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N
° 3421

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 janvier 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou,

PAR M. PHILIPPE COCHET

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1533.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. DE SOLIDES RELATIONS BILATÉRALES, RELANCÉES DEPUIS LE MANDAT DU PRÉSIDENT OLLANTA HUMALA 7

A. LE PÉROU : UN PARTENAIRE STRATÉGIQUE EN AMÉRIQUE LATINE, CONFRONTÉ À DES DÉFIS STRUCTURELS IMPORTANTS 7

1. Au plan économique, le Pérou montre de bons indicateurs macro-économiques, mais demeure dépendant de la croissance chinoise 7

2. Au plan politique, des réformes ambitieuses ont été engagées, dont la mise en œuvre se fait attendre 7

3. Au plan international, le Pérou poursuit son intégration régionale et sa recherche de diversification partenariale 8

B. DES RELATIONS BILATÉRALES ÉTROITES, QUI MÉRITERAIENT D’ÊTRE RENFORCÉS DANS CERTAINS DOMAINES STRATÉGIQUES 9

1. Les relations franco-péruviennes se sont intensifiées durant le mandat du président Humala 9

a. Des liens resserrés depuis la visite officielle du président Humala en France en 2012 9

b. Un partenariat économique qui n’est pas encore à la hauteur de ce dialogue politique 10

c. En matière de coopération universitaire et de recherche, notre dialogue est lui aussi actif 11

d. En matière de défense et sécurité, les perspectives de coopération sont également importantes 13

II. LA SIGNATURE D’UNE CONVENTION D’ENTRAIDE JUDICIAIRE APPORTERA UN CADRE PLUS SÉCURISÉ À UNE COOPÉRATION DÉJÀ ACTIVE EN MATIÈRE PÉNALE 15

A. UNE COOPÉRATION JUDICIAIRE ANCIENNE ET ACTIVE ENTRE LA FRANCE ET LE PÉROU, EN DÉPIS DE L’ASBENCE DE LIEN CONVENTIONNEL 15

1. Une coopération judiciaire d’ores et déjà active, aussi bien en matière pénale que civile 15

a. En matière pénale 15

b. En matière civile 16

B. LA CONVENTION DE COOPÉRATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE : NÉGOCIATION ET CONTENU 17

1. La volonté péruvienne d’encadrer la coopération judiciaire par voie convention bilatérale 17

a. La coopération judiciaire en matière pénale s’effectuait jusqu’ici sur une simple base de réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale 17

b. Le Gouvernement péruvien a souhaité la signature d’une convention bilatérale avec les autorités françaises 18

2. Un texte de facture classique 19

a. Un accord de facture classique qui n’implique aucune adaptation législative ou réglementaire en droit interne 19

b. Un champ vaste de coopération 20

c. Fluidifier les échanges et optimiser leur efficacité 20

d. Promouvoir des techniques modernes de coopération 21

e. Encadrer l’usage des informations et éléments de preuve communiqués ou obtenus en exécution de la convention 22

3. La signature de cette convention doit ouvrir la voie à une coopération technique plus poussée en matière d’appui aux réformes institutionnelles 22

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

ANNEXE - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 29

INTRODUCTION

L’histoire de la coopération judiciaire entre la France et le Pérou est ancienne. En effet, dès 1874, nos deux pays ont choisi de conclure une convention bilatérale d’extradition.

Cependant, la France et le Pérou ne sont liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral ou multilatéral d’entraide judiciaire. Celle-ci s’effectue donc encore, pour l’heure, au cas par cas, sur une simple base de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.

Désireux d’établir une coopération plus efficace entre leurs autorités judiciaires respectives, la France et le Pérou ont souhaité mettre en place un cadre conventionnel spécifique et pérenne en ce domaine

Le 15 novembre 2012, le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, M. Pascal Canfin, et le ministre des relations extérieures du Pérou, M. Rafael Roncagliolo Orbegoso, ont signé, à Paris, une convention d’entraide judiciaire en matière pénale.

Le présent rapport, après avoir fait état de la nature des liens qui unissent nos deux pays (I), rappelle le dynamisme de notre coopération en matière judiciaire, qui justifiait la signature d’un texte conventionnel, avant d’examiner le détail de cette convention (II), dont le contenu, de facture classique, ne s’écarte pas de celui des conventions d’entraide judiciaire qui lient déjà la France à d’autres pays latino-américains, notamment le Brésil, l’Argentine, le Mexique, l’Uruguay ou encore la Colombie.

I. DE SOLIDES RELATIONS BILATÉRALES, RELANCÉES DEPUIS LE MANDAT DU PRÉSIDENT OLLANTA HUMALA

A. LE PÉROU : UN PARTENAIRE STRATÉGIQUE EN AMÉRIQUE LATINE, CONFRONTÉ À DES DÉFIS STRUCTURELS IMPORTANTS

1. Au plan économique, le Pérou montre de bons indicateurs macro-économiques, mais demeure dépendant de la croissance chinoise

Économie de taille moyenne, avec un PIB de 203 milliards de dollars en 2014, le Pérou a connu une forte croissance entre 2006 et 2013 (+ 6,78 % en moyenne annuelle). Le pays bénéficie également de bons indicateurs macro-économiques (endettement et inflation limités, réserves de change, équilibre budgétaire).

L’année 2014 a cependant coïncidé avec un net ralentissement de la croissance (+ 2,4%) du fait, entre autres, de la baisse des prix des matières premières (minerais) sur le marché international. Le ralentissement économique de la Chine, premier partenaire commercial du Pérou, risque de prolonger la période de moindre croissance observée en 2014 dans ce pays andin.

La question de la diversification de son économie et de la diversification de ses partenaires commerciaux est donc au cœur des préoccupations péruviennes.

2. Au plan politique, des réformes ambitieuses ont été engagées, dont la mise en œuvre se fait attendre

Au plan politique, la vague de réformes entamée par Ollanta Humala, élu Président de la République en juin 2011 avec la coalition de gauche Gana Perú, face à Keiko Fujimori (parti de droite Fuerza 2011), semble s’essouffler.

Les premières mesures du Président Humala ont concrétisé quelques-unes de ses promesses de campagne : augmentation du salaire minimal, retraite à 65 ans, construction de crèches, système de santé universel et bourses scolaires, relance de l’emploi grâce à de grands projets d’infrastructures, lutte contre le trafic de stupéfiants. Dans le cadre de son objectif d’inclusion sociale (création d’un ministère ad hoc), M. Humala a également mis en place de nouveaux programmes sociaux en faveur des plus défavorisés (« Cuna Más », « Beca 18 », entre autres) ainsi que des programmes de développement productif et de promotion de l’emploi (Foncades, « Trabaja Perú »).

Il a aussi fait adopter dès août 2011 la loi emblématique de consultation préalable des communautés autochtones (« comunidades indigenas »), qui vise à mieux encadrer les activités des industries extractives et à protéger les droits de ces communautés. Cependant, selon les données de la Banque mondiale, la pauvreté touchait encore fin 2014 près d’un quart de la population (22,7 % contre 27,8 % en 2011). L’économie informelle (alimentée en particulier par les mines illégales) reste à un niveau préoccupant (entre 60 et 70 % de l’activité salariée).

Fin 2014, le parti présidentiel (Parti nationaliste) a perdu sa majorité parlementaire au bénéfice du parti d’opposition dirigé par Keiko Fujimori (Fuerza Popular). L’instabilité gouvernementale est marquée (treize remaniements et sept chefs de gouvernement différents depuis le début du mandat de M. Humala).

Les critiques, émanant de la droite comme de la gauche, portent notamment sur l’abandon d’une partie du programme porté par M. Humala durant sa campagne de 2011 et sur la lenteur des réformes engagées (1).

L’application jugée tardive de la loi sur la consultation préalable des communautés autochtones est jugée partielle et incomplète par les organisations de défense de l’environnement et des Droits de l’Homme, qui reprochent à l’exécutif péruvien d’avoir cédé à la pression des grands groupes industriels. En dépit des efforts du ministre de l’environnement (et ancien président de la COP20), M. Manuel Pulgar-Vidal, le nombre de conflits socio-environnementaux (traditionnellement élevé au Pérou) a augmenté au cours du mandat, comme ont pu l’illustrer les fortes tensions sociales générées entre avril et juillet 2015 par le projet minier Tía María de la compagnie mexicaine Southern Copper dans la région d’Arequipa, au sud du pays.

Le Pérou reste enfin confronté à des défis structurels importants : narcotrafic (le Pérou est l’un des deux principaux producteurs de cocaïne au monde), carences de l’éducation (dernier pays dans le classement mondial sur l’éducation PISA-OCDE), faiblesses de l’administration de l’Etat et des territoires (corruption et clientélisme).

3. Au plan international, le Pérou poursuit son intégration régionale et sa recherche de diversification partenariale

Le Pérou a récemment développé une politique commerciale qui vise à favoriser les échanges avec ses principaux partenaires et les acteurs majeurs du commerce mondial.

Depuis l’élection en 2011 d’Ollanta Humala, le Pérou poursuit la politique commerciale libérale initiée sous le mandat de son prédécesseur, Alan Garcia. Il est membre de l’OMC, de l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC), de la Communauté Andine des Nations (CAN) et de l’Association latino-américaine d’intégration (ALADI). Par ailleurs, depuis 2006, le Pérou a signé des accords de libre-échange avec ses principaux partenaires, notamment Etats-Unis, Canada, Singapour, Thaïlande, Chine, Japon, Corée du Sud, pays de l’AELE (Norvège, Suisse, Islande, Liechtenstein), Chili, Mexique, Costa Rica, Guatemala, Panama et Union Européenne. De plus, des accords de complémentarité existent avec Cuba et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) et un accord commercial partiel a été signé en janvier 2012 avec le Venezuela.

Le pays fait également partie des négociations pour le projet d’accord régional TransPacific Partnership (TPP), qui devrait permettre de consolider la stratégie du Pérou vis-à-vis des pays asiatiques et de disposer de fait d’un accord de libre-échange avec de nouveaux partenaires (Nouvelle Zélande, Brunei, Australie, Viêtnam et Malaisie).

Au plan régional, le Pérou poursuit son intégration notamment à travers l’Alliance du Pacifique, zone de libre-échange lancée en avril 2011 avec la Colombie, le Chili et le Mexique ; le Pérou en a accueilli le Sommet des Chefs d’Etat les 2 et 3 juillet 2015 dans la station balnéaire de Paracas. Les relations avec le Chili se sont améliorées avec le règlement du contentieux maritime (décision de la Cour internationale de Justice en janvier 2014). Au niveau multilatéral, le Pérou, qui a assuré la vice-présidence de l’AGNU lors de la 67ème session en 2012-2013, s’implique sur plusieurs fronts. Lima a ainsi organisé avec succès la vingtième édition, en décembre 2014, de la Conférence des Parties (COP 20) sur le changement climatique, ainsi que les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Lima en octobre 2015. Le pays promeut sa candidature à l’OCDE (cible d’adhésion: 2021).

B. DES RELATIONS BILATÉRALES ÉTROITES, QUI MÉRITERAIENT D’ÊTRE RENFORCÉS DANS CERTAINS DOMAINES STRATÉGIQUES

1. Les relations franco-péruviennes se sont intensifiées durant le mandat du président Humala

a. Des liens resserrés depuis la visite officielle du président Humala en France en 2012

Les relations franco-péruviennes se sont particulièrement intensifiées pendant le mandat du président Humala, francophone et francophile. Sa visite officielle en France, du 14 au 16 novembre 2012, a permis de relancer la coopération bilatérale dans de nombreux domaines : universitaire, institutionnel, judiciaire, économiques et commerciaux. Cette dynamique a été prolongée par la visite du Ministre à Lima en février 2013. M. Humala a de nouveau été reçu par le Président de la République à Paris le 9 octobre 2013, puis le 1er juillet 2014.

Les présidences péruvienne de la COP 20 (décembre 2014-novembre 2015) et française de la COP 21 (décembre 2015-novembre 2016) ont permis de développer une étroite concertation bilatérale en matière de protection de l’environnement et de lutte contre le dérèglement climatique.

Une délégation française de haut niveau (Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Secrétaire d’Etat chargée du Développement et de la Francophonie) a participé à Lima en décembre 2014 à la vingtième édition de la Conférence des Parties (COP 20).

La participation française aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale (Lima, octobre 2015) a également été forte, avec la présence des ministres en charge des Affaires étrangères, des Finances, du Développement et à la Francophonie. Le Président Humala a participé, le 30 novembre 2015 à Paris, aux côtés du Président Hollande, à la cérémonie d’ouverture de la COP 21, au cours de laquelle le Ministre péruvien de l’environnement, Manuel Pulgar Vidal, a joué un rôle de facilitateur.

b. Un partenariat économique qui n’est pas encore à la hauteur de ce dialogue politique

Au plan économique, avec environ 554 millions d’euros d’échanges commerciaux directs en 2014 (510 millions d’euros en 2013), la France est le 23ème client et le 21ème fournisseur du Pérou. Le Pérou figure pour sa part au 80ème rang des clients de la France et au 65ème rang de ses fournisseurs.

Si le volume du commerce bilatéral a légèrement augmenté entre 2013 et 2014 (+ 8,5%), notre déficit structurel s’est accentué sur la même période, de 100 millions d’euros à 120 millions d’euros.

Après une nette progression en 2012 (+ 34 % ; 235 millions d’euros), la tendance des exportations françaises vers le Pérou s’inverse depuis 2013 (- 12,8 % ; 205,3 millions d’euros en 2013 et -1,6 % ; 205,4 millions d’euros en 2014). Les principales catégories de produits exportés sont les machines industrielles et agricoles qui représentent 21 % du total (- 30,8 % par rapport à 2013), les produits chimiques parfums et cosmétiques (16,4% du total ; + 26,5 %) et les équipements électriques et ménagers (13,6 % ; - 2,7 %).

Selon les statistiques péruviennes, en 2014, neuf sociétés péruviennes ont représenté plus du quart des achats de produits français, dont deux implantations françaises : Schneider Electric et Sanofi-Aventis. De leur côté, les importations françaises en provenance du Pérou (issues principalement de l’industrie agro-alimentaire, de l’agriculture et de la pêche) repartent à la hausse en 2014 (325 millions d’euros) après deux années de baisse. Une forte impulsion a été donnée en avril 2014 dans le domaine spatial avec la signature d’un accord intergouvernemental d’acquisition d’un satellite d’observation de la terre (Airbus Defense&Space).

Les 84 filiales françaises recensées localement, principalement situées à Lima, emploient plus de 15 000 personnes. Ce sont principalement des filiales de grands groupes : la moitié des entreprises du CAC 40 y est présente et plusieurs s’y intéressent (EDF, Cap Gemini et Air Liquide) tandis que d’autres ont des distributeurs (Renault) ou des représentants (Société Générale).

Selon l’Agence de promotion des investissements privés, ProInversión, les IDE français au Pérou s’élèvent à 220,5 millions de dollars, soit environ 1% du stock total, et situent la France au 15ème rang des investisseurs étrangers et au 5ème rang des pays de l’UE, loin derrière l’Espagne et le Royaume-Uni (1er et 2ème investisseurs au Pérou selon les chiffres officiels). Toutefois, les statistiques sont trompeuses car elles ne comptabilisent que les investissements déclarés par les entreprises et ne retiennent que l’origine directe des flux. Ainsi, malgré les importants investissements de Perenco (optiquement Royaume-Uni) et GDF Suez (Belgique), la France n’enregistre officiellement aucun flux dans le secteur énergétique au Pérou. En outre, l’absence de convention de non double-imposition dissuade les entreprises d’investir directement depuis la France.

Enfin, l’Agence française de Développement (AFD) intervient au Pérou depuis mars 2013 ; ses engagements se traduisent pour l’instant par l’octroi de 3 prêts : 120,5 millions d’euros au ministère des Finances pour le financement de la ligne 2 du métro de Lima (signature bilatérale suspendue début 2016 par le Pérou), un prêt non souverain de 120 millions d’euros à la banque du logement social « Mi Vivienda » et un prêt de 50 millions d’euros à la banque publique de développement agricole, Agrobanco.

c. En matière de coopération universitaire et de recherche, notre dialogue est lui aussi actif

Un millier de Péruviens étudient en France, ce qui en fait le 3ème contingent sud-américain dans notre pays, derrière ceux du Brésil et de la Colombie. La France se place au 5ème rang des pays d’accueil (3e destination européenne), derrière l’Espagne (3.500), les États-Unis (2.400), l’Italie (1.900) et Cuba (1.100). La moitié de la mobilité vers la France concerne le niveau licence (48%) contre 40 % pour le niveau master et 2% pour le niveau doctorat (les bourses FLE constituant les 10% restants).

La France est l’un des pays européens retenus par le Président Humala pour accueillir des boursiers bénéficiaires du programme « Beca Presidente de la Republica », créé en faveur d’étudiants excellents issus des classes moyennes (7 étudiants en niveau Master et Doctorat en 2015). Sur une base élargie, le programme « Becas 18 Excelencia internacional Francia » a permis d’accueillir dans les IUT et universités françaises 109 boursiers péruviens de milieux défavorisés depuis 2013 pour une formation de licence en trois ans (13 étudiants en 2013, 13 en 2014 et 83 en 2015), grâce à un financement du Programme National péruvien des Bourses et des Crédits Educatifs (Pronabec). La sélection 2016 est en cours et devrait atteindre 100 nouveaux boursiers pour la rentrée 2016. Par ailleurs, des négociations sont en cours entre Campus France et le PRONABEC pour prolonger de deux ans le séjour d’étude de ces boursiers en France et leur faire atteindre le niveau Master (financement à 100% du PRONABEC).

Environ 150 accords interuniversitaires sont actuellement en vigueur entre la France et le Pérou, dont une trentaine de partenariats particulièrement actifs et une quinzaine de double-diplômes dans le domaine du management, des sciences de l’ingénieur et du français langue étrangère. Dans le domaine de l’hôtellerie-restauration, le savoir-faire français est mis en valeur avec la présence d’écoles telles que celles de Paul Bocuse, Lenôtre ou l’Institut «Cordon bleu ». Dans le secteur de l’environnement, de nouvelles coopérations ont été lancées en 2015 pour mettre en place des formations universitaires (master d’abord, puis doctorales à partir de 2016), notamment dans les énergies renouvelables et la biologie marine.

Au plan régional, notre coopération s’appuie sur le programme France-Amérique latine et Caraïbes (PREFALC) qui vise à favoriser les filières de niveau master, à travers l’association d’une université française et d’au minimum deux universités latino-américaines. Depuis sa création en 2002, PREFALC a permis de cofinancer 26 projets associant des établissements français, péruviens et d’autres universités de la région (dont 7 projets directement coordonnés par une université péruvienne).

Le développement des partenariats au niveau doctoral est une priorité. En 2012, un premier pas a été franchi avec la création de l’École doctorale franco-péruvienne en sciences de la vie, qui associe trois universités péruviennes, le Conseil National de la Science et de la Technologie (CONCYTEC), l’Institut de Recherche et de Développement (IRD), le MENESR et le Poste. Entre 2012 et 2015, 10 bourses doctorales en cotutelle ont ainsi été cofinancées.

En partenariat avec le CNRS et le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international, l’Institut Français d’Études Andines, seul centre pluridisciplinaire français (sciences sociales, humaines, archéologie) à vocation régionale, est présent dans quatre pays latino-américains (Pérou, Colombie, Équateur, Bolivie).

L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) au Pérou compte 32 chercheurs expatriés en 2013, répartis entre universités, institutions publiques et organismes privés. L’IRD a mis en place trois Laboratoires Mixtes Internationaux (LMI) : DISCOH (Dynamiques du système du courant de Humboldt) avec IMARPE (Institut de la Mer du Pérou) ; EDIA (Evolution et domestication de l’Ichtyofaune Amazonienne) avec IIAP (Institut de Recherche de l’Amazonie Péruvienne) et LAVI (Laboratoire Andino-Amazonien de Chimie du Vivant) avec l’université Université Péruvienne Cayetano Heredia (UPCH). Cinq autres laboratoires ont été créés récemment avec des groupes de recherches péruviens.

Enfin, l’Institut des Amériques a ouvert en juin 2011 une antenne à Lima.

d. En matière de défense et sécurité, les perspectives de coopération sont également importantes

La coopération de Défense avec le Pérou s’est significativement développée au cours des trois dernières années, avec notamment la signature d’un accord-cadre de défense signé à Lima en novembre 2013, la création d’un poste d’Attaché de Défense près notre ambassade à Lima en septembre 2014 et le lancement d’une coopération spatiale ambitieuse (accord intergouvernemental d’acquisition d’un satellite d’observation de la Terre Airbus Defense and Space, signé le 24 avril 2014).

Elle vise par ailleurs à accompagner nos partenaires péruviens dans le renouvellement d’un parc vieillissant (sous-marins et frégates, modernisation de la flotte de M2000, radars de surveillance aérienne, postes radios HF). En termes de formation, sous l’impulsion de l’Attaché de Défense, la France cherche à développer les échanges avec nos forces de souveraineté et à soutenir l’engagement croissant du Pérou dans les OMP (préparation des déploiements, projet –reporté- de création d’un poste d’instructeur permanent au CECOPAZ de Lima/Ancón-Centro Regional de las NacionesUnidas para la Paz, el Desarme y el Desarrollo en América Latina y el Caribe-). La formation des élites est également un axe prioritaire (appui à l’enseignement du français au profit de l’Escuela Naval de la Punta et de l’Escuela Militar de Chorrillos, appui à la modernisation de l’Escuela Militar de Chorrillos), tant au niveau initial qu’au niveau de l’enseignement militaire supérieur (2 stagiaires à l’Ecole Supérieure de Guerre) et de Haut niveau (participation de 3 auditeurs aux sessions IHEDN AMLAT).

En matière de sécurité, notre coopération se concentre principalement sur la lutte contre les narcotrafics. La coopération bilatérale est animée par un attaché de sécurité intérieure en poste à Lima. Le Pérou est l’un des principaux bénéficiaires des formations organisées par le Centre Interministériel de Formation Anti-Drogue de Fort-de-France, selon les termes d’un accord-cadre de lutte contre le trafic de drogue et les délits connexes signé en 2012 avec l’autorité péruvienne ad hoc (Comisión Nacional para el Desarollo y vida sin Drogas -DEVIDA).

En 2015, 550 stagiaires péruviens ont ainsi été formés au cours de 8 actions dans les domaines de l’analyse criminelle, la fouille des navires, le ciblage maritime, aérien et terrestre. Depuis 2013, 100 000 euros (crédits MILDECA) ont été affectés chaque année au renforcement des capacités du Pérou en matière de lutte contre le détournement des précurseurs. Ces éléments et l’expertise française dans ce domaine font que le Pérou réitère régulièrement son souhait d’une coopération bilatérale renforcée sur ces questions.

Dans ce domaine, l’Union européenne est un partenaire important pour le Pérou à qui elle apporte une assistance technique et financière substantielle, aussi bien de manière directe qu’à travers les programmes "Routes de la cocaïne" et COPOLAD (programme de coopération avec l’Amérique latine dans le domaine des politiques delutte contre les drogues, renouvelé cette année pour une durée de 4 ans). Le problème des stupéfiants fait également l’objet d’un dialogue politique régulier entre l’Union européenne et les États de la zone Amérique latine-Caraïbes, dans le cadre du Mécanisme de coordination et de coopération en matière de drogues UE-CELAC.

II. LA SIGNATURE D’UNE CONVENTION D’ENTRAIDE JUDICIAIRE APPORTERA UN CADRE PLUS SÉCURISÉ À UNE COOPÉRATION DÉJÀ ACTIVE EN MATIÈRE PÉNALE

A. UNE COOPÉRATION JUDICIAIRE ANCIENNE ET ACTIVE ENTRE LA FRANCE ET LE PÉROU, EN DÉPIS DE L’ASBENCE DE LIEN CONVENTIONNEL

1. Une coopération judiciaire d’ores et déjà active, aussi bien en matière pénale que civile

a. En matière pénale

Les flux franco-péruviens en matière d'entraide pénale internationale sont relativement importants par rapport aux autres pays d'Amérique latine. En termes statistiques, le Pérou se situe parmi les premiers avec le Brésil et l'Argentine (cf. tableau ci-dessous). On enregistre des flux plus importants de demandes provenant de ces pays (passives) que provenant de la France (actives).

 

Demandes actives (CRI+DE)

Demandes passives

Argentine

18

35

Bolivie

5

2

Brésil

47

42

Chili

4

7

Colombie

13

13

Costa Rica

7

3

Equateur

6

10

Guyana

0

0

Nicaragua

0

0

Panama

5

5

Paraguay

6

1

Pérou

9

44

Surinam

10

5

Uruguay

2

3

Venezuela

12

6

TOTAL

144

176

Depuis 2010, les autorités judiciaires françaises ont émis 9 demandes d'entraide en matière pénale dont 5 sont encore en cours (4 datant de moins de trois ans). Sur la même période, les autorités judiciaires péruviennes ont délivré 44 demandes d'entraide dont 18 sont en cours d'exécution (dont 14 datant de moins de deux ans).

Depuis 2010, les demandes passives concernent notamment des affaires de biens culturels (25 demandes), d'infractions à la législation sur les stupéfiants (une dizaine de demandes) et des faits de blanchiment/escroquerie/association de malfaiteurs (5 demandes). Trois demandes passives en matière d'abandon de famille sont également recensées.

Sur le plan actif et pour la même période, les faits visés concernent notamment des homicides (5 cas), des infractions à la législation sur les stupéfiants (4 affaires) ou des vols aggravés (2 dossiers).

S'agissant des menaces transversales, depuis 2003, trois demandes d'entraide émanant des autorités péruviennes visaient des faits de terrorisme.

b. En matière civile

En l’absence de convention dans ce domaine, la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires se fait par la voie diplomatique. Ainsi, les actes à notifier sur le territoire du Pérou sont remis par le greffe ou l’huissier aux parquets qui les transmettent à la Chancellerie (Direction des affaires civiles et du Sceau – bureau du droit de l’Union, du droit international privé et de l’entraide civile), qui les fait parvenir au ministère des affaires étrangères français. Lorsque le destinataire de l’acte est de nationalité française, la remise a lieu par l’intermédiaire du Consul de France territorialement compétent. Dans les autres cas, l’Ambassade de France sollicite des autorités diplomatiques locales que la notification soit accomplie “par courtoisie internationale”.

23 actes ont ainsi été transmis en 2015, et 34 en 2014. Dans le sens inverse, la Chancellerie a été destinataire de 4 actes à faire notifier en France en 2015, et 3 en 2014.

La coopération en matière familiale avec le Pérou s’inscrit principalement dans le cadre de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants depuis le 1er janvier 2006.

Cet instrument international organise une coopération entre Etats, notamment par l'intermédiaire d'autorités centrales, afin d'assurer le retour immédiat de l'enfant au lieu de sa résidence habituelle ou de protéger et d'organiser le droit de visite d'un parent.

Actuellement, une seule affaire relative à une demande de retour d’un enfant illicitement déplacé de la France vers le Pérou est en cours, pour laquelle le dossier a été adressé à l’autorité centrale péruvienne fin décembre 2015.

La Chancellerie propose également une aide à la médiation internationale pour les familles dont le but est d'apaiser les conflits familiaux en traitant, par la voie de la médiation, les litiges portant sur l'exercice de l'autorité parentale, la résidence ou l'exercice effectif d'un droit de visite et d'hébergement transfrontalier. Actuellement il n’existe pas de dossier avec le Pérou suivi par le service d’aide à la médiation internationale pour les familles.

Dans les autres secteurs traditionnels de l’entraide judiciaire - obtention des preuves, pensions alimentaires, aide juridictionnelle - aucun traité n’est applicable entre la France et le Pérou.

En matière d’obtention de preuves, la transmission des demandes se fait par la voie diplomatique. Aucune commission rogatoire internationale de la France vers le Pérou et inversement n’a été enregistrée depuis 2013.

B. LA CONVENTION DE COOPÉRATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE : NÉGOCIATION ET CONTENU

1. La volonté péruvienne d’encadrer la coopération judiciaire par voie convention bilatérale

a. La coopération judiciaire en matière pénale s’effectuait jusqu’ici sur une simple base de réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale

Il convient de noter qu’au-delà de la courtoisie internationale accompagnée de l’offre de réciprocité, la coopération trouve parfois à s’exercer au titre de l'une des conventions spécialisées suivantes, conclues sous l'égide des Nations unies :

– convention unique sur les stupéfiants, faite à New York le 30 mars 1961 ;

– convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988 ;

– convention contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à New York le 15 novembre 2000 ;

– convention du 31 octobre 2003 contre la corruption ;

– convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984.

En tout état de cause, en l’absence de cadre conventionnel bilatéral, les mandats judiciaires sont transmis par la voie diplomatique.

Ce circuit mis en œuvre est donc, pour la France et le Pérou, le suivant : les mandats sont transmis par le parquet au ministère de la justice (Bureau de l’entraide pénale internationale) qui les adresse au ministère des affaires étrangères et du développement international (Mission des conventions et de l’entraide judiciaire). Celui-ci les communique à son ambassade à Lima qui établit une note verbale de transmission du mandat judiciaire au ministère péruvien des affaires étrangères. Enfin, ce dernier l’adresse au ministère péruvien de la justice chargé de mettre en état le dossier et de l’attribuer à l’autorité judiciaire compétente. Les pièces d’exécution doivent être retournées en suivant le parcours en sens inverse.

b. Le Gouvernement péruvien a souhaité la signature d’une convention bilatérale avec les autorités françaises

Comme le rappelle l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, en 2003, dans le contexte de l’affaire « Fujimori » (2), les autorités péruviennes ont proposé à la France de moderniser la convention d’extradition de 1874 et de compléter le tissu conventionnel applicable entre les deux pays en suggérant également la négociation de deux autres conventions, l’une relative à l’entraide judiciaire en matière pénale et l’autre au transfèrement de personnes condamnées.

Accueillie favorablement par la partie française, cette initiative a rapidement débouché sur la tenue d’une première réunion de négociation à Lima au mois de juin 2004.

Si les discussions en matière d’entraide judiciaire ont d’emblée permis de dégager d’importantes lignes de consensus, la négociation des deux autres instruments s’est avérée plus délicate.

L’accord d’extradition a néanmoins été signé le 21 février 2013, par les ministres des affaires étrangères français et péruvien, à Lima. Notre Assemblée en a approuvé le projet de loi de ratification en mars 2015.

Concernant l’accord de transfèrement de personnes condamnées, une session de négociation s'est tenue à Lima du 11 au 14 janvier 2016 et a permis aux deux délégations de parapher un projet de Convention sur le transfèrement des personnes condamnées. Ce projet pourrait être signé à l'occasion de la visite officielle du Président de la République au Pérou le 23 février 2016.

2. Un texte de facture classique

a. Un accord de facture classique qui n’implique aucune adaptation législative ou réglementaire en droit interne

L’Accord conclu repose sur une proposition de texte initialement faite par la partie péruvienne mais qui s’est avérée très proche de ceux habituellement signés par la France. En outre, l’ensemble des demandes d’ajouts formulées par la Partie française (restitutions, perquisitions et saisies, produits des infractions, vidéoconférence, confidentialité et spécialité et demandes d’informations en matière bancaire) ont été acceptées par la Partie péruvienne. Aussi, les dispositions de cette Convention ne s’écartent pas particulièrement des rédactions traditionnelles.

Par voie de conséquence, la présente convention n’implique aucune adaptation des dispositions législatives ou règlementaires nationales.

Les stipulations du texte, qui comprend 40 articles, sont largement inspirées des mécanismes de coopération qui prévalent déjà au sein de l’Union européenne et dans le cadre du Conseil de l’Europe.

Elles reprennent, pour l’essentiel, les dispositions classiques de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de son protocole additionnel en date du 17 mars 1978.

Les éléments les plus modernes (articles 1.3, 4.3, 5.2, 24 et 25) s’inspirent des stipulations de la convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne, de son protocole additionnel en date du 16 octobre 2001 ou encore du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale en date du 8 novembre 2001, l’ensemble de ces mécanismes ayant d’ores et déjà été intégré dans notre ordre juridique.

Toutefois, on peut relever que les articles 10 et 12 de l’Accord revêtent une spécificité par rapport aux traditionnels cadres conventionnels de référence : à la demande de la Partie péruvienne, ils ont été introduits en raison des spécificités de sa législation (notamment concernant le droit des témoins à ne pas déposer) ; pour autant, ces deux articles ne posent aucune difficulté au regard de notre droit interne.

b. Un champ vaste de coopération

A l’instar de ce que prévoit déjà la convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne, l’entraide est étendue aux hypothèses de poursuites diligentées à l’encontre d’une personne morale (article 1).

Selon l’étude d’impact, pareille précision permettra ainsi de coopérer en présence d’hypothèses de pollutions maritimes par exemple.

L’article 2 stipule ensuite que l’entraide, à la différence de ce qui prévaut dans le domaine de l’extradition et à l’exception des mesures coercitives visées à l’article 6, est accordée même en l’absence de double incrimination.

L’article 3 vient préciser que sont en revanche exclues du champ de l’entraide, l’exécution des décisions d’arrestation et d’extradition, l’exécution des condamnations pénales, sous réserve des mesures de confiscation, et les infractions exclusivement militaires.

De même, reprenant la logique du protocole additionnel en date du 16 octobre 2001, le secret bancaire ne saurait s’ériger en obstacle à une demande d’entraide (article 4). Le texte précise que l’entraide ne peut être rejetée au seul motif que la demande se rapporte à une infraction fiscale ou sur la seule base d’une législation ou réglementation différente en la matière.

Dans le domaine spécifique de la communication d’informations en matière bancaire, l’entraide est prévue pour être accordée très largement (article 25).

c. Fluidifier les échanges et optimiser leur efficacité

Afin d’optimiser les chances de succès des demandes formulées en application de la présente convention, le texte permet (article 4 et 5) à la Partie requise d’ajourner l’entraide plutôt que de la refuser, lorsqu’une réaction immédiate à la demande pourrait porter préjudice à une enquête ou à une procédure menée sur le territoire de la Partie requise. Ainsi, lorsque la Partie requérante sollicite une preuve ou une déposition de témoin et que le même élément est nécessaire pour le procès qui est sur le point de commencer sur le territoire de la Partie requise, celle-ci pourra à bon droit surseoir à l’octroi de l’entraide en application du texte.

Dans un même souci d’efficacité, la présente convention prévoit que si la Partie requise doit refuser l’entraide ou y surseoir, elle doit en communiquer les motifs à la Partie requérante. La Partie requise peut par ailleurs octroyer l’entraide en l’assortissant de conditions.

Afin de faciliter l’intégration au dossier pénal de la Partie requérante des preuves qui seront obtenues en application du texte, est prévue la possibilité pour la Partie requise de réaliser les actes d’entraide sollicités selon les modalités prévues par le droit de la Partie requérante, sous réserve que les principes fondamentaux du droit de la Partie requise ne s’y opposent pas (article 5).

De fait, l’expérience permet de constater que des actes équivalents accomplis par les autorités de la Partie requise en lieu et place des actes expressément demandés par les autorités de la Partie requérante ne bénéficient pas toujours de la même force probatoire dans le cadre de la procédure conduite par celles-ci. En droit interne français, cette modalité spécifique d’exécution des demandes d’entraide se trouve d’ores et déjà intégrée à l’article 694-3 du code de procédure pénale depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Par souci de renforcer encore l’efficacité de la coopération, la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Pérou pose par ailleurs une exigence de célérité dans l’exécution des demandes (article 28). La pratique montre en effet que la lenteur mise à accorder l’entraide judiciaire aboutit souvent à vider cette dernière de sa substance. Pareil défaut de diligence apparaît en outre susceptible d’amener la France à contrevenir au paragraphe 1er de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

d. Promouvoir des techniques modernes de coopération

Afin notamment de renforcer les capacités communes des deux pays à lutter contre les opérations de blanchiment d’argent, la présente convention instaure (article 25) des possibilités très larges d’obtention d’informations en matière bancaire, qu’il s’agisse de l’identification de comptes ouverts au nom d’une personne physique ou morale, de la communication de transactions réalisées pendant une période déterminée ou encore du suivi instantané de transactions jugées suspectes.

Prenant en compte les progrès technologiques réalisés, la présente convention permettra par ailleurs aux Parties de réaliser des auditions de témoins ou d’experts par vidéoconférence, dans l’hypothèse où leur comparution personnelle sur le territoire de la Partie requérante s’avérerait inopportune ou impossible (article 24).

Les deux Parties pourront également, si leur droit interne le permet, appliquer cette procédure aux auditions par vidéoconférence auxquelles participe une personne poursuivie pénalement. En France, la possibilité d’auditionner des personnes par vidéoconférence est prévue par l’article 706-71 du code de procédure pénale.

Les effets de cet article ont été étendus à l’entraide pénale internationale par l’article 694-5 du code de procédure pénale issu de la loi du 9 mars 2004. Nos dispositions nationales n’autorisent cependant pas l’audition des personnes poursuivies pénalement lorsqu’elles comparaissent devant la juridiction de jugement.

Par voie de conséquence, pareille audition ne saurait, en l’état, être exigée de la Partie française dans la mise en œuvre de cet instrument.

e. Encadrer l’usage des informations et éléments de preuve communiqués ou obtenus en exécution de la convention

Le Pérou, qui n’est pas membre de l’Union européenne, ni lié par la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel adoptée le 28 janvier 1981, ne pourra se voir transférer de telles données, que si il assure un niveau de protection adéquat ou suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet ou peuvent faire l’objet, comme le prévoit la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Pour l’heure, la C.N.I.L. estime que le Pérou ne dispose pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel. Par ailleurs, à ce jour, le Pérou n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance de protection adéquate de la part de la Commission européenne.

En tout état de cause, les stipulations de la présente convention (article 8) permettent de soumettre l’utilisation des données à caractère personnel transmises aux autorités péruviennes à des restrictions, en adéquation avec la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, à l’instar, par exemple, de ce qu’autorisent déjà les stipulations de l’article VI, paragraphe 2, de l’accord d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Populaire de Chine.

La mise en œuvre de la présente convention ne saurait conduire la France à renoncer à ses standards de protection en ce domaine.

3. La signature de cette convention doit ouvrir la voie à une coopération technique plus poussée en matière d’appui aux réformes institutionnelles

Le Pérou est partie aux huit principales conventions internationales relatives aux droits de l’Homme (3) , et a ratifié la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées le 26 septembre 2012. Le Pérou est également partie au Statut de Rome sur la Cour pénale internationale. En revanche, il n’a pas ratifié le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Le Pérou est partie à un grand nombre de conventions internationales relatives au droit humanitaire et aux droits des réfugiés, dont la Convention internationale relative au statut des réfugiés de 1951.

Par ailleurs, le Pérou a été membre du Conseil des droits de l’homme de 2011 à 2014. Le Pérou a voté en faveur de la résolution de l’AGNU instituant un moratoire sur l’application de la peine de mort. Le Pérou coopère pleinement avec les mécanismes des droits de l’Homme des Nations Unies et les Rapporteurs spéciaux bénéficient d’une invitation permanente. Le pays s’est soumis au second cycle de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’Homme en novembre 2012. En réponse à la France qui lui recommandait d’abolir la peine de mort dans toutes les circonstances et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pérou a répondu que n’ayant ni prononcé ni exécuté la peine de mort depuis 1979, il avait donc appliqué un moratoire de fait en la matière. La France a également recommandé au Pérou de garantir la pleine reconnaissance des droits sexuels et génésiques. Son prochain Examen périodique universel aura lieu en avril 2017.

Le Pérou fait preuve d’un certain volontarisme en matière de droits de l’Homme avec la création en 2012 d'un vice-ministre des droits de l’Homme au sein du ministère de la Justice et la mise en place d'un plan d'action national pour 2012-2016. Il existe une institution nationale de protection des droits de l’Homme (Defensoría del pueblo) dont l’existence est constitutionnellement garantie depuis 1993 mais dont l’indépendance a été mise en cause par certains pays d’Amérique latine lors de l’EPU.

Le gouvernement de M. Ollanta Humala (juillet 2011 - juillet 2016) fait valoir la légitimité de son Plan National des Droits de l´Homme 2012-2016 qui a été adopté après consultation de plus de vingt comités regroupant des représentants de l´Etat, de la société civile et des personnes en situation de vulnérabilité.

Des discussions existent depuis de nombreuses années au sein de la société civile comme dans les milieux juridiques et judiciaires sur la nécessité de mettre en œuvre une réforme globale du système judicaire péruvien.

Le système judiciaire péruvien rencontre encore d’importantes difficultés qui ne lui permettent pas toujours de garantir la protection des droits de la personne et de régler les conflits juridiques. Très faiblement présente voire totalement absente en milieu rural, la Justice n’offre pas des services de qualité notamment aux femmes et aux enfants autochtones victimes de violence.

Par ailleurs, si le pays s’est engagé dans la voie de la lutte contre l’impunité pour les violences commises sous la présidence d’Alberto Fujimori avec notamment la mise en place d’une commission vérité et réconciliation, les mesures d’indemnisation tardent à être appliquées. Enfin, l’utilisation excessive de la force par les autorités lors des manifestations et l’atteinte aux libertés fondamentales (libertés de réunion, d’association) dans les zones de conflits sociaux sont des sujets d’inquiétude, notamment dans les régions minières.

Des progrès ont toutefois été relevés : augmentation du volume de traitement des affaires, réduction des délais de procédure – et ce alors même que la durée moyenne des procès demeure très élevée, meilleur accès à la justice avec augmentation des juges de paix notamment dans les régions andines, augmentation du budget de la justice de 8 %, création d’un système de statistique, renforcement de la lutte contre la corruption avec la création de juges spécialisés et le renforcement des systèmes de contrôle et d’observation. Compte tenu des efforts constatés dans la lutte anti-corruption, le pouvoir judiciaire a reçu un appui de la Banque mondiale dans ce domaine. Ont également été améliorés : les systèmes informatiques des juridictions, les centres de détention pour mineurs, le système de rémunération des agents de l’institution judiciaire.

La signature de la présente convention pourrait donc utilement s’accompagner d’un renforcement, sinon d’une mise en place à certains égards, d’une coopération technique plus renforcée en matière judiciaire, afin d’accompagner le Pérou dans la mise en place de ces réformes.

CONCLUSION

La convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou devrait naturellement faciliter le rassemblement des preuves dans le cadre des affaires transnationales. Cet instrument devrait ainsi favoriser la conclusion des poursuites dans des délais plus satisfaisants pour l’ensemble des justiciables concernés, français et péruviens.

Les procédures internes requises pour l'entrée en vigueur au Pérou de la Convention sont désormais achevées. En effet, la Convention a été approuvée par la loi n° 30330 du Congrès de la République du Pérou du 20 mai 2015 et a été ratifiée par décret n° 029-2015-RE du Président de la République en date du 23 juin 2015. Les autorités péruviennes ont procédé à la notification requise au titre de l'article 39 de la Convention et communiqué leur instrument de ratification à l'ambassade de France à Lima au moyen d'une note verbale du 24 juin 2015.

Il revient donc à la France d’approuver cet accord, ce à quoi votre rapporteur émet un avis favorable.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 20 janvier 2016 à 9 heures 30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Pierre Dufau. Je me félicite que la France s’intéresse à l’ensemble de l’Amérique latine. Il faut en effet renouer avec ce continent, pas seulement avec les grands pays comme le Brésil mais également avec des pays moins importants comme le Pérou.

M. Philippe Cochet, rapporteur. Je me réjouis de cette tendance. Le Président de la République va d’ailleurs se rendre dans cette région dans quelques jours.

Mme Valérie Fourneyron. En Colombie, la France est le deuxième partenaire étranger en termes de création d’emplois. Quelle est la place des entreprises françaises au Pérou ?

M. Philippe Cochet, rapporteur. Le rapport contient des informations sur ce sujet. Il y a au Pérou 84 filiales d’entreprises françaises, principalement à Lima, ce qui représente plus de 15 000 emplois.

L’Amérique latine est effectivement peu évoquée lorsqu’il est question des exportations françaises, ce qui est une erreur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1533) sans modification.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou, signée à Paris, le 15 novembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1533)

© Assemblée nationale

1 () La « loi de service civil », qui amorce un code de la fonction publique où le mérite serait un critère déterminant, reste ainsi largement inappliquée. La mise en œuvre de la loi universitaire adoptée en 2014 (introduction de standards de qualité dans l'enseignement supérieur, création d’un organe national de supervision, la « Superintendencia Nacional de Educación Superior Universitaria », SUNEDU) continue à susciter de fortes réticences, dues notamment aux intérêts financiers en jeu.

2 () Alberto Fujimori a été Président du Pérou de 1990 à 2000. Accusé de meurtres et de violations des droits de l'homme, il s'est exilé pendant six ans avant d'être extradé vers le Pérou et condamné, en 2009, à une peine de 25 ans de prison

3 () Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; la Convention pour l’élimination de la torture et autres traitements cruels, inhumains, et dégradants ; la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; la Convention relative aux droits de l’enfant ; la Convention sur le droit des personnes handicapées et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.