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ogo2003modif

N° 4151

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2017,

TOME V

ACCIDENTS DU TRAVAIL – MALADIES PROFESSIONNELLES

Par M. Arnaud VIALA,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4072.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. UNE BRANCHE DONT LE SOLDE EST EXCÉDENTAIRE 9

A. UN SOLDE EXCÉDENTAIRE DEPUIS 2013 9

B. DES RECETTES MOINS DYNAMIQUES 10

C. LE RALENTISSEMENT DE LA PROGRESSION DES DÉPENSES 11

II. LA PRÉVENTION, ENJEU PRIORITAIRE DE LA POLITIQUE DE SANTÉ AU TRAVAIL 13

A. LA TENDANCE GÉNÉRALE À LA BAISSE DE LA SINISTRALITÉ 13

B. LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS, PRIORITÉ RÉAFFIRMÉE DE LA BRANCHE AT-MP 17

1. Le troisième Plan santé au travail (PST 3) 17

2. La convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche AT-MP 18

3. Les évolutions du dispositif de tarification et d’aides financières simplifiées 20

4. Des risques à prévenir en priorité 23

III. DES DÉBATS PERSISTANTS AU SEIN DE LA BRANCHE 29

A. L’ÉVALUATION INCERTAINE DU MONTANT REVERSÉ À LA BRANCHE MALADIE AU TITRE DE LA SOUS-DÉCLARATION 29

1. Des montants croissants 29

2. Une évaluation incertaine 29

B. LA DÉLICATE QUESTION DE LA RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES 31

1. Une procédure de révision des tableaux de maladies professionnelles bloquée 31

2. Les insuffisances de la procédure complémentaire, malgré des aménagements récents 32

C. LA MÉDECINE DU TRAVAIL : UNE RÉFORME INACHEVÉE 35

1. Une réforme qui soulève des inquiétudes 35

2. La pénurie de médecins du travail 36

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS AUX ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES 39

QUATRIÈME PARTIE – DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2017 39

TITRE III – DISPOSITIONS RELATIVES À LA BRANCHE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES 39

Article 36 : Fixation des montants des dépenses de transfert instituées par des dispositions légales à la charge de la branche AT-MP 39

Article 37 : Objectifs de dépenses de la branche « Accidents du travail – maladies professionnelles » pour 2017 50

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 53

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 1er, 2, 4, 6 à 17, 20 à 26, 58 et 59 figurent dans le rapport de M. Gérard Bapt, sur les recettes et l’équilibre général (n° 4151, tome I).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 3, 5, 18, 19, 38 à 45, 47 à 55 et 60 figurent dans le rapport de Mme Michèle Delaunay, sur l’assurance maladie (n° 4151 tome II).

Les commentaires et les débats en commission sur l’article 46 figurent dans le rapport de M. Philip Cordery, sur le secteur médico-social (n° 4151, tome III).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 30 à 35, 56 et 57 figurent dans le rapport de Mme Annie Le Houerou, sur l’assurance vieillesse (n° 4151, tome IV).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 36 et 37 figurent dans le rapport de M. Arnaud Viala, sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (n° 4151, tome V).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 27 à 29 figurent dans le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, sur la famille (n° 4151, tome VI).

INTRODUCTION

La branche accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) est la plus ancienne des branches de la sécurité sociale. La loi du 9 avril 1898 a ainsi créé une présomption de la responsabilité de l’employeur en cas d’accidents du travail, complétée en 1919, en matière de maladies professionnelles, par une présomption d’origine professionnelle des maladies inscrites dans un tableau. En contrepartie, le coût de la réparation du sinistre est à la charge de l’employeur. La réparation est strictement forfaitaire et dépend du taux d’incapacité et de la rémunération antérieure du salarié.

La gestion du risque professionnel a été intégrée à la sécurité sociale par la loi du 30 octobre 1946 sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais les orientations de la branche AT-MP sont définies dans un cadre paritaire au sein de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Auditionnés par le rapporteur, les partenaires sociaux ont tenu à souligner la qualité du dialogue social et le caractère constructif et responsable des débats menés au sein de leur branche.

La qualité du paritarisme a peut-être ainsi contribué à ce que la branche AT-MP soit la seule branche du régime général à présenter un solde excédentaire depuis 2013. Celui-ci devrait ainsi s’élever, pour la cinquième année consécutive, à près de 700 millions d’euros. Ces bons résultats successifs posent la question de l’utilisation de l’excédent et des moyens dont dispose la branche pour mener à bien sa politique de prévention des risques professionnels et d’amélioration de la santé au travail.

Car la prévention doit constituer la priorité de la branche. Si des progrès ont été réalisés en ce sens, comme en témoignent les orientations de la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche AT-MP, conclue entre l’État et la CNAMTS pour la période 2014-2017, ainsi que celles du troisième Plan santé au travail, élaboré pour les années 2016 à 2020.

La politique de prévention, qui demande un investissement préalable, se révèle au final bien moins coûteuse que la réparation. Les moyens dévolus à la prévention sont en effet autant de moyens économisés en termes d’indemnisation des sinistres. Pour être efficace, la prévention doit être ciblée sur les risques les plus fréquents, mais également sur les risques émergents, liés à l’utilisation de nouveaux matériaux ou à la modification de la nature du travail et susceptibles de produire des effets à moyen ou long termes. Une approche pluridisciplinaire de la santé au travail doit en outre être privilégiée. Le colloque « Travailler en bonne santé en France en 2040 », organisé à l’Assemblée nationale par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) le 23 novembre prochain, témoigne de l’attention portée à ces problématiques.

Si la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi et la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ont permis d’aborder des problématiques de santé au travail, le rapporteur regrette que l’intérêt porté à la branche AT-MP se résume à un rapide débat dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Cette année encore, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ne comporte aucune mesure nouvelle relative à la couverture du risque AT-MP.

Pourtant, le rapporteur a pu constater lors des nombreuses auditions menées que plusieurs interrogations se font jour au sein de la branche AT-MP. L’utilisation des excédents, alors que le montant reversé à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ne cesse de croître, constitue ainsi un sujet de préoccupation. La question de la reconnaissance des maladies professionnelles, ou encore celle du rôle du médecin du travail font également débat. Le présent rapport constitue ainsi l’occasion pour le rapporteur de rendre compte des inquiétudes qui traversent la branche AT-MP.

I. UNE BRANCHE DONT LE SOLDE EST EXCÉDENTAIRE

A. UN SOLDE EXCÉDENTAIRE DEPUIS 2013

Après être resté en déficit entre 2009 et 2012, le solde de la branche accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) est excédentaire depuis 2013.

SOLDE DE LA BRANCHE AT-MP DU RÉGIME GÉNÉRAL ENTRE 2008 ET 2017

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (p)

2017 (p)

Résultat

241

– 713

– 726

– 221

– 174

638

691

750

659

696

Source : Direction de la sécurité sociale.

Alors que la branche AT-MP était excédentaire en 2008, son solde est devenu nettement déficitaire en 2009 (– 713 millions d’euros), sous les effets conjugués de charges particulièrement dynamiques et d’un contexte économique très défavorable. Le déficit de la branche s’est stabilisé en 2010, à la suite du ralentissement sensible de ses dépenses et d’une légère progression de ses recettes. Son déficit s’est ensuite réduit de plus de 500 millions d’euros en 2011 : la rapide progression des recettes, due à une hausse de 0,1 point du taux moyen de cotisation, a permis de compenser une accélération sensible des dépenses. La réduction du déficit s’est poursuivie en 2012 pour atteindre 174 millions d’euros, en raison d’un ralentissement de l’ensemble des charges de la branche.

La branche AT-MP est devenue excédentaire dès 2013 (+ 638 millions d’euros), en raison d’un recul des charges et d’une croissance soutenue des cotisations sociales portée par une nouvelle hausse du taux de cotisation. En 2014, malgré des charges à nouveau en hausse, l’excédent de la branche AT-MP s’est amélioré d’environ 50 millions d’euros pour atteindre 691 millions d’euros, grâce à une progression soutenue des recettes. Un nouvel excédent de 750 millions d’euros a été dégagé par la branche en 2015, en dépit d’une forte augmentation du montant du transfert à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En 2016, l’excédent se réduirait légèrement, en raison notamment de la réduction du taux de cotisations de 0,05 point prévue par la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016. Il se stabiliserait en 2017.

Dans ce contexte, la question de l’utilisation de l’excédent de la branche AT-MP sera au cœur des négociations de la prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre la branche AT-MP et l’État, qui doivent débuter au début de l’année 2017.

Les excédents pourraient ainsi être utilisés pour diminuer le taux de cotisation AT-MP des entreprises, qui a fait l’objet de relèvements successifs depuis 2011. Ils pourraient également être davantage affectés à la politique de prévention des risques professionnels.

ÉVOLUTION DES CHARGES ET DES PRODUITS NETS DE LA BRANCHE AT-MP

 

2014

2015

2016 (p)

2017 (p)

Charges nettes

11 653

11 858

12 029

12 150

Taux d’évolution annuelle

2,8 %

1,8 %

1,4 %

1,0 %

Produits nets

12 344

12 607

12 689

12 787

Taux d’évolution annuelle

3,1 %

2,1 %

0,6 %

0,8 %

Solde

691

750

659

637 (1)

(1) La prévision pour 2017 de la commission des comptes de la sécurité sociale diverge de celle de la direction de la sécurité sociale et de celle inscrite dans le PLFSS pour 2017, qui prévoient un excédent de 696 millions d’euros.

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2016).

B. DES RECETTES MOINS DYNAMIQUES

Les cotisations sociales versées par les employeurs, dans les conditions prévues à l’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale, représentent près de 97 % des produits de la branche AT-MP. Elles s’élèvent ainsi à 12 251 millions d’euros en 2015, pour un total de 12 607 millions d’euros de recettes. Dans une moindre mesure, la branche bénéficie également du produit de recettes fiscales (1 %), ainsi que de ressources tirées de produits financiers ou de recours contre tiers à hauteur de 2 %.

Conformément à l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, les éléments de calcul des cotisations AT-MP sont fixés, chaque année, par la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP), conformément aux conditions générales de l’équilibre financier de la branche déterminées par la loi de financement de la sécurité sociale.

Le taux net de cotisation est constitué d’un taux brut, affecté de quatre majorations destinées à couvrir :

– les accidents de trajet (M1) ;

– les charges générales de la branche, les dépenses de prévention et de rééducation professionnelle et, depuis 2011, la moitié du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP (M2) ;

– les dépenses correspondant aux compensations inter-régimes, les dotations aux fonds en faveur des victimes de l’amiante et, depuis 2011, la seconde moitié du versement à la branche maladie (M3) ;

– depuis le 1er janvier 2012, les dépenses générées par le dispositif de retraite anticipée au titre de la pénibilité, prévu par la loi n° 2010-1330 portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 au bénéfice des salariés atteint d’une incapacité permanente d’au moins 10 % à la suite d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail assimilé à une maladie professionnelle (M4) ; au regard du niveau de ces dépenses, cette majoration n’a été appliquée qu’en 2012 et en 2016.

Par ailleurs, compte tenu de la conjonction d’un déficit persistant de la branche maladie et, à l’opposé, d’un excédent croissant de la branche AT-MP depuis 2013, un transfert de cotisations de 0,05 point entre la branche AT-MP et la branche maladie du régime général a été mis en place en 2016, afin d’améliorer le solde de la branche maladie de 250 millions d’euros. Un transfert de cotisations de même ampleur pourrait être mis en place en 2017.

ÉVOLUTION DES TAUX NETS MOYENS DE COTISATIONS AT/MP DEPUIS 2008

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2,28 %

2,28 %

2,28 %

2,38 %

2,38 %

2,43 %

2,44 %

2,44 %

2,38 %

Source : Direction de la sécurité sociale.

Le taux net moyen de cotisation a fait l’objet de relèvements successifs entre 2010 et 2015, passant ainsi de 2,28 % en 2010 à 2,38 % en 2011, 2,43 % en 2013 et 2,44 % en 2014. Ces augmentations régulières du taux de cotisation ont entraîné une progression continue des produits de la branche. Le solde excédentaire de la branche a rendu possible une baisse de ce taux pour l’année 2016, où il s’élève à 2,38 %. Ce montant devrait être reconduit en 2017.

En 2016, la croissance des produits serait contenue à 0,6 %, après une augmentation de 2,1 % en 2015. Le moindre dynamisme des recettes par rapport à 2015 tient essentiellement à la baisse de 0,05 point de taux de cotisation, prévue dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. La perte de recettes qui en découle est estimée à 0,25 milliard d’euros. Une deuxième étape de diminution des taux moyens est prévue pour 2017, du même ordre qu’en 2016, induisant une très faible progression des cotisations.

C. LE RALENTISSEMENT DE LA PROGRESSION DES DÉPENSES

En dépit de la hausse importante du transfert vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, la croissance des charges s’est ralentie en 2015 (+ 1,8 % contre + 2,8 % en 2014). En 2016 et 2017, les charges de la branche seraient encore moins dynamiques (+ 1,4 % puis + 1 %).

– Les prestations sociales, qui représentent environ 74 % des charges de la branche AT-MP en 2015, ont progressé de + 0,7 %, soit un rythme équivalent à celui de 2014.

Néanmoins, la dynamique par type de prestations a été contrastée. Celles exécutées en établissements publics, qui avaient fortement augmenté en 2014, ont diminué de 0,7 % en 2015. La baisse des prestations d’incapacité permanente, revalorisées de 0,1 % en moyenne annuelle en 2015 contre 0,8 % en 2014, et la baisse des allocations de cessation d’activité au titre de l’amiante (ACAATA) ont également contribué à ralentir la croissance des charges de la branche.

En revanche, la hausse des dépenses d’indemnités journalières s’est accélérée en 2015 (+ 4,8 % contre + 2,2 % en 2014), contribuant pour 1,1 point à la croissance des charges de la branche.

En 2016, les prestations sociales progresseraient à un rythme supérieur à celui de 2015 (+ 1,4 %), en lien avec l’augmentation des dépenses de prévention (+ 18 % après – 4,1 % en 2015). Les prestations entrant dans le champ de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ralentiraient par rapport à 2015, du fait notamment de dépenses d’indemnités journalières moins dynamiques (+ 3,2 % contre + 4,8 % en 2015). Par ailleurs, la baisse de 12,2 % des allocations de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) et une croissance des prestations d’incapacité permanente de 0,8 % participeraient à l’atténuation de la croissance des charges.

– Les autres dépenses se sont élevées à 3 milliards d’euros en 2015. Elles sont constituées notamment des transferts versés par la branche à d’autres régimes de sécurité sociale et à des fonds, mais aussi des dépenses de gestion administrative.

Ces dépenses ont progressé de 4,8 % en 2015, contribuant pour 1,2 point à la croissance des charges de la branche.

Cette évolution s’explique principalement par la hausse de 210 millions d’euros du transfert à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles, prévue par la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015. Par ailleurs, le transfert vers la CNAV, mis en place conformément à la loi n° 2010-1330 précitée pour compenser le maintien des conditions de départ avant l’âge légal à la retraite des travailleurs exposés à l’amiante, a continué sa montée en charge en 2015. La progression des charges a néanmoins été atténuée par la baisse de la dotation au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) et la diminution des charges de compensation et des prises en charge des cotisations au titre de l’ACAATA.

En 2016, ces autres dépenses progresseraient à un rythme sensiblement inférieur à celui de 2015. La hausse de la dotation au FIVA en 2016 serait atténuée par la baisse des transferts versés à d’autres régimes de sécurité sociale. Ces dépenses diminueraient en 2017, principalement au titre des dépenses de gestion courante.

II. LA PRÉVENTION, ENJEU PRIORITAIRE DE LA POLITIQUE DE SANTÉ AU TRAVAIL

A. LA TENDANCE GÉNÉRALE À LA BAISSE DE LA SINISTRALITÉ

Près de 763 300 sinistres ont été recensés par la CNAMTS en 2015. 82 % d’entre eux concernent des accidents du travail, 11 % des accidents de trajet et 7 % des maladies professionnelles.

Malgré une augmentation non significative en 2015 par rapport à 2014 (+ 0,5 %), le nombre global de sinistres est en diminution de 8,8 % entre 2008 et 2015.

Plus précisément, le nombre d’accidents du travail connaît une baisse de 11 % sur cette période, alors que le nombre de maladies professionnelles reconnues connaît une augmentation de 12 %. Cette progression importante doit toutefois être relativisée : si elle a été très forte sur la période 2008-2011 (+ 21 %), elle marque le pas depuis, avec une baisse de 7 % entre 2011 et 2015.

ÉVOLUTION GÉNÉRALE DE LA SINISTRALITÉ

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Accidents du travail

703 976

651 453

658 847

670 719

641 655

618 274

621 124

624 525

Accidents de trajet

87 855

93 840

98 429

100 018

90 092

93 363

86 746

87 838

Maladies professionnelles

45 411

49 341

50 688

55 057

54 015

51 452

51 631

50 960

Total AT-MP

837 242

794 634

807 964

825 794

785 762

763 089

759 501

763 323

Source : Rapport de gestion 2015 de la CNAM-AT.

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette baisse globale de la sinistralité.

Tout d’abord, les efforts réalisés en matière de prévention des risques en milieu professionnel sont de nature à justifier en partie la baisse significative des accidents du travail sur la période. Les effets sur le nombre des maladies professionnelles sont nécessairement moins nets à court terme, compte tenu du décalage souvent important entre la mise en place ou non d’une politique de prévention et l’apparition des pathologies d’origine professionnelle, souvent plusieurs années après.

L’évolution du nombre de maladies professionnelles tient quant à elle en partie à la règlementation en matière de reconnaissance des pathologies. En effet, à sinistralité inchangée, une modification des critères de reconnaissance entraîne mécaniquement une hausse ou une baisse de la sinistralité telle qu’enregistrée dans les statistiques nationales de la CNAMTS.

Le dynamisme de l’activité économique joue également un rôle dans l’évolution de la sinistralité. En effet, un ralentissement de l’activité aura logiquement un impact à la baisse sur la sinistralité. Cet impact n’est cependant pas pleinement mesurable immédiatement, en raison, d’une part, du délai de traitement et de clôture des dossiers et, d’autre part, des règles régissant la production des statistiques en matière de sinistralité (remontée de données en fin de trimestre et consolidation en fin d’exercice).

De manière plus anecdotique, la CNAMTS indique que le volume des accidents de trajet est corrélé significativement avec les conditions climatiques, notamment le verglas.

Évolution de la fréquence des accidents du travail, de trajet et des maladies professionnelles

L’indice de fréquence des accidents du travail s’établit à 33,9 pour mille salariés en 2015. Globalement en diminution sur toute la période, ce chiffre est quasi stable depuis 2013.

Après une légère hausse en 2013, l’indice des accidents de trajet s’est rétabli à son niveau le plus bas sur la période, soit 4,7 accidents pour mille salariés.

L’indice de fréquence des maladies professionnelles est en très légère diminution par rapport à 2014. Il n’évolue que relativement peu depuis 2009, puisqu’il est compris entre 2,7 et 2,9 depuis cette année.

INDICE DE FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL,
DE TRAJET ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES

(pour mille salariés)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Accidents de travail

38,0

36,0

36,0

36,2

35,0

33,8

34,0

33,9

AT ayant entraîné une IP

2,4

2,4

2,3

2,2

2,2

2,1

2,0

2,0

AT avec décès

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

Accidents de trajet

4,7

5,1

5,2

5,3

4,8

5,0

4,7

4,7

At ayant entraîné une IP

0,4

0,5

0,4

0,5

0,4

0,4

0,4

0,4

At avec décès

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,01

Maladies professionnelles

2,5

2,7

2,7

2,9

2,9

2,8

2,8

2,7

MP ayant entraîné une IP

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

1,5

1,4

1,4

MP avec décès

0,02

0,03

0,03

0,03

0,03

0,02

0,02

0,02

Source : Rapport de gestion 2015 de la CNAM-AT.

Pour l’ensemble de la période 2008-2015 et sur le champ plus précis des accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente, c’est-à-dire ceux pour lesquels la gravité du sinistre est la plus importante, la baisse progressive de l’indice de fréquence sur la période observée s’est atténuée, celui-ci restant stable à 2 pour 1 000 en 2015, tandis que l’indice de fréquence des décès liés à des accidents de travail reste constant, à 0,03 pour 1 000.

Dans des proportions moindres que pour la sinistralité en absolu, la fréquence des accidents de travail est également corrélée avec l’activité économique par un effet de structure. En effet, les secteurs les plus « accidentogènes », notamment celui du bâtiment et des travaux publics, ont été touchés plus rapidement et plus sévèrement par la contraction de l’activité. Ils ont donc vu leurs effectifs diminuer plus rapidement que dans les activités pour lesquelles la sinistralité est structurellement moins importante.

Évolution de la gravité des accidents du travail, de trajet et des maladies professionnelles

La part des accidents du travail ayant donné lieu à une incapacité permanente s’établit à 5,8 % en 2015, en très légère baisse par rapport à 2014
(– 0,1 point), après une forte baisse en 2014 (– 0,4 point). Celle des accidents de trajet s’établit à 8,1 % en 2015, en recul de 0,3 point sur un an. Elle a nettement diminué par rapport au début de la période où elle s’établissait à 9,1 % (– 1 point).

Logiquement, la proportion de maladies professionnelles donnant lieu à incapacité permanente est nettement plus élevée : elle s’établit à 50,1 % en 2015, soit un retour au niveau observé en début de période, après des hausses notables en 2012 et 2013 (+ 4 points et + 3 points).

PART DES SINISTRES AYANT DONNÉ LIEU À UNE NOUVELLE INCAPACITÉ PERMANENTE

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Accidents du travail

6,3

6,6

6,2

6,1

6,3

6,3

5,9

5,8

Accidents de trajet

9,1

9,0

8,2

8,5

9,0

8,4

8,4

8,1

Maladies professionnelles

50,9

50,1

49,2

49,3

54,2

53,4

50,0

50,1

Source : Rapport de gestion 2015 de la CNAM-AT.

Exprimé en nombre de journées perdues pour 1 000 heures travaillées, le taux de gravité des accidents du travail avec arrêt a progressé de 0,2 point en 2015 par rapport à l’année précédente. Entre 2008 et 2015, le nombre de journées perdues pour 1 000 heures travaillées est passé de 1,31 à 1,44.

NOMBRE DE JOURNÉES DE TRAVAIL PERDUES POUR CAUSE D’ACCIDENT DU TRAVAIL POUR 1 000 HEURES TRAVAILLÉES DE 2008 À 2015

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nb. de journées perdues

1,31

1,32

1,32

1,39

1,39

1,38

1,42

1,44

Source : Rapport de gestion 2015 de la CNAM-AT.

Deux phénomènes peuvent notamment expliquer cette hausse : d’une part, la gravité des sinistres et, d’autre part, les comportements de prescription. À taux de gravité donné, une augmentation de la durée moyenne des arrêts peut refléter une meilleure reconnaissance des dommages à la personne.

Évolution du nombre de décès liés aux maladies professionnelles, aux accidents du travail et de trajet

D’une façon générale, les décès liés aux différents sinistres sont en diminution entre 2008 et 2015, malgré une très légère augmentation en 2015 par rapport à 2014, avec un total de 23 décès supplémentaires. Ceux-ci avaient fortement diminué entre 2013 et 2014 (– 7,7 %). La baisse la plus notable s’était observée sur le nombre de décès causés par des maladies professionnelles (368 décès en 2014, soit une baisse de 14 % par rapport à 2013).

Les accidents de trajet ayant entraîné un décès ont également diminué de façon continue depuis 2011 (276 décès en 2015, soit une baisse de près de 30 % en quatre ans).

Enfin, 545 décès ont été causés par un accident de travail en 2015, soit une hausse de 2,8 % en un an.

Il est néanmoins peu pertinent d’interpréter les évolutions du nombre de décès sur courte période, la faible taille de la population concernée rendant la statistique peu robuste.

NOMBRE DE MALADIES PROFESSIONNELLES, D’ACCIDENTS DU TRAVAIL ET D’ACCIDENTS DU TRAJET AYANT ENTRAÎNÉ UN DÉCÈS SUR LA PÉRIODE 2008-2015

(En italique, taux d’évolution annuelle)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Accidents du travail ayant entraîné un décès

569

538

529

553

562

542

530

545

 

– 5,4 %

– 1,7 %

4,5 %

1,6 %

– 3,6 %

– 2,2 %

2,8 %

Accidents du trajet ayant entraîné un décès

387

356

359

393

323

306

281

276

 

– 8,0 %

0,8 %

9,5 %

– 17,8 %

– 5,3 %

– 8,2 %

– 1,8 %

Maladies professionnelles ayant entraîné un décès

425

564

533

570

523

430

368

381

 

32,7 %

– 5,5 %

6,9 %

– 8,2 %

– 17,8 %

– 14,4 %

3,5 %

Total des sinistres ayant entraîné un décès

1 381

1 458

1 421

1 516

1 408

1 278

1 179

1 202

 

5,6 %

– 2,5 %

6,7 %

– 7,1 %

– 9,2 %

– 7,7 %

2,0 %

Source : Rapport de gestion 2015 de la CNAM-AT.

Malgré une tendance à la baisse depuis plusieurs années, le nombre de sinistres demeure trop élevé. Dans ce contexte, il convient de modifier l’approche longtemps privilégiée de la santé au travail, pour passer d’une logique de réparation à une logique de prévention. Les efforts déjà réalisés en ce sens doivent être amplifiés.

B. LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS, PRIORITÉ RÉAFFIRMÉE DE LA BRANCHE AT-MP

1. Le troisième Plan santé au travail (PST 3)

Le troisième Plan santé au travail (PST 3) couvre la période 2016-2020. Élaboré sous l’impulsion des partenaires sociaux, il opère un véritable renversement de perspective en matière de santé au travail en faisant de la prévention une véritable priorité.

En effet, si les deux plans santé au travail précédents ont apporté des progrès, notamment en matière d’amélioration des connaissances, des démarches et des outils de prévention, force est de constater que la culture de prévention demeure peu développée en France.

Aussi, l’appropriation effective par tous les acteurs d’une culture de la prévention primaire est l’un des principaux défis que le troisième Plan santé au travail a pour objectif de relever.

Le PST 3 s’articule autour de trois axes :

● Premier axe stratégique : Donner la priorité à la prévention primaire et au développement de la culture de la prévention, en rupture avec une logique fondée sur la réparation.

L’objectif est de remettre la prévention au cœur des préoccupations en rapport avec le travail, en veillant à ne pas rester focalisé sur la vision pathogène qu’induit l’approche réparatrice. Dans cette approche, la promotion de la santé et le bien-être des travailleurs constitue le premier objectif poursuivi.

Cette optique favorise le développement et la mobilisation des leviers nécessaires comme l’information, la formation, l’évaluation des risques et la conception des environnements de travail. Au-delà de la poursuite des efforts sur plusieurs risques considérés comme « classiques », le PST 3 prévoit la prise en compte de risques plus organisationnels ayant trait à la conception du travail et au management. Cet axe aborde également les risques émergents, non traités en tant que tels par les précédents PST (perturbateurs endocriniens, nanomatériaux, impact des technologies numériques, vieillissement de la population, etc.).

Les actions proposées par le PST dans ce cadre privilégient la promotion d’une culture de la prévention, levier d’une appropriation réelle de la prévention primaire, fondée non sur la mise en conformité avec une réglementation parfois complexe, mais sur l’action concrète à partir des situations de travail réelles.

● Deuxième axe stratégique : Améliorer la qualité de vie au travail, levier de santé, de maintien en emploi des travailleurs et de performance économique et sociale de l’entreprise.

Cet axe a pour objectif de favoriser une approche positive du travail et d’en faire un facteur de santé. Le PST 3 entend attester qu’il est possible de s’inscrire dans une dynamique d’amélioration conjointe du bien-être et de la performance, qui bénéficie à la fois au travailleur et à l’entreprise.

Pour ce faire, le PST 3 entend dépasser l’approche habituelle conduisant à segmenter les risques pour adopter une approche plus transversale, mieux articulée avec les autres problématiques de santé publique. Telle est notamment la vocation des actions dédiées à la prévention des addictions au travail ou celles sur les maladies cardio-vasculaires, qui illustrent notamment le caractère multifactoriel de ces risques.

● Troisième axe, axe support : Renforcer le dialogue social et les ressources de la politique de prévention, en structurant un système d’acteurs, notamment en direction des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE).

Est notamment visé par cet axe le renforcement du dialogue social et du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), du système d’inspection du travail, de la médecine du travail et des services de santé au travail. La production de connaissances et la recherche sont également valorisées dans cette partie.

2. La convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche AT-MP

Premier axe stratégique du troisième Plan santé au travail, la prévention constitue également la première priorité de la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche AT-MP, conclue entre l’État et la CNAMTS pour la période 2014-2017. Il est ainsi rappelé que « le développement des politiques de prévention reste le premier enjeu de la gestion du risque ».

Un an avant la fin de la période conventionnelle et avant que ne s’engagent les négociations de la prochaine COG, un premier bilan des mesures mises en place en matière de prévention des risques professionnels peut être dressé.

D’après les éléments fournis par la direction de la sécurité sociale, plusieurs actions de prévention ont ainsi été menées par la branche AT-MP au sein des programmes nationaux prioritaires :

– Prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) : le programme « TMS Pros », qui vise à rendre les entreprises plus autonomes dans leur démarche de prévention des TMS, a recueilli, fin 2015, 82 % d’adhésions parmi les 8 000 établissements ciblés en raison de leur sinistralité forte dans ce domaine, contre 67 % fin 2014.

– Prévention des chutes dans le bâtiment et les travaux publics (BTP) : à la suite de l’accord signé fin 2014 entre la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), décliné en conventions locales entre les agences de l’OPPBTP et les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), des actions de prévention ont été déployées auprès de 1 500 entreprises, parmi les 5 000 entreprises ciblées.

– Suppression ou réduction des expositions à des agents cancérogènes identifiés : l’objectif de maîtrise des risques pour 30 % des entreprises concernées par les quatre programmes identifiés par la COG (perchloroéthylène dans les pressings, émissions de moteur diesel dans les centres de contrôle technique de véhicules, styrène dans la plasturgie et le nautisme et fumées de soudage en chaudronnerie) a été globalement atteint en 2015. 36 % des pressings, 27 % des centres de contrôle technique, 78 % des établissements utilisant du styrène et 21 % des chaudronneries ont déployé des actions de prévention.

Concernant les publics et les entreprises particulièrement identifiés dans la COG (les seniors, les jeunes et les nouveaux embauchés, les entreprises en contact avec l’amiante et les très petites entreprises), l’année 2015 a vu le renforcement des partenariats mis en place en 2014, ainsi que le déploiement d’outils élaborés l’année précédente :

– dans le cadre de leur partenariat avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et son réseau (ANACT – ARACT), les CARSAT ont ciblé des établissements dans lesquels une forte sinistralité des seniors est constatée, en vue de favoriser leur maintien dans l’emploi ;

– en direction des jeunes et des nouveaux embauchés, les CARSAT ont achevé en 2015 la formation des tuteurs chargés de dispenser des actions de sensibilisation au sein des filières à risque (maintenance, logistique, aide à la personne, transport routier de marchandises), dans le cadre du programme d’action « Synergie » et du tutorat ;

– la prévention ciblée sur quatre secteurs (garages, maçonnerie, transport routier de marchandises et restauration traditionnelle) s’est traduite par une campagne de sensibilisation et une offre de formation proposée à 15 000 entreprises ;

– concernant l’amiante, le déploiement des actions de sensibilisation des caisses s’est poursuivi en direction des maîtres d’ouvrages, notamment par l’intermédiaire de courriers de recommandations et de guides de retrait ou de maintenance ;

– en matière de risques psychosociaux, l’ensemble des CARSAT ont coordonné leur plan d’action avec les autres réseaux, en particuliers les associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) et les services interentreprises de santé au travail (SIST).

Ces priorités nationales ont été déclinées au niveau régional en tenant compte des spécificités des différents tissus économiques, ainsi que des orientations fixées par les commissions régionales des accidents du travail et des maladies professionnelles et les comités techniques régionaux (CTR). Des plans d’actions régionaux ont ainsi été élaborés par les CARSAT dans l’ensemble des régions en 2015.

3. Les évolutions du dispositif de tarification et d’aides financières simplifiées

a. Une réforme de la tarification inachevée

Le système de tarification AT-MP repose sur trois principes : un principe de mutualisation des risques, un principe de différenciation – les contributions des entreprises sont calculées individuellement en fonction du secteur d’activité –, ainsi qu’un principe de paiement des cotisations par l’employeur, censé responsabiliser les entreprises et les inciter à mettre en place des mesures de prévention des risques professionnels et d’amélioration de la santé et de la sécurité au travail.

La réforme de la tarification en 2010

Le manque de lisibilité et la complexité du système de tarification AT-MP ont conduit à sa réforme en 2010. Celle-ci, introduite par le décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010, n’est pleinement effective que depuis 2014. Son but était non seulement de rendre la tarification plus simple et plus lisible, mais également plus incitative à la prévention, en diminuant les délais entre la survenance du sinistre et sa traduction financière dans les taux notifiés aux entreprises.

La nouvelle tarification change les seuils d’effectifs qui déterminent si une entreprise est en tarification individuelle, mixte ou collective, afin d’introduire plus d’individualisation dans les taux de cotisations : la tarification mixte s’applique désormais aux entreprises d’au moins 20 salariés au lieu de 10 auparavant et la tarification individuelle s’applique aux entreprises d’au moins 150 salariés contre 200 antérieurement.

Par ailleurs, le décret du 5 juillet 2010 précité a modifié le principe de l’imputation des sinistres afin de permettre à l’entreprise d’apprécier immédiatement l’enjeu financier lié à la survenance d’un sinistre. La part individuelle du taux de cotisation est désormais calculée sur la base de coûts moyens par catégories de sinistres, et non plus en fonction du coût de chaque accident pris isolément.

Les nouvelles règles prévoient en outre que les conséquences financières d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle seront désormais imputées l’année de déclaration du sinistre. Cette disposition doit permettre de prendre plus rapidement en compte les efforts de prévention des employeurs, dans la mesure où la diminution du nombre de sinistres susceptibles de résulter de la mise en place de mesures de prévention se traduira par une diminution quasi-immédiate du taux de cotisation.

Le système de tarification n’est pas à la hauteur des attentes en termes de prévention

La réforme de la tarification n’a pas eu d’effet majeur sur la prévention des risques professionnels.

En effet, plus de huit entreprises sur dix restent soumises à la tarification collective. Le taux de cotisation qui leur est notifié n’étant pas lié directement à leur taux de sinistralité, elles sont moins directement concernées par les incitations individuelles à une meilleure prévention des risques.

Toutefois, l’incapacité de la réforme de la tarification de 2010 à améliorer significativement les démarches de prévention auprès des employeurs pourrait résulter pour partie de l’augmentation du nombre de dépenses mutualisées au sein de la branche, indépendantes du taux de sinistralité au sein de l’entreprise. En effet, certaines dépenses de la branche sont partagées également entre tous les employeurs, sans lien avec la survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dans leur établissement.

C’est le cas notamment des transferts réalisés par la branche au titre de l’amiante (FIVA et FCAATA) et de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, ou des transferts dits « de solidarité » entre branches.

En conséquence, près d’un quart de la cotisation versée par les employeurs ne reflète aucunement l’évolution de la sinistralité dans leur entreprise, ce qui peut dissuader certains employeurs d’approfondir leurs démarches de prévention. L’augmentation du montant versé par la branche AT-MP à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration, qui atteint un milliard d’euros par an depuis 2015, a contribué à l’augmentation du poids des transferts dans la cotisation AT-MP, qui viendrait amoindrir encore l’effet incitatif déjà limité de la tarification AT-MP.

Plusieurs pistes permettraient d’améliorer le caractère incitatif de la tarification.

Tout d’abord, la part des transferts doit être contenue. À cette fin, le phénomène de sous-déclaration des accidents du travail pourrait être limité, grâce à la mise en œuvre des préconisations de la commission chargée de l’évaluation du montant versé à l’assurance maladie, détaillées infra.

Surtout, d’après les informations fournies au rapporteur, des négociations ont été engagées avec les partenaires sociaux afin de faire évoluer le dispositif de tarification. L’idée consisterait notamment à trouver un mécanisme incitant les entreprises à taux de cotisation collectif à agir en faveur de la prévention, en particulier grâce à la création d’un bonus-malus accordé en fonction des mesures de prévention mises en place.

b. Des aides financières davantage ciblées

La politique de prévention des risques professionnels, davantage ciblée, s’est également traduite par un redéploiement des incitations financières vers les secteurs prioritaires.

Ainsi, les entreprises de moins de 200 salariés qui souscrivent au programme d’actions de prévention spécifique à leur branche d’activité peuvent signer avec les CARSAT des contrats de prévention qui transposent et mettent en œuvre au niveau local les objectifs généraux fixés à la branche AT-MP dans la COG. Elles ont alors la possibilité de bénéficier d’une aide financière pour réaliser des projets visant à améliorer les conditions de santé et de sécurité au travail.

Le contrat de prévention définit précisément les objectifs sur lesquels l’entreprise s’engage et les aides, en particulier financières, que la caisse apporte (de 20 % à 30 % de l’investissement réalisé).

Ces contrats de prévention ont rencontré un succès important en 2015, où ils ont permis d’aider 847 entreprises, pour un financement global de 22 millions d’euros.

Les aides financières simplifiées sont quant à elles destinées aux entreprises de moins de cinquante salariés. Expérimentées entre 2008 et 2010, puis pérennisées par la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010, elles permettent aux entreprises, sous conditions, d’être subventionnées jusqu’à hauteur de 25 000 euros.

Les dispositifs d’aides financières simplifiées ont été revus en 2014 par la CNAMTS et les caisses régionales, conformément à la COG et aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2013, afin de concentrer les moyens sur les programmes prioritaires nationaux et régionaux.

2 926 entreprises ont bénéficié d’aides financières simplifiées en 2015, pour un montant total de 16,2 millions d’euros. Le recours à ce dispositif d’aides était bien supérieur en 2014, où 4 336 aides avaient été accordées pour un montant de 28 millions d’euros. D’après la direction de la sécurité sociale, la moindre utilisation de ce dispositif tient à une appropriation tardive des nouvelles modalités d’attribution des aides, désormais réorientées vers des risques prioritaires.

En 2015, 92 % des aides ont ainsi été accordées dans le cadre des priorités nationales, en particulier dans les pressings (substitution du perchloréthylène par de l’aqua-nettoyage), les salons de coiffure (prévention des troubles musculo-squelettiques), les centres de contrôle technique (aspiration) et le BTP (prévention des chutes d’échafaudages).

4. Des risques à prévenir en priorité

a. Agir sur des risques professionnels prioritaires

Le troisième Plan santé au travail identifie quatre risques prioritaires, à partir de l’analyse des données de sinistralité :

– L’exposition aux risques chimiques :

Elle représente la deuxième cause de maladies professionnelles reconnues après les troubles musculo-squelettiques (TMS) et la première cause de décès.

Malgré l’adaptation de la réglementation européenne et nationale, la mise en œuvre de la prévention des expositions aux risques chimiques, et en particulier aux produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) demeure insuffisante, notamment dans les TPE-PME.

Ainsi, d’après des données fournies par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), près de 10 % des salariés déclarent être exposés dans leur travail à au moins un agent chimique cancérogène. 4,8 millions de tonnes d’agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction seraient utilisées annuellement en France.

En 2013, le nombre de cancers d’origine professionnelle indemnisés s’élevait à 1 707. Les expositions anciennes à l’amiante sont encore responsables de l’essentiel des cancers reconnus ; les agents causals les plus importants sont ensuite les amines aromatiques et leurs sels, les goudrons de houille, les poussières de bois et le benzène.

De nombreux secteurs d’activité sont concernés par la présence de produits chimiques toxiques : bâtiment et travaux publics, constructions ferroviaire et navale, métallurgie, industrie du verre et des métaux, industrie chimique, industrie pharmaceutique, industrie du cuir et du caoutchouc, industrie pétrolière, industrie du bois, agriculture, mines et carrières, laboratoires de recherche et services (maintenance, nettoyage, etc.).

– Les chutes de hauteur et de plain-pied :

En 2013, les chutes de hauteur ont représenté 18 % des accidents du travail dans le secteur du bâtiment et 12 % d’entre eux dans le monde agricole. Elles représentent 10 % de l’ensemble des accidents du travail mortels, arrivant ainsi au troisième rang des causes de ces accidents. Pour le régime social des indépendants (RSI), les chutes sont également responsables de près de 44 % des accidents du travail.

Elles ont lieu le plus souvent lors de l’effondrement des matériaux composant une toiture, au travers de trémies non protégées, à partir d’un toit, d’une échelle, voire d’un échafaudage non conforme. Elles sont fréquemment corrélées à un défaut d’évaluation du risque, de protection, ainsi que de plan de prévention.

Les chutes de plain-pied représentent quant à elles 13 % des accidents sur les lieux de travail. Elles représentent plus de 30 % de l’ensemble des accidents du travail dans les activités de services.

– Les risques psycho-sociaux (RPS) :

Définis comme des risques pour la santé mentale et physique dont les déterminants sont à rechercher notamment dans les conditions d’emploi, l’organisation du travail et les relations de travail, le terme de risques psychosociaux (RPS) regroupe à la fois le stress au travail, les harcèlements et violences internes ou externes au travail, ainsi que le syndrome d’épuisement professionnel.

L’ensemble de ces RPS proviennent de la rencontre entre un individu et une situation de travail dégradée. L’exposition à ces risques peut avoir des conséquences sur la santé des salariés, notamment en termes de maladies cardio-vasculaires, de troubles musculo-squelettiques, de troubles anxio-dépressifs ou d’épuisement professionnel.

– Le risque routier professionnel :

Les accidents routiers mortels liés au travail représentent près de 21 % des accidents du travail mortels.

Si ce risque concerne en premier lieu les professionnels de la route (transport de marchandises ou de voyageurs), un nombre bien plus grand de travailleurs sont amenés à prendre la route dans le cadre de leur activité professionnelle (rencontre de clients, visites de chantier, services à domicile, etc.).

Cette activité peut présenter des effets négatifs sur la santé. Outre le risque d’accident de la route, qui est trop souvent l’unique prisme au travers duquel cette activité est considérée, elle présente également des effets différés moins bien connus, liés à l’organisation du temps de travail et aux opérations de chargement et de déchargement (durée des trajets, urgences, modifications de planning, retards, stress, fatigue, TMS, etc.).

b. Le risque de désinsertion professionnelle

Le vieillissement de la population active et l’allongement de la période d’activité font de la prévention de la désinsertion professionnelle un véritable enjeu.

Les conséquences de la désinsertion professionnelle sur l’emploi sont souvent irréversibles. En effet, on estime que 95 % des déclarations d’inaptitude se soldent par un licenciement. En 2014, près de 64 000 nouvelles inscriptions à Pôle emploi résultent d’une déclaration d’inaptitude. Les salariés déclarés inaptes sont surreprésentés parmi les chômeurs de longue durée : 50 % des demandeurs d’emplois à la suite d’un licenciement pour inaptitude sont des chômeurs de longue durée, contre 43 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi (1).

Dans ce contexte, la politique de maintien dans l’emploi doit être renforcée.

La prévention de la désinsertion professionnelle inclut à la fois le maintien dans l’emploi, que ce soit grâce à des aménagements de poste ou par un reclassement interne, et le maintien en emploi proprement dit, grâce à un reclassement externe.

Elle suppose en particulier de décloisonner les différents dispositifs d’action pour s’intéresser notamment aux parcours professionnels relevant de la politique de l’emploi, ainsi qu’aux politiques de gestion des ressources humaines et des compétences. La prévention de l’usure professionnelle suppose notamment de réfléchir aux possibilités de mobilité des salariés dans l’entreprise au cours d’une carrière, posant ainsi la question de la formation continue de ces salariés.

Cette approche pluridisciplinaire de la santé au travail a été prise en compte puisque des objectifs en matière de prévention de la désinsertion professionnelle figurent à la fois dans la COG signée entre l’État et la branche AT-MP pour la période 2014-2017 ainsi que dans la COG conclue entre l’État et l’assurance maladie.

Les actions menées visent à renforcer la détection et le signalement des personnes à risque, à proposer des dispositifs d’accompagnement, de formation et de reclassement professionnel, à améliorer la coordination des services de l’assurance maladie, notamment à travers des cellules de coordination régionale et locale, et à favoriser le partenariat avec les organismes extérieurs, notamment les services interentreprises de santé au travail.

c. La prise en compte des risques émergents

Bien que peu connus, ces risques, liés à l’utilisation de nouveaux matériaux ou à la modification de la nature du travail, sont susceptibles de produire des effets à moyen ou long termes.

Ainsi, les nanomatériaux, qui ont connu un développement technologique important depuis la fin des années 1990, entrent aujourd’hui dans la composition de nombreux produits de la vie courante (cosmétiques, textiles, aliments, emballages, peintures, applications médicales, etc.), sans qu’il ait toujours été apporté de réponses suffisantes aux interrogations quant à leurs éventuels effets sur la santé des travailleurs, qui ne sont pas toujours informés de leur exposition à ces particules.

L’exposition professionnelle aux perturbateurs endocriniens, substances chimiques d’origine naturelle ou synthétique qui interfèrent avec le fonctionnement des systèmes endocriniens, est également insuffisamment caractérisée et prise en compte.

Par ailleurs, comme le soulignent les conclusions du rapport de M. Bruno Mettling de septembre 2015 sur la transformation numérique et la qualité de vie au travail (2), le développement du numérique au travail peut entraîner l’apparition de nouveaux risques psycho-sociaux.

Parmi les risques nouveaux, l’INRS, auditionné par le rapporteur, a notamment identifié les rayonnements ionisants émis lors des opérations de soudage réalisées par un champ électromagnétique extrêmement puissant. Face à l’incertitude quant aux risques courus par les travailleurs, l’institut formule notamment des préconisations relatives au positionnement des personnes sur le poste de travail. Le développement de nouvelles technologies rend également nécessaire d’analyser avec un regard neuf des domaines plus habituels, comme le traitement des déchets, par exemple lors de la destruction des télévisions à écran plasma.

Des risques nouveaux apparaissent donc régulièrement. Les médecins du travail et les chercheurs ont ainsi alerté récemment sur les risques de maladie pulmonaires des personnes chargées de scier les plans de travail de cuisine en granit reconstitué.

Afin d’identifier ces risques nouveaux, l’INRS dispose d’un réseau de veille de pathologies professionnelles. Il est également attentif à l’existence de « signaux faibles », c’est-à-dire des phénomènes émergents nécessitant d’être considérés et pris en compte de façon précoce.

Un effort de recherche accru est indispensable pour anticiper les futures maladies professionnelles. L’enjeu consiste à ne pas commettre les mêmes erreurs que pour l’amiante, dont la nocivité a été reconnue plusieurs décennies après son utilisation.

d. Des risques souvent accrus dans le monde agricole

Le cinquième Plan santé et sécurité au travail en agriculture, mis en place par la Mutualité sociale agricole (MSA) pour la période 2016-2020, prend en compte les particularités du travail agricole.

Il fixe les orientations stratégiques pour mener des programmes d’actions en direction des métiers de l’agriculture et des filières agricoles identifiés comme les plus à risques et met, pour cela, la priorité sur six axes :

–  la sécurité au contact des animaux dans les secteurs de l’élevage. Ainsi, 56 % des accidents du travail des exploitants agricoles sont liés aux activités en élevage, notamment bovin. Le secteur équin enregistre également un nombre très important d’accidents ;

– l’exposition au risque chimique. Près de 10 % des salariés sont exposés à des produits chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) ;

– le machinisme agricole. 17 % des accidents du travail des actifs agricoles sont liés à l’utilisation de leurs équipements de travail et 10 % des accidents mortels d’exploitants sont liés à des chutes de hauteur ;

– les risques psychosociaux. 35 à 60 % des travailleurs, dont les actifs agricoles, évoquent des pressions psycho-sociales au travail ;

– les troubles musculo-squelettiques (TMS), qui représentent 90 % des maladies professionnelles reconnues en agriculture ;

– l’employabilité des actifs agricoles. L’allongement de la durée de la vie professionnelle, les accidents professionnels et les accidents de la vie posent la question du maintien en emploi.

La feuille de route du cinquième Plan santé et sécurité au travail en agriculture propose notamment des actions concrètes à mettre en place sur l’ensemble du territoire. Auditionnés par le rapporteur, les représentants de la MSA ont notamment évoqué, en matière de prévention du risque chimique, l’utilisation du logiciel SEIRICH, développé par l’INRS, qui permettra aux entreprises d’identifier et de repérer l’ensemble des produits chimiques et de mettre en œuvre des mesures de prévention. La MSA a également pour objectif de favoriser la connaissance et la prise de conscience du risque afin de faire évoluer les pratiques.

Concernant les risques psycho-sociaux, la MSA a mentionné l’organisation de réunions - débats autour du film « Et si on parlait travail ? », qui réunissent des exploitants agricoles et des collaborateurs des services de santé au travail. À l’issue des réunions, une offre de formation ou d’accompagnement individuel est proposée. Cette initiative, qui permet de lutter contre l’isolement et les difficultés de communication, mérite d’être saluée.

III. DES DÉBATS PERSISTANTS AU SEIN DE LA BRANCHE

A. L’ÉVALUATION INCERTAINE DU MONTANT REVERSÉ À LA BRANCHE MALADIE AU TITRE DE LA SOUS-DÉCLARATION

1. Des montants croissants

La sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles constitue un enjeu financier majeur pour la branche. En effet, afin de corriger les effets induits par cette sous-déclaration, les articles L. 176-1 et L. 176-2 du code de la sécurité sociale prévoient la mise en place d’un versement annuel, à la charge de la branche AT-MP, au profit de la branche maladie du régime général. Ce versement, dont le montant est fixé à l’article 36 du présent projet de loi de financement, pourrait s’élever à un milliard d’euros en 2017.

Le montant reversé par la branche AT-MP à la branche maladie connaît une augmentation continue depuis 1997, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

MONTANT DES VERSEMENTS EFFECTUÉS PAR LA BRANCHE AT-MP À LA BRANCHE MALADIE AU TITRE DE LA SOUS-DÉCLARATION

(en millions d’euros)

Objet

Année

Montant

Maladies professionnelles

1997

137,20

Maladies professionnelles

1998

138,71

Maladies professionnelles

1999

140,38

Maladies professionnelles

2000

141,02

Maladies professionnelles

2001

144,06

Maladies professionnelles + accidents du travail

2002

299,62

Maladies professionnelles + accidents du travail

2003 à 2006

330,00

Maladies professionnelles + accidents du travail

2007 et 2008

410,00

Maladies professionnelles + accidents du travail

2009 à 2011

710,00

Maladies professionnelles + accidents du travail

2012

790,00

Maladies professionnelles + accidents du travail

2013

790,00

Maladies professionnelles + accidents du travail

2014

790,00

Maladies professionnelles + accidents du travail

2015

1 000,00

Maladies professionnelles + accidents du travail

2016

1 000,00

Source : Direction de la sécurité sociale

2. Une évaluation incertaine

L’évaluation du coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des AT-MP est réalisée par une commission présidée par un magistrat de la Cour des Comptes, qui remet un rapport au Parlement et au Gouvernement tous les trois ans.

Bien que le rapport de la dernière commission ne soit pas public, ce qui est regrettable, le rapporteur a pu prendre connaissance d’une partie de ses conclusions grâce aux éléments qui lui ont été fournis par la direction de la sécurité sociale.

Ce rapport dresse ainsi un bilan globalement positif de la mise en œuvre des préconisations des précédentes commissions, ainsi que des mesures mises en place depuis lors pour améliorer le taux de déclaration et la reconnaissance des AT-MP. Il souligne néanmoins que des efforts doivent être poursuivis pour homogénéiser les pratiques des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) et des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et pour améliorer le signalement des accidents du travail par les hôpitaux, ainsi que la formation des étudiants en médecine en matière de détection du caractère professionnel de certaines maladies.

Le rapport revient par ailleurs sur les causes de la sous-déclaration, qui sont multiples et restent inchangées : méconnaissance par la victime ou par ses ayants droit de l’origine professionnelle de l’affection, appréhensions du salarié au regard de l’emploi ou de la complexité de la procédure, préférence pour la pension d’invalidité, pressions de certains employeurs sur les salariés afin d’éviter la déclaration, insuffisante formation des médecins, manque d’effectifs des médecins du travail, difficultés liées à l’enregistrement des soins et prestations en AT-MP par les professionnels de santé et non-imputation des dépenses AT-MP par les établissements de santé. S’agissant spécifiquement des cancers, la commission souligne les difficultés de reconstitution des séquences d’exposition des salariés d’entreprises extérieures et des intérimaires souvent amenés à effectuer des travaux les exposant à des cancérogènes, difficultés amplifiées par l’absence de mise à jour ou d’archivage des fiches d’exposition aux risques.

Enfin, le rapport évalue le coût de la sous-déclaration pour la branche maladie du régime général dans une fourchette particulièrement large, allant de 695 à 1 300 millions d’euros. Cette augmentation importante par rapport aux années précédentes s’expliquerait surtout par l’accroissement du nombre de malades, qui a différentes causes. Dans le cas des asthmes, l’évaluation globale de l’effectif des asthmatiques sur la base d’études plus approfondies aboutit à un quintuplement. Dans le cas des cancers, cet accroissement résulte d’une détection plus précoce des maladies et de l’allongement de l’espérance de survie. Enfin, les affections du rachis lombaire ont pu être évaluées, ce qui n’avait pas été possible précédemment.

Au regard de cette estimation très peu précise, le montant du versement a été fixé à un milliard d’euros pour 2015. Ce montant, reconduit en 2016, pourrait également l’être en 2007, comme le prévoit le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Une nouvelle commission se réunira dans le courant de l’année 2017 et rendra son rapport au Parlement et au Gouvernement avant le 1er juillet 2017.

Nombre des personnes auditionnées par le rapporteur ont exprimé leur inquiétude quant à l’augmentation du versement effectué chaque année par la branche AT-MP au profit de la branche maladie.

Le rapporteur est également convaincu que la hausse continue du montant du transfert à la branche maladie ne constitue pas une réponse optimale au phénomène de sous-déclaration, d’autant que les sommes transférées pourraient être utilisées par la branche AT-MP pour renforcer les actions de prévention menées au sein des entreprises.

Le rapport de la commission formule à cet égard des préconisations visant, pour l’avenir, à limiter le phénomène de sous-déclaration, parmi lesquelles l’amélioration de la formation des médecins sur la détection du caractère professionnel des maladies, la simplification et la mise en cohérence des réglementations applicables en matière d’AT-MP et d’invalidité, ainsi que l’archivage des documents uniques d’exposition aux risques.

À terme, la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité, malgré la complexité de celui-ci, pourrait également contribuer à réduire le phénomène de sous-déclaration, grâce à la meilleure connaissance par les salariés des risques professionnels auxquels ils sont exposés.

B. LA DÉLICATE QUESTION DE LA RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES

1. Une procédure de révision des tableaux de maladies professionnelles bloquée

Conformément à l’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, les tableaux de maladies professionnelles peuvent être révisés et complétés par décret, après avis du conseil d’orientation des conditions de travail (COCT). En son sein, la commission spécialisée n° 4 est consultée sur les projets de révision des tableaux.

Les partenaires sociaux y disposent de la majorité des sièges et entendent dès lors lui voir jouer un rôle décisionnel. Ils interviennent tant dans la phase de négociation sociale visant à déterminer les maladies qui sont susceptibles d’entrer dans le champ de la réparation que dans la phase scientifique permettant de faire l’état des causes d’une pathologie donnée. La présomption d’imputabilité y relève de la négociation et non de critères scientifiquement établis.

La procédure de révision des tableaux fait l’objet de critiques anciennes et récurrentes de la Cour des comptes. Celle-ci notait ainsi dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2002 « le retard dans l’adoption ou la modification des tableaux de maladies professionnelles, lié notamment aux difficultés de fonctionnement du conseil supérieur des risques professionnels [devenu le conseil d’orientation des conditions de travail depuis 2008] ». Elle recommandait de « modifier les modalités d’établissement des tableaux de maladies professionnelles, avec notamment la création d’une instance scientifique ».

La Cour a réitéré ses critiques dans son rapport de 2008, en mettant en avant « la place excessive des partenaires sociaux dans la procédure ». Selon elle, « il conviendrait que les pouvoirs publics priorisent les travaux, en maîtrisent les calendriers et l’aboutissement et que soient distinguées clairement la phase d’expertise scientifique et la phase de consultation des partenaires sociaux. Il conviendrait également de rendre l’expertise scientifique collégiale et pluridisciplinaire. Elle pourrait être confiée à la Haute autorité de santé (HAS) ».

Lors de son audition par le rapporteur, le directeur de la sécurité sociale a reconnu que la commission spécialisée chargée d’actualiser les tableaux peinait à trouver un consensus et que son fonctionnement devait être revu, afin de séparer la phase de discussion entre partenaires sociaux de la phase d’expertise scientifique, comme le préconisait déjà la Cour des comptes en 2008.

2. Les insuffisances de la procédure complémentaire, malgré des aménagements récents

En complément aux tableaux de maladies professionnelles, la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 a instauré une procédure de reconnaissance des maladies professionnelles fondée sur une expertise individuelle. Cette procédure intervient dans deux cas :

– lorsqu’une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies. Alors la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladie professionnelle peut être reconnue comme maladie professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime (3ème alinéa de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale) ;

– lorsqu’il est établi qu’une maladie, non désignée dans un tableau, est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 % (4ème alinéa de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale).

18 937 demandes de reconnaissance ont été examinées en 2015 au titre de cette procédure. 16 713 avis ont été donnés au titre de l’alinéa 3, ce qui correspond à environ 90 % des demandes. Le nombre d’avis rendus dans ce cadre a augmenté d’un peu moins de 3 % par rapport à l’année précédente. Le nombre d’avis donnés au titre de l’alinéa 4 connaît quant à lui une progression rapide, atteignant 2 224 en 2015, contre 1 963 en 2014, soit une augmentation de 13,3 %.

Dans ces deux situations, la demande est soumise par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) concernée à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) composé de trois médecins : le médecin-conseil régional, le médecin inspecteur régional du travail et un professeur des universités praticien hospitalier, particulièrement qualifié en matière de pathologies professionnelles.

L’avis du comité s’impose à la CPAM qui doit notifier sans délai à la victime ou à ses ayants droit la décision de reconnaissance ou de rejet de l’origine professionnelle de la maladie.

L’augmentation du nombre de dossiers à examiner chaque année, alors que la ressource médicale diminue, entraîne des délais d’examen importants par les comités, préjudiciables aux assurés.

C’est pourquoi, afin de renforcer l’action des comités sur les demandes les plus complexes, le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 relatif à l’amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles et du fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles prévoit la faculté pour le comité de siéger à deux membres lorsqu’il est saisi dans le cadre du troisième alinéa de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire lorsqu’une condition règlementaire n’est pas remplie. En effet, il s’avère que, dans un grand nombre de cas, ce type de dossier ne nécessite pas de mobiliser l’expertise de trois médecins. En cas de désaccord entre ces deux membres, le dossier est à nouveau soumis pour avis à l’ensemble des membres du comité. Lorsqu’il est saisi dans le cadre du quatrième alinéa de l’article L. 461-1 du même code, c’est-à-dire pour une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, le comité continue en revanche à siéger à trois médecins. L’action des comités est ainsi recentrée sur les cas les plus complexes, ce qui devrait avoir un impact positif sur le délai de traitement des dossiers.

Ce dispositif règlementaire se révèle par ailleurs peu adapté à la prise en charge des pathologies émergentes. En effet, outre la démonstration de la cause essentielle et directe, la reconnaissance comme maladie professionnelle suppose qu’il y ait eu décès ou incapacité permanente au moins égale à 25 %. Or, il faut par exemple que les dépressions soient particulièrement graves pour satisfaire à la condition des 25 %. Selon la Cour des comptes, « il s’en suit une prise en charge anormale par la branche maladie, une occultation de l’origine au moins partiellement professionnelle des troubles, une entrave au développement de la prévention et une augmentation probable du nombre de maladies chroniques, de la consommation médicamenteuse et de l’éviction du marché de l’emploi » (3).

Des mesures récentes, prises pour améliorer la reconnaissance des affections psychiques, permettent toutefois de nuancer ce constat sévère.

Ainsi, le critère de gravité conditionnant l’examen d’un dossier par le CRRMP a été adapté pour permettre la reconnaissance de maladies professionnelles de victimes dont l’état de santé n’est pas encore stabilisé. La lettre ministérielle du 13 mars 2012 précisant l’interprétation de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a ainsi permis de soumettre plus de dossiers aux CRRMP grâce à la notion d’« incapacité permanente prévisible » à la date de la demande. Ce taux d’incapacité permanente prévisible n’a qu’une valeur indicative visant à évaluer le degré de gravité de la pathologie du demandeur, afin de décider de l’éventuelle transmission de la demande au CRRMP ; il est à distinguer du taux d’incapacité permanente réel notifié lors de la stabilisation si elle est ultérieure.

En outre, la possibilité de reconnaissance des pathologies psychiques par les CRRMP a été consacrée au niveau législatif par l’article 27 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi. La possibilité de voir une pathologie psychique reconnue comme étant d’origine professionnelle par le biais de la voie complémentaire, jusqu’alors mal connue des assurés, est aujourd’hui inscrite à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Pris sur ce fondement, le décret du 7 juin 2016 précité améliore la reconnaissance du caractère professionnel des pathologies psychiques par les CRRMP grâce à deux mesures :

– il renforce tout d’abord l’expertise médicale des comités en leur adjoignant en tant que de besoin la compétence d’un professeur des universités praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie lorsque sont étudiés des cas d’affections psychiques ;

– il prévoit ensuite la possibilité de faire intervenir des médecins psychiatres lors des différentes phases de la procédure de reconnaissance, soit en amont de l’examen du comité pour caractériser la pathologie, c’est-à-dire lors de l’instruction du dossier par la caisse, soit à la demande du comité.

Le décret du 7 juin 2016 précité apporte donc des aménagements mais ne modifie pas en profondeur la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles.

Nombre de personnes auditionnées par le rapporteur se sont ainsi interrogées sur la pertinence du taux de 25 % d’incapacité permanente, nécessaire à la reconnaissance d’une maladie professionnelle. Les organisations syndicales ainsi que l’association des accidentés de la vie (FNATH) se sont ainsi prononcées en faveur d’une diminution, voire d’une suppression, de ce taux.

Cette question sera notamment à l’ordre du jour des travaux de la mission d’information relative au syndrome d’épuisement professionnel, présidée par M. Yves Censi et dont M. Gérard Sebaoun a été nommé rapporteur. Les conclusions de cette mission, créée par le bureau de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en mars 2016, sont attendues pour décembre 2016.

C. LA MÉDECINE DU TRAVAIL : UNE RÉFORME INACHEVÉE

1. Une réforme qui soulève des inquiétudes

L’article 102 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels modifie les modalités de suivi de l’état de santé des salariés.

Il met ainsi fin au caractère systématique de la visite médicale d’aptitude à l’embauche. Ce suivi sera désormais modulé, dans ses modalités et dans sa périodicité, en fonction des conditions de travail, de l’état de santé et de l’âge du travailleur, ainsi que des risques professionnels auxquels il est exposé (articles L. 4624-1 et L. 4624-2 nouveaux du code du travail).

Cette modulation concerne notamment :

– Les travailleurs affectés à « un poste présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou pour celles de leurs collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail », qui continuent de bénéficier d’une vérification de l’aptitude préalable à l’embauche. Les autres travailleurs bénéficient quant à eux d’une visite d’information et de prévention après l’embauche.

– Le suivi périodique des travailleurs, qui est adapté en fonction des conditions de travail, de l’état de santé et de l’âge du travailleur, ainsi que des risques professionnels auxquels il est exposé.

– Les travailleurs de nuit, qui bénéficient d’un suivi individuel régulier et adapté de leur état de santé.

– Tout travailleur reconnu comme travailleur handicapé, qui bénéficie d’un suivi individuel adapté de son état de santé.

Des décrets en Conseil d’État doivent déterminer les modalités précises de mise en œuvre de ce dispositif.

De nombreuses personnes auditionnées ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’application de la réforme de la médecine du travail prévue par la loi du 8 août 2016 précitée, pour des raisons différentes.

Ainsi, l’UPA est opposée à la suppression de la visite médicale d’aptitude systématique, au motif qu’elle fait courir des risques accrus à l’employeur en termes de responsabilité. Au contraire, le centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (CISME) est favorable à la réforme dans son principe, même s’il s’inquiète de la liste des « postes présentant des risques particuliers », une définition trop large posant la question de l’applicabilité de la réforme. Tout en reconnaissant que certaines professions ne nécessitent pas de suivi médicalisé, le Conseil national de l’ordre des médecins s’inquiète également de la définition qui sera retenue par les décrets des postes comportant des risques « pour les collègues ou des tiers ».

2. La pénurie de médecins du travail

L’évolution de la démographie médicale dans la spécialité de médecine du travail est extrêmement défavorable. La situation devrait encore s’aggraver, puisque selon les chiffres communiqués au rapporteur par le Conseil national de l’ordre des médecins, le nombre de médecins du travail passerait de 5 400 à 2 700 d’ici à 2020.

Cette situation compromet la capacité des services de santé au travail à assumer l’ensemble des missions qui leur sont dévolues par le code du travail.

Afin de remédier à cette situation préoccupante, une passerelle vers la spécialité de médecine du travail pour des médecins spécialistes dans d’autres disciplines, qui s’engagent à suivre une formation qualifiante dans la spécialité, a été créée par la loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail : il s’agit du statut de collaborateur médecin.

Sa mise en place effective s’est cependant rapidement heurtée à une difficulté : si le collaborateur médecin remplit les missions que lui confie le médecin du travail qui l’encadre, dans le cadre d’un protocole écrit validé par ce dernier, en fonction des compétences et de l’expérience que le collaborateur médecin a acquises, il ne lui a pas été conféré la possibilité juridique de prononcer des avis d’aptitude ou d’inaptitude des salariés à leurs postes de travail.

Le statut de collaborateur médecin a donc été réformé par l’article 36 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Une disposition dérogatoire a ainsi été introduite afin de permettre aux collaborateurs médecins, sous l’autorité d’un médecin tuteur qualifié en médecine du travail, de remplir, progressivement au regard de leur parcours individuel et de leur avancée dans leur formation, et dans le cadre de protocoles écrits, les fonctions de médecin du travail, y compris les décisions qui relèvent de la seule prérogative des médecins du travail et qui sont notamment relatives à l’aptitude médicale des salariés à leurs postes de travail.

Le décret d’application de cette disposition n’a cependant pas encore été publié. L’adoption de cette mesure réglementaire, qui devrait intervenir avant la fin de l’année 2016, permettra aux collaborateurs médecins d’exercer pleinement leurs missions au sein des services de santé au travail.

Toutefois, si cette réforme va dans le bon sens, elle ne permettra pas à elle seule de remédier entièrement à la pénurie de médecins du travail. Pour le CISME comme pour le Conseil national de l’ordre des médecins, les passerelles entre les différentes spécialités médicales doivent davantage être encouragées. Il n’est par exemple plus possible aujourd’hui pour un médecin généraliste de faire des vacations en entreprises, ce que regrette à juste titre le Conseil de l’ordre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS AUX ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES

La Commission des affaires sociales a procédé à l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 relatifs aux accidents du travail et maladies professionnelles au cours de sa seconde séance du mardi 18 octobre 2016.

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
POUR L’EXERCICE 2017

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA BRANCHE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL
ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES

Article 36
Fixation des montants des dépenses de transfert instituées par des dispositions légales à la charge de la branche AT-MP

Cet article fixe les montants des dotations versées par la branche « Accidents du travail et maladies professionnelles » (AT-MP) du régime général :

– au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) (I) ;

– au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) (II) ;

– à la branche de l’assurance maladie du régime général, au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans les conditions précisées par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale (III) ;

– à la branche retraite du régime général, afin de compenser le coût du dispositif de retraite anticipée ouvert au titre de la pénibilité du travail, dans les conditions précisées par l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale (IV).

I. LE FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

L’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé un dispositif de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de l’amiante et leurs ayants droit. Le II dudit article prévoit que le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) prend en charge les maladies d’origine professionnelle occasionnées par l’amiante, les maladies spécifiques figurant dans l’arrêté du 5 mai 2002 ainsi que toute maladie pour laquelle le lien avec une exposition à l’amiante est reconnu par le fonds.

Le VII de l’article 53 de la loi précitée prévoit que le FIVA est financé par une contribution de la branche AT-MP, fixée chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, et par une contribution de l’État, qui relève de la loi de finances. À ces contributions annuelles, s’ajoutent les recettes correspondant aux remboursements obtenus dans le cadre des recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et de la responsabilité des employeurs publics.

Le I du présent article fixe le montant de la contribution de la branche AT-MP au financement du FIVA pour l’année 2017 à 400 millions d’euros.

L’évolution dynamique de la demande et de l’offre d’indemnisation

Depuis la création du FIVA et jusqu’au 31 décembre 2015, 90 334 victimes ont déposé un dossier de demande d’indemnisation et 134 860 autres demandes, émanant des ayants droit ou relatives à des indemnisations complémentaires à la suite d’une aggravation de la maladie, ont été enregistrées. Les dépenses d’indemnisation cumulées depuis 2002 atteignent un montant total de 4,86 milliards d’euros.

Les demandes d’indemnisation adressées au FIVA continuent d’être dynamiques, contrairement au dispositif de cessation d’activité anticipée pour les travailleurs de l’amiante (ACAATA), dont le nombre d’allocataires diminue régulièrement. Le rapport annuel du FIVA indique en effet que 20 329 nouvelles demandes d’indemnisation ont été enregistrées en 2015, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2014.

Dans le même temps, le FIVA réalise des efforts importants depuis plusieurs années pour écouler les stocks des dossiers. Le fonds a ainsi présenté 20 674 offres au cours de l’année 2015, dépassant le nombre de demandes enregistrées pour la quatrième année consécutive. Il s’agit du plus haut niveau atteint par le fonds depuis sa création. Ces résultats sont la traduction de l’amélioration des performances de l’établissement.

Le dynamisme de la demande et de l’offre d’indemnisation se poursuit en 2016. En effet, le premier semestre de l’année 2016 est marqué par une activité soutenue en termes de nouvelles demandes d’indemnisation : au 30 juin 2016, 10 652 demandes ont été reçues, soit une hausse de 0,8 % par rapport à l’année 2015. Parallèlement, le FIVA a émis 10 137 offres au cours du premier semestre.

Les délais de présentation et de paiement des offres, inférieurs aux délais légaux et réglementaires, sont également en baisse : en août 2016, le délai de décision est en moyenne de trois mois et deux semaines, le délai de paiement étant quant à lui de un mois et une semaine.

Concernant la répartition des victimes par pathologie, la tendance observée les années précédentes se confirme en 2015, avec une prépondérance des victimes atteintes de plaques pleurales et d’épaississement pleuraux (près de 54 %), leur part relative continuant toutefois de diminuer, alors que la proportion des pathologies malignes n’a cessé d’augmenter. Deux tiers des victimes sont reconnues atteintes d’une maladie professionnelle à leur entrée dans le dispositif d’indemnisation du FIVA. Les ressortissants du régime général restent toujours largement majoritaires, représentant 83,5 % des victimes indemnisées.

La fixation du montant de la contribution de la branche AT-MP au FIVA

Le tableau suivant retrace l’évolution prévisionnelle des produits et des charges du FIVA.

CHARGES ET PRODUITS DU FIVA

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

Charges

521,7

513,7

513,8

Dépenses d’indemnisation

440,3

435,4

442,3

Provisions

72,6

62,0

62,0

Charges exceptionnelles

0,1

7,3

0,0

Autres charges

8,7

9,0

9,5

Produits

505,7

542,5

499,5

Subvention branche AT-MP

380,0

430,0

400,0

Subvention État

9,2

12,3

7,4

Reprises sur provisions

79,9

70,0

62,0

Autres produits

36,6

30,2

30,2

Résultat

-16,1

28,8

-14,2

Investissements

0,8

0,6

0,6

Variation du fonds de roulement

-24,1

20,2

-14,8

Fonds de roulement N

84,8

105,0

90,1

Source : données comptables FIVA pour 2015, prévisions DSS pour 2016 et 2017.

– Des dépenses d’indemnisation qui resteraient dynamiques :

En 2015, les dépenses nettes du FIVA s’élèvent à 521,7 millions d’euros, soit un montant stable par rapport à 2014.

En 2016 et 2017, les prévisions de dépenses du FIVA s’élèvent à 514 millions d’euros par an, dont respectivement 435 millions d’euros et 442 millions d’euros au titre des dépenses d’indemnisation. Le nombre de nouvelles demandes de victimes serait stable par rapport à 2015 et s’établirait à près de 7 000 chaque année, tandis que le nombre de nouvelles demandes d’ayants droit serait en augmentation d’environ 5 % par an et atteindrait près de 14 000 demandes en 2016 et 14 750 demandes en 2017.

Compte tenu de ces hypothèses d’évolution, les dépenses d’indemnisation s’établiraient à 435 millions d’euros pour l’année 2016 et 442 millions d’euros pour l’année 2017.

À ces dépenses s’ajoutent les dotations aux provisions, qui s’élèvent à 62 millions d’euros en 2016 et en 2017, les dépenses de gestion administrative, (9 millions d’euros en 2016, 9,5 millions d’euros en 2017), ainsi que les charges exceptionnelles qui, en 2016, atteindraient 7,3 millions d’euros du fait d’une remise de créances votée en loi de finances pour 2016.

Au total, le montant des dépenses serait de 513,7 millions d’euros pour 2016 et de 513,8 millions d’euros pour 2017.

– L’évolution des recettes :

En 2016, les produits du FIVA augmenteraient de 7 % en raison d’une hausse de 50 millions d’euros des subventions allouées, pour s’établir à 542 millions d’euros. Le résultat de l’exercice 2016 serait ainsi excédentaire (+ 29 millions d’euros).

Compte tenu des prévisions actualisées de dépenses et du niveau du résultat cumulé attendu fin 2016, le fonds de roulement serait alimenté de 20 millions d’euros supplémentaires en 2016, pour atteindre 105 millions d’euros.

Pour disposer d’un fonds de roulement prudentiel et couvrir les dépenses prévisionnelles de l’établissement, le fonds de roulement doit se maintenir à un niveau équivalent ou supérieur à deux mois d’indemnisation, soit environ 75 millions d’euros. Ainsi, compte tenu du niveau prévu pour 2016 du fonds de roulement, le montant global des dotations de l’État et de la branche AT-MP pourrait être diminué pour passer à 407 millions d’euros en 2017.

Le projet de loi de finances prévoyant une dotation de l’État de 7,4 millions d’euros, il semble donc justifié de fixer le montant de la dotation de la branche AT-MP à 400 millions d’euros en 2017.

Les autres recettes sont constituées du produit des actions engagées par le FIVA au titre de la faute inexcusable de l’employeur, stables sur la période (30 millions d’euros), et des reprises sur provisions, égales au montant provisionné l’année précédente, qui atteindraient 70 millions d’euros en 2016 et près de 62 millions d’euros en 2017.

Le résultat annuel du FIVA serait ainsi de 29 millions d’euros en 2016 et de 14 millions d’euros en 2017, avec un fonds de roulement de l’ordre de 90 millions d’euros.

II. LE FONDS DE CESSATION D’ACTIVITÉ ANTICIPÉE DES TRAVAILLEURS DE L’AMIANTE

L’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a instauré une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) accessible aux salariés du régime général ou du régime AT-MP des salariés agricoles atteints de maladies professionnelles liées à l’amiante, ou aux salariés et anciens salariés ayant travaillé au sein d’établissements « de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales ».

Cette allocation est financée par le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA), créé par le III de l’article 41 de la loi précitée. La gestion du FCAATA est assurée par la Caisse des dépôts. Aux termes dudit article, les ressources du FCAATA sont constituées :

– d’une fraction égale à 0,31 % des droits à tabac (articles 575 du code général des impôts) ;

– d’une contribution de la branche AT-MP du régime général, dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale ;

– d’une contribution de la branche AT-MP du régime des salariés agricoles, dont le montant est fixé annuellement par arrêté.

La baisse continue des dépenses du FCAATA

Depuis la création du fonds, on observe un ralentissement continu puis une décroissance de ses dépenses, qui traduisent la fin de la montée en charge du dispositif en 2008. Les dépenses du fonds sont directement liées au nombre d’allocataires, qui, après avoir connu une très forte croissance, décroît régulièrement.

Parmi eux, le nombre de salariés auxquels le droit à l’allocation est ouvert en raison d’une maladie professionnelle liée à l’exposition à l’amiante continue de décroître : ils étaient 1 158 en 2006, soit environ 18 % des entrées, et ne sont plus que 330 en 2015, soit 9 % des entrées. Les entrées au titre de la liste d’établissements de fabrication, flocage et calorifugeage (liste 1) restent largement dominantes : elles représentent 65 % des entrées dans le dispositif en 2014, même si elles diminuent tendanciellement (– 5 % en moyenne annuelle entre 2004 et 2015). Enfin, les entrées au titre de la liste des chantiers navals et des ports (liste 2) continuent également de diminuer, avec une baisse de 6,5 % en 2015.

La baisse de 13,4 % du nombre d’allocataires en 2015 s’est traduite par une diminution des charges relatives aux allocations de 10,7 %. Celles-ci continueraient de diminuer fortement en 2016 (– 12,1 %) et en 2017 (– 8,6 %), sous l’effet d’une poursuite de la diminution des effectifs (– 10,2 % en 2016 et
– 7,8 % en 2017).

Par ailleurs, la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a instauré un transfert à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), afin de compenser le maintien des conditions de départ à la retraite des allocataires. Ce transfert continuerait sa montée en charge, pour atteindre un montant de 134 millions d’euros en 2017. Il convient de noter à ce sujet que l’augmentation significative de ce transfert en 2015 résulte pour partie d’une surfacturation de l’ordre de 20 millions d’euros, qui doit être corrigée dans les comptes de l’exercice 2016, expliquant la baisse anticipée pour cet exercice.

Au total, les charges du fonds, qui se sont réduites de 4,6 % en 2015, devraient baisser de 13,3 % en 2016, mais seulement de 1,5 % en 2017.

La baisse tendancielle des produits, mais une augmentation de la dotation AT-MP en 2017

La dotation de la branche AT-MP représente 95 % des produits du fonds en 2015. Cette dotation s’est élevée à 693 millions d’euros en 2015 et à 600 millions d’euros en 2016.

La fraction du produit des droits sur la consommation des tabacs constitue l’autre ressource importante du fonds. Elle s’est élevée à 35 millions d’euros en 2015 et devrait engendrer un rendement similaire en 2016. Toutefois, le fonds ne devrait plus percevoir ce produit à compter de 2017, compte tenu de la modification de la répartition entre organismes des droits de consommation sur les tabacs. Par conséquent, la dotation de la branche AT-MP est appelée à augmenter pour compenser la suppression de la fraction de droits tabacs qui revenait jusqu’ici au fonds.

Ce montant devrait être augmenté dans le cadre du PLFSS pour 2017 à 626 millions d’euros.

Le fonds a été déficitaire de 14 millions d’euros en 2015. Un nouveau déficit de 8 millions d’euros serait constaté en 2016. Sous ces hypothèses, une dotation de la branche AT-MP de 626 millions d’euros en 2017, comme le prévoit le II du présent article, et un nouveau déficit de 8 millions d’euros en 2017 laisserait à l’équilibre le solde cumulé du fonds, compte tenu du résultat cumulé qui devrait s’élever à 8 millions d’euros fin 2016.

CHARGE ET PRODUITS DU FCAATA

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

CHARGES

743

644

634

CHARGES gérées par la branche AT-MP et la MSA

658

571

568

ACAATA brute

434

381

349

Prise en charge de cotisations d’assurance vieillesse volontaire

98

85

78

Charge de gestion branche ATMP et MSA

9

8

7

Transfert à la CNAV (compensation départs dérogatoires à la retraite)

118

97

134

CHARGES gérées par la CDC (prise en charge des cotisations retraite complémentaire)

85

73

66

PRODUITS

729

636

627

Contribution de la branche AT-MP

693

600

626

Contribution de la MSA

0,3

0,3

0,3

Droits sur les tabacs (centralisés par la CDC)

35

35

0

Résultat net

-14

-8

-8

Résultat cumulé depuis 2000

16

8

0

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale pour 2015, prévisions DSS pour 2016 et 2017.

III. LA SOUS-DÉCLARATION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES

En application de l’article L. 461-5 du code de la sécurité sociale, la déclaration d’une maladie professionnelle incombe au salarié, contrairement à la déclaration d’un accident du travail qui est une obligation de l’employeur.

Or pour des raisons multiples, liées par exemple à la méconnaissance de l’origine professionnelle d’une affection, à la complexité de la procédure de la déclaration, à la formation et à l’information insuffisantes des professionnels de santé ou encore à des pressions de certains employeurs pour se soustraire à leur obligation, certaines dépenses engendrées par des pathologies d’origine professionnelle ou des accidents subis sur le lieu de travail sont prises en charge par l’assurance maladie, et non par la branche AT-MP.

En conséquence, l’article L. 176-1 du code de la sécurité sociale, issu de l’article 30 de la loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997, instaure le principe d’un « versement annuel » à la charge de la branche AT-MP au profit de la branche maladie du régime général. Ce versement a pour objet de compenser les dépenses engagées par cette dernière au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles non déclarés comme tels. L’article L. 176-2 du même code précise que le montant de ce versement est fixé annuellement par la loi de financement de la sécurité sociale.

Le III du présent article fixe à un milliard d’euros le montant du versement de la branche AT-MP vers la branche maladie du régime général pour l’année 2017, soit un montant identique à celui fixé en 2015 et en 2016.

Les critères permettant de fixer le montant de la sous-déclaration

Comme cela a été rappelé ci-dessus, une commission est chargée de remettre tous les trois ans aux membres du Parlement et au Gouvernement un rapport permettant d’évaluer le coût réel, pour la branche maladie, de la sous-déclaration des AT-MP. Le dernier rapport de cette commission a été présenté en juillet 2014.

Pour déterminer la fourchette de sous-évaluation, la commission réalise une estimation de l’écart entre le nombre de cas d’accidents ou de maladies théoriquement imputables à l’activité professionnelle et le nombre de cas effectivement reconnus par la branche AT-MP. Outre les accidents du travail, cinq grands groupes de pathologies, inchangés depuis 2011, ont été examinés par la commission : les cancers professionnels, les principales affections périarticulaires et du rachis lombaire, l’asthme et les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO), les dermatoses et la surdité.

La commission s’appuie principalement sur des données épidémiologiques pour établir une estimation du nombre de cas sous-déclarés, qu’elle rapporte aux données de coût moyen par pathologie fournies par la branche AT-MP.

La reconduction, pour la troisième année consécutive, du montant d’un milliard d’euros versé à la branche maladie

Le montant du versement dû par la branche AT-MP à la branche maladie du régime général n’a cessé d’être revu à la hausse, passant de 137 millions d’euros en 1997 à un milliard d’euros en 2015. Le III propose de reconduire ce montant symbolique en 2017, comme ce fut le cas en 2016.

Le rapporteur ne reviendra pas, à ce stade, sur les interrogations légitimes que suscitent chez de nombreux acteurs les modalités d’évaluation du montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et dont il est largement fait état dans l’exposé général ci-dessus.

La méthode consistant à confier à une commission le soin de déterminer le montant de la « taxe » due par la branche AT-MP à la branche maladie, sans qu’y soient associés les partenaires sociaux et alors que le chiffre d’un milliard d’euros est avancé sans évaluation précise à l’appui, contribue à semer le doute sur l’objectivité des critères retenus.

La diminution du montant de ce versement, qui pèse sur les charges des entreprises, pourrait permettre le financement d’actions de prévention dans les entreprises.

IV. LE DISPOSITIF DE DÉPART EN RETRAITE ANTICIPÉE AU TITRE DE LA COMPENSATION DE LA PÉNIBILITÉ

L’article 79 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a instauré un dispositif de retraite anticipée ouvert au titre de la pénibilité du travail. Codifié à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, ce dispositif permet d’abaisser à 60 ans l’âge légal d’ouverture du droit à pension et de calculer la pension de retraite au taux plein, même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général ou dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires. Il est ouvert aux assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 10 %, reconnu au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail « ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle ».

Conformément à l’article L. 241-3 du même code, les dépenses supplémentaires liées à ce dispositif sont financées par le versement d’une contribution de la branche AT-MP à la branche retraite.

Fixée chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, cette contribution s’est élevée à 35 millions d’euros en 2011 puis à 110 millions d’euros en 2012, avant d’être réduite à zéro à partir de l’année 2013, en raison de ressources suffisantes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et de départs anticipés moins nombreux que prévus.

Toutefois, les projections de la CNAV portant sur le nombre de départs en retraite anticipée au titre de ce dispositif, estimé à 3 000 bénéficiaires par an, ont fait apparaître un besoin de financement de 44,7 millions d’euros en 2016, qui n’était pas couvert par les dotations antérieures de la branche AT-MP. Cela a nécessité une dotation rectificative de 44,7 millions d’euros pour l’exercice 2016.

Pour l’année 2017, la branche retraite évalue le coût du dispositif à 59,8 millions d’euros, ce qui nécessite une dotation équivalente en provenance de la branche AT-MP, comme le propose le IV du présent article.

*

La Commission examine l’amendement AS43 de M. Arnaud Viala, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

M. Arnaud Viala, rapporteur. Cet amendement consiste à supprimer le versement annuel de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) au bénéfice du régime général, au titre des maladies professionnelles et accidents du travail non déclarés comme tels.

Multiplié par huit depuis 1997, le montant de ce versement est fixé cette année, pour la troisième année consécutive, à un milliard d’euros, sur les bases des travaux d’une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes, qui a évalué entre 695 millions et 1,3 milliard d’euros, soit une fourchette particulièrement large et imprécise, l’ampleur de la sous-évaluation de ces accidents et maladies.

Faute d’éléments précis de nature à justifier l’augmentation continue de ce prélèvement depuis près de vingt ans, qui prive la branche AT-MP d’une capacité d’innovation et de prévention et du bénéfice des efforts engagés pour parvenir à un solde excédentaire, je propose de le supprimer.

M. Gérard Sebaoun. Je ne puis croire que vous croyiez vraiment ce que vous dites. Nous disposons, sur cette question de la sous-déclaration, du rapport Diricq, qui a établi l’existence du phénomène et souligné que le versement se bornait à rendre au régime général ce qu’il dépense pour toutes ces maladies non reconnues par la branche AT-MP. Je comprends certes que tous les partenaires sociaux, tant du côté syndical que patronal, mettent en avant l’idée de développer plutôt la prévention, mais la pratique actuelle de la sous-déclaration revient, dans les faits, à s’octroyer à soi-même un magot qui devrait revenir au régime général, puisque c’est lui qui finance en définitive la prise en charge des maladies et accidents faisant l’objet de cette sous-déclaration.

Mme Isabelle Le Callennec. Je vois pour ma part dans ce prélèvement une ponction d’un milliard d’euros par an, qui vient simplement se fondre dans la masse des dépenses du régime général. Celui-ci prend-t-il vraiment en charge pour un tel montant les conséquences de conditions de travail défavorables ?

Nous devrions plutôt travailler sur les causes de la sous-déclaration et sur la prévention. Vous êtes très attachés au compte de prévention de la pénibilité, mais les entreprises veulent œuvrer, elles aussi, à l’amélioration des conditions de travail.

Lors de la réforme des retraites de 2010, un budget de 20 millions d’euros avait été alloué à la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS). Quand je suis devenue députée en 2012 et que je me suis renseignée, j’ai appris que cette somme avait été employée à d’autres fins, au motif qu’il n’y aurait pas eu de demandes de la part des entreprises ! Cela fait mal au cœur, et je parle d’expérience, car nous connaissons en Bretagne un taux de TMS deux fois supérieur à la moyenne française. Que devient cet argent, alors que la prévention pourrait être développée ?

Mme Jacqueline Fraysse. Ce propos est surréaliste. Plusieurs rapports ont pourtant montré que le reversement est nettement inférieur aux dépenses causées au régime général d’assurance maladie par la sous-déclaration. Si vous ne savez pas à quoi sert l’argent de l’assurance maladie, renseignez-vous donc !

Je suis d’accord avec vous sur un point, cependant : nous devons travailler ensemble à une meilleure prévention et à une meilleure reconnaissance des AT-MP, parmi lesquelles le burn-out. J’avais déposé un amendement en ce sens, qui n’a pas été retenu.

Reste qu’il est nécessaire de rembourser à l’assurance maladie les dépenses qu’elle encourt de manière indue.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 36 sans modification.

*

* *

Article 37
Objectifs de dépenses de la branche « Accidents du travail – maladies professionnelles » pour 2017

En application du 2° du D du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, cet article a pour objet d’établir les objectifs de dépenses de la branche « Accidents du travail et maladies professionnelles » (AT-MP) pour l’année 2017.

Le fixe donc, pour 2017, à 13,5 milliards d’euros l’objectif de dépenses de la branche AT-MP pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et le à 12,1 milliards d’euros l’objectif de dépenses de la branche pour le seul régime général.

I. UNE AUGMENTATION CONTENUE DES DÉPENSES EN 2016

D’après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociales en septembre dernier, les dépenses de prestations sociales progresseraient en 2016 de 1,4 % par rapport à 2015, en raison principalement de l’augmentation des dépenses de prévention, qui connaîtraient une hausse de 18 % après une diminution de 4,1 % en 2015.

Les prestations entrant dans le champ de l’ONDAM ralentiraient par rapport à 2015, du fait notamment de dépenses d’indemnités journalières moins dynamiques. Par ailleurs, la baisse de 12,2 % des allocations de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) et une croissance des prestations d’incapacité permanente limitée à 0,8 % participeraient à l’atténuation de la croissance des charges.

Les autres dépenses, constituées notamment des transferts versés par la branche AT-MP à d’autres régimes de sécurité sociale et à des fonds, mais aussi des dépenses de gestion administrative, progresseraient en 2016 à un rythme sensiblement inférieur à celui de 2015. La hausse de 50 millions de la dotation au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) serait atténuée par la baisse des transferts versés à d’autres régimes de sécurité sociale.

L’excédent de la branche AT-MP devrait se contracter en 2016 pour s’établir à 659 millions d’euros, contre 750 millions d’euros en 2015, en raison d’un ralentissement de la croissance des recettes.

II. LA POURSUITE DU RALENTISSEMENT DES CHARGES EN 2017

Les objectifs de dépenses de la branche AT-MP envisagés dans le présent article sont quasi stables par rapport à 2016. L’objectif de dépenses fixé pour le régime général augmente ainsi de 100 millions d’euros, celui fixé pour l’ensemble des régimes de base augmentant en conséquence du même montant.

Cette faible augmentation des dépenses (+ 0,74 %) s’expliquerait par une très légère croissance des dépenses de prestations sociales. Parmi celles-ci, les prestations entrant dans le champ de l’ONDAM seraient en hausse de 4 %, tandis que les prestations hors ONDAM augmenteraient de 1,7 %.

Les dépenses de transfert seraient quant à elles quasi stables en 2017
(– 0,2 %).

Cette augmentation ténue des dépenses devrait se traduire par une légère contraction de l’excédent de la branche en 2017, qui s’élèverait à 637 millions d’euros.

ÉVOLUTION DES CHARGES ET DES PRODUITS DE LA BRANCHE AT-MP

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Charges nettes

11 333

11 653

11 858

12 029

12 150

Prestations sociales nettes

8 267

8 747

8 811

8 935

9 068

Transferts

1 710

2 010

2 145

2 178

2 175

Charges de gestion courante

919

892

894

906

898

Autres charges nettes

7

5

7

10

8

Produits nets

11 971

12 344

12 607

12 688

12 787

Solde

638

691

750

659

637

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, prévision pour 2016 et 2017.

*

La Commission adopte l’article 37 sans modification.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (CISME) – M. Serge Lesimple, président, M. Martial Brun, directeur général, et Mme le Dr Corinne Letheux, médecin conseil

Ø Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) (*) – M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales, M. Patrice Heurtaut, directeur de la santé-sécurité au travail, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

Ø Cabinet Pradel – Mme Perle Pradel, avocate, M. Camille Pradel, avocat, et Mme Véronique Branger, conseil en communication

Ø Table ronde Organisations syndicales de salariés

– Confédération générale du travail (CGT) – M. Jean-François Naton, conseiller confédéral en charge du travail, de la santé et de la protection sociale, et M. Jérôme Vivenza, membre de la direction confédérale

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) (*) – M. Philippe Le Clezio, service protection sociale, et M. Philippe Cuignet, administrateur à la Commission AT-MP

– Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) – Mme Jocelyne Marmande, secrétaire confédérale du secteur protection sociale, Mme Salomé Mandelcwajg, assistante confédérale au secteur protection sociale, et M. Mohand Meziani, membre suppléant FO à la Commission AT-MP

– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) –  M. Jean-Francois Gomez, délégué national, et M. Christian Expert, expert confédéral

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Ø Table ronde Organisations professionnelles d’employeurs

– Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) – Mme Delphine Benda, directrice de la protection sociale, Mme Nathalie Buet, directrice adjointe à la Direction de la protection sociale, et Mme Marine Binckli, chargée de mission à la direction des affaires publiques

– Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-Michel Pottier, vice-président en charge des affaires sociales et de la formation, et M. Philippe Chognard, conseiller à la direction des affaires sociales et de la formation

– Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement

Ø Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) – Mme Agnès Plassart, directrice

Ø Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) – M. Arnaud de Broca, secrétaire général, et M. Philippe Karim Felissi, conseiller national

Ø Fédération française de l’assurance (FFA) (*) – M. Stéphane Penet, directeur des assurances de dommages et de responsabilités, Mme Elisabeth Le Cheualier, chargée du marché automobile au sein du département assurances automobile, particuliers et ACPS, M. Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires, et Mme Viviana Mitrache, conseillère parlementaire

Ø Commission des accidents du travail de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CAT-CNAMTS) – Mme Nathalie Buet, présidente, et M. Jean-François Naton, vice-président

Ø Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) – M. Stéphane Pimbert, directeur général, et Mme Marie Defrance, responsable des relations institutionnelles

Ø Conseil national de l’Ordre des Médecins – Dr Christian Bourhis, conseiller national, membre de la section exercice professionnel du CNOM, Dr François-Xavier Ley, trésorier du CROM chargé de mission « médecine du travail » au CNOM et M. Francisco Jornet, directeur des services juridiques

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Ø Association nationale des victimes de l’amiante (ANDEVA) – M. Alain Bobbio, président de l’Adeva 93, M. Serge Moulinneuf, président de l’Adeva centre, M. Auguste Leroy, conseiller technique, Association Caper Bourgogne, et Mme Carine Toutain, juriste

Ø Direction de la sécurité sociale (DSS) – M. Thomas Fatome, directeur, et Mme Clotilde Ory-Durand, chef du bureau des accidents du travail et des maladies professionnelles

Ø Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels, et Mme Anne Thiebeauld, directrice-adjointe

Ø Ministère de la Défense – M. Patrice Viance, service de santé des armées, Mme Valérie Le Gleut, direction des ressources humaines, Mme Christine Mounau-Guy, conseillère parlementaire, et M. Guillaume Gouffier-Cha, conseiller technique en charge des relations avec le Parlement et les élus

© Assemblée nationale

1 () Source : Pôle emploi

2 () Transformation numérique et vie au travail, Bruno Mettling, septembre 2015.

3 () Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2008.