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N° 2792

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mai 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif au dialogue social et à l’emploi,

PAR M. Christophe SIRUGUE,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2739, 2770 et 2773.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

1. Une représentation de tous les salariés quelle que soit la taille de leur entreprise 9

2. La valorisation des parcours d’élus et syndicaux 10

3. L’amélioration de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes 10

4. La garantie de la présence des administrateurs salariés dans les grandes entreprises 10

5. Des institutions représentatives du personnel plus adaptables et plus efficaces 11

6. Une meilleure articulation des informations-consultations du comité d’entreprise et de la négociation annuelle obligatoire 12

7. La sanctuarisation de l’existence de règles d’assurance chômage spécifiques aux intermittents du spectacle 14

8. La création d’un compte personnel d’activité pour sécuriser les parcours professionnels 15

9. Approfondir l’accompagnement des publics les plus éloignés de l’emploi 16

10. La création d’une prime d’activité 17

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I. AUDITIONS DES PARTENAIRES SOCIAUX ORGANISÉES PAR LA COMMISSION 21

1. Audition des organisations représentatives des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC) 21

2. Audition des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) 45

II. AUDITION DES MINISTRES 63

III. EXAMEN DES ARTICLES 95

TITRE IER – AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL AU SEIN DE L’ENTREPRISE 95

Chapitre Ier – Une représentation universelle des salariés des très petites entreprises 95

Avant l’article 1er 95

Article 1er (art. L. 23-111-1, L. 23-112-1, L. 23-112-2, L. 23-112-3, L. 23-112-4, L. 23-112-5, L. 23-112-6, L. 23-113-1, L. 23-113-2, L. 23-114-1, art. L. 23-114-2, L. 23-114-3, L. 23-114-4, L. 23-115-1, L. 2411-1, L. 2411-24, L. 2412-1, L. 2412-15, L. 2421-2, L. 2422-1 et L. 2439-1 du code du travail) : Généralisation des commissions paritaires régionales 95

Après l’article 1er 123

Chapitre II – Valorisation des parcours professionnels des élus et des délégués syndicaux 127

Avant l’article 2 127

Article 2 (art. L. 2141-5 du code du travail) : Entretiens professionnels de début et fin de mandat 128

Article 3 (art. L. 6112-4 et L. 6123-1 du code du travail) : Égalité d’accès des représentants du personnel et des délégués syndicaux 136

Article 4 (art. L. 2141-5-1 du code du travail) : Garantie de non-discrimination salariale pour les représentants du personnel 137

Article 5 (art. L. 2314-11, L. 2314-24-1, L. 2314-24-2, L. 2314-25, L. 2324-6, L. 2324-13, L. 2324-22-1, L. 2324-22-2 et L. 2324-23 du code du travail) : Représentation équilibrée des femmes et des hommes 141

Article 6 (art. L. 2413-16-1 du code du travail) : Élargissement de l’utilisation des heures de délégation pour les délégués syndicaux 147

Après l’article 6 150

Article 7 (art. L. 225-30-2 du code du commerce) : Formation des représentants des salariés au conseil d’administration 150

Après l’article 7 152

Article 7 bis (nouveau) (art. L. 225-30-2 du code du commerce) : Renforcement de l’effectivité de la présence de représentants des salariés au conseil d’administration 153

Après l’article 7 bis 155

Article 7 ter (nouveau) (art. L. 6524-6 [nouveau] du code des transports) : Adaptation des heures de délégation syndicales aux spécificités du transport aérien 155

Chapitre III – Des instances représentatives du personnel adaptées à la diversité des entreprises 157

Avant l’article 8 157

Article 8 (art. L. 2326-1 à L. 2326-9 du code du travail) : Élargissement et fonctionnement de la délégation unique du personnel 157

Article 9 (art. L. 2391-1, L. 2391-2, L. 2391-3, L. 2392-1, L. 2392-2, L. 2392-3, L. 2393-1, L. 2393-2, L. 2393-3 et L. 2394-1 du code du travail) : Regroupement d’instances par accord majoritaire dans les entreprises de plus de 300 salariés 188

Après l’article 9 207

Article 10 (art. L. 2323-3, L. 2327-2, L. 2327-15, L. 4616-1 et L. 4616-3 du code du travail) : Clarification des compétences des institutions représentatives du personnel 208

Article 11 (art. L. 4611-1, L. 4612-8, L. 4612-8-1, L. 4613-1, L. 4614-2, L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail) : Dispositions relatives au CHSCT 218

Article 12 (art. L. 2315-10, L. 2324-1, L. 2325-5-1, L. 2325-20, L. 2334-2, L. 4616-16, L. 2343-11-1, L. 2353-27-1, L. 23-101-1, L. 23-101-2, L. 2391-1, L. 2391-2, L. 4614-11-1 et L. 4616-6du code du travail) : Fonctionnement des institutions représentatives du personnel 225

Avant l’article 13 238

Chapitre IV – Un dialogue social plus stratégique dans les entreprises 239

Article 13 (art. L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-6, L. 2323-7, L. 2323-7-1, L. 2323-7-2, L. 2323-7-3, L. 2323-8, L. 2323-9, L. 2323-10, L. 2323-11, L. 2323-12, L. 2323-13 à L. 2323-17, L. 2323-18, L. 2323-19 à L. 2323-26-3, L. 2323-27, L. 2323-28, L. 2323-29 à L. 2323-32, L. 2323-33 à L. 2323-45, L. 2323-46, L. 2323-47, L. 2323-48, L. 2323-49, L. 2323-55 à L. 2323-57, L. 2323-59, L. 2323-60, L. 2323-61, L. 2323-68 à L. 2323-72, L. 2323-74, L. 2323-75, L. 2323-77, L. 3312-17 du code du travail) : Regroupement des informations et consultations annuelles obligatoires du comité d’entreprise 239

Article 14 (art. L. 2242-1, L. 2242-2, L. 2242-5 à L. 2242-16 et L. 2242-18 à L. 2242-23 du code du travail) : Regroupement des négociations obligatoires en entreprise 281

Après l’article 14 298

Article 15 (art. L. 2232-21, L. 2232-22, L. 2232-23, L. 2232-23-1, L. 2232-24, L. 2232-28 et L. 2232-29 du code du travail) : Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical 298

Après l’article 15 310

Article 16 (art. L. 2322-7, L. 2325-14, L. 2325-14-1, L. 2325-26 et L. 2325-34 du code du travail) : Franchissement de seuils 310

Après l’article 16 314

Chapitre V – Adaptation des règles du dialogue social interprofessionnel 315

Article 17 (art. L. 2152-1 et L. 2152-2 du code du travail) : Représentativité patronale 315

Article 18 (art. L. 2135-11 du code du travail) : Fonds paritaire de financement 322

Article 19 (art. L. 4624-1 et L. 4162-3 du code du travail, art. 16 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites) : Santé au travail 326

Après l’article 19 334

TITRE II – CONFORTER LE RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE DE L’INTERMITTENCE 335

Article 20 (art. L. 5424-22 et L. 5424-23 du code du travail) : Pérennisation et modalités de négociation des annexes VIII et X 335

Article 20 bis (nouveau) (art. L. 161-22 du code de la sécurité sociale) : Cumul emploi-retraite des artistes-interprètes 353

Article 20 ter (nouveau) (art. L. 6523-1 du code du travail) : Compétence territoriale des OPCA 354

TITRE III – SÉCURISATION DES PARCOURS ET RETOUR À L’EMPLOI 356

Article 21 : Compte personnel d’activité 356

Après l’article 21 362

Article 22 (art. L. 5315-1 du code du travail) : Définition des missions de service public de l’emploi de l’AFPA 363

Article 22 bis (nouveau) (art. 17 de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale) : Habilitation des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage au niveau national 371

Article 23 (art. L. 6325-1-1 du code du travail) : Contrat de professionnalisation « nouvelle chance » 373

Après l’article 23 378

Article 23 bis (nouveau) (art. L. 5134-25-1, L. 5134-69-1 et L. 5134-70-1 du code du travail) : Contrats aidés seniors 379

Article 23 ter (nouveau) (art. L. 322-15, L. 322-35 et L. 322-38 du code du travail applicable à Mayotte) : Adaptation des modalités applicables aux contrats aidés seniors à Mayotte 380

Après l’article 23 ter 380

Article 23 quater (nouveau) : Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relatives à la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) 381

TITRE IV – ENCOURAGER L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE PAR LA CRÉATION D’UNE PRIME D’ACTIVITÉ 383

Article 24 (art. L. 841-1, L. 842-1 à L. 842-7, L. 843-1 à L 843-6, L. 844-1 à L. 844-5, L. 845-1, L. 845-2 et L. 846-1 du code de la sécurité sociale) : Prime d’activité 383

Article 25 (art. L. 262-1 à L. 262-4, L. 262-9, L. 262-10, L. 262-24, L. 262-25, L. 262-27-1, art. L. 262-28, L. 262-38, L. 262-40, L. 262-45, L. 262-46, L. 262-53 et L. 522-12 du code de l’action sociale et des familles) : Suppression du RSA « activité » 459

Article 26 (art. 30 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, art. L. 115-2, L. 121-7, L. 131-2, L. 14-10-6, L. 262-29, L. 262-32 et L. 262-33 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 114-16-2, L. 114-17, L. 167-3, L. 412-8, L. 523-1, L. 553-1, L. 553-2, L. 821-5-1, L. 835-3, L. 861-2 et L. 861-5 du code de la sécurité sociale, art. L. 3252-3, L. 5132-3-1, L. 5134-72-2 et L. 6325-1 du code du travail, art. L. 3334-6-1, L. 3334-16-2 et L. 3335-4 du code général des collectivités territoriales, art. 81 du code général des impôts, art. L. 98 A du livre des procédures fiscales, art. L. 331-2, L. 334-5 et L. 334-9 du code de la consommation, art. L. 351-11 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 120-11 et L. 120-21 du code du service national, art. 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) : Coordination et dispositions diverses 463

Article 27 : Entrée en vigueur et adaptation à Mayotte 469

Article 28 (nouveau) : Rapport au Parlement sur la prime d’activité 470

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 473

INTRODUCTION

Dans un contexte économique hésitant, le Gouvernement et la majorité ont fait de lemploi lobjectif prioritaire des politiques publiques.

En effet, lEurope, dans son ensemble, peine à retrouver le niveau de croissance quelle connaissait avant la crise financière de 2009 et la France n’échappe malheureusement pas à la situation générale. Dans ce contexte, la majorité a fait le choix dun soutien sans précédent à lappareil productif
– 
emplois davenir, crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi (CICE), Pacte de responsabilité et de solidarité – sans pour autant négliger la demande intérieure à travers des mesures en faveur du pouvoir dachat des ménages les plus modestes. Elle sest aussi résolument engagée dans la voie des réformes structurelles destinées à améliorer le fonctionnement de notre marché du travail et laccès à celui-ci par la formation, et à dynamiser le dialogue social dans notre pays, à travers la loi relative à la sécurisation de lemploi en 2013, puis la loi relative à la formation professionnelle, à lemploi et à la démocratie sociale lan passé. Le projet de loi relatif au dialogue social et à lemploi constitue une nouvelle étape visant à retrouver un dynamisme économique facteur de progrès social.

En effet, parmi les difficultés qui affectent nos entreprises figure un dialogue social insuffisant. Or depuis trois ans, sous limpulsion du Président de la République, le Gouvernement et la majorité ont privilégié le dialogue social comme méthode principale de la réforme. Le dialogue social est synonyme de confiance, confiance entre des partenaires capables de trouver des compromis, confiance dans un avenir à inventer ensemble, confiance in fine dans les potentialités du pays. Dès le 11 janvier 2013, les partenaires sociaux ont signé laccord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de lemploi, transposé depuis dans la loi déjà évoquée. À la suite de cet accord, de nombreux accords de branches ont également été trouvés. Toutefois, la qualité du dialogue social dans lentreprise, celui qui a lieu au plus près des acteurs, reste encore à fluidifier afin den faire un véritable levier de compétitivité et de progrès social.

Le projet de loi comporte ainsi une série de mesures allant dans ce sens telles que la création des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, qui vont pour la première fois offrir une représentation à tous les salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés, la valorisation des parcours syndicaux ou encore la possibilité de regrouper les instances représentatives du personnel afin dencourager un dialogue social moins formel. Le regroupement des dix-sept informations-consultations du comité dentreprise en trois grandes thématiques participe également de lobjectif de rationalisation et damélioration de lefficacité du dialogue au sein de lentreprise, au même titre que celui des négociations obligatoires en entreprise en trois grands thèmes de négociation.

Ce projet de loi entend également, conformément à la volonté du Gouvernement de trouver une solution pérenne aux tensions qui émaillent le secteur du spectacle, sécuriser le cadre juridique de lassurance chômage des intermittents du spectacle, en inscrivant le principe de son existence dans la loi, tout en renvoyant à la négociation sociale le soin de préciser son régime.

Le texte aujourdhui soumis à la représentation nationale est aussi loccasion de faire un point d’étape sur les importantes réformes sociales initiées par le Gouvernement depuis le début du quinquennat.

À la suite du bilan de la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi réalisé le 3 avril 2015, le présent projet de loi est l’occasion de réaffirmer et d’approfondir l’ambition conjointe des partenaires sociaux et du Gouvernement de sécuriser les parcours professionnels des actifs et de porter une attention toute particulière aux publics les plus vulnérables face au chômage. Le texte propose par ailleurs une série d’ajustements des réformes de la représentativité patronale et du financement des organisations syndicales et patronales initiées par la loi du 5 mars 2014.

Parmi les préoccupations du Gouvernement et de la majorité figurent également la question des conditions de travail et la prise en compte de la pénibilité. Ces deux thèmes font l’objet de développements succincts dans ce projet de loi car, à l’heure de la publication du présent rapport, sont attendues respectivement les conclusions de la mission conduite par M. Michel Issindou, député du groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC), sur l’aptitude et la santé au travail, et celles de la mission confiée à M. Gérard Huot, chef d’entreprise, et au rapporteur, sur la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Gageons qu’à la lumière des orientations de ces deux rapports, le projet de loi sera enrichi de nouvelles propositions au cours du débat parlementaire.

Ce projet de loi soutient également lactivité et le pouvoir dachat des travailleurs avec la création de la prime dactivité. Cette prime répond au double impératif de soutien à la consommation des ménages les plus modestes et dencouragement à la reprise dune activité professionnelle.

Les deux bouts de la chaîne – modernisation de lappareil productif et soutien à la consommation des ménages – doivent en effet être tenus fermement ensemble afin dobtenir des résultats sur le front de lemploi. Le projet de loi décline cette volonté en plusieurs mesures :

– une représentation de tous les salariés quelle que soit la taille de leur entreprises ;

– une valorisation des parcours syndicaux ;

– une rationalisation des instances de représentation du personnel et une amélioration de leur fonctionnement ;

– une dynamisation du dialogue social et du dialogue avec les représentants du personnel ;

– la création dun compte personnel dactivité, pour sécuriser les parcours professionnels ;

− le développement des dispositifs dinsertion et de formation professionnelle ;

– la création dune prime dactivité, pour un soutien plus efficace aux travailleurs percevant des revenus modestes.

1. Une représentation de tous les salariés quelle que soit la taille de leur entreprise

Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit que : « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ». À cette « détermination collective », rangée au nombre des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps, traduction est donnée via la négociation collective.

Au lendemain de la Libération, a donc été consacré le principe dune représentation du personnel dans les entreprises. Toutefois, jusquici, la représentation des salariés et des employeurs des plus petites dentre elles a toujours constitué une exception du fait notamment de lexistence dun lien direct entre salariés et employeurs. Mais du fait même de ce lien direct, le lien de subordination est plus fort que dans les entreprises plus importantes. Ainsi, la plupart des conflits se terminent malheureusement par un divorce.

Plusieurs dispositifs de représentation extérieure des salariés des entreprises de moins de onze salariés ont été imaginés depuis l’élection des délégués de site par les « lois Auroux » de 1982 jusquaux accords dans certains secteurs dactivité – artisanat, production agricole, professions libérales – qui ont créé des commissions paritaires régionales. Toutefois, aucun na réussi à offrir une représentation à lensemble des salariés.

Pour la première fois, ce projet de loi crée des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour couvrir lensemble des salariés et des employeurs dont la branche dactivité na pas mis en place ces commissions. Il sagit de donner enfin au principe constitutionnel énoncé plus haut toute sa portée.

2. La valorisation des parcours d’élus et syndicaux

Un dialogue social plus constructif et moins conflictuel est un véritable levier de développement de l’économie en même temps que d’amélioration du bien-être social. Pour ce faire, il y a besoin de partenaires crédibles, représentatifs et de bonne volonté.

Pour faire face au recul des « vocations » syndicales, le chapitre 2 du projet de loi prévoit toute une série de mesures pour valoriser les personnes qui s’engagent au service des autres :

– bénéfice d’un entretien individuel afin d’examiner les modalités pratiques d’exercice du mandat et au terme de celui-ci, pour les représentants ayant été le plus éloigné des métiers, un second entretien permettant de valoriser les acquis de l’expérience ;

– création d’un dispositif national de valorisation des compétences s’adressant aux salariés titulaires d’un mandat de représentant ;

– instauration d’un mécanisme de garantie pour les représentants du personnel ou syndicaux de bénéficier des augmentations individuelles pendant la durée de leur mandat.

3. L’amélioration de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes

Larticle 5 du projet de loi introduit lobligation pour les listes aux élections professionnelles de comporter une proportion de femmes et dhommes reflétant leur proportion respective dans les collèges électoraux. Il aurait été difficile de prévoir la parité stricte eu égard à la composition parfois fortement sexuée des métiers. La Commission, à linitiative du rapporteur, a toutefois voté un amendement renforçant le caractère paritaire de ce dispositif.

4. La garantie de la présence des administrateurs salariés dans les grandes entreprises

L’article L. 225-79-2 du code de commerce soumet à l’obligation de procéder à la désignation ou à l’élection d’administrateurs salariés seulement les entreprises devant mettre en place un comité d’entreprise, c’est-à-dire les entreprises de plus de cinquante salariés. Or, il n’est pas rare que la holding de tête ait moins de cinquante salariés alors que c’est à ce niveau que se prennent les décisions stratégiques. Dans ces cas, ces décisions continuent à être prises sans représentants des salariés.

La Commission a donc supprimé la condition excluant de l’obligation les entreprises ne disposant pas de comité d’entreprise afin d’éviter le contournement de la loi. Le projet de loi favorise ainsi un meilleur équilibre capital – travail au sein des grandes entreprises.

5. Des institutions représentatives du personnel plus adaptables et plus efficaces

Le projet de loi souhaite avant tout permettre une meilleure adaptabilité des institutions représentatives du personnel (IRP) au profil des entreprises.

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, il sera possible de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP) en y intégrant le comité dhygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il sagit dun regroupement et en aucun cas dune fusion. Au sein de la DUP, chaque institution – délégués du personnel, comité dentreprise et CHSCT – conservera ses attributions.

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, un accord collectif majoritaire pourra procéder au regroupement des instances représentatives du personnel, quil sagisse de deux dentre elles ou des trois. Linstance ainsi créée exercera lensemble des attributions des institutions quelle regroupe en leur lieu et place. Il sagit par ce biais doffrir une plus grande souplesse à ces entreprises pour organiser la représentation du personnel, sans perte par rapport à lexistant, et tout en laissant à la négociation le soin den dessiner les contours et den déterminer les modalités.

Le texte prévoit par ailleurs daméliorer le fonctionnement des instances représentatives du personnel dans les entreprises à établissements multiples, en favorisant une meilleure articulation des rôles de chacune delles à leur niveau.

En effet, alors quun certain flou juridique caractérise aujourdhui le rôle respectif des comités d’établissement et du comité central dentreprise, de même que lordre dans lequel il convient de procéder en cas de consultation à chaque niveau, le projet propose une répartition claire des compétences entre le niveau central, qui sera seul consulté en présence dun projet nemportant pas de mesures particulières dadaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements. La Commission a souhaité dans ce cas maintenir le principe dune information propre des comités d’établissement, à défaut de leur consultation, et de la transmission à ces derniers de lavis du comité central dentreprise. Dans les autres cas, une double consultation est prévue avec transmission des avis des comités d’établissement au comité central dentreprise.

Créé par la dernière des « lois Auroux » de 1982 (1), le CHSCT n’obéit pas aux mêmes règles que les autres instances représentatives du personnel, tant du point de vue de sa composition que de son fonctionnement. Il s’agit d’une instance originale, mais dont certaines règles gagneraient à être alignées sur les autres institutions, a fortiori dans un contexte où le regroupement des instances et l’organisation de réunions communes aux différentes instances est favorisé. C’est dans cet esprit que l’article 11 du projet de loi propose non seulement d’étendre le périmètre des salariés couverts par un CHSCT, mais également de soumettre sa consultation à des délais préfixés comme ceux qui existent pour les autres instances, d’aligner la durée du mandat de ses membres sur ceux du comité d’entreprise en la portant donc de deux à quatre ans et enfin, de formaliser davantage son fonctionnement en dotant également cette instance d’un règlement intérieur.

Lamélioration du fonctionnement des instances représentatives du personnel est également recherchée à travers plusieurs mesures incluses dans larticle 12 du projet de loi, qui formalise la procédure applicable aux procès-verbaux du comité dentreprise et consacre le recours à la visioconférence pour la réunion des instances représentatives du personnel. Sur ce dernier point, la Commission des affaires sociales a souhaité renforcer le cadre prévu pour autoriser le recours à cette modalité dorganisation des réunions : sil est absolument indispensable que les IRP évoluent avec leur temps, ce qui est aussi une garantie de leur dynamisme, il ne semble pas que la décision de recourir à la visioconférence puisse être laissée au seul employeur de la même manière que lorganisation de réunions sous cette forme ne saurait être généralisée, au risque de « casser » le besoin de proximité, de dialogue informel et de débat en amont comme en aval qui est propre à ces instances.

La Commission a, sur ce sujet, souhaité ne pas retenir lune des mesures proposées par le texte de loi concernant le fonctionnement des instances représentatives du personnel : celle consistant à revenir sur le rôle des membres suppléants. La possibilité pour les suppléants dassister aux réunions avec voix consultative apparaît en effet indispensable au maintien de lattractivité de cette fonction ; sa remise en cause affaiblirait considérablement les instances représentatives du personnel, en privant les suppléants de la possibilité de suivre « au fil de leau » la vie de lentreprise et le dialogue qui sy construit.

Enfin, le texte propose dharmoniser certains seuils applicables aux petites et moyennes entreprises en les relevant à 300 salariés, et cela, afin de les mettre en adéquation avec le rôle désormais pivot joué par ce seuil en matière dorganisation de la représentation du personnel en vertu des articles 8 et 9 du projet de loi. Il clarifie également lappréciation du seuil qui permet de supprimer le comité dentreprise en cas de baisse importante et durable des effectifs en deçà de 50 salariés.

6. Une meilleure articulation des informations-consultations du comité d’entreprise et de la négociation annuelle obligatoire

Le rôle vital des représentants du personnel dans lentreprise, et en particulier du comité dentreprise au regard de ses attributions dans le champ économique, a dores et déjà fait lobjet dun renforcement et dune amélioration de son efficacité depuis le début de la législature. En effet, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de lemploi a apporté deux changements majeurs : elle a en premier lieu introduit le principe dune consultation annuelle sur les orientations stratégiques de lentreprise, qui permet au comité dentreprise davoir une meilleure visibilité et donc aussi une meilleure « prévisibilité » sur la marche de lentreprise ; elle a également mis en place une base de données économiques et sociales, accessible à lensemble des représentants du personnel, et qui a vocation à devenir lunique réceptacle de lensemble des données qui doivent être transmises par lemployeur dans le cadre des informations-consultations récurrentes du comité dentreprise. Sagissant de la négociation annuelle obligatoire en entreprise, la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, lemploi et la démocratie sociale a également créé une nouvelle négociation sur la qualité de vie au travail regroupant plusieurs thématiques comme la conciliation des temps de vie ou la prévention de la pénibilité.

Le projet de loi poursuit cette démarche damélioration de lefficacité de la diffusion de linformation et surtout de plus grande efficacité du rôle des représentants du personnel, mais aussi de dynamisation du dialogue social, à travers deux mesures phares.

En premier lieu, lensemble des informations et consultations annuelles du comité dentreprise, au nombre de dix-sept, sont réunies au sein de trois grandes consultations annuelles : la première, sur les orientations stratégiques de lentreprise ; la deuxième, sur la situation économique et financière de lentreprise ; et la troisième, sur la politique sociale de lentreprise, lemploi et les conditions de travail. Il sagit par ce biais de donner du sens au dialogue qui sinstaure à cette occasion dans lentreprise et de lutter contre le risque de saturation de lagenda social des entreprises dont pâtissent autant les employeurs que les représentants du personnel, qui sont trop souvent consultés aujourdhui sur des thématiques qui se recoupent et ne leur offrent pas de lisibilité suffisante.

En second lieu, les négociations obligatoires en entreprise sont également réunies en trois grands moments de négociation : sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans lentreprise ; sur la qualité de vie au travail ; et enfin, de manière triennale, sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

Le texte apporte également, sur ces deux mesures, les éléments de souplesse qui doivent permettre aux entreprises les adaptations nécessaires en fonction de leur profil : ainsi, un accord collectif dentreprise pourra adapter les modalités de lorganisation des trois grandes informations-consultations du comité dentreprise ; par ailleurs, un accord dentreprise majoritaire pourra également modifier la périodicité des trois grandes négociations ou réorganiser la répartition des thèmes de négociation. Seule la négociation sur les salaires pourra, sans délai, redevenir annuelle sur simple demande dune des parties signataires.

Enfin, une dernière mesure est proposée pour favoriser le dialogue social dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Le projet de loi prévoit en effet de favoriser les modalités de ce que lon appelle la « négociation dérogatoire », autrement dit la possibilité de négocier avec des élus du personnel ou avec des salariés mandatés. En effet, en labsence de délégué syndical, les entreprises nont dautre choix que de procéder par voie unilatérale pour prendre des décisions sur la vie de lentreprise. Afin de favoriser au maximum la négociation, le texte instaure une nouvelle possibilité de négocier avec des salariés élus du personnel mandatés ; sagissant de lactuelle négociation avec des élus non mandatés, le texte supprime la validation des accords conclus par eux par une commission paritaire de branche. Enfin, le recours à la négociation avec un salarié mandaté ne sera plus que subsidiaire, autrement dit en labsence d’élus mandatés ou de représentants élus du personnel souhaitant négocier. L’élargissement des voies de négociation en labsence de délégué syndical est bienvenu ; la Commission a toutefois souhaité le maintien des commissions paritaires de branche qui permettent dapporter, en aval, les garanties nécessaires aux accords conclus avec des élus non mandatés en amont par des organisations syndicales.

7. La sanctuarisation de l’existence de règles d’assurance chômage spécifiques aux intermittents du spectacle

Le titre II du projet de loi propose, ensuite, de sanctuariser l’existence de règles spécifiques d’assurance chômage pour les intermittents du spectacle.

Les salariés du secteur du spectacle sont soumis à un régime particulier d’indemnisation au titre de l’assurance chômage, contenu dans les annexes VIII et X au règlement général de la convention d’assurance chômage. Or le contenu de ces annexes, négociées par les partenaires sociaux interprofessionnels, est régulièrement remis en cause par les intermittents du spectacle. Mais par-delà le contenu des annexes, c’est leur disparition même que redoutent les artistes et techniciens du spectacle, car elles ne reposent aujourd’hui sur aucune disposition législative ou réglementaire.

Dans le contexte des tensions du printemps 2014, liées au contenu de la négociation d’assurance chômage du 14 mai 2014, le Premier ministre a souhaité confier en juin 2014 à trois personnalités qualifiées, Mme Hortense Archambault, M. Jean-Denis Combrexelle et à notre collègue M. Jean-Patrick Gille une mission de concertation, afin de désamorcer la crise et de dégager des voies pérennes d’apaisement des tensions.

Les options de réforme retenues par l’article 20 du projet de loi s’inspirent très largement des orientations du rapport de la mission de concertation présenté au Premier ministre le 7 janvier 2015.

La première mesure proposée par l’article est certainement la plus significative : elle inscrit le principe de l’existence de règles spécifiques d’assurance chômage des intermittents du spectacle, tout en rappelant que ces règles doivent respecter les principes généraux d’assurance chômage fixés par l’interprofession. Cette mesure est sans nul doute de nature à apaiser durablement les tensions qui ont émaillé, depuis plus d’une décennie, chaque nouvel épisode de renégociation de l’assurance chômage.

Soucieux d’associer l’ensemble des acteurs concernés par la question de l’assurance chômage des intermittents, le Gouvernement a également proposé dans ce projet de loi une démarche de négociation inédite, consistant à déléguer la négociation des règles d’assurance chômage spécifiques aux organisations représentatives des professionnels du secteur de l’intermittence elles-mêmes, dans un cadre fixé par les partenaires sociaux interprofessionnels. Le dispositif présenté propose également la création d’un comité d’expertise afin d’accompagner et de fournir une assistance technique aux organisations professionnelles durant la phase de négociation.

Enfin, en contrepartie de la reconnaissance de règles spécifiques d’assurance chômage pour les intermittents du spectacle, l’article 20 confie aux organisations représentatives des intermittents le soin d’actualiser les listes des emplois susceptibles d’avoir recours au contrat à durée déterminée (CDD) d’usage.

8. La création d’un compte personnel d’activité pour sécuriser les parcours professionnels

Face au constat de carrières de plus en plus heurtées et d’une précarisation croissante de l’emploi, le Gouvernement s’est donné pour priorité de sécuriser les parcours professionnels, en garantissant à chaque actif des droits sociaux qui lui sont propres et qui ne sont plus seulement liés au contrat de travail.

La création du compte personnel d’activité proposée par l’article 21 du projet de loi constitue à ce titre une avancée majeure. Certes, l’idée d’affecter à chaque actif, dès son entrée sur le marché du travail, un compte mobilisable lors des transitions professionnelles et tout au long de la carrière, n’est pas tout à fait inédite : la création par la loi du 14 juin 2013 du compte personnel de formation (CPF) avait déjà été envisagée comme un moyen de répondre à l’objectif de sécurisation des parcours professionnels.

Mais l’ambition de la démarche entreprise par la création du compte personnel d’activité est encore plus forte. Ainsi, même si la réforme annoncée se ferait – dans un premier temps – à droit constant, les potentialités offertes par ce compte seraient bien plus audacieuses que celles des premiers comptes sociaux à droits portables créés dans notre droit du travail – CPF et compte personnel de prévention de la pénibilité. A minima, le compte d’activité permettrait de réunir au sein d’un portail unique l’ensemble des droits sociaux individuels, de faciliter l’activation de ces droits par leurs titulaires ou encore d’initier, à terme, la fongibilité entre les différents comptes.

Il reste que le périmètre, les principes du compte et ses modalités de mise en œuvre ne font l’objet d’aucun développement dans le cadre du projet de loi. Afin d’associer pleinement les partenaires sociaux à la définition de ces principes, l’article 21 s’en tient en effet à fixer la méthode et le calendrier pour rendre la création du compte effective au plus tard le 1er janvier 2017.

Il prévoit, en premier lieu, le lancement d’une concertation informelle auprès des partenaires sociaux avant le 1er décembre 2015. Cette concertation, qui peut donner lieu à une négociation, sera suivie d’un rapport du Gouvernement d’ici au 1er juillet 2016, sur les modalités de mise en œuvre du compte. À l’issue de ce processus, c’est bien à la représentation nationale qu’il reviendra de déterminer, en fonction des objectifs définis par les partenaires sociaux, les modalités du compte.

La réussite de la création du compte personnel d’activité sera donc in fine conditionnée à la volonté des partenaires sociaux de se saisir de l’opportunité d’enrichir cet outil.

9. Approfondir l’accompagnement des publics les plus éloignés de l’emploi

Dans un marché du travail fragilisé par des carrières heurtées et par le chômage de longue durée, le Gouvernement s’est également donné pour priorité de développer l’ensemble des outils susceptibles d’endiguer ces phénomènes. Le sort des quelque 1,1 million de chômeurs de longue durée – soit quatre demandeurs d’emploi sur dix –, pour lesquels les perspectives de retrouver un emploi s’amenuisent à mesure que le temps passe, est très préoccupant. D’autres publics fragiles sont tout aussi concernés par la question de l’insertion – ou de la réinsertion – professionnelle. Jeunes sortis du système éducatif sans diplôme, personnes souffrant d’un handicap, demandeurs d’emploi peu qualifiés : ce sont autant de publics qui nécessitent un accompagnement personnalisé pour se former, acquérir une qualification, et trouver leur place dans le monde du travail.

C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont pris pour engagement, à l’issue de la Grande Conférence sociale de juillet 2014, de renforcer l’action du Gouvernement en direction des chômeurs de longue durée et des publics éloignés de l’emploi. Intensifier l’accompagnement, ouvrir la formation à chacun et proposer des modalités d’insertion adaptées aux publics les plus fragiles : aucune piste ne doit être négligée.

Ces engagements se traduisent, dans le présent projet de loi, par la réaffirmation des missions de service public de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) qui assure, depuis 1946, une mission indispensable d’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. L’article 22 entend ainsi pérenniser l’action de l’AFPA, alors que l’activité et le financement de l’association ont été fortement ébranlés depuis la régionalisation de la formation professionnelle et son ouverture à la concurrence en 2008.

Si la reconnaissance législative des missions de service public de l’AFPA marque une première étape indispensable à la refondation de l’association, la Commission des affaires sociales a souhaité réaffirmer haut et fort son soutien à cette institution emblématique dans le paysage français de la formation professionnelle. À l’initiative d’un amendement du Gouvernement, elle a donc habilité ce dernier à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires à la transformation de l’AFPA en établissement public industriel et commercial (EPIC) et à la dévolution d’actifs immobiliers de l’État à cet établissement, consacrant ainsi pour de bon la refondation de l’AFPA.

Pour lutter concrètement contre le chômage de longue durée, le ministre du travail, M. François Rebsamen, a par ailleurs annoncé le 9 février 2015 un plan de lutte comprenant une vingtaine de mesures, de nature réglementaire ou législative. L’article 23 est la déclinaison de l’une d’entre elles : il envisage la création d’un contrat de professionnalisation « Nouvelle chance », à destination des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an.

Dans le cadre du dispositif du contrat de professionnalisation, dont les bons résultats en termes d’insertion professionnelle ne se démentent pas, ces demandeurs d’emploi bénéficieront d’une durée de formation prolongée par rapport au contrat de droit commun, afin de leur permettre l’acquisition d’un socle de connaissances et de compétences professionnelles de base indispensable au suivi d’une formation qualifiante.

Partageant la volonté de déployer l’ensemble des instruments susceptibles d’infléchir la courbe du chômage et de favoriser l’insertion et la formation professionnelle, la Commission des affaires sociales a adopté plusieurs amendements qui complètent l’ambition du titre III du projet de loi. À l’initiative d’un amendement gouvernemental, la Commission a ainsi élargi les conditions d’accès aux contrats aidés pour les seniors. Elle a également repoussé de trois années l’échéance de renouvellement de l’agrément des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage au niveau national.

10. La création d’une prime d’activité

Chacun doit pouvoir vivre décemment de son travail. Cet impératif en apparence banal est malheureusement contredit par les faits, puisque notre pays compte 7 à 8 % de « travailleurs pauvres », cest-à-dire de personnes occupant un emploi au moins sept mois dans lannée, mais tirant de leur activité des revenus qui ne leur permettent pas de franchir le seuil de pauvreté, soit 987 euros par mois. Cet état de fait, qui résulte de la précarisation du marché de lemploi depuis une trentaine dannées, entretient et explique le phénomène de « trappe à inactivité » : larchitecture du système socio-fiscal peut avoir pour effet de rendre la prise ou la reprise dun emploi financièrement désincitative, en faisant diminuer ou perdre un certain nombre de prestations sociales, et en déclenchant lentrée dans limpôt sur le revenu.

Il est donc apparu nécessaire dapporter un soutien financier aux personnes disposant de revenus dactivité modestes, à travers deux dispositifs. La prime pour lemploi (PPE), instaurée en 2001, est un crédit dimpôt sur le revenu, assis sur les revenus dactivité individuels à compter denviron 0,3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, et sous réserve que le revenu fiscal de référence du foyer fiscal nexcède pas certains plafonds. Le revenu de solidarité active (RSA), créé en 2008, est une prestation sociale composée de deux volets : le RSA « socle » est un minimum social, qui a succédé au revenu minimum dinsertion, tandis que le RSA « activité » varie en fonction des revenus professionnels, garantissant au bénéficiaire de conserver 62 euros pour 100 euros supplémentaires tirés de son travail.

Chacun de ces dispositifs est affecté de lourds défauts : la PPE, qui peut bénéficier à des personnes appartenant à des ménages aisés du fait de ses modalités de calcul, est en conséquence très disséminée sur l’échelle des niveaux de vie, et son montant moyen est faible (33 euros par mois en 2014) ; plus concentré sur les déciles de niveau de vie modestes, le RSA « activité » souffre surtout dun taux de non-recours très élevé (plus des deux-tiers des bénéficiaires potentiels), qui sexplique notamment par leffet stigmatisant du RSA socle, auquel il est attaché. La coexistence des deux dispositifs, qui se comprend mal sur le plan des principes, est par ailleurs un facteur de complexité, dans un paysage socio-fiscal qui nen a guère besoin.

Tirant les conséquences de plusieurs travaux, dont un rapport remis au Premier ministre en 2013 par le rapporteur, en qualité de parlementaire en mission, le titre IV du projet de loi parachève une réforme densemble engagée avec la suppression de la PPE par la seconde loi de finances rectificative pour 2014. Il sagit en effet de remplacer la PPE et le RSA activité par une nouvelle prime dactivité.

Les principales avancées permises par ce dispositif sont les suivantes :

– ouverture à un public jusqualors exclu, à savoir les jeunes de 18 à 25 ans ;

– individualisation partielle de la prime, qui combinera une base familialisée (comme lactuel RSA activité) et des bonifications individuelles, assises sur les seuls revenus dactivité de chacun des membres du foyer dans lemploi (jusqu’à 67 euros mensuels) ;

– simplification de la « base ressources » soustraite des revenus dactivité du foyer afin de déterminer le montant de la prime, avec notamment lexclusion des ressources « théoriques » (par exemple la détention dun bien immobilier non loué, donc ne produisant pas de revenus) ;

– adoption du principe des « droits figés », garantissant la stabilité du montant mensuel de prime sur tout un trimestre, sans variation mensuelle en fonction de l’évolution de la situation du foyer.

La plus grande attractivité de la prime, la simplification des démarches administratives ainsi que la déconnexion de limage de minimum social du RSA devraient permettre de porter le taux de recours à 50 %. Avec cette hypothèse, la réforme pourrait être conduite à enveloppe budgétaire constante, soit environ 4 milliards deuros (somme de la PPE et du RSA activité).

La prime dactivité sera systématiquement plus favorable à ses bénéficiaires que le RSA activité, et dans la généralité des cas plus favorable que la PPE. Leffort sera davantage concentré sur les premiers déciles de niveau de vie, corrigeant en cela les effets négatifs de la PPE. Ce sont 2 millions de ménages qui devraient bénéficier de la future prime, tandis que 2,5 millions de ménages ne bénéficieront plus de la PPE. Pour autant, ceux-ci ne seront pas nécessairement perdants à la réforme, du fait de la récente refonte du bas de barème de limpôt sur le revenu, qui permet de « rattraper » une partie des perdants spontanés. Selon lhypothèse retenue par le Gouvernement dans l’étude dimpact, 1,2 million de ménages seront gagnants, 825 000 perdants et 2,45 millions peu impactés (gain ou perte inférieur à 1 % de leur revenu) ; le gain moyen (99 euros) devrait être supérieure à la perte moyenne (53 euros).

Tous ces éléments, qui donnent une idée des effets de la réforme, doivent cependant être considérés avec prudence, dans la mesure où les paramètres précis de la prime d’activité seront définis par voie réglementaire, et non dans la loi.

Pour autant, la Commission des affaires sociales a apporté plusieurs modifications dans le texte, notamment les suivantes :

– à linitiative du rapporteur, elle a complété lobjet de la prime dactivité, qui doit non seulement inciter à la (re)prise dun emploi, mais également soutenir le pouvoir dachat des travailleurs modestes ;

– à linitiative du Gouvernement, elle a élargi aux étudiants et apprentis le bénéfice de la prime ;

– elle a renforcé le dispositif de suivi des bénéficiaires, en y intégrant Pôle Emploi et en prévoyant une déclinaison sexuée des informations statistiques ;

– enfin, à la demande du rapporteur, le Gouvernement dressera dans un rapport au Parlement un premier bilan du dispositif, dix-huit mois après son entrée en vigueur.

La création de la prime dactivité est une chance pour les travailleurs modestes. La réussite de la réforme appelle une forte mobilisation des services de l’État et des organismes servant la prime, pour faire connaître le dispositif et assurer au mieux sa gestion ; nul ne doute quils seront au rendez-vous.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS DES PARTENAIRES SOCIAUX ORGANISÉES PAR LA COMMISSION

1. Audition des organisations représentatives des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC)

La Commission des affaires sociales entend des représentants des organisations représentatives des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC) sur le présent projet de loi, lors de sa première séance du mercredi 6 mai 2015.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, adopté en conseil des ministres le 22 avril dernier, nous accueillons ce matin les partenaires sociaux représentants des salariés, qui seront suivis des représentants des organisations patronales. Cet après-midi, nous auditionnerons les deux ministres concernés par ce texte, François Rebsamen et Marisol Touraine.

Nous examinerons ce projet de loi en commission les 19 et 20 mai, et la discussion dans l’hémicycle se déroulera du mardi 26 au vendredi 29 mai.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière (FO). Nous avions indiqué, lors des négociations sur la modernisation du dialogue social, que notre organisation était favorable à l’extension de la délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de deux cents à trois cents salariés. Cependant, compte tenu de ses spécificités et des compétences particulières qui sont les siennes, il ne nous semble pas que doive y être intégré le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Cela ne nous semble, en effet, pas compatible – eu égard notamment aux questions de quorum – avec la réactivité dont doit faire preuve le CHSCT en cas d’accident du travail, de danger imminent ou d’événement grave lié à l’activité de l’établissement et ayant des incidences sur l’environnement ou la santé publique.

Dès lors qu’il y a fusion des moyens, substitution d’une consultation unique à la consultation distincte du comité d’entreprise (CE) et du CHSCT, et enfin expertise commune, ce que propose le projet de loi est moins un regroupement qu’une fusion, laquelle ne s’opère à droit constant ni pour le CHSCT, dont l’intégralité des moyens n’est pas maintenue, ni pour le CE, fragilisé, ni enfin pour la négociation collective dont précisément le caractère collectif se trouve altéré. Dans ces conditions, la mise en place d’une DUP n’est, à nos yeux, qu’un moyen de raboter les prérogatives du CHSCT et du CE.

Le projet de loi soumet, par ailleurs, la consultation du CHSTC aux conditions de délais applicables aux consultations du CE depuis la loi sur la sécurisation de l’emploi, alors qu’il disposait jusqu’à présent du temps nécessaire pour rendre ses avis.

Il renvoie également à un décret en Conseil d’État les conditions dans lesquelles s’effectue l’expertise commune sur des sujets relevant des compétences du CE et du CHSCT : sachant qu’actuellement les expertises du CHSCT sont financées par l’employeur, qu’adviendra-t-il de cette particularité ? Le budget du comité d’entreprise ne doit en aucun cas servir à financer les questions liées à la santé, qui relèvent du seul employeur, lequel a l’obligation de garantir la santé et la sécurité de ses salariés.

Enfin, le cadre de désignation du CHSCT est également modifié. Dorénavant, il ne sera mis en place que dans les entreprises de cinquante salariés ou plus. Dès lors, comment sera assurée la mission de préservation de la santé et de la sécurité des salariés des autres établissements ?

Alors que la DUP voit ses attributions augmenter puisqu’elle intègre celles du CHSCT, le nombre annuel de réunions obligatoires est réduit de douze à six, et les délais de communication de l’ordre du jour sont abaissés de quinze à cinq jours : le nombre de sujets à traiter augmente, mais le temps pour s’en occuper diminue. Il en est de même des moyens. Le projet de loi renvoie à un décret la fixation du nombre de représentants et le volume d’heures de délégation, sans prévoir de minimum. C’est pourtant à la loi de déterminer les principes fondamentaux et de garantir le droit des salariés à participer à la détermination de leurs conditions de travail, et nous ne voudrions pas qu’en fixant un nombre dérisoire de représentants et d’heures de délégation, le décret vide la représentation du personnel de sa substance. Il est donc essentiel que la loi prévoit des garanties minimales.

En matière d’information et de consultation, nous estimons que ne consulter les comités d’établissement qu’une fois la décision prise au niveau du comité central d’entreprise est un élément de fragilisation des CE.

Enfin, nous considérons que le projet de loi, qui supprime le contrôle de la commission paritaire de branche sur les accords passés avec des représentants mandatés en l’absence de délégués syndicaux (DS), conduit au contournement des syndicats. Nous souhaitons donc le maintien des dispositions actuelles.

M. Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la CFTC. La CFTC est globalement favorable au projet de loi, tout en étant consciente que si la modernisation du dialogue social est bonne pour notre économie, elle n’en constitue pas pour autant une révolution susceptible de créer tous les emplois dont nous avons besoin. Ne nous leurrons pas. Les négociations entre partenaires sociaux se sont soldées par un échec, lié sans doute au manque de temps. Un sujet d’une telle importance et d’une telle technicité demande un travail de fond et l’aide d’experts : démonstration a été faite que trois mois ne suffisaient pas pour cela.

On a beaucoup parlé, avant ces négociations, des questions de seuil, mais beaucoup moins après, preuve qu’il s’agissait essentiellement d’une stratégie de communication : les seuils, en effet, comptent pour quantité négligeable dans les problèmes que rencontrent nos entreprises. M. Alexandre Saubot, le représentant du patronat dans la négociation, dont je tiens à saluer ici les qualités de négociateur – c’est un homme avec qui il est possible de parler franchement et, si les négociations ont échoué, ce n’est certainement pas de sa faute –, a récemment expliqué sur BFM TV qu’en tant que chef d’entreprise, le principal problème auquel il était confronté était les 8 200 obligations qu’il devait remplir. Nous avons vérifié : en réalité, il est soumis à 8 900 obligations, dont aucune n’est sociale ; elles sont fiscales et environnementales.

Pour en revenir au projet de loi, nous considérons que la création de commissions paritaires permettant aux salariés des très petites entreprises (TPE) d’être représentés à l’extérieur de l’entreprise est une bonne chose. Se pose néanmoins la question de leur composition. Il est question d’y faire siéger dix représentants des employeurs et dix représentants des salariés, lesquels se répartiraient proportionnellement à l’audience régionale obtenue par leur organisation aux élections professionnelles dans les TPE. Or la CFTC refuse de valider des élections auxquelles ne participent que 10 % des salariés concernés, ce qui s’explique en partie par le fait que nous n’avons pas obtenu des pouvoirs publics de bénéficier de tous les moyens – accès aux médias, panneaux d’affichage – nécessaires à une véritable campagne électorale pour l’organisation de ces élections. Nous demandons donc que sur les dix représentants des salariés, cinq soient issus des organisations syndicales interprofessionnelles représentatives.

Nous pensons, par ailleurs, qu’il conviendrait d’élargir les missions de ces commissions pour y inclure, d’une part, la conciliation qui, organisée au niveau régional, départemental ou au sein du bassin d’emploi, permettrait d’éviter bon nombre de procédures contentieuses, et, d’autre part, la gestion d’œuvres sociales, dont les salariés des TPE ne bénéficient pratiquement pas.

Nous sommes favorables à l’idée de marier dans une DUP, pour les entreprises de cinquante à trois cents salariés, le CE, les délégués du personnel (DP) et le CHSCT, dès lors que sont maintenues dans leur intégralité les missions, les prérogatives et les moyens de ces trois instances : malheureusement, la notion de moyens ne figure pas dans le texte de loi. Cela étant, c’est une mesure de bon sens, tout comme la fusion des instances par accord majoritaire dans les entreprises de plus de trois cents salariés, qui va dans le sens d’une simplification de la représentation.

Nous saluons également la valorisation des parcours professionnels des représentants syndicaux, tout en souhaitant qu’elle soit étendue, au-delà des délégués syndicaux, à l’ensemble des personnes occupant des fonctions de représentation dans l’entreprise.

Enfin, nous ne sommes pas contre la possibilité de faire appel à des représentants mandatés en l’absence de délégué syndical. Cela étant, nous estimons que la négociation doit, à un moment ou à un autre, aboutir devant la commission paritaire de branche, qui joue un rôle de filtre en validant, ou non, les accords atypiques. Certes, toutes ces commissions ne fonctionnent pas, mais celles pour qui c’est le cas ont fait la démonstration de leur utilité. Quant aux branches qui ne sont pas capables de mettre en place des commissions paritaires qui puissent valider ces accords, il n’y a qu’à leur interdire la signature d’accords atypiques !

Quoi qu’il en soit, nous ne doutons pas que ce projet de loi, auquel je redis que nous sommes globalement favorables, pourra être encore amélioré par voie d’amendements.

Mme Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT. Dans le cadre de l’ouverture de la négociation sur le dialogue social, la CFDT avait défini un certain nombre d’objectifs, issus du travail de concertation entrepris par les partenaires sociaux depuis la réforme de la représentativité de 2008. Il s’agissait avant tout de définir ce qu’était le dialogue social pour en accroître la qualité et l’efficacité. Certes, la négociation a échoué, mais la CFDT entend poursuivre à travers ce projet de loi la réalisation de trois de ses objectifs : la représentation effective de tous les salariés dès le premier salarié, grâce à la mise en place des commissions paritaires pour les TPE ; une meilleure appréhension des questions économiques et sociales par les représentants du personnel, l’enjeu étant d’anticiper les projets et leurs conséquences afin de pouvoir peser sur les décisions ; la reconnaissance et la valorisation du fait syndical, dans l’entreprise comme à l’extérieur : il ne peut, en effet, y avoir de dialogue social sans des acteurs de proximité capables de représenter leurs pairs.

Selon les vœux de la CFDT, le projet de loi entérine donc la représentation des salariés des TPE. Nous sommes favorables à une répartition des sièges au sein des commissions paritaires régionales calquée sur l’audience régionale des organisations syndicales, mais nous souhaiterions que soit attribuée à ces commissions une troisième compétence, à savoir la médiation, l’enjeu étant de prévenir les conflits et de faciliter le dialogue entre représentants du personnel et des employeurs.

Nous considérons comme abusif que les membres de la commission n’aient pas accès aux locaux des entreprises, cette restriction ne nous paraissant pas la manière la plus amicale d’engager le dialogue social.

Nous sommes également très attachés à une bonne articulation entre les dispositifs régionaux et les dispositifs de branche – lesquels doivent également être dotés d’une compétence de médiation et s’inscrire dans un périmètre géographique délimité, afin d’éviter qu’opèrent des commissions déconnectées des réalités territoriales. Nous insistons également sur le fait que la protection des représentants des salariés dans ces commissions de branche doit être précisée.

En ce qui concerne le cadre des instances, force est de constater que sa construction résulte d’un empilement de textes successifs et qu’il ne correspond plus à la réalité actuelle des entreprises, notamment à leur organisation juridique, toute la difficulté consistant, pour les représentants du personnel, à être là où se prennent les décisions, c’est-à-dire dans une position centrale, tout en restant proches des salariés qu’ils représentent.

Le texte prévoit un dispositif pour les entreprises de moins de trois cents salariés et un dispositif au-delà, ouvrant la possibilité, dans ce dernier cas, de négocier par accord majoritaire le cadre des instances représentatives du personnel (IRP). La CFDT souhaite que cette possibilité de négociation soit ouverte aux entreprises dès cinquante salariés.

En ce qui concerne les moyens de la DUP, leur définition est renvoyée, pour les entreprises de cinquante à 299 salariés, à un décret. Cela fragilise l’équilibre du texte, dans la mesure où il nous est compliqué de nous prononcer sur un cadre virtuel. Nous souhaitons donc que la loi précise ces moyens, lesquels ne devront en aucun cas être revus à la baisse.

Nous souhaitons également que soit introduite de la souplesse dans l’organisation de ces moyens, notamment par l’annualisation des heures de délégation, leur mutualisation entre les représentants et l’affectation d’un nombre déterminé de ces heures aux échanges entre les représentants du personnel et leur organisation syndicale.

Des doutes planent sur la place des syndicats dans le cadre de la négociation collective. Nous sommes favorables au renforcement du mandatement, et, en l’absence de mandatement – la question étant de savoir comment l’évaluer –, nous préconisons une validation par une commission de branche.

Le texte, enfin, ne dit rien de la mise en place ni du contenu de la base de données économiques et sociales, qu’il faut renforcer par le dialogue, tout comme il faut renforcer la présence des salariés dans les conseils d’administration.

J’ajoute qu’il reste à compléter ce qui touche au financement du dialogue social, en clarifiant notamment le dispositif de subrogation pour les salariés partant en formation syndicale.

Mme Agnès Le Bot, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. Aux yeux de la CGT, ce qui compte, c’est moins d’afficher et de reconnaître la nécessité du dialogue social que de définir les objectifs de celui-ci. La négociation, en effet, a montré que ces objectifs pouvaient diverger selon les uns ou les autres, ce qui fut d’ailleurs une des causes de son échec. Nous sommes donc dans une situation inhabituelle puisque, en dépit de la réforme instaurée par la loi de 2007 sur la modernisation du dialogue social, ce projet de loi ne s’appuie sur aucun accord interprofessionnel préalable.

Pour la CGT, la démocratie sociale doit être un instrument de citoyenneté des salariés, et c’est sur ce point que le projet de loi nous pose quelques problèmes. L’entreprise appartient aussi aux salariés et, si l’on défend le progrès et l’efficacité économique et sociale, l’exercice de la démocratie ne peut s’arrêter aux portes du monde du travail. Pourtant, en dépit des propositions faites par notre organisation lors de la concertation préalable, ce sont bien les objectifs du patronat, ceux-là mêmes qui ont conduit à l’échec de la négociation, que sert ce projet de loi, dont une majorité de salariés et de leurs représentants ne tirera aucun bénéfice, notamment parce que la rationalisation des IRP qu’il organise dans les entreprises de cinquante salariés et plus ne peut que nuire, selon nous, à la qualité du dialogue social.

L’effectivité de la représentation collective dans les entreprises de petite taille, y compris au-delà des TPE, reste incertaine malgré les objectifs figurant dans le document d’orientation. Certes, un pas a été franchi – et nous le saluons – pour les salariés des très petites entreprises, qui, jusqu’ici, avaient seulement le droit de voter pour un sigle syndical tous les quatre ans. Si nous approuvons la mise en place des commissions paritaires régionales et la répartition des sièges en leur sein selon l’audience régionale obtenue par les organisations, il faut, pour réellement garantir ce nouveau droit à la représentation accordé aux 4,6 millions de salariés des TPE, améliorer le dispositif des commissions paritaires interprofessionnelles, ce qui inclut les commissions déjà existantes, lesquelles devront se mettre en conformité avec la loi. Les droits et les moyens des représentants ne peuvent en rester à ce que prévoit le projet de loi. De même, il convient d’élargir les attributions des commissions pour y intégrer l’aide au dialogue social, c’est-à-dire notamment la gestion des conflits, mais aussi des œuvres sociales et culturelles.

En ce qui concerne la valorisation du parcours des élus et mandatés ainsi que la discrimination salariale, le projet de loi comporte des avancées mais doit, selon nous, être amendé sur certains points. Le champ des élus concernés, trop restrictif, doit être élargi, et, dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience, les compétences acquises dans l’exercice de l’activité syndicale doivent être reconnues de la même manière pour tous les élus et mandatés.

Le projet de loi aborde la question de la parité, et nous sommes favorables aux mesures visant à mieux équilibrer les candidatures féminines et masculines aux élections des représentants et des délégués du personnel. J’attire néanmoins votre attention sur la difficulté à constituer des listes syndicales, singulièrement dans les petites entreprises, où nos organisations syndicales sont peu présentes. Il serait souhaitable qu’en la matière le projet de loi nous offre davantage de moyens.

Cela posé, j’en viens aux éléments plus fondamentaux qui font que ce projet de loi est loin de nous satisfaire. Nous considérons, en effet, qu’il ne s’affranchit guère du dogme patronal selon lequel la représentation collective, le droit syndical, les droits et moyens d’intervention des salariés et de leurs représentants sont autant de contraintes majeures pour les entreprises. De ce fait, le CHSCT et sa capacité à jouer pleinement son rôle dans l’amélioration des conditions de travail et la prévention des risques professionnels sont malmenés. Plus globalement, la rationalisation de la représentation syndicale se traduit par un affaiblissement de la capacité d’intervention des salariés sur le travail et sur la marche de l’entreprise, avec, à terme, des dégâts collatéraux plus larges encore.

Comment, où et quand discuter du travail, de son contenu et de son organisation ? Alors que les salariés aspirent à mieux travailler, alors que le travail requiert de plus en plus d’anticipation et de créativité, ce texte n’apporte à ces questions aucune réponse satisfaisante, ce qui risque de coûter très cher, humainement et économiquement, à la société française. L’ensemble des organisations syndicales a construit une feuille de route pour un plan santé tourné vers la prévention et la volonté de transformer le travail afin de ne plus s’y abîmer. La future loi va à contresens de cette ambition. À force de négliger le débat sur la qualité du travail en imposant la précarité, la parcellisation du travail, le mal-travail et son cortège de souffrances, de gâchis, voire de catastrophes – que l’on songe à AZF ou à la SNCF –, c’est l’efficacité de notre économie qui est compromise.

C’est la raison pour laquelle la CGT s’oppose vigoureusement au contenu des dispositions des chapitres III et IV. Elle considère, en effet, que l’élargissement de la délégation unique du personnel aux entreprises de moins de trois cents salariés et l’intégration en son sein des attributions du CHSCT, tout comme la mise en place par accord majoritaire d’une fusion des instances dans les entreprises de plus de trois cents salariés ne font que répondre aux exigences qu’avait posées le MEDEF lors de la négociation en réclamant l’instauration d’une instance unique du personnel.

Avec la tenue d’une réunion commune tous les deux mois au lieu de tous les mois, une expertise commune, un avis unique et un budget commun, la DUP ne constitue nullement à nos yeux un cadre « plus stratégique » et « moins formel », mais une tentative de rationalisation et de centralisation. Les nouveaux dispositifs signifient donc plus d’informations à traiter avec moins de moyens, ce qui est d’autant plus problématique que cette question des moyens est renvoyée à des accords.

En matière d’accords, précisément, nous nous opposons à la logique de primauté des accords d’entreprise et des accords dérogatoires qui sous-tend le texte. Cette question doit faire l’objet d’une véritable évaluation, au regard notamment du sort réservé au principe de faveur.

Enfin, si le projet de loi entend proposer des solutions qui préservent et élargissent les opportunités de négociation tout en garantissant la primauté des organisations syndicales, nous considérons que les dispositions qu’il comporte en ce sens doivent être aménagées.

Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale de la CFE-CGC. Après l’échec d’une négociation rendue impossible par l’affrontement de positions inconciliables entre, d’une part, le patronat qui préconisait une simplification excessive des procédures de dialogue social, et, d’autre part, les syndicats qui souhaitaient son enrichissement, la CFE-CGC salue les efforts de ce projet de loi pour parvenir à une position équilibrée, conforme au document d’orientation issu de la Conférence sociale et dont nous avions approuvé les grandes lignes.

Toutefois, nous restons dans l’attente des décrets d’application qui, seuls, nous permettront de juger de la pertinence des mesures et des moyens mis en œuvre pour favoriser l’expression des salariés et la concertation, au sein des entreprises, entre les élus et la direction. Le renforcement des espaces de concertation, la loyauté des informations et de la consultation, le partage de la stratégie, la démultiplication des avis ne sont pour l’heure que des postulats, dont la concrétisation dépendra de ces décrets. En l’absence de plus de visibilité, la CFE-CGC demeure donc très prudente en l’état actuel du projet de loi, qui comporte, à nos yeux, quelques points faibles et d’autres plus dangereux, porteurs notamment de risques contentieux.

Nous prenons acte du fait que la loi entend développer et favoriser les parcours des militants en valorisant le fait syndical, en posant des règles simples de garanties salariales et en faisant progresser la parité entre hommes et femmes dans les instances de représentation. Toutefois, ces parcours peuvent être améliorés, soit par une évaluation syndicale en fin de mandat, soit par une redéfinition du partage des missions entre le travail et le temps syndical.

Nous sommes favorables à la sanctuarisation des mandats externes. C’est une revendication que nous portons depuis longtemps dans le cadre du dialogue par branche ou du dialogue interprofessionnel. Cette représentation s’effectue actuellement sur les heures de délégation, ce qui signifie qu’elle dépend de la bonne volonté des chefs d’entreprise et de leur propension ou non à donner au dialogue social les moyens de se développer.

Le texte demeure faible sur les administrateurs salariés instaurés par la loi de 2013. Le nombre d’heures de formation dont ils bénéficient reste insuffisant ; par ailleurs, le texte ne fait droit à aucune de nos demandes dans ce domaine, qu’il s’agisse de l’abaissement du seuil des effectifs au-delà duquel un tiers des sièges doit être réservé aux salariés, avec voix délibératives, de la reconnaissance du deuxième collège ou de la participation de ces administrateurs salariés aux holdings de tête dont les effectifs ne dépassent pas cinquante salariés.

Nous approuvons dans son principe l’article 1er. Toutefois, nous ne pouvons cautionner la règle de répartition proportionnelle des représentants selon l’audience obtenue par leurs organisations au niveau régional. Nous considérons qu’il aurait été plus simple, plus juste et plus efficace de s’appuyer sur le système des commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA), qui existe depuis 2001. De même, nous ne pouvons accepter que le nouveau dispositif soit également financé par la taxe de 0,016 % instaurée par la loi de 2014, dans la mesure où son coût n’avait pas été intégré dans les estimations faites à l’époque.

Concernant le rôle des suppléants, sur qui repose la transmission des compétences, nous regrettons que le projet de loi ne prévoie leur présence que lors de la consultation relative aux orientations stratégiques. Il aurait été préférable que ce cantonnement ne soit possible que sur la base d’un accord collectif.

De même, nous estimons que l’affectation d’un seul secrétaire à la DUP est très insuffisante, compte tenu de l’élargissement de ses attributions, qui requièrent des compétences dans des domaines aussi divers que l’économie, l’hygiène ou les conditions de travail et sachant qu’il n’y aura plus qu’un seul ordre du jour, d’autant plus important que l’entreprise comptera de salariés.

Nous regrettons enfin que le texte ne prévoie pas le recours à l’expertise en matière de politique sociale. Pour ce qui relève de la consultation du CE, celle-ci est mise sur le même plan que les orientations stratégiques et la situation économique et financière de l’entreprise, alors qu’il s’agit précisément du domaine dans lequel le dialogue social doit être renforcé.

Notre désaccord est profond, enfin, sur trois points, qui nous semblent particulièrement dangereux :

Premièrement, il est inacceptable de permettre des négociations dérogatoires, avec des élus mandatés ou non, sans que cela soit assorti de précautions.

Deuxièmement, nous ne pouvons accepter, même dans l’hypothèse où cela résulterait d’un accord majoritaire, de déroger à la périodicité de la négociation sur les salaires, qui doit demeurer annuelle. Ce rendez-vous important sur le partage des fruits de l’activité de l’entreprise n’est pas négociable.

Troisièmement, nous regrettons profondément la prépondérance accordée au groupe sur tout autre niveau de consultation. Le rôle du comité central d’entreprise n’étant pas clarifié, le risque est notamment que le dialogue social s’éloigne des réalités du terrain et perde, localement, de son efficacité.

La CFE-CGC souhaite donc que le projet soit amélioré, de manière à renouer avec la philosophie originelle qui l’a inspiré et qui visait à accroître l’efficacité du dialogue social tout en lui conservant sa richesse.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Le projet de loi poursuit trois objectifs. Il entend, d’abord, offrir aux 4,6 millions de salariés des TPE qui en étaient privés des instances de représentation. Il vise, ensuite, à favoriser la reconnaissance des parcours de celles et ceux qui choisissent de s’engager dans l’entreprise, grâce à une meilleure prise en compte des difficultés qu’ils rencontrent. Il veut, enfin, améliorer l’efficacité des IRP dont l’empilement, année après année, a rendu nécessaire un travail de clarification et de simplification – et non de fusion, comme cela a abusivement été suggéré, puisque la nouvelle DUP est mise en place dans le respect des prérogatives des différentes instances qu’elle réunira.

Cela étant posé, ne pensez-vous pas que le regroupement des IRP dans le cadre des DUP permettra, pour la première fois, d’évoquer dans une même instance les questions de stratégie et les questions financières en même temps que les conditions de travail, dont on ne voit pas pourquoi elles seraient déconnectées des autres enjeux de l’entreprise ?

En ce qui concerne la question des moyens, l’annualisation et la mutualisation des heures de délégation, qui devraient permettre un gain de temps supplémentaire de l’ordre de 15 %, vous paraissent-elles intéressantes et, le cas échéant, faut-il les encadrer ?

Quelle est la position de vos organisations syndicales au sujet des seuils déterminant la présence d’administrateurs salariés dans l’entreprise ?

Vous avez fait part, les uns et les autres, de vos craintes de voir les organisations syndicales mises sur la touche lorsque, en l’absence de délégué syndical, il est fait recours au mandatement. Avez-vous des propositions précises à faire, sachant que toutes les branches ne sont pas dotées de commissions de contrôle, lesquelles par ailleurs ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante ?

La question des suppléants constitue un point de friction dans les échanges avec le Gouvernement, dont l’un des arguments consiste à rappeler que les suppléants des élus politiques ne siègent pas à leurs côtés. Quelles raisons pouvez-vous avancer a contrario pour justifier le maintien de leur présence dans les différentes instances ?

M. Michel Liebgott. Député de Florange j’ai acquis, lors de l’affaire ArcelorMittal, la certitude qu’il était essentiel de reconnaître les salariés des PME. En effet, en cas de conflit de ce type, les salariés des grandes entreprises s’en sortent plutôt bien – en l’occurrence, il n’y a pas eu de plan social –, tandis que les premières victimes sont généralement les intérimaires ou les salariés des entreprises sous-traitantes, qui servent souvent de variables d’ajustement. D’où l’importance de ce projet de loi, d’autant plus essentiel que la France compte un grand nombre de TPE et que nous sommes malheureusement encore très loin du modèle allemand, caractérisé par une plus forte proportion d’entreprises moyennes, des syndicats beaucoup plus forts et une vraie politique de codétermination – Mitbestimmung.

Il faut interroger ici la volonté des uns et des autres, celles des politiques comme des partenaires sociaux. Depuis deux ou trois ans se succèdent des négociations entre organisations patronales et syndicales. Qu’elles aboutissent ou non, le Parlement a toujours pris ses responsabilités, en adoptant notamment la loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013 ou la loi sur la formation professionnelle. En ce qui concerne le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, force est de constater que c’est le patronat qui a rompu, accroché à des exigences démesurées et plus favorable à l’idée d’un contrat d’entreprise qu’à celle d’un échange équilibré entre patronat et salariés.

Pour autant, les choses bougent. Environ 36 000 accords d’entreprise et 951 accords de branche sont passés chaque année, ce qui prouve qu’il y a dans notre pays une vie syndicale. Tout l’enjeu aujourd’hui est de la dynamiser. À quelques nuances près, vous ne semblez pas, dans l’ensemble, hostiles aux mesures proposées. Quelques points feront davantage débat, comme la place du CHSCT, mais l’on peut considérer que le fait que le CE se penche désormais sur les questions ayant trait aux conditions de travail constitue un progrès.

Pourquoi ne pas confier, en effet, aux commissions paritaires régionales un rôle de médiateur ?

Je suis d’accord sur le fait qu’il faut améliorer la banque de données économiques et sociales.

La question des administrateurs salariés mérite que nous nous battions pour faire aboutir vos revendications et mettre un terme au comportement parfois inacceptable de certaines grandes entreprises. Sur d’autres sujets, comme l’accès des membres de la commission paritaire aux locaux des entreprises, il faudra sans doute plus de temps.

Le statut des suppléants, enfin, est un sujet complexe, qui mérite un vrai débat, sachant que la question des suppléants devient secondaire lorsque, dans certaines entreprises – plus de la moitié des PME –, il est déjà difficile de trouver des représentants syndicaux.

M. Gérard Cherpion. Ce texte comporte un certain nombre d’avancées, notamment pour les 4,6 millions de salariés à qui il offre une représentation.

Monsieur Thouvenel, à vous entendre, les seuils ne constituent pas véritablement un frein au développement de l’entreprise. Il me semble néanmoins qu’il faudrait s’interroger sur leur nombre et réfléchir à un éventuel lissage.

Pour ce qui concerne la mutualisation des moyens, doit-elle être interne à l’entreprise ou s’opérer sur un périmètre plus large ?

La désignation des représentants des salariés des TPE dans les commissions paritaires est complexe. Vous semblez diverger sur la question de savoir si cette désignation doit s’effectuer uniquement parmi les organisations représentatives au niveau national. Sans doute pourrait-on imaginer qu’une partie des représentants émanent de ces dernières, l’autre partie reflétant l’audience des organisations syndicales locales. Pourriez-vous préciser vos souhaits en la matière ?

En l’absence de délégué syndical, possibilité est ouverte de négocier avec les élus du personnel. Faut-il obligatoirement passer au préalable par l’étape du mandatement ? N’est-ce pas créer de nouvelles difficultés ? Par ailleurs, le champ de la négociation est-il identique selon qu’un élu est mandaté ou non ?

Aucun d’entre vous n’a évoqué la réforme de la représentativité patronale ni le régime des intermittents du spectacle. Avez-vous un avis ?

J’aimerais, enfin, des précisions sur la manière dont vous envisagez l’information et la consultation des organisations. Ni vos positions ni celle inscrite dans le texte ne me paraissent très claires.

M. Francis Vercamer. Le projet de loi est une forme de réponse du Gouvernement à l’échec de la négociation des partenaires sociaux sur le document d’orientation remis par le ministre du travail aux huit organisations syndicales et patronales représentatives en juillet 2014. Ce document d’orientation dressait un constat critique sur la qualité et l’efficacité du dialogue social, pointant notamment les effets négatifs induits par les seuils et dénonçant la sédimentation dans le temps d’un nombre conséquent de règles et d’obligations aboutissant à construire un cadre global complexe, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Selon vous, les réponses apportées par ce texte à ces difficultés sont-elles satisfaisantes ?

Les entreprises de quarante-neuf salariés sont deux fois et demie plus nombreuses que celles de cinquante salariés. D’aucuns imputent cet écart aux effets de seuil. Selon vous, l’extension de la DUP est-elle de nature à remédier à cette situation ? Dans le cas contraire, quelles mesures envisageriez-vous ?

Une mission sur la place donnée à l’accord collectif par rapport à la loi dans le droit du travail vient d’être lancée. Considérez-vous qu’une inversion de la hiérarchie des normes serait susceptible d’améliorer la qualité du dialogue social ? Ne serait-ce pas contradictoire avec l’article 13 de la loi, qui supprime l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur les accords collectifs ?

Vous n’avez guère évoqué l’article 21, qui crée le compte personnel d’activité. La loi prévoit qu’une concertation sera engagée avant la fin de l’année avec les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Quels avantages et quels inconvénients voyez-vous à cette solution ? N’est-ce pas prendre les choses à l’envers puisque, d’ordinaire, on interroge les organisations syndicales avant d’élaborer un projet de loi ?

Enfin, vous n’avez pas non plus évoqué la création de la prime d’activité. Ne risque-t-elle pas d’entraîner des effets d’aubaine et d’aboutir à un tassement des salaires autour du revenu minimum ? Quelles sont les mesures qui, selon vous, permettraient de favoriser l’emploi des jeunes ?

M. Christophe Cavard. Notre groupe est très favorable à toutes les mesures permettant d’améliorer le dialogue social. Depuis 2012, nous avons eu à nous saisir de deux projets de lois qui découlaient d’accords nationaux interprofessionnels, ce qui rendait le travail législatif délicat, puisqu’il s’agissait d’amender le texte sans toucher aux équilibres définis par les partenaires sociaux.

La situation aujourd’hui est quelque peu différente puisque ce projet de loi nous parvient dans la foulée de négociations qui ont échoué, ce qui modifie la nature de notre travail de législateur. Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer dans le travail qui s’amorce ? Plus généralement, considérez-vous que ce projet de loi améliore la représentation syndicale, sachant que les outils qu’il propose doivent s’inscrire dans une logique où, loin de s’opposer, salariés et employeurs doivent concourir ensemble à la réussite de leur entreprise ? C’est, en tout cas, dans cet esprit que nous l’abordons, sur le modèle de ce qui se pratique dans le secteur de l’économie sociale.

Concernant plus précisément les commissions paritaires régionales, on a compris leur intérêt pour les petites entreprises, mais quel est votre sentiment sur leur fonctionnement et la manière dont elles pourront atteindre l’objectif que leur assigne le texte ?

Comment faire en sorte que les instances regroupées dans la DUP fonctionnent correctement – je pense en particulier aux CHSCT et aux missions particulières qu’ils assument ?

Nous sommes très conscients du rapport de force déséquilibré qui existe entre les salariés et leur employeur, et nous serons donc particulièrement vigilants sur la question des moyens donnés à la représentation, notamment le droit à l’expertise et son financement qui font ici débat, alors même que ce droit à l’expertise ne devrait pas être considéré par les employeurs comme une contrainte mais comme une plus-value.

En tant que représentants syndicaux, vous êtes impliqués dans la gestion de l’UNEDIC ; que pensez-vous des mesures incluses dans le titre II sur le régime des intermittents du spectacle ?

Mme Dominique Orliac. Les députés du groupe RRDP sont extrêmement attachés à la qualité du dialogue social. Le texte entend valoriser les expériences des délégués syndicaux, et son article 4 vise à « lutter contre la pénalisation des représentants du personnel et syndicaux en matière de rémunération ». Il propose pour cela d’instaurer un mécanisme qui garantit au salarié de bénéficier, au cours de son mandat électif ou syndical, d’une augmentation au moins égale à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par des salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable. Cette mesure concernera tous les représentants du personnel dont les heures de délégation dépassent 30 % de leur temps de travail. De plus, à chaque début de mandat, le représentant du personnel ou le délégué syndical devra bénéficier d’un entretien individuel avec son employeur sur les modalités de son mandat. Enfin, les listes aux élections professionnelles devront comporter une proportion de femmes et d’hommes qui reflète leur proportion respective dans les collèges électoraux. Le non-respect de cette obligation entraînera l’annulation de l’élection du ou des candidats du sexe surreprésenté. Que pensez-vous de ces dispositions ? Comment procédez-vous à l’heure actuelle pour ne pas être pénalisés, ou le moins possible, par vos engagements personnels dans des mandats électifs ? Au-delà de la parité, réfléchissez-vous aux moyens de faire place aux jeunes sur les listes aux élections professionnelles ? Enfin, comment pensez-vous inciter les salariés à voter plus massivement ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je pense qu’il est, en effet, nécessaire de revoir les conditions du dialogue social, et ce à tous les niveaux. De ce point de vue, on peut regretter que ce texte n’ait pas davantage d’envergure. Développer le dialogue social implique de le moderniser et d’en clarifier les objectifs.

Comme Christophe Cavart, je pense que ce texte ne corrige pas suffisamment les déséquilibres induits dans le dialogue social par les rapports de subordination entre l’employé et l’employeur. Il faut néanmoins mettre à son actif les efforts faits en faveur de la représentation des salariés des TPE à travers la mise en place des commissions paritaires régionales. Certes, le dispositif mérite des améliorations : le nombre d’heures de délégation reste insuffisant, comme les prérogatives attribuées à ces commissions puisque vous semblez tous vous accorder sur le fait qu’elles doivent pouvoir assumer des fonctions de médiation. En outre, sans doute ses membres devraient-ils se voir attribuer les mêmes droits que les représentants du personnel. Enfin, se pose la question de leur accès aux locaux des entreprises.

Vous nous avez fait part de vos réticences, voire de votre opposition aux DUP élargies. Elle se focalise en particulier sur le statut du CHSCT, dont les prérogatives sont très spécifiques et primordiales pour les salariés. Je partage l’idée que cette instance doit garder toute son importance au sein de l’entreprise. On peut fort bien imaginer que l’ensemble des instances représentatives se saisissent des questions de santé et de conditions de travail sans pour autant fondre le CHSCT dans la DUP.

Je partage également vos inquiétudes au sujet des moyens dont seront dotées ces DUP. Le texte n’est pas très précis sur ce point, qui fait l’objet d’une divergence d’appréciation entre les organisations syndicales et le Gouvernement, puisque l’étude d’impact affirme, à la page 78, que « en cohérence avec les heures de délégation présentées ci-après, les moyens de la DUP élargie seraient donc du même ordre de grandeur que la situation actuelle DUP + CHSCT ». La phrase est certes au conditionnel et il n’est question que d’ordre de grandeur, mais les organisations syndicales ont une appréciation différente de la situation. Or, en théorie, les évaluations devraient aboutir mathématiquement au même résultat : les méthodes de calcul employées par les uns et par les autres sont-elles différentes ?

Enfin, l’article 20, consacré au régime des intermittents, prévoit la création d’une liste des métiers éligibles aux CDD d’usage. Cette disposition vous paraît-elle une bonne manière de lutter contre le recours abusif aux contrats précaires ?

M. Denys Robiliard. Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je renonce à ma question, préférant laisser aux intervenants le temps de nous répondre.

Mme Isabelle Le Callennec. Le fait que les partenaires sociaux ne soient pas parvenus à un accord m’inquiète. La cause en est que les organisations salariales et les organisations patronales ne partagent toujours pas les mêmes objectifs et n’ont pas la même définition de l’efficacité du dialogue social. Malheureusement, je crains qu’en tentant d’organiser en détail les modalités de ce dialogue, ce projet de loi ne le rende encore plus complexe. Il évite surtout soigneusement de poser la question du faible taux de syndicalisation des salariés. Si les salariés avaient la certitude de pouvoir s’emparer des réalités économiques et sociales, d’anticiper et de peser sur les décisions, sans doute seraient-ils davantage motivés, à condition toutefois que le dialogue social ait lieu le plus souvent possible au sein de chaque entreprise, puisqu’en fonction des secteurs d’activité et de la taille de l’entreprise, les besoins ne sont pas les mêmes.

Nous avons entendu vos revendications, dont nous tiendrons compte lors de l’examen du texte par notre commission. Vous avez souligné que cette loi n’allait pas révolutionner l’emploi dans notre pays. La loi Macron n’étant pas non plus la loi du siècle, comment allons-nous régler le problème de nos 3,5 millions de chômeurs ?

Vous n’avez pas évoqué le compte personnel d’activité, qui a pourtant été vanté par le Président de la République comme un droit nouveau pour les salariés. Est-ce à dire que vous n’accordez pas le même crédit à cette mesure ?

De même, vous n’avez rien dit de la fusion entre la PPE et le RSA-activité, qui va pourtant exclure de nombreux ménages de la classe moyenne de l’ancien dispositif de la PPE. On ignore toujours, par ailleurs, si les étudiants et les apprentis seront inclus dans le dispositif. Qu’en pensez-vous ?

Mme Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT. Un des enjeux de ce projet de loi est notamment le regroupement des IRP. La CFDT n’est pas attachée à l’organisation actuelle des IRP, qui n’est pas toujours adaptée à la réalité des entreprises. Le problème est que le nouveau cadre proposé par ce texte risque de ne pas l’être non plus.

Pour autant, le cadre ne fait pas tout. À partir des règles qu’il établit, il appartient aux représentants du personnel et aux employeurs de définir, au sein de chaque entreprise, un mode de fonctionnement propre des instances représentatives. Le véritable enjeu aujourd’hui est de parvenir à articuler les questions sociales, économiques et environnementales, traitées séparément par les différentes instances. Le CE, par exemple, a déjà des prérogatives en matière de conditions de travail et d’organisation de celui-ci, mais elles ne sont pas de même nature que celles du CHSCT. Pour ce qui concerne la CFDT, ce travail de coordination se fait dans le cadre des sections syndicales d’entreprise, sachant néanmoins que, bien souvent, les décisions du CHSCT sont subordonnées aux décisions économiques et financières prises dans une autre instance.

Le regroupement des instances n’est pas forcément un problème, mais la capacité des mandatés à assumer un nombre très important de missions dépendra de la façon dont fonctionnera la future DUP élargie. Le fonctionnement du CHSCT est particulier, dans la mesure où, du fait de la responsabilité de l’employeur, qui a une obligation de résultat en matière de sécurité, son travail est basé sur la coconstruction, ce qui influe sur les relations sociales au sein de cette instance. Il faudrait que ce mode de fonctionnement puisse s’étendre aux questions économiques, domaine dans lequel les représentants du personnel ont tendance à être considérés comme des intervenants moins légitimes. Il y a là un réel enjeu, dont nous avons commencé à nous saisir avec l’accord sur la sécurisation de l’emploi.

En ce qui concerne l’annualisation et la mutualisation, je ne partage pas l’analyse selon laquelle elles augmenteraient de 15 % les heures de délégation. Aujourd’hui, il existe un nombre défini d’heures de délégation. Ces heures doivent être prises mensuellement et ne peuvent être mutualisées que dans le cadre du CHSCT. Le fait de les annualiser permettra simplement aux militants et aux représentants du personnel de prendre l’ensemble des heures qui leur sont allouées. Actuellement, on estime à 30 % le taux d’heures de délégation non utilisées, soit à cause des congés d’été, soit du fait des contraintes d’organisation du travail, soit encore parce que certains employeurs déploient des stratégies visant à empêcher les militants de prendre toutes leurs heures. Nous demandons donc non seulement que les moyens horaires soient maintenus mais également qu’ils puissent être mutualisés, c’est-à-dire répartis entre les représentants, et annualisés. Cela permettrait une meilleure visibilité et simplifierait la vie des entreprises, en substituant à un suivi mensuel de ces heures un suivi annuel. Pour éviter que des représentants ne prennent toutes leurs heures d’un coup, on peut envisager de fixer un plafond limitant à une fois et demie ou deux fois le quota mensuel le nombre d’heures de délégation pouvant être utilisées sur un mois.

Pour ce qui concerne les suppléants, leur statut est différent en fonction des instances : les DP suppléants ne siègent pas, tandis que les suppléants au CE le peuvent. Cette possibilité est précieuse aux yeux des organisations syndicales car, non seulement elle permet à ces suppléants d’acquérir une bonne connaissance des dossiers, mais elle constitue de surcroît une première étape vers la prise d’un mandat. C’est un moyen de pousser les jeunes vers les organisations syndicales et les instances du personnel en leur mettant le pied à l’étrier et en leur offrant une sorte de formation continue, à laquelle ils n’ont pas accès aujourd’hui.

La CFDT n’est pas favorable à l’inversion de la hiérarchie des normes. Si nous considérons qu’il faut donner de la marge de manœuvre aux entreprises, les accords d’entreprise doivent s’inscrire, selon nous, dans le cadre défini par la loi ou les accords de branche.

Nous sommes, par ailleurs, extrêmement attachés à préserver le rôle des organisations syndicales dans le dialogue social, qu’il s’agisse de la négociation collective ou de la représentation du personnel. Dans cette optique, le fait que les représentants soient mandatés par une organisation syndicale est pour nous une garantie, non seulement sur le contenu de la négociation mais également sur le fait que le mandaté sera correctement accompagné par l’organisation qui l’a désigné.

En l’absence de mandatement et si la négociation est menée par des élus non syndiqués, nous recommandons un minimum de contrôle social, lequel peut être assuré par des commissions paritaires de validation des accords. Certes, celles-ci, quand elles existent, ne fonctionnent pas toujours bien, souvent du fait des organisations patronales, mais les maintenir peut être un moyen d’inciter les employeurs à considérer que leur intérêt est plutôt d’avoir recours à un salarié mandaté qu’à un élu non syndiqué.

La CFDT est très attachée à ce que les représentants respectent la parité et s’est d’ailleurs dotée en interne d’un plan d’action Mixité.

Vous nous avez interrogés sur la manière d’inciter les salariés à voter massivement. Si le nombre de salariés syndiqués est ce qu’il est dans notre pays, je rappelle néanmoins que la participation aux élections professionnelles est supérieure à 60 %, soit une forte mobilisation, et que, par ailleurs, l’action des organisations syndicales bénéficie à l’ensemble des salariés, qu’ils soient syndiqués ou non. C’est ainsi que 93 % d’entre eux sont couverts par une convention collective. Cela est rarement mis en avant, ce qui plaide pour une meilleure valorisation de l’action syndicale.

Nous sommes favorables à la création de la prime d’activité. Quant au compte personnel d’activité, il s’est invité de façon un peu surprenante dans ce projet de loi. Nous y sommes également favorables, à condition toutefois que nous prenions le temps de discuter de ce qu’il contiendra.

En ce qui concerne les intermittents, je ne reviendrai pas sur la question de la représentativité patronale, qui a fortement perturbé les dernières négociations. Nous sommes opposés aux dispositions portées par ce projet, car elles remettent en cause la solidarité interprofessionnelle du régime d’assurance-chômage. La CFDT défend la sécurisation des parcours et refuse de voir sanctuariser dans la loi un modèle qui risque d’aboutir à une généralisation de la précarité. En outre, nous nous interrogeons sur la manière dont seront désignées les organisations syndicales et patronales représentatives de l’ensemble des professions du spectacle.

Mme Agnès Le Bot, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. En théorie, nous considérons que traiter conjointement, au sein d’une même instance représentative, des questions liées au développement économique et financier de l’entreprise et celles qui touchent à la santé au travail est une bonne chose. Cependant, l’entreprise n’est pas le monde des Bisounours, même quand les IRP y fonctionnent correctement, et la logique de rationalisation qui sous-tend ce projet de loi risque d’aboutir progressivement au passage à la trappe des questions de santé au travail et de conditions de travail. J’en veux pour preuve mon expérience de DUP dans ce qui était à l’époque le plus grand multiplexe cinématographique de France, avec cent cinquante salariés, où il a fallu l’intervention du CHSCT pour pouvoir protéger les deux salariés qui fabriquaient le pop-corn et qui se brûlaient car ils étaient mal équipés. S’il veut être porteur de progrès dans l’entreprise et dans la société, le dialogue social ne peut faire l’impasse sur ces questions. Nous ne considérons donc pas ce projet de loi comme un texte équilibré. Si nous saluons les avancées accomplies en matière de représentation collective des salariés des TPE, les autres dispositions concernant les IRP font que, globalement, il n’est pas bénéfique pour la majorité des salariés.

Nous demandons que l’annualisation et la mutualisation des heures soient possibles, entre titulaires mais aussi entre titulaires et suppléants, afin d’éviter qu’elles soient perdues ou mal utilisées. Nous ne sommes pas opposés à ce que cette mesure soit assortie de garde-fous, pour empêcher que toutes ces heures soient utilisées en une seule fois.

En ce qui concerne le mandatement, nous considérons que c’est aux délégués syndicaux qu’il revient en priorité de négocier les accords d’entreprise, dans la mesure où les organisations syndicales sont légitimées par le vote des salariés et qu’elles négocient en leur nom à tous. En l’absence de délégué syndical, cette mission pourra être confiée à un représentant du personnel, mandaté par les organisations syndicales, comme ce fut le cas lors des négociations sur les 35 heures. Nous y voyons un moyen de renforcer la présence syndicale dans les entreprises, ce qui est l’un de nos combats.

On parle beaucoup des effets de seuil, qui font l’objet d’une multitude d’études, dont certaines proprement abracadabrantes. Je vous renvoie, pour ma part, à celle de l’INSEE, qui démontre que les seuils sont sans effet sur les créations ou les suppressions d’emploi. Aborder le dialogue social à travers ce seul prisme risque donc de nuire à son efficacité et de nous détourner de nos objectifs.

Permettre aux suppléants des représentants du personnel et des délégués du personnel d’assister aux réunions plénières est extrêmement important pour le bon développement des IRP. Les suppléants, en effet, qui sont appelés pour certains à devenir titulaires, ont besoin de se former. Cela garantit, en outre, la continuité des actions menées par ces instances. Nous déplorons donc que certains abordent le dialogue social par le petit bout de la lorgnette en ne se focalisant que sur le coût que représentent ces suppléants, au lieu de considérer ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise, aux salariés comme aux employeurs.

Nous avons fait plusieurs propositions visant à améliorer le fonctionnement des commissions paritaires mises en place pour la représentation des salariés des TPE. La région nous paraît un cadre trop large, peu propice à la proximité avec les TPE, qui ont un fort besoin de dialogue social. Ces commissions doivent pouvoir traiter de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) et disposer de plus de moyens, le projet de loi limitant à cinq heures par mois, au-delà du temps de présence en commission, le temps alloué à leurs représentants. Les organisations syndicales doivent faire en sorte de réfléchir à la manière de se déployer au mieux, dans le cadre de ces instances, en direction des TPE, mais cela exige de faire évoluer leur statut pour que leurs représentants aient un vrai rôle de DP et que la concertation puisse s’organiser au mieux lorsqu’un salarié porte réclamation.

En matière de hiérarchie des normes, nous prenons acte du fait qu’une mission sur le sujet vient d’être confiée au président de la section sociale du Conseil d’État. Il est grand temps, en effet, de procéder à une évaluation des effets induits sur les garanties individuelles et collectives par le mouvement d’inversion de la hiérarchie des normes et la multiplication des accords dérogatoires à l’œuvre dans notre pays depuis un quart de siècle. Une grande majorité de salariés est encore couverte par des conventions collectives, mais celles-ci peinent à produire de la norme du fait de leur trop grand nombre – c’est la raison pour laquelle la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) réfléchit actuellement à un regroupement des branches professionnelles. Dans une économie comme la nôtre, caractérisée par une forte hétérogénéité et une importante interdépendance des entreprises, l’accord d’entreprise ne peut être considéré comme l’alpha et l’oméga de la construction de normes sociales. Au contraire, au lieu de contribuer à renforcer les garanties collectives, il contribue, selon nous, à les émietter.

Les organisations syndicales font preuve d’un certain volontarisme pour accroître la participation des salariés aux élections professionnelles, sachant néanmoins que, là où il existe des IRP, la participation est déjà supérieure à 60 %, preuve que les salariés nous reconnaissent un rôle utile. En matière de mixité des listes, nous pensons que, sans dénaturer l’objectif de la parité, un peu de souplesse est nécessaire dans le dispositif, en particulier pour les TPE, où il est parfois difficile de constituer des listes syndicales – nous vous ferons des propositions en ce sens.

La CGT a joué un rôle actif pour trouver une issue au conflit des intermittents. Nos organisations divergent sur ce point, mais nous sommes, pour notre part, satisfaits par les dispositions du projet de loi, notamment l’officialisation du comité d’expertise.

Notre avis sur la prime d’activité est, en revanche, mitigé, car cette mesure risque de passer à côté de ses objectifs : il y a peu de chance en effet que, à budget constant, cette prime améliore la situation des salariés. Nous estimons que la question doit être abordée de manière plus globale, dans le cadre d’une conférence sociale sur l’emploi et les salaires.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière (FO). Le fait que, dans notre pays, un accord national interprofessionnel couvre l’ensemble des salariés et qu’un accord de branche couvre l’ensemble des salariés de la branche n’incite pas forcément les salariés à se syndiquer. Cela étant, le taux de syndicalisation est également tombé à 17 % en Allemagne et il est en diminution dans d’autres pays où représentation et adhésion syndicales sont liées.

À notre sens, le mandatement n’est pas de nature à améliorer cette situation, et il est contraire au principe selon lequel sont légitimes les organisations majoritaires issues des élections professionnelles. Nous considérons donc qu’il est préférable de s’orienter vers des mesures susceptibles de conforter la présence syndicale dans l’entreprise, et c’est dans cette optique que nous avons saisi le Comité de la liberté syndicale de l’OIT sur la possibilité de rétablir, ainsi qu’il en avait fait la demande au Gouvernement, la libre désignation du délégué syndical, conformément à la convention n° 87 de l’OIT. Le Gouvernement n’a, pour l’heure, pas répondu, ce dont lui donne pourtant l’occasion ce projet de loi.

Nous ne sommes pas défavorables aux DUP dans la mesure où les instances qu’elles regroupent conservent leurs prérogatives. En revanche, ce que propose ce projet de loi s’apparente davantage à une fusion qu’à un regroupement puisque les IRP ne conservent pas leurs moyens, un titulaire étant, par exemple, remplacé par deux suppléants, lesquels ne siègent pas. Les CE doivent gérer une multitude d’informations liées à l’incessante mise en œuvre de dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles, à quoi s’ajoutent leurs activités sociales et culturelles, ainsi que la tenue de diverses commissions obligatoires. Ils ont donc besoin de moyens humains, et leurs tâches sont d’ordinaire réparties entre titulaires et suppléants.

En ce qui concerne les heures de délégation, leur mutualisation n’engendre aucun coût supplémentaire puisque ce que nous réclamons, c’est une mutualisation annuelle, permettant d’utiliser les heures qui ne le seraient pas pour cause de congés annuels ou de congés maladie.

Notre organisation est très attachée à la hiérarchie des normes, qui protège l’ensemble des salariés. Au sein de l’entreprise, les négociations pour aboutir à un accord sont parfois difficiles. Par ailleurs, en 2013, 123 000 procès-verbaux de carence ont été dressés à l’occasion des élections, soit autant d’entreprises dépourvues d’IRP auxquelles il faut ajouter celles, nombreuses, qui devraient organiser des élections mais ne le font pas. On ne peut donc parler d’égalité de droits entre les salariés. La hiérarchie des normes est donc, à nos yeux, essentielle pour protéger les salariés, a fortiori lorsque, dans un contexte difficile qui donne lieu à des négociations tendues, ceux-ci peuvent se trouver exposés à des formes de chantage, auxquelles ils sont d’autant plus vulnérables qu’ils n’ont pas de couverture syndicale.

Dire que les seuils existant en matière de représentation des salariés posent problème relève de l’idéologie. D’ailleurs, la question n’a guère été abordée par les organisations patronales lors de la négociation sur la modernisation du dialogue social. En réalité, ce sont les seuils administratifs et la paperasserie qu’ils entraînent qui sont problématiques ; c’est donc au Gouvernement et non aux partenaires sociaux d’y remédier.

Nous ne sommes pas défavorables à la prime d’activité. Quant au compte personnel d’activité, nous n’avons pas assez d’éléments pour pouvoir nous prononcer : quoique l’idée soit intéressante, nous restons prudents.

Nous insistons sur le rôle que doit conserver le CHSCT au sein de la DUP. Il n’est pas question qu’il ne puisse plus s’emparer des problèmes touchant à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, qui relèvent de la responsabilité de l’employeur et dont l’assurance maladie ne doit pas avoir à assumer les conséquences. Le CHSCT doit garder intactes ses facultés d’investigation, ce que semble compromettre la mise en place d’une expertise commune entre les différentes instances : en effet, le CE quand il cherche à s’informer sur la situation générale de l’entreprise et sa stratégie, fait appel à des experts-comptables, tandis que le CHSCT s’en remet à des médecins du travail, à des experts en santé et en organisation du travail, dans un champ distinct. Dans un contexte économique difficile, marqué par une recrudescence des risques psychosociaux et de la souffrance au travail, nous refusons que le CHSCT soit mis en difficulté et qu’il perde sa capacité à agir dans l’urgence. S’il est inclus dans la DUP, il doit garder sa personnalité juridique et morale.

La représentation des salariés des TPE figurait parmi nos demandes. Cependant, telles qu’elles sont conçues, nous craignons que les commissions paritaires ne puissent pas obtenir les résultats escomptés. Cantonnées à un rôle d’information et de conseil, qui plus est à l’échelle régionale – dans treize régions élargies –, et leurs représentants ne disposant que de cinq heures de délégation, elles risquent fort de ne pouvoir appréhender correctement les problématiques des TPE. Que penser enfin du fait que l’accès des entreprises soit interdit à leurs membres : c’est inimaginable ! Nous réclamons que ces commissions soient des instances de conciliation, ce qui a tout son sens lorsqu’on sait que 80 % des recours devant les prud’hommes émanent de salariés de TPE et qu’ils sont souvent liés à des questions d’interprétation de la convention collective. Elles doivent aussi pouvoir proposer aux salariés des activités sociales et culturelles. Quant à leur composition, nous sommes favorables à un panachage entre représentation nationale et représentation régionale. Quid, en effet, des régions, comme la Corse ou les DOM, où il n’y a pas d’organisations syndicales représentatives au niveau national ?

En ce qui concerne la mixité, nous considérons qu’en proposant une mesure répressive plutôt qu’incitative – par exemple, une augmentation des heures de délégation –, le texte ne va dans le bon sens : il n’est pas normal que des salariés élus voient leur élection annulée au motif que la liste sur laquelle ils se présentaient n’était pas équilibrée. Si la mixité est mal assurée sur les listes syndicales, c’est avant tout pour des questions de rémunération ou de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

M. Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la CFTC. Nous sommes globalement en accord avec la philosophie du projet de loi, sachant que ce sont les décrets qui nous permettront de confirmer cet accord. La CFTC vous fera parvenir une note complète, et je me contenterai donc de répondre ici à quelques points.

Nous sommes favorables au regroupement des IRP, si elles conservent leurs missions, leurs moyens et leurs prérogatives. Ce regroupement peut, en effet, accroître les droits des salariés, dans la mesure où ce sont tous les membres de la DUP qui seront dotés des compétences aujourd’hui dévolues aux seuls membres du CHSCT. Cette avancée sociale a, semble-t-il, échappé au patronat…

S’il y a trop de seuils, ce ne sont pas les seuils sociaux, mais les seuils fiscaux qui sont en cause. L’INSEE indique que les entreprises de cinquante salariés représentent en France 14 % des entreprises de dix à 249, contre 18 % en Allemagne, les effets de seuil ne jouant que pour 0,3 point dans cet écart de quatre points. Par ailleurs, 4 200 entreprises comptent dans notre pays entre quarante-sept et quarante-neuf salariés. Si l’on supprime le seuil de cinquante salariés et que ces entreprises embauchent chacune deux salariés – hypothèse à laquelle je ne crois guère – 8 400 emplois auront été créés : on est loin du million de M. Gattaz… Ces chiffres montrent bien que les seuils sont un problème marginal, avant tout psychologique, ce que confirme le fait que les entreprises de cinquante et un salariés sont moins nombreuses que celles de cinquante salariés, celles de cinquante-deux salariés moins nombreuses que celles de cinquante et un, et celles de cinquante-trois salariés moins nombreuses que celles de cinquante-deux.

Il est un seuil, en revanche, que la représentation nationale peut tout de suite supprimer, c’est celui qui empêche les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés de bénéficier de la participation aux bénéfices. Ce geste de justice sociale ne sera en rien pénalisant pour les entreprises puisque, par définition, ne seront concernées que celles qui font des bénéfices : s’il reste un gaulliste dans la salle, il me comprendra…

Le projet de loi ne dote pas les commissions paritaires régionales des moyens suffisants. La taxe de 0,016 % sur les salaires sert aujourd’hui à financer les missions des organisations syndicales ; si le nombre de ces missions augmente, les moyens doivent eux aussi augmenter. De ce point de vue, s’agissant de la prime d’activité, la CFTC n’est pas hostile, sur le principe, à ce qu’elle concerne les étudiants et les apprentis, mais nous souhaiterions des précisions sur son financement, car il ne s’agit pas d’élargir des dispositifs sans financement supplémentaire.

J’en termine par la vision idéologique qui oppose systématiquement les objectifs du patronat et des syndicats. Dans la réalité, des accords sont signés tous les jours dans les branches ou les entreprises, voire au niveau national. Certes, nous pouvons avoir des différends – notamment sur la question des salaires –, mais nos objectifs sont les mêmes : je vous renvoie ici à un excellent document sur la compétitivité française, cosigné par trois organisations patronales et trois organisations syndicales qui y partagent leurs constats et en tirent des propositions. Il faut donc en finir avec l’idée d’une perpétuelle lutte des classes, bien commode pour ceux qui ne veulent pas bouger de leurs positions.

Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale de la CFE-CGC. Les cinq organisations présentes autour de cette table ont en commun de croire au dialogue social, ne serait-ce que parce que les chiffres démontrent que, dans les entreprises où il fonctionne bien, le niveau des grilles salariales est meilleur. On sait aussi que les accords de compétitivité aident certaines entreprises à affronter les difficultés économiques, ce qui doit tous nous inciter au pragmatisme.

Si la CFE-CGC n’a pas accepté le regroupement des IRP lors de la négociation, c’est que le statut du CHSCT ne s’y trouvait pas sécurisé. Dans la mesure où le projet de loi lui conserve son rôle, nous n’avons plus de raison de nous opposer à ce regroupement. Nous demandons toutefois qu’il soit doté d’un secrétaire adjoint afin de gérer un ordre du jour dont quatre des six séances annuelles seront consacrées aux conditions de travail.

Les seuils sont, à nos yeux, un faux problème, car les entreprises qui voient s’ouvrir de gros marchés n’auront pas d’états d’âme pour embaucher en s’accommodant du droit du travail.

L’annualisation et la mutualisation des heures de délégation sans perte de moyens ne nous semblent pas davantage poser problème. Nous serons cependant vigilants sur les décrets d’application et veillerons à ce qu’ils ne se traduisent pas par des pertes ou des gains de moyens pour les entreprises en fonction de leur taille.

Nous avons, en revanche, des exigences sur le nombre d’administrateurs salariés. Nous sommes d’accord avec le principe de simplification à l’œuvre dans ce projet de loi, qui abaisse de dix-sept à trois le nombre de consultations et regroupe les négociations en trois grands thèmes, mais cela ne peut se faire sans un véritable échange loyal en amont dans les instances de gouvernance. Dans cette optique et pour renforcer la responsabilité sociale de l’entreprise, les administrateurs salariés doivent être associés aux discussions sur la stratégie de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit abaissé à mille salariés le seuil au-delà duquel l’entreprise doit compter des administrateurs salariés.

Nous prenons acte de la mise en place de la mission Combrexelle sur l’inversion de la hiérarchie des normes. Il n’empêche que nous sommes les mieux à même de constater sur le terrain qu’elle entraîne un abaissement du seuil des garanties. Nous sommes attachés au maintien des négociations de branche, a fortiori lorsque celles-ci seront regroupées – trente-sept ont déjà été fermées, et il est envisagé de réduire leur nombre de sept cents à trois ou quatre cents, puis à cent cinquante –, et à la consolidation des conventions collectives : je rappelle que le modèle allemand, tant vanté, se caractérise par le poids dominant des conventions collectives de branche.

La question des suppléants est très importante à nos yeux. Ils renforcent la présence syndicale au niveau local et sont des relais d’information d’autant plus nécessaires que l’on réduit le nombre d’instances. En outre, la vocation syndicale débute souvent par la prise d’un mandat de suppléant.

Les intermittents adhérents à la CFE-CGC sont satisfaits de voir leur statut en quelque sorte sanctuarisé par la loi. Cela pose néanmoins la question de la responsabilité et de la marge de manœuvre des partenaires sociaux dans la négociation bisannuelle du régime d’assurance chômage et la réduction de son déficit. Gardons-nous de toute mesure qui pourrait faire jurisprudence, ou la CFE-CGC pourrait fort bien demander une même sanctuarisation pour les cadres !

Nous ne sommes pas, sur le principe, opposés au compte personnel d’activité, dont nous considérons qu’il nous fait entrer dans une dynamique de création d’un droit attaché au salarié, à l’instar du compte personnel de formation, du compte de pénibilité ou des droits rechargeables, qui participent de la même logique, dont nous pensons qu’elle peut contribuer à améliorer la mobilité professionnelle et donc l’emploi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mesdames, messieurs, il me reste à vous remercier pour votre participation à cette table ronde.

2. Audition des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA)

La Commission des affaires sociales entend des représentants des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) sur le présent projet de loi, lors de sa première séance du mercredi 6 mai 2015.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Après avoir entendu les organisations représentatives des salariés, nous allons maintenant auditionner les organisations représentatives des employeurs autour du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), chargée des affaires sociales. Je commencerai par vous dire ce que pense la CGPME de l’article 1er du projet de loi, qui tend à créer des commissions paritaires interprofessionnelles au niveau régional. Notre organisation s’y est toujours opposée, parce que, dans nos entreprises, le dialogue est direct. Deux tiers des entreprises de moins de onze salariés ne comptent que cinq salariés. Par conséquent, quand on a quelque chose à dire au patron, il suffit de pousser sa porte, voire d’aller le trouver dans l’atelier. Institutionnaliser la démarche au travers de ces commissions va, à notre avis, détériorer ce dialogue direct.

Les salariés membres de ces commissions seront issus des TPE-PME. Pour une entreprise qui compte moins de cinq salariés, ce sera une personne de perdue, entre les réunions de cette commission et les cinq heures en plus du temps consacré à ces séances – sauf « circonstances exceptionnelles » dont on ne sait d’ailleurs pas grand-chose. Cela veut dire que la force de travail s’en va, que le chef d’entreprise ne peut pas l’en empêcher. De ce point de vue, nous n’avons rien à redire ; simplement, cela pose un problème d’organisation. Imaginez une entreprise dont le seul salarié serait membre d’une commission ! Le problème est donc énorme en termes d’organisation et de fonctionnement de l’entreprise.

Pour l’instant, ces commissions n’ont que deux missions : informer les salariés et les employeurs, et parler de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Pour ce qui est de l’information, nous pensons préférable de la laisser aux syndicats de salariés et aux branches. Quant à la GPEC, si c’est une bonne chose de s’intéresser à la formation et aux conditions de travail, là encore, les branches étaient en capacité de le faire, même si elles s’organisaient en filières.

Nous ne souhaiterions pas voir ajouter une mission de médiation, ou plutôt de conciliation. Si cette mission était inscrite dans la loi, le chef d’entreprise risquerait d’être contraint, par le médiateur ou le conciliateur, de donner des documents qu’il peut ne pas avoir envie de communiquer.

Il y a aussi une ambiguïté sur la composition du collège patronal. La répartition entre les trois organisations interprofessionnelles se ferait à l’aune de la représentativité régionale, sauf que, jusqu’à maintenant, personne ne l’a mesurée. Cela reste, pour la CGPME, un problème important de représentativité.

Nous avons aussi une difficulté avec le financement des cinq heures supplémentaires : le texte ne le prévoit pas et aucune ligne budgétaire correspondante n’existe au fonds de financement des organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés. Nous sommes donc dubitatifs et restons très opposés à cette partie du texte.

Les articles 13 et 14 entament une rationalisation des consultations et des négociations. C’est un petit pas sur lequel nous mettons quelques bémols. Le point le plus important pour la CGPME – aider les entreprises à passer de quarante-neuf à cinquante et un salariés – n’est pas traité. Le texte ne prévoit rien s’agissant des trente-quatre obligations liées au passage de ce seuil, qui doivent toujours figurer dans le rapport au comité d’entreprise (CE). Il ne traite pas non plus de la superposition de ces obligations avec celles prévues par la base de données économiques et sociales (BDES). Nous aurions aussi souhaité voir évoluer les choses sur ce point. On nous dit que cela relève du domaine réglementaire. C’est une manière de botter en touche s’agissant d’un élément essentiel pour permettre de faire grandir les entreprises.

La nouvelle délégation unique du personnel (DUP) est un petit pas qu’il faut relativiser. L’exposé des motifs énonce clairement que toutes les institutions, les compétences et les missions demeurent, que les moyens actuels des élus seront globalement préservés, et l’article L. 2326-4 en est la traduction. Il y aura peut-être moins de réunions, mais il ne s’agit que d’un petit allégement. Nous aurions souhaité que le texte aille plus loin.

D’autres dispositions ne vont pas forcément dans le sens de la simplification. Ainsi, à l’article 15, relatif à la négociation en l’absence de délégué syndical, avant de négocier avec un élu du personnel comme le prévoit actuellement le code du travail, l’employeur devra négocier en priorité avec un représentant élu du personnel mandaté par une organisation syndicale. Cette disposition nous semble alourdir et rigidifier le code du travail.

La CGPME n’oppose pas les très grandes entreprises aux plus petites – le tissu économique a besoin de toutes –, mais il faut comprendre qu’une entreprise de plus de 300 salariés ne se gère pas comme une plus petite. Si l’on peut imaginer laisser l’accord d’entreprise aux premières, pour les secondes, le niveau pertinent est celui de la négociation de branche.

Nous avons donc un regard extrêmement posé sur l’article 1er. Les autres articles constituent un tout petit pas dans le bon sens, mais je le répète, nous regrettons que le texte ne soit pas allé plus loin.

La partie du projet de loi concernant les intermittents du spectacle, avec son dispositif en trois temps, est d’une lourdeur extrême. D’abord, les confédérations définissent un document d’orientation, donnant notamment une trajectoire financière mais pas d’enveloppe fermée – ce qui, pour nous, était un point important. Ce document est ensuite envoyé aux représentants patronaux et salariaux des secteurs employant des salariés intermittents du spectacle, pour servir de base aux négociations. Après quoi, les confédérations interprofessionnelles se prononcent sur l’accord obtenu, l’approuvant en tout ou partie ou le repoussant. Dans ce cas, on renvoie à une négociation classique. Au moment où l’on parle de simplification, on aurait pu se passer d’une telle lourdeur !

J’en arrive au compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous ne voyons pas en quoi l’article 19 clarifie certaines obligations. Nous souhaiterions savoir ce que vous pensez introduire dans la loi pour assouplir ce dispositif, que nous avons beaucoup de mal à appliquer, que ce soit dans les grandes entreprises ou les TPE-PME, les chefs d’entreprise se refusant à devoir tracer tous les jours la durée d’exposition aux risques de leurs salariés. Cela reste un sujet extrêmement compliqué dans les entreprises que nous représentons.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Je dirai en préambule que nous aurions préféré un accord plutôt que de laisser la main au Gouvernement, comme le prévoit la loi de 2007.

Je n’ai pas la même analyse que Geneviève Roy sur l’article 1er, qui pose le principe d’une représentation universelle des salariés. La question de la représentation du personnel dans les petites entreprises n’est pas nouvelle. Elle est régulièrement posée depuis les lois Auroux, et encore au cours du quinquennat précédent.

Aujourd’hui, le Gouvernement propose de généraliser des dispositifs existants. Le plus ancien, dans le secteur de l’agriculture, est issu d’un accord paritaire avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), en 1992. Un accord du même type est intervenu dans le secteur de l’artisanat en 2001. Plus récemment, les professions libérales sont également parvenues à mettre en place des commissions paritaires régionales. Je signale au passage que, dans le secteur de l’agriculture ou des professions libérales, il s’agit d’accords multiprofessionnels. Il y aura sans doute une rectification rédactionnelle à apporter.

Dans le document d’orientation que nous avons reçu en juillet 2014, la question des entreprises de onze à quarante-neuf salariés était abordée. Or ce sont aujourd’hui les grandes oubliées de la réforme.

Selon ce document d’orientation, des constats de carence sont faits dans les trois quarts des entreprises où la loi impose l’élection d’un délégué du personnel. Cette situation crée souvent de l’insécurité juridique. Il conviendrait d’augmenter le seuil d’élection d’un délégué du personnel à vingt-six salariés minimum, et de faire couvrir ceux des entreprises de moins de vingt-six salariés par les commissions paritaires existantes ou à créer.

Dès lors que la loi pose le principe d’une représentation via des commissions paritaires régionales, il nous semble indispensable de supprimer la disposition concernant les délégués de site, qui existe toujours dans le code du travail. Faute de quoi, il y aurait deux dispositifs concurrents. Dans la logique du choc de simplification, il conviendrait de ne conserver qu’un dispositif.

Par ailleurs, la loi va imposer que les représentants des salariés dans ces commissions soient issus des catégories d’entreprises de moins de onze salariés. L’UPA n’y est pas totalement hostile, mais nous considérons que dans un dialogue social, il faut parler de la même réalité. Or nous avons l’expérience des commissions régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) dans lesquelles, en vertu de l’accord de 2001 et de la charte de fonctionnement des CPRIA, les représentants des salariés doivent être issus de ces catégories d’entreprises. Depuis 2010, vingt-deux CPRIA ont été mises en place sur l’ensemble du territoire, et sur environ 200 représentants des salariés, ceux qui sont issus de nos catégories d’entreprises se comptent sur les doigts d’une main. Il ne faut pas laisser cette disposition en l’état sous peine de nous retrouver dans la même situation que celle que j’évoquais tout à l’heure à propos des délégués du personnel, c’est-à-dire avec un code du travail plus virtuel que praticable.

Je rejoins ce qu’a dit Geneviève Roy sur la composition des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), que j’appelle les « commissions paritaires régionales voitures-balais ». Les règles aujourd’hui applicables pour la représentativité patronale ne permettent pas d’identifier les entreprises de moins de onze salariés – ou vingt-six si vous décidiez de rehausser le seuil. C’est d’ailleurs une observation du Conseil d’État.

Nous estimons que la disposition relative aux intermittents du spectacle devrait être retirée du projet de loi. Outre la complexité du sujet, il n’y aura jamais d’accord entre les partenaires sociaux du secteur des intermittents. En outre, on rompt le principe fondamental de solidarité du régime d’assurance chômage, quels que soient le salarié et le secteur d’activité.

L’article 21 pose le principe du compte personnel d’activité. Alors que le compte personnel de prévention de la pénibilité nous pose déjà d’énormes soucis – et pas parce que nous sommes opposés à améliorer la prévention –, la proposition nous semble bien curieuse : la représentation nationale est invitée à voter un compte dont on ne connaît pas le contenu…

Il faut arrêter de créer des dispositifs sans avoir procédé au préalable à une expérimentation. Nous ne sommes pas contre par principe, mais une vraie concertation suivie d’une expérimentation montrant s’il est possible de généraliser le dispositif nous paraît être la démarche appropriée pour passer d’un droit virtuel à un droit praticable.

Pour terminer sur une note positive, je salue la création de la prime d’activité. Pour une fois, on n’ajoute pas un dispositif, on en fusionne deux et on simplifie. Cette prime d’activité devrait être élargie aux apprentis majeurs.

M. Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social. Je regrette l’échec de la longue négociation menée entre octobre 2014 et janvier 2015, d’autant que nous étions tout près du but. Les propositions du MEDEF dans cette négociation portaient le germe de réformes structurelles ambitieuses et structurantes pour les entreprises et le fonctionnement du dialogue social. L’objectif était simple : rebâtir sur le principe de la confiance le dialogue social, aujourd’hui enseveli sous un empilement de règles formelles, souvent redondantes ou incohérentes ; le réinventer pour en faire à la fois un facteur de compétitivité pour l’entreprise et de progrès social pour le salarié. Nous sommes convaincus que seule une réforme profonde des outils du dialogue social lui redonnera toute sa valeur et son efficacité.

Le projet de loi que vous allez examiner reprend quelques idées que nous avions portées dans la négociation, mais il lui manque l’essentiel : la vision d’une réforme d’ensemble. Alors que le système que nous avions élaboré aurait réglé la question pour bon nombre d’années, elle n’est aujourd’hui traitée que très partiellement.

Parmi les quelques reprises positives, je note le regroupement des consultations en trois temps forts, le regroupement de la négociation et la possibilité d’en négocier la temporalité, la possibilité d’organiser des réunions communes sur des sujets intéressant plusieurs instances, la réduction du nombre des réunions obligatoires et la meilleure articulation entre instances. Si cet apport de cohérence et de simplicité ne peut qu’être salué, malheureusement, il ne suffira pas pour abandonner le formalisme et les postures au profit de discussions structurantes pour l’entreprise.

Beaucoup d’autres dispositions du texte suscitent des réserves de notre part. Les dispositions relatives aux instances de représentation du personnel, bien qu’étant source de simplification, restent très éloignées de l’instance unique qui est, selon nous, le seul outil qui permette de repenser en profondeur la mission de représentation du personnel dans l’entreprise.

La délégation unique du personnel ne manque pas de susciter des interrogations. D’abord, pourquoi le seuil est-il relevé à 300 salariés ? Sachant que de nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) vont franchir ce seuil dans leur pleine période de croissance, cela n’a aucun sens. Quitte à fixer un seuil, autant le faire au moins à 1 000 salariés, pour que cette simplification bénéficie vraiment à notre pays qui en a tant besoin. Ayons conscience que l’existence de trois instances est une spécificité française qui n’est pas de nature à améliorer l’attractivité de notre pays. On aura beau simplifier, en les maintenant toutes trois, on conserve toute l’absurdité du système vis-à-vis du reste du monde ainsi que sa fragilité.

Ensuite, deux aspects de la possibilité de fusion par accord nous étonnent. Pourquoi n’ouvrir cette faculté qu’au-delà de 300 salariés ? C’est tout le charme de notre droit du travail que de fixer des obligations et de refuser la confiance aux dirigeants et aux salariés pour élaborer ensemble les outils les plus adaptés au bon fonctionnement de l’entreprise.

Une remarque, au passage, sur la consultation des instances représentatives du personnel (IRP). Au prétexte de la simplification, on rajoute un nouveau thème de négociation sur un périmètre plus large qu’auparavant, concernant l’articulation entre vie personnelle et professionnelle ; on inclut également la notion de lutte contre les discriminations en matière de recrutement, ce qui est également un nouveau domaine.

S’agissant de la négociation en l’absence de délégué syndical, nous ne comprenons pas la tutelle qui est imposée. Loin de nous l’idée de remettre en cause le monopole de négociation des syndicats lorsqu’ils sont présents dans l’entreprise. Mais lorsqu’ils sont absents, la négociation n’a de sens que si elle a lieu dans l’entreprise. Nous ne voyons pas à quel titre ce mandatement et cette tutelle auraient leur place dans une réforme.

Les commissions paritaires régionales figuraient dans le projet d’accord porté par le MEDEF dans le cadre d’une réforme d’ampleur, complète et systémique, qui apportait des réponses d’avenir. Nous ne voyons pas ce qu’elles viennent faire aujourd’hui, dans ce texte partiel qui traite des sujets regardant les entreprises de plus de cinquante salariés. Faisons confiance aux territoires. L’UPA a montré que certains secteurs ont été capables de s’organiser. Et cessons de fixer de nouvelles obligations quand on ne traite pas un sujet dans son ensemble.

S’agissant de la représentativité patronale, la loi du 5 mars 2014 est inachevée. En fixant des règles différentes dans les différents domaines d’intervention du dialogue social – création de normes, répartition des sièges, partage des subventions – elle pose de nombreux problèmes, crée un système bancal et instable.

En ce qui concerne le régime des intermittents du spectacle, nous sommes très inquiets de la sanctuarisation des annexes 8 et 10 de la convention d’assurance chômage, qui constitue une brèche dans la négociation paritaire interprofessionnelle et dans la gestion du régime d’assurance chômage. Il eût été tout à fait possible d’organiser, comme on le fait avec les autres secteurs, en marge des négociations, des discussions avec les organisations sectorielles. Une fois qu’on a accepté un régime dérogatoire pour quelqu’un, à quel titre pourrait-on le refuser à un autre ?

Enfin, nous déplorons l’intervention de l’État, via un comité d’experts, dans un processus de négociation strictement paritaire.

Quant à la sécurisation des parcours professionnels, le MEDEF est prêt à en discuter, mais il réclame plus de détails et, surtout, que ce dispositif s’articule correctement avec la problématique de flexisécurité et l’ensemble de la réflexion sur la flexibilisation du marché du travail.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je voudrais d’abord rappeler les enjeux du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Le premier est le règlement de la question de la représentation de l’ensemble des salariés dans ce pays, qui existe depuis longtemps. La mise en place de commissions paritaires régionales nous semble être une avancée significative.

Le deuxième enjeu est la reconnaissance des parcours syndicaux, puis l’efficacité des instances représentatives du personnel (IRP), grâce, notamment, au dispositif de la DUP. J’ai bien entendu que vous considériez celle-ci comme un pas, quoique insuffisant. Je pense, pour ma part, qu’il s’agit d’une avancée intéressante.

Au-delà du dialogue social, d’autres éléments méritent d’être soulignés. Je pense notamment à la question des intermittents, qui figure dans ce texte parce qu’elle n’a jamais été traitée comme les autres, alors que la problématique revient très régulièrement.

La prime d’activité est un élément qui permet de sortir d’une stigmatisation extrêmement préjudiciable aux bénéficiaires des dispositifs existants. Elle constitue un accompagnement à la reprise d’une activité, ainsi qu’un accompagnement à une véritable activité salariée. Elle s’adresse à des gens qui travaillent, dont le contrat et le nombre d’heures effectuées ne leur permettent pas de percevoir un revenu suffisant pour vivre dignement.

M. Burban a souligné la composition des commissions régionales. J’ai bien entendu son interrogation sur la représentation, mais nous sommes face à un dilemme entre la nécessité d’avoir dans ces commissions des salariés issus des entreprises en question et les difficultés que cela risque de poser dans les très petites structures, et dont s’est inquiétée Mme Roy. Toutefois, il faut ramener ce problème à sa juste proportion : dans les grandes régions, dix salariés, cela correspond « seulement » à dix entreprises qui peuvent être touchées. Comment trouver le bon équilibre entre la représentation effective des salariés dont on parle et le complément, que suggère M. Burban, par les organisations représentatives ? Quelle pourrait être votre approche sur ce sujet ?

S’agissant des missions de ces commissions, j’ai entendu vos réticences sur la question de la médiation ou de la conciliation, en particulier au regard de son éventuel côté intrusif. Êtes-vous totalement fermé à cette disposition ? Dans le cadre du paritarisme, n’y aurait-il pas, dans des cas de conflit, un accompagnement à imaginer, une forme de représentation conjointe des employeurs et des salariés desdites commissions ? Voyez-vous une piste sur laquelle nous pourrions travailler ?

En matière de DUP, la demande des organisations représentatives de salariés est forte en faveur de l’annualisation et de la mutualisation des heures ainsi que sur le traitement des suppléants. Avez-vous une position sur ces demandes ?

En ce qui concerne la représentativité, le texte évoque une phase transitoire jusqu’en 2021. Il conviendrait de la mettre à profit pour réfléchir à un meilleur encadrement, sachant que la représentativité des salariés est couverte par un texte tandis que celle des employeurs souffre d’un problème de délais.

M. Michel Liebgott. À vous entendre après les organisations syndicales, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même monde. Alors que nous nous interrogions tout à l’heure sur la médiation, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le mandatement, la base de données économiques et sociales (BDES) ou les administrateurs salariés, en cet instant, j’ai plutôt un sentiment d’échec et l’impression qu’il faudrait revoir notre droit social de fond en comble. Pourtant, aujourd’hui, 36 517 accords d’entreprise et 951 accords de branches professionnelles ont été conclus dans notre pays ; des textes sur la sécurisation de l’emploi ont été adoptés, qui peuvent satisfaire et les organisations patronales et certaines organisations syndicales. Il en est de même pour la formation professionnelle.

J’ai néanmoins entendu des choses positives. Les CPRIA fonctionnent, en effet, depuis un certain nombre d’années, ce qui rend quelque peu curieuses les précautions invoquées pour les commissions paritaires régionales. Puisqu’elles fonctionnent à la fois dans l’artisanat, dans le monde agricole et auprès des professions libérales, pourquoi ne pourrait-il en aller de même dans d’autres branches ?

J’ai aussi noté que vous étiez plutôt favorables à la prime d’activité. J’espère seulement qu’elle ne constituera pas un effet d’aubaine pour les entreprises, qui pourraient y voir un complément de salaire alors qu’elle vise à donner un supplément de pouvoir d’achat à des salariés modestes. C’est, me semble-t-il, ce que pourraient penser des syndicats qui se battront plutôt sur le montant du salaire.

Si je devais faire une comparaison avec les pays voisins, nous avons encore des progrès à faire. En Suède, par exemple, 55 % des salariés sont syndiqués, la couverture conventionnelle est de 65 % et il y a un vrai débat. Je pourrais parler de la même façon de l’Allemagne, car ce sont des pays dont la productivité est très bonne, avec un tissu d’entreprises, notamment moyennes, particulièrement dynamique. En Allemagne, dès cinq salariés, il est possible de constituer l’équivalent d’un comité d’entreprise. Cette cogestion n’est pas en soi un obstacle, bien au contraire.

Les résultats des enquêtes d’opinion sont inquiétants en ce qu’ils montrent que les négociations salariales ne constituent pas un gage de performance pour la société, et en particulier pour les entreprises. Nous pensons le contraire. Selon plusieurs études, une bonne ambiance sociale dans l’entreprise produit des effets sur la productivité et la réussite.

Vous n’avez pas évoqué le parcours de délégué syndical. Aujourd’hui, 11 % d’entre eux reconnaissent que cette fonction a été un frein, voire une source de discrimination. Signe plus inquiétant encore du mauvais état des relations sociales dans notre pays, 50 % des salariés considèrent qu’être délégué syndical peut être un handicap sur le plan personnel alors que ce devrait être, au contraire, un plus. Le texte s’intéresse à cette question, entre autres.

Nous sommes tous d’accord pour ne pas opposer les grandes entreprises aux petites. C’est bien, d’ailleurs, l’objectif poursuivi par le texte puisqu’il concerne directement 4,6 millions de personnes qui étaient jusqu’à présent totalement à l’écart. Moi qui suis un élu du bassin sidérurgique et qui ai connu le conflit ArcelorMittal, je peux vous dire que c’est toujours plus facile de s’en sortir quand on est dans une grande entreprise que quand on est dans une petite entreprise, qu’on en soit à la tête ou salarié : les moyens de l’entreprise sont moindres et les salariés sont moins représentés.

M. Gérard Cherpion. Je n’ai pas entendu la même chose que mon collègue Liebgott. Il y a, certes, des points de divergence avec les salariés, mais on ne peut imputer l’échec de la négociation en totalité à l’une ou l’autre partie. Il s’agit plutôt d’une absence de convergence. Dans vos rangs mêmes, d’ailleurs, vous avez des visions différentes du projet de loi.

La représentativité des TPE peut certes poser problème pour les plus petites d’entre elles, mais il s’agit de 130 personnes pour la France entière. Ne peut-on gommer cette difficulté en introduisant une représentativité partiellement d’origine nationale ou en jouant sur les seuils en poussant jusqu’à cinquante salariés ?

À propos de seuils, monsieur Burban, vous avez proposé de fixer celui du déclenchement de l’élection des délégués du personnel (DP) à vingt-six. Pourquoi ce chiffre ? Pour ce qui est de la DUP, je suis persuadé qu’il faut aller bien au-delà des 300, pour simplifier la mise en place de ces instances.

J’aimerais également avoir votre avis sur la négociation en l’absence de délégué syndical. Passe-t-on obligatoirement par un mandatement ou peut-elle se faire directement dans l’entreprise ?

M. Saubot a abordé rapidement le problème de la représentativité patronale, mais quid de la pondération, qui peut être diversement opérée ? Faut-il pondérer par le nombre de salariés ? Êtes-vous d’accord sur un type de pondération ?

Quant aux intermittents du spectacle, on est en train de créer un système spécifique, alors qu’il suffirait sans doute d’appliquer la loi de mars 2014.

M. Francis Vercamer. Le document d’orientation transmis aux organisations représentatives par le ministre faisait un constat critique de l’effet de seuil sur la qualité et l’efficacité du dialogue social. À vous entendre, je n’ai pas l’impression que le projet de loi aille dans le sens de la simplification et de la baisse du « nombre conséquent de règles et d’obligations » indiquées dans ledit document. Il suffit de lire l’article 21…

L’UDI a toujours combattu, non pas les seuils, mais les effets de seuil qui sont un problème dans le code du travail. Si les entreprises de quarante-neuf salariés sont deux fois et demie supérieures en nombre à celles de cinquante, c’est bien que les seuils constituent un frein à l’embauche, même si les organisations syndicales n’ont pas voulu le reconnaître tout à l’heure. Je ne suis pas sûr que la délégation unique du personnel suffise à gommer cet effet.

Cette DUP aura-t-elle un effet induit sur la santé dans l’entreprise ? Pour être, depuis plusieurs années, rapporteur pour avis du budget du travail, je puis vous assurer que la santé au travail est un problème crucial dont se soucie l’ensemble des organisations syndicales et patronales. En diluant le CHSCT dans une délégation unique ne risque-t-on pas de diluer en même temps la question du risque au travail, notamment en matière de santé ? Je n’ai pas posé volontairement cette question aux salariés ; je la pose aux employeurs pour avoir leur avis.

Les commissions régionales paritaires n’auront-elles pas un effet contraire au but recherché en paralysant le dialogue dans les TPE, qui est souvent direct entre l’employeur et le salarié ? Dans les TPE, en général, le besoin d’un délégué du personnel ou d’organisations syndicales se fait moins sentir. Pour ma part, je pencherais pour aller plus loin que la proposition de M. Burban de porter le seuil, non pas jusqu’à vingt-six, mais jusqu’à quarante-neuf pour tenir compte du fait qu’aujourd’hui, un certain nombre d’entreprises n’ont pas de délégué du personnel ou ne satisfont pas à la loi en matière de représentation syndicale.

Pour ce qui est de l’article 21, si vous avez aimé la mise en place du compte pénibilité, vous allez adorer celle du compte personnel d’activité ! La méthode est assez particulière puisqu’il est déjà inscrit dans la loi alors que les partenaires sociaux n’y ont même pas travaillé, ce qui est contraire au code du travail. Alors même que le compte pénibilité n’est pas vraiment mis en place dans l’entreprise, comment voyez-vous le compte personnel d’activité ? Peut-on considérer qu’il vient remédier à l’échec du compte pénibilité ? Constitue-t-il un pis-aller ou une avancée sociale ? Ce dispositif n’entraînera-t-il pas des contraintes supplémentaires, en contradiction précisément avec l’objectif avancé dans le document d’orientation dont je parlais plus haut ?

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai le même sentiment que Michel Liebgott. Tout à l’heure, le représentant de la CFTC disait que salariés et employeurs avaient les mêmes objectifs et que les différences n’étaient qu’idéologiques. Pour ma part, je constate qu’il y a aussi quelques réalités concrètes qui les opposent. Qu’il s’agisse des commissions régionales paritaires, des DUP élargies, des intermittents, on voit bien que les organisations patronales contestent fortement le contenu du projet de loi.

J’avais la même question que Christophe Sirugue a posée concernant l’annualisation et la mutualisation des heures. J’aimerais connaître l’avis des organisations patronales sur ce point.

J’aimerais également savoir ce qu’elles pensent de la question des CHSCT que M. Vercamer a soulevée. Toutes les organisations syndicales s’inquiètent, voire refusent, que les CHSCT soient dilués, et donc, perdent leur rôle spécifique en matière de santé et de conditions de travail.

Enfin, les représentants des salariés dans les commissions régionales paritaires ne peuvent pas aujourd’hui pénétrer au sein de l’entreprise de manière systématique, ce qui paraît contradictoire avec la possibilité d’assumer leur rôle. Les organisations patronales seraient-elles d’accord pour que le texte revienne sur cette situation anachronique, en permettant à tout représentant des salariés de pénétrer, si nécessaire, dans l’entreprise ?

M. Christophe Premat. J’ai du mal à comprendre pourquoi vos organisations appréhendent le compte personnel d’activité en termes de contraintes. Vous ne visualisez pas l’ensemble du projet de loi qui vise à améliorer la représentativité des salariés et qui permettrait de négocier l’expérience professionnelle et la validation des acquis professionnels.

Je représente des Français résidant dans des pays d’Europe du Nord. Sans vouloir faire de transposition, il y a au Danemark une convention qui fonctionne mieux entre les partenaires sociaux et une meilleure régulation sociale parce qu’il y a une meilleure représentativité des salariés. L’individu y est vu par les chefs d’entreprise davantage comme une ressource que comme un problème.

J’aimerais entendre les solutions que vous pourriez préconiser. Comment avoir un meilleur dialogue social, avec une représentativité syndicale sérieuse, pour mettre en œuvre ce compte personnel d’activité ? Vous en reprochez l’absence de contenu, mais c’est à partir du cadre défini par la loi que le dialogue social pourra préciser ce contenu. C’est une question de méthode. Dans les pays du Nord, le marché est aussi difficile qu’ici, mais les problèmes de santé au travail sont davantage anticipés par une meilleure sécurisation des parcours professionnels. Dès lors, ce n’est plus la valeur emploi, c’est la valeur individu qui devient le centre du dialogue social.

M. Régis Juanico. Améliorer la qualité et l’efficacité du dialogue social, et simplifier la vie des entreprises tout en préservant les droits des salariés, tel est le pari collectif que nous devons tenir. Les avis divergents des organisations que nous auditionnons ce matin ainsi que l’échec de la négociation sociale le montrent : ce sont des logiques difficiles à concilier.

La représentativité des salariés des très petites entreprises est une question à laquelle nous réfléchissons depuis longtemps, majorité comme opposition, dans diverses commissions. Je ne rejoins pas le point de vue de la CGPME sur le fait qu’il suffit, dans une très petite entreprise, de pousser la porte du chef d’entreprise pour discuter. Je sais bien que le formalisme n’est pas tout, mais le dialogue social obéit à un certain nombre de règles. On ne peut pas rester dans l’informel. Le système existant n’est peut-être pas parfait, mais il a le mérite d’avoir été expérimenté.

S’agissant des commissions paritaires régionales, nous verrons si ce niveau est adapté, si les instances vont pouvoir fonctionner et être efficaces dans la durée. Mais au moins, essayons, expérimentons ! Je défends cette façon de faire depuis longtemps : avant de généraliser un dispositif, il faut l’expérimenter sur les territoires.

Il faut aussi cesser de vouloir détricoter les dispositifs sociaux à peine sont-ils adoptés par le Parlement. Je pense notamment aux dispositifs de reprise et d’information préalable des salariés de la loi Hamon, car je constate que la CGPME revient systématiquement à la charge sur ce point. Nous pouvons, pour appliquer la loi sur le terrain, trouver les voies et moyens de la simplification. Dire que les chefs d’entreprise rencontrent des difficultés s’agissant du compte pénibilité, alors que c’est au mois de juin que la question va se poser, me semble exagéré.

Essayons ensemble de faire en sorte que ces dispositifs soient applicables sur le terrain, autrement dit de les faire simples et efficaces.

Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur Saubot, j’ai le sentiment que vous opposez formalisme et confiance. Or, dans les grandes entreprises comme dans les petites, un cadre de discussion et de négociation peut être efficace sans forcément nuire à la confiance. Si, dans certaines entreprises, on peut facilement pousser la porte du patron, certains sujets délicats, comme la rémunération, la formation, la sécurité ou la santé, ne peuvent pas être abordés de manière informelle. On sait bien que, dans les petites entreprises surtout, le patron a « le nez dans le guidon » et n’a pas toujours le temps de penser à ces questions.

Mme Roy craint que l’élargissement des missions des commissions régionales paritaires à la médiation ou la conciliation n’oblige l’employeur à transmettre des documents. J’entends bien qu’on ne peut pas, lorsqu’on gère une entreprise, avoir une stratégie totalement transparente, mais la confiance se nourrit à la fois du dialogue et de la transparence.

M. Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social. Ce qui ressort de vos questions montre le bien-fondé de mes propos sur la confiance. Quel pas en avant nous ferions si, lorsque les employeurs et les salariés sont d’accord, on les laissait décider de la meilleure façon de procéder, sans chercher à inscrire dans la loi le détail de toutes les obligations, sous-obligations et contraintes !

S’agissant des membres des commissions, ils ne doivent être nommés que par les organisations interprofessionnelles. Sinon, on multiplie le nombre de salariés représentés. Je ne peux que recommander d’inscrire dans le texte « notamment » issus des TPE. Il doit s’agir d’une incitation, en aucun cas d’une obligation, de façon à donner une orientation tout en respectant le choix des organisations.

La mutualisation et l’annualisation des heures dans le cadre de la DUP ont été évoquées dans la négociation comme une réponse à l’instance unique et à ses éventuelles conséquences sur la diminution des moyens. S’il n’y a plus d’instance unique, il n’y a plus de diminution des moyens. Donc, ce sujet n’a absolument rien à faire dans la loi, si ce n’est d’augmenter encore les charges, les coûts et les contraintes pour les entreprises, que ce soit en termes de montants ou de gestion.

Nous n’avons aucun tabou au MEDEF et nous sommes prêts à discuter de tout, y compris de cogestion. Or, dans tous les pays qui pratiquent une forme de cogestion, il y a une instance unique et la création de normes se fait, non pas au niveau national, mais dans l’entreprise ou dans la branche. En Allemagne, il n’y a aucune obligation de négociation et le temps de travail peut être négocié dans l’entreprise ou dans la branche. Je ne suis pas sûr que ce soit de ce type de cogestion qu’on parle.

Oui, il faut augmenter le seuil de 300 salariés. Oui, il faut tout faire pour faciliter la négociation dans l’entreprise : quand les syndicats sont là, ils assument leur rôle naturel de négociation ; quand ils ne sont pas là, pour que la négociation fonctionne, il faut qu’elle reste dans l’entreprise.

Quant à la représentativité, c’est le fondement du dialogue social. Comment ne pas tenir compte du nombre de salariés ? Comment expliquer, dans une négociation, qu’un auto-entrepreneur ou une TPE de deux personnes a le même poids qu’un grand groupe de 150 000 salariés ? Cela n’a aucun sens. Il faut pondérer, sauf à manquer de cohérence.

En ce qui concerne le CHSCT, je ne partage pas le raisonnement de Mme Fraysse. Ce n’est pas parce qu’il y a une instance que le dialogue est meilleur, c’est parce que les sujets sont traités. Ou alors il faut dire que, dans tous les pays où il n’y a pas de CHSCT, les salariés sont mal protégés. Je ne pense pas que ce soit l’avis des Danois, des Suédois ou des Allemands, qui sont des salariés très bien protégés bien qu’ils n’aient pas de CHSCT. Arrêtons de raisonner par structures, c’est ce qui affaiblit le pays. On cache le corporatisme derrière l’intérêt général.

Pour en revenir à la confiance, je reconnais la nécessité des règles, mais quand elles entrent trop dans le détail sans qu’on puisse y déroger, on crée les conditions pour qu’un accord n’aboutisse pas. Je pourrais donner de nombreux exemples d’accords entre salariés et employeurs rendus impossibles par le niveau de détail imposé par la loi. Qu’apporte de réunir le CE le matin, le CHSCT l’après-midi et les délégués du personnel le lendemain matin ? Ce sont trois réunions avec les mêmes personnes pour 80 % d’entre elles, 80 % de sujets identiques, et au cours desquelles on répète trois fois la même chose. Donnons aux chefs d’entreprise la possibilité de tout faire en une seule fois si tout le monde est d’accord. Sur de nombreux sujets, on fixe de multiples obligations qui n’ont aucun sens. Ce que la loi doit fixer, ce sont les principes. Aujourd’hui, le code du travail a atteint un niveau de sédimentation de détail, de formalisme et d’obligations qui est destructeur pour le dialogue social et la confiance.

Quant à donner le droit aux représentants des salariés d’entrer dans l’entreprise, que je sache, personne n’entre comme cela chez Airbus. À quel titre les artisans adhérents à l’UPA, la PME de sept personnes verraient-ils une catégorie nouvelle de gens rentrer chez eux ? Ces entreprises ne sont pas des zones de non-droit ou de sous-droit. Quand vous interrogez les salariés, ce sont ceux des TPE qui font le plus confiance à leur patron et qui déclarent être bien dans leur boîte. Pour être honnête, je ne comprends même pas votre demande.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Les salariés ne sont pas des problèmes pour les entreprises ; ils sont leur richesse.

Par ailleurs, c’est une évidence qu’il est plus difficile de dialoguer directement avec le patron dans une grande entreprise que dans une petite. Mais ce n’est pas le chef d’une entreprise du CAC 40 qui gère le personnel et les complexités du droit du travail. Le droit du travail issu des années 70-80 est très complexe, car on imaginait à l’époque que l’avenir, c’étaient les grands groupes. On voit aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Nos amis syndicalistes salariés se plaignent de ne pas pouvoir recruter d’adhérents dans nos entreprises, mais ils ont laissé le terrain en jachère, pensant de la même façon que tous les bons économistes. Or les deux chocs pétroliers ont inversé la tendance, et les grands groupes sont en train de fondre en termes d’effectifs salariés, en particulier dans l’hexagone. Même s’il faut mettre un bémol en cette période de crise, la création d’emploi se fait dans les petites et très petites entreprises.

Nous avons l’expérience des CPRIA et, sans penser détenir la vérité, nous estimons que c’est le meilleur moyen. Il ne faut pas faire peur. Trop souvent, en droit, on veut construire des palais, alors qu’il faudrait commencer par construire des maisons. Le système dont nous avons pris l’initiative fonctionne bien et se développe. Restons pragmatiques : apprenons déjà aux représentants des petites entreprises à dialoguer avec les représentants des salariés, et on fera œuvre utile. Le dialogue social n’est en rien contrarié dans ces catégories d’entreprises. D’ailleurs, dans le préambule de l’accord du 12 décembre 2001, ce dialogue est qualifié de direct. Et très souvent, les salariés ne veulent pas d’intermédiaire. Dans certaines entreprises de plus de onze salariés où le DP est obligatoire, ils disent même élire ce délégué comme si c’était celui de l’employeur, préférant discuter avec le patron en cas de problème personnel ou de rémunération. Le dispositif est adapté, il organise un nécessaire dialogue complémentaire de ce dialogue naturel pour tout ce qui touche aux questions de formation et de conditions de travail.

Le monde économique n’est pas celui des Bisounours. Les TPE sont confrontées à la concurrence et aux difficultés de recrutement malgré un chômage très important. Aujourd’hui, il faut offrir aux salariés un environnement, sinon identique à celui qu’ils trouveraient dans les grandes entreprises, au moins similaire. Le dialogue direct et la hiérarchie moins lourde sont des atouts pour les petites entreprises. Et, à travers ces commissions paritaires, nous avons mis en place des dispositifs d’activités sociales et culturelles, qui permettent d’améliorer l’attractivité des postes que ces catégories d’entreprises peuvent offrir.

Pourquoi n’élever le seuil qu’à vingt-six salariés et pas à quarante-neuf ? Nous serions tout à fait d’accord pour aller jusqu’à quarante-neuf, mais nous vivons dans un pays de symboles et on pourrait nous reprocher de vouloir supprimer les DP – en tout état de cause, compte tenu des constats de carence, on n’enlèverait pas grand-chose. Il est vrai qu’en portant le seuil à vingt-six, on en créerait un nouveau. Pas tant que cela en réalité, puisque de vingt-six à quarante-neuf salariés, ce sont deux délégués du personnel que l’on élit.

S’agissant du passage de quarante-neuf à cinquante salariés, je vous demande de raisonner de manière pragmatique. Alors qu’à quarante-neuf personnes, il faut deux délégués du personnel, dès qu’on franchit le seuil de cinquante, c’est le grand soir ! De deux délégués du personnel, on passe à huit, mais on doit aussi élire un CHSCT, un CE, voire un délégué syndical. Je ne parle pas là par idéologie. Aujourd’hui, plus l’entreprise est petite, plus elle doit faire d’efforts par rapport à une grande entreprise. Il faut donc s’interroger, sachant que beaucoup d’entreprises de cinquante salariés ne sont pas dans les clous du code du travail.

Pour ce qui est de laisser les représentants entrer dans l’entreprise, cela reviendrait à leur reconnaître la faculté d’y dicter leur loi. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, mais bien, comme l’a dit Alexandre Saubot, en instaurant un dialogue basé sur la confiance entre représentants des entreprises et représentants des salariés. Il faut y aller de manière pragmatique et dans un esprit constructif. Chaque année, nous réunissons l’ensemble des représentants salariés et patronaux des CPRIA et nous faisons le bilan. À voir le dernier en date, le système fonctionne, il est constructif et les idées n’y manquent pas.

S’agissant de la composition des commissions, pourquoi imposer par la loi que les représentants des organisations syndicales de salariés soient issus obligatoirement des entreprises de moins de onze salariés ? Une solution pratique serait d’augmenter le seuil. Certes, il est plus facile de laisser partir un salarié dans une entreprise qui en compte quarante-neuf que lorsqu’on n’en a qu’un. Mais je pense qu’il faut aussi laisser la responsabilité aux organisations syndicales de salariés. On ne peut pas dire qu’il y aura une influence de l’employeur puisque ce sont les confédérations syndicales qui vont désigner les représentants. Ce sera à elles de les choisir dans ces catégories d’entreprises, ce qui évitera le blocage du système qui arrivera nécessairement si l’obligation est faite par la loi.

J’aurai un avis plus nuancé sur la représentativité patronale, à propos de laquelle la loi du 5 mars 2014 a fait l’objet de nombreux débats. Il me semblait que l’on tenait compte du nombre de salariés, et l’UPA estime que c’est totalement légitime. Faut-il revoir cette loi alors qu’elle n’est pas appliquée ? La procédure va s’enclencher à partir de 2017, à la proclamation des résultats sur la base des cotisants 2015. C’est donc aujourd’hui que tout se joue. Revenir sur cette loi, pourquoi pas s’il le faut, mais il faudrait peut-être lui laisser le temps de s’appliquer.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). À vous écouter, toutes les entreprises de moins de onze salariés seraient dans l’irrespect de la loi et dans la non-représentation, en quelque sorte des zones de non-droit. Je suis chef d’une entreprise de moins de onze salariés, je peux vous dire que le droit s’y applique comme dans les autres entreprises – les PV de carence sont bien la preuve qu’elles respectent la loi. Il est vrai qu’elles ne se gèrent pas comme les très grandes entreprises et que les règles doivent être différentes. Alors que le dialogue direct fonctionne bien dans les petites entreprises, l’institutionnaliser y mettra un frein.

Les chefs d’entreprise des TPE-PME sont des créateurs d’emplois. Il faut cesser d’alourdir la réglementation qui est suffisamment contraignante, et pas seulement en droit social. Même en considérant que la loi touchera seulement 130 entreprises, ces commissions seront probablement perçues par les chefs d’entreprise comme un frein. Je n’ai moi-même aucun souci avec la transparence, mais je ne suis pas toujours capable d’expliquer les décisions que je prends en amont, car j’ai une vision intuitive de mon entreprise. Je ne veux pas qu’on me reproche cette incapacité à expliquer, car c’est moi qui porte le risque financier. Je n’ai pas d’actionnaires, et si je me casse la figure, je serai toute seule. Cela ne veut pas dire que je ne veux pas être transparente. Je dialogue avec mes salariés, je les écoute. Quand ils ont un problème, ils viennent me voir. Dans une entreprise de moins de onze salariés, on est capable de parler de tout, y compris des augmentations de salaire. Je ne connais pas un salarié souhaitant une augmentation qui n’aille pas frapper à la porte de son employeur, que ce soit celle du chef d’entreprise lui-même ou celle du directeur des ressources humaines.

Le compte personnel d’activité va chapeauter principalement deux comptes. D’une part, le compte de prévention de la pénibilité, qui n’est pas encore mis en place. Il n’est pas tout à fait vrai, monsieur Juanico, que les entreprises n’auront pas à s’en soucier avant l’année prochaine. Elles doivent tracer le risque dès le 1er janvier pour être en mesure de le déclarer, même si ce n’est que l’année prochaine. Le compte personnel d’activité couvrira, d’autre part, le compte personnel de formation, dont on connaît les difficultés d’application. Là encore, nous avons du boulot pour que ce dispositif fonctionne.

J’ai cru comprendre que le compte épargne-temps (CET) serait également visé, ce qui m’incite à soulever un problème peu abordé. Quand un salarié quittera son emploi, il emportera dans sa besace son compte pénibilité, son compte formation et son compte épargne-temps. Je me demande si cette portabilité des droits ne présente pas un risque. Aujourd’hui, le salarié qui quitte l’entreprise est invité par son employeur à liquider son CET avant de partir. Si désormais il l’emporte avec lui, ne risque-t-il pas de rencontrer des difficultés de recrutement ? Les employeurs sont portés à croire qu’une personne d’une cinquantaine d’années a forcément pas mal de choses dans sa besace, ce qui peut constituer un frein au recrutement. Du reste, les partenaires sociaux devraient ouvrir une réflexion pour savoir qui va financer tous les droits portables. L’idée est certes séduisante, mais il faudra veiller à ce qu’elle ne se transforme pas, dans la pratique, en équivalent du RSI pour les salariés.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame, messieurs, je vous remercie de votre participation à nos travaux.

II. AUDITION DES MINISTRES

La Commission procède à l’audition de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur le présent projet de loi, lors de sa deuxième séance du mercredi 6 mai 2015.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi : après avoir entendu ce matin les partenaires sociaux, nous auditionnons cet après-midi les deux ministres concernés par le texte : M. Rebsamen, compétent pour les titres I à III, et Mme Touraine pour le titre IV.

Ce projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 22 avril : important et attendu, il soulève de nombreuses questions, comme l’ont montré les longues interventions des partenaires sociaux. Sans entrer dans le détail, je me bornerai à souligner que ce texte de modernisation sociale et de solidarité est en parfaite cohérence avec les objectifs poursuivis par la majorité depuis 2012.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la présidente de la Commission des affaires sociales, mesdames, messieurs, je vous remercie de nous avoir invités, ma collègue Marisol Touraine et moi-même, à vous présenter le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Je laisserai à Mme Touraine la parole sur le volet important du projet de loi qui concerne la prime d’activité.

Je commencerai par l’histoire de ce texte.

Le dialogue social est la marque du quinquennat de François Hollande. Depuis 2012, cette méthode a fait ses preuves : les trois grandes conférences sociales et les cinq accords nationaux interprofessionnels sont l’expression de cette réussite. En juillet dernier, j’ai proposé aux partenaires sociaux de se saisir de la question de l’efficacité du dialogue social dans l’entreprise : nous l’avons évoquée lorsque je suis venu devant votre commission le 9 juillet dernier.

Si ces négociations n’ont pas abouti, cela ne marque ni l’échec du dialogue social dans son ensemble, ni la fin des réformes menées par le Gouvernement sur ces sujets. Légitimement, le Gouvernement a repris la main.

Pour avancer sur ces sujets cruciaux pour tous les salariés et toutes les entreprises du pays, il a fallu viser un point d’équilibre. C’est à cette fin que j’ai consulté les représentants syndicaux et patronaux tout au long du processus d’élaboration du projet de loi. Je crois pouvoir affirmer devant vous que le point d’équilibre est atteint. Le texte que je vous présente est le fruit de plus de neuf mois de dialogue avec les partenaires sociaux.

Il était important que le Gouvernement prenne ses responsabilités en préparant un projet de loi sur le sujet, car les salariés et les entreprises de notre pays ont tout à gagner, chacun en conviendra, à un dialogue social de meilleure qualité.

Le dialogue social existe. Chaque année, près de 36 000 accords sont conclus dans les entreprises. Toutefois, des sondages récents font apparaître qu’un tiers seulement des salariés auraient une bonne image des syndicats, ce qui donne une idée de la crise de légitimité auxquels ils sont confrontés. Cette crise n’épargne d’ailleurs pas les autres formes de représentation, à commencer par les élus. Ma conviction est qu’il est plus que jamais nécessaire de redonner de la force aux représentants du personnel. Je crois également que ce défi pourra être relevé en partant du niveau de vie le plus proche des salariés, c’est-à-dire de l’entreprise.

Créer les conditions d’un dialogue social plus vivant, plus efficace et plus proche des réalités des entreprises et des préoccupations des salariés, c’est répondre à la fois à une double exigence démocratique et d’efficacité économique.

Une exigence démocratique, tout d’abord : le principe de la participation des salariés est inscrit dans la Constitution. Il est juste en effet que les salariés soient associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui concernent leurs conditions de travail, leur pouvoir d’achat, leur formation et leurs emplois. Ils ont le droit, et ce droit doit être effectif et réel, de participer aux choix stratégiques qui déterminent non seulement leur vie dans l’entreprise, mais bien souvent aussi leur avenir.

Un dialogue social plus performant permet également de répondre à une exigence d’efficacité, sociale tout d’abord : des relations plus confiantes dans les entreprises sont le gage d’une meilleure qualité de vie au travail. Un dialogue social constructif, c’est également l’assurance que les fruits de la croissance, lorsqu’elle est là, profiteront à tous et qu’en cas de difficultés pour l’entreprise, des solutions justes seront trouvées. C’est ce qu’attendent nos concitoyens.

Un dialogue social plus performant est de surcroît un facteur décisif d’efficacité économique. On parle beaucoup de coût du travail et du capital : or ces points ne sont pas les seuls à entrer dans la compétitivité d’une entreprise. Sa capacité à innover, à améliorer la qualité de ses produits et à satisfaire les attentes de ses clients – tout ce qu’on appelle la compétitivité hors coût – est tout aussi importante. En la matière, l’exemple de nos voisins allemands, suédois ou autrichiens, doit nous inspirer. La capacité qu’ont eue certains leaders de la DGB – Deutscher Gewerkschaftsbund – allemande à prendre toute leur part dans les décisions stratégiques qui se sont révélées très positives dans les grands groupes, par exemple automobiles, montre que c’est un non-sens d’opposer dialogue social et performance économique. Chacun le sait ici : les deux sont complémentaires.

Pour être performante, l’entreprise doit être un lieu de coopération et d’engagement collectif. Il lui faut investir dans les compétences en en préparant une gestion prévisionnelle et s’inscrire dans le long terme. Les salariés doivent également pouvoir être entendus et participer aux débats qui permettent de définir les orientations stratégiques, avec, à la clef, un climat social apaisé et une motivation plus forte et plus importante des salariés.

Telle est ma conviction : un dialogue social plus efficace est vital à la fois pour les salariés, pour les entreprises et pour le pays.

Comment se satisfaire du nombre élevé d’entreprises et de salariés exclus, de droit ou de fait, du dialogue social ? Comment se satisfaire des discriminations qui touchent ceux qui s’engagent au service des autres salariés, qu’ils soient délégués du personnel ou délégués syndicaux ? Comment se satisfaire, enfin, de discussions où la forme, bien souvent, prend le pas sur le fond, sans que la voix des uns et des autres puisse porter comme il se doit ?

Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui est un texte de progrès social, qui changera le quotidien des millions de salariés et des milliers d’entreprises que compte notre pays. Il vise quatre objectifs.

Premier objectif : assurer la représentation de tous les salariés. Pour l’heure, seuls les salariés des très petites entreprises de quelques secteurs – l’artisanat ou l’agriculture, par exemple – ont accès à la représentation. Mon ambition est de permettre à chacun des 4,6 millions de salariés des TPE de notre pays d’être représenté sous une forme qui corresponde aux spécificités des entreprises de très petite taille. C’est pourquoi le projet de loi prévoit la création de commissions paritaires régionales, composées d’employés et d’employeurs issus des TPE. Ces commissions seront des lieux de dialogue et de conseil pour les salariés comme pour les employeurs. Ce sera une première en Europe ; la démocratie sociale s’en trouvera renforcée à la fois dans les TPE et dans notre pays.

Deuxième objectif : rendre le dialogue social plus vivant et plus efficace.

Je le soulignais en préambule : certaines obligations de consulter et de négocier sont aujourd’hui trop formelles, au détriment de débats stratégiques dans lesquels les salariés peuvent réellement faire entendre leur voix et peser sur les décisions qui sont prises. Ce constat est très largement partagé par les partenaires sociaux.

C’est ainsi que la mesure proposée dans le projet de loi s’inscrit dans la continuité d’un travail engagé de longue date par les partenaires sociaux. Elle prolongera en leur donnant toute leur portée les dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi, qui elles-mêmes reprenaient l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013. Je pense notamment à la mise en place de la consultation sur les orientations stratégiques et à la création d’une base unique de données économiques et sociales, qui est actuellement déployée dans les entreprises. Ces mesures visaient déjà à mettre les représentants du personnel au cœur de la prise de décision.

C’est un nouveau cap très important que le texte permettra de franchir en prévoyant de passer de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois consultations annuelles : la première portera sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la deuxième sur la situation économique et financière, la troisième sur la situation sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Les douze obligations de négociations seront quant à elles regroupées en trois blocs cohérents : le premier portera sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée, le deuxième sur la qualité de vie au travail, et le troisième sur la gestion des emplois et des compétences. Le dialogue social aura ainsi beaucoup plus de sens pour tous. C’est un aspect très important, qui redonnera, nous l’espérons, un élan aux vocations syndicales ou de représentants du personnel. Elles en avaient bien besoin…

Troisième objectif : adapter les institutions représentatives du personnel à la taille des entreprises.

J’ai souhaité partir d’un principe clair : toutes les institutions ont leur pertinence. C’est pourquoi elles sont toutes maintenues, avec les missions et les compétences qui leur sont associées. Ce que prévoit le projet de loi, c’est un fonctionnement plus simple et mieux adapté à la spécificité des entreprises, notamment celles de petite taille. Il suffit de tourner le regard vers nos voisins européens pour trouver chez eux un droit plus simple ou des possibilités d’adaptation en fonction de la taille ou de la nature des entreprises. Une inspiration est sans doute à puiser dans ces formes d’adaptation.

La possibilité de mettre en œuvre une délégation unique du personnel (DUP) sera étendue aux entreprises jusqu’à 300 salariés. Cette DUP comprendra également le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Pour les entreprises de plus de 300 salariés, il sera possible de regrouper tout ou partie des institutions représentatives du personnel (IRP) afin de créer un cadre de discussion plus souple. L’accord majoritaire, c’est-à-dire celui qui sera conclu par des syndicats qui ont obtenu 50 % des voix aux élections professionnelles, permettra aux acteurs du dialogue social de définir eux-mêmes non seulement le périmètre des instances et ses règles de fonctionnement, mais aussi les moyens des représentants, qui pourront être renforcés. Ce sera une reconnaissance du rôle central des syndicats, qui sont les mieux à même de redéfinir une partie des règles du jeu. Qui pourrait penser qu’ils concluraient des accords qui iraient contre le dialogue social ? Ce ne serait pas leur faire confiance !

Il n’est pas question, comme d’aucuns ont pu le craindre, d’affaiblir ou de faire disparaître le CHSCT. Au contraire, le projet de loi prévoit de le valoriser et de le renforcer. Au sein de la DUP, il conservera toutes ses prérogatives, notamment celles d’ester en justice et de recourir à des expertises. Dans le cadre des institutions regroupées par accord majoritaire dans les entreprises de plus de 300 salariés, une commission spécifique portant sur les sujets d’hygiène, de santé et de conditions de travail sera instituée. Le projet de loi prévoit enfin que tout salarié d’un établissement appartenant à une entreprise de plus de cinquante salariés sera couvert par un CHSCT, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est une avancée importante car, depuis les lois Auroux, le CHSCT est au cœur des questions de sécurité, de santé au travail et de qualité de vie dans les entreprises.

Quatrième et dernier objectif : reconnaître, valoriser et favoriser l’engagement des salariés dans l’entreprise.

Les inégalités salariales dont sont victimes certains représentants du personnel, notamment syndicaux, ne sont pas acceptables. Elles sont cependant une réalité : elles nuisent à l’engagement, notamment des plus jeunes. Le projet de loi prévoit donc un mécanisme de non-discrimination salariale, qui concernera tous les représentants du personnel dont les heures de délégation occupent 30 % ou plus du temps de travail. Il prévoit également de développer les conditions d’une meilleure articulation entre engagement syndical et vie professionnelle. Un entretien de prise de fonctions, au début du mandat, et un entretien de repositionnement professionnel, à 1’issue de mandat, seront institués.

Le projet de loi prévoit en outre un dispositif de valorisation des compétences acquises au travers de l’exercice d’un mandat, qui permettra à tous ceux qui s’engagent de voir leur expérience au service des autres salariés valorisée.

Il faut par ailleurs continuer d’agir en faveur de l’égalité femmes-hommes. C’est pour répondre à cette ambition que l’obligation de représentation équilibrée entre femmes et hommes sur les listes des élections professionnelles est inscrite dans le projet de loi. C’est une novation majeure du projet de loi. Dans la lignée de ce qui a été accompli dans le domaine politique, la représentation équilibrée doit progresser dans le domaine social. Elle passe également par la composition des instances représentatives du personnel. Le Gouvernement a une volonté très forte d’agir en ce sens.

Voilà pour la partie du texte qui porte sur le dialogue social. Il faut le mesurer, ce sera une réforme profonde qui transformera durablement les relations de travail dans les entreprises, au bénéfice des salariés, de l’efficacité des entreprises et de la croissance dont notre pays a tant besoin.

Le projet de loi comporte deux autres volets dans le champ du travail et de l’emploi, qui marquent eux aussi des avancées sociales.

Le premier concerne l’intermittence du spectacle.

La loi sanctuarisera et pérennisera le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle. Elle définira également une méthode, qui mettra les partenaires sociaux au centre de la prise de décision. L’enjeu est de mieux articuler les niveaux interprofessionnel et professionnel pour une approche renouvelée et, espérons-le, plus efficace des négociations.

Je tiens à saluer une nouvelle fois la qualité des travaux de Mme Archambault et de MM. Combrexelle et Gille. Ce dernier, en tant que rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles pour cette partie du texte, s’assurera jusqu’au bout du processus législatif que leurs propositions seront bien traduites dans la loi.

Le second volet concerne le compte personnel d’activité et, plus largement, la sécurisation des parcours professionnels. La création du compte personnel d’activité est une réforme majeure qui marquera notre histoire sociale. Comme l’a dit le Président de la République, ce compte, qui sera un droit pour tous à l’horizon 2017, sera le capital de ceux qui travaillent. Il rassemblera les droits individuels des salariés, à commencer par les droits à la formation : compte personnel à la formation, compte épargne-temps, compte pénibilité. L’ambition du Gouvernement est de réunir ces droits en un seul « lieu » et de les décloisonner pour permettre à chacun d’être acteur de son parcours professionnel. Ce compte préfigure l’avenir de nos droits sociaux. Chaque salarié pourra construire son parcours selon ses aspirations, sans crainte de la mobilité et surtout sans avoir à pâtir de ses choix. C’est un sujet sur lequel nous devrons travailler ensemble, sur la base des propositions des partenaires sociaux, qui seront consultés et se trouveront au cœur de l’élaboration des dispositions.

La loi contiendra également des mesures concrètes en faveur des publics les plus éloignés de l’emploi. Le rôle central de l’AFPA – Association pour la formation professionnelle des adultes – dans le service public de l’emploi sera reconnu comme tel et renforcé.

En conclusion, ce projet de loi défend une conception ambitieuse du progrès et de la démocratie sociale. Je sais pouvoir compter sur vous pour enrichir ses dispositions dans un esprit d’équilibre.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, monsieur le ministre.

Nous avons le plaisir d’accueillir deux de nos collègues de la Délégation aux droits des femmes : Mme Coutelle, sa présidente, et Mme Mazetier, sa rapporteure pour avis, puisque la Délégation s’est saisie pour avis du texte.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente de la Commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, j’interviens pour présenter le titre IV du projet de loi, qui crée la prime d’activité.

Avant d’en exposer les principes et la mise en œuvre, je tiens à saluer tout particulièrement les travaux de votre collègue Christophe Sirugue, qui ont fortement inspiré cette réforme majeure pour le soutien de l’activité salariée et du pouvoir d’achat des travailleurs modestes.

La prime d’activité traduit l’engagement du Gouvernement en faveur du travail. Comme j’ai entendu un grand nombre d’interrogations à son sujet, je tiens à préciser les deux objectifs que nous poursuivons à travers la mise en œuvre de ce dispositif.

Il s’agit tout d’abord de valoriser, y compris sur le plan financier, la reprise ou l’augmentation d’activité, qui peuvent se traduire par des coûts supplémentaires pour les salariés. La reprise ou l’augmentation d’activité peuvent en effet faire perdre à un salarié le bénéfice des aides sociales qu’il percevait dans le cadre du revenu de solidarité active (RSA) ou le conduire à des dépenses supplémentaires – frais de déplacement ou de garde d’enfant, par exemple.

Le second objectif, qui se superpose au premier, est de donner du pouvoir d’achat à des Français qui ont parfois le sentiment qu’ils n’ont droit à rien parce qu’ils gagnent trop pour bénéficier d’aides sociales, mais pas assez pour être concernés par les baisses d’impôts qui bénéficieront à 9 millions de foyers fiscaux dès la rentrée prochaine.

La prime d’activité soutiendra les Français qui prennent ou reprennent une activité, ce qui ne signifie pas que les salariés à temps très partiels n’en bénéficieront pas. Toutefois, c’est entre 80 % du SMIC et un peu plus du SMIC que le gain sera le plus important par rapport à aujourd’hui. Ainsi, un travailleur célibataire et sans enfant percevant le SMIC à temps plein pourra percevoir une prime de quelque 130 euros par mois, ce qui représentera un gain de 67 euros de pouvoir d’achat par rapport à ce qu’il perçoit à l’heure actuelle en aides diverses. Il convient en effet de comparer le montant de la prime avec le supplément de pouvoir d’achat que cette prime offre à son bénéficiaire par rapport aux dispositifs actuels.

Des dispositifs existent déjà, notamment la prime pour l’emploi et le RSA activité. Toutefois, l’empilement de ces mesures les rend illisibles et inefficaces. Le RSA activité renvoie vers l’aide sociale ce qui doit relever de la valorisation du travail ; quant à la prime pour l’emploi, elle est perçue par des Français qui ne le savent même pas ou ne s’y attendent pas. Ces deux dispositifs sont donc supprimés. Les ressources qui y sont consacrées seront affectées au financement de la prime d’activité – soit 4 milliards d’euros au total.

À partir de ces principes et dans le cadre de cette enveloppe financière, je souhaite insister sur trois points.

Premièrement, je veux rappeler ce que la prime n’est pas. La prime d’activité soutient l’activité : ce n’est donc pas un mécanisme de lutte contre la pauvreté.

Des mesures ont déjà été adoptées contre la pauvreté, notamment dans le cadre du plan ambitieux contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, dont la revalorisation exceptionnelle de 10 % du RSA, la revalorisation de 25 % à 50 % d’allocations familiales ou encore la Garantie jeunes – je ne suis pas exhaustive. Ces mesures, qui produisent des résultats, ciblent les personnes les plus pauvres. Ce n’est pas l’objet de la prime d’activité.

Deuxième point : le barème de la prime, qui détermine sa montée en puissance. Ceux qui avaient droit au RSA activité en travaillant quelques heures par semaine ne se retrouveront pas dépourvus de toute aide. Le texte ne fera aucun perdant parmi les personnes les plus modestes et les travailleurs les plus précaires, qui sont souvent des femmes. Toutefois, c’est à partir d’un demi-SMIC que les salariés bénéficieront d’un gain de pouvoir d’achat significatif par rapport à aujourd’hui : c’est en effet le niveau à partir duquel les personnes perdent le bénéfice du RSA et des compléments qui l’accompagnent, notamment l’allocation logement.

À titre d’exemple, pour un célibataire sans enfant qui gagne entre 0,8 et 1,1 SMIC, autrement dit entre 900 et 1 200 euros nets par mois, le gain de pouvoir d’achat sera d’environ 67 euros par mois. Le dispositif s’arrête à 1,3 SMIC.

La troisième caractéristique de la prime, qui découle de ses objectifs, est de valoriser une activité nécessairement individuelle : toutefois, comme elle prend le relais du RSA activité qui, lui, est familialisé, nous avons introduit une variable de familialisation qui permet de prendre en compte la composition de la famille. Le dispositif conjugue donc individualisation et familialisation afin qu’aucun travailleur à bas revenus ayant charge de famille ne soit perdant – je pense en particulier aux familles nombreuses ou aux familles monoparentales.

En revanche, le caractère individualisé de la prime fait que, dans un couple, lorsque le conjoint, le plus souvent la femme, prend ou reprend une activité, cette prise ou reprise d’activité est valorisée à part entière. Chacun des deux revenus est valorisé de manière équivalente, ce qui n’est pas le cas avec le RSA activité.

La prime d’activité traduit également l’engagement du Gouvernement pour la jeunesse, puisqu’elle ouvre un droit nouveau pour plus d’un million de jeunes actifs. Parmi les 5,6 millions de travailleurs modestes susceptibles de bénéficier de la prime, plus d’un million seront des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Aujourd’hui, ils sont à peine 5 000 à bénéficier du RSA activité. La comparaison de ces deux chiffres est spectaculaire.

En effet, la prime d’activité sera ouverte aux actifs à partir de dix-huit ans, sans discrimination pour les actifs de dix-huit à vingt-cinq ans, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, puisque les jeunes actifs en bénéficieront selon les règles de droit commun, sans restriction particulière. C’est une avancée sociale majeure pour ceux qui, comme moi, défendent l’universalité de la protection sociale. Rien ne justifie qu’à travail égal un jeune ne reçoive pas la prime d’activité au seul motif qu’il est jeune.

La prime d’activité visant à soutenir une meilleure insertion sur le marché du travail, le projet de loi écarte de la prime d’activité les jeunes en formation initiale. Il existe pour eux d’autres dispositifs. Faire de la prime d’activité un instrument de soutien financier aux étudiants, par exemple, sans considération de leur activité reviendrait à brouiller le message.

Toutefois, lorsqu’un jeune travaille à temps plein ou presque ou qu’un salarié reprend par ailleurs des études pour se qualifier, ils doivent être davantage considérés comme des salariés en étude que comme des étudiants stricto sensu. Quant aux apprentis en troisième année d’apprentissage, ils sont en passe d’achever leur intégration professionnelle. C’est pourquoi, conformément au souhait du Président de la République, la prime d’activité sera étendue par amendement gouvernemental aux étudiants et aux apprentis, dès lors qu’ils ont une activité substantielle d’au moins 78 % du SMIC – nous avons parlé de 0,8 SMIC par souci de simplicité, mais il n’était évidemment pas question d’écarter les apprentis. Or le taux de 78 % correspond à la fois à la rémunération garantie d’un apprenti en troisième année d’apprentissage ayant au moins vingt et un ans et au niveau de ressource individuelle à partir duquel le jeune travailleur est considéré non plus comme à la charge de ses parents pour les prestations sociales, mais comme un actif autonome.

La prime d’activité s’inscrit donc dans le cadre de la modernisation de la protection sociale que nous avons engagée depuis trois ans pour l’adapter aux mutations du monde du travail. Comme d’autres réformes, elle renforce les garanties collectives attachées à des parcours professionnels individuels, en accompagnant les salariés lors de périodes d’emploi précaire ou faiblement rémunéré.

En cela, la protection sociale n’est pas de l’assistanat, comme se plaisent à le répéter certains, qui ont oublié que la protection sociale a précisément été mise en place pour accompagner les risques nés de l’organisation du travail instaurée par la révolution industrielle. C’est ce que nous faisons avec cette réforme comme nous l’avons fait pour les carrières longues ou la pénibilité : en renforçant la protection sociale, nous renforçons les droits attachés au travail.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je veux insister sur l’importance de ce texte, qui permet des avancées significatives sur des sujets débattus parfois depuis fort longtemps par les partenaires sociaux.

Il en est ainsi de la représentation des salariés des TPE, de la simplification et de l’adaptation à la taille des entreprises du fonctionnement des institutions représentatives du personnel, de la reconnaissance du parcours et de l’acquisition des compétences de ceux qui choisissent de consacrer du temps à un mandat syndical, ou encore du compte personnel d’activité. S’agissant enfin de la prime d’activité, il convenait d’en finir avec l’injustice d’un dispositif excluant une partie de nos concitoyens, en l’occurrence les jeunes, et d’imaginer une nouvelle approche de l’accompagnement des travailleurs qui ont besoin de la solidarité nationale.

Monsieur le ministre, l’article 1er traite de l’institution de commissions paritaires interprofessionnelles au niveau régional en vue de représenter les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés. Les auditions auxquelles nous avons procédé révèlent des inquiétudes sur la nature des représentants issus de ces entreprises. Il est évidemment avantageux de disposer de représentants au plus près des réalités : toutefois, les organisations syndicales nous ont alertés sur les difficultés qu’elles pourraient rencontrer à trouver un vivier suffisant. Est-il envisageable d’assouplir le profil des personnes susceptibles d’être élues dans ces commissions ?

La mise en place de la délégation unique du personnel a pour objectif de lisser les seuils sociaux dans le souci de favoriser l’emploi – la question des seuils sociaux a été posée par plusieurs de nos collègues de l’opposition au cours des auditions de ce matin. Le projet de loi élargit la DUP aux entreprises de 300 salariés : c’est une bonne chose. Toutefois, monsieur le ministre, dispose-t-on d’études prouvant que la possibilité de mettre en place la DUP favorise l’emploi ? De la même manière, des effets sur l’emploi sont-ils attendus du gommage, prévu par l’article 16 du texte, des effets de seuil applicables aux PME ?

L’article 15 élargit la possibilité de négocier l’accord avec des élus du personnel non mandatés par une organisation syndicale. La question du mandatement est un sujet délicat que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ensemble : un tel dispositif ne risque-t-il pas d’aboutir à l’affaiblissement, voire à l’évitement des organisations syndicales ?

Je laisserai à M. Gille le soin d’évoquer la question des intermittents.

S’agissant de la création du compte personnel d’activité, de quels éléments sera-t-il composé ? Pourriez-vous préciser votre propos sur le sujet ?

Madame la ministre, comment seront prises en compte la composition et les charges du foyer pour la part familialisée de la prime d’activité ? Quelles seront les différences à ce sujet avec le RSA activité ? Quelles sont enfin – question fondamentale – les simplifications envisagées de la base ressource ?

S’agissant des étudiants et des apprentis qui pourraient bénéficier de la prime d’activité, est-il envisagé de définir une durée minimale d’activité ouvrant droit à la prime ? Il s’agit, pour parler clair, d’éviter de rendre éligibles à cette prime les jobs d’été.

Enfin, comment sera financé à enveloppe budgétaire constante l’élargissement de la prime aux étudiants et aux apprentis concernés ?

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, l’article 20 du texte reprend le « scénario de sortie de crise » qu’Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et moi-même avions esquissé dans le cadre de la mission de concertation que nous avons conduite au second semestre de 2014 à la suite du conflit des intermittents du spectacle.

Il s’agit d’inscrire dans la loi et le code du travail un cadre stabilisé permettant de conforter le régime tout en le contenant, reprenant le scénario que nous avions esquissé, sinon par consensus, du moins à la suite de discussions associant tous les partenaires.

À cette fin, le principe de règles spécifiques aux métiers du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma sera inscrit dans le code du travail, ce qui permettra de pérenniser l’existence des annexes VIII et X et d’écarter dorénavant tout chantage sur leur maintien à chaque cycle de négociations. C’est bel et bien, contrairement à ce que l’on entend parfois, une manière de sanctuariser le régime de l’intermittence en l’inscrivant dans la solidarité interprofessionnelle de l’assurance chômage.

Il fallait revoir la méthode de négociation, d’où proviennent la plupart des problèmes qui engendrent, je le rappelle, un conflit tous les deux ans et un gros conflit tous les dix ans. En effet, comme c’est le secteur interprofessionnel qui gère, selon la loi, les règles de l’assurance chômage, y compris les mesures relatives aux annexes VIII et X, et que les employeurs et les salariés concernés par ces annexes ne sont pas présents aux négociations dont ils ne font que découvrir les résultats, ces derniers ont pris l’habitude, pour les contester, de se tourner vers l’État, lequel rappelle à son tour que la négociation incombe aux seuls partenaires sociaux… Pour en finir avec ce « triangle infernal », il fallait trouver un dispositif permettant d’associer les professionnels concernés aux négociations menées par les partenaires sociaux interprofessionnels au sein de l’UNEDIC. L’article 10 prévoit, par souci de subsidiarité, de déléguer aux partenaires sociaux représentatifs de l’ensemble des professions du spectacle la négociation de leurs règles spécifiques, à charge pour eux de transmettre aux partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, qui aura le dernier mot, un document de cadrage. Peut-être serons-nous amenés à préciser ce point : convient-il d’instaurer une concertation préalable obligatoire ? En effet, l’ensemble des partenaires craint l’autonomisation du cadrage financier pour le seul secteur du spectacle, alors que toute négociation doit s’inscrire dans les règles générales de l’assurance chômage. Il conviendrait donc que les partenaires sociaux s’entendent sur un cadrage général de l’assurance chômage préalablement à la concertation des partenaires représentatifs d’un secteur professionnel.

Il s’agissait enfin d’actualiser la liste des métiers autorisant, sans le rendre obligatoire, le recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU). Nous avions songé à mieux encadrer le CDDU : les auditions ont montré que les partenaires sociaux, sans y être formellement opposés, ne sont pas demandeurs. Une conférence sur l’emploi culturel est prévue pour le mois de septembre, les discussions visant à la préparer débutant au mois de mai.

L’article 10 du texte s’inscrit dans le cadre de la responsabilisation des différents acteurs, responsabilisation qui permettra de reconnaître le rôle d’un secteur professionnel important qui a su se structurer et qui pèse pour 3 % du produit intérieur brut. Il convient donc de l’accompagner en matière de dialogue social, notamment dans l’articulation entre le plan interprofessionnel, qui a la légitimité, je le répète, pour établir les règles de l’assurance chômage, et ce secteur professionnel, dont les spécificités sont fortes.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. La délégation aux droits des femmes s’est saisie de ce texte, car si les femmes représentent 48 % de la population en termes d’emploi, elles représentent plus de 72 % des travailleurs pauvres et moins de 37 % des élus du personnel. La délégation est donc très intéressée par ce texte et en salue les avancées.

Monsieur le ministre, l’article 1er instaure les commissions paritaires régionales interprofessionnelles : ne conviendrait-il pas de créer d’emblée de bonnes habitudes en prévoyant que ces commissions seront composées à parité d’hommes et de femmes ?

Nous saluons l’article 5, qui introduit l’obligation pour les listes aux élections professionnelles de comprendre une proportion de femmes et d’hommes qui reflète leur proportion respective dans les collèges électoraux. Le Gouvernement travaillant depuis 2012 à favoriser la mixité des métiers, ne conviendrait-il pas d’aller plus loin qu’une représentation « miroir » en instaurant des bonus, par exemple en heures de délégation, pour les organisations syndicales qui iraient au-delà de ce qui est exigé en la matière ? Ne serait-il pas également possible d’accompagner ce très bel article 5 de mesures visant à lever les freins à l’engagement syndical ? Celles qui tendent à valoriser les acquis de l’expérience ou à lutter contre les discriminations vont évidemment dans le bon sens : toutefois, le taux d’heures de délégation est trop haut pour concerner la plupart des femmes élues, qui n’ont qu’un mandat et donc peu d’heures de délégation. Il conviendrait d’instaurer des mécanismes d’incitation à l’engagement des femmes dans l’activité syndicale et le dialogue social.

Les articles 13 et 14 modifient substantiellement les modalités d’information, de consultation et de négociation. Si nous adhérons naturellement à l’objectif de simplification, d’identification et de dynamisation du dialogue social, celui-ci provoquera toutefois une perte de repères importante en termes d’égalité professionnelle puisque des documents, des moments, des lieux et des thèmes disparaissent de la rédaction actuelle des articles. Je pense tout particulièrement au rapport de situation comparée qui est la pierre d’angle, dont les acteurs se sont emparés, de la construction de la négociation pour l’égalité professionnelle. Retrouvera-t-on des données sexuées aussi claires et précises dans la base de données unique ? Tel que le projet de loi est actuellement rédigé, neuf thématiques précises de négociation permettant l’égalité professionnelle disparaissent : pourquoi le législateur devrait-il revenir sur ce qu’il a adopté il y a seulement quelques mois ?

Enfin, madame la ministre, alors que les femmes représentent 72 % des personnes en sous-emploi, vous avez indiqué que la prime d’activité permettra d’articuler individualisation et familialisation, afin d’éviter qu’elle ne serve à subventionner le travail précaire. Nous sommes toutefois très attentives au fait que ni le barème ni les modes de calcul de la prime ne figurent dans la loi. Et surtout, les pensions alimentaires, trop souvent versées de manière très aléatoire et incomplète, ne devront pas être considérées comme des revenus dans le calcul de la prime d’activité, sous peine de fragiliser le dispositif.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous allons maintenant entendre les représentants des groupes.

M. Michel Liebgott. Toutes les organisations syndicales que nous avons auditionnées se sont montrées relativement satisfaites de ce texte. Celui-ci apporte, notamment, une ouverture considérable aux TPE qui, jusqu’à présent, se sentaient écartées : 4,6 millions de salariés seront enfin représentés. Étant originaire de la région industrielle qui a connu le conflit Arcelor-Mittal, je n’oublie pas que les salariés des grands groupes s’en sortent souvent beaucoup mieux que les intérimaires ou les sous-traitants, d’autant que les entreprises ont de plus en plus souvent tendance à externaliser bon nombre de fonctions.

Ce projet de loi était donc d’autant plus attendu que nous devons rattraper un énorme retard par rapport à des pays comme la Suède, la Norvège ou le Danemark, où les taux de syndicalisation atteignent 50 %. Quant à l’Allemagne, dont le système est assurément différent du nôtre, il faut savoir que les comités d’entreprise se mettent en place à compter de cinq salariés…

Certes, les représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ont donné le sentiment de vouloir supprimer tous les seuils, de n’être favorables qu’aux accords d’entreprise et de vouloir, sinon réduire le code du travail à cent pages, comme en Suisse, du moins d’en supprimer les deux tiers. Rappelons au passage que le code du travail français ne compte que 675 pages si l’on en exclut les jugements – il n’est donc pas si énorme que d’aucuns le prétendent.

Nous avons pu leur rappeler que des salariés se plaignent de discriminations salariales incontestables liées à leur engagement syndical, qui est ressenti par beaucoup comme un handicap, ce qui n’incite pas les plus jeunes à rejoindre leurs aînés dans l’action syndicale. Cette situation ne sera pas sans conséquence sur les négociations des prochaines années.

L’Union professionnelle artisanale (UPA) a toutefois reconnu que, depuis 2001, les commissions interprofessionnelles fonctionnaient très bien au plan régional dans le domaine de l’artisanat. Je tiens également à me féliciter des actions menées dans le domaine agricole ou dans celui des professions libérales ; autrement dit, certains partenaires sociaux représentants des employeurs ont une attitude positive. Ces partenaires ont également souligné l’intérêt de la prime d’activité, qui ne doit être conçue ni comme une aide sociale ni comme un substitut au salaire et ne devra donner lieu à aucun effet d’aubaine. C’est pourquoi nous devons nous montrer vigilants : l’enthousiasme des employeurs sur ce point peut susciter quelque méfiance.

Le débat parlementaire permettra d’aborder des questions relatives au mandatement, à l’extension à la médiation, à l’amélioration de la qualité de la banque de données économiques et sociales, aux conditions d’application de la DUP, à l’indépendance du CHSCT – s’il y a des avantages à ce que le comité d’entreprise s’intéresse aux conditions de travail, il n’est pas inutile qu’une entité particulière y soit dédiée – ou à l’opportunité de négociations salariales annuelles – j’y suis plutôt favorable.

Personne ne peut nier, y compris du côté patronal, que ce texte témoigne d’une volonté incontestable de simplification permettant à la France de se rapprocher de systèmes plus vertueux. Certes, l’Allemagne n’est pas la France : je remarque toutefois que les progrès réalisés en Allemagne sur la question du SMIC sont dus à la pression des partis de gauche, notamment du SPD.

Enfin, une disposition de la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 prévoit la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Alors qu’ils siègent en Allemagne à parité avec les actionnaires dans les conseils de surveillance des entreprises, ce n’est pas encore totalement le cas en France : dix entreprises du CAC40 se refusent à appliquer ces dispositions au motif que la loi ne les y oblige pas en tant que holdings ayant moins de cinquante salariés…

M. Gérard Cherpion. Après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux au moins de janvier dernier, le Gouvernement a tranché avec ce projet de loi relatif au dialogue social. Mais cet échec du dialogue traduit précisément une désillusion dans un domaine qui constituait pourtant une des grandes ambitions du candidat Hollande. Qui plus est, ce texte arrive dans un contexte de hausse du chômage et, ce matin, les partenaires sociaux nous disaient qu’il n’aurait aucune incidence sur l’emploi, ce qui, il est vrai, n’est pas forcément son objectif.

Il contient des avancées en matière de simplification mais pas de grandes ambitions réformatrices. La création des commissions TPE correspond vraiment à une nécessité : 4,6 millions de salariés sont concernés, c’est une bonne chose. La réforme des instances représentatives du personnel (IRP), visée par les articles 8 et 9, intéresse les entreprises de 50 à 300 salariés pour l’élargissement et l’avancement de la DUP. Je m’interroge sur ce seuil de 300, pourquoi ne pas aller plus loin, peut-être jusqu’à 1 000 de façon à simplifier le système de façon plus conséquente ? Les entreprises de plus de 300 salariés ont la possibilité de regrouper les IRP à la carte et par accords majoritaires. Mais si ces mesures constituent des avancées, il faudrait aller plus loin, et offrir davantage de souplesse aux entreprises ; or rien n’est proposé par rapport au seuil des 50 salariés. J’ai d’ailleurs noté, monsieur le ministre, qu’à aucun moment dans votre propos vous n’avez prononcé le mot « seuil ». Selon une étude de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, le franchissement des seuils apporte un nombre important de 35 obligations supplémentaires et majore indirectement le coût de l’heure travaillée de près de 4 %. Vous aviez proposé, il fut un temps, de suspendre les seuils pour une durée d’un an ; pourquoi n’êtes-vous pas allé jusqu’au bout de cette excellente idée ?

En ce qui concerne la rationalisation de l’agenda social des entreprises, je voudrais vous féliciter, le passage de dix-sept obligations à l’information à trois grandes consultations me paraît très positif. Le regroupement de douze obligations négociées selon des périodes différentes en trois blocs me paraît tout à fait aller dans le bon sens, mais le projet de loi réorganise les obligations existantes sans pour autant les simplifier. Il met de l’ordre dans ce qui était devenu un véritable fouillis dans le code du travail, mais vous précisez bien dans le texte qu’aucun thème de négociation ne pourra être supprimé ; sans forcément parler de suppression, une fusion aurait pu être envisagée.

La possibilité de négocier en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, prévue à l’article 15, pose le problème du mandatement. Ce souci existait déjà à l’époque de la loi sur les 35 heures. On l’a senti ce matin à travers les auditions des partenaires sociaux ; mon sentiment est qu’ils sont globalement hostiles à cette proposition.

Pour ce qui regarde les intermittents du spectacle, j’adhère aux propos de Jean-Patrick Gilles : ce qui m’inquiète, c’est la mise en place d’un mode dérogatoire de négociation, car c’est bien cela qui est inscrit dans le texte. Les professionnels pourraient ainsi proposer leurs propres paramètres d’indemnisation aux partenaires sociaux interprofessionnels qui négocient la convention d’assurance chômage. N’avez-vous pas l’impression que l’inscription dans la loi, geste éminemment politique, pourrait créer un précédent dangereux, dans la mesure où d’autres professions pourraient à leur tour demander à sortir de la convention générale de l’assurance chômage en excipant de particularités qui leur sont propres – les travailleurs saisonniers, par exemple ?

Pour ce qui est de la mise en place du compte personnel d’activité, je vous retournerai le compliment que vous m’avez fait lors du dépôt de ma proposition de loi : vous m’aviez reproché de ne pas avoir consulté les partenaires sociaux. Mais dans le cas présent, vous n’avez pas respecté les dispositions de l’article L. 1 du code du travail en inscrivant dans la loi un dispositif qui, finalement, se résume à un article d’appel pour satisfaire une partie de votre majorité… Et si j’étais dans votre majorité, cela ne me suffirait assurément pas ! Bon nombre de questions se posent, notamment sur le financement de la portabilité des droits : comment éviter une nouvelle hausse du coût du travail, mais également certains effets contre-productifs, particulièrement en ce qui concerne l’embauche des seniors ?

J’avais cru comprendre, madame la ministre, le dispositif de la création de la prime d’activité mais, après votre présentation, j’avoue qu’un bon Dafalgan me sera utile… Je n’ai pas retrouvé dans le texte tous les éléments que vous nous avez expliqués. Pour ce qui est du nombre de bénéficiaires, on recensait environ 6,3 millions de foyers fiscaux concernés par la PPE, et 700 000 personnes par le RSA. On estime que 2,8 millions de personnes devraient bénéficier de la prime d’activité, sur une base de 5,6 millions… J’ai un peu de mal à comprendre, mais vous allez sûrement me fournir des explications et je vous en remercie par avance. Se pose également le problème de l’extension de la prime d’activité aux apprentis, dans des conditions quelque peu complexes, mais nous aurons l’occasion d’y revenir. Quoi qu’il en soit, la nouvelle prime touchera un public plus réduit, et même si ce sera plus intéressant pour certains, il y aura de nombreux perdants dans cette affaire – 820 000 ménages environ, si mes comptes sont justes. Le dispositif intègre les salariés apprentis mais exclut les étudiants et les apprentis en formation initiale, ce qui n’est pas forcément choquant. Je partage votre analyse mais celle-ci mériterait toutefois une explication plus fine sur le niveau de l’indemnisation.

M. Francis Vercamer. Pour le groupe UDI, ce texte manque de cohésion : on ne distingue pas clairement son objectif. Il ne répond pas au constat critique que vous aviez établi, monsieur le ministre, au mois de juillet dernier, qui faisait référence au nombre conséquent de règles et d’obligations construisant un cadre complexe, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Manque de cohésion, disais-je, car ce projet de loi aborde des sujets très variés, ce qui lui confère un aspect fourre-tout avec des titres sans grands rapports entre eux. Et pour ce qui est du dialogue social, qui constitue le sujet même du projet de loi au point de lui conférer son titre, on a l’impression de rester au milieu du gué. Manque de volonté du Gouvernement ? Absence d’accord entre les partenaires sociaux ? Je ne sais, je les renvoie dos à dos. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas vraiment de schéma nouveau et audacieux.

C’est pour nous une déception : comme vous le savez, les centristes croient beaucoup au dialogue social, notamment pour l’évolution du droit et la construction de règles adaptées à la réalité des entreprises. On peut même considérer que l’annonce faite en début de semaine par le Président de la République et le Premier ministre de la création d’une mission sur la place de la négociation dans les entreprises ne clarifie pas les objectifs du projet de loi qui nous est présenté. Certes, cette mission est intéressante et nous avions déjà avancé un certain nombre d’idées à ce sujet, mais son annonce avant même que nous ayons entamé l’examen du texte a de quoi surprendre et illustre cette fâcheuse tendance du Gouvernement à fractionner les débats sur un même sujet ce qui ne contribue pas à clarifier les objectifs qu’il se fixe. Si on ajoute à cela les amendements du Gouvernement qui viennent d’être annoncés, on se retrouve avec un projet de loi à l’image des textes de cette législature : décousus, sans objectif et sans vision d’ensemble.

La modélisation des institutions représentatives du personnel, qui tend à les simplifier, passe à côté de son sujet. Certes, la fusion des délégués du personnel des CE et des CHSCT va dans le bon sens, même si des réserves au sujet de ce dernier demeurent, comme je l’ai relevé ce matin devant les partenaires sociaux, dans la mesure où cette possibilité implique la création d’un nouveau seuil de 300 salariés alors même que chacun s’accorde à reconnaître que la multiplication des seuils sociaux et des obligations qui en découlent constitue déjà un sujet de complexité. Cette dernière question est ainsi laissée en friche.

Par ailleurs, le projet de loi exclut les PME et surtout les TPE du champ de la simplification, les partenaires sociaux en ont fait la remarque ce matin, alors même que ce sont ces entreprises qui sont susceptibles de créer de nouveaux emplois. Pire, les TPE héritent d’une nouvelle obligation à travers les commissions paritaires régionales. Nous n’y sommes évidemment pas opposés puisque nous avions soutenu un dispositif similaire, mais ces créations de commissions doivent être accompagnées de mesures traitant d’une manière ou d’une autre les seuils, soit en les relevant, soit en les modifiant, soit en les lissant.

En ce qui concerne le compte personnel d’activité, nous comprenons tout l’enjeu de la transférabilité des droits dans un contexte de plus grande diversité des parcours professionnels et de mobilité accrue des salariés. Nous partageons ce souci d’atténuer les effets de rupture et de sécuriser les phases de transition : la portabilité des droits acquis par le salarié concourt à la sécurisation des parcours. En revanche, nous comprenons moins l’empressement du Gouvernement à introduire un tel dispositif dans ce texte au point de ne même pas respecter l’article L. 1 du code du travail, comme l’a relevé Gérard Cherpion, puisque la décision a été prise sans concertation avec les partenaires sociaux. On devine d’ailleurs, derrière cette proposition, davantage une logique de congrès qu’une logique de progrès…

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Ça, c’est recherché !

M. Francis Vercamer. Le contour du dispositif reste à préciser, son contenu est incertain, ce qui n’a pas échappé aux partenaires sociaux, la question de sa faisabilité reste entière. Cela alors même que les employeurs et les salariés commencent à appréhender concrètement la réforme de la formation professionnelle et que la mise en œuvre du compte pénibilité demeure une source de complexité majeure pour de nombreux employeurs. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit aux chefs d’entreprises présents ce matin : « Vous avez aimé le compte pénibilité, vous adorerez le compte personnel d’activité ». Ils ont apprécié…

M. le ministre. Vous auriez dû le dire aux salariés…

M. Francis Vercamer. Vous avez évoqué la possibilité d’enrichir le texte par des amendements ; sachez que le groupe UDI en déposera et qu’il espère être entendu.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Vercamer, pour répondre à votre coquinerie, je vais m’en permettre une : vous dites avoir l’impression d’être au milieu du gué, mais ce sentiment est peut-être permanent chez les centristes.

Mme Véronique Massonneau. Ce texte a pour objet d’améliorer la qualité et l’efficacité du dialogue social, ce qui est une bonne chose. J’apprécie le progrès dans la parité entre les femmes et les hommes comme la prise en compte des parcours professionnels des élus et délégués d’entreprise ainsi que la valorisation de ces parcours – et je sais de quoi je parle. Comme à mon habitude, j’irai droit au but et vous poserai quelques questions auxquelles j’espère que vous voudrez bien répondre.

Quels seront les moyens alloués aux commissions paritaires régionales, dont nous saluons la création, afin que la représentation des nombreux salariés des TPE soit efficace ?

En ce qui concerne la création des DUP, sans avoir d’opposition de principe au regroupement des instances représentatives du personnel, je ne crois pas que la simplification dans le seul but de permettre à l’entreprise de réaliser une économie puisse constituer une motivation valable. Ces fusions ne doivent pas se faire au détriment des salariés et je souhaite que vous puissiez nous apporter des garanties sur ce point. Au-delà, un texte relatif au dialogue social devrait apporter des progrès en matière de protection des salariés, en particulier dans le domaine de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail, prérogatives du CHSCT.

La fusion de la prime à l’emploi et du RSA activité au profit de la prime d’activité constitue une mesure nécessaire au regard du dysfonctionnement actuel. Certains citoyens n’ont pas recours à ces dispositifs à cause de leur complexité. Nous approuvons le soutien à ces travailleurs pauvres, mais nous ne saurions cautionner l’exposé des motifs lorsqu’il présente ces dispositifs comme moyen d’incitation au travail ; personne ne se satisfait d’un RSA.

Je tiens enfin à relever un paradoxe. À travers le pacte de responsabilité, le Gouvernement incite les employeurs à recruter au salaire minimum, grevant ainsi les ressources de la Sécurité sociale du fait du dispositif « zéro charges » ; or, dans le même temps, la solidarité nationale compense la faiblesse de ces salaires qui ne permettent pas de vivre correctement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Après les porte-parole des groupes, nous allons entendre les autres orateurs.

Pour ma part, je me félicite que les salariés des TPE trouvent enfin leur place au sein du dialogue social grâce à la création des commissions paritaires régionales (CPR). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la majorité des dossiers présentés devant les prud’hommes proviennent de TPE : cela prouve bien qu’il y a une carence dans le dialogue social de ces entreprises qui sera amélioré par ces instances, cela même si la CFDT a rappelé que 93 % des salariés dans notre pays sont couverts par des accords. Par ailleurs, je prends acte que les deux dispositifs qu’étaient le RSA et la PPE pourraient être remplacés par la prime d’activité.

Enfin, dans l’exposé des motifs, monsieur le ministre, un adverbe me gêne au sujet de la création de la délégation unique du personnel (DUP). Certes, le fonctionnement sera plus simple avec une délégation du personnel entièrement élue par les salariés et les institutions demeurent, les compétences et les missions également. Cependant, la dernière phrase indique que les moyens actuels des élus seront « globalement préservés », j’aurais préféré lire : « entièrement préservés ».

Mme Isabelle Le Callennec. Ce projet de loi est censé dépasser l’échec des négociations entre les partenaires sociaux qui n’ont pas trouvé le point d’équilibre dont vous parliez tout à l’heure, monsieur le ministre ; à les écouter ce matin, ils ne partagent toujours pas la même définition d’un dialogue social efficace. En même temps, le Premier ministre vient d’installer une commission « accords collectifs et travail » et son intention est de moderniser notre système de relations sociales et sa pratique : c’est bien qu’il ne croit même pas à l’issue de ce projet de loi… J’avoue ne pas comprendre. Le constat est largement partagé que le dialogue social est absolument nécessaire et, de mon point de vue, au plus proche des entreprises, mais, aujourd’hui, il est extrêmement complexe. Il est vrai que nous avons fait des propositions et que ce texte continue de provoquer des critiques et des interrogations. Parmi les critiques, je n’en citerai qu’une, j’ai encore reçu à ce sujet un courrier de la Fédération française du bâtiment : l’article 1er et la création des CPR sont loin de faire l’unanimité que l’on prétend. Les organisations de salariés se posent la question des moyens ; quant aux artisans, ils sont vent debout contre cet article.

J’aimerais être bien sûre d’avoir compris que le regroupement des institutions représentatives du personnel à la carte sera ouvert à toutes les entreprises de cinquante salariés tout en leur laissant le choix – l’idée de choisir me paraît excellente : les situations ne sont pas exactement les mêmes selon la filière et le nombre de salariés.

Pour ce qui est du compte personnel d’activité, je n’y vois que l’addition de dispositifs existants dont certains ont déjà du mal à se mettre en place : le compte personnel de formation dont la mise en œuvre au sein des entreprises est très laborieuse et le compte pénibilité que nombreuses entreprises considèrent comme une usine à gaz, mais je sais que vous travaillez à l’améliorer.

S’agissant de la prime d’activité, je suis tout à fait d’accord pour supprimer avant de créer. Au lieu d’additionner les dispositifs comme on le fait trop souvent, ici on en supprime deux pour n’en faire plus qu’un. Le problème est que cela ne concernera pas exactement les mêmes personnes et qu’on ne sait pas encore exactement combien cela va coûter : le Président de la République vient de rajouter un million de jeunes bénéficiaires. Vous venez, madame la ministre, de nous apporter de nouveaux éléments sur les publics visés ; reste que le financement de la prime d’activité n’est pas très clair.

M. Gérard Sebaoun. Ma question excède le champ du projet de loi tout en ayant un rapport direct avec lui : comme vous le savez, monsieur le ministre, depuis quelque temps, les notions d’aptitude et d’inaptitude au travail sont débattues et, de longue date, le MEDEF souhaite les modifier. Vous avez confié à notre collègue Michel Issindou ainsi qu’à deux autres personnalités, un rapport qui doit vous être remis très prochainement. Dans la loi « croissance et activité », un article était consacré à ce sujet, mais le Parlement ne l’a pas retenu ; l’article 6 de la loi relative à la santé prévoyait le traitement de la question par voie d’ordonnance, mais Mme la ministre des affaires sociales l’a retiré dans l’attente des conclusions du rapport précité. Ma question est donc la suivante : attendez-vous le rapport de notre collègue, le présent projet de loi sera-t-il le véhicule législatif retenu pour traiter ce sujet éminemment important aux yeux des salariés ?

M. Rémi Delatte. Nous déplorons tous la multitude et la complexité des obligations administratives, fiscales et sociales qui pèsent sur l’entreprise en France ; je regrette au passage que certains choix récents, comme celui du compte pénibilité, confirment cette spécificité nationale. Le texte présenté est empreint de bonnes intentions dont celle de conforter le dialogue social et d’apporter quelques assouplissements et simplifications, notamment dans le domaine des consultations des IRP – Gérard Cherpion s’en est fait l’écho, je n’y reviens pas.

Reste que l’article 1er irrite très fortement les professions indépendantes, comme l’a souligné notre collègue Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre du travail et de l’emploi, l’instauration d’une instance représentative du personnel par le biais de la création des CPR est majoritairement rejetée par les chefs d’entreprise concernés. Au fond, je me demande si cette disposition ne s’appliquerait pas mieux aux entreprises de moins de cinquante salariés. Pour le coup, l’effet de seuil serait reporté à cinquante, et je comprends les toutes petites entreprises qui redoutent une ingérence dans leur fonctionnement et une complexité accrue, et se méfient à l’idée de mettre en place une nouvelle technostructure coûteuse et inadaptée aux très petites entreprises souvent éloignées et dispersées, et qui plus est difficile à faire fonctionner du fait du manque de disponibilité des membres de ces commissions paritaires régionales, qui devront être issus des TPE. Qui plus est, cette instance est promise à d’inévitables télescopages avec les organisations existantes, qu’elles soient paritaires, professionnelles ou consulaires. Pourquoi ne pas retenir ce principe des CPR pour les entreprises employant entre onze et cinquante salariés et, pour les plus petites, continuer à faire confiance à un dispositif qui fonctionne, à un modèle social fondé sur la relation humaine, la confiance et le bon sens ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je tiens à remercier M. le ministre pour avoir réaffirmé que le dialogue social constitue un élément majeur pour la démocratie dans l’entreprise comme pour la compétitivité et l’efficacité économique. Ce texte doit être créateur de nouveaux droits du salarié. Ne devrait-on pas aller plus loin dans la représentation des salariés au conseil d’administration des entreprises, particulièrement celles de moins de 5 000 salariés, poursuivant la démarche engagée dans le cadre de la loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013 ?

Par ailleurs, je souhaitais interroger Mme la ministre au sujet de la prime d’activité et relayer une inquiétude qui s’est fait jour à propos de son attribution aux travailleurs étrangers. Pouvez-vous nous confirmer qu’elle sera maintenue pour les travailleurs étrangers actuellement bénéficiaires de la prime à l’emploi ?

Enfin, la lutte contre le non-recours constitue un véritable enjeu. Au-delà du projet de loi, un dispositif a-t-il été pensé et préparé afin d’améliorer l’accès à la prime d’activité et de diminuer le taux de non-recours à ce droit ?

M. Arnaud Richard. Madame la ministre, tous les républicains et les démocrates présents dans cette salle partagent votre avis sur le fait que la protection sociale ne relève pas de l’assistanat. En revanche, je partage quelque peu l’avis de mon collègue Cherpion au sujet de la nécessité d’un antalgique après la présentation du mécanisme de la prime d’activité… Je croyais avoir compris le projet de loi, je vais très probablement devoir le relire ! Dispose-t-on d’études précises permettant d’établir l’impact réel des mécanismes d’incitation au retour à l’emploi ? Je ne le pense pas.

La PPE et le RSA ne sont pas aujourd’hui pleinement satisfaisants, je vous l’accorde. Au mois de novembre dernier, Matignon avait prévu qu’il y aurait des perdants dans cette réforme ; aujourd’hui, vous nous soutenez qu’il n’y en aura pas. Mes calculs ne sont peut-être pas aussi précis que ceux de M. Cherpion, mais j’ai le sentiment qu’un million de nos compatriotes actuellement bénéficiaire de la PPE ou du RSA ne se retrouveront pas dans la prime d’activité. On peut avoir une philosophie politique, mais il faut être sûr et très précis et ne pas laisser entendre que personne n’y perdra. Manifestement, si l’on peut utiliser ce terme, les perdants sont ceux qui, selon vous, appartiennent à la catégorie des ménages les plus aisés de notre société – nous parlons de gens qui gagnent un peu plus de 1,2 fois le SMIC… L’ouverture aux étudiants et apprentis est une bonne chose, mais la masse budgétaire demeurant la même, il va falloir, madame la ministre, nous donner des éléments un peu plus détaillés. Tablez-vous toujours sur 4 milliards d’euros ? Le nombre de bénéficiaires se situe autour de 5,6 millions, et il va falloir y ajouter les étudiants salariés et les apprentis… Honnêtement, je suis un peu perdu. J’imagine que les débats parlementaires nous permettrons de mieux comprendre les choses.

La mensualisation enfin est une bonne chose et je veux saluer le travail de notre collègue Sirugue qui prône une réforme de l’ensemble des minima sociaux en France. Mais la question est posée : quid de l’avenir de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et du RSA dans sa partie maintenue, dit RSA socle ? Je note enfin que la situation des personnes qui se trouve en hospitalisation n’est pas prise en compte dans les modalités de calcul du revenu.

M. Denys Robiliard. On entend ici où là que ce texte ne serait pas une vraie réforme mais une réformette ; il m’a semblé que M. Vercamer s’inscrivait dans ce propos en disant qu’il n’y avait rien dans ce projet de loi qu’il allait cependant amender… Certes, l’importance d’une réforme ne se mesure pas au volume des protestations qui l’accueillent, mais tout de même ! L’instauration d’une représentation de tous les salariés des TPE est une avancée inédite, même si des systèmes de représentation existaient déjà dans le secteur de l’artisanat avec les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) et dans le secteur agricole. Ajoutez à cela la valorisation des parcours syndicaux, la rationalisation de l’information et de la consultation des instances représentatives du personnel, la réarticulation des IRP, la mise en place du compte d’activité qui permettra de nourrir – notamment sur les questions de fongibilité des droits – la future négociation sociale, et la création de la prime d’activité ; si cela n’est pas une réforme, je ne sais pas ce qu’il faut faire !

En ce qui concerne la délégation unique du personnel, l’élargissement est double : non seulement la possibilité est étendue aux entreprises comptant jusqu’à 300 salariés, mais la DUP inclura désormais le CHSCT alors qu’elle ne regroupait jusqu’à présent que les délégués du personnel et le comité d’entreprise. Je m’interroge toutefois sur la capacité de DUP à préserver la spécialisation du CHSCT, sur le plan fonctionnel mais également sur celui des compétences et des procédures particulières à cette institution. Ce doit être faisable, mais il faudra y être très attentif.

Ma deuxième question porte sur les administrateurs salariés. Vous avez procédé, monsieur le ministre, à une première évaluation de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Des difficultés sont apparues dans la mise en œuvre des règles applicables aux administrateurs salariés dans certains groupes tout simplement parce que l’organe dirigeant se trouve au sein d’une société qui n’a que très peu ou pas du tout de salariés. Le présent projet de loi pourrait-il être l’occasion de tenter de trouver une solution techniquement adaptée à ce cas de figure ?

Mme Catherine Coutelle. Je ne redirai pas ce que Sandrine Mazetier, rapporteure pour la Délégation aux droits des femmes, a dit de ce texte que nous trouvons très positif. En ce qui concerne la représentation équilibrée des hommes et des femmes, je me réjouis que nous passions d’une incitation inscrite dans la loi relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite Génisson, mais dont on a vu les limites, à une contrainte. Toutefois, à la différence de ma collègue Sandrine Mazetier, je ne crois pas la parité inscrite dans la Constitution se résume au « miroir », autrement dit à la représentation du nombre de femmes relevé à un moment donné dans un lieu donné ; si nous nous en étions tenus à cela, jamais nous n’aurions pu instaurer la parité dans nombre de domaines. La parité, pour nous, c’est essayer, par étapes, d’aller vers l’égalité de la représentation ; mais sans doute faut-il aussi accompagner les femmes dans le syndicalisme. Cela peut être un processus de long terme, mais c’est cela qui doit demeurer l’objectif, et non l’effet miroir. D’autant que je m’interroge : est-ce à dire que dans certains métiers où il y a 80 % de femmes, il devra y avoir 80 % de représentants syndicaux féminins ? J’aimerais que l’on trouve une autre formule.

L’article 13 du projet de loi vise à réduire le nombre des informations ou des consultations obligatoires du comité d’entreprise, ce qui m’amène à poser une question très précise à laquelle je n’ai pas jusqu’à présent trouvé réponse : quelle est la visibilité aujourd’hui de l’égalité professionnelle dans les entreprises ? Le projet de loi modifie les articles L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail. Or aucune des personnes que nous avons consultées, ni le Haut conseil à l’égalité des femmes et des hommes (HCEfh) n’ont pu nous dire ce que devient le rapport de situation comparée. Or, dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, nous venons de le renforcer avec des indicateurs plus précis. Cela commence à fonctionner et un décret d’application prévoyant des sanctions a été pris : quarante-cinq entreprises ont ainsi été sanctionnées fin 2014 et on est passé de 16 % d’accords en 2013 à 35 % à la fin de l’année 2014. L’effet du rapport de situation comparée est donc très incitatif. Les syndicats que nous avons entendus hier à l’occasion d’une table ronde nous ont indiqué que les négociateurs commençaient à comprendre le fonctionnement du dispositif et à avoir des réponses. Je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que les rapports de situation comparée disparaissent : ce serait pour la Délégation aux droits des femmes un casus belli. Je souhaiterais enfin vous interroger au sujet de la représentation paritaire au sein du collège des employeurs.

Mme la ministre. Une grande part des questions ont porté sur les titres I à III. Pour ce qui est du titre IV, qui traite de la prime d’activité, le rapporteur Christophe Sirugue m’a demandé de préciser le mécanisme d’individualisation et de familialisation en montrant les différences avec le dispositif actuel.

L’objectif poursuivi est très clairement de ne pas faire de perdants parmi les familles modestes. La composition du foyer sera donc prise en compte selon une logique assez proche de celle du RSA activité : le montant forfaitaire retenu pour le calcul de la prestation sera majoré en fonction du nombre d’enfants et, le cas échéant, du statut de parent isolé. En revanche, les simplifications de la base ressources reposent sur un changement de logique par rapport à ce qui avait été retenu pour la mise en place du RSA activité, qui restait marqué par le caractère de minimum social du RSA dont il était une composante. C’est précisément ce paradoxe que nous avions dénoncé à l’époque : ceux qui nous accusent systématiquement de défendre l’assistanat et de confondre revenus d’activité et revenus de l’aide sociale sont les mêmes qui ont mis en place, avec le RSA activité, un dispositif qui confond totalement la logique de minimum social avec celle d’un complément d’activité ! Du coup, parce que c’était un minimum social, le RSA activité prenait en compte absolument toutes les ressources, comme cela est inscrit dans la loi. La base ressources incluait par exemple les aides en nature reçues d’un proche, cadeaux de Noël ou autres, monétaires ou financiers, les ressources que l’on ne touchait pas mais que l’on aurait dû toucher – des pensions alimentaires non versées, par exemple –, des revenus théoriques tirés d’un patrimoine quand bien même ils seraient purement latents – une résidence secondaire héritée, par exemple, dont on était supposé tirer un bénéfice alors qu’on n’en dégageait aucun.

En ce qui concerne la prime d’activité, la règle est simple, les ressources retenues pour son calcul sont strictement énumérées par la loi : il s’agit des revenus d’activité ou des revenus de remplacement des revenus professionnels : indemnités chômage, indemnités journalières – ce qui signifie, en réponse à M. Arnaud Richard, que la situation des personnes hospitalisées est prise en compte –, les prestations sociales, particulièrement les allocations familiales, et les revenus soumis à l’impôt sur le revenu. Sont donc exclus de cette base ressources les revenus non imposables au titre de l’IR, les aides en nature et les dons. Le débat aura lieu au sujet de l’extension précise de ces prestations.

Vous m’avez également interrogée, monsieur le rapporteur, sur l’éventuelle durée minimale d’activité, afin de ne pas intégrer les jeunes travaillant dans le cadre de jobs d’été d’un mois dans la liste des bénéficiaires de la prime. Il ne s’agit pas de dire que les jeunes qui travaillent un mois l’été ne travaillent pas, mais que la logique de la prime est d’accompagner le retour à l’emploi afin de favoriser l’insertion, et pas seulement d’apporter un complément à un emploi à un moment donné. On pourrait imaginer une durée minimale de trois mois correspondant à la durée du versement de la prime, puisque celle-ci prend en compte les revenus des trois mois précédents, et est réactualisée sous les trois mois.

Vous m’avez ensuite fait part de vos préoccupations relatives au financement à enveloppe constante. Les apprentis et les étudiants qui seront inscrits dans le périmètre par les amendements que présentera le Gouvernement représentent un peu moins de 200 000 personnes. En ce qui concerne les apprentis, ils figurent dans le cadre de financement initialement prévu. Pour les étudiants, il s’agira de déterminer si l’on module le barème sans le modifier – je rappelle que celui-ci résulte de projections et qu’il est donc purement indicatif. En gros, si l’on baisse de 10 euros les prestations envisagées, on doit pouvoir verser la prime aux étudiants. Le barème pourra faire l’objet de discussions dans l’hémicycle mais, dans la mesure où il s’agit de dispositions relevant du domaine réglementaire, nous souhaitons surtout organiser une concertation et agir de la façon la plus transparente qui soit.

Mme Mazetier m’a interrogée sur le cas des couples notamment et a bien signifié qu’elle ne concevait pas la prime comme un substitut au travail précaire. Je veux à nouveau insister sur ce point : ce n’est pas un élément du plan pauvreté. Certes, il y a des situations de précarité auxquelles il faut répondre et c’est précisément là l’enjeu de ce plan ; mais la prime d’activité n’a pas pour objet d’apporter un complément de revenu aux gens les plus pauvres, mais un complément de revenu et un soutien à l’insertion dans l’activité à des gens qui ne comptent pas nécessairement parmi les plus pauvres. Le public directement visé, je le répète, est celui dont les revenus se situent entre 0,5 et 1,2 SMIC.

Contrairement à ce qui existait auparavant, ce dispositif va encourager le travail des deux membres d’un couple. Concrètement, les deux membres d’un couple gagnant le SMIC bénéficient pour l’heure d’une prestation inférieure à ce qu’ils auront demain, puisque les deux actifs toucheront chacun une prime d’activité. Jusqu’à maintenant, un plus un ne faisait pas deux, mais à peu près un et demi. Dans le nouveau dispositif de prime d’activité, il n’y a aucune incitation à ce que le conjoint – en pratique, la femme – ne prenne pas une activité : au contraire, elle a tout à y gagner.

En ce qui concerne les prestations alimentaires, qui font partie des débats à venir, le Gouvernement a pris une mesure importante : le fonds de garantie des impayés des prestations alimentaires, par le biais de la Caisse d’allocations familiales qui se substitue au conjoint défaillant, assure le versement des impayés jusqu’à 100 euros par enfant en se retournant ensuite contre le mauvais payeur. Ce sujet a été bien identifié par le Gouvernement qui souhaite accompagner les femmes placées dans cette situation.

J’ignore si je peux apporter des éléments complémentaires à M. Cherpion, mais je vais essayer car je m’en voudrais qu’il prenne trop de Dafalgan : il ne faut pas abuser des médicaments… Combien de personnes sont-elles concernées ? Cela me permettra de répondre aussi à Mme Le Callennec. Comme pour tout dispositif social, une population cible a été déterminée, 5,6 millions de personnes en l’occurrence, dont on estime qu’elles peuvent prétendre au bénéfice de la prestation. Sachant qu’une prestation connaissant 100 % de taux de recours, cela n’existe pas, nous formons l’hypothèse, au regard de ce qui se pratique, que le taux de recours sera de l’ordre de 50 % – il nous appartiendra d’ailleurs de l’améliorer, et je répondrai à Mme Fanélie Carrey-Conte sur la manière dont nous espérons y parvenir.

Certains, qui n’ont droit ni à la PPE ni au RSA, bénéficieront de la prime d’activité ; d’autres, qui représentent quelque 800 000 personnes, ne bénéficieront plus des dispositifs existants – notamment de la PPE – et ne toucheront pas non plus la prime d’activité. Toutefois ces « perdants » perçoivent une part si faible de PPE – de l’ordre de 15 euros – qu’ils ignorent souvent en être bénéficiaires. D’autre part, sur ces 800 000 personnes, de 40 à 50 % sont des concubins, dont l’un des deux pouvait être éligible à la PPE même si les revenus du ménage sont élevés, alors qu’un couple marié disposant du même revenu ne l’était pas. Le Gouvernement, dans ces conditions, peut assumer qu’il y ait des « perdants ».

Des actions seront par ailleurs menées pour favoriser le taux de recours à la prestation, madame Carrey-Conte ; la simplicité du nouveau dispositif, notamment avec la déclaration de ressources trimestrielle et non plus mensuelle, y contribuera. La CNAF lancera également une campagne de communication, et, à terme, un accès dématérialisé sera mis en place, incluant une application pour les smartphones.

Pour ce qui concerne les étrangers, la prime d’activité est par nature réservée aux actifs qui travaillent en France. Il ne serait pas justifié de soutenir le système des travailleurs détachés, lesquels, au reste, ne bénéficient pas non plus de la PPE. Les travailleurs étrangers hors Union européenne qui ne justifient pas d’un séjour régulier en France de cinq ans au moins ne seront pas éligibles non plus, conformément aux conditions classiques en matière de prestations sociales, surtout si elles ont pour objet l’insertion dans le marché du travail. Une partie de ces personnes – je dis bien une partie seulement – peuvent, il est vrai, bénéficier de la PPE, même si les montants ne sont pas forcément très élevés.

M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Les organisations syndicales ont alerté, rappelait M. Sirugue, sur la difficulté de trouver un vivier suffisant pour assurer une représentation des TPE dans les commissions paritaires régionales, alors que, de façon un peu contradictoire, d’autres confédérations syndicales souhaitent que ces instances soient surtout composées de représentants de TPE. Le Gouvernement s’est efforcé de traduire une représentation fidèle des salariés, étant entendu que les membres de ces instances seront d’autant mieux à même de comprendre les problèmes des TPE qu’ils y travaillent. Le système représentatif envisagé est donc cohérent avec le rôle de conseil qui, à nos yeux, doit être celui des commissions paritaires régionales. Une meilleure visibilité devrait aussi favoriser la participation aux élections professionnelles dans les TPE : les organisations syndicales pourront en effet, comme elles y tenaient, faire figurer sur leur propagande électorale l’identité des personnes qu’elles envisagent de désigner dans les commissions. Je comprends votre question, monsieur le rapporteur, mais si le vivier des TPE s’avère insuffisant pour pourvoir deux ou trois sièges au maximum dans chaque région, il faut sans doute s’interroger sur l’implantation syndicale. Bref, la nouvelle organisation ne me semble pas soulever de difficultés insurmontables.

Vous m’avez aussi demandé si des études montrent que la DUP, dont le Gouvernement entend relever le seuil de 200 à 300 salariés, favorise l’emploi. Je reviendrai sur les effets de seuil, dont traite l’article 16. En ce domaine, nous avons pris le parti de réformer en profondeur le nombre d’obligations qui s’attachent au franchissement des seuils, afin de rendre le système plus simple et plus clair. C’est notamment le cas de la DUP, au sein de laquelle seront regroupés les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT. De ce fait, le fonctionnement des instances sera mieux adapté à la taille des entreprises. Quant à la décision d’embaucher, monsieur le rapporteur, elle ne tient pas à un seul facteur ; on entend souvent dire, par exemple, qu’elle dépend aussi du fait de savoir si l’on pourra licencier. Quoi qu’il en soit, le projet de loi apporte plusieurs solutions en ce domaine.

Depuis sa création, la DUP est un réel succès ; elle concerne plus de 60 % des entreprises de 50 à 200 salariés disposant d’une instance représentative du personnel. D’après la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 24 % des entreprises de 200 à 300 salariés ont une DUP. Certaines entreprises ont au demeurant choisi de garder un comité d’entreprise et une délégation du personnel séparés, et cette possibilité demeurera. Le texte, en tout cas, fluidifiera le fonctionnement de la DUP en élargissant son périmètre. Enfin, nous avons choisi d’harmoniser les seuils, notamment avec le passage de 150 ou 200 salariés à 300. Autant de mesures qui favoriseront le dialogue au sein des entreprises.

On parle beaucoup aussi du mandatement. Le texte, fruit d’une étroite concertation avec les organisations patronales et syndicales, doit avant tout permettre à tous les salariés d’accéder au dialogue social. Il n’est pas acceptable que des centaines de milliers d’entre eux soient privés d’accords d’entreprise sur les salaires, la prévoyance ou l’organisation du temps de travail, et laissés à la seule main de l’employeur. De nouvelles possibilités de négociation seront ouvertes en l’absence de délégué syndical : cela ne modifie en rien, faut-il le rappeler, le système actuel puisque, dans ce cas précis, l’employeur peut d’ores et déjà négocier avec une institution représentative du personnel ou, à défaut, un salarié mandaté. Il pourra toujours le faire, bien entendu, mais, avant toute négociation, il devra vérifier qu’aucun élu n’est mandaté pour négocier en priorité avec lui. Cette mesure, qui ne plaira sans doute pas à tout le monde, constitue par conséquent un encouragement à négocier sous le contrôle des organisations syndicales, et elle élargit le champ de la négociation. Loin d’affaiblir ou de contourner les syndicats, comme certains le craignent, elle en renforce le rôle central.

Une autre crainte s’est exprimée quant à la suppression des commissions paritaires de validation, aujourd’hui saisies, aux termes de la loi, pour des accords signés par des instances représentatives du personnel non mandatées. D’après les remontées du terrain, unanimes, ces commissions fonctionnent très mal dans de nombreuses branches ; aussi proposons-nous de substituer au système actuel un dépôt des accords visés auprès des services de l’État. Toutes les garanties seront donc maintenues.

Plusieurs interventions ont porté sur le compte personnel d’activité. Il s’agit d’une avancée majeure, qui marquera l’histoire sociale de notre pays. Plusieurs comptes individuels ont été créés à l’initiative de la gauche : compte épargne-temps, compte personnel de formation ou compte pénibilité – les partenaires sociaux ont aussi fait une proposition intéressante concernant l’assurance chômage avec les droits rechargeables. L’idée d’une sécurisation sociale des parcours professionnels fut une antienne des années quatre-vingt-dix, reprise par plusieurs formations politiques. Les objectifs sont désormais clairement affichés : lisibilité, portabilité des droits, fongibilité et sécurisation des parcours. Comme le Président de la République l’a justement souligné, le compte personnel d’activité constituera le capital de ceux qui ne possèdent rien d’autre que leur force de travail. Bref, cette proposition n’est en rien un contournement de l’article L. 1 du code du travail : les partenaires sociaux rempliront une coquille dont il serait néanmoins abusif de dire qu’elle est vide. In fine, c’est bien sûr la représentation nationale qui, en tout état de cause, aura à trancher.

M. Gille a précisé les contours du cadre de négociation inédit pour le régime des intermittents. La réforme de l’intermittence associera les organisations représentatives du secteur du spectacle, qui jusqu’alors n’en étaient pas partie prenante, et les organisations interprofessionnelles. L’exigence de représentativité est respectée, puisque les règles spécifiques de l’assurance chômage des intermittents seront élaborées par leurs organisations représentatives. Le régime sera pérennisé, puisque les annexes VIII et X figureront désormais dans la loi. L’interprofession définira la trajectoire financière et les grands principes ; les organisations du monde du spectacle, elles, fixeront les règles et actualiseront la liste des métiers visés : elles ont en effet toute légitimité pour le faire, dès lors qu’elles sont au plus près des réalités du terrain. Le système, on le voit, repose sur la confiance à l’égard des partenaires sociaux. Force est de constater qu’aujourd’hui, on use et on abuse du CDD d’usage…

Vous avez soulevé de vrais sujets, madame Mazetier, et je vais m’efforcer de vous convaincre que le texte comporte d’authentiques avancées, qui d’ailleurs ne remettent nullement en cause, notamment, l’utilité du rapport de situation comparée, non plus que les obligations du code du travail en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Toutes les données du rapport de situation comparée seront intégrées à la base de données unique qui se substituera à lui : il n’y aura donc aucune perte d’information. Cette base de données sera périodiquement actualisée, et la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise inclut l’item « égalité entre les femmes et les hommes ». Le projet de loi prévoit des dispositions similaires pour l’ensemble des rapports existants. Tout le monde, y compris les défenseurs de la cause féministe, a donc à gagner à la simplification proposée.

Le projet de loi ne remet pas davantage en cause l’obligation de négociation en matière d’égalité professionnelle ou, à défaut, l’obligation faite à l’employeur d’établir un plan d’action unilatéral, obligations assorties d’une pénalité équivalant à 1 % des rémunérations, aux termes de l’article L. 2242-5-1 du code du travail. Cet article, dans la numérotation simplifiée, deviendra le L. 2242-9.

Les obligations touchant à la mise en œuvre d’un plan d’action et à son dépôt auprès de l’administration demeurent : les articles visés, L. 2323-47 et L. 2323-57, deviennent le 2° de l’article L. 2323-17. Je conviens de l’aspect « jeu de piste » de la chose, mais le projet de loi, loin de remettre en cause les acquis en matière d’égalité entre hommes et femmes, permet des progrès considérables, en particulier à travers l’obligation d’une représentation équilibrée lors des élections professionnelles : c’est là une réforme de grande ampleur, qui d’ailleurs n’est pas accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par les organisations professionnelles.

Mme Mazetier m’a aussi interrogé sur la parité au sein des commissions territoriales. Le texte ne reprend pas cet objectif au demeurant légitime, certains partenaires sociaux ayant fait valoir, comme je l’ai rappelé, qu’il serait déjà difficile de trouver, au sein des TPE, suffisamment de candidats pour siéger dans ces instances. Je reste néanmoins ouvert, bien entendu, à toute solution intelligente.

Quant à la question d’accorder un bonus à ceux qui iraient au-delà de l’effet de miroir, madame Mazetier, le Gouvernement a opté pour une représentation équilibrée, fondée sur le poids respectif de chaque sexe au sein du corps électoral. Faire mieux en faveur de l’un des deux sexes, comme vous le suggérez, est discutable car cela revient par définition à désavantager l’autre. Notre objectif est d’assurer le respect de l’équilibre des sexes au sein des entreprises, de la même façon que la parité, en politique, est en quelque sorte un miroir de la société.

Mme Catherine Coutelle. Sinon, il y aurait plus de femmes élues, car il y a plus d’électrices que d’électeurs…

M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le véritable objectif est la mixité des métiers ; même une représentation strictement paritaire ne permettrait pas de l’atteindre. Ce n’est pas en bougeant le miroir, si vous me passez l’expression, que l’on améliorera l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde du travail, mais bien en travaillant sur la mixité des métiers. Reconnaissez avec moi que les mesures présentées par le Gouvernement représentent des avancées majeures.

S’agissant de l’accompagnement je comprends l’objectif, mais une règle qui favoriserait l’un des deux sexes dans les conditions d’exercice du mandat constituerait une rupture d’égalité : elle me semble donc impossible juridiquement. Les mesures relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou à l’entretien professionnel doivent en tout cas bénéficier aux femmes.

M. Liebgott, M. Robiliard et Mme Carrey-Conte m’ont interrogé sur la représentation des salariés au sein des conseils d’administration : c’est là un enjeu majeur pour mettre les salariés au cœur de la performance économique des entreprises. Chacun cite en exemple, à juste titre, le cas de Volkswagen en Allemagne. Une première avancée est intervenue dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi, qui rend obligatoire cette représentation dans les entreprises de plus de 5 000 salariés – ou de plus de 10 000 à l’international quand le siège est en France. Mais cette mesure sous-estimait l’intelligence dont savent faire preuve certains pour contourner la loi : seules trente-trois sociétés dont les actions sont prises en compte pour le calcul de l’indice SBF 120 (sociétés des bourses françaises) ont désigné des représentants des salariés au sein de leur conseil d’administration… C’est bien sûr insuffisant. Le Gouvernement est donc ouvert à une nouvelle discussion sur le sujet.

M. Cherpion a émis, sur les commissions paritaires régionales, des opinions opposées à celles de son collègue de l’UMP M. Delatte. Par le fait, les deux positions existent : celle de l’UPA, selon laquelle ces instances fonctionnent bien ; celle de la CGPME, qui soutient le contraire. Mme Le Callennec, de son côté, a évoqué la Fédération française du bâtiment (FFB), qui, sur la question de la représentation, est en conflit avec l’UPA et relève à la fois du MEDEF et de la CGPME. J’ai rencontré son président et me suis efforcé de le convaincre. Le système fonctionne pour l’UPA et pour la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB : il n’y a pas de raison qu’il n’en aille pas de même pour la FFB. Ne jouons pas à nous faire peur…

La simplification a été saluée, par exemple sur le regroupement des dix-sept obligations d’information et de consultation du CE en trois grandes consultations ; elle permettra de mieux prendre en compte les enjeux stratégiques et les préoccupations des salariés.

Sur les seuils, nous avons tout de même un peu avancé. Le Gouvernement a opté pour une harmonisation en relevant à 300 salariés les seuils actuellement fixés à 150 et à 200. Le seuil de 300 salariés, outre qu’il existe déjà, a l’avantage d’être celui à partir duquel la représentation syndicale est pour ainsi dire générale, puisque celle-ci atteint alors 95 % – et 93 % pour les instances représentatives du personnel. Lors de ma prise de fonction, j’ai proposé aux responsables de l’ensemble des organisations syndicales de suspendre, pendant deux ou trois ans, l’application du seuil de cinquante salariés, d’autant que la loi prévoit déjà un délai d’application d’un an : cela, leur avais-je fait observer, priverait le patronat de son argument selon lequel cet effet de seuil empêcherait la création de 500 000 à 1 million d’emplois. Mais les organisations syndicales ayant rejeté cette proposition, je ne l’ai pas retenue. Du coup, l’argument patronal demeure…

Le compte personnel d’activité, je le répète, n’implique en rien un contournement de l’article L. 1. Les partenaires sociaux seront consultés, mais il est normal que la représentation nationale fixe le cadre ; j’ai déjà fait part de mes observations sur certaines propositions.

M. Vercamer nous reproche un certain immobilisme sur les seuils ; mais la majorité à laquelle il appartenait n’a rien changé aux 35 heures qu’elle ne cessait pourtant d’incriminer, non plus d’ailleurs qu’aux seuils, pendant les dix années où elle fut aux affaires.

L’idée d’une sécurisation des parcours professionnels, je l’ai dit, n’est pas nouvelle. Sur ce point, je réserve la primeur de mes suggestions à ma formation politique, qui, je l’espère, les fera sienne. Les partenaires sociaux seront bien entendu associés à la réflexion.

Le Premier ministre a confié à Jean-Denis Combrexelle, expert reconnu, une mission sur la hiérarchie des normes. Comment concilier protection des salariés et contraintes économiques des entreprises ? Les deux objectifs ne s’opposent pas mais leur équilibre est délicat, d’autant qu’on ne peut balayer l’histoire d’un revers de main. Nous devons nous garder de toute vision idéologique, et attendre les conclusions de la mission à l’automne.

La loi, madame Massonneau, donnera aux commissions paritaires régionales tous les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement, sans aucune charge supplémentaire pour les entreprises. Les pertes de salaire, pour les 180 membres de ces instances, seront compensées par le fonds paritaire de financement du dialogue social, institué par la loi du 5 mars 2014 ; cela ne représentera que 0,41 % de ses ressources. Lesdits membres bénéficieront aussi d’autorisations d’absence et d’une protection. Ainsi conçu, le dispositif paraît satisfaire les organisations syndicales et patronales.

Pourquoi, madame la présidente, l’exposé des motifs du projet de loi précise-t-il que les moyens des élus seront « globalement » – et non « totalement » – « préservés » ? Parce qu’il y aura, tout de même, quelques légères différences, sur lesquelles les partenaires sociaux se sont aussi interrogés : par exemple, les heures de délégation, pour les membres des DUP et des CHSCT dans les entreprises de 50 à 174 salariés, passeront de 66 à 65. Les moyens seront bel et bien conservés, comme je l’avais initialement annoncé.

Je crois avoir répondu aux questions de Mme Le Callennec. Le compte personnel de formation n’est ouvert que depuis quatre mois ; j’ai réuni les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) avant-hier pour les mobiliser, notamment sur la simplification et la mise à jour du système informatique. Le dispositif fonctionnera. À ce stade, 1,4 million de comptes ont été ouverts ; les formations doivent ensuite être certifiées, ce qui, j’en conviens, prend du temps. J’ai demandé aux OPCA d’accélérer le processus, l’inventaire et le répertoire impliquant une double vérification. Les choses, à n’en pas douter, auront avancé dans quelques mois. Sur le compte de prévention de la pénibilité, nous attendons les propositions de M. Sirugue. Le compte personnel d’activité, qui regroupera le compte de pénibilité, le compte de formation et le compte épargne-temps, ouvrira en tout cas de nouveaux droits aux salariés.

Mme Touraine et moi-même, monsieur Sebaoun, avons confié à Michel Issindou une mission sur l’aptitude et la médecine au travail. Le rapport nous sera remis d’ici une quinzaine de jours ; nous pourrons donc suivre ses préconisations, en concertation avec les partenaires sociaux, pour enrichir le projet de loi, sans doute dès son examen en première lecture.

Les procédures particulières du CHSCT seront préservées, monsieur Robiliard ; la spécialisation des équipes de la DUP sur les questions relevant du CHSCT a fait l’objet d’un débat avec les organisations syndicales. Dans la mesure où les élus auront plus d’heures de délégation, la question des conditions de travail prendra, je le crois, une place de plus en plus importante. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement reste attentif à ce sujet.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le ministre, je vous remercie car avec Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, vous nous avez donné des réponses très complètes.

III. EXAMEN DES ARTICLES

La Commission procède à l’examen du présent projet de loi lors de ses séances du mardi 19 et mercredi 20 mai 2015.

TITRE IER
AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET LA QUALITÉ
DU DIALOGUE SOCIAL AU SEIN DE L’ENTREPRISE

Chapitre Ier
Une représentation universelle des salariés des très petites entreprises

*

Avant l’article 1er

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS164 du rapporteur.

Article 1er
(art. L. 23-111-1, L. 23-112-1, L. 23-112-2, L. 23-112-3, L. 23-112-4, L. 23-112-5, L. 23-112-6, L. 23-113-1, L. 23-113-2, L. 23-114-1, L. 23-114-2, L. 23-114-3, L. 23-114-4, L. 23-115-1, L. 2411-1, L. 2411-24, L. 2412-1, L. 2412-15, L. 2421-2, L. 2422-1 et L. 2439-1 du code du travail)

Généralisation des commissions paritaires régionales

Cet article vise à renforcer et à moderniser le dialogue social au sein des entreprises de moins de onze salariés.

I.  LE DISPOSITIF ACTUEL : LA FACULTÉ DE METTRE EN PLACE DES COMMISSIONS TERRITORIALES DE DIALOGUE SOCIAL AU NIVEAU DES BRANCHES

En l’état actuel du droit, le code du travail ne rend obligatoire la représentation des salariés que dans les établissements de onze salariés et plus. Ainsi, si des instances de représentation existent, elles sont facultatives et ne se sont développées qu’en nombre limité.

Plusieurs tentatives ont été faites afin de permettre une représentation des salariés des petites entreprises :

– la possibilité d’élire des délégués de site a été instituée par la loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise dite loi Auroux. Ces délégués de site représentent les salariés d’entreprises de moins de onze salariés travaillant sur un site employant durablement plus de cinquante salariés. Ces délégués de site sont particulièrement bien adaptés pour les centres commerciaux ;

– la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a également ouvert la possibilité aux partenaires sociaux de créer des commissions paritaires locales afin d’y traiter les questions relatives à l’emploi, à la formation professionnelle et aux conditions de travail mais aussi de permettre des conciliations individuelles ou collectives.

Par ailleurs, la représentation des salariés et des employeurs des TPE se heurte à un taux de syndicalisation bien inférieur à la moyenne nationale – l’étude d’impact fait état d’un taux de 3 % dans les entreprises concernées contre 9 % dans l’ensemble du secteur privé. Dans ces conditions, même lorsque la volonté existe, il n’est pas toujours possible de mettre en œuvre une représentation au niveau de l’entreprise.

En définitive, la représentation des salariés et employeurs des TPE reste largement parcellaire et soumise à la bonne volonté des acteurs locaux.

A.  L’EXEMPLE LE PLUS ABOUTI DANS LE SECTEUR DE L’ARTISANAT

L’article L. 2236-6 du code du travail dispose que : « la validité d’une convention de branche ou d’un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure d’audience… au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives à ce niveau ».

L’Union professionnelle artisanale (UPA) et les 5 confédérations représentatives – CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGC – ont signé un accord dès le 12 décembre 2001 prévoyant la mise en place de Commissions paritaires interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) en vue de développer le dialogue social dans un secteur qui en était jusque-là dépourvu. En effet, seulement 4 % des entreprises du secteur artisanal emploient 11 salariés ou plus.

La mise en place des CPRIA dans l’ensemble des régions a nécessité 9 années en raison des actions judiciaires intentées par le Medef, la CGPME et la Fédération du bâtiment au motif notamment qu’en vertu de l’accord, les entreprises doivent verser 0,15 % de leur masse salariale pour financer le dialogue social. Une CPRIA n’est pas une instance de négociation qui reste bien l’apanage des branches mais plutôt une instance de dialogue, d’échange de bonnes pratiques et de travail en commun qui permet de dénouer les conflits en amont.

L’accord a tout de même été étendu par l’arrêté du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et du ministre de l’agriculture et de la pêche du 24 octobre 2008 à l’ensemble du secteur de l’artisanat (2).

Plus récemment, la branche agricole puis les professions libérales ont négocié des accords similaires afin de créer des commissions territoriales de dialogue social. Ces commissions jouent un rôle consultatif sur des sujets touchant à la vie des entreprises du secteur de leurs salariés : emploi, formation professionnelle et gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Ainsi, le secteur de la production agricole a mis en place des associations départementales et régionales pour l’emploi et la formation dans l’agriculture afin de promouvoir les métiers agricoles et développer l’emploi.

L’accord du 28 septembre 2012 dans le secteur des professions libérales a également institué des commissions paritaires régionales de développement du dialogue social dans l’interprofession. L’accord a été étendu en 2013 mais aucune commission n’est à ce jour fonctionnelle.

B.  UN BILAN DES COMMISSIONS TERRITORIALES TRÈS POSITIF

À ce stade, un premier bilan peut être tiré de l’activité des CPRIA plus de 4 ans après la mise en place des 22 instances régionales composées chacune de dix représentants de l’UPA et de dix des salariés à raison de deux par organisation syndicale représentative.

Les CPRIA ont vocation à examiner les questions aussi fondamentales que l’aide au dialogue social, l’accès à l’emploi, la connaissance et l’attractivité des métiers, les besoins de recrutement, les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité ou le développement des activités sociales et culturelles.

Durant les deux premières années, la priorité a été mise sur l’emploi des jeunes – apprentissage et contrats de professionnalisation – et des seniors ainsi que sur l’égalité professionnelle.

Dans le domaine de la jeunesse, plusieurs initiatives ont été prises :

– la mise en place de Comités des œuvres sociales et culturelles de l’artisanat (COSCA) dans de nombreuses régions. Ces comités permettent aux chefs d’entreprise du secteur de l’artisanat et à leurs salariés d’avoir accès à une offre de loisirs et de culture à des conditions préférentielles. Ce service renforce l’attractivité de l’artisanat alors qu’aujourd’hui près d’un tiers des entreprises de l’artisanat et du commerce de proximité ne trouvent pas les employés dont ils ont besoin. Il permet également de fidéliser les salariés dans un secteur qui souffre d’une trop importante rotation alors qu’il a besoin de conserver le plus longtemps possible ses salariés formés ;

– la formation de groupes de travail en faveur de l’amélioration des conditions de travail par les CPRIA de Bretagne, du Languedoc-Roussillon et du Poitou-Charentes ;

– la création d’un Observatoire Emploi et Métiers de l’Artisanat en Alsace portant sur la situation des entreprises artisanales de tous secteurs d’activité confondus, leurs perspectives d’évolution et leurs attentes ;

– la mise en place d’un livret d’accueil du salarié par le CPRIA Pays de la Loire.

Le choix de l’espace régional s’est avéré pertinent permettant une prise en compte des spécificités des entreprises tout en garantissant un cadre commun dans un même bassin d’activités.

Si le bilan est largement positif, ces expériences restent circonscrites et tiennent à la seule volonté des partenaires sociaux qui en prennent l’initiative.

II. L’ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS VISANT À GÉNÉRALISER DES COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES

Aujourd’hui, 4,6 millions de salariés travaillent dans des entreprises de moins de 11 salariés. Ces derniers ne bénéficient d’instances de représentation que dans les branches qui en ont pris l’initiative.

Dès janvier 2010, dans une lettre commune, la CGT, la CFDT et l’UPA ont considéré que des commissions régionales « pourraient notamment apporter une aide en matière de dialogue social, assurer… des missions d’information et de sensibilisation en matière de relations du travail et veiller à l’application des accords collectifs du travail ».

Les négociations qui ont été engagées sur le sujet n’ont pas été conclusives. En effet, si les organisations syndicales de salariés sont favorables à une représentation extérieure des salariés de TPE, les positions des organisations patronales sont plus contrastées.

Les positions allant du souhait de l’UPA d’une généralisation de l’expérience de l’artisanat à un refus de toute représentation extérieure. Plus particulièrement, la CGPME considère qu’il existe déjà « une relation directe entre le chef d’entreprise et les salariés » et que des commissions paritaires régionales, même extérieures à l’entreprise, se traduiraient « par des contraintes [administratives et financières] supplémentaires ». Le Medef, quant à lui, serait prêt à aller vers une représentation extérieure des salariés sans être particulièrement moteur dans ce domaine.

Le rapporteur ne nie pas la relation directe entre le chef d’entreprise et ses salariés dans les TPE. Il s’agit toutefois d’une relation où il existe un lien de subordination et où les conflits se terminent généralement par un divorce. Il ne semble donc pas que l’existence d’un lien direct soit suffisante pour écarter la possibilité d’une représentation des salariés des TPE.

III. LE PROJET DE LOI : UNE GÉNÉRALISATION DE LA REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DES ENTREPRISES DE MOINS DE 11 SALARIÉS

L’article vise à instituer une représentation à l’ensemble des salariés des petites entreprises. Il propose ainsi d’insérer un titre XI au livre III de la deuxième partie du code du travail. Ce titre serait intitulé : Commissions paritaires régionales pour les salariés et les employeurs des employeurs des entreprises de moins de onze salariés.

A.  CHAMP D’APPLICATION DES COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES

L’article L. 23-111-1 nouveau prévoit qu’il est institué une commission paritaire interprofessionnelle au niveau de chaque région. Cette commission régionale représente l’ensemble des salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés. Toutefois, en sont exclues les branches ayant déjà mis en place de telles commissions par accord.

Ces commissions régionales visent donc plutôt à compléter les dispositifs existants et mis en place par des accords plutôt qu’à substituer un modèle unique à des commissions telles les CPRIA qui ont fait la preuve de leur efficacité. Toutefois, le projet de loi tel qu’il est rédigé – elle [la commission] représente les salariés et les employeurs de moins de onze salariés qui n’ont pas mis en place, …, de commissions régionales – ne garantit pas tout à fait la pérennisation des commissions régionales existantes. En effet, à titre d’exemple, l’artisanat qui a joué un rôle pionnier dans ce domaine ne constitue pas une branche professionnelle mais bien plusieurs dizaines de branches. Les accords évoquent d’ailleurs plutôt des secteurs que des branches.

B.  DES COMMISSIONS CONSTITUÉES DE VINGT MEMBRES ÉLUS

Ces commissions paritaires interprofessionnelles se composent vingt membres à raison d’au moins dix représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives et dix représentants d’organisations de salariés représentatives. Leur nombre ne peut dans tous les cas pas être inférieur à dix membres. Aux termes de l’alinéa 13, ces salariés et employeurs sont issus « d’entreprises de moins de onze salariés ».

L’obligation faite aux organisations de désigner des candidats issus des mêmes entreprises que celles des salariés qu’ils représentent permettra un dialogue social plus fructueux. En effet, l’efficacité d’un dialogue présuppose de parler la même langue donc d’être confronté aux mêmes réalités. Cependant, il n’est pas impossible que les organisations syndicales se heurtent à un manque manifeste de candidats au regard du très faible taux de syndicalisation dans les TPE. En revanche, vu le tout petit nombre d’élus – 10 par région soit 130 en France métropolitaine – et le nombre d’heure attribué, l’exercice du mandat ne va vraisemblablement pas désorganiser la vie des entreprises.

Les membres sont « désignés pour quatre ans » et « leur mandat est renouvelable ».

Dix sièges sont attribués aux organisations syndicales de salariés interprofessionnelles. En vue de l’attribution des sièges, l’élection de référence est le scrutin prévu aux articles L. 2122-10-1 à L. 2122-10- 11 du code du travail. Ces articles, introduits par la loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010 complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, disposent qu’il est organisé « un scrutin… au niveau régional tous les quatre ans » afin de « mesurer l’audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés ».

Sur la base de ces dispositions un premier scrutin a été organisé les 28 novembre et 12 décembre 2012. Ce scrutin a concerné plus de 4,5 millions de salariés répartis dans 700 branches et a vu la CGT remporter 31,05 % des suffrages chez les non-cadres suivie par la CFDT avec 19,14 % des voix et la CFE-CGC arriver en première position chez les cadres avec 26,91 % des suffrages exprimés. Il s’agit en revanche de résultats nationaux. Aucune mesure d’audience régionale n’a été publiée lors de ce scrutin. Les prochaines élections qui devraient se dérouler à la fin de l’année de 2016 – l’article 1er entrant en vigueur au 1er juillet 2017 sauf les dispositions relatives aux élections fixées au 1er janvier 2016 – auront un tout autre enjeu puisqu’il s’agira de mettre en place les commissions paritaires régionales et leurs résultats devront donc s’apprécier région par région. Le taux de participation qui n’a pas excédé les 10 % en 2012 devrait être plus élevé à cette occasion.

Les conditions d’éligibilité sont les conditions de droit commun – majorité et absence d’interdiction, déchéance ou incapacité relative aux droits civiques – qui ont régi les précédentes élections.

En vue des prochaines élections, le projet de loi prévoit toutefois quelques adaptations des règles des élections prévues à l’article L. 2122-10-1 et suivant :

– la propagande électorale pourra être différente d’une région à un autre ;

– les organisations syndicales candidates auront la possibilité d’indiquer sur leur propagande électorale l’identité des salariés qu’elles envisagent de désigner pour siéger à la commission régionale dans la limite de 10 personnes. Dans ce cas, elles notifieront à leur employeur l’identité de ces salariés ;

– l’identité des personnes dont le nom figurera sur la propagande électorale sera également notifiée à l’employeur même si cette personne n’est pas candidate elle-même.

Un décret en Conseil d’État précisera les conditions, les modalités de présentation des salariés sur la propagande électorale, les modalités d’information des employeurs des salariés candidats ainsi que les modalités de publicité sur la composition de la commission.

La proclamation des résultats est rendue publique par l’autorité administrative qui devrait être les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et les éventuels recours, qui devront être introduits dans les quinze jours suivants la proclamation des résultats, sont de la compétence du juge judiciaire.

Dix sièges sont attribués aux organisations professionnelles d’employeurs à caractère interprofessionnel. Le nombre de siège est proportionnel à l’audience de chaque organisation dans la région et les branches couvertes par la commission jusqu’en 1er juillet 2021 et ensuite à l’audience de chaque organisation mesurée seulement auprès des entreprises de moins de 11 salariés. Aux termes du 6° de l’article L. 2151-1, elle « se mesure en fonction du nombre d’entreprises adhérentes et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152 -1 ou L. 2152-4 [dont les entreprises adhérentes représentent au moins 8 % des entreprises adhérentes à une organisation] ».

C.  UN LIEU D’INFORMATION ET DE DÉBAT MAIS PAS DE MISSIONS DE NÉGOCIATION QUI RESTENT UNE PRÉROGATIVE DES BRANCHES

Le projet de loi confie aux commissions régionales les compétences suivantes :

– donner aux salariés et aux employeurs toutes les informations nécessaires sur leur environnement légal, réglementaire et conventionnel souvent perçu comme complexe et mouvant par les petits patrons et leurs salariés ;

– émettre des avis sur les questions relatives à l’emploi, la formation, la GPEC, les conditions de travail et la santé au travail.

Il n’est pas prévu en revanche de donner aux commissions des compétences en matière de négociation, domaine qui reste l’apanage des branches.

D.  LES MEMBRES DES COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES : DES SALARIÉS PROTÉGÉS BÉNÉFICIANT DE 5 HEURES PAR MOIS POUR EXERCER LEUR MANDAT

Les membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles sont des représentants de salariés de droit commun.

En effet, l’alinéa 32 de l’article 1er prévoit que « l’employeur laisse au salarié membre de la commission le temps nécessaire à l’exercice de sa mission », c’est-à-dire, que ce dernier peut de plein droit s’absenter de son lieu de travail afin de se rendre aux séances de la commission. De plus, il bénéficie de d’une durée supplémentaire qui ne peut toutefois pas « excéder cinq heures par mois ». Le temps passé par le salarié à l’exercice de son mandat, c’est-à-dire l’ensemble de son temps de délégation passé aux séances de la commission ou pas, est considéré comme un temps de travail avec toutes les conséquences afférentes : rémunération et autres droits liés au contrat de travail.

Le juge judiciaire est compétent pour les contestations relatives à l’utilisation des heures de délégation.

Par ailleurs, le projet de loi étend naturellement la protection des salariés protégés aux membres des commissions paritaires régionales et soumet donc tout licenciement et rupture du contrat de travail à la procédure d’autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail intitulé Les salariés protégés.

Le livre IV est ainsi complété par deux nouvelles sections :

– la section 14 au chapitre Premier Protection en cas de licenciement intitulée : Licenciement d’un salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle : l’article L. 2411-24 nouveau prévoit que : « le licenciement du salarié membre de la commission paritaire interprofessionnelle… ne peut intervenir qu’après l’autorisation de l’inspecteur du travail ». Cette disposition s’applique aux salariés membres des commissions jusqu’à 6 mois après l’échéance de leur mandat. Ces durées sont conformes à celles dont bénéficient les délégués du personnel et les membres des comités d’entreprise mais sont inférieures à celles dont jouissent les délégués syndicaux et autres salariés mandatés qui bénéficient d’une protection une année après l’échéance de leur mandat.

L’autorisation administrative de licenciement est étendue aux salariés dont l’employeur a eu connaissance de l’imminence de la candidature pendant un délai de 6 mois ainsi qu’à ceux « figurant sur la propagande électorale » pour le même délai. Cette formulation laisse une ambiguïté. Il conviendra de préciser s’il s’agit des candidats non élus ou plus largement de toutes les personnes dont le nom figure sur la propagande électorale.

– la section 15 au chapitre II Protection en cas de rupture du contrat de travail à durée déterminée intitulée : Membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle : l’article L. 2412-15 nouveau prévoit au même titre que pour les autres institutions représentatives du personnel (IRP) que « la rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle… avant échéance du terme en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail ». Cette protection s’applique également au salarié dont le mandat est échu depuis moins de 6 mois ainsi qu’à celui figurant sur la propagande électorale pour une durée de 6 mois.

La rédaction des dispositions de la présente section reprend terme à terme les rédactions concernant les autres salariés protégés. La procédure est donc la même : demande d’autorisation énonçant le motif de la rupture et la qualité de membre de la commission paritaire régionale adressée à l’inspecteur du travail par lettre recommandée avec accusé de réception, enquête contradictoire et contrôle du respect de la procédure.

Cependant, comme pour les autres IRP, les alinéas 62 et 63 prévoient qu’aux termes de l’article L. 2421-1, « en cas de faute grave, l’employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l’intéressé » dans l’attente de la décision définitive de l’inspecteur du travail. Cette décision motivée est notifiée à ce dernier dans un délai de quarante-huit heures. Si le licenciement est refusé, la mise à pied est levée et ses effets effacés. Enfin, les alinéas 64 et 65 disposent que le salarié membre ou ancien membre de la commission paritaire régionale peut, à sa demande et dans un délai de deux mois, demander à être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent si le ministre compétent ou le juge administratif a annulé la décision d’autorisation du licenciement de l’inspecteur du travail.

Enfin, comme pour le délégué du personnel, le fait de rompre le contrat de travail d’un salarié couvert par les dispositions du présent article en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative de licenciement est puni, en vertu de l’article L. 2432-1, d’un an de prison et d’une amende de 3 750 euros.

IV. LES APPORTS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : UNE EXTENSION DES ATTRIBUTIONS DES COMMISSIONS PARITAIRES ET UNE AUTORISATION, SOUS CONDITION, D’ACCÈS AUX LOCAUX DES ENTREPRISES POUR SES MEMBRES

À l’initiative du rapporteur, la Commission des affaires sociales a adopté deux amendements étendant les prérogatives des commissions paritaires régionales et celles de leurs membres.

L’amendement AS495 élargit les attributions des commissions paritaires régionales interprofessionnelles en leur permettant de jouer un rôle de médiation entre les employeurs et les salariés s’il est fait appel à elles. La médiation ne vise pas à se substituer à la conciliation des prud’hommes mais intervient en amont afin de faciliter le dialogue. L’amendement adopté donne également un rôle dans le domaine social et culturel aux Commissions. En effet, les CPRIA ont mis en place une offre culturelle qui contribue à fidéliser les salariés. Cet exemple pourrait valablement inspirer les futures commissions paritaires régionales.

Pour permettre à la médiation de pleinement jouer son rôle, l’amendement AS496 a également été voté pour donner accès aux locaux des entreprises aux membres des commissions pour une médiation ou une autre raison, mais seulement sur autorisation de l’employeur.

La Commission a également étendu le champ d’intervention des commissions à l’égalité professionnelle et au travail à temps partiel en adoptant l’amendement AS455.

Dans un souci de bon fonctionnement, les membres des commissions pourront annualiser (amendement AS506) sans pour autant que cette annualisation ne conduise un membre à disposer de plus d’une fois et demie le temps mensuel dont il bénéficie ordinairement et mutualiser (amendement AS507) les 5 heures de délégation que leur reconnaît la loi. L’employeur devra toutefois en être informé.

Par ailleurs, la Commission a souhaité :

– sécuriser l’existence des commissions paritaires régionales en adoptant, toujours à l’initiative du rapporteur l’amendement AS494 qui laisse bien hors du champ du présent article ces commissions, dès lors qu’elles respectent les conditions minimales fixées par la loi. En effet, celles-ci fonctionnent et offrent aux salariés et aux employeurs une représentation adaptée. Il en sera de même pour d’autres commissions de ce type qui seraient créées par accord dans d’autres secteurs ;

– instaurer la parité entre les femmes et les hommes pour la désignation des membres des commissions paritaires régionales qui assurent la représentation, aussi bien au niveau patronal qu’au niveau des salariés, des TPE de moins de 11 salariés. L’amendement AS453 précise que « puisqu’il s’agit d’instances nouvelles, aucun frein, lié à l’organisation de ces commissions ou aux habitudes, ne peut être opposé à l’instauration de la parité ».

*

La Commission examine les amendements identiques AS18 de M. Dominique Tian, AS32 de M. Lionel Tardy, AS50 de M. Gilles Lurton et AS293 de M. Bernard Perrut, tendant à supprimer l’article.

M. Dominique Tian. La création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) ne se justifie pas, selon nous, et c’est aussi la position de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Les négociations entre les partenaires sociaux ayant échoué, le Gouvernement essaie de passer en force, sans unanimité du monde syndical.

Alors que le chômage bat des records dans notre pays, le texte n’aborde pas les vrais sujets du marché du travail : les seuils sociaux – le rapport Attali indique qu’une entreprise passant de quarante-neuf à cinquante salariés se voit imposer trente-huit nouvelles obligations, représentant un surcoût de masse salariale de 4 % –, la pénibilité, la complexité d’un code du travail devenu impossible à interpréter, les trente-cinq heures. Ce texte ne résout pas les vrais blocages de notre société ; il ne réglera aucunement les problèmes du dialogue social et de l’emploi.

Dans une entreprise d’une petite dizaine de salariés, le chef d’entreprise est en contact direct avec ses employés, du matin au soir. Il n’est nul besoin d’ajouter du formalisme.

M. Lionel Tardy. Deux tiers des entreprises de moins de onze salariés ont même moins de cinq salariés. Avec de si petits effectifs, les employés ne vous ont pas attendus pour discuter chaque jour avec leur employeur : ce n’est pas parce que le dialogue n’est pas formalisé qu’il n’existe pas. Ces commissions éloigneront le dialogue social de l’entreprise pour le transférer au niveau de la région, à plusieurs centaines de kilomètres. Dans les branches où un dialogue formalisé a été jugé nécessaire, de telles commissions existent déjà. Pour les autres secteurs, le dispositif est superflu. Ce projet de loi s’ouvre sur une rigidification et une complexification du dialogue social, et son article 1er traduit une méconnaissance du monde des entreprises, et en particulier des très petites entreprises (TPE).

M. Gilles Lurton. L’article 1er institue une représentation des salariés des entreprises de moins de onze salariés par la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Une telle proposition revient à nier qu’il existe dans les TPE une relation directe entre le chef d’entreprise et les salariés. Nous pensons quant à nous que cette relation existe. Elle est d’ailleurs d’autant plus forte que l’entreprise compte peu de salariés. C’est une relation qui repose sur la confiance, sans laquelle une entreprise ne peut fonctionner. La création de ces commissions est inopportune.

M. Bernard Perrut. Un récent sondage montre que 97 % des chefs d’entreprise et 90 % des salariés de TPE reconnaissent qu’il existe une relation directe entre eux. Les chefs d’entreprise voient dans la mesure proposée une forme de défiance à leur égard. Calquer les règles applicables aux grandes sociétés sur ces petites structures est une erreur. Cela va complexifier la tâche des dirigeants, alors qu’ils attendent, plus que jamais, une simplification des normes. La suppression de cet article serait dans l’intérêt de nos petites entreprises et de l’emploi.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avis défavorable. Personne ne nie qu’il existe un dialogue au sein des TPE. Cependant, le lien de subordination est aussi plus fort que dans les grandes entreprises. Les 4,6 millions de salariés de ces TPE sont les seuls aujourd’hui à ne pas bénéficier d’une représentation extérieure à l’entreprise. Outre les organisations syndicales, une organisation patronale a validé le dispositif. Qui plus est, de telles commissions existent déjà, dans l’artisanat, les professions libérales, le monde agricole, avec des résultats intéressants.

M. Michel Liebgott. Des relations personnelles, parfois même fraternelles, peuvent certes exister au sein d’une entreprise, mais cela n’empêche pas de possibles divergences sur l’interprétation de tel ou tel texte. Ces commissions ont pour première vocation de contribuer à l’information des uns et des autres. Nous débattrons plus tard d’autres compétences, telles que la médiation, mais ce n’est pas le sujet de l’article 1er, et s’agissant de l’information personne n’est perdant.

Il faut également relativiser leur impact. Il s’agira, pour toute la France, de mobiliser 260 personnes, effectif qui n’est pas synonyme d’omniprésence. Leur fonction sera d’apporter aux TPE et à leurs salariés des informations dont ils ne disposent pas toujours. C’est un modèle qui fonctionne plutôt bien dans plusieurs pays voisins, tels que l’Espagne ou l’Allemagne.

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis surprise par ces amendements visant, alors que tout le monde prône le dialogue social, la main sur le cœur, à empêcher qu’il soit étendu à des salariés qui en sont encore privés. Contrairement à ce que j’ai entendu dans la bouche d’une représentante des organisations patronales, il ne suffit pas, dans les TPE, de « pousser la porte », voulant dire par là que salariés et chefs d’entreprise dialoguent tous les jours. Ce n’est pas l’opinion des syndicats de salariés. Nous ne doutons pas qu’il y ait un dialogue dans ces entreprises, mais il existe aussi un très fort lien de subordination. Il est parfaitement normal que s’instaure un dialogue avec des représentants des salariés, sans que ce soit témoigner de la suspicion. La suspicion est plutôt du côté de ces amendements, car un employeur honnête et soucieux de la bonne marche de son entreprise n’a rien à craindre de la concertation.

M. Christophe Cavard. Ces amendements de suppression sont en effet quelque peu étonnants, certains autres collègues de l’opposition reconnaissant que la mesure proposée représente une avancée du dialogue social. Les petites entreprises ont des problématiques qui leur sont propres – accès à l’information, formation professionnelle ou autres – et il conviendra de réfléchir à la manière dont ces commissions pourront y répondre. Le dialogue, en tout état de cause, permet d’éviter les conflits et les contentieux.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce texte s’ouvre sur la création d’une nouvelle structure, ce qui n’est pas un bon signe quand on veut simplifier la vie des chefs d’entreprise et des salariés. Ce serait, à écouter nos collègues, une structure d’information : or, de l’information sur les droits et les devoirs, on peut en trouver n’importe où. L’UMP est très attachée au dialogue social, qui est au cœur de la bonne marche des entreprises. Or il existe déjà un dialogue constant entre les salariés et le chef d’entreprise dans les TPE. Quel intérêt de créer ces commissions au niveau régional ? Un décret définira leurs missions, mais, pour l’instant il n’est pas question de médiation, alors que cela vient d’être évoqué. Enfin, l’absence de l’entreprise des salariés qui seront actifs dans ces commissions devra être financée. L’étude d’impact avance le chiffre de 350 000 euros…

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. L’article 1er ne crée pas une structure, madame Le Callennec : il rend simplement universel un droit en l’étendant aux 4,6 millions de salariés des TPE, même si personne ne nie qu’il existe un dialogue dans ces entreprises. Le niveau régional est le plus adapté pour ces commissions qui auront un rôle de formation, de conseil, de concertation, sur les sujets de l’emploi, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), des conditions de travail… Une position commune adoptée en 2010 par les organisations syndicales et par une organisation patronale, l’Union professionnelle artisanale (UPA), prévoyait la création de commissions régionales. Mais les branches auront toujours la possibilité de créer par accord des commissions au niveau qu’elles jugeront approprié. Ce lieu d’échange au niveau régional favorisera le dialogue social.

M. Gérard Cherpion. La GPEC est déjà gérée au niveau interprofessionnel.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS165 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS377 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. L’exposé des motifs du projet de loi fait état d’un « dialogue social trop souvent formel, n’associant pas suffisamment les représentants des salariés aux décisions stratégiques de l’entreprise » – mais cela a-t-il un sens dans des entreprises de dix salariés ? Il ajoute même que l’implantation syndicale est « trop faible » dans les petites entreprises, où l’engagement syndical serait « trop souvent perçu négativement par les employeurs » et « insuffisamment valorisé ». Ces quelques lignes montrent que les craintes des chefs d’entreprise sont parfaitement justifiées.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La présentation que vient de faire M. Tian ne correspond au demeurant pas du tout à l’amendement lui-même, par lequel il demande que ce soient les branches qui mettent en place les commissions régionales. Or la négociation entre les partenaires sociaux ayant échoué, le législateur joue son rôle. Ce n’est pas un dispositif supplémentaire ; il s’agit de permettre à 4,6 millions de salariés de disposer de représentants.

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne suis pas certaine que ces salariés soient demandeurs. Une organisation patronale majeure, la CGPME, ne voit pas non plus d’un bon œil la création de ces commissions. Renvoyer, à tout le moins, ces décisions aux branches paraît plus raisonnable, même si les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord d’ensemble. S’il s’agit d’apporter de l’information aux salariés, cela fera doublon. Alors que se mettent en place des chartes partenariales sur les territoires pour que toutes les institutions se parlent et pratiquent la GPEC au niveau territorial, vous introduisez encore des structures supplémentaires, dont on ignore quelles décisions elles prendront. Les gens ne sont pas dupes : ils savent que siéger dans des instances qui n’ont pas voix au chapitre ne sert à rien.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS166 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à assurer une cohérence entre l’alinéa 9, où il est écrit « d’entreprises », et l’alinéa 6, où il est écrit « des entreprises ».

M. Gérard Cherpion. Cela change le sens. L’alinéa 6 dispose qu’une commission est instituée au niveau régional afin de représenter les salariés et les employeurs « des entreprises de moins de onze salariés ». Si l’on écrit « d’entreprises » à la place de « des entreprises », ce n’est plus l’ensemble de ces entreprises qui sont concernées.

M. le rapporteur. Nous parlons bien de l’ensemble des entreprises de moins de onze salariés, et la modification rédactionnelle que je propose ne change rien à cela.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine ensuite les amendements AS244 et AS247 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. Les 4,6 millions de salariés des TPE étant aujourd’hui, pour la majorité d’entre eux, privés d’une représentation spécifique, l’article 1er vise à créer des commissions interprofessionnelles au niveau régional pour remédier à cette carence. Notre amendement AS244 tend à étendre les compétences de ces commissions aux entreprises de moins de cinquante salariés, notre amendement de repli AS247 à celles de moins de vingt-six. Cela permettrait de répondre à une volonté de simplification des institutions représentatives du personnel au sein des TPE et des PME, aujourd’hui confrontées à des problèmes de seuils sociaux et fiscaux qui sont autant de freins à leur développement. Christophe Cavard n’a-t-il pas souligné il y a un instant que le dialogue permettait d’éviter le conflit ?

M. le rapporteur. Avis défavorable. Ces amendements prévoient d’aller plus loin dans la simplification en étendant le champ des commissions régionales. Pour être cohérent, cher collègue, il faudrait que vous prévoyiez la disparition des délégués du personnel et délégués syndicaux dans les entreprises de onze à cinquante salariés. En ce qui concerne le second amendement, il est cocasse que des collègues qui trouvent qu’il existe trop de seuils en inventent un nouveau, à vingt-six salariés, dont j’ignore d’ailleurs à quoi il correspond.

M. Dominique Tian. Ce seuil existe déjà et oblige de donner aux salariés accès à une cantine !

M. Gérard Cherpion. Ces amendements rendent service au ministre puisqu’ils tendent à relever le seuil. Une représentativité des entreprises de moins de cinquante salariés serait plus logique.

M. Arnaud Richard. Les trois quarts des entreprises de onze à vingt-cinq salariés n’ont pas de représentant du personnel, malgré le franchissement du seuil prévoyant l’élection du délégué du personnel. Le chiffre de vingt-six salariés est cohérent de ce point de vue.

La Commission rejette successivement ces deux amendements.

La Commission examine ensuite l’amendement AS378 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je propose d’écrire que les commissions régionales « représentent les salariés et employeurs des entreprises de moins de onze salariés non couvertes par des accords de branche ». Il est en effet essentiel que les branches professionnelles conservent la maîtrise du dialogue social en organisant une représentation des salariés et des employeurs dans les TPE par secteur d’activité.

M. le rapporteur. Cette rédaction exclurait les branches qui ont d’ores et déjà mis en place des commissions. Le texte, surtout s’il est modifié par l’amendement AS494 que je présenterai dans un instant, sécurisera au contraire l’existence des commissions existantes, qui fonctionnent plutôt bien.

Mme Isabelle Le Callennec. J’observe, pour m’en étonner, qu’à cet alinéa il est écrit que les commissions régionales représentent les salariés et employeurs « des entreprises » de moins de onze salariés, alors qu’au précédent l’amendement AS166 visait, par cohérence avec l’alinéa 9, à écrire « d’entreprises ».

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS494 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de l’amendement que je viens d’évoquer. Les CPRI n’écraseront pas les commissions sectorielles existantes, qui continueront de fonctionner. Nous permettons à d’autres branches ou secteurs d’en créer de semblables.

M. Arnaud Richard. Le rapporteur étant en la circonstance conséquent, je voterai cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel AS167 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS253 de M. Francis Vercamer et AS441 de M. Gérard Cherpion.

M. Arnaud Richard. Cet amendement prend en compte la difficulté à désigner des représentants issus des entreprises de moins de onze salariés. S’il est important d’encourager le plus possible de telles désignations, force est de constater que les dispositions de l’article risquent d’entraîner de nombreux constats de carence préjudiciables au bon fonctionnement de ces instances.

M. Gérard Cherpion. Il s’agit de prévenir la difficulté que pourraient avoir les commissions paritaires uniquement composées de représentants des TPE à trouver les effectifs nécessaires à leur fonctionnement. Les effectifs restreints de ces entreprises rendent difficile l’engagement des salariés et des employeurs dans une instance de représentation externe. Il faut permettre une plus grande souplesse dans la composition des futures commissions, le principe d’une représentation de ces entreprises restant garanti par la présence d’au moins six salariés et six employeurs issus d’entreprises de moins de onze salariés. Pourquoi six ? Parce que cela permet d’assurer la parité, abordée dans un article ultérieur.

M. le rapporteur. Nous nous sommes posé la question : les représentants des salariés des TPE doivent-ils être eux-mêmes issus des TPE, ou pourraient-ils, pour quelques-uns d’entre eux, être désignés par des organisations syndicales ? On nous a fait valoir qu’il serait difficile de trouver assez de représentants, mais dix par région, cela ne fait que 130 pour toute la France. Je rappelle qu’il s’agit de représenter les 6,5 millions de salariés des TPE.

L’UPA juge, pour sa part, souhaitable que les représentants des TPE soient issus de ces entreprises, au motif qu’il est préférable que les interlocuteurs « parlent le même langage ». Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

La Commission rejette les amendements.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS9 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement porte sur le même problème que précédemment ; j’imagine que la position du rapporteur sera aussi la même...

M. le rapporteur. Je suis en effet défavorable à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements AS254, AS245 et AS248 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. La démarche de l’amendement AS254 est la même que celle de M. Cherpion, et j’entends la réponse du rapporteur. Les deux amendements suivants proposent respectivement des seuils de cinquante, puis de vingt-six salariés ; le rapporteur y sera également défavorable et je puis comprendre pourquoi.

M. le rapporteur. Je suis effectivement défavorable aux trois amendements, pour les raisons déjà exposées.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle se penche sur les amendements AS220 et AS275 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Ces amendements ont trait aux problématiques de l’interprofessionnel, de la multiprofession, des professions libérales, de l’économie sociale et solidaire, mais aussi à celle de l’agriculture, bref, à tous ces employeurs dits « hors champ » dont chacun emploie peu de salariés, mais qui représentent néanmoins quelque 20 % de l’emploi salarié dans les TPE. Pour assurer leur représentation spécifique, il vous est proposé de réserver deux sièges sur dix, au sein du collège des employeurs, aux organisations d’employeurs dont la vocation statutaire revêt un caractère multiprofessionnel.

À vrai dire, cependant, l’amendement AS275 est mieux rédigé que l’amendement AS220, que je retire donc au profit de ce dernier.

M. le rapporteur. Il existe déjà une représentation de certaines organisations multiprofessionnelles, comme, par exemple, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). En outre, l’amendement précédemment adopté permet une forme de souplesse puisque, si elles le souhaitent, ces organisations – je pense notamment à celles regroupant les entreprises de l’économie sociale et solidaire – peuvent créer leurs propres commissions dans le cadre d’un accord avec les organisations syndicales. et ce sans revenir sur la représentation des salariés des TPE.

Mme Isabelle Le Callennec. La réponse du rapporteur m’interpelle, puisqu’il reconnaît qu’il existe déjà des instances sectorielles de représentation des salariés, par exemple dans l’agriculture ou l’artisanat. Je repose donc la question : à quoi vont servir ces commissions censées représenter 4,6 millions de salariés ? Il ne faut pas tromper les Français sur les intentions réelles qui président à la création de ces commissions, ni sur leur utilité et leur efficacité pour le dialogue social.

M. Christophe Cavard. Ces commissions seront complémentaires de l’existant : elles seront là pour assurer une présence là où, actuellement il n’y a rien. L’amendement de M. Robiliard a le mérite de garantir à certains secteurs d’être représentés.

M. le rapporteur. J’entends l’argument de M. Robiliard et Cavard, mais je préfère inciter les secteurs en question à mettre en place leurs propres commissions que de leur accorder une représentation spécifique au détriment des autres TPE. Et je répondrai à Mme Le Callennec, sous forme de boutade que 130 personnes peuvent bien représenter 4,6 millions de salariés, puisque 577 députés représentent 65 millions de citoyens…

L’amendement AS220 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS275.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS168 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS453 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’objet de cet amendement est d’instaurer la parité entre les femmes et les hommes pour la désignation des membres des commissions paritaires régionales. Je reprends, par ailleurs, l’argument du rapporteur sur la représentation des 4,6 millions de salariés des TPE et de leurs employeurs : il ne sera pas bien difficile de trouver 65 hommes et 65 femmes pour siéger au sein de chaque collège !

M. le rapporteur. C’est un très bon amendement, et je ne le dis pas seulement parce que j’en suis cosignataire… Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS169 du rapporteur.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS388 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Les commissions régionales seront très utiles aux salariés des très petites entreprises, et il est donc essentiel que ceux-ci soient informés de leur existence. À cette fin, il est proposé un affichage obligatoire, dans les entreprises concernées, de l’identité et des coordonnées des représentants désignés.

M. le rapporteur. On peut difficilement être opposé au fait de favoriser une telle communication, mais cela relève du décret, lequel est prévu, ainsi que va sans doute nous le confirmer M. le ministre.

M. le ministre. Afin de rassurer M. Cavard, je précise en effet qu’au chapitre V est prévu un décret qui précisera les conditions d’application, notamment les modalités de publicité relative à la composition de la commission, aux noms, professions et appartenances syndicales éventuelles de ses membres.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS33 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à supprimer, dans la liste des missions des CPRI, la référence au fait de « débattre » : il me semble que le dialogue social doit déboucher sur du concret.

M. le rapporteur. J’avoue ma perplexité : créer par la loi une commission et lui interdire de débattre serait pour le moins curieux. J’émets donc un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements AS197 de Mme Monique Orphé et AS455 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Monique Orphé. Cet amendement vise à enrichir les compétences des CPRI en intégrant les thématiques de la mixité des métiers et de l’égalité professionnelle. À cet effet, il est proposé d’inscrire dans la loi les dispositions de l’article 5 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 1er mars 2014, car on sait que les emplois féminins sont concentrés dans six secteurs principaux et que l’égal accès à l’emploi et la mixité au travail sont des enjeux stratégiques pour le développement des entreprises.

Mme Sandrine Mazetier. Mon amendement est complémentaire de celui de Mme Orphé, puisqu’il porte sur l’égalité professionnelle et le travail à temps partiel. On peut en effet espérer que ces commissions favoriseront l’émergence de groupements d’employeurs afin de réduire le temps partiel subi, dont les femmes sont les principales victimes.

M. le rapporteur. Ces deux amendements ont le même objet, mais celui de Mme Mazetier est plus conforme à la terminologie habituellement utilisée. J’y suis donc favorable et propose à Mme Orphé, qui en est d’ailleurs cosignataire, de retirer le sien à son profit.

L’amendement AS197 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS455.

Elle examine ensuite l’amendement AS495 du rapporteur, les amendements AS224, AS225 et AS274 de M. Denys Robiliard, l’amendement AS344 de Mme Chantal Guittet et l’amendement AS389 de M. Christophe Cavard.

M. le rapporteur. Plusieurs de nos collègues nous ont demandé à quoi allaient servir ces commissions. Il serait catastrophique qu’elles se bornent à faire de l’information, aussi est-il proposé d’étoffer leurs prérogatives en leur conférant un rôle de médiateur et en leur confiant la gestion d’activités sociales et culturelles, comme le font déjà, à la satisfaction générale, les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) avec les comités des œuvres sociales et culturelles de l’artisanat (COSCA).

M. Gérard Cherpion. Si ce qui relève des activités sociales et culturelles paraît acceptable puisque cela se fait déjà, la recherche de solutions aux problèmes individuels et collectifs par la médiation me gêne davantage, car cela suppose que les commissions entrent dans les entreprises, ce qui est contraire à l’esprit affiché du texte.

M. Christophe Cavard. Je comprends le point de vue de Gérard Cherpion, même si je ne le partage pas, mais cette fonction de médiation est très importante. Un certain nombre de conflits, de malentendus, de situations insatisfaisantes au sein des TPE, gagneraient à être résolus par la médiation plutôt que d’être portés devant les prud’hommes ou d’autres tribunaux. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet, mais celui du rapporteur va plus loin que le nôtre.

Mme Jacqueline Fraysse. Permettre le recours à la médiation est nécessaire. Il s’agit bien, je le souligne, d’une possibilité à laquelle on est libre de recourir ou non. Il est indéniable qu’il existe des conflits et qu’il vaut mieux tenter de les résoudre en évitant de les soumettre aux tribunaux. Je soutiens donc l’amendement du rapporteur, mais il ne se comprend – et nous avons déposé à cet effet un amendement qui viendra en discussion tout à l’heure – que si les représentants des salariés peuvent entrer dans l’entreprise, faute de quoi ils pourraient difficilement exercer leur mandat. Je ne comprends pas en quoi cela pourrait représenter une menace ou un danger.

Mme Isabelle Le Callennec. Si je comprends bien, un salarié d’une TPE en conflit avec son employeur pourra saisir la CPRI et être entendu par celle-ci. Mais ensuite, que se passera-t-il ? Un membre salarié de la commission se rendra-t--il dans l’entreprise pour discuter avec l’employeur ? Comment la commission fonctionnera-t-elle ? Quelles seront ses prérogatives, et quelles décisions sera-t-elle susceptible de prendre ? C’est une question qui inquiète beaucoup les chefs d’entreprise.

M. Denys Robiliard. Mes amendements visent le même objectif que celui du rapporteur. J’ai toutefois hésité entre deux vocables ; celui de conciliation, équivoque puisque réservé aux prud’hommes, et celui de médiation, tout aussi équivoque puisque c’est un mode particulier de solution des conflits prévu par le code civil.

L’amendement AS224 propose de faciliter la résolution des conflits individuels ou collectifs, en posant toutefois une double condition : aucune juridiction ne doit avoir été saisie, et la commission ne peut intervenir qu’avec l’accord des parties concernées. Dès lors pourquoi refuser au monde des TPE la simple possibilité d’une aide – peu importe le nom qu’on lui donne – à la solution des conflits ? L’exigence d’un accord des parties devrait lever les craintes de l’opposition quant au risque d’immixtion dans la vie de l’entreprise.

Quant à l’amendement AS225, il va plus loin, en matière d’action sociale et culturelle, que celui du rapporteur, qui se contente de dire que la CPRI « fait des propositions » : elle devrait, selon moi, pouvoir décider d’actions complémentaires dont il lui appartiendrait de déterminer le financement.

M. Dominique Tian. Gérard Cherpion a raison : il ne faut pas que les CPRI soient des conseils de prud’hommes au rabais. Certes, les délais de jugement y sont trop longs – trois ans en moyenne à Marseille, et je crois que ce n’est guère mieux ailleurs – mais ce serait adresser un mauvais message que de laisser entendre que les commissions pourraient se substituer aux prud’hommes. En revanche, elles pourraient éventuellement avoir un rôle à jouer lors de conflits collectifs, lorsqu’il faut interpréter la loi ou le code du travail, dont la complexité est telle que nul ne s’y retrouve plus.

M. Lionel Tardy. Je crains pour ma part que, dans chaque région, les vingt représentants qui auront compétence pour des milliers de TPE ne doivent se consacrer à plein temps à leur mandat. Or, seulement cinq heures de délégation par mois sont prévues à l’alinéa 31, certes assorties de la possibilité d’allonger cette durée en cas de « circonstances exceptionnelles », mais la vie des entreprises qui compteront des représentants des salariés dans leur personnel en sera rendue impossible.

M. Gérard Cherpion. On sait que la plupart des conflits portés devant les prud’hommes concernent de petites entreprises. Dès lors, je ne vois pas bien l’intérêt d’ajouter la possibilité de saisir une instance qui fera double emploi avec eux. La rédaction retenue par l’amendement de M. Robiliard me paraît toutefois un moindre mal, sans que cela m’incite à le voter pour autant.

M. le rapporteur. Comme l’a rappelé Mme Fraysse, la médiation n’est imposée à personne, il s’agit simplement de la permettre, sans remettre en cause le rôle des conseils de prud’hommes. Le fait, souligné par M. Cherpion, que les TPE soient le principal pourvoyeur de ces derniers, plaide à mon sens pour que nous ajoutions cette possibilité de médiation. La formulation retenue à cet effet par M. Robiliard dans son amendement AS224 me semble préférable à celle de mon propre amendement, et je propose de l’y intégrer, tout en conservant l’alinéa relatif aux activités sociales et culturelles.

Les amendements AS224, AS225, AS274, AS344 et AS389 sont retirés.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à cette nouvelle rédaction.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine ensuite les amendements AS385 de M. Christophe Cavard et AS297 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Christophe Cavard. Je propose de supprimer l’alinéa 28 qui interdit l’accès des membres de la commission aux locaux des entreprises, en parfaite contradiction avec ce que nous venons de décider.

Mme Jacqueline Fraysse. Notre amendement AS297 a pour but de donner aux représentants des salariés des TPE des missions proches de celles du délégué du personnel et des commissions paritaires locales. Naturellement, la création des CPRI nous satisfait puisqu’elle permettra enfin la représentation des salariés des petites entreprises, au sein desquelles les relations ne sont pas toujours aussi bonnes que l’on veut bien le dire. Mais, du fait des liens très forts de subordination et de dépendance économique qui y existent, les prérogatives de ces commissions nous paraissent insuffisantes. La médiation est, certes, importante, mais nous pensons que les représentants des salariés doivent pouvoir assister ces derniers dans leurs discussions avec l’employeur, comme c’est déjà le cas lors de l’entretien préalable au licenciement. Il n’y a donc rien de nouveau ni d’extraordinaire dans cet amendement, dont l’objet n’est pas du tout de remplacer les conseils de prud’hommes.

M. le rapporteur. Je suis sensible à l’idée défendue par M. Cavard, car la médiation suppose de réunir l’ensemble des parties prenantes, mais la disparition pure et simple de l’alinéa 28 aurait pour effet de permettre un accès illimité à l’entreprise, ce qui pourrait être mal ressenti par l’employeur. L’amendement AS496 que je défendrai dans un instant prévoit que cet accès est soumis à l’autorisation de l’employeur, ce qui me semble être plus proche de l’esprit de la médiation. Je suggère donc à M. Cavard de retirer le sien.

Quant à l’amendement de Mme Fraysse, il revient à créer des « super-délégués » du personnel, extérieurs à l’entreprise qui plus est. C’est là un esprit différent de celui dans lequel ont été conçues les CPRI. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Gérard Cherpion. L’amendement de M. Cavard revient à soumettre au droit commun les entreprises de moins de onze salariés, tandis que celui de Mme Fraysse est en contradiction avec le droit du travail lui-même.

M. Jean-Pierre Door. La position du rapporteur me convient, car ces deux amendements, qui vont à l’encontre du dialogue social en mettant le chef d’entreprise sous pression. Dès lors que l’autorisation de ce dernier est requise, les choses se présentent tout autrement.

M. Christophe Cavard. Je souhaite éviter les faux débats. Jusqu’à preuve du contraire, une entreprise est un lieu privé, où l’on n’entre pas sans autorisation. L’amendement que vient de présenter le rapporteur est donc quelque peu superfétatoire. Ce que je propose pour ma part est simplement de lever l’interdiction générale figurant à l’alinéa 28 et de laisser l’employeur libre de décider qui il laisse entrer.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, vous vous êtes dit favorable à ce que les commissions aient un rôle de médiation. Cependant, avec ces amendements, on franchit une étape supplémentaire : les membres des commissions auront accès aux locaux des entreprises. Or, si l’alinéa 28 a été inscrit dans le projet de loi, c’est qu’il y a une bonne raison, évidente aux yeux des chefs d’entreprise.

D’autre part, vous indiquez dans l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur Cavard, que les commissions devraient avoir « des moyens humains, des moyens géographiques et des moyens d’action réels ». Tout cela aura un coût.

Mme Jacqueline Fraysse. Je partage l’analyse de M. Cavard : en supprimant l’interdiction prévue à l’alinéa 28, on accorderait non pas le droit, mais la possibilité aux membres des commissions d’accéder aux locaux des entreprises. Resterait alors à régler les conditions dans lesquelles cette faculté est exercée. L’amendement de M. Cavard me paraît préférable à celui du rapporteur, qui est trop restrictif.

M. Gérard Cherpion. À ma connaissance, la rédaction prévue à l’alinéa 28 figurait dans le projet d’ANI et n’a été contestée ni par les organisations patronales ni par les syndicats.

M. le rapporteur. La rédaction que vous proposez, monsieur Cavard, présente un risque, dans la mesure où elle laisse une marge d’appréciation au juge : celui-ci considérera-t-il que les membres des commissions sont des représentants du personnel et qu’ils sont autorisés, à ce titre, à entrer dans les entreprises ? On ignore dans quel sens tranchera la jurisprudence.

M. Christophe Cavard. Sauf si cela est prévu par un décret.

M. le rapporteur. Il vaut mieux l’inscrire dans la loi, ainsi que je le propose. Nous sommes d’accord sur le fond, mais la rédaction de mon amendement apporte davantage de sécurité, car elle évite une éventuelle interprétation jurisprudentielle défavorable à ce que nous souhaitons.

M. le ministre. Je souscris à l’argumentation du rapporteur : il vaut mieux préciser les choses dans la loi, monsieur Cavard.

Par ailleurs, il ne faut pas transformer les membres des CPRI en « super-délégués du personnel ». Si nous souhaitons que ces commissions fonctionnent, ne leur attribuons pas d’emblée des pouvoirs qui vont au-delà de nos intentions initiales. Elles doivent avoir un rôle d’information et, avec l’accord des parties, de médiation. Quant à l’accès aux locaux des entreprises, il est bon de rappeler qu’il ne peut se faire que sur autorisation de l’employeur.

La rédaction prévue à l’alinéa 28 figurait en effet dans le projet d’ANI, mais celui-ci n’a pas été signé, monsieur Cherpion. D’autre part, l’emploi de la forme négative est un peu curieux. Je préfère la rédaction proposée par le rapporteur.

La Commission rejette successivement les amendements AS385 et AS297.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS496 du rapporteur, AS222 de M. Denys Robiliard, AS295 de Mme Jacqueline Fraysse et AS345 de Mme Chantal Guittet.

M. le rapporteur. Ainsi que je viens de l’indiquer, je propose, par l’amendement AS496, que l’alinéa 28 soit rédigé comme suit : « Les membres de la commission ont, pour l’exercice de leurs fonctions, accès aux entreprises, sur autorisation de l’employeur. »

M. Denys Robiliard. L’amendement AS222 est identique à celui du rapporteur, à ceci près qu’il prévoit que l’accès aux entreprises se fait non pas « sur autorisation », mais « avec l’accord » de l’employeur. Cette formulation me paraît mieux convenir.

Mme Jacqueline Fraysse. En l’état actuel du droit, l’accord de l’employeur est déjà nécessaire pour accéder à une entreprise. Si nous inscrivons dans la loi « sur autorisation de l’employeur », il arrivera que l’employeur refuse l’accès aux locaux. Dans ce cas, la médiation ne pourra pas avoir lieu au sein même de l’entreprise – celle-ci se ferait, bien entendu, avec toutes les règles de courtoisie qui s’imposent. C’est regrettable et contradictoire avec votre volonté de favoriser la médiation, à laquelle je souscris entièrement.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. L’amendement AS345 est proche de celui qu’a présenté M. Robiliard.

M. le rapporteur. Je vous suggère, chers collègues, de retirer vos amendements. Nous avons tous le même objectif. Néanmoins, la notion d’autorisation est plus formelle que celle d’accord. Selon moi, on doit pouvoir justifier d’une autorisation pour entrer sur une propriété privée.

M. Dominique Tian. Le groupe UMP est opposé à ces amendements. Le projet d’ANI a certes échoué, mais c’était un texte équilibré. Pour les points sur lesquels les partenaires sociaux n’ont pas trouvé d’accord, je comprends que l’État joue son rôle en se substituant à eux. En revanche, pourquoi voulez-vous reprendre la main lorsque le dialogue social a abouti ? En l’espèce, les organisations patronales et les syndicats s’étaient mis d’accord sur le fait que les membres des commissions ne devaient pas avoir accès aux locaux des entreprises. Dans leur sagesse, ils avaient décidé de ne pas franchir cette étape. Pourquoi le législateur durcirait-il le texte et imposerait-il de force une mesure que personne ne réclame ?

M. Arnaud Richard. Je suis d’accord avec M. Tian : il ne faut pas que le texte proposé par le Gouvernement dépasse les lignes que les partenaires sociaux n’auraient pas eux-mêmes franchies. Le groupe UDI est donc, lui aussi, opposé à ces amendements.

Les amendements AS222 et AS345 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AS496.

En conséquence, l’amendement AS295 tombe.

La Commission en vient à l’amendement AS298 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à augmenter le crédit d’heures de délégation dévolu aux membres des commissions.

M. Jean-Pierre Door. Ils ne travailleront plus !

Mme Jacqueline Fraysse. Lorsque l’on a la responsabilité de travailler auprès de ses collègues et de les aider, cinq heures par mois, compte tenu notamment de la taille des nouvelles régions, c’est ridicule – j’emploie volontairement ce terme. Je me suis livré à un petit calcul : cinq heures de délégation pour chacun des dix salariés membres des treize commissions régionales, cela fait 650 heures de délégation pour 4,6 millions de salariés, soit une minute par mois pour 118 salariés ! Je propose donc de porter le nombre d’heures de délégation à quinze, quota dont disposent les délégués du personnel dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Je suis prête à envisager, le cas échéant, un chiffre inférieur à quinze, mais il est nécessaire d’augmenter ce crédit d’heures.

M. le rapporteur. Le texte prévoit que ces cinq heures s’ajoutent au « temps passé aux séances de la commission ». D’autre part, n’oublions pas que nous traitons des TPE. Si le représentant salarié est issu d’une entreprise qui emploie au total deux ou trois salariés, quinze heures correspondent à deux jours d’absence. Nous devons être vigilants à l’incidence que cela pourrait avoir sur le fonctionnement même de l’entreprise, ainsi que sur sa capacité de production. Avis défavorable, d’autant que je propose d’apporter une certaine souplesse au dispositif avec les amendements AS506, que nous allons examiner immédiatement après, et AS507, qui prévoient respectivement la possibilité d’annualiser et de mutualiser ce crédit d’heures.

Mme Isabelle Le Callennec. Ces cinq heures sont, pour le représentant salarié, le « temps nécessaire à l’exercice de sa mission », sachant que celui-ci s’ajoute au « temps passé aux séances de la commission », ainsi que vous l’avez précisé, monsieur le rapporteur. Cependant, le temps de trajet est-il compris dans le crédit d’heures ? D’autre part, j’ai du mal à voir quel sera vraiment le rôle des représentants salariés. Que vont-ils faire concrètement pendant ces cinq heures ?

M. le rapporteur. De la médiation notamment.

M. Gérard Cherpion. Mme Fraysse a raison : en multipliant le nombre d’heures de délégation par trois, on résout complètement le problème ! (Sourires.)

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement AS506 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement AS226 de M. Denys Robiliard tombe.

La Commission est saisie de l’amendement AS507 du rapporteur.

M. le rapporteur. Aux termes de cet amendement que j’ai évoqué voici un instant, les membres des commissions paritaires régionales pourront répartir entre eux le crédit d’heures de délégation dont ils disposent. Les représentants salariés devront en informer leur employeur quinze jours à l’avance. En outre, j’ai prévu une limite : cette mutualisation ne pourra conduire un membre à disposer dans le mois, à lui seul, de plus d’une fois et demie le crédit d’heures de délégation dont il bénéficie.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur, dans l’exposé sommaire de l’amendement AS506, vous indiquez que « l’activité des commissions ne sera pas nécessairement régulière ». Qui va décider de la convocation des commissions, ainsi que de l’objet des réunions ?

M. le rapporteur. Un certain nombre de prérogatives leur sont confiées par la loi. Nous avons complété celles qui étaient prévues par le texte en leur donnant un rôle en matière de médiation et d’action sociale et culturelle. Vous ne pouvez pas à la fois nous expliquer que les missions de ces commissions sont trop larges, ainsi que le font certains de vos collègues, et demander qui va décider de la convocation de leurs réunions ! Les commissions vont se mettre en place et déterminer elles-mêmes leur mode de fonctionnement, notamment en adoptant leur règlement intérieur. Les commissions paritaires interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA), qui existent déjà, fonctionnent de manière très satisfaisante. Elles ont répondu à toutes les questions que vous posez depuis tout à l’heure.

M. Arnaud Richard. J’entends tout à fait les arguments du rapporteur. On peut ne pas être d’accord avec la création de ces commissions, mais, dès lors qu’on les crée, on peut comprendre qu’elles aient besoin d’un minimum de souplesse pour fonctionner. Paradoxalement, je suis plutôt favorable à cet amendement de simplification.

M. Gérard Cherpion. Ne nous voilons pas la face : cette disposition donne des moyens supplémentaires aux commissions et complexifie encore le système. Le rapporteur nous a lui-même expliqué que l’on risquait de mettre en péril certaines TPE si l’on augmentait trop le crédit d’heures. Or, avec cet amendement, on tombe à nouveau sur le même problème : il y a certes un délai de prévenance, mais on allonge le temps pendant lequel l’entreprise peut être privée d’un de ses salariés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS170, AS171 et AS173 du rapporteur.

L’amendement AS395 de M. Christophe Cavard est retiré.

La Commission examine l’amendement AS398 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Cet amendement vise à donner aux CPRI la possibilité de mettre en place des commissions afin d’assurer la représentation de certains secteurs spécifiques qui ne le seraient pas déjà dans le cadre des branches existantes, notamment celui de l’économie sociale et solidaire. Cette faculté serait prévue par le règlement intérieur. Il ne s’agit pas d’attribuer un nombre déterminé de sièges au sein de la commission paritaire, ainsi que M. Robiliard l’a proposé précédemment s’agissant des organisations multiprofessionnelles, mais de permettre à la commission elle-même de faire des choix en la matière.

M. le rapporteur. Pourquoi inscrire une telle disposition dans la loi ? Laissons les commissions adopter leur règlement intérieur et définir leur propre fonctionnement. Rien ne les empêche de mettre en place des commissions spécifiques si elles le souhaitent. Avis défavorable.

M. Christophe Cavard. Si vous me permettez un clin d’œil, monsieur le rapporteur, il n’était pas non plus indispensable d’inscrire dans la loi que l’accès aux locaux d’une entreprise se fait « sur autorisation de l’employeur » ! Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec vous sur le principe : les commissions décident de leur règlement intérieur et peuvent donc déjà, en droit, prévoir une représentation spécifique pour certains secteurs. Mon amendement était, en quelque sorte, un amendement d’appel, qui visait à le leur signaler. Je le retire, mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS174 et AS175 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS223 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il me paraîtrait prudent que le décret en Conseil d’État prévu par le texte précise les domaines et les modalités de délégation de la commission à certains de ses membres, dans le respect de son caractère paritaire, même si les commissions adoptent par ailleurs un règlement intérieur. Dans l’hypothèse où une commission joue un rôle de médiation ou d’assistance à la résolution d’un conflit, accepté par l’employeur et par le ou les salariés concernés, elle ne mobilisera pas ses vingt membres, mais missionnera généralement deux d’entre eux, un employeur et un salarié. Si un protocole d’accord est signé, il est possible que l’une des parties se repente et cherche à le faire annuler, en arguant que les médiateurs ou ceux qui ont facilité la résolution du conflit n’étaient pas valablement mandatés. En prévoyant une faculté de délégation dans la loi, nous sécuriserons les opérations de médiation.

M. le rapporteur. Je comprends vos arguments, monsieur Robiliard : une commission peut en effet mandater des représentants pour intervenir dans le cadre d’une médiation. Cependant, je vous fais la même réponse que précédemment à M. Cavard : rien dans le présent texte n’interdit les délégations. Laissons le soin aux commissions de s’organiser : elles peuvent tout à fait les prévoir dans leur règlement intérieur. Il n’est pas nécessaire, selon moi, d’inscrire cette faculté dans la loi, laquelle n’a pas vocation à détailler l’intégralité de leur fonctionnement. De plus, leur composition pourra varier d’une région à l’autre. Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Robiliard.

M. Denys Robiliard. En matière administrative, il existe une jurisprudence fournie sur la compétence et la possibilité de la déléguer, avec une distinction entre délégation de compétence et délégation de signature. Certes, ce qui n’est pas interdit est permis. Mais lorsque des compétences sont attribuées par la loi, la faculté de les déléguer ne va pas de soi. Dès lors, il me paraît prudent de la prévoir expressément dans la loi, même si l’on renvoie au décret la fixation des modalités. Ce serait plus sûr pour les parties.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement AS272 de M. Denys Robiliard est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS176 et AS177 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS299 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Compte tenu de la rédaction actuelle du texte, les membres des commissions paritaires locales pourraient être moins bien protégés contre le licenciement que ceux des commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Cet amendement vise à remédier à cette situation en offrant aux premiers une protection identique à celle dont bénéficient les seconds.

M. le rapporteur. Les commissions paritaires locales instituées par un accord ont été volontairement laissées hors du champ du projet de loi. Les accords en question ont été signés par les organisations syndicales, et les commissions locales fonctionnent au demeurant très bien. De plus, rien ne dit que les salariés qui en sont membres seront moins bien protégés contre le licenciement que leurs collègues des commissions paritaires régionales : leur protection est prévue par les accords eux-mêmes, qui renvoient aux dispositions du livre IV du code du travail. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS178, AS179, AS180, AS182, AS183, AS184 et AS185 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.

*

Après l’article 1er

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AS10 de M. Gérard Cherpion et les amendements AS265 et AS262 de M. Francis Vercamer.

M. Gérard Cherpion. Actuellement, les entreprises sont soumises à trente-cinq obligations supplémentaires lorsqu’elles franchissent le seuil de cinquante salariés. Les plus importantes de ces obligations concernent la création d’institutions représentatives du personnel (IRP) telles que le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi que la présence de délégués syndicaux, qui se voient attribuer un crédit d’heures en fonction de l’effectif de l’entreprise. À cela s’ajoutent les obligations de négocier au niveau de l’entreprise imposées par le code du travail du fait de la présence desdits délégués syndicaux. Il en résulte un frein mécanique au développement des entreprises, préjudiciable à l’emploi, dans la mesure où de nombreuses entreprises font le choix de ne pas dépasser ce seuil. Il existe ainsi deux fois et demie plus d’entreprises disposant d’un effectif de 49 salariés que d’entreprises disposant d’un effectif de 50 salariés. Afin de débloquer ce verrou, l’amendement AS10 vise à reporter les obligations pesant sur les entreprises de plus de cinquante salariés sur celles qui comptent plus de cent salariés.

M. Arnaud Richard. La question des effets de seuil est un « marronnier » depuis déjà quinze ou vingt ans. Les seuils créent manifestement des difficultés pour les entreprises, ainsi que le montre la statistique citée par M. Cherpion. Le Président de la République a lui-même déclaré que les seuils sociaux étaient un frein à l’emploi. Quant à vous, monsieur le ministre, vous êtes allés encore un peu plus loin, et vous êtes dans le vrai. Les positions des différents groupes politiques ont d’ailleurs évolué : les préconisations qui étaient perçues comme extrêmement libérales il y a dix ans apparaissent désormais comme pragmatiques. Par l’amendement AS265, nous proposons que les obligations qui sont imposées à partir de cinquante salariés s’appliquent à partir de soixante salariés, à titre expérimental pendant un an à compter de la promulgation de la présente loi.

M. le rapporteur. Ce débat s’apparente en effet à un « marronnier ». Monsieur Cherpion, un de vos collègues du groupe UMP a mentionné tout à l’heure un autre chiffre que celui que vous venez de citer : 74 % des entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 99 salariés ne disposent d’aucune IRP. Ce ne sont donc pas les IRP qui posent problème ! Dès lors, en affirmant que le seuil est un des aspects fondamentaux de la discussion, vous exprimez un positionnement quasi idéologique. En outre, un point me gêne dans votre approche : on a l’impression que vous considérez le dialogue social comme une sorte de frein, alors même qu’il est utile au développement des entreprises. Pour toutes ces raisons, que nous avons déjà développées à maintes reprises, j’émets un avis défavorable à ces trois amendements.

M. le ministre. Il existe plusieurs manières d’avancer sur cette question. Celle que nous avons choisie consiste à privilégier le dialogue social. Nous avons repris dans le projet de loi la démarche dans laquelle se sont engagés les partenaires sociaux : élargir et lisser le dispositif, donner de la souplesse aux entreprises, garantir aux salariés une véritable représentation à tous les niveaux à partir de cinquante salariés, notamment au sein du CHSCT. Pour votre part, vous proposez une autre méthode : porter le seuil de cinquante à soixante ou cent salariés. Or, lorsque l’on défend le dialogue social, on ne peut pas toucher aux seuils sans l’accord des partenaires sociaux.

M. Arnaud Richard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Nos amendements ne sont pas extrémistes : nous proposons de porter le seuil de cinquante à soixante salariés. Nous pourrions ainsi nous convaincre que le seuil de cinquante salariés est problématique, ce dont personne ne doute ici. En outre, nous répondrions à une recommandation formulée par la Commission européenne dans son avis sur le programme de stabilité présenté par notre pays pour 2015 : « La France devrait prendre des mesures résolues pour supprimer les seuils réglementaires prévus par le droit du travail et les réglementations comptables qui limitent la croissance de ses entreprises. »

La Commission rejette successivement les amendements AS10, AS265 et AS262.

Puis elle est saisie de l’amendement AS278 de M. Hervé Morin.

M. Arnaud Richard. Il s’agit de confier à la négociation collective plutôt qu’au cadre législatif et réglementaire le soin de fixer les règles en matière de temps de travail.

M. le rapporteur. Cet amendement est loin d’être anodin ! Je rappelle que les règles en matière de temps de travail sont déterminées par la loi. Celle-ci fixe non pas une durée maximale, mais une durée au-delà de laquelle se déclenche le mécanisme des heures supplémentaires. D’autre part, chers collègues de l’opposition, en dix ans, vous n’êtes pas revenus sur les dispositions des lois Aubry. Vous les avez même consacrées en défiscalisant les heures supplémentaires. J’ai cru comprendre que le débat reviendrait. Cela étant, on nous a déjà expliqué de très nombreuses fois qu’il serait rouvert, et il n’en a rien été. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable à cet amendement.

M. Arnaud Richard. Je vous en voudrais presque, monsieur le rapporteur, d’être favorable à mon amendement ! Je ne peux donc pas vous en vouloir d’y être défavorable. (Sourires.)

M. Gérard Cherpion. On ne peut pas tenir de tels propos, monsieur le rapporteur ! C’est sans doute la fatigue qui commence à se faire sentir. Je conviens volontiers que les évolutions ont été insuffisantes, mais nous avons apporté de nombreux aménagements aux règles en matière de temps de travail. Je voterai l’amendement de M. Richard, qui va tout à fait dans le bon sens.

M. le rapporteur. J’ai seulement considéré que les évolutions intervenues étaient insuffisantes, et je n’ai pas l’intention de rouvrir ce débat, ce que vous faites toujours quand vous êtes dans l’opposition, jamais quand vous êtes dans la majorité.

La Commission rejette l’amendement AS278.

Elle étudie ensuite l’amendement AS266 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. L’amendement vise à encourager, à titre expérimental, l’embauche dans les TPE, en portant le seuil d’élection des délégués du personnel à vingt et un salariés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La seule différence avec l’amendement précédent est que la mesure serait expérimentale.

La Commission rejette l’amendement AS266.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS263 de M. Francis Vercamer.

Elle est saisie de l’amendement AS334 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. La généralisation des commissions paritaires et le maintien de l’article L. 2312-5 du code du travail feraient double emploi. Nous proposons par conséquent de toiletter le code en supprimant les délégués de site.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La suppression des délégués de site, qui jouent parfaitement leur rôle, notamment dans les centres commerciaux, irait bien au-delà d’un simple toilettage.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement AS11 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. On dénombre en France entre 25 000 et 30 000 comités d’entreprise où siègent plus de 100 000 élus, autant de CHSCT, près de 300 000 délégués du personnel et un peu plus de 40 000 délégués syndicaux. L’amendement vise à simplifier l’architecture des institutions représentatives du personnel en ouvrant une négociation liée à la représentativité territoriale des salariés dans les entreprises de moins de cent salariés. Pour encadrer la négociation, nous proposons que ces salariés soient représentés et informés au niveau territorial. L’accord national interprofessionnel et l’accord national multiprofessionnel proposeront au Parlement une réforme afin d’harmoniser les seuils et de fusionner les institutions représentatives du personnel pour les entreprises de moins de cent salariés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Actuellement, rien n’empêche que les salariés des entreprises de moins de cent salariés soient représentés et informés au niveau territorial. En outre, au cours des auditions, aucune organisation n’a réclamé de changement majeur sur les modes de représentation.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements AS268 et AS267 rectifié de M. Hervé Morin.

M. Arnaud Richard. En prévoyant qu’une convention ou un accord collectif professionnel ou interprofessionnel puisse déroger aux dispositions du code du travail, à l’exception de celles qui concernent les principes fondamentaux, ces amendements tendent à revenir à l’esprit initial de la démocratie sociale. Nos propositions, qui choqueront peut-être certains de nos collègues, iraient dans le sens des évolutions souhaitées par la Commission européenne en matière de droit du travail.

M. le rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements. La réforme que vous envisagez est considérable : elle consisterait à inverser la hiérarchie des normes, en laissant à la négociation le soin de construire le code du travail.

M. le ministre. On ne peut inverser la hiérarchie des normes, par voie d’amendement à vingt-trois heures trente-neuf !

Mme Jacqueline Fraysse. L’heure tardive n’est pas le seul argument à prendre en compte.

M. le ministre. Les autres ont été développés par le rapporteur, et je les fais miens.

La Commission rejette successivement les amendements AS268 et AS267 rectifié.

Elle en vient à l’amendement AS376 rectifié de M. Hervé Morin.

M. Arnaud Richard. Cet amendement, traditionnellement défendu par M. Poisson, vise à définir les modalités d’un regroupement des branches professionnelles, en précisant le nombre maximal de branches. Cette rationalisation devrait susciter l’approbation de tous les groupes.

M. le rapporteur. L’amendement sera satisfait par celui que le Gouvernement a déposé à l’article 10, et qui va au-delà d’une demande de rapport. Je vous suggère donc de le retirer.

M. le ministre. Nous avons commencé à travailler avec les partenaires sociaux. Notre objectif, qui est ambitieux, est de réduire en dix ans le nombre de branches à cent. Il y en aura cent de moins dès la fin de 2015.

L’amendement AS376 rectifié est retiré.

*

Chapitre II
Valorisation des parcours professionnels des élus et des délégués syndicaux

*

Avant l’article 2

La Commission examine les amendements AS228 et AS230 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’amendement AS228 tend à supprimer, dans l’intitulé du chapitre II, les mots « dans l’entreprise ». En effet, un conseiller prud’homme ou un administrateur de caisse exerce sa charge hors de l’entreprise, de même qu’un délégué syndical qui consacre des heures à la négociation de branche. D’autre part, la valorisation des acquis de l’expérience liée à l’exercice d’un mandat syndical peut se faire aussi bien en interne, si le salarié évolue dans l’entreprise, qu’en externe, par le biais d’une reconversion.

L’amendement AS230 vise à substituer aux mots « délégués syndicaux », très précis en droit du travail, l’expression « titulaires d’un mandat syndical », pouvant désigner aussi les représentants syndicaux au comité d’entreprise, que le Gouvernement n’a sûrement pas l’intention de priver du bénéfice des dispositions de l’article 2. L’exposé des motifs du projet de loi montre en effet que le texte concerne l’ensemble des mandats syndicaux.

M. le rapporteur. Avis favorable à l’amendement AS228. La modification proposée est bienvenue puisque l’article 6 prévoit que le délégué syndical puisse utiliser ses heures de délégation en dehors de l’entreprise.

Je vous suggère en revanche de retirer l’amendement AS230 et les suivants qui lui sont liés. Je suis convaincu par les exemples que vous avez cités, mais il serait bon de retravailler sur le sujet.

M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement AS230, et je m’engage à retirer les suivants.

La Commission adopte l’amendement AS228.

L’amendement AS230 est retiré.

*

Article 2
(art. L. 2141-5 du code du travail)

Entretiens professionnels de début et fin de mandat

Cet article vise à protéger les représentants du personnel contre les discriminations et valoriser leur expérience.

I. UNE CRISE DES VOCATIONS SYNDICALES PRÉJUDICIABLES AU DIALOGUE SOCIAL

Un dialogue social plus constructif et moins conflictuel est un véritable levier de développement de l’économie en même temps que d’amélioration du bien-être social.

Pour ce faire, il y a besoin de partenaires crédibles, représentatifs et de bonne volonté. Or, nous assistons aujourd’hui à un recul des « vocations » syndicales. La pyramide des âges des responsables syndicaux est là pour témoigner de l’absence ou en tout cas de l’insuffisance de la « relève » syndicale. En effet, si 18 % des salariés travaillant au sein d’entreprises de 11 salariés et plus ont moins de 30 ans, ils ne représentent que 9 % des salariés représentants du personnel. Parallèlement, les salariés de plus de 40 ans représentent 62 % des salariés représentants du personnel alors que cette tranche d’âge constitue seulement 54 % de l’ensemble des salariés (3).

Cette crise des vocations a pour conséquence, selon la même enquête, que seulement 55 % des établissements de 11 salariés et plus du secteur marchand non agricole disposent d’au moins un salarié exerçant un mandat de représentant du personnel. Cette proportion est encore plus alarmante dans les entreprises de 11 à 49 salariés où il n’existe aucune institution représentative du personnel dans 86 % d’entre elles. De plus, cette crise des vocations est partiellement masquée par une pratique massive de cumul des mandats – 29 % des salariés représentants du personnel dans les entreprises de plus de 50 salariés déclarent détenir au moins deux mandats.

Par ailleurs, plus le sentiment de sécurité dans l’entreprise est important, plus le salarié est enclin à prendre des responsabilités. 91 % des salariés représentants du personnel travaillent à temps plein et 64 % d’entre eux travaillent dans l’entreprise depuis plus de 11 ans contre 46 % pour l’ensemble des salariés.

Cette forte concentration des mandats sur un profil particulier de salariés a des incidences sur la représentation sexuée. Les représentants du personnel sont à 63 % des hommes.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette crise des vocations :

– depuis le milieu des années 1980, avec la persistance de la crise économique et du chômage de masse, les progrès sociaux ont été moins fréquents que durant les décennies précédentes. De ce fait, le « grain à moudre » qui a symbolisé la conquête de nouveaux droits est de plus en plus difficile à trouver. En conséquence, les syndicats se sont repliés sur une défense des acquis sociaux attaqués par les tenants d’une « adaptation à la mondialisation ». Par ailleurs, la défense de ces acquis a eu pour conséquence de dissocier les intérêts des salariés titulaires d’un emploi de ceux des chômeurs. Le syndicat et le syndicaliste ont ainsi souvent vu leur image se dégrader ;

– l’évolution du marché du travail tend à faire disparaître les grands ensembles où plusieurs milliers de salariés accomplissent la même tâche au même rythme et par conséquent sont porteurs des mêmes intérêts. Aujourd’hui, l’organisation du travail se fait dans le sens de la polyvalence et de l’autonomie des salariés – tâches multiples, horaires flexibles, télétravail… – et cette situation rend plus difficile la représentation par un syndicat unique porteur d’une vision nationale ;

– enfin, l’engagement prend aujourd’hui des formes diverses et ne dure pas nécessairement toute une vie. Cette mutation a non seulement pour conséquences une diminution du nombre d’adhérents à une organisation syndicale mais aussi une plus grande instabilité des effectifs.

Ces mutations ont des conséquences importantes sur le dialogue social. En effet, à l’instar des partis politiques qui sont de moins en moins des partis de masse et de plus en plus des réseaux d’élus et de collaborateurs d’élus, les syndicats ont également connu une transformation d’un syndicalisme de militants et d’adhérents en un syndicalisme de permanents.

Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, il convient d’en prendre acte et de préserver la capacité à prendre des responsabilités syndicales dans les entreprises et au-delà. Pour cela, il est nécessaire de ne pas pénaliser les personnes qui souhaiteraient accepter de telles responsabilités mais également de diversifier la sociologie des responsables syndicaux en favorisant le renouvellement des générations, l’accès des femmes et des salariés du secteur privé aux responsabilités.

Pour ce faire, le projet de loi prévoit plusieurs articles afin de rendre plus attractif, en tout cas moins pénalisant, l’exercice de responsabilités syndicales ou d’un mandat de représentant du personnel.

II. DANS LES FAITS, LA RESPONSABILITÉ SYNDICALE CONSTITUE UN FREIN À LA CARRIÈRE

L’article L. 2141-5 du code du travail portant sur les principes de l’exercice du droit syndical, tel qu’il est issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, dispose qu’ « il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »

L’article précité renvoie à un accord d’entreprise le soin de déterminer « les mesures à mettre en œuvre » afin de concilier la carrière professionnelle et les responsabilités syndicales et la manière dont sera prise en compte l’expérience acquise au cours de l’exercice d’un mandat de représentant du personnel.

Cependant, dans la réalité, l’exercice d’une responsabilité syndicale est bien souvent source de discrimination au sein de l’entreprise. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi fait état d’une étude de l’École d’économie de Paris, parue en juin 2014, qui montre que la rémunération des salariés exerçant des responsabilités est inférieure de 10 % de celle des salariés non-syndiqués.

En effet, si la loi punit la discrimination du fait d’une appartenance à une organisation syndicale de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 euros, celle-ci, comme toute discrimination, est très difficile à caractériser. Il convient donc de mettre en place, par la loi, un certain nombre de mesures spécifiques afin de lever, un à un, les freins à l’exercice du droit syndical.

III. UN RENFORCEMENT DE L’ENTRETIEN AVEC L’EMPLOYEUR SUR LES MODALITÉS D’EXERCICE DU MANDAT ET DE VALORISATION DES ACQUIS DE L’EXPÉRIENCE

L’article L. 6123-5 dispose qu’ : « à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié ». Si cet entretien est proposé systématiquement au salarié « à l’issue d’un mandat syndical », il concerne également, et dans les mêmes conditions, les salariés de retour d’un long congé ou d’une mobilité professionnelle.

Il n’y a donc pas en l’état actuel du droit de valorisation spécifique des acquis de l’expérience pour un salarié ayant exercé des responsabilités syndicales. Par ailleurs, cet entretien est effectué de droit à l’échéance du mandat. La loi ne prévoit pas de dispositif lors de la prise de fonction, ce qui ne permet, ni à l’employeur ni au salarié, d’anticiper la manière de concilier l’engagement syndical et la poursuite de la carrière.

L’article 2 prévoit en conséquence deux entretiens de droit à deux moments différents :

– le premier au début du mandat. Le délégué syndical ou le représentant du personnel bénéficie, à sa demande, d’un entretien avec son employeur sur les modalités pratiques d’exercice du mandat et notamment la manière de concilier ses responsabilités et l’exercice de son emploi. Il peut pour cet entretien, se faire accompagner par la personne de son choix. La Commission a adopté l’amendement AS456 invitant « l’employeur [à] veiller à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et électives, en veillant à une bonne prise en compte de la nécessaire articulation entre vie personnelle et vie professionnelle ». Cet amendement vise à encourager spécifiquement les femmes à prendre des responsabilités ;

– le second à l’échéance du mandat. L’alinéa 3 donne une spécificité particulière à l’entretien prévu à l’article L. 6123-5 lorsqu’il concerne un délégué syndical ou à un représentant du personnel. Dans ce cas, l’entretien permet de procéder au recensement des « compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation » de ces compétences. Cet article du projet de loi est à rapprocher de l’article 3 qui prévoit la mise en place d’une liste de compétences correspondant à l’exercice d’un mandat syndical ou de représentant du personnel.

La condition pour bénéficier de ce second entretien est d’avoir bénéficié d’heures de délégation supérieures à 30 % de son temps de travail annuel. En effet, il s’agit ici de permettre aux personnes ayant été le plus éloignées de leur poste de travail de valoriser leur acquis et non pas aux 600 000 salariés protégés.

Il reste à vérifier avec la pratique si la reconnaissance des acquis de l’expérience syndicale va réellement permettre aux salariés concernés de se voir reconnaître des compétences générales. Il ne s’agit, en effet, évidemment pas de prévoir une compétence de « syndicaliste » qui serait difficilement valorisable dans l’entreprise ou dans une autre entreprise.

*

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements AS187 du rapporteur, AS444 de M. Lionel Tardy et AS456 de Mme Sandrine Mazetier.

M. le rapporteur. L’amendement AS187 est rédactionnel.

M. Lionel Tardy. L’amendement AS444 est presque identique. La loi sur la formation professionnelle prévoit qu’après une période d’absence dans l’entreprise, notamment à la fin d’un mandat syndical, l’employé passera un entretien professionnel. Cette mesure, sur laquelle je m’étais interrogé, se comprend mieux s’il s’agit de faire le point sur le mandat. Je suggère de regrouper ces dispositions dans l’article L. 6315-1 du code du travail.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement AS456, présenté par les députés du groupe socialiste, s’inscrit dans la continuité des échanges que nous avons eus avec la délégation aux droits des femmes. Pour favoriser l’engagement syndical, nous proposons d’inscrire dans la loi que l’employeur favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions syndicales et effectives, en veillant à une bonne prise en compte de la nécessaire articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.

M. le rapporteur. Les amendements, en discussion commune pour des raisons de légistique, n’ont pas du tout le même objet. Je retire donc l’amendement AS187 afin de ne pas empêcher l’adoption de l’amendement AS456, auquel je suis favorable, et émets un avis défavorable à l’amendement de M. Tardy dans l’hypothèse où il serait maintenu.

L’amendement AS187 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS444.

Elle adopte l’amendement AS456.

L’amendement AS229 de M. Denys Robiliard est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS186 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS400 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. De nombreux syndicats souhaitent que l’entretien se déroule automatiquement en présence d’un tiers, sans que le salarié ait à le demander.

M. le rapporteur. Avis défavorable. C’est au salarié à choisir s’il souhaite ou non être accompagné. On ne peut ignorer son avis.

M. Christophe Cavard. Sur le principe, je comprends l’objection, mais, cet entretien étant particulièrement important, il est important que le salarié soit accompagné.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement AS227 de M. Denys Robiliard est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS219 du rapporteur.

Elle aborde l’amendement AS443 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je propose d’intégrer l’entretien de début de mandat syndical, que vous proposez de créer, à l’entretien professionnel, qui a lieu tous les deux ans. La multiplication des procédures ne va pas dans le sens de la simplification.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il faut éviter que les deux entretiens se confondent ou que l’un se substitue à l’autre.

M. Gérard Cherpion. La rédaction de l’amendement est prudente. Elle prévoit seulement que l’entretien de début de mandat syndical puisse être réalisé en même temps que l’entretien professionnel.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS189 et AS190 du rapporteur.

L’amendement AS231 de M. Denys Robiliard est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS425 de Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. La valorisation des parcours professionnels des élus, qui est une excellente idée, ne profitera pas aux femmes si on le réserve aux délégués dont la délégation atteint 30 % de la durée du temps de travail, soit quarante-cinq heures par mois. Nous proposons donc de supprimer ce seuil.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La faible proportion de femmes parmi les représentants syndicaux justifie certains aménagements, que nous avons évoqués avec la rapporteure pour avis de la délégation aux droits des femmes. Mais l’adoption de l’amendement compromettrait la reconnaissance des parcours professionnels, qui est un des objets de l’article. Dans l’accord qui a failli être validé, le seuil était fixé à 50 %.

Mme Véronique Massonneau. Il n’y a pas lieu de favoriser les représentants qui cumulent beaucoup d’heures. En tout cas, si l’on introduit un seuil, celui-ci doit être inférieur à 30 %.

M. Michel Liebgott. Un engagement syndical important peut freiner la promotion. C’est un dommage qu’il faut compenser.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement a été adopté cet après-midi par la délégation aux droits des femmes. Si judicieux que soit l’article 2, il ne concernera que ceux qu’on peut considérer comme des cumulards, sans mettre dans ce terme de nuance péjorative, car ce cumul vise à défendre les salariés et le dialogue social.

Le tableau figurant à la page 44 de l’étude d’impact montre qu’on trouve 45 % de femmes parmi les titulaires d’un mandat. Le pourcentage se réduit à 43 % parmi les titulaires de deux mandats et tombe à 35 % parmi les titulaires de trois mandats. Abaisser le seuil encouragerait les femmes à s’investir davantage dans le dialogue social.

M. Christophe Cavard. Si l’on fixe le seuil à 30 %, on favorisera la valorisation de l’expérience acquise, mais les femmes, moins présentes dans le monde syndical, n’en bénéficieront pas. Peut-être pourrait-on retenir un pourcentage moins élevé, dans la discussion avec les partenaires sociaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il n’est pas envisageable de supprimer tout seuil, ce qui reviendrait à proposer deux entretiens pour 600 000 salariés. Réduire le taux de 30 % est délicat. Il serait dommage qu’au nom d’une excellente cause – favoriser l’implication des femmes dans le dialogue social –, on renonce à dédommager les représentants qui ont subi un préjudice important en termes de parcours ou de rémunération. Je rappelle que le taux prévu dans l’accord était de 50 %.

Mme Véronique Massonneau. Je retire l’amendement, que je redéposerai en proposant un seuil moins élevé.

L’amendement AS425 est retiré.

La Commission aborde l’amendement AS212 de M. Gérard Cherpion.

M. Bernard Perrut. L’article L. 2145-1 du code du travail tel que modifié par l’article 2 du projet de loi, prévoit qu’en fin de mandat le salarié disposant d’un nombre d’heures de délégation annuel au moins équivalent à 30 % de la durée du travail qui lui est applicable, bénéficie, au cours de son entretien professionnel habituel, d’un recensement des compétences acquises au cours du mandat et d’indications sur les modalités selon lesquelles les compétences ainsi acquises seront valorisées.

Le projet de loi semble imposer à l’employeur de reclasser le salarié au terme de son mandat afin de valoriser les compétences acquises en cours de mandat, mettant ainsi à la charge de l’employeur une obligation de résultat. Cette disposition risque de mettre l’employeur en difficulté si le salarié refuse, en vertu de son statut protecteur, le simple changement des conditions de travail qui résulterait du projet de l’employeur ou une modification du contrat de travail, qui ne peut être imposée à aucun salarié sans son accord préalable. L’employeur, qui serait dans l’incapacité de respecter son obligation de résultat, s’exposerait alors à une sanction.

Il faut lever l’ambiguïté résultant de la rédaction du texte de loi en substituant à l’obligation de reclassement, celle d’évoquer avec le salarié, au cours de l’entretien annuel de fin de mandat, ses possibilités d’évolution professionnelle au regard des compétences acquises au cours du mandat.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nulle part le texte ne prévoit l’obligation de reclassement. Il s’agit seulement de recenser les compétences acquises en cours de mandat et de les valoriser pour le bien de l’entreprise comme du salarié. Par ailleurs, il n’est pas question dans le texte de sanctionner l’employeur.

Mme Isabelle Le Callennec. J’approuve que l’on valorise le parcours professionnel des élus et délégués syndicaux, mais je ne comprends pas que, à l’alinéa 2, il ne soit pas question de formation, alors que celle-ci peut être essentielle pour exercer un mandat. D’autre part, est-ce l’employeur ou une instance extérieure à l’entreprise qui établira la liste des compétences acquises en cours de mandat ?

M. le rapporteur. Le droit à la formation figure actuellement parmi ceux des représentants syndicaux. Il va de soi qu’il est maintenu. Par ailleurs, l’alinéa 5 de l’article 3 apporte une précision importante : « Un recensement des certifications ou parties de certification comportant ces compétences et enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles est annexé à la liste mentionnée au premier alinéa. »

M. Gérard Cherpion. Il reste toutefois une ambiguïté : à l’issue de l’entretien, à quelle compensation le salarié pourra-t-il prétendre ? Devra-t-il se contenter d’un satisfecit du chef d’entreprise ?

M. le rapporteur. L’alinéa 4 de l’article 3 prévoit que les ministres en charge du travail et de la formation professionnelle établiront une liste des compétences correspondant à l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou de délégué syndical. L’entretien permettra de comparer les compétences acquises par le salarié et celles qui figureront sur la liste.

Mme Isabelle Le Callennec. L’entretien se déroulera-t-il en présence d’un tiers ? Qu’arrivera-t-il si l’employeur et le salarié ne parviennent pas à s’entendre ?

M. le rapporteur. Le salarié pourra, s’il le souhaite, se faire accompagner. Un salarié qui assume un engagement syndical pendant des années acquiert indéniablement des connaissances juridiques ou administratives, ou des compétences, en termes de management. L’entretien permettra de rapprocher les compétences du salarié de la liste établie par les ministres. En cas de désaccord, le salarié pourra faire valoir son parcours grâce à cette liste.

M. le ministre. Je partage l’analyse du rapporteur. Je ne comprends pas votre volonté de corseter le parcours d’un salarié devenu permanent syndical. Nous proposons qu’au terme de son mandat il s’entretienne avec son employeur au sujet des compétences qu’il a acquises dans ses fonctions représentatives afin d’obtenir une certification, sur la base d’un système de référence.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

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Article 3
(art. L. 6112-4 et L. 6123-1 du code du travail)

Égalité d’accès des représentants du personnel et des délégués syndicaux

Dans le même esprit que l’article 2, cet article vise à rendre plus attractif les responsabilités syndicales en facilitant la poursuite de la carrière du salarié à la suite de l’échéance de son mandat.

Il prévoit en effet, que « les ministres en charge du travail et de la formation professionnelle établissent une liste de compétences correspondant à l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou de délégué syndical » qui seront, après avis de la commission nationale de certification professionnelle, inscrites au répertoire national des certifications professionnelles.

La certification, enregistrée en blocs de compétences, est inscrite à l’inventaire mentionné à l’article L. 335-6 du code de l’éducation. Celui-ci dispose que : « les certifications et habilitations correspondant à des compétences transversales exercées en situation professionnelle peuvent être recensées dans un inventaire spécifique établi par la Commission nationale de la certification professionnelle ». Il s’agit donc bien de viser des compétences transversales et non pas d’une compétence spécifique de syndicaliste, comme cela a été souligné dans le commentaire de l’article 2.

En effet, l’identification des compétences transversales acquises au cours d’un mandat syndical ou de représentant du personnel impliquera une concertation avec les partenaires sociaux puis d’identification de ces compétences au sein des référentiels de compétences actuelles. Enfin, la dernière étape sera l’inscription à l’inventaire sous la responsabilité de la Commission nationale de la certification professionnelle. L’étude d’impact prévoit que la liste sera mise en place au premier semestre de l’année 2016.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS232 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je vais retirer cet amendement, mais souhaiterais revenir sur l’article précédent : si Mme Le Callennec n’en comprend pas le sens, c’est qu’elle a du mal à concevoir que des socialistes puissent postuler que l’employeur peut être de bonne foi… (Sourires.)

Mme Sandrine Mazetier. L’article 3 prévoit la création d’une certification au profit des salariés ayant été représentants syndicaux. Or, si j’avais cru comprendre que l’exercice d’un seul mandat syndical suffisait pour obtenir cette certification, les échanges que nous venons d’avoir me donnent l’impression d’un effet de contamination entre les articles 2 et 4 d’une part, et l’article 3 d’autre part. M. le ministre peut-il nous confirmer qu’un seul mandat suffira ?

M. le ministre. Les certifications qui seront établies après avis de la Commission nationale de certification permettront à l’employeur d’évaluer lors d’un entretien les salariés ayant exercé un mandat de représentant du personnel. Elles s’adresseront a priori à tous les salariés ayant exercé un mandat mais les niveaux de certification diffèreront selon la durée des mandats exercés et l’expérience acquise au cours de leur exercice.

M. Gérard Cherpion. Comment ce dispositif s’articulera-t-il avec l’évaluation professionnelle obligatoire tous les deux ans en entreprise ?

M. le ministre. Il s’agit d’un autre dispositif.

Mme Isabelle Le Callennec. Le processus de validation des acquis de l’expérience (VAE) est très encadré : une fois le dossier de demande constitué, un jury se réunit pour l’examiner.

M. le rapporteur. Je n’ai jamais dit que cet article instaurait une VAE, mais bien qu’il créait un dispositif qui s’y apparentait. Et encore une fois, nous ne remettons pas en cause le droit aujourd’hui applicable dans l’entreprise. Comme un parcours syndical permet d’acquérir des compétences, nous proposons que celles-ci puissent être valorisées sur la base d’un référentiel précisé à l’alinéa 4 de l’article 3.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 3 sans modification.

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Article 4
(art. L. 2141-5-1 du code du travail)

Garantie de non-discrimination salariale pour les représentants du personnel

Comme rappelé dans le commentaire de l’article 2, selon une étude de l’École d’économie de Paris, parue en juin 2014, la rémunération des salariés exerçant des responsabilités syndicales est inférieure de 10 % de celle des salariés non-syndiqués. En effet, même en faisant fi de possibles comportements discriminatoires, il est fréquent que les salariés exerçant des responsabilités ne se voient pas accorder d’augmentations individuelles car on leur préfère dans l’entreprise ceux qui exercent leur activité à plein temps et sur lesquels le lien de subordination est permanent.

L’article 4 vise à garantir une évolution de rémunération pour les représentants du personnel et les responsables syndicaux ayant bénéficié d’heures de délégation supérieures à 30 % de leur temps de travail annuel au moins égale, pendant la durée du mandat, à l’évolution moyenne des rémunérations perçues par les salariés de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable à celle du salarié concerné ou à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles s’il n’y a pas eu d’accord de branche plus favorable.

Les dispositions proposées s’inspirent largement de l’article L. 1225-26 qui dispose qu’« en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération,… , est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise ».

Contrairement aux salariées en congé maternité, les responsables syndicaux et les représentants du personnel bénéficient des augmentations générales. En conséquence, seules les augmentations individuelles sont concernées par ces nouvelles dispositions. La Commission a donc adopté un amendement AS233 précisant que le salarié bénéficie « des augmentations générales et [de] à la moyenne des augmentations individuelles », ce qui peut être différent de « la moyenne de l’évolution des rémunérations » et qui, en tout état de cause, est favorable aux salariés concernés.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS284 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques AS320 de Mme Jacqueline Fraysse et AS426 de Mme Véronique Massonneau.

Mme Jacqueline Fraysse. Les représentants des salariés et les syndicalistes doivent bénéficier d’une évolution salariale comparable à celle des autres salariés, quel que soit leur temps de délégation, afin d’éviter toute discrimination, sans quoi les salariés seront dissuadés d’exercer un mandat syndical.

Mme Véronique Massonneau. Je partage l’avis de Mme Fraysse. Néanmoins, je retire mon amendement afin de le réécrire d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. le rapporteur. L’objectif visé à l’article 4 n’est pas de couvrir tous les salariés exerçant des mandats syndicaux ou électifs mais de cibler ceux dont l’engagement est tel qu’ils se sont retirés de l’entreprise. C’est parce qu’ils ont été plus longuement éloignés de leur poste de travail qu’ils sont plus pénalisés que les autres. Je suggère donc à Mme Fraysse de retirer son amendement.

M. Gérard Sebaoun. On ne peut postuler a priori que l’exercice d’un mandat syndical donne nécessairement lieu à discriminations.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne le postule pas : j’affirme qu’il ne faut pas que cela se produise. Monsieur le rapporteur, je vous concède que plus le nombre d’heures de délégation est élevé, plus le risque de discrimination est important. Mais on ne peut accepter que les salariés qui n’ont que quelques heures de délégation soient pénalisés.

M. le ministre. Nous ne visons pas à empêcher des discriminations mais à assurer aux salariés qui n’occupent pas leur poste de travail plus de 30 % du temps de bénéficier d’une évolution salariale comparable à celle des autres salariés. Cette avancée était demandée.

M. Christian Hutin, président. Maintenez-vous votre amendement, madame Fraysse ?

Mme Jacqueline Fraysse. Oui.

La Commission rejette l’amendement AS320.

L’amendement AS426 est retiré.

Elle aborde l’amendement AS204 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. À la différence des deux amendements précédents, nous proposons de porter à 50 % le taux à partir duquel la disposition prévue à cet article sera applicable.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je plaide pour le maintien du seuil de 30 % qui me paraît déjà élevé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS369 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il importe de clarifier les termes de l’article L. 2141-5-1 du code du travail : le salarié exerçant un mandat doit voir l’augmentation de sa rémunération déterminée en fonction de l’évaluation portée sur son travail effectif au sein de l’entreprise.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le salarié sera lourdement pénalisé si l’employeur ne retient que le temps qu’il passe dans l’entreprise. Nous considérons que le temps qu’un employé consacre à sa représentation syndicale n’en fait pas moins un salarié de l’entreprise.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS233 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Plutôt que de tenir compte, pour la détection d’une éventuelle discrimination, de l’évolution moyenne des rémunérations, nous proposons de distinguer entre les augmentations générales de salaire, dont un salarié exerçant un mandat aura nécessairement profité, et la moyenne des augmentations individuelles. Nous reprenons en cela les termes de l’article L. 1225-26 du code du travail en matière de congé de maternité.

M. Gérard Cherpion. Les augmentations individuelles de salaire sont directement liées à l’activité personnelle du salarié. Par conséquent, en les prenant en compte, on risque de pénaliser l’ensemble des salariés qui ne bénéficient pas de primes individuelles par rapport aux salariés retenus en dehors de l’entreprise.

M. le rapporteur. Les salariés qui exercent un mandat syndical enregistrent au bout de quelques années un différentiel de rémunération par rapport aux autres salariés. Tout le monde bénéficiant des mêmes augmentations générales, ce différentiel ne peut s’expliquer que par l’absence d’augmentation individuelle. Vous jugez cela normal, monsieur Cherpion, au motif que le salarié en délégation n’est pas présent dans l’entreprise. Pour autant, il en fait bien partie, et nous souhaitons revaloriser les parcours syndicaux. Il n’est pas vrai que les autres salariés seront perdants, car ils bénéficieront d’augmentations individuelles tandis qu’un représentant syndical ne bénéficiera que d’une moyenne de celles-ci. Il s’agit de corriger une réalité illustrée dans toutes les études relatives aux salariés exerçant un mandat syndical.

C’est pourquoi j’émets un avis favorable à l’amendement.

M. Denys Robiliard. Les délégués syndicaux ne se trouvent absolument pas en dehors de l’entreprise, et par ailleurs on constate effectivement, à la lecture de la jurisprudence de la Cour de cassation, des discriminations liées à l’exercice de mandats syndicaux. Le dispositif proposé vise justement à y mettre un terme.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS402 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous proposons que les représentants du personnel puissent bénéficier d’une évolution de carrière semblable à celle de leurs collègues.

M. le rapporteur. Je partage votre préoccupation, mais comment définir cette évolution dans la loi ?

M. Christophe Cavard. Nous proposons de retenir la même méthode de calcul que celle retenue pour les rémunérations.

M. Gérard Sebaoun. Je souhaite revenir sur l’amendement AS233 de M. Robiliard que nous avons adopté et auquel je suis tout à fait favorable, car M. Cherpion a mis en avant un argument pertinent. Souvent, en effet, dans les entreprises, les sommes consacrées aux augmentations individuelles sont dans une enveloppe fermée, de sorte que si l’on introduit un nouveau droit – qui me paraît tout à fait légitime –, mathématiquement, les autres toucheront un peu moins.

M. le rapporteur. Monsieur Cavard, nous avons adopté tout à l’heure un amendement permettant la reconnaissance de l’expérience acquise lors de l’exercice du mandat syndical. On ne peut pas prévoir en plus une obligation de rattrapage de l’évolution de carrière.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement AS282 de M. Gilles Lurton.

M. Bernard Perrut. L’article 4 du projet de loi fixe une garantie d’évolution de salaire inconditionnelle : quelle que soit la situation du salarié, il doit bénéficier d’une évolution de rémunération indépendante du travail fourni. C’est pourquoi notre amendement ouvre à l’employeur la possibilité de justifier d’une politique salariale différente à l’égard de ces salariés, en apportant la preuve de raisons professionnelles objectives et non discriminatoires justifiant la différence de traitement salarial. S’il est normal qu’un salarié ne subisse pas de discriminations à raison de ses activités syndicales ou de ses mandats électifs au sein de l’entreprise, la marge de manœuvre de l’employeur en termes de politique salariale ne peut être réduite à néant.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Votre proposition, si elle était adoptée, serait source de contentieux interminables. Je préfère la solution moyenne que nous avons adoptée tout à l’heure.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

*

Article 5
(art. L. 2314-11, L. 2314-24-1, L. 2314-24-2, L. 2314-25, L. 2324-6,
L. 2324-13, L. 2324-22-1, L. 2324-22-2 et L. 2324-23 du code du travail)

Représentation équilibrée des femmes et des hommes

I.  UNE SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS LES FONCTIONS DE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS QUI PERDURE MALGRÉ LES INCITATIONS

Les femmes représentent 47,9 % de la population occupant un emploi. Elles ne sont en revanche que 36,42 % des élus à des fonctions de représentation des salariés (4). Cette proportion est tout de même légèrement supérieure à la proportion de candidates qui est de 32 % au premier tour des élections professionnelles.

Pour remédier à cette situation historique, l’article L. 2324-6, introduit par la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévoit que : « lors de l’élaboration du protocole d’accord préélectoral, les organisations syndicales intéressées examinent les voies et moyens en vue d’atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures ». Il s’agit cependant d’une simple mesure incitative qui, à l’instar des règles contraignantes qui ont été mises en place pour les élections municipales, régionales, européennes, sénatoriales dans les départements élisant leur sénateur au scrutin proportionnel et plus récemment départementales, doit être aujourd’hui dépassée. En effet, une étude de la DARES de 2011 montre que seulement 40 % des organisations syndicales dans les établissements dotés de représentants du personnel déclarent avoir réussi à promouvoir l’égalité sexuée dans les candidatures. Ce chiffre est proche, bien qu’inférieur, au nombre de candidates au premier tour des élections professionnelles.

II.  LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE REPRÉSENTATION MIROIR DES ÉLECTEURS

L’article premier de la constitution dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Il est donc temps que la loi prévoit des mesures plus contraignantes afin d’atteindre cet objectif.

L’égal accès signifie-t-il pour autant la stricte parité ou la représentation en miroir ? Si la stricte parité est un objectif évident pour les fonctions politiques, étant entendu que les électrices et les électeurs représentent chacun la moitié du corps électoral, les métiers, dans leur diversité, sont moins évidemment paritaires. L’étude d’impact montre qu’il existe des métiers presque exclusivement féminins – 97,7 % des aides à domicile et aides ménagères, assistantes maternelles sont des femmes – et d’autres fortement masculins – 97,9 % des ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment sont des hommes. Il apparaît alors évident qu’imposer la parité partout créerait plus de difficultés qu’il n’en résoudrait car les organisations syndicales auraient le plus grand mal à constituer des listes complètes et paritaires pour les élections.

A.  UNE OBLIGATION DE PRÉSENTER DES LISTES REFLÉTANT LA PROPORTION DES FEMMES ET DES HOMMES PARMI LES VOTANTS

Le scrutin visant à élire les délégués du personnel est un scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

Au premier tour, seules les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise ou l’établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel peuvent présenter des listes. Si le taux de participation n’atteint pas les 50 % des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour. Des listes autres que celles présentées par les organisations syndicales peuvent alors être présentées.

L’article 5 introduit une sous-section 4 bis « Représentation équilibrée des hommes et des femmes » dans la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail.

Au sein de cette sous-section, l’article L. 2314-24-1 prévoit que les listes doivent comporter un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part des femmes et des hommes inscrits sur la liste électorale. Les alinéas 5 à 7 fixent les règles de l’arrondi lorsque les règles édictées n’aboutissent pas à un nombre entier de candidats : arrondi à l’entier inférieur lorsque la partie décimale est inférieure à 5 et à l’entier supérieur lorsque la partie décimale est supérieure à 5. Enfin, en cas de nombre impair de candidats, le candidat supplémentaire peut être indifféremment une femme ou un homme.

Ces dispositions s’appliquent distinctement à la liste des titulaires et à la liste des suppléants afin d’éviter que candidates ne riment trop souvent avec suppléantes. En revanche, aucune disposition n’est prévue quant à l’ordre des candidats. Si les candidats d’un même sexe sont placés en tête de la liste et les candidats de l’autre sexe dans les dernières places, l’équilibre aura été respecté pour les candidatures mais pas parmi les élus.

À l’initiative du rapporteur, la Commission des affaires sociales a adopté deux amendements – les amendements AS162 et AS 163 – prévoyant l’ordre des listes aux élections des RP. La liste serait paritaire jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de candidat d’un des deux sexes puis complétée avec les candidats du sexe surreprésenté. Ce dispositif permettrait de respecter un objectif de parité tout en évitant les listes incomplètes.

La composition sexuée du collège électoral est portée à la connaissance des salariés par l’employeur.

Cet article prévoit par ailleurs un certain nombre de coordinations :

– l’article L. 2314-11, prévoyant que la répartition des collèges électoraux et la répartition des sièges fassent l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales, est complété pour ajouter que cet accord mentionne « la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral » ;

– les mêmes dispositions sont prévues pour l’élection des membres du comité d’entreprise ;

– enfin, l’article L. 2324-6 précité et qui incite les organisations syndicales à respecter un équilibre sexué est abrogé.

B.  UNE ANNULATION DE L’ÉLECTION PAR LE JUGE JUDICIAIRE EN CAS DE NON-RESPECT DE L’ÉQUILIBRE FEMME-HOMME

L’article L. 2314-25 relatif à la contestation de l’élection est également adapté aux nouvelles dispositions relatives à l’équilibre sexué.

En cas de contestation, le juge judiciaire annule l’élection « du ou des candidats du sexe surreprésenté au regard de la proportion de femmes et d’hommes que devait respecter la liste de candidats ».

L’article L. 2324-23 qui prévoit les modalités de contestation des élections des membres du comité d’entreprise est également modifié et complété par les mêmes dispositions.

Toutefois, eu égard au temps mis par la justice pour statuer après l’élection, le contentieux préélectoral ne disparaît pas.

L’amendement AS497 adopté par la Commission précise que le juge « annule l’élection du ou des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats » afin d’éviter toute contestation sur l’identité des candidats dont l’élection est annulée.

Enfin, l’entrée en vigueur de ces dispositions est prévue pour le 1er janvier 2017.

*

La Commission examine les amendements AS446 de Mme Sandrine Mazetier et AS162 du rapporteur.

Mme Sandrine Mazetier. D’une portée symbolique importante, l’article 5 prévoit que, désormais, les listes pour l’élection des délégués des instances représentatives du personnel devront assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes – représentation qui soit le miroir du corps électoral de l’entreprise. Cette disposition a été diversement reçue par les partenaires sociaux qu’a auditionnés la délégation aux droits des femmes. Cette dernière considère que l’on peut aller au-delà de cette représentation miroir et poursuivre un objectif de parité. C’est l’objet de cet amendement qui prévoit pour ce faire une progression en deux étapes électorales.

M. le rapporteur. Mon amendement AS162 poursuit le même objectif : tendre vers une représentation égale des hommes et des femmes. Cependant, j’ai essayé de tenir compte de contraintes objectives qui font que, dans certains métiers et certaines branches professionnelles, il y a un décalage important entre le nombre de salariés de sexes féminin et masculin.

Je propose donc que les listes pour les élections des représentants du personnel soient composées de représentants de sexe différent jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de candidat d’un des deux sexes. Mieux vaut en effet, là où une composition strictement paritaire sera impossible, que cette composition soit paritaire en début de liste et ne le soit plus en fin de liste, s’agissant de candidats qui ont le moins de chances d’être élus. Surtout, il faut éviter que, dans certains endroits, aucune liste ne puisse être déposée. Je propose à Mme Mazetier de se rallier à cet amendement.

M. le ministre. Le texte du projet de loi apporte un progrès social aux femmes. Dans le mandat de négociation que j’ai adressé aux partenaires sociaux au mois de juillet dernier figuraient des avancées en matière d’égalité femmes-hommes dans le domaine du dialogue social. Or, c’est un sujet que les partenaires sociaux n’ont pas abordé. On peut trouver notre proposition insuffisante, mais elle a le mérite de viser à créer un droit nouveau. En cas de non-respect de l’obligation de représentation égale, il est prévu une sanction : la perte par les organisations syndicales de leurs sièges. C’est pour cette raison, madame Mazetier, que ces dernières ne sont guère favorables à cette mesure. Cela étant, je comprends l’argument du rapporteur.

M. Arnaud Richard. Je suggère que nous nous référions plutôt au droit électoral, qui prévoit une stricte parité entre les hommes et les femmes dans la composition des listes, car les formulations proposées tant par Mme Mazetier que par le rapporteur risquent de donner lieu à interprétation.

Mme Jacqueline Fraysse. On pourrait retenir une rédaction disposant que les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe « jusqu’il n’y ait plus de candidat de l’un des deux sexes ».

M. le rapporteur. Je ne me prononcerai pas sur ces questions de formulation, car je trouve la mienne adéquate. Cependant, à exiger des listes strictement paritaires partout, on prend le risque que les syndicats ne puissent les constituer. En imposant la parité en tête de liste, notre amendement aboutira à la désignation d’élus à parité sans que les listes mêmes soient forcément paritaires.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement proposé par une partie des membres de la délégation aux droits des femmes ne visait pas à imposer la parité dès les prochaines élections, mais à l’instaurer progressivement, sur trois élections successives. Je ne saurais retirer cet amendement, qui émane de la délégation aux droits des femmes, mais celui du rapporteur me semble régler le problème de façon simple et pratique. Il me semble également meilleur que l’amendement AS447, que j’ai le pouvoir, en revanche, de retirer.

M. le rapporteur. L’amendementAS446 ne me paraissant pas applicable en l’état actuel des choses, j’y suis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS446.

Elle adopte l’amendement AS162.

Elle étudie ensuite l’amendement AS403 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Cet amendement prévoit que, dans un délai maximal de trois jours après le dépôt des listes à l’élection des représentants du personnel, un salarié de l’entreprise ou un syndicat peut déposer un recours devant l’autorité administrative s’il constate qu’une liste ne respecte pas les critères de représentation équilibrée entre hommes et femmes prévus à l’article 5. Cela permettra d’éviter le recours au juge.

M. le rapporteur. Dans la mesure où le contentieux préélectoral est maintenu, je vous propose de retirer cet amendement.

M. Christophe Cavard. Notre objectif est justement d’éviter tout contentieux. Cela étant, il est vrai que l’on risque de contraindre l’autorité administrative à trouver une solution en trois jours. Le rapporteur a pour sa part déposé, à l’alinéa 18, un amendement permettant au juge d’annuler la désignation de candidats élus indûment et de les remplacer automatiquement par les suivants de liste. Cette disposition nous paraît quelque peu brutale, d’où notre proposition qui permet la négociation avec l’autorité administrative.

M. le ministre. Cette dernière ne sera pas en état de trancher dans les trois jours.

L’amendement est retiré.

L’amendement AS447 de Mme Sandrine Mazetier est également retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS285 et AS287 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS198 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le contrôle des listes des candidats après l’élection, et donc l’invalidation possible de celles-ci, fait courir un risque d’instabilité. Notre amendement vise donc à instaurer un contrôle a priori de ces listes, comme pour les élections politiques.

M. le rapporteur. À la différence des listes constituées pour les élections politiques, qui sont déposées devant une autorité administrative, les listes de candidats aux postes de représentants du personnel sont déposées auprès de l’employeur. Votre amendement conduirait ce dernier à devoir en évaluer la recevabilité, ce dont il n’a ni les moyens ni les prérogatives.

M. Gérard Cherpion. Il suffirait de saisir le juge en référé.

M. le rapporteur. Le juge n’intervient pas, sauf en cas de contentieux.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS290 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement AS497 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, auquel M. Cavard a fait allusion tout à l’heure, dispose que le juge peut annuler l’élection d’autant de candidats en surnombre du sexe surreprésenté qu’il en existait au moment de la présentation de la liste de candidats, et que cette annulation s’appliquera à ces élus en commençant par le dernier de la liste puis en remontant l’ordre de cette liste. Ce système peut paraître curieux aux élus politiques que nous sommes, car de deux choses l’une : soit nos listes électorales sont recevables, soit elles ne le sont pas. Mais, pour les raisons évoquées tout à l’heure, nous ne pouvons utiliser le même dispositif en matière syndicale qu’en matière politique, d’où cet amendement qui prévoit un contrôle a posteriori.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement AS163 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement AS162 concernait les délégués du personnel tandis que celui-ci, qui a le même objet, concerne les représentants du personnel au comité d’entreprise.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

*

Article 6
(art. L. 2413-16-1 du code du travail)

Élargissement de l’utilisation des heures de délégation
pour les délégués syndicaux

I.  LE DÉLÉGUÉ SYNDICAL DE PLUS EN PLUS APPELÉ À PARTICIPER AU DIALOGUE SOCIAL HORS DE L’ENTREPRISE

Le rôle du délégué syndical (DS) est de représenter son syndicat auprès de l’employeur. Pour exercer ses prérogatives, il dispose d’un crédit d’heures – de 10 à 20 heures selon la taille de l’entreprise, de la liberté de déplacement dans et hors de l’entreprise et bénéficie du statut de salarié protégé.

Ces délégués représentent leur syndicat dans les négociations collectives d’entreprises. L’article L. 2143-16 dispose que « chaque section syndicale dispose, au profit de son ou de ses délégués syndicaux et des salariés de l’entreprise appelés à négocier la convention ou l’accord d’entreprise, en vue de la préparation de la négociation de cette convention ou de cet accord, d’un crédit global supplémentaire dans la limite qui ne peut excéder :

1° Dix heures par an dans les entreprises d’au moins cinq cents salariés ;

2° Quinze heures par an dans celles d’au moins mille salariés. »

Les prérogatives du délégué syndical sont donc, en droit, étroitement liées à l’entreprise dans laquelle il exerce.

Toutefois, il est de plus en plus courant que les syndicats fassent appel à des délégués syndicaux afin de participer à des négociations interprofessionnelles ou de branches. En effet, ceux-ci sont souvent plus au fait des enjeux de terrain que leurs collègues permanents du syndicat. Par ailleurs, des délégués syndicaux participent à des instances telles que la Commission nationale de la négociation collective ou le Haut conseil du dialogue social.

Or aucune disposition législative ne permet au délégué syndical de participer à des négociations ou des concertations n’ayant pas de lien direct avec l’entreprise où il représente son syndicat. Dans ces cas, si aucun accord d’entreprise ou de branche ne le prévoit, il ne bénéficie d’aucun temps de décharge, ni de maintien du salaire. Il utilise alors son temps de décharge, utilisation qui peut d’ailleurs être contestée car elle ne correspond pas à une utilisation en lien direct avec l’entreprise.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : SÉCURISER LA PARTICIPATION DU DÉLÉGUÉ SYNDICAL À DES NÉGOCIATIONS OU À DES CONCERTATIONS HORS DE L’ENTREPRISE

L’article 6 propose d’introduire un article L. 2143-16-1 nouveau qui prévoit que « chaque délégué syndical peut utiliser des heures de délégation », hormis celle prévu par l’article L. 2143-16 précité, « pour participer, au titre de son organisation, à des négociations ou des concertations » interprofessionnelles ou de branches.

Cette disposition permettra de sécuriser les activités du délégué syndical en dehors de l’entreprise et sans lien direct avec elle. On peut par ailleurs espérer que, grâce à cette mesure, les négociations et les accords seront de meilleure qualité car ils bénéficieront de l’expérience de terrain des délégués syndicaux.

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La Commission examine tout d’abord l’amendement AS300 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’allouer un complément d’heures aux délégués syndicaux participant à des négociations en dehors de leur entreprise, par référence à ce qui se passe dans des négociations interprofessionnelles. Quand un délégué intervient en dehors de l’entreprise, cela représente en effet un travail supplémentaire, sachant que les 50 heures que nous proposons peuvent être évidemment réduites.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’article 6 prévoit que le délégué syndical peut utiliser ses heures de délégation afin de participer à des négociations hors de l’entreprise. Or accepter cet amendement supposerait de définir de nouvelles missions donnant lieu à des heures supplémentaires, ce qui ne correspond pas à notre conception. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements AS294 et AS329 rédactionnels du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement AS301 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il n’est pas judicieux de limiter la participation aux réunions d’instance aux seuls problèmes de l’entreprise ou de la branche. Tous les sujets liés aux conditions de travail doivent pouvoir être abordés par les salariés. L’expérience montre qu’une telle limitation ouvre la voie à des contentieux.

M. le rapporteur. Une négociation interprofessionnelle a nécessairement un lien avec les salariés de l’entreprise ou de la branche. Votre crainte ne me paraît pas fondée. Défavorable.

M. Dominique Dord. Je ne vois pas quels autres sujets généraux sont visés par l’amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est des sujets d’intérêt général, touchant par exemple à l’environnement, qui se distinguent de problèmes spécifiques liés à certaines branches d’activité. Cela me paraît évident.

M. Gérard Sebaoun. En région parisienne par exemple, les salariés sont considérés comme ayant eu un accident de travail si cet accident survient au cours de leur transport. La problématique des transports en Île-de-France, qui est majeure, concerne ainsi de plus en plus les entreprises.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS404 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Cet amendement prévoit que les heures de délégation sont trimestrialisées. Mais étant donné l’amendement adopté hier, tendant à annualiser ces heures, qui est préférable, je le retire.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 6 modifié.

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Après l’article 6

La Commission examine l’amendement AS234 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il s’agit de faire en sorte que les heures de délégation puissent être, sans discussion possible, consacrées pour partie aux relations du représentant du personnel avec son organisation syndicale. C’est également dans le cadre d’une réflexion collective que l’on peut faire avancer les choses au sein de l’entreprise.

M. le rapporteur. L’employeur a le droit de contester le temps utilisé par le représentant du personnel ou le délégué syndical. Il y a d’ailleurs une nombreuse jurisprudence sur le sujet. Prévoir que les délégués syndicaux disposent d’un temps fixe dont ils n’auraient pas à se justifier risque d’être préjudiciable à leur travail. Avis défavorable.

M. Denys Robiliard. L’amendement ne concerne pas les délégués syndicaux, mais les représentants du personnel, qu’il s’agisse des délégués du personnel ou des membres du comité d’entreprise ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Par ailleurs, ceux-ci continueraient à se justifier en cas de contestation par l’employeur – en l’occurrence, non de ce qu’ils ont fait avec leur organisation syndicale mais qu’ils étaient en relation avec elle. En effet, le contenu de cette relation n’a pas à être communiqué à l’employeur.

M. Gérard Cherpion. Cette mesure reviendrait à accepter qu’il y ait un certain nombre d’heures de délégation dont on ne parlerait pas, ce qui est contraire à l’esprit même du dialogue social.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 7
(art. L. 225-30-2 du code du commerce)

Formation des représentants des salariés au conseil d’administration

Cet article vise à faciliter le mandat des salariés administrateurs dans les très grandes entreprises françaises.

I.  DES ADMINISTRATEURS SALARIÉS DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 5 000 SALARIÉS INSTITUÉS PAR LA LOI RELATIVE À LA SÉCURISATION DE L’EMPLOI

Avant la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, les salariés ne disposaient que très rarement d’une représentation au sein des instances dirigeantes des grandes entreprises avec les mêmes pouvoirs que les autres administrateurs. En effet, il ne s’agissait jusqu’alors que d’une possibilité offerte à l’ensemble des entreprises dotées d’un conseil d’administration ou de surveillance. Toutefois, l’obligation existait bien en ce qui concernait la représentation des salariés actionnaires, ainsi que pour les entreprises du secteur public. Enfin, les délégués du comité d’entreprise avaient bien la possibilité de siéger, avec voix consultative.

La loi précitée a institué une obligation de représentation des salariés au conseil d’administration ou de surveillance des grandes entreprises implantées en France, afin d’accroître leur participation à la gouvernance de ces sociétés. L’objectif était d’équilibrer les forces entre les salariés et les actionnaires dans les instances de gouvernance afin que le travail y soit représenté au même titre que le capital.

Cette disposition résultait de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

La loi de 2013 a prévu la participation des administrateurs salariés dans les entreprises – sociétés anonymes, sociétés par actions – dont les effectifs totaux sont au moins égaux à 5 000 salariés en France ou à 10 000 salariés dans le monde. Le nombre d’entreprises de plus de 5 000 salariés employés en France était évalué à 200 en 2011. Il s’agit globalement de groupes composés eux-mêmes de plusieurs sociétés employant environ 4 millions de personnes, soit un actif du secteur privé sur quatre.

Les administrateurs salariés – au nombre de deux dans les organes comportant plus de douze membres et de un dans ceux composés d’un nombre inférieur de membres – sont soit élus par les salariés, soit désignés par le comité de groupe, le comité central d’entreprise ou le comité d’entreprise.

Les représentants des salariés constituent des membres de plein droit de l’organe auquel ils appartiennent. Ils y disposent en effet des mêmes pouvoirs et des mêmes responsabilités que les autres membres et les règles relatives à la durée du mandat sont semblables. En conséquence, aux termes de l’article L. 230-30 du code du commerce, leur mandat d’administrateur est incompatible avec celui de délégué syndical, de délégué du personnel ou de membre du comité d’entreprise ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L’administrateur, qui lors de sa désignation ou de son élection est titulaire d’un tel mandat est tenu de démissionner sous 8 jours. À défaut, il est réputé démissionnaire de son mandat d’administrateur.

Afin de permettre aux administrateurs salariés d’exercer leur mandat, la loi a prévu un certain nombre de garanties :

– le représentant ne perd pas le bénéfice de son contrat de travail et sa rémunération ne peut être réduite au cours de son mandat (article L. 225-31 du code du commerce) ;

– il bénéficie de la protection contre le licenciement qui doit être soumise à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail et ce, jusqu’à six mois après la cessation du mandat (article L. 2411-1 du code du travail). Cette protection est également applicable aux candidats non élus pendant les 3 mois suivant leur candidature (article L. 2411-17 du code du travail).

De plus, les administrateurs salariés disposent d’un crédit d’heures « pour exercer utilement leur mandat » prévu par l’article L. 225-30-1 du code du commerce et peuvent bénéficier « à leur demande, d’une formation adaptée à leur mandat », aux termes de l’article L. 225-30-2 du code du commerce, à la charge de l’entreprise et non imputable sur le crédit d’heures d’exercice du mandat.

II. UN RENFORCEMENT DU DROIT À LA FORMATION DES SALARIÉS AU CONSEIL D’ADMINISTRATION

L’article 7 prévoit de compléter l’article L. 225-30-2 du code du commerce en fixant une durée minimum de 20 heures par an à la formation des administrateurs salariés.

Il s’agit en conséquence d’une précision qui, si elle a son importance, demeure relativement marginale.

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La Commission adopte l’article sans modification.

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Après l’article 7

La Commission examine l’amendement AS359 de M. Jean-Luc Laurent.

M. le rapporteur. Nous sommes en discussion sur la question du seuil avec le Gouvernement et les partenaires sociaux. Je vous propose donc de retirer les amendements qui en traitent et de reprendre la discussion sur ce point lors de l’examen en séance publique.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission examine en discussion commune les amendements AS415 de M. Christophe Cavard et les amendements identiques AS358 de M. Francis Vercamer et AS381 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

M. Christophe Cavard. Je rejoins la position du rapporteur et retire donc mon amendement.

M. Francis Vercamer. Il est quand même du rôle de la Commission de débattre des amendements ! Je défends donc le mien. Le rapport Gallois préconisait d’introduire des représentants salariés au sein des conseils d’administration. La loi l’a imposé dans les entreprises de plus de 5 000 salariés, malheureusement à raison d’un pour un conseil de moins de douze membres et de deux, au-delà. Je propose de réduire le seuil de 5 000 à 1 000 salariés. Si on veut que se développe le dialogue social dans l’entreprise, il faut aussi qu’il se développe au sein du conseil d’administration.

M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement AS381 afin qu’on puisse avoir une discussion globale en séance publique.

M. le rapporteur. Si je comprends la motivation de M. Vercamer, je suis défavorable à son amendement pour les raisons que j’ai dites.

Les amendements AS415 et AS381 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement AS358.

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Article 7 bis (nouveau)
(art. L. 225-30-2 du code du commerce)

Renforcement de l’effectivité de la présence de représentants des salariés au conseil d’administration

L’article L. 225-79-2 du code du commerce soumet à l’obligation de procéder à la désignation ou à l’élection d’administrateurs salariés seulement les entreprises devant mettre en place un comité d’entreprise, c’est-à-dire les entreprises de plus de 50 salariés. Or, il n’est pas rare que la holding de tête ait moins de 50 salariés alors que c’est à ce niveau que se prennent les décisions stratégiques. Dans ces cas, ces décisions continuent à être prises sans représentants des salariés.

Si un bilan de la mise en place des administrateurs salariés suite à la loi du 14 juin 2013 est prévu, il apparaît judicieux de permettre à une loi destinée à moderniser le dialogue social de développer une forme de représentation et de participation des salariés qui favorise le dialogue social et donc la performance des entreprises. Le projet de loi doit donc permettre la mise en place de dispositions qui viennent rendre conforme le dispositif relatif aux administrateurs salariés actuellement applicable à l’esprit et à la lettre de l’ANI du 11 janvier 2013, dont la transposition par la loi du 14 juin 2013 s’avère imparfaite.

La Commission a adopté un article additionnel après l’article 7 (amendement AS457) à l’initiative du groupe SRC dans ce sens.

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La Commission en vient à l’amendement AS457 de M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. L’amendement rappelle les dispositions de l’article 9 de la loi de 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui n’est pas appliqué dans l’ensemble des entreprises, certaines y échappant du fait d’une dérogation liée à l’absence d’un comité d’entreprise dans les holdings, même lorsque l’effectif dépasse 5 000. On a en effet constaté que 36 des 113 sociétés françaises les plus importantes ne respectaient pas ces dispositions.

M. le rapporteur. Il est anormal que des sociétés contournent l’esprit de la loi. Cet amendement y pallie en traitant la problématique des holdings. Avis favorable.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. J’ai réuni les partenaires sociaux pour faire le point sur l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet. Je rappelle que la loi de 2013 a introduit la représentation obligatoire des salariés avec voix délibérative dans les conseils d’administration et de surveillance. Le champ d’application de cette mesure concerne les entreprises réunissant trois conditions cumulatives : la forme sociale, l’effectif salarié et la mise en place d’un comité d’entreprise. Or, quand on a fait le bilan, on s’est aperçu qu’une partie des 84 sociétés participant à l’indice de la société des bourses françaises dit SBF 120 évitait cette disposition. Je suis donc pour revenir à l’esprit de l’ANI et de la loi de 2013.

M. Gérard Cherpion. On a peu de recul sur l’application de cette disposition. Les entreprises en question contournent-elles la loi ou n’ont-elles pas encore mis en place les mesures nécessaires à cet effet ? Il faudrait d’abord avoir une évaluation de l’application de la loi de 2013.

M. le rapporteur. Hier, vous vous abritiez derrière un accord qui n’a pas été signé et là, alors qu’on a un ANI qui a été signé et qu’on est confronté à un évitement non conforme à l’esprit du législateur, vous avez une position différente. La question n’est pas de savoir si on a ou non assez de recul : on a constaté que certaines sociétés – les holdings ayant souvent moins de 50 salariés – n’appliquent pas la règle. La place de l’administrateur salarié, surtout dans ces grosses entreprises, est nécessaire. Je confirme donc mon avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 7 bis

La Commission examine en discussion commune l’amendement AS428 de M. Christophe Cavard et l’amendement AS360 de M. Jean-Luc Laurent.

M. Christophe Cavard. Les administrateurs salariés ont un rôle utile de co-gouvernance des entreprises. Il s’agit de faire en sorte qu’ils soient bien représentés dans les conseils d’administration. Je propose que leur nombre soit au moins égal au tiers de l’effectif global, sans pouvoir être inférieur à deux – un administrateur salarié seul se trouvant face à une difficulté évidente vis-à-vis du reste du conseil.

M. le rapporteur. Je comprends, mais ce point relève pour moi de la discussion que j’ai évoquée tout à l’heure. Je vous propose donc, dans le même esprit, de retirer ces amendements.

M. Christophe Cavard. J’en suis d’accord.

M. Christian Hutin, président. Je retire également l’amendement AS360.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement AS416 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement, pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

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Article 7 ter (nouveau)
(art. L. 6524-6
[nouveau] du code des transports)
Adaptation des heures de délégation syndicales
aux spécificités du transport aérien

La Commission a adopté un article additionnel issu de l’amendement AS454 visant à adapter les heures de délégation syndicales aux spécificités du transport aérien.

L’organisation du temps de travail d’un personnel navigant consiste en une programmation de périodes de vol insécables sous forme d’aller-retour entre la ou les escales et la base d’affectation. De ce fait, l’exercice du mandat, quel qu’il soit, ne peut intervenir au cours de ces périodes de vol. Le crédit d’heures est toujours utilisé là où les personnels navigants restent physiquement accessibles dans l’entreprise de transport aérien, au siège ou dans l’établissement, mais jamais en escale.

En outre, en raison de cette organisation du travail particulière, le personnel navigant connaît non seulement des temps consacrés aux périodes de vol ou de repos, mais également des jours dits de « dispersion » au cours desquels aucune activité de vol ne peut être attribuée par l’entreprise, sans qu’ils constituent des temps de repos. Dans l’ensemble des compagnies aériennes, des accords collectifs entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives ont pris en compte depuis longtemps cette réalité et ont permis d’opter pour des conversions des crédits d’heures en jours. Cependant, bien que relevant du régime des accords collectifs, cette option ne répond pas à la loi.

Afin de s’assurer que la disposition proposée octroie des crédits d’heures en nombre suffisant et supérieur aux dispositions légales, il est proposé que la norme d’un jour soit égale à 7 heures et que les heures excédentaires correspondent à une journée ou à une demi-journée.

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La Commission examine l’amendement AS454 de Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. L’amendement concerne le personnel navigant de l’aviation civile. L’organisation du temps de travail d’un personnel navigant consiste en une programmation de périodes de vol insécables sous forme d’allers-retours entre la ou les escales et la base d’affectation. L’exercice du mandat, quel qu’il soit, ne pouvant intervenir pendant ces périodes, le crédit d’heures est toujours utilisé là où les personnels navigants restent physiquement accessibles dans l’entreprise de transport aérien, au siège ou dans l’établissement. En outre, ce personnel connaît des temps consacrés aux périodes de repos ainsi que des jours dits de dispersion, au cours desquels aucune activité de vol ne peut être attribuée dans l’entreprise, sans constituer des temps de repos.

Dans l’ensemble des compagnies aériennes, des accords collectifs existent entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives et ont pris en compte depuis longtemps cette réalité, en permettant d’opter pour des conversions des crédits d’heures en jours. Mais ce type de dispositions doit avoir une base légale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est donc proposé que le crédit d’heures soit regroupé en jours, chaque jour étant égal à sept heures. Les heures excédentaires dépassant un jour complet vaudraient un jour si l’excédent est supérieur ou égal à cinq heures ou à une demi-journée, et une demi-journée si l’excédent est inférieur ou égal à quatre heures – sachant que cette demi-journée suivra immédiatement le ou les jours alloués.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à adapter les heures de délégation syndicale aux spécificités du transport aérien. En effet, la prise d’une heure de délégation par un représentant ou un délégué syndical entraîne automatiquement l’annulation de sa rotation. Il est donc proposé de poser ses heures de délégation par tranche de plusieurs heures insécables. Avis favorable.

M. Dominique Dord. Ces dispositions me paraissent plutôt d’ordre réglementaire.

M. le rapporteur. C’est justement parce qu’il nous faut une base légale que cette mesure est proposée.

La Commission adopte l’amendement.

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Chapitre III
Des instances représentatives du personnel adaptées à la diversité des entreprises

Avant l’article 8

La Commission examine en présentation commune les amendements AS246 et AS249 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il s’agit d’amendements de conséquence d’un amendement que vous n’avez pas adopté hier, ce que je regrette. Je les retire donc.

Les amendements sont retirés.

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Article 8
(art. L. 2326-1 à L. 2326-9 du code du travail)

Élargissement et fonctionnement de la délégation unique du personnel

Cet article vise à élargir la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel à toutes les entreprises de moins de 300 salariés en y intégrant le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

I.  LE DISPOSITIF ACTUEL

Le droit existant prévoit la faculté de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP) pour toutes les entreprises de moins de 200 salariés.

A.  LA MISE EN PLACE DE LA DUP

L’article L. 2326-1 dispose que : « dans les entreprises de moins de 200 salariés, l’employeur peut décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise ». L’effectif est apprécié à la date du premier tour de l’élection des membres. La DUP ne peut être constituée que dans les entreprises de moins de 200 salariés et non dans des établissements de moins de 200 salariés appartenant à une unité de plus de 200 salariés. Enfin, elle concerne uniquement deux instances représentatives du personnel : les délégués du personnel et le comité d’entreprise et non le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui demeure autonome.

La décision de mettre en place la DUP relève de la seule initiative de l’employeur. Il doit toutefois consulter au préalable les délégués du personnel et le comité d’entreprise. Leurs avis ne lient pas l’employeur.

Aux termes de l’article précité, l’employeur a la faculté de mettre en place la DUP au moment de la « constitution du comité d’entreprise ou de son renouvellement ». Dans ce cas, la durée du mandat des délégués du personnel est soit prorogée jusqu’à la mise en place du comité d’entreprise, soit réduite si le mandat du comité d’entreprise arrive à échéance avant celui des délégués du personnel.

L’article L. 2326-2 prévoit que : « le nombre de délégués du personnel constituant la délégation unique du personnel est déterminé par décret en Conseil d’État ». Le nombre des délégués de la DUP est fonction de l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement. Il est de 3 pour les entreprises de 50 à 74 salariés et augmente de 1 par tranche supplémentaire de 25 salariés pour atteindre un maximum de 8. Le nombre peut être néanmoins augmenté par le protocole préélectoral négocié dans l’entreprise.

B.  LES ATTRIBUTIONS ET LE FONCTIONNEMENT DE LA DUP

L’article L. 2326-3 précise que : « dans le cadre de la [DUP], les délégués du personnel et le comité d’entreprise conservent l’ensemble de leurs attributions ».

Les réunions se tiennent, sur convocation de l’employeur, et au moins une fois par mois et obéissent aux règles qui régissent chacune des instances. Les ordres du jour sont distincts.

Les membres de la DUP bénéficient du temps nécessaire à l’exercice des « attributions dévolues » aux deux instances. Ce temps ne peut cependant pas excéder la limite de 20 heures par mois.

I. LA DUP : UN DISPOSITIF QUI PRÉSENTE DES INTÉRÊTS ÉVIDENTS

La possibilité de mettre en place une DUP a été introduite par la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation du personnel.

L’objectif principal était d’encourager les employeurs de petites et moyennes entreprises (PME) à embaucher sans craindre le passage du seuil des 50 salariés qui les contraindrait à mettre en place un comité d’entreprise en plus des délégués du personnel. Aucune étude consistante n’a à ce stade montré que la possibilité d’une DUP a favorisé l’embauche, en revanche cette possibilité permet d’écarter l’argument de la présence de seuils sociaux pour expliquer les réticences à embaucher.

L’autre objectif de la DUP est de généraliser la présence d’institutions représentatives du personnel au sein des PME. En effet, si la loi soumet les employeurs à l’obligation d’organiser des élections de délégués du personnel à partir d’un seuil d’effectifs de 11 salariés et des membres du comité d’entreprise à partir de 50 salariés, seuil à partir duquel doit également être constitué un CHSCT, la réalité est tout autre. En 2012, un quart des entreprises de 40 à 59 salariés et un sixième des entreprises de 60 à 99 salariés déclarent qu’aucune institution représentative du personnel n’existe au sein de l’entreprise (5). La simplicité de la DUP – qui juxtapose les délégués du personnel et le comité d’entreprise dans les entreprises de moins de 200 salariés – a permis un mode de représentation adapté aux spécificités du dialogue social dans les PME. En effet, l’employeur peut alléger la charge résultant de la coexistence de plusieurs instances, tout en maintenant les attributions de chacune d’entre elles.

La DUP correspond à une perte de moyens en heures de délégation
– 20 heures au lieu des 15 heures pour les délégués du personnel et 20 heures pour les membres du comité d’entreprise – mais pas en budget. Ces heures de délégation minorées présentent un avantage évident pour les employeurs mais aussi bien souvent pour les organisations syndicales qui ont du mal à trouver des candidats aux deux instances. Les élus ont, par ailleurs, des difficultés à prendre toutes leurs heures de délégation.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : RELEVER LE SEUIL DE LA DUP, Y INTÉGRER LE CHSCT ET ADAPTER SES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT

L’article 8 propose de modifier les articles du chapitre VI du titre II du livre III de la deuxième partie du code du travail intitulé Délégation unique du personnel.

A.  RELEVER LE SEUIL DE LA DUP DE 200 À 300 SALARIÉS ET Y INTÉGRER LE CHSCT

L’article L. 2326-1 prévoit que « dans les entreprises de moins de deux cents salariés, l’employeur peut décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise ». Si ce dernier a l’obligation de consulter les délégués du personnel et le cas échéant le comité d’entreprise, il n’est pas lié par leur avis et prend in fine la décision seule.

Il peut mettre en place la DUP lors de la constitution du comité d’entreprise ou de son renouvellement.

Toutefois, seulement 18 % des entreprises de 50 à 99 salariés voient tous les sièges dans toutes les institutions représentatives du personnel pourvus et ce chiffre n’est que de 26 % pour les entreprises de 100 à 199 salariés et de 32 % celles de 200 à 299 salariés (6). L’extension de la DUP et surtout l’intégration du CHSCT devraient permettre de rapprocher encore davantage le nombre théorique de représentants du personnel avec la réalité de l’implantation syndicale dans les entreprises.

L’alinéa 4 propose ainsi de relever leur seuil permettant de mettre en place une DUP de 200 à 300 salariés tandis que l’alinéa 5 intègre le CHSCT au sein de la DUP élargie. Les membres du CHSCT seront, au même titre que les délégués du personnel et les membres du comité d’entreprise, obligatoirement consultés lors de la mise en place de la DUP sans que leur avis ne lie l’employeur.

Toutefois, les DUP, dans leur format actuel c’est-à-dire sans inclusion du CHSCT, pourront être maintenues sur simple décision de l’employeur (alinéa 36). Dans ce cas, les règles applicables sont celles en vigueur aujourd’hui. Cette disposition pose toutefois un problème juridique. En effet, les dispositions visées vont disparaître du code du travail pour être remplacées par les nouvelles règles. Or, la permanence des DUP sous l’ancien format ne constitue pas une mesure transitoire mais peut potentiellement perdurer. Dans ce cas, il faudrait maintenir les articles L. 2326-1 à L. 2326-3 dans leur rédaction actuelle et ajouter les nouvelles règles dans des articles différents. Le rapporteur proposera de sécuriser ce point.

L’employeur pourra désormais mettre en place une DUP au moment de la mise en place ou du renouvellement d’une des trois institutions représentatives du personnel. Dans ce cas, la durée des mandats des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise ou du CHSCT peut être soit réduite, soit prorogée d’une durée maximum de deux années afin de coïncider avec la date de la mise en place de la DUP. Parallèlement, aux termes de l’article L. 2326-8 nouveau, il peut décider de ne pas renouveler la DUP à l’expiration des mandats de ses membres. Dans ce cas, il procède sans délai à l’élection des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise et à la désignation des membres du CHSCT.

La mise en place de la DUP a lieu au niveau de chaque établissement lorsque l’entreprise au sein duquel est mise en place la DUP en comporte plusieurs. Cette règle jurisprudentielle sera désormais intégrée à l’article L. 2326-1 du code du travail.

B.  UN MODE D’ÉLECTION ET UNE COMPOSITION ADAPTÉS

Jusqu’à présent, les règles électorales applicables à l’élection des membres de la DUP sont celles applicables aux délégués du personnel. Elles obéissent donc aux règles des scrutins de listes à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Les litiges sont portés devant le tribunal d’instance. La répartition des sièges et du personnel dans les différents collèges électoraux est tranchée par l’inspecteur du travail en cas de désaccord entre les différentes parties prenantes à l’élection. En effet, les délégués du personnel étaient réputés constituer la délégation unique du personnel au comité d’entreprise.

L’alinéa 13 introduit un article L. 2326-2 qui prévoit que les règles applicables désormais seront celles régissant l’élection des membres du comité d’entreprise. En effet, contrairement aux règles d’élection des délégués du personnel, aux termes de l’article L. 2324-11, « dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement du comité [d’entreprise], ces catégories constituent [outre les deux collèges – ouvriers et employés d’une part et cadres d’autre part] un troisième collège ».

Enfin, le nombre de représentants élus constituant la DUP est renvoyé à un décret en Conseil d’État. Toutefois, il s’établirait comme suit (7) :

Entreprises

Titulaires

Suppléants

De 50 à 74 salariés

5

5

De 75 à 99 salariés

6

6

De 100 à 124 salariés

7

7

De 125 à 149 salariés

8

8

De 150 à 174 salariés

9

9

De 175 à 199 salariés

10

10

De 200 à 249 salariés

11

11

De 250 à 299 salariés

12

12

Le tableau suivant compare le nombre actuel de représentants du personnel et celui qui résultera des nouvelles règles. En prenant en compte les seuls membres titulaires appelés à siéger, il pourrait y avoir jusqu’à 5 membres de moins pour la tranche des entreprises employant entre 100 et 149 salariés. Ces entreprises se situent aussi dans la tranche d’entreprises où 74 % d’entre elles ne parviennent pas à voir l’ensemble des sièges pourvus à l’ensemble des institutions représentatives du personnel.

En revanche, la DUP élargie entraîne uniformément la diminution d’un membre titulaire par rapport au nombre de membre de la DUP et du CHSCT.

NOMBRE DE TITULAIRES

 

Droit actuel sans DUP

Droit actuel avec DUP

Projet de loi

Évolution

Seuils

DP

CE

CHSCT

Total

DUP

CHSCT

Total

DUP

Sans DUP

Avec DUP

50 – 74

2

3

3

8

3

3

6

5

-3

-1

75 – 99

3

4

3

10

4

3

7

6

-4

-1

100 – 124

4

5

3

12

5

3

8

7

-4

-1

125 – 149

5

5

3

13

6

3

9

8

-5

-1

150 – 174

5

5

3

13

7

3

10

9

-4

-1

175 – 199

6

5

3

14

8

3

11

10

-4

-1

200 – 249

6

5

4

15

     

11

-4

 

250 – 299

7

5

4

16

     

12

-4

 

Un accord entre l’employeur et les organisations syndicales peut en outre, augmenter le nombre de membres élus de la DUP.

Par ailleurs, le décret fixera également le nombre d’heures maximum de délégation, il s’établirait comme suit :

NOMBRE D’HEURES DE DÉLÉGATION MENSUELLE MINIMALE POUR LES TITULAIRES

 

Droit actuel sans DUP

Droit actuel avec DUP

Projet de loi

Évolution

Seuils

DP

CE

CHSCT

Total (8)

DUP

CHSCT

Total

DUP

Total

Sans DUP

Avec DUP

50 – 74

15

20

2

96

20

2

66

13

65

-31

-1

75 – 99

15

20

2

131

20

2

86

14

84

-47

-2

100 – 124

15

20

5

175

20

5

115

15

105

-70

-10

125 – 149

15

20

5

190

20

5

135

17

136

-54

+1

150 – 174

15

20

5

190

20

5

155

18

162

-32

+7

175 – 199

15

20

5

205

20

5

175

19

190

-15

+15

200 – 249

15

20

5

210

     

19

209

-1

 

250 – 299

15

20

5

225

     

19

228

+3

 

Le crédit global d’heures de délégation est sensiblement le même avec l’élargissement de la DUP au CHSCT, il varie de – 10 heures pour les entreprises de 100 à 124 salariés à + 15 heures pour celles employant 175 à 199 salariés. Les entreprises nouvellement concernées par la mise en place d’une DUP – les entreprises comprises entre 200 et 300 salariés – verront également le crédit d’heures dont peuvent bénéficier les institutions représentatives du personnel globalement stables.

Par ailleurs, l’alinéa 28 prévoit une certaine fongibilité. Les membres titulaires et suppléants pourront répartir entre eux le nombre d’heures de délégation dont ils disposent dans le mois sans toutefois conduire à ce qu’un membre de la DUP dispose d’un crédit d’heures supérieur à 1,5 fois le crédit d’heures dont dispose un membre titulaire.

En tout état de cause, les membres suppléants participent de droit aux réunions de la DUP en cas d’absence des titulaires avec « voix délibérative ». Ils participent également, « avec voix consultative », aux réunions au cours desquelles est présenté le rapport des commissaires aux comptes.

L’alinéa 30 laisse enfin à un accord de branche ou d’entreprise la possibilité de définir des règles plus favorables tant en ce qui concerne les membres titulaires que les membres suppléants.

C.  DES ATTRIBUTIONS CONSERVÉES ET DES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT SIMPLIFIÉES

Dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT « conservent l’ensemble de leur attribution ». Il n’est donc pas question d’instance unique.

Le CHSCT, en particulier, conserve la personnalité morale et pourra continuer à ester en justice. Il procède à des inspections régulières afin de s’assurer des prescriptions en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Il effectue des enquêtes en matière d’accident du travail ou de maladies professionnelles et conserve tous ses pouvoirs en matière de danger grave et imminent.

Les conditions du recours à l’expertise extérieure en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou de projet de restructuration et de compression d’effectifs ne sont pas non plus modifiées.

En revanche, les règles de fonctionnement des trois instances sont adaptées à la DUP. Pour ce faire, il est inséré trois articles nouveaux, les articles L. 2326-5 à L. 2326-7.

L’article L. 2326-5 prévoit la désignation d’un secrétaire unique désigné par les membres de la DUP dans « les conditions déterminés par décret en Conseil d’État ». Le secrétaire exerce les attributions dévolues au secrétaire du CE et au secrétaire du CHSCT.

Par ailleurs, les règles de fonctionnement des trois instances sont adaptées comme suit :

– la DUP est réunie à l’initiative de l’employeur « au moins une fois tous les deux mois », soit six réunions par an. Jusqu’alors la DUP se réunissait au minimum une fois par mois et le CHSCT une fois par trimestre. Le nombre total de réunions passe donc de 16 à 6 pour les entreprises de moins de 200 salariés qui opteront pour la DUP élargie. L’allégement est donc considérable. En revanche, si l’article L. 2326-6 nouveau précise que le CHSCT « conserve [ses] règles de fonctionnement… sous réserve des adaptations », il conviendra de préciser que la DUP continue à obéir au droit commun régissant le CHSCT et se réunit en cas de besoin – accident ayant entraîné des conséquences graves dans les domaines de la santé ou de l’environnement et à la demande motivée de deux membres ;

– quatre des six réunions annuelles obligatoires portent tout ou partie sur des sujets relevant des attributions du CHSCT. En conséquence, la diminution du nombre de réunion n’aura aucun impact sur ces sujets ;

– l’ordre du jour est établi conjointement par l’employeur et le secrétaire de la DUP. Ils y inscrivent de plein droit les consultations rendues obligatoires par des dispositions légales ou conventionnelles. « L’ordre du jour est communiqué aux représentants ayant qualité pour siéger cinq jours au moins avant la séance » ;

– lorsqu’un sujet inscrit à l’ordre du jour concerne aussi bien le comité d’entreprise que le CHSCT, l’employeur recueille un avis unique. Pour ce faire, les membres extérieurs du CHSCT – inspecteur du travail, médecin du travail… – sont invités à la réunion. L’avis de la DUP est rendu dans le délai applicable au comité d’entreprise ;

– enfin, lorsqu’une expertise relevant à la fois du comité d’entreprise et du CHSCT est nécessaire, il est fait appel à une expertise commune.

I. LES APPORTS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

La Commission des affaires sociales a veillé tout particulièrement à faciliter le fonctionnement de la DUP.

Deux amendements ont été adoptés créant d’une part un secrétaire-adjoint (amendement AS485) et précisant d’autre part son mode de désignation (amendement AS486). En effet, l’article 8 prévoit que le secrétaire de la DUP exerce les fonctions actuellement dévolues au secrétaire du CE et au secrétaire du CHSCT. Il s’agit d’une fonction lourde. Les amendements adoptés prévoient donc que le secrétaire soit assisté par un secrétaire adjoint sans que les tâches de l’un et de l’autre soient spécifiées.

À l’initiative du rapporteur a également été adopté l’amendement AS487 permettant aux suppléants de siéger à toutes les réunions avec voix consultative comme le prévoit le droit positif en vigueur. En effet, il s’agit souvent pour les suppléants d’un temps essentiel de formation permettant de s’approprier les enjeux de l’entreprise.

Pour permettre une plus grande souplesse, l’amendement AS510 également adopté à l’initiative du rapporteur prévoit une annualisation des heures de délégation. En revanche, il prévoit une limite à 1,5 fois le temps mensuel prévu afin de ne pas regrouper les temps de délégation pendant une période trop longue.

Enfin, deux amendements AS498 et AS499 précisent les conditions de maintien des DUP actuelles. Le projet de loi prévoit que l’employeur ayant mis en place une DUP regroupant les délégués du personnel et le comité d’entreprise pourra la maintenir avec les règles de fonctionnement actuelles. Toutefois, ces règles ont vocation à disparaître du code du travail. Il est donc permis le maintien des DUP actuelles pour permettre aux entreprises qui le souhaitent d’avoir le temps de s’adapter. Le premier amendement fixe une limite temporelle à deux cycles électoraux. On ne peut imaginer en effet qu’il perdure très longtemps deux types de DUP qui coexisteraient dont l’une avec une base légale abrogée. Le second amendement prévoit que l’employeur, « à l’issue de cette période, met en place sans délai, après avoir consulté les membres de la délégation unique du personnel, soit une délégation unique du personnel dans les conditions prévues par le présent article, soit un comité d’entreprise, une délégation du personnel et un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».

*

La Commission examine les amendements identiques AS235 de M. Denys Robiliard et AS386 de Mme Éva Sas.

M. Denys Robiliard. L’article 8 ne peut se lire indépendamment d’un amendement proposé à l’article 9, qui tend à étendre le domaine dans lequel un accord collectif pourrait organiser le dialogue social au sein de l’entreprise – en le faisant démarrer à 50 salariés. Le projet de loi accroît de façon assez importante le pouvoir unilatéral de l’employeur pour définir les modalités que peut prendre ce dialogue, puisque c’est lui qui décide de recourir à la délégation unique du personnel (DUP) et en fixe le contenu, en intégrant ou non le CHSCT. Or cela devrait plutôt faire l’objet d’une négociation et d’un accord collectifs, lesquels seraient un gage de la qualité de ce dialogue.

M. Christophe Cavard. Nous soutenons la position de Denys Robiliard. Nous souhaitons en effet, non remettre en cause la fusion potentielle des instances, bien au contraire, mais faire en sorte qu’il y ait un accord d’entreprise et que les salariés soient associés. Laisser le choix à l’employeur pour les entreprises de moins de 300 salariés n’est pas dans l’esprit général du texte, qui veut que salariés et employeur se mettent d’accord tant sur la question de l’instance unique que sur celle de son règlement.

M. le rapporteur. Je comprends, mais la mise en place de la DUP a fait l’objet d’une discussion, qui a abouti à un point d’équilibre entre les organisations patronales et les organisations représentatives des salariés et à retenir un seuil de 300 salariés. Celui-ci ne remet d’ailleurs pas en cause la discussion et le dialogue social au sein de l’entreprise. Je vous propose donc de retirer vos amendements.

M. Dominique Dord. Il me semble que même si les partenaires sociaux ne se sont pas mis d’accord sur l’ensemble du sujet, sur cet aspect, un point d’équilibre a en effet été trouvé. Il me paraît difficile de plaider pour cet amendement au nom du dialogue social alors que celui-ci a abouti sur cette disposition ! Dans l’intérêt du respect du dialogue social, ces amendements devraient être retirés.

M. Denys Robiliard. On se trouve face à une nouvelle catégorie d’accord : celui qui n’a pas été signé mais existe néanmoins. Dans le dialogue social, un instrument permet d’identifier certains accords ponctuels : le relevé de conclusions. Or, à ma connaissance, il n’y en a pas eu. Les partenaires sociaux n’ont pas indiqué les points sur lesquels ils seraient d’accord en réservant ceux sur lesquels ils ne le sont pas. En outre, quand on discute avec eux, on se rend compte que tout le monde n’a pas la même vision sur ces points d’accord. Alors que quand un accord est signé, comme celui du 11 janvier 2013, tout le monde n’a pas la même interprétation, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement quand aucun accord n’a pu être trouvé ! Il nous faut donc prendre nos responsabilités et il me paraît plus intéressant que les formes du dialogue social soient arrêtées par accord collectif plutôt que sur décision unilatérale de l’employeur.

M. Christophe Cavard. L’équilibre que vous évoquez, monsieur le rapporteur, est au conditionnel, les partenaires sociaux n’ayant pas le même avis sur la question. Le législateur que nous sommes doit trouver pour ce texte un équilibre général. Or, depuis que nous en débattons, nous essayons de donner, dans le dialogue, toute leur place aux deux parties – employeurs et salariés. Je suis prêt à me rallier à la proposition de Denys Robiliard et à retenir un seuil de 50 au lieu de plus de 11. Les salariés doivent être associés à la décision de la fusion des instances et à l’élaboration du règlement.

M. le ministre. Je comprends la logique qui anime les députés Robiliard et Cavard, mais sans dénier aux parlementaires la capacité de prendre leurs propres décisions, je m’appuie sur les discussions que j’ai menées avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales. Le point d’équilibre que vous proposez n’est pas celui que nous avons choisi en concertation avec les partenaires sociaux. En effet, les entreprises de cinquante à trois cents salariés – où la DUP existe parfois déjà, sous sa forme actuelle – ont bien une spécificité : disposant de moins de délégués syndicaux, elles éprouvent plus de difficultés à passer des accords et à négocier. C’est pourquoi nous proposons cette solution. Quant au fait que certains des huit partenaires la rejettent, cela n’a rien d’exceptionnel dans le cadre de notre système.

M. le rapporteur. Certes, monsieur Robiliard, on ne saurait s’abriter derrière un accord qui n’existe pas ; mais aucune des multiples auditions que j’ai menées n’a apporté d’éléments qui iraient en faveur de votre suggestion.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine les amendements identiques AS205 de M. Gérard Cherpion et AS387 de Mme Éva Sas.

M. Gérard Cherpion. Je suis consterné par le déroulement de notre réunion et par les arguments avancés. Alors que notre société est bloquée, le nombre des chômeurs atteignant trois millions et demi, ce texte ne parle que de représentation syndicale ! Le film La Loi du marché qui montre les difficultés d’une personne aux portes de l’emploi devrait nous faire réfléchir sur le sens de nos propositions.

Le projet de loi prévoit d’étendre de deux à trois cents le seuil d’effectifs rendant possible la constitution d’une DUP ; mais celle-ci ne devrait pas être subordonnée à un seuil ! Pourquoi ne pas faire confiance à l’entreprise, quelle que soit sa taille, laissant à l’employeur la possibilité de recourir à ce mode de représentation si celui-ci recueille le consensus ? Toutes les entreprises ne disposent pas d’une délégation syndicale, mais si les accords nationaux interprofessionnels sont parfois refusés par certains partenaires, les représentants de ces mêmes grands syndicats les signent bien souvent dans les entreprises. Chaque année, 40 000 accords sont signés dans les entreprises de petite taille ; faisons-leur confiance et supprimons l’alinéa 4.

M. Christophe Cavard. La logique qui nous amène à déposer cet amendement identique est très différente. Il nous semble plus juste de garder le seuil à deux cents salariés.

M. le rapporteur. L’amendement défendu par M. Cavard étant cohérent avec sa proposition précédente, c’est avec la même cohérence que, s’il n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable. Monsieur Cherpion, le seuil de trois cents salariés représente une forme d’équilibre qui ne remet pas en cause la possibilité de dialogue social dans les entreprises plus petites, confirmée par la signature annuelle de 40 000 contrats que vous avez mentionnée. Notez par ailleurs que votre amendement va à l’encontre de votre plaidoyer puisqu’il ne supprimerait pas le seuil d’effectifs, mais le maintiendrait à son niveau actuel ; en émettant un avis défavorable sur le fond, je vous rends donc service.

M. Gérard Cherpion. Si vous voulez me rendre service, sous-amendez plutôt mon amendement !

M. Christophe Cavard. Je ne retirerai pas notre amendement : convaincus de la justesse de nos arguments, Mme Éva Sas et moi-même irons jusqu’au bout.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements AS257 de M. Francis Vercamer et AS206 de M. Gérard Cherpion.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à éviter les effets de seuil au-delà de cinquante salariés afin de traduire dans la loi l’argumentaire de M. Cherpion. Nous proposons, en effet, de supprimer le seuil actuel de deux cents, et celui prévu par le texte, de trois cents salariés, au profit d’un seuil de cinquante salariés à partir duquel la constitution d’une DUP ne serait conditionnée que par la négociation dans l’entreprise. Il faut arrêter de multiplier les seuils – de véritables freins à l’emploi – et prendre des mesures susceptibles de produire un choc de simplification. Passer de deux à trois cents salariés ne concernera que trois ou quatre mille entreprises en France ; laissons aux entreprises de plus de cinquante salariés la possibilité de constituer une DUP et donc de réduire le nombre de réunions – tout l’objet des discussions que nous avons menées lors des auditions des ministres et des partenaires sociaux.

M. Bernard Perrut. Notre amendement étend la possibilité de constituer une DUP aux entreprises employant jusqu’à mille salariés. Il semble en effet contreproductif de priver de cette souplesse des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en pleine croissance dès lors qu’elles franchissent le seuil de trois cents salariés. Les ETI se situent entre les PME et les grandes entreprises ; d’après le Conseil d’analyse économique, elles sont suffisamment grandes pour exporter, mais suffisamment petites pour innover. Pour soutenir l’emploi, la France – qui ne dispose pas d’assez d’entreprises de ce type – devrait encourager les ETI et en simplifier le fonctionnement, la vie interne et la démocratie sociale.

M. le rapporteur. La proposition de M. Vercamer revient à faire sauter le seuil ; celle de M. Cherpion consiste à le faire monter jusqu’à mille salariés et constitue à ce titre un amendement de repli. N’oublions pas qu’aux termes de l’article 9, le regroupement d’institutions représentatives du personnel reste possible au-delà de trois cents salariés. Ce seuil représente un point d’équilibre essentiel au texte car au-delà, les délégués du personnel sont plus structurés et leur action, plus réelle. Avis défavorable.

M. Francis Vercamer. Ce seuil ne rime à rien ! On aurait pu le monter à cinq cents salariés – point de passage d’une PME à une grande entreprise ; mais le nombre de trois cents ne correspond à aucune norme européenne traditionnelle.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie des amendements identiques AS302 de Mme Jacqueline Fraysse et AS390 de Mme Éva Sas.

Mme Jacqueline Fraysse. L’intégration des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au sein de la DUP pose problème. Les drames de l’actualité ont montré l’importance de cet organe ; au-delà de ces cas particuliers, cette instance joue un rôle essentiel pour la santé et les conditions de travail, en cas de danger grave et imminent ou d’accident. Y siéger exige des compétences particulières dont l’acquisition représente un vrai travail. Le regroupement conduit à un affaiblissement du rôle et de la place des CHSCT dans l’entreprise ; nous proposons donc de supprimer l’alinéa 5.

M. Jean-Louis Roumegas. Étant donné la spécificité des tâches et l’expertise qu’elles requièrent, le principe même de regroupement des CHSCT nous paraît contestable. Nous craignons également une perte des moyens consacrés à la santé au travail. La nouvelle mission des CSHCT, que nous avions évoquée lors du débat sur le texte relatif aux lanceurs d’alerte – la protection de la santé publique –, nécessite aussi des moyens importants. Cette tâche de vigilance relève de la responsabilité des entreprises, mais les salariés doivent y être également associés.

M. le rapporteur. Nous sommes tous convaincus de l’importance du rôle des CHSCT. Ce débat est important et je remercie les intervenants d’avoir évité les termes qui prêtent à confusion : le texte ne prévoit pas la fusion, mais un regroupement des instances à l’intérieur de la DUP, dans le respect des spécificités de chacune d’entre elles. En effet, comme le précise l’alinéa 17 : « Dans le cadre de la délégation unique du personnel, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail conservent l’ensemble de leurs attributions ». Je comprends la crainte exprimée – qui nous amènera à discuter des moyens, de l’organisation et des attributions de la DUP –, mais il ne faut pas la lier à l’intégration du CHSCT à la DUP. Avis défavorable.

M. le ministre. N’idéalisons pas le fonctionnement actuel des CHSCT : dans les entreprises de cinquante à deux cents salariés, les trois élus ne disposent que de deux heures par mois à y consacrer ! Tout en préservant la spécificité et les attributions des CHSCT – l’expertise, le droit d’ester en justice, etc. –, le regroupement permettra d’augmenter le nombre d’élus et d’heures dont ceux-ci disposeront pour le travail et la réflexion sur l’hygiène et la santé au travail. Le but du texte est aussi de rendre le dialogue social plus vivant, moins formel et de permettre à plus de représentants du personnel de se préoccuper de ces sujets qu’il s’agit de décloisonner.

M. Denys Robiliard. Si personne n’a l’intention de supprimer les CHSCT, les décisions induisent parfois des effets involontaires redoutables. Deux raisons expliquent ma réserve quant à l’intégration des CHSCT à la DUP : d’abord, sauf en cas de cumul des mandats, les membres du CHSCT se spécialisent sur la question des conditions de travail, acquérant une maîtrise qui leur permet de porter cette problématique au sein des comités d’entreprise. Compte tenu du niveau de chômage, certains opposent l’emploi – qui devrait être prioritaire – et les conditions de travail, mais les deux enjeux sont complémentaires. Le risque majeur de l’intégration des CHSCT à la DUP est de voir faiblir la prise en considération des conditions de travail. Ensuite, il s’avère difficile de trouver des personnes qui acceptent de s’engager au sein de l’entreprise. Le cumul des mandats est actuellement possible, mais non obligatoire et il me semble important, afin de maintenir la capacité syndicale, de ne pas obliger à la concentration des responsabilités. Les amendements proposés – qui, avec le seuil de trois cents salariés, concernent le plus grand nombre des entreprises françaises – m’apparaissent donc opportuns. D’ailleurs, si l’on n’a pas intégré le CHSCT dans la DUP actuelle, c’était bien pour garder sa spécificité.

M. Gérard Cherpion. Je rejoins le raisonnement de M. le ministre : il ne s’agit pas d’une fusion, mais d’un regroupement des forces qui préserve la diversité des actions dans l’entreprise. Votre amendement, madame Fraysse, me semble d’ailleurs contradictoire avec celui qui proposait d’octroyer plus d’heures à certaines délégations.

M. Dominique Dord. Madame Fraysse, j’adhère à votre argumentation, mais non à votre conclusion. Le fait que les mêmes salariés siègent dans plusieurs instances regroupées devrait augmenter leur professionnalisme. Comme le remarque Gérard Cherpion, les membres de cette instance unique bénéficieront d’une vision globale – et non morcelée – des enjeux de l’entreprise, qui leur permettra de formuler des recommandations plus équilibrées.

Mme Jacqueline Fraysse. J’entends vos arguments, mais mon amendement demandant des heures complémentaires n’est en rien contradictoire avec celui-ci ; au contraire, il va dans le même sens puisque pour être efficaces et pour acquérir des compétences, les salariés ont besoin de temps. Par ailleurs, il est en effet intéressant de donner aux représentants du personnel une vision globale de l’entreprise, mais rien n’interdit d’inviter les membres du CHSCT dans les autres réunions. Tous ceux qui connaissent le fonctionnement des CHSCT savent que ceux-ci possèdent des spécificités fortes, les élus devant bien connaître certains sujets et donc se spécialiser dans ces domaines. Tout le monde ne doit pas prendre en charge toutes les questions, car on n’est pas bon quand on s’occupe de tout. Notez bien qu’en médecine par exemple, un cardiologue se spécialise dans un domaine particulier qui exige des compétences pointues.

M. le rapporteur. Mais avant d’être cardiologue, c’est un médecin. Certes, les CHSCT ont de fait connu une spécialisation, mais celle-ci ne représente-t-elle qu’un atout ? En effet, on ne saurait séparer les conditions d’hygiène et de santé au travail de la vie générale de l’entreprise ; en réalité, les aspects liés à l’organisation, à la stratégie et aux finances sont mêlés aux problématiques relevant des CHSCT. Réunir la réflexion sur ces deux volets indispensables représente plutôt un élément positif. En revanche, Mme Fraysse, M. Robiliard et M. Roumegas ont raison de souligner qu’il ne faut pas perdre ce qui fait l’intérêt des CHSCT ; c’est tout l’objet des amendements que nous avons déjà adoptés et de ceux que je propose plus loin. Ainsi, l’annualisation et la mutualisation des heures de délégation permettent de se concentrer sur un aspect ou sur un autre, gage de souplesse du dispositif. Le fait de préciser que l’ordre du jour de quatre des six réunions comporte obligatoirement des questions relatives au CHSCT représente également une garantie pour cette instance de conserver son importance. Je propose enfin de créer un poste de secrétaire adjoint, qui contribuerait à la qualité de l’organisation et permettrait au CHSCT d’assumer correctement ses missions. Je partage donc votre crainte, mais j’estime que regrouper la réflexion sur différents enjeux au sein d’une instance commune représente un avantage réel.

M. le ministre. J’adhère à l’avis du rapporteur. Il n’y aura pas de baisse globale des moyens alloués aux institutions représentatives du personnel. Les membres des CHSCT ne consacrent actuellement à cette fonction que deux heures par mois et quatre réunions par an ; la spécialisation ne sera pas moindre dans l’instance regroupée où l’on évoquera ces enjeux plus souvent. Il s’agit donc d’une avancée et le nouveau mode d’organisation risque d’intéresser bien plus de représentants.

La Commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS303 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. La mise en place d’une DUP en lieu et place des institutions représentatives du personnel engendre une baisse du nombre d’élus et des heures de délégation. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je ne saurais vous suivre dans l’idée qu’il n’y aura pas de diminution globale des moyens. De surcroît, les mêmes élus devront maîtriser un nombre beaucoup plus important de sujets, dans des conditions plus compliquées. Cet amendement vise à éviter que l’employeur puisse décider unilatéralement de la constitution d’une DUP à l’issue une simple consultation des institutions représentatives du personnel, en subordonnant cette décision à l’accord de la majorité des délégués.

M. le rapporteur. Tel qu’il est rédigé, le texte intègre une forme de souplesse. Or si l’on devait suivre l’amendement déposé par Mme Fraysse – cohérent avec le reste de ses propositions –, il faudrait passer par un accord. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS392 de Mme Éva Sas.

M. Christophe Cavard. Cet amendement reste dans le même esprit. Même si, comme l’a souligné le rapporteur, l’alinéa 17 stipule que les CHSCT conservent l’ensemble de leurs attributions, il faut penser à préserver les compétences des représentants qui y siègent. Nous proposons donc de distinguer, à l’intérieur de la DUP, les membres affectés à chacune des tâches, qui deviendront les référents dans leur spécialité pour les salariés et pour l’employeur. En effet, les compétences exigées dans le cadre d’un comité d’entreprise ne sont pas les mêmes que celles que l’on acquiert au CHSCT.

M. le rapporteur. Il ne me semble pas nécessaire de décider dans la loi de la constitution de collèges, qui apparaissent en contradiction avec le principe même des DUP. Celles-ci se structureront inévitablement, mais laissons aux représentants du personnel le choix des modalités pratiques. Ainsi, la mise en place d’un secrétaire adjoint participe de l’organisation possible, mais sans l’imposer. Les instances – qui ne fusionnent pas – sont déjà structurées ; conservons un peu de souplesse dans le fonctionnement de la DUP !

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS332 et AS333 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS143 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. En proposant de supprimer les mots « ou réduite », je cherche à protéger les mandats des salariés afin d’assurer cette douce transition dont on parle tant et de respecter le vote des dernières élections, évitant les frustrations.

M. le rapporteur. À partir du moment où l’on valide le principe de la DUP, il faut ajuster les mandats pour assurer un renouvellement permettant de réunir les membres des différentes instances. Ce procédé a été utilisé dans beaucoup de scrutins, y compris à caractère politique. Suivre Mme Bouziane-Laroussi reviendrait à repousser à plus tard la constitution effective des DUP ; je ne saurais donc y être favorable.

M. Gérard Sebaoun. Existe-t-il des exemples d’élus, quels qu’ils soient, dont on aurait réduit le mandat ? Le procédé me paraît contestable.

M. le rapporteur. J’entends l’argument relatif au respect du mandat, mais il implique de faire réélire des représentants pour un mandat plus court et surtout de décaler la mise en place de la DUP – objectif qui me paraît essentiel. Même si le rendez-vous à honorer réduit le mandat, il ne faut pas trop le repousser.

M. le ministre. Je ne ferai pas d’analogie avec les mandats des élus de la démocratie politique, mais la mesure est prévue dans le code du travail, dont l’article L. 2326-1 précise : « La durée du mandat des délégués du personnel est prorogée jusqu’à la mise en place du comité d’entreprise ou son renouvellement. Elle peut être réduite lorsque le mandat du comité d’entreprise vient à échéance avant celui des délégués du personnel. »

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS7 de M. Gérard Cherpion.

M. Jean-Pierre Door. Le projet de loi prévoit la possibilité de créer une DUP au niveau de chaque établissement lorsque l’entreprise en comporte plusieurs. Nous estimons que cela constitue une complexification importante. Pourquoi multiplier les DUP, surtout si les entreprises secondaires sont de petite taille ? C’est pourquoi nous proposons la mise en place d’une DUP au niveau d’une entreprise comportant plusieurs établissements.

M. le rapporteur. L’amendement propose de regrouper les DUP, c’est-à-dire d’éviter la reconnaissance des différents établissements. Ce n’est pas ce que nous souhaitons. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de conséquence AS330 et l’amendement rédactionnel AS335, tous deux du rapporteur.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS391 de Mme Éva Sas et AS304 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Christophe Cavard. La logique voudrait que le rapporteur soit favorable à l’amendement AS391 puisqu’il insiste, depuis le début de la discussion, sur le fait qu’il y a regroupement et non fusion des instances existantes. Nous proposons que le nombre de représentants constituant la DUP soit au moins égal au nombre de représentants constituant les instances regroupées, ce qui permet d’éviter une perte de compétences.

Mme Jacqueline Fraysse. M. le ministre vient de déclarer qu’il n’y a pas de diminution globale des moyens, ce qui va dans le sens de l’amendement que je propose. Il est nécessaire de maintenir un nombre d’élus dans la DUP équivalent à l’addition du nombre d’élus présents dans chaque institution représentative, selon les minima légaux.

M. le rapporteur. Je suis tenté de vous dire qu’il y a d’un côté la théorie, c’est-à-dire le nombre de sièges existants, et de l’autre la réalité, c’est-à-dire le nombre de sièges pourvus. Je préfère pour ma part qu’il y ait moins de sièges, mais que ceux-ci soient pourvus, plutôt qu’un nombre identique de sièges mais non pourvus. À cet égard, je vous renvoie à un tableau qui figure dans l’étude d’impact qui montre l’importance de ces derniers.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est un autre problème !

M. le rapporteur. Pas du tout ! Il s’agit de savoir quel est le nombre effectif de représentants du personnel qui siègent.

On ne peut pas considérer que l’annualisation et la mutualisation des heures constituent une avancée puisque, je le rappelle, 30 % des heures ne sont pas consommées, et souhaiter par ailleurs avoir la certitude que les moyens seront les mêmes, tout en ne se fondant pas sur les chiffres réels. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. L’alinéa 14 de l’article 8 précise ceci : « Le nombre de représentants constituant la délégation unique du personnel est fixé par décret en Conseil d’État ». Je n’ose imaginer que le ministre du travail ne présenterait pas ce décret aux partenaires sociaux…

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. M. le rapporteur nous a rappelé l’importance du nombre de sièges non pourvus. Nous avons pris précisément des dispositions tendant à permettre un engagement plus important des salariés. J’ose espérer qu’elles seront suivies d’effets. Cet argument ne tient donc pas beaucoup.

M. Christophe Cavard. Monsieur le rapporteur, vous considérez qu’il n’y a pas suffisamment de représentants par rapport au nombre de sièges prévu. Mais il existe aussi des instances dans lesquelles l’ensemble des postes sont pourvus. Nous prenons ici le risque que le nombre de représentants diminue, ce qui ferait plaisir à certains employeurs qui estiment que les salariés passent trop de temps dans les instances de représentation. Veillons à ce que chacun puisse avoir à l’avenir la même place que celle qu’il occupe aujourd’hui.

En adoptant nos amendements, il y aura peut-être des sièges vides, mais nous permettrons à toutes celles et tous ceux qui siègent aujourd’hui d’être ensemble demain, sinon le décret risque d’éliminer quelques sièges.

M. Francis Vercamer. Si j’étais rapporteur de gauche ou ministre du travail de gauche, j’accepterais cet amendement. En effet, dès lors que l’on considère qu’il ne doit pas y avoir de baisse de moyens et que l’on procède à un regroupement, on veut abourtir au même nombre de membres. Mais comme je suis un député du centre, je pense que le nombre n’est pas forcément égal à la qualité : mieux vaut privilégier la qualité que la quantité. Aussi, je ne voterai pas cet amendement.

M. le ministre. Actuellement, les entreprises de cinquante à soixante-quinze salariés comptent neuf élus, si l’on additionne les élus titulaires et les suppléants de la DUP actuelle et du CHSCT, contre dix demain dans la DUP élargie comme le montre l’étude d’impact. Vous ne pouvez donc pas dire qu’il y aura moins d’élus. J’ajoute que dans une entreprise de cinquante salariés, cela donne un potentiel de 20 % d’élus. Quant aux entreprises de soixante-quinze à cent salariés, elles compteront douze élus demain, contre onze aujourd’hui.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, s’il y a bien demain plus de représentants, vous devriez soutenir mon amendement qui demande simplement qu’il n’y en ait pas moins.

La Commission rejette successivement les amendements AS391 et AS304.

La Commission en vient à l’amendement AS6 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement propose, dans le cadre de la mise en œuvre de la DUP élargie, de regrouper les attributions des différentes instances constitutives de la DUP. Un tel regroupement s’inscrit dans une volonté de simplification et d’allégement des contraintes s’imposant aux entreprises. Si on les conserve, on les laisse juxtaposées, si on les regroupe, on voit bien qu’il y a un effet multiplicateur et bénéfique.

M. le rapporteur. Je reconnais que M. Cherpion est cohérent dans son argumentation. Tout à l’heure, il estimait qu’il faudrait aller plus loin et fusionner, ce qui n’est pas du tout notre état d’esprit. Nous considérons en effet que les DUP ont pour objectif de faire travailler ensemble les instances représentatives existantes mais sûrement pas de les fusionner dans une instance unique, idée soutenue par les représentants des organisations patronales. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS393 de Mme Éva Sas.

M. Christophe Cavard. Nous proposons que, dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT conservent l’ensemble de leurs attributions mais aussi de leurs moyens.

M. le rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne fait pas la distinction entre les ajustements qui sont nécessaires. La terminologie générique proposée pose problème. En revanche, il me paraît indispensable de s’assurer, à travers d’autres amendements, que les moyens pour faire fonctionner ces instances existent. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. C’est un bon amendement, car il bloque tout le système… (Sourires.)

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement AS405 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Même discussion que tout à l’heure sur la mise en place des collèges.

M. le rapporteur. Même avis que précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AS419 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous proposons que, dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, les membres du comité d’entreprise et du CHSCT disposent d’un nombre d’heures au moins équivalent à leurs droits actuels. Il s’agit bien d’une délégation et non d’une fusion. Pour éviter tout faux débat, il nous semble important de le préciser dans la loi.

M. le rapporteur. Le décret fixera un nombre d’heures qui sera équivalent, mais avec une répartition différente. Un tableau montre les évolutions qui me conduisent à émettre un avis défavorable, tout en comprenant ce que propose M. Cavard.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous venons d’examiner une série d’amendements qui demandent la garantie du maintien des effectifs, la garantie du maintien des moyens et la garantie du maintien des heures allouées. À chaque fois, la réponse est la même : on nous renvoie à un décret. Reconnaissez que ces réponses ne peuvent qu’entretenir le flou et la suspicion sur les intentions réelles du Gouvernement, qui affirme par ailleurs qu’il s’agit d’un regroupement et non d’une fusion.

M. le rapporteur. Je m’inscris totalement en faux, monsieur Roumegas. On sait très bien ce qu’il y a dans le décret puisqu’il est dans l’étude d’impact. J’ajoute qu’il a été présenté aux partenaires sociaux.

En juxtaposant les dispositions prises sur l’annualisation et la mutualisation des heures, les différents ajustements de postes et les mesures sur les suppléants dont nous débattrons ultérieurement, il n’est pas impossible que l’on aboutisse à davantage d’heures qu’actuellement – c’est d’ailleurs ce que pense le Gouvernement. Il est clair que nous n’allons pas aboutir à un affaiblissement des moyens.

M. Christophe Cavard. Je ne suis pas loin de rejoindre le rapporteur. Nous nous bornons quant à nous à demander que dans le cadre de la DUP, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT disposent d’un nombre d’heures au moins équivalent, c’est-à-dire qu’ils aient la garantie de ne pas en avoir moins. Mais, bien évidemment, nous ne voyons pas d’inconvénient à ce qu’il y en ait davantage. Notre amendement va précisément dans le sens de ce texte dont l’objectif est non pas d’enlever des moyens mais d’en ajouter.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne remets pas en cause la volonté affirmée par le ministre et le rapporteur de ne pas diminuer les moyens. Mais je suis surprise qu’ils n’acceptent pas les amendements qui précisent que le nombre d’heures sera au moins équivalent à ce qu’il est aujourd’hui. Il y a une contradiction dans leurs affirmations.

M. Gérard Cherpion. Même s’il a beaucoup de défauts, le projet de loi vise à faire progresser le dialogue social. Je constate que vous ne le souhaitez pas. En fait, vous êtes des conservateurs.

M. le rapporteur. J’ai émis un avis défavorable sur cet amendement parce que vous suggérez de figer l’existant, considérant que l’on parle des moyens dans leur globalité. Pour ma part, je considère qu’il y aura des ajustements. Au bout du compte, je pense que les moyens seront supérieurs à ce qui existe aujourd’hui. Mais vos formulations interdiront d’avoir par exemple un siège en moins dans une tranche pour en avoir un ou deux supplémentaires dans une autre. Nous ne pouvons pas être favorables à des amendements qui garantissent les moyens quasiment par poste et par niveau de tranche d’entreprise.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS485 du rapporteur et AS406 de M. Christophe Cavard.

M. le rapporteur. Chacun comprendra que le regroupement fait que les ordres du jour risquent d’être particulièrement chargés, ce qui nécessite une structuration. Je propose donc que soit créé un poste de secrétaire adjoint de la DUP. Il appartiendra ensuite aux représentants du personnel de dire si le secrétaire adjoint doit être chargé de suivre tel ou tel sujet. Contrairement à M. Cavard, je n’ai pas souhaité préciser ses tâches afin de laisser de la souplesse. À travers la mise en place d’un secrétaire adjoint, ce sont des moyens supplémentaires qui sont donnés aux DUP.

M. Christophe Cavard. Nous allons plus loin que le rapporteur puisque nous proposons la création d’un co-secrétaire chargé du collège « comité d’entreprise » et d’un co-secrétaire chargé du collège « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». Mais il est vrai que nos amendements proposant la mise en place de ces collèges ont été rejetés.

M. Cherpion fait de l’humour en nous qualifiant de « conservateurs ». Il ne faudrait pas cependant, sous prétexte de dialogue social, réduire les droits.

Le dialogue social est encadré par la loi. On ne peut pas, même si certains membres de l’opposition en rêvent, faire sauter tout cadre légal à travers le dialogue social, ce qui permettrait de remettre en cause un certain nombre d’acquis, comme le nombre d’heures.

Je retire mon amendement puisque la création des collèges a été rejetée. Je soutiendrai celui du rapporteur qui pourra peut-être préciser, d’ici à la séance publique, qui sont ces deux personnes qui devront représenter le regroupement des instances.

M. Gérard Cherpion. Je tiens à remercier M. Cavard pour m’avoir donné une leçon sur la façon dont il faut élaborer la loi. J’ai appris beaucoup de choses ce matin…

Je vois une certaine contradiction dans les propos du rapporteur. D’un côté, il nous explique qu’il rejette les collèges, ce que je comprends et il laisse la DUP libre de s’organiser alors que les sujets traités seront extrêmement nombreux et variés. Mais de l’autre, il propose de nommer un secrétaire adjoint qui pourra plus particulièrement être intéressé par le CHSCT par exemple. Pourquoi ne pas laisser s’organiser, sous l’autorité du secrétaire, le fonctionnement de la DUP sans nommer une personne qui n’aura pas non plus de vision complète ? Cela n’apporte rien, sinon une complexification supplémentaire.

M. le rapporteur. Votre argumentation, monsieur Cherpion, serait juste si j’avais parlé de co-secrétaire. Or je propose la création d’un secrétaire adjoint. Je n’ai pas validé l’hypothèse des collèges que suggéraient certains de nos collègues. De plus, je ne précise pas, dans mon amendement, quelle est la mission de ce secrétaire adjoint car je considère que c’est aux représentants syndicaux de s’organiser.

Si avoir regroupé en quelques-unes toutes les réunions qui se tenaient auparavant présente des avantages, les ordres du jour risquent en effet d’être extrêmement chargés. L’amendement que je propose vise donc à permettre que le dialogue social se fasse dans de bonnes conditions d’organisation.

L’amendement AS406 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS485.

La Commission est saisie de l’amendement AS5 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. C’est un amendement de cohérence avec la proposition de DUP élargie obligatoire pour les entreprises de 50 à 299 salariés.

Je tiens à revenir sur l’amendement précédent pour dire au rapporteur que son raisonnement sur le secrétaire adjoint serait vrai s’il y avait fusion. Or il s’agit d’un regroupement. Souhaiterait-il une fusion ?

M. le rapporteur. Je pense avoir déjà répondu. Cette question provocante n’était pas nécessaire.

L’amendement que vous proposez vise à supprimer les alinéas qui prévoient les conditions de suppression de la DUP en cas de franchissement de seuil. Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement AS144 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement vise à augmenter le nombre de réunions de la délégation, pour avoir un rythme de réunions qui corresponde à celui en vigueur aujourd’hui. D’ailleurs, M. le rapporteur soulignait à juste titre qu’avec la DUP les ordres du jour seront chargés, d’où l’intérêt d’avoir un nombre suffisant de réunions pour pouvoir traiter au mieux les sujets de fond, notamment ceux relatifs à la santé et à la sécurité auparavant dévolus au CHSCT.

M. le rapporteur. L’objet de la DUP est précisément de réduire le nombre de réunions. J’ajoute que le seuil de six réunions est un plancher. Rien n’interdit d’en faire plus. Avis défavorable donc sur ce qui m’apparaît comme une position de principe.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Mais on remet en cause ce qui existe aujourd’hui. Il y a donc bien une diminution des moyens.

M. le rapporteur. Vous ne pouvez pas dire cela ! Ce n’est pas parce que l’on baisse le nombre de réunions que l’on réduit les moyens. C’est un amalgame qui me paraît un peu rapide, excessif et inexact.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AS213 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. La DUP exercera toutes les attributions des instances qu’elle regroupe. Les règles encadrant l’organisation des réunions des trois instances composant la DUP, c’est-à-dire le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT, sont très différentes, notamment au regard de la composition de la délégation devant participer à ces réunions. Ces régimes distincts sont maintenus dans le projet de loi, lorsque les instances fonctionnent séparément. Ainsi, seuls les représentants syndicaux au comité d’entreprise appartenant au personnel de l’entreprise peuvent participer aux réunions du comité d’entreprise alors que des représentants syndicaux extérieurs à l’entreprise sont autorisés à participer aux réunions des délégués du personnel.

Le projet de loi ne précise pas laquelle de ces réglementations devra s’appliquer aux réunions communes à ces instances lorsqu’elles seront regroupées dans la DUP.

Le texte devrait donc mentionner selon quelles règles devront être organisées les différentes réunions de la DUP. Il faut préciser que la délégation du personnel aux réunions de la DUP est composée conformément aux règles applicables au comité d’entreprise.

M. le rapporteur. Monsieur Cherpion, je vous renvoie à l’alinéa 13 de l’article 8 : « La délégation unique du personnel est composée des représentants du personnel élus dans les conditions prévues aux articles L. 2324-3 à L. 2324-23 ». Je ne comprends pas ce que vous voulez de plus que ce qui figure dans le texte. Je considère donc que votre amendement est satisfait.

M. Gérard Cherpion. Cela ne me paraît pas aussi clair que le prétend notre rapporteur. Mais peut-être mon amendement est-il mal rédigé. Nous avons là trois systèmes qui fonctionnent différemment. Il faut pouvoir aboutir à un fonctionnement unique dans le cadre de la DUP.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS306 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Dans les délégations uniques du personnel actuelles, la fréquence des réunions est mensuelle. Le projet de loi propose de diminuer le rythme de ces réunions pour le porter à une tous les deux mois. Il nous semble que ce n’est pas pertinent puisque les sujets à traiter vont augmenter si le CHSCT est regroupé dans la DUP. Il y aura plus de travail pour une personne qui maîtrisera sans doute moins bien les sujets. Or il faut que les élus aient le temps d’évoquer les questions. Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut maintenir la fréquence d’une réunion mensuelle.

M. le rapporteur. Même réponse que précédemment : la DUP pourra se réunir autant que de besoin puisque le seuil fixé est un plancher. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne vois pas l’intérêt de modifier la situation actuelle. S’il est bon de fixer un plancher, je ne comprends pas pourquoi on diminue le nombre de réunions sachant que les délégués vont devoir traiter de sujets extrêmement vastes.

M. Francis Vercamer. Je soutiens cet amendement. Comme la DUP se réunit au moins une fois tous les deux mois, il y a donc bien au moins six réunions par an. Les mots : « au moins quatre de ces six réunions par an », donnent l’impression qu’on se limite à six réunions par an. La seconde phrase de l’alinéa 20 a tendance à réduire la portée de la première phrase.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS338 du rapporteur.

La Commission en vient à l’amendement AS236 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je propose que les questions relevant du CHSCT soient traitées en priorité par la DUP pour deux raisons. D’abord afin que les questions relatives aux conditions de travail ne soient pas sacrifiées sur l’autel du temps disponible. Ensuite, quand un avis doit être rendu par le comité d’entreprise sur une question complexe, il est nécessaire qu’il intègre l’avis du CHSCT. La DUP doit donc traiter en priorité des conditions de travail avant de les intégrer dans une réflexion plus globale quand il s’agit d’une question économique.

M. le rapporteur. Si j’ai bien compris, vous entendez par « traiter en priorité » inscrire les questions en premier dans l’ordre du jour. Or dans des réunions de cette nature, il arrive parfois qu’un sujet qui ne relève pas nécessairement du CHSCT soit examiné en priorité. Dès lors que l’on est certain que quatre réunions sur six aborderont les questions relatives au CHSCT, cette précision me semble inutile. Je suis donc défavorable à cet amendement dont je comprends l’esprit mais qui va un peu loin dans l’organisation de l’ordre du jour.

M. Gérard Cherpion. Là encore, faisons confiance au sens de la responsabilité des élus qui examineront en priorité les problèmes les plus urgents. Avec cet amendement, on se substitue à eux en fisant la trame de l’ordre du jour qu’ils doivent traiter. Ce n’est pas logique.

M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS407 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Même si les questions relevant des attributions du CHSCT doivent être inscrites à l’ordre du jour de quatre des six réunions annuelles de la DUP, il convient de laisser la possibilité au CHSCT de réunir le collège afin de traiter les sujets qui ne le seraient pas par l’instance unique. L’employeur ne peut pas être seul maître de l’ordre du jour sur les questions de santé au travail.

M. le rapporteur. Je partage votre préoccupation mais le dialogue au sein de la DUP permettra d’y répondre. En outre, la précision que vous souhaitez apporter me paraît relever davantage du règlement intérieur que de la loi. Enfin, vous vous faites référence aux collèges dont nous avons écarté la mise en place.

M. Dominique Tian. Avec le formalisme que vous imposez, non seulement vous allez à l’encontre de l’objectif de simplification qui fonde la DUP, mais vous créez aussi des motifs de recours. Le rapporteur a raison de défendre la nécessité de conserver de la souplesse et de laisser le soin aux parties prenantes de s’organiser.

M. Christophe Cavard. Je retire l’amendement afin de le retravailler. Toutefois, je note que vous tenez un discours à géométrie variable sur la place qui doit être laissée au dialogue.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS486 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin d’éviter une répartition des rôles entre le secrétaire de la DUP et le secrétaire adjoint, l’amendement prévoit qu’ils exercent conjointement les attributions anciennement dévolues aux secrétaires du CE et du CHSCT.

M. Gérard Cherpion. Puisque nous sommes opposés à l’instauration d’un secrétaire adjoint, nous sommes défavorables à cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement AS408 de M. Christophe Cavard est retiré.

La Commission examine l’amendement AS145 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement vise à maintenir les spécificités de chaque instance représentée au sein de la délégation unique du personnel.

Il s’agit d’éviter que certains sujets soient négligés, notamment les questions liées à la santé et à la sécurité au travail.

M. le rapporteur. La DUP a vocation à travailler à partir d’un ordre du jour qui aborde l’ensemble des problématiques de l’entreprise. Elle permet aux représentants du personnel de connaître de tous les sujets, et pas seulement de ceux qu’ils ont l’habitude de traiter.

En outre, la règle selon laquelle quatre réunions annuelles sur six portent impérativement sur des sujets relevant des attributions du CHSCT satisfait l’esprit de votre amendement.

M. Dominique Tian. La DUP doit précisément simplifier les procédures en évitant que chaque collège traite de ses spécificités.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. En suivant votre raisonnement, la règle des quatre réunions sur six n’a pas lieu d’être…

M. le ministre. Il faut savoir que 42 % des entreprises de 50 à 100 salariés ne disposent pas de CHSCT alors que seulement 15 % d’entre elles ne sont pas dotées de CE. Grâce à la DUP, les représentants du personnel seront plus nombreux à participer aux débats sur la santé au travail.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels AS340 et AS342 du rapporteur.

La Commission est saisie des amendements identiques AS161 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi et AS324 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement propose d’allonger de cinq à quinze jours le délai de convocation aux réunions de la DUP. Ce délai est nécessaire pour étudier les éléments transmis et pour aviser les instances extérieures – inspection du travail et médecine du travail.

Mme Jacqueline Fraysse. Le délai de cinq jours est trop court pour préparer des réunions qui abordent des sujets relevant des attributions de trois instances. Cet amendement vise donc à aligner le délai de convocation sur celui du CHSCT.

M. le rapporteur. Le délai de convocation est actuellement de trois jours. En dépit de la brièveté du délai proposé, le projet de loi apporte une amélioration.

La Commission rejette ces amendements.

La Commission examine les amendements identiques AS309 de Mme Jacqueline Fraysse et AS396 de M. Christophe Cavard.

Mme Jacqueline Fraysse. Au sein de la DUP dans son format actuel, chaque instance conserve son fonctionnement propre. Les alinéas 23 à 25 nous inquiètent fortement car ils prévoient un avis unique de la DUP ainsi qu’une expertise unique sur les sujets relevant à la fois des attributions du CE et du CHSCT, qui laissent présager une fusion des instances.

Si votre intention, comme vous le répétez, n’est pas de fusionner les instances mais de les regrouper, vous devez maintenir l’indépendance de chaque instance. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces alinéas.

M. Christophe Cavard. La possibilité d’émettre un avis unique évoque davantage une fusion qu’un regroupement.

Quant à l’expertise unique, elle risque de porter sur des sujets qui mériteraient d’être distingués. En outre, qui décidera des sujets ? En tout état de cause, il faut conserver une expertise spécifique sur la santé au travail.

À vouloir traiter de trop nombreux sujets à la fois, on risque d’en minimiser l’intérêt.

M. le rapporteur. Le projet de loi ne mentionne pas une expertise unique mais une « expertise commune », ce qui ne signifie pas la même chose.

Si les instances conservent leurs prérogatives, leur fonctionnement diffère. Vous ne pouvez pas demander à une seule instance d’émettre deux avis sur le même sujet. Sauf à introduire les collèges que vous appelez de vos vœux, votre suggestion n’est pas réalisable dans le cadre prévu par le projet de loi.

La Commission rejette ces amendements.

La Commission est saisie de l’amendement AS146 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement procède de la même logique que les précédents. Il vise à maintenir les avis spécifiques des instances réunies dans la DUP.

D’une part, des discordances peuvent apparaître entre le comité d’entreprise et le CHSCT. D’autre part, la santé et la sécurité des salariés sont des droits absolus qui priment sur la rentabilité économique d’une entreprise. Or, l’avis unique risque de faire passer ces questions au second plan.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement ainsi que l’amendement AS147 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS346 et AS347 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS487 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux membres suppléants de la DUP de participer aux réunions de celle-ci avec voix consultative, reprenant ainsi la règle en vigueur pour les CE. Alors que certains usent du parallèle avec le monde politique pour refuser la présence des suppléants, je considère que leur participation s’apparente à de la formation continue. Elle doit leur permettre de mieux maîtriser les dossiers et les enjeux qui intéressent l’entreprise.

Mme Jacqueline Fraysse. Je partage l’approche du rapporteur. Peut-être le monde politique pourrait-il s’en inspirer…

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Je suis favorable à cet amendement qui est semblable à celui que j’ai déposé.

M. Gérard Sebaoun. J’abonde dans le sens du rapporteur. Puisque nous voulons donner aux représentants élus du personnel des prérogatives plus importantes, il est pertinent de leur permettre d’acquérir un maximum d’expérience en assistant à ces réunions qui embrassent l’ensemble des problématiques de l’entreprise.

M. Gérard Cherpion. Le suppléant remplace le titulaire lorsque celui-ci est absent. Je ne suis pas opposé à ce que les suppléants puissent assister aux réunions. En revanche, je suis défavorable à une participation systématique qui alourdit la procédure.

M. le ministre. Il est prévu que les suppléants siègent lors des réunions examinant les orientations stratégiques de l’entreprise, soit au minimum, deux réunions.

J’entends l’argument du rapporteur mais le rôle d’un suppléant est de suppléer un titulaire lorsqu’il est absent, il n’est pas de doublonner avec lui. À l’étranger, les suppléants suppléent.

Le projet de loi comporte déjà des dispositions pour conforter le rôle des suppléants.

Je suis défavorable à cet amendement. Sauf à les appeler co-titulaires, vous devrez expliquer à l’opinion publique que les suppléants siègent en même temps que les titulaires. Pour une entreprise de 50 salariés, dix personnes seraient appelées à siéger.

J’ajoute enfin que, dans les CHSCT, il n’y a aujourd’hui pas de suppléant.

M. Christophe Cavard. Le rôle du Parlement est aussi d’améliorer le projet du gouvernement et de proposer des avancées sociales.

Chacun en convient, cette réforme ne doit pas se traduire par une perte de technicité, notamment sur les questions de santé au travail.

Le rapporteur l’a dit, la présence des suppléants s’inscrit dans une logique de formation. Lorsqu’ils seront amenés à voter, ils le feront en toute connaissance de cause.

Nous sommes donc très favorables à l’association des suppléants.

M. Gérard Sebaoun. Je reconnais que la participation au débat des suppléants – alors que le titulaire est présent et a mandat pour voter – peut faire naître une difficulté. Peut-être serait-il préférable de supprimer la mention de leur voix consultative afin de préciser qu’ils assistent aux réunions sans prendre la parole.

M. Gérard Cherpion. Dans les entreprises de cinquante salariés, ce sont 20 % des personnels qui seraient amenés à siéger. Or, une entreprise a pour vocation première de produire. Avec cet amendement, le personnel passerait plus de temps à siéger dans ces instances qu’à produire !

M. le rapporteur. Je rappelle que, depuis des dizaines d’années, les suppléants siègent dans les CE, sans que l’opinion publique ne s’en soit émue. En outre, M. le ministre l’a dit, les CE sont plus nombreux que les CHSCT.

Il n’y a, selon moi, pas de confusion possible. Les suppléants ne sont en aucun cas des co-titulaires. À cet égard, monsieur Sebaoun, je vous propose de nous en tenir à la rédaction actuelle.

Cette présence est envisagée par les personnes que j’ai auditionnées comme de la formation permanente. Si la demande de formation n’est pas satisfaite, elle s’exprimera inévitablement d’une autre manière, plus coûteuse. Tout le reste relève de positions de principe.

Je propose sans état d’âme à mes collègues de voter cet amendement.

M. le ministre. Certains de ceux qui soutiennent cet amendement sont aussi ceux qui militaient pour le maintien des CHSCT ancienne formule, dont 42 % des entreprises de 50 à 100 salariés sont dépourvues et dans lesquels siègent trois titulaires uniquement, sans suppléants. Cela me semble quelque peu contradictoire.

Avec le texte du projet de loi, les personnes formées aux thématiques relevant de la compétence du CHSCT seront plus nombreuses. En outre, je ne doute pas que les réunions sur les orientations stratégiques seront l’occasion d’aborder les questions de santé et de sécurité au travail.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS148, AS307, AS421 rectifié et AS409 tombent.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS354 du rapporteur.

L’amendement AS410 de M. Christophe Cavard est retiré.

La Commission examine l’amendement AS510 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement prévoit que les heures de délégation puissent être annualisées. Ces heures cumulées peuvent être utilisées dans la limite d’1,5 fois le crédit d’heures mensuelles fixé par décret. Afin de ne pas désorganiser l’entreprise, l’employeur doit être informé dans un délai de quinze jours.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS310 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement a pour objectif de maintenir un nombre d’heures de délégation dans la DUP qui soit équivalent à l’addition du nombre d’heures propres aux élus de chaque institution représentative du personnel.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de précision AS357, ainsi que les amendements rédactionnels AS367, AS370 et AS368, tous du rapporteur.

La Commission examine l’amendement AS214 de M. Gérard Cherpion.

M. Bernard Perrut. Le projet loi permet, contrairement à la législation actuelle, de regrouper au sein de la DUP, non seulement le comité d’entreprise et la délégation du personnel, mais aussi le CHSCT.

Si une DUP a été mise en place avant l’entrée en vigueur de la loi, elle peut continuer à fonctionner selon les règles applicables à la date de sa constitution.

Il semble que l’employeur puisse également adopter le régime de la DUP introduit par le projet de loi. Mais le texte est ambigu sur ce point. Cet amendement prévoit explicitement cette possibilité.

M. le rapporteur. Je vous invite à retirer cet amendement au bénéfice de deux amendements à venir qui apportent les précisions que vous souhaitez.

M. Bernard Perrut. J’accepte de le retirer en comptant sur vous pour trouver une solution.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision AS371 du rapporteur.

La Commission est saisie, en présentation commune, des amendements AS498 et AS499 du rapporteur.

M. le rapporteur. Voici les deux amendements que je viens d’évoquer. Le premier vise à préciser que le maintien d’une DUP dans son format actuel, c’est-à-dire sans le CHSCT, n’est possible que pour deux cycles électoraux à compter de l’entrée en vigueur du présent article. En effet, il s’agit de donner aux entreprises le temps de s’adapter sans toutefois laisser deux types de DUP coexister pour une durée illimitée, d’autant que l’une d’entre elles est vouée à perdre sa base légale avec l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions issues de cet article.

Le second amendement prévoit qu’à l’issue de cette période transitoire, les employeurs qui ont conservé une délégation unique du personnel dans l’ancien format devront soit la mettre en conformité avec les nouvelles règles introduites par la loi, soit mettre en place des institutions représentatives de droit commun.

Ces amendements corrigent les imprécisions du projet de loi tout en fixant une échéance pour régulariser la situation.

M. Gérard Cherpion. Je regrette que nous ayons retiré notre amendement car sa rédaction était bien meilleure, plus claire et plus simple pour un résultat identique.

M. le rapporteur. Votre amendement, en ne fixant pas de date butoir, laissait la possibilité de faire coexister les deux dispositifs, ce qui ne me semble pas souhaitable.

La Commission adopte successivement ces amendements.

La Commission adopte l’article 8 modifié.

*

Article 9
(art. L. 2391-1, L. 2391-2, L. 2391-3, L. 2392-1, L. 2392-2, L. 2392-3, L. 2393-1, L. 2393-2, L. 2393-3 et L. 2394-1 du code du travail)

Regroupement d’instances par accord majoritaire
dans les entreprises de plus de 300 salariés

Cet article s’offre comme le pendant de l’article 8, qui étend aux entreprises de moins de 300 salariés la possibilité de mettre en place une DUP, cette faculté étant pour l’heure réservée aux entreprises de moins de 200 salariés. Il s’agit ici d’apporter les souplesses nécessaires aux entreprises de plus de 300 salariés, en leur ouvrant la possibilité, sous réserve de la conclusion d’un accord majoritaire, de regrouper tout ou partie des institutions représentatives du personnel (IRP), autrement dit des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

I. LES IRP DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 300 SALARIÉS

A.  DES OBLIGATIONS ACTUELLES ASSEZ LOURDES

Les entreprises de plus de 300 salariés sont soumises à l’obligation de mise en place de délégués du personnel – ceux-ci doivent en effet être désignés dans toute entreprise de plus de onze salariés ou comportant un ou plusieurs établissements de plus de onze salariés –, d’un comité d’entreprise – obligatoire pour toute entreprise de plus de cinquante salariés – et d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – qui doit être constitué dans tout établissement de plus de cinquante salariés, ce seuil s’appréciant aussi au niveau de l’entreprise.

En outre, dès lors qu’une entreprise ou un établissement dépasse le seuil de cinquante salariés, chaque syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages sur leur nom. Les syndicats non représentatifs peuvent également, dans les entreprises ou établissements de plus de cinquante salariés, désigner un représentant de section syndicale sous réserve d’avoir constitué une telle section. Aux termes de l’article L. 2324-2, enfin, tout syndicat représentatif dans une entreprise ou un établissement de plus de 300 salariés peut, à titre facultatif et à tout moment, désigner un représentant syndical au comité d’entreprise, qui assiste aux séances du comité d’entreprise avec voix consultative.

Dans les faits, d’après les données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) au titre de l’année 2011, au moins un délégué syndical est présent dans 95 % des entreprises de plus de 300 salariés. En outre, 91 % de ces entreprises comportent au moins un comité d’établissement ou un comité d’entreprise, 96 % d’entre elles comptent au moins un délégué du personnel, et 97 % d’entre elles sont couvertes par un CHSCT.

Pour les entreprises de plus de 300 salariés, les obligations liées aux compétences des instances représentatives du personnel sont en outre plus importantes que dans les entreprises de taille inférieure.

S’agissant du comité d’entreprise, la mise en place d’une commission pour l’égalité professionnelle et d’une commission de la formation est obligatoire pour toutes les entreprises dès 200 salariés (articles L. 2325-34 et L. 2325-26). À partir de 300 salariés, une commission d’information et d’aide au logement est également obligatoirement créée (article L. 2325-27). En outre, si l’entreprise dépasse le seuil de 1 000 salariés, elle est tenue de mettre en place une commission économique au sein du comité d’entreprise. Enfin, une entreprise qui emploie au moins 1 000 salariés dans des États membres de l’Union européenne
– dont au moins un établissement de 150 salariés dans au moins deux États membres – doit instituer un comité d’entreprise européen (article L. 2341-1).

Dans les grandes entreprises, les représentants du personnel élus ou désignés peuvent disposer d’un nombre d’heures de délégation plus important : ainsi, dans les entreprises de plus de 500 salariés, les représentants syndicaux au comité d’entreprise bénéficient également d’un crédit d’heures de 20 heures par mois au même titre que les membres titulaires du comité qui disposent de ce temps de délégation quel que soit l’effectif de l’entreprise. Au-delà de 300 salariés, les membres du CHSCT bénéficient de 10 heures par mois – puis 15 heures à compter de 500 salariés et 20 heures à compter de 1 500 salariés – contre 5 heures dans les entreprises de moins de 300 salariés et même 2 heures seulement dans les entreprises de moins de 100 salariés. Le nombre de jours de formation dont bénéficient les membres du CHSCT est également plus important dans les entreprises de plus de 300 salariés : alors qu’il ne représente que trois jours par an dans les entreprises de moins de 300 salariés, il s’établit à 5 jours par an au-delà de ce seuil.

Enfin, les entreprises composées d’établissements distincts sont confrontées à une problématique spécifique : celle de la mise en place d’instances représentatives du personnel à plusieurs niveaux, qui donne souvent lieu à la multiplication des informations et consultations de ces instances et donc à des redondances. La reconnaissance du caractère d’établissement distinct conduit en effet à la mise en place de délégués du personnel dès lors que l’établissement dépasse le seuil de 11 salariés. Par ailleurs, toute entreprise comportant des établissements distincts doit constituer des comités d’établissement et un comité central d’entreprise (CCE), et cela, quel que soit l’effectif des établissements en question (article L. 2327-1). Si le CCE exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l’entreprise qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement, les comités d’établissement exercent en revanche ces fonctions dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs d’établissement : autrement dit, lorsqu’un projet à l’échelle de l’entreprise a un impact propre sur un ou plusieurs établissements, ce sont les deux niveaux qui doivent obligatoirement être consultés. Il faut également noter que les comités d’établissement disposent des mêmes moyens de fonctionnement que le comité d’entreprise, qu’ils sont également dotés de la personnalité civile (article L. 2327-18) et ont donc la capacité d’ester en justice et de recourir à des expertises à leur niveau propre.

La loi ne définit pas la notion d’établissement distinct. Il est donc revenu à la jurisprudence le soin de définir les critères adaptés d’une représentation du personnel au niveau de ces établissements. Or, comme l’indique l’étude d’impact, ces critères sont sujets à interprétation. Si s’agissant du comité d’entreprise, le Conseil d’État privilégie, entre autres, le critère de l’autonomie de l’établissement, elle-même établie par l’existence d’une comptabilité propre, mais surtout l’existence de pouvoirs en matière de gestion du personnel et de pouvoirs de décision dans l’exécution du service, la Cour de cassation privilégie, s’agissant des délégués du personnel la notion de communauté de travail pour des salariés ayant des intérêts propres.

B.  DES SOUPLESSES AUJOURD’HUI INSUFFISANTES

Les adaptations permises en matière de représentation du personnel sont aujourd’hui peu nombreuses et d’une ampleur limitée.

● Dans le cadre de la négociation du protocole préélectoral pour l’élection des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise, il est possible de s’accorder préalablement sur le nombre d’établissements distincts au sein de l’entreprise, ainsi que sur la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories de salariés. Rappelons toutefois qu’aux termes des articles L. 2314-3-1 (pour les délégués du personnel) et L. 2324-4-1 (pour le comité d’entreprise), la validité d’un protocole d’accord préélectoral est soumise à une condition de double majorité, à savoir son approbation par la majorité des syndicats ayant participé à sa négociation, dont les syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles (ou, le cas échéant, en cas d’indisponibilité de tels résultats, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise).

Par ailleurs, le nombre et la composition des collèges électoraux peuvent être modifiés par accord collectif ou dans le cadre du protocole d’accord préélectoral, à condition que l’accord en question soit signé par l’ensemble des syndicats représentatifs (article L. 2314-10 pour les délégués du personnel et article L. 2324-12 pour le comité d’entreprise).

Un accord de branche, de groupe ou d’entreprise peut également réduire la durée de mandat des délégués du personnel en la fixant entre deux et quatre ans (article L. 2314-27). Un accord entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les règles de la double majorité, peut augmenter le nombre des délégués du personnel (article L. 2314-1) ainsi que des membres du comité d’entreprise (article L. 2324-1).

● S’agissant spécifiquement du comité d’entreprise, l’article L. 2323-61 prévoit la possibilité pour l’employeur, dans les seules entreprises de plus de 300 salariés, d’adapter les modalités d’information du comité et le débat qui s’ensuit, moyennant un accord collectif de branche, de groupe ou d’entreprise. Cet accord peut regrouper l’ensemble des actuelles informations à caractère économique, social et financier prévues aux articles L. 2323-51, L. 2323-55 à L. 2323-57 et L. 3123-3 en un seul rapport dont la périodicité est au moins annuelle, et qui regroupe les éléments relatifs à l’activité et la situation financière de l’entreprise ; l’évolution de l’emploi, des qualifications, de la formation et des salaires ; le bilan du travail à temps partiel dans l’entreprise ; la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, ainsi que les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés dans l’entreprise. Il s’agit non pas de réduire les informations fournies au comité d’entreprise, mais simplement d’en faciliter la transmission en les regroupant au sein d’un seul et même bloc de données communiquées par l’employeur.

Cet accord dérogatoire définit également les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas de projet de licenciement économique collectif – soit du licenciement d’au moins dix salariés sur une période de trente jours consécutifs –, ainsi que les informations requises dans le cadre de la négociation triennale obligatoire sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et sur la prévention des conséquences des mutations économiques.

● Enfin, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a ouvert la possibilité de recourir à la mise en place d’une instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en cas de projet commun à plusieurs d’entre eux, en vue d’organiser une expertise unique. Il s’agit toutefois d’une instance temporaire, qui n’a aucun caractère pérenne.

En dehors de ces éléments de souplesse, il n’existe aucune possibilité d’adaptation des modalités d’interaction de l’employeur avec les diverses instances représentatives du personnel.

Pourtant, permettre des adaptations et créer des voies d’assouplissement ne signifie aucunement un affaiblissement du dialogue au sein de l’entreprise, puisqu’il ne s’agit pas de revenir sur les fondements de la représentation des salariés. Permettre aux entreprises d’adapter les modalités de la consultation des représentants du personnel contribue au contraire à renforcer le dialogue au sein de l’entreprise, en permettant une meilleure circulation de l’information, une moindre segmentation des compétences propres de chaque instance, une plus grande rapidité et donc une plus grande efficacité des consultations ou informations requises.

II. LA POSSIBILITÉ DE REGROUPER LES IRP PAR VOIE D’ACCORD COLLECTIF DANS LES ENTREPRISES DE PLUS DE 300 SALARIÉS

Cet article propose le second outil d’assouplissement en matière d’institutions représentatives du personnel. Le premier, prévu à l’article 8 du projet de loi, élargit, on l’a vu, la possibilité de recourir à une délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de moins de 300 salariés. Celui-ci concerne les entreprises de plus de 300 salariés, qui ne peuvent recourir à la DUP, et pour lesquelles il est donc proposé qu’un regroupement des instances représentatives du personnel puisse être opéré par voie d’accord.

Un accord majoritaire pourra donc, dans les entreprises de plus de 300 salariés, procéder au regroupement de l’ensemble des trois instances – comité d’entreprise (CE), délégués du personnel (DP) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – ou de deux seulement d’entre elles.

À cette fin, le présent article insère un nouveau titre IX à la fin du livre III (consacré aux institutions représentatives du personnel) de la deuxième partie (relations collectives du travail) du code du travail, spécifiquement consacré au « regroupement par accord des institutions représentatives du personnel ».

Ce titre IX comporte quatre chapitres relatifs successivement à la mise en place et aux attributions, à la composition et l’élection, au fonctionnement, et enfin, à la suppression de l’instance unique ou unifiée représentative du personnel.

A.  LES CONDITIONS DE MISE EN PLACE D’UNE INSTANCE UNIFIÉE DE REPRÉSENTATION DU PERSONNEL

Le chapitre premier, qui comprend trois nouveaux articles numérotés L. 2391-1 à L. 2391-3, précise les modalités de mise en place d’une instance unifiée représentative du personnel, issue du regroupement de deux ou trois des instances existantes dans l’entreprise, ainsi que ses attributions.

1.  Un regroupement à géométrie variable qui doit être déterminé par accord

Le nouvel article L. 2391-1 pose le cadre du regroupement des instances représentatives du personnel applicable dans les entreprises de plus de 300 salariés. Dans ces entreprises, un accord collectif peut prévoir le regroupement de deux des trois ou des trois instances représentatives du personnel existantes – à savoir, les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

La majorité requise pour la conclusion d’un tel accord est une majorité renforcée. En effet, l’accord doit avoir été signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections de titulaires au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Notons avant tout que la référence à la délégation unique du personnel (DUP) dans ce cas – qui peut sembler inappropriée s’agissant d’entreprises de plus de 300 salariés qui ne peuvent pas constituer de DUP – permet de prendre en compte l’hypothèse où l’employeur signerait un accord avec les organisations syndicales au moment où l’effectif de l’entreprise franchit le seuil de 300 salariés et que cette entreprise disposait jusqu’alors d’une DUP : en effet, dans ce cas, l’élection de référence permettant de s’assurer que les organisations signataires représentent bien au moins 50 % des suffrages exprimés est celle des représentants du personnel à la DUP.

Rappelons ensuite que la règle de droit commun exigible pour la validité d’un accord est la double-règle suivante, prévue à l’article L. 2232-12 :

– L’accord doit avoir été signé par un ou plusieurs syndicats de salariés représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel (DUP), ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;

– La validité de l’accord est subordonnée à l’absence d’opposition d’un ou de plusieurs syndicats de salariés représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants.

L’exigence d’une majorité renforcée, à hauteur de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, est liée à la sensibilité du sujet du regroupement des instances représentatives du personnel et à son impact important sur la vie de l’entreprise, d’où l’importance que cette question fasse l’objet d’un consensus suffisant. Une telle majorité renforcée est exigée aujourd’hui dans deux autres cas seulement : celui des accords de maintien de l’emploi (à l’article L. 5125-4 du code du travail) et dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (à l’article L. 1233-24-1 du même code).

Le regroupement n’est pas prédéterminé. Il revient à l’accord d’en définir les contours, la fusion pouvant donc recouvrir quatre configurations différentes :

– le regroupement du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;

– le regroupement des délégués du personnel et du comité d’entreprise ;

– le regroupement des délégués du personnel et du CHSCT ;

– et enfin, le regroupement des trois instances, comité d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT.

L’instance unifiée ainsi constituée a vocation à exercer l’ensemble des attributions des instances auxquelles elle se substitue.

L’instance unifiée ainsi constituée est dotée de la personnalité civile et de la capacité à gérer, le cas échéant, son patrimoine : si le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont chacun dotés de la personnalité civile (9), seul le comité d’entreprise est habilité à détenir et gérer un patrimoine, aux termes de l’article L. 2325-1. Ce n’est donc logiquement que si le regroupement des instances inclut le comité d’entreprise que la nouvelle instance unifiée aura vocation à assurer la gestion d’un patrimoine.

La mise en place de l’instance unifiée a lieu lors de la constitution ou du renouvellement de l’une des trois institutions. Concrètement, après la conclusion d’un accord organisant le regroupement de deux ou des trois instances représentatives du personnel, la mise en place de l’instance unifiée peut par exemple avoir lieu au plus prochain renouvellement de l’une des institutions représentatives du personnel.

L’accord doit enfin prévoir les conditions de la prorogation ou de la réduction des mandats des membres des institutions faisant l’objet d’un regroupement pour assurer la coïncidence de leur échéance avec la date de la mise en place de l’instance unifiée qui les remplace. Rappelons en effet que si le mandat des délégués du personnel comme des représentants élus du personnel au comité d’entreprise est de quatre ans (article L. 2314-26 pour les délégués du personnel et article L. 2324-24 pour le comité d’entreprise) et que les élections pour la désignation des représentants élus à ces deux instances ont lieu à la même date (article L. 2324-3), le mandat des représentants élus au CHSCT est quant à lui de deux ans (article R. 4613-5). En outre, il est, comme on l’a vu, possible de réduire la durée du mandat des délégués du personnel par accord collectif, ce qui conduit également à dissocier les durées respectives des mandats des membres du comité d’entreprise de ceux des délégués du personnel. Une harmonisation peut donc s’avérer indispensable.

2.  La problématique particulière des entreprises composées d’établissements distincts

Afin de répondre à la problématique particulière de certaines grandes entreprises composées d’établissements distincts, qui sont confrontées au foisonnement des instances représentatives du personnel à deux niveaux – celui de l’entreprise et celui des établissements –, le nouvel article L. 2391-2 prévoit que l’instance unifiée peut être mise en place au niveau d’un ou plusieurs établissements, et selon des modalités de regroupement qui peuvent être différentes en fonction de chaque établissement.

En l’absence d’accord d’entreprise, le nouvel article L. 2391-3 crée la possibilité pour un accord d’établissement de prévoir un tel regroupement au sein de l’établissement.

L’objectif est bien de donner aux partenaires sociaux une marge de souplesse suffisante pour tenir compte des spécificités de chaque entreprise et de chaque établissement. Ainsi, par exemple, il est tout à fait possible d’envisager qu’au sein d’une entreprise, un établissement prévoie le regroupement du comité d’entreprise et des délégués du personnel, un autre la fusion du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et un troisième aucun regroupement de ses instances.

A.  LA COMPOSITION ET L’ÉLECTION DE L’INSTANCE UNIFIÉE

Les règles relatives à la composition et à l’élection de l’instance unifiée représentative du personnel font l’objet du chapitre 2, qui comporte les nouveaux articles L. 2392-1 à L. 2392-3.

Le nouvel article L. 2392-1 prévoit que l’accord d’entreprise ou d’établissement qui initie le regroupement de deux ou trois des instances représentatives du personnel définit le nombre de représentants du personnel titulaires et suppléants qui ont vocation à être élus au sein de cette instance : un décret en Conseil d’État doit fixer des planchers en fonction de la taille de l’entreprise ou de l’établissement.

Le rapporteur regrette de ne pas avoir pu réunir d’éléments précis sur le niveau auquel seront fixés ces planchers, en fonction de la taille de l’entreprise, mais également du nombre d’instances regroupées. Il a néanmoins pu obtenir l’engagement que ces seuils ne seraient pas inférieurs à l’addition des effectifs actuels de chaque instance qui fera l’objet du regroupement.

Le tableau suivant retrace le nombre des délégués du personnel, ainsi que des représentants des salariés élus respectivement au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en fonction de la taille de l’entreprise. Notons que pour chacune des instances, le nombre de représentants suppléants est le même que le nombre de titulaires.

NOMBRE DE REPRÉSENTANTS TITULAIRES ÉLUS AU TITRE DE CHAQUE INSTITUTION REPRÉSENTATIVE DU PERSONNEL EN FONCTION DE LA TAILLE DE L’ENTREPRISE

Nombre de salariés de l’entreprise

Délégués du personnel

Comité d’entreprise

CHSCT

11 à 25

1

26 à 49

2

50 à 74

3

3 (dont 1 cadre)

75 à 99

3

4

100 à 124

4

5

125 à 174

5

175 à 199

6

200 à 249

4 (dont 1 cadre)

250 à 399

7

400 à 499

 

6

500 à 749

8

6 (dont 1 cadre)

750 à 999

9

7

1 000 à 1 499

+1 par tranche de 250 salariés

8

1 500 à 1 999

9 (dont 3 cadres)

2 000 à 2 999

9

3 000 à 3 999

10

4 000 à 4 999

11

5 000 à 7 499

12

7 500 à 9 999

13

À partir de 10 000

15

Le premier alinéa du nouvel article L. 2392-2 prévoit que les représentants syndicaux au comité d’entreprise assistent aux réunions de l’instance unifiée qui portent sur les attributions dévolues au comité d’entreprise.

Rappelons en effet qu’aux termes de l’article L. 2324-2, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, chaque syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement peut à tout moment désigner un représentant syndical au comité d’entreprise : ce ou ces représentants (en principe, un par syndicat) assistent aux séances du comité d’entreprise avec voix consultative. Il convient de les distinguer du délégué syndical qui est quant à lui soumis à conditions de score électoral aux dernières élections professionnelles. Dans le cas du représentant syndical au comité d’entreprise, les seules conditions exigées sont d’être âgé d’au moins 18 ans et de justifier d’une ancienneté d’au moins un an.

S’agissant des attributions traditionnellement dévolues au CHSCT, le second alinéa du nouvel article L. 2392-2 dispose que les personnes habilitées à assister aux réunions du CHSCT avec voix consultative assistent dans les mêmes conditions aux réunions de la nouvelle instance qui portent sur les attributions dévolues au CHSCT.

Rappelons qu’aux termes des articles L. 4613-1 et L. 4613-2, le CHSCT est composé de l’employeur, d’une délégation du personnel élue par un collège constitué par les membres élus du comité d’entreprise et les délégués du personnel, ainsi que par des personnes assistant avec voix consultative aux séances du comité, compte tenu de leur fonction dans l’établissement (dont obligatoirement le médecin du travail et l’inspecteur du travail).

La liste des membres à voix consultative est fixée par décret en Conseil d’État. Outre donc le médecin du travail et l’inspecteur du travail, prévus par la loi, ces membres sont les suivants :

– le responsable du service de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, l’agent chargé de la sécurité et des conditions de travail (article R. 4614-2) ;

– l’agent du service de prévention de l’organisme de sécurité sociale (article R. 4614-3) ;

– ainsi qu’à titre occasionnel, toute personne de l’établissement qui paraît qualifiée au CHSCT (article L. 4612-8-1).

Enfin, de la même manière qu’aux termes de l’article L. 4614-11, l’inspecteur du travail est prévenu de toutes les réunions du CHSCT et peut y assister, le nouvel article L. 4613-2 dispose qu’il peut assister aux réunions de la nouvelle instance unifiée pour les réunions portant sur les attributions du CHSCT.

Le nouvel article L. 2392-3 fixe enfin le cadre de l’élection des membres de l’instance unifiée représentative du personnel :

– lorsque le regroupement concerne le comité d’entreprise (autrement dit, en cas de fusion du comité d’entreprise et des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du CSHCT ou du comité d’entreprise, du CHSCT et des délégués du personnel), les élections se déroulent dans les conditions applicables aux élections du comité d’entreprise prévues aux articles L. 2324-1 à L. 2324-28 ;

– dans le seul autre cas possible, autrement dit, dans l’hypothèse d’une fusion du CHSCT et des délégués du personnel, les élections se déroulent dans les conditions prévues aux articles L. 2314-2 à L. 2314-25 pour l’élection des délégués du personnel.

B.  LE FONCTIONNEMENT DE L’INSTANCE UNIFIÉE REPRÉSENTATIVE DU PERSONNEL

Les nouveaux articles L. 2393-1 à L. 2393-3 regroupés au sein du chapitre 3 précisent le fonctionnement de l’instance unifiée représentative du personnel.

Le nouvel article L. 2393-1 fixe le cadre obligatoire de fonctionnement de l’instance, en renvoyant à l’accord d’entreprise ou d’établissement qui initie la fusion le soin de déterminer :

– le nombre minimal de réunions de l’instance, qui ne peut être inférieur à au moins une réunion tous les deux mois ;

– les modalités d’établissement et de communication de l’ordre du jour aux représentants du personnel ;

– le rôle respectif des membres titulaires et des membres suppléants de l’instance ;

– le nombre d’heures de délégation dont bénéficient les membres de l’instance pour l’exercice de leurs attributions, qui ne peut être inférieur à un plancher fixé par décret en Conseil d’État en fonction des effectifs de l’entreprise ou de l’établissement, et des compétences de l’instance ;

– le nombre de jours de formation dont bénéficient les membres de l’instance, qui ne peut être inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État ;

– et enfin, lorsque le regroupement concerne le CHSCT, l’accord fixe obligatoirement d’une part, la composition et le fonctionnement au sein de la nouvelle instance unifiée d’une commission d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail à laquelle peuvent être confiées tout ou partie des attributions reconnues au CHSCT ; et d’autre part, le nombre minimal de réunions de l’instance consacrées à ces matières, qui ne peut être inférieur à quatre par an.

Dans l’hypothèse d’une fixation par accord collectif du nombre de réunions au niveau du plancher légal, l’instance unifiée représentative du personnel se réunirait six fois par an : quatre de ces réunions seraient consacrées aux problématiques d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il s’agit là de ne pas marginaliser la prise en compte des conditions de travail et de la santé au travail dans le cadre de la nouvelle instance. Toutefois, a minima, cela conduirait à ne plus pouvoir consacrer que deux réunions à l’ensemble des autres questions, relatives à la situation économique et financière de l’entreprise, aux orientations stratégiques de l’entreprise, à l’emploi, à l’organisation du travail, à l’égalité professionnelle ou encore à la formation, etc.

Notons que la détermination par l’accord du nombre de jours de formation dont bénéficient les membres de l’instance regroupée revêt une importance particulière dès lors que tous les membres de l’instance seront amenés à se prononcer sur l’ensemble des sujets dont celle-ci sera saisie. Une formation spécifique et renforcée pourrait donc légitimement être envisagée dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence initiale des personnes concernées - sujets économiques pour les anciens membres du CHSCT et sujets relatifs à la santé et à la sécurité au travail pour les anciens membres du comité d’entreprise par exemple. À tout le moins faut-il espérer que le décret en Conseil d’État qui a vocation à fixer un plancher en la matière tienne bien compte de la nécessité de renforcer la formation pour garantir le bon fonctionnement de l’instance regroupée.

Le tableau suivant présente les règles actuellement applicables au fonctionnement de chacune des trois instances.

 

Délégués du personnel

Comité d’entreprise

CHSCT

Nombre minimal de réunions

– Au moins une fois par mois.

– Moins de 150 salariés : au moins une fois tous les 2 mois (sauf existence d’une DUP)

– Plus de 150 salariés : Au moins une fois par mois.

– À la demande de la majorité des membres du CE.

– Au moins une fois par trimestre à l’initiative du chef d’établissement ;

– À la suite de tout accident ;

– En cas d’événement grave lié à l’activité de l’établissement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement ;

– À la demande motivée de deux des membres du CHSCT

Modalités d’établissement et de communication de l’ordre du jour

– Obligation de convocation de l’ensemble des DP suffisamment tôt à l’avance pour qu’ils puissent être en mesure de communiquer leurs questions 2 jours avant la date de la réunion.

– À la demande des DP en cas d’urgence ou pour des questions spécifiques.

– ODJ arrêté conjointement par le président et le secrétaire. Les consultations obligatoires sont inscrites de plein droit à l’ODJ. Lorsque la réunion est convoquée à la demande des membres du CE, les questions jointes à cette demande figurent obligatoirement à l’ODJ.

– Convocation obligatoire de tous les membres du CE (titulaires, suppléants et représentant syndicaux) et communication de l’ODJ au moins 3 jours avant la séance.

– ODJ établi conjointement par le président et le secrétaire, sans possibilité de modification unilatérale par l’employeur

– ODJ transmis aux membres du CHSCT, à l’IT aux agents des services de prévention des OSS par le président au moins 3 jours avant la date de la réunion en cas de consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs et 15 jours avant dans les autres cas, sauf urgence.

– Les documents devant être examinés lors de la réunion doivent être joints à l’ODJ.

Rôle respectif des membres titulaires et suppléants

– Participation aux réunions des DP titulaires comme suppléants, mais de droit d’intervenir pour ces derniers, rôle limité à la formation et à l’information.

– Possibilité d’exprimer son avis pour tout membre du CE

– Droit de vote : seulement membres titulaires (suppléants seulement quand remplacent un titulaire).

 

Nombre d’heures de délégation

– Entre 11 et 49 salariés : 10 heures par mois.

– Au-delà de 50 salariés : 15 heures par mois.

– Quand les DP exercent les attributions économiques du CE, 20 heures par mois.

– 20 heures par mois pour les membres titulaires du CE et les représentants syndicaux au CE dans les entreprises d’au moins 501 salariés.

Jusqu’à 100 salariés : 2 heures par mois

De 100 à 300 salariés : 5 heures par mois

De 300 à 500 salariés : 10 heures par mois

De 500 à 1 500 salariés : 15 heures par mois

Au-delà de 1 500 salariés : 20 heures par mois.

Nombre de jours de formation

– Lorsqu’ils exercent les attributions économiques du CE, 5 jours de formation économique par an.

– Lorsqu’ils exercent les missions du CHSCT, 3 jours de formation par an dans les entreprises de moins de 300 salariés.

– 5 jours de formation économique pour les membres titulaires du CE nouvellement élus ou après 4 ans d’exercice de mandat.

Établissements d’au moins 300 salariés : formation initiale ou au renouvellement après 4 ans de mandat de 5 jours.

Établissements de moins de 300 salariés : 3 jours

À défaut d’accord sur les règles applicables en matière de nombre de représentants, de jours de formation et d’heures de délégation, le nouvel article L. 2393-3 prévoit que ces règles seront fixées par décret en Conseil d’État ; les autres règles de fonctionnement de l’instance (autrement dit, les règles relatives à la fréquence des réunions, aux modalités d’établissement et de communication de l’ordre du jour, au rôle respectif des membres titulaires et suppléants, à la composition et au fonctionnement d’une commission d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail le cas échéant, ainsi qu’à l’éventuelle mise en place des commissions qui sont traditionnellement celles du comité d’entreprise) obéiront aux règles prévues pour le comité d’entreprise lorsque la fusion concerne le comité d’entreprise, et à celles prévues pour le CHSCT lorsque le regroupement ne concerne pas le comité d’entreprise.

Votre rapporteur regrette de ne pas avoir pu obtenir d’informations plus précises quant aux niveaux auxquels seront définis ces différents seuils. Il espère vivement que les débats permettront d’apporter les garanties suffisantes.

Le nouvel article L. 2393-2 précise que l’accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir la mise en place des commissions spécifiques au comité d’entreprise : une commission économique (article L. 2325-23), une commission de la formation (article L. 2325-26), une commission d’information et d’aide au logement (article L. 2325-27) et une commission de l’égalité professionnelle (article L. 2325-34). Ces commissions peuvent être créées dans le cadre de la nouvelle instance unifiée, mais ne revêtent pas un caractère obligatoire. En revanche, dès lors que l’instance remplit les critères par ailleurs réunis par le comité d’entreprise pour la mise en place obligatoire d’une commission des marchés, la création d’une telle commission devient également obligatoire dans le cadre de l’instance unifiée.

Rappelons qu’aux termes de l’article L. 2325-34-1, une commission des marchés doit obligatoirement être mise en place dans les comités d’entreprise qui dépassent deux des trois seuils mentionnés au II de l’article L. 2325-45, autrement dit 50 salariés en équivalent temps plein, 1,55 million d’euros de bilan et 3,1 millions d’euros de ressources.

S’agissant des autres commissions, leur création obligatoire au sein du comité d’entreprise est soumise à la condition de dépassement d’un seuil d’effectifs pour l’entreprise : ce seuil est de 1 000 salariés pour la commission économique, de 200 salariés pour la commission de la formation et la commission de l’égalité professionnelle, et de 300 salariés pour la commission d’information et d’aide au logement. L’article 16 du présent projet de loi prévoir en outre de porter de 200 à 300 salariés le seuil de création obligatoire d’une commission de la formation et d’une commission de l’égalité professionnelle. En deçà de ces seuils respectifs, il est loisible au comité d’entreprise de créer de telles commissions (article L. 2325-22), mais cela reste une simple faculté.

La rédaction retenue par le nouvel article L. 2393-2 conduit à rendre totalement facultatives la mise en place de ces commissions – à l’exception notable de la commission des marchés – même dans les entreprises dépassant le seuil de 300 ou de 1 000 salariés.

C.  LES MODALITÉS DE SUPPRESSION DE L’INSTANCE UNIFIÉE DE REPRÉSENTATION DU PERSONNEL

Le chapitre IV comporte un nouvel article unique – l’article L. 2394-1 - qui explicite les conditions de suppression de l’instance de regroupement des institutions représentatives du personnel.

Rappelons la procédure classique applicable pour la dénonciation d’un accord. Elle est prévue aux articles L. 2261-9 et suivants : la dénonciation suppose avant tout le respect d’un préavis de trois mois et doit être notifiée par son auteur aux autres signataires de l’accord. En outre :

– Lorsque la dénonciation émane de la totalité des signataires employeurs ou de la totalité des signataires salariés, l’accord continue de produire des effets jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord qui se substitue à lui ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure. Une nouvelle négociation s’engage à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la date de la dénonciation de l’accord.

– Lorsque la dénonciation est le fait d’une partie seulement des signataires employeurs ou des signataires salariés, l’accord continue de s’appliquer aux autres parties signataires. Les dispositions de l’accord continuent de produire effet à l’égard des auteurs de la dénonciation jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée supérieure.

Il convient de noter que s’agissant d’un accord d’entreprise ou d’établissement organisant la mise en place d’une instance unifiée de représentation du personnel, il n’y a de toute évidence qu’une seule partie signataire du côté de l’employeur. Autrement dit, soit la dénonciation est le fait de l’employeur – ce qui n’est pas à exclure, mais ne semble pas le cas le plus probable –, soit elle est le fait de l’ensemble des signataires salariés, soit d’un ou d’une partie seulement d’entre eux.

Par dérogation à la procédure classique prévue à l’article L. 2261-10 (autrement la dénonciation qui émane de la totalité des signataires salariés), la dénonciation de l’accord d’entreprise ou d’établissement qui a initié le regroupement des institutions représentatives du personnel prend effet dès l’expiration du délai de préavis de trois mois. L’employeur est en conséquence tenu de procéder à l’élection des membres ou à la désignation des institutions auparavant regroupées. Les mandats des membres de l’instance unifiée sont prorogés jusqu’à la date de mise en place de ces institutions.

*

Lors de son examen du texte, et outre une série d’amendements rédactionnels et de coordination, votre commission a adopté deux amendements du rapporteur :

– le premier (AS 504) qui clarifie la possibilité de mettre en place par accord majoritaire une instance regroupée dans les entreprises des unités économiques et sociales (UES) de plus de 300 salariés, quel que soit par ailleurs l’effectif des entreprises en relevant ;

– le second (AS 492), qui précise, à l’instar de la rédaction retenue à l’article 8 pour la délégation unique du personnel (DUP), que les réunions que l’instance regroupée doit consacrer aux sujets relatifs à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail portent bien « en tout ou partie » sur ce sujet.

*

La Commission examine l’amendement AS328 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article permet de mettre en place un regroupement d’instances à géométrie variable. L’instance unifiée peut comprendre toutes les institutions représentatives du personnel ou seulement certaines d’entre elles, selon ce que l’accord prévoit. Ce regroupement donnera lieu à une nouvelle instance sui generis qui se substituera aux autres. Il s’agit d’un pas de plus vers la fusion des instances à laquelle nous sommes opposés.

M. le rapporteur. Je vous rappelle que ce regroupement est conditionné à la signature d’un accord « ultramajoritaire » puisqu’il requiert l’approbation d’organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

Cette exigence me semble être une garantie suffisante pour s’assurer de l’adhésion des organisations syndicales à tout projet de regroupement et prévenir toute fusion.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie des amendements identiques AS207 de M. Gérard Cherpion, AS258 de M. Francis Vercamer et AS397 de Mme Éva Sas.

M. Bernard Perrut. Cet amendement propose d’abaisser à 50 salariés le seuil à partir duquel le regroupement des instances est possible. Ce seuil est plus pertinent car il correspond à celui à partir duquel peuvent être désignés des délégués syndicaux, et donc négociés des accords collectifs. Pourquoi une entreprise de 150 salariés devrait-elle forcément choisir la DUP si elle est en capacité de négocier un regroupement d’instances ?

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI plaide pour la réduction des seuils. Le seuil de trois cents salariés semble inapproprié car il vient s’ajouter aux seuils existants, sans pour autant être commun aux autres pays européens, favorisant ainsi une possible concurrence déloyale. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux amendements déposés sur l’article 8.

M. Christophe Cavard. Nous souhaitons favoriser les accords d’entreprise pour les entreprises de moins de 300 salariés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les amendements sont identiques, bien que les approches ne soient pas forcément les mêmes. Cela étant, ce que vous proposez revient à supprimer la possibilité de recourir à une DUP. C’est un recul, y compris par rapport au droit existant.

La Commission rejette les amendements.

La Commission examine l’amendement AS4 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’article 9 prévoit la possibilité pour les entreprises de plus de 300 salariés de regrouper, par accord majoritaire, les différentes instances – CE, DP, CHSCT – en fonction de leur organisation particulière. Cet amendement inverse la logique en prévoyant que le regroupement des instances soit obligatoire. L’accord majoritaire entérine alors la mise en place du regroupement.

Cet amendement s’inscrit dans une volonté de simplification et d’allégement des contraintes s’imposant aux entreprises de plus de 300 salariés.

M. le rapporteur. En réalité, vous rendez obligatoire la conclusion d’un accord de fusion des institutions représentatives du personnel (IRP) dans les entreprises de plus de 300 salariés. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS52 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement AS215 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Un accord collectif d’entreprise majoritaire peut regrouper totalement ou partiellement les trois institutions de représentation du personnel, sous réserve que l’instance résultant du regroupement exerce l’ensemble des attributions des institutions concernées par ce regroupement.

Ces regroupements, qui vont permettre d’adapter le fonctionnement des instances représentatives aux besoins de l’entreprise, sont bénéfiques à leur compétitivité.

Il serait donc souhaitable de permettre aux entreprises n’ayant pas conclu d’accord, d’accéder à ce dispositif par accord de branche.

M. le rapporteur. Il est paradoxal, à propos de dialogue social, de prévoir qu’un accord de branche puisse s’imposer dans la fusion des IRP.

Il y a des spécificités propres à chaque entreprise. Objectivement, ce que vous proposez ne me semble pas constituer une avancée en termes de dialogue social tel que nous le définissons dans le texte.

M. Francis Vercamer. En inversant la hiérarchie des normes, M. le rapporteur va dans mon sens. Il considère que l’accord d’entreprise est supérieur à l’accord de branche puisqu’il ne veut pas que l’on intègre l’accord de branche dans le texte. Nous aurons sans doute sur ce sujet un débat en séance publique.

M. le rapporteur. En l’occurrence, nous parlons de l’organisation des IRP dans l’entreprise. Je ne suis pas sûr que le débat que vous évoquez ait la teneur que vous attendez…

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS53, AS54 et AS55 de M. le rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS313 de Mme Jacqueline Fraysse.

La Commission examine l’amendement AS504 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose que la possibilité de regrouper les IRP soit ouverte aux entreprises relevant d’une unité économique et sociale de plus de 300 salariés. Il précise les conditions dans lesquelles il est possible d’opérer ce regroupement, soit par accord d’entreprise au niveau des entreprises elles-mêmes, soit par le biais d’un accord commun au sein de l’unité économique et sociale.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS56, AS57 et AS58 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement AS308 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement propose que le nombre d’élus dans les délégations uniques du personnel (DUP) de plus de 300 salariés ne puisse pas être inférieur à l’addition du nombre des élus des différentes instances. Nous en avons déjà parlé ce matin.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avis défavorable. Je ne reprendrai pas les arguments développés ce matin : Je considère pour ma part que, globalement, les moyens sont là. Mme Fraysse voudrait qu’ils soient analysés instance par instance.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS59, AS60, AS61, AS62 et AS63 du rapporteur.

La Commission est saisie des amendements identiques AS149 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi et AS311 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. L’amendement AS149 est défendu. Nous en avons largement débattu ce matin.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS311 vise à garantir une réunion de la délégation unique du personnel par mois plutôt que tous les deux mois.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS64 et AS65 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement AS312 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je propose que le nombre total des heures ne puisse en aucun cas être inférieur à l’addition du nombre d’heures accordées aux élus dans chaque institution lorsque celles-ci sont déjà mises en place.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS492 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement revient sur les quatre réunions spécifiques consacrées aux sujets relevant des CHSCT. À l’instar de la rédaction prévue à l’article 8 pour les réunions de la DUP élargie sur les sujets relatifs à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, cet amendement propose de préciser que ces réunions seront bien consacrées « en tout ou partie » à ces sujets. Ce faisant, nous mettons en avant l’importance du CHSCT.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AS150 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Amendement de cohérence avec mon amendement AS149.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS66, AS67, AS68, AS69, AS70 et AS71 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 9 modifié.

*

Après l’article 9

La Commission est saisie de l’amendement AS208 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. La représentation du personnel, dont l’utilité n’est pas remise en cause, ne doit pas gêner la bonne marche interne de l’entreprise du fait des absences des salariés qu’elle induit par nature. Pour cette raison, il convient de poser un principe général de proportionnalité entre le nombre de salariés occupant des mandats représentatifs et le nombre total de salariés de l’entreprise.

M. le rapporteur. Ce que vous proposez figure déjà dans le droit actuel : le nombre de représentants du personnel est entièrement corrélé à la taille de l’entreprise. Je vous renvoie au commentaire de l’article 9 et au tableau y afférent, qui rappellent ces éléments. J’avoue ne pas comprendre l’objet de cet amendement puisqu’il est satisfait. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

*

Article 10
(art. L. 2323-3, L. 2327-2, L. 2327-15, L. 4616-1 et L. 4616-3 du code du travail)

Clarification des compétences des institutions représentatives du personnel

Cet article se propose de clarifier les compétences respectives des instances représentatives du personnel dans les entreprises composées d’établissements distincts. En effet, dans ce cadre, il existe deux niveaux de représentation du personnel : celui de l’établissement, et celui de l’entreprise. Or, il n’apparaît pas toujours clairement, en fonction des mesures envisagées, s’il convient de consulter le comité central d’entreprise, les comités d’établissement ou les deux, ni le cas échéant, dans quel ordre il convient de les consulter.

Il s’agit donc de clarifier ce point, en précisant les compétences respectives des comités d’établissement et du comité central d’entreprise. La même clarification est opérée pour les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et l’instance temporaire de coordination des CHSCT, lorsqu’une telle instance est mise en place.

I. LES MODALITÉS DE REPRÉSENTATION DU PERSONNEL DANS LES ENTREPRISES COMPOSÉES D’ÉTABLISSEMENTS DISTINCTS

D’après les données de la DARES, en 2012, parmi les 1 415 758 entreprises en activité, 76 074, soit 5,4 % d’entre elles sont composées de plusieurs établissements distincts. Ces données montrent également que 79 % des entreprises de plus de 300 salariés ou plus sont multi-établissements, contre seulement 5,1 % des entreprises de moins de 300 salariés.

A.  LES CONDITIONS DE MISE EN PLACE D’UN COMITÉ CENTRAL D’ENTREPRISE ET DE COMITÉS D’ÉTABLISSEMENT

Dès lors qu’une entreprise comporte des établissements distincts, un comité d’établissement doit être mis en place au sein de chacun d’eux et un comité central d’entreprise doit être institué au niveau de l’entreprise. C’est ce que prévoit l’article L. 2327-1 du code du travail.

Cette définition, en apparence simple, est pourtant source d’une grande incertitude et de contentieux. En effet, la loi ne donne aucune définition de la notion d’établissement distinct, qui a donc été circonscrite par la jurisprudence sur la base de la réunion de plusieurs critères.

S’agissant du comité d’entreprise, le Conseil d’État (10) a dégagé trois critères cumulatifs de définition de l’établissement distinct : une implantation géographique distincte, une certaine stabilité et un degré d’autonomie suffisant permettant le fonctionnement de l’instance pour l’exécution du service et la gestion du personnel. Si les deux premiers critères ne sont pas déterminants, le dernier, en revanche, l’est : l’autonomie est elle-même établie par l’existence d’une comptabilité propre (bien que cet élément ne soit plus systématiquement pris en compte), de pouvoirs en matière de gestion du personnel et de pouvoirs de décision dans l’exécution du service.

S’agissant des délégués du personnel, la Cour de cassation (11) estime que dans la mesure où ils représentent une instance de proximité, le critère à retenir pour la caractérisation d’un établissement distinct réside l’existence d’un regroupement de salariés (au moins onze) constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des réclamations communes et spécifiques et travaillant sous la direction d’un représentant de l’employeur, peu important que celui-ci ait ou non le pouvoir de se prononcer sur ces réclamations.

Enfin, concernant le CHSCT, la Cour de cassation (12) estime que le cadre de sa mise en place doit représenter une communauté géographique et sociale assez homogène pour permettre des contacts faciles entre les membres du comité et les salariés qu’ils représentent.

Ce flou est encore accentué par le fait que le caractère d’établissement distinct doit être reconnu, et qu’il peut donc également être perdu, selon les mêmes modalités. La reconnaissance d’un établissement distinct doit ainsi avoir fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les syndicats intéressés sous une condition de double majorité, à savoir d’une part, qu’il doit avoir été signé par la majorité des syndicats intéressés ayant participé à sa négociation et d’autre part, que parmi les signataires doivent figurer les syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles (ou si ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des syndicats représentatifs dans l’entreprise). À défaut d’accord et si au moins un syndicat a accepté l’invitation à négocier sur ce point, la décision est confiée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Si aucun syndicat n’a répondu à l’invitation à négocier, la décision relève de l’employeur.

B.  LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX NIVEAUX DE REPRÉSENTATION DU PERSONNEL

1.  Une répartition des compétences liée à la composition respective des deux types d’instances

Le comité d’établissement obéit strictement aux mêmes règles que le comité d’entreprise, que ce soit pour sa composition ou son fonctionnement (articles L. 2327-17 et L. 2327-19). Il est doté de la personnalité civile, et peut désigner un expert-comptable chargé d’examiner les comptes de l’établissement.

Le comité central d’entreprise (CCE), présidé par l’employeur, comprend une délégation élue des comités d’établissement, ainsi qu’un représentant de chaque organisation syndicale représentative au niveau de l’entreprise qui assiste avec voix consultative aux séances du CCE (article L. 2327-6). Sauf accord entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives, le nombre de membres du CCE, qui est alors fixé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ne peut excéder 20 titulaires et 20 suppléants comme le prévoit l’article L. 2327-3.

Les délégués au CCE sont élus tous les quatre ans, après l’élection générale des membres des comités d’établissement, par les seuls membres titulaires des comités d’établissement et parmi eux. Aux termes de l’article L. 2327-7, il revient à l’accord soumis à condition de double majorité – déjà évoquée – de fixer le nombre d’établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories d’emplois. Cette répartition est confiée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi en l’absence d’accord mais si au moins un syndicat a répondu à l’invitation à négocier. À défaut de réponse des syndicats, la décision revient à l’employeur.

Les ingénieurs et cadres disposent, conformément aux dispositions des articles L. 2327-4 et L. 2327-5, de sièges réservés au CCE, qui dépendent du poids que représente cette catégorie dans l’entreprise et dans un établissement.

Le CCE est donc en quelque sorte une émanation des comités d’établissement. Il est par conséquent assez logique qu’une répartition des compétences s’opère entre ces deux niveaux de représentation, en fonction des sujets abordés.

2.  La répartition des compétences entre CCE et comités d’établissement

S’agissant des attributions d’ordre social, les comités d’établissement assurent et contrôlent la gestion de toutes les activités sociales et culturelles, mais peuvent confier au CCE la gestion d’activités communes sur le fondement d’une convention conclue entre les deux niveaux d’instances.

S’agissant des attributions économiques, aux termes de l’article L. 2327-2, le CCE exerce celles qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement. Il est également informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers concernant l’entreprise, notamment en cas d’offre publique d’acquisition (OPA). Les comités d’établissement n’exercent leurs attributions économiques que dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs d’établissement (article L. 2327-15).

Toutefois, comme pour la reconnaissance du caractère d’établissement distinct, une fois cette définition posée, il reste à savoir ce que recouvrent réellement les limites des pouvoirs des chefs d’établissement, afin de pouvoir déterminer précisément ce qui excède ces limites et ce que ces limites comprennent. Ceci n’est pas chose aisée dans la réalité. En effet, très souvent, un projet envisagé à l’échelle de l’entreprise peut avoir des conséquences spécifiques sur un ou plusieurs établissements.

Cette forte imbrication des compétences des deux niveaux a donné lieu à une importante et complexe jurisprudence, qui a notamment jugé qu’une double consultation du CCE et des comités d’établissement s’imposait en présence d’une mesure générale à l’entreprise mais qui suppose des mesures d’adaptation au niveau d’un ou plusieurs établissements, ou si la mise en œuvre de cette mesure implique l’élaboration de dispositions particulières relevant normalement du chef d’établissement (Cass. crim., 26 juillet 1988 et Cass. soc., 5 juillet 2006 et 1er avril 2008). Seul le comité d’établissement est consulté si la mesure est spécifique à l’établissement (Cass. soc., 3 février 1981), ce qui ressort également de la circulaire DRT 12 du 30 novembre 1984 qui précise que le CCE n’est pas consulté sur les mesures purement locales. Enfin, une mesure générale à l’entreprise qui n’implique aucune disposition particulière relevant des chefs d’établissement ne conduit à la consultation que du seul CCE (Cass. soc., 17 janvier 1984).

Ce partage des compétences peut donc se révéler complexe dans la pratique et conduit souvent dans les faits à une double consultation. Dans ce cas, deux autres problèmes se posent également : d’une part, le problème de l’ordre des consultations, et d’autre part, le problème du contenu des consultations.

● Dans l’hypothèse d’une double consultation, la loi reste silencieuse sur l’ordre dans lequel ce processus doit être mené. La jurisprudence considère que l’ordre choisi doit permettre à chacune des instances représentatives de bénéficier des informations nécessaires pour donner son avis éclairé sur le projet en cours (TGI Versailles, 5 mai 2006). Pour garantir ce principe de bonne information, ne faudrait-il pas alors, dans l’idéal, que les comités d’établissement puissent être informés de la teneur de l’avis du CCE sur le projet en question pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, et inversement, le CCE n’a-t-il pas besoin de disposer des avis des instances locales pour pouvoir se prononcer de manière éclairée ? Un tel principe poussé à ses limites supposerait des allers-retours permanents entre le niveau central et le niveau local, concrètement ingérables.

● La même complexité préside au contenu des consultations du CCE et des comités d’établissement. La jurisprudence considère qu’en cas de double consultation, le CCE est consulté sur le projet lui-même, alors que les comités d’établissement n’ont vocation à donner leur avis que les conditions de sa mise en œuvre dans l’établissement concerné ou sur les mesures propres à l’établissement dans le cadre de ce projet (Cass. soc., 5 juillet 2006). Il peut toutefois être difficile en pratique pour un comité d’établissement de ne pas se prononcer sur la teneur même du projet à l’aune de ses implications au niveau local. Inversement, il peut être assez théorique pour un CCE de se prononcer sur un projet dans sa globalité sans réellement prendre en considération et juger des implications de ce projet au niveau des établissements concernés.

S’agissant des informations communiquées à chaque niveau d’instance, le comité d’établissement est destinataire des informations économiques trimestrielles ou semestrielles, tandis que le CCE est destinataire de l’ensemble de la documentation économique et financière, du rapport d’ensemble sur la situation économique ainsi que des documents comptables. Le comité d’établissement est néanmoins doté de la personnalité civile et peut recourir à un expert-comptable rémunéré par l’employeur pour examiner les comptes de l’établissement. Toutefois, seul le CCE peut se prévaloir de l’exercice du droit d’alerte.

Enfin, il convient de signaler que la loi fixe une procédure spécifique de consultation dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) : en effet, aux termes de l’article L. 1233-36, la consultation du CCE et des comités d’établissement est obligatoire « dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d’établissement ou portent sur plusieurs établissements simultanément ». Dans ce cas, le CCE est consulté d’abord et les comités d’établissement le sont dans un second temps, à l’issue des délais préfixes prévus à l’article L. 1233-30. Si la désignation d’un expert-comptable est envisagée, elle est effectuée au niveau du CCE ; les conditions et délais applicables à l’expertise en matière de PSE s’appliquent également pour l’expertise effectuée par le CCE (articles L. 1233-34 et L. 1233-35).

C.  LE RÔLE DE L’INSTANCE DE COORDINATION DES CHSCT

L’article 8 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a autorisé la mise en place par l’employeur d’une instance temporaire de coordination des CHSCT dans le cadre de projets communs à plusieurs établissements qui requièrent par ailleurs la consultation du CHSCT.

Une instance temporaire de coordination des CHSCT peut ainsi être mise en place lorsqu’un projet concerne plusieurs établissements et qu’il donne lieu aux consultations légalement obligatoires suivantes :

– avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L. 4612-8) ;

– sur tout projet d’introduction de nouvelles technologies et sur les conséquences de ce projet ou de cette introduction sur la santé et la sécurité (article L. 4612-9) ;

– sur le plan d’adaptation établi lors de la mise en œuvre de mutations technologiques importantes et rapides (article L. 4612-10) ;

– sur toute question de la compétence du CHSCT dont il est saisi par l’employeur, le comité d’entreprise et les délégués du personnel (article L. 4612-13).

Cette instance a pour mission d’organiser le recours à une expertise unique (article L. 4616-1) sur la base de laquelle elle peut rend un avis, l’ensemble des CHSCT des établissements concernés par le projet continuant obligatoirement de rendre un avis propre en aval. Il s’agit simplement par ce biais d’éviter la multiplication des expertises au niveau de chaque établissement.

Les missions de cette instance de coordination cessent une fois la consultation sur le projet spécifique achevée.

D’après les informations recueillies par la direction générale du travail (DGT), depuis la mise en place de ce dispositif, entre 85 et 90 expertises uniques ont été conduites, qui concernent :

– pour 35 % d’entre elles, des restructurations avec un impact sur l’emploi ;

– pour 55 % d’entre elles, des réorganisations, autrement dit, sans impact sur l’emploi ;

– et pour 10 % d’entre elles, la mise en place de nouvelles technologies.

Il s’agit essentiellement d’un outil privilégié par les grandes entreprises, puisque 70 % des expertises inventoriées ont été menées dans des entreprises de plus de 1 000 salariés.

D’après les informations recueillies par votre rapporteur au cours de ses auditions, les délais de mise en place de ce type d’instance se révèlent souvent trop longs, en particulier dans le cadre de projets de restructurations : il peut en effet arriver que l’instance de coordination ne puisse fonctionner qu’une fois le projet de restructuration déjà quasiment achevé.

II. UNE MEILLEURE ARTICULATION DU NIVEAU DE REPRÉSENTATION LOCAL AVEC LE NIVEAU DE REPRÉSENTATION CENTRAL

A.  UNE CLARIFICATION DES RÔLES RESPECTIFS DU CCE ET DES COMITÉS D’ÉTABLISSEMENT

L’article 10 entend clarifier les compétences respectives du comité central d’entreprise (CCE) et des comités d’établissement.

Le II modifie l’article L. 2327-2 relatif aux attributions du CCE.

Le procède à une simple coordination relative à la compétence du CCE en cas de dépôt d’une offre publique d’acquisition, pour tenir compte des modifications apportées par l’article 13 du projet de lui : celui-ci procède en effet à une nouvelle numérotation des articles afférents, qui figureront désormais aux articles L. 2323-35 à L. 2323-45.

Le du II clarifie les pouvoirs du CCE, en précisant qu’il est seul consulté :

– sur les projets décidés au niveau de l’entreprise et qui ne comportent pas de mesures d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements au sein de l’entreprise ;

– s’agissant des projets décidés au niveau de l’entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en œuvre qui doivent faire l’objet d’une consultation propre au niveau approprié ne sont pas encore définies.

Le III est relatif aux compétences du comité d’établissement : il modifie l’article L. 2327-15 en procédant avant tout à une modification rédactionnelle de passage au singulier de l’ensemble de l’article, sans modifier la définition usuelle du rôle du comité d’établissement qui est d’exercer les mêmes attributions que le comité d’entreprise dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces mêmes établissements.

Il dispose ensuite que le comité d’établissement est consulté sur les mesures d’adaptation des projets décidés au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef d’établissement.

Enfin, il apporte les précisions nécessaires s’agissant de l’ordre de consultation des différentes instances en cas de double-consultation nécessaire. Ainsi, lorsqu’il y a lieu de consulter à la fois le comité central d’entreprise et un ou plusieurs comités d’établissement, l’avis rendu par chaque comité d’établissement est transmis au comité central d’entreprise, dans des délais fixés par décret en Conseil d’État.

D’après les informations recueillies par votre rapporteur, ces délais devront en tout état de cause tenir compte du principe communautaire de l’effet utile des procédures d’information et de consultation posé par la directive 2002/14/CE relative à l’information et à la consultation des travailleurs.

Les principes fixés par la directive 2002/115/CE relative à l’information et à la consultation des travailleurs

Cette directive prévoit en particulier dans son article 4.3 que « l’information s’effectue à un moment, d’une façon et avec un contenu appropriés, susceptibles notamment de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation ».

Son article 4.4 prévoit également que « la consultation s’effectue :

a) à un moment, par des moyens et un contenu appropriés ;

b) au niveau pertinent de direction et de représentation, en fonction du sujet traité ;

c) sur la base des informations fournies par l’employeur (…) et de l’avis que les représentants des travailleurs ont le droit de formuler ;

d) de façon à permettre aux représentants des travailleurs de se réunir avec l’employeur et d’obtenir une réponse motivée ».

De la même manière que pour les délais préfixes s’appliquant aux consultations du comité d’entreprise (article L. 2323-3), ils fixeront les délais à l’expiration desquels les comités d’établissement seront réputés avoir été consultés et avoir rendu un avis négatif.

Autrement dit, les comités d’établissement sont consultés d’abord, et leur position est transmise au niveau central : le choix a donc été fait de privilégier une circulation de l’information ascendante. En effet, lorsqu’il y a lieu de recourir à une double consultation, il est important de mettre le comité central d’entreprise (CCE) en mesure de prendre en compte l’avis des comités d’établissement. Le CCE ayant à se prononcer sur l’économie globale des projets à l’échelle de l’entreprise, il est important que sa vision puisse être alimentée par les retours des établissements lorsque le projet en question comporte des modalités d’application spécifiques à ces derniers. Remarquons que l’ordre retenu est inverse de celui qui a été retenu dans le cadre des plans de sauvegarde de l’emploi pour lesquels l’article L. 1233-36 prévoit que les comités d’établissement tiennent leurs réunions après le CCE. Une circulation de l’information descendante est en effet pertinente dans ce cas précis, et permet de faire respecter les délais préfixes dont le point de départ est la première réunion du CCE.

Enfin, le I applique explicitement au comité central d’entreprise les délais impartis au comité d’entreprise pour rendre ses avis. Ces derniers ont été mis en place dans le cadre de l’article 8 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

En effet, l’article L. 2323-3 précise le rôle du comité d’entreprise dans le cadre de ses attributions consultatives : celui-ci émet en effet des avis et des vœux et dispose d’un délai d’examen suffisant. Le troisième alinéa précise ces délais s’agissant de l’ensemble des informations-consultations légalement obligatoires du comité d’entreprise : il prévoit ainsi que sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise ou, le cas échéant, le CCE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité ou, à défaut d’accord, un décret en Conseil d’État fixe les délais dans lesquels les avis du comité d’entreprise sont rendus. En tout état de cause, ces délais ne peuvent être inférieurs à quinze jours.

Sans modifier aucunement ces délais, le du I précise que ces délais s’appliquent également au comité central d’entreprise.

En conséquence, le du I, qui prévoit qu’à l’expiration de ces délais, le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif, précise que cet avis négatif tacite peut donc logiquement aussi concerner le comité central d’entreprise.

A.  LA CLARIFICATION DU RÔLE DE L’INSTANCE DE COORDINATION DES CHSCT

Les IV et V procèdent à la même clarification des compétences que celle opérée entre les comités d’établissement et le CCE pour l’instance de coordination des CHSCT, lorsque celle-ci existe, et les CHSCT.

Si le du IV procède à une simple modification rédactionnelle de l’article L. 4616-1 relatif aux conditions de mise en place d’une instance de coordination des CHSCT, le substitue à ce qui n’est aujourd’hui pour l’instance de coordination des CHSCT qu’une possibilité l’obligation de rendre un avis à l’issue de l’expertise. Il précise également que l’instance de coordination est seule compétente pour désigner cet expert. Cette idée est déjà présente dans la rédaction actuelle de l’article, puisqu’il est question d’une « expertise unique » et que telle est précisément la vocation de la mise en place d’une instance de coordination des CHSCT.

On notera que le champ de la mise en place de l’instance de coordination n’évolue pas et concerne toujours les quatre mêmes types de projets ou de questions.

Le du IV procède à la même clarification des compétences de l’instance de coordination des CHSCT que celle qui est opérée pour le CCE au 2° du II : il prévoit en effet que l’instance temporaire de coordination des CHSCT, lorsqu’elle existe, est seule consultée sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements. Les CHSCT concernés ne sont consultés que sur les éventuelles mesures d’adaptation du projet spécifiques à leur établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.

Le V modifie l’article L. 4616-3 relatif à l’expertise unique demandée par l’instance de coordination des CHSCT et à l’avis qu’émet cette dernière. En effet, l’expert désigné l’est obligatoirement dès la première réunion de l’instance de coordination. Le du V tire simplement les conséquences du caractère désormais obligatoire de l’avis de l’instance de coordination, en supprimant la mention selon laquelle cet avis est rendu « le cas échéant ».

Alors que le rapport de l’expert et l’avis de l’instance de coordination sont pour l’heure transmis par l’employeur aux CHSCT concernés par le projet qui rendent leur avis sur le fondement de ces deux documents, le du V prévoit de renforcer la place des avis des différents CHSCT en prévoyant que lorsqu’il y a lieu de consulter à la fois l’instance de coordination et un ou plusieurs CHSCT, chaque CSHCT rend un avis, qui est également transmis à l’instance de coordination des CHSCT dans des délais fixés par décret en Conseil d’État.

L’avis de l’instance de coordination est rendu obligatoire et se substitue aux avis des CHSCT concernés par le projet commun ; seuls demeurent consultés à leur niveau propre les CHSCT concernés par des mesures d’adaptation spécifiques. L’instance étant seule consultée sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements, il est essentiel qu’elle dispose de l’avis de ces CHSCT avant de pouvoir se prononcer sur l’ensemble du projet.

Néanmoins, le rapport d’expertise de l’instance continuera d’être transmis à l’ensemble des CHSCT concernés par le projet commun, notamment au titre des informations nécessaires pour l’exercice de leurs fonctions, telles que prévues à l’article L. 4614-9.

Les délais en question devront également être fixés dans le respect du principe de l’effet utile issu du droit communautaire. Le rapporteur a obtenu du Gouvernement la garantie que sera respecté l’équilibre entre l’objectif de fluidité et d’efficacité de la procédure d’une part, et celui de donner aux différentes instances concernées un temps raisonnable pour préparer et rendre leur avis dans de bonnes conditions d’autre part.

*

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (AS 513) qui prévoit une information spécifique des comités d’établissement dans le cadre d’un projet décidé au niveau de l’entreprise et qui implique la consultation du seul comité central d’entreprise (CCE) : dans ce cadre, les comités d’établissement resteraient néanmoins informés de la teneur du projet et seraient destinataires de l’avis du CCE.

*

La Commission examine l’amendement AS513 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose de prévoir que, dans le cas où un projet décidé au niveau de l’entreprise ne comporterait pas de mesures d’adaptation spécifiques aux établissements, les comités d’établissement puissent demeurer informés de la teneur de ce projet global, même en l’absence d’une consultation formelle à ce titre – ce qui, en effet, ne s’impose pas. Il est proposé de préciser que, dans ce cas, l’avis du comité central d’entreprise (CCE), accompagné des documents relatifs au projet, est transmis aux comités d’établissement.

C’est une manière de s’assurer que l’information en amont sera assurée.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

*

Article 11
(art. L. 4611-1, L. 4612-8, L. 4612-8-1, L. 4613-1, L. 4614-2,
L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail)

Dispositions relatives au CHSCT

Les dispositions légales relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) figurent aux articles L. 4611-1 à L. 4614-6 du code du travail.

Créé par la dernière des quatre lois « Auroux » – la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail –, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a vu son rôle se consolider, puis s’approfondir de manière conséquente au fil du temps, surtout dans les quinze dernières années, comme le note le récent rapport de Pierre-Yves Verkindt remis au ministre chargé du travail sur le sujet (13).

Ce rapport établit que si le CHSCT a connu une montée en puissance continue liée au développement des impératifs de sécurité et de santé au travail mais aussi de l’amélioration des conditions de travail, il connaît aujourd’hui une « crise de croissance », qui tient à plusieurs raisons, et est confronté à une série de questionnements essentiels sur ses raisons d’être et la manière dont il assume ses fonctions.

La première difficulté tient à l’impact du seuil d’effectifs déclenchant l’obligation de mettre en place un CHSCT : en effet, les entreprises dont l’effectif n’atteint pas cinquante salariés ne sont pas, en principe, couvertes par une telle instance. Si les délégués du personnel – dont l’élection est, rappelons-le, en principe obligatoire dans les entreprises ou établissements d’au moins onze salariés – peuvent, en l’absence de CHSCT, endosser certaines fonctions du comité, il n’en demeure pas moins que les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail sont aussi importantes dans les entreprises de moins de onze salariés que dans les plus grandes entreprises.

Le deuxième obstacle réside dans la difficulté rencontrée par de nombreux CHSCT à se saisir véritablement des questions de conditions de travail et à l’insuffisante formation de ses membres sur des sujets qui sont souvent relativement techniques.

Des défis importants doivent donc être relevés pour répondre à ces difficultés, et qui relèvent de questions fondamentales, entre autres : doit-on modifier le mode de désignation des membres du CHSCT, aujourd’hui élus par un collège formé de membres élus du comité d’entreprise et des délégués du personnel ? Comment permettre une couverture des entreprises de petite taille par un CHSCT ? Faut-il envisager la mise en place d’un CHSCT central dans les entreprises à forme complexe, à l’instar du comité central d’entreprise et des comités d’établissement ? Faut-il que le CHSCT dispose d’un budget de fonctionnement ? Faut-il revoir les conditions et les modalités de recours à une expertise du CHSCT ?

Afin de répondre à certaines de ces questions fondamentales pour l’avenir du CHSCT, le présent article apporte trois séries de modifications importantes pour la mise en place et le fonctionnement du comité. Il propose ainsi :

– que l’ensemble des salariés d’une entreprise de plus de 50 salariés soient bien couverts par un CHSCT ;

– que la durée du mandat des membres élus du CHSCT, aujourd’hui de deux ans, soit alignée sur celle qui prévaut pour les autres instances représentatives du personnel – délégués du personnel et comité d’entreprise –, soit quatre ans ;

– et enfin, que le fonctionnement du CHSCT soit amélioré par l’adoption d’un règlement intérieur et par la définition des principes de la prise de décision au sein de cette instance, y compris la fixation de délais au terme desquels son avis est supposé avoir été rendu, à l’instar de ce qui prévaut pour le comité d’entreprise.

A.  LE PRINCIPE DE LA COUVERTURE DE TOUS LES SALARIÉS DES ENTREPRISES DE PLUS DE 50 SALARIÉS PAR UN CHSCT

L’article L. 4611-1 fixe les conditions de mise en place d’un CHSCT : un tel comité doit en effet être constitué dans tout établissement d’au moins 50 salariés, cette condition devant avoir été remplie pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes. Cette rédaction peut laisser penser que les entreprises n’ayant aucun établissement atteignant le seuil de 50 salariés ne sont pas tenues de mettre en place un CHSCT.

Il existe toutefois déjà des dérogations légales à ce seuil. En effet, en vertu de l’article L. 4611-4, l’inspecteur du travail peut imposer la création d’un CHSCT dans des établissements de moins de 50 salariés dès lors que cette mise en place apparaît nécessaire, « notamment en raison de la nature des travaux, de l’agencement ou de l’équipement des locaux ». Cette possibilité est en réalité peu utilisée, comme le note le rapport de M. Pierre-Yves Verkindt, car les conditions relatives à l’existence d’un collège désignatif et à la présence d’un représentant de l’employeur doivent être réunies. Ensuite, l’article L. 4611-6 prévoit que les entreprises de moins de 50 salariés peuvent se regrouper sur un plan professionnel ou interprofessionnel pour constituer un CHSCT interentreprises commun. Enfin, il convient d’indiquer qu’aux termes de l’article L. 4611-3, dans les établissements de moins de 50 salariés, les délégués du personnel sont investis des missions dévolues aux membres du CHSCT et sont soumis aux mêmes obligations : d’une part, cela signifie toutefois dans la pratique que ces missions ne sont assumées par personne dans les entreprises de moins de onze salariés, puisqu’elles ne disposent pas de délégué du personnel ; d’autre part, dans ce cas, les délégués du personnel ne bénéficient d’aucun crédit d’heures spécifique afférent aux missions qui leur incombent au titre du CHSCT. En effet, ce n’est que lorsque des délégués du personnel exercent les missions du CHSCT dans un établissement de plus de 50 salariés, à défaut de la mise en place d’un tel comité, qu’ils bénéficient d’un crédit d’heures spécifique à ce titre, à hauteur de deux heures par mois.

Cette situation est donc problématique au regard de l’importance qu’il y a pour les salariés à être couverts par un CHSCT : car comme le rappelle le rapport Verkindt, « il n’y a pas de corrélation entre la taille de l’entreprise et la dangerosité de l’activité ou la qualité des conditions de travail. Dans les entreprises de petite taille ou de très petite taille, l’absence de représentation du personnel constitue sur le plan de la protection de la santé un handicap certain d’autant que les employeurs eux-mêmes, vivant dans la contrainte et l’insécurité économiques permanentes, manquent d’aides pour assumer leurs responsabilités en matière de sécurité ».

Dans un arrêt du 19 février 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation a enfin écarté l’interprétation stricte de l’article L. 4611-1 en précisant que tout salarié dont l’entreprise compte au moins 50 salariés doit relever d’un CHSCT. La Cour de cassation pose donc le principe selon lequel, dès lors que l’effectif global de l’entreprise dépasse ce seuil, un CHSCT doit couvrir toute l’entreprise.

Outre qu’une évolution des conditions de mise en place du CHSCT apparaît souhaitable, une clarification du texte législatif s’avère donc indispensable au regard de cette nouvelle jurisprudence.

Le I modifie donc le premier alinéa de l’article L. 4611-1 pour consacrer le principe selon lequel tous les salariés des entreprises de plus de 50 salariés doivent être couverts par un CHSCT. Le texte actuel prévoit d’ores et déjà qu’un CHSCT est constitué dans tout établissement d’au moins 50 salariés. Cela implique donc que toute entreprise mono-établissement dépassant le seuil de 50 salariés soit donc soumise à cette obligation. Néanmoins, la rédaction actuelle ne renvoie pas expressément à un seuil d’effectifs pour les entreprises, mais seulement pour les établissements : c’est pourquoi le choix a été fait de prévoir explicitement que les entreprises de plus de 50 salariés mettent en place un CHSCT dans leurs établissements d’au moins 50 salariés, tout en précisant que « tous les salariés de ces entreprises sont rattachés à un de ces CHSCT ». Cette dernière précision apporte une modification de taille, puisqu’elle conduit, dans les entreprises de plus de 50 salariés, composées d’un ou plusieurs établissements de plus de 50 salariés et d’un ou plusieurs établissements de moins de 50 salariés, à permettre de rattacher les salariés de ces derniers établissements, non dotés d’un CHSCT, au CHSCT de l’un des établissements de plus de 50 salariés, conformément à la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur ce point.

Dans le silence de la loi, il appartiendra à l’employeur de déterminer le ou les CHSCT de rattachement des salariés non couverts par un CHSCT dans leur établissement.

Cette avancée permet d’élargir considérablement le champ de couverture du CHSCT. Elle conduit à ne maintenir hors de ce champ que les seuls salariés des entreprises de moins de 11 salariés ou des établissements de moins de 11 salariés ne relevant pas d’une entreprise dépassant le seuil de 50 salariés. Par ailleurs, s’agissant des entreprises entre 11 et 49 salariés, les délégués du personnel gardent leurs prérogatives tirées de l’article L. 4611-3, autrement dit, ce sont eux qui sont amenés à exercer les missions dévolues aux membres du CHSCT.

B.  L’INSTAURATION DE DÉLAIS PRÉFIXES APPLICABLES AUX AVIS DU CHSCT ET DE L’ICCHST

Le II porte une coordination avec le III, qui procède à la réécriture complète de l’article L. 4612-8, en disposant que les actuels articles L. 4612-8 et L. 4612-8-1 deviennent les articles L. 4612-8-1 et L. 4612-8-2.

Le III réécrit donc l’article L. 4612-8 pour insérer en tête de la section II consacrée aux consultations obligatoires du CHSCT un article précisant les délais dans lesquels le CHSCT rend ses avis : la rédaction est, en substance, alignée sur les dispositions qui prévalent pour le comité d’entreprise à l’article L. 2323-3.

Ainsi, l’article L. 4612-8 dans sa nouvelle rédaction dispose que le CHSCT et l’instance de coordination du CHSCT disposent, dans l’exercice de leurs attributions consultatives, d’un délai d’examen suffisant leur permettant d’exercer utilement leur compétence, en fonction de la nature et de l’importance des questions qui leur sont soumises. Sauf dispositions législatives spéciales, comme pour le comité d’entreprise, un accord entre l’employeur et le CHSCT ou, le cas échéant, l’instance de coordination des CHSCT ou, à défaut d’accord, un décret en Conseil d’État, fixe les délais dans lesquels ces avis sont rendus, sans que ceux-ci ne puissent toutefois être inférieurs à quinze jours. À l’expiration de ces délais, le CHSCT et, le cas échéant, l’instance de coordination des CHSCT, sont réputés avoir été consultés et avoir rendu un avis négatif.

En conséquence de l’introduction de ce nouvel article qui se substitue à l’actuel article L. 4612-8, le VII du présent article procède à une coordination aux articles L. 4614-12 et L. 4616-1.

C.  L’ALIGNEMENT DU MANDAT DES MEMBRES DU CHSCT SUR LE MANDAT DES AUTRES IRP

En modifiant l’article L. 4613-1 relatif aux modalités de désignation des membres du CHSCT, le IV procède à l’alignement du mandat des membres de la délégation du personnel du CHSCT sur celui des membres élus du comité d’entreprise et des délégués du personnel qui les ont désignés : cette durée, prévue respectivement aux articles L. 2324-24 pour les membres du comité d’entreprise et L. 2314-26 pour les délégués du personnel, est de quatre ans. C’est, rappelons-le, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises qui a porté de deux à quatre ans la durée du mandat des représentants du personnel au comité d’entreprise et des délégués du personnel, alors que celui des membres du CHSCT est resté fixé à deux ans. Or, les membres du CHSCT sont désignés par un collège constitué par les membres élus du comité d’entreprise et les délégués du personnel. Dès lors, le décalage de la durée de ces mandats n’est pas satisfaisant. En outre, une désignation des membres du CHSCT pour seulement deux ans ne permet pas vraiment à ceux-ci de mettre à profit les compétences spécifiques qu’ils développent à ce titre, et ne leur laisse parfois même pas vraiment le temps d’acquérir une compétence suffisante sur des matières qui restent globalement très techniques.

Rappelons en effet que pour l’heure, les dispositions relatives à la durée du mandat des représentants du personnel au CHSCT sont de niveau réglementaire : elles sont prévues à l’article R. 4613-5, qui précise que ceux-ci sont désignés pour une durée de deux ans et que leur mandat est renouvelable. Désormais, les membres du CHSCT disposeront donc d’un mandat dont la durée est doublée. Il s’agit là de l’une des propositions formulées par le rapport de M. Jean-Yves Verkindt sur les CHSCT.

La rédaction privilégiée par le IV consiste à préciser que les membres du CHSCT sont désignés pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité d’entreprise les ayant désignés : cette formulation est destinée à couvrir les cas où la date de début du mandat des représentants du CHSCT ne serait pas la même que celle des élus du CE. Par exemple, lorsqu’un CHSCT est créé par une décision de l’inspecteur du travail dans un établissement de moins de 50 salariés alors que des mandats d’élus au comité d’entreprise sont en cours. Elle permet de faire en sorte que la date de renouvellement des mandats des élus du comité d’entreprise et du CHSCT coïncide et que leurs mandats respectifs soient durablement synchronisés.

En conséquence de cette modification relative à la durée du mandat des membres du CHSCT, le VI du présent article dispose que la nouvelle durée de quatre ans s’appliquera aux membres de la délégation du personnel au CHSCT qui seront désignés à l’occasion du prochain renouvellement des mandats en cours.

D.  UNE AMÉLIORATION DU FONCTIONNEMENT DU CHSCT

Le V modifie l’article L. 4614-2 relatif aux modalités de délibération du CHSCT, et qui prévoit actuellement que les décisions du CHSCT sur ses modalités de fonctionnement et l’organisation de ses travaux sont adoptées à la majorité des membres présents, « conformément à la procédure définie au premier alinéa de l’article L. 2325-18 » relatif aux délibérations du comité d’entreprise. Les mêmes modalités prévalent pour les résolutions adoptées par le CHSCT. Le V procède à la réécriture de cet article L. 4614-2 pour préciser que le CHSCT détermine, dans son règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l’organisation de ses travaux pour l’exercice de ses missions. La loi est en effet aujourd’hui muette à ce sujet, alors qu’elle prévoit bien le principe d’un tel règlement intérieur s’agissant du comité d’entreprise (article L. 2325-2).

Le V reprend ensuite l’actuel premier alinéa de cet article posant le principe d’une prise de décision à la majorité des membres présents. Il complète enfin l’article par un alinéa précisant que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel, il participe par contre au vote lorsque le CHSCT se prononce sur son fonctionnement ou l’organisation de ses travaux. Cette règle s’applique déjà aujourd’hui mais en vertu d’une simple circulaire (circulaire DRT 15 du 25 mars 1993) : le texte a vocation à lui donner désormais valeur législative, au même titre que cette même règle qui s’applique au comité d’entreprise en vertu de l’article L. 2325-18.

Doter le CHSCT d’un règlement intérieur constitue une avancée que l’on ne peut que saluer, et qui a d’ailleurs été préconisée par le rapport précité de M. Jean-Yves Verkindt. Cela permet de contribuer à aligner le CHSCT sur les règles s’appliquant au comité d’entreprise.

*

La Commission a adopté un amendement n° AS 216 de MM. Gérard Cherpion, Bernard Perrut et Jean-Frédéric Poisson, tirant les conséquences de l’élargissement de la couverture des salariés par un CHSCT. En effet, dès lors que les salariés des établissements de moins de 50 salariés mais relevant d’une entreprise comportant au moins un établissement de plus de 50 salariés ont bien vocation désormais à être couverts par un CHSCT, seuls les salariés des établissements de moins de 50 salariés relevant d’une entreprise ne comportant pas d’établissement d’au moins 50 salariés continueront d’être dépourvus d’un CHSCT : ce n’est donc plus logiquement que dans ce cadre que les délégués du personnel auront vocation à exercer les attributions du CHSCT, comme le prévoit l’article L. 4611-3.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS250 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’article 8 a créé une délégation unique du personnel pour les entreprises de cinquante à 300 salariés. Il me semble curieux que l’article 11 propose aux mêmes entreprises de mettre en place un CHSCT alors que celui-ci fait partie de la DUP.

Pour cette raison, mon amendement AS250 prévoit la possibilité d’avoir un CHSCT dès lors qu’il n’existe pas de délégation unique du personnel.

M. le rapporteur. Votre amendement propose en fait qu’un CHSCT ne soit pas obligatoirement mis en place dans les entreprises de plus de cinquante salariés comportant un établissement de plus de cinquante salariés dès lors que serait mise en place une DUP. Je serais tenté de vous dire que cela va de soi… En tout cas, cela ne change rien puisqu’en vertu de l’article 8, dans le cadre de la DUP, les différentes instances sont présentes. Autrement dit, elles ne disparaissent pas et conservent l’ensemble de leurs attributions ; elles sont simplement réunies sous la forme d’une délégation unique du personnel. Je ne vois pas, là non plus, ce qu’apporte votre proposition. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AS199 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. C’est un amendement de cohérence avec ma proposition de modification de l’article 8, qui prévoyait un regroupement des attributions des différentes instances constitutives de la délégation unique du personnel élargie pour les entreprises de cinquante à 299 salariés. En effet, les attributions du CHSCT sont dorénavant mises en œuvre dans le cadre d’une instance unique.

M. le rapporteur. C’est effectivement la déclinaison de ce que M. Cherpion proposait ce matin, et que nous avons rejeté.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS216 de M. Gérard Cherpion.

M. Bernard Perrut. Le I de l’article 11 du projet de loi prévoit que les entreprises d’au moins cinquante salariés sont tenues de mettre en place un CHSCT dans chaque établissement d’au moins cinquante salariés. Il prévoit également que tous les salariés de ces entreprises doivent être rattachés à un CHSCT. Il en résulte que, dans ces entreprises, tous les salariés de tous les établissements, quel qu’en soit l’effectif, seront couverts par un CHSCT.

Or l’article L. 4611-3 du code du travail prévoit que, dans les établissements de moins de cinquante salariés, les délégués du personnel sont investis des missions dévolues aux membres du CHSCT. Nous proposons de le compléter en indiquant clairement que l’hypothèse ci-dessus ne peut se réaliser qu’en l’absence de rattachement de ces salariés à un CHSCT.

M. le rapporteur. Nous sommes bien dans le cas des établissements de moins de cinquante salariés qui appartiennent à une entreprise dans laquelle il n’y a pas d’établissement qui atteigne le seuil de cinquante salariés. Dans ce cas, en effet, ce sont les délégués du personnel qui sont amenés à exercer les attributions du CHSCT.

Cette précision est utile. Par conséquent, j’émets un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS75, AS76 et AS77 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement AS314 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Les délais accordés au CHSCT pour rendre un avis dépendent de chaque situation et, comme le précise le texte, de la nature et de l’importance des questions soulevées, des consultations et des documents fournis. De façon générale, quinze jours ne suffisent pas pour étudier correctement les documents, échanger avec les salariés et rendre un avis. Je propose donc de supprimer les alinéas 6 et 7, qui fixent un délai trop court, et je laisse le soin à notre rapporteur d’en proposer un nouveau.

Quoi qu’il en soit, n’oublions pas que les salariés qui siègent dans cette instance travaillent et que les heures de délégation dont ils bénéficient ne sont pas toujours suffisantes.

M. le rapporteur. Certes, les consultations peuvent être diverses, mais c’est également le cas pour les comités d’entreprise. Or, ceux-ci sont tenus de rendre leur avis dans un délai de quinze jours, et nous souhaitons, par souci de cohérence et d’harmonisation, que le même délai s’applique à l’ensemble des instances. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS78 et AS79 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 11 modifié.

*

Article 12
(art. L. 2315-10, L. 2324-1, L. 2325-5-1, L. 2325-20, L. 2334-2, L. 4616-16,
L. 2343-11-1, L. 2353-27-1, L. 23-101-1, L. 23-101-2, L. 2391-1, L. 2391-2,
L. 4614-11-1 et L. 4616-6du code du travail)

Fonctionnement des institutions représentatives du personnel

Cet article propose d’améliorer le fonctionnement concret des institutions représentatives du personnel (IRP) en procédant aux quatre modifications suivantes :

– la sécurisation et l’encadrement de la possibilité de tenir des réunions communes de plusieurs instances ;

– l’assouplissement du cadre du recours à la visioconférence, à l’enregistrement des séances et à la sténodactylographie ;

– la sécurisation de l’établissement et de la transmission des procès-verbaux de réunions ;

– et enfin, l’encadrement de la présence des membres suppléants aux réunions des différentes instances.

I. LES RÈGLES ACTUELLES DE FONCTIONNEMENT DES IRP

A.  LE RÔLE DES SUPPLÉANTS

La loi fixe, pour chacune des instances représentatives du personnel, les règles applicables aux membres suppléants de ces instances, étant entendu que les membres titulaires du CHSCT n’ont pas de suppléants.

S’agissant des délégués du personnel, l’article L. 2315-10 prévoit que ceux-ci peuvent assister aux réunions au même titre que les titulaires. Mais seuls ces derniers bénéficient d’un crédit d’heures pour l’exercice de leur mission (article L. 2315-11).

S’agissant du comité d’entreprise, il ressort de la jurisprudence que les membres suppléants doivent être convoqués au même titre et dans les mêmes conditions que les membres titulaires aux réunions du comité (Cass. crim., 28 avril 1977). Ils assistent donc logiquement à l’ensemble des séances du comité. S’ils ont le droit de prendre la parole pour exprimer leur avis, ils ne bénéficient toutefois que d’une voix consultative, conformément aux dispositions de l’article L. 2324-1. Ils ne bénéficient du droit de vote que lorsqu’ils remplacent un titulaire (article L. 2324-28). Les suppléants ne bénéficient pas non plus du crédit d’heures, qui est réservé aux membres titulaires du comité d’entreprise, comme le prévoit l’article L. 2325-6, sauf lorsqu’ils sont amenés à remplacer un titulaire.

B.  LES RÈGLES RELATIVES AU DÉROULEMENT DES RÉUNIONS ET À LEUR PUBLICITÉ

1.  Les règles d’établissement du procès-verbal des réunions du comité d’entreprise

Les articles L. 2325-20 et L. 2325-21 disposent :

– en premier lieu, que l’employeur fait connaître sa décision motivée sur les questions qui lui ont été soumises lors de la réunion du comité d’entreprise qui suit la communication du procès-verbal, laissant ainsi entendre que le procès-verbal de toute réunion doit avoir été transmis dans un délai précédant la réunion suivante qui met l’employeur en mesure de fournir des éléments de réponse. Ses déclarations sont ensuite consignées dans le procès-verbal de la réunion au cours de laquelle il fait état de ses décisions ;

– en second lieu, le procès-verbal des réunions du comité d’entreprise peut, après son adoption, être affiché ou diffusé dans l’entreprise par le secrétaire du comité, selon des modalités qui doivent être fixées par le règlement intérieur du comité d’entreprise.

Autrement dit, les dispositions législatives présupposent l’établissement d’un procès-verbal sans en fixer pourtant les conditions d’élaboration.

Aux termes de l’article R. 2325-3, les délibérations du comité d’entreprise sont consignées dans un procès-verbal établi par le secrétaire et communiqué à l’employeur ainsi qu’aux membres du comité.

Le flou relatif qui encadre les conditions et les délais d’élaboration du procès-verbal des réunions du comité d’entreprise explique qu’une importante jurisprudence existe sur le sujet. Ainsi, le juge a-t-il estimé que l’établissement du procès-verbal et le contrôle de son contenu incombent bien au seul secrétaire, même si la rédaction matérielle peut être confiée à une personne par ailleurs présente aux réunions (Cass. crim., 1er décembre 1987). En tout état de cause, il est interdit à l’employeur de rédiger lui-même le procès-verbal (Cass. crim., 25 février 1986), une circulaire ministérielle précisant en outre qu’il ne peut aucunement intervenir dans sa rédaction (circulaire DRT 12 du 30 novembre 1984). Enfin, la carence du secrétaire n’autorise pas l’employeur à choisir un huissier de justice chargé d’assister aux réunions et d’en dresser le procès-verbal (Cass. soc., 25 novembre 2003). Enfin, l’employeur ne peut s’opposer à la diffusion du procès-verbal (Cass. soc., 4 novembre 1981). D’après la circulaire déjà citée, il ne peut qu’en demander l’interdiction en justice en cas de manquement à l’obligation de discrétion ou d’allégations diffamatoires.

2.  L’enregistrement des séances et le recours à la visioconférence

S’agissant de l’enregistrement des séances des institutions représentatives du personnel, dans le silence de la loi et en l’absence de dispositions réglementaires sur ce sujet, le juge a admis que la présence d’un sténodactylographe engagé par le comité pour assister le secrétaire dans la rédaction du procès-verbal peut être autorisée à la seule majorité des membres du comité (Cass. soc., 7 janvier 1988).

S’agissant du recours à la visioconférence, le juge a également admis que sauf refus d’un participant, la réunion d’un comité central d’entreprise (CCE) pouvait avoir lieu par visioconférence si aucun vote à bulletin secret n’est prévu et s’il n’a pas été procédé à un tel vote (Cass. soc., 26 octobre 2011). Comme l’indique l’étude d’impact, le Conseil d’État a également jugé régulier le licenciement d’un représentant du personnel à l’issue d’une consultation du comité d’entreprise pour laquelle le résultat du vote avait été transmis par visioconférence : en effet, le vote s’était déroulé à bulletin secret simultanément sur les deux sites où se trouvaient les membres du comité (CE, 9 septembre 2010).

C.  UNE QUASI IMPOSSIBILITÉ ACTUELLE DE PROCÉDER À DES RÉUNIONS COMMUNES DES IRP

Le droit actuel rend quasiment impossible la tenue de réunions communes à plusieurs instances représentatives du personnel, qui aurait pourtant d’autant plus d’intérêt que l’employeur est souvent amené à présenter les mêmes informations successivement à différentes instances.

Or, pour l’heure, la jurisprudence autorise la présence de personnes tierces uniquement dans des conditions très spécifiques : ainsi, si le juge a reconnu que la présence d’autres personnes, étrangères au comité d’entreprise, est possible sous réserve de ne pas porter atteinte à l’équilibre de la procédure consultative (Cass. soc., 8 juillet 2014), encore faut-il qu’il y ait sur ce point un accord entre l’employeur et la majorité des représentants du personnel (Cass. soc., 22 novembre 1988). Cet accord peut toutefois être implicite, par exemple s’il résulte du fait que la présence de telles personnes n’a fait l’objet d’aucune protestation.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

A.  LE RÔLE DES MEMBRES SUPPLÉANTS

Les et du I revoient le rôle des délégués du personnel suppléants et des membres suppléants du comité d’entreprise.

Le réécrit le premier alinéa de l’article L. 2315-10 pour prévoir que les délégués du personnel suppléants participent aux réunions avec l’employeur en l’absence des délégués titulaires, alors que pour l’heure ils peuvent au contraire assister à toutes les réunions avec l’employeur, même en présence des membres titulaires.

Le porte sur le rôle des membres suppléants du comité d’entreprise : alors que l’article L. 2324-1 prévoit aujourd’hui que les suppléants assistent aux séances du comité avec voix consultative, la nouvelle rédaction dispose que les membres suppléants participent aux réunions avec voix délibérative en cas d’absence des membres titulaires, et qu’ils participent de droit, avec voix consultative, aux réunions qui ont lieu dans le cadre de la seule consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Ces dispositions ont également vocation à s’appliquer aux délégués du personnel qui exercent les attributions économiques du comité d’entreprise en vertu de l’article L. 2315-2 (autrement dit, en l’absence de comité d’entreprise et par suite de carence constatée aux dernières élections).

Concrètement, ces dispositions conduisent à priver les suppléants de la possibilité d’assister aux réunions du comité d’entreprise dès lors que les membres titulaires seraient présents, à l’exception de la réunion relative aux orientations stratégiques de l’entreprise, pour laquelle ils bénéficieraient d’une voix consultative. De nombreux interlocuteurs auditionnés par le rapporteur estiment que ces modifications constituent un recul dommageable pour l’exercice d’un mandat de représentant du personnel, en opérant une marginalisation des membres suppléants de ces instances, alors même que cette position est aujourd’hui déjà difficile à rendre attractive pour les salariés. En outre, elle nuit à la continuité qu’il est pourtant indispensable de cultiver entre le titulaire et son suppléant. Priver celui-ci de la présence aux réunions des délégués du personnel ou du comité d’entreprise revient à l’empêcher de « mettre le pied à l’étrier ».

Dans le droit actuel, les membres suppléants n’ont d’ores et déjà le droit de vote que lorsqu’ils remplacent un membre titulaire ; ils n’ont qu’une voix consultative par ailleurs. Autrement dit, ils n’auraient plus de voix consultative dans le cadre des réunions du comité d’entreprise hors consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

Le rapporteur regrette une telle décision, et déplore l’absence réelle de justification qui lui est apportée. En effet, la présence des suppléants aux réunions des instances représentatives du personnel n’a pas jusqu’alors semblé poser de problème majeur, ni constituer une lourdeur particulière.

A.  LES RÈGLES RELATIVES À LA PUBLICITÉ DES RÉUNIONS

1.  Un encadrement plus rigoureux des conditions d’établissement du procès-verbal et de l’enregistrement des réunions

Le du I du présent article modifie l’article L. 2325-20, relatif au procès-verbal des réunions du comité d’entreprise. Le texte prévoit simplement aujourd’hui que lors de la réunion du comité d’entreprise qui suit la communication à l’employeur du procès-verbal, l’employeur fait connaître sa décision motivée sur les propositions qui lui ont été soumises, et que ces déclarations sont consignées dans le procès-verbal. Ce dernier peut ensuite, en vertu de l’article L. 2325-21, être affiché ou diffusé dans l’entreprise par le secrétaire du comité.

Le a) du insère un nouvel alinéa au début de l’article L. 2325-20 pour préciser que les délibérations du comité d’entreprise sont consignées dans un procès-verbal établi par le secrétaire du comité d’entreprise dans le délai et selon les modalités définies par l’accord qui fixe les délais dans lesquels le comité d’entreprise rend ses avis ou par un accord conclu selon les mêmes modalités, autrement dit, celles qui sont définies à l’article L. 2323-3, à savoir à la majorité des membres titulaires élus du comité d’entreprise. À défaut d’accord, le délai et les modalités d’établissement des procès-verbaux des réunions du comité d’entreprise sont fixés par décret.

Le b) précise ensuite que c’est bien à l’issue de ce délai que le procès-verbal est transmis à l’employeur, qui fait par la suite connaître ses décisions motivées sur l’ensemble des propositions qui lui ont été soumises lors de la plus prochaine réunion du comité d’entreprise.

Enfin, le c) complète cet article L. 2325-20 en renvoyant à un décret le soin de définir les conditions dans lesquelles il peut être recouru à l’enregistrement ou à la sténographie des séances du comité et cela, afin de sécuriser des conditions qui aujourd’hui insuffisamment précises.

2.  Le recours à la visioconférence

Les , , et du I et le II consacrent la possibilité pour l’employeur de recourir à un dispositif de visioconférence pour tenir les réunions avec l’ensemble des institutions représentatives du personnel – à l’exception des délégués du personnel, qui ne tiennent pas de réunion à proprement parler, mais sont reçus par l’employeur –, y compris les réunions communes des institutions représentatives du personnel.

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles il peut, dans ce cadre, être procédé à un vote à bulletin secret : ce décret a vocation à fixer les conditions d’ordre matériel et technique qui devront permettre d’assurer à la fois le caractère secret du vote – respect de la confidentialité du vote de chaque membre – et sa sincérité – par le biais de la simultanéité du vote sur chaque site de manière à écarter toute éventuelle influence au cours du vote.

Rappelons qu’un vote à bulletin secret du comité d’entreprise n’est en réalité prévu que dans trois cas précis : celui de la nomination ou du projet de licenciement d’un médecin du travail (articles R. 4623-6 et R. 4623-19) ou de projet de licenciement d’un salarié protégé (article R. 2421-9).

Le du I rend cette possibilité applicable au comité d’entreprise par l’insertion d’un nouvel article L. 2325-5-1.

Le du I prévoit cette possibilité pour le chef de l’entreprise dominante d’un groupe pour le comité de groupe en complétant l’article L. 2334-2 relatif aux réunions de ce comité.

Le du I la rend applicable au comité d’entreprise européen, en créant un nouvel article L. 2341-11-1.

Le du I prévoit cette possibilité pour le dirigeant de la société européenne pour la réunion du comité afférent, par la création d’un nouvel article L. 2353-27-1.

Et enfin, le II la rend applicable au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et à l’instance temporaire de coordination des CHSCT lorsque celle-ci existe, avec l’introduction respective d’un nouvel article L. 4614-11-1 et d’un nouvel article L. 4616-6.

On notera que le texte ne prévoit pas explicitement la possibilité de recourir à la visioconférence pour les réunions du comité central d’entreprise et pour celles des comités d’établissement : s’agissant de ces derniers, l’article L. 2327-19 prévoit que leurs règles de fonctionnement sont identiques à celles du comité d’entreprise, ce qui revient donc tacitement à leur ouvrir également cette possibilité.

L’encadrement du recours à la visioconférence permet d’apporter la sécurité juridique nécessaire, inexistante aujourd’hui. Il permet de simplifier considérablement l’organisation de certaines réunions, en particulier des grandes instances qui réunissent des personnes qui sont souvent très éloignées géographiquement : c’est en particulier le cas pour les réunions du comité de groupe, du comité d’entreprise européen ou du comité de la société européenne, mais cela peut également être le cas pour certains comités d’entreprise ou CHSCT de grandes entreprises. Certaines des personnes auditionnées par le rapporteur ont toutefois fait part de leur regret que ce dispositif de recours à la visioconférence conduise à limiter les échanges entre les membres de ces instances : en effet, très souvent, les réunions des institutions représentatives du personnel sont précédées de réunions préparatoires entre les membres élus ou désignés de ces instances, et la présence physique de chacun d’eux au cours des réunions a une dimension qualitative pour les débats que l’organisation d’une visioconférence peut difficilement avoir.

Si le rapporteur juge bienvenue la mise en place d’un dispositif législatif permettant de sécuriser le recours à la visioconférence pour la réunion des instances représentatives du personnel, il regrette pourtant que ce dispositif ne soit pas plus encadré, et en particulier sur deux points. En premier lieu, il revient à l’employeur seul de prendre l’initiative et d’assumer la responsabilité de recourir à la visioconférence, alors même que les règles de fonctionnement, en l’occurrence, du comité d’entreprise, sont fixées par son règlement intérieur, qui est lui-même adopté par l’instance dans son ensemble (article L. 2325-2). La possibilité de procéder de manière unilatérale sur ce sujet est regrettable.

En second lieu, il conviendrait d’éviter que le recours à la visioconférence soit systématique et conduise à priver de facto les membres de ces instances de la possibilité de se rencontrer physiquement en amont des réunions et d’échanger de manière directe. C’est pourquoi une limitation du nombre de réunions pouvant être tenues sous cette forme pourrait constituer une piste de réflexion.

A.  LA POSSIBILITÉ DE TENIR DES RÉUNIONS COMMUNES AUX IRP

Le du I insère un nouveau titre X, qui complète le livre III de la deuxième partie du code du travail, ce livre étant relatif à l’ensemble des institutions représentatives du personnel. Il est intitulé : « Réunions communes des institutions représentatives du personnel ». Il organise les conditions permettant à l’employeur de procéder à des réunions communes de plusieurs des instances représentatives du personnel figurant au livre 3 et à l’article L. 4616-1, à savoir :

– les délégués du personnel ;

– le comité d’entreprise ;

– le comité de groupe ;

– les instances spécifiques de représentation du personnel dans les entreprises de dimension communautaire, les sociétés européennes, les sociétés coopératives européennes et les sociétés issues de fusions transfrontalières ;

– le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;

– et l’instance de coordination des CHSCT.

La procédure permettant l’organisation de réunions communes fait l’objet d’un nouvel article L. 23-101-1, qui prévoit la possibilité de telles réunions lorsqu’un projet nécessite l’information ou la consultation de chacune des instances qui fait l’objet de la réunion commune.

Il s’agit d’une disposition qui présente des avantages à la fois pour l’employeur et pour les instances réunies en commun : en effet, alors qu’elle représente un élément important de souplesse pour l’employeur qui peut ainsi éviter de multiplier des réunions portant sur les mêmes objets, elle constitue un facteur de dynamisation des instances représentatives du personnel et un gain d’efficacité, celles-ci pouvant en effet être informées et échanger de manière simultanée sur une même question, en faisant profiter chacun des compétences propres à chacune des instances. Ainsi, par exemple, dans le cadre d’un projet d’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise, une réunion commune du comité d’entreprise et du CHSCT pourra être organisée, qui permettra à la fois de soumettre le projet au comité d’entreprise dans le cadre de ses attributions économiques et au CHSCT du point des incidences d’un tel projet sur les conditions de travail.

L’employeur inscrit le projet à l’ordre du jour d’une réunion commune, qui peut comporter d’autres points selon les règles propres à chaque institution représentative du personnel. L’ordre du jour est communiqué aux membres de chacune des institutions réunies cinq jours au moins avant la date de la séance.

Les règles de composition et de fonctionnement de chaque instance sont respectées.

D’après les informations transmises au rapporteur qui a fait part de ses interrogations à cet égard, il n’y aurait pas de conflit de règles insurmontable applicables à chacun des instances.

Ainsi, par exemple, s’agissant de la présence de personnes tierces aux réunions, les règles sont relativement strictes pour le comité d’entreprise, alors que s’agissant du CHSCT, plusieurs personnes comme l’inspecteur du travail et le médecin du travail sont pleinement associées à ces réunions : concrètement, les personnes autorisées à assister aux réunions du CHSCT de plein droit pourront assister à la réunion commune pour la partie consacrée aux points relevant du CHSCT, mais pas aux autres séquences de la réunion.

S’agissant de l’ordre du jour, le texte prévoit bien un aménagement aux règles propres à chaque instance pour faciliter la tenue de réunions communes : ainsi, alors que le délai de transmission de l’ordre du jour est de trois jours pour le comité d’entreprise, et de quinze jours pour le CHSCT, le texte fixe un délai unique de cinq pour les réunions communes des instances.

Lorsque l’ordre du jour prévoit le recueil d’un avis, celui-ci est valablement recueilli au cours de cette réunion commune sous réserve que l’instance devant rendre son avis soit consultée selon ses règles propres.

Concernant la mise à disposition du procès-verbal, celui des réunions communes sera mis à disposition du médecin du travail et de l’inspecteur du travail pour les parties intéressant le CHSCT (comme le prévoient les règles propres à cette instance).

Par ailleurs, dans l’hypothèse où la réunion commune porterait sur un projet ouvrant droit à une expertise du CHSCT et du comité d’entreprise, il serait possible de recourir à deux expertises distinctes, conformément toujours aux règles propres à chaque instance.

Enfin, un nouvel article L. 23-101-2 ouvre aux réunions communes des instances représentatives du personnel la possibilité de recourir à la visioconférence, les mêmes dispositions réglementaires devant déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur peut, dans ce cadre, procéder à un vote à bulletin secret.

*

La Commission a adopté huit amendements du rapporteur :

– Le premier amendement AS 509, supprime les dispositions modifiant le rôle des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise suppléants. Alors que le projet de loi prévoyait en effet de supprimer la possibilité pour les suppléants d’assister aux réunions avec voix consultative, cet amendement rétablit ce droit.

– Les amendements AS 514, AS 515, AS 516, AS 517, AS 518, AS 519 et AS 520, modifient le cadre applicable au recours à la visioconférence pour la réunion des instances représentatives du personnel. Ils prévoient, pour chacune des instances – comité d’entreprise, comité de groupe, comité d’entreprise européen, comité de la société européenne, instance unifiée représentative du personnel, CHSCT et instance temporaire de coordination des CHSCT – la possibilité de recourir à la visioconférence sur le fondement d’un accord entre l’employeur et les membres élus de chacune de ces instances. En l’absence d’accord, le nombre de réunions pouvant être tenu sous cette forme est limité à trois réunions par année civile.

*

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS509 du rapporteur, les amendements identiques AS315 de Mme Jacqueline Fraysse et AS422 de M. Christophe Cavard, les amendements AS151 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi, AS80 du rapporteur, AS423 de M. Christophe Cavard, AS472 de Mme Jacqueline Fraysse et AS152 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

M. le rapporteur. L’amendement AS509 vise à réintroduire les dispositions actuellement en vigueur s’agissant du rôle des suppléants dans les deux instances qui en sont dotées : les délégués du personnel et le comité d’entreprise. En effet, les priver de la possibilité d’assister aux réunions et d’y avoir une voix consultative ne me semble pas satisfaisant. Comme je l’ai dit ce matin, il s’agit, selon moi, d’une véritable formation continue qu’il convient de préserver. L’esprit de cet amendement est rigoureusement le même que celui des amendements qui suivent.

Mme Jacqueline Fraysse. Je partage le souhait que vient d’exprimer le rapporteur ; je retire donc mon amendement AS315.

M. Christophe Cavard. L’amendement du rapporteur étant plus complet que le mien, je m’y rallie et je retire donc l’amendement AS422.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Je retire l’amendement AS151.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je veux redire au nom du Gouvernement que l’équilibre auquel nous sommes parvenus, qui renforce la garantie de représentation des salariés dans l’ensemble des entreprises tout en offrant une plus grande souplesse aux entreprises elles-mêmes, résulte des nombreuses consultations auxquelles j’ai procédé pendant un mois et demi. Je comprends tout à fait l’intention des auteurs des amendements, mais je redis ce que j’ai dit ce matin : les suppléants suppléent… Autrement dit, ils ne peuvent siéger lorsque les titulaires sont présents, sauf dans le cas des réunions stratégiques. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. Gérard Cherpion. Effectivement, comme l’a dit M. le ministre ce matin, si les suppléants siègent avec les titulaires, ils ne sont plus suppléants mais co-titulaires. Je crois que le projet de loi traduit un certain équilibre, et que nous devons nous y tenir.

Mme Isabelle Le Callennec. Je souhaiterais savoir si une étude d’impact de l’amendement du rapporteur a été réalisée car, s’il est adopté, il faudra prévoir la prise en charge des suppléants, qui seront absents de leur poste de travail lorsqu’ils assisteront aux différentes réunions.

M. M. Christian Hutin, président. Nous en avons déjà beaucoup parlé ce matin, madame Le Callennec…

M. le rapporteur. L’étude d’impact existe de fait, puisque l’amendement vise à maintenir la situation actuelle. Du reste, n’est-il pas prévu de préserver les moyens des différentes instances ? Quoi qu’il en soit, les suppléants ne sont en aucun cas des co-titulaires – du reste, je ne sais pas ce qu’est un co-titulaire… En revanche, ils peuvent siéger – comme c’est le cas actuellement, y compris dans d’autres organismes – sans avoir évidemment de voix délibérative.

Par ailleurs, je précise que mon amendement AS80 est retiré.

Les amendements AS315, AS422, AS423, AS151 et AS80 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AS509.

En conséquence, les amendements AS472 de Mme Jacqueline Fraysse et AS152 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi tombent.

La Commission examine l’amendement AS153 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 6 de l’article 12 : le recours à la visioconférence ne peut être considéré comme un moyen de faciliter la concertation des élus.

M. le rapporteur. J’ai moi-même déposé des amendements visant à encadrer le recours à la visioconférence, dont je rappelle qu’elle existe déjà. La jurisprudence reconnaît d’ores et déjà la validité de cette procédure, en l’assortissant de conditions restrictives ; elle peut être utile dans les entreprises dont les sites sont dispersés en divers points du territoire. Au demeurant, il serait dommage d’aller à l’encontre d’une évolution permise par les avancées de la technologie. Oui à un encadrement, non à une suppression. Aussi, je vous suggère, madame Bouziane-Laroussi, de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

L’amendement AS153 est retiré.

L’amendement AS154 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi est également retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS514 du rapporteur et AS316 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. le rapporteur. L’amendement AS514 vise, ainsi que je le disais à l’instant, à encadrer le recours à la visioconférence afin de tenir compte des craintes qui ont été exprimées à ce sujet. En premier lieu, il paraît normal que cette procédure fasse l’objet d’un accord entre l’employeur et les membres élus de chacune des instances concernées, car il n’y a pas de raison de laisser à l’employeur seul le soin d’en décider. Je propose par ailleurs, afin de ne pas interdire de manière absolue le recours à cette méthode que la jurisprudence autorise, qu’en l’absence d’accord le nombre de réunions pouvant être tenues sous cette forme soit limité à trois par an.

L’amendement AS514 a trait aux réunions du comité d’entreprise ; les amendements suivants, AS515 à AS520, visent les autres instances concernées par le texte, à savoir le comité de groupe, le comité de la société européenne, le comité d’entreprise européen, le CHSCT et les instances de coordination du CHSCT et, enfin, les réunions de l’instance unifiée représentative du personnel si elle existe.

M. Gérard Cherpion. La visioconférence est devenue un instrument de travail habituel, qui permet à des personnes qui travaillent sur des sites éloignés les uns des autres de communiquer entre elles. Dès lors, je ne comprends pas qu’on limite le nombre de réunions pouvant être tenues sous cette forme en l’absence d’accord entre les élus et l’employeur. Il ne devrait y avoir aucune limite.

Mme Jacqueline Fraysse. L’argument de la modernité ou de la technologie n’est pas suffisant. Les employeurs et les salariés débattent au sein de ces instances de sujets graves et complexes ; il importe qu’ils se rencontrent et soient présents physiquement aux réunions, ne serait-ce que pour pouvoir avoir des échanges pendant les suspensions de séance – cela arrive souvent. C’est pourquoi je propose, par mon amendement AS316, que le recours à la visioconférence ne soit possible que dans des circonstances exceptionnelles. Je vais donc plus loin que le rapporteur, mais je soutiens son amendement, qui va dans le sens que je souhaite. Il est nécessaire que les gens qui traitent de ces questions puissent se regarder, se parler, se connaître.

M. Christophe Cavard. Nous proposions quant à nous, par l’amendement AS411, qui viendra en discussion ultérieurement, de supprimer purement et simplement la possibilité de recourir à la visioconférence, pour les mêmes motifs que ceux que vient d’exposer Mme Fraysse. Imaginez que notre commission tienne ses réunions en visioconférence : ce ne serait pas du tout la même chose ! Et qu’en serait-il pour les séances plénières si chaque député restait dans sa circonscription ! Il est évident que la présence physique de chacun d’entre nous est importante. Je vais cependant retirer mon amendement au profit de celui du rapporteur, car il permet, dans le cadre du dialogue social, aux représentants du personnel de refuser le recours à la visioconférence s’ils estiment que le sujet en discussion ne s’y prête pas.

M. Gérard Sebaoun. Je souscris aux propos de Mme Fraysse et de M. Cavard : c’est comme si on confondait médecine et télémédecine. Je voterai donc l’amendement de notre rapporteur, car il est important que l’employeur ne puisse pas décider unilatéralement et opter pour le recours permanent à la visioconférence. Il est en effet évident que, dans une discussion qui peut être difficile, le rapport humain est essentiel : on ne peut pas se contenter des images, quelle que soit la qualité de leur transmission.

Mme Isabelle Le Callennec. Cette question relève-t-elle bien du domaine de la loi ?

La Commission adopte l’amendement AS514.

En conséquence, l’amendement AS316 tombe.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS81 rectifié et AS82 du rapporteur.

L’amendement AS155 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi est retiré.

La Commission examine l’amendement AS515 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement définit le cadre applicable au recours à la visioconférence pour le comité de groupe.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur, votre amendement précise qu’en l’absence d’accord, le recours à la visioconférence est limité à trois réunions par année civile. Est-ce à dire que l’employeur peut imposer cette procédure à trois reprises dans l’année ?

M. le rapporteur. Oui.

L’amendement est adopté.

La Commission est saisie de l’amendement AS516 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de la même disposition, concernant cette fois le comité d’entreprise européen.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement AS156 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi est retiré.

La Commission examine l’amendement AS517 du rapporteur.

M. le rapporteur. Même disposition concernant le comité de la société européenne.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS83, AS84, AS85, AS86 et AS87, tous du rapporteur.

L’amendement AS411 de M. Christophe Cavard est retiré.

La Commission examine l’amendement AS518 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à appliquer le cadre défini en matière de visioconférence aux réunions communes des institutions représentatives du personnel.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS519 du rapporteur.

M. le rapporteur. Même disposition concernant cette fois le CHSCT.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement d’harmonisation AS88 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement AS520 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit du dernier amendement relatif à la visioconférence, et il concerne l’instance de coordination.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

*

Avant l’article 13

La Commission est saisie d’un amendement AS450 de Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Afin de dynamiser la représentation du personnel et d’assurer son ancrage dans la réalité de l’entreprise, nous proposons que les accords d’entreprise puissent fixer l’architecture des instances représentatives du personnel – comité d’entreprise, délégués du personnel, CHSCT –, ainsi que les modalités de leur consultation. Nous entendons ainsi redonner de la liberté aux entreprises sur le terrain, dans le respect de leur diversité. Loin de libérer le dialogue social, comme c’est notre objectif commun, ce texte le corsète. Les décisions doivent être prises au plus près des entreprises.

M. le rapporteur. L’avis est bien entendu défavorable : on ne peut pas renvoyer la définition de l’architecture des institutions représentatives du personnel et de leurs règles de fonctionnement à une négociation d’entreprise. Par ailleurs, je crois qu’il faut conserver un socle minimal qui permette de garantir la représentation des salariés. Du reste, je me demande si cet amendement respecte bien les exigences constitutionnelles en la matière.

La Commission rejette l’amendement.

*

Chapitre IV
Un dialogue social plus stratégique dans les entreprises

Article 13
(art. L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-3, L. 2323-6, L. 2323-7, L. 2323-7-1, L. 2323-7-2, L. 2323-7-3, L. 2323-8, L. 2323-9, L. 2323-10, L. 2323-11, L. 2323-12, L. 2323-13 à L. 2323-17, L. 2323-18, L. 2323-19 à L. 2323-26-3, L. 2323-27, L. 2323-28, L. 2323-29 à L. 2323-32, L. 2323-33 à L. 2323-45, L. 2323-46, L. 2323-47, L. 2323-48, L. 2323-49, L. 2323-55 à L. 2323-57, L. 2323-59, L. 2323-60, L. 2323-61, L. 2323-68 à L. 2323-72, L. 2323-74, L. 2323-75, L. 2323-77, L. 3312-17 du code du travail)

Regroupement des informations et consultations annuelles obligatoires du comité d’entreprise

Obligatoirement constitué dans les entreprises de plus de 50 salariés, le comité d’entreprise est l’un des interlocuteurs majeurs de l’employeur et est avant tout investi d’une mission générale d’information et de consultation, dans la mesure où il assure une « expression collective des salariés » et permet la prise en compte de leurs intérêts dans toutes les décisions relatives à la vie de l’entreprise.

C’est en vertu de cette mission « économique » du comité d’entreprise que le code du travail prévoit qu’il est systématiquement et obligatoirement consulté dans toute une série de domaines, et que son avis est systématiquement recueilli sur l’ensemble de ces sujets. Le comité d’entreprise est d’une part consulté sur différents points de manière récurrente – la périodicité étant soit annuelle, soit trimestrielle, en fonction des sujets, plus rarement semestrielle – ; il est d’autre part consulté de manière ponctuelle, à l’occasion de toute une série d’événements qui peuvent intervenir « au fil de l’eau » dans la vie d’une entreprise.

Sans aucunement revenir sur la nature des questions soumises au comité d’entreprise, l’article 13 propose de regrouper les dix-sept obligations actuelles d’information et de consultation annuelles en trois grandes consultations. Il ne propose en revanche aucune modification s’agissant des informations et consultations ponctuelles.

Cette refonte s’inscrit dans la continuité des avancées qui ont été réalisées dans le cadre de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui a mis en place la base de données économiques et sociales de l’entreprise, qui rassemble les informations que l’employeur doit mettre à disposition du comité d’entreprise.

I.  LES INFORMATIONS ET CONSULTATIONS OBLIGATOIRES DU COMITÉ D’ENTREPRISE ET LEURS MODALITÉS

En vertu de sa mission générale d’information et de consultation, le comité d’entreprise est un interlocuteur de premier plan pour l’employeur, qui doit obligatoirement lui transmettre régulièrement toute une série d’informations ou de données relatives à la vie de l’entreprise, l’ensemble de ces informations servant de socle aux consultations du comité d’entreprise. Par ailleurs, l’information et la consultation du comité d’entreprise s’imposent également au gré de certains événements qui peuvent affecter la vie de l’entreprise, par exemple dans le cas d’une restructuration ou d’une fusion, ou encore lors de l’introduction de nouvelles technologies.

A.  UNE MISSION GÉNÉRALE D’INFORMATION ET DE CONSULTATION

Dans le cadre de ses attributions économiques, le comité d’entreprise joue un rôle déterminant dans la vie de l’entreprise : il assure en effet une expression collective des salariés destinée à permettre la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production (article L. 2323-1).

Il dispose de deux moyens d’actions : le premier, à son initiative, puisqu’il dispose d’un pouvoir de proposition ; le second, en réponse aux sollicitations de l’employeur. En effet, l’article L. 2323-2 dispose que les décisions de l’employeur sont forcément précédées de la consultation du comité d’entreprise, à l’exception d’un seul cas notoire, celui d’une offre publique d’acquisition (OPA), pour laquelle la consultation du comité d’entreprise n’intervient qu’après le dépôt de l’offre.

Dans les deux cas, qu’il s’agisse de son pouvoir d’initiative propre ou de ses réponses aux propositions de l’employeur, la compétence du comité d’entreprise porte sur les mesures de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l’entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires.

S’agissant de ses attributions consultatives, l’article L. 2323-3 précise que le comité d’entreprise émet des avis et des vœux. Il dispose dans ce cadre d’un délai d’examen suffisant, qui doit le mettre en mesure d’exercer utilement sa compétence en fonction de la nature et de l’importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l’information et de la consultation du ou des CHSCT. Ces délais d’examen, qui ne peuvent en tout état de cause pas être inférieurs à quinze jours, sont fixés par accord entre l’employeur et le comité d’entreprise ou, le cas échéant, le comité central d’entreprise. Cet accord doit avoir été adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité. À défaut d’accord, un décret en Conseil d’État fixe les délais dans lesquels ces avis sont rendus dans le cadre de l’ensemble des consultations obligatoires du comité d’entreprise.

Les consultations obligatoires du comité d’entreprise sont globalement de deux ordres : il existe d’une part des consultations périodiques – annuelles, semestrielles ou trimestrielles – et d’autre part des consultations à l’occasion d’un événement particulier dans la vie de l’entreprise (par exemple, l’introduction de nouvelles technologies, un projet de restructuration et de compression des effectifs, une modification dans l’organisation économique ou juridique, etc.).

Ce sont les consultations annuelles du comité d’entreprise que le présent article se propose de regrouper en trois grandes thématiques de consultation. En revanche, aucune modification de fond n’est opérée concernant les consultations ponctuelles, « au fil de l’eau ».

B.  LES 17 OBLIGATIONS ACTUELLES D’INFORMATION ET DE CONSULTATION ANNUELLES DU COMITÉ D’ENTREPRISE

Le tableau suivant retrace les 17 obligations actuelles d’information et de consultation annuelles du comité d’entreprise en indiquant, pour chacune d’elles, de laquelle des trois grandes thématiques elle relèvera à l’issue du projet de loi.

Il convient d’ailleurs de noter que pour certaines d’entre elles, la loi ne prévoit pas explicitement le caractère annuel de la consultation.

C’est le cas de la consultation sur la durée et l’aménagement du travail qui figure à l’article L. 2323-29, pour laquelle le caractère annuel de la consultation n’est explicitement requis que sur les deux points particuliers que sont les conditions d’application des aménagements d’horaires des salariés à temps partiel et le recours aux conventions de forfait.

C’est également le cas de la consultation sur les conditions de travail mentionnée à l’article L. 2323-30, qui porte sur les mesures prises en vue de faciliter la mise ou la remise au travail des accidentés du travail, des invalides et des travailleurs handicapés et sur l’application de l’obligation d’emploi de ces derniers.

L’article L. 2323-31 ne précise pas davantage le caractère annuel de la consultation sur l’affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction.

Enfin, l’annualité de la consultation sur la mise en œuvre des contrats et périodes de professionnalisation et la mise en œuvre du compte personnel de formation (article L. 2323-37) ainsi que de celle sur les conditions d’accueil en stage se déduit du fait qu’elles sont partie prenante de la consultation sur le projet de plan de formation et sa mise en œuvre. Mais, là non plus, cette périodicité n’est pas explicitement formulée.

 

Entreprises de moins de 300 salariés

Entreprises de plus de 300 salariés

À l’issue du projet de loi

1.

Orientations stratégiques de l’entreprise et conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages (article L. 2323-7-1)

Orientations stratégiques de l’entreprise

2.

Politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise (article L. 2323-12)

Situation économique et financière de l’entreprise

3.

Sommes reçues par l’entreprise au titre du crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE) et utilisation de ces sommes (article L. 2323-26-1)

4.

Durée du travail : durée et aménagement du temps de travail et période de prise de congés ; conditions d’application des temps partiels aménagés, recours aux conventions de forfait et modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés (article L. 2323-29).

Politique sociale de l’entreprise, conditions de travail et emploi

5.

Conditions de travail : Mesures prises en vue de faciliter la mise ou la remise au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils, des travailleurs handicapés, et déclaration annuelle obligatoire d’emploi de travailleurs handicapés (déclaration jointe au rapport sur la situation économique dans les entreprises de moins de 300 salariés) ; mesures intervenant dans le cadre d’une aide d’État ou dans le cadre d’un contrat de sous-traitance et d’embauche progressive de travailleurs handicapés conclu avec un établissement de travail protégé (article L. 2323-30)

6.

Social : affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l’entreprise se propose de recruter (article L. 2323-31)

7.

Formation professionnelle : orientations de la formation professionnelle en fonction des perspectives économiques et de l’évolution de l’emploi, des investissements et des technologies dans l’entreprise (article L. 2323-33)

Orientations stratégiques de l’entreprise

8.

Formation professionnelle : consultation sur le plan de formation de l’année précédente et de l’année en cours et sur le projet de plan de formation de l’année à venir (articles L. 2323-34 à L. 2323-36).

Politique sociale de l’entreprise, conditions de travail et emploi

9.

Formation professionnelle : conditions de mise en œuvre du compte personnel de formation et des périodes et contrats de professionnalisation (article L. 2323-37)

10.

Conditions d’accueil en stage : conditions d’accueil des jeunes en première formation technologique et des étudiants en stage pratique, des enseignants et des conseillers d’orientation (article L. 2323-38).

11.

Emploi des apprentis : objectifs de l’entreprise en matière d’apprentissage, nombre d’apprentis susceptibles d’être accueillis, conditions de mise en œuvre des contrats d’apprentissage, modalités de liaison entre l’entreprise et le CFA, affectation des sommes prélevées au titre de la taxe d’apprentissage, conditions de mise en œuvre des conventions d’aide au choix professionnel des élèves de classe préparatoire à l’apprentissage et conditions de formation des maîtres d’apprentissage, nombre d’apprentis engagés, par âge et par sexe, diplômes ou titres obtenus en tout ou partie, et perspective d’emploi de ces derniers. Cette consultation peut intervenir au moment de la consultation du comité d’entreprise sur le plan de formation de l’entreprise (articles L. 2323-41 à L. 2323-43)

12.

Rapport sur la situation économique de l’entreprise : activité et situation financière de l’entreprise, bilan du travail à temps partiel, évolution de l’emploi, des qualifications, de la formation et des salaires ; situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes et plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle ; actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés ; nombre et conditions d’accueil des stagiaires ; recours aux CDD, au travail temporaire et à des contrats de portage salarial (article L. 2323-47) et aides attribuées au titre du contrat de génération (article L. 5121-20).

Rapport sur la situation économique et les perspectives de l’entreprise, dont état de l’évolution de la structure et du montant des salaires ; de l’évolution de la productivité et du taux d’utilisation des capacités de production ; de l’évolution de la rémunération moyenne, des rémunérations minimales et maximales horaires et mensuelles (article L 2323-55).

Thèmes réinjectés en partie dans la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise et celle sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi

13.

 

Emploi et formation : évolution de l’emploi et des qualifications ; prévisions et actions de prévention et de formation prévues, particulièrement en faveur des salariés âgés ou des salariés fragiles ; Bilan du travail à temps partiel. Consultation organisée dans le cadre de la remise du rapport sur la situation économique et les perspectives de l’entreprise. (article L. 2323-56)

Politique sociale de l’entreprise, conditions de travail et emploi

14.

Égalité professionnelle : Rapport inclus dans le rapport sur la situation économique de l’entreprise (article L. 2323-47)

Égalité professionnelle : Rapport comparatif sur les conditions d’emploi et de formation des femmes et des hommes et comportant un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle femmes-hommes (article L. 2323-57)

15.

 

Bilan social : informations concernant l’emploi, les rémunérations et charges accessoires, la santé et la sécurité au travail, les autres conditions de travail (durée, organisation, conditions physiques du travail, médecine du travail), la formation, les relations professionnelles, le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleur détachés accueillis, et les autres conditions de vie relevant de l’entreprise (articles L. 2323-68 à L. 2323-77)

16.

Modalités d’exercice du droit d’expression des salariés : en l’absence d’accord sur le droit d’expression des salariés (article L. 2281-12)

17.

Durée du travail : bilan annuel du volume et de l’utilisation des heures supplémentaires ; utilisation et dépassement du contingent d’heures supplémentaires à défaut d’accord collectif (article L. 3121-11).

C.  LES CONSULTATIONS TRIMESTRIELLES OU SEMESTRIELLES OBLIGATOIRES DU COMITÉ D’ENTREPRISE

Outre ces obligations de consultation annuelle du comité d’entreprise, on recense quelques obligations de consultation dont la périodicité est différente, soit semestrielle, soit trimestrielle.

● Les articles L. 2323-46 – pour les entreprises de moins de 300 salariés – et L. 2323-50 – pour les entreprises de plus de 300 salariés – organisent l’information trimestrielle du comité d’entreprise sur l’évolution générale des commandes, l’exécution des programmes de production, ainsi que sur les retards éventuels de paiement de cotisations par l’employeur.

● Les articles L. 2323-51 et L. 2323-52 prévoient l’information annuelle du comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 300 salariés sur :

– les mesures envisagées en matière d’amélioration, de renouvellement ou de transformation de l’équipement ou des méthodes de production et d’exploitation et sur leurs incidences sur les conditions de travail et d’emploi ;

– la situation de l’emploi, avec notamment le recensement des contrats passés avec les entreprises de travail temporaire et avec les établissements de travail protégé ;

– les éléments qui ont conduit à faire appel ou pourraient conduire à faire appel à des contrats à durée déterminée, des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial ;

– et enfin, le nombre de stagiaires accueillis dans l’entreprise, les conditions de leur accueil et les tâches qui leur sont confiées.

● Une information semestrielle du comité d’entreprise dans les entreprises de moins de 300 salariés sur la conclusion de contrats initiative-emploi et de contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) ainsi qu’un bilan semestriel de l’ensemble des embauches et créations nettes d’emplois permises par ces dispositifs sont prévus par l’article L. 2323-48. L’article L. 2323-54 impose la même obligation aux entreprises de plus de 300 salariés, mais en donnant à cette information un caractère trimestriel. Cette information n’est toutefois pas en tant que telle suivie d’une consultation du comité d’entreprise.

● Les articles L. 3142-36 et L. 3142-106 posent le principe d’une information semestrielle du comité d’entreprise sur les demandes de congés de solidarité internationale, de congé ou de période de travail à temps partiel pour création d’entreprise, ainsi que de congé sabbatique, ainsi que de la suite qui a été donnée à ces demandes. Cette information n’est toutefois pas suivie d’une consultation du comité d’entreprise.

● Notons également qu’en application de l’article L. 5121-12, en l’absence d’accord collectif intergénérationnel couvrant les entreprises de plus de 300 salariés, celles-ci sont soumises à l’obligation de mettre en place un plan d’action intergénérationnel poursuivant les mêmes objectifs, le comité d’entreprise devant être consulté chaque année sur la mise en œuvre de ce plan d’action et la réalisation des objectifs fixés. Toutefois, cette consultation ne revêt pas un caractère systématique puisqu’elle ne s’applique qu’aux entreprises de cette taille qui ne seraient pas couvertes par un accord collectif en la matière.

● En vertu de l’article D. 3323-13 et en application d’un accord de participation, l’employeur est tenu de présenter chaque année, dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice, un rapport au comité d’entreprise sur les éléments de calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, ainsi que sur la gestion et l’utilisation des sommes affectées à cette réserve.

● Enfin, en application des articles L. 2323-49 et L. 2323-60 (respectivement pour les entreprises de moins de 300 salariés et pour celles de plus de 300 salariés), l’employeur est tenu de présenter chaque année au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, à leur demande, le rapport sur les comptes afférents à la convention ou au contrat de garantie prévoyance ou de complémentaire santé, dans le cas où une telle couverture est organisée.

D.  LES OBLIGATIONS PONCTUELLES D’INFORMATION ET DE CONSULTATION DU COMITÉ D’ENTREPRISE

Outre ces obligations d’information et de consultation périodiques du comité d’entreprise, l’employeur est tenu de procéder à une telle information et consultation de l’instance à de multiples moments de la vie de l’entreprise, soit « au fil de l’eau », soit à l’occasion d’événements plus ponctuels.

Le comité d’entreprise est avant tout consulté structurellement, en vertu de l’article L. 2323-6, sur toute question intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle. Il s’agit ici d’un principe de compétence générale, indétachable des attributions économiques du comité.

Il est également informé et consulté « au fil de l’eau » sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération (article L. 2323-27).

Conformément aux articles L. 2323-13 et L. 2323-14, le comité d’entreprise est également informé et consulté préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d’avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail. En cas de mise en œuvre de mutations technologiques importantes et rapides, un plan d’adaptation établi par l’employeur doit également lui être transmis pour information et consultation.

Le comité d’entreprise est saisi en temps utile de tout projet de restructuration et de compression des effectifs, de même que le comité ou les délégués du personnel de l’entreprise sous-traitante dans l’hypothèse où le projet affecterait une telle entreprise (articles L. 2323-15 et L. 2323-16).

Il est informé et consulté sur les modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, notamment en cas de fusion, cession ou modification importante des structures de production de l’entreprise, ainsi que lors de l’acquisition ou de la cession de filiales. Il l’est également en cas de prise de participation dans une société ou sur la prise de participation dont son entreprise est l’objet. Il est en outre consulté lors d’une opération de concentration dans un délai de trois jours à compter de la publication de la notification du projet et peut dans ce cadre recourir à un expert (articles L. 2323-19 et L. 2323-20). Enfin, les articles L. 2323-21 à L. 2323-26-1 B organisent la consultation du comité d’entreprise en cas de dépôt d’une offre publique d’acquisition (OPA), à la fois dans l’entreprise auteur de l’offre et dans l’entreprise cible.

Les articles L. 2323-44 et L. 2323-45 encadrent la procédure d’information et consultation du comité d’entreprise lors d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Le comité d’entreprise est informé et consulté en cas d’attribution directe, par une personne publique ou dans le cadre de programmes ou fonds communautaires, de subventions supérieures à 200 000 euros et ou de prêts ou avances remboursables excédant 1,5 million d’euros (article R. 2323-7-1).

Il est également informé et, le cas échéant, consulté sur de multiples événements qui peuvent intervenir dans la vie d’une entreprise : sans dresser une liste exhaustive de ces événements, on peut citer l’information obligatoire du comité d’entreprise en cas de décision préfectorale d’opposition à l’engagement d’apprentis, la consultation du comité d’entreprise dans le cadre de toute procédure de licenciement économique collectif ainsi que, dans ce cadre, pour la fixation de l’ordre des licenciements, mais aussi en cas de licenciement, de rupture conventionnelle homologuée ou de mise à la retraite d’un salarié protégé, ou encore dans le cadre d’une demande de dérogation à la durée maximale journalière ou hebdomadaire de travail, etc.

Enfin, le comité d’entreprise est aujourd’hui consulté sur les projets d’accords collectifs, leur révision ou leur dénonciation, en vertu d’une interprétation par la jurisprudence de l’article L. 2323-2 selon lequel « les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du comité d’entreprise » sur tous les thèmes soumis légalement à l’avis de ce dernier, le juge ne faisant pas le départ entre les décisions unilatérales de l’employeur ou la négociation d’un accord collectif d’entreprise. Dans le cas d’un accord collectif, le juge a ainsi estimé que la consultation du comité d’entreprise devait être concomitante à l’ouverture de la négociation ou avoir lieu au plus tard avant la signature de l’accord.

II. LA REFONTE DES INFORMATIONS-CONSULTATIONS ANNUELLES OBLIGATOIRES DU COMITÉ D’ENTREPRISE

A.  UNE REDÉFINITION PRÉALABLE DE LA MISSION GÉNÉRALE D’INFORMATION ET DE CONSULTATION DU COMITÉ D’ENTREPRISE

Le I modifie la sous-section 1 consacrée à la mission générale d’information et de consultation du comité d’entreprise, autrement dit à ses attributions économiques « au long cours ».

Le insère un nouvel alinéa à l’article L. 2323-1, qui définit le rôle du comité d’entreprise en matière économique. Il reprend les dispositions qui figurent actuellement à l’article L. 2323-6, d’après lesquelles le comité d’entreprise « est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ». La modification proposée consiste simplement à préciser que cette mission d’ordre général est assumée en dehors des consultations spécifiques périodiques du comité d’entreprise qui feront désormais l’objet de l’article L. 2323-6.

Le modifie l’article L. 2323-2, qui impose que les décisions de l’employeur soient systématiquement précédées de la consultation du comité d’entreprise, à l’exception de la décision consistant à lancer une offre publique d’acquisition, pour laquelle la consultation du comité d’entreprise se fait en réalité dans les deux jours suivant la publication de l’offre. Il prévoit surtout que, désormais, « les projets d’accords collectifs, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l’avis du comité d’entreprise ». D’après les éléments portés à la connaissance du rapporteur, l’intérêt de la consultation du comité d’entreprise n’apparaît plus aussi évident qu’avant, en raison du renforcement du lien entre comité d’entreprise et délégué syndical, lié à la mesure de représentativité des organisations syndicales et des règles de conclusion des accords collectifs qui en ont découlé. En effet, depuis la loi du 20 août 2008, cette consultation apparaît davantage comme étant formelle et son intérêt est moindre, dans la mesure où les acteurs de la négociation pour les salariés sont souvent par ailleurs élus au comité d’entreprise et que la mesure de l’audience syndicale est issue des résultats des élections du comité d’entreprise.

Le modifie l’article L. 2323-3, relatif aux délais dont dispose le comité d’entreprise pour émettre ses avis et ses vœux dans le cadre de ses missions consultatives. Le a) opère une coordination en renvoyant aux missions consultatives mentionnées aux articles L. 2232-10, L. 2232-12 et L. 2232-15, qui correspondent aux trois grandes consultations annuelles du comité d’entreprise qui regroupent l’ensemble des informations et consultations annuelles obligatoires existantes. Le c) procède à la même coordination s’agissant des conditions de fixation des délais dans lesquels le comité d’entreprise rend son avis dans le cadre de ces trois mêmes consultations.

Le b) est commenté ci-après.

B.  LE REGROUPEMENT DE L’ENSEMBLE DES INFORMATIONS ET CONSULTATIONS ANNUELLES EN TROIS GRANDES THÉMATIQUES DE CONSULTATIONS

Cet article procède à la refonte complète des informations et consultations annuelles du comité d’entreprise, pour les regrouper en trois grandes consultations annuelles, portant respectivement sur :

– les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences ;

– la situation économique et financière de l’entreprise ;

– et enfin, la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Cette énumération fait l’objet de l’article L. 2323-6 dans sa nouvelle rédaction, prévue au du I.

Ce met également en place un nouvel instrument de souplesse pour les entreprises qui souhaitent adapter les modalités et le cadre de cette triple consultation annuelle du comité d’entreprise. Ainsi, l’article L. 2323-7 dans sa nouvelle rédaction prévoit qu’un accord d’entreprise conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2232-12 (autrement dit, sous condition d’avoir été conclu par des organisations ayant recueilli au moins 30 % des suffrages aux dernières élections professionnelles, et en l’absence d’opposition d’organisations représentant la majorité de ces mêmes suffrages) peut définir :

– les modalités des deux consultations suivantes : celle portant sur la situation économique et financière de l’entreprise, et celle portant sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. La consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise se voit exclue de cette faculté d’adaptation, dans la mesure où elle a vocation à constituer le noyau dur de la procédure de consultation du comité d’entreprise ;

– la liste et le contenu des informations récurrentes prévues dans le cadre de ces deux mêmes consultations, ainsi que dans le cadre du droit d’alerte économique et social et de l’utilisation des aides publiques, à l’exception des documents comptables mentionnés à l’article L. 2323-13 et qui sont exigés dans le cadre de la négociation sur la situation économique et financière de l’entreprise ;

– le nombre de réunions annuelles du comité d’entreprise prévues par l’article L. 2325-14, qui ne peut toutefois être inférieur à six. Cet article prévoit en effet que dans les entreprises de plus de 150 salariés, le comité d’entreprise se réunit au moins une fois par mois sur convocation de l’employeur ou de son représentant ; dans les entreprises de moins de 150 salariés, ce dernier est tenu de convoquer le comité d’entreprise au moins une fois tous les deux mois, sauf en présence d’une délégation unique du personnel (DUP). En outre, le comité d’entreprise peut tenir une seconde réunion à la demande de la majorité de ses membres. Le texte retient donc le plancher d’une réunion tous les deux mois, qui correspond au nombre minimal de réunions du comité d’entreprise dans les entreprises de moins de 150 salariés. Le distinguo entre entreprises de plus de 150 salariés et de moins de 150 salariés tombe donc dans le cadre d’un tel accord, qui pourra fixer un nombre de réunions du comité d’entreprise jusqu’à deux fois moins important que dans le droit commun dans les entreprises de plus de 150 salariés ;

– et enfin, les délais dans lesquels les avis du comité d’entreprise mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2323-3 sont rendus. Cet alinéa prévoit en effet que par accord conclu entre l’employeur et le comité d’entreprise ou, le cas échéant, le comité central d’entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité d’entreprise ou, à défaut d’accord, un décret en Conseil d’État, fixe les délais dans lesquels le comité d’entreprise rend son avis, ceux-ci ne pouvant en tout état de cause être inférieurs à quinze jours. Le b) du du I prévoit désormais de renvoyer en priorité à l’accord d’entreprise créé par l’article L. 2323-7 pour fixer ces délais : ce ne sera désormais plus qu’en l’absence de délégué syndical qu’un accord pourra être passé entre l’employeur et le comité d’entreprise pour fixer ces délais.

Un accord collectif d’entreprise pourra donc modifier la périodicité des consultations – à l’exclusion de celle portant sur les orientations stratégiques –, leur ordre – par exemple en faisant basculer un thème d’une consultation vers une autre –, ainsi que le contenu des informations servant de support à la consultation, sous la réserve de bien respecter le nombre des rubriques énumérées dans le cadre de la base de données unique. D’après les informations fournies au rapporteur, une adaptation des informations récurrentes négociée par accord se traduira par une modification du contenu des rubriques incluses dans la base de données uniques, celle-ci étant en effet le réceptacle des informations récurrentes à destination du comité d’entreprise, mais n’en étant pas la condition.

Les et du I reprennent les actuels articles L. 2232-7-2 et L. 2232-7-3 relatifs respectivement à la base de données économiques et sociales et à l’intégration à cette base de données des informations par ailleurs transmises dans le cadre des consultations récurrentes du comité d’entreprise : ces dispositions sont reprises sans modification autre que de coordination.

1.  La consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise

Le II procède à la refonte de la consultation annuelle obligatoire sur les orientations stratégiques de l’entreprise, qui figurera désormais à la sous-section 2 de la section 1 consacrée aux attributions économiques du comité d’entreprise : la réorganisation légistique de cette sous-section fait l’objet des , et de ce II.

C’est l’article L. 2323-7-1 qui pose pour l’heure le cadre de la consultation annuelle du comité d’entreprise sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaire et à des stages.

Dans ce cadre, le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert-comptable qu’il contribue à financer à hauteur de 20 %, dans la limite du tiers de son budget annuel, sauf accord sur le financement trouvé avec l’employeur.

Le comité d’entreprise émet un avis sur les orientations stratégiques présentées et peut proposer des orientations alternatives. Son avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui formule une réponse argumentée, communiquée au comité d’entreprise qui peut ensuite y répondre.

Les informations nécessaires à la présentation des orientations stratégiques de l’entreprise figurent logiquement dans la base de données économiques et sociales.

Cet article ne revient pas sur le contenu actuel de cette consultation dont il ne remet en cause aucun des éléments de contenu. Il se contente d’y adjoindre deux points supplémentaires : la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) d’une part, les orientations de la formation professionnelle d’autre part. Cet ajout est prévu au a) du du II.

En effet, en vertu de l’actuel premier alinéa de l’article L. 2323-33, le comité d’entreprise est consulté chaque année sur les orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise, en fonction des perspectives économiques et de l’évolution de l’emploi, des investissements et des technologies. Ces orientations sont établies en cohérence avec le contenu de l’accord conclu le cas échéant au titre de la GPEC, qui fixe notamment les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l’entreprise. Ces orientations s’appuient sur l’analyse de la situation comparée des hommes et des femmes par ailleurs exigée des entreprises et qui figure aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57, respectivement pour les entreprises de moins de 300 salariés et pour les entreprises de plus de 300 salariés.

Dans la mesure où les orientations en matière de formation professionnelle de l’entreprise, le cas échéant fixées dans le cadre d’un accord de GPEC, s’inscrivent bien d’ores et déjà dans cette perspective pluriannuelle – en l’occurrence triennale -, il apparaît opportun d’inclure ce volet dans la consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Cela permet en effet de regrouper l’ensemble des éléments destinés à fixer le cadre d’évolution de l’entreprise pour les années à venir, en faisant de cette consultation une consultation plus globalisante que ce qu’elle est aujourd’hui.

Le du II procède à la réécriture complète de l’article L. 2323-11 pour prévoir que par accord de groupe, la consultation sur les orientations stratégiques peut être effectuée au niveau du comité de groupe. Cet accord doit alors prévoir les modalités de transmission de l’avis du comité de groupe :

– aux comités d’entreprise du groupe, qui restent eux-mêmes consultés sur les conséquences de ces orientations stratégiques ;

– ainsi qu’à l’organe chargé de l’administration de l’entreprise dominante de ce groupe telle que définie à l’article L. 2331-1.

Ce choix appelle deux remarques :

– d’une part, le caractère globalisant de cette consultation et sa dimension essentiellement stratégique plaident bien pour la possibilité de l’organiser au niveau du comité de groupe. Ce niveau paraît en effet pertinent au regard de la nature de la consultation ; il serait en tout cas regrettable de se priver de cette possibilité. Il convient de rappeler que dans le droit actuel, aucune disposition ne prévoit expressément la possibilité de mener la consultation sur les orientations stratégiques au niveau du groupe. Pourtant, en pratique, certaines entreprises ont négocié la mise en place de cette consultation à ce niveau ;

– d’autre part, il est normal de privilégier une circulation de l’information « descendante » plutôt qu’« ascendante » dans ce cas, dans la mesure où le cadre stratégique global est logiquement défini au niveau central, celui du groupe. En revanche, les comités d’entreprise du groupe restent consultés sur les conséquences, à leur niveau, de ces orientations stratégiques : leur avis pourra donc être utilement nourri par l’avis du comité du groupe, sans qu’il soit cependant nécessaire de prévoir à ce niveau un nouvel échange entre le comité d’entreprise et l’organe chargé de l’administration de l’entreprise.

2.  La consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise

L’article L. 2323-47 pour les entreprises de moins de 300 salariés, les articles L. 2323-55 et L. 2323-56 pour les entreprises de plus de 300 salariés, constituent aujourd’hui le cadre légal de la consultation annuelle du comité d’entreprise sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Or, ces articles portent en très grande partie sur des éléments qui ne relèvent ni de la situation économique, ni de la situation financière de l’entreprise. Si l’article L. 2323-47 prévoit bien que l’employeur remet au comité d’entreprise un rapport sur la situation économique de l’entreprise, qui porte sur l’activité et la situation financière de celle-ci, tout le reste des éléments énumérés par cet article concernent la situation de l’emploi et la politique sociale de l’entreprise, à savoir : le bilan du travail à temps partiel ; l’évolution de l’emploi, des qualifications, de la formation et des salaires ; la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes complétée par le plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle femmes-hommes, et enfin, les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés et le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires. De la même manière, l’article L. 2323-55 prévoit la remise annuelle d’un rapport sur la situation économique et les perspectives de l’entreprise pour l’année à venir, mais dont le contenu légal ne porte en réalité que sur des éléments relatifs à l’emploi, aux salaires, aux qualifications, à la formation, etc.

Par ailleurs, les articles L. 2323-8 à L. 2323-10 prévoient, en fonction du statut juridique de l’entreprise, la communication au comité d’entreprise de documents comptables et financiers, en l’occurrence :

– dans les sociétés commerciales, les documents transmis à l’assemblée générale des actionnaires et à l’assemblée des associés, ainsi que le rapport des commissaires aux comptes. Le comité d’entreprise a en outre la possibilité de formuler toute observation sur la situation économique et sociale de l’entreprise à destination des actionnaires ou associés ; il peut entendre les commissaires aux comptes sur la situation financière de l’entreprise et a droit aux mêmes communications et copies que les actionnaires ;

– dans les sociétés non commerciales, l’ensemble des documents comptables établis par l’entreprise ;

– dans les sociétés commerciales de plus de 300 salariés, de documents de gestion comptable prévisionnelle, en particulier la situation de l’actif réalisable et disponible du passif exigible, ainsi que le compte de résultats prévisionnel.

Le III procède à la refonte de la consultation annuelle obligatoire sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Son propose de réintituler la sous-section 3 de la section première relative aux attributions économiques du comité d’entreprise, pour la consacrer exclusivement à la « consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise ».

Son procède à une nouvelle rédaction des articles L. 2323-12 à L. 2323-14.

● S’agissant de l’article L. 2323-12 dans sa nouvelle rédaction :

Son premier alinéa dispose que la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise porte également sur la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise et sur l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) : autrement dit, elle procède au regroupement de trois thèmes de consultation en un seul.

Ce sont en effet pour l’heure l’article L. 2323-12 pour la politique de recherche et développement, et les articles L. 2323-26-1 à L. 2323-26-3 pour le CICE, qui régissent la procédure de consultation du comité d’entreprise dans ces matières.

La nouvelle rédaction ne reprend pas le second alinéa de l’article L. 2323-12, qui prévoit que les aides publiques en faveur des activités de recherche et de développement sont suspendues en l’absence de consultation du comité d’entreprise, pas plus que les articles L. 2323-26-2 et L. 2323-26-3 qui aménagent un droit d’alerte du comité d’entreprise sur l’utilisation par l’entreprise des sommes issues du CICE : en effet, l’ensemble de ces dispositions relèvent d’une compétence spécifique du comité d’entreprise, que le présent article propose de regrouper au sein d’une sous-section 6, relative au droit d’alerte économique et social du comité d’entreprise et à l’utilisation des aides publiques. Cette distinction permet de clarifier les compétences du comité d’entreprise et de mieux isoler son rôle strictement consultatif de son rôle d’alerte.

Le second alinéa de l’article L. 2323-12 reprend le principe, figurant aujourd’hui à l’article L. 2323-8 pour les sociétés commerciales, selon lequel l’avis du comité d’entreprise est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise. Il n’est donc plus opéré de distinction entre sociétés commerciales, sociétés non commerciales et sociétés commerciales de plus de 300 salariés. Dans tous les cas, l’avis du comité d’entreprise est transmis aux organes compétents, quelle que soit la forme de la société concernée, y compris s’il s’agit d’un groupement d’intérêt économique (GIE).

● L’article L. 2323-13 dans sa nouvelle rédaction reprend l’essentiel des dispositions qui figurent aujourd’hui aux articles L. 2323-8 à L. 2323-10 sur la nature des documents soumis au comité d’entreprise.

Au préalable, le 1° de l’article L. 2323-13 précise que sont mises à disposition du comité d’entreprise les informations sur l’activité et sur la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que sur ses perspectives pour l’année à venir. Ces données sont également tenues à la disposition de l’autorité administrative.

Les 2° à 4° de l’article L. 2323-13, comme cela est dit ci-dessus, concernent la reprise des dispositions des actuels articles L. 2323-8 à L. 2323-10 sur la nature des documents comptables transmis au comité d’entreprise en fonction du type de société :

– le 2° reprend l’essentiel des dispositions relatives aux sociétés commerciales figurant à l’article L. 2323-8 actuel, en omettant toutefois de préciser que le rapport des commissaires aux comptes figure bien parmi les documents obligatoirement soumis au comité d’entreprise, de même qu’il ne précise plus que le comité d’entreprise peut convoquer les commissaires aux comptes pour recevoir leurs explications sur les documents communiqués. Ces deux éléments semblent davantage relever d’un oubli que d’une volonté de réduire les pouvoirs du comité d’entreprise. Il conviendra donc de les rétablir ;

– le 3° reprend les dispositions spécifiques aux sociétés commerciales de plus de 300 salariés (ou de plus de 18 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes) s’agissant de la communication des documents de gestion comptable prévisionnels, qui concernent également les groupements d’intérêt économique qui établissent de tels documents. Il n’est toutefois plus fait référence au caractère confidentiel des informations ainsi communiquées dans ce cadre : il s’agit là encore vraisemblablement plus d’un oubli que d’un souhait de remettre en cause l’obligation de confidentialité, qu’il conviendra donc de réparer ;

– le 4° reprend l’article L. 2323-9 actuel sans modification, s’agissant des documents comptables établis par les sociétés non commerciales.

Alors que la rédaction actuelle de l’article L. 2323-8 prévoit que les observations du comité d’entreprise sont transmises à l’assemblée générale des actionnaires ou des associés, en même temps que le rapport du conseil d’administration, du directoire ou des gérants, cet avis sera désormais transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, sans que le séquençage dans le temps ne soit aussi strict qu’il ne l’est actuellement, celui-ci étant en effet un facteur de rigidification excessive.

Les 5° et 6° de l’article L. 2323-13 dans sa nouvelle rédaction procèdent à l’ajout des informations suivantes :

– celles relatives aux sommes reçues par l’entreprise au titre du CICE et de leur utilisation qui figurent aujourd’hui à l’article L. 2323-26-1 ;

– ainsi que celles relatives à la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise qui figurent aujourd’hui à l’article L. 2323-12.

● Enfin, l’article L. 2323-14 dans sa nouvelle rédaction renvoie à un décret en Conseil d’État pour préciser le contenu des informations prévues dans la sous-section consacrée à la consultation annuelle obligatoire sur la situation économique et financière de l’entreprise, « qui peut varier selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés ».

D’après les informations transmises au rapporteur, le principe retenu consiste à regrouper les consultations sans diminution du nombre et de la teneur des informations destinées au comité d’entreprise. Le décret a donc vocation à retracer l’ensemble des informations actuellement requises, en reprenant les distinctions déjà prévues entre les entreprises de moins de 300 salariés et celles de plus de 300 salariés.

3.  La consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi

Le IV instaure la troisième et dernière grande thématique d’information et de consultation du comité d’entreprise, qui occupera désormais la sous-section 4, sous l’intitulé, modifié par le du IV : « Consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi ».

a.  De multiples consultations ou informations aujourd’hui éparses

Cette grande consultation est celle qui regroupe le plus grand nombre de consultations existantes, aujourd’hui distinctes.

La situation de l’emploi

● Elle intègre bien sûr en premier lieu l’actuelle information trimestrielle obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés sur la situation de l’emploi qui figure aux articles L. 2323-51 et L. 2323-52. Rappelons que cette information est plus large que son intitulé, puisqu’elle porte sur :

– les mesures envisagées en matière d’amélioration, de renouvellement ou de transformation de l’équipement ou des méthodes de production et d’exploitation et sur leurs incidences sur les conditions de travail et d’emploi ;

– la situation de l’emploi, et notamment sur l’ensemble des contrats passés avec les entreprises de travail temporaire pour la mise à disposition des salariés titulaires d’un contrat de mission et avec les établissements de travail protégé lorsque les contrats conclus avec ces établissements prévoient la formation et l’embauche par l’entreprise de travailleurs handicapés (ce dernier point spécifique disparaît aussi) ;

– les éléments qui ont conduit ou pourraient conduire l’employeur à faire appel à des contrats à durée déterminée, à des contrats de mission ou à des contrats de portage salarial ;

– le nombre de stagiaires accueillis dans l’entreprise, les conditions de leur accueil et les tâches qui leur sont confiées.

Notons toutefois que le premier élément de cette information n’est pas repris dans le cadre de la refonte de cette consultation : d’après les informations recueillies par votre rapporteur, ces dispositions seront reprises au niveau réglementaire.

● Elle intègre ensuite l’actuel rapport annuel obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés sur la situation économique et les perspectives de l’entreprise pour l’année à venir, qui doit notamment retracer l’évolution de la rémunération moyenne horaire et mensuelle par sexe, par catégories et par établissement, ainsi que les rémunérations minimales et maximales horaires et mensuelles au cours de l’exercice et par rapport à l’exercice précédent. Ce rapport fait l’objet d’une réunion au cours de laquelle le comité d’entreprise est consulté sur :

– l’évolution de l’emploi et des qualifications dans l’entreprise au cours de l’année passée ;

– les prévisions annuelles ou pluriannuelles et les actions, notamment de prévention et de formation, envisagées particulièrement au bénéfice des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification les exposant, plus que d’autres, aux conséquences de l’évolution économique ou technologique.

Cette information-consultation du comité d’entreprise figure aux articles L. 2323-55 et L. 2323-56 du code du travail.

Dans le cadre de la refonte opérée par le présent IV, il ne reste de l’actuel rapport que la référence aux « salaires » ; en revanche, les éléments relatifs à l’évolution de l’emploi et des qualifications, ainsi qu’aux actions de prévention et de formation restent présents, bien qu’il ne soit plus fait mention explicite des publics dits fragiles aujourd’hui explicités par le texte de loi et qui ont vocation à être renvoyés au niveau réglementaire.

● Elle recouvre également l’actuelle consultation du comité d’entreprise prévue dans les entreprises de plus de 300 salariés sur le rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise prévu à l’article L. 2323-57. C’est ce rapport qui sert de support au plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (par ailleurs déposé auprès de l’autorité administrative), le rapport étant également transmis à l’inspecteur du travail (article L. 2323-58). L’ensemble de ces éléments sont repris dans le cadre de la consultation unifiée sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

● S’agissant des entreprises de moins de 300 salariés, elle recouvre le rapport annuel remis au comité d’entreprise sur la situation économique de l’entreprise mentionné à l’article L. 2323-47. Outre le fait que ce rapport porte sur l’activité et la situation financière de l’entreprise – éléments qui ont été repris dans le cadre de la nouvelle consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise –, il comporte surtout des éléments :

– de bilan du travail à temps partiel dans l’entreprise ;

– sur l’évolution générale de l’emploi, des qualifications, de la formation et des salaires ;

– sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, assortie d’un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

– sur les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés dans l’entreprise ;

– sur le nombre et les conditions d’accueil de stagiaires ;

– sur les éléments qui ont conduit ou pourraient conduire l’employeur à faire appel à des contrats à durée déterminée, des contrats de mission ou des contrats de portage salarial.

L’ensemble de ces éléments sont repris dans le cadre de la consultation unifiée.

Les consultations relatives au plan de formation et à l’apprentissage

La nouvelle consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi a également vocation à intégrer les actuelles consultations relatives au plan de formation et au recours à l’apprentissage. La consultation sur les orientations de la formation professionnelle a, on l’a vu, quant à elle été intégrée à la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

L’article L. 2323-34 prévoit que chaque année, au cours de deux réunions spécifiques, le comité d’entreprise est consulté sur l’exécution du plan de formation du personnel de l’entreprise sur l’année n-1 et l’année en cours ainsi que sur le projet de plan pour l’année à venir.

Aux termes de l’article L. 2323-37, le comité d’entreprise émet également un avis sur les conditions de mise en œuvre des contrats et périodes de professionnalisation ainsi que sur la mise en œuvre du compte personnel de formation.

L’article L. 2323-38 prévoit que le comité d’entreprise est informé des conditions d’accueil en stage des jeunes en première formation technologique ou professionnelle, ainsi que des conditions d’accueil dans l’entreprise des enseignants dispensant ces formations ou des conseillers d’orientation. Il est également consulté sur les conditions d’accueil et de mise en œuvre de la formation reçue dans les entreprises par les élèves et étudiants pour les périodes obligatoires en entreprise prévues dans les programmes des diplômes de l’enseignement technologique ou professionnel, ainsi que sur les conditions d’accueil des enseignants dans l’entreprise et sur les conditions d’exercice du congé pour enseignement.

L’article L. 2323-41 pose le principe de la consultation du comité d’entreprise en matière d’apprentissage (objectifs de l’entreprise en la matière, nombre d’apprentis susceptibles d’être accueillis par niveau initial de formation, par diplôme, titre homologué ou titre d’ingénieur préparés, conditions de mise en œuvre des contrats d’apprentissage, notamment modalités d’accueil, d’affectation à des postes adaptés, d’encadrement et de suivi des apprentis, affectation des sommes prélevées au titre de la taxe d’apprentissage, conditions de mise en œuvre des conventions d’aide au choix professionnel des élèves de classe préparatoire à l’apprentissage et conditions de formation des maîtres d’apprentissage). En vertu de l’article L. 2323-42, le comité d’entreprise est également informé sur le nombre d’apprentis engagés par l’entreprise, par sexe et par âge, les diplômes ou titres obtenus en tout ou partie par les apprentis et la manière dont ils l’ont été et enfin, les perspectives d’emploi des apprentis. La consultation et l’information du comité d’entreprise sur l’apprentissage peuvent néanmoins d’ores et déjà intervenir dans le cadre de la consultation annuelle sur le plan de formation (article L. 2323-43).

La consultation unique sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi regroupe l’ensemble des informations sur le plan de formation du personnel de l’entreprise, ainsi que sur la mise en œuvre des contrats et périodes de professionnalisation et du compte personnel de formation. Il n’est toutefois plus fait référence qu’au nombre et aux conditions d’accueil des stagiaires et à l’apprentissage en général, sans plus de précision. Les précisions afférentes relèveront désormais du niveau réglementaire.

La durée du travail

La troisième thématique qui se voit intégrée dans la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi est celle de la durée du travail, domaine sur lequel le comité d’entreprise est aujourd’hui consulté, mais sans que les textes soient véritablement clairs sur ce sujet.

● En effet, le comité d’entreprise est destinataire d’un bilan annuel sur le volume et l’utilisation des heures supplémentaires, ainsi que sur l’utilisation et le dépassement éventuel du contingent d’heure supplémentaires (à défaut d’accord) : néanmoins, ces dispositions ne figurent pas aujourd’hui parmi les informations-consultations du comité d’entreprise. Elles figurent dans la loi TEPA (14) s’agissant du bilan annuel d’une part, et à l’article L. 3121-11 s’agissant du contingent d’heures supplémentaires d’autre part.

L’article L. 2323-39 prévoit quant à lui que le comité d’entreprise est consulté sur la durée et l’aménagement du temps de travail ainsi que sur la période de prise de congés, mais sans préciser qu’il s’agit là d’une consultation annuelle. Cet article précise toutefois que le comité d’entreprise délibère « chaque année » sur la variation de la durée du travail en cas d’aménagement du travail sur plusieurs semaines lorsqu’elle s’applique à des salariés à temps partiel, et qu’il est également consulté chaque année sur le recours aux conventions de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés.

● S’agissant spécifiquement du travail à temps partiel, les dispositions qui encadrent aujourd’hui l’information communiquée au comité d’entreprise restent également très éparses et par conséquent, relativement obscures : en effet, l’article L. 3123-3 prévoit qu’un bilan du travail à temps partiel est communiqué chaque année au comité d’entreprise, mais aucun des articles relatifs aux consultations du comité d’entreprise ne prévoit expressément ce point, à l’exception de l’article L. 2323-29 déjà cité s’agissant des aménagements d’horaires des salariés à temps partiel lorsque celui-ci est aménagé sur tout ou partie de l’année. En outre, on peut présupposer que dans les entreprises d’au moins 300 salariés, la réunion annuelle sur la situation de l’emploi permet de dresser le bilan du travail à temps partiel dans l’entreprise, sans toutefois que les articles afférents (articles L. 2323-51, L. 2323-55 et L. 2323-56) ne le prévoient expressément.

Sur ce point donc, le texte apporte des clarifications bienvenues : la consultation unifiée sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi traitera bien désormais des modalités d’utilisation du contingent annuel d’heures supplémentaires et de son éventuel dépassement, de même qu’elle reposera sur un bilan du travail à temps partiel. Elle portera également sur la durée et à l’aménagement du temps de travail, la période de prise de congés ainsi que les conditions d’application des aménagements d’horaires en cas de modulation du temps de travail au-delà de la semaine, lorsqu’elles s’appliquent à des salariés à temps partiel.

Les autres consultations

Le comité d’entreprise est également tenu informé tous les six mois des demandes de congé ou de temps partiel pour création d’entreprise et de congé sabbatique avec indication de la suite qui y a été donnée (article L. 3142-106) ; il est également informé selon la même périodicité des demandes de congé de solidarité internationale (article L. 3142-36). Ces éléments ne sont pas expressément repris dans le cadre de la consultation unifiée : d’après les informations fournies à votre rapporteur, elles seront reprises dans le cadre du décret qui énumèrera l’ensemble des informations incluses dans cette consultation.

En vertu de l’article L. 2323-30, le comité d’entreprise est consulté sur les mesures prises en vue de faciliter la mise ou la remise au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils, des travailleurs handicapés, notamment sur celles relatives à l’application de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Il est également consulté sur les mesures intervenant dans le cadre d’une aide de l’État ou dans le cadre d’un contrat de sous-traitance et d’embauche progressive de travailleurs handicapés conclu avec un établissement de travail protégé. Le premier élément est intégralement repris dans le cadre de la nouvelle consultation.

En outre, aux termes de l’article L. 2323-31, le comité d’entreprise est consulté sur l’affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction, quel qu’en soit l’objet, ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l’entreprise se propose de recruter. Ces dispositions sont également intégralement reprises dans le cadre de la nouvelle consultation.

Enfin, l’article L. 2281-12 dispose que dans les entreprises où aucun délégué syndical n’a été désigné ou dans lesquelles un accord sur le droit d’expression des salariés n’a pas été conclu, l’employeur doit consulter annuellement le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, sur les modalités d’exercice de ce droit d’expression. Cette consultation est intégralement réinjectée dans le cadre de la nouvelle consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

b.  Une consultation unique annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi

Le du IV procède à la réécriture complète des articles L. 2323-15 à L. 2323-19 relatifs aux dispositions communes applicables à cette nouvelle consultation unifiée.

L’article L. 2323-15 dans sa nouvelle rédaction énumère les différents points devant obligatoirement relever de cette consultation, à savoir l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de prévention et de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage, les conditions de travail, les congés et l’aménagement du temps de travail, la durée du travail, les modalités d’utilisation du contingent annuel d’heures supplémentaires et de son éventuel dépassement dans les conditions prévues à l’article L. 3121-11, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés dans les entreprises où aucun délégué syndical n’a été désigné ou dans lesquelles un accord sur le droit d’expression n’a pas été conclu.

L’article L. 2323-16 dans sa nouvelle rédaction reprend le principe selon lequel le comité d’entreprise bénéficie du concours du CHSCT « afin d’étudier l’incidence sur les conditions de travail des problèmes généraux résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications, des modes de rémunération ». Il peut confier au CHSCT le soin de procéder à des études portant sur les matières relevant de la compétence de ce dernier. Il s’agit là de la reprise des dispositions figurant aux actuels articles L. 2323-27 et L. 2323-28 sur la consultation « au long cours » du comité d’entreprise sur les conditions de travail et sur l’appui du CHSCT dont il peut bénéficier à ce titre.

L’article L. 2323-17 dans sa nouvelle rédaction récapitule l’ensemble des informations que l’employeur met à la disposition du comité d’entreprise pour les besoins de cette consultation au sein de la base de données économiques et sociales mentionnée à l’article L. 2323-9. Le tableau suivant retrace ces informations en les rapportant à la thématique qu’elles doivent en principe venir alimenter.

Thème de consultation

Informations requises

Évolution de l’emploi

Évolution de l’emploi, salaires, recours aux CDD, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.

Qualifications

Qualifications.

Programme pluriannuel de formation

Formation, informations sur le plan de formation du personnel de l’entreprise, sur la mise en œuvre des contrats et périodes de professionnalisation et du compte personnel de formation.

Actions de prévention et de formation envisagées par l’employeur

Actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés ; informations sur les mesures prises en vue de faciliter l’emploi des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils et des travailleurs handicapés.

Apprentissage

Apprentissage.

Conditions d’accueil en stage

Nombre et conditions d’accueil des stagiaires.

Conditions de travail

Éléments figurant dans le rapport de prévention présenté par l’employeur au CHSCT (bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail et programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.

Informations sur l’affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l’entreprise se propose de recruter.

Congés et aménagement du temps de travail

Heures supplémentaires accomplies dans la limite et au-delà du contingent annuel applicable dans l’entreprise ; à défaut de détermination du contingent annuel par voies conventionnelles, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement ; bilan du travail à temps partiel dans l’entreprise ; nombre de demandes individuelles formulées par les salariés à temps partiel pour déroger à la durée minimale du travail à temps partiel ; durée, aménagement du temps de travail, période de prise des congés, conditions d’application des aménagements d’horaires lorsqu’ils s’appliquent à des salariés à temps partiel, recours aux conventions de forfait et modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés.

Durée du travail

Modalités d’utilisation du contingent d’heures supplémentaires et de son éventuel dépassement

Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Informations et indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, comprenant notamment le plan d’action établi pour assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Modalités d’exercice du droit d’expression des salariés dans les entreprises où aucun délégué syndical n’a été désigné ou dans lesquelles un accord sur le droit d’expression n’a pas été conclu

Informations sur les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés prévues à l’article L. 2281-11.

Ce tableau met en évidence une série de redondances. Ainsi, l’article L. 2323-15 dans sa nouvelle rédaction qui énumère les thèmes de consultation gagnerait-il à être simplifié, a minima en supprimant la référence aux heures supplémentaires, qui relève de la catégorie « durée du travail » et qui est amplement explicitée dans les informations requises énumérées à l’article L. 2323-16 dans sa nouvelle rédaction.

L’article L. 2323-18 dans sa nouvelle rédaction prévoit la mise à disposition de l’inspecteur du travail de l’ensemble de ces informations dans les 15 jours qui suivent la réunion. Dans le droit actuel, l’inspecteur du travail est en effet destinataire du rapport, obligatoire dans les entreprises de moins de 300 salariés, sur la situation économique de l’entreprise accompagné de l’avis du comité d’entreprise, dans les 15 jours qui suivent la tenue de la réunion. Il en va de même du rapport sur la situation de l’emploi exigé dans toutes les entreprises de plus de 300 salariés. Dans la mesure où la consultation unifiée mise en place sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi regroupe ces deux consultations du comité d’entreprise qui en constituent le cœur, il est logique de prévoir que l’inspecteur du travail reste destinataire de ces éléments. Toutefois, il pourrait être utile de préciser – ce qui n’est pas le cas dans la rédaction actuelle – que l’inspecteur du travail est également saisi de l’avis du comité d’entreprise.

Enfin, l’article L. 2323-19 dans sa nouvelle rédaction renvoie à un décret en Conseil d’État pour préciser le contenu des informations prévues dans le paragraphe 1, qui peut varier selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés. D’après les informations fournies à votre rapporteur, comme pour la consultation sur la situation économique, l’ensemble des informations existantes seront bien reprises, de même que les distinctions déjà prévues entre les entreprises de moins de 300 salariés et celles de plus de 300 salariés.

Ce décret a également vocation à déterminer les modalités de mise à disposition des salariés et de toute personne qui le demande, d’une synthèse du plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ce dernier point est aujourd’hui explicitement prévu aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57, le plan d’action faisant en effet aujourd’hui l’objet d’un affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par d’autres moyens, pour assurer l’information de tous les salariés ; il est également tenu à la disposition de toute personne qui le demande et fait l’objet d’une publication sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un.

c.  Le bilan social, spécificité des entreprises de plus de 300 salariés

Les actuels articles L. 2323-68 à L. 2323-77 régissent les conditions applicables au bilan social qui doit être établi chaque année dans les entreprises de plus de 300 salariés.

Le bilan social comporte les principales données chiffrées permettant d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social, d’enregistrer les réalisations effectuées et de mesurer les changements intervenus au cours de l’année passée et des deux années précédentes ; en effet, il présente les informations concernant l’emploi, les rémunérations et charges accessoires, la santé et la sécurité au travail, les autres conditions de travail (durée, organisation, conditions physiques du travail, médecine du travail), la formation, les relations professionnelles, le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis, ainsi que sur les conditions de vie des salariés et de leurs familles dans la mesure où ces conditions dépendent de l’entreprise (article L. 2323-70).

Dès lors qu’une entreprise comporte un ou plusieurs établissements distincts de plus de 300 salariés, un bilan social spécifique doit être établi au niveau du ou des établissements concernés (article L. 2323-68).

Aux termes de l’article L. 2323-73, le comité d’entreprise émet un avis sur le bilan social qui doit lui avoir été communiqué quinze jours au moins avant la réunion prévue à ce sujet, réunion elle-même qui doit se tenir dans les quatre mois suivant la fin de la dernière des années sur laquelle porte le bilan social. Dès lors qu’il existe des établissements de plus de 300 salariés dans lesquels le comité d’établissement est donc tenu de se prononcer sur le bilan social de l’établissement, l’avis du comité central d’entreprise a lieu dans les six mois suivant la fin de la dernière des années sur laquelle porte le bilan social, ce dernier devant être destinataire de l’avis du ou des comités d’établissement.

L’article L. 2323-69 prévoit que le premier bilan social doit être présenté la deuxième année suivant celle au cours de laquelle le seuil de 300 salariés a été franchi. A contrario, si l’effectif repasse sous la barre des 300 salariés, un bilan social doit néanmoins être présenté pour l’année en cours.

Le du IV propose de modifier un certain nombre de règles applicables au bilan social : il procède avant tout à la mise en place d’un paragraphe 2 au sein de la sous-section 4 relative à la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, intitulé : « Dispositions complémentaires pour les entreprises d’au moins de 300 salariés ». Le bilan social se voit ainsi pleinement intégré à la phase de consultation du comité d’entreprise sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Les articles L. 2323-68 à L. 2323-72, L. 2323-74, L. 2323-75 et L. 2323-77 deviennent ainsi les articles L. 2323-20 à L. 2323-27.

L’article L. 2323-20 dans sa nouvelle rédaction reprend les dispositions de l’article L. 2323-68 qui pose le principe de l’établissement d’un bilan social annuel dans les entreprises d’au moins 300 salariés : il prévoit simplement désormais que le bilan social est bien intégré à la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. Cette intégration, opérée par le a) du du IV est en effet cohérente puisque de nombreux éléments d’informations requis dans le cadre du bilan social sont par ailleurs également requis dans le cadre d’autres consultations, en l’occurrence : l’emploi, les conditions de travail ou encore la formation.

Ce même a) simplifie les conditions de mise à disposition du comité d’entreprise des informations contenues dans le bilan social en prévoyant que les données afférentes sont incluses dans la base de données économiques et sociales mentionnée à l’article L. 2323-7-2, qui devient, à la faveur des modifications apportées par le présent article, l’article L. 2323-9.

Les règles relatives au franchissement de la barre des 300 salariés prévues à l’article L. 2323-69 sont reprises sans modification dans le cadre de l’article L. 2323-21.

Le b) du du IV porte sur le contenu obligatoire du bilan social : ce dernier reste inchangé. Le texte se contente de supprimer l’obligation de présenter le bilan social en un document unique, ce qui est logique dès lors que les informations requises dans ce cadre ont désormais vocation à être incluses dans la base de données économiques et sociales.

Le c) du du IV se contente d’apporter une précision au sujet du décret en Conseil d’État pris après consultation des organisations professionnelles d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national qui doit préciser la liste des informations devant être fournies dans le cadre du bilan social (actuel article L. 2323-71 qui devient l’article L. 2323-23). L’article R. 2323-17 fixe le cadre présidant à cette liste, en énumérant l’ensemble des catégories d’informations requises, la liste précise devant être fixée par arrêté ministériel en fonction de la taille de l’entreprise et de l’établissement. En outre, certaines branches d’activité peuvent être dotées de bilans sociaux spécifiques à leur secteur. Le texte n’apporte pas de modification de fond à ces dispositions, mais précise que les organisations représentatives le sont non seulement au niveau national mais aussi au niveau interprofessionnel. Il s’agit là de confirmer que la consultation ne concerne pas les organisations patronales représentatives d’un secteur d’activité ou d’une branche professionnelle, mais bien les seules confédérations représentatives au niveau national et interprofessionnel, autrement dit les cinq organisations syndicales et les trois organisations patronales.

Le d) du du IV procède à la réécriture de l’article L. 2323-72 qui devient l’article L. 2323-24 et qui est relatif aux délais de communication du bilan social au comité d’entreprise ou au comité d’établissement, aux délais impartis pour réunir ces instances, aux modalités de transmission des bilans sociaux des établissements et de l’avis du ou des comités d’établissement au comité central d’entreprise, ainsi qu’à la mise à disposition du bilan social aux délégués syndicaux ainsi qu’à tout salarié qui le demande. L’article est profondément simplifié puisqu’il n’est plus question d’aucun délai ni des modalités de transmission des informations entre le niveau de l’établissement et le niveau de l’entreprise, mais seulement de la mise à disposition des informations du bilan social à tout salarié qui en fait la demande, ainsi qu’à l’inspecteur du travail qui en est destinataire dans un délai de quinze jours à l’issue de la réunion, de même que de l’avis du comité d’entreprise. La transmission à l’inspecteur du travail fait aujourd’hui l’objet de l’article L. 2323-73. D’après les éléments fournis au rapporteur, les délais particuliers qui s’appliquent au bilan social n’ont pas vocation à être repris, afin de ne pas lier dans le temps la consultation sur le bilan social à un moment défini pour laisser suffisamment de souplesse d’organisation aux partenaires sociaux. En outre, dès lors que la consultation sur le bilan social se voit intégrée dans le champ de la consultation sur la politique sociale, il n’y a plus lieu de définir les modalités de transmission de l’avis des comités d’établissement au comité central, puisque celles-ci seront régies par le droit commun des consultations dans les entreprises à établissements multiples prévu à l’article 10 du présent projet de loi.

Enfin, s’agissant de la mise à disposition du bilan social aux délégués syndicaux, celle-ci aura désormais lieu dans le cadre de la base de données unique à laquelle ceux-ci ont également accès.

Les articles L. 2323-74 et L. 2323-75 qui portent respectivement sur les modalités de transmission du bilan social et de l’avis du comité d’entreprise aux actionnaires, dans les sociétés par actions, et sur le fait que le bilan social sert de socle à la consultation du comité d’entreprise sur la formation professionnelle continue et à l’établissement de programmes annuels de formation, sont repris sans modification dans le cadre des articles L. 2323-25 et L. 2323-26.

En revanche, l’actuel article L. 2323-76 qui dispose que les obligations afférentes au bilan social ne font pas obstacle aux conventions ou accords comportant des dispositions plus favorables, disparaît.

Le e) du du IV modifie l’article L. 2323-77 qui devient l’article L. 2323-27 : il s’agit des mesures d’application des dispositions relatives au bilan social. Alors que dans sa rédaction actuelle, le texte se contente de renvoyer à un décret en Conseil d’État pour l’adaptation de ces obligations dans le secteur public, il est proposé de prévoir qu’un décret en Conseil d’État précise en outre le contenu des informations prévues par le présent paragraphe.

C.  LE MAINTIEN DES CONSULTATIONS ET INFORMATIONS PONCTUELLES DU COMITÉ D’ENTREPRISE

Le V modifie l’intitulé de la sous-section 5, désormais consacrée aux « consultations et informations ponctuelles du comité d’entreprise ».

Il procède à la structuration de cette sous-section, en la dotant de trois paragraphes, le premier paragraphe étant lui-même divisé en cinq sous-paragraphes.

Le premier paragraphe consacré à l’organisation et à la marche de l’entreprise est subdivisé en cinq sous-paragraphes consacrés respectivement :

– à l’organisation de l’entreprise avec la reprise sans modification de l’actuel article L. 2323–7 relatif à la documentation économique et financière devant être mise à disposition du comité d’entreprise un mois après son élection ;

– à l’introduction de nouvelles technologies, avec la reprise sans modification des actuels articles L. 2323-13 et L. 2323-14 sur la consultation du comité d’entreprise préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies et à l’obligation de transmission au comité d’entreprise d’un plan d’adaptation lors d’un projet de mise en œuvre de mutations technologiques importantes et rapides ;

– à la restructuration et à la compression des effectifs, avec la reprise sans modification des actuels articles L. 2323-15 et L. 2323-16 qui sont relatifs à la consultation du comité d’entreprise dans l’hypothèse d’un tel projet ;

– à la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, avec la stricte reprise des articles L. 2323-19 et L. 2323-20 relatifs à la consultation du comité d’entreprise en cas de fusion, cession, de modification importante des structures de production, de cession ou d’acquisition de filiales ou encore dans le cadre d’une opération de concentration ;

– et enfin, aux offres publiques d’acquisition (OPA), avec la reprise sans modification des actuels articles L. 2323-21 à L. 2323-26-1 B qui portent sur les modalités de consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA.

Le deuxième paragraphe traite des conditions de travail et reprend les actuels articles L. 2323-27 et L. 2323-32 relatifs respectivement à la consultation du comité d’entreprise :

– en cas de problème intéressant les conditions de travail résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. Alors que cette information-consultation était jusqu’alors prévue « sur les problèmes généraux » de conditions de travail, le texte propose de prévoir une consultation « en cas de problème ponctuel » (12° du IV) ;

– sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi, les traitements automatisés de gestion du personnel, ainsi que les moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés.

Le troisième paragraphe a trait aux procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire. Il reprend les actuels articles L. 2323-44 et L. 2323-45 sans modification sur la consultation du comité d’entreprise dans le cadre de telles procédures.

Le regroupement de l’ensemble de ces dispositions dans une sous-section consacrée aux consultations et informations ponctuelles du comité d’entreprise couvre désormais les articles L. 2323-28 à L. 2323-49.

D.  LA CONSÉCRATION DU DROIT D’ALERTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ET DE L’UTILISATION DES AIDES PUBLIQUES

Le droit d’alerte du comité d’entreprise est d’ores et déjà reconnu par le code du travail. Simplement, les différentes matières dans lesquelles le comité d’entreprise peut être amené à les exercer sont aujourd’hui éparses. À la faveur de la refonte des informations et consultations du comité d’entreprise, le VI se propose également d’isoler cette compétence particulière du comité d’entreprise, en réintitulant la sous-section 6 : « Droit d’alerte économique et social et utilisation des aides publiques ».

Cette nouvelle section est composée de quatre paragraphes : le premier, relatif au droit d’alerte économique ; le deuxième aux aides publiques ; le troisième au droit d’alerte sociale et le quatrième aux informations trimestrielles du comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 300 salariés.

1.  Le droit d’alerte économique

Le premier paragraphe porte sur le droit d’alerte économique du comité d’entreprise et regroupe les actuels articles L. 2323-78 à L. 2323-82 de la sous-section 10 relative à ce droit d’alerte, en les renumérotant de L. 2323-50 à L. 2323-54. Le contenu de cette sous-section demeure strictement inchangé, la seule modification étant de coordination.

Rappelons que le droit d’alerte économique du comité d’entreprise est une attribution essentielle de cette instance : elle permet en effet au comité d’entreprise, s’il « a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise », de demander des explications à l’employeur, en inscrivant ce point de plein droit à l’ordre du jour de la plus prochaine séance du comité. Dans l’hypothèse où l’employeur confirme cette situation ou si la réponse de l’employeur n’est pas jugée suffisante, le comité d’entreprise établit un rapport, le cas échéant confié à la commission économique si celle-ci existe, qui est transmis à l’employeur ainsi qu’au commissaire aux comptes. Le comité d’entreprise peut en tout état de cause se faire assister une fois par exercice par un expert-comptable, convoquer le commissaire aux comptes et s’adjoindre avec voix consultative deux salariés de l’entreprise qui ne sont pas membres du comité et qui sont choisis pour leur compétence. Dans le cas d’un rapport d’alerte économique établi par le comité d’entreprise, ces deux salariés disposent chacun de cinq heures pour participer à l’élaboration de ce rapport, ce temps étant rémunéré comme du temps de travail.

Le rapport en question doit conclure sur l’avis du comité d’entreprise sur l’opportunité de saisir de ses conclusions le conseil d’administration ou de surveillance dans les entreprises qui en sont dotées, ou d’informer les associés. Il prend cette décision à la majorité de ses membres ; l’avis de l’expert-comptable est alors également joint à la saisine ou à l’information.

Dans les sociétés dotées d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance, celui-ci doit inscrire d’office à l’ordre du jour de sa plus prochaine séance, le point relatif à la situation préoccupante de l’entreprise, à condition qu’il ait été saisi au moins quinze jours à l’avance. L’employeur doit alors motiver sa réponse à cette demande d’explication. Dans les autres types de sociétés, ce sont les organes compétents chargés de l’administration, de la surveillance ou de la gestion de la structure qui sont chargés de cet examen.

Enfin, les informations communiquées sur l’entreprise dans le cadre du droit d’alerte revêtent un caractère confidentiel, et toute personne pouvant accéder à ces informations est tenue à une obligation de discrétion à leur égard.

2.  Les aides publiques

Le paragraphe 2 porte sur les aides publiques : il regroupe les actuels articles L. 2323-1, L. 2323-26-2 et L. 2323-6-3, qui sont renumérotés de L. 2323-55 à L. 2323-57.

L’article L. 2323-55 dans sa nouvelle rédaction, qui fait l’objet du du VI procède à une réécriture de l’actuel article L. 2323-12 relatif aux aides publiques en faveur des activités de recherche et de développement technologique. La consultation annuelle du comité d’entreprise à ce titre a été basculée au sein de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise. En revanche, le principe de la suspension des aides publiques à ce titre en cas de non consultation du comité d’entreprise sur la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise est maintenu.

Les articles L. 2323-56 et L. 2323-57 reprennent sans modification les actuels articles L. 2323-26-2 et L. 2323-26-3 relatifs aux pouvoirs du comité d’entreprise en matière d’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), la consultation sur l’utilisation des sommes issues du CICE ayant également été intégrée à la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.

3.  Le droit d’alerte sociale

Le paragraphe 3, consacré au droit d’alerte sociale, regroupe les actuels articles L. 2323-53 et L. 2323-17 qui deviennent les articles L. 2323-58 et L. 2323-59.

L’article L. 2323-58 dans sa nouvelle rédaction reprend les dispositions de l’actuel article L. 2323-53 qui permet au comité d’entreprise d’exercer un contrôle approfondi sur l’évolution des salariés en contrat à durée déterminée et des salariés temporaires. Pour l’heure, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux entreprises de plus de 300 salariés, dans lesquelles l’employeur est tenu d’apporter une information trimestrielle au comité d’entreprise sur le nombre des contrats à durée déterminée, des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou encore de contrats de portage salarial.

Lorsqu’entre deux réunions trimestrielles sur la situation de l’emploi, le comité d’entreprise constate un accroissement important du nombre de ces contrats, il peut demander, à la majorité de ses membres, l’inscription de plein droit de ce point à l’ordre du jour de sa prochaine réunion ordinaire. Lors de cette réunion, l’employeur est tenu d’apporter les informations relatives au nombre de salariés concernés par un contrat à durée déterminée ou un contrat de travail temporaire, les raisons du recours à ce type de contrats, ainsi que le nombre de journées accomplies par les salariés concernés depuis la dernière communication faite à ce sujet.

Le du VI procède à deux modifications à ce titre :

– en premier lieu, ce droit de suite du comité d’entreprise est élargi à l’ensemble des entreprises, y compris à celles de moins de 300 salariés ;

– ensuite, dès lors que les informations sur la situation de l’emploi font désormais l’objet d’une consultation dont le rythme est annuel, et non plus trimestriel, le texte supprime la référence aux réunions trimestrielles pour prévoir que le droit de suite s’exerce bien sur le fondement de la dernière réunion ayant abordé ce sujet, autrement dit, de la réunion du comité d’entreprise sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

L’article L. 2323-59 reprend sans modification l’actuel article L. 2323-17 qui permet au comité d’entreprise de saisir l’inspecteur du travail lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats à durée déterminée, aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial et au travail temporaire, ou lorsqu’il constate un accroissement important du nombre de salariés en contrat à durée déterminée ou en contrat de mission. L’inspecteur du travail adresse alors à l’employeur le rapport de ses constatations, ce dernier étant tenu de le communiquer au comité d’entreprise en même temps que sa réponse motivée.

4.  Les informations trimestrielles du comité d’entreprise

Le du VI porte sur les informations trimestrielles du comité d’entreprise qui constituent le paragraphe 4 de la sous-section 6 relative au droit d’alerte et aux aides publiques. Le rapporteur s’est interrogé sur le placement de ces informations dans la partie consacrée au droit d’alerte : d’après les éléments qu’il a recueillis, il s’agit en réalité d’assurer la réactivité du comité d’entreprise, ces informations trimestrielles servant de support à l’exercice du droit d’alerte.

Ce paragraphe reprend l’article L. 2323-50 relatif à l’information trimestrielle du comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 300 salariés sur l’évolution générale des commandes et de la situation financière, l’exécution des programmes de production et les éventuels retards de paiement de cotisations sociales. Elle est reprise dans le cadre d’une nouvelle rédaction de l’article L. 2323-60 qui y inclut la communication d’informations sur le nombre de contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire.

Notons également que l’actuel article L. 2323-46 prévoit la même information trimestrielle du comité d’entreprise dans les entreprises de moins de 300 salariés.

L’article L. 2323-61 dans sa nouvelle rédaction renvoie à un décret en Conseil d’État pour préciser le contenu de ces informations, en particulier celles relatives aux cotisations concernées, qui sont aujourd’hui expressément mentionnées : les cotisations de sécurité sociale, les cotisations dues aux institutions de retraite complémentaire, ainsi que les cotisations ou primes dues aux organismes d’assurance pour l’affiliation des salariés à une assurance maladie complémentaire.

Il convient également de signaler que l’actuel article L. 2323-60 qui prévoit la présentation du rapport annuel sur les garanties apportées aux salariés contre certains risques, à la demande du comité d’entreprise, n’est pas repris dans le cadre de la refonte opérée par le présent article. D’après les éléments transmis au rapporteur, il serait effectivement possible de supprimer cette information spécifique, qui est susceptible de figurer dans le bilan social : cette question doit en tout état de cause être traitée en concertation avec les partenaires sociaux.

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En conséquence de l’ensemble de ces modifications, le X procède à des coordinations à l’article L. 2325-35 relatif aux conditions de recours du comité d’entreprise à un expert-comptable, qui est aujourd’hui prévu en vue de l’examen des comptes de l’entreprise, en vue de l’examen des orientations stratégiques de l’entreprise, dans le cadre d’une opération de concentration, dans le cadre du droit d’alerte économique, dans le cadre de la procédure de consultation pour licenciement économique collectif. Le projet de loi se contente de procéder au renvoi à la nouvelle numération choisie des articles afférents et substitue à la mention de l’examen annuel des comptes la mention de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise qui a vocation à l’englober.

Enfin, le XI abroge l’article L. 3312-7 qui prévoit la consultation préalable du comité d’entreprise sur tout projet d’accord d’intéressement négocié dans l’entreprise : il s’inscrit dans la continuité de la suppression de l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur tout projet d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation, qui est prévue à l’article L. 2323-2.

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La Commission a adopté dix amendements à cet article.

Le premier amendement (AS 493) du rapporteur exclut l’ensemble des données relatives à la situation comparée des femmes et des hommes de la possibilité ouverte par le texte de modifier, par accord d’entreprise, la liste et le contenu des informations transmises au comité d’entreprise.

Elle a également adopté trois amendements (AS 490, AS 489 et AS 488) du rapporteur qui inscrit dans la base de données unique l’ensemble des informations transmises par l’employeur au CHSCT, afin que ces données puissent désormais être mises à disposition de l’ensemble des représentants du personnel ainsi que des délégués syndicaux.

Elle a adopté deux amendements identiques, l’un du Gouvernement sous-amendé par le rapporteur, l’autre de Mme Sandrine Mazetier et ses collègues du groupe SRC (AS 432 et AS 461), qui intègrent à la base de données économiques et sociales l’ensemble des informations actuellement obligatoirement transmises au comité d’entreprise au titre de la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise.

Elle a adopté un amendement du rapporteur (AS 491) qui répare un oubli qui a été occasionné par la refonte des informations et consultations du comité d’entreprise. En effet, le comité d’entreprise est aujourd’hui destinataire du rapport des commissaires aux comptes et peut convoquer ces derniers pour recevoir leurs explications sur la situation financière de l’entreprise : ce pouvoir, omis dans le cadre de la réécriture du texte, a bien vocation à être maintenu.

La Commission a adopté un amendement (AS 462) de Mme Sandrine Mazetier et ses collègues du groupe SRC, visant à préciser que dans le cadre de la nouvelle consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, les informations transmises au comité d’entreprise sur les données relatives à l’égalité professionnelle comportent bien l’ensemble des informations existantes et qui ont été intégrées à la base de données unique par les amendements AS 432 et AS 461).

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La Commission examine l’amendement AS158 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. La consultation préalable du comité d’entreprise avant la conclusion d’un accord collectif a représenté une victoire jurisprudentielle pour les représentants du personnel. Il est en effet indispensable que l’accord sur le point d’être conclu puisse être analysé avec le recul nécessaire par les élus qui ne participent pas à la négociation. Le comité d’entreprise doit donc continuer d’être informé et consulté sur l’ensemble des questions liées à la marche générale de l’entreprise et sur son organisation telle qu’elle résulte des accords collectifs. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 6 de l’article 13.

M. le rapporteur. Cet amendement me laisse perplexe. D’un côté, l’intérêt de la consultation du comité d’entreprise ne paraît plus avéré compte tenu du renforcement du lien entre le comité d’entreprise et le délégué syndical lié à la mesure de la représentativité des organisations syndicales ; de l’autre, les organisations syndicales ont assez unanimement regretté que l’on supprime cette consultation, jugeant qu’elle permettait au comité d’entreprise de disposer d’un suivi au fil de l’eau. Je serais donc tenté de m’en remettre à la sagesse de la Commission, mais peut-être M. le ministre peut-il nous apporter des éléments complémentaires.

M. le ministre. La consultation du comité d’entreprise sur les accords a effectivement perdu une grande partie de sa raison d’être en raison du rapprochement entre les représentants élus et les délégués du personnel consécutif à l’entrée en vigueur de la loi relative à la représentativité des organisations syndicales. De fait, les organisations que j’ai rencontrées considèrent aujourd’hui comme une redondance cette consultation qui n’apporte aucune garantie supplémentaire.

M. Gérard Cherpion. Dans la mesure où il prévoit une simplification, je crois qu’il faut en rester au texte du projet de loi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Je maintiens mon amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS159 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement, qui vise à supprimer l’alinéa 7 de l’article 13, est inspiré par les mêmes motifs que le précédent.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS209 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a défini un délai de consultation du comité d’entreprise par défaut – un mois –, la possibilité étant donnée à l’employeur de négocier des délais différents avec le comité d’entreprise, sans aller en deçà de quinze jours. Le présent projet de loi revient sur cette règle en donnant la priorité à la négociation de ces délais avec les organisations syndicales. Or il paraît juridiquement incohérent que les organisations syndicales négocient les modalités de fonctionnement d’une autre instance. Cet amendement propose donc de réserver, comme c’est le cas aujourd’hui, au seul comité d’entreprise la possibilité de négocier ses propres règles de fonctionnement.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je ne comprends pas cet amendement, dans la mesure où il vise à revenir sur une disposition du texte qui offre davantage de souplesse en permettant que l’accord d’entreprise fixe les délais de consultation du comité d’entreprise. J’ajoute que l’on prévoit la possibilité pour un accord d’entreprise de procéder au regroupement des consultations du comité d’entreprise et de fixer le nombre de réunions ; il est donc logique qu’il puisse également fixer les délais de consultation afférents. Pourquoi faire disparaître cette souplesse ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS89 du rapporteur.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS427 de Mme Véronique Massonneau.

M. Christophe Cavard. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 17 à 23 de l’article 13. Si nous sommes favorables au dialogue social, il ne nous paraît pas souhaitable qu’un simple accord d’entreprise puisse remettre en cause les modalités des consultations portant sur la question de l’égalité homme-femme, modifier la liste et le contenu des informations relatives à l’égalité entre hommes et femmes, ou diminuer le nombre de réunions obligatoires du comité d’entreprise.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Là encore, le projet de loi introduit davantage de souplesse. Il me paraît curieux de douter de la capacité des délégués syndicaux à définir les règles appropriées en matière de consultation dans leur entreprise. Je ne comprends pas cette forme de défiance.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS317 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons de supprimer les alinéas 17 à 21 de l’article 13, car ils permettraient qu’un accord collectif définisse le fonctionnement du comité d’entreprise, notamment les modalités des consultations récurrentes, la liste et le contenu de certaines informations récurrentes et le nombre des réunions annuelles, qui doit être au moins de six.

Ces dispositions soulèvent tout d’abord une question de principe, puisque les délégués syndicaux représentant 30 % des suffrages pourraient décider du fonctionnement d’une autre instance représentative du personnel, en l’espèce le comité d’entreprise. Celui-ci serait ainsi en quelque sorte mis sous tutelle, ce qui est contraire à l’indépendance et à l’autonomie que nous revendiquons pour chaque instance.

Par ailleurs, le texte fixe un minimum légal pour le nombre de réunions, mais ne dit rien sur la liste et le contenu des informations récurrentes que l’employeur doit remettre au comité d’entreprise : nous pourrions être en deçà de ce qui se pratique actuellement, puisque ce n’est pas précisé.

M. le rapporteur. Les précisions seront justement apportées par l’accord d’entreprise. Là encore, je crois que les délégués syndicaux sont à même de savoir comment doit s’organiser le fonctionnement de leur instance dans l’entreprise. Nous nous faisons tous une idée du dialogue social, mais j’ai le sentiment que, pour des raisons différentes, que je peux comprendre, s’exprime une certaine défiance : on veut le dialogue social, mais on aimerait malgré tout l’encadrer… Là, il me semble que l’encadrement proposé est excessif. Quant à moi, je fais confiance aux délégués syndicaux. Avis défavorable.

M. le ministre. Pourquoi un accord d’entreprise serait-il forcément défavorable aux représentants du personnel et aux salariés ? Il faut tout de même faire confiance à ces représentants : il est difficile de croire qu’ils peuvent conclure un accord qui irait à l’encontre de leurs intérêts ou des intérêts des salariés.

Mme Jacqueline Fraysse. Je n’ai de défiance vis-à-vis de personne : je juge sur les faits. La question de fond qui se pose est celle de l’autonomie de chaque instance, à laquelle tiennent les salariés. Ce qui nous gêne, c’est qu’un accord collectif puisse définir les modalités de fonctionnement du comité d’entreprise. C’est une question de fond, à laquelle je n’ai pas de réponse.

M. Christophe Cavard. Il ne s’agit pas de défiance ; nous ne doutons pas que les partenaires sociaux, employeur et salariés, cherchent à conclure le meilleur accord possible. Mais il arrive, monsieur le ministre, que, dans certaines entreprises, le dialogue social, les relations humaines soient compliqués et que l’employeur place les représentants des salariés face à un choix cornélien. Je pense notamment aux grandes entreprises dans lesquelles ces derniers sont parfois contraints d’accepter une négociation sur le temps de travail pour éviter des licenciements. Certes, ce type de situation n’existe que dans quelques rares entreprises, mais la loi peut l’empêcher. Voilà l’esprit de ces amendements.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS217 de M. Gérard Cherpion.

M. Bernard Perrut. La loi actuelle prévoit que les délais de consultation du comité d’entreprise peuvent être fixés par accord entre l’employeur et la majorité des membres du comité d’entreprise ou, le cas échéant, des membres du comité central d’entreprise. Or, le projet de loi permet l’aménagement de certaines règles de fonctionnement, dont les délais de consultation du comité d’entreprise, par accord d’entreprise négocié avec les syndicats représentatifs ; de fait, il retire au comité d’entreprise le pouvoir de négocier les délais de consultation au profit des délégués syndicaux. Il serait préférable et plus légitime de réserver aux membres du comité d’entreprise la possibilité d’aménager eux-mêmes les règles de fonctionnement de leur instance.

M. le rapporteur. Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant à confier à la négociation collective le soin de conclure un accord définissant les règles de consultation du comité d’entreprise, d’autant que, depuis la loi de 2008 sur la mesure de l’audience des organisations syndicales, le lien entre le comité d’entreprise et les délégués syndicaux s’est considérablement renforcé. Même si je n’ai pas approuvé cette loi, cet élément ne me paraît pas en contradiction avec l’esprit du texte.

M. Gérard Cherpion. Il me semble que l’un des objectifs du texte est de rendre le comité d’entreprise beaucoup plus pertinent et efficace et de renforcer son rôle. M. le ministre disait lui-même ce matin que ceux-ci étaient peu nombreux dans les petites entreprises. Il faut donc que nous favorisions leur développement. À cet égard, il me paraît pertinent de leur confier le pouvoir de négocier les modalités de leur propre fonctionnement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine en discussion commune les amendements AS460 de Mme Sandrine Mazetier et AS493 du rapporteur.

M. Michel Liebgott. La loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 a instauré une base de données économiques et sociales qui doit servir de référence dans la définition des orientations stratégiques de l’entreprise, la mise en œuvre de cette disposition étant échelonnée dans le temps en fonction de la taille des entreprises. Or un certain nombre de personnes se sont récemment inquiétées de la possible disparition des données concernant la situation comparée des hommes et des femmes. L’amendement AS460 vise donc à préciser que l’analyse de cette situation figurera bien dans les informations transmises au comité d’entreprise.

M. le rapporteur. J’approuve totalement cet amendement. Cependant, j’ai moi-même déposé un amendement AS493 sur le sujet, dans lequel il est fait mention de la situation comparée des femmes et des hommes alors que l’amendement de Mme Mazetier parle de la situation comparée des hommes et des femmes… Pour suivre attentivement les débats de la délégation aux droits des femmes, je crois préférable que l’on retienne la formulation que j’ai choisie, qui me paraît plus opportune.

M. Michel Liebgott. Je suis d’accord et je retire l’amendement AS460.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS493 du rapporteur.

Puis elle adopte l’amendement de cohérence AS90 du rapporteur.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS490 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à ouvrir au CHSCT l’accès à l’ensemble des informations incluses dans la base de données économiques et sociales. Lorsque celle-ci a été instaurée par la loi de 2013 sur la sécurisation de l’emploi, elle avait été calibrée, dans une phase initiale, pour accueillir l’ensemble des informations destinées au comité d’entreprise. Il s’agissait alors de mettre en place le premier étage de la fusée. L’expérience ayant été probante, nous proposons de parachever ce dispositif en l’élargissant au CHSCT.

Mme Isabelle Le Callennec. Les dispositions que nous examinons concernent le CHSCT, le comité d’entreprise et les délégués du personnel dans l’hypothèse où ils seront maintenus. Que se passera-t-il si, dans une entreprise, l’option choisie est le rapprochement de ces différentes instances ?

M. le rapporteur. Les différentes instances étant préservées, il n’est pas question qu’elles n’aient plus accès, par exemple, à la base de données dans le cadre d’une délégation unique du personnel.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS432 du Gouvernement et AS461 de Mme Sandrine Mazetier.

M. le ministre. Conformément aux engagements du Gouvernement, l’amendement AS432 vise à ajouter à la base de données unique une rubrique consacrée à l’égalité professionnelle, comprenant les neuf items du rapport de situation comparée, qui seront explicitement mentionnés dans la loi, et ce afin de renforcer leur place dans le dialogue avec le comité d’entreprise. En effet, ce rapport, créé par la loi Roudy de 1983, constitue un outil essentiel au service de l’égalité professionnelle.

Je tiens ici à dissiper tout malentendu : certains se sont émus à l’idée que le Gouvernement supprime le rapport de situation comparée. La défense de l’égalité professionnelle est un objectif essentiel aux yeux du Gouvernement et je le partage sans réserve. Prétendre que le Gouvernement revient sur un acquis est une contrevérité : si la forme du rapport disparaît, comme ce sera le cas pour tous les rapports transmis au comité d’entreprise, son contenu demeure intégralement, ce qui inclut toutes les informations, y compris le diagnostic et l’analyse.

La loi précisera également que, dans le cadre de la consultation sur les politiques sociales, l’ensemble de ces informations devront être mises à disposition du comité d’entreprise.

Cet amendement reflète l’engagement actif et constant du Gouvernement en faveur du droit des femmes, que le projet de loi renforce par ailleurs en prévoyant pour la première fois une obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les élections professionnelles.

M. Michel Liebgott. Notre amendement AS461 reprend l’ensemble des items définis par la loi Roudy et la loi du 4 août 2014.

M. le rapporteur. Je me réjouis, en tant que vice-président de la Délégation aux droits des femmes, de ces amendements qui mettront un terme à une inquiétude qui s’était fait jour dans le pays. Je souhaiterais sous-amender l’amendement du Gouvernement en substituant à l’expression « exercice de la responsabilité familiale » celle de « vie personnelle ». Si le ministre en est d’accord, je serai favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. Gérard Sebaoun. Je ne doute pas un seul instant de la volonté du Gouvernement de faire progresser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et cela ne peut prêter à polémique. L’inquiétude tenait surtout à une erreur de communication, qui désormais a été réparée. Néanmoins, il faut, dans une logique de simplification du droit, nous garder des lois trop bavardes. D’autant que les items concernés n’auront, pour les entreprises de moins de trois cents salariés – puisque ce sont elles qui sont visées – qu’un intérêt statistique et ne leur seront guère directement utiles, sauf cas particulier. Je me demande donc s’il n’est pas superfétatoire de les inscrire intégralement dans la loi.

M. Gérard Cherpion. Je n’imagine pas non plus que le Gouvernement et le ministre ne soient pas soucieux de promouvoir avec ce texte l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et il me semble que cet amendement n’a d’autres objets que d’éteindre le début d’incendie suscité par la polémique à laquelle il vient d’être fait allusion, et qui n’avait pas lieu d’être.

La Commission adopte l’amendement AS432 rectifié.

En conséquence, l’amendement AS461 est satisfait.

La Commission examine, en présentation commune les amendements AS489 et AS488 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de mettre à disposition du CHSCT l’ensemble des informations incluses dans la base de données économiques et sociales.

La Commission adopte successivement ces amendements.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS92 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS321 de Mme Jacqueline Fraysse et AS399 de M. Christophe Cavard.

Mme Jacqueline Fraysse. Les alinéas 31 à 34 prévoient que la consultation sur les orientations stratégiques se fera au niveau du groupe. Ces orientations influencent fortement les décisions prises au sein de chaque entreprise, et il n’est donc pas question que les comités d’entreprise ne soient consultés que sur les conséquences de ces orientations. Les élus du comité d’entreprise doivent, dans chaque entreprise, être également consultés sur les orientations stratégiques et pouvoir en discuter. Nous proposons donc de supprimer ces alinéas, qui déconnectent les salariés des débats sur ces questions.

M. Christophe Cavard. Notre amendement AS399 s’inscrit dans la même logique.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il faut bien avoir à l’esprit l’avantage que peut revêtir cette possibilité ouverte par le texte d’organiser la consultation sur les orientations stratégiques au niveau du groupe pour certaines entreprises organisées en groupe.

En outre, la procédure prévue permet de maintenir la consultation propre des comités d’entreprise du groupe, certes sur les conséquences de ces orientations à l’échelle de l’entreprise, mais elle permet aussi de hiérarchiser ce qui relève du niveau central et ce qui relève du niveau de l’entreprise. Cette structuration me paraît assez cohérente avec l’organisation que nous avons défendue dans le texte.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel AS94 et l’amendement de coordination AS95 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS401 de Mme Éva Sas et AS318 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Christophe Cavard. Il serait important de préciser que la consultation annuelle sur la situation économique et financière porte également sur le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le crédit d’impôt recherche. Les salariés doivent pouvoir avoir sur ces questions non seulement un regard, mais également la possibilité d’en débattre.

Mme Jacqueline Fraysse. Mon amendement AS318 participe du même souci.

M. le rapporteur. Le texte prévoit que la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise porte sur la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise.

Par ailleurs, le nouvel article L. 2323-55 reprend les dispositions de l’actuel article L. 2323-12, qui pose le principe selon lequel si le comité d’entreprise n’est pas consulté sur cette politique de recherche et développement – et donc, automatiquement, sur les aides dont bénéficie l’entreprise à ce titre –, les aides publiques afférentes sont suspendues.

Votre amendement me semble satisfait, et je demande donc son retrait.

M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement si vous me confirmez que le comité d’entreprise est bien consulté sur le CICE et que, dans le cas où il ne le serait pas, cela remettrait en cause pour l’entreprise l’obtention des aides publiques.

M. le rapporteur. Je vous le confirme. Cette disposition figure ailleurs dans le texte.

L’amendement AS401 est retiré.

Mme Jacqueline Fraysse. Je maintiens mon amendement AS318. Il nous faudra revoir cette question.

La Commission rejette l’amendement AS318.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS96 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS491 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement répare un oubli en rétablissant la possibilité pour le comité d’entreprise d’être destinataire du rapport des commissaires aux comptes et de son pouvoir de convocation.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte successivement les amendements de coordination AS97 et AS98, puis l’amendement de précision AS99 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS51 de Mme Nicole Ameline.

M. Gérard Cherpion. La rédaction actuelle de cet article supprime le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes dans les entreprises, au profit de simples informations inscrites au sein d’une base de données unique. Dans ces conditions, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes ne fait plus l’objet d’une négociation spécifique. Compte tenu des enjeux en termes de croissance pour l’entreprise, il est impératif de maintenir ce rapport en l’état, tout en y intégrant d’autres données chiffrées et informations faisant du rapport de situation comparée la base de référence pour l’ensemble de ces données.

M. le rapporteur. Votre amendement souhaite renvoyer explicitement à ce qui constitue aujourd’hui le rapport de situation comparée entre femmes et hommes, pour servir de base à la consultation sur l’emploi, les conditions de travail et la politique sociale. Ce faisant, il renvoie à des articles qui font par ailleurs l’objet d’une réécriture complète. Qui plus est, votre réécriture des alinéas 68 et 69 aboutit à écraser les informations par ailleurs dues au comité d’entreprise en matière d’emploi, de salaires, de qualifications, d’apprentissage, de recours aux contrats à durée déterminée, d’emploi des personnes handicapées, etc. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS288 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 13 supprime purement et simplement l’obligation pour l’employeur d’établir un rapport sur la situation comparée entre les hommes et les femmes, ce qui est regrettable. Nous proposons donc de rétablir cette obligation.

M. le rapporteur. Je souscris pleinement à la démarche de cet amendement, mais vous propose de vous rallier à la rédaction proposée par Mme Mazetier dans l’amendement qui suit.

Mme Jacqueline Fraysse. Soit.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS462 de Mme Sandrine Mazetier et AS474 rectifié du Gouvernement.

M. Michel Liebgott. Il s’agit de restituer l’intégralité des items du rapport de situation comparée dans la base de données unique et de mentionner à l’alinéa 69 les accords ou le plan d’action établis pour assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

M. le ministre. Notre amendement AS474 rectifié a le même objet. L’amendement défendu par M. Liebgott étant plus complet, je n’ai pas d’objection à m’y rallier.

M. le rapporteur. Qui peut le plus peut le moins ; je propose donc d’adopter l’amendement AS462.

La Commission adopte l’amendement AS462.

En conséquence, l’amendement AS474 rectifié tombe.

La Commission adopte successivement les amendements de précision AS103 à AS108, l’amendement rédactionnel AS109, l’amendement de cohérence AS110, l’amendement rédactionnel AS111 et l’amendement de cohérence AS112 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

*

Article 14
(art. L. 2242-1, L. 2242-2, L. 2242-5 à L. 2242-16 et L. 2242-18 à L. 2242-23 du code du travail)

Regroupement des négociations obligatoires en entreprise

Cet article procède au regroupement des négociations obligatoires en entreprise en trois grandes négociations portant respectivement sur :

– la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée ;

– la qualité de vie au travail ;

– et la gestion des emplois et des parcours professionnels.

Par accord majoritaire, il sera également possible de regrouper certains thèmes de négociation et/ou d’en modifier la périodicité. Seule la négociation sur les salaires se voit réserver un sort particulier, dans la mesure où elle pourra sans délai redevenir annuelle à la demande d’une seule des parties signataires de l’accord.

I. LES ACTUELLES OBLIGATIONS DE NÉGOCIATION EN ENTREPRISE ET LEURS MODALITÉS

L’obligation annuelle ou triennale de négocier en entreprise – en fonction des thèmes – s’applique, aux termes de l’article L. 2242-1, aux entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales : concrètement, l’obligation de négocier ne s’impose pas aux entreprises dépourvues de délégué syndical. Les dispositions relatives à la négociation obligatoire en entreprise font l’objet du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 – relatif à la négociation collective - de la deuxième partie du code du travail, qui couvre les articles L. 2242-1 à L. 2242-23.

A.  LES OBLIGATIONS DE NÉGOCIATION ANNUELLES

Il existe aujourd’hui cinq thématiques qui font l’objet d’une obligation annuelle de négocier dans les entreprises, réunies au sein de la section 2.

1.  La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Les articles L. 2242-5 à L. 2242-7 régissent les conditions applicables à la négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre.

C’est le rapport annuel de situation comparée des conditions générales d’emploi des femmes et des hommes dans l’entreprise qui sert de support à cette négociation, utilement complété par les indicateurs figurant dans la base de données économiques et sociales.

La négociation porte sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, sur le déroulement des carrières, les conditions de travail et d’emploi et, en particulier, celles des salariés à temps partiel, sur l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, sur la mixité des emplois et sur les mesures permettant de résorber les écarts de rémunération. Elle porte en outre sur la possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse pour les salariés à temps partiel et sur les conditions de prise en charge par l’employeur de tout ou partie du supplément de cotisations.

Dès lors qu’un accord est signé sur ce sujet, la négociation devient triennale ; néanmoins, le suivi des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes dans l’entreprise doit continuer à faire l’objet d’un suivi annuel dans le cadre de la négociation sur les salaires. C’est également le cas en l’absence d’accord.

Il convient également de rappeler qu’aux termes de l’article L. 2242-5-1, les entreprises de plus de 50 salariés sont passibles d’une pénalité financière, dès lors qu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle ou, à défaut, par un plan d’action portant sur la même thématique. Cette pénalité, fixée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, est au maximum de 1 % de la masse salariale versée au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte : elle est fixée en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle et des raisons du non-respect de ses obligations dans ce domaine.

Enfin, l’article L. 2242-6 dispose que l’objectif d’égalité professionnelle doit également être pris en compte dans l’ensemble des autres négociations annuelles obligatoires.

2.  La négociation annuelle sur les salaires et la durée du travail

Les articles L. 2242-8 à L. 2242-10 fixent le cadre de l’actuelle négociation annuelle obligatoire sur :

– les salaires effectifs ;

– ainsi que sur la durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l’augmentation de la durée du travail à la demande des salariés.

Cette négociation peut également porter sur la formation ou la réduction du temps de travail.

À l’occasion de cette négociation, les parties examinent l’évolution de l’emploi dans l’entreprise et notamment le nombre de contrats à durée déterminée, de missions de travail temporaire, de nombre de journées de travail effectuées par les salariés concernés par ce type de contrat, ainsi que les prévisions annuelles ou pluriannuelles d’emploi établies dans l’entreprise. En outre, l’employeur informe à cette occasion sur les mises à disposition de salariés auprès des organisations patronales ou syndicales de salariés.

3.  La négociation annuelle sur la prévoyance maladie

L’article L. 2242-11 prévoit qu’en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise sur la prévoyance et sur les remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, dans des conditions au moins aussi favorables que celles de la couverture minimale obligatoire prévue à l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, l’employeur est tenu d’engager chaque année une négociation sur ce thème. Dans les entreprises comportant des établissements ou des groupes d’établissements, cette négociation peut avoir lieu au niveau de ces derniers.

4.  La négociation annuelle sur l’intéressement, la participation et l’épargne salariale

Aux termes de l’article L. 2242-12, lorsque les salariés ne sont pas couverts par un accord d’intéressement, de participation, de plan d’épargne d’entreprise (PEE), de plan d’épargne pour la mise à la retraite collectif (PERCO) ou par un accord de branche comportant un ou plusieurs de ces dispositifs, l’employeur est également tenu d’engager chaque année une négociation à ce sujet. S’il y a lieu, l’employeur doit également engager la négociation sur l’affectation d’une partie des sommes collectées dans le cadre d’un PERCO et sur l’acquisition de parts de fonds solidaires.

5.  La négociation annuelle sur les travailleurs handicapés

Les articles L. 2242-13 et L. 2242-14 encadrent la négociation annuelle obligatoire sur les mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.

La négociation porte notamment sur :

– les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ;

– les conditions de travail et d’emploi ;

– et les actions de sensibilisation au handicap de l’ensemble du personnel de l’entreprise.

La négociation prend pour point de départ un rapport remis par l’employeur sur la situation de l’entreprise par rapport à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

Dès lors qu’un accord collectif est conclu sur de telles mesures, la négociation devient triennale.

B.  LES OBLIGATIONS DE NÉGOCIATION TRIENNALES SUR LA GPEC ET LA MOBILITÉ INTERNE

La section 3 couvre l’unique obligation de négociation triennale pesant sur les entreprises de plus de 300 salariés, qui porte sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et sur la prévention des conséquences des mutations économiques. Cette section comporte également les dispositions qui encadrent la négociation sur la mobilité interne : celle-ci est de facto obligatoire dans les seules entreprises de plus de 300 salariés, dans la mesure où elle est intégrée à la négociation sur la GPEC. Dans les entreprises de moins de 300 salariés, ces deux négociations sont facultatives.

Ainsi, aux termes de l’article L. 2242-15, la négociation sur la GPEC s’impose aux entreprises de plus de 300 salariés, ainsi qu’aux entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise de plus de 150 salariés en France. Cette négociation, qui s’appuie sur les orientations stratégiques de l’entreprise, porte sur :

– la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), sur laquelle le comité d’entreprise est par ailleurs informé, ainsi que sur les mesures d’accompagnement susceptibles de lui être associées, en particulier en matière de formation, de validation des acquis de l’expérience (VAE), de bilan de compétences ainsi que d’accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés ne relevant pas de la mobilité interne à l’entreprise ;

– le cas échéant, sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise qui doivent, en cas d’accord, faire l’objet d’un chapitre spécifique ;

– les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l’entreprise et les objectifs du plan de formation, en particulier les catégories de salariés et d’emplois auxquels ce dernier est consacré en priorité et les compétences et qualifications à acquérir pour les trois années de validité de l’accord ;

– les perspectives de recours par l’employeur aux différents contrats de travail, au temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires dans l’entreprise au profit des contrats à durée indéterminée ;

– les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l’entreprise ayant un effet sur leurs métiers, l’emploi et les compétences.

L’article L. 2242-16 prévoit que la négociation peut aussi porter sur la mobilité interne, sur la qualification des catégories d’emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques, sur les modalités de l’association des entreprises sous-traitantes au dispositif de GPEC de l’entreprise, ainsi que les conditions dans lesquelles l’entreprise participe aux actions de GPEC mises en œuvre à l’échelle des territoires où elle est implantée.

La négociation sur la GPEC et sur la prévention des conséquences des mutations économiques peut également porter sur le contrat de génération (article L. 2242-19). Enfin, l’article L. 2242-20 prévoit que cette négociation porte également sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions.

Dans l’hypothèse où un accord de groupe serait conclu sur les thèmes inclus dans le champ de la négociation triennale, les entreprises comprises dans le périmètre de l’accord de groupe sont réputées avoir satisfait à l’obligation de négocier en la matière (article L. 2242-18).

II. LE REGROUPEMENT EN TROIS GRANDES THÉMATIQUES DE NÉGOCIATIONS OBLIGATOIRES

Les I à IV du présent article procèdent au regroupement des négociations obligatoires annuelles ou triennales en entreprise en trois grands blocs de négociations.

Le I présente cette opération de fusion des négociations obligatoires en entreprise, tandis que les II, III et IV portent respectivement sur chacune de ces trois grandes négociations : la négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, la négociation sur la qualité de vie au travail, et enfin, la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

A.  LE PRINCIPE ET LES MODALITÉS GÉNÉRALES

Le I modifie la section 1, consacrée aux modalités de la négociation obligatoire en entreprise.

Le du I modifie l’article L. 2242-1, relatif à la procédure à suivre pour l’engagement de la négociation obligatoire et à sa périodicité.

Le a) supprime l’actuelle référence au caractère annuel de la négociation obligatoire qui est d’ores et déjà incohérent dans le droit existant, puisque le chapitre 2 énumère à la fois des thèmes qui doivent faire l’objet d’une négociation annuelle et des thèmes qui doivent faire l’objet d’une négociation triennale.

Le b) instaure le principe d’une négociation sur trois grandes thématiques en précisant pour chacune sa périodicité :

– la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, selon une périodicité annuelle ;

– la qualité de vie au travail, également selon une périodicité annuelle ;

– et enfin, la gestion des emplois et des parcours professionnels, pour les seules entreprises de plus de 300 salariés, selon une périodicité triennale.

En conséquence, le c) modifie les conditions d’enclenchement de la négociation à la demande d’une organisation syndicale représentative, en cas de défaut d’initiative de l’employeur. Le délai est aujourd’hui fixé à 12 mois depuis la précédente négociation. Ce délai se voit logiquement modifié : il reste fixé à plus de 12 mois pour les deux négociations annuelles, mais se voit fixé désormais à plus de 36 mois s’agissant de la négociation triennale ou, en cas d’accord sur la mobilité interne, suivant le terme de cet accord (15).

Le texte ne modifie pas les délais qui encadrent l’engagement de la négociation à la demande d’une organisation syndicale représentative : l’employeur doit toujours transmettre cette demande aux autres organisations représentatives dans un délai de huit jours et convoquer les parties à la négociation dans les quinze jours qui suivent la demande.

Le modifie l’article L. 2242-2 qui décline l’ordre du jour de la première réunion préalable à la négociation : doivent en effet être précisés lors de cette réunion liminaire le lieu et le calendrier des réunions, de même que les informations que l’employeur remettra aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation sur les thèmes prévus par la négociation, ainsi que la date de cette remise. Le texte supprime en revanche la précision selon laquelle ces informations doivent permettre une analyse de la situation comparée entre les femmes et les hommes, ainsi que les raisons de cette situation.

Le reste de la section demeure inchangé, autrement dit, les articles L. 2242-3 et L. 2242-4 sont maintenus dans leur rédaction actuelle. Ces articles disposent, pour le premier, que tant que la négociation est en cours, l’employeur ne peut, dans les matières couvertes par la négociation, arrêter de décisions unilatérales, sauf si l’urgence le justifie ; et pour le second, que l’absence d’accord au terme de la phase de négociation doit être constatée par un procès-verbal de désaccord dans lequel sont consignées les dernières propositions respectives des parties et les mesures que l’employeur entend dès lors appliquer unilatéralement. Ce procès-verbal doit faire l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative.

B.  LA NÉGOCIATION SUR LA RÉMUNÉRATION, LE TEMPS DE TRAVAIL ET LE PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTÉE

Le II instaure la première grande négociation annuelle, celle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, qui regroupe les trois négociations actuelles suivantes :

– la négociation sur les salaires et la durée du travail ;

– la négociation sur le régime de prévoyance maladie ;

– ainsi que celle sur l’intéressement, la participation et l’épargne salariale.

Les à procèdent aux modifications nécessaires du titre de la section, à la suppression des sous-sections actuelles et à la renumérotation des articles.

Le propose une réécriture de l’article L. 2242-5 (aujourd’hui consacré à la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes). Il reprend assez rigoureusement les dispositions actuelles qui régissent les trois négociations existantes :

– celles de l’article L. 2242-8 sur la négociation sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel. La nouvelle rédaction prévoit également que « dans ce cadre, la négociation peut également porter sur la réduction du temps de travail » : cette précision existe déjà dans le droit existant, qui comporte néanmoins également la mention de la formation comme thème pouvant être abordé dans le cadre de cette négociation. Enfin, le texte actuel prévoit qu’à la demande des salariés, la négociation porte également sur l’augmentation de la durée du travail : cette mention est supprimée par le présent texte ;

– celles de l’article L. 2242-12 sur la négociation sur l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, en l’absence d’accord d’intéressement, de participation, de PEE, de PERCO ou d’accord de branche comportant un ou plusieurs de ces dispositifs. Le texte est repris sans modification ;

– celles de l’article L. 2242-11 sur la négociation sur un régime de prévoyance maladie, dès lors que les salariés ne sont couverts ni par un accord d’entreprise, ni par un accord de branche définissant les modalités d’un régime de prévoyance et d’une complémentaire santé au moins aussi favorable que la couverture minimale prévue à l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale. Le texte sur ce point est également repris sans aucune modification.

L’actuel article L. 2242-9, qui prévoit que la négociation annuelle est l’occasion d’un examen par les parties de l’évolution de l’emploi dans l’entreprise – et notamment du nombre de contrats à durée déterminée, de missions de travail temporaire, du nombre de journées de travail effectuées par les salariés concernés, ainsi que des prévisions annuelles et pluriannuelles d’emploi établies dans l’entreprise, est abrogé. En effet, les sujets relatifs à la structure des emplois font également l’objet d’une négociation dans le cadre de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels : doit en effet être abordé au cours de cette négociation le thème des perspectives de recours par l’employeur aux différents types de contrats de travail à temps partiel et aux stages, ainsi que les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires dans l’entreprise au profit des contrats à durée déterminée.

Les et reprennent, avec les deux modifications de coordination qui s’imposent, les actuels articles L. 2242-9-1 et L. 2242-10, qui deviennent les articles L. 2242-6 et L. 2242-7 et portent respectivement sur :

– les informations, exigées dans le cadre de la négociation sur les salaires et la durée du travail, sur les mises à disposition de salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs, ainsi que, pour les entreprises non concernées par l’obligation annuelle de négocier, la communication de ces mêmes informations aux salariés qui en font la demande ;

– les conditions qui encadrent les accords collectifs d’entreprise sur les salaires effectifs : ceux-ci ne peuvent en effet être déposés auprès de l’autorité administrative qu’accompagnés d’un procès-verbal d’ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et consignant les propositions respectives des parties. Ce procès-verbal doit attester que l’employeur a loyalement et sérieusement engagé les négociations, autrement dit, qu’il a bien convoqué les organisations syndicales représentatives à la négociation et fixé le lieu et le calendrier des réunions, qu’il a communiqué les informations nécessaires les mettant en mesure de négocier en toute connaissance de cause, et qu’il a répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

C.  LA NÉGOCIATION ANNUELLE SUR LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL

Le III met en place la deuxième grande négociation annuelle, qui porte sur la qualité de vie au travail, et qui se substitue aux actuelles négociations sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

Les à procèdent aux modifications nécessaires du titre de la section 3, à la suppression des sous-sections actuelles et à la renumérotation des articles afférents à cette négociation.

Le substitue à la rédaction actuelle de l’article L. 2242-8 (relatif à la négociation obligatoire sur les salaires et la durée du travail) la définition de cette nouvelle négociation annuelle sur la qualité de vie au travail. Cette négociation a vocation à porter sur :

– l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle des salariés. Cette thématique est aujourd’hui abordée dans le cadre de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sous un prisme qui reste donc spécifique, celui de l’égalité des sexes. Le texte souhaite donc redonner une dimension plus globalisante à cette réflexion ;

– les objectifs et mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il s’agit là de la reprise stricte des dispositions figurant à l’article L. 2242-5, cette négociation portant en effet notamment sur l’accès à l’emploi, la formation professionnelle, le déroulement des carrières et la promotion professionnelle, les conditions de travail et d’emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, ainsi que sur la mixité des emplois. La négociation porte également, comme le prévoit déjà le droit existant, sur la possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse pour les salariés à temps partiel et sur les conditions de prise en charge par l’employeur de tout ou partie du supplément de cotisations. Elle porte enfin sur la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Sur ce dernier point, le texte prévoit, comme aujourd’hui, que la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrières entre les femmes et les hommes est suivie dans le cadre de la négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée ; en l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, la négociation annuelle sur les salaires effectifs – qui correspond à la première thématique abordée dans le cadre de la négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée – porte également sur la programmation de telles mesures. La seule modification opérée correspond à la suppression du caractère triennal de cette négociation en cas de conclusion d’un accord comportant des objectifs et des mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle.

– les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle. Il s’agit là d’un nouveau point qui ne faisait pour le moment pas l’objet d’une négociation périodique, mais qui figurait dans l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013. L’article 1er de cet accord dispose en effet que la qualité de vie au travail « nécessite qu’aucune forme de discrimination n’existe et ne soit tolérée dans l’entreprise autant dans les conditions de l’accès à l’emploi et à la promotion que dans la politique salariale et les autres déterminants des conditions de travail » ;

– les mesures relatives à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, notamment leurs conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, leurs conditions de travail et d’emploi ainsi que les actions de sensibilisation au handicap de l’ensemble du personnel. Cette thématique correspond à la reprise de l’actuel article L. 2242-13, à l’exception du caractère triennal de la négociation sur ce sujet dans l’hypothèse de la conclusion d’un accord collectif à ce titre ;

– et enfin, sur l’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés prévue aux articles L. 2281-1 et suivants.

C’est le du II qui prévoit que l’article L. 2242-5-1 devient l’article L. 2242-9 : il s’agit du dispositif de pénalité financière qui pèse sur les entreprises de plus de 300 salariés qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle ou, à défaut, par un plan d’action poursuivant les mêmes objectifs. En vertu du même 7°, l’article L. 2242-6 qui prévoit que l’ensemble des négociations obligatoires en entreprise prennent en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes devient l’article L. 2242-10. Enfin, l’article L. 2242-14, qui dispose que la négociation sur les travailleurs handicapés se déroule sur la base d’un rapport établi par l’employeur présentant la situation par rapport à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, devient l’article L. 2242-11.

Enfin, le du III complète cette section consacrée à la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail en procédant à la réécriture de l’article L. 2242-12, pour prévoir que cette négociation peut également porter sur la prévention de la pénibilité. La conclusion d’un accord sur ce thème dans le cadre de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail vaut conclusion d’un « accord de prévention de la pénibilité » tel que prévu à l’article L. 4163-3.

Rappelons en effet que la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, garantissant l’avenir et la justice du système des retraites, a codifié, aux articles L. 4613-1 à L. 4613-4 les obligations de négocier sur la prévention de la pénibilité. Ainsi, conformément à ces dispositions, les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés, dont au moins la moitié de l’effectif est soumis à certains risques professionnels précisés par voie réglementaire, doivent être couvertes soit pas un accord d’entreprise ou de groupe portant sur la prévention de la pénibilité, soit par un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe, après avis des instances représentatives du personnel présentes dans l’entreprise ou le groupe. L’accord en question – ou, à défaut, le plan d’action – comporte un certain nombre de thèmes obligatoires et doit être déposé auprès de l’autorité administrative. À défaut d’une telle couverture par un accord ou un plan d’action de prévention de la pénibilité, les entreprises de plus de 300 salariés ou relevant d’un groupe de plus de 300 salariés sont redevables d’une pénalité financière, dont le montant est modulé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

D.  LA NÉGOCIATION TRIENNALE SUR LA GESTION DES EMPLOIS ET DES PARCOURS PROFESSIONNELS

Le IV présente, dans une nouvelle section 4, la troisième et dernière grande négociation obligatoire en entreprise, dont la périodicité est, contrairement aux deux premières, triennale : elle porte sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. Elle reprend en grande partie l’actuelle section 3 relative à la négociation triennale sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et à la négociation sur la mobilité interne, qui couvrent les actuels articles L. 2242-15 à L. 2242-23.

Le du IV modifie l’article L. 2242-15 relatif à la négociation triennale obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés sur la GPEC et sur la prévention des mutations économiques. Le champ d’application de cette obligation de négocier n’est pas modifié : il concernera toujours les seules entreprises de plus de 300 salariés ainsi que les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France.

Seules quelques modifications sont apportées aux contours de la négociation actuelle : outre le changement, opéré par le a) du , de l’intitulé de la négociation, qui porte désormais sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, le b) du prévoit que le comité d’entreprise ne sera plus informé de la mise en place par le biais de cette négociation d’un dispositif de GPEC. Il s’agit là d’une mesure de cohérence avec la suppression de la consultation du comité d’entreprise sur tout projet d’accord collectif, leur révision et leur dénonciation prévu à l’article 13 du présent projet de loi.

S’agissant des grandes orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise et des objectifs du plan de formation, il est aujourd’hui prévu que soient précisées compétences et qualifications à acquérir pour les trois années de validité de l’accord : le c) du lui substitue simplement la durée de validité de l’accord, qui pourra en effet a priori désormais ne pas couvrir une période de trois ans, mais être plus longue ou plus courte.

Le d) du rappelle que cette négociation porte également sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions. Cette disposition reprend l’actuel article L. 2242-20, spécifiquement dédié à ce point, sans en modifier aucunement le contenu.

Enfin, le e) du supprime la consultation du comité d’entreprise sur l’ensemble des thématiques couvertes par la négociation, à défaut d’accord conclu sur ces sujets.

En revanche, le principe selon lequel un bilan est réalisé à l’échéance de l’accord est maintenu.

Le du IV procède à la complète réécriture de l’actuel article L. 2242-13 (relatif à la négociation annuelle sur les travailleurs handicapés), pour reprendre en grande partie la rédaction de l’actuel article L. 2242-19, qui prévoit que la négociation triennale sur la GPEC peut également porter sur le contrat de génération, et qu’un accord conclu dans ce cadre vaut conclusion d’un « accord intergénérationnel », sous réserve du respect des dispositions légales qui encadrent par ailleurs le contrat de génération.

Les et du IV procèdent à une simple renumérotation des articles L. 2242-16 et L. 2242-18, qui deviennent respectivement les articles L. 2242-15 et L. 2242-16 : leur contenu demeure inchangé. Rappelons que les dispositions en question concernent les autres thèmes pouvant être abordés lors de la négociation sur la GPEC (licenciement économique collectif, catégories d’emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques, association des sous-traitants à la GPEC de l’entreprise et participation de l’entreprise aux actions de GPEC territoriale), ainsi que les conditions applicables à l’entreprise relevant d’un groupe ayant conclu un accord de GPEC.

Le du IV reprend sans modification autre que de coordination les dispositions encadrant la négociation sur la mobilité interne qui figurent aux articles L. 2242-21 à L. 2242-23, qui deviennent les articles L. 2242-17 à L. 2242-19.

Enfin, le du IV abroge les articles L. 2242-19 et L. 2242-20 qui ont respectivement été « reversés » dans la négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels : il s’agit de la négociation sur le contrat de génération et de celle sur le déroulement de carrière des représentants syndicaux.

III. UNE SOUPLESSE ACCORDÉE AUX ENTREPRISES PAR LE BIAIS DU DIALOGUE SOCIAL

Le V insère une nouvelle section 5 au chapitre 2 relatif à la négociation obligatoire en entreprise, qui prévoit qu’un accord majoritaire peut, sous certaines conditions, modifier la périodicité de chacune des trois grandes négociations exposées ci-avant.

La section 5 est intitulée : « Adaptation des règles de négociation par voie d’accord » procède à la réécriture de l’article L. 2242-20, pour prévoir qu’un accord d’entreprise majoritaire peut modifier la périodicité de chacune des négociations prévues à l’article L. 2242-1 pour tout ou partie des thèmes :

– dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée d’une part, sur la qualité de vie au travail d’autre part ;

– dans la limite de cinq ans pour la négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

La condition de majorité exigée pour permettre une telle adaptation de la périodicité des négociations est renforcée : comme pour le regroupement par accord majoritaire des institutions représentatives du personnel prévu par l’article 9 du projet de loi, l’accord d’entreprise qui procède à l’organisation d’une nouvelle périodicité des négociations doit avoir été signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections de titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.

Une réserve est néanmoins apportée s’agissant de la négociation sur les salaires effectifs, définie au 1° de l’article L. 2242-5 : dans le cas où un accord collectif signé à la majorité renforcée modifie la périodicité de cette négociation, une organisation signataire peut, pendant toute la durée d’application de cet accord, demander que la négociation sur ce thème soit engagée sans délai, l’employeur devant faire droit à cette demande. Autrement dit, le caractère annuel de cette négociation peut être rétabli à tout moment et sans condition.

S’agissant de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mentionnée au 2° de l’article L. 2242-8, dès lors qu’un accord modifie la périodicité de la négociation à ce titre, l’entreprise est regardée comme remplissant, pour la durée ainsi modifié, l’obligation de couverture par un accord d’égalité professionnelle (ou d’ailleurs, par un plan d’action) pour les entreprises de plus de 50 salariés.

Enfin, un accord d’entreprise majoritaire peut adapter le nombre de négociations au sein de l’entreprise ou prévoir un regroupement différent des thèmes de négociation, à condition de ne supprimer aucun des thèmes devant être obligatoirement soumis à la négociation. Autrement dit, un accord majoritaire pourrait rigoureusement regrouper l’ensemble des thèmes de négociation en un seul ou, par exemple, en fonction des spécificités de l’entreprise, intégrer la négociation sur l’égalité professionnelle à la négociation sur les salaires

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En conséquence du regroupement des négociations annuelles obligatoires par les I à V du présent article, le VI apporte les modifications nécessaires à l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale, relatif à l’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). En effet, le second alinéa du I de cet article conditionne le bénéfice de cette exonération à la bonne tenue par l’employeur de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires et la durée du travail : en cas de non respect de l’obligation de négocier au cours d’une année, l’exonération est diminuée de 10 % ; elle est supprimée lorsque l’obligation n’est pas respectée pour la troisième année consécutive.

Le du VI procède à une modification de coordination d’une référence.

Le du VI insère un nouvel alinéa à cet article, qui dispose qu’en cas de modification de la périodicité de cette négociation par voie d’accord, le conditionnement du bénéfice de l’exonération de cotisations patronales ne s’applique pas pendant toute la durée de validité de l’accord. Les règles de minoration puis de suppression de l’exonération s’appliquent en revanche au terme de cet accord.

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Lors de l’examen du texte, la Commission a adopté dix amendements.

Elle a adopté deux amendements de Mme Sandrine Mazetier et ses collègues du groupe SRC (AS 463 et AS 466) visant à inclure l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’intitulé de la nouvelle grande négociation sur la qualité de vie au travail.

Elle a adopté un amendement des mêmes auteurs (AS 464) précisant que la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et leurs différences de carrière faisait l’objet d’un suivi dans le cadre de la consultation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise.

Elle a ensuite adopté deux amendements identiques (AS 508 et AS 467 Rect.), l’un du rapporteur, le second de Mme Sandrine Mazetier et ses collègues du groupe SRC, précisant que la négociation sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes s’appuie bien sur les données relatives à la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise, qui ont par ailleurs été incluses dans la base de données unique.

Elle a également adopté un amendement (AS 468) de Mme Sandrine Mazetier et ses collègues du groupe SRC qui rétablit la mention explicite de l’obligation d’établissement d’un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en l’absence d’accord collectif sur ce sujet.

Elle a adopté un amendement du rapporteur (AS 122), qui a fait l’objet de deux sous-amendements (AS 530 et AS 531) visant à clarifier le régime de la pénalité applicable aux entreprises de plus de 50 salariés non couvertes par un accord ou, le cas échéant, un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Elle a enfin adopté un amendement de Mme Sandrine Mazetier et ses collègues du groupe SRC (AS 469) visant à préciser que la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels intègre bien la question de la mixité des métiers.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS463 de Mme Sandrine Mazetier.

M. Michel Liebgott. Cet amendement vise à intégrer l’égalité professionnelle parmi les objets de la deuxième grande négociation sur la qualité de vie au travail prévue par le projet de loi.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS113, AS114 et AS115 et l’amendement de précision AS91 rectifié du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS464 de Mme Sandrine Mazetier.

M. Michel Liebgott. Cet amendement vise à prévoir explicitement le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les hommes et les femmes dans la négociation annuelle sur la rémunération, le temps du travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise. L’amendement AS466 que nous allons examiner dans un instant est de cohérence.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements de cohérence AS116, AS117 et AS93 du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement AS466 de Mme Sandrine Mazetier.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS118 du rapporteur.

Puis elle est saisie des amendements identiques AS508 du rapporteur et AS467 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.

M. le rapporteur. Ces amendements visent à s’assurer de la complémentarité entre les informations données au comité d’entreprise sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise, et la négociation annuelle en entreprise sur l’égalité professionnelle. Ils prévoient que les données relatives à la qualité de vie au travail, qui incluent les questions touchant à l’égalité professionnelle, soient bien transmises au comité d’entreprise. Ce faisant, ils complètent utilement les informations nécessaires aux différentes instances représentatives du personnel.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements de cohérence AS119 et AS120 du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement AS468 de Mme Sandrine Mazetier.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS121 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS122 du rapporteur, qui fait l’objet de deux sous-amendements AS530 et AS531 de Mme Sandrine Mazetier.

M. le rapporteur. L’amendement AS122 est de cohérence.

M. Michel Liebgott. Les sous-amendements AS530 et AS531 visent à clarifier la rédaction de dispositions relatives aux pénalités financières.

M. le rapporteur. Cette clarification me paraît bienvenue.

La Commission adopte les sous-amendements.

Puis elle adopte l’amendement AS122 sous-amendé.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement de précision AS123 et l’amendement rédactionnel AS124 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AS469 de Mme Sandrine Mazetier.

M. Michel Liebgott. Cet amendement vise à introduire le thème de l’égalité professionnelle et de la mixité des métiers au sein de la nouvelle négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. Cette négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doit être l’occasion de faire progresser la mixité des métiers et d’assurer l’égalité des parcours professionnels.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de précision AS125 et les amendements rédactionnels AS126 et AS127 du rapporteur.

La Commission examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS412 et AS413 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Il peut arriver, dans quelques cas, que l’accord d’entreprise ne soit pas conclu dans la sérénité qui s’impose. L’amendement AS412 propose de porter de 50 % à 65 % la majorité requise à l’issue des dernières élections professionnelles pour pouvoir signer un accord d’entreprise adaptant la périodicité des négociations. Je reconnais qu’il n’est pas totalement satisfaisant : les écologistes ont toujours tendance à se fixer des seuils très haut… Quoi qu’il en soit, il serait souhaitable qu’au moins deux tiers des représentants soient d’accord pour déroger au droit commun.

Dans la même logique, l’amendement AS413 précise que la négociation est rouverte annuellement sur simple demande d’inscription à l’ordre du jour.

M. le rapporteur. Une majorité de 65 % est effectivement d’un niveau inédit dans le code du travail… Je rappelle que la règle de droit commun permettant la conclusion d’un accord collectif est que, d’une part, il faut avoir recueilli 30 % des suffrages aux dernières élections professionnelles et que, d’autre part, les organisations ayant recueilli au moins 50 % des suffrages – niveau déjà conséquent – disposent d’un droit d’opposition.

Par ailleurs, dès lors que le projet de loi prévoit que toute organisation signataire de l’accord qui a modifié la périodicité de cette négociation peut en demander sans délai le déclenchement, il n’y a pas lieu de préciser davantage.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

M. Christophe Cavard. Nous allons y réfléchir pour en rediscuter dans l’hémicycle.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’article 14 modifié.

*

Après l’article 14

La Commission examine l’amendement AS201 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement prévoit que les accords qui aménagent le temps de travail puissent se faire sur le modèle des accords d’intéressement, ce qui permet de simplifier la procédure. Le temps de travail pourra ainsi être annualisé afin de s’adapter plus facilement aux aléas économiques et aux fluctuations des carnets de commandes des entreprises, dans le respect du dialogue social. C’est un amendement de simplification.

M. le rapporteur. Çà, pour simplifier, vous simplifiez ! On ne peut cependant pas vous suivre et considérer que les négociations sur l’aménagement du temps de travail doivent être simplifiées au point de devenir expéditives… Avis très défavorable !

La Commission rejette l’amendement.

*

Article 15
(art. L. 2232-21, L. 2232-22, L. 2232-23, L. 2232-23-1, L. 2232-24, L. 2232-28
et L. 2232-29 du code du travail)

Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical

Afin de favoriser au maximum la conclusion d’accords d’entreprise ou d’établissement, notamment dans les petites structures, plutôt que de recourir à des décisions unilatérales de l’employeur, l’article 15 s’attache à consolider le régime de la négociation selon la procédure du mandatement d’un salarié.

Il renforce la prééminence des organisations syndicales, puisqu’il prévoit que l’employeur devra désormais négocier en priorité avec un élu du personnel mandaté. Ce n’est qu’à défaut qu’il sera possible de négocier avec un élu du personnel non mandaté. Et ce n’est qu’en dernière analyse qu’interviendra la possibilité d’engager la négociation avec un ou des salariés mandatés : dans ce dernier cas, l’approbation pas la majorité des salariés reste bien une condition de la validité d’un accord signé par des salariés mandatés. La possibilité de négocier avec un salarié mandaté serait cependant ouverte de droit aux entreprises dépourvues de délégué syndical et de représentants du personnel sur la base d’un procès-verbal de carence, ainsi que dans les entreprises de moins de onze salariés.

I. LES CONDITIONS ACTUELLES DE NÉGOCIATION EN ENTREPRISE EN L’ABSENCE DE DÉLÉGUÉ SYNDICAL

La présence d’un délégué syndical n’est théoriquement possible que dans une entreprise ou un établissement de plus de 50 salariés. En deçà de ce seuil, il reste possible de désigner un délégué du personnel comme délégué syndical, mais cette option n’est pas ouverte aux établissements de moins de 50 salariés dépendant d’une entreprise dont l’effectif global est d’au moins 50 salariés.

D’après les données de la DARES, issues d’une enquête menée en 2010 et 2011, dans les entreprises de moins de 50 salariés, la présence d’un délégué syndical reste marginale (10 % des établissements de 11 à 19 salariés et 20 % des établissements de 20 à 49 salariés). Même au-delà de 50 salariés, la présence d’un délégué syndical est loin d’être généralisée : ainsi, plus de la moitié des établissements employant de 50 à 99 salariés et plus du quart de ceux employant de 100 à 199 salariés sont dépourvus de délégué syndical.

En l’absence de délégué syndical dans l’entreprise ou l’établissement ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés, la conclusion d’une convention ou d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement reste possible par le biais de la procédure du mandatement, sauf cas spécifique d’une entreprise qui relève d’une convention de branche ou d’un accord professionnel étendu organisant les conditions d’une telle négociation (16).

Les entreprises soumises à un accord de branche organisant la négociation
en l’absence de délégué syndical

Les entreprises dépourvues de délégué syndical, ou de délégué du personnel remplissant les fonctions de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés, et relevant d’une convention de branche ou d’un accord professionnel conclu avant le 1er janvier 2010 et étendu le prévoyant, peuvent négocier et conclure un accord d’entreprise ou d’établissement.

L’accord ou la convention étendus fixent les thèmes ouverts à la négociation.

Il est ainsi possible de prévoir qu’un accord d’entreprise ou d’établissement est conclu par l’employeur avec :

– les membres élus du personnel au comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel. Le texte détermine les conditions de majorité de l’accord d’entreprise. Pour avoir valeur d’accord collectif de travail, un tel accord doit avoir été approuvé par la commission paritaire nationale de branche créée par la convention ou l’accord étendu. À défaut, il est réputé non écrit ;

– ou si un procès-verbal de carence a établi l’absence de représentants élus du personnel, un ou des salariés expressément mandatés pour une négociation déterminée, par une ou des organisations syndicales représentatives sur le plan national. Cet accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. À défaut, il est réputé non écrit.

Les informations à remettre aux élus titulaires ou aux salariés mandatés avant la négociation sont déterminées par accord entre ceux-ci et l’employeur.

Ces accords ne peuvent entrer en application qu’après dépôt auprès de l’autorité administrative. Ils peuvent être renouvelés, révisés ou dénoncés selon les mêmes modalités respectivement par l’employeur signataire par les représentants élus du personnel ou par un salarié mandaté à cet effet.

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a mis en place un régime de négociation avec des élus ou des salariés mandatés dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ; toutefois, les branches qui relevaient de dispositions conventionnelles antérieures, négociées sous l’empire de la loi du 4 mai 2004, ont pu continuer à les appliquer. Au total, 19 branches avaient négocié de tels accords au 30 septembre 2009.

La négociation peut être menée, selon la situation de l’entreprise, avec les représentants élus des salariés, un ou plusieurs salariés mandatés ou un représentant de section syndicale.

1.  Avec les représentants élus du personnel

L’article L. 2232-21 prévoit que dans les entreprises de moins de 200 salariés, en l’absence donc de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical – si l’entreprise compte moins de 50 salariés –, il est possible de négocier des accords avec :

– les représentants élus du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel (DUP) ;

– ou, à défaut, avec les délégués du personnel.

Plusieurs conditions encadrent néanmoins la négociation dans ce cadre :

– En premier lieu, la négociation ne peut porter que sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, sauf s’il s’agit d’un accord de méthode (article L. 1233-21). Rappelons qu’un accord de méthode permet de fixer, des modalités dérogatoires de consultation du comité d’entreprise en cas de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

– Ensuite, aux termes de l’article L. 2232-22, pour être valide, l’accord doit avoir été conclu par des membres élus titulaires au comité d’entreprise ou, à défaut, par des délégués du personnel titulaires, qui représentent la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Il doit ensuite être validé par une commission paritaire de branche, qui dispose de quatre mois pour s’assurer que l’accord n’enfreint aucune disposition législative, réglementaire ou conventionnelle applicable. À moins qu’un accord de branche ne prévoie des dispositions différentes, la commission paritaire de branche comprend un représentant titulaire et un représentant suppléant de chaque organisation syndicale de salariés représentative dans la branche et un nombre égal de représentants des organisations professionnelles d’employeurs. Dans le silence de cette commission, au bout de quatre mois, l’accord est réputé validé. Si l’une de ces deux conditions n’est pas remplie, l’accord est réputé non écrit.

L’article L. 2232-23 dispose que le temps passé aux négociations n’est pas imputable sur les heures de délégation bénéficiant aux élus. Chaque élu titulaire appelé à participer à une négociation dispose du temps nécessaire dans la limite d’une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut pas excéder 10 heures par mois. Ces heures sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale.

L’accord conclu doit faire l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative accompagné de l’extrait de procès-verbal de validation par la commission paritaire nationale de branche compétente (article L. 2232-28).

2.  Avec un ou des salariés mandatés

Aux termes de l’article L. 2232-24, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et en l’absence de représentants élus du personnel, un accord d’entreprise ou d’établissement peut être négocié et conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche.

Plusieurs conditions s’appliquent également dans ce cadre :

– L’absence de représentants élus du personnel doit être établie par un procès-verbal de carence, autrement dit, ce type de procédure ne peut concerner que des établissements et entreprises ayant un effectif d’au moins onze salariés.

– Comme pour la négociation avec des représentants élus du personnel, l’accord ne peut porter que sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, sauf s’il s’agit d’un accord de méthode (article L. 1233-21).

– Une même organisation syndicale ne peut mandater qu’un seul salarié.

– Enfin, l’accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (article L. 2232-27). Faut d’approbation, l’accord est réputé non écrit.

En tout état de cause, comme tout accord négocié en l’absence de délégué syndical, l’accord doit faire l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative (article L. 2232-28).

Il peut ensuite être renouvelé, révisé ou dénoncé selon les mêmes modalités par l’employeur signataire et un ou plusieurs salariés mandatés à cet effet (article L. 2232-29).

L’article L. 2232-25 prévoit que chaque salarié mandaté dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions dans la limite de 10 heures par mois (sauf circonstances exceptionnelles). Ces heures de délégation sont considérées comme du temps de travail et rémunérées à l’échéance normale.

S’il décide d’ouvrir des négociations avec un ou des salariés mandatés, l’employeur doit informer les organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise de ce souhait. Dans les 15 jours qui suivent la signature de l’accord avec le ou les salariés mandatés, l’employeur doit fixer les modalités d’organisation de la consultation des salariés, qu’il notifie par écrit aux salariés mandatés, qui peuvent saisir le tribunal d’instance en cas de désaccord sur ces modalités. Aux termes de l’article L. 2232-27, la consultation des salariés doit avoir lieu dans le respect des principes du droit électoral.

3.  Avec un représentant de section syndicale

En l’absence de délégué syndical, dans les entreprises de plus de 200 salariés où sont présents des représentants élus du personnel, il est possible de conclure un accord collectif avec un représentant de section syndicale (article L. 2143-23). Il n’y a pas de condition restrictive sur le contenu de l’accord pouvant être conclu selon ces modalités, contrairement aux deux autres procédures de mandatement.

Néanmoins, trois conditions encadrent les modalités de cette négociation et la validité de l’accord ainsi conclu :

– tout d’abord, le représentant de section syndicale doit avoir été désigné par une organisation syndicale de salariés affiliée à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ;

– il doit ensuite être mandaté par cette organisation pour négocier et conclure un accord d’entreprise ou d’établissement ;

– enfin, l’accord conclu doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. À défaut, il est réputé non écrit.

À noter que le représentant de section syndicale ne dispose pas de crédit d’heures spécifique à cette négociation s’ajoutant à celui qui lui est normalement reconnu : rappelons qu’en vertu de l’article L. 2142-1-3, il bénéficie, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, d’un crédit d’heures d’au moins 4 heures par mois, ces heures étant considérées comme du temps de travail et rémunérées à l’échéance normale.

Bien que la loi ne le précise pas, l’accord conclu avec un représentant de section syndicale doit vraisemblablement être déposé auprès de l’autorité administrative dans les conditions de droit commun.

*

D’après les données statistiques fournies par le ministère chargé du travail, le nombre de textes signés annuellement pas des élus oscille entre 6 500 et 11 800 depuis 2006, et constitue une part comprise entre 18 % et 25 % de l’ensemble des accords signés annuellement. Il s’agit pour les 9/10ème d’accords d’épargne salariale.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

L’article 15 modifie la sous-section 3 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail : cette section traite des modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

1.  La refonte de la négociation avec les représentants élus du personnel

Les I à IV modifient le paragraphe 1er, relatif à la conclusion d’un accord par les représentants élus au comité d’entreprise ou les délégués du personnel.

Le I modifie l’article L. 2232-21 qui définit cette négociation spécifique par mandatement, en supprimant tout d’abord le plafond de 200 salariés au-delà duquel il n’est pas aujourd’hui possible de recourir à la procédure du mandatement des représentants élu du personnel pour la négociation d’un accord d’entreprise ou d’établissement : le prévoit ainsi que les entreprises de plus de 200 salariés seront désormais également habilitées à recourir à cette procédure en l’absence de délégué syndical.

En conséquence de la mise en place, par l’article 9 du projet de loi, d’une procédure de création d’une instance unifiée représentative du personnel dans les entreprises de plus de 300 salariés, qui figure à l’article L. 2391-1, le renvoie à cette instance pour autoriser la négociation avec des représentants du personnel élus au sein de cette nouvelle instance.

Le apporte deux modifications majeures à cette procédure de mandatement :

– Il lève tout d’abord le verrou qui existe actuellement concernant le contenu des accords pouvant être conclus dans ce cadre. Il n’y aura désormais plus de limite à la capacité de négociation de ces représentants élus du personnel mandatés.

– En contrepartie, alors que dans la procédure actuelle, les organisations syndicales représentatives dans la branche sont simplement informées par l’employeur de sa décision d’engager des négociations, les représentants élus du personnel seront désormais soumis à un mandatement exprès par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel. Le texte précise qu’une même organisation ne peut mandater qu’un seul salarié.

Le texte maintient toutefois le principe de l’information préalable par l’employeur de ces mêmes organisations au moment de sa décision d’engager les négociations. Il s’agit par ce biais de garantir les conditions de transparence vis-à-vis des organisations syndicales, qui doivent jouer un rôle central dans la procédure puisque, grâce à cette information, elles peuvent déclencher le processus de mandatement d’un élu.

Il procède en revanche à la suppression de la condition de validation de l’accord par la commission paritaire de branche, conduisant ainsi de facto à la disparition de ces commissions.

Le II entreprend de réécrire intégralement l’article L. 2232-22, qui traite des conditions de validité actuelles des accords conclus par des représentants élus du personnel (qui doivent représenter la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles et dont les accords conclus par eux doivent être validés par une commission paritaire de branche).

Il aménage la procédure de mandatement aujourd’hui applicable aux représentants élus du personnel : cette procédure ne sera désormais plus applicable qu’en l’absence de mandatement par des organisations syndicales représentatives – comme le prévoit l’article L. 2232-21 dans sa nouvelle rédaction. Elle s’applique aux représentants élus du personnel titulaires au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou – ce qu’ajoute le texte – à l’instance unique représentative du personnel prévue à l’article L. 2391-1 ou, à défaut, aux délégués du personnel titulaires. La même réserve que celle qui existe d’ores et déjà sur le contenu des accords pouvant être conclus dans le cadre de cette procédure de mandatement s’appliquera : la négociation engagée avec les représentants élus du personnel ne peut porter que sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l’exception des accords mentionnés à l’article L. 2233-21.

Le texte ne reprend pas les deux conditions actuellement applicables à cette procédure :

– l’obligation pour les représentants élus du personnel de représenter la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ;

– ainsi que la validation de l’accord par une commission paritaire de branche.

On notera également qu’à la faveur de la réécriture de cette procédure de négociation, le verrou du seuil de 200 salariés est également supprimé : autrement dit, en l’absence de délégué syndical et à défaut d’un mandatement de représentants élus du personnel par une ou des organisations syndicales, la négociation directement menée avec des représentants du personnel s’appliquera désormais également aux entreprises de plus de 200 salariés.

L’article L 2232-23, relatif au temps passé aux négociations et aux heures de délégation des représentants élus du personnel qui sont appelés à participer à la négociation, demeure inchangé sur le fond, le III qui lui est relatif ne lui apportant en effet que des modifications de coordination.

Le IV complète le paragraphe 1er consacré à la négociation avec des représentants élus du personnel, en insérant un nouvel article L. 2232-23-1 qui précise les modalités d’une telle négociation.

Le nouvel article L. 2232-23-1 apporte trois précisions importantes sur le « séquençage » de ce type de négociation :

– Il impose à l’employeur de faire connaître son intention de négocier aux représentants élus du personnel par tout moyen permettant de lui conférer une date certaine.

– Les élus qui souhaitent négocier doivent ensuite le faire savoir dans un délai d’un mois et indiquer, le cas échéant, s’ils sont mandatés par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel. Autrement dit, ce n’est qu’à ce stade que la distinction entre la procédure de l’article L. 2232-21 et celle de l’article L. 2232-22 apparaît clairement.

– Enfin, à l’issue du délai d’un mois, la négociation s’engage avec le ou les élus expressément mandatés par une organisation syndicale représentative ou, à défaut, avec un ou des salariés élus non mandatés.

2.  La négociation avec un ou plusieurs salariés mandatés

Le V modifie la procédure applicable à la négociation avec un ou plusieurs salariés mandatés, aujourd’hui ouverte dès lors qu’une entreprise est dépourvue de délégué syndical.

Le prévoit tout d’abord que la négociation avec des salariés mandatés n’intervient désormais qu’en l’absence de possibilité d’engager la négociation avec des représentants élus du personnel, autrement dit, dès lors qu’à l’issue de l’annonce par l’employeur de son intention de négocier, aucun élu n’a manifesté son souhait de négocier, qu’il soit ou non expressément mandaté par une organisation syndicale représentative pour ce faire.

Le supprime l’obligation d’établir un procès-verbal de carence qui fait état de l’absence de représentant élu du personnel, dans la mesure où la procédure s’applique précisément à des entreprises dans lesquelles de tels représentants ont été élus, mais qu’aucun d’eux n’a souhaité prendre part à la négociation.

Les et élargissent aux organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel – et non plus aux seules organisations syndicales représentatives dans la branche – la compétence pour mandater un salarié. Ces premières n’ont cependant vocation à intervenir qu’à défaut de mandatement par les organisations de branche. Les organisations à l’origine du mandatement sont également informées par l’employeur de sa décision d’engager les négociations.

Le complète l’article L 2232-24 pour préciser que la procédure de mandatement d’un ou de plusieurs salariés s’applique de droit dans les entreprises dépourvues de délégué syndical dans lesquelles un procès-verbal de carence a établi l’absence de représentants élus du personnel, ainsi que dans les entreprises de moins de onze salariés.

Le texte ne modifie aucune des conditions par ailleurs exigibles pour reconnaître la validité des accords conclus par un ou plusieurs salariés mandatés : ni l’approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (article L. 2232-27), ni le temps dont dispose le salarié mandaté dans le cadre de ses fonctions (article L. 2232-25), ni l’interdiction de mandater des salariés qui peuvent être assimilés ou sont apparentés à l’employeur (article L. 2232-26).

Le VI procède à une modification de conséquence. En effet, la commission paritaire nationale de branche qui avait pour l’heure vocation à valider les accords conclus par des représentants élus du personnel a été supprimée. Le VI supprime également la référence à cette commission à l’article L. 2232-28, qui porte sur l’obligation de dépôt auprès de l’autorité administrative des accords d’entreprise ou d’établissement conclus avec des représentants du personnel ou avec des salariés mandatés, cette dernière condition demeurant toutefois applicable. S’agissant des accords conclus avec les premiers, le texte prévoyait également jusqu’alors le dépôt auprès de l’autorité administrative du procès-verbal de validation par la commission paritaire de branche. Cette transmission est donc logiquement supprimée.

Enfin, le VII modifie l’article L. 2232-29, qui dispose que les accords d’entreprise ou d’établissement conclus avec des représentants élus du personnel (mandatés ou non mandatés) ou avec un ou des salariés mandatés peuvent être renouvelés, révisés ou dénoncés par l’employeur signataire, les représentants élus du personnel ou un salarié mandaté à cet effet. Il est proposé de substituer à l’énumération des parties habilitées à demander le renouvellement, la révision ou la dénonciation de l’accord le renvoi à un décret en Conseil d’État. Concrètement, d’après les informations transmises au rapporteur, les accords conclus avec les représentants élus du personnel soulèvent une difficulté particulière dans la mesure où le renouvellement régulier des instances représentatives peut conduire à ce qu’ils ne soient pas renouvelés par les salariés dans leur mandat. Or, cette situation n’est actuellement pas clairement traitée par la réglementation : c’est pourquoi le décret en question a vocation à assurer à la fois la sécurité juridique des accords conclus mais également à permettre leur évolution lorsque les signataires ne seront soit plus élus soit plus mandatés.

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Il convient de noter que les nouvelles dispositions en matière de négociation dérogatoire mises en œuvre dans le cadre de cet article ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des entreprises : il n’est pas prévu de dispositions transitoires qui permettraient de continuer à appliquer les dispositions des accords de branche conclus avant le 1er janvier 2010. Ces spécificités cesseront donc de s’appliquer dans ces secteurs dès l’entrée en vigueur de la loi.

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À l’occasion de l’examen du présent article, la Commission a adopté deux amendements du rapporteur (AS 512 et AS 511) visant à rétablir les commissions paritaires de branche qui ont vocation à valider les accords conclus avec des salariés élus non expressément mandatés par des organisations syndicales, ainsi que leur mode de fonctionnement.

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La Commission examine l’amendement de suppression AS200 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Nous demandons la suppression de l’article 15, car la possibilité de négocier avec des délégués du personnel ou un salarié mandaté dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux est déjà prévue par la loi.

M. le rapporteur. En fait, vous souhaitez supprimer cet article au motif que le mandatement existe déjà. Mais cela revient à passer à côté des innovations de l’article 15, qui propose de mettre en place une procédure spécifique de mandatement des représentants élus du personnel, alors qu’aujourd’hui il n’existe qu’une procédure de négociation avec des représentants du personnel et une procédure de négociation avec des salariés mandatés. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient aux amendements identiques AS281 de Mme Isabelle Le Callennec et AS291 de M. Bernard Perrut.

Mme Isabelle Le Callennec. L’absence d’une section syndicale dans l’entreprise ne doit pas avoir pour effet de limiter le développement de la négociation collective. Aujourd’hui, les accords collectifs peuvent être conclus avec les représentants élus du personnel au comité d’entreprise, la délégation unique du personnel ou, à défaut, les délégués du personnel. Toutefois, l’accord collectif conclu dans ces conditions ne sera opérationnel qu’après validation par une commission paritaire de branche, qui s’assure et contrôle que l’accord collectif ainsi conclu n’enfreint pas les dispositions légales et conventionnelles.

Les entreprises de moins de deux cents salariés et en particulier les plus petites d’entre elles ne disposent pas en interne de l’expertise et des conseils juridiques leur permettant de s’assurer de la validité de l’accord d’entreprise élaboré. Le recours à l’expertise d’une commission de branche leur permet précisément de faire valider par cette commission que l’accord ainsi conclu est juridiquement valable. Cette expertise extérieure est d’autant plus justifiée que les accords d’entreprise portent majoritairement sur les questions relatives à l’aménagement du temps de travail. Or la négociation menée par une entreprise en cette matière lui permet de mettre en œuvre les adaptations nécessaires afin de faire face aux contraintes du marché notamment. C’est ainsi, à titre d’illustration, que, dans la branche professionnelle du bâtiment, un accord national du 15 septembre 2010 institue une commission paritaire de validation de branche.

Je vous propose donc, par mon amendement AS281, de supprimer l’alinéa 6.

M. Bernard Perrut. Mon amendement AS291 a le même objet. Depuis le 1er janvier 2011, la commission paritaire nationale de validation a été saisie, en moyenne, de l’examen de près de quarante accords par an, ce qui démontre l’utilité de cette instance. L’expertise des commissions des branches permet aux entreprises de moins de deux cents salariés, et plus particulièrement aux plus petites, de faire valider leurs accords d’entreprise.

M. le rapporteur. Je suis, sur le fond, favorable à vos amendements. Je vous suggérerai toutefois de les retirer, car ils ne sont pas positionnés au bon endroit dans le texte, pour vous proposer d’adopter un de mes amendements à l’alinéa 10, qui les satisfait.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS128 et AS129 du rapporteur.

Puis elle en vient aux amendements identiques AS481 de Mme Isabelle Le Callennec et AS483 de M. Bernard Perrut.

M. le rapporteur. Je demande, comme précédemment, le retrait de ces amendements au profit de mes amendements AS511 et AS512 qui vont plus loin que les vôtres. En effet, vous proposez que la seule condition de validité d’un accord collectif conclu avec des élus non mandatés soit l’approbation par la commission paritaire de branche, alors que le texte prévoit déjà une autre condition, qu’il serait dommage de supprimer : les élus en question doivent représenter la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. À mon sens, ces deux conditions doivent rester cumulatives, ce qui est l’objet des amendements AS511 et AS512, qui précisent que la validation des accords par une commission paritaire de branche est nécessaire. Je vous suggère donc de vous rallier à ces deux amendements, qui devraient logiquement vous satisfaire.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte les amendements rédactionnels AS130 et AS131 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS512 et AS511 du rapporteur.

M. le rapporteur. Ces deux amendements, qui reprennent strictement la rédaction actuelle concernant les conditions dans lesquelles les accords conclus avec des salariés non mandatés sont validés par une commission paritaire de branche, devraient satisfaire l’ensemble des amendements déposés sur ce sujet, puisqu’ils rétablissent ces commissions tout en maintenant la première condition de validité posée par le texte, celle de la majorité des suffrages devant avoir été recueillis par les élus qui concluent un tel accord.

La Commission adopte successivement ces amendements à l’unanimité.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels AS132 et AS133 du rapporteur.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques AS482 de Mme Isabelle Le Callennec et AS484 de M. Bernard Perrut.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour les mêmes raisons que précédemment, nous proposons de supprimer l’alinéa 25.

M. le rapporteur. Et pour les mêmes raisons, je suggère le retrait de ces amendements.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement AS529 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement découle des amendements qui ont rétabli les commissions paritaires de branche : il en tire les conséquences sur la rédaction de l’article L. 2232-28, qui prévoit, je le rappelle, le dépôt auprès de l’autorité administrative des accords conclus avec des salariés mandatés et non mandatés, ainsi que, le cas échéant, de l’avis de la commission paritaire de branche.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

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Après l’article 15

La Commission examine l’amendement AS192 de Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Le dialogue social à La Réunion est souvent synonyme de conflits. Les mouvements sociaux y sont nombreux, ce qui pénalise l’économie de notre île. Il est possible de demander une médiation, mais une des parties peut la refuser, et le conflit traîne alors en longueur. L’amendement propose d’imposer un médiateur afin que chacun se retrouve au plus vite à la table des négociations.

M. le rapporteur. Je comprends l’esprit de l’amendement. Toutefois, il serait compliqué juridiquement d’imposer une médiation qui suppose par construction un accord préalable des parties ; ce type de mission serait de toute façon bien difficile à réussir. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

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Article 16
(art. L. 2322-7, L. 2325-14, L. 2325-14-1, L. 2325-26 et L. 2325-34 du code du travail)

Franchissement de seuils

Les entreprises restent aujourd’hui confrontées, entre 50 et 300 salariés, à des obligations spécifiques liées au franchissement de seuils intermédiaires, au niveau de 150 ou 200 salariés. En effet, à partir de 150 salariés, une entreprise doit passer d’un rythme d’une réunion tous les deux mois à une réunion par mois de son comité d’entreprise. En outre, à partir de 200 salariés, son comité d’entreprise est conduit à mettre en place deux commissions spécifiques en son sein, celle relative à la formation et celle relative à l’égalité professionnelle.

S’agissant du seuil de 50 salariés qui oblige l’employeur à mettre en place un comité d’entreprise, l’estimation de la baisse des effectifs qui conduit à ramener l’entreprise en dessous de ce seuil et à supprimer cette instance n’est aujourd’hui pas suffisamment sécurisée.

Afin de répondre à ces deux problématiques de franchissement des seuils, cet article procède à l’harmonisation de certains seuils applicables aux petites et moyennes entreprises en les relevant à 300 salariés. Il clarifie ensuite l’appréciation de ce seuil en matière d’information et de consultation du comité d’entreprise. Il codifie enfin la jurisprudence sur l’appréciation du seuil permettant de supprimer un comité d’entreprise en cas de baisse importante et durable des effectifs.

A.  LES CONDITIONS DE SUPPRESSION DU COMITÉ D’ENTREPRISE

Le I modifie l’article L 2322-7 qui constitue la section 2 du chapitre 2, relatif aux conditions de mise en place et de suppression du comité d’entreprise, ce dernier occupant le titre II du livre III (qui traite des institutions représentatives du personnel) de la deuxième partie du code du travail.

Pour l’heure, cet article prévoit que la suppression du comité d’entreprise est subordonnée à un accord entre l’employeur et l’ensemble des organisations syndicales représentatives. À défaut d’accord, cette suppression peut être autorisée par l’autorité administrative « en cas de réduction importante et durable du personnel ramenant l’effectif au-dessous de cinquante salariés ».

Comme l’indique l’étude d’impact, cette procédure est en réalité extrêmement lourde : en effet, l’employeur doit tout d’abord rechercher un accord avec l’ensemble des organisations syndicales représentatives, accord unanime qui est concrètement généralement assez difficile à obtenir en raison de la conflictualité de ce sujet au sein de l’entreprise. À défaut d’accord, la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, qui peut être sollicitée à cet effet fait souvent l’objet de contestation par la partie lésée par la disparition de son instance de représentation.

D’après les données fournies par le ministère chargé du travail, sur les cinq dernières années, 7 accords relatifs à la suppression du comité d’entreprise ont été recensés, et 20 recours hiérarchiques contre des décisions des services déconcentrés du ministère ont confirmé la suppression du comité d’entreprise, ce qui représente au total en moyenne 5 suppressions de comité d’entreprise par an.

La nouvelle rédaction proposée de l’article L. 2322-7 supprime le principe d’un accord préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives. Il prévoit en effet que dès lors que l’effectif de cinquante salariés n’est pas atteint pendant vingt-quatre mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédant la date de renouvellement de cette instance, l’employeur peut supprimer le comité d’entreprise.

Cette caractérisation du franchissement à la baisse du seuil de 50 salariés reprend la lecture administrative qui en est faite depuis la circulaire ministérielle du 25 octobre 1983. Cette consécration d’une interprétation administrative revient à confier à l’employeur la responsabilité de la décision de la suppression du comité – comme d’ailleurs pour sa création lors du franchissement du même seuil –, sous le contrôle du juge.

B.  LE SEUIL DÉSORMAIS DÉTERMINANT DE 300 SALARIÉS

1.  Pour la périodicité des réunions du comité d’entreprise

Le II modifie l’article L. 2325-14, qui porte sur la périodicité des réunions du comité d’entreprise au sein du chapitre afférent au fonctionnement du comité d’entreprise. Cet article fixe aujourd’hui à 150 salariés le seuil qui occasionne une modification de la fréquence des réunions du comité d’entreprise. En effet :

– avec 150 salariés ou plus, le comité d’entreprise doit se réunir au moins une fois par mois sur convocation de l’employeur ou de son représentant ;

– tandis qu’en deçà de 150 salariés, le comité d’entreprise est tenu de se réunir au moins une fois tous les deux mois, sauf lorsque l’employeur a opté pour la mise en place d’une délégation unique du personnel, auquel cas les réunions se tiennent au moins une fois par mois comme le prévoit l’article L. 2326-3.

Enfin, le comité d’entreprise peut tenir une seconde réunion à la demande de la majorité de ses membres.

Pour tenir compte des modifications apportées par l’article 8 du projet de loi, qui élargit à toutes les entreprises de moins de 300 salariés – contre 200 salariés auparavant – la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel (DUP), et afin d’harmoniser les obligations de réunion du comité d’entreprise avec les seuils d’effectifs par ailleurs retenus en matière d’institution représentative du personnel (IRP), le du II remonte à 300 salariés le seuil au-delà duquel l’employeur doit réunir le comité d’entreprise au moins une fois par mois.

Le du II supprime la mention de la mise en place d’une délégation unique du personnel. Dans la mesure où les seuils sont harmonisés avec ceux de la mise en place possible d’une DUP, il n’y a en effet plus lieu d’y faire référence.

2.  Les conditions d’application du franchissement de seuil

Le III insère un nouvel article L. 2325-14-1 dans la sous-section qui traite des réunions du comité d’entreprise, dans le cadre toujours du chapitre consacré à son fonctionnement.

Ce nouvel article propose de préciser les modalités d’application des obligations supplémentaires d’information et de consultation du comité d’entreprise consécutives au franchissement par l’entreprise du seuil de 300 salariés : ainsi, il prévoit que ce seuil est considéré comme franchi lorsque l’effectif de l’entreprise l’excède pendant les douze derniers mois, tout en renvoyant à un décret en Conseil d’État pour préciser les conditions d’appréciation de ces douze derniers mois. Le principe sera bien en tout cas celui de la prise en compte des douze derniers mois en continu, le décret devant également préciser le mode de décompte des salariés.

Dès lors que le seuil est considéré comme étant franchi – soit au bout de douze mois –, l’employeur dispose d’un délai d’un an pour se mettre en conformité avec les obligations supplémentaires qui lui incombent en matière d’information du comité d’entreprise.

Au total, l’employeur disposera donc de vingt-quatre mois entre le passage à un effectif de 300 salariés et la mise en œuvre de ses obligations d’information.

Rappelons que dans le cadre de l’article 13 du présent projet de loi, le texte propose de regrouper l’ensemble des procédures d’information et de consultation récurrentes – pour la plupart, annuelles – du comité d’entreprise en trois grandes consultations annuelles relatives respectivement aux orientations stratégiques de l’entreprise, à sa situation économique et financière, et enfin, à sa politique sociale, aux conditions de travail et à l’emploi.

Les obligations qui incombent à l’employeur dans ce cadre – et en particulier le contenu des informations devant être fournies – peuvent, dans certains cas, être modulées en fonction de la taille de l’entreprise, le seuil d’effectifs de cette modulation étant fixé à 300 salariés (17).

3.  L’alignement de la création des commissions du comité d’entreprise sur le seuil de 300 salariés

Enfin, les IV et V proposent de faire passer de 200 à 300 salariés le seuil au-delà duquel au sein d’une entreprise, le comité d’entreprise est tenu de créer en son sein une commission de la formation (article L. 2325-26) et une commission de l’égalité professionnelle (article L. 2325-34).

Il s’agit là d’harmoniser les règles applicables à la constitution des principales commissions du comité d’entreprise – qu’il s’agisse de la commission de la formation, de la commission d’information et d’aide au logement qui est aujourd’hui déjà créée à compter du franchissement du seuil de 300 salariés, et de la commission de l’égalité professionnelle.

Seules deux commissions resteront donc régies par des règles de seuils spécifiques : la commission économique, qui n’est rendue obligatoire que dans les entreprises de plus de mille salariés, et la commission des marchés qui répond à des critères propres au comité d’entreprise lui-même, dans la mesure où elle est chargée de la gestion financière interne du comité.

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La Commission examine d’abord l’amendement AS160 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Cet amendement vise à demander une validation par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du nombre de salariés dans l’entreprise avant que l’employeur ne puisse supprimer le comité d’entreprise. Il s’agit d’instaurer un garde-fou.

M. le rapporteur. Avis défavorable : la procédure deviendrait encore plus lourde qu’elle n’est aujourd’hui !

M. Gérard Cherpion. De toute façon, la déclaration annuelle des données sociales donne un état objectif des effectifs.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels AS134 et AS135 de M. le rapporteur.

Puis elle se saisit de l’amendement AS451 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Cet amendement vise à rétablir le seuil actuel de mise en place d’une commission sur l’égalité femme-homme.

M. le rapporteur. Je vous renvoie à notre discussion de tout à l’heure sur les seuils à 200 ou 300 salariés : suivant le même principe, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16

La Commission examine l’amendement AS8 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à lisser les effets de seuil dont sont victimes les entreprises qui se développent : leurs obligations en matière sociale s’accroissent fortement lorsqu’elles passent de dix à onze mais surtout de quarante-neuf à cinquante salariés.

Cet amendement élève le seuil à partir duquel la mise en place de délégués du personnel devient obligatoire de onze à vingt et un salariés.

S’inspirant d’une disposition applicable en matière de financement de la formation professionnelle continue, il institue également une période de trois ans, à compter du franchissement d’un seuil, durant laquelle les entreprises en croissance seraient exonérées de l’application des obligations auxquelles le droit commun les soumet en matière de représentation et de consultation du personnel.

L’objectif est bien de lever l’un des principaux blocages psychologiques au développement des entreprises et de l’emploi en France, et un facteur indéniable de la faiblesse de l’activité économique aujourd’hui. Je souligne qu’il s’agirait là d’une période transitoire, durant laquelle les entreprises sont évidemment libres de mettre en place des institutions représentatives du personnel si elles le souhaitent. Certaines le font avant même d’avoir atteint le seuil de cinquante salariés.

En conséquence, l’amendement supprime une disposition issue de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 qui prévoyait une période de souplesse d’un an en cas de franchissement du seuil de cinquante salariés pour mettre en place le comité d’entreprise, mais qui n’a jamais reçu de décret d’application.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous avons sur cette question une réelle divergence de fond. Avec votre amendement, une entreprise qui franchirait le seuil de cinquante salariés ne serait pas tenue de mettre en place de comité d’entreprise avant trois ans !

M. le ministre. Nous allons vérifier le dernier point que soulève M. Cherpion : je ne suis pas sûr qu’un décret soit absolument nécessaire.

La Commission rejette l’amendement.

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Chapitre V
Adaptation des règles du dialogue social interprofessionnel

Le chapitre V se compose de trois articles visant à adapter ou à approfondir plusieurs dispositions de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Article 17
(art. L. 2152-1 et L. 2152-2 du code du travail)

Représentativité patronale

Cet article propose plusieurs ajustements de la mesure de l’audience des organisations professionnelles d’employeurs, afin de mieux tenir compte des mécanismes d’adhésion dans les branches et des spécificités du secteur de la production agricole.

I. LA RÉFORME DE LA REPRÉSENTATIVITÉ PATRONALE PAR LA LOI DU 5 MARS 2014

A.  LES ENJEUX DE LA RÉFORME DE LA REPRÉSENTATIVITÉ PATRONALE

Jusqu’à la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et au dialogue social, la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs reposait sur un principe de reconnaissance mutuelle.

En cas de contestation, le ministère du travail pouvait lancer une enquête administrative pour établir ou refuser la représentativité d’une organisation. Cette dernière pouvait également faire l’objet de recours contentieux devant le juge administratif ou, de manière incidente, devant le juge judiciaire, dans le cadre de litiges visant à déterminer si un accord collectif est applicable ou non à une entreprise donnée. À défaut de définition de la représentativité patronale, l’administration ou le juge s’appuyaient sur les critères applicables aux syndicats de salariés, tels que le respect des valeurs républicaines, l’ancienneté, l’influence ou l’implantation territoriale.

L’évolution de la pratique des relations collectives en France, ainsi que la revalorisation des partenaires sociaux, issue notamment de la loi « Larcher » n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social et de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, ont incité les pouvoirs publics à faire évoluer, en 2014, les règles de la représentativité patronale.

L’élaboration des principes directeurs de la réforme s’est faite en deux temps :

– dans un premier temps, la « position commune » du 19 juin 2013, signée par la CGPME, le MEDEF et l’UPA, a fixé les principes directeurs de la réforme et donné une définition de la représentativité : celle-ci s’entend comme « la capacité d’une organisation patronale à s’exprimer au nom et à engager des entreprises qui ne sont pas adhérentes à ladite organisation mais qui présentent les mêmes caractéristiques que les adhérents » ;

– dans un second temps, le rapport du Directeur général du travail d’alors, M. Jean-Denis Combrexelle, a décliné les principes arrêtés par la position commune et défini les objectifs devant guider la réforme de la représentativité.

B.  LES NOUVELLES RÈGLES DE LA REPRÉSENTATIVITÉ PATRONALE FIXÉES PAR LA LOI DU 5 MARS 2014

Aux termes de l’article L. 2151-1 du code du travail, la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs se fonde désormais sur six critères cumulatifs, dont les cinq premiers sont communs avec les critères de représentativité des organisations syndicales de salariés définis par la loi du 20 août 2008 :

– le respect des valeurs républicaines ;

– l’indépendance ;

– la transparence financière ;

– une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation ;

– l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ;

– l’audience, mesurée notamment en fonction du nombre d’entreprises adhérentes.

Alors que les cinq premiers critères sont communs à l’ensemble des organisations d’employeurs, le critère de l’audience, lui, diffère selon le niveau de négociation considéré.

L’appréciation de l’audience au niveau de la branche professionnelle

Selon l’article L. 2152-1 du même code, pour être représentatives dans les branches professionnelles, les organisations d’employeurs doivent, outre satisfaire aux cinq premiers critères communs précédemment cités, disposer d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche.

En outre, leurs entreprises adhérentes à jour de cotisation doivent représenter au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations d’employeurs de la branche satisfaisant aux quatre premiers critères généraux de représentativité.

L’appréciation de l’audience au niveau national et interprofessionnel

L’audience des organisations professionnelles d’employeurs est mesurée différemment au niveau national et interprofessionnel. Aux termes de l’article L. 2152-2 du même code, sont ainsi reconnues représentatives à ces niveaux les organisations d’employeurs qui satisfont les cinq critères communs et :

– dont les organisations adhérentes sont représentatives sur le fondement de l’article L. 2152-1 dans au moins dix branches professionnelles relevant soit des activités agricoles, soit des professions libérales, soit de l’économie solidaire, et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

– auxquelles adhèrent au moins quinze organisations relevant de l’un des secteurs mentionnés ci-dessus, c’est-à-dire le secteur agricole, les professions libérales, ou l’économie sociale et solidaire ;

– qui justifient d’une implantation territoriale couvrant au moins un tiers du territoire national soit au niveau départemental, soit au niveau régional.

II. LES AJUSTEMENTS PROPOSÉS

La première mesure de l’audience patronale en application des nouveaux critères définis par la loi du 5 mars 2014 doit intervenir, tant au niveau de la branche qu’au niveau national et interprofessionnel, en 2017 (18). Or, dans le cadre des concertations menées par le Gouvernement en amont de l’élaboration des textes d’application de la loi du 5 mars 2014, plusieurs ajustements législatifs se sont avérés nécessaires afin de sécuriser cette première mesure de l’audience patronale.

Cet article propose donc de procéder à ces ajustements du critère de l’audience visant à mieux tenir compte des mécanismes d’adhésion dans les branches et au niveau national et interprofessionnel, d’une part, et des spécificités du secteur de la production agricole d’autre part.

1.  La prise en compte des adhésions indirectes aux organisations d’employeurs dans les branches professionnelles

Aux termes de la loi du 5 mars 2014 précitée, l’un des critères de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs dans les branches professionnelles est le nombre d’entreprises adhérentes à jour de leur cotisation : pour qu’une organisation professionnelle soit considérée comme représentative, ses entreprises adhérentes doivent représenter au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche considérée.

Mais selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, ce nouveau critère de mesure de l’audience de la représentativité patronale présente des carences, car il ne prend en compte que les adhésions directes des entreprises aux organisations patronales. Or les entreprises peuvent également adhérer de façon indirecte à une organisation professionnelle d’employeurs, soit par l’intermédiaire d’une de ses structures territoriales statutaires, soit par le biais d’une autre organisation professionnelle d’employeurs, elle-même adhérente à l’organisation candidate.

Afin de tenir compte de ces cas particuliers, le a) du 1° du présent article complète l’article L. 2152-1 du code du travail pour prendre en considération, dans le calcul de l’audience, les adhésions indirectes aux organisations d’employeurs.

2.  L’adaptation de la mesure de l’audience aux spécificités du secteur de la production agricole

Dans le secteur agricole, les organisations professionnelles d’employeurs se caractérisent par une structuration spécifique ainsi que par une dynamique locale très forte. S’appuyant sur une déclaration commune du 12 décembre 2013 conclue entre les partenaires sociaux agricoles, la loi du 5 mars 2014 a tenu compte de cette spécificité en prévoyant qu’en matière agricole, l’appréciation de l’audience patronale est mesurée au niveau national, et se fonde sur les seules adhésions des entreprises et exploitations employant de la main-d’œuvre à titre permanent.

Selon l’étude d’impact, les consultations préalables à l’élaboration des textes d’application de cette loi ont mis en évidence la nécessité d’apporter deux ajustements complémentaires aux règles particulières de la représentativité patronale dans le secteur agricole.

● En premier lieu, dans le secteur agricole, un certain nombre d’acteurs du syndicalisme patronal sont constitués sous la forme d’associations conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Il peut s’agir, par exemple, de structures communales ou cantonales regroupant historiquement des exploitations agricoles.

Le b) du 1° propose donc de compléter le 3° de l’article L. 2152-1 du code du travail afin de tenir compte du rôle de ces associations d’employeurs en matière agricole.

Ainsi, dans les branches couvrant exclusivement les activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, c’est-à-dire notamment les exploitations de culture et d’élevage (1°), les entreprises de travaux agricoles (2°) et de travaux forestiers (3°), et les établissements de conchyliculture et de pisciculture (4°), les associations d’employeurs constituées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 et dont l’objet statutaire est la défense d’intérêts professionnels pourront être reconnues représentatives au même titre que les entreprises adhérentes aux organisations professionnelles d’employeurs.

À l’instar de ces dernières, les associations d’employeurs devront respecter certaines règles : elles devront ainsi être à jour de leur cotisation et représenter au moins 8 % de l’ensemble des entreprises ou organisations adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche. Elles devront également avoir fait acte de candidature auprès du ministère en charge du travail.

● En second lieu, pour tenir compte des particularités de la représentativité patronale en matière agricole, la loi du 5 mars 2014 a établi au second alinéa du 3° de l’article L. 2152-1 du code du travail que le seuil d’audience s’appréciait au niveau national dans les secteurs agricoles, et non au niveau de la branche professionnelle.

Mais la rédaction actuelle du 2° de l’article L. 2152-2 du même code ne tient pas compte de cette exception, car elle dispose que les organisations adhérentes doivent être représentatives dans au moins dix branches professionnelles. Pour rectifier cette situation, le b) du propose de substituer au terme de « branches professionnelles » celui de « conventions collectives ».

La distinction entre branches professionnelles et conventions collectives

Le code du travail ne donne aucune définition de la branche professionnelle ; on peut considérer que la branche professionnelle a vocation à regrouper les entreprises d’un même secteur d’activité relevant d’un accord ou d’une convention collective.

La convention collective décline pour sa part les règles communes applicables à une profession, à une branche professionnelle voire même au niveau interprofessionnel. Il s’agit d’un acte écrit, dont l’application peut être nationale, régionale, départementale ou locale c’est-à-dire dans l’entreprise, dans un établissement ou une partie d’établissement, voire dans une catégorie de salariés dans l’entreprise. Il peut ainsi exister plusieurs conventions collectives au sein d’une même branche professionnelle.

Seraient ainsi représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations professionnelles d’employeurs satisfaisant aux critères définis aux 1°, 3° et 4° de l’article L. 2152-2 du même code, et dont les organisations adhérentes sont représentatives dans au moins dix conventions collectives − et non plus branches professionnelles − relevant du secteur agricole et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. En conséquence, ce seront également désormais les conventions collectives des professions libérales et du secteur de l’économie sociale et solidaire qui seront retenues pour l’appréciation du critère de représentativité fixé au 2° de l’article L. 2152-2 du même code.

Cette disposition permet de tenir compte de la spécificité de la structuration de la représentation patronale dans le secteur agricole, puisque celle-ci se compose de plus de deux cents conventions collectives conclues au niveau départemental ou interdépartemental.

3.  L’adaptation des critères de représentativité au niveau national et interprofessionnel

Comme il a été dit précédemment, pour être représentative au niveau national et interprofessionnel au sens du 2° de l’article L. 2152-2 du code du travail, une organisation professionnelle doit compter parmi ses adhérents des organisations qui sont représentatives dans au moins dix conventions collectives − selon la rédaction proposée au b) du 2° du présent article − relevant du secteur agricole, des professions libérales ou du secteur de l’économie sociale et solidaire, et qui ne relèvent pas du champ couvert par les organisations professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Cette rédaction ne permet toutefois pas de tenir compte des organisations directement représentatives selon les critères mentionnés ci-dessus, sans avoir besoin de recourir à leurs adhérents.

Le a) du 2° propose donc de modifier la rédaction du 2° de l’article L. 2152-2 pour donner la possibilité à des organisations professionnelles d’employeurs d’être reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel lorsqu’elles sont elles-mêmes représentatives dans au moins dix conventions collectives relevant des trois secteurs mentionnés ci-dessus, si elles satisfont aux autres critères mentionnés aux 1°, 3° et 4° du même article.

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Au cours de l’examen du texte, la Commission a adopté cet article moyennant deux amendements du rapporteur.

L’amendement AS 501 donne la possibilité au ministre en charge du travail de s’assurer que le montant des cotisations versées par les entreprises ou, le cas échéant, par les fédérations adhérentes, ne présente pas un caractère dérisoire qui ferait douter de la réalité de l’adhésion.

L’amendement AS 503 vise pour sa part à renforcer les moyens du ministre en charge du travail pour procéder à la restructuration des branches professionnelles. Il permet ainsi de prendre en compte la taille des branches dans le cadre de la restructuration ; il rend alternatifs – et non plus cumulatifs – les critères prévus par la loi pour recourir à la fusion ou à l’élargissement des branches. Enfin, il réduit à six mois au lieu d’un an le délai minimum dont le ministre en charge du travail dispose pour fusionner des branches, après en avoir averti les partenaires sociaux.

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La Commission se saisit de l’amendement AS501 de M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un ajustement de la réforme de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs entreprise par la loi du 5 mars 2014.

L’amendement vise à sécuriser la première mesure de l’audience des organisations patronales, prévue pour 2017, en donnant au ministre chargé du travail la possibilité de vérifier que les montants des cotisations versées par les entreprises ne présentent pas un caractère dérisoire, qui mettrait en doute la réalité de l’adhésion.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS503 de M. le rapporteur.

M. le rapporteur. La loi du 5 mars 2014 a donné au Gouvernement les moyens de réduire le nombre de branches professionnelles, dont le nombre était très élevé – 700, tout de même… Mais, un an après la réforme, un certain nombre d’obstacles à la restructuration des branches subsistent. Cet amendement propose de lever ces freins en permettant au ministre chargé du travail de tenir compte de la taille des branches dans le cadre de la restructuration, de rendre alternatifs – et non plus cumulatifs – les critères prévus par la loi pour recourir à la fusion ou à l’élargissement des branches, et enfin de réduire à six mois au lieu d’un an le délai minimum d’un an dont le ministre chargé du travail dispose pour fusionner des branches après en avoir averti les partenaires sociaux.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

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Article 18
(art. L. 2135-11 du code du travail)

Fonds paritaire de financement

Cet article prévoit de préciser que les activités de recherche dans les domaines économiques et sociaux menées par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs sont éligibles au financement du fonds paritaire de financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs.

I. LA CRÉATION D’UN FONDS PARITAIRE DE FINANCEMENT DES ORGANISATIONS PATRONALES ET SYNDICALES PAR LA LOI DU 5 MARS 2014

Suite à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, qui a posé le principe de la transparence des comptes des organisations patronales et syndicales, la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a réformé en profondeur les modalités de financement de ces organisations. Elle a notamment prévu la mise en place d’un fonds paritaire de financement.

Aux termes de l’article L. 2135-9 du code du travail, le fonds assure une « mission de service public » en apportant une contribution au financement des organisations, « au titre de leur participation à la conception, à la mise en œuvre et au suivi d’activités qui concourent au fonctionnement et au développement du dialogue social ».

Le financement du fonds est assuré par quatre ressources affectées, dont deux ressources obligatoires et deux ressources « éventuelles », présentées à l’article L. 2135-10 du code du travail. En 2015, le fonds dispose d’une enveloppe d’environ 85 millions d’euros, financée par une contribution des entreprises représentant 0,016 % de leur masse salariale et par une subvention de l’État.

Selon l’article L. 2135-11 du code du travail, le fonds a vocation à financer au minimum trois types d’activité, « qui constituent des missions d’intérêt général » pour les organisations concernées :

– le financement de « la conception, la gestion, l’animation et l’évaluation des politiques menées dans le cadre des organismes gérés majoritairement par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs » (1° de l’article L. 2135-11). Cela correspond aux missions confiées aux partenaires sociaux au titre de la gestion du paritarisme telles que la gestion des instances dans le domaine de la sécurité sociale, de l’insertion professionnelle, de la formation professionnelle, de l’emploi ou du logement ;

– le financement de la participation des organisations « à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques relevant de la compétence de l’État, notamment par la négociation, la consultation et la concertation » (2° du même article) ;

– le financement de la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, ou des adhérents à une organisation syndicale de salariés amenés à intervenir en faveur des salariés (3° du même article).

Le 4° de l’article de l’article L. 2135-11 du même code dispose par ailleurs que le fonds paritaire peut financer « toute autre mission d’intérêt général à l’appui de laquelle sont prévues d’autres ressources ».

Les modalités de fonctionnement et d’organisation, la composition du fonds ainsi que les règles de répartition de ses crédits ont été précisées par le décret n° 2015-87 du 28 janvier 2015 relatif au financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’article 18 vise à préciser l’étendue des missions financées par le fonds au titre du 2° de l’article L. 2135-11 du code du travail, c’est-à-dire au titre de la participation des organisations syndicales et des organisations professionnelles d’employeurs à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques relevant de l’État.

Le fonds peut financier plusieurs types d’activités dans ce cadre, telles que la participation des partenaires sociaux à la négociation collective préalable à l’initiative législative, prévue à l’article L. 1 du code du travail, ou encore leur participation à des mécanismes de concertation formelle ou informelle.

Les activités de recherche économique et sociale conduites sous l’impulsion des organisations syndicales de salariés ou des organisations professionnelles d’employeurs ne sont pas expressément visées par le 2° de l’article L. 2135-11 du même code. Pourtant, selon l’étude d’impact, « ces activités contribuent de manière importante à la capacité des partenaires sociaux à contribuer à l’élaboration des politiques publiques en étant force de proposition ».

Dans un souci de transparence et afin de lever toute ambiguïté sur la portée du financement du fonds, le présent article propose de modifier le de l’article L. 2135-11 du code du travail pour préciser que, outre la négociation, la consultation et la concertation, la participation des partenaires sociaux à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques relevant de la compétence de l’État peut également s’exercer par « l’animation et la gestion d’organismes de recherche ».

À l’instar des autres missions financées par le fonds, le financement des activités de recherche fera l’objet d’un contrôle de la part du commissaire du Gouvernement auprès de l’association paritaire responsable de la gestion du fonds. Ce dernier, désigné par le ministre chargé du travail, dispose d’un droit de saisine du président de l’association paritaire en cas de non-conformité d’une décision du fonds avec les dispositions légales et réglementaires en vigueur ; il dispose en outre d’un droit d’opposition lorsque la décision en cause porte sur l’utilisation de la subvention de l’État.

Selon les informations transmises au rapporteur, le montant alloué en 2015 à l’enveloppe chargée de financer la contribution des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés devrait s’élever à environ 3 millions d’euros, ce qui représente 3,5 % des ressources du fond. Les crédits alloués au financement des activités de recherche représenteront une partie de ce montant.

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Sur proposition du Gouvernement, la Commission a adopté l’amendement AS 502 permettant le maintien par l’employeur de la rémunération des salariés bénéficiant de congés de formation économique, sociale et syndicale (CFESS), sous réserve d’une convention entre l’employeur et l’organisation syndicale.

Le II de l’article 18 (nouveau) rétablit à cette fin l’article L. 3142-8 du code du travail, abrogé par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, mais transforme l’obligation du maintien du salaire en simple option à la disposition de l’employeur ou des organisations syndicales.

Le cas échéant, la convention conclue entre un ou plusieurs employeurs et une organisation syndicale de salariés doit prévoir : le maintien de la rémunération, des cotisations et contributions sociales afférentes, la répartition du coût du maintien entre l’employeur et l’organisation syndicale, ainsi que les modalités de remboursement de l’employeur par l’organisation syndicale.

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La Commission examine l’amendement AS502 du Gouvernement.

M. le ministre. Cet amendement vise à encadrer et à mieux garantir le droit à la formation économique, sociale et syndicale des salariés en permettant, sur la base d’une convention entre l’employeur et l’organisation syndicale, le maintien de la rémunération des salariés qui bénéficient de ces congés.

Le coût de ce maintien pourra être pris en charge par l’employeur ou l’organisation syndicale, ou bien encore réparti entre eux. Depuis la loi du 5 mars 2014 sur la démocratie sociale, les organisations syndicales les plus représentatives bénéficient en effet de crédits du fonds de financement du dialogue social dédiés au financement de la formation. Ce fonds a été mis en place au 1er janvier 2015.

Ces conventions pourront également prévoir le maintien des cotisations sociales afférentes au salaire. Elles définiront les modalités de la prise en charge et du remboursement. Elles pourront prévoir, dans les limites fixées par un décret en Conseil d’État, que l’employeur peut procéder à une retenue sur salaire si l’organisation syndicale ne se conforme pas à son engagement de remboursement.

Ces dispositions ont été discutées avec les organisations syndicales.

M. Gérard Cherpion. Le dernier alinéa de votre amendement indique que l’employeur pourra, en cas de non-remboursement, procéder à une retenue sur salaire dans les limites fixées par un décret en Conseil d’État. Est-ce à dire que l’on pourrait, dans ce décret, ne prendre en compte que 70 % ou 80 % de la somme due ?

M. le ministre. Ce décret permettra de créer une base juridique à la subrogation qui n’existe pas aujourd’hui.

M. Gérard Cherpion. Pour vous, on subroge à 100 %.

M. le ministre. Oui. Je précise que le remboursement peut être étalé dans le temps. Je vous accorde que tout cela est très compliqué…

M. le rapporteur. La possibilité de subroger est une demande qui a été clairement formulée par les organisations syndicales lors des auditions que j’ai réalisées. De plus, je souligne qu’il s’agit d’ouvrir une possibilité : en aucun cas il n’y a d’obligation. Avis favorable.

M. Denys Robiliard. Réinstaurer la subrogation est une bonne chose ; peut-être pourrons-nous trouver, d’ici à la discussion en séance publique, une formule un peu plus radicale : le dispositif qui suppose l’établissement d’une convention entre le ou les employeurs et l’organisation syndicale est lourd. Affirmer un principe et en définir ensuite les modalités serait plus facile.

De plus, il me paraît singulier, et pour tout dire très choquant, de prévoir qu’en cas de non-respect par le syndicat de la convention passée, ce sera le salarié qui subira une retenue sur salaire ! Ce n’est pas acceptable. Votons cet amendement pour faire avancer les choses, mais nous aurons intérêt à l’affiner d’ici à la séance.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

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Article 19
(art. L. 4624-1 et L. 4162-3 du code du travail, art. 16 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites)

Santé au travail

Cet article procède à l’aménagement et à la simplification de deux dispositions relatives à la santé au travail, l’une concernant les recours contre l’avis d’aptitude ou d’inaptitude du médecin du travail, et l’autre relative à la transmission par l’employeur de la fiche d’exposition de la pénibilité aux caisses de retraite.

I. LA CRÉATION D’UNE OBLIGATION D’INFORMATION EN CAS DE RECOURS À L’ENCONTRE D’UNE DÉCISION DU MÉDECIN DU TRAVAIL EN MATIÈRE D’APTITUDE

Le I de l’article 19 propose d’instaurer une obligation d’information mutuelle en cas de recours, par le salarié ou l’employeur, contre l’avis d’aptitude ou d’inaptitude délivré par le médecin du travail.

1.  L’avis d’aptitude ou d’inaptitude délivré par le médecin du travail

Le médecin du travail donne un avis sur l’aptitude médicale du salarié à l’issue de l’une des visites médicales prévues par la partie réglementaire du code du travail, c’est-à-dire l’examen médical d’embauche, l’examen médical périodique, l’examen médical de reprise et, le cas échéant, les examens complémentaires.

Le médecin peut formuler deux types d’avis : soit un avis d’aptitude, sans conditions ou avec réserves, soit un avis d’inaptitude qui peut être temporaire, partielle ou totale, par exemple lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé, sa sécurité ou celle de ses tiers. Il peut également formuler, dans le cadre de cet avis, des mesures individuelles telles qu’une mutation ou une transformation de poste.

Dans tous les cas, l’avis du médecin du travail s’impose au salarié et à son employeur. Mais en cas de désaccord ou de difficulté sur l’avis formulé par le médecin du travail, le troisième alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail prévoit que l’employeur ou le salarié peut former un recours administratif auprès de l’inspecteur du travail pour contester la décision du médecin.

Ce recours, qui doit être adressé à l’inspecteur du travail dans un délai de deux mois à compter de l’avis, peut porter indifféremment sur un avis d’aptitude ou d’inaptitude et, pour cette dernière, quelle que soit l’origine de l’inaptitude, professionnelle ou non. L’inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur régional du travail mentionné à l’article L. 8123-1 du même code.

2.  La création d’une obligation d’information mutuelle en cas de recours

En l’état actuel du droit, le salarié ou l’employeur qui forme un recours contre un avis d’inaptitude auprès de l’inspecteur du travail n’est pas tenu d’en informer l’autre partie. La jurisprudence de la Cour de cassation en a ainsi déduit que l’absence d’information à l’employeur du recours formulé par son salarié ne constituait pas un manquement à son obligation de loyauté (19).

Or l’absence d’information mutuelle peut constituer un facteur d’insécurité, tant pour l’employeur que pour le salarié, d’autant que le recours n’est pas suspensif et n’interrompt pas la procédure d’inaptitude (20). Par exemple, lorsque la décision de l’inspecteur du travail va à l’encontre de l’avis du médecin du travail, elle peut remettre en cause les éventuelles procédures de licenciement pour inaptitude ou de reclassement du salarié engagées par l’employeur en vertu des articles L. 1226-10, L. 1226-2 et L. 1226-12 du code du travail.

Le Conseil d’État a par ailleurs considéré dans une décision récente de janvier 2015 (21) qu’en vertu de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, l’employeur doit être en mesure de pouvoir présenter ses observations à l’inspecteur du travail en cas de contestation de la décision d’inaptitude par un salarié. Cette décision implique que l’employeur ait été informé préalablement du recours de son salarié, alors même qu’aucune disposition réglementaire ou législative ne l’impose.

Pour remédier à cette insécurité juridique, le I vise à instaurer une obligation d’information mutuelle en cas de recours contre l’avis d’aptitude du médecin du travail auprès de l’inspecteur du travail. Il est proposé de modifier la rédaction du dernier alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail pour préciser que l’employeur ou le salarié à l’origine du recours hiérarchique « en informe l’autre partie ».

Selon l’étude d’impact, ce dispositif devrait permettre de « réduire le volume des recours judiciaires » qui font suite aux contestations des avis d’inaptitude, et à « sécuriser les suites qui peuvent être données à ces avis », en particulier lorsque la décision d’inaptitude entraîne le reclassement ou le licenciement du salarié.

II. LA SUPPRESSION DE L’OBLIGATION DE TRANSMISSION DE LA FICHE D’EXPOSITION AUX CAISSES DE RETRAITE

Le II procède à la simplification d’une obligation déclarative incombant à l’employeur dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité a été créé par la loi n° 2014-20 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Partiellement mis en œuvre au 1er janvier 2015, ce dispositif vise à prévenir la pénibilité au travail dans l’entreprise. Il permet par ailleurs à un salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité d’accumuler des points sur un compte personnel, afin de suivre une formation de reconversion professionnelle, de bénéficier d’un temps partiel sans perte de salaire ou de partir plus tôt à la retraite grâce à la validation des trimestres de majoration de durée d’assurance vieillesse.

Dans le cadre de la mise en place de ce compte, la loi du 20 janvier 2014 a notamment modifié le contenu et les modalités de transmission de la fiche de prévention des expositions créée par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

1.  La fiche de prévention des expositions

Selon l’article L. 4161-1 du code du travail, lorsqu’un travailleur est exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et « liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé », l’employeur est tenu de consigner dans une fiche les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé. Cette fiche, dont l’objet est d’assurer la traçabilité des informations individuelles relatives à la pénibilité et des droits acquis à ce titre, doit obligatoirement contenir :

– les facteurs de risques professionnels auxquels le salarié est exposé ;

– la période pendant laquelle l’exposition est survenue ;

– les mesures de prévention prises par l’employeur pour faire cesser ou réduire l’exposition durant cette période.

Depuis le 1er janvier 2015, en application de la loi du 20 janvier 2014 précitée, seuls les facteurs de risques professionnels supérieurs à des seuils d’exposition déterminés par décret doivent être renseignés sur la fiche ; auparavant, la mention de ces facteurs de risques était laissée à la seule appréciation de l’employeur.

La fiche de prévention des expositions est communiquée au service de santé au travail qui la transmet au médecin du travail. L’employeur doit par ailleurs tenir cette fiche à la disposition du salarié à tout moment et lui transmettre chaque année une copie, cette transmission devant intervenir au plus tard le 31 janvier de l’année suivante ou au plus tard un mois après la fin de son contrat de travail si celui-ci s’achève en cours d’année.

Simultanément, le dernier alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail prévoit que l’employeur doit également faire parvenir une copie de la fiche à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) compétente ou, le cas échéant, à la caisse d’assurance retraite pour l’Île-de-France ou aux caisses de mutualité sociale agricole. Contrairement à l’obligation de transmission de la fiche au travailleur, qui est applicable depuis le 1er janvier 2015, l’obligation de transmission de la fiche à la caisse de retraite doit entrer en vigueur ultérieurement, à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 1er janvier 2020, afin de déterminer dans cet intervalle les modalités de mise en œuvre de la transmission.

2.  La suppression de l’obligation de transmission de la fiche à la caisse de retraite

L’étude d’impact annexée au projet de loi indique qu’à l’issue d’un chantier engagé à cette fin avec les éditeurs de logiciels, c’est un système de gestion simplifié, opéré par un seul système d’information, le système de paie, qui a été retenu. Selon la même source, ce système permettrait à l’employeur de transmettre par le biais d’une seule saisie les informations relative à la pénibilité contenues dans la fiche d’exposition transmise au salarié, d’une part, et celles contenues dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS) d’autre part.

Déclaration annuelle des données sociales (DADS)
et déclaration sociale nominative (DSN)

La DADS une formalité administrative obligatoire que doit accomplir toute entreprise employant des salariés. Les employeurs y sont tenus de communiquer la masse des salaires versés au cours de l’année, les effectifs de l’entreprise et une liste nominative de leurs salariés en indiquant pour chacun leur statut et leurs rémunérations.

La DSN repose pour sa part sur une transmission mensuelle des données individuelles des salariés. Elle a vocation à remplacer l’ensemble des déclarations sociales, dont la DADS, dès 2016. À ce titre, la pénibilité sera intégrée dès 2016 au dispositif de la DSN.

Le II propose de tirer la conséquence de cette simplification en supprimant le troisième alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail afin de faire disparaître l’obligation de transmission de la fiche aux caisses de retraites compétentes. L’employeur sera donc seulement tenu de communiquer une fois par an aux salariés concernés ainsi qu’au service de santé au travail la fiche de prévention des expositions.

En conséquence, le III prévoit de supprimer, au II de l’article 16 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, les dispositions relatives aux modalités d’entrée en vigueur différée du troisième alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail.

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La Commission des affaires sociales a adopté cet article moyennant un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur.

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La Commission examine l’amendement AS435 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. L’article 19 impose – et cette obligation n’existe pas pour l’heure – que lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur et le salarié s’informent mutuellement s’ils décident de former un recours devant l’inspection du travail.

Le rapport comme l’étude d’impact avancent qu’une telle obligation serait bonne tant pour l’employeur que pour son salarié. Or, si je comprends bien l’intérêt de cette information pour l’employeur, qui peut se trouver confronter à des difficultés réelles s’il n’a pas de poste à proposer au salarié qui conteste son inaptitude, je ne vois pas du tout ce qu’elle apporte pour le salarié. L’étude d’impact ne fournit aucun chiffre pour appuyer ces assertions. J’aimerais plus d’explications. Cette disposition m’apparaît très déséquilibrée : c’est pourquoi je demande sa suppression.

M. le rapporteur. D’après vous, la situation actuelle n’est pas source d’insécurité. Je ne partage pas votre analyse. En effet, en l’absence d’information sur le recours qui a été formé, l’employeur est amené à reclasser le salarié ou à engager une procédure de licenciement. Or, si l’avis de l’inspecteur du travail remet en cause celui du médecin du travail, ces procédures sont annulées et l’employeur doit réintégrer le salarié à son poste d’origine ; il est donc préférable qu’il soit informé du recours. De plus, le Conseil d’État a jugé en janvier 2015 que l’employeur devait être en mesure de présenter ses observations à l’inspecteur du travail en cas de contestation de la décision d’inaptitude par un salarié. Cette décision implique que l’employeur ait été informé préalablement du recours de son salarié – alors même qu’aucune disposition réglementaire ou législative ne l’impose en l’état actuel du droit.

L’alinéa 1 vise donc à pallier cette double insécurité juridique en instaurant une obligation d’information mutuelle. Je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Gérard Sebaoun. J’entends bien l’argument juridique, monsieur le rapporteur, mais l’étude d’impact laisse entendre que cela réduirait le volume des recours judiciaires. Sont-ils à ce point fréquents ? Que l’on me donne au moins un ordre de grandeur de ces recours ! Cette même étude d’impact affirme que « cette situation est insécurisante, tant pour l’employeur que le salarié ». Je comprends bien où est l’insécurité pour l’employeur ; je ne la vois pas pour le salarié. Il y a là un déséquilibre. Les explications que vous me donnez ne me semblent pas suffisantes.

M. Michel Issindou. Sans dévoiler le contenu du rapport de la mission à laquelle j’ai eu l’honneur de participer sur « l’aptitude et la médecine du travail », et que je remettrai demain à M. le ministre, je peux vous dire que ce sujet y sera abordé.

Je ne suis pas d’accord avec M. Sebaoun. Dans le cadre d’un dialogue social entre partenaires, il ne me semble pas scandaleux que celui qui s’apprête à faire un recours en informe la partie adverse. Aujourd’hui, les recours sont formés pour moitié par les employeurs, pour moitié par les salariés. Si l’employeur est immédiatement informé, il peut se mettre en quête d’une solution. Il faut à tout prix éviter la désinsertion professionnelle : l’inaptitude mène souvent, hélas, au chômage. La confiance mutuelle ne peut qu’améliorer les choses.

Par ailleurs, notre rapport montrera que le rôle de l’inspection du travail n’est dans ce genre d’affaires pas évident. L’inspection peut porter un regard sur la méthode, sur l’organisation, sur les procédures, mais elle n’a aucune compétence médicale. Le secret médical interdit aux inspecteurs de prendre connaissance du fond du dossier. Ils ne peuvent donc la plupart du temps que suivre les avis du médecin du travail, et leur valeur ajoutée n’est pas évidente – ce sont des inspecteurs du travail qui nous l’ont dit, ils n’ont pas l’impression d’apporter grand-chose dans ce type de dossiers.

L’inspection du travail est énormément sollicitée. On dénombre environ 1 500 recours par an : c’est peu au regard du nombre de salariés, mais ils contribuent à ankyloser les missions des inspecteurs du travail qui ont bien d’autres choses à faire par ailleurs.

L’information, dans ce moment lourd de conséquences, de la partie adverse me paraît essentielle, et je ne vois pas qui aurait intérêt à cacher un recours, d’autant que l’inaptitude n’est pas quelque chose qui apparaîtrait soudainement, du jour au lendemain. Ces cas sont forcément connus. Il ne me semble pas nécessaire de garder le secret sur ces affaires ; je préfère jouer la transparence.

M. Gérard Sebaoun. Il n’est pas question ici de dialogue social, mais de relation entre un salarié qui conteste un avis d’inaptitude et son employeur.

De plus, même lorsqu’un recours est formé, l’employeur a déjà l’obligation de rechercher toutes les solutions possibles et de se tenir au plus près des préconisations du médecin du travail.

Enfin, l’inspection du travail ne se substitue pas au médecin, mais elle peut faire appel aux médecins inspecteurs du travail. Elle a donc bien un avis autorisé.

Les arguments de Michel Issindou ne me convainquent pas. Encore une fois, l’information peut être utile, mais il y a là un déséquilibre. Je ne vois pas en quoi les salariés sont avantagés par cette information.

M. Denys Robiliard. La sécurité juridique doit valoir pour tous, et même si seuls les employeurs en bénéficiaient, ce serait déjà une raison suffisante pour accepter cette disposition ! Non seulement l’employeur qui n’est pas informé qu’un recours est déposé ne peut pas agir comme s’il était au courant, mais il est contraint par des délais très serrés. Il est normal que les employeurs soient informés. Il n’y a pas besoin de chercher ici un équilibre.

Cela étant, cette disposition ne règle rien ; les délais dans lesquels l’employeur doit agir s’imposent, car le recours n’est pas suspensif : si dans les trente jours le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé ou bien licencié, il est tenu de payer son salaire. Je lirai avec grand intérêt le rapport Issindou, et j’espère que nous en tirerons des conclusions fortes, car ce qui est proposé pour l’heure n’est pas suffisant.

L’amendement est retiré.

La Commission examine alors l’amendement AS436 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement vise à maintenir la transmission à la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) des travailleurs salariés d’une copie de la fiche d’exposition à un ou plusieurs facteurs de risque professionnels au-delà des seuils définis par décret. La transmission doit permettre à la caisse d’enregistrer et de contrôler les données nécessaires à la détermination des droits individuels ouverts au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Le projet de loi entend supprimer cette transmission afin d’alléger les obligations déclaratives des entreprises, en s’appuyant notamment sur la transmission dématérialisée. Or la déclaration sociale nominative (DSN) n’est pas encore totalement opérationnelle. Elle ne sera généralisée qu’au 1er janvier 2016. Il paraît donc périlleux de la prendre pour argument afin de supprimer la transmission de la fiche d’exposition.

J’ai d’ailleurs remarqué qu’entre la première lecture du projet de loi sur la pénibilité et le texte définitif, l’obligation de transmission de la fiche de prévention des risques a été repoussée, dans certains cas, à 2020.

M. le rapporteur. La déclaration annuelle des données sociales est objectivement dématérialisée, si la DSN ne l’est pas : c’est à elle qu’il faut se référer. La CNAV ou la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) continuera d’avoir connaissance de la fiche, qui in fine sera envoyée au salarié : cette mesure permet simplement d’unifier les déclarations de l’employeur en supprimant une démarche administrative qui lui incombait. Cette simplification peut à mon sens être faite sans nuire aux éléments essentiels du dispositif. Avis défavorable.

M. Gérard Sebaoun. Ici comme ailleurs, le calendrier me semble poser problème. Il faudra y revenir !

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte alors l’amendement rédactionnel AS473 de M. le rapporteur.

En conséquence, les amendements AS437, AS438 et AS477 de M. Gérard Sebaoun, tombent.

La Commission se saisit alors de deux amendements identiques, AS251 de M. Francis Vercamer et AS279 de Mme Isabelle Le Callennec.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS251 vise à simplifier le processus administratif en supprimant l’obligation de consigner dans une fiche individuelle l’exposition de chaque salarié à des facteurs de pénibilité, et à conditionner l’entrée dans le nouveau système de prise en compte de la pénibilité à au moins deux facteurs de risques professionnels.

Mme Isabelle Le Callennec. Le compte pénibilité continue à faire beaucoup parler de lui dans les entreprises : il est très lourd, très complexe à mettre en œuvre, notamment pour les TPE et PME. Mon amendement AS279 vise à proposer des solutions pragmatiques, d’une part en simplifiant la procédure administrative, grâce à la suppression de l’obligation de consigner dans une fiche individuelle l’exposition de chaque salarié à des facteurs de pénibilité, et d’autre part en conditionnant l’entrée dans le nouveau système de prise en compte de la pénibilité à une exposition du salarié concerné à au moins deux des facteurs de risques professionnels mentionnés par le code du travail.

M. le rapporteur. Je ne peux évidemment qu’être défavorable à ces amendements, qui videraient complètement de sa substance le dispositif sur la pénibilité. Vous proposez la disparition pure et simple de la fiche individuelle, sans aucune solution de rechange !

J’ai, vous le savez, été chargé d’une mission sur la pénibilité : ses conclusions seront rendues mardi prochain à M. le Premier ministre. Nous proposerons à ce moment-là des solutions un peu plus complètes que celles que vous avancez.

M. Arnaud Richard. Convaincu par les arguments du rapporteur, je retire mon amendement.

Je signale que l’exposition à un facteur de pénibilité fait gagner quatre points au salarié, mais l’exposition à plusieurs facteurs huit points… Il me semble qu’il y a là une disproportion sur laquelle nous serons amenés à revenir.

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne retire pas mon amendement, mais je lirai avec grand intérêt ce rapport et j’observerai de près les suites que l’on tirera de ses conclusions.

M. Gérard Sebaoun. Je lirai bien sûr le rapport de Christophe Sirugue avec le plus grand intérêt, mais je souligne que quatre seulement des dix décrets nécessaires ont été publiés… Cela représente un vrai problème. Espérons que les autres sortiront rapidement.

M. le rapporteur. Je peux d’ores et déjà vous assurer que le recul de l’entrée en vigueur du dispositif ne fait pas partie de nos propositions.

L’amendement AS251 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS279.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

*

Après l’article 19

La Commission se saisit de l’amendement AS3 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement tend à supprimer la fiche individuelle qui retrace l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité. La remplir est une tâche bureaucratique lourde que beaucoup d’entreprises ne sont pas capables de remplir. Il ne s’agit pas, je le souligne, de remettre en cause le principe même de la prévention de la pénibilité et de la compensation de l’exposition à cette dernière, d’ailleurs issu de la loi Woerth de 2010.

Cet amendement simplifie également les facteurs de pénibilité pris en compte en inscrivant dans la loi le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail en milieu hyperbare, qui sont trois facteurs dont l’exposition est facile à mesurer. Tant que le Gouvernement ne sera pas parvenu à recueillir l’approbation des partenaires sociaux sur des modalités de mesure plus simples de l’exposition aux autres facteurs, et que le législateur n’aura pas été en mesure de les apprécier, ils ne pourront pas entrer en vigueur.

Suivant l’avis défavorable de M. le rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

*

TITRE II
CONFORTER LE RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE DE L’INTERMITTENCE

Le titre II, composé d’un unique article, vise à affermir le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle en prévoyant d’inscrire dans le code du travail le principe de l’existence de règles spécifiques d’indemnisation du chômage des salariés intermittents du spectacle.

Article 20
(art. L. 5424-22 et L. 5424-23 du code du travail)

Pérennisation et modalités de négociation des annexes VIII et X

Afin de pérenniser le régime spécifique d’assurance chômage des intermittents du spectacle, cet article propose d’inscrire son principe dans la loi, tout en renvoyant aux partenaires sociaux le soin d’en définir les règles spécifiques, selon une méthode de négociation inédite.

I. LA SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE DE L’INTERMITTENCE

Le système de l’intermittence repose en France sur trois déterminants : une présomption de salariat en faveur des artistes, la reconnaissance de la flexibilité de l’emploi dans le secteur du spectacle vivant et enregistré comme la condition d’un mode de production par projets, et enfin l’existence, en contrepartie, d’un régime d’assurance chômage adapté aux particularités des métiers du spectacle.

A.  LA DISCONTINUITÉ DE L’EMPLOI DANS LES MÉTIERS DU SPECTACLE

Les métiers artistiques désignent une grande diversité de professions régies par des règles juridiques parfois dérogatoires au droit commun. Parmi elles figurent notamment les professions du spectacle, qui regroupent à la fois les artistes du spectacle, mentionnés à l’article L. 7121-2 du code du travail, et les ouvriers et techniciens du spectacle.

Les artistes et techniciens du spectacle exercent principalement dans les secteurs du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, dont les activités relèvent souvent de l’économie de projet. En contrepartie de l’extrême flexibilité et de la discontinuité des emplois auxquels ils peuvent prétendre, les artistes et techniciens du spectacle peuvent avoir accès à un régime spécial d’emploi et de protection sociale : le régime de l’intermittence du spectacle.

En vertu de ce régime, les artistes, ouvriers et techniciens intermittents du spectacle peuvent conclure, sous certaines conditions, des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU).

Ces contrats de travail dérogatoires aux contrats à durée déterminée (CDD) de droit commun sont réservés à certaines professions limitativement énumérées par le code du travail et doivent respecter les critères fixés, pour les professions de l’intermittence, par le 3° de l’article L. 1242-2 du même code : ainsi, seuls la « nature de l’activité exercée » et le caractère « par nature temporaire » de l’exercice de certaines professions du spectacle peuvent justifier le recours au CDDU.

Le 4° de l’article L. 1242-7 du même code permet de conclure ce contrat pour une durée minimale, sans lui fixer de terme précis autre que la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu.

Il est également possible de conclure plusieurs CDDU successifs avec le même salarié, selon l’article L. 1244-1 du même code ; dans ce dernier cas, le délai de carence, c’est-à-dire le délai minimum avant l’expiration duquel, après la fin d’un premier CDD, un nouveau CDD ne peut être conclu, n’est pas applicable.

Ce contrat de travail est le mode d’emploi classique dans le secteur de l’intermittence : en 2013, plus de quatre millions de CDD d’usage ont été exécutés, soit une moyenne de 16,3 contrats par salarié intermittent.

B.  DES RÈGLES SPÉCIFIQUES D’INDEMNISATION DU CHÔMAGE

Pour tenir compte de la nature discontinue et irrégulière de l’activité des intermittents du spectacle, un régime d’assurance chômage spécifique aux professions de l’intermittence du spectacle a progressivement été institué.

Le principe de l’existence de règles dérogatoires au régime d’assurance chômage de droit commun est fixé au 3° de l’article L. 5421-2 du code du travail, qui dispose que le revenu de remplacement des travailleurs involontairement privés d’emploi peut être régi par des régimes particuliers. L’application d’un tel régime dérogatoire s’agissant des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle est précisée à l’article L. 5424-20 du même code.

La convention relative à l’indemnisation du chômage, négociée par les partenaires sociaux représentatifs des employeurs et des salariés au niveau national et interprofessionnel, comprend en effet en annexe un règlement général, qui précise les conditions devant être remplies en termes de durée d’affiliation et de contributions des employeurs et des salariés, ainsi que les modalités d’indemnisation des chômeurs. Ce règlement général comporte, lui aussi, des annexes, dont deux sont spécifiques aux intermittents du spectacle :

– l’annexe VIII est consacrée au régime d’assurance chômage des ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle ;

– l’annexe X concerne les artistes du spectacle, tels que définis à l’article L. 7121-2 du code du travail.

À ce jour, ces annexes sont négociées directement par les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Le dernier accord fixant de nouvelles règles pour l’assurance chômage des intermittents du spectacle a été signé par trois organisations représentatives des salariés (CFDT, FO, CFTC) et par les organisations représentatives des employeurs (Medef, CGPME, UPA) le 22 mars 2014.

En 2013, 59 400 techniciens du spectacle et 50 500 artistes, soit près de 110 000 intermittents du spectacle, ont été indemnisés au moins un jour au titre des annexes VIII et X au cours de l’année.

C.  LES PISTES DE RÉFORME DU RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE DES INTERMITTENTS

Si la loi prévoit effectivement que l’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle peut être en partie financée par une contribution spécifique, régie par des règles particulières, elle ne fait en revanche aucune référence aux annexes VIII et X au règlement de la convention d’assurance chômage.

Selon le Gouvernement, cette absence d’institutionnalisation du système d’assurance chômage des intermittents du spectacle est source d’insécurité pour ces derniers, qui redoutent la suppression des annexes VIII et X. Leur inquiétude se manifeste à chaque nouvelle renégociation des annexes par de vives tensions, qui nuisent au déroulement serein des négociations.

Face aux inquiétudes récurrentes provoquées par la situation juridique de l’assurance chômage des intermittents du spectacle, et dans le contexte de l’émergence de nouvelles tensions au printemps 2014 liées à l’accord du 22 mars de la même année, le Premier ministre a demandé le 24 juin 2014 à trois personnalités qualifiées, Mme Hortense Archambault, responsable de structure culturelle et ancienne co-directrice du Festival d’Avignon, M. Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’État et ancien directeur général du travail et M. Jean-Patrick Gille (22), député et rapporteur pour avis du présent projet de loi au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, d’élaborer des pistes de réforme de l’architecture du système de l’intermittence.

Le rapport de la mission de concertation, intitulé « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », a été remis le 7 janvier 2015 au Premier ministre.

S’appuyant sur une méthodologie originale consistant à renouer le dialogue entre tous les acteurs et à dégager des solutions pérennes, acceptables par tous, et en s’entourant de groupes d’experts auxquels participaient des responsables des services statistiques de l’Unédic, de Pôle emploi, du groupe de protection sociale Audiens (23), des représentants de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail et du département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture ainsi que deux personnalités compétentes, M. Jean-Paul Guillot, économiste et médiateur dans le conflit de 2003, et M. Mathieu Grégoire, maître de conférence en sociologie à l’université d’Amiens, composé d’experts, de statisticiens et de deux personnalités qualifiées, la mission s’est concentrée sur quatre thématiques, relatives respectivement à l’architecture du système d’assurance chômage des intermittents, à la lutte contre la précarité de l’emploi, aux moyens de contenir les logiques d’optimisation et à la gouvernance.

Fort du succès rencontré par cette expertise indépendante, le rapport de la mission de concertation préconisait la création d’une instance de suivi rassemblant les partenaires sociaux professionnels et interprofessionnels, d’une part, et les services de l’État, d’autre part, « autour du suivi des dispositions de la dernière convention d’assurance chômage, de son impact sur les effectifs d’allocataires, leurs revenus, l’équilibre financier de l’Unédic et plus généralement le marché du travail des secteurs du spectacle ».

À propos des règles spécifiques d’indemnisation du chômage, la mission a constaté qu’« au-delà des différends existant sur les règles, peu de propositions ont porté sur une rénovation des fondements de l’assurance chômage des intermittents du spectacle, de son architecture et de son financement ». Estimant qu’il n’était « pas acceptable que sa pérennisation, bien réelle depuis le début des années 1980, ne se fasse qu’au prix d’une multiplication des conflits sociaux, qui portent préjudice à l’économie et à l’image du secteur », les auteurs du rapport invitaient dès lors à « s’interroger sur les moyens de pérenniser le système des annexes VIII et X, en maîtrisant les coûts et en rendant possible sa gouvernance au sein du régime interprofessionnel d’assurance chômage ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PÉRENNISER ET RÉGULER LE RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE

À la suite des recommandations du rapport de la mission de concertation, le Premier ministre a annoncé le 7 janvier 2015 l’inscription dans la loi de l’existence de règles spécifiques d’indemnisation des intermittents du spectacle, ainsi que l’instauration d’un mécanisme permettant aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de négocier les règles qui leur sont applicables, dans un cadre défini par les partenaires sociaux représentatifs au niveau interprofessionnel et national.

À cette fin, le I du présent article propose la création de deux nouvelles sous-sections au sein de la section 3 du chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail. Le 1° du I regroupe ainsi dans une nouvelle sous-section 1 intitulée « Contributions et allocations » deux articles existants, les articles L. 5424-20 et L. 5424-21 du même code. Le du I crée la sous-section 2, intitulée « Règles spécifiques en matière de négociation des accords relatifs à l’assurance chômage », composée de deux articles L. 5424-22 et L. 5424-23 nouveaux qui entreprennent successivement :

– de pérenniser le statut des intermittents du spectacle en inscrivant dans la loi la spécificité de leur système d’assurance chômage ;

– de définir les modalités de la négociation des règles spécifiques, en proposant une répartition inédite entre les partenaires sociaux représentatifs des intermittents du spectacle et les partenaires sociaux représentatifs au niveau interprofessionnel ;

– de mettre en place un comité d’expertise en appui aux organisations représentatives du secteur du spectacle et représentatives au niveau interprofessionnel ;

– de réguler le champ de l’intermittence, en prévoyant la révision de la liste des métiers susceptibles d’avoir recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU).

A.  GARANTIR LA PÉRENNITÉ DU SYSTÈME D’ASSURANCE CHÔMAGE DE L’INTERMITTENCE DU SPECTACLE

1.  La consécration législative du régime spécifique d’assurance chômage des intermittents

Le I de l’article L. 5424-22 nouveau propose tout d’abord d’inscrire dans le code du travail l’existence de règles spécifiques d’indemnisation du chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle, justifiée par la spécificité des métiers du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle vivant.

Alors qu’elles n’étaient jusqu’à aujourd’hui que le fruit d’une construction conventionnelle, ces règles devront désormais impérativement figurer dans les annexes au règlement général annexé aux accords relatifs à l’assurance chômage conclus entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés mentionnés à l’article L. 5422-20 du même code. L’existence d’annexes relatives aux intermittents du spectacle sera donc désormais l’une des conditions de l’agrément des conventions d’assurance chômage par le ministre en charge de l’emploi.

Cette proposition reprend l’une des principales préconisations du rapport de la mission de concertation transmis au Premier ministre le 7 janvier 2015.

Selon les auteurs du rapport, l’inscription dans la loi de la singularité de l’assurance chômage des intermittents du spectacle devrait permettre d’apaiser à l’avenir les négociations relatives à l’assurance chômage et d’éviter ainsi la résurgence régulière de tensions sur le maintien du statut des intermittents lui-même, ainsi que l’a rappelé Mme Hortense Archambault : « les acteurs responsables que [sont les intermittents] pourraient alors consacrer leurs efforts, non pas à préserver l’existence de ces annexes, mais à les construire » (24).

Le rapporteur se félicite de cette sanctuarisation du régime de l’intermittence du spectacle, qui est de nature à apaiser durablement les tensions liées aux renégociations des annexes VIII et X.

2.  Une négociation collective à deux niveaux pour la définition des règles spécifiques

En complément de l’inscription dans le code du travail d’un régime spécifique d’assurance chômage pour les intermittents du spectacle, l’article 20 du projet de loi propose une méthode de négociation inédite, consistant à déléguer aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle vivant et enregistré les règles d’assurance chômage qui leur sont applicables, sous réserve du respect des principes de la solidarité interprofessionnelle.

● Le premier alinéa du II de l’article L. 5424-22 du code du travail prévoit ainsi de confier aux organisations d’employeurs et de salariés représentatives de l’ensemble des professions mentionnées à l’article L. 5424-20 (25) – c’est-à-dire les organisations représentatives des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle – la faculté de négocier les règles spécifiques les concernant.

La représentativité de ces organisations n’est pas aisée à définir. En effet, le caractère sui generis des accords d’assurance chômage rend inapplicable les seuils d’audience minimaux définis respectivement par la loi du 20 août 2008, s’agissant des organisations syndicales de salariés, et par la loi du 5 mars 2014, s’agissant des organisations professionnelles d’employeurs. Selon les informations transmises à votre rapporteur, c’est donc le principe de la reconnaissance mutuelle qui prévaudra pour déterminer quelles sont les organisations représentatives de l’ensemble des professions du secteur de l’intermittence.

● Afin de respecter la solidarité interprofessionnelle propre à l’assurance chômage, le même alinéa indique que les règles définies par les représentants des intermittents devront toutefois se conformer aux principes fixés dans un document de cadrage élaboré en amont par les partenaires sociaux interprofessionnels chargés de négocier la convention d’assurance chômage.

Préalablement à la négociation, les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel seront ainsi chargées de définir et de transmettre « en temps utile » aux organisations représentatives des intermittents un document de cadrage, qui fixe les lignes directrices de la négociation. Le deuxième alinéa du II de l’article L. 5424-22 dispose que ce document de cadrage doit préciser en particulier :

– les objectifs de la négociation, en ce qui concerne la trajectoire financière à respecter et le respect de principes applicables à l’ensemble des bénéficiaires du régime d’assurance chômage, qu’ils soient intermittents ou non ;

– le délai dans lequel la négociation doit aboutir.

Les « principes applicables à l’ensemble des bénéficiaires du régime d’assurance chômage » ne sont pas définis dans le présent projet de loi. Ces principes figurent notamment dans l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à l’indemnisation du chômage qui précède la négociation de la convention d’assurance chômage. À titre d’illustration, les partenaires sociaux ont retenu dans l’ANI du 22 mars 2014 les principes suivants : assurer la viabilité financière du régime d’assurance chômage, renforcer la sécurisation des parcours professionnels, favoriser la reprise d’une activité professionnelle et lutter contre la précarité, renforcer l’équité entre les allocataires, quelle que soit leur activité habituelle, etc. Il reviendra donc aux partenaires sociaux interprofessionnels de fixer plus précisément ces grands principes à respecter, justifiant ainsi le maintien des bénéficiaires des règles spécifiques au sein du régime interprofessionnel.

● Enfin, le troisième alinéa du II de l’article L. 5424-22 prévoit deux scénarios à l’issue de la négociation :

– si les organisations représentatives du secteur parviennent à un accord, les règles d’assurance chômage applicables aux intermittents du spectacle qu’elles auront défini seront retranscrites, de façon automatique, dans les accords relatifs à l’assurance chômage ;

– à défaut d’accord dans le délai prévu, ou si l’accord ne respecte pas les orientations du document de cadrage, ce sont les organisations de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel qui seraient chargées de fixer les règles d’indemnisation du chômage applicables aux artistes et techniciens intermittents du spectacle, comme c’est le cas aujourd’hui.

Le dispositif proposé envisage donc une négociation à deux niveaux. Il permettrait selon l’étude d’impact de concilier :

– d’une part, la responsabilité des partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle et de l’audiovisuel, s’agissant de la définition des règles qui leur sont directement applicables ;

– d’autre part, la responsabilité globale des partenaires sociaux représentatifs de l’interprofession en matière d’assurance chômage, grâce à leur intervention en amont dans le cadre de l’élaboration du document de cadrage et, le cas échéant, en aval, en cas d’échec des négociations

Tel que proposé, le système de délégation de négociation aux professionnels du secteur du spectacle vivant et enregistré va donc plus loin que le scénario envisagé par le rapport de la mission de concertation de Mme Archambault et de MM. Gille et Combrexelle, qui préconisait la mise en place d’une simple concertation des professionnels des secteurs du spectacle vivant et enregistré, en amont des décisions prises par l’échelon interprofessionnel.

Lors des auditions organisées par le rapporteur, certaines organisations représentatives au niveau interprofessionnel ont fait part de leurs réserves quant au risque de fragilisation du caractère interprofessionnel de l’assurance chômage susceptible d’être induit par la délégation de négociation proposée, tout en reconnaissant que l’association des professionnels du secteur de l’intermittence à la négociation était le gage d’une meilleure prise en compte des besoins spécifiques de ce secteur et d’un apaisement des tensions.

À ce titre, le rapporteur tient à rappeler que c’est bien à l’interprofession qu’il incombe de définir les grands axes et équilibres de la convention d’assurance chômage et de ses annexes, afin de garantir la solidarité interprofessionnelle. Le respect des objectifs du document de cadrage garantit en contrepartie la reprise des dispositions spécifiques aux intermittents du spectacle dans la convention d’assurance chômage.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a par ailleurs estimé que l’article 20 encadrait « de manière suffisante » la délégation aux partenaires sociaux, notamment « en instaurant un cadre précis pour la subdélégation opérée entre le niveau interprofessionnel et le niveau professionnel ». Il a également considéré que l’obligation imposée aux organisations représentatives du secteur du spectacle de respecter les orientations générales et financières définies par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel « ne portait pas une atteinte excessive au principe de participation, ni à la liberté contractuelle des partenaires sociaux », compte tenu de la « nécessité de réduire les écarts de situation entre les intermittents du spectacle et les autres salariés relevant du régime d’assurance chômage ».

3.  La création d’un comité d’expertise ad hoc

Les récentes crispations relatives à l’assurance chômage des intermittents du spectacle ont mis en évidence l’absence de consensus parmi les différents acteurs concernés en ce qui concerne le chiffrage de l’impact financier des mesures déterminées lors des négociations au niveau interprofessionnel.

Dans la continuité de la méthode de travail initiée par la mission de concertation, l’article L. 5424-23 nouveau propose donc de créer un comité d’expertise chargé d’évaluer les incidences techniques et financières des propositions formulées pendant la négociation relative aux règles spécifiques d’assurance chômage des intermittents.

Selon le I de l’article L. 5424-23, le comité serait composé :

– de représentants des « services de l’État ». Il pourrait s’agir, à titre indicatif, des directions compétentes du ministère en charge de l’emploi et du ministère en charge de la culture, et des principaux services statistiques de l’État, tels que la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, ou la Direction des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) pour le ministère de la culture et de la communication ;

– de représentants de Pôle emploi ;

– de l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1 du code du travail, c’est-à-dire l’Unédic ;

– de personnalités qualifiées, désignées respectivement par l’État, par les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, et par les organisations d’employeurs et de salariés représentatives des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle.

L’article renvoie à un décret le soin de préciser la composition exacte du comité, la désignation de ses membres ainsi que le délai dans lequel le comité doit rendre son avis relatif à la conformité de l’accord au document de cadrage. Notons que la durée de nomination devra être suffisamment longue pour que les membres du comité puissent avoir connaissance du calendrier, de l’état d’avancement des négociations d’assurance chômage, voire de la mise en œuvre de la convention d’assurance chômage.

Selon les II et III du même article, le comité d’expertise serait chargé de se prononcer sur le contenu des propositions formulées par les organisations représentatives des ouvriers, techniciens et artistes du spectacle et pourrait intervenir à deux moments de la négociation :

– de manière facultative, à la demande d’une organisation syndicale de salariés ou d’une organisation représentative au niveau national, interprofessionnel ou professionnel, le comité pourrait donner son avis sur les propositions faites pendant la négociation (II).

– de façon systématique, en cas d’accord à l’issue de la négociation, le comité serait par ailleurs chargé de rendre un avis sur la conformité de l’accord aux principes et objectifs fixés par le document de cadrage (III). L’appréciation du comité devrait permettre d’éviter qu’un accord manifestement respectueux des objectifs fixés par le document de cadrage soit remis en cause par les partenaires sociaux interprofessionnels.

Les modalités de transmission de l’avis mentionné au II aux autres organisations ainsi que le délai dans lequel le comité devra rendre l’avis mentionné au III seront également précisés par le décret mentionné au I de l’article L. 5424-23. 

Afin de donner au comité le soutien logistique indispensable au bon déroulement de la négociation, le IV de l’article L. 5424-23 précise que Pôle emploi et l’Unédic devront fournir au comité « les informations nécessaires à l’exercice de ces missions ».

La mise en place d’une expertise indépendante telle que proposée par le présent article s’inspire directement de l’une des méthodes de travail qui a été retenue par les auteurs du rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurité pour les intermittents du spectacle », suite au constat d’un « climat critique » à l’encontre des analyses réalisées par l’Unédic.

Le rapporteur considère qu’il est en effet essentiel que les organisations professionnelles aient la possibilité de faire évaluer en toute neutralité leurs propositions, et notamment la soutenabilité financière de celles-ci au regard de la trajectoire proposée dans le document de cadrage.

B.  ENCADRER LE RECOURS AUX CONTRATS À DURÉE DÉTERMINÉE D’USAGE

En contrepartie de la possibilité donnée aux organisations représentatives des intermittents du spectacle de négocier leurs propres règles d’assurance chômage, dans le respect des règles fixées par l’interprofession, le II organise les modalités d’actualisation de la liste des métiers pouvant être pourvus par la conclusion de contrats à durée déterminée d’usage (CDDU), afin de limiter le recours à ce type de contrat aux seuls cas où un besoin le justifie expressément. À titre d’exemple, les listes relatives au spectacle vivant ou enregistré comportent 76 intitulés d’emplois différents. La liste de la production audiovisuelle en comporte 193.

L’objectif poursuivi par l’actualisation de ces listes de métiers, également préconisée par le rapport de Mme Archambault et de MM. Combrexelle et Gille, est de vérifier que les emplois figurant actuellement sur ces listes répondent effectivement aux critères de recours au CDD d’usage. Le rapport de la mission de concertation estimait en effet que « même si d’importants efforts de révision de cette liste ont d’ores et déjà été réalisés par le passé, des situations qui pourraient être qualifiées ̎ d’anormales ̎ perdurent et il est important de pouvoir y remédier ».

Le premier alinéa du II dispose par conséquent que les organisations représentatives d’employeurs et de salariés des artistes et techniciens du spectacle réexaminent, au plus tard le 31 janvier 2016, les listes des emplois des professions du secteur de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 5424-20 nouveau du code du travail et pouvant être pourvus par la conclusion de CDD d’usage.

Les emplois figurant sur cette liste doivent faire partie d’un secteur d’activité pour lequel il est « d’usage constant » de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, compte tenu de la « nature de l’activité exercée » et du caractère « par nature temporaire » des emplois. Il n’est pas inutile de rappeler toutefois que la liste des emplois susceptibles de recourir au CDD d’usage ne se substitue en aucun cas aux critères de recours au CDD d’usage définis au 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail. La jurisprudence de la Cour de cassation a par ailleurs rappelé qu’en cas de litige, il revient à l’employeur de prouver l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné (26).

Le II vise donc seulement à contenir les logiques d’optimisation en supprimant de la liste les emplois n’ayant nullement vocation à être temporaires afin de réserver ce contrat dérogatoire aux seuls métiers du secteur du spectacle qui subissent réellement les contraintes de l’intermittence, caractérisées par une alternance de périodes d’activité et de périodes non travaillées. Le recours au CDD d’usage serait donc désormais exclu pour les artistes, ouvriers et techniciens du spectacle disposant d’une activité pérenne au sein d’une structure culturelle.

À défaut d’actualisation des listes d’emplois dans le délai imparti par le présent article, le second alinéa du II renvoie à un arrêté conjoint des ministres en charge du travail et de la culture la possibilité de fixer l’établissement de nouvelles listes.

*

Outre neuf amendements rédactionnels ou de précision, la Commission des affaires sociales a adopté six amendements à l’article 20, dont cinq amendements présentés par M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

L’amendement AS 26 propose de supprimer la possibilité pour le niveau interprofessionnel de participer à la désignation des personnalités qualifiées dans le comité d’expertise, au motif que ce dernier a vocation à aider en priorité les professionnels du secteur du spectacle.

L’amendement AS 27 indique que le décret relatif au comité d’expertise doit préciser, outre sa composition, ses modalités de fonctionnement.

Les amendements AS 29 et AS 30 visent ensuite à remplacer l’ « avis » du comité par une simple « évaluation » des propositions formulées par le niveau professionnel dans le cadre de la négociation.

Enfin, la Commission a adopté deux amendements identiques, l’amendement AS 23 présenté par M. Jean-Patrick Gille au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, et l’amendement AS 418 présenté par M. Christophe Cavard, membre du groupe écologiste, qui invite les partenaires sociaux à s’emparer du sujet de la prise en compte des périodes de maladie et de maternité lors de la prochaine négociation de la convention d’assurance chômage.

*

La Commission adopte d’abord l’amendement rédactionnel AS141 de M. le rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS417 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je vous indique d’emblée que le groupe écologiste est plutôt satisfait des propositions du projet de loi pour ce qui touche au régime de l’intermittence. Le mouvement social des intermittents a été fort. Je salue le travail réalisé par Jean-Patrick Gille et tous ceux qui l’ont accompagné dans la rédaction de son rapport.

Toutefois, certains sujets restent en débat. Il faut que toutes les parties s’asseyent autour de la table pour négocier – mais, pour en arriver là, encore faut-il savoir qui sont ceux qui vont se parler. Notre amendement AS417 prévoit qu’un arrêté définira la représentativité des organisations appelées à participer aux négociations.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Nous abordons ici la question des intermittents du spectacle. Le titre II du projet de loi sanctuarise les annexes VIII et X de la convention relative à l’indemnisation du chômage et vise à organiser un nouveau dialogue social.

La question de l’articulation entre d’une part le niveau interprofessionnel, qui gère l’assurance chômage et ses principes généraux, et d’autre part le niveau professionnel, est particulièrement délicate. Ce dernier doit être renforcé : j’avais, vous vous en souvenez, mené avec Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle une mission sur ce sujet, et nous avions insisté sur ce point. Le progrès est réel : nous sommes déjà passés d’une quarantaine de conventions collectives à neuf seulement ; le secteur s’est fortement structuré.

Le principe que nous proposons est que ce soit le secteur qui discute des règles de l’assurance chômage spécifiques à l’intermittence. Soit un accord est trouvé, et il est alors repris par le niveau interprofessionnel ; soit il n’y a pas d’accord, et le niveau interprofessionnel reprend la main.

Notre collègue pose une bonne question : qui s’assied autour de la table ? La définition par arrêté m’a paru bonne dans un premier temps, et à terme c’est sans doute ce qu’il faudra faire. Mais si les organisations de salariés sont des sections des centrales syndicales, consacrées au spectacle vivant et enregistré, aucun syndicat des employeurs du secteur n’est membre des grandes organisations patronales. Or un arrêté fixant la représentativité devra s’appuyer sur un calcul de représentativité, dont nous ne disposons pas pour toutes les branches : ce sera donc un processus long, qui risquerait de repousser de dix-huit mois une négociation qui, à mon avis, doit commencer aussi vite que possible – dès l’automne si c’est possible. Qui plus est, si l’on vote beaucoup dans certains secteurs, c’est très loin d’être le cas partout : on a même vu une branche où il n’y avait que quatorze votants… Cela pose question.

Je propose donc de ne pas avoir recours à l’arrêté. Bien sûr, M. le ministre pourrait prendre une décision arbitraire, mais nous nous retrouverions alors face à une double difficulté : s’il inclut tout le monde, cela deviendra ingérable ; mais s’il oublie quelqu’un, il y aura inévitablement un recours et tout sera annulé. Nous perdrons, de la même façon, beaucoup de temps. Il faudra certainement un arrêté, mais plus tard. M. le ministre s’exprimera sans doute pour nous dire qu’il faut que les principaux employeurs soient partie prenante.

Nous sommes en tout cas tous d’accord sur l’idée d’aller vers un renforcement de la profession, de consolider le niveau professionnel et d’en responsabiliser les acteurs.

M. le rapporteur. Je pense également que le risque contentieux serait très important si la représentativité des organisations en question devait être définie par arrêté. Le choix de la représentativité mutuelle permet à la profession de se structurer, de s’organiser, de renforcer la confiance qui leur est faite. C’est cette démarche que je valide ; j’émets donc un avis défavorable à l’amendement AS417.

M. Christophe Cavard. Connaissant un peu le dossier, je reconnais la justesse de certains arguments : le dispositif prévu obligera effectivement les employeurs à s’organiser. Néanmoins, je suis attaché à la reconnaissance de l’accord. J’entends bien le point de vue de Jean-Patrick Gille : dans un premier temps, nous invitons autour de la table ceux qui sont déjà reconnus dans le cadre de la discussion. Or, si nous ne voulons pas que l’accord auquel ils seront éventuellement parvenus puisse être remis en cause par ceux qui gèrent le régime général, il me paraît nécessaire de bien définir cette représentativité : il faut être sûr que tout le monde jouera bien le jeu.

M. le rapporteur pour avis. Le texte ne prévoit pas une concertation qui aboutirait à un vague accord : nous proposons une délégation de négociation et, en cas d’accord, celui-ci s’imposera au niveau interprofessionnel.

Ensuite, dès lors que sont définis un cadrage et la trajectoire financière, qu’un accord est conclu entre partenaires, l’interprofession a tout intérêt à le reprendre. Nous sommes dans un principe de subsidiarité.

M. Christophe Cavard. Cela paraît logique.

M. le rapporteur pour avis. Le dispositif s’inscrit dans une logique de subsidiarité. Le vrai problème n’est pas celui de la légitimité de l’accord, mais de savoir s’il respecte bien le cadrage.

M. le ministre. Peut-être serait-il préférable de retirer cet amendement. La question est compliquée et tout le monde en a bien compris l’enjeu : la loi instaure une négociation spécifique entre les partenaires sociaux représentatifs de l’ensemble des professions du spectacle. Ce secteur est composé de différentes branches, qui sont loin d’être toutes de même niveau. Une forme de reconnaissance mutuelle semble s’être établie ; c’est sur cette base qu’il faut avancer, faute de quoi on perdrait beaucoup de temps et on risquerait de fragiliser le dispositif.

M. Christophe Cavard. Je vais retirer mon amendement et nous poursuivrons ce débat en séance. Toutefois, j’insiste sur le fait que s’il n’y a pas d’accord, ce sont les partenaires du régime général qui vont reprendre la main. Il suffit par conséquent qu’un seul ou deux représentants s’opposent à l’accord, tel qu’il est défini à l’annexe X, pour qu’il ne soit pas valide.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS142 du rapporteur.

Puis elle examine, en présentation commune, les amendements AS24 et AS25 de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui font l’objet, le premier du sous-amendement AS528, le second du sous-amendement AS505, tous deux du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement AS24 entend préciser que, d’un côté, des principes généraux sont applicables à l’ensemble du régime d’assurance chômage, et que, de l’autre, des règles spécifiques concernent les intermittents du spectacle.

M. le rapporteur. Le sous-amendement AS528 est rédactionnel.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement AS25 vise à alléger la rédaction de la disposition qui précise, à l’alinéa 9, que quand un accord est obtenu, il s’impose à l’interprofession, laquelle, faute d’un tel accord, reprend la main.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’allégement proposé par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, si ce n’est que le sous-amendement AS505 propose de substituer les mots « orientations définies » par les mots « objectifs définis », afin d’harmoniser la rédaction des alinéas 8 et 9 et de couper court à toute ambiguïté.

La Commission adopte successivement les amendements AS24 et AS25 sous-amendés.

Elle adopte ensuite, successivement, les amendements rédactionnels AS139, AS137 et AS136 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS26 de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le rapporteur pour avis. Afin que la profession se constitue, le projet propose de la doter d’un comité d’expertise que nous entendons recentrer pour en faire un comité d’appui aux négociateurs professionnels. Il s’agit de pourvoir la profession d’un moyen d’analyse. Nous entendons de fait pérenniser le comité d’expertise que nous avons formé au cours de la concertation que nous avons menée et au cours de laquelle nous sommes parvenus à réunir tout le monde autour de la table. L’UNEDIC n’a pas le monopole d’une expertise qu’elle partage avec d’autres, avec Pôle Emploi notamment, mais également des universitaires. Nous avons abouti à une modélisation du système à partir de quelque 10 000 cas réels et tout le monde est d’accord sur les effets mécaniques de la modification d’un seul paramètre.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS27 de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le rapporteur pour avis. Il convient que le décret précise les modalités de désignation du comité d’expertise créé par la loi.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS28 de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le rapporteur pour avis. On ne peut pas refuser aux organisations professionnelles de demander son avis au comité d’expertise. Certes on n’interdit pas à l’interprofession pas plus qu’au Gouvernement, d’ailleurs, de demander des évaluations au comité, mais il s’agit d’insister sur le fait que les demandes de la profession, elles, sont de droit : depuis 2003, en effet, des représentants des intermittents du spectacle ont eu des propositions à faire valoir et qui n’ont jamais été évaluées, ce qui a dans une large mesure attisé les conflits.

M. le rapporteur. L’interprofession doit garder la possibilité de solliciter l’éclairage du comité d’expertise sur les propositions émises par la profession. Je ne vois pas pourquoi le comité pourrait faire profiter de ses analyses le secteur du spectacle et pas l’interprofession. Tous doivent par conséquent avoir accès aux mêmes informations et aux mêmes simulations en ce qui concerne notamment le respect de la trajectoire financière. La rédaction de l’amendement AS28 n’offre pas entière satisfaction en la matière et je suggère donc son retrait.

M. le ministre. Je suis plutôt convaincu par les propos du rapporteur. L’équilibre atteint est précaire, il faut tenir compte de nombreuses sensibilités ; aussi faut-il faire attention : on ne peut pas empêcher l’interprofession de consulter le comité d’expertise – cela dit en simplifiant. Mais je comprends également le point de vue du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Nous devons préciser ce qu’est ce comité d’expertise : il s’agit bien d’un groupe de statisticiens et non un groupe composé des représentants de chaque organisation ; sinon, nous ne nous en sortirons pas. Je me demande donc s’il ne faudra pas préciser que le comité ne réunit pas des représentants mais bien des statisticiens.

Il faudra ensuite s’assurer que la profession aura bien accès aux données élaborées par le comité dans la mesure où l’interprofession peut déjà s’appuyer, pour sa part, sur son propre groupe d’experts en la personne de l’UNEDIC.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS29 de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le rapporteur pour avis. La rédaction de la première phrase de l’alinéa 11 nous paraît trop rigide ; c’est pourquoi nous proposons que le comité, plutôt que de « donner son avis » sur les propositions faites pendant la négociation d’expertise, les « évalue » – il s’agit bien, j’y insiste, d’un groupe de statisticiens et non de censeurs.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à cette approche. On n’a pas à obliger le comité à se prononcer sur la pertinence des propositions ; on lui demande seulement de les expertiser.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement d’harmonisation rédactionnelle AS140 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement AS30 de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le rapporteur pour avis. Le raisonnement est le même que pour l’amendement AS29.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS138 du rapporteur.

M. Michel Liebgott. Il faudrait procéder ici à une substitution systématique.

M. le rapporteur pour avis. Pardonnez-moi d’être en retard puisque l’amendement vient d’être adopté, mais je ne suis pas tout à fait d’accord. Nous n’avons certes pas proposé une substitution systématique, car il aurait fallu rédiger un amendement de vingt pages ; mais Michel Liebgott a raison : il faut prendre l’habitude d’écrire : « Pôle Emploi ».

M. le rapporteur. Ce n’est ni plus ni moins qu’un problème de pure légistique…

M. le rapporteur pour avis. Mais non !

M. le rapporteur. Si, puisque l’UNEDIC est toujours définie de la même manière. C’est peut-être un problème de coordination entre les différents services.

La Commission examine les deux amendements identiques AS 23 de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation et AS 418 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous partageons le même objectif : prendre en considération les périodes de maladie et de maternité dans les négociations.

M. le rapporteur pour avis. Cette proposition avait été émise par nos collègues du groupe écologiste en commission des affaires culturelles et de l’éducation et je l’ai soutenue. Le sujet est compliqué. Certaines préconisations ont certes été suivies : le décret a paru grâce auquel il suffit de cent cinquante heures de travail par trimestre, au lieu de deux cents auparavant, pour bénéficier des indemnités maladie et maternité. Mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi cet amendement vise à forcer le Gouvernement à avancer. L’Assemblée, que j’espère unanime, pourrait ainsi marquer sa volonté de régler le problème une fois pour toutes, même si certaines dispositions peuvent relever du pouvoir réglementaire.

M. le rapporteur. Je ne suis pas opposé à ces amendements identiques, mais je ne voudrais pas que nous minimisions les annonces, fortes, faites par le Premier ministre sur l’abaissement du seuil d’ouverture des droits à prestation – de 200 à 150 heures travaillées par trimestre –, et sur la prise de la circulaire correspondante. J’entends bien que l’Assemblée veuille marquer sa position, mais je me permets tout de même de rappeler que la déclaration du Premier ministre témoigne de son implication. Les ministres ne manqueront pas de répondre en séance.

M. Gérard Cherpion. L’article 20 est loin d’être simple et j’en veux pour preuve que la majorité elle-même a débattu pendant trois quarts d’heure d’éléments complexes sans qu’on sache pour autant si elle est parvenue à un équilibre. Nous devons, bien sûr, trouver un accord, mais ne sommes-nous pas en train d’ouvrir la boîte de Pandore ? En créant une dérogation au système général – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, d’autres professions risquent, à terme, de s’engouffrer dans la brèche pour demander elles aussi à bénéficier d’un régime spécial.

Se pose ensuite la question du lien entre l’entreprise et l’interprofession même si l’inversion de la hiérarchie des normes proposée par le texte n’est pas pour me déplaire.

Enfin, qu’est-ce qu’un intermittent du spectacle ?

M. Christian Hutin, président. Il est un peu tard pour commencer un débat sur le sujet…

M. Gérard Cherpion. Certes, mais quelle est la limite de l’application de ce texte ? Nous sommes en effet tous d’accord sur le fait que certaines entreprises recourent abusivement au statut d’intermittent. Reste donc un problème de définition. C’est pourquoi je m’abstiendrai.

Mme Sandrine Mazetier. Je remercie nos collègues qui ont défendu les amendements aux articles 13 et 14.

M. Christian Hutin, président. M. Liebgott s’y est brillamment employé.

Mme Sandrine Mazetier. Je le crois volontiers, puisque tous ont été adoptés. Ils s’inspiraient des travaux de la délégation aux droits des femmes. Préoccupée par la situation des « matermittentes », la délégation a adopté hier deux recommandations issues du rapport que j’ai eu l’honneur de rédiger et qui rappelle sa feuille de route au Gouvernement. Il est en effet important que l’exécutif et le législatif trouvent au plus vite une solution à la situation pour le moins kafkaïenne de ces femmes enceintes puis de ces mères qui viennent d’accoucher et qui se retrouvent sans ressources.

M. Christian Hutin, président. Tout le monde est d’accord pour travailler sur la question.

M. le rapporteur pour avis. Les mots sont importants, monsieur Cherpion. On ne peut laisser dire que nous créons un régime dérogatoire : nous gardons les principes du régime général, le régime des intermittents s’inscrit bien dans l’interprofession. Ensuite, il ne s’agit pas d’un régime dérogatoire, mais de l’établissement d’une forme de subsidiarité de la négociation : c’est totalement différent. Nous organisons le dialogue social dans ce secteur car les personnes concernées n’étaient pas à la table des négociations. Nous devons donc établir un système qui, sans remettre en cause les règles de gestion et de négociation de l’UNEDIC, associe les intermittents. Quant aux optimisations excessives, elles figurent à la fin de l’article, qui ne fait l’objet d’aucun amendement.

La Commission adopte ces amendements.

Puis elle adopte l’article 20 modifié.

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Article 20 bis (nouveau)
(art. L. 161-22 du code de la sécurité sociale)

Cumul emploi-retraite des artistes-interprètes

Sur proposition de M. Jean-Patrick Gille, la Commission a adopté l’amendement AS 339 portant article additionnel après l’article 20. Cet article propose de soumettre aux règles de cumul emploi-retraite de droit commun les artistes du spectacle salariés en contrat à durée indéterminée (CDI).

Il met ainsi fin à un régime dérogatoire au titre duquel ces derniers, non tenus de mettre fin à leur contrat de travail pour faire valoir leurs droits à la retraite, pouvaient cumuler sans en informer leur employeur un emploi à temps plein et une pension de retraite.

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La Commission examine l’amendement AS339 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. La réforme des retraites de 2010 n’a pas modifié l’exception applicable aux artistes du spectacle, qui les dispense de mettre fin à leur contrat de travail, et donc d’en informer leur employeur, pour faire valoir leurs droits à la retraite. Les artistes engagés en contrat à durée indéterminée – les musiciens d’orchestre, par exemple – sont ainsi placés mécaniquement en situation de cumul d’un emploi principal à temps plein et d’une pension complète de retraite, avec un double coût social pour les collectivités publiques qui subventionnent ces activités. Ce coût est d’autant plus important que les dernières années de carrière sont, du fait de l’ancienneté, les mieux rémunérées. Puisque rien n’encourage ces musiciens permanents âgés de soixante-cinq ans à cesser leur activité, il faut souvent attendre qu’ils aient soixante-dix ans pour que l’employeur puisse décider de leur mise à la retraite.

L’impact social et artistique de cette situation est important puisqu’elle empêche le renouvellement des musiciens, l’intégration des plus jeunes professionnels au sein des différentes structures. De nombreux orchestres ayant été créés à la même époque nous nous trouvons dans une situation difficile, voire carrément périlleuse : pour certains ensembles, le surcoût, impossible à financer, atteint 400 000 euros.

L’amendement propose donc une simple correction : les musiciens en contrat à durée indéterminée seraient désormais considérés comme des salariés du régime commun – ce qui en outre mettrait un terme à une véritable inégalité de traitement entre salariés. J’ajoute, pour finir, que cette proposition fait l’objet d’un large consensus dans la profession.

M. le rapporteur. Je ne peux qu’être favorable à ce retour au droit commun.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

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Article 20 ter (nouveau)
(art. L. 6523-1 du code du travail)

Compétence territoriale des OPCA

Introduit par l’amendement AS 337 de M. Jean-Patrick Gille, l’article 20 ter propose de compléter l’article L. 6523-1 du code de travail afin d’affirmer la compétence exclusive d’un seul organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) sur l’ensemble du territoire national, qu’il s’agisse de la métropole ou des départements d’outre-mer (DOM), dans les secteurs qui emploient des intermittents du spectacle, des artistes auteurs et des pigistes.

Cette disposition, justifiée par la spécificité du financement, de la gestion et de l’organisation des dispositifs de formation des intermittents du spectacle, des artistes auteurs et des pigistes, déroge ainsi à la règle de droit commun fixée par le code du travail, qui assujettit la possibilité pour un OPCA de collecter les contributions légales des entreprises destinées à la formation professionnelle dans les DOM à un seuil minimum de collecte et à une présence sur le territoire.

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La Commission en vient à l’amendement AS337 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement traite des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) comme l’Assurance formation des activités du spectacle (AFDAS) ou l’Organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation (OPACIF), qui gèrent l’ensemble des dispositifs de formation professionnelle des secteurs du spectacle vivant, du cinéma, de l’audiovisuel et de la presse. Ces secteurs, la presse audiovisuelle et le spectacle vivant en particulier, sont fortement représentés dans les départements d’outre-mer et ont cette caractéristique de travailler avec des populations de salariés spécifiques comme les intermittents du spectacle ou les pigistes, ou avec des auteurs aujourd’hui également couverts par un dispositif adapté.

Toutefois, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, a modifié le régime de collecte des contributions légales de formation professionnelle continue dans les DOM. Un seuil de collecte a été fixé pour ces organismes pour pouvoir être présents dans les DOM. Dans l’avant-projet d’arrêté qui fixe les critères de seuil de collecte par territoire pour solliciter cet agrément, il ressort que l’AFDAS ne pourra le solliciter pour être présente dans les DOM – alors qu’elle s’y trouvait – dans la mesure où la collecte actuelle dans ces territoires via le réseau Opcalia est très inférieure au plancher prévu par le projet d’arrêté.

Les professionnels des DOM seront alors les victimes collatérales du nouveau système général et n’auront plus accès au même service qu’en métropole. Les conséquences en sont d’autant plus importantes pour ceux qui exercent des métiers discontinus – pigistes et intermittents – que, pour eux, l’AFDAS, qui n’est pas sur place, tient lieu d’employeur. Nous proposons donc, pour le coup, de créer une exception à la règle limitant l’implantation des OPCA dans les DOM et donc de reconnaître l’AFDAS sur l’ensemble du territoire national. Afin de vous donner un ordre de grandeur, la collecte des OPCA est d’environ 5 milliards d’euros alors que la présente disposition concerne un peu mois de 1 million d’euros.

M. le rapporteur. La proposition de Patrick Gille permet d’affirmer la compétence d’un seul OPCA sur l’ensemble du territoire, ce qui me paraît plutôt intéressant au regard des enjeux exposés. Cela étant, je ne mesure pas les incidences de cette disposition, notamment de limitation éventuelle d’accès à la formation professionnelle pour les intermittents du spectacle. Dans l’impossibilité de formuler un avis, je me tourne donc vers M. le ministre.

M. le ministre. Nous reprendrons ce débat en séance, si vous le voulez bien, dans la mesure où nous devons vérifier certaines informations.

M. Christian Hutin, président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Gille ?

M. Jean-Patrick Gille. La direction générale des finances publiques, les syndicats, tout le monde approuve cette proposition. Il s’agit à la fois d’éviter de fragiliser les intermittents du spectacle dans les DOM et d’éviter de mettre en péril la collecte des contributions formation même si, en l’occurrence, les sommes en jeu ne sont pas considérables. Je maintiens mon amendement.

M. Gérard Cherpion. Eu égard au montant en jeu et à l’intérêt que présente la proposition, je propose de voter l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

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TITRE III
SÉCURISATION DES PARCOURS ET RETOUR À L’EMPLOI

Article 21
Compte personnel d’activité

Cet article propose la création d’un compte personnel d’activité (CPA) qui rassemblerait, dès l’entrée d’un actif sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, les droits sociaux individuels utiles à la sécurisation de son parcours professionnel.

L’article ne définit ni le périmètre ni les modalités de mise en œuvre de ce compte, mais il fixe le principe, la méthode et le calendrier pour y parvenir.

I. LES ENJEUX DU COMPTE PERSONNEL D’ACTIVITÉ

Conséquence de la tertiarisation de l’économie et de la montée du chômage, la situation du marché du travail en France a profondément évolué ces dernières décennies. Le modèle d’emploi autrefois stable et durable est devenu plus flexible et temporaire. Le contrat à durée indéterminée (CDI), s’il reste prédominant, est de moins en moins la norme compte tenu de la forte progression des formes d’emploi dites « atypiques » − intérim, contrats à durée déterminée, apprentissage, etc. Les entreprises recherchent pour leur part davantage de flexibilité. Les actifs sont ainsi soumis à de plus fortes exigences de mobilité et leurs parcours professionnels sont moins linéaires que par le passé.

De nombreux droits sociaux liés au travail continuent pourtant d’être rattachés au contrat de travail et non rattachés aux individus eux-mêmes. De ce fait, en cas de rupture du contrat du travail, les individus perdent le plus souvent le bénéfice des droits acquis, ce qui contribue à fragiliser encore des parcours professionnels déjà marqués par une forte discontinuité.

Le contraste entre la mobilité croissante des trajectoires professionnelles et le cloisonnement des droits sociaux invitait ainsi à créer de nouveaux instruments pour répondre aux besoins de sécurisation des parcours professionnels.

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi et la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites représentent à cet égard un tournant : en créant deux comptes (27) rattachés non plus à un emploi mais à l’individu lui-même, qui peut en disposer depuis son entrée dans la vie professionnelle jusqu’à son départ à la retraite, ces deux réformes successives ont fait progresser l’idée selon laquelle chaque actif doit être doté de droits sociaux qui lui sont propres, et qu’il peut mobiliser à sa guise, quelle que soit sa trajectoire professionnelle.

La création du compte personnel d’activité (CPA) proposée par cet article s’inscrit dans le prolongement de ces dispositifs d’un nouveau genre dans notre droit du travail.

1.  Le compte personnel d’activité vise à pallier les rigidités des droits sociaux individuels

Le principe du compte personnel d’activité est de rassembler, dès l’entrée d’un individu sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, l’ensemble des droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel.

Le compte serait destiné à tous les actifs, quel que soit leur statut – salarié en contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI), salarié à temps partiel, intérimaire, etc. – afin de dépasser le cloisonnement des droits qui nuit à la mobilité et à la sécurisation des trajectoires professionnelles.

La création d’un compte personnel d’activité attribué à chaque actif constituerait une voie importante d’amélioration à trois égards, selon l’étude d’impact.

a.  Améliorer la lisibilité et la visibilité des droits sociaux

En matière de formation professionnelle, de prévention de la pénibilité ou de temps de travail, de nouveaux droits individuels sont nés au cours de la dernière décennie. Chacun de ces droits est régi par des règles d’utilisation spécifiques, ce qui ne facilite pas leur compréhension.

Pour pallier cette limite, la création du compte personnel d’activité est envisagée comme une « vitrine » qui doit permettre d’améliorer la connaissance de tout individu quant à l’existence et aux modalités d’utilisation de ses droits sociaux personnels. Plus visibles et mieux expliqués, les droits sociaux pourraient dès lors être plus facilement activés par leurs titulaires.

b.  Sécuriser les parcours professionnels

Le deuxième objectif du compte serait de sécuriser les parcours professionnels des individus en facilitant la portabilité et la disponibilité de certains droits sociaux.

Cet objectif suppose d’une part de donner aux individus la possibilité de conserver leurs droits acquis, quelle que soit l’évolution de leur situation professionnelle, c’est-à-dire y compris en cas de rupture du contrat de travail ou de mobilité géographique. Certains droits individuels sont d’ores et déjà portables, comme le compte personnel de formation. D’autres, comme le compte épargne-temps, sont liés au contrat de travail ; il s’agira donc de déterminer dans quelle mesure ces droits peuvent devenir portables, dans l’hypothèse où ils intègrent le compte.

Il implique d’autre part de rendre disponibles à tout moment de la vie professionnelle les droits acquis. Selon l’étude d’impact, les droits pourraient ainsi indifféremment être mobilisés par les individus en emploi, sur leur temps de travail (28) ou en dehors du temps de travail, ou par un individu en recherche d’emploi. La disponibilité de ces droits permettrait ainsi aux individus de mieux s’adapter aux aléas de la vie professionnelle, tout en leur donnant la possibilité de réaliser lorsqu’ils le souhaitent un projet personnel.

c.  Regrouper les droits sociaux

Le troisième objectif du compte serait de permettre le regroupement ou, le cas échéant, la fongibilité de certains droits. L’étude d’impact précise toutefois que les modalités de ce regroupement devront être approfondies dans le cadre des réflexions liées à la mise en œuvre du compte.

2.  Le périmètre exact du compte reste à déterminer

Selon l’étude d’impact, qui indique que la mise en place du compte devra intervenir « dans le cadre des comptes sociaux existants », le compte personnel d’activité n’a pas pour le moment vocation à créer de nouveaux droits personnels.

Les différents droits ou dispositifs susceptibles d’être concernés par le compte ne sont pas précisés. Mais selon les informations transmises par M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, lors de son audition par la Commission des affaires sociales, il pourrait s’agir dans un premier temps d’intégrer dans le CPA le compte personnel de formation (CPF) et le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Présentation des deux dispositifs susceptibles d’être intégrés au sein du compte personnel d’activité dès sa création

1 − Le compte personnel de formation

Issu de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, le compte personnel de formation (CPF) a pris la suite de l’ancien droit individuel à la formation (DIF) depuis le 1er janvier 2015. Il permet à son titulaire de suivre des formations afin de maintenir son niveau de qualification ou d’accéder à un niveau de qualification supérieur. Contrairement au DIF, le CPF suit le salarié tout au long de sa carrière.

Pour les salariés à temps plein, le CPF est alimenté chaque année à hauteur de 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis de 12 heures par an dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Les heures inscrites sur le compte sont intégralement transférables en cas de changement de situation professionnelle du titulaire ou de rupture du contrat de travail.

2− Le compte personnel de prévention de la pénibilité

Créé par la loi n° 2014-20 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, ce compte, géré par la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), permet aux salariés des entreprises du secteur privé, des établissements publics à caractère industriel et commercial et aux contractuels de droit privé des employeurs publics exerçant des métiers pénibles de cumuler des points pendant leur carrière.

Chaque trimestre d’exposition donne lieu à l’inscription d’un point sur le compte, ou de deux points en cas d’exposition multiple, dans la limite de cent points sur l’ensemble de la carrière. Les points acquis peuvent être utilisés pour alimenter le compte personnel de formation en vue de se former à un métier moins pénible, pour financer un complément de rémunération en cas de passage à temps partiel ou pour majorer sa durée d’assurance vieillesse à partir de 55 ans afin de partir à la retraite de manière anticipée.

Depuis le 1er janvier 2015, quatre facteurs de pénibilité permettent de cumuler des points : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en horaires alternants ou le travail en milieu hyperbare. Les six autres facteurs de pénibilité retenus dans le cadre de ce dispositif − postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes, bruit − entreront en vigueur en 2016.

À terme, selon les informations transmises au rapporteur, d’autres droits pourraient intégrer le compte, tels que le compte épargne-temps, les droits à retraite (complémentaire et de base), les droits à l’assurance maladie, voire les droits à l’assurance chômage.

II. LA MÉTHODE ET LE CALENDRIER PROPOSÉS

Cet article se borne à fixer, dans une disposition non codifiée, le principe de la création du compte personnel d’activité au 1er janvier 2017. Afin de définir plus précisément son périmètre et ses modalités de mise en œuvre, il propose un calendrier et une méthode faisant appel à la fois aux partenaires sociaux et au Gouvernement.

Le premier alinéa prévoit le lancement d’une concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel avant le 1er décembre 2015.

À l’issue de cette concertation, l’article invite les partenaires sociaux à initier, s’ils le souhaitent, une négociation portant « sur la mise en œuvre » du compte personnel d’activité.

Le second alinéa dispose ensuite que le Gouvernement est tenu de présenter un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2016 « sur les modalités possibles de cette mise en œuvre ».

L’étude d’impact précise qu’un projet de loi devrait être présenté en 2016 sur la base de la concertation et, le cas échéant, de la négociation. Elle souligne par ailleurs que le dispositif retenu in fine devra veiller à tenir compte du handicap et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

À ce jour, de nombreuses inconnues demeurent quant au calibrage et aux modalités de mise en œuvre, en particulier les modalités de gestion et de financement du compte. Il reviendra donc aux partenaires sociaux de définir les contours du compte lors de la concertation ou, le cas échéant, de la négociation, en s’assurant de respecter les objectifs qui lui sont assignés.

*

La Commission a adopté cet article sans modification.

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La Commission examine l’amendement de suppression AS252 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’article 21 crée le compte personnel d’activité. Cette disposition, qui vise à renforcer la portabilité des droits, est intéressante sur le fond et le groupe UDI n’y est pas opposé : au cours de la précédente législature, nous avons nous-mêmes déposé plusieurs amendements en ce sens. Néanmoins, nous sommes étonnés de voir arriver cette intention louable sans qu’ait été conduite, conformément à l’article L. 1 du code du travail, une concertation préalable avec les partenaires sociaux. En outre, on essaie de nous faire voter un article un peu vide d’un contenu qu’on demande aux partenaires sociaux de négocier – méthode un peu surprenante qui relève, je reprends mon expression, d’une logique de congrès plutôt que de progrès.

Je rappelle les engagements du candidat Hollande : « Moi Président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux soient considérés. » Est-ce considérer les partenaires sociaux que d’indiquer dans le texte que le compte personnel d’activité sera négocié a posteriori ? C’est un pied de nez qu’on leur fait, et c’est pourquoi je propose la suppression de l’article et donc qu’on envisage de créer un compte personnel d’activité mais après concertation avec les partenaires sociaux.

M. le rapporteur. Certains de nos collègues absents, dans l’exposé sommaire de leur amendement de suppression de l’article, soutiennent que le dispositif prévu aggraverait les contraintes des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. Au contraire, nous entendons simplifier les comptes existants et, par ailleurs, la réforme se réalisera à droits constants. Ensuite, nous mettons l’outil en place et nous renvoyons aux partenaires sociaux le débat sur les éléments essentiels qui ne sont pas l’outil lui-même, mais bien l’organisation des différents comptes regroupés, les modalités de la portabilité, celles, le cas échéant, de la mutualisation. La concertation avec les partenaires sociaux n’est donc en rien escamotée pas plus que le débat parlementaire une fois que cette concertation sera terminée.

Mme Isabelle Le Callennec. L’alinéa 1 dispose que, afin que chaque personne dispose au 1er janvier 2017 d’un compte personnel d’activité, comme c’est le souhait du Gouvernement, une concertation est engagée avant le 1er décembre 2015 – autrement dit, on fixe un calendrier aux partenaires sociaux – avec les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation sur la mise en œuvre du compte personnel d’activité. Et si elles ne le souhaitent pas, que se passe-t-il ?

M. le ministre. Le pouvoir politique reprendra la main.

M. le rapporteur. J’avoue ne pas comprendre la question. Si les partenaires sociaux ne se saisissent pas du sujet, dont acte : le Parlement jouera son rôle. Je regretterais profondément ce refus des partenaires sociaux, mais je ne crois pas qu’ils soient dans cet état d’esprit.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS211 de M. Gérard Cherpion et AS259 de M. Francis Vercamer.

M. Gérard Cherpion. J’y insiste : l’article L. 1 du code du travail n’a pas été respecté puisqu’on n’a pas procédé au préalable à une concertation avec les partenaires sociaux. Certes une négociation est prévue, mais postérieurement à l’adoption de la loi.

L’amendement AS211 propose que la création d’un compte personnel d’activité s’inscrive dans le cadre d’une démarche de « flexisécurité ». Il faut en effet accompagner le dispositif prévu, si l’on veut qu’il se développe, de mesures de flexibilité du marché du travail.

M. Francis Vercamer. Mon amendement AS259 a le même objet. Si l’on ne supprime pas cet article et qu’on persiste à ne pas respecter l’article L. 1 du code du travail que je viens de relire pour vérifier que les délais sont bel et bien proposés par les partenaires sociaux et non pas imposés par la loi, nous demandons que la création du compte personnel d’activité s’inscrive dans le cadre d’une démarche de « flexisécurité », à savoir de flexibilité pour l’entreprise – dont le Gouvernement essaie de simplifier les démarches administratives – et de sécurité pour le salarié.

M. le ministre. L’article L. 1 du code du travail n’est en rien violé, ne serait-ce que parce que le dispositif a déjà été soumis aux partenaires sociaux, et à tous leurs organes de concertation – commission nationale d’agréments des conventions collectives nationales et accords collectifs de travail, Haut conseil du dialogue social, etc. Et les organisations syndicales elles-mêmes y sont très favorables.

Ensuite, vous nous reprochez de fixer un délai ; mais, quand on a ouvert une négociation, on demande bien la remise d’un rapport avant telle date. Si les partenaires sociaux ne veulent pas se saisir du sujet – le rapporteur a répondu sur ce point – et s’ils échouent à trouver un accord, le pouvoir politique peut reprendre la main et le Parlement débattre à son tour.

Loin donc de violer l’article L. 1 du code du travail, nous montrons un grand respect du dialogue social. La coquille est vide et elle sera remplie, s’ils le souhaitent, par les partenaires sociaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je trouve incohérent de soutenir qu’il ne faut pas fixer par avance ce que sera le compte personnel d’activité tout en demandant, dans le même temps, qu’il relève d’une logique de « flexisécurité ».

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte l’article 21.

*

Après l’article 21

La Commission est saisie de l’amendement AS384 de M. Denis Baupin.

M. Christophe Cavard. La feuille de route gouvernementale de 2015 issue de la Conférence environnementale prévoit que « l’opportunité d’étendre aux enjeux environnementaux et climatiques le périmètre des instances représentatives des personnels sera proposée au débat des partenaires sociaux ». Il est important que ce débat associant l’ensemble des partenaires sociaux soit engagé avant la conférence Climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Aussi proposons-nous, par l’amendement AS384, que les représentants du personnel puissent aussi discuter des enjeux et des conséquences, en matière d’organisation du travail, du texte relatif à la transition énergétique actuellement en discussion.

M. le rapporteur. Les enjeux et les conséquences de la transition énergétique ont été largement débattus ces derniers mois à l’Assemblée nationale, et je ne pense pas que le présent projet de loi constitue le cadre approprié pour ouvrir un nouveau débat à ce sujet alors même qu’il aurait pu se tenir dans le cadre du projet sur la transition énergétique. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

*

Article 22
(art. L. 5315-1 du code du travail)

Définition des missions de service public de l’emploi de l’AFPA

Cet article tire les conséquences des évolutions récentes du marché de la formation professionnelle sur les activités et le positionnement juridique de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Afin de réaffirmer le rôle incontournable de l’AFPA auprès des publics les plus éloignés de l’emploi, il propose de préciser dans le code du travail les missions exercées par l’AFPA au titre de sa mission de service public.

I. L’AFPA FACE AUX RÉORGANISATIONS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Créée au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui a pris en 1966 la suite de l’Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d’œuvre (ANIFRMO), a longtemps illustré la volonté des pouvoirs publics de faire de la formation professionnelle un moyen de la politique nationale pour l’emploi.

Destinée à l’origine à former les adultes aux premiers niveaux de qualification, l’AFPA, qui a toujours conservé son statut d’association régi par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, s’est en effet rapidement imposée comme l’un des acteurs incontournables de la formation professionnelle en France, forte d’un maillage territorial dense de plus de deux cents sites de formation. Mais l’association a été confrontée au cours des années 2000 à d’importantes réorganisations de la formation professionnelle, qui ont bouleversé à la fois son cadre juridique et son mode de financement.

1.  Les réformes récentes de l’organisation de la formation professionnelle et du service public de l’emploi

a.  La décentralisation de la formation professionnelle

L’élargissement du droit à la formation professionnelle s’est accompagné d’un transfert progressif de compétences de l’État aux régions. Ce mouvement, amorcé par les lois de décentralisation n° 82-213 du 2 mars 1982 et 83-8 du 7 janvier 1983, s’est poursuivi par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a par ailleurs consacré un droit individuel à la formation professionnelle tout au long de la vie.

La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a parachevé ce transfert, en conférant aux régions une compétence exclusive en matière de formation professionnelle. Les régions se sont ainsi vues transférer les compétences résiduelles de l’État en la matière, telles que la formation des personnes détenues, la formation aux compétences fondamentales, ou encore la formation des Français établis hors de France ou en territoire ultra-marin.

En conséquence, les crédits budgétaires antérieurement attribués par l’État à l’AFPA au titre de la formation des publics les plus éloignés de l’emploi ont également fait l’objet d’un transfert aux régions, modifiant substantiellement l’équilibre financier de l’association.

b.  L’ouverture à la concurrence de la formation professionnelle

Le marché de la formation professionnelle, jusqu’à récemment largement organisé et financé par l’État par l’intermédiaire de l’AFPA, a par ailleurs été soumis de façon soudaine au droit national et européen de la concurrence, suite à l’avis rendu par le Conseil de la concurrence (29) le 18 juin 2008 (30).

Sollicité par la Fédération de la formation professionnelle (FPP) qui s’interrogeait notamment sur la justification du financement public de l’AFPA et sur son positionnement avantageux sur le marché de la formation professionnelle, le Conseil de la Concurrence a en effet considéré en 2008 que l’AFPA exerçait une activité économique et répondait a priori à la qualification « d’entreprise » au sens du droit européen. Dès lors, l’AFPA a dû logiquement se soumettre aux règles de la concurrence définies au livre IV du code du commerce.

L’assujettissement de l’AFPA − ou de tout autre prestataire de services de formation professionnelle − aux règles européennes et nationales de la concurrence n’exclut pas toutefois la possibilité de lui déléguer certaines prérogatives de puissance publique de nature non économique, dont l’exercice n’est alors pas soumis aux règles de concurrence. De ce fait, les activités exercées par l’AFPA au titre de sa mission de service public, telles que l’élaboration de titres professionnels d’État, leur délivrance et le contrôle des organismes y préparant, n’ont donc pas été directement remises en cause par l’ouverture à la concurrence du marché de la formation professionnelle.

Mais le respect de l’avis du Conseil de la Concurrence a tout de même eu deux répercussions importantes pour l’AFPA : d’une part, une diminution progressive des financements attribués par le biais d’une subvention de l’État, et d’autre part, la mise en œuvre par les conseils régionaux de nombreux marchés publics.

La combinaison de l’ouverture à la concurrence de la formation professionnelle et du transfert de compétences aux régions ont en effet progressivement incité ces dernières à adopter une politique de formation diversifiée, et à choisir leurs organismes de formation via la passation de marchés publics. À compter de 2009, l’AFPA a donc été beaucoup plus fréquemment qu’autrefois mise en concurrence avec d’autres opérateurs : selon les informations transmises au rapporteur par son président, M. Yves Barou, l’AFPA a perdu près de 25 % de parts de marché suite à l’ouverture à la concurrence.

c.  La réforme du service public de l’emploi

La dernière réforme ayant affecté l’organisation de la formation professionnelle est celle du service public de l’emploi. Par la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, le Gouvernement a décidé de transférer à Pôle emploi l’activité d’orientation professionnelle des demandeurs d’emploi vers la formation, assurée jusque-là par les personnels de l’AFPA.

Ce transfert, devenu effectif depuis le 1er avril 2009, s’est également accompagné d’une diminution de la subvention de l’État à l’AFPA.

2.  La réorganisation à marche forcée de l’AFPA

La réorganisation du marché de la formation professionnelle qui a résulté des réformes précédemment présentées a substantiellement affecté l’équilibre financier et le cadre juridique de l’AFPA.

Alors qu’elle était jusqu’en 2009 placée directement sous la tutelle de l’État, pour le compte duquel elle était chargée de mettre en œuvre, au titre de sa mission de service public de l’emploi, les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle décidées par les pouvoirs publics, l’association est devenue, suite à son assujettissement aux règles de la concurrence, un acteur parmi d’autres sur le marché de la formation professionnelle. Ne répondant plus au critère du financement majoritaire par l’État, l’AFPA a perdu son statut d’opérateur de l’État (31) au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

L’AFPA a toutefois continué de bénéficier d’une subvention de l’État dans le cadre d’un programme annuel d’activités de service public (PASP) afin d’assurer, d’une part, la mise en œuvre de la politique du titre et de l’accès à la certification, et d’autre part, en qualité de prestataire des marchés de formation des publics spécifiques, pour lesquels l’association a été retenue à l’issue de procédures d’appels d’offres conduites respectivement en 2009 et 2012. Cette subvention s’élève à environ 85 millions d’euros en 2015.

II. PRÉCISER DANS LA LOI LES MISSIONS ASSURÉES PAR L’AFPA AU TITRE DU SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI

L’environnement juridique et financier de l’AFPA profondément réformé ces dernières années a contraint l’association à repenser l’ensemble de sa gouvernance, de son équilibre financier et de ses activités.

En vertu de l’article L. 5311-2 du code du travail, l’AFPA continue toutefois d’exercer une mission de service public de l’emploi, au même titre que les services de l’État chargés de l’emploi et de l’égalité professionnelle et de Pôle emploi. Mais contrairement à ces acteurs, les contours de la mission de service public de l’AFPA ne sont pas définis au sein du titre premier du livre III de la cinquième partie du code du travail, dont les quatre chapitres sont respectivement relatifs :

− aux missions et composantes du service public de l’emploi (chapitre I) ;

− aux missions, à la composition et à l’organisation de Pôle emploi (chapitre II) ;

− aux missions des maisons de l’emploi (chapitre III) ;

− et aux missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes (chapitre IV).

Le service public de l’emploi

Selon les critères donnés par le Conseil d’État dans l’arrêt Narcy du 28 juin 1963, le service public peut être défini comme une activité ou une mission d’intérêt général, conduite au moyen de prérogatives de puissance publique, par une personne publique ou sous son contrôle.

Le service public de l’emploi est plus précisément défini au titre premier du livre III de la cinquième partie du code du travail. En vertu de l’article L. 5311-1 du code du travail, le service public de l’emploi a ainsi pour mission « l’accueil, l’orientation, la formation et l’insertion ; il comprend le placement, le versement d’un revenu de placement, l’accompagnement des demandeurs d’emploi et l’aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés ».

Il est assuré respectivement par les services de l’État chargés de l’emploi et de l’égalité professionnelle, par Pôle emploi ainsi que par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Peuvent également y participer les collectivités territoriales et leurs groupements, les organismes publics ou privés assurant la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, les entreprises et associations d’insertion et les entreprises de travail temporaire. En outre, des maisons de l’emploi, définies à l’article L. 5313-1 du même code, ont été créées afin de coordonner, aux côtés de Pôle emploi, l’ensemble des acteurs concourant au service public de l’emploi.

Cette absence d’institutionnalisation des missions de service public de l’AFPA, conjuguée à la refondation de l’association en cours, a largement contribué, comme l’a rappelé son président M. Yves Barou, à fragiliser le positionnement de l’AFPA sur le marché de la formation professionnelle.

Or, contrairement aux opérateurs privés non soumis aux contraintes du service public de l’emploi, l’AFPA assure au titre de cette mission un service de formation professionnelle sur l’ensemble du territoire, et accueille l’ensemble des publics éloignés de l’emploi, sans distinction d’âge, de profil ou de trajectoire professionnelle. C’est cette mission historique de l’AFPA que le projet de loi entend conforter.

Afin de préciser la teneur des missions de service public de l’AFPA, le présent article crée un nouveau chapitre V au sein du livre III du titre Ier de la cinquième partie du code du travail, dont l’unique article L. 5315-1 précise les deux types de missions d’intérêt général exercées par l’AFPA. Il s’agit :

− d’une part, de la participation de l’AFPA à la formation et à l’insertion professionnelle « des personnes les plus éloignées de l’emploi » ;

Les « personnes les plus éloignées de l’emploi » ne font l’objet d’aucune définition dans le code du travail, mais cette mission implique, selon les informations transmises au rapporteur, l’accueil de tous les publics, sans sélection à l’entrée : à titre d’illustration, l’AFPA dispense des formations qualifiantes pour les demandeurs d’emploi de longue durée ainsi que pour des publics spécifiques tels que les détenus ou les personnes en situation de handicap ;

− d’autre part, de la participation à la politique de certification des titres professionnels. Ces titres s’adressent en priorité aux personnes sorties du système scolaire sans diplôme. Ils permettent d’attester que leurs titulaires maîtrisent les compétences, aptitudes et connaissances nécessaires à l’exercice d’activités professionnelles qualifiées.

L’AFPA participe historiquement à la conception et à l’ingénierie de ces titres ainsi qu’à l’accès à la certification, en soutien au ministère en charge du travail et de l’emploi.

Selon son président, la reconnaissance des missions de service public de l’emploi de l’AFPA était un préalable indispensable à la démarche de refondation de l’association. Le rapporteur considère à ce titre que l’article 22 du projet de loi permettra de sécuriser les activités de l’AFPA et de renforcer l’association, qui se trouve dans une situation financière délicate depuis les récentes réformes de la formation professionnelle.

*

Lors de l’examen du projet de loi, la Commission a adopté deux amendements à l’article 22.

L’amendement AS 470, présenté par Mme Sandrine Mazetier au nom de la délégation aux droits des femmes, dispose que l’AFPA doit contribuer à l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers.

L’amendement AS 433, présenté par le Gouvernement, prévoit d’habiliter ce dernier à légiférer par ordonnance pour procéder à la création d’un établissement public et commercial (EPIC) visant à exercer les missions de l’AFPA, pour définir les conditions de dévolution à cet établissement d’actifs immobiliers de l’État, et pour préciser les conditions de transfert des biens, droits et obligations de l’AFPA vers ce nouvel établissement.

*

La Commission examine l’amendement AS470 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 22 du projet de loi vise à définir la mission attendue de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) au titre de sa participation au service public de l’emploi. Il précise ainsi que l’AFPA « participe à la formation des personnes les plus éloignées de l’emploi et contribue à leur insertion professionnelle ». L’amendement AS470 propose que l’AFPA se voie également confier la mission de contribuer à l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers.

Il nous semble en effet intéressant que, pour favoriser la réinsertion des personnes les plus éloignées de l’emploi, on propose éventuellement à des hommes ne trouvant pas de travail d’évoluer vers des métiers traditionnellement attribués à des femmes et, à l’inverse, à des femmes éloignées de l’emploi d’évoluer vers des métiers traditionnellement attribués à des hommes, ce qui contribuera à lutter contre les stéréotypes.

Je rappelle qu’à l’heure actuelle, les femmes restent concentrées sur un tout petit nombre de familles de métiers. L’AFPA pourrait aider à mettre fin à cette situation en œuvrant à la promotion de la mixité des métiers.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme Chaynesse Khirouni. Dans la mesure où les personnes auxquelles s’adresse l’AFPA constituent un public peu ou pas qualifié souhaitant accéder à une formation reconnue, je me demande s’il n’est pas nécessaire de préciser que l’AFPA a également pour mission de participer à la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi. Je souhaitais déposer en séance un amendement modifiant l’article 22 en ce sens.

M. le rapporteur. Un amendement du Gouvernement viendra détailler les missions de l’AFPA. Je vous suggère donc de vérifier que la précision que vous souhaitez apporter ne figure pas dans cet amendement avant de déposer le vôtre.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS414 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. L’amendement AS414 a trait à une question dont nous avons largement débattu dans le cadre de la loi sur la formation professionnelle : les investissements immobiliers. Nous l’avons déposé quelques jours avant que le Gouvernement n’apporte des réponses sur ce point – peut-être plus adaptées que celles contenues dans notre amendement.

M. le rapporteur. Les annonces du Gouvernement auxquelles vous venez de faire allusion vont être exposées par M. le ministre dans le cadre de sa présentation de l’amendement AS433. Je vous suggère de retirer votre amendement.

L’amendement AS414 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS433 du Gouvernement.

M. le ministre. J’ai récemment pris au nom du Gouvernement un certain nombre d’engagements devant le conseil d’administration de l’AFPA, confortant le rôle de cette association, et je me félicite que vous ayez validé l’amendement présenté par la rapporteure pour la délégation aux droits des femmes, visant à ce que l’AFPA se voit confier la mission de promouvoir la mixité des métiers.

L’amendement AS433 vise à habiliter le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, concernant les mesures relevant du domaine de la loi pour procéder à la création d’un établissement public industriel et commercial (EPIC) visant à exercer les missions actuellement assurées par l’AFPA, à définir les conditions de dévolution d’actifs immobiliers de l’État à cet établissement, et à préciser les conditions du transfert des biens, droits et obligations de l’AFPA à ce nouvel établissement.

Cette proposition a recueilli l’assentiment unanime des membres du conseil d’administration de l’AFPA, qui y voient un engagement très fort du Gouvernement. On peut en effet considérer qu’il a ainsi sauvé l’AFPA, qui se trouvait en voie de disparition en juin 2012. L’évolution de son statut marque l’engagement du Gouvernement à pérenniser l’AFPA, considérée comme un acteur majeur de la formation professionnelle et de l’insertion des demandeurs d’emploi et des salariés.

La transformation de l’AFPA en établissement public industriel et commercial permettra de régler durablement la question du rattachement du patrimoine immobilier et de conforter les missions de service public de l’AFPA. Une stricte séparation sera organisée entre les activités de service public et les activités concurrentielles. L’AFPA devra poursuivre ses efforts de transformation afin de tendre vers la meilleure compétitivité possible.

M. le rapporteur. Le devenir de l’AFPA suscitait beaucoup d’interrogations, et une très grande attente s’était créée sur deux points essentiels : d’une part le nouveau statut dont il convenait de doter l’association, d’autre part la question de l’immobilier. L’amendement AS433 constituant une véritable avancée sur ces points, ainsi que sur d’autres, je ne peux qu’émettre un avis très favorable.

M. Gilles Lurton. Je suis également très favorable à l’amendement AS433, d’une part parce qu’il fait évoluer le statut du patrimoine immobilier de l’AFPA, qui posait problème depuis de nombreuses années, d’autre part parce qu’il permet de remédier à la situation de fragilité dans laquelle se trouve l’AFPA depuis que celle-ci a changé de méthodes de travail : elle répond désormais à des appels d’offres, souvent passés par les conseils régionaux, sur les formations, et il arrive donc que, face à la concurrence d’autres organismes, elle perde certaines formations dans lesquelles elle était spécialisée, et pour lesquelles elle disposait parfois d’un matériel très coûteux, ainsi que de personnels extrêmement qualifiés, qui peuvent se trouver sans activité du jour au lendemain, faute d’être transférables sur une autre formation. C’est le cas dans ma circonscription de Saint-Malo, où nous avons une AFPA extrêmement performante, dotée d’ateliers très bien équipés et de formateurs hautement qualifiés : ayant déjà perdu plusieurs formations à la suite d’appels d’offres, elle se trouve aujourd’hui en grande difficulté.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment votre amendement permettra à l’AFPA de retrouver des marges de manœuvre en matière de formation, et quels organismes vont lui confier le soin de dispenser des formations ?

M. le ministre. Notre amendement traite de tout ce qui relève des missions de service public de l’AFPA. Ainsi, la formation des demandeurs d’emploi va se trouver confortée avec la mise en place du compte personnel de formation, qui s’adresse désormais à ce public. Par ailleurs, l’État peut confier à l’AFPA des missions de service public spécifiques, notamment sur des formations très qualifiées, où la concurrence ne joue pas.

Dans le secteur concurrentiel, l’AFPA aura vocation à participer aux appels d’offres et à remporter des marchés de formation. Les deux activités seront clairement séparées, pour éviter que la dévolution des biens immobiliers que l’État fait à l’établissement public industriel et commercial ne soit jugée comme étant de nature à fausser la concurrence.

Je rappelle que nous avons déjà renfloué l’AFPA de 200 millions d’euros, et qu’il reste encore 40 millions d’euros à apporter pour consolider ses finances.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

*

Article 22 bis (nouveau)
(art. 17 de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi
et à la démocratie sociale)

Habilitation des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage
au niveau national

La Commission des affaires sociales a adopté deux amendements identiques AS49 de M. Gérard Cherpion et AS343 de M. Jean-Patrick Gille portant création d’un article additionnel après l’article 22. L’article 22 bis nouveau prévoit de reculer de trois années l’échéance des nouvelles habilitations des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA) au niveau national.

La loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a en effet entrepris de réformer les modalités de collecte de la taxe d’apprentissage :

− au niveau régional, la loi a confié la collecte à un seul collecteur interconsulaire régional unique ;

− au niveau national, elle a prévu que seuls les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) soient dotés d’une habilitation à collecter la taxe d’apprentissage. Le renouvellement de l’habilitation, qui a vocation à faire disparaître les anciens OCTA nationaux, doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2015.

À ce jour, il n’existe plus qu’un seul OCTA au niveau national : les Compagnons du Devoir. Cet OCTA ne remplirait plus les conditions de l’habilitation au 31 décembre 2015 et a donc vocation à disparaître. Or, à cette échéance, les centres de formation d’apprentis (CFA) gérés par les Compagnons du devoir risqueraient de voir leur financement non assuré.

Pour éviter cet effet non anticipé par la loi du 5 mars 2014, l’article 22 bis propose, à titre exceptionnel, de laisser un délai supplémentaire de trois ans avant la nouvelle habilitation afin que le dernier OCTA national puisse adapter ses modalités de financement et de gestion aux exigences nées de la réforme de la collecte de la taxe d’apprentissage.

*

La Commission examine les amendements identiques AS49 de M. Gérard Cherpion et AS343 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Gérard Cherpion. À la suite de la réforme des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA), les centres de formation des Compagnons du devoir voient leurs ressources non assurées. L’amendement AS49 a pour objet de permettre aux Compagnons du devoir de pratiquer une péréquation afin d’équilibrer l’ensemble de leurs centres de formation des apprentis (CFA) sur le territoire national jusqu’au 31 décembre 2018. Cette disposition leur permettra d’accueillir 1 000 apprentis supplémentaires chaque année, dès la rentrée de septembre.

La disposition proposée, qui a vocation à s’appliquer aux OCTA dont le champ d’intervention correspond à un centre de formation des apprentis national et un organisme gestionnaire national, favorisera le développement de l’apprentissage dans notre pays.

Mme Joëlle Huillier. L’amendement AS343 est identique. Rappelons que ces amendements ne créent aucune charge supplémentaire : ils visent essentiellement à ce que la réforme des OCTA n’ait pas pour conséquence de placer les CFA des Compagnons du devoir dans l’incapacité d’accueillir de nombreux apprentis, voire dans l’obligation de fermer des centres ou de renoncer à des projets, comme c’est le cas dans ma circonscription. Dans la mesure où chacun s’accorde à reconnaître la nécessité de développer l’apprentissage en France, il paraît nécessaire d’accorder aux Compagnons du devoir, à titre exceptionnel, un délai supplémentaire qui leur permettra de faire face aux exigences de la réforme des OCTA.

M. le rapporteur. Avis très favorable.

M. le ministre. Je suis en contact permanent avec le président de l’Association ouvrière des compagnons du devoir et je me félicite que ces amendements aient été déposés. Peu importent les raisons pour lesquelles les Compagnons du devoir se trouvent en difficulté : en leur accordant – à eux seuls et à titre exceptionnel – la possibilité de pratiquer une péréquation durant encore trois ans, nous allons leur permettre de franchir la difficulté financière à laquelle ils sont confrontés, ce qui ne les dispense évidemment pas d’assainir leurs finances de manière plus durable.

Mme Joëlle Huillier. Nous sommes bien d’accord.

La Commission adopte à l’unanimité les amendements identiques AS49 et AS343.

*

Article 23
(art. L. 6325-1-1 du code du travail)

Contrat de professionnalisation « nouvelle chance »

Dans le cadre du plan gouvernemental contre le chômage de longue durée, cet article propose la création d’un contrat de professionnalisation « Nouvelle chance » qui vise à élargir l’accès au contrat de professionnalisation adapté aux demandeurs d’emploi de longue durée afin de favoriser leur réinsertion professionnelle.

I. LE CONTRAT DE PROFESSIONNALISATION : UN OUTIL À DESTINATION DE PUBLICS FRAGILES

1.  Les caractéristiques du contrat de professionnalisation

Institué par l’accord national interprofessionnel (ANI) de décembre 2003 et transposé par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le contrat de professionnalisation vise à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes peu qualifiés ou la réinsertion professionnelle des demandeurs d’emploi, grâce à une formation en alternance et à l’acquisition d’une qualification (32).

Cet outil, distinct de l’apprentissage, permet aux branches professionnelles qui pilotent sa mise en œuvre de mieux répondre aux besoins des entreprises en main d’œuvre qualifiée, grâce à la personnalisation des parcours de formation en fonction des connaissances et des expériences des bénéficiaires.

Le contrat de professionnalisation s’adresse à trois types de publics, dont la liste figure aux 1° à 3° de l’article L. 6325-1 du code du travail (33). Il s’agit :

− des jeunes de 16 à 25 ans révolus, afin de compléter leur formation initiale (1°) ;

− des demandeurs d’emploi de 26 ans et plus inscrits à Pôle Emploi (2°) ;

− des bénéficiaires de certains minima sociaux − le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou l’allocation aux adultes handicapés (AAH) − ou des personnes ayant bénéficié d’un contrat unique d’insertion (CUI) (3°).

Le contrat de professionnalisation peut prendre la forme d’un contrat à durée déterminée (CDD) d’une durée comprise entre six et douze mois et renouvelable une fois, ou d’un contrat à durée indéterminée (CDI). Dans ce dernier cas, l’action de professionnalisation, d’une durée comprise entre six et douze mois, se situe au début du contrat.

La durée des actions d’évaluation, d’accompagnement et des enseignements généraux, professionnels ou technologiques doit être comprise entre 15 et 25 % de la durée totale du contrat de professionnalisation à durée déterminée, ou de l’action de professionnalisation s’il s’agit d’un CDI. En tout état de cause, en vertu de l’article L. 6325-13 du code du travail, cette durée ne peut être inférieure à 150 heures.

Enfin, les employeurs qui souhaitent embaucher des jeunes ou demandeurs d’emploi par le biais de contrats de professionnalisation peuvent bénéficier, sous conditions, d’aides à l’embauche ou d’incitations financières.

Les incitations financières au contrat de professionnalisation

− Les contrats de professionnalisation conclus par tout employeur avec des demandeurs d’emploi de plus de 45 ans sont exonérés de cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exclusion des cotisations d’accident du travail et de maladie professionnelle (ATMP), dans la limite du produit du SMIC par le nombre d’heures rémunérées, sans plafond de rémunération.

− Les contrats de professionnalisation conclus par des groupements d’employeurs (GEIQ) organisant des parcours d’insertion et de qualification après le 31 décembre 2007 avec des jeunes de moins de 26 ans ou des demandeurs d’emploi de plus de 45 ans sont exonérés de cotisations patronales et sociales, y compris de cotisation ATMP, dans la limite d’un SMIC.

2.  La mise en place d’un contrat de professionnalisation adapté à destination des publics les plus éloignés de l’emploi

Le contrat de professionnalisation était initialement destiné aux jeunes de 16 à 25 ans et aux demandeurs d’emploi de plus de 26 ans. Mais le législateur a par la suite souhaité redynamiser ce contrat en le ciblant notamment sur les publics les plus éloignés de l’emploi. La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a donc instauré un régime dérogatoire du contrat de professionnalisation à destination des publics les plus éloignés de l’emploi.

Selon l’article L. 6325-1-1 du code du travail, sont éligibles aux modalités adaptées du contrat de professionnalisation : les jeunes de 16 à 25 ans n’ayant pas validé un second cycle de l’enseignement secondaire et non titulaires d’un diplôme de l’enseignement technologique ou professionnel ainsi que les bénéficiaires de minima sociaux mentionnés au 3° de l’article L. 6325-1.

Pour ces publics prioritaires, certaines caractéristiques du contrat de professionnalisation peuvent être adaptées : ce dispositif permet notamment d’allonger la durée des actions de professionnalisation ; il permet par ailleurs une meilleure prise en charge des actions de financement et d’accompagnement par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

3.  La nécessité de développer le contrat de professionnalisation à destination des demandeurs d’emploi de longue durée

Le contrat de professionnalisation est un instrument qui a fait ses preuves en matière d’insertion professionnelle : en offrant à des jeunes ou à des demandeurs d’emploi une formation qualifiante adaptée aux besoins en compétences du marché du travail, il favorise leur insertion professionnelle et leur maintien dans l’emploi. Selon l’étude d’impact, le taux d’insertion professionnelle six mois après la fin du contrat de professionnalisation s’élevait en moyenne en 2013 à 57,2 % pour les jeunes de moins de 26 ans, à 67,4 % pour les adultes de 26 à 45 ans et à 59,6 % pour les adultes âgés de plus de 45 ans.

En dépit de ces bons résultats en matière d’insertion ou de réinsertion professionnelle, les embauches en contrat de professionnalisation tendent à diminuer depuis plusieurs années : en 2013, 164 000 contrats ont été conclus, soit une diminution de 2 % par rapport à l’année 2012. Sur la même période, les embauches de jeunes de 16 à 25 ans, qui représentent près de 80 % des embauches en contrat de professionnalisation, ont diminué de 4 % ; cette baisse a toutefois été partiellement compensée par l’augmentation de 7 % des contrats conclus avec des personnes âgées de 26 ans et plus.

Par ailleurs, le contrat de professionnalisation attire encore insuffisamment certains publics éloignés de l’emploi : les demandeurs d’emploi ou les personnes en reprise d’activité ne représentent ainsi qu’un tiers des bénéficiaires de contrat de professionnalisation (34 %). Il convient à cet égard de souligner que les demandeurs d’emploi de longue durée peu qualifiés et âgés de 26 ans et plus n’ont pas accès au contrat de professionnalisation adapté dont peuvent disposer les jeunes non qualifiés ou les bénéficiaires de certains minima sociaux. Pourtant, une partie des demandeurs d’emploi de longue durée dispose d’un socle de compétences fragile, qui nécessiterait d’être renforcé grâce à une durée de formation plus longue et adaptée à leurs besoins spécifiques de qualification.

Cet état de fait est d’autant plus préjudiciable que la situation des demandeurs d’emploi en France demeure très préoccupante. À la fin du premier trimestre 2014, le chômage au sens du BIT (34) s’élevait, à 10,1 % de la population active. Parmi ces chômeurs, le nombre de demandeurs d’emploi s’éloignant durablement du marché du travail est considérable puisqu’en mai 2014, plus de 42 % des demandeurs d’emploi étaient inscrits depuis plus d’un an à Pôle emploi.

Pour remédier à cette situation et mettre en place les conditions d’un retour durable dans l’emploi pour les demandeurs d’emploi, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, M. François Rebsamen, a annoncé le 9 février 2015, la mise en place à court terme d’un plan de lutte contre le chômage de longue durée. Il a annoncé à cette occasion la volonté du Gouvernement d’ouvrir l’accès du contrat de professionnalisation adapté aux demandeurs d’emploi de longue durée, par la création d’une nouvelle catégorie de contrat de professionnalisation intitulée contrat « Nouvelle chance ».

Le plan du Gouvernement contre le chômage de longue durée

Le plan d’action du Gouvernement présenté le 9 février 2015 par M. François Rebsamen propose une vingtaine de mesures visant à lutter contre le chômage de longue durée.

Le plan comprend notamment la mise en place d’un droit à une formation qualifiante gratuite, à destination de tous les demandeurs d’emploi. Ce droit doit permettre à tout demandeur d’emploi qui en ferait la demande de bénéficier d’une formation éligible au compte personnel de formation (CPF).

En parallèle de l’ouverture du contrat de professionnalisation adapté aux demandeurs de longue durée, annoncée dans le cadre du plan et nécessitant une évolution législative présentée dans le présent article, le plan prévoit également la création d’un contrat de professionnalisation dit « Nouvelle carrière ». Ce dernier, destiné spécifiquement aux demandeurs d’emploi âgés de cinquante ans ou plus, comprend une action individualisée de formation d’une durée de 150 heures.

Le plan propose aussi la création d’une « prestation spécifique de suivi dans l’emploi » permettant de prolonger la prestation d’accompagnement vers l’emploi. Cette prestation, financée à hauteur de quatre millions d’euros par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), devrait bénéficier à huit mille personnes dès 2015.

II. L’EXTENSION DE L’ACCÈS AU CONTRAT DE PROFESSIONNALISATION ADAPTÉ AUX DEMANDEURS D’EMPLOI DE LONGUE DURÉE

Dans le cadre du plan de lutte contre le chômage de longue durée, cet article vise donc à étendre l’accès au contrat de professionnalisation adapté aux demandeurs d’emploi de longue durée.

L’article propose, dans un unique alinéa, de compléter la liste des publics bénéficiaires du contrat de professionnalisation adapté mentionnée à l’article L. 6325-1-1 du code du travail pour y mentionner expressément les demandeurs d’emploi de longue durée. Selon les informations transmises au rapporteur, l’ensemble des demandeurs d’emploi de longue durée pourront bénéficier du dispositif. Cependant, l’extension de la période de formation bénéficiera plus naturellement aux demandeurs d’emploi n’ayant pas la maîtrise des connaissances et compétences professionnelles de base.

Ainsi, au même titre que les jeunes de moins de 26 ans non titulaires d’un diplôme équivalant au baccalauréat et que les bénéficiaires de minima sociaux mentionnés au 3° de l’article L. 6325-1 du même code, les demandeurs d’emploi âgés de seize ans inscrits depuis plus d’un an sur la liste des demandeurs d’emploi définie à l’article L. 5411-1 du même code et ne disposant pas des prérequis de base pourront bénéficier du contrat de professionnalisation dans les conditions dérogatoires présentées ci-après.

Une durée de formation allongée

En application de l’article L. 6325-11 du code du travail, la durée minimale de la période de professionnalisation, habituellement comprise entre six et douze mois, pourra être prolongée jusqu’à vingt-quatre mois pour les demandeurs d’emploi de longue durée. En outre, si un accord de branche en décide ainsi, la durée des actions de professionnalisation pourra être portée au-delà de 25 % de la durée totale du contrat, selon le premier alinéa de l’article L. 6325-14 du même code.

Pour tirer parti de cette durée dérogatoire et l’adapter au mieux aux besoins de qualification spécifiques des demandeurs d’emploi de longue durée, l’étude d’impact attachée au projet de loi précise que le parcours de formation pourra être décomposé en deux phases :

− dans un premier temps, une phase de formation permettant l’accès à la qualification et basée sur un socle de connaissances et de compétences ;

− dans un second temps, une phase de formation qualifiante.

Le dispositif proposé permettrait dès lors aux demandeurs d’emploi de longue durée de disposer de davantage de temps pour acquérir une qualification répondant aux compétences recherchées dans le monde du travail.

Une meilleure prise en charge du financement des actions de formation par les OPCA

Par ailleurs, afin d’encourager les employeurs à embaucher des demandeurs d’emploi de longue durée par le biais d’un contrat de professionnalisation, l’article L. 6332-14 du même code favorise une prise en charge plus importante des actions d’évaluation, d’accompagnement et de formation des salariés en contrat de professionnalisation par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour les personnes mentionnées à l’article L. 6325-1-1 du code du travail.

L’extension du contrat de professionnalisation adapté aux demandeurs d’emploi de longue durée permettra également l’amélioration de la prise en charge des frais de tutorat par les OPCA. Ces organismes peuvent en effet prendre en charge les dépenses liées à l’exercice du tutorat dans la limite d’un plafond mensuel fixé par voie réglementaire. Pour les tuteurs de contrats de professionnalisation conclus avec les publics prioritaires mentionnés à l’article L. 6325-1-1, ce plafond est majoré de 50 %.

L’étude d’impact estime que l’extension des dérogations du contrat de professionnalisation aux demandeurs d’emploi de longue durée n’aura pas d’impact économique et financier notable.

Les seules incidences financières potentielles évoquées sont indirectes et concernent les exonérations et allégements de charges dont bénéficient les employeurs ou groupement d’employeurs lorsqu’ils recrutent certains publics en contrat de professionnalisation. Aucune estimation du coût de cet effet indirect n’est toutefois donnée.

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La Commission a adopté cet article moyennant un amendement de conséquence du rapporteur.

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La Commission adopte l’amendement de conséquence AS336 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

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Après l’article 23

La Commission est saisie de l’amendement AS203 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’amendement AS203 vise à encadrer les primes supra-légales, qui posent certaines difficultés. Au lieu d’aider les personnes à revenir vers l’emploi, ces primes procurent parfois une fausse impression de sécurité sans les accompagner vers l’emploi. Je préfère que l’on donne plus d’argent aux dispositifs favorisant vraiment le retour à l’emploi.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il me semble que la prime supra-légale constitue une bien maigre contrepartie pour une personne ayant perdu son emploi ; prétendre améliorer l’incitation au retour à l’emploi en encadrant la prime supra-légale me paraît, disons-le, procéder d’une approche plutôt cynique de la situation des demandeurs d’emploi. Par ailleurs, l’encadrement des primes supra-légales ne relève pas d’une loi sociale, mais d’une loi budgétaire, dès lors qu’il apporte une modification du code général des impôts.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 23 bis (nouveau)
(art. L. 5134-25-1, L. 5134-69-1 et L. 5134-70-1 du code du travail)

Contrats aidés seniors

Cet article additionnel a été introduit par un amendement AS431 du Gouvernement. Il propose :

− pour les salariés âgés de cinquante-huit ans ou plus rencontrant des difficultés d’insertion professionnelles particulières, d’élargir les possibilités de renouvellement de contrats aidés ;

− pour les personnes de plus de soixante ans n’ayant pu constituer de droits complets à la retraite, d’élargir les possibilités de bénéficier de contrats aidés à temps partiel.

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La Commission est saisie de l’amendement AS431 du Gouvernement.

M. le ministre. Cet amendement illustre la volonté du Gouvernement de lutter contre le chômage des seniors. Depuis 2012, une action déterminée a été entreprise en direction des seniors et des chômeurs de longue durée, qui sont les personnes les plus éloignées du marché du travail et les plus fragiles. L’effort de ciblage des contrats aidés sur le public des seniors porte ses fruits. Malheureusement, il se heurte parfois à des situations complexes, quelquefois absurdes, auxquelles peuvent se trouver confrontées certaines personnes, en situation de chômage à quelques mois de l’âge de la retraite en raison de la durée maximale des contrats aidés. Or, en raison de leur âge, ces personnes ne retrouveront pas d’emploi – je ne parle pas de la suppression de la dispense de recherche d’emploi, qui constitue un autre sujet.

Dans le prolongement des engagements pris contre le chômage de longue durée, cet amendement a pour objet de lever les obstacles restreignant l’accès aux contrats aidés pour les seniors en difficulté d’insertion professionnelle, afin de sécuriser leur fin de parcours professionnel durant les quelques mois précédant leur retraite.

L’amendement permet tout d’abord d’élargir les possibilités de renouvellement de contrats aidés pour les personnes de plus de cinquante-huit ans rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle particulières, pour éviter à ces personnes de se retrouver peu avant leur retraite en situation de chômage du seul fait de leur non-éligibilité administrative au dispositif. Cette mesure harmonise les possibilités de prolongation des contrats aidés avec les contrats en insertion par l’activité économique. Il s’agit là de permettre à des personnes de plus de soixante ans n’ayant pu constituer leurs droits complets à la retraite de reprendre un emploi. À cet effet, l’amendement présenté élargit les possibilités de bénéficier de contrats aidés à temps partiel pour ces seniors. L’amendement AS431 étend aux contrats initiative-emploi, en faveur des personnes de plus de soixante ans éligibles à un dispositif d’intéressement à la reprise d’activité des bénéficiaires des allocations du régime de solidarité, la faculté de déroger à la durée hebdomadaire minimale qui existe dans le secteur non marchand.

M. le rapporteur. Cet amendement vise d’une part à lever les obstacles au renouvellement des contrats aidés pour les seniors rencontrant des difficultés particulières d’insertion, d’autre part à permettre aux personnes de plus de soixante ans de conclure un contrat aidé pour se constituer des droits complets à retraite. J’y suis très favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 23 ter (nouveau)
(art. L. 322-15, L. 322-35 et L. 322-38 du code du travail applicable à Mayotte)

Adaptation des modalités applicables aux contrats aidés seniors à Mayotte

L’article 23 ter, introduit par l’amendement AS 480 du Gouvernement, prévoit les modalités d’adaptation de l’extension des contrats aidés seniors à Mayotte.

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La Commission examine l’amendement AS480 du Gouvernement.

M. le ministre. Cet amendement a le même objet que le précédent, mais concerne spécifiquement Mayotte.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Après l’article 23 ter

La Commission examine ensuite l’amendement AS202 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’amendement AS202, qui est un amendement-miroir à la protection défensive prévue par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, prévoit la possibilité pour les entreprises de conclure des conventions de coopération permettant d’aménager la durée du travail dans un sens offensif.

M. le rapporteur. Avis très défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS218 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’amendement AS218, qui reprend des dispositions existant déjà pour les apprentis, vise à faciliter les possibilités d’accueil de personnes – jeunes ou demandeurs d’emploi – en contrat de professionnalisation dans plusieurs entreprises.

M. le rapporteur. Si cet amendement me paraît constituer une bonne idée – d’ailleurs déjà mise en œuvre pour les activités saisonnières –, il présente certains problèmes de rédaction. Je vous suggère donc de le retirer afin de le reformuler et de le présenter à nouveau en séance.

M. le ministre. Je suis du même avis que le rapporteur.

L’amendement AS218 est retiré.

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Article 23 quater (nouveau)
Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance
des mesures relatives à la collecte de la participation des employeurs
à l’effort de construction (PEEC)

La Commission des affaires sociales a adopté, avec un avis de sagesse du rapporteur, l’amendement AS 471 du Gouvernement portant article additionnel après l’article 23.

L’article 23 quater nouveau propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant de simplifier et de rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et la distribution des emplois de cette participation.

L’habilitation autorise le Gouvernement à :

– créer un organisme paritaire chargé de définir les orientations générales du dispositif d’ensemble, de piloter et de contrôler les structures qui le composent ;

– créer deux organismes, l’un chargé de collecter la PEEC et de distribuer les emplois de la participation ; l’autre chargé de recueillir l’ensemble des titres détenus par les organismes collecteurs associés de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) émis par des sociétés immobilières ;

– définir la forme juridique, la gouvernance, les missions, les modes de financement et le régime fiscal des trois organismes devant être constitués selon les modalités présentées ci-dessus ;

– préciser les dispositions nécessaires à la transmission, au transfert ou à la cession aux trois organismes précités des droits et obligations, de la situation active et passive et des biens immeubles et meubles corporels ou incorporels de toute nature appartenant à l’UESL ou à ses organismes collecteurs associés ;

– adapter les dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives aux missions de contrôle, d’évaluation et d’étude de l’Agence nationale de contrôle du logement social.

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La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS471 du Gouvernement.

M. le ministre. L’amendement AS471 est important et très attendu. Comme chacun le sait, les difficultés de logement auxquels les salariés peuvent être confrontés constituent un facteur de précarité et de chômage de longue durée.

Des études réalisées par le CREDOC en 2012 montrent que les difficultés du logement des salariés affectent 40 % des entreprises et que, sur cinq ans, 500 000 personnes en recherche d’emploi auraient renoncé à un poste, car l’accepter aurait occasionné une hausse de leurs dépenses en logement.

Partant de ce constat, j’ai travaillé avec la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) et le collectif ALERTE pour trouver des solutions, et j’ai proposé en février dernier un plan intitulé « Prévenir, aider, accompagner : Nouvelles solutions face au chômage de longue durée ». Ce plan prévoit, en accord avec Action Logement – anciennement 1 % Logement – l’extension du bénéfice de garantie des loyers, ayant vocation à se substituer à l’actuelle garantie des risques locatifs. Il s’adresse aux demandeurs d’emploi entrant dans un emploi, quel qu’il soit – hors contrat à durée indéterminée confirmé –, y compris les missions d’intérim et les promesses d’embauche.

Dans ce contexte, la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), gérée paritairement par Action Logement, joue un rôle déterminant. En mai 2014, les partenaires sociaux ont signé unanimement une position commune visant notamment à améliorer la lisibilité d’Action Logement et à clarifier et simplifier le processus de collecte auprès des entreprises par souci d’efficacité et de réduction des coûts, et à favoriser la réorientation du réseau de collecte vers la mise en place de politiques d’intervention priorisées et ciblées.

Il vous est ainsi proposé d’autoriser le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances toute mesure de nature législative permettant la rationalisation et la simplification de la collecte de la PEEC et de la distribution des aides et services financés au moyen de cette participation. La refonte passera également par la constitution d’un véritable groupe Action Logement, permettant de décliner territorialement les objectifs fixés dans la convention quinquennale passée avec l’État.

Il est également prévu d’adapter les dispositions relatives aux missions exercées par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) sur les différents organismes d’Action Logement. En accord avec le Gouvernement, les partenaires sociaux souhaitent mettre en place rapidement ce dispositif afin qu’il puisse être opérationnel dès le 1er janvier 2016.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à la mise en place d’une réforme importante souhaitée par les partenaires sociaux. Cela dit, je ne dispose ni de l’expertise suffisante ni, compte tenu du très bref délai dont nous avons disposé, du temps qui aurait été nécessaire pour me prononcer en toute connaissance de cause au sujet de cet amendement. Je m’en remets donc à la sagesse de notre Commission.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous avez évoqué le travail que vous avez accompli avec la FNARS et ALERTE, mais le programme Action Logement a-t-il également donné son accord sur la rédaction de cet amendement ?

M. le ministre. Certainement, il y a même participé.

La Commission adopte l’amendement.

M. Christian Hutin, président. Nous remercions M. le ministre de nous avoir accompagné durant ces deux jours et nous souhaitons la bienvenue à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui nous rejoint pour examiner la fin de ce texte.

*

TITRE IV
ENCOURAGER L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE
PAR LA CRÉATION D’UNE PRIME D’ACTIVITÉ

Article 24
(art. L. 841-1, L. 842-1 à L. 842-7, L. 843-1 à L 843-6, L. 844-1 à L. 844-5, L. 845-1, L. 845-2
et L. 846-1 du code de la sécurité sociale)

Prime d’activité

Cet article propose la création d’une prime d’activité, qui doit se substituer à la prime pour l’emploi (PPE), supprimée par la dernière loi de finances rectificative pour 2014, et au volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA).

Il s’inscrit ce faisant dans la ligne des propositions formulées par le rapporteur dans un rapport remis en juillet 2013 au Premier ministre, en qualité de parlementaire en mission et en conclusion des travaux d’un groupe composé d’une quarantaine de personnes, représentant l’ensemble des parties prenantes (bénéficiaires, monde associatif, personnalités qualifiées, universitaires, administrations) (35). Ce rapport avait été commandé dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté le 21 janvier 2013, lors de la réunion du comité interministériel de lutte contre les exclusions (36).

Le nouvel outil de soutien financier aux revenus d’activité modestes doit répondre aux critiques adressées, à juste titre et de longue date, aux deux dispositifs préexistants : tandis que la PPE était insuffisamment ciblée et donc trop peu redistributrice, le RSA activité est trop peu sollicité – par seulement un tiers de ses bénéficiaires potentiels– , en raison sans doute de sa complexité mais également de son rattachement au RSA « socle », minimum social potentiellement jugé comme stigmatisant.

La prime d’activité, qui reste calculée par foyer comme le RSA activité, et non par personne comme la PPE, est ouverte aux travailleurs dès 18 ans, alors que seuls les plus de 25 ans peuvent bénéficier du RSA.

Si le bénéfice de la prime est ouvert dès le premier euro de revenu professionnel, le « point de sortie » ne peut en revanche être défini de manière univoque, puisqu’il dépendra de la composition du foyer ; l’étude d’impact annexée au projet de loi indique par exemple que pour un célibataire sans enfant, la prime cessera d’être versée lorsque le revenu professionnel atteindra environ 1,3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).

Afin de renforcer l’incitation à l’activité au sein des foyers bénéficiaires de la prime, le projet de loi prévoit un élément d’individualisation, prenant la forme d’une bonification accordée pour chaque membre du foyer percevant des revenus professionnels (37) dépassant un certain seuil ; selon l’étude d’impact, la bonification ne serait versée qu’au titre des membres du foyer dont les revenus d’activité mensuels excèdent 0,5 SMIC, puis augmenterait linéairement jusqu’à 0,8 SMIC, restant fixe à ce niveau maximum avant d’être absorbé par la décroissance du montant de la prime.

En réponse à la complexité de détermination comme de gestion du RSA activité, le texte propose entre autres :

– de simplifier la « base ressources », c’est-à-dire les ressources du foyer prises en compte dans le calcul de la prime (l’idée sous-jacente étant que plus le champ des ressources pris en compte est large, plus l’accès à la prestation est difficile) ;

– d’adopter le principe des « droits figés », qui permet un réexamen trimestriel des droits du bénéficiaire, mais assure la stabilité du montant de la prime dans l’intervalle, même en cas d’évolution de sa situation.

Compte tenu de la contrainte qui pèse sur nos finances publiques, la réforme proposée est à budget constant : ce sont donc les sommes jusqu’ici consacrées à la PPE et au RSA activité qui financeront à l’avenir la prime d’activité, à hauteur d’environ 4 milliards d’euros. Cette enveloppe est calculée en faisant l’hypothèse d’une forte hausse du taux de recours, qui passerait de 32 % pour le RSA activité à 50 % pour la prime.

Comme cela apparaîtra dans la suite de ce commentaire, de nombreuses dispositions pourtant déterminantes pour le « calibrage » du dispositif, relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire, et non de celle du législateur. Il en va notamment ainsi de la formule de calcul de la prime d’activité, qui n’est donc pas connue avec certitude à ce jour. Le rapporteur n’a pas eu communication des projets de décret.

C’est la raison pour laquelle un développement spécifique est consacré aux éléments d’information apportés par l’étude d’impact, de manière parfois incomplète. La description du dispositif juridique proposé, qui sur bien des aspects s’inspire du droit existant s’agissant du RSA activité, ne permet pas, en effet, d’avoir une vision suffisamment claire des enjeux. En tout état de cause, il est nécessaire de commencer par rappeler brièvement la philosophie des deux dispositifs auxquels la prime d’activité doit se substituer.

I. LE DROIT EXISTANT

A.  LE SOUTIEN FINANCIER AUX REVENUS D’ACTIVITÉ MODESTES PASSE PAR DEUX CANAUX : LA PRIME POUR L’EMPLOI ET LE VOLET « ACTIVITÉ » DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE

1.  Le soutien financier aux revenus d’activité modestes a pour objet de rendre le travail attractif

● Sans prétendre réaliser une quelconque étude sociologique sur la situation du marché de l’emploi, il apparaît cependant nécessaire de rappeler brièvement dans quel contexte s’inscrivent les dispositifs de soutien financier aux travailleurs modestes.

Depuis les années 1980, le marché du travail a connu une double évolution, dont la conséquence est de rendre plus faible et moins certaine la rémunération tirée de l’activité professionnelle :

– le recul des contrats à durée indéterminée (CDI), au profit des contrats pudiquement dits « atypiques » (à durée déterminée, d’intérim). Dans son rapport en qualité de parlementaire en mission, le rapporteur constatait ainsi que « si la part des CDI s’est stabilisée à environ 75 % des contrats depuis le début des années 2000, la part des contrats atypiques dans les embauches est aujourd’hui de 80 % » (38) ;

– la progression des emplois à temps partiel, « subis pour un tiers d’entre eux » (39).

Ces évolutions expliquent l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des « travailleurs pauvres », c’est-à-dire des personnes qui, bien qu’actives, perçoivent des revenus ne dépassant pas le seuil de pauvreté monétaire. Celui-ci est en général fixé, par convention, à 60 % du revenu médian, soit 987 euros mensuels en 2012 (dernière donnée publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE) (40). Un individu est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à ce seuil ; en 2012, le taux de pauvreté monétaire dans la population était de 13,9 %. Le rapport précité indique que selon les données d’Eurostat, la proportion de travailleurs pauvres (définis comme des personnes ayant travaillé au moins sept mois dans l’année), en progression ces dernières années en France, était de 7,5 % en 2012 (contre 8,6 % dans l’Union européenne).

● L’aide financière apportée aux travailleurs percevant des revenus d’activité modestes, qui poursuit pour partie un objectif de soutien au pouvoir d’achat des ménages, a également pour objet la lutte contre ce qu’il est convenu d’appeler les « trappes à inactivité ». Il s’agit en un mot de faire en sorte que la prise ou la reprise d’une activité professionnelle présente un véritable attrait financier, en évitant notamment que les revenus d’activité soient effacés par la réduction afférente des prestations sociales, indexées sur le niveau global des ressources du bénéficiaire.

Dans un récent article (41), les sociologues Bernard Gomel et Dominique Méda analysent « la montée du paradigme de l’incitation », fondée sur « un référentiel déjà largement diffusé aux États-Unis et au Royaume-Uni : le travail est préférable à toute autre situation ; il doit "payer" ». Si la prime pour l’emploi, instaurée en 2001, s’inscrit déjà dans cette logique (cf. infra), les auteurs identifient comme un tournant la publication en 2005 du rapport de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », présidée par M. Martin Hirsch (42). Le rapport concluant les travaux de cette commission proposait notamment la mise en place d’un revenu de solidarité active, « dont le double objectif serait de rompre avec l’injustice que constitue la non rémunération du travail à sa juste valeur, d’une part, et d’inciter au retour à l’emploi, d’autre part ».

La PPE et le RSA sont les deux outils permettant, de manière imparfaite comme on le verra, d’inciter au retour à l’emploi en apportant un complément financier aux revenus des travailleurs modestes.

2.  La PPE est un crédit d’impôt instauré en 2001 pour soutenir les revenus d’activité modestes.

● L’article 3 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (43) prévoyait une « ristourne » dégressive de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), en faveur des personnes percevant un revenu d’activité inférieur à 1,4 SMIC : au final, plus les revenus étaient faibles, moins la CSG et la CRDS acquittées étaient élevées. Le Conseil constitutionnel a jugé ce mécanisme contraire au principe d’égalité devant l’impôt, car il ne tenait compte « ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d’une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci » (44).

En conséquence de cette décision, l’article unique de la loi du 30 mai 2001 (45) a créé, à l’article 200 sexies du code général des impôts, un crédit d’impôt, dénommé « prime pour l’emploi ». Cet article dispose que la PPE est « un droit à récupération fiscale », institué « afin d’inciter au retour à l’emploi ou au maintien de l’activité ». La présentation qui suit est très simplifiée, pour la rendre aussi claire que possible. Pour plus de détails, on se reportera utilement au commentaire de l’article 15 du second projet de loi de finances rectificative pour 2014 par notre collègue Valérie Rabault, rapporteure générale au nom de la Commission des finances, dont sont largement issues les informations qui suivent (46).

Le crédit d’impôt est assis sur les revenus d’activité individuels – salariés et non-salariés – perçus par les membres d’un foyer fiscal, dont le revenu fiscal de référence (RFR) est inférieur à un plafond, variable selon la situation du foyer : 16 251 euros pour les personnes seules, 32 498 euros pour un couple, avec une majoration pour chaque demi-part fiscale suivante (4 490 euros). Les revenus d’activité sont pris en compte à partir de 3 743 euros annuels, jusqu’à 17 451 euros (soit entre 0,27 et 1,25 SMIC). Le plafond est porté à 26 572 euros pour les foyers mono-actifs (c’est-à-dire dont l’un des membres ne travaille pas, ou perçoit moins de 3 743 euros de revenus d’activité). Les foyers assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune sont exclus du bénéfice de la PPE. Les modalités déclaratives sont très simples, puisqu’il suffit de cocher une case dans la déclaration d’impôt. Lorsque le montant de la PPE excède celui de l’impôt dû, le solde est restitué au contribuable par le Trésor public.

Le montant de PPE est égal à 7,7 % du revenu d’activité, jusqu’à ce que celui-ci atteigne 12 475 euros. Puis il décroît pour s’annuler lorsque le revenu d’activité atteint 17 451 euros ; sur cette partie de la distribution du revenu, la prime est égale à 19,3 % de la différence entre 17 451 euros et le revenu d’activité. Des majorations forfaitaires permettent de tenir compte de la situation familiale : majorations pour personne à charge (36 euros ou 72 euros par an selon la situation) et majoration pour mono-activité (83 euros par an) (47).

● En 2014, dernière année pour laquelle des prévisions fines sont disponibles, la PPE devait compter 5,5 millions de bénéficiaires, pour un montant moyen de 400 euros par an (33 euros par mois) et un coût budgétaire de 2,2 milliards d’euros. L’évolution dans le temps de ce coût budgétaire sera présentée plus loin, dans les développements consacrés à l’articulation imparfaite entre PPE et RSA.

3.  Le RSA, mis en place en 2008, poursuit le même objectif que la PPE, mais constitue également un minimum social.

● Le RSA a été instauré par une loi du 1er décembre 2008 (48), faisant suite à une phase d’expérimentation du dispositif, lancée par la loi dite « TEPA » du 21 août 2007 (49). Il s’est substitué au revenu minimum d’insertion (RMI) et à l’allocation de parent isolé (API). L’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, dans lequel le dispositif est codifié, lui assigne comme objectifs « d’assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence, d’inciter à l’exercice d’une activité professionnelle et de lutter contre la pauvreté de certains travailleurs, qu’ils soient salariés ou non-salariés ».

Le RSA a pour objet de garantir à ses bénéficiaires – salariés ou non-salariés – un revenu minimum, dont le montant varie en fonction de la composition du foyer. Il s’agit d’une allocation dite « différentielle » : son montant est fixé de telle sorte que le revenu minimal garanti soit atteint, après soustraction des autres ressources du foyer.

Allocation unique, le RSA a néanmoins deux composantes :

– le RSA « socle » constitue un minimum social garanti, fixé à un niveau forfaitaire en fonction de la composition du foyer. Pour le dire simplement, un bénéficiaire du RSA n’exerçant aucune activité et dont le foyer n’a aucune autre ressource perçoit le montant forfaitaire maximum autorisé par la composition de son foyer ;

– le RSA « activité » constitue une prestation sociale additionnelle, au profit des bénéficiaires exerçant une activité professionnelle. Pour ces bénéficiaires, le revenu minimum garanti par le RSA est égal à la somme du RSA socle et d’une fraction des revenus professionnels, l’objectif étant d’assurer que la prise ou la reprise d’un emploi génère un complément de revenu qui fasse plus que compenser la réduction ou la perte d’autres allocations, du fait précisément du retour à l’emploi.

Les deux composantes du RSA ne sont pas exclusives l’une de l’autre : un bénéficiaire peut percevoir exclusivement du RSA socle, exclusivement du RSA activité, ou bien les deux à la fois.

● Selon les dernières données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) (50), le RSA était versé à 2,364 millions de foyers au 30 juin 2014, soit 5 millions de personnes. 1,578 million de foyers bénéficiaient du seul RSA socle, 253 000 du RSA « socle + activité » et 533 000 du seul RSA activité. Le nombre total d’allocataires a progressé de 6 % entre juin 2013 et juin 2014 (contre +6,9 % entre juin 2012 et juin 2013), la progression étant plus forte pour les bénéficiaires du seul RSA activité (+8,2 %) que pour les bénéficiaires du seul RSA socle (+4,9 %). Cette augmentation résulte pour partie de la revalorisation exceptionnelle du barème du RSA socle en septembre 2013 (entrée de 15 000 foyers dans le dispositif). Cette revalorisation s’inscrit dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, qui prévoit une augmentation de 10 % du RSA socle d’ici 2017 (en plus de l’inflation). Le montant mensuel moyen perçu au titre du RSA était de 400 euros, en progression de 9 % depuis juin 2011. Le montant mensuel moyen de RSA activité était de 196 euros en 2014.

Les données les plus récentes, produites par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) (51), font état de 2,43 millions de foyers bénéficiaires fin décembre 2014, soit une progression de 5,8 % en un an (1,597 million pour le seul RSA socle, 277 000 pour le RSA socle + activité et 554 000 pour le seul RSA activité). L’écart constaté par la DREES entre l’évolution des bénéficiaires du RSA socle et ceux du RSA activité se confirme, la progression annuelle étant de respectivement 3,8 % et 9,8 %. La nouvelle revalorisation de 2 % du RSA socle intervenue en septembre 2014 est, là encore, un facteur explicatif.

Le tableau suivant, transmis au rapporteur par le Gouvernement, répartit les bénéficiaires du RSA en fonction de leur situation familiale. Aucune donnée n’est disponible sur le caractère mono-actif ou bi-actif des couples bénéficiant du RSA activité.

RÉPARTITION DES BÉNÉFICIAIRES DU RSA
EN FONCTION DE LEUR SITUATION FAMILIALE (FIN 2013)

(en pourcentages)

 

RSA socle
(y compris socle et activité)

RSA activité seul

RSA total

Couple sans personne à charge

2,9

6,4

3,7

Couple avec une personne à charge

3,6

9,9

5,0

Couple avec deux personnes à charge

3,7

9,6

5,0

Couple avec trois personnes à charge ou plus

4,6

7,7

5,2

Total couple

14,8

33,5

18,9

Femme seule sans personne à charge

17,3

17,6

17,3

Femme seule avec une personne à charge

14,6

19,7

15,8

Femme seule avec deux personnes à charge

9,2

9,9

9,4

Femme seule avec trois personnes à charge ou plus

7,1

2,8

6,1

Total femme seule avec une personne à charge ou plus

30,9

32,4

31,2

Homme seul sans personne à charge

34,7

14,2

30,2

Homme seul avec une personne à charge

1,4

1,4

1,4

Homme seul avec deux personnes à charge

0,6

0,7

0,6

Homme seul avec trois personnes à charge ou plus

0,4

0

0

Total homme seul avec une personne à charge ou plus

2,3

2,4

2,4

Source : CNAF.

B.  LE RSA : PRÉSENTATION DÉTAILLÉE DU DISPOSITIF JURIDIQUE

Les dispositions législatives concernant le RSA sont codifiées au chapitre II du titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles (article L. 262-1 à L. 262-58). Sans entrer dans le détail de chacun de ces articles
– dont certains seront par ailleurs évoqués à l’occasion du commentaire des dispositions prévues par le projet de loi –, il s’agit ici de présenter les principales caractéristiques du revenu de solidarité active.

1.  Une allocation versée par foyer, à des bénéficiaires devant remplir un certain nombre de conditions

a.  Les conditions à remplir par les bénéficiaires

● Ces conditions générales sont fixées, sauf mention contraire à l’article L. 262-4.

Le bénéficiaire du RSA doit résider en France « de manière stable et effective » (article L. 262-2). En application de l’article R. 262-5, « est considérée comme résidant en France la personne qui y réside de façon permanente ou qui accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n’excède pas trois mois ».

Il doit en principe être âgé de plus de 25 ans, comme les bénéficiaires de l’ancien RMI, avec deux exceptions cependant :

– le cas des personnes qui, quel que soit leur âge, assument la charge d’un ou plusieurs enfants, nés ou à naître ;

– le cas des bénéficiaires du « RSA jeunes » (article L. 262-7-1), créé par la loi de finances pour 2010 (52). Les personnes de 18 à 25 ans qui ont exercé une activité professionnelle pendant au moins 3 214 heures (soit l’équivalent de deux ans d’activité à temps plein) pendant les trois ans précédant la demande peuvent par exception bénéficier du RSA (53).

Le bénéficiaire du RSA doit en principe être de nationalité française ou, à défaut, titulaire depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler. Le caractère de minimum social du RSA justifie en effet que la solidarité nationale soit prioritairement mobilisée en faveur des ressortissants du pays. Ces conditions ne sont pas toutefois pas applicables :

– aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident (ou d’un titre de séjour conférant des droits équivalents en application d’une convention internationale) ;

– aux personnes ayant droit à la majoration de montant forfaitaire prévue à l’article L. 262-9 (personnes isolées assumant la charge d’un ou plusieurs enfants et femmes isolées en état de grossesse, cf. infra), sous réserve que leur séjour en France soit régulier aux termes de l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, relatif aux bénéficiaires des prestations familiales (54;

– aux étrangers « européens », c’est-à-dire ressortissants d’un État membre de l’Union européenne (UE), d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) (55), ou de la Suisse. En application de l’article L. 262-6, ils peuvent bénéficier du RSA s’ils remplissent les conditions exigées pour bénéficier d’un « droit de séjour » et s’ils ont résidé en France pendant les trois mois précédant la demande. Cette seconde condition n’est applicable ni aux personnes exerçant une activité régulière en France, ni aux personnes ayant exercé une telle activité, et qui se trouvent dans l’une des situations suivantes : incapacité temporaire de travailler pour des raisons médicales, formation professionnelle, recherche d’emploi. Selon les réponses fournies par le Gouvernement aux questions du rapporteur, le droit de séjour s’entend au sens de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : il est accordé aux ressortissants européens sans condition pendant les trois premiers mois qui suivent leur arrivée en France ; au-delà, ils doivent disposer de ressources suffisantes pour ne pas être à la charge du système d’aide sociale du pays d’accueil sauf s’ils ont la qualité de travailleur ou s’ils sont conjoints ou enfants à charge d’une personne ayant cette qualité. Cela semble donc signifier que les seuls étrangers européens pouvant bénéficier du RSA sont ceux que l’article L. 262-6 dispense de la condition de durée de séjour : en effet, les autres bénéficiaires potentiels ne pourraient solliciter la prestation qu’après un séjour de trois mois en France ; or, au terme de cette période de trois mois, les étrangers sans ressources – qui par construction sont ceux qui solliciteraient le RSA – n’y sont pas éligibles, car ils ne vérifient pas la condition de droit de séjour telle qu’elle résulte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (bénéficier de ressources suffisantes pour ne pas être à la charge du système d’aide sociale).

Le bénéficie du RSA n’est pas ouvert aux élèves, aux étudiants et aux stagiaires de la formation initiale (stages se déroulant dans le cadre des enseignements scolaires et universitaires).

Enfin, nul ne peut bénéficier du RSA s’il est en congé parental, sabbatique, sans solde, ou en disponibilité (56). Cette exclusion est logique s’agissant d’un minimum social, qui ne saurait être accordé à des personnes renonçant volontairement à la perception d’un revenu.

● Les bénéficiaires non-salariés doivent en outre vérifier des conditions particulières, définies par l’article L. 262-7 :

– les indépendants non agricoles, relevant pour leur sécurité sociale du régime social des indépendants, ne peuvent bénéficier du RSA :

o si leur chiffre d’affaires excède un niveau fixé par décret (57) ;

o ou s’ils emploient un ou plusieurs salariés ;

– les non-salariés agricoles ne peuvent bénéficier du RSA si l’exploitation qu’ils mettent en valeur a dégagé un bénéfice agricole supérieur à un montant fixé par décret (58).

La condition de chiffre d’affaires s’explique par la volonté d’éviter des pratiques d’optimisation, consistant à minorer le bénéfice enregistré afin de réduire la « base ressources » (cf. infra). La condition de non-emploi d’un salarié résulte du caractère de minimum social du RSA socle, qu’il serait illogique d’octroyer à une personne disposant de ressources suffisantes pour verser un salaire à un tiers.

Des règles particulières sont prévues pour le calcul du RSA des saisonniers et des intermittents. S’agissant des intermittents, c’est en fait le droit commun qui s’applique, le décret spécifique n’ayant jamais été pris. S’agissant des saisonniers, l’article R. 262-25 conditionne l’éligibilité au RSA au fait qu’aucun membre du foyer n’ait disposé, sur la dernière année civile, de ressources supérieures à douze fois le montant forfaitaire du RSA socle ; il s’agit d’éviter d’y rendre éligible des personnes connaissant dans l’année des alternances entre inactivité et activité générant des revenus élevés, qui, une fois lissés, correspondent au RSA socle.

● Le RSA étant une allocation dite « subsidiaire », son bénéfice est conditionné, pour la partie socle, au fait d’avoir fait préalablement valoir ses droits aux créances d’aliments et aux pensions alimentaires (article L. 262-10).

b.  Une allocation appréciée au niveau du foyer

Le RSA est une allocation appréciée au niveau du foyer : nul ne peut en bénéficier si le foyer auquel il est rattaché dispose de ressources supérieures au revenu garanti. Cela signifie concrètement que dans chaque foyer, il ne peut y avoir qu’un seul bénéficiaire du RSA, même si plusieurs membres du foyer remplissent les critères y ouvrant droit : la situation de ces membres sera bien prise en compte pour la détermination du RSA d’ensemble, mais ils ne seront pas intuitu personae bénéficiaires (59). Par voie de conséquence, chacun des éléments de calcul de l’allocation est apprécié au niveau du foyer.

La première question qui se pose est alors de savoir qui entre – et qui n’entre pas – dans la composition du foyer. À cet égard, le « foyer RSA » (60) se distingue du foyer fiscal sur deux points :

– alors que le foyer fiscal ne connaît que les conjoints mariés ou liés par un pacte civil de solidarité (PACS), les concubins entrent dans le foyer RSA (61) ;

– les enfants à charge entrent dans le foyer RSA jusqu’à l’âge de 25 ans, alors que c’est en principe jusqu’à 21 ans pour le foyer fiscal (62).

L’article L. 262-5 pose certaines conditions à la prise en compte de certaines personnes dans le foyer :

– le conjoint (ou concubin) :

o doit être français ou titulaire depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler (avec les mêmes exceptions que celles prévues pour le bénéficiaire lui-même, exposées supra) ;

o ne doit pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité.

– les enfants étrangers d’un étranger non européen doivent remplir les conditions fixées à l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, ouvrant le bénéfice des prestations familiales (cf. supra).

2.  Des modalités de calcul assez complexes

a.  Le montant forfaitaire, ou RSA socle

● Le montant forfaitaire du RSA (le RSA socle) dépend de la composition du foyer et du nombre d’enfants à charge. L’article R. 262-1 du code de l’action sociale et des familles dispose à cet égard que le montant applicable à une personne seule est majoré :

– de 50 % lorsque le foyer comporte deux personnes ;

– de 30 % pour chaque personne supplémentaire à charge ;

– de 40 % par personne à charge dès lors que le foyer compte au moins trois personnes à charge (hors conjoint ou concubin).

● En application de l’article L. 262-9, le montant forfaitaire est spécifiquement majoré pour les personnes isolées assumant seules la charge d’un ou plusieurs enfants, ainsi que pour les femmes enceintes isolées. Sont considérées comme isolées les personnes veuves, divorcées, séparées ou célibataires, qui ne vivent pas en couple de manière notoire et permanente. La durée de la majoration est fixée à douze mois, mais peut être prolongée jusqu’à ce que le dernier enfant ait atteint l’âge de trois ans (article R. 262-2).

Les niveaux de majoration sont fixés par l’article R. 262-1 :

– à 128,412 % du montant forfaitaire de droit commun pour une personne seule ;

– à un supplément par enfant à charge de 42,804 % du même montant (63).

● Les montants forfaitaires applicables en 2015 (64) sont présentés dans le tableau suivant.

MONTANTS FORFAITAIRES DU RSA EN 2015

(en euros)

Nombre d’enfants

Personne seule

Majoration
« parent isolé »

Couple

0

513,88

659,88

770,82

1

770,82

879,84

924,99

2

924,99

1 099

1 079,15

Par enfant supplémentaire

205,55

219,96

205,55

Source : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F502.xhtml.

b.  La prise en compte d’une fraction des revenus professionnels pour le calcul du RSA activité

La fraction des revenus professionnels prise en compte pour le calcul du RSA activité est fixée à 62 % par l’article D 262-4 du code de l’action sociale et des familles. Cela signifie donc que pour chaque euro supplémentaire de revenu d’activité, le bénéficiaire du RSA conserve au moins 0,62 euro, quelle que soit la manière dont évoluent par ailleurs, du fait de la perception de ces revenus professionnels, les autres allocations dont il est bénéficiaire. Pour reprendre les termes des réponses du Gouvernement aux questions du rapporteur, « le "taux de prélèvement marginal" du RSA est donc de 38 %, c’est-à-dire un taux assez faible pour une prestation sociale. Ce taux a en effet été pensé pour s’articuler avec le caractère dégressif d’autres prestations que perçoivent souvent les bénéficiaires du RSA, et notamment les aides au logement. ».

c.  La soustraction de la « base ressources »

Le RSA étant une allocation différentielle, son montant dépend in fine des ressources du foyer, qu’il faut soustraire du montant forfaitaire et, le cas échéant, du montant de RSA activité. L’article L. 262-3 renvoie au décret le soin de définir ce qu’il est convenu d’appeler la « base ressources », en posant comme principe que « l’ensemble des ressources du foyer […] est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active ». Ce sont pas moins de onze articles de la partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles qui définissent une base ressources assez complexe (articles R. 262-6 à R. 262-15).

Sans entrer dans le détail de chacun de ces articles, on peut en retenir les éléments suivants :

– les ressources prises en compte pour le calcul du RSA sont, dans la généralité des cas, égales à la moyenne mensuelle des trois derniers mois (article R. 262-7) ;

– elles intègrent l’ensemble des ressources, et notamment les biens non productifs de revenus (article R. 262-6). Le RSA socle étant un minimum social, son bénéfice est conditionné au fait de ne pas disposer d’autres ressources ; la détention d’un patrimoine non productif de revenu (par exemple un bien immobilier non loué) est donc considérée comme une ressource, l’idée sous-jacente étant que le prétendant à l’aide sociale peut se procurer des revenus en cédant ce patrimoine. Ce principe, d’application générale, est posé à l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. ». L’article R. 132-1 du même code, applicable au RSA aux termes de l’article R. 262-6, dispose ainsi que « les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux » ;

– les revenus professionnels s’entendent des revenus tirés d’une activité salariée ou non salariée, des revenus tirés d’un stage (hors formation initiale), de l’aide aux salariés en chômage partiel, des indemnités perçues à l’occasion des congés légaux d’accueil d’un enfant, et enfin des indemnités journalières de sécurité sociale, dans la limite de trois mois suivant l’arrêt de travail (article R. 262-8) ;

– les allocations liées au logement (65) sont prises en compte dans la base ressources, mais dans la limite d’un forfait, lui-même fonction du montant forfaitaire et variable selon la composition du foyer (12 % pour une seule personne, 16 % pour deux personnes, 16,5 % au-delà). La prise en compte des allocations logement étant extrêmement fréquente (plus de 90 % des bénéficiaires du RSA), les montants applicables en 2015 sont présentés dans le tableau ci-après (66) ;

– certaines prestations familiales entrent également dans la base pour un montant forfaitaire (complément familial majoré et allocation de soutien familial) ;

– certaines prestations ne sont pas prises en compte « à raison de leur finalité sociale particulière » (article L. 262-3). L’article R. 262-11 dresse ainsi la liste des vingt-quatre prestations exclues de la base ressources, parmi lesquelles figurent notamment la prime de naissance ou d’adoption, l’allocation de rentrée scolaire, l’indemnité en capital attribuée à la victime d’un accident du travail ou encore les bourses d’études ;

– les revenus professionnels ne sont pas pris en compte pendant les trois premiers mois suivant la prise ou la reprise d’un emploi (article R. 262-12). Cela revient donc à autoriser, pendant cette période, le cumul des revenus professionnels et de l’intégralité du montant forfaitaire du RSA socle, ce qui pose des problèmes qui seront présentés infra.

FORFAIT LOGEMENT APPLICABLE EN 2015

(en euros)

Nombre de personnes au foyer

Montant du forfait logement

1

61,67

2

123,33

3 ou plus

152,62

Source : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F502.xhtml.

d.  La formule de calcul

Il résulte donc de l’ensemble des règles qui viennent d’être présentées une formule de calcul permettant de définir, dans la généralité ces cas, le montant de RSA :

RSA = (montant forfaitaire + 62 % des revenus professionnels du foyer) – (ressources du foyer + forfait logement).

L’encadré suivant illustre, par trois cas-types très simples, l’application de cette formule aux trois catégories potentielles de bénéficiaires du RSA : uniquement RSA socle, RSA socle + activité, uniquement RSA activité.

Illustrations simples du calcul du RSA

Cas d’une personne seule ne percevant aucune ressource

RSA = 514 (montant forfaitaire)* – 62 (forfait logement) = 452 euros

Cette personne perçoit donc au total 514 euros (dont 452 de RSA et 62 de forfait logement) + la fraction des allocations logement non prise en compte dans la base ressources.

Cas d’une personne seule percevant 300 euros de revenus professionnels

RSA = [514 + 186 (62 % de 300)] – [300 (ressources) + 62] = 338

Cette personne perçoit donc au total 700 euros (dont 300 de revenus professionnels, 338 de RSA et 62 de forfait logement) + la fraction des allocations logement non prise en compte dans la base ressources.

Cette personne perçoit à la fois du RSA socle et du RSA activité, car ses revenus professionnels sont inférieurs au minimum garanti (514 euros).

Cas d’une personne percevant 1 000 euros de revenus professionnels

RSA = (514 + 620) – (1 000 + 62) = 72

Cette personne perçoit donc au total 1 134 euros (dont 1 000 de revenus professionnels, 72 de RSA activité et 62 de forfait logement) + la fraction des allocations logement non prise en compte dans la base ressources.

* Par souci de clarté, les montants sont arrondis.

Le « point de sortie » du RSA, c’est-à-dire le montant de ressources du foyer au-delà duquel l’allocation n’est plus versée (67), n’est pas directement défini par la loi ou le règlement. Il se déduit, selon la composition du foyer, d’une équation résultant de la formule de calcul du RSA. Dans l’hypothèse la plus simple, à savoir celle d’une personne seule percevant uniquement des revenus professionnels, le RSA cesse d’être versé lorsque le montant de ces revenus atteint 1 174 euros, soit environ 1 SMIC. Ce montant résulte de la résolution de l’équation suivante :

6 (montant en deçà duquel le RSA n’est plus versé) = (514 + 0,62x) – (x + 62).

3.  Une attribution répondant à une logique de « droits et devoirs »

a.  Modalités d’attribution et de versement

Le RSA est attribué par le président du conseil départemental du lieu de résidence du demandeur (article L. 262-13), mais servi par les caisses d’allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (MSA), en application de l’article L. 262-16. L’instruction des demandes, faite en principe par les services du conseil départemental, peut toutefois associer Pôle Emploi (article L. 262-15).

Le RSA est calculé tous les trois mois, mais les changements de situation de nature à modifier les droits sont pris en compte mensuellement (article D. 262-34) : cela signifie qu’au cours d’un trimestre donné, les droits au RSA ne sont pas « figés », et peuvent être modifiés d’un mois à l’autre en cas de changement de situation. Cela signifie également qu’une déclaration trimestrielle de ressources (DTR), distincte de la demande initiale, doit être adressée chaque trimestre aux services instructeurs (cf. infra pour les problèmes que cela soulève).

b.  Droits et devoirs des bénéficiaires du RSA

Les articles L. 262-27 à L. 262-39 définissent les droits et devoirs des bénéficiaires du RSA (qui sont également applicables au conjoint ou au concubin).

Le bénéficiaire du RSA est tenu de rechercher un emploi si les ressources de son foyer sont inférieures au montant du RSA socle et s’il est lui-même sans emploi, ou tire de ses revenus professionnels moins de 500 euros par mois. L’obligation de recherche d’emploi est satisfaite, tautologiquement, par la recherche effective d’un emploi, mais également par la réalisation des démarches nécessaires à la création d’une entreprise, ou encore par le fait de s’engager dans les actions d’insertion prescrites.

Le corollaire de cette obligation est le droit à un accompagnement social et professionnel. Il incombe au président du conseil départemental d’orienter les bénéficiaires du RSA :

– soit vers Pôle Emploi ou un autre organisme de placement (par exemple une maison de l’emploi) si le bénéficiaire est en situation de reprendre immédiatement un emploi ;

– soit vers les autorités compétentes en matière d’insertion sociale en cas de plus grande fragilité (mauvaises conditions de logement, état de santé dégradé).

Dans tous les cas, un référent unique est désigné pour assurer le suivi du parcours professionnel ou de réinsertion (typiquement, un conseiller de Pôle Emploi ou un travailleur social).

Les relations du bénéficiaire avec Pôle Emploi sont régies par le droit commun, dans le cadre du projet personnalisé d’accès à l’emploi ; cela implique la recherche effective et régulière d’un emploi, et l’acceptation des offres raisonnables (au-delà de deux refus).

Le bénéficiaire orienté vers un organisme de placement autre que Pôle Emploi doit conclure avec le conseil départemental un contrat précisant notamment la nature et les caractéristiques de l’emploi recherché, les actes de recherche d’emploi qu’il s’engage à accomplir, ainsi que les actions que l’organisme de placement s’engage à mettre en œuvre.

Le bénéficiaire orienté vers les services sociaux du département ou un organisme d’insertion doit conclure avec le conseil départemental un contrat énumérant leurs engagements réciproques en matière d’insertion. Faute d’orientation vers Pôle Emploi ou un autre organisme de placement dans un délai de six mois, le réexamen du dossier par les services du conseil départemental peut donner lieu à une révision du contrat d’insertion.

Le non-respect des obligations est sanctionné par la suspension de tout ou partie du versement du RSA.

4.  Contrôle, récupération des indus, lutte contre la fraude, suivi statistique

a.  Modalités et outils de contrôle

Les articles L. 262-40 à L. 262-44 règlent les modalités de contrôle du RSA et des échanges d’informations entre les organismes concernés. On peut notamment en retenir :

– que les organismes chargés de l’instruction des demandes et du service du RSA peuvent solliciter toutes les informations nécessaires auprès des administrations et des organismes de sécurité sociale ;

– qu’en cas de disproportion manifeste entre le train de vie d’un bénéficiaire et ses ressources déclarées, il est procédé à une évaluation forfaitaire des éléments de train de vie, prise en compte dans la base ressources ;

– que Pôle Emploi informe chaque mois le président du conseil départemental des inscriptions et radiations des bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi.

b.  Répétition de l’indu et contentieux

Les articles L. 262-45 à L. 262-49 définissent les règles encadrant le contentieux du RSA et la récupération des sommes indûment versées (« répétition de l’indu »). Il est notamment prévu :

– que la créance de RSA se prescrit par deux ans, ce délai pouvant être interrompu selon les règles de droit commun prévues par le code civil (au premier rang desquelles figure l’action en justice) (68) ;

– que tout paiement indu de RSA est récupéré par l’organisme chargé de son service. Les règles de répétition de l’indu étant assez complexes, elles seront présentées en détail à l’occasion du commentaire du dispositif prévu par le projet de loi, qui, sur ce point comme sur d’autres, s’inspire pour beaucoup du droit existant ;

– que tout recours contentieux doit être précédé d’un recours administratif auprès du président du conseil départemental, étant précisé que le recours peut être exercé, au nom du foyer, par une association œuvrant depuis au moins cinq ans dans les domaines de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté ;

– que le RSA est incessible et insaisissable, et qu’il ne peut être récupéré auprès des bénéficiaires d’une succession ou d’une donation.

En 2013, le RSA représentait 35 % des 4,15 millions d’indus, concernant 2,55 millions d’allocataires, pour un montant moyen de 646 euros (705 euros pour le RSA) (69). Le taux de recouvrement des indus de RSA était de 70 % en 2012, soit près de sept points au-dessus du taux moyen (63,2 %). Par comparaison, les rappels – c’est-à-dire les sommes dues aux allocataires, par exemple à la suite d’une erreur de calcul – se sont élevés à près de 10 millions en 2013, au profit de près de 5 millions d’allocataires, pour un montant moyen de 636 euros ; le RSA représentait 40 % de ces rappels, pour un montant moyen de 536 euros. En 2013, un peu moins de 700 000 personnes ont connu au moins un indu de RSA et un peu moins de 2 millions un rappel (données « nettes » des éventuelles compensations entre indus et rappels).

c.  Lutte contre la fraude

En matière de lutte contre la fraude, les articles L. 262-51 à L. 262-53 punissent :

– d’une amende de 4 500 euros (70) le fait de monnayer le service consistant à obtenir pour autrui le RSA ;

– d’une amende administrative les fausses déclarations ou omissions ayant abouti au versement indu du RSA ;

– de la suppression du versement du RSA activité pour un an au plus, en cas de versement indu supérieur à deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, ou en cas de récidive (à l’initiative du président du conseil départemental, et sous certaines conditions de procédure).

d.  Suivi statistique

Les articles L. 262-54 à L. 262-56 prévoient des modalités de transmission d’informations à l’État, à des fins de suivi statistique, d’évaluation et d’observation (cf. infra pour plus de détails).

5.  Un financement partagé entre les départements et l’État

En application de l’article L. 262-24, le financement du RSA est assuré par les départements pour la partie socle et le Fonds national des solidarités actives (FNSA) pour la partie activité.

Selon le rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2015 de notre collègue Nicolas Sansu, relatif aux crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, les dépenses des départements au titre du RSA socle s’élèveraient à plus de 9,8 milliards d’euros en 2015 (71).

Mais la mission Solidarité ne finance que le RSA activité, par l’action n° 11 Revenu de solidarité active du programme 304 Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire. Les crédits votés en loi de finances initiale s’élèvent, pour cette action, à près de 2,33 milliards d’euros (en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement). Ces crédits correspondent pour leur intégralité à la subvention de l’État au FNSA. Le FNSA est une structure dépourvue de personnalité morale, administrée par un conseil de gestion composé de représentants des principaux ministères et organismes de sécurité sociale concernés, et de Pôle Emploi.

La gestion administrative et comptable du Fonds est confiée à la Caisse de dépôts et consignations, dont le directeur général est membre du conseil de gestion.

Sur les 2,33 milliards de subvention prévus pour 2015, seuls 1,95 milliard (72) serviront au financement du RSA activité proprement dit. En effet, le FNSA finance également l’intégralité du RSA jeune (socle + activité, à hauteur de 26 millions d’euros), ainsi que l’aide exceptionnelle de fin d’année (dite « prime de Noël ») versée aux bénéficiaires du RSA socle, de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), de l’allocation équivalent retraite (AER) et de l’allocation transitoire de solidarité (ATS), pour un montant total de 513 millions d’euros (dont 424 pour les seuls bénéficiaires du RSA). S’y ajoutent, à hauteur de 40 millions d’euros, les frais de gestion versés aux caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole, qui assurent la gestion quotidienne du RSA activité.

Selon le sénateur Éric Bocquet, rapporteur spécial au nom de la Commission des finances des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, le surcoût cumulé de la revalorisation du RSA sur la période 2013-2017, évoqué supra, devrait s’élever à 443 millions d’euros au titre du RSA activité (à la charge de l’État) et à 1,3 milliard au titre du RSA socle (à la charge des départements) (73).

Jusqu’en 2015, le FNSA était affectataire d’une fraction du produit des prélèvements de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, prévus à l’article 1600 -0 S du code général des impôts (1,37 point des 2 % de prélèvements, soit plus de 1,73 milliard d’euros). La loi de finances pour 2015 (74) a prévu d’affecter l’intégralité de ce produit à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS), entraînant par conséquent une « rebudgétisation » du FNSA.

Mais cette rebudgétisation n’est pas complète, car dans le même mouvement, le FNSA s’est vu affecter une fraction (15,2 %, soit 200 millions d’euros) du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité. Cette contribution de 1 % sur les rémunérations des fonctionnaires et agents publics, à la charge des employeurs, alimente le Fonds de solidarité, qui finance les allocations du régime de solidarité géré par l’État (en direction des personnes privées d’emploi ou n’ayant pas droit à l’assurance chômage).

Le rapporteur ne peut que se joindre à la plainte récurrente des rapporteurs budgétaires, qui constatent année après année que le rapport annuel sur le financement du RSA, devant être remis au Parlement en application du IV de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, ne l’a tout simplement jamais été.

C.  LA RÉFORME DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX REVENUS D’ACTIVITÉ MODESTES APPARAÎT COMME UNE NÉCESSITÉ

1.  La PPE et le RSA activité souffrent de défauts spécifiques, et leur articulation est imparfaite

a.  Les défauts de la PPE

Depuis sa création, la prime pour l’emploi a fait l’objet de nombreuses analyses critiques, qui convergent pour identifier une série de défauts et d’imperfections, liés les uns aux autres mais que l’on tente ici de rassembler en trois catégories par souci de clarté.

● La première série de critiques tient au caractère faiblement redistributif de la PPE, ce qui renvoie à plusieurs éléments.

Le bénéfice de la PPE n’est pas ouvert aux travailleurs dont les revenus sont inférieurs à un seuil, fixé dans le dernier état du droit à 3 743 euros annuels, et correspondant à l’origine à 0,3 SMIC (75). Dans son rapport public annuel de 2011, la Cour des comptes relevait que « lors de la création de la PPE, le choix a été clairement fait, après la forte augmentation de la précarité et du temps partiel au cours de la décennie précédente, d’exclure du bénéfice de la prime les temps de travail les plus réduits » (76).

Le bénéfice de la PPE peut être ouvert à des personnes appartenant à des foyers aisés. Il faut rappeler que la PPE est servie aux membres d’un foyer fiscal sous réserve d’un double plafond, le revenu fiscal de référence du foyer, d’une part, et les revenus professionnels individuels, d’autre part. Le seul plafond commun est donc celui du foyer fiscal, ce qui a pour effet de ne pas prendre en compte, pour conditionner l’éligibilité à la PPE, les revenus des membres du foyer au sens commun, mais qui ne seraient pas membres du foyer fiscal. Pour le dire simplement, la PPE peut être accordée à une personne considérée comme célibataire sur le plan fiscal (car ni mariée ni pacsée), mais vivant en concubinage avec une personne dont les revenus sont élevés : comme il existe deux foyers au plan fiscal et non un seul, les revenus élevés du concubin ne sont pas pris en compte dans le RFR de la personne bénéficiaire de la PPE. Par ailleurs, les plafonds de RFR sont assez élevés, et il existe au surplus des majorations pour personnes à charge ou mono-activité, qui contribuent également à expliquer le « saupoudrage » de la PPE.

L’étude d’impact relève à cet égard qu’en 2011, 8 % des bénéficiaires de la PPE appartenaient aux huitième à dixième déciles de niveau de vie (77), et 18 % aux septième à dixième. Le tableau et le graphique suivants illustrent, avec des données plus récentes mais de sens convergent, la répartition et le montant moyen par déciles de la PPE.

VENTILATION PAR DÉCILES DE NIVEAU DE VIE ET MONTANT MOYEN DE PPE

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Ventilation des bénéficiaires

100 %

10 %

17 %

21 %

16 %

13 %

10 %

13 %

Montant moyen

34 euros

38 euros

34 euros

32 euros

34 euros

34 euros

33 euros

35 euros

Source : réponses du Gouvernement aux questions du rapporteur (modèle Ines de la DREES, législation 2016, avec l’hypothèse d’un maintien de la PPE – Le caractère prévisionnel de ces données explique les différences qui peuvent exister dans le commentaire entre les tableaux et graphiques, d’une part, et les éléments plus littéraires extraits de l’étude d’impact ou d’autres sources, d’autre part.)

Source : Commission.

En conséquence de ce qui précède, les effets de la PPE sur la réduction de la pauvreté sont limités. Dans son rapport précité de 2011 (78), la Cour des comptes dressait les constats suivants :

– en 2008, la PPE n’avait réduit les inégalités de niveau de vie que de 3,3 % ;

– en 2007, elle n’avait permis qu’à 6 % de ses bénéficiaires de sortir de l’état de pauvreté.

Plus récemment, le rapport de notre collègue Dominique Lefebvre et de M. François Auvigne sur la fiscalité des ménages (79) montrait que la PPE ne contribue qu’à hauteur de 1 % à la réduction des inégalités, sachant que dans le système socio-fiscal français, les impôts – de fait, le seul impôt sur le revenu – contribuent à cette réduction à hauteur de 39 %, les prestations sociales y contribuant pour le solde (61 %).

● Par ailleurs, le rôle de la PPE dans la prise ou reprise d’un emploi est incertain. Assez mécaniquement, le ciblage insuffisant de la PPE produit un phénomène de saupoudrage, avec une incitation financière moyenne assez faible : rappelons qu’en 2014, la PPE devait compter 5,5 millions de bénéficiaires, pour un montant moyen de 400 euros par an (33 euros par mois).

Dans son rapport en qualité de parlementaire en mission, le rapporteur constatait d’ailleurs que « les entrées et sorties dans le dispositif semblent relever, le plus souvent, de changements de situation familiale et d’évolution du revenu, pas d’une reprise d’activité en tant que telle » (80).

● Le dernier ordre de critiques tient aux modalités de perception de la PPE, fortement décalées dans le temps. En effet, la réduction ou le crédit d’impôt obtenu au titre de la prime ne l’est qu’au moment de la liquidation de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire l’année suivant la perception dudit revenu. Comme le relevait la rapporteure générale dans son rapport sur le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014, « la PPE peut n’être versée que vingt-et-un mois après une reprise d’activité, si cette dernière intervient en janvier de l’année N, pour une prime versée en septembre de l’année N+1. Si l’on ajoute le fait que le calcul de la prime escomptée requiert du bénéficiaire potentiel des trésors d’ingéniosité, on voit mal comment la PPE pourrait constituer un motif décisif pour reprendre un emploi à un instant T » (81).

b.  Les défauts du RSA

● La principale faiblesse du RSA activité réside dans le fait qu’environ deux-tiers des bénéficiaires potentiels n’y ont pas recours. Ce constat résulte d’une étude conduite fin 2010 par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), régulièrement réutilisée depuis. Selon cette étude, le taux de non-recours est de 68 % pour les bénéficiaires du seul RSA activité (82). Par comparaison, selon le rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes (83), le taux de non-recours à l’équivalent britannique du RSA activité, le Working Tax Credit, est de 39 % seulement. En conséquence, le nombre de bénéficiaires est nettement plus faible que la prévision initiale (1,4 million). Les causes de non-recours semblent désormais bien identifiées.

Contrairement à la PPE – dont c’est d’ailleurs l’un des principaux atouts, son taux de non-recours étant estimé à environ 5 % –, le bénéfice du RSA n’est pas automatique. Alors qu’il suffit de cocher une case dans sa déclaration d’impôt pour bénéficier de la PPE si l’on y est éligible, la demande de RSA implique de remplir un formulaire complexe de six pages, et d’adresser ensuite, chaque trimestre, une déclaration de ressources permettant d’actualiser le dossier et de calculer le montant de l’allocation. Au surplus, comme le relève la Cour dans son rapport précité de 2013, « les demandeurs peuvent être confrontés à une multiplicité de services instructeurs [et] le public concerné, qui alterne fréquemment période de chômage et période d’activité, peut se sentir désorienté par cette organisation » (84). Assortie à la complexité intrinsèque du dispositif, dont le lecteur sera sans doute convaincu à ce stade du commentaire, la lourdeur administrative aboutit in fine à ce que le RSA activité soit « mal compris tant des bénéficiaires que des travailleurs sociaux chargés de le leur présenter » (selon les termes de l’étude d’impact).

Un facteur psychologique, par construction difficilement quantifiable (85), explique également le non-recours. En effet, le RSA activité, qui n’est pas dissocié du RSA socle par la loi, est perçu comme un minimum social et apparaît de ce fait stigmatisant aux yeux de certains de ses bénéficiaires potentiels. Ainsi, les bénéficiaires sont soumis à la logique des droits et devoirs (86), alors même qu’ils sont par définition en activité et qu’il ne saurait leur être reproché de ne pas chercher d’emploi. Dans son rapport en qualité de parlementaire en mission, le rapporteur relevait ainsi que « bien qu’il ait été conçu dans une philosophie différente de celle du RMI, le RSA activité reste durablement associé à cette image de minimum social » (87).

En conséquence, les bons résultats affichés toutes choses égales par ailleurs par le RSA activité sont en réalité biaisés par le taux de non-recours, et ce qu’il s’agisse :

– du ciblage sur les travailleurs modestes, meilleur que celui de la PPE. Selon l’étude d’impact, en 2012, 85 % des bénéficiaires appartenaient aux trois premiers déciles de niveau de vie, et 91 % aux quatre premiers ;

– du niveau moyen de soutien monétaire, là encore plus élevé que celui de la PPE. Rappelons que selon la même source, en 2014, le montant mensuel moyen par foyer bénéficiaire était de 196 euros (contre 36 euros pour la PPE) ;

– de la réduction de la pauvreté. Selon le rapport de la Cour des comptes de 2013, « en cas de plein recours, le RSA activité réduirait de 0,7 point le taux de pauvreté ; en raison du non-recours, il ne le réduirait que de 0,2 point » (88).

Les tableaux et les graphiques suivants illustrent – avec les mêmes données et hypothèses que celles présentées supra concernant la PPE – la répartition et le montant moyen par déciles du RSA activité (socle + activité d’une part, uniquement activité d’autre part). Ils font apparaître la plus grande concentration du RSA activité sur les premiers déciles, et en conséquence le montant moyen plus élevé, dans ces déciles ; bien logiquement, le point de sortie est moins loin dans l’échelle de niveau de vie que celui de la PPE.

La présence de bénéficiaires dans les derniers déciles s’explique par le fait que sont ici ventilés les revenus disponibles annuels, par ménage ; or :

– d’une part, le ménage – notion statistique – peut compter en son sein plusieurs foyers sociaux (par exemple un bénéficiaire vivant chez ses parents aisés) ;

– d’autre part, l’appréciation annuelle conduit à prendre en compte des populations qui ont bénéficié de la prestation une partie de l’année, puis sont sorties de son champ pour se retrouver in fine, compte tenu de leur revenu annuel cumulé, dans les derniers déciles (89).

VENTILATION PAR DÉCILES DE NIVEAU DE VIE ET MONTANT MOYEN DE RSA « SOCLE+ACTIVITÉ »

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Ventilation des bénéficiaires

100 %

53 %

21 %

9 %

6 %

4 %

4 %

4 %

Montant moyen

175 euros

186 euros

182 euros

169 euros

126 euros

ns (*)

ns

ns

* Non significatif.

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

VENTILATION PAR DÉCILES DE NIVEAU DE VIE ET MONTANT MOYEN DE RSA « ACTIVITÉ »

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Ventilation des bénéficiaires

100 %

33 %

38 %

14 %

6 %

3 %

3 %

3 %

Montant moyen

176 euros

214 euros

168 euros

140 euros

166 euros

ns

ns

ns

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

● Parmi les autres critiques adressées au RSA activité, la définition du champ du public éligible est l’une des plus fréquentes. En effet, à la différence de la PPE, les jeunes de 18 à 25 ans ne sont en principe pas éligibles au RSA, sauf s’ils ont charge d’enfant.

Le RSA jeune, mis en place en 2010, est conditionné à des critères si sévères – avoir travaillé à temps plein pendant deux ans au cours des trois dernières années – qu’il touche un public très restreint : selon l’étude d’impact, au 30 septembre 2014, moins de 8 000 foyers en bénéficiaient.

● Le caractère non individualisé du RSA, qui présente par rapport à la PPE l’avantage d’une plus grande équité – notamment car il tient compte des revenus du concubin – présente plusieurs inconvénients :

– tout d’abord, il constitue l’un des éléments de complexité du dispositif, impliquant notamment la définition, pour l’ensemble du foyer, d’une base ressources difficilement lisible ;

– la prise en compte de l’ensemble de ces ressources, précisément, a pour effet de distendre le lien entre l’allocation et les revenus d’activité, alors que la PPE est pour sa part assise sur ces seuls revenus ;

– enfin, la familialisation complète du RSA est, toutes choses égales par ailleurs, faiblement incitative à la bi-activité au sein d’un foyer (d’un couple, pour simplifier). En effet, la prise ou reprise d’activité par l’un des membres du foyer peut avoir pour effet de réduire le montant global de RSA, en augmentant la base ressources, comme l’illustre l’exemple suivant.

Effets de la reprise d’activité sur le RSA (au sein d’un couple)

Soit un couple sans enfant, avec un seul des membres qui travaille, et qui perçoit 800 euros de revenus d’activité. Dans le cas le plus général (pas d’autres ressources que les revenus professionnels, application du forfait logement), le RSA perçu sera de 343 euros par mois. In fine, le ménage reçoit donc 800 euros de salaire et 343 euros de RSA activité, donc 1 143 euros de revenu disponible.

Si l’autre membre du couple reprend une activité, et perçoit un revenu d’activité de 400 euros par mois, le revenu mensuel du foyer est porté à 1 200 euros, et le RSA ramené de ce fait à 191 euros. In fine, le ménage perçoit 1 200 euros de salaire et 191 euros de RSA activité, donc 1 391 euros de revenu disponible, soit seulement 248 euros supplémentaires pour un surplus de revenus d’activité de 400 euros (perte de 38 %).

● En lien avec ce qui précède, il faut également relever l’imparfaite articulation du RSA activité avec ce qu’il est convenu d’appeler les « droits connexes », c’est-à-dire les autres prestations auxquelles peuvent prétendre les bénéficiaires du RSA, et qui peuvent évoluer négativement à la prise ou à la reprise d’une activité. Dans un rapport de 2012, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a par exemple montré qu’à la reprise d’une activité, les aides au logement baissent à hauteur d’environ 30 % du supplément de revenu (90).

● Le RSA activité souffre enfin, par comparaison, de la possibilité de cumuler pendant trois mois le RSA socle et les revenus d’activité, dans une logique dite « d’intéressement » à la reprise d’un emploi. Dans son rapport de 2013, la Cour des comptes constatait ainsi que « la mise en place du RSA activité au bout de trois mois de reprise d’emploi se traduit, pour le bénéficiaire, par une baisse de revenu ; il s’ensuit, pour certains allocataires, une mauvaise compréhension du RSA activité qui apparaît comme un intéressement dégradé » (91).

c.  L’imparfaite articulation entre PPE et RSA activité

Dans son rapport de 2005, la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » proposait la suppression de la prime pour l’emploi en cas de création du revenu de solidarité active, appelée de ses vœux. Cette suppression n’a pourtant pas eu lieu, afin de ne pas faire de perdants parmi les bénéficiaires de la PPE. Dans son rapport en qualité de parlementaire en mission, le rapporteur rappelait que les estimations réalisées alors par la direction générale du Trésor laissaient craindre une perte annuelle moyenne de 500 euros pour 6 millions de ménages (92).

Deux aménagements ont toutefois résulté de ce « non-choix », aboutissant à une articulation entre RSA et PPE difficilement compréhensible des non-initiés :

– d’une part, afin d’empêcher le cumul intégral des deux dispositifs, il est prévu que les sommes perçues au titre du RSA activité au cours d’une année N s’imputent sur la PPE perçue en N+1 au titre des revenus d’activités perçus en N. Le RSA fonctionne en quelque sorte comme un acompte de PPE ; au final, les personnes concernées perçoivent le montant total du plus avantageux des deux dispositifs. Dans son rapport précité sur le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014, la rapporteure générale estimait à environ 600 000 le nombre de foyers bénéficiant à la fois de la PPE et du RSA activité, mais à seulement 114 000 le nombre de ceux dont la PPE est supérieure au RSA, et qui par conséquent perçoivent effectivement de la PPE (en 2014) (93;

– d’autre part, le barème et les seuils d’entrée et de sortie de la PPE ont été gelés, manifestant ainsi une conception pour le moins passive de l’action publique. Ce gel s’est traduit mécaniquement par une très forte réduction de la dépense fiscale afférente, divisée par deux entre 2008 et 2014 (de 4,5 à 2,2 milliards d’euros). Le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires s’est également réduit, passant de 8,9 millions en 2008 à 5,9 millions en 2013 ; cela s’explique par la baisse du point de sortie de la PPE (17 541 euros représentant 1,4 SMIC en 2008, mais seulement 1,25 SMIC aujourd’hui). Le montant perçu pour un niveau donné de rémunération s’est également réduit, passant au niveau du SMIC de 953 euros en 2008 à 717 euros en 2013 (avant imputation du RSA activité).

Compte tenu de l’imbrication du RSA activité et de la PPE, de leur articulation aussi acrobatique qu’artificielle, et plus fondamentalement de l’incohérence à voir plusieurs dispositifs poursuivre le même objectif de politique publique, les appels à la fusion des deux dispositifs ont été plusieurs fois réitérés (94), sans être entendus jusqu’alors.

2.  Ce projet de loi parachève une réforme réclamée par de récents rapports, et déjà engagée avec la suppression de la PPE

a.  Des travaux récents ont appelé à une réforme d’ampleur des dispositifs existants

Dans son rapport en qualité de parlementaire en mission, le rapporteur a proposé une réforme de rupture, consistant à supprimer les deux dispositifs existants pour les remplacer par un nouvel outil, la prime d’activité.

● Avant d’en arriver à la présentation des quatre scénarios de réforme envisagés dans ce rapport, et de présenter plus avant le scénario privilégié, il faut rappeler les grands principes et objectifs retenus par le groupe de travail pour l’élaboration desdits scénarios, en s’en tenant au cœur du dispositif (95). Ces « lignes-force » sont au nombre de huit :

– réorganiser le soutien aux travailleurs modestes autour d’un seul dispositif ;

– faire bénéficier de ce dispositif les travailleurs percevant une rémunération comprise jusqu’à 1,2 SMIC (pour une personne seule, contre 1 SMIC environ pour le RSA et 1,25 SMIC pour la PPE) ;

– déclencher l’application du dispositif dès le premier euro de revenu professionnel (comme le RSA activité, mais à la différence de la PPE) ;

– accompagner ce soutien pérenne d’un « coup de pouce » à la reprise d’un emploi, prenant par exemple la forme d’une aide forfaitaire permettant de couvrir les frais engendrés par le retour à l’emploi (transports, habillement, etc.) ;

– ouvrir le nouveau dispositif à tous les travailleurs dès 18 ans (comme la PPE, mais à la différence du RSA), à l’exception cependant des étudiants occupant des emplois d’été et des apprentis, qui se trouvent dans une situation spécifique au regard du marché de l’emploi ;

– individualiser le nouveau dispositif, ce qui implique deux choix :

o d’une part, faire dépendre le nouveau dispositif des seuls revenus professionnels, tout simplement car « il est logique d’asseoir le soutien financier aux revenus d’activité sur ces seuls revenus d’activité, ce qui permettra de rendre le dispositif compréhensible et lisible » (96) ;

o d’autre part, prendre en compte les revenus d’activité individuels, et non les revenus d’activité du foyer ;

– à des fins d’équité, conditionner cependant le bénéfice du dispositif à un critère de ressources apprécié au niveau du foyer. Il s’agit d’éviter que l’individualisation aboutisse à faire entrer dans le dispositif des personnes aux revenus d’activité modestes, mais dont le conjoint serait très aisé, ou plus généralement dont le foyer percevrait d’autres types de ressources, au-delà d’un certain seuil ;

– verser mensuellement le soutien financier (comme le RSA (97), à la différence de la PPE), tout en conservant une déclaration trimestrielle, afin de ne pas introduire de complexité supplémentaire pour les bénéficiaires et de ne pas alourdir la charge des services assurant le traitement.

● Sur la base de ces principes, quatre scénarios ont été étudiés.

La piste A consistait en une « fusion de la PPE actuelle et du RSA activité dans une PPE rénovée », avec un barème croissant de manière linéaire pour les revenus d’activité compris entre 1 euro et 0,7 SMIC, puis décroissant jusqu’au point de sortie, à 1,1 SMIC (permettant ainsi de concentrer l’effort autour du seuil de pauvreté). Selon les simulations demandées à la direction générale du Trésor, 3,5 millions de ménages (soit 4,2 millions d’individus) auraient bénéficié de ce nouveau dispositif fiscal, pour un montant mensuel maximal de 165 euros et un montant mensuel au SMIC de 42 euros. L’effet sur le taux de pauvreté aurait été stable. Ce scénario a été écarté car il ne permettait pas de régler la question du décalage dans le temps qui affecte la PPE, et surtout car « les effets antiredistributifs induits par cette piste représentent des inconvénients particulièrement forts, dans la mesure où les ménages les plus modestes porteraient l’essentiel des pertes ».

La piste B, miroir de la précédente, « conserve le RSA activité existant, et recycle la PPE en son sein », sans modification du barème existant, mais en ouvrant le dispositif dès 18 ans (soit 473 000 bénéficiaires de plus selon les simulations de la CNAF). Ces mêmes simulations font apparaître un montant mensuel moyen de 27 euros au SMIC. L’effet sur le taux de pauvreté serait stable, sauf pour les 18-25 ans, pour lesquels il augmenterait de 0,3 point (du fait d’un taux de recours plus faible que pour la PPE, et du barème moins favorable car « familialisé »). Cette piste a été écartée car, toutes choses égales par ailleurs, le taux de non-recours au nouveau RSA activité pourrait être aussi élevé qu’aujourd’hui. De plus, le caractère stigmatisant du RSA activité se trouverait étendu à des publics bénéficiaires de la PPE, qui pourraient avoir le sentiment de basculer dans l’univers des minima sociaux.

La piste C consiste en « une fusion du RSA activité et de la PPE au sein d’une nouvelle prestation strictement individualisée », répondant à l’ensemble des lignes-force présentées supra : dès 18 ans, au premier euro, fonction des seuls revenus d’activité individuels (mais avec une condition d’éligibilité sur le fondement des ressources du foyer), point de sortie à 1,2 SMIC avec une aide maximale pour 0,7 SMIC, versement mensuel (98). Selon les simulations du Trésor, cette piste concernerait 9,7 millions d’individus, pour un montant mensuel maximal de 105 euros et un montant mensuel au SMIC de 42 euros. Il s’agit de la piste retenue par le groupe de travail.

Ses avantages sont nombreux, et laissent présager une hausse du taux de recours :

– simplification de la base ressources, et plus généralement de l’ensemble du dispositif. Comme le soulignait le rapport, « le fait d’asseoir le calcul du complément financier sur les seuls revenus individuels représente également une avancée quant à la lisibilité et la prévisibilité du dispositif : il n’existe plus désormais qu’un plafond unique, fixé à 1,2 SMIC, là où coexistaient auparavant autant de plafonds que de considérations familiales ; par ailleurs, à chaque niveau de revenus d’activité correspond un montant unique clairement défini » (99) ;

– effacement du caractère stigmatisant, notamment du fait de la sortie de la logique des droits et devoirs ;

– incitation à la multi-activité au sein d’un foyer.

Mais les inconvénients ne doivent pas être ignorés : instauration d’une obligation déclarative pour un public jusqu’alors dispensé (celui de la PPE), réduction des montants individuels moyens du fait de la forte augmentation du nombre de bénéficiaires (compte tenu de la contrainte de budget constant), concentration des pertes sur les premiers déciles (du fait de la « dé-familialisation » du dispositif). Pour limiter les effets de ce dernier inconvénient, sans nul doute le plus important, le rapport envisageait la mise en place de mesures complémentaires en faveur des familles vulnérables, qui pourraient notamment passer par l’intégration au barème de la prime d’activité d’une majoration tenant compte de la composition familiale, ou encore par la majoration de certaines prestations familiales.

Selon les simulations réalisées par la direction générale du Trésor et la DREES, la prime d’activité, ainsi calibrée et sous l’hypothèse d’un taux de recours porté à 50 %, concernerait 7,3 millions de personnes, pour un montant mensuel maximal de 215 euros et un montant mensuel au SMIC de 80 euros (le tout en retenant un seuil de versement de 15 euros). L’effet sur le taux de pauvreté serait globalement favorable (–0,1 point, avant prise en compte des éventuels correctifs familiaux).

Pour donner sa pleine efficacité à la prime d’activité, il conviendrait de respecter quelques prescriptions :

– l’articuler avec le RSA socle, de sorte qu’ « un bénéficiaire dont les revenus d’activité ne dépassent pas le montant garanti au titre du RSA socle [bénéficie] toujours d’un complément différentiel afin d’atteindre celui-ci » (100;

– ne pas la soumettre à l’impôt sur le revenu, « au risque sinon de minorer par ce biais les effets attendus du soutien financier » (101) ;

– prévoir une indexation afin d’éviter les effets induits par le gel de la PPE ;

– ne pas l’intégrer dans les bases ressources des autres allocations.

La piste D consistait en « une exonération ciblée de cotisations sociales salariales », pour les salaires compris entre 0 et 1,2 SMIC. Cette piste a été rapidement écartée par le groupe de travail, présentant les défauts suivants :

– risque d’une « optimisation des comportements d’embauche pour tenir compte du soutien accordé par l’État aux travailleurs modestes (baisse des salaires à l’embauche et report sur des temps partiels, le cas échéant) » ;

– désincitation, en retour, de l’offre de travail ;

– faible redistributivité du fait de la fiscalisation des revenus supplémentaires, et des effets sur les droits connexes ;

– difficulté à traiter le cas des non-salariés.

● Dans leur rapport précité, MM. Dominique Lefebvre et François Auvigne ont pour leur part privilégié cette piste, en complément au RSA activité (le montant consacré à la PPE étant « recyclé » dans le nouvel allégement de cotisations).

Le Gouvernement a dans un premier temps retenu cette option. En effet, l’article 1er de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 proposait d’instaurer une réduction dégressive de cotisations salariales sur les bas salaires, de 3 % au niveau du SMIC puis décroissant linéairement pour s’annuler à 1,3 SMIC. Pour un salarié au SMIC, le gain net permis par cette mesure était estimé à 520 euros par an. 7,4 millions de personnes auraient été concernées, pour un coût global de 2,5 milliards d’euros à compter de 2015.

Mais cet article a été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, pour méconnaissance du principe d’égalité. Le Conseil a en effet jugé que les cotisations sociales salariales (en l’espèce, d’assurance maladie et d’assurance vieillesse) sont des versements à caractère obligatoire ouvrant droit à des prestations. En ne modifiant ni l’assiette des cotisations, ni le régime d’ouverture des droits à prestation, la loi déférée avait pour effet qu’« un même régime de sécurité sociale continuerait […] à financer, pour l’ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l’absence de versement, par près d’un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations ». Ce faisant, la loi instaurait « une différence de traitement, qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d’un même régime de sécurité sociale, sans rapport avec l’objet des cotisations salariales de sécurité sociale » (102).

Pour autant, le Gouvernement n’a pas renoncé à réformer les modalités de soutien au pouvoir d’achat des plus modestes, et plus généralement au retour à l’emploi.

b.  La suppression de la PPE a constitué la première étape de la réforme.

L’article 28 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 (103) a supprimé la prime pour l’emploi à compter de l’imposition des revenus de 2015, sans incidence, donc, sur la PPE servie en 2015 au titre des revenus perçus en 2014. C’est donc en 2016 que se feront sentir les effets de la suppression de la PPE.

Cette suppression, justifiée par les défauts spécifiques à la PPE, ne peut toutefois se comprendre que comme la première étape d’une réforme d’ensemble de la politique d’incitation financière à l’activité, que cet article entend parachever.

II. LE DROIT PROPOSÉ

En préalable à la description détaillée du dispositif proposé, il faut dire une nouvelle fois que l’équilibre général de la réforme dépend pour beaucoup, voire pour l’essentiel, de mesures non prévues dans le texte, car devant être définies par voie réglementaire. Nombre des dispositions commentées ci-dessous ne produisent donc pas, en tant que telles, des effets susceptibles d’une appréciation très fine. Dans ce cas, l’estimation des effets possibles, et donc l’aspect plus « analytique », est renvoyée à la dernière partie du commentaire, consacrée justement à l’évaluation de l’impact attendu de la réforme.

A.  LA CRÉATION DE LA PRIME D’ACTIVITÉ : PRÉSENTATION DU DISPOSITIF JURIDIQUE

Cet article rétablit, au sein du livre VIII du code de la sécurité sociale, un titre IV intitulé « Prime d’activité », comptant six chapitres.

1.  Des objectifs identiques à ceux de la PPE et du RSA activité

Le chapitre Ier, intitulé « Dispositions générales », comporte un unique article L. 841-1, qui définit en ces termes l’objet de la prime d’activité : « inciter les travailleurs aux ressources modestes, qu’ils soient salariés ou non-salariés, à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle ». Cette définition n’emporte pas de conséquences juridiques spécifiques.

2.  Un droit ouvert plus largement que le RSA activité, par l’inclusion des 18-25 ans

Le chapitre II définit les « Conditions d’ouverture du droit », aux articles L. 842-1 à L. 842-7.

● L’article L. 842-1 ouvre le droit à la prime d’activité à « toute personne résidant en France de manière stable et effective, qui perçoit des revenus tirés d’activité professionnelle ».

Dans son avis sur le projet de loi, rendu public (104), le Conseil d’État a analysé la conformité au droit de l’Union européenne du critère de résidence stable et effective (déjà prévu pour le RSA, cf. supra). La prime d’activité doit être regardée comme un avantage social au sens du droit de l’Union, ce qui signifie qu’elle doit bénéficier aux travailleurs ressortissants d’un État membre de l’UE comme aux travailleurs nationaux. La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) admet cependant qu’une aide sociale soit conditionnée à un critère de résidence – par construction plus facilement rempli par les travailleurs nationaux – si cette condition est justifiée et proportionnée.

En l’espèce, le Conseil d’État a considéré que c’est le cas, « au regard de l’objectif de la prime d’activité, qui vise à l’insertion professionnelle sur le marché du travail français, et à ses modalités de calcul, qui tiennent compte, par construction, du niveau de vie constaté en France et sont propres au contexte socio-économique français ».

● L’article L. 842-2 dresse la liste des conditions que doit remplir le bénéficiaire de la prime d’activité.

La première de ces conditions est d’être âgé de plus de 18 ans. Il s’agit là de l’une des principales avancées permises par la création de la prime d’activité, puisque, rappelons-le, le RSA n’est ouvert qu’aux personnes âgées de plus de 25 ans (cf. supra). L’étude d’impact rappelle à juste titre l’utilité de cette mesure, eu égard au fait que les jeunes sont les plus touchés par le chômage (23,7 % au troisième trimestre 2014, soit 13,3 points de plus que le taux de chômage moyen). La même source précise que les jeunes éligibles à la prime d’activité pourront la percevoir, selon leur choix, soit sous forme de majoration du montant forfaitaire s’ils demeurent rattachés au foyer de leurs parents, soit à titre personnel en se constituant en foyer autonome (qu’ils continuent ou non à vivre chez leurs parents) (105). Cette option pourra être révisée annuellement, compte tenu du « caractère potentiellement très évolutif de la situation des jeunes de cette tranche d’âge ». En réponse aux questions du rapporteur (106), le Gouvernement a logiquement indiqué qu’il ne sera « pas possible pour un jeune de 18 à 25 ans d’être considéré à la fois comme un enfant à charge de ses parents bénéficiaires de la prime d’activité, et à la fois bénéficiaire autonome de la même prime ». En réalité, seul le fait de demander en son nom la prime d’activité permettra au jeune de se constituer en foyer autonome ; sinon, son revenu sera classiquement pris en compte dans le calcul de la prime d’activité du foyer de ses parents, si celui-ci y est éligible. En revanche, le jeune continuera d’être regardé comme à charge de ses parents pour le bénéfice des autres prestations, notamment les allocations logement. Ce sont environ 700 000 jeunes qui devraient, dans ces conditions, bénéficier de la prime d’activité (107).

Le bénéficiaire de la prime doit être de nationalité française, ou bien titulaire depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition générale, déjà prévue pour le bénéfice du RSA, n’est toutefois pas applicable à certaines catégories de personnes :

– les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou de la Confédération suisse (108) ;

– les réfugiés, les bénéficiaires de la protection subsidiaire, les apatrides et les étrangers titulaires de la carte de résident (ou d’un titre de séjour conférant des droits équivalents en application d’une convention internationale). Cette exception est strictement identique à celle prévue s’agissant du RSA ;

– les personnes ayant droit à la majoration de prime prévue à l’article L. 842-7 (cf. infra), sous réserve que leur séjour en France soit régulier aux termes de l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, relatif aux bénéficiaires des prestations familiales. Cette exception est inspirée de celle prévue s’agissant du RSA, au profit du même public bénéficiant d’une majoration (personnes isolées assumant la charge d’un ou plusieurs enfants et femmes isolées en état de grossesse).

La duplication de cette condition a pour effet de générer des « perdants » à la réforme, parmi les étrangers non européens qui, non éligibles de ce fait au RSA activité, pouvaient toutefois bénéficier de la PPE sous réserve d’être résidents fiscaux français au sens de l’article 4 B du code général des impôts (avoir en France son lieu de séjour principal, y exercer une activité professionnelle, ou y avoir le centre de ses intérêts économiques).

Le bénéficiaire ne doit pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l’article L. 124-1 du code de l’éducation (stages se déroulant dans le cadre des enseignements scolaires et universitaires). À ces conditions déjà prévues pour le RSA, est ajoutée celle de ne pas être apprenti au sens de l’article L. 6211-1 du code du travail (définition générale de l’apprentissage) ; de fait, la quasi-totalité de ce public était exclue, puisque les apprentis doivent en principe être âgés de moins de 25 ans, en application de l’article L. 6222-1 du code du travail. Cette limite d’âge pouvant cependant être repoussée dans certains cas, notamment lorsque la période d’apprentissage permet l’obtention d’un diplôme d’un niveau supérieur à celui détenu (article L. 6222-2 du code du travail), 15 000 apprentis environ bénéficiaient du RSA ; c’est d’ailleurs ce faible nombre qui explique que le législateur n’ait pas jugé utile d’exclure spécifiquement les apprentis. La problématique est évidemment différente avec la prime d’activité, ouverte dès 18 ans : selon la DARES, le nombre d’apprentis entre 18 et 25 ans s’élève à 247 000. Rappelons qu’en sa qualité de parlementaire en mission, le rapporteur avait émis le souhait que les apprentis ne soient pas éligibles à la prime d’activité. Comme pour le RSA, l’ensemble de ces conditions d’éligibilité n’est pas applicable aux personnes bénéficiant de la majoration précédemment décrite (« parent isolé »).

Le bénéficiaire ne doit pas avoir la qualité de travailleur détaché temporairement en France au sens de l’article L. 1261-3 du code du travail (109). Cette condition n’étant pas explicitement prévue s’agissant du RSA, le Conseil d’État en a fort opportunément analysé – et confirmé – la conformité au droit de l’Union européenne. Celui-ci exige en effet que les « conditions de travail et d’emploi » (110) offertes aux travailleurs nationaux, et notamment le « taux de salaire minimal » (111), le soient également aux travailleurs détachés ressortissants d’un autre État membre. La CJUE ayant jugé que les majorations et suppléments ne sont pas assimilés au taux de salaire minimal, le Conseil d’État a considéré que la prime d’activité ne saurait davantage l’être. En réponse aux questions du rapporteur, le Gouvernement a indiqué que l’essentiel des travailleurs détachés sont de facto exclus du bénéfice du RSA, « par le biais de la condition de résidence stable et effective en France, qui n’autorise pas plus de trois mois d’absence du territoire national au cours d’une période glissante de douze mois ».

● Il faut noter que deux des conditions prévues pour le bénéfice du RSA ne le sont pas pour celui de la prime d’activité :

– d’une part, le fait de ne pas être en congé parental, sans solde, sabbatique ou en disponibilité. C’est évidemment logique, puisque ces personnes n’ont pas d’activité, et ne peuvent par conséquent pas bénéficier de la prime éponyme ;

– d’autre part, la nécessité de faire préalablement valoir ses créances d’aliments et de pension alimentaire (112). Cela contribue, fort opportunément, à distinguer la prime d’activité de la logique de subsidiarité propre aux minima sociaux.

3.  Une prestation qui combine familialisation et individualisation, selon des modalités précises qui restent à définir

a.  Les éléments pris en compte pour le calcul de la prime d’activité

● L’article L. 842-3 définit succinctement les éléments pris en compte pour le calcul, par foyer, de la prime d’activité, ce qui appelle deux constats :

– tout d’abord, la prime d’activité demeure fondamentalement, comme le RSA activité, un mécanisme de soutien familialisé, et non individualisé comme le préconisait le rapporteur en sa qualité de parlementaire en mission ;

– ensuite, les modalités de calcul elles-mêmes ne sont pas précisées dans la loi, ce qui laisse ouvert un champ d’interrogations assez large (cf. infra).

Sont donc « pris en compte » les éléments suivants, sur le modèle du RSA activité :

– un montant forfaitaire, variable en fonction de la composition du foyer et du nombre d’enfants à charge ;

– une fraction des revenus professionnels des membres du foyer ;

– les autres ressources du foyer.

● Un élément d’individualisation est cependant inclus dans le texte, qui prévoit que le montant forfaitaire peut être bonifié. Une bonification est en effet accordée pour chaque membre du foyer percevant des revenus professionnels ; son montant est une fonction croissante des revenus situés entre un seuil et un plafond, au-delà duquel le montant est fixe. Bien que la question ne prête pas véritablement au doute, le Conseil d’État a confirmé dans son avis que « la différence de traitement instaurée entre travailleurs [par le mécanisme de bonification est] justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi de soutien à l’insertion professionnelle des travailleurs et d’incitation à l’exercice d’une activité ». Cette bonification individuelle constitue, logiquement, une incitation à la pluriactivité au sein des foyers, puisque la reprise d’une activité par chacun de ses membres apporte un surplus de revenu (cf. infra l’analyse de l’étude d’impact).

● La détermination des règles précises de calcul de la prime d’activité, notamment de celles de la bonification, est renvoyée à un décret en Conseil d’État. Le montant forfaitaire et la fraction des revenus professionnels seront quant à eux fixés par décret simple ; c’est également par décret que sera défini le montant en-deçà duquel la prime d’activité ne sera pas versée. L’étude d’impact laisse croire que le montant forfaitaire sera identique à celui du RSA socle en 2015 (cf. infra) ; la fraction des revenus professionnels devrait être, comme pour le RSA activité, de 62 % ; le seuil de non-versement serait quant à lui fixé autour de 15 euros (113), conformément à la recommandation formulée par le rapporteur en sa qualité de parlementaire en mission.

Il est prévu d’indexer le montant forfaitaire et le montant maximum de la bonification sur l’inflation hors tabac constatée au cours des douze derniers mois. Il faut saluer le principe de cette mesure, qui évitera les effets induits, pour les travailleurs modestes, par le gel de la PPE (soulignés ci-dessus). Il faut également remarquer qu’elle est différente de la règle d’indexation prévue pour le RSA : celle-ci est annuelle et repose sur la prévision d’inflation de l’année en cours, tandis que celle prévue pour la prime d’activité est glissante et repose sur l’inflation constatée.

b.  La nécessaire définition d’une base ressources

L’article L. 842-4 énumère limitativement les ressources prises en compte pour le calcul de la prime d’activité. Il s’agit donc là d’une simplification de principe, puisque c’est l’ensemble des ressources du foyer qui est pris en compte pour le calcul de la base ressources du RSA (cf. supra).

Mais les principales différences résident en fait moins dans la simplification que dans un changement de paradigme : la prime d’activité n’étant pas liée à un minimum social, à la différence du RSA activité, il convient de ne pas prendre en compte les ressources « théoriques » ou non productrices de revenus (par exemple, un bien immobilier non loué), ainsi que les revenus non imposables (par exemple, les intérêts produits par un livret A). C’est le même changement de paradigme qui explique que le mécanisme d’évaluation forfaitaire des ressources, applicable au RSA, ne l’est pas à la prime d’activité (cf. supra).

Seront prises en compte :

– « les ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou qui en tiennent lieu ». Cette formulation est reprise de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles ; son contenu est détaillé à l’article R. 262-8 du même code (114), et devrait en toute logique être transposé pour l’application de la prime d’activité. L’étude d’impact précise cependant que la rémunération perçue par les travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ESAT) sera également assimilée à des revenus d’activité ; ne l’étant pas en l’état du droit, elle n’ouvre pas le bénéfice du RSA activité, alors que les travailleurs en ESAT peuvent bénéficier de la PPE (il s’agit donc d’éviter de faire des perdants dans cette catégorie de travailleurs) ;

– « les revenus de remplacement des revenus professionnels » (pensions de retraite et d’invalidité, allocations de chômage et de préretraite, indemnités de maladie – au-delà de trois mois – et de maternité) ;

– « l’avantage en nature que constitue la disposition d’un logement à titre gratuit, déterminé de manière forfaitaire ». Cet élément de ressource est également pris en compte s’agissant du RSA (article L. 262-3) ; plus largement, l’occupation de son propre logement par un propriétaire est également prise en compte ;

– « les prestations et aides sociales, à l’exception de certaines d’entre elles en raison de leur finalité sociale particulière ». L’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles retient un principe similaire s’agissant du RSA, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de définir ces prestations (article R. 262-11 du code de l’action sociale et des familles, cf. supra) ; selon les informations transmises au rapporteur, la liste retenue pour le calcul de la prime d’activité devrait a priori être la même ;

– « les autres revenus soumis à l’impôt sur le revenu ». Cette formulation n’est pas employée à l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles, mais ces revenus entrent bien dans le champ pris en compte pour le calcul du RSA, puisque c’est bien « l’ensemble des ressources du foyer » qui est concerné. Sans dresser un inventaire complet des revenus concernés, on peut retenir notamment que les revenus fonciers ou les revenus de capitaux mobiliers, distincts de l’activité du bénéficiaire de la prime, entrent dans le calcul des ressources du foyer.

Le Conseil d’État n’a rien trouvé à redire à la simplification de la base ressources par rapport à celle du RSA, estimant « que cette différence de traitement ne méconnaît pas le principe d’égalité, eu égard à la nature spécifique de la prime d’activité ».

Le texte renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la liste des revenus et prestations concernés, ainsi que les modalités d’évaluation des ressources (notamment pour celles devant être évaluées forfaitairement). Le Gouvernement a indiqué au rapporteur que les prestations sociales dont l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit l’évaluation forfaitaire (allocations logement, allocation de soutien familial et complément familial majoré) devraient être prises en compte de la même manière pour le calcul de la prime d’activité.

Le tableau suivant présente, en détail, les différences envisagées entre la base ressources du RSA et celle de la prime d’activité.

COMPARAISON DES BASES RESSOURCES DU RSA ET DE LA PRIME D’ACTIVITÉ

 

RSA

Prime d’activité

 

Revenus professionnels

Autres ressources

Ressources non prises en compte

Revenus professionnels

Autres ressources

Ressources non prises en compte

Traitements et salaires

X

   

X

   

Rémunération des stages de formation professionnelle

X

   

X

   

Rémunération dans le cadre d’un chèque emploi service universel (CESU)

X

   

X

   

Indemnités journalières de maternité, paternité, d’adoption

X

   

X

   

Indemnités journalières de maladie, accident du travail, maladie professionnelle des trois premiers mois

X

   

X

   

Indemnités de chômage partiel

X

   

X

   

Revenus des travailleurs non-salariés

X

   

X

   

Rémunération des aidants familiaux faisant partie du foyer du bénéficiaire

X

   

X

   

Indemnités journalières de maladie, accident du travail, maladie professionnelle, à partir du quatrième mois

 

X

   

X

 

Indemnités de chômage

 

X

   

X

 

Rémunération garantie perçue en ESAT

 

X

 

X

   

Pensions alimentaires

 

X

   

X

 

Allocation journalière d’accompagnement de personne en fin de vie

 

X

   

X

 

Rentes viagères imposables (retraites, etc.)

 

X

   

X

 

Dédommagement versé aux victimes de l’amiante

 

X

     

X

Libéralités

 

X

     

X

Revenus fonciers

 

X

   

X

 

Revenus de valeurs mobilières (actions, obligations)

 

X

   

X

 

Capitaux placés non producteurs de revenus (livrets d’épargne, assurance-vie, etc.)**

 

X

     

X

Capitaux non placés et non producteurs de revenus

 

X

     

X

Biens immobiliers non loués

 

X

     

X

Avantages en nature***

 

X

     

X

Forfait logement

 

X

   

X

 

Prestations familiales et sociales incluses dans la base ressources (allocations familiales, etc.)

 

X

   

X

 

Prestations familiales exclues de la base ressources

   

X

   

X

* Les lignes grisées correspondent aux ressources traitées différemment.

** Les exemples choisis ne sont pas très heureux : il s’agit en effet de capitaux placés qui produisent des revenus ; ils sont également exclus de la base ressources de la prime d’activité, mais du fait de leur caractère non imposable, pas du fait de leur caractère « théorique ».

*** Les avantages en nature imposables demeurent dans la base ressources de la prime d’activité. Il n’a pas été précisément indiqué au rapporteur à quoi renvoie, par conséquent, la notion d’avantages en nature employée ici.

Source : Gouvernement (Les notes sont du rapporteur.).

4.  La prise en compte de certaines situations particulières, sur le modèle du RSA

● L’article L. 842-5 prévoit des conditions à la prise en compte, au titre des droits du bénéficiaire, de certaines personnes membres du foyer, sur le modèle prévu par l’article L. 262-5 du code de l’action sociale et des familles s’agissant du RSA. Il faut bien préciser ici qu’il ne s’agit pas de conditions ouvrant droit au bénéfice de la prime d’activité pour les personnes concernées, mais de conditions permettant d’inclure ces personnes dans le foyer, dont la composition détermine le montant forfaitaire de la prime.

Pour être pris en compte dans la composition du foyer, le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité doit :

– être de nationalité française, ou bien titulaire depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler ;

– ne pas être travailleur détaché ;

– ne pas être dans certaines positions professionnelles (congé parental d’éducation, congé sabbatique, congé sans solde ou disponibilité).

Lorsque le bénéficiaire est un étranger non européen, les enfants étrangers membres du foyer doivent remplir les conditions fixées à l’article L. 512-2, ouvrant le bénéfice des prestations familiales (cf. supra).

● L’article L. 842-6 prévoit des mesures spécifiques encadrant le bénéfice de la prime d’activité pour les non-salariés, qui devraient représenter plus de 10 % des bénéficiaires de la prime d’activité :

– les indépendants non agricoles, relevant pour leur sécurité sociale du régime social des indépendants, ne peuvent bénéficier de la prime d’activité si leur chiffre d’affaires excède un niveau fixé par décret ;

– les non-salariés agricoles ne peuvent bénéficier de la prime d’activité si l’exploitation qu’ils mettent en valeur a dégagé un bénéfice agricole supérieur à un montant fixé par décret.

Il s’agit dans les deux cas de conditions déjà prévues s’agissant du RSA, à l’article L. 262-7 du code de l’action sociale et des familles. À la différence de ce qui est prévu dans cet article, le projet de loi ne proscrit pas le bénéfice de la prime d’activité pour les indépendants non agricoles employant un ou plusieurs salariés : alors que le RSA est un minimum social qu’il serait illogique d’accorder à un non-salarié ayant les moyens financiers de verser un salaire à un tiers, ce raisonnement n’a pas vocation à s’appliquer à un pur mécanisme d’encouragement à l’activité. C’est la même philosophie qui explique l’absence de règles spécifiques aux intermittents et aux saisonniers, qui seront éligibles à la prime d’activité dans les conditions de droit commun.

Les règles précises de calcul sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

● L’article L. 842-7 prévoit, sur le modèle des dispositions régissant le RSA, une majoration temporaire du montant forfaitaire de la prime d’activité en faveur des personnes isolées assumant la charge d’un ou plusieurs enfants et des femmes enceintes isolées. La définition des personnes isolées est la même que celle retenue s’agissant du RSA ; il s’agit des personnes veuves, divorcées, séparées ou célibataires, qui ne vivent pas en couple de manière notoire et permanente. La période de majoration – qui faute d’être précisée dans la loi devra l’être par voie réglementaire – peut être prolongée jusqu’à ce que le dernier enfant ait atteint un âge limite, également à définir. Il faut bien noter pour finir que la majoration dont il est ici question est totalement distincte des bonifications qui peuvent s’ajouter au montant forfaitaire, le cas échéant majoré.

5.  Attribution, service et financement de la prime d’activité

Le chapitre III, relatif à l’attribution, au service et au financement de la prestation, comporte six articles.

● L’article L. 843-1 confie aux caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole le soin d’attribuer, de servir et de contrôler la prime d’activité, pour le compte de l’État.

● L’article L. 843-2, reproduisant la rédaction de l’article L. 262-18 du code de l’action sociale et des familles s’agissant du RSA, prévoit que le droit à la prime d’activité est ouvert à compter de la date de dépôt de la demande, sous réserve bien évidemment du respect des conditions imposées aux bénéficiaires.

● L’article L. 843-3 renvoie à un décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles la prime peut être réduite ou suspendue lorsqu’un membre du foyer est hospitalisé ou emprisonné, pour une durée minimale. Il est prévu que la date d’effet et la durée de la suspension, ainsi que l’ampleur de l’éventuelle réduction, varient en fonction de la durée du séjour. La rédaction retenue est pour l’essentiel reprise de l’article L. 262-19 du code de l’action sociale et des familles (115).

● L’article L. 843-4 prévoit un réexamen périodique du montant de la prime d’activité, la périodicité étant fixée par décret ; elle devrait être trimestrielle, comme pour le RSA. Le texte prévoit qu’entre chaque réexamen, il n’est pas tenu compte de l’évolution des ressources ou des revenus professionnels.

Cette disposition, qui n’est pas prévue s’agissant du RSA, met en œuvre le principe des « droits figés », exposé supra. Cela signifie notamment qu’un bénéficiaire qui entre deux réexamens cesserait d’être éligible à la prime d’activité, du fait de l’évolution des ressources ou des revenus professionnels du foyer auquel il appartient, continuerait néanmoins à la percevoir pendant cette période. Inversement, ne serait pas davantage prise en compte pendant cette période l’augmentation du montant théorique de prime d’activité.

Le Conseil d’État a estimé que la différence de traitement entre allocataires du RSA et bénéficiaires de la prime d’activité, induite par la règle des droits figés, « est justifiée par la nature particulière de la prime d’activité, qui ne constitue pas un minimum social impliquant un réexamen à tout moment des droits de l’intéressé ».

Cette simplification s’articulant avec la clarification de la base ressources (cf. supra), la seule actualisation à opérer chaque trimestre par les bénéficiaires concernera les revenus d’activité et de remplacement, « les autres ressources étant connues par l’intermédiaire de la déclaration fiscale » (étude d’impact, cf. infra).

● L’article L. 843-5 prévoit les modalités de radiation de la liste des bénéficiaires de la prime d’activité, par l’organisme chargé de son service. Cette radiation interviendra à l’issue d’une période de non-versement définie par décret, qui devrait être identique à celle prévue pour le RSA par l’article R. 262-40 du code de l’action sociale et des familles (quatre mois).

Il est par ailleurs prévu que lorsqu’un droit au RSA est ouvert, la radiation de la liste des bénéficiaires de la prime d’activité intervient à l’issue d’une période de non-versement de l’une et l’autre des prestations. Il s’agit d’éviter qu’un bénéficiaire de la prime d’activité qui basculerait dans le RSA perde trop rapidement ses droits – même nuls – à la prime d’activité ; en cas de retour à l’emploi, ses droits seraient toujours ouverts, sans formalité, sauf si pendant plus de quatre mois il perd également le bénéfice du RSA.

● L’article L. 843-6 dispose lapidairement que « la prime d’activité est financée par l’État ».

6.  Contrôle, répétition de l’indu, lutte contre la fraude

Le chapitre IV (« Contrôle, recours et récupération, lutte contre la fraude ») comporte cinq articles.

● L’article L. 844-1 confie aux directeurs des organismes chargés du versement de la prime d’activité le soin procéder aux contrôles et enquêtes concernant la prime d’activité et, le cas échéant, de prononcer des sanctions.

Le droit applicable (règles, procédures et moyens d’investigation) est celui prévu au chapitre IV ter du titre I du livre Ier du code de la sécurité sociale (116), intitulé « Contrôle et lutte contre la fraude ». Sans entrer dans le détail de la vingtaine d’articles que compte ce chapitre, il faut retenir que les directeurs des organismes de sécurité sociale sont tenus de procéder aux contrôles et enquêtes nécessaires lorsqu’ils ont connaissance d’informations ou de faits pouvant être constitutifs d’une fraude (article L. 114-9).

Parmi les moyens dont disposent les services de contrôle, on relèvera notamment :

– l’existence d’un répertoire national commun aux organismes de sécurité sociale, aux caisses de congés payés, aux organismes de gestion des retraites complémentaires obligatoires ainsi qu’à Pôle Emploi, consignant les différentes prestations servies aux bénéficiaires (article L. 114-12-1) ;

– l’échange d’informations avec l’administration fiscale (article L. 114-14) ;

– le droit de communication, au profit des agents de contrôle, des informations nécessaires, sans opposabilité du secret professionnel (article L. 114-19).

Sont également applicables les articles L. 161-1-4 et L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, qui permettent au directeur d’un organisme de sécurité sociale :

– de se procurer, y compris auprès d’autres services publics, les pièces justificatives d’une prestation, et de suspendre le versement de ladite prestation en cas de défaut de fourniture des justificatifs demandés ou de production de fausses informations (article L. 161-1-4) ;

– en cas de prestation indûment versée, de délivrer une contrainte, qui a tous les effets d’un jugement si elle n’est pas contestée devant la juridiction compétente (article L. 161-1-5).

● L’article L. 844-2 prévoit les modalités de traitement des réclamations contre les décisions prises, s’agissant de la prime d’activité, par les CAF et les caisses de MSA. Il est prévu que tout recours contentieux soit précédé d’un recours auprès de la commission de recours amiable (CRA). On rappellera qu’en application de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations relevant du contentieux général de la sécurité sociale – dont l’organisation est prévue par l’article L. 142-1 – doivent être soumises à la CRA constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme, en principe dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision contestée. Les recours contentieux doivent être formés devant la juridiction administrative, le contentieux du RSA relevant également de cet ordre de juridiction.

● L’article L. 844-3 prévoit les modalités de répétition de l’indu, calquées sur celles prévues s’agissant du RSA par l’article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles. Par principe, tout paiement indu de prime d’activité est récupéré par l’organisme qui l’a servi à tort. La récupération est cependant suspendue par toute réclamation, demande de remise, et tout recours administratif et contentieux. L’indu n’est en principe pas récupéré en une seule fois, mais par retenues successives sur les montants à échoir ; le bénéficiaire de la prime peut toutefois opter pour un remboursement en une seule fois.

Si la récupération n’est pas possible sur les versements ultérieurs
– notamment si la prime n’est plus servie au bénéficiaire –, elle peut avoir lieu sur les versements à échoir d’autres prestations sociales :

– les prestations familiales (article L. 511-1 du code de la sécurité sociale) ;

– l’allocation de logement sociale (article L. 831-1) ;

– les allocations aux adultes handicapés (titre II du livre VIII) ;

– l’aide personnalisée au logement (article L. 351-1 du code de la construction et de l’habitation) (117) ;

– le RSA (article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles), ce qui constitue par construction une nouveauté au regard de la rédaction retenue à l’article L. 262-46 du même code.

Lorsqu’une prestation est versée en tiers-payant – par exemple une allocation logement versée directement au bailleur –, l’indu peut être récupéré sur d’autres prestations, directement versées au bénéficiaire, et ce alors même que la prestation versée en tiers-payant reste à échoir. Cette disposition, reprise de la législation applicable au RSA, a été introduite afin d’éviter que la répétition de l’indu n’affecte les relations entre le bénéficiaire d’une allocation logement et son bailleur, qui verrait sans cela le montant qu’il reçoit varier en fonction de la situation de son locataire. Il faut bien préciser ici que ni le RSA ni la prime d’activité ne sont servis en tiers-payant ; cette disposition concerne donc le seul cas où le recouvrement de l’indu au titre de la prime d’activité (comme du RSA) s’opère sur une prestation servie en tiers-payant.

Les conditions des retenues opérées sur ces diverses prestations pour la répétition de l’indu sont les mêmes que celles prévues par l’article L. 553-2 en matière de prestations familiales :

– d’une part, ces retenues tiennent compte de la situation du foyer, puisqu’elles « sont déterminées en fonction de la composition de la famille, de ses ressources, des charges de logement, des prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales » ;

– d’autre part, « la créance de l’organisme peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations ».

Pour la récupération de l’indu, le directeur de la caisse concernée peut délivrer une contrainte, qui a tous les effets d’un jugement si elle n’est pas contestée devant la juridiction compétente (selon les dispositions prévues par l’article L. 161-1-5, auquel il est fait référence).

La répétition de l’indu n’intervient pas lorsque le montant du trop-versé est inférieur à un seuil fixé par décret (77 euros pour le RSA, en application de l’article R. 262-92 du code de l’action sociale et des familles).

Il est enfin prévu que la créance née du trop-versé puisse être remise ou réduite par la caisse, en cas de bonne foi ou de précarité du débiteur (mais sauf manœuvre frauduleuse ou fausse déclaration).

● L’article L. 844-4 aligne les règles de prescription de la prime d’activité sur celles des prestations familiales. L’article L. 553-1, qui définit les règles en question, prévoit un délai de prescription de deux ans.

● Enfin, l’article L. 844-5 punit d’une amende de 4 500 euros (118) le fait de monnayer le service consistant à obtenir pour autrui la prime d’activité.

● Il faut enfin noter qu’à la différence du RSA, il n’est pas prévu de rendre la prime d’activité incessible et insaisissable, puisqu’elle n’est pas un minimum social.

7.  Suivi statistique

Le chapitre V, « Suivi statistique, évaluation et observation », est composé de deux articles, eux-mêmes calqués sur les articles L. 262-54 et L. 262-55 du code de l’action sociale et des familles.

● L’article L. 845-1 prévoit que la CNAF et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) transmettent à l’État « les informations relatives à la situation sociale, familiale et professionnelle des bénéficiaires de la prime d’activité, et aux dépenses engagées à ce titre ».

● L’article L. 845-2 charge la CNAF et la CCMSA de transmettre à l’État les informations nominatives destinées à la constitution d’échantillons à des fins statistiques, « en vue de l’étude des situations et des parcours d’insertion des personnes physiques figurant dans ces échantillons » (119). Les modalités d’application de chacun de ces deux articles sont renvoyées au décret.

Il n’est plus fait mention de Pôle Emploi dans les échanges statistiques, ce qui n’apparaît pas parfaitement logique dans la mesure où nombre de bénéficiaires de la prime d’activité alterneront sans doute les phases d’emploi et les phases de recherche d’emploi, avec dans ce cas un basculement vers le seul RSA.

8.  Un renvoi général à un décret en Conseil d’État

Le chapitre VI comporte, pour toutes « Dispositions finales », un unique article L. 846-1, qui renvoie sauf disposition contraire à un décret en Conseil d’État les modalités d’application du nouveau titre créé.

B.  L’ANALYSE DE L’ÉTUDE D’IMPACT FOURNIT DES INFORMATIONS UTILES, MAIS PARFOIS INCOMPLÈTES, SUR L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL ET LES EFFETS DE LA RÉFORME.

1.  Un équilibre budgétaire d’ensemble fondé sur l’hypothèse d’un taux de recours de 50 %

● L’enveloppe budgétaire consacrée à la prime d’activité sera de 4,1 milliards d’euros en 2016, soit la somme du RSA activité et de la PPE en 2014. Les effets du gel de la PPE entre 2014 et 2016 sont neutralisés, sans quoi l’enveloppe globale serait de seulement 3,8 milliards. Cela correspond au souhait exprimé par le rapporteur en sa qualité de parlementaire en mission, consistant à « sanctuariser » l’enveloppe globale de 2014, faute de pouvoir l’augmenter du fait de la contrainte qui pèse sur nos finances publiques.

● La projection budgétaire repose sur l’hypothèse d’un taux de recours de 50 %, en hausse de 16 points par rapport à celui du RSA activité ; ce pari d’une forte augmentation du taux de recours repose sur plusieurs éléments :

– la réduction de l’effet stigmatisant du RSA activité, connecté au minimum social qu’est le RSA socle ;

– la simplification de la déclaration trimestrielle de ressources, limitée aux seuls revenus d’activité et de remplacement (cf. infra) ;

– la moindre crainte des indus, du fait de la mise en œuvre des droits figés ;

– le lancement d’une campagne d’information auprès des anciens bénéficiaires de la PPE, pour les inciter à vérifier leur éventuelle éligibilité à la prime d’activité, à l’aide d’un simulateur en ligne qui sera rapidement créé.

L’hypothèse d’un taux de recours de 50 % pourrait à première vue être considérée comme très raisonnable ; mais on rappellera que le taux de recours n’est jamais de 100 % pour des prestations dites « de guichet », impliquant des démarches pour en solliciter le bénéfice. Ainsi, le taux de recours au RSA socle, pourtant minimum social, est d’à peine 65 %.

● Selon l’étude d’impact, 4 millions de foyers seront éligibles à la prime d’activité (soit 5,6 millions d’actifs et 11 millions de personnes en tout, enfants compris), soit 2 millions de foyers effectivement bénéficiaires avec un taux de recours à 50 %. Dans ces conditions, le montant mensuel moyen serait de 160 euros. Ces données, comme du reste l’essentiel de celles présentées dans ce commentaire, résultent du modèle de micro-simulation Ines de la DREES, et ont été confrontées à celles du modèle Saphir de la direction générale du Trésor, aboutissant à des résultats proches. Le champ retenu est celui des ménages ordinaires (c’est-à-dire en excluant les logements collectifs, de type foyers) de France métropolitaine. Pour l’évaluation du coût global, les résultats ont été extrapolés à la France entière. La législation retenue est celle applicable en 2016 (y compris celle qui aurait été applicable à la PPE si elle n’avait pas été supprimée).

● Il est fait l’hypothèse que les 50 % de recourants représenteraient 66 % de la masse financière d’ensemble si le taux de recours était de 100 % ; « cela s’explique par le fait que les personnes ayant droit aux montants les plus élevés entreprennent plus souvent la démarche pour obtenir la prestation ». Le Gouvernement a indiqué au rapporteur qu’ « à moyen terme, au regard notamment des simplifications ultérieures (pré-remplissage, voire automatisation via le recours à la DSN) ce taux de recours pourrait augmenter) ».

On rappellera que la déclaration sociale nominative (DSN) a été instituée par la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives (120), à la suite des travaux conduits depuis 2000 par le groupement d’intérêt public Modernisation des déclarations sociales (GIP-MDS). La DSN doit fusionner en son sein la quasi-totalité des multiples déclarations sociales actuellement fournies par les entreprises, permettant ainsi une simplification bienvenue des procédures, en particulier pour l’établissement des cotisations sociales. Après une phase de développement sur la base du volontariat, la DSN devrait être généralisée au 1er janvier 2016, devenant cependant obligatoire pour les plus grandes entreprises dès mai 2015. Si la DSN est un outil tout à fait nécessaire, on ne saurait cependant établir de lien mécanique entre sa généralisation et l’augmentation du taux de recours à la prime d’activité.

● La montée en charge du dispositif est supposée immédiate, puisque les projections budgétaires pour 2017 et 2018 sont en faible augmentation (respectivement 4,2 et 4,3 milliards d’euros).

● Pour en finir avec les questions strictement budgétaires, il faut signaler que l’étude d’impact indique que l’avenir du Fonds national des solidarités actives sera débattu à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 (cf. infra le commentaire de l’article 25).

2.  La simplification annoncée des procédures

L’hypothèse d’un taux de recours de 50 % dépend repose notamment sur l’idée que l’allègement des procédures facilitera l’accès à la prime d’activité.

● L’étude d’impact indique à cet égard, comme cela a déjà été dit, que les bénéficiaires du RSA activité basculeront automatiquement vers la prime d’activité, sans accomplir aucune formalité. S’agissant des anciens bénéficiaires de la seule PPE, « il est prévu une coordination entre les CAF et la [direction générale des finances publiques] pour informer de façon proactive et anticipée, à la fin de l’année 2015, les allocataires des CAF et les bénéficiaires de la PPE, du remplacement de la PPE par la prime d’activité ».

Ce public pourra, grâce au simulateur en ligne qui sera mis en place sur le modèle de celui qui existe pour le RSA (121), vérifier son éventuelle éligibilité à la prime d’activité.

● Le Gouvernement affiche par ailleurs l’objectif d’une dématérialisation croissante des démarches déclaratives, totale à terme. Aujourd’hui, la demande de RSA ne peut être dématérialisée, car la logique de minimum social rend nécessaire une interaction physique, permettant notamment la présentation au futur bénéficiaire de ses droits et devoirs. Selon les informations transmises au rapporteur par le Gouvernement, le taux de dématérialisation de la déclaration trimestrielle de revenus est d’environ 35 %.

● La déclaration trimestrielle de revenus (DTR) elle-même devrait être simplifiée, en conséquence de la nouvelle définition de la base ressources. Les bénéficiaires devront toujours formuler une demande initiale et actualiser leurs revenus tous les trois mois, mais cette actualisation devrait être plus simple que l’actuelle DTR. La DTR RSA contient six rubriques (« salaires », « indemnités chômage », « pensions alimentaires », « autres ressources », « aucune ressource » et « argent placé ») ; la DTR prime d’activité n’en contiendra plus que deux (« salaires et assimilés », « revenus de remplacement »).

L’étude d’impact indique qu’ « en effet, les revenus imposables autres que d’activité et de remplacement seront désormais connus par l’organisme gestionnaire. La déclaration fiscale de ressources lui permet d’en disposer automatiquement via des flux informatiques avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) : pour la prime d’activité, les bénéficiaires déclareront simplement tous les trois mois leurs revenus d’activité et de remplacement » (122). Les pensions alimentaires, les autres ressources et l’argent placé pourront être connus par la déclaration fiscale, les éléments non imposables (par exemple le capital non producteur de revenu) n’entrant de toute façon pas dans la base ressources. La prime d’activité étant assise sur les revenus d’activité, la rubrique « aucune ressource » devient sans objet.

● Cependant, comme le souligne l’étude d’impact, « la disparition du volet activité du RSA au profit de la nouvelle prime d’activité ne sera pas neutre en gestion pour les organismes » : du fait de l’élargissement du champ des bénéficiaires et de l’augmentation attendue du taux de recours, mais également en conséquence de la simplification de la DTR.

Cette simplification impose en effet la transmission aux organismes sociaux, par la DGFiP, d’informations fiscales concernant un public supplémentaire, celui des entrants dans la prime d’activité (qui ne bénéficient pas du RSA activité aujourd’hui). Il faut cependant préciser que le transfert des données fiscales de la DGFiP vers la CNAF et la CCMSA existe déjà, pour le public connu de ces organismes, dans le cadre du Centre national de transfert des données fiscales (CNTDF) : il permet la communication aux organismes sociaux de données fiscales nominatives nécessaires notamment à l’appréciation des conditions d’ouverture des droits aux prestations et à leur calcul.

Sur le fond, la réforme proposée aboutira à la coexistence, dans la base ressources, de revenus perçus à des moments différents. Les revenus déclarés trimestriellement seront par définition ceux de l’année en cours (N) ; mais les autres – compte tenu du calendrier du décalage d’une année entre la perception des revenus et leur imposition, et du calendrier de recouvrement par l’administration fiscale – seront au mieux ceux de l’année N-1 (entre octobre et décembre de l’année N), et le plus souvent ceux de l’année N-2 (entre janvier et septembre de l’année N).

En réponse aux questions du rapporteur, le Gouvernement reconnaît d’ailleurs que « ces simplifications pourront entraîner à la marge des pertes pour les anciens allocataires du RSA activité, notamment si les montants figurant dans leur déclaration de revenus, pour les pensions alimentaires ou les revenus du patrimoine (pris en compte pour la [prime d’activité]) sont supérieurs aux revenus perçus lors des trois derniers mois ». Mais la même source considère que « cet écart, qui peut certes générer une asymétrie entre les deux dispositifs, est acceptable dans la mesure où il concerne des revenus d’importance marginale pour le public concerné (perception de loyers par exemple), et où il permet un gain en matière d’obligations déclaratives, donc de simplicité ».

L’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances seront conjointement missionnées pour évaluer l’impact administratif (et financier) de la création de la prime d’activité.

3.  Des précisions sur la formule de calcul de la prime d’activité

● La formule de calcul de la prime d’activité, qu’il n’est pas prévu de fixer dans la loi, semble être arrêtée, l’étude d’impact indiquant que « le calcul envisagé, qui sera précisé par voie réglementaire, est le suivant :

Prime d’activité du ménage (123) = (constante familiale – ressources du ménage) + (62 % des revenus d’activité du ménage + bonus individuels) ».

Cette formule provisoire appelle plusieurs remarques :

– la notion de « constante familiale », qui n’apparaît nulle part ailleurs dans l’étude d’impact ou l’exposé des motifs, n’est pas définie. Il est précisé que le premier terme de la différence (constante familiale – ressources du ménage) « correspond au sous-jacent familialisé » et que « la constante familiale variera en fonction du foyer ». Il est assez malaisé de tirer des conséquences opérationnelles de ce langage quelque peu abscons, dont on peut au demeurant douter de la contribution à l’objectif, pourtant recherché, d’une meilleure compréhension du dispositif par les bénéficiaires et les travailleurs sociaux. En réponse aux questions du rapporteur, le Gouvernement a sobrement indiqué que « la "constante familiale" est un montant déterminé par décret, dont le niveau varie selon la composition du foyer bénéficiaire de la prime d’activité ». Il s’agirait en fait, bien que cela n’ait pas été explicitement confirmé, du montant forfaitaire de RSA socle tel qu’il est calculé aujourd’hui (124) ;

– la fraction des revenus d’activité prise en compte pour le calcul de la prime d’activité serait donc la même que celle retenue en l’état du droit pour le RSA activité (62 %) ;

– le montant théorique de RSA est en tout état de cause soustrait au titre des ressources, soit par prise en compte dans la base ressources (cas général), soit de manière automatique (pour les personnes éligibles n’y recourant pas ou pour les personnes non éligibles, comme les moins de 25 ans). Comme l’indique le Gouvernement dans ses réponses au rapporteur, « il s’agit de s’assurer que […] la prime d’activité ne constitue pas un minimum social venant se substituer au RSA. Les ressources du foyer sont à cet effet supposées au moins égales au montant du RSA socle ». L’encadré suivant en illustre les effets.

Exemple d’un célibataire de moins de 25 ans (donc non éligible au RSA)
percevant 300 euros mensuels de revenus professionnels

Prime d’activité = [514 (constante familiale, par hypothèse égale au montant actuel du RSA socle) + 186 (62 % de 300)] – [362 (300 de revenus professionnels + 62 de forfait logement) + 152 (514 – 300 – 62 = RSA théorique, calculé par différence entre le montant forfaitaire de RSA, d’une part, les revenus d’activité et le forfait logement, d’autre part)] = 186

● L’étude d’impact apporte des précisions sur les intentions du Gouvernement s’agissant des modalités de détermination de la bonification, qui seront fixées par décret. Il s’agit « de soutenir le revenu des travailleurs faiblement rémunérés sans toutefois apporter, par rapport au RSA activité, de soutien supplémentaire à l’activité à temps très partiel (inférieur au mi-temps) ». C’est la raison pour laquelle la bonification ne serait versée qu’au titre des membres du foyer dont les revenus d’activité mensuels excèdent 0,5 SMIC (soit environ le point de sortie du RSA socle).

Le montant de bonification, nul jusqu’à 0,5 SMIC de revenus professionnels, augmenterait linéairement jusqu’à 0,8 SMIC, pour atteindre alors 67 euros. Il resterait stable jusqu’au point de sortie du RSA activité (variable selon la composition du foyer, mais autour de 1,15 SMIC pour un célibataire sans enfant). Puis il serait « progressivement "absorbé" par la pente décroissante de la prime d’activité », pour disparaître au point de sortie (environ 1,3 SMIC pour un célibataire).

4.  Quelques éléments d’analyse des principaux effets « micro » de la réforme

a.  La prime d’activité serait systématiquement plus favorable que le RSA activité, et généralement plus que la PPE.

● L’étude d’impact indique que la prime d’activité devrait être systématiquement plus favorable que le RSA activité pour un célibataire sans enfant (percevant par hypothèse uniquement des revenus d’activité). Cette conclusion est transposable à la généralité des cas : dès lors que la « constante familiale » est égale au montant du RSA socle, que la prime d’activité comporte en outre des bonifications individuelles et que sa base ressources est plus étroite que celle du RSA, son montant doit systématiquement être supérieur à celui du RSA activité ; les mêmes facteurs expliquent que le point de sortie de la prime d’activité soit plus lointain, sur l’échelle des revenus, que celui du RSA activité (cf. infra).

Le tableau suivant illustre, par deux cas simples, la différence entre RSA activité et prime d’activité ; il permet notamment de constater les effets positifs des bonifications individuelles, notamment en termes d’incitation à la bi-activité.

ILLUSTRATIONS SIMPLES DE LA DIFFÉRENCE ENTRE RSA ET PRIME D’ACTIVITÉ

 

RSA

Prime d’activité

Commentaires

Célibataire percevant exclusivement des revenus d’activité à hauteur de 1 SMIC (environ 1 135 euros)

[514 (montant forfaitaire) + 704 (62 % de 1 135)] – 1 135 (ressources) = 83 euros

[514 + 704 + 67 (bonification individuelle)] – 1135 = 150 euros

La différence positive entre la prime d’activité et le RSA activité résulte de la bonification individuelle, maximale en l’espèce

Couple avec deux enfants percevant :

– 2 615 euros de revenus d’activité (un membre rémunéré 1 SMIC, l’autre 1,3 SMIC, soit 1 480 euros) ;

– 130 euros d’allocations familiales*

(1079 + 1621) – (2615 +130) = – 45 euros

(1079 + 1621 + 67 +67) – (2615 + 130) = 89 euros

Alors que ce couple ne bénéficie pas du RSA activité, il percevra 89 euros de prime d’activité, du fait du caractère individuel de la bonification : en l’espèce, les deux bonifications sont maximales, et donc incitatives à la bi-activité.

* Dans les deux exemples, les revenus sont au-delà du point de sortie des allocations logement, ce qui explique l’absence de prise en compte du forfait logement.

Source : Gouvernement et Commission.

La prime d’activité étant familialisée et ne tenant pas seulement compte des revenus professionnels, son point de sortie variera selon la composition du foyer et ses ressources, comme le RSA activité. Le tableau suivant fournit quelques exemples de point de sortie.

POINT DE SORTIE DES DIFFÉRENTS DISPOSITIFS EN FONCTION DES REVENUS D’ACTIVITÉ PERÇUS CHAQUE MOIS

 

RSA activité

PPE

Prime d’activité

Personne seule

1,15 SMIC

1,25 SMIC

1,3 SMIC

Célibataire parent isolé

1,75 SMIC

1,5 SMIC

1,9 SMIC

Couple bi-actif sans enfant (dont un membre est rémunéré au SMIC)

1,75 SMIC

2,45 SMIC

2,05 SMIC

Couple bi-actif avec deux enfants (dont un membre est rémunéré au SMIC)

2,1 SMIC

3 SMIC

2,4 SMIC

Source : Gouvernement.

● À la demande du rapporteur, le Gouvernement a complété les éléments figurant dans l’étude d’impact, pour comparer également les avantages procurés respectivement par la PPE et la prime d’activité.

Les tableaux et graphiques ci-après montrent, pour quelques cas-types, les effets de la réforme :

– dans l’ensemble, la prime d’activité est plus favorable que le RSA activité et que la PPE, dans des proportions d’ailleurs nettement plus significatives s’agissant de cette dernière ;

– en revanche, le point de sortie de la PPE reste, dans certains cas, plus lointain que celui de la prime d’activité, ce qui résulte de facteurs exposés supra (effet concubinage, plafonds de RFR assez élevés, en particulier pour le bénéfice des majorations).

Cas d’un célibataire sans enfant

MONTANT MENSUEL DE PRIME D’ACTIVITÉ ET SUPPLÉMENT PERÇU
PAR RAPPORT AU RSA ACTIVITÉ ET À LA PPE POUR UN CÉLIBATAIRE SANS ENFANT

(en euros)

 

Montant de prime d’activité

Supplément par rapport au RSA activité

Supplément par rapport à la PPE (pour les non-recourants au RSA)

Inactif

0

0

0

Quart temps – 0,25 SMIC

185

0

185

Mi-temps – 0,5 SMIC

246

0

203

0,6 SMIC

222

22

178

0,7 SMIC

199

44

155

Trois quart temps – 0,75 SMIC

188

56

143

0,8 SMIC

176

67

131

0,9 SMIC

136

67

90

Plein temps – 1 SMIC

132

67

86

Plein temps – 1,1 SMIC

105

67

82

Plein temps – 1,2 SMIC

60

60

60

Plein temps – 1,3 SMIC

15

15

15

Plein temps – 1,4 SMIC

0

0

0

Source : Gouvernement.

COMPARAISON DU MONTANT MENSUEL PROCURÉ PAR CHAQUE DISPOSITIF
POUR UN CÉLIBATAIRE SANS ENFANT

(en euros)

Montant des revenus d’activité

RSA activité

PPE

Prime d’activité

Inactif

0

0

0

0,1 SMIC

74

0

74

0,25 SMIC

185

0

185

0,5 SMIC

246

43

246

0,6 SMIC

200

44

222

0,7 SMIC

155

44

199

0,8 SMIC

110

45

176

0,9 SMIC

69

46

136

1 SMIC

65

46

132

1,1 SMIC

38

23

105

1,2 SMIC

0

0

60

1,3 SMIC

0

0

15

1,4 SMIC

0

0

0

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

Cas d’une personne isolée avec un enfant

COMPARAISON DU MONTANT MENSUEL PROCURÉ PAR CHAQUE DISPOSITIF
POUR UNE PERSONNE ISOLÉE AVEC UN ENFANT (DE 3 À 13 ANS)

(en euros)

Montant des revenus d’activité

RSA activité

PPE

Prime d’activité

Inactif

0

0

0

0,1 SMIC

74

0

74

0,25 SMIC

185

0

185

0,5 SMIC

369

49

369

0,6 SMIC

404

50

426

0,7 SMIC

359

50

403

0,8 SMIC

314

51

380

0,9 SMIC

268

52

335

1 SMIC

223

52

290

1,1 SMIC

178

29

245

1,2 SMIC

132

6

199

1,3 SMIC

97

6

164

1,4 SMIC

90

6

157

1,5 SMIC

84

6

151

1,6 SMIC

80

0

147

1,7 SMIC

35

0

102

1,8 SMIC

0

0

56

1,9 SMIC

0

0

11

2 SMIC

0

0

0

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

Cas d’un couple bi-actif sans enfant

COMPARAISON DU MONTANT MENSUEL PROCURÉ PAR CHAQUE DISPOSITIF
POUR UN COUPLE BI-ACTIF SANS ENFANT *

(en euros)

Montant des revenus d’activité

RSA activité

PPE

Prime d’activité

1 SMIC

233

61

300

1,1 SMIC

233

61

300

1,25 SMIC

238

61

305

1,5 SMIC

125

96

192

1,6 SMIC

80

97

169

1,7 SMIC

35

98

146

1,8 SMIC

0

99

123

1,9 SMIC

0

99

78

2 SMIC

0

100

33

2,1 SMIC

0

77

0

2,2 SMIC

0

54

0

2,3 SMIC

0

54

0

2,4 SMIC

0

54

0

2,5 SMIC

0

0

0

2,6 SMIC

0

0

0

2,7 SMIC

0

0

0

2,8 SMIC

0

0

0

2,9 SMIC

0

0

0

3 SMIC

0

0

0

*À partir de 1 SMIC le revenu du foyer se répartit entre 1 SMIC pour le premier membre actif et le solde (variable) apporté par le second membre actif.

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

Cas d’un couple bi-actif avec deux enfants

COMPARAISON DU MONTANT MENSUEL PROCURÉ PAR CHAQUE DISPOSITIF
POUR UN COUPLE BI-ACTIF AVEC DEUX ENFANTS

(en euros)

Montant des revenus d’activité

RSA activité

PPE

Prime d’activité

1 SMIC

381

67

448

1,1 SMIC

335

67

402

1,25 SMIC

267

67

334

1,5 SMIC

172

102

239

1,6 SMIC

161

103

251

1,7 SMIC

151

104

262

1,8 SMIC

140

105

274

1,9 SMIC

132

105

266

2 SMIC

87

106

221

2,1 SMIC

42

83

176

2,2 SMIC

0

60

131

2,3 SMIC

0

60

85

2,4 SMIC

0

60

40

2,5 SMIC

0

60

0

2,6 SMIC

0

60

0

2,7 SMIC

0

60

0

2,8 SMIC

0

60

0

2,9 SMIC

0

60

0

3 SMIC

0

60

0

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

b.  La prime d’activité permet de concentrer l’effort sur les premiers déciles, corrigeant les défauts de la PPE

Il ressort de l’étude d’impact :

– que 56 % des foyers bénéficiaires de la prime d’activité appartiendront aux deux premiers déciles de niveau de vie, contre respectivement 72 % pour le RSA activité et 27 % pour la PPE ;

– que 86 % appartiendront aux cinq premiers déciles, contre respectivement 93 % pour le RSA activité et 76 % pour la PPE ;

– et qu’au final, le taux de pauvreté monétaire devrait reculer de 0,2 point.

VENTILATION PAR DÉCILES DE NIVEAU DE VIE ET MONTANT MOYEN DE PRIME D’ACTIVITÉ (RECOURANTS)

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Ventilation des bénéficiaires

100 %

30 %

27 %

17 %

8 %

5 %

5 %

9 %

Montant moyen

164 €

208 €

175 €

127 €

135 €

135 €

132 €

115 €

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

c.  Effets sur la prise ou la reprise d’un emploi

Pour illustrer l’effet attendu de la prime d’activité sur l’emploi, l’étude d’impact développe deux exemples, figurant dans l’encadré ci-dessous. Il est cependant permis de s’interroger sur la pertinence de la comparaison entre la prime d’activité et l’absence de tout mécanisme de soutien, sans aucune référence au fait qu’au moins une partie des bénéficiaires de la prime d’activité auraient pu bénéficier de la PPE, même si ce dispositif était en voie d’extinction du fait de la non-revalorisation de son barème.

Exemple de l’impact de la prime d’activité sur la reprise d’un emploi

Ainsi, un célibataire sans emploi au RSA (ex-RSA socle) reprenant un emploi à mi-temps rémunéré au SMIC, soit environ 600 euros, verrait son revenu augmenter de seulement 50 euros en l’absence de prime d’activité : il perdrait non seulement son RSA (–470 euros) mais aussi une partie de ses allocations logement (–60 euros). Grâce à sa prime d’activité d’environ 240 euros par mois, il verra son revenu mensuel augmenter de 290 euros.

De manière identique, un célibataire au RSA (ex-RSA socle) reprenant un emploi à plein temps rémunéré au SMIC, soit environ 1 200 euros par mois en 2016, verrait son revenu augmenter de seulement 420 euros en l’absence de prime d’activité, dans la mesure où il perdrait son RSA (–470 euros) et la quasi-totalité de ses allocations logement (–260 euros). Grâce à sa prime d’activité, d’environ 130 euros par mois, il verra son revenu mensuel augmenter de 540 euros.

Source : étude d’impact.

5.  Des données à préciser sur les « gagnants » et les « perdants » à la réforme

● L’étude d’impact indique que 4,5 millions de ménages seraient « concernés par la réforme » :

– 2 millions de bénéficiaires de la prime d’activité (soit l’application d’un taux de recours de 50 % à 4 millions de foyers théoriquement éligibles) ;

– 2,5 millions de ménages qui auraient bénéficié de la PPE mais ne seront pas éligibles à la prime d’activité. En se référant aux développements qui précèdent, on peut penser qu’il s’agit : des travailleurs détachés, des étudiants, des étrangers non européens, des personnes dont les revenus du concubin n’étaient pas pris en compte dans le RFR mais le seront dans la base ressources de la prime d’activité, des personnes des derniers déciles éligibles à la PPE (125), ainsi que des personnes éligibles à la PPE du fait de son caractère annuel (cf. supra).

Une acception plus large de la notion de ménages « concernés par la réforme » aurait pu conduire à prendre en compte les 2 millions de bénéficiaires potentiels de la prime d’activité qui, du fait de l’hypothèse d’un taux de recours de 50 %, n’y recourront pas ; le nombre de ménages concernés serait alors porté à 6,5 millions.

● Les bénéficiaires actuels du RSA activité ne seraient jamais perdants, pour les motifs exposés ci-dessus ; 50 % y seraient même gagnants, à hauteur de 53 euros par mois. Afin d’éviter des perdants en raison des démarches administratives qui pourraient être rendues nécessaires par la création de la prime d’activité, il est prévu un basculement automatique des actuels bénéficiaires du RSA activité vers la prime d’activité, sans formalité spécifique (cf. infra le commentaire de l’article 27).

Il faut cependant signaler que seront perdants les anciens bénéficiaires du RSA activité dont le montant théorique de prime d’activité serait compris entre 6 euros et 15 euros, soit les seuils respectifs de versement de l’une et l’autre prestation. Selon les réponses aux questions du rapporteur, l’ordre de grandeur devrait s’élever à quelques dizaines de milliers de ménages.

● Bénéficieraient également de la réforme les nouveaux entrants dans le dispositif, non éligibles au RSA activité mais éligibles à la prime d’activité du fait de son profil (point de sortie plus lointain), ainsi que les 18-25 ans non étudiants, pour lesquels la prime d’activité est toujours plus favorable que la PPE.

● Les 2,5 millions de ménages anciennement bénéficiaires de la PPE mais non éligibles à la prime d’activité ne sont pas pour autant mécaniquement perdants :

– d’une part, sont considérés comme perdants (respectivement gagnants) les ménages dont la perte (respectivement le gain) excède 1 % du montant de leur revenu ;

– d’autre part, une partie des bénéficiaires de la PPE a profité de la réforme de l’impôt sur le revenu prévue par l’article 2 de la loi de finances pour 2015. Cette réforme, dite « du bas de barème » a consisté en la suppression de la première tranche du barème de l’impôt (celle qui frappe les revenus à hauteur de 5,5 %) (126), et a permis le renforcement des effets du mécanisme dit de « décote », qui permet de réduire la cotisation d’impôt des ménages les moins aisés (127), pour un coût de 2,7 milliards d’euros.

Il faut toutefois préciser que la « neutralisation » d’une partie des perdants spontanés par la prise en compte des effets de la réforme du bas de barème repose sur une hypothèse contestable. En effet, la réforme fiscale s’applique aux revenus de 2014, et donc à l’impôt payé en 2015. Les effets de la suppression de la PPE, en revanche, ne seront sensibles qu’à partir de 2016. Par voie de conséquence, en 2015, les contribuables concernés bénéficieront à la fois de la PPE et de la réforme du bas de barème. S’ils ne bénéficient plus de la PPE en 2016, et s’ils ne sont pas éligibles à la prime d’activité, ils subiront une perte sèche, équivalente au montant de PPE. Cette perte aurait certes été plus importante sans réforme du bas de barème, mais elle existe néanmoins.

● Une fois exposé cet important caveat, il ressort des données du Gouvernement que les bénéficiaires de la PPE se répartiraient en trois catégories, après prise en compte de la réforme de l’impôt sur le revenu :

– 20 % des bénéficiaires, situés dans les deux premiers déciles de niveau de vie, seraient gagnants ;

– les bénéficiaires des déciles trois à cinq – soit 55 % – qui « ont, pour leur part, été aidés dans le cadre de l’allègement d’impôt sur le revenu intervenu en 2015 », seraient peu impactés (gain ou perte de moins de 1 % de leur revenu) ;

– les bénéficiaires des quatre derniers déciles (25 %) seraient généralement perdants.

● Sans prise en compte de la réforme de l’impôt sur le revenu, la prime d’activité serait favorable aux foyers appartenant aux deux premiers déciles de niveau de vie (gain de 500 millions d’euros), mais défavorable aux troisième à cinquième déciles (perte de 300 millions d’euros). Mais cette perte spontanée serait plus que compensée par la réforme du bas de barème : l’étude d’impact considère, sans y accorder de longues démonstrations, qu’ « en tenant compte de cette mesure en complément de la mise en place de la prime d’activité, les ménages des déciles trois à cinq sont globalement gagnants, pour un gain net total d’environ 1,5 milliard d’euros ».

● Au total, après prise en compte de la réforme de l’impôt sur le revenu, 1,2 million de ménages seraient gagnants, près de 825 000 perdants, et environ 2,45 millions peu impactés.

Ces chiffres ne tiennent cependant pas compte du fait qu’une partie des éligibles à la prime d’activité n’y aura pas recours ; en réponse aux questions du rapporteur, le Gouvernement a indiqué que 560 000 ménages supplémentaires sont perdants en raison de ce non-recours, portant leur nombre total à 1,4 million : cela signifie que 560 000 ménages non-recourants bénéficiaient jusqu’alors de la PPE, et ne percevront par construction pas de prime d’activité, puisqu’ils ne la solliciteront pas. Si ces 560 000 perdants sont « assumés » au sens où ils ont tout loisir de recourir à la prime d’activité, il est cependant nécessaire de les mentionner, par simple symétrie avec le fait que le chiffrage des gagnants tient compte de l’augmentation du taux de recours par rapport au RSA activité.

La ventilation des 825 000 perdants retenus par le Gouvernement s’opère de la sorte :

– 40 % appartiennent à des foyers fiscaux distincts (« effet concubinage », précédemment décrit) ;

– 55 % pâtissent des modalités de calcul de la prime d’activité, notamment du fait que la prime sera révisée trimestriellement, alors que la PPE était annualisée. Ainsi, la prise en fin d’année civile d’un emploi dont la rémunération annuelle, trop élevée, n’aurait pas ouvert droit à la PPE, pouvait néanmoins y ouvrir droit en N+1, car le cumul des revenus des derniers mois de l’année N demeurait inférieur au plafond de RFR ;

– 5 % percevront un montant de prime d’activité inférieur au montant de PPE, notamment les personnes qui percevaient la PPE uniquement du fait des majorations pour personnes à charge ou mono-activité (situées dans les derniers déciles, cf. supra).

● L’étude d’impact indique que la perte moyenne (45 euros) serait significativement inférieure au gain moyen (75 euros). Les réponses aux questions du rapporteur ont permis d’affiner ce chiffrage, réalisé à l’origine sur des hypothèses différentes de celles habituellement retenues (non prise en compte de l’ouverture de la prime d’activité aux 18-25 ans et « seuil de significativité » de 0,5 % et non 1 %) ; après correction, le gain moyen est estimé à 99 euros et la perte moyenne à 53 euros, mais avant prise en compte de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu.

● Les tableaux et graphiques qui suivent présentent, en fonction des différentes hypothèses exposées ci-dessus, la ventilation par déciles de niveau de vie des gagnants et des perdants, en distinguant donc quatre cas de figure selon que sont ou non pris en compte, d’une part, la réforme du bas de barème, d’autre part, les perdants non-recourants.

MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS (HORS NON-RECOURANTS)
AVANT RÉFORME DU BAS DE BARÈME

(en milliers)

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Gagnants

969

270

324

201

65

40

27

42

Perdants

1 197

76

164

241

246

200

145

124

Neutres

2 347

304

376

382

337

287

262

398

Source : étude d’impact.

Source : Commission.

MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS (HORS NON-RECOURANTS)
APRÈS RÉFORME DU BAS DE BARÈME

(en milliers)

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Gagnants

1 245

274

324

237

125

125

112

62

Perdants

824

74

157

165

165

107

58

91

Neutres

2 444

293

391

415

367

293

269

415

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS (Y COMPRIS NON-RECOURANTS)
AVANT RÉFORME DU BAS DE BARÈME

(en milliers)

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Gagnants

969

270

324

201

65

40

27

42

Perdants

1 757

211

299

404

299

228

176

158

Neutres

2 347

304

376

382

337

287

262

398

Source : Gouvernement.

MÉNAGES GAGNANTS ET PERDANTS (Y COMPRIS NON-RECOURANTS)
APRÈS RÉFORME DU BAS DE BARÈME

(en milliers)

 

Total

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7 à D10

Gagnants

1 245

274

324

237

125

125

112

62

Perdants

1 384

208

291

332

221

138

83

111

Neutres

2 444

293

391

415

367

293

269

415

Source : Gouvernement.

Source : Commission.

6.  L’évocation d’un éventuel élargissement du champ des bénéficiaires aux étudiants et aux apprentis

Bien que le projet de loi exclue du bénéfice de la prime d’activité les étudiants et les apprentis, l’étude d’impact envisage le cas inverse. Pour respecter la contrainte budgétaire (à savoir l’enveloppe globale d’environ 4 milliards d’euros), il serait nécessaire d’introduire pour ces populations un critère supplémentaire de quotité d’activité, en clair pour exclure les étudiants exerçant des « petits boulots ».

Le scénario retenu consiste à exclure les jeunes ayant gagné, dans les trois mois précédant la demande, moins de 0,78 SMIC net mensuel. Ce seuil correspond « à la sortie obligatoire du jeune comme ayant droit au titre des allocations logement ou des prestations familiales ». L’article L. 512-3 du code de la sécurité sociale dispose en effet qu’au-delà de l’âge de l’obligation scolaire, la présence d’un enfant dans le foyer ouvre droit aux prestations familiales, sous réserve que l’éventuelle rémunération de l’enfant n’excède pas un plafond (128). Ce plafond est fixé par l’article R. 512-2 du même code à 55 % du SMIC mensuel (sur une base de 39 heures travaillées par semaine, soit 169 heures) (129), ce qui représente de facto 0,78 SMIC net (130). Ce montant correspond par ailleurs au salaire minimum des apprentis de plus de 21 ans, en troisième année de contrat (en application de l’article D. 6222-26 du code du travail).

Seraient concernés environ 115 000 étudiants et apprentis. Pour financer cet élargissement, dont le coût est estimé à environ 125 millions d’euros, il serait nécessaire de baisser de quelques euros par mois la bonification individuelle, et de faire ainsi sortir 130 000 personnes du champ de la prime d’activité. Le fait que les simulations aient été réalisées sur cette seule hypothèse, sans envisager une baisse générale du niveau de la prime d’activité, résulte d’un choix politique constant : ne pas faire de perdants parmi les actuels bénéficiaires du RSA activité.

*

La Commission des affaires sociales a adopté sept amendements, dont cinq du rapporteur – l’un d’entre eux ayant pour objet la correction d’un oubli rédactionnel (amendement AS 522).

● L’objet de la prime d’activité a été complété (amendement AS 521). Le projet de loi dispose que la prime a pour objet d’inciter les travailleurs modestes à l’exercice ou à la reprise d’un emploi. Cet objectif est évidemment nécessaire, et le nouveau dispositif est construit de telle sorte qu’il soit atteint. Mais il ne faudrait pas laisser croire que certains restent volontairement hors de l’emploi. En précisant que la prime d’activité a également pour objet de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, l’amendement lève donc toute ambigüité.

● À l’initiative du Gouvernement (amendement AS 532), le bénéfice de la prime d’activité a été étendu aux étudiants et aux apprentis, mais également, compte tenu de la rédaction retenue, aux élèves et aux stagiaires de la formation initiale (131). Seuls seront éligibles ceux dont les revenus mensuels dépasseront 0,78 SMIC pendant la période de référence prise en compte pour le calcul de la prime d’activité, qui devrait être le dernier trimestre écoulé. Pour plus de précisions sur les conditions et les conséquences de cet élargissement, on se reportera aux développements consacrés à cette question supra.

● La Commission a souhaité que les bénéficiaires de la prime d’activité puissent être systématiquement informés des modalités selon lesquelles doivent être introduits les réclamations et les éventuels recours contentieux concernant la prime (amendement AS 523). Il s’agit d’une mesure simple et utile de transparence, qui pourrait être aisément mise en œuvre, par exemple par une information en ligne.

● Enfin, plusieurs compléments ont été apportés au dispositif de suivi des bénéficiaires tel que prévu par le projet de loi.

D’une part, la Commission a décidé d’introduire Pôle Emploi dans le circuit de suivi, d’évaluation et d’observation de la prime d’activité (amendements AS 527 et AS 524). Le projet de loi prévoit que la CNAF et la CCMSA transmettent à l’État, financeur de la prime d’activité, une série de données permettant le suivi statistique des bénéficiaires, afin d’observer notamment leurs parcours d’insertion. Ces dispositions s’inspirent de celles prévues par le code de l’action sociale et des familles s’agissant du RSA. Les dispositions en question prévoient que Pôle Emploi transmet mensuellement au président du conseil départemental, financeur du RSA « socle », les inscriptions des bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi, et leurs radiations (article L. 262-42). Le projet de loi ne prévoit pas de mesure symétrique s’agissant des bénéficiaires de la prime d’activité, au motif qu’ils sont par définition dans l’emploi. Il semble pourtant nécessaire de prévoir cette mesure, car il est vraisemblable qu’une partie au moins des bénéficiaires de la prime d’activité connaîtra des allers-retours entre l’emploi et la recherche d’emploi.

D’autre part, à l’initiative de notre collègue Sandrine Mazetier, rapporteure au nom de la Délégation aux droits des femmes (amendement AS 449 et sous-amendement AS 526 du rapporteur), les informations transmises à l’État par la CNAF et la CCMSA, pour assurer le suivi des bénéficiaires de la prime d’activité et la production d’informations statistiques, devront comporter une dimension sexuée. Cette mesure est d’autant plus intéressante que la prime d’activité devrait en principe inciter à la bi-activité des foyers, du fait des bonifications individuelles.

*

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AS361 de M. Jean-Luc Laurent et l’amendement AS521 du rapporteur.

M. Christian Hutin, président. L’amendement AS361 est défendu.

M. le rapporteur. Monsieur le président, je vous suggère de retirer cet amendement qui se trouve satisfait dans son objectif par celui que je vais défendre dans un instant.

L’amendement AS361 est retiré.

M. le rapporteur. L’amendement AS521 complète les objectifs de la prime d’activité. Le projet de loi dispose que la prime a pour objet d’inciter les travailleurs modestes à l’exercice ou à la reprise d’un emploi.

Si cet objectif est évidemment nécessaire – et le nouveau dispositif est construit de telle sorte qu’il soit atteint –, il ne faudrait pas laisser croire que certains restent volontairement hors de l’emploi. En précisant que la prime d’activité a également pour objet de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, cet amendement lève toute ambiguïté.

M. Christophe Cavard. J’avais déposé deux amendements proposant l’extension de la prime d’activité aux étudiants et aux apprentis. Ils ont été logiquement déclarés irrecevables au titre de l’article 40, mais je précise qu’ils faisaient suite à une déclaration du chef de l’État relative à ce public cible.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir accepté de retirer votre amendement au profit de l’amendement AS521, auquel je suis favorable.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Elle examine ensuite l’amendement AS532 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’amendement AS532 a pour objet d’inscrire dans la loi la volonté exprimée par le Président de la République de voir élargir le bénéfice de la prime d’activité aux étudiants et aux apprentis, sans remettre pour autant en cause l’objectif principal de la prime : inciter à la reprise d’activité. Il ne s’agit donc pas d’en faire un complément de revenu pour tous les étudiants et tous les apprentis, mais de cibler ceux qui justifient d’un volume d’activité leur procurant un niveau de revenu assez élevé.

Le seuil qui a été retenu se situe à 900 euros nets mensuels, soit 78 % du SMIC, ce qui est cohérent avec la notion de foyer social : les jeunes en formation initiale qui bénéficient d’un revenu d’activité supérieur à 0,78 SMIC ne peuvent plus dépendre du foyer de leurs parents pour la caisse d’allocations familiales et sont considérés comme des actifs pour le calcul des allocations familiales ou des allocations logement.

J’insiste sur la logique d’ensemble de notre démarche : cette prime vise à faciliter, encourager et soutenir la reprise d’activité. Parmi les étudiants qui travaillent, il y a parfois des salariés qui reprennent leurs études. C’est donc pour un public très identifié que la prime d’activité a été élargie aux étudiants salariés et aux apprentis qui se trouvent en troisième année.

M. le rapporteur. Avis favorable. Je veux redire à Mme la ministre ma grande satisfaction de voir ce dispositif intégrer les jeunes globalement, ce qui répond à une immense attente et constitue une avancée significative. L’amendement proposé étend le bénéfice de la prime d’activité aux étudiants et aux apprentis tout en posant un cliquet en termes de ressources, fixé à 78 % du SMIC.

M. Christophe Cavard. Je me réjouis de voir les annonces du chef de l’État se trouver ici concrétisées, même si, en entendant ces annonces, on avait pu penser que d’autres catégories de jeunes pourraient être intégrées au dispositif. Peut-être faudra-t-il trouver d’autres solutions pour ces publics.

M. Michel Issindou. Mme la ministre peut-elle nous préciser si l’on est aujourd’hui en mesure de connaître le nombre d’étudiants concernés par cette mesure, ainsi que son coût global et l’amélioration moyenne de pouvoir d’achat mensuelle qu’ils peuvent en espérer ?

Mme la ministre. Les calculs auxquels nous avons procédé nous ont conduits à revoir un peu à la baisse nos estimations initiales. Nous pensons que 120 000 jeunes environ vont être concernés par cette mesure – au-delà des jeunes de droit commun qui travaillent et doivent donc pouvoir bénéficier de la prime d’activité dans les mêmes conditions que ceux âgés de plus de vingt-cinq ans. Il s’agit donc d’une avancée considérable.

Le pouvoir d’achat supplémentaire procuré devrait tourner autour de 150 euros par mois.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS522 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement AS522 vise à corriger un oubli. Le nouvel article L. 843-3 du code de la sécurité sociale, créé par l’article 24, renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions dans lesquelles la prime d’activité peut être réduite ou suspendue lorsqu’un membre du foyer est hospitalisé ou emprisonné pour une durée minimale. Toutefois, il omet de reprendre la disposition prévoyant qu’il est tenu compte des charges de famille du bénéficiaire lorsque c’est lui qui est hospitalisé ou emprisonné. C’est une mesure de justice qu’il convient de reprendre pour la prime d’activité.

Mme la ministre. Il s’agit d’une précision nécessaire. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AS366 de M. Jean-Luc Laurent et l’amendement AS523 du rapporteur.

M. Christian Hutin, président. L’amendement AS366 est défendu.

M. le rapporteur. Vous proposez, monsieur le président, que la décision d’attribution de la prime d’activité mentionne les voies de réclamation et de recours, afin d’assurer la bonne information du bénéficiaire. Je vous propose de vous rallier à mon amendement AS523, qui va dans le même sens, pour deux raisons. Premièrement, il n’existe pas à proprement parler de décision relative à l’attribution de la prime, mais des relevés indiquant périodiquement les montants versés. Deuxièmement, il faut prévoir des modalités d’information plus générales, par exemple par la publication sur le site Internet de l’organisme servant la prime. De ce point de vue, la formulation de mon amendement semble plus appropriée. Je vous suggère donc de retirer le vôtre, monsieur le président.

M. Christian Hutin, président. Je le fais bien volontiers.

Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement AS523.

L’amendement AS366 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS523.

La Commission examine ensuite l’amendement AS449 de Mme Sandrine Mazetier, qui fait l’objet du sous-amendement AS526 du rapporteur.

Mme Chaynesse Khirouni. Concernant la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité des actifs modestes, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale prévoyait que « le dispositif réformé comportera des modalités de suivi et d’étude d’impact s’appuyant notamment sur des indicateurs sexués afin d’analyser ses effets sur les comportements d’activité des hommes et des femmes ».

En matière de suivi, l’article 24 du projet de loi prévoit notamment que la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole transmettent à l’État, dans des conditions fixées par décret, les informations relatives à la situation sociale, familiale et professionnelle des bénéficiaires de la prime d’activité et aux dépenses engagées à ce titre.

L’amendement AS449 vise à préciser que les informations ainsi transmises comportent des indicateurs sexués.

M. le rapporteur. Il est effectivement important que nous disposions d’indicateurs sexués car la prime d’activité devrait inciter à la bi-activité des foyers du fait des bonifications individuelles.

Je vous propose toutefois de faire en sorte que votre amendement s’applique aux deux articles du code relatifs à l’information sur les bénéficiaires de la prime d’activité, et non à un seul de ces articles : tel est l’objet du sous-amendement AS526.

Mme Chaynesse Khirouni. Je suis favorable au sous-amendement.

Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement AS449 sous-amendé.

Elle examine ensuite l’amendement AS527 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement AS527 a pour objet d’introduire Pôle Emploi dans le circuit de suivi, d’évaluation et d’observation de la prime d’activité.

Dans la mesure où le texte concerne des personnes qui travaillent, on a pu penser que le lien avec Pôle Emploi n’était pas déterminant. Ce serait une erreur en raison de la situation de précarité des bénéficiaires de la prime d’activité, même si certains travaillent en contrat à durée indéterminée. Il est vraisemblable qu’une partie au moins des bénéficiaires de la prime d’activité connaîtra des allers-retours entre l’emploi et la recherche d’emploi.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination AS524 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 24 modifié.

*

Article 25
(art. L. 262-1 à L. 262-4, L. 262-9, L. 262-10, L. 262-24, L. 262-25, L. 262-27-1, art. L. 262-28, L. 262-38, L. 262-40, L. 262-45, L. 262-46, L. 262-53
et L. 522-12 du code de l’action sociale et des familles)

Suppression du RSA « activité »

Cet article tire les conséquences de la création par l’article 24 de la prime d’activité, en supprimant le volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA). Cela implique de nombreuses modifications au chapitre II du titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles. Par souci de commodité, ces modifications sont commentées dans l’ordre du texte. Les développements qui suivent n’entrent pas dans le détail des dispositions déjà présentées dans le commentaire de l’article 24, auquel on pourra donc se reporter utilement.

● Le de l’article 25 modifie l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, pour restreindre l’objet du RSA au fait d’ « assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence ». L’autre objectif du RSA, à savoir « inciter à l’exercice d’une activité professionnelle et […] lutter contre la pauvreté de certains travailleurs, qu’ils soient salariés ou non-salariés », est logiquement supprimé, car désormais assigné à la prime d’activité aux termes de l’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale, créé par l’article 24 du projet de loi (« La prime d’activité a pour objet d’inciter les travailleurs aux ressources modestes, qu’ils soient salariés ou non-salariés, à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle. »).

● Le modifie l’article L. 262-2, qui prévoit que le RSA se compose d’un montant forfaitaire variable en fonction de la composition du foyer (le RSA « socle ») et d’une fraction des revenus professionnels des membres du même foyer (le RSA « activité »), devant permettre aux foyers éligibles de bénéficier dans tous les cas d’un « revenu garanti ». Le RSA devant se résumer à l’avenir à son actuel volet socle, et donc au seul montant forfaitaire, il est nécessaire de supprimer de la formule de calcul la fraction des revenus professionnels, qui ne sera plus prise en compte.

Le b du procède à cette suppression, le a supprimant en conséquence la notion de « revenu garanti », pour lui substituer celle de « montant forfaitaire », par souci de logique et de clarté rédactionnelle. Les modifications ainsi apportées à l’article L. 262-2 appellent de nombreuses conséquences, tirées tant par l’article 25 que par l’article 26 du projet de loi.

● Le est d’ailleurs la première de ces conséquences. Il modifie l’article L. 262-3, qui prévoit que le montant forfaitaire et la fraction des revenus professionnels sont fixés par décret ; la mention de la fraction des revenus professionnels devenant inutile, il est nécessaire de remanier la rédaction.

● Le modifie l’article L. 262-4, pour actualiser une référence. Cet article définit en effet définit la notion de stage pour les élèves et étudiants par une référence à l’article L. 612-8 du code de l’éducation. Or, cet article a été abrogé par l’article 1er de la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires ; ce même article a en revanche créé dans le code de l’éducation un article L. 124-1, auquel il convient désormais de faire référence.

● Le est une conséquence purement rédactionnelle du 2°, qu’il convient de décrire ici car on la retrouvera plus loin. L’article L. 262-9 prévoit une majoration du montant forfaitaire de RSA pour les parents isolés ; pour viser le montant forfaitaire, il fait référence au 2° de l’article L. 262-2. Mais compte tenu de la réorganisation rédactionnelle à laquelle procède cet article décrite, ce 2° n’existera plus à l’avenir et il convient donc de viser l’article L. 262-2 en tant que tel.

● Le tire des conséquences similaires à l’article L. 262-10, qui conditionne le bénéfice du RSA socle au fait d’avoir fait préalablement valoir ses droits aux autres prestations sociales, ainsi que ses créances alimentaires.

● Le modifie l’article L. 262-24, relatif au financement du RSA, afin de supprimer les dispositions confiant au Fonds national des solidarités actives (FNSA) le financement du RSA activité.

Le a pose le principe de cette suppression, en confiant aux seuls départements le financement du RSA.

Le b supprime la phrase confiant aux départements le financement du seul RSA socle.

Le c apporte une modification sans lien direct avec la création de la prime d’activité : en l’état du droit, le FNSA finance le RSA (socle comme activité) des foyers dans lesquels une personne a conclu un contrat unique d’insertion (prévu par l’article L. 5134-19-1 du code du travail) ; il est proposé de faire de même lorsqu’une personne membre d’un foyer bénéficiaire du RSA a conclu un contrat à durée déterminée avec un atelier ou un chantier d’insertion (dans les conditions prévues à l’article L. 5132-15-1 du même code) (132).

Le d charge le FNSA de financer les frais de gestion de la prime d’activité par les caisses d’allocations familiales (CAF) et de mutualité sociale agricole (MSA).

Le e, outre une mesure toilettage rédactionnel, prévoit que le FNSA finance la « prime de Noël » de l’ensemble des bénéficiaires du RSA, et non plus seulement des bénéficiaires du RSA socle (ce qui ne change rien au fond, puisque le RSA activité est supprimé).

Après la création de la prime d’activité, le FNSA financera donc :

– le RSA des foyers dont un membre est signataire d’un contrat d’insertion ;

– le RSA jeunes, qui n’est pas supprimé par le projet de loi (mais dont seul l’actuel volet socle subsiste) ;

– la prime de Noël des bénéficiaires du RSA et de certaines autres prestations ;

– les frais de gestion du RSA par les CAF et les caisses de MSA.

En réponse aux questions du rapporteur, le Gouvernement a indiqué que « le FNSA pourrait éventuellement être supprimé en loi de finances », puisqu’ « aucun dispositif autonome ne lui est plus attribué ».

● Le apporte à l’article L. 262-25 une modification d’ordre purement rédactionnel, consistant à alléger la formulation de la loi.

● Le insère dans le code un nouvel article L. 262-27-1. Il permet de considérer que tout bénéficiaire du RSA exerçant une activité professionnelle est réputé avoir sollicité le bénéfice de la prime d’activité, sauf expression en sens contraire. Il s’agit là d’une mesure bienvenue, évitant que l’entrée en vigueur de la prime d’activité n’entraîne de nouvelles formalités pour les bénéficiaires du RSA, dont la demande vaut en l’état du droit à la fois pour les volets socle et activité.

● Le 10° modifie l’article L. 262-28, pour tirer une nouvelle fois une conséquence de la réécriture, par le 2°, de l’article L. 262-2.

● Le 11° modifie l’article L. 262-38. En l’état du droit, cet article prévoit que le président du conseil départemental radie les bénéficiaires du RSA au terme d’une durée de suspension du versement prévue par décret (quatre mois). Le texte du Gouvernement prévoit que cette radiation intervient après une période, toujours définie par décret, sans versement du RSA mais aussi de la prime d’activité. L’article 24 comporte la disposition miroir (cf. supra).

● Le 12° modifie l’article L. 262-40, qui permet au président du conseil départemental, aux représentants de l’État et aux organismes chargés du service du RSA de recueillir auprès des différents services publics les informations nécessaires à l’identification de la situation du foyer. La suppression du RSA activité rend superflue la mention des représentants de l’État, puisque seuls les départements et caisses de sécurité sociale sont concernés par le RSA socle ; cette mention est donc supprimée. On rappellera qu’un mécanisme de collecte d’information similaire est prévu, pour la prime d’activité, par l’article 24.

● Le 13° modifie l’article L. 262-45, relatif aux règles de prescription de la créance de RSA.

Le a supprime la mention appliquant le délai de prescription de deux ans aux actions intentées par l’État en répétition de l’indu, puisque l’État ne financera plus le RSA.

Le b prévoit un nouveau cas d’interruption de la prescription, lorsque la répétition de l’indu est rendue impossible par l’existence d’une autre procédure de même nature, mais portant sur la prime d’activité (comme c’est déjà le cas s’agissant d’autres prestations, notamment les allocations logement).

● Le 17° – qui est en fait un 14° numéroté 17° par erreur – modifie l’article L. 262-46, qui prévoit le détail des règles applicables en matière de répétition de l’indu.

Le a prévoit qu’à défaut de pouvoir récupérer l’indu sur le RSA lui-même, les organismes chargés de son service puissent le récupérer sur la prime d’activité (comme ils le peuvent en l’état du droit sur d’autres prestations).

Le b supprime la possibilité d’une remise de créance par les organismes chargés du service du RSA, pour le compte de l’État, puisque précisément celui-ci ne financera plus le RSA.

● Le 18° (en fait 15°) abroge l’article L. 262-53, qui permet au président du conseil départemental de supprimer pour un an au maximum, dans certaines conditions de fraude ou quasi-fraude, le versement du RSA activité.

● Enfin, le 19° (en fait 16°) coordonne avec la modification prévue par le c du 7° la rédaction de l’article L. 522-12, relatif aux modalités de financement, dans les départements d’outre-mer, du RSA des titulaires d’un contrat unique d’insertion.

*

La Commission adopte l’article 25 sans modification.

*

Article 26
(art. 30 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, art. L. 115-2, L. 121-7, L. 131-2, L. 14-10-6, L. 262-29,
L. 262-32 et L. 262-33 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 114-16-2, L. 114-17, L. 167-3, L. 412-8, L. 523-1, L. 553-1, L. 553-2, L. 821-5-1, L. 835-3, L. 861-2 et L. 861-5 du code de la sécurité sociale, art. L. 3252-3, L. 5132-3-1, L. 5134-72-2 et L. 6325-1 du code du travail, art. L. 3334-6-1, L. 3334-16-2 et L. 3335-4 du code général des collectivités territoriales, art. 81 du code général des impôts, art. L. 98 A du livre des procédures fiscales, art. L. 331-2, L. 334-5
et L. 334-9 du code de la consommation, art. L. 351-11 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 120-11 et L. 120-21 du code du service national, art. 14 de l’ordonnance n° 96-50
du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale)

Coordination et dispositions diverses

Cet article procède aux nombreuses coordinations rendues nécessaires
– dans pas moins de neuf codes, une loi et une ordonnance – par la suppression du volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA) et la création d’une prime d’activité, prévues respectivement par les articles 25 et 24 du projet de loi. Certaines de ces coordinations auraient d’ailleurs pu trouver leur place à l’article 25, tant elles sont directement liées aux dispositions qu’il comporte. Cet article prévoit également le régime fiscal et social de la prime d’activité, qui ne sera soumise ni à l’impôt sur le revenu, ni à la contribution sociale généralisée (CSG), mais sera en revanche dans l’assiette de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Comme pour l’article 25, les dispositions de l’article 26 seront commentées dans l’ordre du texte, le plus évident quoique peu analytique. Fondamentalement, il s’agit d’un article technique ne posant pas de difficultés particulières.

● Le I modifie l’article 30 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion. Le deuxième alinéa du IV de cet article désigne en effet le RSA « socle » par référence à un 2° de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles. Or, la rédaction de cet article du code est remaniée par le 2° de l’article 25 du projet de loi, afin de tirer les conséquences de la suppression du RSA activité. Il s’agit donc ici d’une pure coordination, dont on retrouvera le principe plus loin : toute référence au RSA socle actuel doit être remplacée par la simple référence au RSA, puisque son volet activité sera supprimé à l’avenir.

● Le II apporte sept modifications au code de l’action sociale et des familles.

Son modifie l’article L. 115-2, qui fixe de manière très générale les objectifs du RSA :

– en supprimant la mention prévoyant que le RSA garantit à toute personne « de voir ses ressources augmenter quand les revenus qu’elle tire de son travail s’accroissent » ;

– en limitant aux seuls départements la responsabilité de la mise en œuvre du RSA (en excluant l’État, donc).

Le abroge le 3° de l’article L. 121-7, qui met à la charge de l’État, au titre de l’aide sociale, le RSA activité.

Le modifie, par pure coordination avec le 2°, l’article L. 131-2.

Le est également une disposition de pure coordination, concernant une référence au RSA socle à l’article L. 14-10-6, relatif à certaines charges de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Le modifie l’article L. 262-29, dont le 1° dresse la liste des organismes vers lesquels le président du conseil départemental doit orienter les bénéficiaires du RSA susceptibles de reprendre immédiatement un emploi ou de créer leur propre activité.

En l’état du droit, il s’agit :

– de Pôle Emploi ;

– des organismes mentionnés au 1° de l’article L. 5311-4 du code du travail (« les organismes publics ou privés dont l’objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi ») :

o notamment les maisons de l’emploi ;

o ou, à défaut, « une personne morale gestionnaire d’un plan local pluriannuel pour l’insertion et l’emploi » ;

– d’un autre organisme participant au service public de l’emploi, mentionné aux 3° et 4° de l’article L. 5311-4 du code du travail. Le 3° renvoie aux entreprises de travail temporaire ; le 4°, désormais abrogé, renvoyait aux « agences de placement privées ».

La rédaction proposée renvoie, plus simplement, aux organismes mentionnés à l’article L. 5311-4, soit, en plus de ceux déjà cités pour les 1° et 3° de cet article, les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées (1° bis) et les organismes liés à l’État par une convention relative à l’insertion par l’activité économique de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières (2°).

Cette rédaction a notamment pour objet de redéfinir le rôle des maisons de l’emploi, pour tenir compte du fait que leurs missions – et donc leur financement par l’État – ont été recentrées, depuis 2013, « sur deux axes que sont la participation au développement de l’anticipation des mutations économique [sic] et au développement local de l’emploi » (réponses du Gouvernement aux questions du rapporteur). C’est donc uniquement à ces titres que les allocataires du RSA pourront être orientés vers elles.

Il est en outre précisé que l’orientation vers ces organismes se fait « en vue d’un accompagnement professionnel et, le cas échéant, social ». Selon le Gouvernement, il s’agit de « tenir compte de la diversité de l’offre de service proposée par les acteurs du service public de l’emploi ».

Le modifie l’article L. 262-32, qui prévoit que les modalités de mise en œuvre du dispositif d’orientation et d’accompagnement des bénéficiaires du RSA sont définies par une convention signée entre le président du conseil départemental et les différentes personnes concernées, à savoir :

– Pôle Emploi ;

– l’État ;

– le cas échéant, les maisons de l’emploi ou, à défaut, les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi ;

– les caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole ;

– un représentant des centres communaux et intercommunaux d’action sociale.

Le texte supprime de cette liste les maisons de l’emploi, par coordination avec le 5°.

Le modifie l’article L. 262-33, par pure coordination avec les 5° et 6°.

● Le III modifie onze articles du code de la sécurité sociale.

Le complète par un nouvel alinéa l’article L. 114-16-2, qui définit les fraudes en matière sociale. Seraient considérées comme telles l’escroquerie ou la tentative d’escroquerie – respectivement punies par les articles L. 313-1 et
L. 313-3 du code pénal –, visant à obtenir, faire obtenir ou tenter de faire obtenir le RSA ou la prime d’activité. En l’état du droit (
133), l’escroquerie – mais pas la tentative – est déjà considérée comme une fraude sociale lorsqu’elle porte préjudice aux organismes de sécurité sociale (134).

Le modifie l’article L. 114-7, qui prévoit que le directeur d’un organisme chargé de la gestion d’une prestation sociale peut infliger une pénalité aux bénéficiaires se rendant coupables de certains actes, notamment la fourniture d’informations inexactes ou l’exercice d’un travail dissimulé. Le onzième alinéa du I de cet article – et non le dixième comme visé par erreur dans le texte – précise que la pénalité peut être recouvrée en appliquant une retenue sur les prestations à venir ; les règles de recouvrement applicables sont alors les mêmes que celles relatives à la répétition de l’indu de la prestation concernée. Il est donc logiquement prévu d’ajouter à la liste des références législatives visées l’article L. 844-3 du code de la sécurité sociale, créé par l’article 24 du projet de loi, et qui prévoit les modalités de récupération des versements indus de prime d’activité.

Le procède au toilettage de l’article L. 167-3, qui mentionne encore par erreur le revenu minimum d’insertion (RMI) au lieu du RSA.

Le modifie l’article L. 412-8 pour substituer à la référence au RSA socle la référence au RSA, dans la logique de pure coordination décrite ci-dessus (commentaire du I).

Le modifie selon la même logique l’article L. 523-1, qui réserve le bénéfice de l’allocation de soutien familial aux bénéficiaires du RSA socle.

Le modifie l’article L. 553-1, qui prévoit que l’action d’un allocataire pour le paiement d’une prestation se prescrit dans un délai de deux ans, et que ce délai s’applique également à l’action en récupération de l’indu par l’organisme payeur. Cette prescription est cependant interrompue lorsque la répétition de l’indu est rendue impossible par l’existence d’une autre procédure de même nature concernant certaines prestations, dont le RSA. Le texte ajoute à cette liste la prime d’activité, en faisant référence à l’article L. 844-3, précité.

Le modifie l’article L. 553-2. Le a ajoute la prime d’activité à la liste des prestations sur lesquelles peuvent être récupérés les versements indus d’une prestation familiale, dans l’hypothèse où cette récupération ne peut avoir lieu sur les versements à échoir de la prestation en question (typiquement, dans le cas où plus aucun droit n’est ouvert). Le même a procède à un toilettage formel que l’on retrouvera plus loin, consistant à supprimer la mention selon laquelle le RSA, dont il est question à l’article modifié, est celui issu de la loi précitée du 1er décembre 2008 ; cette précision, qui avait du sens au moment de la promulgation de cette loi généralisant l’expérimentation antérieure du RSA dans certains départements, est désormais superflue. Le b procède, plus loin, dans l’article, aux coordinations imposées par les deux modifications prévues par le a.

Le modifie symétriquement l’article L. 821-5-1, relatif à la répétition de l’indu de l’allocation aux adultes handicapés.

Le procède aux mêmes coordinations que celles déjà évoquées, à l’article L. 835-3, relatif aux règles de prescription et de répétition de l’indu des allocations de logement des personnes âgées, des infirmes, des jeunes salariés et de certaines catégories de demandeurs d’emploi.

Le 10° modifie l’article L. 861-2, qui définit les principes de la « base ressources » de la protection complémentaire en matière de santé. Le a prévoit d’exclure la prime d’activité des ressources prises en compte, comme l’est en l’état du droit le RSA ; il procède également à une coordination, déjà vue plusieurs fois, consistant à corriger la référence au RSA socle compte tenu de la suppression du RSA activité. Le b a le même objet, plus loin dans l’article.

Le 11° procède à une coordination symétrique à l’article L. 861-5.

● Le IV modifie quatre articles du code du travail.

Le modifie l’article L. 3252-3, qui prévoit que le salaire est insaisissable à hauteur du RSA socle. Il convient donc de procéder à la coordination, désormais bien connue, consistant à viser le RSA et non plus le seul RSA socle.

Le procède à la même modification à l’article L. 5132-3-1, relatif aux conventions d’insertion par l’activité économique (et prévoyant une participation financière des départements à la rémunération des personnes concernées, par référence au montant du RSA socle).

Le procède, pour les mêmes motifs, à la même modification à l’article L. 5134-72-2, relatif à l’aide financière prévue dans le cadre d’un contrat initiative-emploi.

Le abroge le 4° de l’article L. 6325-1, qui laissait subsister dans le code une référence obsolète au RMI et à l’allocation de parent isolé.

● Le V modifie trois articles du code général des collectivités territoriales.

Le modifie l’article L. 3334-6-1, qui définit les modalités de calcul de la dotation de péréquation des départements urbains, dont l’objet est d’assurer une répartition aussi équitable que possible de la dotation globale de fonctionnement. Pour ce faire, il est calculé un indice synthétique des ressources et des charges des départements, qui tient notamment compte, en application du 3° de l’article, du rapport entre la proportion de bénéficiaires du RSA socle, et de la proportion moyenne calculée pour les départements urbains. Il est donc nécessaire d’actualiser la référence au RSA socle, pour lui substituer une référence au RSA.

Le procède à des modifications identiques à l’article L. 3334-16-2, concernant les modalités de répartition entre départements du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion.

Le fait de même pour le calcul de l’indice synthétique de ressources et de charges permettant de déterminer la contribution des départements concernés au Fonds de solidarité pour les départements de la région d’Île-de-France.

● Le VI rétablit à l’article 81 du code général des impôts un 9° quinquies, qui exonère la prime d’activité d’impôt sur le revenu. Cette exonération emporte celle de CSG : le 3° du III de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale dispose en effet que le revenu mentionné au 9° quinquies du code général des impôts n’entre pas dans l’assiette de la CSG.

Rappelons que le RSA est également exonéré d’impôt sur le revenu ; si la loi n’en dispose pas expressément, l’exposé des motifs de l’article 6 du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion prévoyait cette exonération, par référence au 9° de l’article 81 du code général des impôts, qui exonère « les allocations, indemnités et prestations servies, sous quelque forme que ce soit, par l’État, les collectivités et les établissements publics, en application des lois et décrets d’assistance et d’assurance ». Cette exonération emporte celle de CSG, le 3° du III de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale visant, pour les exonérer, les revenus mentionnés au 9° de l’article 81 du code général des impôts.

● Le VII modifie l’article L. 98 A du livre des procédures fiscales, qui impose aux organismes débiteurs de certaines prestations sociales de fournir la liste des bénéficiaires à l’administration fiscale. Le texte ajoute à cette liste la prime d’activité, en profitant au passage pour opérer un toilettage bienvenu de l’article, qui, notamment, fait encore référence au RMI.

● Le VIII modifie trois articles du code de la consommation.

Le modifie l’article L. 331-2, qui prévoit que le montant des remboursements décidés dans le cadre de la procédure de surendettement des particuliers ne peut avoir pour effet de porter le reste-à-vivre en-dessous du montant du RSA socle. Il convient, une nouvelle fois, d’adapter la référence.

Le modifie dans le même sens les articles L. 334-5 et L. 334-9, qui adaptent certaines dispositions du code au droit applicable en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

● Le IX modifie l’article L. 351-11 du code de la construction et de l’habitation, qui fixe les règles de prescription et de répétition de l’indu en matière d’aide personnalisée au logement.

Le prévoit que l’indu puisse être récupéré, dans les mêmes conditions que celles décrites précédemment, sur la prime d’activité. Il supprime par ailleurs la référence, devenue obsolète pour des raisons également présentées plus haut, à la loi précitée du 1er décembre 2008.

Les et sont de pures coordinations résultant du 1°.

● Le X apporte deux modifications au code du service national.

Le modifie l’article L. 120-11, qui prévoit la suspension du versement du RSA pendant la période d’application d’un contrat de service civique. La prime d’activité serait soumise au même régime.

Le modifie l’article L. 120-21, qui prévoit que les indemnités perçues en application du même contrat n’entrent pas dans la base ressources de certaines prestations sociales, dont le RSA. Il en irait de même pour la prime d’activité.

● Le XI réécrit le 9° du II de l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, qui soumet le RSA activité à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Ce sera à l’avenir la prime d’activité qui y sera soumise.

*

La Commission adopte l’article 26 sans modification.

*

Article 27
Entrée en vigueur et adaptation à Mayotte

Le I de cet article prévoit l’entrée en vigueur des articles 24 à 26 au 1er janvier 2016. Cette date est parfaitement cohérente avec le calendrier de suppression de la prime pour l’emploi, qui cessera d’être versée à la fin de l’année 2015 (cf. ci-avant le commentaire de l’article 24).

Le II prévoit que les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) au 31 décembre 2015 sont automatiquement réputés avoir déposé une demande de prime d’activité au 1er janvier 2016. Cette mesure bienvenue assure la continuité entre le RSA « activité » et la prime d’activité, garantissant que les bénéficiaires du premier ne seront pas perdants du fait de la mise en œuvre de la seconde, faute d’avoir procédé aux démarches administratives nécessaires.

Le III habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois suivant la publication de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi et permettant l’adaptation des dispositions du titre IV à Mayotte. Le projet de loi de ratification de cette ordonnance devra être déposé au Parlement dans les six mois suivant la publication de l’ordonnance. Il est précisé, logiquement, que le droit existant reste applicable à Mayotte jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

*

La Commission a adopté un amendement AS 533 du Gouvernement, prévoyant que toute demande de prime d’activité formulée entre janvier et avril 2016 ouvrira droit à la prestation de manière rétroactive, au 1er janvier. Avec cette mesure favorable aux nouveaux demandeurs, « il s’agit […], tout en mettant en œuvre une communication ambitieuse, d’induire par tous les leviers possibles l’augmentation attendue du taux de recours » (exposé sommaire de l’amendement). Il s’agit également de faciliter le traitement des nouvelles demandes par les CAF, en limitant l’afflux de demandes qui, sans cela, pourrait être constaté en janvier.

*

La Commission examine l’amendement AS533 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’amendement AS533 vise à instaurer une période de transition rétroactive au 1er janvier 2016, ouvrant droit à la prime d’activité pour toutes les personnes qui auront déposé leur demande de prime avant le 1er avril 2016.

Dans la mesure où il s’agit d’une nouvelle prestation, on ne peut exclure qu’au début de l’année 2016 d’éventuels bénéficiaires n’auront pas encore déposé leur demande, faute d’en avoir suffisamment entendu parler. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle et transitoire favorable aux primo-demandeurs, qui permettra la montée en puissance du dispositif.

M. le rapporteur. C’est en effet une mesure très intéressante pour les demandeurs et qui permettra, de plus, aux caisses d’allocations familiales de gérer l’afflux prévisible de demandes. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 27 modifié.

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Article 28 (nouveau)
Rapport au Parlement sur la prime d’activité

Cet article résulte de l’adoption par la Commission d’un amendement du rapporteur (AS 525), avec avis favorable du Gouvernement.

Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la prime d’activité (soit au 1er juillet 2017) un rapport en dressant un premier bilan.

Ce rapport devra détailler les éléments suivants : le taux de recours à la prime d’activité ; son coût budgétaire ; le nombre de bénéficiaires ; la ventilation de ces bénéficiaires par déciles de niveau de vie ; ses effets sur le taux de pauvreté monétaire ; la situation des bénéficiaires sur le marché de l’emploi, notamment la durée moyenne des contrats des bénéficiaires salariés.

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La Commission examine l’amendement AS525 du rapporteur.

M. le rapporteur. M’intéressant, comme d’autres, depuis de nombreuses années, aux dispositifs sociaux mis en place, je suis très attaché au suivi qui doit en être fait.

Mme Isabelle Le Callenec. Vous avez raison.

M. le rapporteur. J’ai ainsi demandé de nombreuses fois un suivi du RSA activité permettant de dégager les raisons pour lesquelles le dispositif n’était pas opérant.

C’est pourquoi l’amendement AS525 vise à demander au Gouvernement, dans un délai de dix-huit mois après l’entrée en vigueur des articles 24 à 26 du texte, la remise d’un rapport au Parlement détaillant le taux de recours à la prime d’activité, son coût budgétaire, le nombre des bénéficiaires et leur ventilation par déciles de niveau de vie, les effets de la prime sur le taux de pauvreté monétaire et la situation de ses bénéficiaires sur le marché de l’emploi, notamment la durée moyenne des contrats des bénéficiaires salariés.

Mme la ministre. Avis favorable. Il faut toujours évaluer les dispositifs que nous mettons en place, afin de pouvoir, le cas échéant, les faire évoluer.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

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* *

En conséquence, la Commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Joseph Thouvenel, vice-président

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – M. Luc Bérille, secrétaire général, Mme Florence Dodin, secrétaire générale adjointe, et Mme Sylvie Liziard, secrétaire nationale

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe, Mme Marylise Léon, secrétaire nationale, Mme Joëlle Delair, secrétaire confédérale, Mme Émilie Durlach, secrétaire confédérale, M. Jean-François Milliat, secrétaire confédéral, et M. Thierry Cadart, secrétaire national (*)

Ø Force Ouvrière (FO) – Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale

Ø Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale, M. Jean-Michel Pecorini, secrétaire national secteur Développement et dialogue social, et M. Jean Siro, juriste en droit social

Ø Union professionnelle artisanale (UPA)M. Jean-Pierre Crouzet, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social, M. Antoine Foucher, directeur général adjoint en charge des affaires sociales, et M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques (*)

Ø Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) – M. Jérôme Volle, vice-président de la commission nationale emploi, M. Morgan Oyaux, sous-directeur du département des affaires sociales, et Mme Nadine Normand, attachée parlementaire

Ø Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) M. Alain Cordesse, président, M. Hugues Vidor, vice-président en charge du dialogue social et de l’emploi, M. Sébastien Darrigrand, délégué général, et Mme Violaine Trosseille, responsable du pôle Relations sociales

Ø Coordination des intermittents et précaires Ile de France (CIP-IDF) – M. Samuel Churin, M. Thierry Decoq et Mme Élisa Le Driand

Ø Confédération générale du travail (CGT) spectacle – M. Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC-CGT), et Mme Angeline Barth, secrétaire générale adjointe, et M. Marc Slyper, secrétaire général du syndicat national des artistes musiciens (SNAM-CGT)

Ø Syndicat national des entrepreneurs de spectacles (SNES) M. Philippe Chapelon, délégué général

Ø Syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (PRODISS) – Mme Malika Séguineau, déléguée générale, et M. Jean-Luc Archambault, président de Lysios

Ø Confédération générale du travail (CGT) – Mme Agnès Le Bot et M. Mohamed Oussedik, membres de la commission exécutive confédérale

Ø Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) – M. Yves Barou, président, et M. Christophe Donon, directeur de la stratégie

Ø Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes – Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Katia Julienne, cheffe de service des politiques sociales et médico-sociales, adjointe à la directrice générale, Mme Aude Muscatelli, sous-directrice de l’inclusion sociale, de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté, et M. Vincent Billerey, chargé de mission auprès de la sous-directrice

Ø Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC) – Mme Claire Guillemain, présidente, M. Jack Auber, vice-président, et M. François Caille, secrétaire général

Ø Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration, M. Daniel Lenoir, directeur général, M. Frédéric Marinacce, directeur des prestations familiales et sociales, et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires (*)

Ø Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – Direction générale du travail – M. Yves Struillou, directeur général, et M. Jean-Henri Pyronnet, sous-directeur

Ø Association française des entreprises privées (AFEP) – Mme Stéphanie Robert, directrice, et Mme France Henry-Labordere, directrice des affaires sociales (*)

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. François Asselin, président, Mme Geneviève Roy, vice-présidente en charge des affaires sociales, M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général, M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, et M. Thierry Grégoire, membre de l’Union nationale des PME du commerce (UNPMC)

Ø Table ronde :

Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) – M. Louis Gallois, président, et M. Florent Gueguen, directeur général

COORACE – Fédération nationale de l’économie sociale et solidaire – Mme Maud Guillerme, secrétaire générale

Emmaüs-France – M. Thierry Kuhn, président, M. Alexandre Bonjour, délégué général, et M. Gilles Ducassé, délégué général adjoint de la branche Économie solidaire et insertion

Mouvement national des chômeurs précaires (MNCP) – M. Pierre-Édouard Magnan, délégué fédéral, et M. Jean-Baptiste Willaume, membre du bureau national

Ø Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue socialDélégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale, M. Hugues de Balathier, chef de service, adjoint à la déléguée générale, M. Raphaël Arnoux, chef de la mission Fonds national de l’emploi, et Mme Sylvie Dubois, cheffe de la mission Indemnisation du chômage

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

2 () Arrêté du 24 octobre 2008 portant extension d’un accord national professionnel conclu dans le secteur artisanal des métiers de services et de production.

3 () Dares, les représentants du personnel, quelles ressources pour quelles actions ? Novembre 2014.

4 () INSEE, enquête emploi 2013 citée par l’étude d’impact du projet de loi.

5 () Étude d’impact accompagnant le projet de loi.

6 () Source : délégation générale du travail – ministère du travail.

7 () Ministère du travail.

8 () Le total des heures est calculé en multipliant le crédit d’heures par le nombre de représentants puis en effectuant la somme du crédit d’heures total de chaque IRP.

9 () La personnalité civile du CHSCT découle de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (en particulier Cass.soc., 17 avril 1991).

10 () CE, 1er juin 1979, Société SIEMENS ; CE, 27 mars 1996 ; CE, 26 juillet 1996, Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT ; CE, 29 juin 1973, Compagnie des wagons-lits.

11 () Cass. soc., 29 janvier 2003.

12 () Cass. soc., 29 janvier 2003

13 () « Les CHSCT au milieu du gué. Trente-trois propositions en faveur d’une instance de représentation du personnel dédiée à la protection de la santé au travail. », Pierre-Yves Verkindt, 28 février 2014.

14 () Loi n° 2007–1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

15 () Notons que depuis sa mise en place par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, aucun accord de mobilité interne n’a été recensé.

16 () Il s’agit des conventions de branche ou accords professionnels étendus conclus avant le 31 décembre 2009 en application des dispositions légales antérieures à la loi du 20 août 2008.

17 () Pour plus de détails à ce sujet, voir le commentaire de l’article 13.

18 () Dans l’attente de cette échéance, le principe de reconnaissance mutuelle continue de prévaloir, de même que les critères reconnus et appliqués par l’administration et la jurisprudence en cas d’enquête ou de contentieux sur la représentativité.

19 () Cass. Soc., 3 février 2010, n° 08-44.455, Bull. civ. V, n° 35.

20 () Cass, Soc., 19 février 1992, n° 88-40670.

21 () CE, 21 janvier 2015, n°36/5124. X.

22 () M. Jean-Patrick Gille était également rapporteur de la mission d’information commune relative aux métiers artistiques

23 () Le groupe assure notamment la gestion de la caisse des congés spectacles.

24 () Compte rendu de l’audition de Mme Hortense Archambault, M. Jean-Denis Combrexelle et M. Jean-Patrick Gille, par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, le 28 janvier 2015.

25 () C’est-à-dire les artistes du spectacle d’une part, et les ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle d’autre part.

26 () Cass. soc., 30 novembre 2010, Assoc. Interproduction formation c/ Daubagna, n° 09-68-609.

27 () Le compte personnel de formation (CPF) et le compte personnel de prévention de la pénibilité.

28 () Sous réserve de la validation de l’employeur.

29 () L’Autorité de la concurrence a succédé au Conseil de la concurrence suite à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

30 () Cons. conc., avis no 08-A-10, 18 juin 2008, n° 80.

31 () Un organisme peut être qualifié d’opérateur de l’État s’il exerce une activité de service public, si son financement est majoritairement assuré par l’État, directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales, et si l’État exerce un contrôle direct sur l’organisme qui ne se limite pas à un contrôle économique et financier.

32 () Les qualifications susceptibles d’être obtenues doivent être, selon l’article L. 6314-1 du code du travail, soit enregistrées dans le répertoire national des certifications professionnelles, soit reconnues dans les classifications d’une convention collective nationale de branche, soit attestées par un certificat de qualification professionnelle.

33 () Le 4° de l’article L. 6325-1 mentionne un quatrième type de public : les personnes bénéficiaires, dans un département d’outre-mer ou dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, du revenu minimum d’insertion (RMI) et de l’allocation parent isolé (API). Ces deux dernières allocations étant devenues obsolètes du fait de la création du revenu de solidarité active (RSA) en 2009, le 4° du IV de l’article 26 du présent projet de loi prévoit de supprimer cet alinéa.

34 () Bureau international du travail.

35 () Réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000431.pdf

36 () http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/DP_Feuille_de_route_2015-2017_plan_pauvrete.pdf

37 () Les termes « revenus professionnels » et « revenus d’activité », alternativement employés dans ce commentaire, ont la même signification.

38 () Précité, page 8.

39 () Idem.

40 () http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=natsos04401

41 () « Le RSA : un dispositif inadapté », 11 mars 2014 : http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20140311_rsa.pdf.

42 () Au possible, nous sommes tenus – La nouvelle équation sociale, avril 2005 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000264.pdf.

43 () Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.

44 () Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/cc2000437dc.pdf.

45 () Loi n° 2001-458 du 30 mai 2001 portant création d’une prime pour l’emploi.

46 () Document Assemblée nationale n° 2408, 26 novembre 2014, pages 204 à 225 :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r2408.pdf

47 () Les graphiques présentés en fin de commentaire, pour illustrer la comparaison entre le droit existant et le droit proposé, permettent d’avoir une vision un peu plus claire du « profil » de la PPE.

48 () Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

49 () Articles 19 à 23 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

50 () « Études et résultats », n° 908, « Le RSA en 2014 : une augmentation qui fléchit mais qui reste soutenue », mars 2015 : http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/er908.pdf

51 () Ces données sont très représentatives de l’ensemble de la population des bénéficiaires du RSA, dont 98,5 % relèvent des caisses d’allocations familiales. Source des données : « RSA conjoncture », n° 9, mars 2015 :

http://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/Dser/rsa%20conjoncture/Rsa%20Conjoncture%20n%C2%B0%209V1903RSA.pdf

52 () Article 135 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009. Les modalités d’application sont définies aux articles D 262-25-1 à D. 262-25-4 du code de l’action sociale et des familles.

53 () Cf. infra pour une analyse critique de ce dispositif.

54 () Les critères de régularité du séjour prévus par cet article sont assez larges : peuvent ainsi bénéficier des prestations familiales les ressortissants non européens titulaires d’un titre permettant de résider régulièrement en France, sans qu’il s’agisse nécessairement d’une carte de résident ou d’un titre de séjour autorisant à travailler.

55 () Islande, Liechtenstein et Norvège.

56 () Cette condition et la précédente ne sont pas applicables aux personnes bénéficiant de la majoration prévue à l’article L. 262-9.

57 () L’article D. 262-16 aligne ces seuils sur ceux prévus par les articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, pour l’application des régimes d’impositions forfaitaires des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux soumis à l’impôt sur le revenu (régimes dits « micro-BIC » et « micro-BNC »).

58 () 800 fois le SMIC pour une personne seule, avec des majorations selon la composition du foyer (article D. 262-17). Pour plus de précisions sur les modalités particulières de prise en compte de la situation des non-salariés, on se reportera plus généralement au paragraphe 3 de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre II de la partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles.

59 () L’article R. 262-32 prévoit que le bénéficiaire est par principe celui qui, au sein du foyer, est déjà allocataire des prestations familiales.

60 () Qui, comme tout foyer « social », n’a pas de définition juridique stricte : un foyer social se compose de personnes formant une communauté de vie, ce qui inclut dans la généralité des cas le couple et les personnes à charge (dont les enfants). La notion de foyer social est donc plus large que celle de foyer fiscal, mais plus restreinte que celle de ménage, plusieurs foyers sociaux ou fiscaux pouvant être rassemblés, sur le plan statistique, au sein d’un seul ménage (par exemple, deux colocataires).

61 () Le concubin notoire entre toutefois dans le foyer fiscal pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune, mais il s’agit d’une exception.

62 () Avec toutefois quelques exceptions, qui permettent notamment le rattachement des enfants étudiants jusqu’à 25 ans.

63 () Ces pourcentages baroques sont l’héritage de l’histoire : ils résultent en effet de la « fusion » du RMI et de l’API en une allocation unique, le RSA. Pour ne pas faire de perdants à cette réforme, il a été décidé que les majorations de RSA devaient correspondre à la différence – positive – entre le montant de l’API et celui du RMI. Or, en 2009, le montant garanti par l’API représentait 128,412 % du RMI, et la majoration d’API par enfant à charge représentait 42,804 % du RMI.

64 () Ces montants varient chaque année, le montant forfaitaire de droit commun pour une personne seule étant indexé sur l’inflation hors-tabac (article L. 262-3).

65 () Allocation de logement familiale (ALF) prévue à l’article L. 542-1 du code de la sécurité sociale, allocation de logement sociale (ALS) prévue à l’article L. 931-1 du même code et allocation personnalisée au logement (APL) prévue à l’article L. 351-1 du code de la construction et de l’habitation : les publics éligibles et les critères d’éligibilité varient, mais toutes trois ont pour objet d’alléger la charge financière que représente, pour des foyers aux revenus modestes, la location d’un logement ou le remboursement d’un emprunt immobilier.

66 () Le forfait logement s’applique aussi aux propriétaires et aux bénéficiaires disposant d’un logement à titre gratuit.

67 () Ce montant n’est pas de 0 euro, mais de 6 euros, montant en-deçà duquel le RSA n’est pas versé (article R. 262-39 du code de l’action sociale et des familles, pris en application de l’article L. 262-20 du même code).

68 () Cf. plus généralement, les articles 2240 à 2246 du code civil.

69 () Chiffres CAF, hors caisses de MSA. Ces données sont notamment issues d’une longue étude de la CNAF : « L’accès aux droits et le non-recours dans la branche famille de la sécurité sociale », Dossier d’étude 173, novembre 2014 : http://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Dossier%20173%20-%20Non%20recours.pdf

70 () Par référence à l’article L. 554-2 qui prévoit cette peine pour les mêmes faits s’agissant des prestations familiales.

71 () Annexe n° 45 au rapport de Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, document Assemblée nationale n° 2260, 9 octobre 2014, page 11 :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/budget/plf2015/b2260-tIII-a45.pdf

72 () Ce montant et les suivants sont ceux présentés dans le projet de loi de finances.

73 () Annexe n° 30 au rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, document Sénat n° 108, 20 novembre 2014, page 25 : http://www.senat.fr/rap/l14-108-330/l14-108-3301.pdf

74 () Article 45 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

75 () Désormais environ 0,27 SMIC, du fait du gel du barème et des seuils de la PPE (cf. infra).

76 () Tome 1 – « Observation des juridictions financières », page 93 :
https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2011

77 () La comparaison par déciles de niveau de vie permet de tenir compte de la composition du foyer : le revenu dont il dispose est en effet divisé par le nombre d’unités de consommation qu’il compte, soit, par convention, 1 pour le premier adulte, 0,5 pour chaque personne supplémentaire de plus de 14 ans, 0,3 pour chaque enfant de moins de 14 ans. La division du niveau de vie par le nombre d’unités de consommation donne le niveau de vie.

78 () Précité, page 94.

79 () Rapport sur la fiscalité des ménages, avril 2014, annexe IV, page 23 :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000301.pdf

80 () Précité, page 26.

81 () Précité, page 220 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r2408.pdf

82 () Ce taux masque toutefois le fait qu’une partie des « non-recourants » bénéficient de la PPE, sur laquelle s’imputerait le RSA activité s’ils en bénéficiaient (cf. infra).

83 () Page 223 : http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2013

84 () Précité, page 225.

85 () Mais néanmoins bien documenté par l’étude précitée de la CNAF, de novembre 2014 : http://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Dossier%20173%20-%20Non%20recours.pdf

86 () Même si, en réalité, les bénéficiaires du RSA activité sont par définition moins astreints aux devoirs, se trouvant dans l’emploi (cf. supra).

87 () Précité, page 31.

88 () Précité, page 243.

89 () La même explication vaudra également pour la ventilation par déciles des bénéficiaires de la prime d’activité (cf. infra).

90 () Évaluation des aides personnelles au logement, mai 2012 : http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article271.

91 () Précité, page 229.

92 () Précité, page 21.

93 () Précité, page 213.

94 () Par exemple par notre collègue Marc-Philippe Daubresse, alors parlementaire en mission présidentielle sur l’amélioration du RSA et le renforcement de son volet insertion, août 2011 :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000560.pdf.

95 () Sans évoquer les objectifs plus généraux, ni l’articulation du futur dispositif avec les autres mécanismes d’aide au retour à l’emploi.

96 () Précité, page 42.

97 () Article R. 232-36 du code de l’action sociale et des familles.

98 () Selon le système des « droits figés » : une fois déterminé le montant mensuel à verser sur un trimestre, ce montant n’est pas susceptible d’être revu, ni à la hausse ni à la baisse. Il s’agit là d’un élément de simplification, évitant au surplus les indus.

99 () Précité, page 65.

100 () Idem.

101 () La prime d’activité créé par cet article ne sera pas soumise à l’impôt sur le revenu ; mais les éléments relatifs à son régime fiscal et social seront présentés infra, dans le commentaire de l’article 26.

102 () Décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014, Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, considérant 13 :

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/cc2014698dc.pdf.

103 () Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

104 () http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Avis/Selection-des-avis-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Dialogue-social-et-emploi.

105 () Le jeune serait alors considéré, en quelque sorte, comme colocataire de ses parents, sans communauté de vie.

106 () Adressées pour l’essentiel conjointement avec le rapporteur pour avis de la Commission des finances.

107 () Le nombre de bénéficiaires de la PPE âgés de moins de 25 ans est d’environ 1 million.

108 () Les règles sont donc les mêmes que celles applicables pour le bénéfice du RSA activité, détaillées supra.

109 () Aux termes duquel est considéré comme détaché « tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national ».

110 () Article 3 de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

111 () Idem.

112 () Applicable uniquement au RSA socle.

113 () Ce montant étant apprécié par foyer.

114 () Rappelons qu’il s’agit : des revenus tirés d’une activité salariée ou non salarié, des revenus tirés d’un stage de formation professionnelle, de l’aide aux salariés en chômage partiel, des indemnités perçues à l’occasion des congés légaux d’accueil d’un enfant, et enfin des indemnités journalières de sécurité sociale, dans la limite de trois mois suivant l’arrêt de travail.

115 () À l’exception cependant de la disposition selon laquelle « il est tenu compte, lorsqu’il s’agit du bénéficiaire, des charges de famille lui incombant » ; il s’agit d’un simple oubli, devant être corrigé par amendement.

116 () À l’exception de quelques articles non pertinents, dans le détail desquels il n’est donc pas nécessaire d’entrer ici.

117 () On rappellera pour mémoire que l’aide personnalisée au logement (APL) est ouverte à un public plus large que l’allocation de logement sociale (ALS), mais que toutes deux poursuivent le même objectif, à savoir réduire la charge de loyer ou de remboursement d’emprunt, sous conditions de ressources. APL et ALS ne sont pas cumulables.

118 () Par référence à l’article L. 554-2 qui prévoit cette peine pour les mêmes faits s’agissant des prestations familiales.

119 () Dans les conditions de confidentialité prévues par l’article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.

120 () Article 35 de la loi n° 2012-387.

121 () https://wwwd.caf.fr/wps/portal/caffr/aidesetservices/lesservicesenligne/estimervosdroits/lersa.

122 () Sachant qu’environ 85 % des actuels bénéficiaires du RSA activité déclarent exclusivement des revenus d’activité et de remplacement.

123 () Il faut sans doute lire « foyer », et non « ménage ».

124 () Ce qui signifie que les revalorisations ultérieures de 2 % du RSA socle, jusqu’en 2017, ne devraient pas être prises en compte.

125 () Du fait des plafonds assez élevés de RFR, en particulier celles percevant exclusivement des majorations (cf. supra).

126 () L’appellation « première tranche », communément admise, est un raccourci : le taux de la véritable première tranche est de 0 %.

127 () Pour plus d’informations, on se reportera utilement au commentaire de l’article 2 du projet de loi de finances pour 2015 par la rapporteure générale, document Assemblée nationale n° 2260, 9 octobre 2014, pages 12 à 63 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r2260-v1.pdf.

128 () Il en est de même pour l’APL, en application de l’article R. 351-8 du code de la construction et de l’habitation.

129 () Le calcul sur une base de 39 heures est un héritage historique.

130 () En 2015, le montant horaire du SMIC brut est 9,61 euros. Le plafond prévu par l’article R. 512-2 du code de la sécurité sociale est donc de 893 euros mensuels (soit 55 % de [9,61 X 169]). Ces 893 euros représentent environ 78 % du SMIC mensuel net (1 139 euros sur une base de 35 heures).

131 () Sans que l’on dispose d’informations sur ces deux derniers publics.

132 () La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a réformé l’insertion par l’activité économique, en prévoyant de substituer progressivement aux contrats uniques d’insertion les contrats à durée déterminée précités. Il s’agit donc ici d’une mesure de coordination avec cette loi.

133 () Qui résulte de péripéties constitutionnelles dans le détail desquelles il n’est pas nécessaire d’entrer.

134 () Ce qui signifie en creux que l’escroquerie au RSA ou à la prime d’activité ne porte pas directement préjudice aux organismes de sécurité sociale, puisque ni l’un ni l’autre ne sont financés par ces organismes, qui se contentent de les servir.