varient d’un pays à l’autre. Les développements qui suivent présentent, de manière synthétique, les régimes applicables dans un certain nombre de pays.

● En Allemagne, comme en France, l’intrusion sur un site nucléaire ne fait l’objet d’aucune incrimination spécifique. Elle est alors réprimée selon les dispositions de droit commun, notamment l’irruption sur un lieu privé (un an d’emprisonnement ou une amende, peine pouvant être portée jusqu’à 10 ans de prison en cas de circonstances aggravantes) ou la détérioration du bien d’autrui (deux ans de prison ou une amende).

Les vigiles, armés, peuvent faire usage de leurs armes conformément aux règles de la légitime défense.

● Au Canada, en application de l’article 51 de la loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (12), sont prévus une amende d’un montant maximum d’un million de dollars et/ou cinq ans d’emprisonnement (peines réduites à 500 000 dollars et/ou 18 mois d’emprisonnement en cas de procédure sur déclaration de culpabilité). L’intrusion sur un site peut également être réprimée en application du code criminel, l’auteur encourant alors jusqu’à 10 ans de prison.

Les vigiles assurant la sécurité des sites sont autorisés à porter des armes et sont qualifiés pour s’en servir dans le cadre de la légitime défense.

● Aux États-Unis, la réponse pénale est relativement clémente puisque l’intrusion est punie d’une amende de 1 000 dollars, la sanction pouvant être portée à 5 000 dollars d’amende et un an d’emprisonnement dès lors que l’infraction est commise contre une installation nucléaire close (13).

Toutefois, le caractère dissuasif de la réglementation américaine semble moins reposer sur le régime pénal que sur les modalités d’emploi des armes par les gardes protégeant les sites, la doctrine des États-Unis et de chacun de ses États fédérés en matière d’usage des armes par les forces de sécurité assurant aux installations nucléaires un niveau de protection élevé.

● Au Royaume-Uni, l’intrusion sur un site nucléaire est punie de 51 semaines d’emprisonnement et/ou d’une amende de 5 000 livres (14).

La protection des installations nucléaires est assurée par une force de police spéciale : la Civil Nuclear Constabulary (CNC).

B. LA NÉCESSITÉ, POUR LE LÉGISLATEUR, D’AMÉLIORER LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES PAR LA CRÉATION D’UN RÉGIME PÉNAL SPÉCIFIQUE

Le rapporteur avait déposé la présente proposition de loi il y a près d’un an et demi, en septembre 2013. Son intention était avant tout d’ouvrir un débat et d’alerter l’ensemble des acteurs quant à la nécessité de faire évoluer les dispositions législatives relatives à la protection des installations nucléaires.

Toutefois, l’évolution de la question, l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et les échanges particulièrement constructifs qu’il a pu avoir avec l’ensemble des acteurs concernés – services du Gouvernement, députés de la majorité ayant travaillé sur le sujet, gendarmerie, opérateurs – ont incité le rapporteur à modifier son texte afin de parvenir à un dispositif efficace et satisfaisant pour l’ensemble des parties.

Il est en effet rapidement apparu que ce qui manquait à l’arsenal juridique français était l’existence d’un délit spécifique et plus dissuasif applicable aux intrusions sur les installations civiles abritant des matières nucléaires. Dès lors qu’un assouplissement quant aux conditions d’usage de leurs armes par les forces de sécurité n’est ni souhaité ni souhaitable, le renforcement de la réponse judiciaire est la seule possible. Tel est l’objet de l’amendement présenté en commission par le rapporteur, suivi en cela par notre collègue Daniel Boisserie qui a présenté un amendement identique, et dont les principales dispositions sont rappelées dans les développements qui suivent.

La peine de base pour intrusion dans une installation civile abritant des matières nucléaires est identique à celle prévue en application de l’article 413-5 du code pénal pour intrusion frauduleuse dans une installation affectée à l’autorité militaire ou placée sous son contrôle, soit un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. C’est également la peine applicable à la violation de domicile à l’aide de manœuvre, menaces, voies de fait ou contrainte.

Le fait d’encourager, d’inciter ou de provoquer à commettre ce délit est puni des mêmes peines, lorsqu’il est suivi d’effet.

Le dispositif prévoit par ailleurs une échelle de peines plus sévères en fonction de trois niveaux de circonstances aggravantes :

– les peines sont portées à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en réunion ; lorsque son auteur prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ; ou lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration ;

– les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque deux des trois circonstances précédemment détaillées sont constituées ;

– les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée, ou lorsqu’elle est commise avec l’usage ou la menace d’une arme, soit par une personne porteuse d’une arme soumise à autorisation, à déclaration ou à enregistrement ou dont le port est prohibé.

La tentative de commettre les délits précités est punie des mêmes peines.

Enfin, le dispositif prévoit des peines complémentaires applicables :

– aux personnes physiques : interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans, une arme soumise à autorisation ; confiscation des armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ; confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ; affichage et diffusion de la décision prononcée ; interdiction de séjour ou interdiction du territoire français.

– aux personnes morales : outre l’amende, peine de droit commun applicable aux personnes morales en application des articles 131-37 et 131-38 du code pénal, celles-ci pourront encourir une peine complémentaire de confiscation (15) et d’affichage ou de diffusion de la décision de justice les condamnant.

Seraient couvertes par ces nouvelles dispositions :

– les installations civiles abritant des matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion, notamment les installations relevant de la division des applications militaires du CEA (par exemple le centre de Valduc) ;

– les installations civiles abritant des matières nucléaires non affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion et dont la détention est soumise à autorisation en vertu de des dispositions relatives à la protection et au contrôle des matières nucléaires (16). Il s’agit des CNPE, des usines de production et de retraitement du combustible nucléaire gérées par Areva et de certains laboratoires et installation de recherche du CEA, soit 31 sites au total.

Les installations nucléaires situées sur une zone militaire, déjà soumises à un dispositif pénal spécifique en application de l’article 413-5 du code pénal, sont logiquement exclues de ce nouveau régime.

Certes, il est évident que les nouvelles dispositions prévues ne dissuaderont pas, par elles-mêmes, des terroristes, en particulier ceux qui se réclament d’un terrorisme médiatique et sacrificiel par nature aveugle aux condamnations encourues.

Mais il pourra priver de tels individus d’une possibilité d’intrusion sur des sites sensibles. En effet, si les organisations écologistes militantes à l’origine des intrusions sont effectivement non violentes, il n’est pas totalement inenvisageable que s’infiltrent en leur sein de faux militants malintentionnés potentiellement dangereux.

Ce risque est d’autant plus grand que, d’une part, ces organisations n’ont évidemment pas vocation à « filtrer » leurs adhérents en amont et que, d’autre part, les groupes investissant les sites nucléaires sont souvent multinationaux et peuvent donc comporter des individus inconnus des forces de l’ordre françaises.

Au total, en réduisant le nombre d’intrusions « politiques » par leur caractère dissuasif, les peines proposées permettraient également de diminuer le risque d’actions réellement malveillantes. Elles permettraient par ailleurs aux forces de sécurité – PSPG, FLS – de mieux discriminer les intrus, rendant ainsi leur action et leur réponse plus efficaces. L’enjeu du renforcement de la réponse pénale est de permettre à ces forces de ne pas avoir de doute quant aux intentions des potentiels intrus. Or, il est légitime d’estimer que les personnes qui chercheraient à s’introduire sur les sites en dépit des nouvelles peines encourues ne seraient probablement pas animées d’intentions pacifiques.

Il convient de préciser que la modification du régime juridique en vigueur ne priverait les militants anti-nucléaire d’aucune liberté publique ni d’aucun droit fondamental constitutionnellement reconnus et protégés. En effet, la liberté d’expression et de manifestation peut parfaitement s’exercer à l’extérieur des sites nucléaires, sans pour autant réduire la force ou la portée du message de ceux qui exercent ces libertés.

Si les pouvoirs publics prennent leur responsabilité en faisant évoluer le dispositif juridique, il est également important que les opérateurs consentent les efforts nécessaires pour assurer la protection passive de leurs sites. Sans que l’on puisse totalement leur donner tort, certains ont pu tirer argument de l’inadaptation du corpus juridique et du caractère trop peu dissuasif des peines pour retarder de tels investissements. Si le nouveau dispositif était voté, il conviendrait que les opérateurs prennent toute leur part au renforcement de la sécurité des installations concernées.

À cet égard, le rapporteur rappelle que la réglementation relative à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport de 2009 prévue par le décret dit PCMNIT (17) et ses arrêtés d’application publiés en 2011 consacrent la mise en œuvre un plan de mise en conformité du parc nucléaire avec les nouvelles exigences en matière de sécurité. Programmé sur cinq ans avec une échéance au 1er juillet 2016, ce plan représenterait un coût compris entre environ 1,7 et 2 milliards d’euros pour les trois opérateurs principaux (EDF, Areva et CEA).

EXAMEN EN COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission de la défense nationale et des forces armées examine, sur le rapport de M. Claude de Ganay, la proposition de loi de loi visant à renforcer les conditions d’accès aux installations nucléaires de base (INB), au cours de sa séance du mercredi 28 janvier 2015.

M. Claude de Ganay, rapporteur. Je tiens à remercier tous les membres de la commission de la Défense d’avoir accepté ma candidature en tant que rapporteur de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès aux installations nucléaires de base (INB). Dès lors que je suis muni d’un tel mandat, je ne me rends coupable d’aucun délit d’intrusion, contrairement à certaines personnes que nous allons évoquer au cours de cette réunion…

Le texte dont nous débattons aujourd’hui est déjà ancien, puisque je l’ai déposé, avec plusieurs collègues du groupe UMP, il y a près d’un an et demi. À l’époque, il s’agissait d’ouvrir le débat et d’alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de faire évoluer les dispositions législatives relatives à la protection des installations nucléaires civiles.

La protection des installations civiles abritant des matières nucléaires et, en particulier, des centrales, est un sujet de préoccupation majeure depuis de nombreuses années, compte tenu de leur sensibilité intrinsèque et de la multiplication d’événements de nature à mettre en doute leur sécurité et la fiabilité de leurs mesures de protection.

Naturellement, les pouvoirs publics, dont le Parlement, ne sont pas restés inactifs. En témoignent, pour n’évoquer que les exemples les plus récents, les débats menés dans le cadre de la loi de programmation militaire 2014-2019, le travail effectué par notre collègue Daniel Boisserie à l’occasion du projet de loi de finances pour 2015 et les auditions récemment organisées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la question des survols de centrales par des drones.

Toutefois, les intrusions ou tentatives d’intrusion illégales, répétées et de plus en plus régulières, de militants à l’intérieur d’installations nucléaires civiles, continuent de représenter un défi majeur pour les pouvoirs publics comme pour les opérateurs du secteur.

En outre, les événements tragiques qu’a vécus notre pays en ce début d’année confèrent à ce débat une acuité particulière et rendent d’autant plus nécessaire et urgente l’adaptation du régime de protection de telles installations.

Je commencerai par faire quelques rappels, qui semblent relever de l’évidence, mais qu’il n’est pas inutile de formuler. Les installations civiles abritant des matières nucléaires, gérées par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), EDF et Areva constituent des installations extrêmement sensibles. En outre, le secteur du nucléaire revêt une importance énergétique, stratégique, économique et sociale considérable dans notre pays et pour notre pays.

Je rappelle d’ailleurs que l’énergie fait partie des douze secteurs d’activité d’importance vitale définis dans un arrêté du Premier ministre. À ce titre, il doit faire l’objet de mesures de protection particulières pour tout ou partie de ses activités, installations et systèmes de production.

Un document de référence, la directive nationale de sécurité (DNS), décrit l’ensemble des menaces susceptibles de peser sur les installations nucléaires et les mesures à mettre en œuvre pour y faire face. La DNS étant classée « confidentiel défense », il est impossible de dresser une liste détaillée et exhaustive de l’ensemble des risques pesant sur ces sites. Pour ce qui concerne les centres nucléaires de production d’électricité (CNPE), l’une des menaces principales a trait à l’action d’agresseurs internes ou externes aux installations dans le dessein de dérober de la matière nucléaire à des fins de fabrication d’un engin nucléaire ou dans le but de procéder à un sabotage susceptible de porter atteinte à la santé des personnes et à l’environnement. Je rappelle à cet égard que notre pays compte cinquante-huit réacteurs nucléaires, et que la moitié de la population française vit à moins de quatre-vingts kilomètres d’une centrale.

Sans vouloir paraître excessivement alarmiste, je considère que nous devons rester conscients que le risque terroriste n’est pas une simple vue de l’esprit ou le produit d’une paranoïa sans fondement. Les attaques, prises d’otages et meurtres abjects perpétrés il y a trois semaines dans notre pays nous le rappellent cruellement, de même que les attaques ayant visé des installations énergétiques à l’étranger ces dernières années : en juillet 2010 sur la centrale hydroélectrique de Baksan dans le Caucase russe ; en janvier 2013 sur le site gazier d’In Amenas en Algérie ; en avril 2013 sur la centrale thermique de Peshawar au Pakistan ; en mai 2013 sur l’usine de traitement d’uranium Somaïr, filiale d’Areva, au Niger.

À ce jour, nos centrales nucléaires n’ont eu à subir ni attaque terroriste ni sabotage. En revanche, elles ont fait l’objet d’actions, souvent massives et parfaitement organisées, de la part de militants déterminés et bien équipés. De telles actions ne relèvent naturellement pas de la « menace de référence » et ne présentent pas de risque majeur tant qu’elles restent le fait de simples militants. Elles n’en demeurent pas moins préoccupantes, car l’intrusion sur un site nucléaire n’est pas un acte anodin.

Depuis 2009, la sécurité des CNPE est assurée par des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG). Depuis cette date, ce sont 156 personnes qui ont été interpellées lors d’intrusions ou de tentatives d’intrusion.

Ces infractions particulièrement graves, puisqu’elles visent des sites sensibles, sont certes condamnées par la justice. Toutefois, les peines sont toujours relativement clémentes. Cela ne s’explique pas par un laxisme particulier du juge, mais pas l’inadaptation de notre dispositif juridique.

Au-delà des intrusions, je souhaiterais rapidement évoquer une problématique récente : les survols de drones. Depuis le 10 septembre dernier, dix-neuf sites abritant des matières nucléaires ont été illégalement survolés par ces aéronefs télépilotés, au cours de quarante épisodes distincts. Parmi les dix-neuf sites visés, on compte quatorze centrales nucléaires. Nous avons appris récemment que le palais de l’Élysée n’était pas épargné par ce phénomène. Ces survols ont créé un grand émoi, et ont suscité une forte réaction médiatique. Vingt-six procédures judiciaires sont en cours afin de lever le voile sur ces actions.

Il convient de ne pas être alarmiste. À ce stade, les engins utilisés ne sont pas de nature à constituer un risque radiologique. Il s’agit d’appareils de taille relativement réduite, à faible autonomie et ne disposant pas d’une grande capacité d’emport. Mais force est de constater que la multiplication de ces survols sur une période assez courte et la simultanéité de certaines actions supposent un degré d’organisation et de coordination qui conduisent à écarter les survols accidentels. Il s’agit de faire la lumière sur ces actes ; c’est ce que doivent permettre les procédures judiciaires en cours.

Par ailleurs, ces appareils pourraient représenter une menace plus sérieuse à l’avenir. On peut évoquer les risques de collecte d’informations sensibles, d’intrusion, voire d’endommagement, de sabotage ou d’action terroriste.

Des dispositions juridiques existent pour prévenir ces survols. Notre droit assimile les drones à des aéronefs classiques et, en conséquence, les mêmes interdictions de survol s’appliquent à eux. Je pense notamment à l’interdiction de survol des centrales dans un périmètre de cinq kilomètres autour d’elles, et de 1 000 mètres au-dessus d’elles. Il n’y a donc pas à proprement parler de « vide » juridique. Toutefois, les techniques actuelles de détection et les dispositions pénales en vigueur ne semblent pas adaptées à ce nouveau type d’appareils.

Il n’est pas possible, à ce stade, d’apporter une réponse législative satisfaisante à cette problématique, tant les questions techniques et juridiques restent nombreuses. Le Premier ministre a lancé une démarche interministérielle coordonnée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Il convient de saluer cette initiative qui vise à évaluer les risques et les menaces que représentent les drones, à envisager l’adaptation du régime juridique existant et à déterminer la réponse capacitaire qu’il faut apporter à cette question, notamment dans le domaine de la détection et de la neutralisation.

J’en reviens à la question des intrusions sur les sites civils abritant des matières nucléaires : je souhaiterais aborder deux points avant de vous présenter le dispositif de la proposition de loi et les modifications que je vous propose d’y apporter.

Le premier concerne les avancées législatives récentes, dont la commission de la Défense a pris l’initiative, et qui ont permis d’améliorer la réglementation aux abords des sites civils abritant des matières nucléaires. En effet, lors des débats sur la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019, Daniel Boisserie a déposé un amendement habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin de renforcer la protection des installations nucléaires. L’amendement a été adopté en commission, puis en séance publique. Cette initiative bienvenue a permis d’introduire dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 2215-10, qui permet aux préfets de réglementer la circulation et le stationnement de véhicules dans un rayon de cinq kilomètres autour de ces sites.

En revanche, aucune adaptation du régime pénal n’a été effectuée. C’est le second point que je souhaite aborder avant de formuler quelques propositions en la matière. Notre réponse pénale aux cas d’intrusion reste totalement inadaptée, compte tenu de la sensibilité des sites nucléaires et des risques potentiels liés à une remise en cause de leur intégrité. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun délit spécifique punissant l’intrusion illégale dans des installations civiles abritant des matières nucléaires. En l’absence de régime adapté, le juge fait au mieux avec les seules armes juridiques dont il dispose. En l’occurrence, les magistrats retiennent régulièrement le délit de violation de domicile ! J’insiste sur ce point : le fait de pénétrer illégalement dans un site civil abritant des matières nucléaires est juridiquement poursuivi et puni de la même manière que l’intrusion dans un appartement.

Chacun, quelles que soient son affiliation politique et ses convictions, peut reconnaître qu’il y a là un problème auquel il convient de remédier. Tel est l’objet de la proposition de loi.

J’ai rappelé que j’ai déposé ce texte il y a déjà longtemps, sans d’ailleurs méconnaître les limites juridiques et opérationnelles du dispositif proposé à l’époque. Mais, depuis septembre 2013, le contexte a changé. En 2014, les intrusions ou tentatives d’intrusion se sont multipliées, touchant plusieurs centrales, impliquant des dizaines de militants bien équipés et très organisés. J’ai également eu la chance de pouvoir échanger de manière très constructive avec l’ensemble des acteurs concernés et intéressés : notre collègue Daniel Boisserie, les services du Gouvernement, la gendarmerie, les opérateurs. Je profite de cette intervention pour les remercier. Enfin, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi m’a convaincu de la nécessité de remettre l’ouvrage sur le métier, afin d’aboutir à un dispositif efficace et satisfaisant pour l’ensemble des parties.

C’est le sens de l’amendement que j’ai déposé. Les peines de base qu’il propose sont identiques à celles prévues pour intrusion frauduleuse dans une installation affectée à l’autorité militaire ou placée sous son contrôle : un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. À titre de comparaison, les mêmes peines sont prévues pour usurpation d’identité ou outrage à magistrat.

Le fait d’encourager, d’inciter ou de provoquer à commettre ce délit est puni des mêmes peines, lorsqu’il est suivi d’effet.

Le dispositif prévoit par ailleurs une échelle de peines plus sévères en fonction de trois niveaux de circonstances aggravantes. Premièrement, elles sont portées à trois ans de prison et à 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en réunion ; lorsque son auteur prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ; ou lorsque l’infraction est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration. Deuxièmement, elles sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque deux de ces trois circonstances sont cumulées. Troisièmement elles sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée, ou avec l’usage ou la menace d’une arme. La tentative de commettre les délits précités est punie des mêmes peines.

Enfin, le dispositif prévoit des peines complémentaires « classiques » applicables aux personnes physiques : par exemple l’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans, une arme soumise à autorisation ; ou la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction. En ce qui concerne les personnes morales : outre l’amende, peine de droit commun qui leur est applicable en application des articles 131-37 et 131-38 du code pénal, celles-ci pourront encourir une peine complémentaire de confiscation et d’affichage ou de diffusion de la décision de justice les condamnant.

Il est évident – mais il est parfois bon de rappeler les évidences – qu’il s’agit de peines maximales et non de peines plancher. Les condamnations seront laissées à l’appréciation du juge, en fonction des cas d’espèce et des circonstances.

Je ne suis pas naïf. Il est évident que ce dispositif ne dissuadera pas des terroristes déterminés, en particulier ceux qui se réclament d’un terrorisme médiatique et sacrificiel, par nature aveugle aux condamnations encourues. Mais il pourra priver de tels individus d’une possibilité d’intrusion sur des sites sensibles. En effet, si les organisations à l’origine des intrusions sont effectivement non violentes, on ne peut pas totalement écarter le risque que de faux militants malintentionnés et dangereux s’infiltrent en leur sein. Ce risque est d’autant plus grand que, d’une part, ces organisations n’ont évidemment pas vocation à « filtrer » leurs adhérents en amont et que, d’autre part, les groupes investissant les sites nucléaires sont souvent multinationaux et peuvent donc comporter des individus inconnus des forces de l’ordre françaises.

En réduisant le nombre d’intrusions « politiques » par leur caractère dissuasif, les peines proposées permettraient aussi de diminuer le risque d’actions réellement malveillantes. Elles permettraient par ailleurs aux forces de sécurité d’être mieux à même de faire la distinction entre les différentes catégories d’intrus, ce qui rendrait leur action et leur réponse plus efficaces. L’enjeu du renforcement de la réponse pénale est de leur permettre de ne pas avoir de doute quant aux intentions des intéressés. Or, on peut raisonnablement penser que les personnes qui chercheraient à s’introduire sur les sites en dépit des nouvelles peines encourues ne seraient pas animées d’intentions pacifiques.

Précision importante, une telle évolution de notre régime juridique ne priverait les militants antinucléaires d’aucune liberté publique et d’aucun droit fondamental constitutionnellement reconnu et protégé. En effet, la liberté d’expression et de manifestation peut parfaitement s’exercer à l’extérieur des sites nucléaires, sans pour autant réduire la force ou la portée du message de ceux qui en usent. Il ne s’agit pas d’un texte contre les antinucléaires, mais pour la protection d’installations sensibles dont chacun peut reconnaître qu’il ne s’agit pas de sites comme les autres.

Si, malgré ces explications, certains sont tentés d’invoquer la violation de la liberté d’expression, je leur soumettrai la comparaison suivante : s’ils avaient des griefs à l’encontre du service public hospitalier, s’ils souhaitaient par exemple alerter l’opinion publique sur les mauvaises conditions d’asepsie dans certains établissements, leur viendrait-il à l’esprit d’aller manifester dans le bloc opératoire, en pleine intervention chirurgicale, pour donner plus de poids à leur argumentation ? Probablement pas.

En réalité, la vocation de ce dispositif étant dissuasive, j’espère qu’il ne sera jamais mis en œuvre. Il vise en effet d’abord à décourager, et non à punir. Mais, grâce à lui, les forces de sécurité pourront concentrer toute leur attention sur les véritables menaces et enjeux de sécurité et remplir la mission pour laquelle elles sont entraînées et formées : non pas courir derrière des militants, mais lutter contre le terrorisme nucléaire. En somme, ce texte vous propose une solution gagnant-gagnant.

Si cette commission et, demain, le Parlement adoptent la présente proposition de loi, les pouvoirs publics auront pris leurs responsabilités. Il reviendra alors aux opérateurs de faire de même en consentant les investissements nécessaires pour assurer une protection maximale des installations nucléaires. C’est le sens de la réglementation relative à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport. Elle prévoit un plan de mise en conformité du parc avec les nouvelles exigences de sécurité. La date butoir du 1er juillet 2016 ne sera sans doute pas respectée, mais les opérateurs doivent tout faire pour avancer au maximum à ce sujet. En tout état de cause, ils ne pourront plus tirer argument de l’inadaptation du régime juridique pour retarder certains investissements.

Ce texte n’est ni de droite ni de gauche : c’est simplement un texte nécessaire, et je crois que ce constat est largement partagé, au-delà des appartenances politiques. De fait, il a été élaboré en bonne intelligence, dans une grande concertation et une totale transparence entre le Parlement et le Gouvernement, entre la majorité et l’opposition.

Au regard des conditions d’élaboration de ce texte et de la sensibilité du sujet, et compte tenu du contexte particulier que connaît notre pays en ce début d’année, je suis persuadé que notre commission et, dans une semaine, l’Assemblée nationale peuvent adopter la proposition de loi.

Je ne suis pas particulièrement friand de grandes déclarations lyriques. Mais, à un moment où tous évoquent « l’union nationale », et sans surestimer la portée du texte, je pense que son adoption par la commission de la Défense enverrait un premier signal fort et concret prouvant que, face à des problèmes qui dépassent les clivages politiques, majorité et opposition peuvent travailler en bonne intelligence et proposer des solutions communes. Ainsi, nous aurions accompli notre travail de députés.

Mme la présidente Patricia Adam. Ce travail a en effet permis d’aboutir à un texte qui répond aux objectifs fixés par l’article 55 de la loi de programmation militaire. Il permettra aux juges d’apprécier en conséquence les affaires qui leur seront soumises.

M. Daniel Boisserie. La centrale de Fessenheim a récemment fait l’objet d’un envahissement sur lequel les autorités françaises ont très peu communiqué. De telles opérations participent d’une stratégie de harcèlement visant à provoquer un débat au sujet de la sécurité du nucléaire. Or, en raison d’une lacune juridique, nous manquons d’outils dissuasifs propres à empêcher les intrusions. Il est vrai que les PSPG disposent de moyens limités, à la différence d’autres pays où ces sites sont mieux surveillés. Pour ces raisons, l’envahissement est très difficile à éviter. Dans le cas de Fessenheim, ce sont en réalité plusieurs opérations consécutives qui se sont déroulées, organisées depuis des pays limitrophes et conduites en partie par des ressortissants étrangers. Une première équipe, qui menaçait l’entrée principale, a servi de leurre pour y attirer les gendarmes ; pendant ce temps, une seconde équipe franchissait la clôture et pénétrait dans le bâtiment. Ce qui complique la situation, c’est que les gendarmes pourraient tirer sur des terroristes, mais qu’ils ne peuvent évidemment pas le faire sur des militants.

Il a été constaté que l’envahissement d’une infrastructure protégée dans une centrale nucléaire ne relève d’aucun délit spécifique : ses auteurs sont en général poursuivis pour violation de domicile, ce qui est aussi inadapté que peu dissuasif. Il faut par conséquent créer un délit spécifique. À l’occasion de la discussion de la LPM, la commission avait adopté à l’unanimité, toutes sensibilités confondues, un amendement permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnances, ce qu’il n’a pas fait.

Il nous a semblé que le texte de la proposition de loi pouvait être amélioré. Il suggérait initialement de classer les centrales en zones de défense hautement sensibles. Cela aurait permis à la gendarmerie d’ouvrir le feu, y compris hors cas de légitime défense, ce qui paraît inconcevable. De fait, la confusion entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire est source de difficultés. J’ai donc proposé au rapporteur une amélioration du texte, qu’il a acceptée. Nous présentons donc deux amendements identiques qui devraient faire l’unanimité. L’ensemble a été approuvé à l’échelon interministériel. La commission pourrait faire œuvre utile en adoptant ces amendements : cela réglerait une difficulté et prolongerait l’esprit républicain qui souffle sur le pays depuis quelques semaines.

M. Sylvain Berrios. Assurément, ce texte, déjà ancien, est le fruit d’une excellente collaboration. On peut cependant s’interroger sur les moyens qui seront ceux de la gendarmerie pour réagir aux intrusions. Il semble toutefois qu’ait été trouvé un bon équilibre entre la garantie des droits des manifestants à l’extérieur des centrales et la protection de nos installations nucléaires.

M. Jean-Jacques Candelier. Cette proposition de loi va dans le bon sens.

À part les opérations coup de poing conduites par Greenpeace, d’autres actions font-elles l’objet de procédures devant les tribunaux ?

Le durcissement de la législation ne risque-t-il pas de devenir source de bavures de la part de la gendarmerie et des services de sécurité ?

Je suis inquiet de voir que l’État est incapable de faire cesser le survol de centrales par des drones.

Enfin, il existe une menace terroriste réelle au sujet des piscines d’entreposage du combustible irradié, qui peuvent être la cible de bombes.

M. Alain Chrétien. Serait-il possible d’inclure dans le dispositif les centrales classiques de production d’électricité, dont le rôle demeure stratégique pour le pays ?

M. Alain Moyne-Bressand. Je ne peux que saluer la qualité du travail du rapporteur que nous soutenons dans sa démarche. Cependant, je ne trouve pas dans le texte de règles précises concernant la sécurité : certes, la gendarmerie est financée par EDF pour cette surveillance, mais des effectifs précis sont-ils prévus ? En l’absence d’information à ce sujet, on peut craindre que, pour des raisons économiques, les crédits et, partant, les effectifs puissent être amenés à diminuer. Alors qu’il y a une centrale nucléaire dans ma circonscription, j’ignore quelle est leur formation et leur programme d’action pour protéger les habitants et, bien entendu, les centrales elles-mêmes.

M. Jean-Yves Le Déaut. Le rapporteur a fait référence à la table ronde organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques le 24 novembre dernier, qui a notamment abordé la question du survol des centrales nucléaires par des drones. Nous avons conclu qu’il fallait renforcer les sanctions à l’encontre de tous types d’intrusion visant des objectifs d’importance vitale, ce qui peut aussi concerner les barrages, par exemple. Nous avons aussi demandé le classement des installations nucléaires de base (INB) en zones de défense hautement sensibles.

L’OPECST a entendu toutes les parties prenantes. Le représentant de Greenpeace a signalé des dangers supplémentaires en se fondant sur un rapport dont l’association avait passé commande au cabinet Large & Associates, qui a rendu ses conclusions en trois semaines. Je ne pense pas qu’un délai aussi court permette un travail en profondeur. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont indiqué n’avoir pas attendu un tel document pour tâcher d’améliorer la défense en profondeur d’éléments tels que les piscines, les transformateurs, les canalisations de vapeur ou les turbines, qui constituent l’environnement du réacteur. Un certain nombre de mesures sont déjà mises en œuvre, d’autres restent à venir.

La détection des drones est difficile, car ce ne sont pas des objets métalliques. Il existe toutefois un projet franco-allemand de détection fondé sur des méthodes audio et vidéo dénommé AVALON (Audio-Visual Automatic Detection And Localization of Drones). Ce projet n’était pas financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), mais l’oubli a été réparé et le Gouvernement lui a attribué un million d’euros.

Dans le domaine de la sûreté nucléaire, nous avons su faire évoluer la législation en créant l’ASN et l’IRSN. Reste la question de la sécurité nucléaire, qui relève de la gendarmerie. Quelles que soient ses qualités, la proposition de loi ne parle pas de la coordination de ces deux aspects.

Enfin, tout un chacun peut utiliser des drones sans pour autant vraiment savoir s’en servir ; notre législation devrait prévoir une formation à la manipulation de ces engins.

M. François de Rugy. Sur la forme, je m’étonne que cette proposition de loi soit examinée par notre commission.

Mme la présidente Patricia Adam. Il en va ainsi car elle tendrait à modifier le code de la défense.

M. François de Rugy. Je ne suis pas sûr que le Gouvernement partage cette approche : j’ai compris qu’il serait représenté en séance publique non par le ministre de la Défense, mais par la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie.

Quant au fond, il s’agit de traiter le problème des risques d’intrusion hostile sur des installations nucléaires civiles. Ils ont été mis en lumière par le fait que Greenpeace a pu entrer dans des centrales et y déployer des banderoles. L’opinion publique s’est trouvée ainsi alertée sur la facilité avec laquelle il est possible d’y pénétrer. Mais ces intrusions n’avaient pas pour but de provoquer un accident.

Au lieu de traiter le problème de la sécurité des installations, la présente proposition de loi s’en prend à des intrusions qui ne sont pas hostiles. Cela revient à casser le thermomètre et à se priver d’un révélateur. Le rapporteur lui-même a reconnu que ces dispositions nouvelles ne dissuaderaient aucun terroriste déterminé. Il suffit de lire la proposition de loi pour comprendre qu’elle ne vise en fait que des associations comme Greenpeace.

Jean-Yves Le Déaut a raison d’attirer notre attention sur la nécessité de définir des protocoles de sécurité qui relèvent des autorités de sûreté nucléaire et qui soient à la charge des opérateurs. Ainsi, le groupe écologiste pourrait déposer des amendements visant à renforcer le pouvoir de l’ASN. Mais la question n’est pas de savoir si de telles intrusions doivent constituer un délit spécifique – à moins qu’on en prévoie un également pour le cas où les syndicats d’EDF coupent l’électricité à une réunion publique… L’action militante qui se trouve ici incriminée a valeur de test. L’empêcher de se dérouler ne règle pas le problème qu’elle révèle.

Enfin, j’observerai qu’il n’est pas anodin d’assimiler installations nucléaires civiles et militaires.

M. Jacques Lamblin. Il y a quelques mois, le général Favier insistait ici même sur les difficultés auxquelles se heurte la gendarmerie pour trouver des bases juridiques afin de protéger les installations nucléaires. Sans doute les centrales sont-elles des installations civiles, mais elles peuvent devenir des cibles pour des terroristes.

Par surcroît, la destruction des équipements annexes d’une centrale nucléaire suffit à la mettre hors-service. Des incidents comme les intrusions récentes font ainsi redouter un effet en cascade, mettant en péril une vie sociale qui dépend de la ressource en électricité. C’est pourquoi je soutiens sans ambages la présente proposition de loi.

M. Marc Laffineur. On ne peut que se satisfaire que cette proposition de loi attendue soit enfin examinée. Combien faudra-t-il mobiliser de gendarmes pour l’appliquer ?

M. Christophe Guilloteau. Je me reproche de ne pas avoir cosigné le texte. Je rejoins en tout cas l’unanimité qui s’exprime, même si elle semble se lézarder du fait de positions sur le nucléaire qui relèvent parfois du dogmatisme. Je pourrais même imaginer que le texte s’étende à d’autres centrales ou à des installations classées P3 ou P4. Assurément, il pourrait, avec quelque imagination, être étendu jusqu’à englober les coupures de courant lors de réunions électorales…

M. Michel Voisin. La présente proposition de loi recoupe-t-elle les textes relatifs à l’aviation civile et au survol des zones sensibles ?

M. le rapporteur. Dans la rédaction issue des amendements, la proposition de loi se bornera à renforcer la sanction pénale, alors que la version initiale visait à classer les installations nucléaires civiles comme zones de défense hautement sensibles.

Une mission est engagée au sujet du survol des zones sensibles par des drones. Des questions aussi bien juridiques que techniques se posent. Dans l’un des amendements que j’ai déposés, je propose que le Gouvernement nous remette avant le 30 septembre 2015 un rapport évaluant les risques et menaces que constituent les survols illégaux d’aéronefs télépilotés.

Quant à la classification de certaines installations civiles en zone de défense, il n’en est plus question dans cette proposition de loi. Je me suis concentré sur les zones très sensibles, les centrales nucléaires ; le texte pourrait être étendu à d’autres installations, mais tel n’est pas l’objet de la proposition de loi.

Monsieur Moyne-Bressand, les PSPG comptent 882 militaires, qui sont présents sur l’ensemble des sites du parc nucléaire. Pour chaque centrale, leur nombre varie suivant l’étendue de la zone. Formés pas le groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), ils sont très bien équipés. Ils peuvent faire face à un envahissement non seulement terrestre, mais naval, grâce à des bateaux ultrarapides.

Monsieur Laffineur, la proposition de loi ne suppose pas le renforcement des effectifs de gendarmerie puisqu’elle se veut dissuasive. Dans l’idéal, le juge lui-même ne sera pas saisi dès lors que les intrusions ou les tentatives d’intrusion disparaîtront.

Monsieur de Rugy, il ne s’agit pas de définir de nouvelles zones de défense, mais d’apporter une réponse pénale. Au demeurant, ce n’est pas Greenpeace en particulier qui est visé. Toutes les associations pourront continuer à manifester, mais à l’extérieur des sites. En cas d’intrusion, les PSPG sécurisent prioritairement les points stratégiques des installations. Il ne revient pas à ces pelotons de pourchasser des militants antinucléaires. La présente proposition de loi permettra de mieux discerner les différents types de risques, car il est courant que des individus de diverses nationalités participent à ces intrusions.

Du reste, les PSPG suivent déjà un protocole d’action, qui commence, de manière classique, par des sommations. La présente proposition de loi n’a pas pour objet d’en définir de nouveaux, ni de renforcer le pouvoir des gendarmes, mais de renforcer la sanction pénale.

M. Daniel Boisserie. Le rapporteur répond parfaitement aux interrogations. Monsieur Moyne-Bressand, comme auteur de l’avis budgétaire d’octobre dernier sur les crédits dévolus à la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2015, je puis vous indiquer que les effectifs des PSPG ont augmenté en 2013 de 122 fonctionnaires, soit une hausse de presque 20 %. Les préoccupations de notre commission ont donc été entendues.

Le GIGN peut également intervenir, pour retarder l’invasion d’une centrale, voire parer à un attentat terroriste. Dans d’autres pays, plusieurs ceintures de protection sont définies autour des centrales.

Je salue la prudence de Jean-Jacques Candelier, qui sait que chacun de nos concitoyens est attaché à la sûreté de nos installations nucléaires. À François de Rugy, je voudrais dire que la présente proposition de loi n’est pas dirigée contre les militants antinucléaires, mais vise d’abord à assurer la sécurité de nos concitoyens. La version initiale ne répondait pas exactement aux besoins du terrain. Une fois amendée, la présente proposition de loi devrait cependant pouvoir recueillir l’unanimité.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. L. 4123-12 du code de la défense)
Classement des installations nucléaires de base en zones de défense
hautement sensibles

A. LE CLASSEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EN ZONES DE DÉFENSE HAUTEMENT SENSIBLES

Face aux intrusions illégales, régulières et répétées au sein d’installations nucléaires de base (INB) et, notamment, au sein de centrales nucléaires, le présent article entend améliorer la protection de tels sites en dissuadant de tels comportements qui, en plus d’être contraires au droit, sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique.

Pour cela, l’alinéa 2 du présent article procède au classement des INB en « zones de défense hautement sensibles » (ZDHS).

L’article L. 593-2 du code de l’environnement dresse la liste des INB, lesquelles comprennent :

– les réacteurs nucléaires ;

– les installations, répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d’État, de préparation, d’enrichissement, de fabrication, de traitement ou d’entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs ; 

– les installations contenant des substances radioactives ou fissiles et répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d’État ; 

– les accélérateurs de particules répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d’État.

La décision n° 2014-DC-0392 de l’Autorité de sûreté nucléaire établit la liste des INB civiles présentes sur le territoire (18). Au 31 décembre 2014, on en dénombrait 125 : centrales nucléaires, réacteurs, zones de gestion de déchets radioactifs solides, usines de traitement des combustibles irradiés, laboratoires d’essais, ateliers d’uranium enrichi, usines de fabrication de combustibles nucléaires, ateliers de matériaux irradiés, etc.

Les exploitants de ces INB sont divers, les plus importants étant, naturellement, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Areva et ses filiales (Areva NC – Nuclear Cycle et Areva NP – Nuclear Production) et EDF (19).

En vertu du droit en vigueur codifié à l’article L. 4123-12 du code de la défense, « Constitue une zone de défense hautement sensible la zone définie par voie réglementaire à l’intérieur de laquelle sont implantés ou stationnés des biens militaires dont la perte ou la destruction serait susceptible de causer de très graves dommages à la population, ou mettrait en cause les intérêts vitaux de la défense nationale. »

Au regard de cette définition, on peut raisonnablement penser que des emprises telles que la base navale de l’Île-Longue, qui abrite les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la force océanique stratégique, ou encore la base aérienne de Taverny qui accueille le commandement des forces aériennes stratégiques constituent des ZDHS.

Afin de permettre à l’ensemble des INB d’entrer dans le champ des ZDHS, l’alinéa 3 du présent article complète cette définition en précisant que constitue également une telle zone celle dont la perte ou la destruction serait susceptible de mettre en cause la sécurité publique.

L’article L. 4123-12 du code de la défense ainsi modifié disposerait dès lors que « Constitue une zone de défense hautement sensible la zone définie par voie réglementaire à l’intérieur de laquelle sont implantés ou stationnés des biens militaires ou des installations nucléaires de base énumérées à l’article L. 593-2 du code de l’environnement dont la perte ou la destruction serait susceptible de causer de très graves dommages à la population, ou mettrait en cause les intérêts vitaux de la défense nationale ou la sécurité publique. »

En application de l’article R. 2363-1 du même code, les ZDHS sont créées par arrêté du ministre de la Défense, qui en définit les limites et désigne l’autorité responsable de la sécurité de chacune des zones. Celle-ci est chargée d’élaborer un plan de protection de la zone dont elle assure la sécurité, ce plan devant être adopté par décision du ministre de la Défense.

B. LES CONSÉQUENCES D’UN TEL CLASSEMENT

1. Un contrôle strict de l’accès et de la circulation à l’intérieur de la zone

Le classement d’un site en ZDHS entraîne, naturellement, un renforcement drastique de sa sécurité, notamment en ce qui concerne l’accès à la zone. Celui-ci est, par principe, interdit. En effet, l’article R. 2363-2 du code de la défense dispose que toute personne désirant accéder à la zone doit préalablement obtenir une autorisation expresse de l’autorité responsable de la sécurité de la ZHDS qui précise, en outre, les conditions de circulation sur ladite zone. Cette autorisation peut être temporaire ou permanente et l’autorité chargée de la sécurité de la ZHDS est susceptible de la retirer à tout moment.

De telles dispositions ne seraient probablement pas sans poser un certain nombre de problèmes matériels de gestion des flux et d’organisation de l’activité aux différents exploitants des sites, dès lors que les INB accueillent quotidiennement des milliers de salariés et d’intervenants extérieurs (on peut notamment penser aux salariés des sociétés de nettoyage et d’entretien). Toutefois, la possibilité de délivrer des autorisations d’accès à caractère permanent devrait permettre de minimiser les désagréments sans sacrifier pour autant la sécurité des INB.

2. Un régime d’irresponsabilité pénale pour les militaires chargés de la sécurité de la zone en cas d’usage de la force

Si, en dépit du renforcement des conditions d’accès à la zone, des personnes extérieures au site tentaient de s’y introduire illégalement, les militaires en charge de la protection de celui-ci qui, après les sommations d’usage, recourraient à la force afin de prévenir ou de faire cesser l’intrusion et d’arrêter les auteurs de l’infraction, bénéficieraient d’une irresponsabilité pénale comme en cas de légitime défense.

Ainsi, dans l’hypothèse où une action en justice serait ultérieurement intentée à leur égard et dès lors que les militaires auraient fait usage de la force conformément au protocole encadrant celui-ci, ils jouiraient d’une protection juridique accrue puisque leur responsabilité pénale ne pourrait être mise en cause. C’est ce que prévoit le premier alinéa de l’article L. 4123-12 du code de la défense.

De telles dispositions n’autorisent évidemment pas les militaires à ouvrir le feu comme bon leur semblerait. Comme évoqué, le recours à la force au sein d’une ZDHS en application de l’article précité obéit à un protocole d’engagement strictement encadré.

En premier lieu, naturellement, le militaire ne peut recourir qu’à « la force armée absolument nécessaire » pour prévenir l’intrusion, l’interrompre, ou en arrêter l’auteur. Par ailleurs, le militaire ne peut déployer instantanément la force armée. Il est préalablement tenu de procéder à un certain nombre de sommations avant, le cas échéant, d’ouvrir le feu.

L’article R. 2363-5 du code de la défense précise le protocole d’engagement en la matière. Afin de faire cesser l’action illégale et avant de faire usage de son arme, le militaire doit ainsi procéder à trois sommations :

– il annonce son intention d’empêcher ou d’interrompre l’intrusion en énonçant à voix haute : « Halte » ;

– dans l’hypothèse où les individus en cause n’obtempèrent pas, il procède à une deuxième sommation en énonçant à voix haute : « Halte ou je fais feu » ;

– si les individus persistent à ne pas obtempérer, il procède à une troisième et dernière sommation en énonçant à voix haute : « Dernière sommation : halte ou je fais feu ».

Lorsque le militaire intervient avec un chien, le même article, d’une rigoureuse précision, dispose que les deuxième et troisième sommations sont remplacées par l’expression suivante : « Halte, attention au chien ».

Il convient de préciser que le classement de l’ensemble des INB en ZDHS devrait logiquement avoir pour conséquence le déploiement de militaires sur les sites qui seraient actuellement protégés par des civils, sauf à partiellement vider de sa substance la proposition de loi.

En effet, aux termes de l’article L. 4123-12 du code de la défense, « n’est pas pénalement responsable le militaire » qui fait usage de la force – dans des circonstances spécifiques et en application d’un protocole bien établi – au sein d’une ZDHS. L’irresponsabilité pénale étant prévue au bénéfice des seuls militaires, il conviendrait dès lors que ce soient uniquement des forces militaires – des gendarmes – qui assurent la protection de l’ensemble des INB.

Si tel est bien le cas des 19 centres nucléaires de production d’électricité (CNPE, les centrales) gérés par EDF et qui se trouvent sous la protection des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG), le CEA ou Areva ont, par exemple, fait le choix de recourir aux services de formations locales de sécurité (FLS) (20) et du RAID (21), forces civiles, pour la protection de leurs sites.

*

Comme indiqué dans l’exposé général, le rapporteur a choisi de modifier le dispositif de sa proposition de loi en proposant la création d’un régime pénal spécifique aux intrusions dans les installations nucléaires civiles abritant des matières nucléaires.

*

La Commission adopte les amendements identiques DN3 du rapporteur et DN4 de M. Daniel Boisserie, puis elle adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article 2
(art. L-591-1 du code de l’environnement)
Article de coordination

Le présent article est un article de coordination tirant les conséquences, dans le code de l’environnement, du dispositif prévu à l’article 1er.

Complétant l’article L. 591-1 de ce code qui définit les notions de sécurité nucléaire, de sûreté nucléaire et de radioprotection, il précise que les dispositions applicables à la lutte contre les actes de malveillance et d’intrusion dans les INB sont définies à l’article L. 4123-12 du code de la défense, tel que modifié par l’article 1er de la proposition de loi

*

La Commission examine l’amendement DN5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Des groupes de travail se sont constitués, à l’initiative du Premier ministre, sur les risques induits par le survol de zones sensibles par des drones. Ils ont pour mission de cerner ce problème sérieux d’un point de vue juridique, technique et capacitaire. L’amendement vise à demander au Gouvernement que soient présentées au Parlement, avant le 30 septembre 2015, les solutions envisageables pour répondre efficacement au problème.

Mme la présidente Patricia Adam. Le SGDSN nous indique que ce délai est tenable. L’amendement est donc réaliste.

M. Charles de La Verpillière. Faut-il comprendre que l’amendement se substitue à l’article initial et que toute référence au code de la défense est donc supprimée ?

M. le rapporteur. Oui.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité, puis elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

TITRE

La Commission examine l’amendement DN6 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination. Par suite des modifications que nous avons apportées, l’intitulé de la proposition serait désormais : « Renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires ».

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la Commission de la défense nationale et des forces armées demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

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TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte de la Commission

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Proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès aux installations nucléaires de base (INB)

Proposition de loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires

   

amendement DN6

 

Article 1er

Article 1er

Code de la défense

Le deuxième alinéa du I de l’article L. 4123-12 du code de la défense est ainsi modifié :

La sous section 3 de la section 1 du chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la défense est ainsi modifiée :

Art. L. 4123-12. – ………….... Constitue une zone de défense hautement sensible la zone définie par voie réglementaire à l'intérieur de laquelle sont implantés ou stationnés des biens militaires dont la perte ou la destruction serait susceptible de causer de très graves dommages à la population, ou mettrait en cause les intérêts vitaux de la défense nationale.

1° Après le mot : « militaires », sont insérés les mots : « ou des installations nucléaires de base énumérées à l’article L. 593-2 du code de l’environnement » ;

2° Il est complété par les mots : « ou la sécurité publique ».

1° Le paragraphe 2 est complété par des articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-18 ainsi rédigés :

« Art. L. 1333-13-12.  – Est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 € le fait de s’introduire, sans autorisation de l’autorité compétente, à l’intérieur des locaux et des terrains clos délimités pour assurer la protection des établissements ou des installations abritant des matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion ou des matières nucléaires dont la détention est soumise à l’autorisation mentionnée à l’article L. 1333-2.

   

« Le premier alinéa du présent article n’est pas applicable aux terrains et constructions affectés à l’autorité militaire ou placés sous son contrôle, mentionnés à l’article 413-5 du code pénal.

   

« Les limites des locaux et des terrains clos mentionnés au même alinéa sont fixées dans des conditions prévues par décret. Elles sont rendues apparentes aux frais de la personne morale exploitant les établissements ou installations concernés.

   

« Art. L. 1333-13-13. – Le fait de provoquer, d’encourager ou d’inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à commettre l’infraction définie à l’article L. 1333-13-12, lorsque ce fait a été suivi d’effet, est puni des peines prévues pour cette infraction.

   

« Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas suivis d’effet en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur, les peines sont de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.

   

« Art. L. 1333-13-14. –L’infraction définie à l’article L. 1333-13-12 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende :

   

« 1° Lorsqu’elle est commise en réunion ;

   

« 2° Lorsqu’elle est commise par une personne qui prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ;

   

« 3° Lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration.

   

« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les faits sont commis dans deux des circonstances prévues au présent article. »

   

« Art. L. 1333-13-15. – L’infraction définie à l’article L. 1333-13-12 est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende :

   

« 1° Lorsqu’elle est commise soit avec usage ou menace d’une arme, soit par une personne porteuse d’une arme soumise à autorisation, à déclaration ou à enregistrement ou dont le port est prohibé ;

   

« 2° Lorsqu’elle est commise en bande organisée.

   

« Art. L. 1333-13-16. -– La tentative des délits prévus aux articles L. 1333-13-12, L. 1333-13-14 et L. 1333-13-15 est punie des mêmes peines.

   

« Art. L. 1333-13-17. – Les personnes physiques coupables de l’une des infractions définies aux articles L.-1333-13-12 à L. 1333-13-15 encourent les peines complémentaires suivantes :

   

« 1° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

   

« 2° La confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

   

« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ;

   

« 4° L’affichage et la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal ;

   

« 5° L’interdiction de séjour, prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-31 du même code ;

   

« 6° L’interdiction du territoire français, prononcée dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30-2 dudit code. »

   

« Art. L. 1333-13-18. – Les personnes morales coupables de l’une des infractions définies aux articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-15 du présent code encourent, outre une amende calculée en application de l’article 131-38 du code pénal, les peines mentionnées aux 8 et 9 de l’article 131-39 du même code. » ;

Art. L. 1333-13-7. – Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent paragraphe encourent les peines complémentaires suivantes : ………

Art. L. 1333-13-8. – Les personnes morales coupables de l'une des infractions prévues au présent paragraphe encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code, les peines suivantes  :…………………..

 

2° Au premier alinéa des articles L. 1333-13-7 et L. 1333-13-8, la référence : « au présent paragraphe » est remplacée par les références : « aux articles L. 1333-9 et L. 1333-11 à L. 1333-13-6 » ;

   

3° L’article L. 1333-14 est ainsi modifié :

Art. L. 1333-14. – Seules les dispositions des articles L. 1333-9 et L. 1333-10 sont applicables aux matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion.

 

a) Au premier alinéa, les mots : « applicables aux » sont remplacés par les mots : « applicables lorsque sont en cause des » ;

   

b) Le second alinéa est ainsi modifié :

Les articles L. 1333-13-2 à L. 1333-13-11 sont également applicables aux matières nucléaires mentionnées au premier alinéa du présent article, mais seulement en ce qu'elles renvoient aux infractions prévues à l'article L. 1333-9.

 

- les mots : « applicables aux » sont remplacés par les mots : « applicables lorsque sont en cause des » ;

- le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;

   

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

   

« Dans les limites qu’ils fixent, les articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-18 sont également applicables lorsque sont en cause des matières nucléaires mentionnées au premier alinéa du présent article. »

   

amendements DN3 et DN4

Code de l’environnement

Article 2

Article 2

Art. L. 591-1. – La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident.

L’article L. 591-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La réglementation applicable à la lutte contre les actes de malveillance et d’intrusion dans les installations nucléaires de base énumérées à l’article L. 593-2 du présent code sont définies à l’article L. 4123-12 du code de la défense. »

Avant le 30 septembre 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les risques et menaces que constituent les survols illégaux par des aéronefs télépilotés. Ce rapport présente également les solutions techniques et capacitaires envisageables afin d’améliorer la détection et la neutralisation de ces appareils, ainsi que les adaptations juridiques nécessaires afin de réprimer de telles infractions.

   

amendement DN 5

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Par ordre chronologique

Ø Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) – MM. Louis Gautier, Secrétaire général et Marc Antoine, conseiller pour les relations institutionnelles et la communication ;

Ø Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives* (CEA)MM. Hervé Bernard, administrateur général par intérim et Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques – chargé des relations avec le Parlement ;

Ø Direction générale de la gendarmerie nationale – M. le lieutenant-colonel François Haouchine, chef de la section sécurité nucléaire – bureau de la défense et de la sécurité nationale ;

Ø EDF – MM. Patrick Espagnol, directeur de la sécurité, Christophe Loy, directeur juridique énergies et Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques ;

Ø Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie –MM. le général (2S) Christian Riac, chef du département de la sécurité nucléaire et le chef d’escadron Jérôme Ruer, chargé de mission.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Arrêté du 2 juin 2006 fixant la liste des secteurs d’activités d’importance vitale et désignant les ministres coordonnateurs desdits secteurs, modifié par l’arrêté du 3 juin 2008.

2 () Il existe à l’heure actuelle 233 opérateurs d’importance vitale et 1 367 points d’importance vitale.

3 () Arrêté du Premier ministre du 27 août 2009, portant approbation de la directive nationale de sécurité, secteur de l’énergie.

4 () Deux personnes avaient été tuées et plusieurs autres blessées, les auteurs de l’attaque ayant en outre réussi à endommager plusieurs générateurs grâce à des charges explosives.

5 () 40 personnes, employées sur le site, avaient trouvé la mort.

6 () Un salarié avait été tué, et 14 autres blessés.

7 () On pourra se reporter utilement aux comptes rendus de ces auditions : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-oecst/14-15/c1415055.asp#P5_260 et http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-oecst/14-15/c1415056.asp#P5_279

8 () Un spectromètre est un appareil destiné à la mesure de la répartition d’un rayonnement complexe en fonction de la longueur d’onde ou de la fréquence s’il s’agit d’ondes, de la masse ou de l’énergie des particules individuelles s’il s’agit de particules.

9 () La radiogoniométrie est la technique relative à l’ensemble des procédés permettant de déterminer, au moyen d’un radiogoniomètre, la localisation d’un émetteur d’ondes radioélectriques.

10 () Pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie.

11 () Voir le f) du 4° de l’article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

12 () Loi sur la sûrement et la réglementation nucléaires, L.C. 1997, ch. 9.

13 () United States Code, title 42 The Public Health and Welfare, chapter 23 Development and Control of Atomic Energy§ 2278a. Trespass on Commission installations.

14 () Serious Organised Crime and Police Act 2005, article 128.

15 () En application de l’article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation porte notamment sur tous les biens meubles ou immeubles ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre.

16 () Article L. 1333-2 du code de la défense.

17 () Décret n° 2009-1120 du 17 septembre 2009.

18 () Autorité de sûreté nucléaire, décision n° 2015-DC-0493 du 13 janvier 2015 établissant la liste des installations nucléaires de base au 31 décembre 2014.

19 ()  Mais également la société CIS Bio International, FBFC (filiale d’Areva), SICN (filiale d’Areva NC), l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), l’Institut Max von Laue Paul Langevin, la société Ionisos, la société Eurodif Production, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le groupement d’intérêt économique GANIL (Grand Accélérateur National d’Ions Lourds), Socatri (filiale d’Eurodif), Somanu (filiale d’Areva NP), la société Isotron France, Socodei (filiale d’EDF), SET (filiale d’Areva), la société Synergy Health Marseille et l’organisation internationale ITER.

20 () Les FLS sont souvent composées d’anciens gendarmes, policiers ou pompiers.

21 () La force d’élite de la police nationale est requise en cas d’intervention de haute intensité.