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N° 2916

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2015.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI, relatif au droit des étrangers en France,

PAR Mme. Valérie CORRE,

Députée.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2183.

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

I. REPLACER LE CONTRAT D’ACCUEIL DANS UN PARCOURS AMBITIEUX, EXIGEANT ET PERSONNALISÉ D’INTÉGRATION 9

A. Le contrat d’accueil et d’intégration, un dispositif trop standardisé pour initier un parcours d’intégration 9

B. Le projet de loi : vers un réel « contrat » individualisé, plus ambitieux et mieux intégré au destin des migrants 13

II. RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE EN DIRECTION DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS ET DES TALENTS 17

A. Le renforcement raisonné du potentiel d’attraction en direction des étudiants étrangers grâce à des parcours plus sécurisés 18

B. La rationalisation de la profusion actuelle des dispositifs en faveur des étrangers très qualifiés grâce à la création d’un « passeport talent » stable et durable 24

III. L’ACCÈS DES JOURNALISTES AUX CENTRES DE RÉTENTION ET AUX ZONES D’ATTENTE : UNE DISPOSITION INDISPENSABLE À LA PROTECTION DES LIBERTÉS INDIVIDUELLES 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 33

II. EXAMEN DES ARTICLES 51

Article additionnel avant l’article 1er (art. L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Obligation de motivation du rejet des visas étudiants 51

Article 1er (art. L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration de l’étranger 51

Article 2 (art. L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Condition de connaissance suffisante de la langue française pour la délivrance de la carte de résident 53

Article 5 (art. L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Autorisation provisoire de séjour 53

Après l’article 5 54

Article 9 (art. L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle 55

Article 11 : Carte de séjour pluriannuelle 56

Article 23 : Accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention 59

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 61

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mardi 30 juin, la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, saisie pour avis des articles 1er, 2, 5, 9, 11 et 23 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, a adopté douze amendements sur l’initiative de la rapporteure pour avis, avant d’adopter l’ensemble formé par un article additionnel et ces articles amendés.

– Un nouvel article additionnel avant l’article 1er a été introduit afin de rétablir l’obligation de motiver les refus de visas de long séjour opposés aux étudiants désireux de suivre des études supérieures en France.

– À l’article 1er, la commission a précisé, d’une part, que l’information sur la vie en France mise à la disposition des étrangers souhaitant y séjourner doit être traduite dans une langue qu’ils comprennent, et, d’autre part que les formations et prestations du contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration demeurent dispensées gratuitement et financées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Elle a en outre précisé les dispositions que devra contenir le décret d’application de l’article.

– Aux articles 5 et 9, la commission a étendu le bénéfice de l’autorisation provisoire de séjour (APS), qui permet aux étudiants étrangers de rechercher et d’exercer pendant douze mois un ou des emplois en relations directes avec leurs études, ou de la carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle, aux titulaires de tout diplôme de l’enseignement supérieur et non plus aux seuls titulaires d’un master ou plus.

– À l’article 5, la commission a substitué à un seuil unique auquel doit être supérieure la rémunération des emplois exercés par les bénéficiaires de l’APS plusieurs seuils, fixés par décret, tenant compte du domaine professionnel et du territoire concernés.

– À l’article 11, la commission a, en premier lieu, supprimé la condition du « sérieux » de sa participation aux formations prescrites dans le parcours d’accueil et d’intégration opposable à l’étranger demandant le bénéfice d’une carte pluriannuelle de séjour, pour ne retenir que son assiduité, et précisé que la condition de ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs de la République doit résulter d’une « volonté caractérisée ». Elle a, en second lieu, confié à son établissement de formation l’appréciation de l’assiduité de l’étudiant bénéficiant d’une carte de séjour au titre de ses études. Elle a, en troisième lieu, introduit la possibilité que la durée de la carte de séjour des étudiants étrangers dépasse d’une année la durée du cycle d’études dans lequel ils sont engagés. Elle a, en dernier lieu, élargi le bénéfice du « passeport talent » aux étrangers jouissant d’une réputation « nationale » et désireux d’exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif.

INTRODUCTION

Déposé à l’Assemblée nationale le 23 juillet 2014, le présent projet de loi propose une profonde modernisation de l’accueil et du séjour des étrangers dans notre pays, en poursuivant trois objectifs essentiels.

En premier lieu, conformément aux engagements du président de la République et dans l’inspiration du rapport présenté le 14 mai 2013 au Premier ministre par M. Matthias Fekl, parlementaire en mission, intitulé « Sécuriser le parcours des ressortissants étrangers en France », il apporte une meilleure clarté, une plus forte sécurité et une plus grande cohérence au parcours d’intégration des migrants.

Il personnalise ainsi l’actuel contrat d’accueil et d’intégration afin qu’il offre à chaque primo-arrivant les outils adaptés à « son » intégration dans la société française, en prenant en compte ses besoins et en s’émancipant de procédures aujourd’hui trop standardisées et impersonnelles. Celles-ci, très coûteuses en l’état, sont également sources d’incompréhension et de découragement pour nombre de migrants. Ce projet de loi apporte ensuite de la cohérence dans tout le parcours d’intégration, de l’arrivée sur le territoire jusqu’à l’éventuelle naturalisation, en rationalisant la politique de délivrance des titres de séjour et en délivrant les étrangers de l’emprise presque quotidienne des « rendez-vous à la préfecture » qui marquent si fortement leur séjour en France. À cette fin, il introduit une continuité logique, décisive pour forger le sentiment d’une réelle et progressive intégration, partant d’un premier titre pour l’année d’arrivée dans notre pays, suivi, lorsque les conditions de maintien sont remplies et cristallisées autour d’un projet, par l’obtention d’un titre pluriannuel d’une durée allant jusqu’à quatre ans, menant jusqu’à l’acquisition éventuelle d’un titre de résident, ouverte à partir de cinq années de résidence continue. Ces étapes seraient conditionnées à l’accomplissement des démarches nécessaires à une intégration réussie et épanouie, avec notamment un relèvement des exigences relatives à la maîtrise de la langue et à la connaissance des valeurs fondamentales de notre République.

En second lieu, le projet de loi vise à renforcer l’attractivité de la France, en créant une carte de séjour de longue durée, dotée d’une visibilité, d’une clarté et de garanties sans précédent, dédiée aux « talents » internationaux et à leur famille proche et en simplifiant le parcours des étudiants et l’éventuelle transition entre leurs études et leurs premières expériences professionnelles.

En dernier lieu, le projet dessine un équilibre nouveau entre la nécessaire efficacité des contrôles et des mesures d’éloignement, lorsqu’elles s’imposent, et l’indispensable respect de la protection des libertés individuelles, aspirant à rompre avec l’hostilité et la méfiance de principe qui ont présidé aux politiques des migrations définies par les précédentes législatures.

L’étendue de ces ambitions a encouragé la commission des Affaires culturelles et de l’éducation à se saisir pour avis des dispositions relatives à la rénovation du contrat d’intégration (articles 1er et 2), à l’accueil et au séjour des étudiants étrangers (articles 5, 9 et 11), au nouveau « passeport talent » (article 11) et à l’accès des journalistes aux centres de rétention et aux zones d’attente (article 23).

Dans des délais très resserrés liés à l’inscription tardive du projet à l’ordre du jour de la session extraordinaire, la rapporteure s’est attachée à mener six auditions lui permettant d’entendre des personnalités directement ou indirectement intéressées par les domaines couverts par cet avis.

Deux préoccupations principales ont dicté ses travaux. La première est de s’assurer que les mesures proposées lèvent les freins les plus concrets rencontrés quotidiennement par les étrangers sur notre territoire, en veillant en particulier à réduire autant qu’il est possible la marge d’interprétation, susceptible de conduire à des situations inégalitaires, dont dispose l’administration dans le traitement des demandes. La responsabilité du législateur est en effet de fixer clairement les principes gouvernant les droits et les devoirs des étrangers en France, afin que chaque ressortissant en situation régulière éprouve le légitime sentiment de sécurité juridique sans lequel la vie en société est impossible. Sa deuxième ambition est de s’assurer que la loi donne un signal clair et fort sur la volonté de notre pays de considérer l’immigration comme une chance, et non comme une contrainte à juguler. Notre République doit pouvoir accueillir avec ouverture, bienveillance et dignité tous ceux qui veulent lui apporter le concours de leur volonté, de leur enthousiasme et de leurs talents. C’est sur cette démarche que reposent l’attractivité et le rayonnement de notre pays.

I. REPLACER LE CONTRAT D’ACCUEIL DANS UN PARCOURS AMBITIEUX, EXIGEANT ET PERSONNALISÉ D’INTÉGRATION

A. LE CONTRAT D’ACCUEIL ET D’INTÉGRATION, UN DISPOSITIF TROP STANDARDISÉ POUR INITIER UN PARCOURS D’INTÉGRATION

Les premières années d’installation en France sont décisives pour l’insertion des nouveaux arrivants dans la société française. Sans un accompagnement de qualité permettant de lever les principaux freins à l’intégration que forment la méconnaissance des valeurs et de l’organisation du pays d’accueil, l’insuffisante maîtrise de la langue et la réelle capacité à s’insérer dans le tissu économique, l’immigration ne peut conduire qu’à un échec, aussi bien personnel, pour l’étranger ainsi cantonné aux marges de notre société, que collectif, pour notre pays ainsi privé de l’enthousiasme et des talents de ceux qui désirent contribuer à sa force.

Le principal instrument de cette démarche d’intégration est aujourd’hui le contrat d’accueil et d’intégration (CAI), expérimenté à partir de 2003 et étendu à tous les étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2007 par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

Conclu pour une durée d’un an renouvelable une fois, conformément à l’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), entre l’État et celui qui obtient pour la première fois un titre de séjour sur notre territoire, le contrat repose sur deux principales formations obligatoires.

– D’abord l’étranger doit suivre une « formation civique » accompagnée, si nécessaire, par des interprètes. Fixée par décret à la durée d’une journée, elle comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, parmi lesquelles la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 a insisté sur la place de « l’égalité homme-femme et la laïcité ».

– « Lorsque le besoin est établi » à partir d’un test de connaissances orales et écrites en langue française accomplis par tous les primo-arrivants au cours de leur entretien avec un auditeur de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), une formation linguistique est organisée. Un quart environ des signataires se voient ainsi prescrire une formation linguistique qui s’étale en moyenne sur 270 heures avec un maximum de 400 heures. À l’issue de leur formation, la maîtrise d’un niveau estimé suffisant est attestée par l’obtention du diplôme initial de langue française (DILF), diplôme de l’Éducation nationale créé par le décret n° 2006-1629 du 19 décembre 2006 et défini par l’arrêté du 19 janvier 2007, dont l’État prend en charge les frais de première présentation.

Par ailleurs, l’article L. 311-9 précité prévoit que l’étranger peut bénéficier d’autres prestations requises par son profil.

– « Une session d’information sur la vie en France » est organisée pour près du tiers des migrants. Elle est destinée à les sensibiliser au fonctionnement de la société française et à leur présenter, au cours d’ateliers thématiques, les principaux services publics comme la santé, la protection sociale, l’école, les modes de garde des enfants, la formation, l’emploi, le logement, etc.

– « Un bilan de compétences professionnelles » est effectué pour plus des deux tiers des signataires. D’une durée moyenne de trois heures, il est réalisé avant la fin du contrat, lorsque la personne concernée a acquis une connaissance suffisante de la langue française pour être en mesure d’en tirer bénéfice.

Sous le pilotage du ministère de l’intérieur, ces formations et prestations sont organisées et financées par l’OFFI. Elles sont dispensées par des prestataires sélectionnés après appel d’offres national conformément aux régimes des marchés publics, avec un seul cahier des charges, pour garantir leur homogénéité, toutefois décliné par lots régionaux, afin d’assurer un meilleur maillage territorial.

Le coût du dispositif atteignait 56 millions d’euros en 2013, pour 108 969 signataires. Au total, 716 851 étrangers ont bénéficié d’un contrat d’accueil et d’intégration depuis 2007, pour une dépense globale de 717 millions d’euros.

ÉVOLUTION DU NOMBRE ET DU COÛT DES CONTRATS D’ACCUEIL ET D’INTÉGRATION

(échelle de droite en millions d’euros)

Source : AGDREF – DGEF (DSED)

Ce contrat a été complété par l’organisation d’un « précontrat d’accueil et d’intégration » introduit aux L. 211-2-1 et L. 411-8 du CESEDA par la loi n° 2077-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Signé dans le pays de demande de visa, il permet au conjoint de Français ou au ressortissant étranger pour lequel le regroupement familial a été sollicité de bénéficier d’une formation linguistique de quarante heures au maximum et d’une formation aux valeurs de la République de trois heures.

Ces dispositions présentent toutefois des faiblesses importantes liées principalement, comme l’ont notamment souligné l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale des affaires sociales dans leur rapport conjoint d’octobre 2013 sur l’évaluation de la politique d’accueil des étrangers primo-arrivants, à leur caractère trop « standardisé pour répondre correctement à la situation personnelle de chaque migrant ».

Les objectifs poursuivis ne sont pas en cause. Le contrat intègre en effet avec pertinence les trois thématiques sur lesquelles repose une intégration réussie : l’apprentissage de la langue, l’appropriation des valeurs de la République et l’aide à la recherche d’emploi. C’est dans la pratique que les résultats demeurent très perfectibles, des progrès importants s’imposant dans la définition et l’organisation des prestations afin qu’elles aient une réelle portée sur le destin des migrants.

La première difficulté concerne la maîtrise du français. Cette dernière est une condition pour s’insérer efficacement dans notre société. Le contrat d’accueil et d’intégration, conscient de cette nécessité, limite ses ambitions à l’obtention du niveau A.1.1, subdivision du niveau A.1 du cadre européen de référence pour les langues. Or ce niveau, non décrit par le cadre européen et essentiellement créé afin de rendre visibles les progrès accomplis par les élèves les plus faibles, est notoirement insuffisant pour permettre d’entretenir des échanges même limités avec les locuteurs natifs. À titre de comparaison, l’Allemagne, l’Autriche ou l’Italie, qui ont mis en place des dispositifs d’accueil comparables, ont retenu un objectif A.2, qui implique la compréhension de phrases isolées en relation avec des domaines immédiats et familiers comme le travail, les achats et les informations personnelles.

En outre, le choix de sanctionner la formation linguistique par l’obtention d’un diplôme ad hoc a orienté l’apprentissage linguistique vers une logique trop académique, au probable détriment de l’acquisition de savoir-faire plus opérationnels.

Enfin, cet apprentissage n’est guère encouragé par son absence d’incidence sur la suite de l’intégration des migrants dans la mesure où il demeure déconnecté de l’acquisition des titres de séjour. Ces derniers sont en effet renouvelés sans aucune exigence linguistique, seule la délivrance de la carte de résident, cinq ans plus tard, étant subordonnée à l’obtention du modeste niveau A.1.1 avant que la naturalisation, accessible au bout des cinq années suivantes, repose sur le seuil de B.1 oral.

Une deuxième limite du contrat d’accueil et d’intégration tient à l’excessif formalisme dans la transmission des valeurs de la République. Le rapport précité des deux inspections générales a pu à cet égard dénoncer « un contenu trop dense et des objectifs trop nombreux », tendant à couvrir un maximum de sujets en particulier historiques et institutionnels qui, mécaniquement, affaiblissent la part réservée aux valeurs, en particulier s’agissant de l’égalité femme-homme et de la laïcité que le législateur avait pourtant entendu privilégier. Selon les témoignages recueillis par la rapporteure au cours de ses auditions, la pédagogie déployée, fondée sur un cours magistral dispensé à des groupes à effectifs élevés, ne permet pas de nourrir des échanges interactifs. Surtout, les mêmes informations, déroulées à partir de plus de quatre-vingts diapositives standardisées, sont délivrées à tous les migrants, quels que soient leur pays d’origine, leur niveau scolaire, leur âge et leur expérience, et dans un français que près de 40 % des migrants concernés estiment difficile à comprendre.

Une troisième déception est née de l’incapacité manifeste du contrat d’accueil et d’intégration à surmonter les obstacles à l’accès au marché du travail des migrants et, de manière plus générale, à leur donner les clefs pour solliciter efficacement les services dont ils peuvent avoir besoin (système scolaire, de santé, assistance aux personnes vulnérables, etc.).

La politique d’accueil, trop focalisée sur ce contrat et trop exclusivement portée par le ministère de l’intérieur et l’OFII, apparaît ainsi mal articulée aux autres politiques publiques qui concourent pourtant de manière décisive à l’intégration des migrants, qu’elles soient assumées par l’État, ses opérateurs ou les collectivités territoriales. Par exemple, les bilans de compétences professionnelles effectués par l’OFII, dont 65 % des bénéficiaires s’estiment d’ailleurs insatisfaits, sont très rarement utilisés par Pôle emploi qui préfère conduire ses propres entretiens individuels de diagnostic.

En se privant de l’aide des nombreux acteurs pourtant disponibles, cette politique exerce un effet peu probant sur l’insertion des migrants. La rapporteure rappelle ainsi que 51 % de ceux qui ont signé en 2009 un contrat d’accueil et d’intégration étaient toujours en recherche d’emploi fin 2011, soit quatre fois le taux de chômage en France et deux fois celui du total des personnes migrantes, lui-même pourtant exceptionnellement élevé dans notre pays. Cette situation est d’autant plus inacceptable que près des deux tiers des primo-arrivants disposent d’un diplôme du secondaire ou du supérieur qui devrait mieux les rapprocher des attentes du marché du travail, et que leur âge moyen, de 32 ans, exige leur rapide insertion dans le monde économique.

Enfin, le quatrième défaut du contrat d’accueil et d’intégration est son détachement des autres étapes de l’intégration. L’absence d’assiduité des migrants n’a guère d’incidences prévisibles sur la suite du parcours. L’article L. 311-9 du CESEDA précité se contente de préciser que l’autorité « tient compte » lors du renouvellement de la carte de séjour « du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l’étranger des stipulations du contrat » s’agissant des valeurs, du « sérieux de sa participation » aux formations civiques et linguistiques et de la « réalisation » et du « suivi » du bilan de compétences et de la session d’information sur la vie en France lorsqu’ils sont prescrits. Ces allusions peu prescriptives, qui ne forment qu’un des éléments entrant dans la formation de l’appréciation du préfet, expliquent qu’aucun refus de renouvellement de titre de séjour n’ait jamais été opposé sur le seul fondement d’une rupture des obligations du contrat d’accueil et d’intégration.

B. LE PROJET DE LOI : VERS UN RÉEL « CONTRAT » INDIVIDUALISÉ, PLUS AMBITIEUX ET MIEUX INTÉGRÉ AU DESTIN DES MIGRANTS

D’une manière générale, la rapporteure estime que le contrat d’accueil et d’intégration souffre essentiellement d’être bien peu un « contrat ». Il ne produit aucun effet de droit à l’égard des co-contractants. Le suivi assidu de la formation n’entraîne aucun droit opposable à l’administration, pas plus que l’absentéisme aux formations ne permet, en pratique, de motiver le refus du renouvellement d’un titre de séjour. De manière plus fondamentale encore, le contrat d’accueil et d’intégration constitue plus une procédure standardisée, suivie sans enthousiasme, qu’un véritable co-engagement personnalisé, marqué par des étapes et concrétisé par des services, entre l’État et le migrant. La brièveté de l’entretien initial entre l’auditeur de l’OFII et le primo-arrivant, qui ne dépasse pas vingt minutes, est sans doute le symbole le plus révélateur d’une approche trop peu individualisée. Ces limites découlent de l’ambiguïté de ses ambitions, à mi-chemin entre une conception restrictive, qui voudrait que l’on n’accueille sur notre territoire que des étrangers presque immédiatement « intégrables », et une démarche sans doute plus réaliste où les preuves de l’intégration ne se déploient et ne s’accumulent qu’au fil du temps, le plus grand témoignage d’une adhésion profonde à nos valeurs étant la conduite progressive d’une vie épanouie dans toutes les sphères de notre société.

Face au constat de ces insuffisances, les articles 1er et 2 du présent projet de loi proposent une refonte du dispositif d’intégration autour de deux axes.

Des prestations plus personnalisées

En premier lieu, ils visent à mettre en œuvre des formations et des prestations réellement individualisées et plus exigeantes, adaptées aux besoins protéiformes des primo-arrivants. À cet effet, l’article 1er simplifie la rédaction de l’article L. 311-9 du CESEDA précité en disposant que l’étranger conclut avec l’État un « contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration » par lequel le signataire s’engage à effectuer les trois démarches clairement identifiées comme prioritaires.

– La première est le suivi de la formation civique « prescrite par l’État », désormais définie par une formule plus générale ne faisant plus la distinction entre la « formation civique » pour tous et la « session d’information » pour quelques-uns. Cette formation serait « relative aux valeurs et institutions de la République, aux droits et aux devoirs liés à la vie en France et à la connaissance de la société française ». Une telle approche, globale, implique une redéfinition des contenus et des modalités de formations, qui seront fixés par décret en Conseil d’État afin de mieux répondre, selon les objectifs retenus par le Gouvernement, « aux besoins et aux questionnements des personnes primo-arrivantes ».

La rapporteure estime nécessaire que ces formations progressent en particulier sur la voie d’une meilleure adéquation avec les profils concrets des migrants, en mettant en particulier l’accent sur les valeurs de la République qui apparaissent les plus neuves par rapport aux traditions du pays d’origine, qu’il s’agisse par exemple de la laïcité et de ses implications pratiques dans l’espace public, de l’égalité femme-homme, ou des devoirs des parents à l’égard de leurs enfants dans le contexte de l’obligation scolaire. Il serait en outre utile que ces formations puissent être dispensées dans une langue maîtrisée par le migrant. En tout état de cause, l’ensemble de ces informations devront être clairement décrites et traduites sur le site internet de l’OFII afin que les primo-arrivants puissent mieux se préparer puis consulter à loisir les principaux éléments de ces formations.

– Ensuite, le projet de loi relève l’exigence de connaissance du français en disposant clairement que l’éventuelle formation linguistique prescrite par l’État vise à l’acquisition d’un niveau « suffisant », dont l’atteinte constituerait, conformément aux dispositions de l’article 2, une condition à la délivrance de la carte de résident. Défini par décret en Conseil d’État, ce seuil serait relevé, selon les engagements du Gouvernement fixés dans la feuille de route gouvernementale du 11 février 2014, au niveau A.1 au terme de la première année et A.2 dans les cinq ans, c’est-à-dire au moment où la carte de résident peut être demandée.

La rapporteure estime nécessaire de rappeler que ces formations sont dispensées gratuitement aux étrangers et financées par l’OFII. Il lui paraît en effet important de préserver les garanties prévues par la rédaction actuelle de l’article L. 311-9 du CESEDA.

– Enfin, la principale innovation tient à l’introduction dans le contrat d’une obligation d’effectuer « les démarches d’accès aux services publics de proximité suivant l’orientation personnalisée définie par l’État ».

Cette nouvelle formulation permettrait à chaque primo-arrivant de bénéficier d’un entretien individualisé approfondi dont l’objectif serait d’établir un diagnostic précis de sa situation familiale, sociale et professionnelle afin de définir l’orientation adaptée vers les services de droit commun que sont l’école, Pôle emploi, la formation professionnelle, les services sociaux du département, etc. L’OFII aurait donc la responsabilité de tisser et d’entretenir ce réseau avec l’ensemble des acteurs impliqués dans l’intégration, permettant de mobiliser tous les moyens publics utiles au succès de l’insertion dans notre société. Cette tâche est toutefois difficile à réaliser car elle implique un profond changement du comportement de chacun, afin que tous les leviers de l’intégration soient sollicités. Elle exigera un suivi attentif de la part du législateur.

Il apparaît, en dernier lieu, que le renvoi à la compétence du pouvoir réglementaire dans l’application de l’article L. 311-9 du CESEDA, tel qu’issu du présent projet de loi, est trop générique. Il semble opportun de préciser, autant que possible, le contenu du décret d’application dans la mesure où il déterminera lui-même le contenu du contrat personnalisé conclu entre l’État et l’étranger. Il paraît ainsi envisageable de préciser que le décret fixera la durée du contrat personnalisé, les conditions de son renouvellement, les différentes actions prévues par le contrat et les modalités de leur validation.

La mise en cohérence du contrat avec le parcours du migrant

En second lieu, le projet de loi intègre le contrat dans un parcours d’intégration en le reliant aux autres étapes de l’établissement progressif dans notre pays que forme la délivrance des titres de séjour puis de résidence. Ainsi, l’alinéa 7 de l’article 11 soumet la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle, dont le projet de loi fait la deuxième étape de droit commun de l’intégration, à la justification par le migrant, « de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’État dans le cadre du contrat personnalisé » et au fait qu’il n’ait pas « manifesté de rejet des valeurs de la République ». En contrepartie, les étrangers dont l’assiduité n’est pas attestée ne pourraient ainsi prétendre qu’à la délivrance de titres annuels de séjour. L’article 2, pour sa part, soumet la délivrance de la carte de résident à l’exigence d’un niveau « suffisant » de maîtrise de la langue, que le Gouvernement annonce vouloir définir par décret au niveau A.2 (voir supra).

Le contrat individualisé s’inscrirait ainsi dans une démarche volontaire, progressive et incitatrice dans laquelle le migrant pleinement désireux de s’intégrer se verrait offrir la possibilité d’effectuer un séjour long dans notre pays.

La rapporteure partage la volonté de donner une réelle portée aux formations délivrées dans le cadre du contrat personnalisé d’intégration, sans laquelle le risque est grand que les étrangers les considèrent comme des démarches purement formelles et, parfois, artificielles. Il faut pour autant se garder d’une vision trop exclusivement scolaire voire punitive du parcours. L’exigence de langue, par exemple, doit être adaptée au profil concret du migrant, notamment son âge, et ne saurait dériver vers une logique d’examen éliminatoire, en sachant prendre en compte les autres témoignages de l’aptitude d’intégration du migrant. De manière générale, la rapporteure estime nécessaire de protéger le nouveau parcours contre tout risque d’arbitraire administratif. La condition du « sérieux » de la participation aux formations apparaît non seulement inutile, mais surtout très subjective et susceptible de nourrir des interprétations divergentes, génératrices d’insécurité et d’inégalité. Seule l’assiduité aux formations est un critère tangible de l’implication du signataire. Dans un même esprit, la manifestation du « rejet » des valeurs de la République, laissée à la seule appréciation de l’autorité administrative, n’a guère de densité juridique. La rapporteure suggère de l’assortir à tout le moins de la constatation d’une intention morale, mieux appréhendée et encadrée par la jurisprudence, en précisant que cette manifestation de rejet doit être le fait d’une « volonté caractérisée ».

En dernier lieu, les démarches engagées avant l’entrée sur le territoire national, aujourd’hui limitées à un précontrat d’accueil et d’intégration dont l’utilité n’est pas démontrée, seraient unifiées et homogénéisées par la mise à disposition « dès le pays d’origine » d’une « information sur la vie en France ».

La rapporteure estime ici opportun d’aménager un rôle à Campus France, dont le savoir-faire est reconnu et dont les informations couvrent plus de trente langues, dans ce nouveau dispositif. Il est essentiel qu’il se concrétise en effet par le déploiement d’une information adaptée à chaque pays et par celui d’un dispositif d’apprentissage linguistique à distance permettant de s’initier et de s’aguerrir à la maîtrise du français.

II. RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE EN DIRECTION DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS ET DES TALENTS

Le projet de loi comporte par ailleurs des mesures importantes pour renforcer l’attractivité de la France auprès des personnes dont la venue sur notre territoire constitue un atout, à la fois pour eux-mêmes, pour notre nation et pour leur pays d’origine.

La rapporteure souhaite à cet égard éviter deux faux-débats qui polluent les échanges sur l’immigration et obèrent notre capacité à nous intégrer harmonieusement dans la circulation mondiale des talents.

Le premier faux-débat est l’alternative spécieuse entre « immigration choisie » et « immigration subie » à partir de laquelle la France a accumulé depuis une vingtaine d’années des strates de dispositifs sans cesse plus particuliers visant de petites catégories de compétences recherchées au fil de la découverte de nos déficiences dans la compétition mondiale. Cette propension a abouti à l’existence de 137 types de visas long séjour aujourd’hui délivrés, dont certains ne rassemblent même pas une dizaine de bénéficiaires. L’ampleur et la complexité de ces dispositifs de « niches », prétendument choisis mais souvent imposés par la constatation d’une pénurie ou d’une faiblesse comparative par rapport à nos voisins, nuisent manifestement à l’attractivité de la France dont les étrangers peinent à identifier les voies d’entrée qui correspondent à leurs talents. Elles soumettent de surcroît leurs bénéficiaires à d’interminables procédures administratives dont tous gardent à l’esprit l’accueil déplorable et le caractère impersonnel et parfois imprévisible voire arbitraire.

Loin de ces catégorisations tatillonnes et, globalement, inefficaces, la rapporteure estime nécessaire de partir d’un constat simple : l’immigration des étrangers qualifiés, quels que soient leurs domaines d’activité ou la durée de leurs études ou leurs carrières en France, est une chance pour notre pays.

D’une manière générale, la proportion de diplômés du supérieur dans une population, même lorsque sa situation démographique est dynamique ou son marché de l’emploi affecté par un chômage de masse, est toujours gage de productivité dans les pays comme le nôtre qui tangentent la frontière technologique où la hausse de la productivité dépend essentiellement de l’amélioration de la qualification de la population. En outre, la rapidité d’évolution des économies contemporaines rend vaines toutes tentatives de définir des filières économiques prétendument cibles de l’immigration. Les entreprises raisonnent elles-mêmes désormais par spécialités et métiers tandis que leurs besoins se concentrent sur des aptitudes d’innovation et de changement qui ne correspondent en rien à telle ou telle filière du monde professionnel.

Dans cette circulation internationale des compétences, la France doit tenir son rang pour maintenir un enseignement supérieur, une recherche et une économie pleinement immergée dans l’innovation et l’excellence. Plus de 350 000 Français qualifiés résident en effet aujourd’hui dans un pays de l’OCDE, dont près du tiers aux États-Unis, contre 325 000 immigrants qualifiés sur notre sol. Cette « balance extérieure des travailleurs qualifiés », certes excédentaire pour l’Union européenne, est très nettement déficitaire avec les États-Unis, le Canada et l’Australie, les premiers ayant même accueilli en 2003 près de 25 000, soit presque 10 %, des chercheurs français.

Cette évidence commande en retour de relativiser les jugements traditionnels portés sur le prétendu « pillage des cerveaux » des pays en développement que constituerait l’immigration qualifiée. Les deux tiers des étudiants étrangers en France retournent dans les faits dans leur pays, que ce soit directement ou après une expérience professionnelle plus ou moins longue. Ils font ainsi bénéficier leurs pays de compétences que leurs institutions auraient éprouvé de fortes difficultés à forger. Cette propension au retour est d’ailleurs d’autant plus forte que le pays d’origine est engagé dans une rapide industrialisation, comme en témoigne la forte croissance des retours des étudiants indiens, chinois ou turcs par exemple. La mobilité des talents n’est pas un jeu à somme nulle. Elle bénéficie autant aux pays d’accueil provisoire qu’aux pays d’origine dont les élites s’enrichissent de l’expérience et des institutions de leurs partenaires plus avancés dans l’échelle du développement. Mieux, comme l’a par exemple mis en évidence une étude menée par Campus France auprès d’un échantillon représentatif de 4 200 étudiants en novembre 2014, leur séjour en France est un facteur décisif de rayonnement (90 % s’estimant satisfait de cette expérience, 71 % ayant acquis une meilleure image de notre pays et plus de 80 % d’entre eux conseillant à leur entourage de venir en France, assumant avec conviction le rôle précieux d’« ambassadeurs » de notre culture) et même de prospérité (entre 75 et 85 % d’entre eux estimant que leur séjour a eu un impact prescripteur sur leur envie de consommer des produits et de travailler avec des entreprises françaises).

C’est dans cet esprit nouveau que la majorité s’est attachée à sortir d’une logique de repli et de méfiance en encourageant avec constance et vigilance l’accueil des étudiants et des personnes qualifiées.

Le projet de loi franchit une étape importante en dessinant un cadre unifié, lisible et donc ayant vocation à demeurer stable pour l’accueil des talents. Il comporte des mesures propres à relâcher l’un des principaux freins à l’attractivité de notre pays qu’est l’incertitude sur leur avenir en France qui étreint la majorité des étrangers désireux d’y résider.

A. LE RENFORCEMENT RAISONNÉ DU POTENTIEL D’ATTRACTION EN DIRECTION DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS GRÂCE À DES PARCOURS PLUS SÉCURISÉS

En dépit d’un système d’enseignement supérieur d’une qualité et d’un prestige auxquels les classements internationaux, focalisés sur les seules publications de recherche, échouent à rendre un juste hommage, la France alterne entre le troisième et le cinquième rang des destinations d’accueil, subissant en particulier, à la suite des décisions restrictives de 2011, une brutale chute des arrivants de 10 % en 2012, avant un modeste rétablissement de 2 % en 2013.

Elle accueille 295 084 étudiants étrangers en 2014, contre 263 094 en 2005, ce qui représente 7 % des flux mondiaux et 12 % du total de la population étudiante en France. Les étrangers sont les plus nombreux au niveau du master, principal niveau de qualification reconnue en France, dont ils représentent 18 % des effectifs et, surtout, au niveau du doctorat, dont la pénurie est manifeste dans notre pays, où ils atteignent 41 %. Les universités sont globalement plus accueillantes (15 % d’étudiants étrangers) que les grandes écoles (10 %), bien que ces dernières aient connu des progrès rapides et fassent l’objet de stratégies ciblées de la part de certaines nationalités. Les principaux pays d’origine des étudiants étrangers en France sont le Maroc (33 899 étudiants), la Chine (30 176) et l’Algérie (21 935). Les plus fortes croissances d’effectifs concernent cependant l’Inde (+ 612 % entre 2001 et 2011 pour atteindre 1 701 étudiants), la Guinée (+ 524 %, 3 945), le Vietnam (+ 329 %, 6 194), le Brésil (+ 195 %, 3 930) et la Russie (+ 329 %, 4 193).

ADMISSION AU TITRE DE SÉJOUR « ÉTUDIANT »

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Titres délivrés

46 663

52 163

58 582

65 271

64 925

59 152

Source : AGDREF – DGEF (DSED).

Toutefois, dans un contexte mondial extraordinairement porteur avec des flux d’étudiants effectuant une partie de leur parcours à l’étranger qui passera de quatre à huit millions entre aujourd’hui et 2025, la rapporteure déplore que la proportion de français demeure toujours aussi faible et obstinément élitiste, avec plus de 50 000 des 70 000 étudiants français à l’étranger provenant des grandes écoles sur un total de 2,4 millions d’étudiants en mobilité dans le monde ! Notre pays fait face à une concurrence mondiale exacerbée, dominée par les pays anglo-saxons qui bénéficient de l’avantage structurel de l’hégémonie de l’anglais, mais dans laquelle de nombreux pays s’engagent avec force.

Dans ce contexte nouveau où près de la moitié des étudiants étrangers déclarent avoir mis en concurrence dans leur choix plusieurs pays d’accueil, il faut prendre la mesure de l’importance des signaux qui sont adressés par notre nation à ceux qui veulent y forger leur compétence et y mettre à disposition leur talent. Notre pays dispose d’atouts précieux et puissants, au premier rang desquels le prestige de notre culture et la qualité des études supérieures françaises, dont le coût est d’ailleurs exceptionnellement faible. Mais les messages politiques portés par sa législation ont été au cours des dernières années dangereusement ambigus. En témoigne l’impact spectaculaire et persistant des « circulaires Guéant », qui ne concernaient pourtant qu’un aspect de la question au travers de l’accès à l’emploi des étudiants. Le nombre des demandes de visa, qui a repris fort heureusement sa hausse, restait ainsi en 2014 inférieur de 10 % à celui atteint en 2010, la chute atteignant même 20 % pour les formations de courte durée.

On ne saurait donc méconnaître l’importance de lever les nombreux freins légaux qui entament notre potentiel d’attraction, dans une démarche cohérente et ambitieuse. Trois d’entre eux ont été identifiés et commencé à être corrigés dès le début de la présente législature.

Le premier est lié à l’obstacle de la langue, le français était exclusif dans notre enseignement supérieur jusqu’aux années récentes. Le second est l’incertitude administrative qui affecte le destin quotidien des étudiants, soumis à des procédures complexes et répétitives de renouvellement des titres de séjour qui laissent planer une menace permanente d’interruption du séjour. Le troisième est la difficulté du passage des études vers la première expérience professionnelle en France, qui obère l’avenir des étudiants désireux de rapidement mettre en pratique leur formation et prive nos entreprises de compétences pourtant forgées par notre système d’enseignement.

La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a apporté de nombreux progrès sur ces trois aspects, et la rapporteure se félicite que le projet de loi persévère dans cette voie.

Les enseignements en anglais

Elle a d’abord introduit la possibilité de dispenser certains enseignements en langue étrangère lorsqu’ils sont proposés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale. Les établissements peuvent même moduler leurs frais d’inscription lorsqu’ils mettent en place en parallèle, au service de certains étudiants, une formation de qualité dans notre langue.

La transition entre les études et l’emploi

Ne se contentant pas de l’abrogation des circulaires du 31 mai 2011 et du 12 janvier 2012 dites « circulaires Guéant », qui avaient brutalement circonscrit les possibilités de changements du statut « étudiant » vers celui de « salarié » et donné le désastreux signal que la France ne souhaitait plus progresser dans l’accueil des étudiants étrangers, la loi du 22 juillet 2013 précitée a assoupli les conditions de délivrance des autorisations à rechercher et à exercer un ou plusieurs emplois après la sortie du cursus.

L’article L. 311-11 du CESEDA permet aux étudiants étrangers qui ont obtenu un diplôme équivalent au grade de master de bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour (APS) que la loi du 22 juillet 2013 précitée a porté à douze mois et étendu à un ou plusieurs emplois ou employeurs. Cette même loi a par ailleurs supprimé le critère imprécis, qui donnait trop de prise à l’arbitraire, au terme duquel le projet de l’étudiant devait être assorti d’une « perspective de retour dans le pays d’origine » et d’une « participation au développement économique de la France ». Grâce à cette clarification, les étudiants qui accèdent à un emploi en cohérence avec les études suivies et rémunéré à au moins 1,5 fois le SMIC voient désormais leur demande d’autorisation de travail examinée sans que leur soit opposable la situation de l’emploi.

CHANGEMENT DES STATUTS DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

 

2008

2009

2010

2011

Étudiants vers titres « salarié »

11 283

8 428

8 905

9 513

Étudiants vers titres « vie privée et familiale »

5 235

4 812

4 495

4 400

Étudiants vers « autorisations provisoires de séjour » (APS)

723

1 165

1 739

1 945

Source : AGDREF – DGEF (DSED).

Pour mieux encourager le recours à ce dispositif adapté qui, s’il progresse vivement, n’est sollicité que par une proportion trop faible d’étudiants (3 060 APS ont été délivrées en 2012, pour 65 217 étudiants entrés en France en 2010, tandis que respectivement 9 513 et 4 400 d’entre eux obtenaient directement un titre de séjour « salarié » ou « vie privée et familiale »), l’article 5 du projet de loi propose de réformer le régime de l’autorisation provisoire de séjour :

– en étendant son bénéfice aux étudiants justifiant d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à leur formation ;

– et surtout en prévoyant l’obtention automatique sans opposabilité de la situation de l’emploi à l’issue de cette période de douze mois, dès lors que l’intéressé est pourvu d’un emploi ou d’une promesse d’embauche en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un plancher défini par décret, des cartes de séjour pluriannuelles de quatre années créées par le projet de loi, qui conduisent ensuite directement au seuil d’éligibilité à la carte de résident, qu’il s’agisse des cartes « salarié » ou des cartes « passeport talent ».

Cette avancée législative consoliderait, de manière pérenne, les passerelles progressivement édifiées entre les études et le monde professionnel. Elle sécuriserait les parcours des étudiants étrangers, donnerait aux entreprises de nouvelles opportunités d’enrichir leurs effectifs de travailleurs qualifiés et, sans nul doute, constituerait un signal fort pour l’attractivité de notre pays.

La rapporteure exprime toutefois ses réserves sur la pertinence du maintien de deux critères restrictifs dont la nécessité ne lui semble pas avérée.

D’abord, la condition de rémunération, fixée au seuil général de 1,5 SMIC, ne correspond pas aux situations d’entrée sur le marché du travail concrètement rencontrées par les jeunes à la sortie des études, qui dépendent en particulier du secteur d’activité dans lesquels ils s’engagent comme de la région d’habitation. Par ailleurs, le contexte économique difficile rend aujourd’hui plus difficile la signature d’un premier contrat de travail à un seuil de rémunération de 1,5 SMIC, sans pour autant remettre en cause le projet professionnel de l’étudiant. Il serait donc raisonnable de confier au pouvoir réglementaire le soin de déterminer des seuils adaptés aux pratiques réelles d’embauche selon les branches professionnelles et les territoires, dans une démarche plus personnalisée.

Ensuite, l’exigence d’un niveau de diplôme au moins égal au master ne correspond pas aux pratiques de recrutement constatées sur le terrain, ni aux situations de création d’entreprise. Il écarte en particulier les filières courtes professionnalisantes, aux perspectives d’insertion pourtant satisfaisantes, que sont les sections de techniciens supérieurs et les instituts universitaires technologiques, il est vrai de plus en plus suivies d’une licence professionnelle. Retenir le principe de l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur sans spécificité particulière, incluant le niveau bac +2, correspondrait mieux à l’architecture de notre système supérieur et aux besoins en emplois qualifiés.

Les titres de séjour pour les étudiants

Enfin, le projet de loi fait le constat de l’excessive complexité des autorisations de séjour accordées aux étudiants étrangers en n’y apportant toutefois que de très prudents correctifs.

L’entrée sur le territoire passe d’abord par l’obtention auprès du consulat d’un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), d’une durée d’une année, subordonnée à l’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur français.

Les étudiants doivent ensuite demander en préfecture à bénéficier d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » (article L. 313-7 du CESEDA). Cette carte est de droit pour ceux auxquels un visa de long séjour a été accordé dans le cadre d’une convention signée entre l’État et un établissement d’enseignement supérieur, pour ceux qui ont satisfait aux épreuves du concours d’entrée dans un établissement ayant signé une convention avec l’État et pour les boursiers du gouvernement français.

Cette carte ne dure toutefois qu’un an pour les étudiants inscrits dans des cycles inférieurs au master, qui doivent donc renouveler cette démarche chaque année. Dans la mesure où trois passages en préfecture sont nécessaires pour procéder au renouvellement des titres de séjour (pour obtenir la liste des pièces à fournir, pour déposer son dossier puis pour retirer sa carte), les étudiants concernés sont ainsi soumis à des démarches administratives quasi-continues, d’autant plus fastidieuses qu’elles sont dans l’immense majorité des cas inutiles, moins de 2 % des demandes de renouvellement n’étant pas accordées.

En revanche, la loi du 22 juillet 2013 précitée a utilement prévu que les étrangers admis à suivre une formation en vue de l’obtention d’un diplôme au moins équivalent au master peuvent solliciter la carte « étudiant » dont la durée est ajustée au cursus d’études dans la limite toutefois de quatre années.

Pour mettre fin à cette différence de traitement peu justifiée, et dans la continuité de la généralisation de la délivrance de titres pluriannuels à l’issue de la première année du séjour en France dès lors que les conditions de maintien sur le territoire sont remplies, le projet de loi étend à l’ensemble des étudiants, quel que soit leur cycle d’études, le bénéfice d’une carte pluriannuelle pouvant aller jusqu’à quatre ans. Toutefois, afin de limiter les risques de détournement de la procédure et de maintenir un lien entre la présence sur le territoire et le suivi effectif et assidu d’études, le 1° du nouvel article L. 313-18, dans la rédaction proposée par le projet de loi, précise que « sa durée est égale à celle restant à couvrir du cycle d’études dans lequel est inscrit l’étudiant ». Comme pour les autres titres, le contrôle deviendrait « continu » en ce que les intéressés devraient être en mesure de fournir tout document utile justifiant l’existence du motif de leur séjour, la carte étant valable « sous réserve du caractère réel et sérieux des études ».

La rapporteure relève toutefois que le choix de se fonder sur un « cycle » d’études n’aménage pour l’étranger aucun droit à l’erreur, alors même que les taux d’échec, particulièrement en licence que moins de la moitié des candidats réussissent en trois ans, sont très élevés et que les non-nationaux éprouvent légitimement plus de difficulté que leurs camarades. La rapporteure propose donc, à l’image du système retenu pour la délivrance des bourses d’études, d’introduire un élément de souplesse en prévoyant que la carte de séjour peut s’étendre sur une année supplémentaire, bien entendu sous la réserve maintenue du caractère réel des études.

Sur ce dernier point, si l’assiduité et le caractère réel du suivi de la formation de l’étudiant étranger doivent impérativement conditionner la délivrance et le maintien d’une carte de séjour pluriannuelle, et faire l’objet d’un contrôle, la référence au caractère « sérieux » des études suivies, termes manquant de clarté, peut laisser une marge trop importante à l’interprétation et provoquer des inégalités de situation. La rapporteure souhaite donc que seul le caractère réel des études poursuivies par l’étudiant fasse l’objet d’un conditionnement au maintien de la carte pluriannuelle.

En parallèle, dans la volonté de circonscrire les marges d’arbitraire et d’insécurité qui nuisent si fortement à la qualité du séjour des étudiants, il serait utile de confier l’appréciation de la qualité de ce suivi d’études, comme le fait en pratique, dans le silence des textes, la majorité des préfectures, à ceux dont c’est le métier, les établissements d’enseignement et de formation.

Dans cet esprit, la rapporteure encourage le pouvoir réglementaire à généraliser les « guichets uniques » implantés aujourd’hui dans vingt-six établissements d’enseignement supérieur, qui rassemblent les services utiles aux étudiants étrangers, notamment des représentants des préfectures. Les personnes qu’elle a auditionnées lui ont par ailleurs confirmé l’existence d’une qualité d’accueil très divergente selon les préfectures, plaidant pour que la responsabilité de la délivrance des titres étudiants soit confiée à la préfecture de l’établissement d’enseignement supérieur, mieux accoutumée à ces démarches, et non à celle du lieu de résidence de l’étudiant. En outre, des formations assurées par Campus France pourraient très opportunément être proposées aux agents des préfectures pour les sensibiliser aux nécessités d’attractivité de notre enseignement supérieur.

Sous réserve de ces améliorations, les parcours des étudiants étrangers seraient ainsi simplifiés et homogénéisés, partant de l’obtention d’un visa d’une année auprès du consulat (avec de possibles dérogations), puis passant au cours de l’année suivante par l’acquisition d’une carte de séjour pluriannuelle valant pour la durée du cycle d’études, éventuellement renouvelée, pour s’achever au terme du cursus par le bénéfice d’une autorisation de séjour d’une année pour chercher du travail.

B. LA RATIONALISATION DE LA PROFUSION ACTUELLE DES DISPOSITIFS EN FAVEUR DES ÉTRANGERS TRÈS QUALIFIÉS GRÂCE À LA CRÉATION D’UN « PASSEPORT TALENT » STABLE ET DURABLE

Dans un esprit comparable, le projet de loi propose de procéder à une profonde rationalisation des dispositifs d’accueil des personnes qualifiées en agrégeant les multiples titres de séjour relatifs à l’attractivité du territoire dont la profusion a été dénoncée supra. À cette fin, conformément à l’engagement du Président de la République au cours du conseil supérieur de l’attractivité du 17 février 2014, l’article 11 propose de créer une carte de séjour allant jusqu’à quatre ans, renouvelable, portant la mention « passeport talent ». Cette innovation apporterait une meilleure lisibilité à des régimes aujourd’hui complexes et peu sollicités, facilitant grandement la promotion de l’accueil des talents.

ADMISSIONS AU SÉJOUR DES « TALENTS ÉTRANGERS »

 

2011

2012

Scientifiques-chercheurs (article L. 313-8 du CESEDA)

2 073

2 665

Artistes (L. 313-9)

173

162

Commerçants (L. 313-10 2°)

187

174

Salariés en mission (L. 313-10 5°)

2 855

2 750

Carte bleue européenne (L. 313-10 6°)

ND

127

Carte de résident pour contribution économique exceptionnelle (L. 314-15)

4

4

Carte de séjour « compétences et talents » (L. 315-1)

289

283

Total

5 581

6 165

Source : AGDREF – DGEF (DSED).

Conformément à la procédure qui inspire le projet de loi, cette carte serait délivrée à la suite de l’obtention d’un visa de long séjour, pour les étrangers qui ne résident pas en France et dans le cadre du changement de statut pour ceux qui sont déjà sur le territoire. Les bénéficiaires seraient dispensés d’autorisation de travail pour l’activité qui a conduit à la délivrance de la carte de séjour. Le renouvellement de cette carte serait assuré pendant un an pour l’étranger qui perd involontairement son emploi, puis jusqu’à la fin des droits acquis au revenu de remplacement.

En cohérence de ce dispositif très favorable, les membres de familles bénéficieraient d’un régime dérogatoire au regroupement familial. Le conjoint marié ainsi que les enfants mineurs pourraient entrer sur le territoire national en même temps que le bénéficiaire du « passeport talent » et obtiendraient une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent (famille) » de même durée leur permettant d’exercer l’activité professionnelle de leur choix.

Ce « passeport talent » regrouperait de nombreux dispositifs existants sans les modifier parmi lesquels :

– la carte bleue européenne, transposée par le l° de l’article L. 313-10, qui bénéficie à ceux qui occupent un emploi hautement qualifié pour une durée égale ou supérieure à un an et justifient d’un diplôme sanctionnant au moins trois années d’études supérieures ou d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable ;

– la carte « salariés en mission » régie par le 5° de l’article L. 313-10, qui couvre les missions effectuées par la voie du détachement ou par un recrutement sous couvert d’un contrat de travail en France ;

– la carte « scientifique chercheur » de l’actuel article L. 313-8, adopté en application des dispositions de la directive européenne de 2005 sur les scientifiques chercheurs ; le passeport talent demeurerait ainsi ouvert « à l’étranger, titulaire d’un diplôme équivalent au grade de master, qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire, dans le cadre d’une convention d’accueil signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d’enseignement supérieur préalablement agréé ».

D’autres dispositifs sont modifiés à l’occasion de leur intégration à la carte « passeport talent » :

– tel est notamment le cas des personnes qui « procèdent à un investissement économique direct en France », dont les nouveaux critères, aujourd’hui circonscrits aux investissements d’au moins 10 millions d’euros ou à la création ou la sauvegarde de 50 emplois, seront élargis par décret en Conseil d’État ;

– dans un esprit comparable, les étrangers mandataires sociaux, auparavant visés au 2° de l’article L. 313-10, lorsqu’ils sont commerçants, ou à l’article L. 313-15 au titre de la carte « compétences et talents » dans les autres cas, bénéficieraient désormais d’un droit au séjour spécifique à ce titre, sous réserve du respect d’une condition de ressources fixée par décret en Conseil d’État en référence au salaire médian.

Deux nouvelles catégories sont par ailleurs introduites dans le « passeport talent ».

Le 1° du nouvel article L. 313-20, dans la rédaction proposée par le projet de loi, propose d’étendre la délivrance de cette carte pluriannuelle aux jeunes titulaires d’un diplôme équivalent au master et recrutés dans une jeune entreprise innovante (JEI), sous réserve de la satisfaction de la condition de salaire fixée annuellement par arrêté.

Dans un même esprit, le 5° étend le bénéfice du dispositif aux étrangers qui justifient d’un diplôme équivalent au grade de master ou d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans d’un niveau comparable et qui réalisent en France leur projet professionnel de création d’entreprise.

Enfin, les deux dernières catégories modernisent et étendent les modalités d’accueil particulières aujourd’hui aménagées au bénéfice des artistes et des personnes jouissant d’une renommée internationale.

Le 8° du nouvel article L. 313-20 reprend ainsi les dispositions relatives à l’actuelle carte « profession artistique et culturelle », ouvertes aux étrangers qui exercent la profession d’artiste-interprète tel que défini par l’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle (« la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes ») ou sont auteurs d’œuvres littéraires ou artistiques mentionnées à l’article L. 112-2 du même code (qui retient une très large conception des supports) sans pour autant jouir d’une renommée internationale.

Toutefois, tandis que l’actuelle carte « profession artistique et culturelle » se limite aux titulaires d’un contrat que la loi fixe elle-même à au moins trois mois passé avec une entreprise ou un établissement dont l’activité principale comporte la création ou l’exploitation d’une œuvre de l’esprit, la rédaction proposée est plus favorable en ouvrant implicitement la possibilité de bénéficier d’un « passeport talent » aux étrangers non-salariés, et en renvoyant au pouvoir réglementaire la fixation de la durée minimale du contrat de travail des salariés afin de permettre de faire coïncider ce critère avec les réalités de l’activité concernée.

Le 9° quant à lui modernise et synthétise les dispositions relatives à l’actuelle carte « compétences et talents » prévue par l’article L. 315-1, qui a manifestement échoué à rencontrer son public, en prévoyant que la carte « passeport talent » peut être accordée à l’étranger dont la renommée internationale « est établie » et qui vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif. Cette formulation plus large offre l’avantage d’intégrer toutes les personnes pouvant justifier de leur renommée internationale dans leur domaine d’activité, sans qu’il ne soit plus nécessaire qu’ils présentent au préalable un « projet » démontrant qu’ils sont « susceptibles de participer […] de façon significative et durable au développement économique, au développement de l’aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif, de la France et, directement ou indirectement, du pays dont il a la nationalité ». De même, cette nouvelle formulation mettrait fin à la situation des ressortissants des pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire, qui ne peuvent aujourd’hui obtenir la carte de séjour que si la France a conclu avec leur pays un accord de partenariat pour le co-développement ou à la condition qu’ils s’engagent à retourner dans leur pays d’origine au terme d’une période maximale de six ans (article L. 315-2 du CESEDA). La rapporteure estime à cet égard qu’il convient d’élargir la notion de renommée internationale aux étrangers bénéficiant d’une renommée nationale établie à partir d’un faisceau d’indices (couverture médiatique, audiences des activités, participation à des colloques, des festivals, obtention de prix, publications, portage de projets européens et internationaux, etc.).

III. L’ACCÈS DES JOURNALISTES AUX CENTRES DE RÉTENTION ET AUX ZONES D’ATTENTE : UNE DISPOSITION INDISPENSABLE À LA PROTECTION DES LIBERTÉS INDIVIDUELLES

Enfin, la commission a souhaité se saisir pour avis d’une dernière disposition du projet de loi relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente.

On rappellera que ces lieux de privation de libertés ne relèvent pas de l’administration pénitentiaire et ont vocation à accueillir les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire français – arrêté d’expulsion, obligation de quitter le territoire français, arrêté de reconduite à la frontière, interdiction judiciaire de territoire, etc. – ou non admis à y entrer, afin d’organiser leur retour vers leur pays d’origine. Ces étrangers sont alors maintenus, dans des conditions définies par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité et pour une durée limitée, dans l’un des centres de rétention administrative, ou placés, à leur arrivée sur le territoire français, dans les zones d’attente des aéroports, gares et ports français.

Depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, les députés et sénateurs sont autorisés à visiter de façon inopinée les centres de rétention comme les zones d’attente. Cette possibilité a ensuite été étendue, en 2009, aux députés européens. Le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe (1) et les membres du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (2) peuvent également accéder à ces lieux en application de conventions internationales dont la France est signataire. Il en est de même du délégué du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de ses représentants, qui peuvent accéder aux zones d’attente sur agrément individuel (3).

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, les procureurs et juge des libertés et de la détention, les préfets, les représentants consulaires et les avocats (4) peuvent également accéder sans condition aux lieux de rétention et aux zones d’attente. Au-delà, les familles des personnes retenues et les associations humanitaires (5) disposent d’un droit d’accès limité. Enfin, l’administration peut autoriser, de façon discrétionnaire, toute personne à visiter ces lieux ou à s’entretenir avec une personne retenue. C’est ainsi que des journalistes ont pu être autorisés à réaliser des reportages sur ces lieux de rétention.

Les journalistes munis d’une carte professionnelle pourront d’ailleurs, en application de l’article 719 du code de procédure pénale issu de la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, accompagner les parlementaires français et européens dans l’exercice de leur droit de visite, dès que le décret d’application de cette disposition aura été pris. Toutefois, il n’existe pas, à ce jour, de texte législatif ou réglementaire définissant, pour les journalistes n’accompagnant pas de parlementaires, les conditions dans lesquelles leur visite peut être autorisée et effectuée.

Or, de nombreuses voix se sont élevées, ces dernières années, pour que les journalistes puissent avoir accès, de façon autonome, aux lieux de rétention. C’est notamment le cas de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme qui, dans son avis du 25 avril 2013, a indiqué faire siennes « les revendications de nombreux acteurs de la société civile tendant à l’ouverture aux journalistes des établissements pénitentiaires, centres de rétention administrative, zones d’attente et locaux de garde à vue dans des conditions fixées par décret, même en dehors de la présence de parlementaires. » (6). En effet, il apparaît aujourd’hui indispensable à la protection des droits des personnes retenues et à l’exercice de leur liberté de communication et d’expression que les journalistes puissent avoir accès aux centres de rétention et aux zones d’attente.

C’est pourquoi l’article 23 du présent projet de loi entend corriger le vide juridique qui existe aujourd’hui dans ce domaine. Il propose ainsi de permettre aux journalistes d’accéder aux lieux de rétention ainsi qu’aux zones d’attente dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État. Celui-ci devrait concilier les modalités d’accès des journalistes avec le respect de la dignité des personnes et les exigences de sécurité et de fonctionnement des lieux de rétention. Il fixerait également la procédure d’autorisation et les motifs de refus de celle-ci. Ainsi, un cadre juridique clair sera déterminé pour assurer l’accès des journalistes aux centres de rétention et aux zones d’attente.

Par ailleurs, afin de respecter le droit à l’image des personnes retenues, l’autorité administrative ne pourrait autoriser la prise d’image des étrangers, des personnels et des intervenants de ces lieux qu’avec leur accord préalable. Les prises d’image des personnes mineures seront quant à elles soumises à l’anonymat tant physique que patronymique.

La rapporteure, qui souscrit pleinement à cette innovation décisive et urgente, qui n’est que la déclinaison naturelle du droit fondamental à l’information de nos concitoyens, a identifié quelques points de vigilance dans la rédaction du futur décret d’application. Les légitimes contraintes induites par les exigences de sécurité et de fonctionnement, dans leurs modalités pratiques et dans leur durée, ne devront évidemment pas avoir pour effet d’exclure de manière permanente l’accès à certains centres. L’accord préalable des personnes pour la prise d’image devra opportunément pouvoir être sollicité par les journalistes eux-mêmes et non seulement par l’administration. L’anonymat physique et patronymique des personnes majeures ne pourra être pas imposé par l’administration sous réserve des exigences de sécurité. Il sera enfin impératif de veiller à ce que le nouveau dispositif n’empêche pas la conduite d’enquêtes prolongées, en ne faisant pas obstacle à ce qu’une même équipe de journalistes puisse pénétrer plusieurs fois dans un même centre ou zone d’attente.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission des Affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, sur le rapport de Mme Valérie Corre, les articles 1er, 2, 5, 9, 11 et 23 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2283), lors de sa séance du mardi 30 juin 2015.

M. le président Patrick Bloche. Notre commission a souhaité donner un avis sur les articles 1er, 2, 5, 9, 11 et 23 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2183). Ces articles comportent des dispositions qui relèvent, à divers titres, des compétences de notre commission, qu’il s’agisse du contrat d’intégration des étrangers, de l’accueil et du séjour des étudiants étrangers, du nouveau passeport « talents » ou encore de l’accès des journalistes aux centres de rétention et aux zones d’attente.

Je tiens à saluer tout particulièrement le travail conduit par notre rapporteure, Valérie Corre, qui a procédé, dans des délais que je qualifierai de « très resserrés » à plusieurs auditions, et qui nous proposera un certain nombre d’amendements destinés à améliorer ce projet de loi.

Je rappelle que ce texte sera examiné demain matin par la commission des lois, saisie au fond, et est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique à compter du 20 juillet. Nous examinons très en amont ce projet pour avis, car le règlement de l’Assemblée nationale impose que les commissions pour avis examinent les projets de loi avant la commission saisie au fond. Cela permettra à notre rapporteure pour avis, dans le cas – probable – où un certain nombre d’amendements seraient adoptés par notre commission, d’aller les défendre en commission des lois.

Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, ce projet de loi poursuit trois objectifs essentiels. D’abord, en cohérence avec les engagements du Président de la République, et à la suite du rapport remis au Premier ministre par notre collègue Matthias Fekl, nommé depuis secrétaire d’État, il apporte une plus grande sécurité au parcours d’intégration des migrants ; il crée en particulier des titres de séjour longs, allant jusqu’à quatre ans, qui permettent de conduire leurs bénéficiaires jusqu’au seuil d’acquisition de la carte de résident et de les dégager ainsi de l’emprise trop forte des démarches administratives. Ensuite, il renforce l’attractivité de la France en créant une nouvelle carte de séjour dédiée aux talents internationaux et à leurs proches, et en simplifiant les parcours et l’insertion des étudiants étrangers. Enfin, il conforte un équilibre plus harmonieux entre la nécessaire efficacité des contrôles et des mesures d’éloignement, et l’indispensable respect des libertés fondamentales.

Trois séries de mesures intéressent plus particulièrement notre commission : la rénovation du contrat d’intégration, aux articles 1er et 2 ; l’accueil et le séjour des étudiants étrangers, aux articles 5, 9 et 11, et le nouveau « passeport talent » à l’article 11 ; enfin l’article 23, qui donne aux journalistes l’accès aux centres de rétention et aux zones d’attente.

Dans des délais contraints par une brutale accélération du calendrier, j’ai souhaité conduire les travaux que je vous soumets autour de deux préoccupations principales : la première est que les mesures adoptées doivent lever les freins les plus concrets rencontrés par les étrangers en France, en réduisant, chaque fois que c’est possible, les imprécisions, les complexités et la marge d’interprétation laissée à l’administration, susceptible, on le sait, de conduire à des interprétations inégalitaires ; la seconde est de s’assurer que la loi donne un signal clair et fort sur la volonté de notre pays de considérer l’immigration comme une chance et non comme une contrainte à juguler. Notre République doit pouvoir accueillir avec ouverture, bienveillance et dignité tous ceux qui veulent lui apporter le concours de leur volonté, de leur enthousiasme et de leur talent. Ce signal est le seul gage tangible de l’attractivité de notre pays. Il est le réel enjeu de ce projet de loi.

Les deux premiers articles que nous examinons procèdent à une profonde rénovation du contrat d’accueil et d’intégration créé en 2006. Ce dispositif coûteux – plus de 50 millions d’euros par an – présente des faiblesses depuis longtemps dénoncées, notamment dans le rapport des inspections générales de l’administration et des affaires sociales, à l’automne 2013.

Ce n’est pas du tout l’intention qui est en cause. Le contrat cible avec pertinence les trois clés d’une intégration réussie : l’apprentissage de la langue, l’appropriation des valeurs de la République et l’accès à l’emploi. Mais, dans la pratique, les prestations et les formations dispensées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) souffrent d’être beaucoup trop standardisées, souvent abstraites et peu efficaces pour permettre une réelle insertion. En outre, elles sont en quelque sorte déconnectées de la suite du parcours, puisque le respect des démarches prescrites n’a aucune incidence dans les faits sur les autres étapes de délivrance des titres de séjour.

On remarquera ainsi que le niveau de langue se limite au niveau A.1.1, très modeste et d’ailleurs trop académique parce que sanctionné uniquement par le passage d’un diplôme ad hoc. De la même façon, les résultats en termes d’insertion sont très décevants : plus de la moitié des signataires d’un contrat d’accueil en 2009 sont encore au chômage deux ans plus tard, soit le double du taux de chômage des personnes migrantes, qui lui-même est déjà le double de celui des Français.

Sur ce constat, le projet de loi ambitionne de mettre en œuvre une logique personnalisée, recentrée autour de trois missions clairement identifiées. D’abord, la mission civique sera redéfinie dans une approche plus concrète, répondant mieux aux préoccupations et aux parcours divers des primo-arrivants ; le pouvoir réglementaire fixera les modalités pratiques de cette nouvelle formation. Pour autant, je crois utile de lui rappeler qu’il faudra progresser sur la voie des formations individualisées. Il faudra, en particulier, mettre l’accent sur les valeurs de la République les plus novatrices par rapport aux traditions du pays d’origine du migrant comme, par exemple, l’égalité entre les hommes et les femmes, ou la laïcité.

Ensuite, l’exigence de connaissance du français est relevée et sera désormais évaluée. L’article 1er précise en effet que la formation suivie visera l’acquisition d’un niveau suffisant dont l’atteinte constituera, aux termes de l’article 2, une condition à la délivrance de la carte de résident. Ce seuil, qui sera fixé par décret, est annoncé au niveau A.1 la première année, et A.2 au bout de cinq ans, ce qui constitue sans doute le seuil le plus raisonnable pour une intégration harmonieuse dans notre société, mais aussi le plus ambitieux : il exigera en effet un profond renouvellement des méthodes de formation.

Enfin, le projet de loi introduit dans les contrats une obligation d’effectuer les démarches d’accès aux services publics de proximité. C’est une innovation décisive. En effet, les différents acteurs de l’intégration sont peu habitués à travailler ensemble. La complexité et le morcellement des procédures qui en résultent empêchent les migrants de solliciter les services nécessaires pour construire une vie épanouie dans notre pays.

Toutes ces nouvelles démarches seraient, en parallèle, dotées d’une réelle portée. En effet, l’article 11 soumet la délivrance de la nouvelle carte de séjour pluriannuelle à la justification, par le bénéficiaire du contrat d’accueil, de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations. Le prétendant à une carte de résident devra, pour sa part, justifier de sa maîtrise du français.

Je vous proposerai d’adopter ce nouveau dispositif, plus cohérent et ambitieux, en lui apportant toutefois deux principaux correctifs.

D’abord, il importe de rappeler que ces formations et démarches doivent demeurer gratuites comme elles le sont aujourd’hui. Ensuite, il faut mieux protéger ce parcours contre tout risque d’arbitraire administratif, et veiller à ne pas l’enfermer dans une vision trop scolaire, voire punitive, qui contredirait son objet. C’est pourquoi je vous suggère de supprimer la mention du « sérieux » nécessaire de la participation aux formations, qui n’a aucune densité juridique et pourrait nourrir des interprétations divergentes selon les préfectures. Je vous propose de nous en tenir au seul critère tangible et objectivement mesurable, l’assiduité, qui doit bien évidemment être tempéré en cas de circonstances particulières comme les accidents de santé ou les contraintes professionnelles.

La deuxième thématique du projet de loi prise en compte par notre commission est l’accueil des étudiants étrangers. Vous trouverez dans mon rapport un état de la situation qui place notre pays, certes toujours en tête des destinations d’accueil, entre le troisième et le cinquième rang mondial selon les années, mais dans une situation comparative de moins en moins confortable. Si nous sommes parvenus à doubler le nombre des étudiants étrangers depuis la fin des années quatre-vingt-dix, cette performance reste modeste lorsque l’on observe que les flux internationaux ont été multipliés par dix et devraient encore doubler d’ici à 2025.

Nous disposons, il est vrai, de forts atouts : le prestige de notre culture, la qualité de la formation de nos établissements, ou encore leur coût très abordable. Mais nous demeurons affaiblis par l’ambiguïté de nos messages politiques. Les personnes – notamment de Campus France – que j’ai auditionnées m’ont signalé l’impact spectaculaire et persistant de la trop fameuse circulaire Guéant de 2011. Le nombre de visas étudiants, même s’il est reparti à la hausse, reste aujourd’hui inférieur de 10 % à celui atteint en 2010 et même de 20 % pour les formations de courte durée. C’est dire l’importance, pour l’attractivité de notre enseignement supérieur, de lever les freins légaux qui continuent à dissuader les jeunes étrangers de venir étudier en France.

Le projet de loi poursuit le travail entrepris par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi ESR ». Celle-ci supprimait un premier obstacle en autorisant un enseignement dans une autre langue que le français lorsqu’il est proposé dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère. Le présent texte conforte de manière considérable la sécurité juridique des étudiants durant leur parcours de formation. En effet, les étudiants d’un niveau au moins équivalent au master pourront bénéficier d’une carte pluriannuelle ajustée à la durée de leur cursus. La troisième grande difficulté à laquelle sont exposés les étudiants étrangers est la transition entre les études et l’emploi. Ce projet étend à douze mois la durée de l’autorisation provisoire de séjour (APS) autorisant les titulaires d’au moins un master à rechercher et à exercer un emploi en cohérence avec leurs études sans que la situation du marché de l’emploi ne leur soit opposable.

Malheureusement, ce texte ne va pas jusqu’au bout de sa logique.

Certes, il étend le bénéfice de la carte étudiant pluriannuelle, toujours limitée, comme les autres titres, à quatre ans maximum, à tous les étudiants et non plus aux seuls post-master, avec une durée égale à celle de leur cycle d’études. Il parachève également la réforme de l’APS en permettant à ses titulaires de créer une entreprise dans leur domaine de formation et surtout, en prévoyant que les anciens étudiants étrangers qui ont trouvé un emploi dans ce cadre obtiennent automatiquement et sans opposabilité de l’emploi, à son expiration, une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans, consolidant et sécurisant leur insertion dans la société française.

Mais il nous offre l’opportunité d’aller plus loin encore en mettant en place une législation plus simple et plus complète. Ainsi, s’agissant de la durée de la carte étudiant, il faut aller vers une reconnaissance du droit à l’erreur, d’ailleurs fréquente parmi les étudiants nationaux, dont la moitié redouble au moins une fois en licence, en prévoyant qu’elle peut être prolongée d’une année supplémentaire par cycle d’études. C’est d’ailleurs le cas de nos étudiants boursiers. L’appréciation sera confiée à ceux dont c’est le métier : les établissements de formation.

Dans un esprit comparable, je vous propose d’élargir le bénéfice de l’APS, et donc de la possibilité de chercher et de trouver une première expérience professionnelle, à tous les niveaux d’études supérieures. Ce serait cohérent avec le développement des filières professionnalisantes comme les sections de techniciens supérieurs (STS), les instituts universitaires de technologie (IUT) et les licences professionnelles, dont les performances d’insertion sont remarquables.

De même, il me semble que l’exigence – légitime – d’une condition de rémunération, fixée aujourd’hui par décret à un seuil de 1,5 fois le SMIC, doit être mieux modulée. Je propose qu’elle le soit en fonction des secteurs professionnels d’embauche et des territoires. En effet, même si on peut le regretter, on doit bien admettre que le premier salaire est loin d’être le même, par exemple, dans la finance à Paris que dans la recherche publique universitaire en région.

Enfin, dans mon souci constant d’éviter de laisser trop de place à l’interprétation administrative, je vous propose d’abandonner la référence au « sérieux » des études, qui ne veut pas dire grand-chose et dont le manque n’est d’ailleurs jamais sanctionné, et de confier l’appréciation de l’assiduité aux établissements de formation.

Dans cette logique, pour renforcer la qualité de l’accueil quotidien des étudiants, il s’agira de généraliser les guichets uniques qui relèvent cependant du seul pouvoir réglementaire. Actuellement au nombre de vingt-six, ces guichets rassemblent au sein même des universités les principaux services publics utiles, y compris les préfectures. Dans le même sens, je vous proposerai de confier la responsabilité de la délivrance des cartes d’étudiants aux préfectures non de la résidence, mais de l’établissement d’enseignement, car ces dernières sont bien mieux accoutumées à ce type de démarches.

Toujours sur le plan de l’attractivité, le projet de loi introduit une innovation importante : la carte de séjour « passeport talent ». Celle-ci rassemble des dispositifs aujourd’hui complexes et donne un signal fort de la volonté de la France d’accueillir les compétences. Cette carte, au régime très favorable, étendue aux membres de la famille proche des bénéficiaires, unifiera les anciennes cartes « salariés en mission », « scientifiques chercheurs » et « carte bleue européenne », dont elle ne modifie toutefois pas les conditions d’attribution. Elle étend, cependant, le champ des personnes concernées par le dispositif relatif aux investisseurs économiques directs, dont les seuils, aujourd’hui de 10 millions d’euros et de 50 emplois sauvés ou créés, seront abaissés par décret, et par celui relatif aux mandataires sociaux.

Elle introduit également de nouvelles catégories pour les employés de jeunes entreprises innovantes et pour les titulaires de master créateurs d’entreprise. Elle rénove les régimes applicables aux artistes et aux personnes jouissant d’une forte renommée. Les artistes interprètes et les auteurs d’œuvres littéraires ou artistiques pourront bénéficier de cette carte sans que la loi leur impose de justifier d’un contrat de travail d’au moins trois mois comme aujourd’hui, condition souvent impossible compte tenu de la spécificité de ces métiers. Il nous faudra toutefois veiller à ce que les textes d’application ne viennent pas réintroduire des restrictions exclues par la loi.

Enfin, une nouvelle catégorie est créée pour les personnes jouissant d’une renommée internationale reconnue dans les domaines intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif, en supprimant les conditions assorties à l’actuelle carte « compétences et talent ». À ce sujet, je vous proposerai une légère modification ouvrant le passeport talent aux personnes étrangères bénéficiant d’une renommée nationale établie à partir d’un faisceau d’indices comme, par exemple, la couverture médiatique, la participation à des colloques, les publications.

La troisième thématique de ce projet de loi, dont je vous ai parlé au début de mon intervention, est l’accès des journalistes aux centres de rétention et aux zones d’attente. La commission s’est en effet saisie de l’article 23, qui comporte une disposition profondément novatrice en ce sens.

Celle-ci s’inscrit dans la continuité de la loi du 15 juin 2000, qui a permis aux députés et aux sénateurs de visiter de façon inopinée les centres de rétention et les zones d’attente – en se faisant même accompagner de journalistes depuis la loi du 17 avril 2015 sur la modernisation de la presse. Elle crée un précédent juridique décisif en accordant directement ce droit à ceux qui sont chargés d’informer nos concitoyens, bien entendu dans le respect des contraintes de sécurité et de droit à l’image des personnes concernées qui seront précisées par décret. Sous réserve de la vigilance qui sera nécessaire au moment de la rédaction des textes d’application, je suis convaincue que cette disposition apportera un progrès considérable.

Voilà en quelques mots, mes chers collègues, les éléments du texte que je voulais mettre en avant, ainsi que les améliorations que je vous propose.

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la rapporteure, pour la présentation de votre avis qui est d’une remarquable clarté, à la fois sur les enjeux de ce projet de loi et sur les champs de compétence de notre commission.

Un travail parlementaire s’intègre toujours dans une démarche de long terme. Vous avez ainsi fait référence à la loi ESR que nous avons examinée en 2013. De la même façon, pas plus tard que la semaine dernière, en examinant le rapport d’information sur la convention UNESCO de 2005 sur la diversité culturelle, nous avons évoqué la question des artistes étrangers et de leur accueil en France, ainsi que celle de l’adaptation des conditions et d’entrée et de séjour des étrangers à la spécificité du travail artistique.

Nous devons penser à investir pour le rayonnement international de notre pays sur le plan économique, culturel, intellectuel, tâche que mène à bien l’agent public qu’est Campus France. Il y a quelques mois, en nous prononçant sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de cet établissement, nous avons mesuré à quel point la création de ces réseaux d’alumni, c’est-à-dire d’anciens élèves accueillis dans nos universités, contribuait en effet à l’attractivité de notre pays.

Je vous propose maintenant d’ouvrir la discussion générale, en commençant par les orateurs des groupes.

M. Christophe Premat. Ernest Renan écrivait : « La bonne politique n’est pas de s’opposer à ce qui est inévitable ; la bonne politique est de s’y servir et de s’en servir. » Cette citation tirée de La réforme intellectuelle et morale me paraît plus qu’adaptée pour illustrer l’ambition inscrite dans ce projet de loi, qui est de faire de l’immigration une opportunité tant pour les migrants que pour la France.

Trois objectifs sont poursuivis par le texte : améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour sur notre territoire ; rendre la France attractive en offrant davantage d’opportunités de mobilité aux talents internationaux vers l’Hexagone ; renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière tout en respectant les droits fondamentaux inhérents à chaque être humain.

Deux aspects du projet de loi intéressent particulièrement la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et ont d’ailleurs été étudiés dans le rapport qui nous est présenté aujourd’hui. Il s’agit bien entendu des volets concernant la réforme du contrat d’accueil et d’intégration d’une part, et du renforcement des dispositifs en direction des étudiants et des talents étrangers afin de les attirer en France d’autre part.

Commençons par la réorganisation du contrat d’accueil et d’intégration. Comme le souligne la rapporteure, ce contrat comportait de nombreuses lacunes. Trop standardisé, donnant accès à un niveau de langue insuffisant, sans effet par rapport à l’acquisition des titres de séjour, incapable de donner des clefs aux migrants pour s’insérer dans le monde professionnel, sous-exploité par les acteurs publics autres que le ministère de l’intérieur et l’OFII, ce contrat qui constitue l’instrument principal de la politique d’intégration française méritait une réforme de grande ampleur.

Le projet de loi réaménage le contrat d’accueil et d’intégration sur deux axes principaux : une personnalisation permettant l’adaptation de la politique publique d’intégration au profil spécifique de chaque migrant ; son intégration dans les conditions de maintien en France du migrant. Ainsi, les prestations proposées dans le contrat seront plus exigeantes et plus adaptées au profil de l’intéressé.

L’élément incontournable est la maîtrise du français qui, relevé à un niveau A.2, conditionne l’obtention d’un titre de résident. Maîtriser le français en France, c’est faciliter l’insertion professionnelle, c’est pouvoir plus facilement se renseigner sur les enjeux et les défis du pays d’accueil, c’est finalement faciliter son intégration dans la société française. J’abonde donc dans le sens de la rapporteure qui envisage, dans son rapport, la possibilité d’aménager un rôle à Campus France permettant aux migrants d’être initiés à la langue française dans leur pays d’accueil. Nous disposons d’ailleurs d’atouts considérables comme l’Agence d’enseignement du français à l’étranger (AEFE), le réseau culturel français à l’étranger, l’Alliance française qui peuvent nous aider dans cette tâche.

C’est désormais en partie à l’assiduité aux cours de français que sera conditionnée la délivrance des titres annuels de séjour et de résident. Il paraît donc nécessaire de donner à l’administration des critères adaptés, tenant compte de la situation particulière du migrant pour apprécier l’assiduité au cours de français et l’acceptation des valeurs de la République, tout comme il est indispensable de développer des enseignements adéquats à destination du migrant pour ce qui est du français et de l’apprentissage de l’esprit républicain, afin qu’il puisse avoir une chance équitable de pouvoir rester en France.

J’en viens aux mesures de renforcement de l’attractivité de la France en direction des étudiants étrangers et des talents.

Il est indiscutable que la France doit développer les moyens d’attirer les étrangers pour participer à son rayonnement culturel, scientifique, artistique, sportif et technique. Pour mener à bien cette politique, deux moyens sont envisagés : la sécurisation des situations vécues par les étudiants étrangers en France et la création d’un « passeport talent » unique.

Il paraît nécessaire d’offrir des conditions optimales aux étudiants étrangers en mettant en adéquation la durée de la carte de séjour et le cursus d’enseignement suivi, mais aussi en clarifiant le statut de l’étudiant étranger titulaire d’un master qui souhaite rester en France pour s’insérer directement sur le marché du travail ou créer une entreprise. En tant que député des Français de l’étranger et membre du Conseil d’administration de l’AEFE, je peux observer à quel point l’accès des ressortissants étrangers à des formations françaises est un moyen efficace d’asseoir notre influence dans le monde et de promouvoir nos intérêts économiques à l’international.

Par ailleurs, en ce qui concerne la création d’un « passeport talent » unique, je ne peux que me réjouir de cette initiative qui permettra aux étrangers talentueux répondant aux neuf catégories distinctes prévues par la loi d’obtenir une carte de séjour unique et pluriannuelle d’une durée de quatre ans. De surcroît, le Gouvernement, pour assurer la réussite de ce dispositif, a souhaité qu’il puisse s’appliquer aux membres de la famille des talents étrangers, ce qui, j’en suis sûr, en assurera certainement le succès.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, républicain et citoyen accueille très favorablement ce rapport et vous en remercie.

M. Frédéric Reiss. En raison de son importance, nous nous étonnons que le Gouvernement ait déclaré l’urgence sur ce texte, qui devrait donc être examiné fin juillet. D’ailleurs, Mme la rapporteure a dû travailler dans des délais inacceptables. Mais autant sur la forme que sur le fond, nous nous interrogeons.

L’« immigration zéro » est un mythe autant qu’une absurdité, et elle n’est d’ailleurs pas souhaitable. En revanche, la France ne peut accepter des étrangers sur son territoire qu’en fonction de ses capacités d’accueil. Certes, notre responsabilité de nation humaniste est d’ouvrir nos portes aux réfugiés et d’accueillir convenablement ceux auxquels nous donnons un droit de séjour chez nous. Mais, dans un contexte de crise économique et de crise de l’intégration, avons-nous d’autre choix que de réduire l’immigration ?

Or le gouvernement actuel, insidieusement et sans changer la loi ni remettre en cause directement les textes que la majorité précédente a votés, a déjà procédé par circulaires, par annonces, par instructions et largement assoupli les critères de régularisation, diminué les expulsions d’immigrés illégaux et facilité l’accès à la nationalité française : la franchise de 30 euros pour l’aide médicale d’État (AME) a été supprimée dès juillet 2012 ; les députés de la majorité ont voté une baisse de 50 % du coût d’un visa pour un titre de séjour ; en novembre 2012, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a assoupli les critères de régularisation des sans-papiers.

Dans un tel contexte et parce que nous avons bien vu que la gauche de la gauche avait fait pression pour l’inscription de ce texte, nous ne pouvons que lire les articles sur lesquels nous sommes saisis avec inquiétude, tant les dérives potentielles qu’il comporte sont nombreuses.

La mise en place d’un titre de séjour pluriannuel n’est pas en soi une mauvaise mesure. Le fait d’obliger tout le monde à retourner systématiquement tous les ans en préfecture n’est pas indispensable et engorge les services. En revanche, les conditions de délivrance doivent être d’autant plus strictes, ce qui est loin d’être le cas. Premier exemple : le texte étend le bénéfice du dispositif aux artistes interprètes ou aux auteurs d’une œuvre artistique régis par l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle. Cet article mentionne les œuvres de l’esprit, les œuvres dramatiques, chorégraphiques, musicales, cinématographiques ou photographiques, mais aussi les livres, les brochures, les conférences, les allocutions, les sermons… Combien de personnes cela représente-t-il ? Deuxième exemple : il en est de même des personnes procédant à un investissement économique direct en France. Nous pensons là encore que c’est la porte ouverte à de nombreuses dérives.

Quand je lis sous la plume de notre rapporteure que « le projet de loi vise à renforcer l’attractivité de la France », je m’interroge sur ce qu’elle appelle « les talents internationaux et leurs familles ».

Sur le plan social, je m’interroge sur une disposition du projet qui permet à une personne qui perd son emploi, de voir son titre de séjour renouvelé pendant une année, augmentée de la durée des droits acquis à indemnisation restants. Cette durée m’apparaît bien imprécise et contestable.

La mise en place d’un parcours plus individualisé comprenant des formations relatives au fonctionnement de la société française et aux valeurs de la République, ainsi qu’une formation renforcée d’apprentissage de la langue française, est une initiative que l’on pourrait considérer comme positive. En revanche, s’agissant des conditions, plusieurs questions restent en suspens. Déjà, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de l’automne 2013 avait évalué à 46 millions d’euros par an le coût total de l’objectif de l’atteinte d’un niveau A.1, et à 80 millions d’euros annuels le coût de l’atteinte d’un niveau A.2. Or il n’y a rien de précis dans l’étude d’impact. Comment allons-nous financer ces formations ? Ces dernières doivent-elles vraiment être totalement gratuites pour les personnes que nous accueillons ? Une participation financière des bénéficiaires ne nous semblerait pas incongrue. Et une fois ces formations dispensées, la surveillance de l’assiduité ne suffira pas, madame la rapporteure, pour garantir le niveau réellement acquis.

Je veux dire par là que de nombreuses questions mériteraient d’être approfondies. Nous légiférons trop vite, au risque de commettre des erreurs, à partir d’un texte technique et très approximatif proposé par le Gouvernement. La majorité ne s’étonnera pas de ma conclusion : malgré quelques dispositifs acceptables et qui seront examinés demain en commission des lois, le groupe Les Républicains se prononcera sans doute majoritairement contre ce texte.

Mme Gilda Hobert. Madame la rapporteure, je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre travail qui, malgré des délais très contraints, a abouti à ce rapport très riche sur le projet de loi relatif aux droits des étrangers en France. Il a le mérite d’éviter les raccourcis faciles et de rappeler à la représentation nationale que l’immigration est une chance pour la France, même si, après plusieurs années, certains dispositifs comme le contrat d’accueil et d’intégration méritent d’être revus.

Les dispositions prévues pour l’accueil et le séjour des étrangers, objet de ce texte, constituent un progrès sur le plan humain comme sur le plan de l’efficacité administrative. Nous ne rappellerons pas ici la complexité des démarches multiples, que vous avez évoquées à juste titre, madame la rapporteure, et qui attendaient jusqu’ici les étudiants étrangers.

Les articles 1er et 2 du projet de loi énoncent des dispositifs qui doivent renforcer la volonté d’intégration des primo-arrivants par une formation en langue française et une formation civique plus adaptée, consacrée aux valeurs de la République dans le respect des droits et des devoirs de notre pays, ainsi qu’à l’apprentissage du fonctionnement de notre société. C’est un moyen d’éviter la cristallisation des différences, la mise à l’écart et de permettre à chaque étudiant de mieux s’intégrer, non seulement parmi ses pairs, mais aussi dans nos modes de fonctionnement administratifs, quotidiens, sociaux et culturels.

Nous avons tous été sollicités par des étudiants pour que nous intervenions auprès du préfet concernant leur titre de séjour, soit parce que les délais ne correspondaient pas à la durée de leur cursus d’études, soit parce qu’ils souhaitaient exercer une activité professionnelle en France directement liée à leurs études. Le fait que plusieurs dispositions de ce texte les concernent constitue un bon signal. En effet, l’article 5 prévoit de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l’étudiant titulaire d’un diplôme d’un niveau équivalent au minimum à un master, à condition qu’il justifie d’un projet d’expérience professionnelle ou de création d’entreprise et d’une rémunération supérieure à un seuil. J’ajouterai que votre amendement qui prévoit que ce niveau d’études soit étendu aux STS, IUT et licences professionnelles est vraiment un plus. Ainsi, l’étudiant pourra, dans les conditions prévues, soit bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle sur laquelle figurera la mention « passeport talent », soit d’une carte de séjour temporaire portant l’indication « salarié » ou encore « entrepreneur-profession libérale ». Cette carte aura, comme vous le soulignez, madame la rapporteure, le grand mérite de personnaliser chaque parcours.

On ne peut nier les richesses que peuvent apporter les échanges de savoirs. Mais, si nous nous employons à soutenir la poursuite d’études des jeunes Français dans d’autres pays, nous avons un devoir de réciprocité et, partant, celui de faire en sorte que les étudiants étrangers soient accueillis dans les meilleures conditions en France. Pour cela, il est prévu, à l’article 9, que l’étudiant titulaire d’un diplôme de niveau master et qui n’aurait pas formulé de demande pour une autorisation provisoire de séjour, puisse bénéficier d’une carte de séjour en qualité de salarié s’il présente un contrat de travail en lien avec sa formation et assorti d’une rémunération. Ce dispositif va dans le bon sens : il facilite l’intégration des étudiants étrangers dans le monde du travail à la sortie de leurs études sur notre territoire.

Enfin, en garantissant, par l’article 23, aux journalistes l’accès aux zones d’attente et aux milieux de rétention dans le respect des libertés individuelles, la liberté d’information est affirmée clairement, et nous ne pouvons que nous en satisfaire.

Voilà, madame la rapporteure, mes chers collègues, les quelques points sur lesquels je voulais revenir concernant ce projet de loi qui va renforcer l’attractivité de la France, et garantir un accueil et un suivi personnalisé aux étrangers, en particulier aux étudiants et aux talents internationaux. Pour toutes ces raisons, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste accueille favorablement ce rapport.

Mme Marie-George Buffet. Je voudrais d’abord remercier Mme la rapporteure pour son excellent travail. Vous avez rappelé, madame, le rôle de l’immigration dans le développement de notre pays, sur le plan économique comme sur le plan culturel. La France, en accueillant ces hommes et ces femmes, leur apporte des conditions de vie souvent meilleures que celles qu’ils connaissaient dans leur pays d’origine. Mais qu’ils soient artistes, qu’ils soient de futurs scientifiques, ou qu’ils soient de simples travailleurs, ils enrichissent notre pays par leur travail.

Contrairement à ce que l’on rapporte parfois, et je me réfère à une étude d’il y a quelques années, le coût des prestations sociales attribuées aux personnes immigrées est bien inférieur aux cotisations sociales versées par ces personnes lorsqu’elles ont accès au travail et donc participent à la solidarité nationale. Or ces personnes connaissent des parcours extrêmement difficiles. Dans certaines préfectures, nous en sommes à intervenir pour obtenir un simple rendez-vous ! Le renouvellement des cartes de séjour est particulièrement angoissant pour elles, au risque de nuire à la qualité de leur travail et de leurs études.

Ce projet de loi a soulevé énormément d’attentes de la part de toutes les associations qui travaillent sur ces dossiers et nourrissent l’espoir que l’on rompe avec les politiques précédemment menées en la matière. L’appréciation sur l’ensemble du texte est pour le moins contrasté. De nombreuses associations comme la CIMADE, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI), le Syndicat de la magistrature ou d’autres, considèrent que ce projet de réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ne marque pas une véritable volonté de rupture avec les réformes précédentes. C’est donc avec beaucoup de satisfaction que j’ai pris connaissance des amendements que vous nous proposez. Ils vont dans le bon sens et viendront enrichir, dans les domaines qui relèvent de notre compétence, ce projet de loi.

Les associations s’interrogent sur les conditions d’attribution et les modulations de durée de ce contrat pluriannuel. Vous-même, vous présentez plusieurs amendements, précisément pour que les étudiants puissent poursuivre leurs études le temps nécessaire, même s’il leur arrive d’échouer – c’est le droit à l’erreur. Il fallait également améliorer les conditions d’accès au travail des étudiants étrangers. Jusqu’à présent, le titre de séjour était ouvert aux titulaires au moins d’un master, alors que certaines formations qualifiantes permettent de travailler plus rapidement. Vous proposez des amendements qui vont en ce sens.

Ensuite, vous soulignez à juste titre que ce n’est sans doute pas à la préfecture de juger de la réalité et du sérieux des études effectuées par une étudiante ou un étudiant, et qu’il vaut mieux laisser le centre de formation lui-même se prononcer à ce propos. Pour ma part, je pense qu’il faut faire en sorte que les préfectures aient le moins de marges de manœuvre possibles, que ce soit en matière d’immigration ou dans d’autres matières. On évite ainsi que ne se créent des inégalités d’une préfecture à l’autre.

Cet après-midi comme lors des prochaines étapes de l’examen ce projet de loi, nous allons suivre attentivement le cheminement de vos amendements.

Enfin, je me félicite, au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine, que ce projet de loi autorise l’accès des journalistes aux centres de rétention. C’est l’occasion pour moi de souligner l’importance qu’il y aurait à débattre à nouveau de la loi sur la protection des sources. Mais nous allons prendre une initiative en ce sens dans les jours qui viennent.

Mme Isabelle Attard. À mon tour de saluer la qualité du travail de notre rapporteure. Nous sommes réunis parce qu’en 2011 M. Claude Guéant avait pris une circulaire concernant les étudiants étrangers non ressortissants de l’Union européenne qui souhaitaient prolonger leur expérience professionnelle en France. Cette circulaire malheureusement célèbre visait, selon une approche qualitative et sélective, à faire passer l’immigration légale de 200 000 à 180 000 personnes par an. Heureusement, la mobilisation des étudiants a été relayée pendant la campagne présidentielle, une partie des candidats – dont François Hollande – s’étant prononcés pour le retrait de la circulaire en cas d’élection. Ainsi, cette circulaire a été abrogée par le gouvernement Ayrault le 31 mai 2012.

Après l’élection de François Hollande, la sénatrice socialiste Dominique Gillot a déposé une proposition de loi afin de faire évoluer rapidement la législation. Cependant, le Gouvernement a choisi une autre stratégie : outre l’abrogation de la circulaire Guéant, il a organisé un débat sans vote au Parlement sur l’immigration étudiante et professionnelle – en avril 2013 au Sénat, et en juin 2013 à l’Assemblée nationale. Puis il a introduit quelques modifications législatives à la marge dans la loi relative à l’ESR, que nous avons examinée ici en 2013. Lors de ce débat sans vote, il a été rappelé que les étudiants représentaient un tiers de l’immigration économique en France, et qu’ils étaient nombreux à rester sur le territoire, une fois leur cursus terminé, pour chercher du travail. La France est en effet le quatrième pays le plus attractif, avec environ 300 000 étudiants étrangers par an. L’objectif du Gouvernement est très clairement de renforcer notre compétitivité, de consolider notre place au niveau international et d’affirmer son choix d’accueillir des talents étrangers et les visiteurs professionnels qui contribuent au rayonnement de l’économie française. Enfin, en s’appuyant sur cette proposition de loi Gillot, les sénateurs ont proposé de modifier la législation lors des débats sur la loi Fioraso relative à l’ESR. Suite au débat parlementaire, le texte ne va pas aussi loin que la proposition de loi, mais apporte tout de même quelques avancées sur lesquelles nous reviendrons lors de la défense des amendements.

Quoi qu’il en soit, je partage tout à fait le souci de mes collègues Marie-George Buffet et Gilda Hobert : en matière d’accueil des étudiants étrangers, la réciprocité est extrêmement importante. On ne peut pas souhaiter que nos étudiants puissent suivre dans les meilleures conditions possibles, en toute sérénité, des études à l’étranger, voire y travailler une fois leurs études terminées, et ne pas faire en sorte qu’il en soit de même dans notre propre pays pour les étudiants étrangers – qui sont extrêmement nombreux, particulièrement en doctorat.

En conclusion, je remercie chaleureusement, au nom du groupe Écologiste, Mme la rapporteure pour avoir grandement amélioré ce projet de loi. Je pense même que je retirerai certains de mes amendements, car les siens vont plus loin.

M. Jacques Cresta. J’ai eu, la semaine dernière, l’occasion de parler de coopération culturelle internationale lors de l’examen du rapport d’information sur les dix ans de la Convention de l’UNESCO relative à la diversité culturelle. J’exprimais alors mon étonnement devant la diminution constante, depuis 2008, de la délivrance de titres de séjour portant la mention « profession artistique et culturelle ». Il en est de même, d’ailleurs, pour le renouvellement de ces titres. Assurément, les conditions d’obtention de cette carte de séjour sont en partie responsables de cette diminution. Je vous les rappelle, telles qu’elles sont définies dans l’article L. 313-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile : les artistes doivent être « titulaires d’un contrat de plus de trois mois passé avec une entreprise ou un établissement dont l’activité principale comporte la création ou l’exploitation d’une œuvre de l’esprit ».

La création du « passeport talent » pourrait modifier les conditions de délivrance de titres de séjour pour les artistes et faciliter ainsi les coopérations artistiques et culturelles qui enrichissent notre pays. Mais qu’en est-il en vérité ? De quelle manière la renommée internationale d’un artiste sera-t-elle établie ? Cette renommée est capitale puisque celle qui ne pourra pas la démontrer ne pourra pas bénéficier du « passeport talent ». Sera-t-elle établie par les comités d’experts des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ? En résumé : sommes-nous réellement en train de simplifier les procédures pour les artistes ?

Mme Laurence Arribagé. Alors que l’Europe est confrontée à une crise migratoire dramatique, la situation de l’immigration en France aurait mérité un temps de réflexion plus long que celui que l’agenda de la session extraordinaire lui consacre.

Force est de constater que ce projet de loi est en cohérence avec la logique de facilitation de l’accueil des étrangers sur notre territoire qui caractérise la politique du Gouvernement depuis 2012. Si je partage votre volonté de mettre en avant les avantages économiques et culturels de l’immigration pour notre pays, je considère que cette précipitation est contraire à toute clarification. Plus particulièrement, les dispositions de l’article 11 relatives à l’attribution du « passeport talent », qui visent à renforcer l’attractivité de notre pays, privilégient celles et ceux qui envisagent un investissement économique direct en France. Cette mesure est, certes, louable sur le papier, et nous ne pouvons qu’y être favorables, mais il conviendrait de préciser la nature et le montant de l’investissement projeté, ainsi que de fixer à celui-ci d’un niveau minimum et d’une durée au moins égale à celle du séjour.

Une interrogation demeure quant au nombre important de Français qui quittent notre pays et investissent à l’étranger, tant sur le plan intellectuel que financier, quand ils ne se délocalisent pas totalement afin de fuir la fiscalité aberrante imposée par un gouvernement manquant de perspectives à long terme. À quand la délivrance d’un « passeport talent retour » pour nos ressortissants ? S’il est fondamental d’accueillir des investisseurs étrangers en France, garder nos concitoyens créateurs d’idées, d’entreprises, de richesses et d’emplois me paraît tout autant essentiel, sinon plus.

M. Guénhaël Huet. Entre 2012 et 2013, l’immigration légale dans notre pays a augmenté de près de 6 %, le regroupement familial de 15 %, et l’immigration illégale, à en juger par le nombre des allocataires de l’aide médicale d’État, de 35 %. Ces chiffres, très factuels, sont le résultat de l’application de textes juridiques disparates et de nature différente tels la directive assouplissant les critères de régularisation des sans-papiers et la franchise pour bénéficier de l’AME, Frédéric Reiss l’a rappelé.

Je déplore la rapidité avec laquelle nous examinons aujourd’hui ce projet de loi, dans le cadre d’une session extraordinaire et sous le coup d’une procédure d’urgence. Le texte contient pourtant un certain nombre de mesures intéressantes, je pense en particulier au parcours de formation et au titre de séjour pluriannuel. Il eût été cependant plus utile de réfléchir aux capacités d’accueil de notre pays et à ses besoins économiques réels. Dans ces conditions, je crains que ce projet de loi ne soit perçu que comme une facilité supplémentaire offerte à l’immigration, sans qu’il y ait eu au préalable une véritable estimation ni un débat sur l’évolution globale du droit des étrangers dans notre pays.

Mme la rapporteure pour avis. Il est vrai que le calendrier d’examen du projet a été accéléré mais je rappelle qu’il a été déposé sur le bureau de notre assemblée il y a un an.

Le premier objectif visé est de sécuriser le parcours des migrants afin qu’ils n’aient plus à se présenter une fois par an à la préfecture et ne soient plus soumis aux tracasseries et incertitudes que cela implique. Le deuxième objectif, c’est l’attractivité de la France dans un contexte de compétition internationale accrue, et nous avons besoin de faire venir les étudiants et tous les talents sur notre territoire. Le troisième objectif, clairement assumé, est l’équilibre nécessaire entre le contrôle et les mesures d’éloignement, d’une part, et le respect des libertés fondamentales, d’autre part. Je fais ce rappel pour couper court à un certain nombre de faux débats.

Le contrat d’accueil et d’intégration ne constitue pas une nouveauté puisqu’il existe depuis 2006, fondé sur la connaissance du français et sur l’acceptation des valeurs républicaines. Notre texte ne fait que perfectionner le dispositif, le précédent étant unanimement considéré comme trop coûteux et inefficace puisque sans incidence sur le parcours ultérieur des intéressés. Un niveau de langue supérieur sera exigé, du moins au terme des cinq ans de séjour nécessaires à l’obtention de la carte de résident. Par ailleurs, mes amendements tendent à affiner le sens donné à l’acceptation des valeurs républicaines. Enfin, un parcours plus personnalisé est proposé, particulièrement en ce qui concerne les services de droit commun : soins médicaux, scolarisation des enfants, etc.

Le « passeport talent » est certes nouveau, mais il ne fait que regrouper les différentes catégories existantes en en ajoutant deux autres : les employés de jeunes entreprises innovantes et les titulaires de masters créateurs d’entreprises. Il ne s’agit donc pas d’ouvrir notre territoire à tout va et à n’importe qui.

La carte attribuée aux artistes existe, elle, depuis 2006, mais, en 2012, seules 162 personnes étaient accueillies à ce titre ! Cela prouve que le dispositif actuel est trop restrictif, à la fois par la durée d’emploi exigée en contrepartie et par le niveau de rémunération. Il s’agit de permettre à ces artistes de séjourner plus longtemps sur notre territoire.

Quant aux cartes de résident pour « contribution économique exceptionnelle », seules quatre ont été délivrées en 2012, les conditions étant également trop restrictives. C’est pourquoi, à l’avenir, les conditions seront déterminées par voie réglementaire et non plus législative.

Comme Mme Buffet, je considère que l’intérêt que représente l’immigration pour notre pays n’est pas assez valorisé, car la France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans les migrations des décennies précédentes. Mme Buffet a mis en regard le montant des cotisations sociales versées et celui des prestations servies ; Campus France, de son côté, a calculé que les flux financiers générés par les étudiants étrangers dans notre pays bénéficient à celui-ci à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Il y a donc là un intérêt à la fois culturel, social et économique qui gagnerait à être reconnu.

Ma préoccupation constante a été de réduire les marges d’interprétation de la loi qui se traduisent par des inégalités entre les territoires et, pour les personnes concernées, par un sentiment d’injustice.

Mme Attard a évoqué la réciprocité, c’est-à-dire la façon dont nos jeunes sont accueillis à l’étranger. Il nous reste beaucoup à faire, malgré le guichet unique, dans le domaine de l’accueil et de l’accompagnement, mais cela relève du domaine réglementaire. Au demeurant j’ai insisté dans le rapport sur l’intérêt qu’il y a à motiver les universités à cet effet.

En ce qui concerne la possibilité de travailler en France, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche permet d’ores et déjà la délivrance aux titulaires de masters d’une autorisation provisoire de séjour pendant un an. Je propose, comme je l’ai dit, d’étendre cette possibilité aux autres diplômes du supérieur, comme les « bacs plus deux ». Au-delà de ces douze mois, les intéressés relèvent d’un autre régime.

Le projet de loi marque enfin une avancée majeure en ouvrant l’accès des centres de rétention et des zones d’attente aux journalistes. C’est un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années, et qui est fondamental pour la transparence et pour l’information de nos concitoyens. J’insiste d’ailleurs dans le rapport pour que le pouvoir réglementaire organise les choses sans pour autant tout verrouiller.

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l’article 1er
(art. L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Obligation de motivation du rejet des visas étudiants

La commission a adopté un nouvel article additionnel avant l’article 1er dont l’objet est de rétablir l’obligation de motiver les refus de visas de long séjour opposés aux étudiants désireux de suivre des études supérieures en France.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC38 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de s’assurer que les refus de visa « étudiant » sont motivés, procédure qui a existé entre 1998 et 2005 et dont l’abolition a été ressentie comme vexatoire. Cette motivation permet en outre au demandeur de retravailler son dossier de façon à tenir compte des motifs du refus.

M. Christophe Premat. Il existe un débat sous-jacent à celui du refus de visa par les autorités consulaires et diplomatiques, et qui concerne en particulier l’acceptation des valeurs de la République, car le cadre commun de référence européen n’évalue que la compétence linguistique.

Mme la rapporteure pour avis. Mon amendement ne concerne que la délivrance du visa, c’est-à-dire la démarche permettant l’autorisation d’entrer en France.

La Commission adopte l’amendement.

Article 1er
(art. L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration de l’étranger

La commission a apporté trois modifications à l’article 1er :

– la première vise à préciser que l’information sur la vie en France mise à la disposition des étrangers souhaitant y séjourner doit être traduite dans une langue qu’ils comprennent ;

– la deuxième a pour objet de garantir que les formations et prestations du contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration demeurent dispensées gratuitement et financées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ;

– la troisième précise les dispositions que devrait contenir le décret d’application de l’article.

*

La Commission examine l’amendement AC27 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser que l’information sur la vie en France mise à la disposition des étrangers doit être traduite dans une langue compréhensible par les intéressés. Les consulats et Campus France assurant déjà ce type de traduction, l’amendement n’a pas d’incidence financière.

M. Christophe Premat. Je le dis au passage, bien que les intéressés ne soient pas concernés par un texte relatif au droit des étrangers : Campus France devrait s’ouvrir plus aux binationaux ou aux Français vivant à l’étranger et revenant en France pour intégrer un parcours dans l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, l’indicateur de performance de Campus France sur lequel le législateur se fonde dans le cadre du vote du budget est déterminant pour savoir combien d’étudiants étrangers sont attirés par la France. Il ne serait pas inutile de le mentionner dans l’exposé des motifs de l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC29 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement se borne à rappeler que les informations et les démarches prescrites dans le contrat d’accueil et d’intégration demeurent, comme c’est le cas aujourd’hui, gratuites et financées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Il n’a donc aucune incidence financière.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle se penche sur l’amendement AC28 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement précise les dispositions que devra comporter le décret d’application afin de laisser le moins de marge d’interprétation possible, en reprenant le contenu du contrat d’accueil et d’intégration.

M. le président Patrick Bloche. Il convient effectivement que l’égalité soit assurée sur tout le territoire dans ce domaine.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Article 2
(art. L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Condition de connaissance suffisante de la langue française pour la délivrance de la carte de résident

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 5
(art. L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Autorisation provisoire de séjour

La commission a, d’une part, étendu le bénéfice de l’autorisation provisoire de séjour (APS), qui permet aux étudiants étrangers de rechercher et d’exercer pendant douze mois des emplois en relations directes avec leurs études sans que leur soit opposable la situation de l’emploi, aux titulaires de tout diplôme de l’enseignement supérieur et non plus aux seuls titulaires de master ou plus. Elle a d’autre part substitué à un seuil unique auquel doit être supérieure la rémunération de ces emplois plusieurs seuils, toujours fixés par décret, tenant compte du domaine professionnel et du territoire concernés.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC22 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement concerne les étudiants souhaitant compléter leurs études par une première expérience professionnelle ou par la création d’une entreprise, et auxquels peut être délivrée une autorisation provisoire de séjour (APS), aujourd’hui limitée à douze mois. Nous souhaitons que cette durée puisse être portée à vingt-quatre mois, car la multiplication des CDD en France est déjà facteur d’insécurité, particulièrement pour les plus jeunes, et il conviendrait de rendre plus sereine la période difficile que constitue le passage des études à l’activité professionnelle.

Mme la rapporteure pour avis. C’est en effet un passage difficile. La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche prévoit déjà cette autorisation provisoire, en la conditionnant à un niveau minimal de rémunération ; un de mes amendements propose de moduler cette condition. En revanche, il me semble excessif de porter la durée de l’APS à deux ans, car de deux choses l’une : soit l’étudiant a trouvé un emploi dans ce laps de temps, et il n’en a plus besoin, soit son parcours pose question et il est légitime de réexaminer sa situation. J’insiste cependant sur le fait que la non-prolongation de l’APS ne signifie pas la suppression systématique du titre de séjour : l’intéressé change seulement de catégorie de titres à demander. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement.

Mme Isabelle Attard. Cette précarité administrative dans laquelle se trouvent les étrangers pourrait être tempérée, car elle ne facilite ni la recherche d’un emploi ni la poursuite d’études. Il existe plusieurs façons d’aborder cette période de transition, et il s’agit le plus souvent, hélas, d’enchaîner les contrats de courte durée.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC30 de la rapporteure pour avis et AC23 de Mme Isabelle Attard.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de faciliter l’accès à l’APS à tout étudiant ayant validé un diplôme de l’enseignement supérieur, quel qu’il soit, alors qu’aujourd’hui le master est exigé.

Mme Isabelle Attard. Je retire mon amendement, car celui de la rapporteure est meilleur en ce qu’il inclut les diplômes de niveau « bac plus deux ». On ne peut à la fois prétendre promouvoir les cycles courts et valoriser les seuls masters.

L’amendement AC23 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC30.

Elle étudie ensuite l’amendement AC31 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement tend à moduler le niveau de rémunération minimale, aujourd’hui fixé à 1,5 SMIC, pour exercer un emploi dans le cadre de l’APS en fonction des filières professionnelles et des territoires.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement AC24 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Parallèlement aux débats sans vote sur l’immigration étudiante et professionnelle qui se sont tenus au Sénat et à l’Assemblée nationale en avril et juin 2013 et au dépôt d’une proposition de loi relative à l’attractivité universitaire de la France par notre collègue sénatrice Dominique Gillot, le Gouvernement a publié le 10 juin 2013 une circulaire relative aux modalités de délivrance des titres de séjours pluriannuels prévus par l’article L. 313-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette circulaire visait notamment à généraliser le titre de séjour pluriannuel afin d’éviter aux étudiants étrangers d’avoir à renouveler leur visa chaque année.

Or l’article 13 du présent projet de loi prévoit l’abrogation de l’article L. 313-4 au lieu d’en conserver les éléments positifs. Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi la logique de la circulaire du 10 juin 2013, en permettant aux étrangers titulaires d’une carte temporaire portant la mention « étudiant » de la renouveler pour une durée de trois ans pour les étudiants inscrits en licence, pour une durée de deux ans pour ceux inscrit en master et pour une durée de quatre ans pour ceux inscrit en doctorat.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement est satisfait, puisque les actuels titulaires d’une carte d’étudiants, comme les titulaires d’un visa de long séjour, pourront, à partir de la date de la promulgation de la loi, solliciter une carte pluriannuelle dont la durée de validité sera ajustée à leur cycle d’étude. Je proposerai par ailleurs de prolonger, sous condition, cette validité d’une année ; je demande donc le retrait de l’amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.

Mme Isabelle Attard. Je retire mon amendement car, effectivement, l’ajout d’une année par notre rapporteure est très positif ; j’aurais trouvé gênant que l’on se limite à une durée fixe puisque l’on ne peut prévoir à l’avance la durée des travaux de thèse.

L’amendement est retiré.

Article 9
(art. L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle

En cohérence avec les modifications apportées à l’article 5, la commission a étendu la possibilité de bénéficier d’une carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle aux étudiants étrangers titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur français et non plus aux seuls bac + 5.

*

La Commission examine l’amendement AC32 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. C’est un amendement de cohérence avec l’extension de l’APS aux titulaires de tout diplôme habilité de l’enseignement supérieur.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.

Article 11
Carte de séjour pluriannuelle

La commission a adopté quatre modifications à cet article :

– elle a supprimé la condition du « sérieux » de sa participation aux formations prescrites dans le cadre du parcours d’accueil et d’intégration opposable à l’étranger demandant le bénéfice d’une carte pluriannuelle de séjour, pour ne retenir que son assiduité, et précisé que la condition de ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs de la République doit résulter d’une « volonté caractérisée » ;

– elle a confié à son établissement de formation l’appréciation de l’assiduité de l’étudiant bénéficiant d’une carte de séjour au titre de ses études ;

– elle a introduit la possibilité que la durée de la carte de séjour des étudiants étrangers dépasse d’une année la durée du cycle d’études dans lequel ils sont engagés ;

– elle a élargi le bénéfice du « passeport talent » aux étrangers jouissant d’une réputation « nationale » et désireux d’exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif.

*

La Commission examine l’amendement AC33 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement supprime la référence au « sérieux » de la participation de l’étranger aux formations prescrites dans le cadre du contrat d’accueil car, dépourvue de portée normative, cette mention est susceptible de faire l’objet d’interprétations divergentes. Seul demeurerait le critère de l’assiduité du signataire. Il convient en outre de prévoir des circonstances particulières pouvant entraver l’assiduité de l’intéressé.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement prend certes en compte l’imprévu, mais j’aurais souhaité que l’on prenne en compte le niveau réellement acquis et pas seulement l’assiduité ; dans ces conditions, on aura toutes les excuses pour ne pas suivre sérieusement les cours. À ce titre, cette proposition me paraît dangereuse.

Mme la rapporteure pour avis. Les circonstances particulières sont bien réelles, il peut y avoir des problèmes de santé ou des contraintes professionnelles, qu’on ne peut ignorer. Quant au « sérieux », comment l’évaluer ? L’amendement supprime tout risque d’interprétation arbitraire, en retenant la seule obligation d’assiduité, assortie de quelques exceptions.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC34 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le « rejet » des valeurs de la République, laissé qui plus est à la seule appréciation de l’autorité administrative, n’a guère de portée juridique. Je propose de définir la manifestation d’un tel rejet par une « volonté caractérisée », notion clairement établie par la jurisprudence.

M. Christophe Premat. L’évaluation des attitudes culturelles est toujours problématique, particulièrement en ce qui regarde la laïcité, qui est une des règles fondamentales de la République. Il est bon d’objectiver ces situations devant lesquelles les autorités sont souvent démunies pour se prononcer lucidement.

M. Frédéric Reiss. L’étude d’impact ne précise pas si un décret viendra préciser les modalités de refus de l’attribution de la carte de séjour pluriannuelle en cas de rejet manifeste des valeurs républicaines. Il conviendrait pourtant d’en préciser le contenu afin d’éviter l’arbitraire dans les décisions prises au sein des différents territoires.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AC35 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je propose que l’évaluation de l’assiduité de l’étudiant, qui conditionne le maintien de la carte de séjour pluriannuelle, soit confiée à son établissement de formation, lequel est le mieux à même de le connaître.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AC36 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement permet d’allonger d’un an par cycle d’études la durée du titre du séjour étudiant, sous réserve de l’avis de l’établissement de formation. Il n’est donc pas créé de droit automatique au redoublement, mais simplement un droit à l’erreur.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite de l’amendement AC37 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il convient d’élargir la notion de renommée internationale ouvrant droit au « passeport talent », donc à la carte de séjour pluriannuelle, en attribuant celle-ci aux talents artistiques, sportifs, scientifiques ou humanitaires jouissant d’une renommée nationale.

M. Christophe Premat. Cet amendement répond parfaitement aux objectifs assignés à notre réseau culturel, qui est d’essayer d’attirer de jeunes talents en France, il entre donc en pleine cohérence avec notre politique diplomatique extérieure.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC25 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. L’objet de cet amendement, dans la lignée de la proposition de loi de Dominique Gillot, est de rendre automatique l’attribution de la carte de séjour pluriannuelle aux titulaires d’un diplôme de doctorat délivré en France. Cela permettra de créer un droit illimité au séjour en France pour tout titulaire d’un doctorat délivré en France, et de développer ainsi la coopération économique continue tout en évitant le pillage des cerveaux des pays émergents.

Nous savons qu’aujourd’hui ce sont les doctorants qui produisent les publications les plus importantes sur notre territoire. Nous souhaitons leur dire que nous n’avons pas pour intention de les exploiter pendant trois ou quatre ans en utilisant leurs neurones et leurs travaux pour, in fine, nous débarrasser d’eux comme de vulgaires Kleenex.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement, qui vise à attribuer un droit de séjour permanent sur le territoire national, correspond à une revendication de certaines personnes que j’ai auditionnées, en particulier la Conférence des présidents d’université (CPU). Il me semble toutefois difficile de créer un nouveau titre de séjour exorbitant du droit commun, car en quelque sorte permanent, pour un public somme toute restreint.

Le « passeport talent », tel qu’amélioré par notre texte, est ouvert aux doctorants et peut être renouvelé ; les intéressés ont donc déjà la possibilité de demeurer en France au terme de leurs études. Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

Mme Isabelle Attard. Mme Fioraso défendait les docteurs en proposant d’élargir leur accès à la haute fonction publique. Si nous voulons valoriser le titre de docteur comme le font les pays étrangers – où les titulaires d’un PhD en font systématiquement état sur leur carte de visite –, il nous faut reconnaître officiellement que nos docteurs sont des « talents ».

Mme la rapporteure pour avis. Vous ne sauriez mieux dire, et c’est d’ailleurs pourquoi ils relèveront désormais du « passeport talent » !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.

Article 23
Accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

*

M. Frédéric Reiss. Je tiens à rappeler, avant le vote sur l’ensemble des dispositions, que nous critiquons le fait que le Gouvernement ait engagé, le 19 juin dernier, la procédure accélérée sur ce texte, quand bien même il est « dans les tuyaux » depuis longtemps. Nous ne comprenons pas cette volonté d’aller trop vite.

Le vote de mon groupe, à ce stade, est défavorable.

*

* *

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation émet un avis favorable à l’adoption des articles 1er, 2, 5, 9, 11 et 23 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2283).

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Conférence des présidents d’université (CPU) – M. Jean-Loup Salzmann, président, M. Gérard Blanchard, vice-président et M. Karl Stoeckel, conseiller parlementaire (*)

Ø Réseau Éducation sans frontières – Mme Nadia Nguyen Quang et M. Richard Moyon

Ø Syndicat national des journalistes (SNJ)M. Vincent Lanier, premier secrétaire général, et Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale

Ø France StratégieM. Quentin Delpech, chargé de mission au département Travail-Emploi, et Mme Cécile Jolly, chargée de mission, co-auteur du rapport « Étudiants étrangers et marché du travail » (2013)

Ø Campus FranceMme Béatrice Khaiat, directrice générale adjointe

Ø Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) M. Pierre Lyon-Caen, avocat général honoraire à la Cour de cassation, et M. Hervé Henrion, magistrat

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(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Résolution du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, du 7 mai 1999, portant création du poste de Commissaire aux Droits de l’Homme.

2 () Article 2 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

3 () Article R. 223-1 à R. 223-7 du CESEDA.

4 () Article 20 du modèle de règlement intérieur des centres de rétention, prévu par l’arrêté du 2 mai 2006 pris en application de l’article 4 du décret n° 2005-617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente pris en application des articles L. 111-9, L. 551-2, L. 553-6 et L. 821-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

5 () Article R. 553-14-4 du CESEDA.

6 () Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la réforme de la protection du secret des sources, 25 avril 2013, p. 6.