SOMMAIRE
Présidence de M. Claude Bartolone
1. Hommage à un soldat mort au Mali
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
3. Souhaits de bienvenue à deux candidates reçues au baccalauréat
4. Questions au Gouvernement (suite)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
Intervention du Président de la République
M. Manuel Valls, Premier ministre
M. Manuel Valls, Premier ministre
Loi de programmation militaire
M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire
Interpellation de manifestants lors des cérémonies du 14 juillet
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
M. Manuel Valls, Premier ministre
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social
Outil numérique dans l’enseignement
M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
Politique économique du Gouvernement
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
M. Manuel Valls, Premier ministre
Financement de l’aide juridictionnelle
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique
Suspension et reprise de la séance
Présidence de Mme Laurence Dumont
5. Projet de loi de finances rectificative pour 2014
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
Suspension et reprise de la séance
M. Christian Eckert, secrétaire d’État
M. Christian Eckert, secrétaire d’État
M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Motion de renvoi en commission
M. Roger-Gérard Schwartzenberg
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget
Première partie
Amendements nos 28 , 65 , 66 et 67
Amendements nos 79 , 56 , 63 , 57 , 60
Amendement no 130
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés et les membres du
Gouvernement se lèvent), l’adjudant-chef Dejvid Nikolic, du
1er régiment étranger de génie de Laudun-l’Ardoise,
dans le Gard, a trouvé la mort hier au Mali, lors d’une opération de
reconnaissance. Six autres de ses camarades ont été blessés au cours de cette
mission. À ces victimes, je transmets le soutien de l’Assemblée nationale, et
j’adresse à la famille de M. Dejvid Nikolic, ainsi qu’à ses proches, nos
condoléances.
Je tiens une nouvelle fois, en votre nom à tous, à saluer le
courage et le dévouement de nos soldats mobilisés dans des opérations
extérieures.
Je vous invite à observer une minute de silence.
(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent
une minute de silence.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, alors que notre assemblée entame
aujourd’hui l’examen de la réforme territoriale, l’Association des
maires de France, dans la diversité de ses sensibilités, vient d’alerter
sur le risque de paralysie de l’action locale. La création de grandes
régions et de grandes intercommunalités, la mort programmée des
départements, l’asphyxie progressive des communes, privées de moyens
financiers, et la déstabilisation des services publics de proximité qui
en résultera auront immanquablement des conséquences directes sur la vie
quotidienne des Français. (Applaudissements sur les bancs des
groupes GDR, UMP et UDI.)
Comme le souligne avec
gravité l’Union nationale des acteurs et des structures de développement
local, là où il fallait rapprocher l’élu du citoyen et favoriser
l’engagement de tous dans le bon fonctionnement de la cité en s’appuyant
sur le vivre- et le faire-ensemble, on va à nouveau accentuer les
distances, creuser les écarts entre les riches et les pauvres, segmenter
la responsabilité publique, renforcer le sentiment d’abandon. En quoi la
réorganisation territoriale annoncée permettra-t-elle aux Français de
vivre mieux ? En quoi va-t-elle développer la démocratie locale et
favoriser l’intervention des citoyens ?
Monsieur le Premier
ministre, les véritables enjeux vont bien au-delà de la refonte de la
carte régionale. Ils légitiment la demande d’un grand débat national
pour refonder la République, ils légitiment l’exigence un
référendum.
M. Alain Suguenot. Très bien !
M. Marc Dolez. Ce n’est pas la voie que vous avez choisie. La crise de confiance que connaît le pays devrait pourtant vous convaincre de sa justesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction
publique. Monsieur le député Marc Dolez, l’Association des maires de France a
fait plusieurs remarques, et je répondrai d’abord en rappelant
l’objectif que se sont fixé les gouvernements depuis 2012 : d’abord,
permettre aux territoires d’être facteurs de développement en
rassemblant, au niveau des régions, toutes les forces destinées à aider
nos entreprises à se développer, en particulier les plus jeunes d’entre
elles ; ensuite, renforcer l’intercommunalité. Nous aurons donc un
couple région-intercommunalité, qui doit assurer le redressement de
notre pays. Entre les deux, effectivement, monsieur Dolez, il y a les
départements qui, dans les zones urbaines, déjà, par convention, vont
transférer au 1er janvier 2017 un certain nombre de
compétences, et un débat important va s’ouvrir sur le transfert de ce
qui concerne la solidarité, à la fois la solidarité nationale et la
solidarité territoriale.
L’AMF met surtout l’accent sur les schémas
prescriptifs et sur l’intercommunalité. Comment avoir des documents
d’urbanisme, des plans locaux d’urbanisme, des schémas de cohérence
territoriale qui prennent en compte le redressement de notre pays si
nous n’avons pas un schéma régional global d’aménagement du territoire,
avec des infrastructures et une action publique renforcées ?
Enfin,
monsieur Dolez, comment sauver les communes de France ? L’AMF les
désigne à juste titre comme le premier fondement de notre République.
Comment le faire sinon en reconnaissant qu’avec plus de 80 % des
financements mis en commun par des structures au second degré – nous
pourrons demander à la population, plus tard, bien après 2017, si elle
est d’accord ou pas pour que telle orientation, par exemple la petite
enfance, soit choisie –, les intercommunalités sont l’avenir des
communes, monsieur Dolez ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe SRC.)
M. le président. Avant de donner la parole à M. Jacques Krabal, permettez-moi, même si ce n’est pas habituel, de saluer la présence dans les tribunes de deux bachelières, qui sont les première et troisième meilleures bachelières de France. Elles sont issues du lycée de Villers-Cotterêts. Ce sont Mlles Myriam Bourhail et Jane Marchand. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.) Elles seront sensibles à vos félicitations unanimes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Jacques Krabal. Merci, monsieur le président, de mettre à l’honneur ces deux jeunes
filles. Associons-y le proviseur adjoint du lycée européen de
Villers-Cotterêts et leurs parents, qui sont également présents. C’est
un grand moment de fierté. Cela montre que dans les territoires ruraux
comme dans la petite ville moyenne, l’ascenseur social peut être une
réalité, et que la diversité est un atout pour notre pays. Merci.
Ma
question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec
le Parlement. La réforme du permis de conduire est indispensable, elle
s’impose. En effet, l’accès au papier rose, comme le baccalauréat, est
un sésame pour l’autonomie, il est également un sésame pour l’emploi et
pour l’émancipation.
La suppression du service militaire, en 2000, a
provoqué une augmentation du nombre de candidats dans les auto-écoles,
le permis ne pouvant plus s’obtenir autrement. D’autre part,
l’allongement de la durée de l’épreuve, du fait d’une directive
européenne, a imposé une contrainte supplémentaire, qui aurait dû être
compensée par le recrutement de nombreux inspecteurs du permis de
conduire. Cela n’a pas été fait.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés
à une situation inacceptable : le renforcement des inégalités sociales
et territoriales, et surtout dans les zones rurales. D’ailleurs, la
France compte parmi les plus mauvais élèves européens, avec 40 %
d’échecs à l’examen de conduite et des délais trois à quatre fois
supérieurs à la moyenne européenne pour repasser l’épreuve. Ces délais
se traduisent bien évidemment par des coûts supplémentaires, le permis
pouvant revenir à 2 000 ou 3 000 euros, charge qu’un grand nombre de
familles ne peuvent pas assumer.
Monsieur le secrétaire d’État,
j’aimerais que vous puissiez nous indiquer les dispositifs que vous
comptez mettre en œuvre pour remédier à cette situation fortement
pénalisante pour nos jeunes dans leur parcours d’accès à l’emploi, mais
aussi à la culture, au sport et aux loisirs. (Applaudissements
sur les bancs du groupe RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le
Parlement. Monsieur le député Jacques Krabal, comme vous l’avez souligné, nous
avons souhaité réformer le permis de conduire pour soutenir les jeunes,
qui ont besoin de ce document pour gagner en autonomie, pour avoir un
emploi, pour gagner en pouvoir d’achat. Notre objectif est de réduire
les délais d’attente après le premier échec pour permettre aux jeunes
d’obtenir le permis de conduire plus rapidement. L’enjeu, c’est que le
délai après le premier échec n’excède pas quarante-cinq jours. Chaque
mois de délai gagné, c’est aussi 200 euros d’économie.
Notre réforme
vise à libérer des places d’examen pour réduire les délais d’attente.
Nous ferons donc appel à d’autres agents publics que les inspecteurs,
ainsi qu’à des retraités de la gendarmerie et de la police, pour les
épreuves du code du permis de conduire. Nous proposerons également de
supprimer une question et une manœuvre afin de gagner trois minutes dans
l’examen pratique du permis de conduire. Cela permettra chaque jour à un
jeune de plus de passer le permis de conduire ; 260 000 examens annuels
seront ainsi ouverts.
Le Gouvernement souhaite aller plus loin, en
prévoyant qu’à partir de 2015 le permis poids lourds, lorsqu’il est
passé dans le cadre de la formation professionnelle, soit validé en lien
avec ces organismes de formation, et non plus simplement en présence
d’inspecteurs dédiés à cet effet.
Enfin, nous souhaitons donner un
nouvel élan à la conduite accompagnée, en étudiant la possibilité de
débuter l’apprentissage dès quinze ans et de travailler à rendre la
conduite accompagnée plus accessible. Cela permettra que les stages
coûtent en moyenne 500 euros de moins.
Voilà, monsieur le député,
les engagements du Gouvernement sur cette question importante dans la
vie quotidienne des jeunes Français.
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Éric Ciotti. Monsieur le Premier ministre, les Français ont assisté hier, médusés,
au spectacle étonnant d’un Président de la République auto-satisfait,
ravi de lui-même, enfermé dans un profond déni de réalité.
(Exclamations sur les bancs du groupe
SRC.)
Après avoir promis – avec le succès que l’on
connaît – l’inversion de la courbe du chômage, M. Hollande perçoit
désormais – hélas !, il est bien le seul – la reprise
économique.
M. Matthias Fekl. Faites donc le ménage chez vous !
M. Éric Ciotti. Les Français, naturellement, ne sont pas dupes.
Plus grave
peut-être, hier, lors de cette intervention, le Président de la
République s’est aventuré sur le chemin de la division des Français.
(Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe
SRC.)
M. Thomas Thévenoud. C’est vous qui divisez les Français !
M. Éric Ciotti. En prônant, une fois de plus, le droit de vote pour les étrangers,
M. Hollande joue aux apprentis sorciers avec les communautarismes qui
menacent notre nation.
En promettant la proportionnelle aux
élections législatives, M. Hollande joue également aux apprentis
sorciers avec nos institutions.
En laissant Mme Taubira réfléchir à
l’extension de l’excuse de minorité jusqu’à vingt et un ans pour les
délinquants, vous jouez également, monsieur le Premier ministre, aux
apprentis sorciers !
Cela est grave : ces provocations ne peuvent
qu’aboutir à des fractures, des divisions, des tensions dans notre
société. Nous savons, hélas, quel est le but ; il est limpide : faire
monter les extrêmes et les faire entrer à l’Assemblée nationale !
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur
certains bancs du groupe UDI. – Protestations
sur les bancs des groupes SRC et
écologiste.) La ficelle est grosse !
Cette manœuvre est évidemment électoraliste.
Ma question, monsieur
le Premier ministre, est donc simple : quand arrêterez-vous de jouer
avec la République à des fins bassement électorales ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP et sur certains bancs du groupe
UDI. – Exclamations sur
les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, le 14 juillet est un jour important pour notre
nation. C’est ainsi que le Président de la République l’a vécu, comme
chacun d’entre vous, à n’en pas douter.
Il s’agit d’un moment de
rassemblement autour de nos armées. Je m’associe, au nom du
Gouvernement, à l’hommage rendu par votre Assemblée à l’adjudant-chef
Nikolic, tué hier en opération au Mali. Ce soldat est mort pour la
France et pour nos valeurs le jour de la fête nationale.
Le
14 juillet est un jour de fraternité et de rassemblement civique lors
duquel s’expriment toutes nos valeurs. Tel était, je crois, le sens du
beau défilé qui a eu lieu : illustrer le rassemblement, non seulement de
nos armées, mais aussi de tous les pays qui étaient représentés. Cette
année, en effet, nous célébrons le centième anniversaire de la Première
guerre mondiale.
Le 14 juillet, c’est le jour où la France se
rassemble autour de ses valeurs, celles de la République.
M. Julien Aubert. Vous ne répondez pas à la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Or, monsieur Ciotti, je ne me suis pas retrouvé dans les termes que
vous avez employés pour qualifier l’intervention du Président de la
République. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC et sur plusieurs bancs du groupe
écologiste. – Exclamations sur les bancs du
groupe UMP.)
J’y ai même vu
– permettez-moi de vous le dire – une contradiction.
M. Georges Fenech M. Julien Aubert et M. Philippe Meunier. Répondez à la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans le ton comme dans les mots que vous avez utilisés, j’ai reconnu
les ferments de la division. J’ai retrouvé le discours qui a fait tant
de mal à la France, au cours du quinquennat précédent
(Protestations sur les bancs du groupe UMP),
qui consiste à dresser en permanence les Français les uns contre les
autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et
écologiste.) Immigration,
étrangers : je regrette de devoir vous dire que c’est bien vous,
monsieur Ciotti, qui, par votre question, apportez la mauvaise réponse.
Ce dont notre pays a besoin, c’est de rassemblement.
Plusieurs députés du groupe UMP . Et alors ? Répondez à la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce dont notre pays a besoin, c’est de vivre les valeurs de la
République, notamment la laïcité.
Parce que vous êtes en difficulté
sur les questions économiques, parce que vous ne savez pas trouver la
bonne réponse à la politique réformatrice du Gouvernement, parce que
vous êtes divisés, vous divisez notre pays. (Protestations sur
les bancs du groupe UMP.)
M. Pierre Lellouche. On veut des résultats !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Gouvernement n’a qu’une seule ligne : rassembler, rassembler, toujours rassembler les Français. Nous ne ferons jamais le choix de la division, car les Français ont plus que jamais besoin de se rassembler et de se retrouver autour des valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Romain Colas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Romain Colas. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Contrairement à
ce qu’affirmait il y a un instant M. Ciotti, le 14 juillet, son défilé,
son cortège de manifestations festives et conviviales dans les villes et
villages de France, ont marqué la profonde aspiration des Français au
rassemblement : rassemblement autour des valeurs républicaines et de
l’ambition toujours nécessaire pour bâtir une communauté de destin ;
rassemblement derrière nos armées – notre groupe s’associe pleinement à
l’hommage rendu par le président de l’Assemblée nationale, M. Claude
Bartolone, au sous-officier tombé hier en opération au Mali, ainsi qu’à
ses camarades blessés ; rassemblement, enfin, derrière un projet, un
cap, car les Français attendent de leurs dirigeants clarté, ambition,
responsabilité et courage.
N’en déplaise à M. Ciotti, c’est bien ce
cap que notre majorité entend tenir, comme l’a rappelé hier avec force
le Président de la République.
Oui, nous avons le devoir de mettre
en œuvre des réformes ambitieuses jusqu’à la dernière minute du
quinquennat : réforme territoriale, dont l’examen démarre aujourd’hui à
l’Assemblée, pour moderniser la structure politique et administrative de
notre pays ; pacte de responsabilité et de solidarité, qui mobilise
toutes les énergies pour remporter la bataille de l’emploi, de la
justice et de la compétitivité ;…
Un député du groupe UMP . Vous n’y croyez pas !
M. Romain Colas. …soutien à l’investissement, public comme privé, ainsi que l’a
rappelé la semaine dernière Arnaud Montebourg ; engagement pour mieux
répartir les efforts et redonner du pouvoir d’achat aux classes
populaires et moyennes ; enfin, détermination pour redresser les comptes
publics, qui sont gravement affectés, notamment à cause des errements
budgétaires du précédent quinquennat. (Exclamations sur
les bancs du groupe UMP. –
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
SRC.)
Notre majorité est et sera au rendez-vous ; elle
sera à la hauteur des défis auxquels la France doit faire face. Nous
connaissons les attentes de nos concitoyens ; nous avons chevillée au
corps la volonté de les servir. (Applaudissements sur les
bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du
groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, permettez-moi de saluer le nouveau député
qu’est M. Colas. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.) Je tenais d’autant plus à le saluer qu’il est un
élu du département de l’Essonne. (Sourires.)
M. Christian Jacob. Il n’y a pas eu d’élection partielle !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, même sur ce point vous essayez de nous diviser, mais
vous n’y arriverez pas. Ayez un peu d’humour et faites preuve d’un peu
de sensibilité. Laissez-moi également saluer un représentant de mon
département. (Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.)
Vous avez eu raison, monsieur Colas, de
rappeler ce qui nous rassemble autour des valeurs du 14 juillet, de
notre fête nationale – comme je l’ai fait il y a un instant. Mais le
14 juillet n’est pas uniquement un moment de commémoration ou de
souvenir. Au-delà du rassemblement du pays autour de nos armées, c’est
aussi le moment de tracer des perspectives pour l’avenir. C’est bien ce
que le Président de la République a fait hier.
Je ne
reviendrai pas sur tous les éléments que vous venez de rappeler ; ils
prouvent que la politique que nous menons est cohérente, déterminée et
réformatrice.
Elle est cohérente, d’abord, car toutes nos actions se
complètent, s’ajoutent pour atteindre nos objectifs, à savoir la
croissance et l’emploi, qui sont des moteurs essentiels pour notre pays.
La diminution de l’impôt sur le revenu est attendue. Elle concernera
3,7 millions de ménages dès septembre prochain, dont 1,9 million
sortiront de l’impôt sur le revenu. Le chef de l’État l’a rappelé une
nouvelle fois : cette baisse nécessaire, notamment pour les classes
moyennes, se poursuivra en 2015.
M. Laurent Wauquiez. Vous assommez les Français d’impôts !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous sommes déterminés, avec la majorité, car nous devons affronter de grandes difficultés et relever de grands défis. Nous les surmonterons et nous tiendrons le cap, comme le Président de la République l’a également rappelé. Ce cap, c’est celui d’une France plus juste, plus innovante, une France qui va de l’avant. Vous avez eu raison de rappeler l’intervention faite la semaine dernière par Arnaud Montebourg, qui s’attaque aux privilèges et à la rente.
M. Julien Aubert. Il faudrait commencer par les régimes spéciaux !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Notre pays est trop bloqué par ces privilèges et par ces rentes :
nous avons besoin de tourner davantage notre économie vers l’innovation.
Cela concerne, bien sûr, les grandes entreprises, mais aussi, au premier
chef, les PME et les PMI.
Enfin, notre politique est réformatrice,
car rien n’est pire que l’immobilisme et l’enlisement. Il faut avancer.
À cet égard, vous commencez aujourd’hui l’examen du projet de loi
relatif à la délimitation des régions. Or on voit bien à quel point,
au-delà du débat habituel entre progressistes et conservateurs, un autre
clivage existe, qui oppose partisans de la réforme et partisans de
l’immobilisme.
Monsieur le député, plus que jamais, la majorité, le
Gouvernement et le Président de la République incarnent les réformes
dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les bancs du
groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe
écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Philippe Meunier. Ma question s’adresse au ministre de la défense. Avant de la poser,
je souhaite, au nom de notre groupe, rendre hommage au sous-officier
français du 1errégiment étranger de génie, mort
pour la France au Mali, lundi 14 juillet. Qu’il me soit également permis
de saluer cette vieille Légion, qui sert avec honneur et fidélité notre
pays. (Applaudissements sur tous les
bancs.)
Monsieur le ministre, en 2013, le Président de la
République demandait à nos forces armées un nouvel effort avec une loi
de programmation militaire qui réduisait encore plus leurs moyens, alors
que, dans le même temps, l’éducation nationale se voyait gratifier, pour
des raisons purement électoralistes, de 60 000 postes supplémentaires.
(Exclamations sur les bancs du groupe
SRC.)
M. Pascal Popelin. C’est lamentable !
M. Philippe Meunier. Cela traduit une rupture de l’égalité manifeste, voire une défiance
sans précédent à l’égard de nos soldats, à qui la République demande
tant.
Cette loi de programmation militaire a pourtant été votée par
votre majorité et François Hollande a promis de ne pas revenir sur les
engagements pris.
Malheureusement pour nos forces armées et pour la
sécurité des Français, les financements promis par le Président de la
République ne sont pas au rendez-vous, à cause de votre échec
économique, monsieur Valls. Les recettes exceptionnelles prévues pour
l’acquisition du matériel ne sont plus que des écritures comptables. Le
report à charge des dépenses s’accroît, mois après mois, remettant en
cause la sincérité même des engagements pris par votre majorité lors du
vote de la loi de programmation militaire. Pour aggraver le tout, la
semaine dernière, Bercy, dans le cadre de la préparation du budget 2015,
a demandé à nos armées un effort supplémentaire impossible à
réaliser.
Monsieur le ministre, je ne remets pas en question votre
volonté de défendre le peu d’engagements du Président de la République
pris à l’égard de nos armées, mais votre fidélité à l’égard de François
Hollande ne doit pas confiner à l’aveuglement.
Face au naufrage du
budget des armées qui s’annonce, votre démission aurait le mérite de
créer un électrochoc, rappelant ainsi solennellement au Président de la
République ses engagements et lui rappelant qu’il ne peut pas exiger
sans cesse l’impossible de nos armées sans conséquence pour la sécurité
des Français et de nos soldats. Votre démission aurait également le
mérite de rappeler aux Français que la France a encore des ministres qui
privilégient l’intérêt général et la parole donnée.
(Exclamations sur les bancs du groupe SRC
. – Applaudissements sur les
bancs du groupe UMP.)
M. Pascal Popelin. C’est mauvais !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la
mémoire. Monsieur le député, je vous demande d’abord de bien vouloir excuser
M. Le Drian, actuellement au salon de l’armement à Farnborough, en
Grande-Bretagne. À l’instar du Premier ministre, le ministre de la
défense et moi-même souhaitons nous associer à l’hommage que vient de
rendre la représentation nationale à l’adjudant-chef Dejvid Nikolic,
mort au Mali, ainsi qu’à ses camarades blessés, alors qu’ils
participaient à une opération de reconnaissance dans le nord du
pays.
Lors du conseil de défense réuni le 2 juin, le Président de la
République a réaffirmé le caractère primordial de notre effort de
défense, afin de renforcer notre influence internationale, protéger nos
intérêts vitaux et assurer la sécurité de la France.
M. Pierre Lellouche. Cela ne se voit pas !
M. Kader Arif, secrétaire d’État. Il a, par conséquent, confirmé les engagements financiers de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
M. Pierre Lellouche. A-t-il confirmé les annulations de crédits ?
M. Kader Arif, secrétaire d’État. Cela signifie que le budget 2014 sera exécuté complètement. C’est
pourquoi, le Président de la République a décidé l’activation de la
clause prévue par l’article 3 de la loi, permettant d’augmenter de
500 millions d’euros les crédits du ministère pour sécuriser les
programmes d’équipement de nos armées.
Une première tranche de
250 millions d’euros a d’ores et déjà été inscrite dans le projet de loi
de finances rectificative pour 2014, sous la forme de crédits
additionnels sur le programme d’investissement d’avenir. La deuxième
tranche, de 250 millions d’euros, sera concrétisée dans le courant de
l’année 2014, une nouvelle fois sous forme de crédits sur le programme
d’investissement d’avenir.
M. Yves Fromion. Et les annulations de crédits ?
M. Kader Arif, secrétaire d’État. De la même façon, le budget triennal 2015-2017 permettra d’exécuter intégralement la loi de programmation militaire.
M. Yves Fromion. C’est un mensonge !
M. Kader Arif, secrétaire d’État. La mission « Défense » bénéficiera ainsi en 2015 de 31,4 milliards de
ressources totales, comme le prévoyait la trajectoire financière votée
en décembre.
Cette loi de programmation, c’est notre feuille de
route pour les six prochaines années. Le ministère et l’ensemble du
Gouvernement sont aujourd’hui mobilisés pour sa réussite.
(Applaudissements sur
quelques bancs du groupe
SRC.)
M. Pierre Lellouche. Arrêtez de mentir !
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s’adresse au Premier ministre. Hier, sur les
Champs-Élysées, lors du traditionnel défilé, quelques dizaines de nos
compatriotes ont sifflé, hué, conspué le chef de l’État à son passage.
Je veux être très clair : le groupe UDI désapprouve de tels
comportements ; la cérémonie visant à rendre hommage à nos armées n’est
évidemment pas le moment approprié pour ce type de manifestations, aussi
légitime soit la désapprobation de l’action du chef de l’État.
(Applaudissements sur tous les bancs.)
Pour
autant, monsieur le Premier ministre, se pose la question de la réaction
des forces de l’ordre : trente et une interpellations ont eu lieu sur
les Champs-Élysées. Sur la base de quelle loi interpelle-t-on et
embastille-t-on ainsi, le 14 juillet, des citoyens qui manifestent leur
sentiment et leur opinion ? (Exclamations sur les bancs du
groupe SRC . –
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et
UMP.)
Le trouble à l’ordre public ? Le
trouble à l’ordre public est patent lorsque des manifestants, protestant
contre la situation à Gaza, cherchent à pénétrer de force dans un lieu
de culte, en l’occurrence des synagogues. Cela a donné lieu à neuf
interpellations.
Par contre, s’agissant des
personnes interpellées lors des cérémonies du 14-Juillet, je ne vois pas
de délit. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois : le 11 mars 2013, un
simple citoyen, qui était sur le passage du chef de l’État, était
embarqué de force par deux fonctionnaires de police, au prétexte qu’il
avait demandé au Président de la République, devant des caméras de
télévision : « Où sont vos promesses, monsieur le
Président ? »
Je le répète, monsieur le Premier
ministre, je n’attends pas de vous des déclarations d’intentions ou de
désapprobation, car nous les partageons. En revanche, je voudrais savoir
précisément ce qui motive ces arrestations, qui semblent bien
arbitraires. Quel délit a été reproché à ces personnes pour qu’elles
soient ainsi embarquées et momentanément privées de liberté ? Quelles
instructions ont été données en la matière aux forces de l’ordre ? Que
feriez-vous si, demain, le Stade de France se permettait de siffler le
chef de l’État ? Enfin, quelle aurait été votre réaction si de telles
arrestations avaient eu lieu sous le précédent Président de la
République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI
et UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le
Parlement. Monsieur le député, vous avez au moins convenu, dans vos propos
liminaires, que le 14-Juillet était une date importante d’unité
nationale.
Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas la question !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Vous avez bien voulu rappeler que le défilé sur les Champs-Élysées était la démonstration de cette unité, et que l’armée française, notamment dans la situation actuelle, a aussi besoin d’une atmosphère de respect, ce que vous avez vous-même souligné avant de mettre l’accent sur les manifestations d’un certain nombre de gens.
Plusieurs députés du groupe UMP . Répondez à la question !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. D’ailleurs, vous avez eu recours, dans votre argumentation, à des
comparaisons qui m’ont un peu étonné, en faisant référence à des
manifestations qui ont également eu lieu hier. Celles-ci posent de très
sérieux problèmes, qui nous interpellent tous, et auxquels nous aurons
l’occasion de répondre dans cette assemblée. Vous les avez comparées
avec des événements relativement anodins, oubliant peut-être que des
manifestations comme celle du 14-Juillet légitiment profondément des
mesures de sécurité et de surveillance des Champs-Élysées.
(Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.)
Croyez-vous, monsieur Lagarde, que l’on puisse
organiser une telle cérémonie, dans le contexte que vous avez vous-même
évoqué, auquel s’ajoutent les menaces particulières pesant sur cette
manifestation, sans prendre des mesures de sécurité, par ailleurs
parfaitement conformes au droit, telles que la vérification de
l’identité de certaines personnes ?
Si d’aucuns pensent qu’il y a eu
une atteinte au droit, il y a, dans notre pays, sur ce sujet comme sur
d’autres, une justice capable de s’en saisir. C’est la différence entre
le gouvernement actuel et d’autres que vous avez soutenus.
(Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC. –
Huées sur les bancs du groupe
UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Christian Estrosi. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
En vous posant
cette question, j’apporte en même temps la démonstration de la réponse
totalement décalée que vient d’apporter votre secrétaire d’État,
M. Le Guen.
Des actes de violence opposant des manifestants
pro-Palestiniens aux forces de l’ordre ont éclaté dans les grandes
villes de France.
C’est la première fois, monsieur le Premier
ministre, depuis la Libération, que l’on investit une synagogue, que
l’on s’attaque à un commerce au motif qu’il vendrait des produits juifs.
Avec tout le groupe UMP et sans doute un certain nombre d’autres députés
ici présents, je veux dire à la communauté juive de France toute notre
émotion.
(Applaudissements
sur les bancs des groupes UMP et
UDI.)
M. Philippe Martin. Très bien !
M. Christian Estrosi. Une fois encore – malheureusement –, la France doit à nouveau subir des violences communautaires. Face à cela, le Président de la République n’a pas su répondre aux questions des journalistes hier, se contentant, comme d’une évidence, de dire qu’il souhaitait la paix.
Mme Julie Sommaruga. Pas vous ?
M. Christian Estrosi. Ce n’est pas une proposition d’initiative qu’il a apportée.
Les
événements démontrent que la République est en danger et que certains
veulent mettre en péril l’unité de la nation en instrumentalisant ce
conflit pour l’importer sur le territoire national.
(Exclamations
sur certains
bancs des groupes SRC et
GDR.)
À
Nice, le jour de la fête nationale, plusieurs centaines de manifestants
se sont rassemblées dans le centre-ville, malgré l’interdiction de la
manifestation, prononcée – à ma demande – par le préfet. J’ai d’ailleurs
dû beaucoup insister, pendant plusieurs jours, pour qu’enfin il se
prononce, le jour même de la manifestation.
Il s’agit d’une
provocation intolérable. On ne peut pas continuer à accepter
l’inacceptable, à essayer de justifier l’injustifiable, surtout le jour
où les Français rendaient hommage aux forces de sécurité, ainsi qu’à nos
soldats, engagés partout dans le monde – vous l’avez rappelé, monsieur
le président.
Monsieur le Premier ministre, saisirez-vous la justice
contre ceux qui scandaient : « Israël, assassin » ou : « Nous sommes
tous des Mohamed Merah », ce que n’a pas semblé prêt à faire le
président de la République hier ?
(Applaudissements
sur les bancs du groupe
UMPsur plusieurs bancs du groupe
UDI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je souhaiterais que, dans de tels moments, face à
des débordements tout à fait intolérables… (Exclamations sur
les bancs du groupe UMP).
M. le président. S’il vous plaît ! Sur un sujet comme celui-là, on peut écouter la réponse !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …il y ait, de la part de la représentation nationale et de tous les responsables politiques, comme cela a été souvent le cas, une capacité d’union et de rassemblement…
M. Claude Goasguen. Et vous, que faites-vous ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Même sur un sujet qui met en cause – vous n’avez pas tort à cet
égard – la cohésion, le ferment même de la nation, vous trouvez une fois
encore, et je le regrette, monsieur Estrosi, le moyen de diviser et de
faire porter la responsabilité sur le Président de la République.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et
écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.)
Sur des sujets comme celui-là, sur lesquels,
d’ailleurs, comme tous ici, j’ai toujours été intraitable, que ce soit
en tant que ministre de l’intérieur, de parlementaire ou, tout
simplement, de responsable politique, nous pourrait-on pas se retrouver,
plutôt que de diviser et d’en appeler en permanence à la confrontation
politique ? (Nouveaux applaudissements sur les bancs des
groupes SRC et écologiste.) La lutte contre le racisme,
l’antisémitisme, la division et le communautarisme devrait nous
rassembler, au nom même des valeurs de la République.
M. Christian Estrosi. Que faites-vous ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Pourquoi essayer, monsieur Estrosi, mesdames et messieurs de
l’opposition, de diviser et de casser, alors que, au contraire, le
rassemblement, la capacité à trouver les mêmes mots, à nous retrouver
autour des mêmes valeurs, constituent la meilleure réponse contre ces
débordements, contre ceux qui s’en prennent à des synagogues, contre
ceux qui s’en prennent aux juifs de France. Car s’en prendre aux
synagogues et aux juifs de France, ce n’est pas s’en prendre à une
communauté : c’est s’en prendre à la République, à la France et à nos
valeurs. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes
SRC, écologiste
et RRDP.) Voilà ce qui devrait être
en permanence rappelé et qui rendrait d’ailleurs plus forte, M. Estrosi,
votre question.
La police française a parfaitement réagi. Elle a
empêché, précisément, les intrusions dans les synagogues du quatrième et
du douzième arrondissements.
Le ministre de l’intérieur, Bernard
Cazeneuve, a reçu hier les représentants de la communauté juive. Le
Président de la République a dit, ce que je redis devant vous, que nous
ne pouvons admettre, en France, un seul instant, que l’on cherche une
fois encore à importer sur notre sol le conflit du Proche-Orient.
Je
veux dire à tous nos compatriotes, notamment à ceux de confession juive,
qu’ils ont droit évidemment à la sécurité, que nous sommes à leurs
côtés, que nous saisissons la justice et que jamais nous ne permettrons
ces divisions, parce que ce n’est pas cela, la France. Voilà, monsieur
Estrosi, comment on rassemble un pays : en agissant pour les valeurs de
la République. (Vifs applaudissements sur les bancs des
groupes SRC, écologiste et RRDDP et sur plusieurs bancs du
groupe
GDR.)
M. Philippe Meunier. Faites-le !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Pierre-Yves Le Borgn’. Ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères.
Depuis
une semaine, la population civile de Gaza paie du prix du sang
l’escalade entre Israël et le Hamas. Les raids israéliens dans la bande
de Gaza ont fait près de 200 morts et plus de 1 300 blessés. Selon
l’agence des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens, ces
victimes sont pour une large part des femmes et des
enfants.
M. Meyer Habib. Pas seulement !
M. Pierre-Yves Le Borgn’. Plus du quart des morts de Gaza seraient des enfants ;
17 000 personnes auraient trouvé refuge dans les écoles, où manquent
cruellement l’eau et la nourriture. Cette situation est bouleversante et
dramatique. Elle est intolérable et doit cesser au plus vite.
Plus
de 800 roquettes ont été tirées par le Hamas sur Israël, entraînant en
retour les bombardements israéliens. Il n’y a pourtant d’avenir sur
cette terre que dans la cohabitation pacifique de deux peuples et de
deux États. Le Hamas doit reconnaître l’État d’Israël et renoncer à
toute violence ; Israël doit mettre fin à la colonisation dans les
territoires occupés et accepter la création pleine et entière de l’État
de Palestine. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC, RRPD et sur plusieurs bancs du groupe
GDR.)
C’est là la condition de
la réconciliation et de la paix. Le gouvernement israélien a accepté
hier la proposition égyptienne de cessez-le-feu, qui s’accompagne de
l’offre d’ouvrir sans délai des négociations sur l’entrée des personnes
et des biens dans la bande de Gaza.
M. Claude Goasguen. Le Hamas l’a refusée !
M. Pierre-Yves Le Borgn’. Cette proposition, soutenue par le président Mahmoud Abbas et par la Ligue arabe, a été rejetée par le Hamas. Quelle est, monsieur le ministre, la position de la France et de l’Union européenne face à l’escalade désastreuse du conflit et aux périls imminents pour les populations civiles de Gaza ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur certains bancs du groupe UDI.)
M. André Chassaigne. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement
international. Monsieur le député, à Gaza et en Israël, la situation est
désastreuse. Vous avez rappelé les faits : d’un côté, plus de
150 victimes civiles ; de l’autre, des tirs de roquettes sur
Israël.
Le Président de la République et moi-même l’avons dit : la
priorité absolue doit aller, bien sûr, au cessez-le-feu. La France
soutient donc la proposition, faite hier par l’Égypte et endossée par la
Ligue arabe, d’un cessez-le-feu immédiat, suivi de discussions visant à
établir une trêve durable. La France appelle toutes les parties à
respecter immédiatement cette proposition de cessez-le-feu. Le cabinet
israélien a annoncé son accord. Le Hamas doit donc cesser sans délai les
tirs de roquettes.
Dans cet esprit, je vais m’entretenir au
téléphone, dès la fin de cette séance de questions au Gouvernement, avec
mon homologue égyptien, pour voir si nous pouvons agir en ce sens,
au-delà de ce que nous avons déjà fait.
Au-delà, nous devons
travailler à une trêve durable qui réponde aux besoins légitimes des
Israéliens et des Palestiniens, en termes de sécurité et en termes
d’accès. La France, avec ses partenaires européens, peut y contribuer,
notamment à travers le redéploiement de ce que l’on appelle la mission
EUBAM Rafah, ce qui doit se faire en liaison avec l’Autorité
palestinienne.
Surtout, les événements actuels démontrent que, faute
d’une solution politique, ce sont malheureusement les extrémistes qui
tirent parti de la situation. Vous m’avez demandé quelle est la position
de la France ; elle consiste à tout faire pour rendre plus fort le fil
extraordinairement fragile de la paix. (Applaudissements
sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR
et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République s’est
exprimé hier mais il n’a rien dit, ou plutôt il a accumulé les
contrevérités ou les banalités, en particulier dans le domaine
économique.
Le bon sens nous indique que seules les entreprises,
artisans, PME et ETI pourraient créer de l’emploi et sortir notre pays
de la crise économique. Tout chef d’entreprise est prêt à recruter,
c’est même un gage de réussite. Mais encore faut-il que les conditions
le lui permettent. Je vous en parle en connaissance de cause.
Le
Président de la République a annoncé à grand renfort d’interventions
dans les médias le pacte de responsabilité, qui devrait régler tous les
problèmes d’ici à 2017. Mais votre gouvernement perd de jour en jour sa
crédibilité auprès des chefs d’entreprise. Tout semble reposer sur le
tâtonnement et l’improvisation. Ainsi, le ministre du travail s’était
déclaré en faveur d’un gel des effets de seuils sociaux pendant deux
ans. Mais comment peut-on prendre la décision d’embaucher si la mesure
est réversible ?
Conscient que l’application du concept de
pénibilité, cette usine à gaz que vous avez votée, serait impossible,
vous la reportez d’un an. Et après ?
Concernant l’apprentissage,
Nous avions pris des décisions réalistes, avec la formation de 500 000
apprentis. Mais vous avez fait l’inverse puisqu’en 2012 vous avez
supprimé l’aide à l’embauche d’un alternant supplémentaire. Le crédit
d’impôt et l’indemnité compensatrice ont été réduits en 2013. La taxe
d’apprentissage a été réformée en 2014. Les maîtres d’apprentissage ne
s’y retrouvent plus. Résultat : une chute spectaculaire de 14 % des
contrats d’alternance.
M. Christian Jacob. Eh oui !
M. Alain Moyne-Bressand. Vous nous parlez de simplification administrative. Il nous faut un plan ORSEC de la simplification sur les normes, les réglementations, les contraintes, les lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Monsieur le député, j’entends toute la liste des critiques que vous venez de formuler. Je voudrais pouvoir vous annoncer, à cet instant, que le pacte de responsabilité et de solidarité qui a été conclu entre les organisations syndicales et patronales commence à porter ses fruits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christian Jacob. Oh ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
M. François Rebsamen, ministre. Mais je vous rappelle qu’il a été adopté la semaine dernière. Il
faudra donc un peu de temps.
Hier, le Président de la République a
rappelé très précisément que des engagements ont été pris, et non des
moindres, dans la branche des industries chimiques puisqu’un premier
accord relatif a l’emploi a été ouvert dans le cadre des négociations de
branche. Écoutez bien : ce texte définit des engagements sur des
recrutements à hauteur de 47 000 emplois sur trois ans, principalement
en CDI,…
M. Élie Aboud. Ce n’est pas vrai !
M. François Rebsamen, ministre. …l’accueil de 5 000 jeunes supplémentaires par an en alternance,
l’accroissement de 10 % du nombre de jeunes de moins de vingt-six ans et
un taux amélioré du maintien dans l’emploi des seniors. Cet accord a été
signé par la CFDT et d’autres organisations vont le faire.
Comme
vous le voyez, monsieur le député, les mesures qui ont été prises
portent leurs fruits et elles le porteront encore plus à
l’avenir.
Quant aux mesures de simplification, elles sont à l’œuvre
aujourd’hui, à la demande du Premier ministre. Thierry Mandon et
Guillaume Poitrinal ont fait un certain nombre de propositions dont vous
aurez d’ailleurs à débattre prochainement. À cette occasion, vous verrez
que la volonté de ce gouvernement est de tout faire pour donner la
possibilité aux entreprises d’avoir la souplesse nécessaire pour
embaucher. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Joël Aviragnet. Monsieur le président, je souhaite associer à ma question, qui
concerne le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la recherche, mon collègue Luc Belot, qui est
particulièrement investi sur le sujet du numérique.
Dès notre
arrivée au pouvoir, le Gouvernement a mis en place une politique
transversale de développement du numérique qui commence par le
déploiement du haut débit partout sur le territoire. Je ne peux que
saluer une telle initiative car au XXIe siècle, de
l’emploi à l’information, de la santé à la culture, le numérique est
partout dans la vie de nos concitoyens.
Monsieur le ministre de
l’éducation nationale, votre politique ambitieuse en matière d’éducation
a permis au numérique de franchir avec succès la porte de l’école pour
le bien de tous les élèves. Car le numérique, ce n’est pas, comme
certains pourraient le croire, simplement remplacer les cahiers et les
stylos par des tablettes ou des ordinateurs, le numérique ce n’est pas
de regarder des films au lieu d’écouter la maîtresse ou le professeur.
Le numérique, c’est d’abord une nouvelle façon d’apprendre, qui se
révèle un formidable moyen de motiver des élèves qui n’arrivent pas
toujours à se concentrer. Le numérique, ce sont des outils qui peuvent
s’adapter aux élèves et faire tomber les barrières du handicap pour des
enfants et des jeunes dont la scolarisation est parfois difficile. C’est
le moyen d’accéder rapidement à des livres, à des œuvres d’art, à des
exercices qui sont désormais à portée de doigt. Enfin, c’est un outil
avec lequel tous les élèves doivent être familiers pour entrer
pleinement dans la vie active.
Vous avez annoncé ce week-end votre
volonté de faire apprendre, dès le primaire, le codage informatique aux
élèves. Leur donner accès à ces outils, c’est les mettre sur un pied
d’égalité.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire en quoi
l’apprentissage du codage au cours du parcours scolaire et dès le
primaire est important ? Plus généralement, pouvez-vous
préciser…(Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. le président. Merci.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale,
de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la recherche. Monsieur le député, permettez-moi tout d’abord de saluer votre
arrivée dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du
groupe SRC.)
Je vais essayer de vous répondre sur
l’éducation par le numérique et au
numérique.
L’éducation par le numérique amènera
l’école, le collège et le lycée à lutter de manière beaucoup plus
efficace contre l’échec scolaire et les inégalités parce que, comme vous
l’avez dit, le numérique favorise la participation, stimule l’activité
des élèves et modifie le statut de l’erreur. Il est incontestable
aujourd’hui que lorsque l’on fait une erreur sur une tablette, on efface
et on recommence alors que sur le papier cela laisse des traces. Le
numérique permet aussi de compenser bien des handicaps, et je salue
toutes les expérimentations qui permettent aujourd’hui à des enfants
dyslexiques ou dyspraxiques de suivre, grâce au numérique, les mêmes
leçons que tous leurs petits camarades.
L’objectif
du Gouvernement est de réaliser un investissement sans précédent en
faveur de l’équipement des écoles, des collèges et des lycées au
numérique mais aussi en faveur des ressources du numérique éducatif.
C’est pourquoi, avec mes collègues Axelle Lemaire et Arnaud Montebourg,
nous avons annoncé la mise en œuvre, à la rentrée prochaine, d’un plan
qui vise à connecter tous les établissements. Dès la rentrée prochaine,
9 000 écoles qui n’étaient pas connectées le seront par le haut débit là
où elles ne pouvaient pas l’être jusqu’ici grâce à l’aide de l’État.
Nous accélérerons l’équipement des collèges et des écoles en terminaux
mobiles mais aussi en tableaux interactifs.
Nous
ferons en sorte, demain, d’investir dans le numérique éducatif,
c’est-à-dire dans les ressources pédagogiques, pour ne pas les laisser
aux Anglo-saxons. Ce seront plusieurs centaines de millions d’euros du
PIA qui seront consacrés, à la rentrée, à ce
plan.
L’éducation au numérique, ce sera, comme je
l’ai annoncé ce week-end, l’initiation au codage informatique dès
l’école primaire – c’est une initiative et une innovation tout à fait
majeure pour notre pays – ainsi que l’inscription dans les programmes
des collèges, demain, des principes des langages de programmation afin
que…
M. le président. Merci.
M. Benoît Hamon, ministre. …tous les élèves soient capables de réaliser des applications simples. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Annie Genevard. Dibrani, monsieur le Premier ministre : ce nom claque comme une gifle
infligée à la France par le père de Leonarda (« Ah ! » sur
plusieurs bancs du groupe SRC) qui a annoncé son retour
imminent et celui de sa famille, avec des papiers d’identité croates
récemment établis et permettant, demain, leur libre circulation dans
l’espace européen.
Cet homme, demandeur d’asile depuis 2009, pris en
charge avec bonté par des habitants de ma circonscription, a profité
sans honte de la solidarité nationale. Il a tenu à votre endroit des
propos insupportables sur le fond et sur la forme. Je les rappelle :
« On va leur montrer, à Hollande et à Valls, qui est le chef. La France,
on va la faire payer. Nous irons jusqu’à la Cour européenne des droits
de l’homme. » Et en effet il se trouvera sans doute des avocats
habiles…
Un député du groupe UMP . Des avocats véreux !
Mme Annie Genevard. …et des associations spécialisées pour légaliser
l’inacceptable.
Qu’est la France, sinon le moyen de tirer profit
d’un pays sans autorité et qui épuise ainsi une partie de ses forces ?
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
SRC.) Resat Dibrani est un provocateur, une caricature,
mais combien d’autres attendent en silence exactement la même chose de
notre pays, qui ne peut plus assumer un système dont la maîtrise lui
échappe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
UMP.)
Un député du groupe UMP . Ce n’est pas avec Mme Taubira que ça va s’arranger !
Mme Annie Genevard. Le retour des Dibrani serait vécu par nos compatriotes comme une
faillite et attiserait sans aucun doute la xénophobie, que la naïveté
coupable de certains prétend combattre.
Monsieur le Premier
ministre, pourquoi ne réformez-vous pas un droit d’asile trop lent et
trop souvent dévoyé ? Pouvez-vous nous dire si tout sera mis en œuvre
pour éviter le retour des Dibrani ? Pouvez-vous nous dire si le chef, ce
sera M. Dibrani ou vous ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP et sur certains bancs du groupe
UDI.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le
Parlement. Madame la députée, nous avons appris comme vous que certains membres
de la famille Dibrani tentaient de se faire établir des passeports
croates.
À ce stade, je tiens à rappeler que, au moment où ils
demandaient l’asile en France, les Dibrani n’avaient jamais revendiqué
une nationalité croate. Ils avaient fait état des persécutions dont ils
auraient été victimes en Serbie, puis avaient déclaré avoir légalement
vécu en Italie et dissimulé ces éléments aux autorités françaises. Le
père, M. Dibrani, avait également indiqué avoir produit un faux pour
induire en erreur les autorités françaises. Tous ces éléments sont
constitutifs de fraude et le Gouvernement entend être intraitable avec
les fraudeurs.
Quand bien même certains membres de la famille
Dibrani se verraient délivrer un passeport croate, cela ne leur donne
pas pour autant droit au séjour en France.
Tout d’abord, nous nous
réservons la possibilité de constater qu’il s’agit d’un abus de droit ;
les règles de l’Union européenne ne sont pas là pour permettre des
contournements, des tours de passe-passe.
Ensuite, il leur faudrait
accéder à une autorisation de travail pour pouvoir rester en France. Les
autorités françaises feront preuve de toute la sévérité nécessaire dans
l’appréciation de leur situation.
Il est hors de question que cette
famille mobilise davantage les pouvoirs publics et les finances de
l’État. Le Gouvernement sera en tout de cause intraitable sur la
situation de cette famille qui a été éloignée légalement et qui, elle
doit le savoir, n’est pas la bienvenue en France.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC
et sur quelques bancs du
groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Jean-Christophe Fromantin. Comme beaucoup hier, en entendant le chef de l’État, nous attendions
une clarification de la ligne économique du Gouvernement.
S’agit-il
de la ligne du ministre des finances, qui, me semble-t-il, prône le
respect de la trajectoire de stabilité pour parvenir à cet objectif
difficile, mais ô combien essentiel, d’un déficit public à 3 % du PIB,
ou bien de la ligne du ministre de l’économie et du redressement
productif, lequel a annoncé cette semaine une nouvelle répartition des
50 milliards, avec une dose vers les entreprises, une dose vers les
ménages et une dose vers le déficit public ?
Je crois que la France
n’a pas les moyens de se permettre des désaccords au sein du
Gouvernement sur cette question. Je voudrais donc savoir, monsieur le
Premier ministre, quelle est la vérité de votre gouvernement en ce qui
concerne l’approche économique. Va-t-on dans un sens ou dans
l’autre ?
Je m’étonne que le Président de la République, hier, en
ouverture de son entretien, se soit réjoui d’une sortie de crise, une
crise de la zone euro qui, vous le savez, ne sera résolue que si la
France, comme d’autres pays, respecte la trajectoire de stabilité. Il a
d’ailleurs lui-même démenti son optimisme en demandant à l’Europe, dans
la roue de Matteo Renzi, des éléments pour s’affranchir de cette
trajectoire dans laquelle, chers collègues, nous sommes officiellement
engagés.
Ma question est donc la suivante : où est la vérité entre
ces deux écoles divergentes et incompatibles, celle du ministre de
l’économie et celle du ministre des finances ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UDI et sur certains bancs du groupe
UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. François Rochebloine. Nous réclamons le Premier ministre !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, la réduction de nos déficits est une
exigence.
C’est celle d’un grand pays qui, en tant que tel, doit
respecter la parole qu’il a donnée à ses partenaires. C’est une exigence
de souveraineté, pour ne pas faire dépendre notre pays de l’humeur des
marchés financiers. C’est une exigence d’équité à l’égard des
générations qui viendront après nous et n’ont pas à supporter les
dépenses qui sont les nôtres.
C’est pourquoi le Gouvernement a
engagé l’assainissement des finances publiques en 2012. Il a d’ailleurs
obtenu des résultats. Le déficit de l’État était de près de
150 milliards d’euros en 2010 ; il a été divisé par deux fin
2013.
Il faut observer une certaine prudence en matière budgétaire.
Les recettes publiques fluctuent avec l’activité économique et avec
l’inflation. Ces deux facteurs nous pénalisent aujourd’hui. En revanche,
nous sommes stricts sur la dépense. Nous avons obtenu en 2013 le taux de
croissance des dépenses publiques le plus bas depuis 1998. Nous
poursuivons l’effort en 2014, avec 4 milliards d’euros d’économies
supplémentaires en cours d’année. Pour 2015, le Gouvernement a présenté,
la semaine dernière, un budget de l’État en forte baisse, avec près de
18 milliards d’euros de dépenses en moins.
Maîtriser la dépense
publique, c’est la condition pour poursuivre la réduction du déficit,
financer les baisses d’impôts pour les ménages et les baisses de charges
pour les entreprises et pérenniser notre service public, qui ne peut
être éternellement financé à crédit.
Voilà qui devrait pouvoir
recueillir l’assentiment de tous : rompre ainsi avec le passé et pouvoir
créer le rassemblement que le Premier ministre a évoqué il y a quelques
minutes. (Applaudissements sur certains
bancs du groupe SRC.)
M. François Rochebloine. Merci Bercy !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, au titre des députés non inscrits.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le Premier ministre, j’avais imaginé vous poser une question
sur l’état de nos forces de défense, mais M. Meunier vous a déjà
interrogé à ce sujet. Votre manière de répondre me conduit à vous
demander très directement pourquoi, à chaque fois que l’opposition pose
une question précise, et gênante par essence, vous vous réfugiez
derrière les « valeurs de la République » et le « rassemblement des
Français », en accusant l’opposition de « diviser ».
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
S’opposer, ce n’est pas diviser, c’est participer au débat
démocratique. La République que vous invoquez à tout bout de champ, nous
la défendons tous et nous y adhérons tous. L’idéal du rassemblement des
Français, nous le voulons tous. Mais, monsieur le Premier ministre, les
mots seuls peuvent-ils permettre de défendre la République ? Les actes
de votre Gouvernement sont-ils bien là pour ce faire ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
Il n’y a pas de République quand la police est
découragée. Dans notre département de l’Essonne, que vous connaissez
bien, vous allez supprimer, cette année même, une centaine d’agents. Les
policiers sont molestés, insultés, jamais défendus. Il n’y a pas de
République quand la justice est laxiste, et la loi Taubira que vous
venez de voter va considérablement aggraver la situation. Vous le savez
tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.) Des milliers de délinquants vont être libérés de
prison !
(Exclamations
sur les bancs du groupe SRC.) C’est cela, la réalité du
pays ! C’est cela que vivent nos concitoyens ! Il n’y a pas de
République quand les frontières sont des passoires et quand les
communautarismes se développent. Il n’y a pas de rassemblement possible
quand l’économie est à l’arrêt, quand les entreprises n’embauchent plus
et quand les jeunes dans les quartiers sont oisifs. Voilà la réalité du
pays !
Les Français se posent une question simple, monsieur le
Premier ministre, et plus encore après l’intervention hier du Président
de la République : quand allez-vous sortir de votre bulle et du déni
permanent de réalité ? Quand allez-vous voir ce que vivent nos
concitoyens, leurs souffrances et leurs difficultés ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je fais appel et référence aux valeurs de la
République, de la nation et de la patrie, parce que je considère avec
beaucoup que les républicains ont trop souvent oublié ces valeurs et ces
rappels. En les laissant aux autres, à ceux qui ont de notre pays une
vision pessimiste, décliniste et le voudraient refermé sur lui-même,
nous n’avons pas rendu service aux valeurs qui sont les nôtres. Souffrez
donc que je continue à les évoquer, car je pense qu’elles permettent un
rassemblement plus que jamais nécessaire face à la crise économique que
nous traversons depuis des années, face à la crise de confiance que j’ai
rappelée à l’occasion de mon discours de politique générale et face à la
crise d’identité de notre pays – ce sont là des débats qui méritent,
bien évidemment, une confrontation. Pour avoir été moi-même dans
l’opposition, je ne dénierai jamais le droit à l’interpellation et à la
critique. Il serait absurde de le faire.
Toutefois, après avoir tiré
les leçons de ceux qui ont été pendant plusieurs années dans
l’opposition, je crois que la caricature, la facilité et la volonté
permanente de diviser sur les mêmes sujets ne sont pas acceptables.
D’ailleurs, vous venez d’en faire l’illustration : comment expliquer que
ce que vous appelez la loi Taubira ouvre les portes des prisons ?
(Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.)
M. Bernard Accoyer. C’est la vérité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le débat à l’Assemblée nationale et au Sénat, de même que les prises
de position des uns et des autres ont montré qu’il serait temps que nous
cessions de nous diviser sur les questions de sécurité et de justice.
Nous avons ô combien de fois traité ces sujets, notamment avec la
multitude de lois que vous avez votées quand nous étions dans
l’opposition et vous dans la majorité, et qui n’ont pas servi à
grand-chose. Dans les domaines de la justice et de la sécurité, face à
la violence que connaît notre société et face à l’échec lié à la
récidive, plutôt que des interpellations, comme vous le dites avec
raison, il faut des actes. C’est ce gouvernement, c’est cette majorité,
c’est ce Président de la République qui ont précisément permis de mettre
fin à la saignée que les administrations de la police, de la gendarmerie
et de la justice ont connue. (Applaudissements sur les bancs
du groupe SRC.) C’est ce Président de la République, ce
gouvernement et cette majorité qui ont permis la création de centaines
de postes de policiers et de gendarmes, mais également dans la justice,
parce que nous faisons face à une situation intolérable dans nos prisons
et qu’il faut un système de probation digne de ce nom pour appliquer la
loi pénale.
Monsieur le député, vous avez raison, les appels à la
République, à la nation et à la France doivent être suivis par des
actes. Ces actes, nous les accomplissons, forts d’une conviction
profonde qui ne me lâchera jamais : le rassemblement autour de nos
valeurs. Je souhaite que ce soit la gauche qui, plus que jamais, porte
ces valeurs de République et de nation ; je ne veux pas les laisser aux
extrêmes et à ceux qui ont été trop proches du Front national dans leur
parcours politique. (Vifs applaudissements sur les bancs des
groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Michel Heinrich. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, et concerne le
financement de l’aide juridictionnelle. A plusieurs reprises, ces
derniers mois, les avocats ont manifesté leur inquiétude sans être
entendus, alors que leurs préoccupations sont fondées, puisqu’il s’agit
bien de l’avenir de cette prestation accordée aux plus démunis pour leur
permettre de se défendre en justice. En effet, la profession demande
vainement, depuis plusieurs années, une revalorisation des indemnités
versées par l’État, alors que, même sans cette revalorisation, la
pérennité du financement de l’aide juridictionnelle n’est plus assurée.
Bien loin de répondre à cette demande, le Gouvernement propose de
prélever une taxe sur le chiffre d’affaires des avocats. Ainsi, les
avocats, qui en financent déjà une partie, compte tenu du montant des
indemnités, qui est inférieur au coût réel de la prestation, y
contribueraient une seconde fois, sous une autre forme. A-t-on un jour
envisagé de faire participer les médecins au financement de la
CMU ?
Bien entendu, je n’ignore rien des contraintes budgétaires,
mais la profession a proposé une solution de financement neutre pour le
budget de l’État, sur laquelle le Gouvernement ne s’est pas prononcé. Il
s’agirait, d’une part, de créer un fonds dédié à l’accès au droit et à
la justice qui serait alimenté par une taxe créée sur les contrats
d’assurance juridique, mais également par une taxe perçue sur les
mutations et les actes soumis aux droits d’enregistrement, ainsi que sur
les actes juridiques soumis à une formalité de dépôt ou de publicité. Il
est proposé, d’autre part, de généraliser la garantie protection
juridique, en la rendant obligatoire dans les contrats d’assurance
multirisques habitation, afin de limiter les procédures de recours à
l’aide juridictionnelle. Ainsi, la charge de la prestation serait plus
équitablement répartie. Sans évolution de la situation, ce sont les
justiciables les plus démunis qui seront sanctionnés. Madame la garde
des sceaux, qu’envisagez-vous pour pérenniser ce financement ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, concernant l’aide juridictionnelle, je vous
rassure, si vous avez le souci de l’être : pour 2015, elle augmentera à
nouveau de 10 %. Depuis que nous sommes aux responsabilités, nous
l’avons chaque année augmentée. Cependant, elle pose un certain nombre
de problèmes. Son sens, c’est de permettre l’accès au droit à des
justiciables dont les revenus sont extrêmement modestes, puisque le
plafond de ressources est fixé à 936 euros, soit sous le seuil de
pauvreté. Vous l’avez dit, monsieur le député, l’indemnisation due aux
avocats n’a pas été revalorisée depuis 2007. Depuis 2007 ! Il est
effectivement temps de leur faire justice.
Par ailleurs, un certain
nombre de contentieux de masse sont exclus de l’aide juridictionnelle,
alors que leur inclusion permettrait aux justiciables modestes d’y
accéder. Toutefois, au cours des dix années pendant lesquelles vous avez
été aux responsabilités – et c’est juste une concomitance –, une
demi-douzaine de rapports ont établi que le système de l’aide
juridictionnelle était essoufflé. Aussi ce gouvernement a-t-il décidé
d’augmenter l’aide juridictionnelle. Non seulement nous ne la mettons
donc pas en péril, mais nous avons le courage politique et moral de
travailler en profondeur à sa réforme…
M. Claude Goasguen. Laquelle ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et d’en faire une politique nationale de solidarité. Quelques chiffres vous donneront la mesure de l’effort à fournir : 7 % des avocats assurent 57 % de l’aide juridictionnelle. Cela veut dire qu’il y a une forte concentration et, partant, une dépendance d’un certain nombre de cabinets vis-à-vis de cette aide juridictionnelle ; or la loi de 1991 a prévu la mutualisation. Le Gouvernement, qui a déjà travaillé avec les professions, a décidé de passer à une autre étape. Le Premier ministre a autorisé l’étude d’une taxe et le député Jean-Yves Le Bouillonnec a été chargé d’une mission de médiation sur laquelle il travaillera tout le mois de juillet. Il remettra son rapport fin août. Je suis certaine qu’en plus de notre augmentation, nous allons réformer… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Merci, madame la garde des sceaux.
M. le président. La parole est à M. Robert Olive, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Robert Olive. Ma question s’adresse au ministre de l’agriculture, de
l’agroalimentaire et de la forêt ; j’y associe mes collègues
Jacques Cresta et Pierre Aylagas.
Monsieur le ministre, les
producteurs de fruits se retrouvent aujourd’hui face à de grandes
difficultés, plus particulièrement les producteurs de pêches et de
nectarines.
Les Pyrénées-Orientales, dont je suis devenu député
depuis peu, sont le premier département producteur de pêches en France
avec, cette année, une très forte production. Cependant, les obstacles
sont nombreux : certaines enseignes commerciales n’ont pas encore mis en
place la référence « origine France » ; les linéaires de certains
magasins sont inadaptés à la vente des fruits et manquent d’un affichage
clair, ce qui se traduit par des stockages excessifs et des prix revus à
la baisse ; la concurrence, notamment espagnole, fait rage et le
consommateur n’a que peu de lisibilité.
Les producteurs de fruits
ont besoin de notre soutien ; je sais que la loi d’avenir que vous avez
présentée répond à leurs attentes et que le Gouvernement est très
volontariste en la matière, ce dont je vous remercie.
La semaine
dernière, une réunion s’est tenue entre les producteurs et les
distributeurs ; il a été convenu de lancer une opération visant à mettre
en avant des produits locaux à dimension régionale, afin de relancer la
consommation.
Monsieur le ministre, cet accord est essentiel à la
survie des producteurs et au respect des consommateurs, mais il nous
faudra rester vigilants quant au comportement de certains distributeurs
– je pense notamment à leurs actions commerciales – pour ce qui est de
protéger notre agriculture locale et nationale.
Ainsi, monsieur le
ministre, pouvez-vous exposer devant la représentation nationale les
mesures concrètes que vous comptez mettre en œuvre afin de protéger les
producteurs de fruits ? (Applaudissements sur de nombreux
bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la
forêt, porte-parole du gouvernement. Monsieur le député, c’est la première question que vous posez, et sur
un sujet d’actualité puisque, vous l’avez rappelé, il y a des
difficultés aujourd’hui sur le marché des fruits. Ces difficultés sont
d’abord liées à un climat qui n’est pas actuellement propice – mais je
pense que cela va changer – à la consommation de fruits et à l’arrivée
simultanée sur le marché de la production française et
espagnole.
Qu’est-ce qu’a fait l’État ?
M. Patrick Hetzel. Rien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Premièrement, il y a eu une réunion France-Espagne-Italie, puisque
c’est un sujet que nous devons aussi traiter à l’échelle européenne.
Deuxièmement, le conseil de gestion compétent de la Commission
européenne sera saisi demain de ce sujet. Nous aurons aussi une réunion,
demain, au ministère de l’économie avec des représentants de la grande
distribution, laquelle, jusqu’ici, a plutôt écouté les appels que nous
lui avons lancés pour promouvoir les fruits français.
Le moment
difficile que nous traversons appelle des solutions. Ainsi, il y aura
une campagne de promotion pour les fruits français, financée en partie
par l’État à hauteur de 200 000 euros.
J’ajoute devant la
représentation nationale que, cette année en particulier, les fruits
français sont en quantité et surtout d’excellente qualité. Il faut faire
passer le message, s’organiser, gérer la période dans laquelle nous
sommes et promouvoir la production française.
(Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC et sur certains bancs du groupe
écologiste.)
M. Paul Molac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.
M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du
numérique, le 10 juillet dernier, vous avez présenté votre feuille de
route intitulée : « Pour le redressement économique de la France ». Les
mots sont volontaristes et nous ne doutons pas qu’ils traduisent votre
détermination à sortir notre pays du marasme économique. Nous approuvons
l’idée d’une reprise en main de la politique pour définir nos grandes
orientations industrielles et économiques.
Cependant, votre discours
passe à côté de l’essentiel.
M. Jean-Paul Bacquet. Mais non !
M. François-Michel Lambert. On ne peut pas tout à la fois faire du Roosevelt et du Georges
Pompidou : au XXIe siècle, la croissance et
l’emploi ne se feront qu’au seul prix d’un basculement vers la
transition écologique.
Nous, écologistes, vous demandons d’avoir
l’audace et la modernité de mettre en œuvre un keynésianisme vert. Nous
devons repartir de l’avant sur une base décarbonée, décentralisée,
économe en ressources et sobre en énergie. Cette nouvelle politique
économique, qui préservera les matières premières et l’énergie avec
moins de gaspillage et moins de déchets, sera surtout créatrice
d’emplois et, à terme, d’une croissance découplée de l’épuisement des
ressources naturelles.
Pour y parvenir, nous devons agir à toutes
les étapes de la vie de la matière, à travers l’éco-conception,
l’écologie industrielle, l’économie de la fonctionnalité, la
réutilisation, le réemploi et le recyclage.
Le Président Roosevelt a
dit : « Essayer quelque chose, et si cela ne marche pas, essayer autre
chose. » C’est possible ! Les régions, les territoires, des villes comme
Paris s’engagent dans l’économie circulaire. Ségolène Royal a pris la
mesure de l’enjeu avec la loi de transition énergétique, en mettant en
avant l’économie circulaire comme projet industriel et environnemental,
en faisant un projet stratégique sur les ressources de notre
pays.
Au-delà de vos quelques propositions concernant l’écologie,
monsieur le ministre, quand franchirez-vous le pas d’une réelle et
ambitieuse transition écologique du XXIe siècle,
faisant de celle-ci le réacteur de votre politique économique ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe
écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du
numérique. Monsieur le député, notre politique et celle que vous défendez sont
quasiment les mêmes. Il est inutile d’entrer dans des oppositions
artificielles – choisir Pompidou ou Roosevelt, désigner ce qui serait
vert et ce qui ne le serait pas – car le Gouvernement a, comme vous, une
haute conscience de la modification des termes du modèle
économique.
J’en veux pour preuve les trente-quatre plans
industriels, dont une dizaine sont consacrés à la mutation par
l’innovation technologique, financière, économique ou humaine du modèle
économique et de l’offre industrielle.
Savez-vous, par exemple, que
j’ai validé un plan avec ma collègue et amie Ségolène Royal pour la mise
sur le marché de technologies d’énergies renouvelables compétitives ?
Savez-vous que nous sommes en train d’offrir aux industriels du bois les
conditions réglementaires et législatives pour enfin pouvoir construire
en bois dans notre pays et stimuler de nouveaux usages du bois ?
Savez-vous que nous avons un plan « recyclage et matériaux verts » qui
propose 111 projets financés à hauteur de plusieurs centaines millions
d’euros, avec le soutien du grand emprunt mais aussi des investisseurs
privés ? Dois-je aussi vous rappeler que, dans le cadre du plan « chimie
verte », l’industrie de la chimie est en train de muter et propose
quarante projets totalisant environ 2 milliards d’investissements ?
Avant de critiquer, il est bon de se renseigner, monsieur le député.
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes écologiste
et UMP.)
M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je vous adresse derechef l’ensemble des informations qui nous permettront de nous unir dans la construction d’une nouvelle France industrielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à
seize heures trente, sous la présidence de Mme Laurence
Dumont.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (nos 2109, 2124).
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la présidente, je vous demande une brève suspension de séance.
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à
seize heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. le secrétaire
d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des
finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la
rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de
finances rectificative que vous vous apprêtez à examiner en nouvelle lecture
a déjà fait l’objet de nombreuses présentations en commission et en séance ;
j’en rappellerai les points essentiels.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il
déposé un projet de loi de finances rectificative en cours d’année alors
qu’il ne l’avait pas fait l’an dernier ? Pour une raison : la nécessité de
mettre en œuvre les mesures fiscales du pacte de responsabilité et de
solidarité, car seul le législateur peut modifier la loi fiscale. Ces
mesures, nous avons eu l’occasion d’en débattre longuement : c’est la
prorogation, pour un an, de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les
sociétés, ainsi que l’allégement d’impôt sur le revenu décidé au bénéfice
des ménages modestes et des classes moyennes ; ce sont, en un mot, les
mesures du pacte – dont certaines prennent effet en 2014 et d’autres seront
appliquées en 2015 – qui relèvent du domaine des lois de finances, tandis
que le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale
contient celles qui relèvent des lois de financement de la Sécurité
sociale.
Toutefois, ce projet de loi ne contient pas uniquement des
mesures fiscales, puisqu’il prévoit également d’annuler 1,6 milliard d’euros
de crédits, dont 1 milliard d’euros de crédits « frais », c’est-à-dire
situés hors réserve de précaution. Ces annulations représentent la part de
l’État dans les 4 milliards d’euros d’économies réalisées en gestion pour
apporter une première réponse à la procédure de correction des écarts,
conformément à la loi organique adoptée fin 2012. De même que, tout au long
de l’année 2013, nous avons laissé jouer les stabilisateurs automatiques,
nous ne chercherons pas, en 2014, à compenser la baisse de recettes
fiscales, car il est de bonne politique de laisser les prélèvements
obligatoires fluctuer en fonction de la conjoncture économique.
Notre
objectif est la diminution du déficit structurel. Qualifiée de
« considérable » par la Cour des comptes, cette diminution s’est traduite
par une amélioration structurelle des finances publiques équivalente à 1,5 %
du PIB, soit 30 milliards d’euros en 2013. Elle a toutefois été moins
importante que prévu, et ces 4 milliards d’euros d’économies sont destinés à
rattraper dès cette année une partie de l’écart.
Un texte qui met en
œuvre les mesures du pacte à effet 2014 et 2015, voilà donc, résumé en
quelques mots, le contenu de ce projet de loi de finances
rectificative.
Cette nouvelle lecture nous donnera l’occasion de
débattre de plusieurs sujets que vous avez examinés en première lecture – je
pense notamment à l’apprentissage, à la taxe de séjour ou aux annulations de
crédits.
La première discussion portera sur l’article liminaire. Comme
je l’avais annoncé à l’issue de l’examen du texte en première lecture, le
Gouvernement a déposé un amendement tendant à revenir à la rédaction
initiale de cet article. Sans entrer dès maintenant dans le débat, je vous
rappellerai brièvement les raisons pour lesquelles l’adoption de cet
amendement nous paraît indispensable.
Tout d’abord, la modification
introduite en première lecture n’est pas cohérente avec l’hypothèse de
croissance potentielle fixée par la loi de programmation des finances
publiques, de même qu’elle ne prend pas en compte la révision du PIB 2011
par l’INSEE. Elle est donc dépourvue de fondement technique. En conséquence,
si l’article liminaire n’était pas rétabli dans sa rédaction initiale, sa
sincérité pourrait être mise en cause. Or si le Conseil constitutionnel
censurait l’article liminaire, il pourrait être amené à en faire autant pour
l’ensemble du texte, dans la mesure où l’article liminaire relève du domaine
obligatoire de la loi de finances.
Au-delà des différents amendements
que vous allez examiner dans le cadre de cette nouvelle lecture, je souhaite
revenir sur un élément important et peut-être insuffisamment rappelé : la
maîtrise constante de la dépense depuis le début de la
législature.
Ainsi, au cours de l’année 2012, la précédente majorité
avait adopté un « rabot » de 1,2 milliard d’euros. C’est notre gouvernement
qui a dû gérer ces annulations en fin de gestion. Nous l’avons fait, et nous
avons tenu la norme.
De même, en 2013, nous avons enregistré plusieurs
résultats satisfaisants : la dépense de l’État sous norme en valeur a été
inférieure de 144 millions d’euros à l’autorisation parlementaire ; la
dépense d’assurance maladie a été inférieure de 1,4 milliard d’euros à
l’objectif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale ; et le
taux de croissance de la dépense publique en valeur a été le plus faible
depuis 1998, alors même que l’investissement local atteignait un pic, comme
il est d’usage l’année précédant les élections municipales.
Pour 2014,
nous avons construit un budget en baisse de 1,7 milliard d’euros par rapport
à la loi de finances initiale pour 2013. Une diminution en valeur absolue de
la dépense sous norme était déjà sans précédent : nous y ajoutons des
annulations supplémentaires de 1,6 milliard d’euros. D’exécution 2013 à
exécution 2014, la dépense sous norme sera ainsi en diminution de
3,1 milliards d’euros.
Enfin, pour 2015, le budget triennal de l’État
anticipe une baisse des dépenses des ministères à hauteur de
1,8 milliard d’euros.
Il faut faire preuve de prudence et d’une certaine
humilité en matière de prévision budgétaire, car les recettes fluctuent
d’une année sur l’autre en fonction de la conjoncture économique et de
l’inflation. Ces aléas pèsent nécessairement sur le déficit public, et
expliquent que celui-ci puisse se réduire moins vite que prévu.
Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En revanche, le Gouvernement dispose de leviers pour agir, sinon sur la
totalité de la dépense publique, du moins sur la dépense de l’État et sur
celle de l’assurance maladie. Or ces leviers, nous les manions, car la
baisse de la dépense est non seulement la condition pour réduire le déficit
et financer les baisses d’impôts – en particulier celles qui bénéficieront
aux ménages modestes et aux classes moyennes –, mais aussi la garantie d’une
gestion exemplaire du service public et de la pérennité de notre modèle
social, lequel ne peut être financé indéfiniment à crédit.
Madame la
présidente, mesdames, messieurs les députés, le Sénat a rejeté ce projet de
loi de finances rectificative, comme il a rejeté tous les projets de loi de
finances depuis l’automne 2012. Il vous revient donc d’examiner le texte en
nouvelle lecture. Le Gouvernement souhaite bien entendu que l’Assemblée
nationale l’adopte à nouveau, comme elle l’a fait en première lecture.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
SRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de
l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
président de la commission des finances, mes chers collègues, nous
sommes donc amenés à examiner en nouvelle lecture le projet de loi de
finances rectificative pour 2014.
Initialement, le présent projet de
loi de finances rectificative pour 2014 comportait sept articles, dont
l’article liminaire. Il traduisait, en formant un tout avec le projet de
loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, les
mesures du pacte de responsabilité et de solidarité portant sur le
budget de l’État.
À l’issue de la première lecture par notre
assemblée, le 26 juin dernier, les amendements adoptés ont conduit à
modifier trois articles, à en supprimer un et à en ajouter
trente.
Nous avons ainsi adopté, sans le modifier,
l’article 1er instituant une réduction d’impôt
sur le revenu au profit des ménages modestes, l’article 3 fixant les
conditions de l’équilibre, ainsi que l’article 5 prolongeant d’un an la
contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.
Nous avons
enfin supprimé l’article 6, qui prévoyait le gel des allocations de
logement financées par le budget de l’État, en coordination bien sûr
avec les décisions prises lors de l’examen du projet de loi de
financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014.
Les six
articles initiaux, que nous avons adoptés, ont par ailleurs été
complétés par trente articles additionnels, dont neuf en première
partie, qui affectent donc l’exercice en cours, et vingt-et-un en
deuxième partie, dont un réformant l’écotaxe poids lourds et un autre
apportant des évolutions substantielles de la taxe de séjour. Le texte
que notre assemblée a transmis au Sénat comprenait donc trente-six
articles.
Le Sénat, pour sa part, a rejeté l’ensemble du texte, le
8 juillet 2014, après que sa commission des finances l’eut adopté. Il
avait retenu plusieurs amendements importants contre l’avis du
Gouvernement, voire contre l’avis de sa commission des finances, dont
l’un rétablissait le mécanisme de défiscalisation des heures
supplémentaires supprimé par le collectif budgétaire d’août 2012,
examiné immédiatement après les élections. Le Sénat a rejeté la première
partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014, et donc le
projet dans son ensemble.
Le 10 juillet dernier, la commission mixte
paritaire a constaté qu’elle ne pouvait parvenir à un accord sur
l’ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l’échec
de ses travaux. Comme cela avait été le cas pour les précédents projets
de loi de finances, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, cette
conclusion était inévitable dès lors que les votes ayant conduit au
rejet du texte au Sénat ne présentaient pas d’objectifs
communs.
Notre commission des finances, qui s’est réunie le
10 juillet dernier pour examiner ce projet de loi de finances
rectificative en nouvelle lecture, a adopté plusieurs
amendements.
Tout d’abord, s’agissant de la taxe de séjour, nous
avons retenu les trois amendements de Monique Rabin, traduisant les
propositions formulées en conclusion du rapport qu’elle a présenté avec
Éric Woerth et Éric Straumann…
M. Jean Launay. Des propositions très équilibrées !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces propositions émanent en effet d’un consensus. Nous comptons sur
le Gouvernement pour examiner ces propositions avec tout l’intérêt que
justifie la réflexion de fond très sérieuse conduite par la Mission
d’évaluation et de contrôle.
Enfin, la commission a jugé pertinent
de clarifier les incidences de l’inscription dans la loi de
l’exonération du versement transport pour les associations de l’économie
sociale et solidaire. En effet, le dispositif adopté en première lecture
sur ce sujet a suscité questions et débats dans notre assemblée.
Les
autres amendements adoptés par la commission sont des amendements de
coordination ou de précision. Nous y reviendrons au fil du texte.
Je
vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi de
finances rectificative pour 2014, comme l’a fait la commission, en
tenant compte des amendements que je viens d’évoquer.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
SRC.)
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour
un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application
de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Éric
Woerth.
M. Éric Woerth. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la
rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances,
mes chers collègues, il me revient de défendre cette motion – dont je ne
doute pas qu’elle sera votée (Sourires) – qui vous
propose de rejeter préalablement ce projet de loi de finances rectificative,
et ce pour diverses raisons.
Je ne reviens pas sur le contexte politique
compliqué avec le rejet du texte par le Sénat, la nécessité que l’Assemblée
l’examine en nouvelle lecture, et l’effervescence de la majorité, certes
plus marquée encore sur le projet de loi de financement rectificative de la
Sécurité sociale. Au-delà de ce contexte, j’évoquerai les prévisions, peu
réalistes sur le plan macro-économique, les équilibres budgétaires,
manifestement instables ; je passerai en revue quelques mesures du texte et,
enfin, vous parlerai des autres pays, qui vont mieux que le nôtre, ce qui
est bien la preuve qu’il faudrait des mesures d’une tout autre
ampleur.
Les prévisions macroéconomiques sont peu réalistes, chacun en a
convenu, y compris la Cour des comptes et le Haut conseil des finances
publiques. Nul ne l’espère mais cela est, hélas, prévisible : la croissance
ne sera pas aussi élevée en 2014 que le Gouvernement le prévoit. En juillet,
il était possible d’adopter un texte fondé sur des prévisions conformes à la
réalité. Ce n’est pas le cas. Et la croissance, qui ne sera pas au
rendez-vous comme le Gouvernement l’espère, a évidemment une incidence
majeure sur ce texte. La reprise n’est pas là. Le Président de la
République, qui semble y croire, l’estime lui-même fragile. Cette fragilité
aurait dû vous conduire à retenir une hypothèse de croissance inférieure à
celle retenue.
De même, l’inflation sera certainement inférieure à ce
que vous prévoyez. Le Haut conseil des finances publiques dit même que la
prévision retenue est « manifestement élevée ». En outre, comme j’avais eu
l’occasion de le souligner en première lecture, les prévisions de masse
salariale, tout comme celles de créations d’emplois, sont extrêmement
optimistes. Bref, toutes les données macro-économiques sur lesquelles se
fondent vos chiffrages sont à l’évidence optimistes, ce qui rend peu sincère
l’exercice budgétaire de correction auquel nous nous livrons.
Les
équilibres budgétaires, quant à eux, sont manifestement instables. Je sais
bien que l’exercice budgétaire s’y prête, mais vous nous livrez des chiffres
dans tous les sens, au point que l’on n’y comprend plus grand-chose. Le
Président de la République a peu convaincu hier. Où sont les 50 milliards
d’économies ? Ils viennent se rajouter pour 2013 à un très important déficit
de recettes fiscales. On nous dit maintenant que l’on va faire des économies
supplémentaires, bien entendu pas seulement sur la sphère de l’État, mais
ces économies sont bien peu documentées. On nous dit aussi que les crédits
de la défense seront sanctuarisés, alors qu’on les réduit. Il est décidément
bien difficile de s’y retrouver…
M. Jean-François Lamour. Tout à fait.
M. Éric Woerth. …entre ce qui relève de la fiscalité, ce qui relève des cotisations
sociales salariales, ce qui relève des cotisations sociales patronales et ce
qui relève de véritables économies. Les 50 milliards ne permettent pas de
financer les mesures de réduction de la fiscalité – il est d’ailleurs
intéressant d’envisager de réduire la fiscalité après l’avoir augmenté de
façon massive ! En vérité, ces 50 milliards servent en grande partie
simplement à stopper la dynamique des dépenses de l’État, je tenais à le
dire.
Vos prévisions de déficit, elles aussi, sont extrêmement
étonnantes. Dans le passé, on est allé plus vite pour réduire les
déficits.
M. Jean Launay. Vous les aviez, vous, augmentés, sous accélérateur !
M. Éric Woerth. Sur les deux exercices 2010 et 2011, nous les avions réduit d’environ
deux points de PIB. Sur vos trois exercices à vous, 2012, 2013 et 2014, vous
ne les avez réduits que de 1 à 1,1 point de PIB. Le déficit des
administrations publiques ralentit donc deux fois moins vite. L’Allemagne va
beaucoup plus vite, comme tous les autres pays. Vos efforts que vous
qualifiez « d’historiques » ne sont en rien historiques. Il m’étonne
d’ailleurs que vous ne vous en aperceviez pas et que vous ne réduisiez pas
davantage les déficits publics, qui constituent autant de handicaps pour la
croissance et donc l’emploi en France.
Ce PLFR n’échappe pas à la règle.
Entre la loi de programmation et lui, on relève une différence de 1,6 point
de PIB dans la prévision, ce qui est considérable puisque cela représente
plus de la moitié du déficit lui-même. On ne peut pas conduire une politique
économique solide, sérieuse et efficace avec si peu de pilotage. Pour 2014,
vous prévoyez un déficit à 3,8 % du PIB – alors que la plupart des
économistes prévoient 4 %, voire davantage – contre 4,3 % l’année dernière.
Le déficit se réduit, tant mieux, mais 0,3 point de PIB, reconnaissez que
l’effort est très faible, nul ne peut prétendre le contraire.
Quant au
« sketch » auquel nous avons assisté en première lecture avec la
modification du déficit structurel, on n’y comprend plus rien ! Des députés,
sur un coin de table, ont décidé de modifier le déficit en jonglant entre
déficit structurel et déficit conjoncturel.
M. Marc Le Fur. C’était pour embrouiller le bon peuple !
M. Éric Woerth. On ne comprenait déjà plus rien aux chiffres. On comprend encore moins
aux déficits : il y en aurait de vrais, de faux… On se perd entre déficit
global et déficit nominal. Et on nous dit : 50-50 entre déficit structurel
et déficit conjoncturel. Mais le déficit dont il faut parler, c’est le
déficit nominal, le déficit réel. Et bien entendu, il n’est pas possible,
sur un coin de table, de modifier les prévisions élaborées sur la base de
critères techniques par des administrations, par Eurostat et d’autres
organismes. On est libre de critiquer ces prévisions, mais vous ne pouvez
pas les modifier ainsi, simplement parce que vous pensez que la croissance
potentielle est supérieure. La réduction du déficit, ce n’est pas de la
magie, mais des efforts !
Le manque de recettes fiscales s’établit à
moins 5 milliards d’euros pour 2014, après moins 15 milliards en 2013.
Hélas, ce manque à gagner ne vous conduit pas à un ajustement suffisant des
dépenses. Si j’ai bien compris, mais, n’hésitez pas à me reprendre, monsieur
le secrétaire d’État, si je me trompe, il y a 1,6 milliard d’euros
d’économies en annulations de crédits, 1,8 milliard d’économies sur les
intérêts de la dette et 400 millions d’économies sur les investissements
d’avenir – il est d’ailleurs curieux que vous préfériez toucher aux
investissements d’avenir plutôt qu’aux emplois d’avenir qui ne préparent en
rien l’avenir, contrairement à ce que vous dites. Le total se monte à 3,8 ou
4 milliards. Les recettes fiscales étant moindres qu’escompté, il est
inévitable que le déficit augmente par rapport aux prévisions, vous le
reconnaissez vous-même. Vu les circonstances économiques, la totalité du
manque à gagner aurait dû être compensée.
Dernier point s’agissant des
dépenses : comme d’habitude, pas de réformes structurelles ; vous vous
contentez de passer le rabot. Vous demandez aux ministères, pas à tous mais
à bon nombre d’entre eux, de dépenser moins. Ce ne peut être une méthode
pérenne. On peut bien sûr le faire une année ou de temps à autre, mais à un
moment donné, il n’est plus possible de raisonner à politique constante.
C’est, hélas, ce que vous faites alors qu’il faudrait réformer en profondeur
à la fois les éléments constitutifs de l’emploi public et de sa masse
salariale, et ceux des dépenses de politique sociale, qui représentent la
moitié des dépenses publiques. C’est à cela qu’il faudrait
travailler.
Pour ce qui est de la défense nationale, il est là aussi
assez difficile de s’y retrouver, entre le Chef de l’État qui assure qu’on
ne touchera plus à ses crédits, le ministère qui dit le contraire, le chef
d’état-major des armées qui en commission des finances nous dit son
inquiétude….
M. Élie Aboud. C’est la cacophonie le plus totale !
M. Éric Woerth. Je constate, pour ma part, quelques centaines de millions d’euros en
moins.
On s’aperçoit aussi, vieille astuce, qu’à certains crédits
budgétaires sont substituées des ressources plus aléatoires comme le produit
de cessions immobilières, lesquelles ont d’ailleurs bien du mal à se
concrétiser depuis quelques années. Au total, la loi de programmation
militaire m’apparaît bien fragile.
J’en viens aux mesures de ce PLFR.
Tout d’abord, sa mesure-phare, la baisse des impôts. Vous baissez les impôts
après les avoir massivement augmentés. Vous reconnaissez donc que vous aviez
eu tort, c’est une marque d’intelligence, mais la baisse prévue n’est pas à
la hauteur…
M. Dominique Baert. Entendre cela de la part de ceux qui n’ont pas arrêté d’augmenter les impôts !
M. Éric Woerth. Face aux 5 milliards d’augmentation d’impôt sur le revenu qui
interviendront dès 2014, la baisse n’est que de 1 milliard. La plupart des
ménages supporteront donc bien une augmentation de l’impôt sur le revenu de
3 à 4 milliards.
Insuffisante, cette baisse est aussi injuste, car
beaucoup de ceux qui verront leurs impôts augmenter ne sont pas de riches
Français, mais appartiennent aux classes moyennes. Ils n’ont rien demandé à
personne ; ils ne souhaitent que consommer, mettre de l’argent dans
l’économie, alors que vous allez leur en prélever pour financer un État
impécunieux. L’augmentation de l’impôt sur le revenu se monte à 20 milliards
d’euros au total depuis l’accession au pouvoir de M. Hollande. Vous en
rendez 1 milliard, soit, mais ce n’est pas à la hauteur.
Par ailleurs,
des mesures courageuses, que le Gouvernement aurait souhaité prendre et qui
auraient pu ressembler à une amorce de réformes structurelles, n’ont pas été
mises en œuvre.
Je pense, par exemple, au gel des prestations logement.
C’est certainement difficile à expliquer mais cela n’en demeure pas moins
nécessaire, à la condition, évidemment, que l’on réforme profondément ces
différentes allocations. Il y a eu un dégel du gel, puisque vous êtes
revenus sur cette mesure sous la pression contradictoire de votre majorité :
c’est regrettable.
Ensuite, certaines mesures sont en contradiction avec
ce que vous dites sur la compétitivité, et notamment sur la baisse des
impôts des entreprises. Il est difficile de vouloir à la fois renforcer la
compétitivité des entreprises, qui se décide d’ailleurs maintenant et non
pas dans deux ou trois ans,…
M. Jean-Marc Germain. On aurait aimé que vous vous en occupiez il y a dix ans !
M. Éric Woerth. ….et faire voter le report de la surtaxe d’impôt sur les sociétés de 2015
à 2016 : les entreprises apprécieront comme il se doit ce geste de
clarification à leur égard.
S’agissant de la taxe de séjour, vous vous
êtes pris les pieds dans le tapis en adoptant l’amendement de Mme Mazetier,
qui porte le plafond de cette taxe à 8 euros par nuitée et par personne, en
ne tenant aucun cas du rapport que Mme Rabin, M. Straumann et moi-même avons
rédigé il y a maintenant plusieurs mois, avant que ce ne soit un sujet, pour
ainsi dire, « à la mode ».
Nous avons proposé de créer une catégorie
nouvelle pour les hôtels de luxe – cinq étoiles ou palaces –, qui ne sont
pas différenciés des quatre étoiles, et de leur appliquer une taxe de séjour
supérieure, en partant du barème actuel. Mme Rabin a suggéré de porter le
plafond des tarifs applicables à ces établissements à trois euros cinquante
tandis que, pour notre part, nous avons évoqué un montant, très proche, de
trois euros.
Nous avons également proposé de taxer les sites internet
qui font injustement concurrence aux hôtels.
M. Jean-François Lamour. C’est ça qui serait cohérent !
M. Éric Woerth. Lorsque vous louez votre logement à des touristes, vous concurrencez
évidemment l’hôtel d’à côté qui supporte, pour sa part, toutes les charges
sociales et fiscales, dont la taxe de séjour. Aussi suggérons-nous de taxer
ces sites qui mettent en relation loueurs et touristes et créent du chiffre
d’affaires. Certes, on risque de se heurter aux difficultés insondables de
la fiscalité de l’internet – M. Muet le sait bien – mais il n’en demeure pas
moins que l’on doit résoudre cette question ; aussi proposerons-nous un
amendement au PLF, et peut-être pourrions-nous travailler de concert avec le
Gouvernement sur ce sujet.
Je le répète, nous ne souhaitons pas
augmenter le barème de la taxe de séjour, mais suggérons de créer une
catégorie supplémentaire pour les hôtels cinq étoiles et les palaces. Et
nous proposons de fiscaliser les sites internet dont j’ai fait
mention.
Il est un sujet sensible dont on parle peu : celui de la
redevance audiovisuelle. Hier, le Président de la République a indiqué que
la fiscalité était un sujet sensible, ce en quoi il a raison, mais c’est
aussi le cas de la redevance audiovisuelle.
Le désengagement financier
de l’État de l’audiovisuel public – mesure concevable dont on peut très bien
discuter – va évidemment se traduire par une forte augmentation de la
redevance audiovisuelle. J’aimerais que le Gouvernement nous dise quelles
proportions atteindra cette augmentation au cours des trois prochaines
années.
Enfin, les autres pays vont mieux, ce qui, sans être
nécessairement rassurant, montre qu’il n’y a pas de fatalité : il n’y a pas
de fatalité à ce que la croissance, en France, soit en berne, à ce que nos
déficits représentent toujours plus de 3 % du PIB et à ce que nos dettes
atteignent 100 % du PIB et 2 000 milliards d’euros. Il faut juste un peu de
méthode…
M. Alain Fauré. Certainement pas la vôtre !
M. Éric Woerth. …de durée et de constance : je regrette infiniment que ce ne soit pas le cas. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout d’abord, un mot sur la forme, monsieur Woerth : vous parlez de
mélange des chiffres. Compte tenu des fonctions que vous avez exercées, vous
êtes trop fin connaisseur des finances publiques pour nous faire croire que
vous ne vous retrouvez pas dans les documents et les éléments qui vous sont
fournis. Vous parlez de « sketch », mais vous venez vous-même d’en faire un
concernant ce prétendu mélange des genres. Restons donc très factuels, très
proches des éléments chiffrés, qui sont incontournables.
Je voudrais,
pour faire suite à votre interpellation, vous reprendre sur la décomposition
des 4 milliards d’euros d’économies. Vous y avez vu – vous avez au moins
raison sur ce point – 1,6 milliard d’économies de dépenses au titre du
budget de l’État mais, lorsque l’on parle de 4 milliards, cela concerne
l’ensemble des budgets. De fait, ce 1,6 milliard d’annulations de crédits
est complété par 1,1 milliard sur les prestations de Sécurité sociale,
300 millions au titre de la non-revalorisation des retraites de base,
800 millions issus du rebasage de l’Objectif national des dépenses
d’assurance maladie, l’ONDAM – celui-ci ayant été sous-exécuté de
1,4 milliard d’euros en 2013, il y a lieu de rebaser la dépense 2014 –
600 millions de moindres dépenses de l’UNEDIC, compte tenu d’un accord
conclu par les partenaires sociaux, 300 millions sur le fonds d’action
sociale de la CNAF et 400 millions de sous-exécution prévue, et que nous
actons dès ce PLFR, du programme d’investissements d’avenir. Si vous faites
le total, vous arrivez à exactement 4 milliards.
Il ne vous a pas
échappé non plus, monsieur le député, que, contrairement à ce que d’autres
ont pu faire par le passé, ces 4 milliards ne tiennent pas compte de la
diminution des dépenses qui résultera de la faiblesse des taux d’intérêt de
la dette.
Vous voyez donc qu’il n’y a, de notre part, aucune intention
de maquiller les faits ou de vous embrouiller : les chiffres sont
parfaitement clairs et documentés.
Vous aimez parler de rabotage
systématique des dépenses, mais vous avez vous-même pratiqué le rabot
lorsque vous exerciez de hautes fonctions.
Nous nous sommes livrés, lors
des exercices budgétaires, à un travail extrêmement approfondi, consistant à
identifier, ministère par ministère, d’une part, les dépenses contraintes,
issues de l’évolution des prestations liées à la situation économique et
sociale du pays ou correspondant à des engagements d’investissement déjà
conclus, et auxquelles nous aurons immanquablement à faire face ; d’autre
part, les dépenses qui, même en cours d’année, peuvent faire l’objet soit
d’une sous-exécution prévisible, soit de mesures de gestion consistant à
optimiser la dépense publique.
Vous l’avez d’ailleurs dit au sujet de la
défense : la loi de programmation militaire fait certes état de programmes
d’investissements qui sont connus, mais il n’est pas interdit de penser
qu’une inflation moindre et certaines mesures d’allégement des charges des
entreprises permettront de réduite légèrement la dépense tout en conservant
le même volume d’investissements. Rien ne nous interdit d’identifier des
économies sur certaines dépenses de fonctionnement du ministère de la
défense avec lequel nous travaillons en lien étroit sur ces sujets. De fait,
cette démarche est à l’œuvre dans tous les ministères, y compris dans les
ministères prioritaires.
M. Jean-François Lamour. L’effort a déjà été fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ainsi, au ministère de l’intérieur, des emplois sont créés, conformément
aux engagements et aux priorités de ce gouvernement, mais des économies
peuvent être trouvées s’agissant d’autres dépenses relevant de
l’administration centrale. C’est en ce sens que nous avons
travaillé.
Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur la
redevance audiovisuelle ; je suis prêt à aborder ce sujet avec vous, même si
ce projet de loi de finances rectificative ne contient pas de mesures
concernant la contribution à l’audiovisuel public.
Et nous aurons
également l’occasion de débattre de la taxe de séjour.
S’agissant de la
baisse des impôts et des charges, vous dites que les mesures prises ne sont
pas à la hauteur. Je vous épargnerai l’historique des décisions qui ont été
prises par la précédente majorité et dont une partie continue d’ailleurs à
produire ses effets, à l’instar du gel du barème de l’impôt sur le revenu,
que vous avez allègrement pratiqué et que nous avons levé.
Les choses
sont claires : il y aura, dès 2014, une baisse de 1,1 milliard d’impôts dès
l’émission des rôles d’imposition. Vous ne pouvez le nier, pas plus que ne
pouvez contester que ce texte et, surtout, le PLFRSS contiennent des mesures
de réduction des charges des entreprises – je pense à la C3S et à la
réduction des charges sociales des employeurs – qui vont dans le sens d’une
politique de soutien à l’économie.
Le débat a déjà eu lieu, mais il va
se poursuivre non seulement dans les heures qui viennent, mais aussi à
l’occasion de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2015 et du
projet de budget triennal.
Il n’y a donc, à mes yeux, aucune raison
d’adopter cette motion de rejet préalable. Sur la forme, monsieur le député,
j’ai une trop haute opinion de vos compétences pour penser que vous ayez pu
être abusé, de quelque façon que ce soit, par notre présentation du PLFR.
(Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe SRC.)
M. Dominique Baert. Très bien !
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le groupe RRDP exprime de nouveau son soutien à ce projet de loi de finances rectificative, comme il l’a déjà fait il y a une quinzaine de jours. Nous nous posons simplement quelques questions, dont nous n’avons pas vraiment les réponses et que le Gouvernement se pose lui aussi, notamment sur le déficit public et son rythme de réduction. Personne, me semble-t-il, ne croit véritablement que nous serons capables d’atteindre les 3 % à la date qui est encore actuellement annoncée…
M. Charles de Courson. Exact !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …et je crois que ce ne serait pas de notre intérêt. Je me réfère au FMI,
qui demande – certes timidement – aux États lancés dans des politiques de
grande rigueur d’adoucir celles-ci pour ne pas trop compromettre le retour
de la croissance. Il ne serait donc pas inutile de réfléchir à un léger
infléchissement de la politique de redressement des finances publiques,
comme le fait d’ailleurs le Gouvernement.
Nous voterons ce texte,
notamment parce que le Gouvernement a fait preuve d’esprit d’ouverture à
l’égard de notre groupe en acceptant de limiter le gel des pensions de
retraite à celles supérieures à 1 200 euros, en se montrant favorable à
l’amendement sur la poursuite de l’exonération de la taxe d’habitation et en
acceptant la création d’un Observatoire des contreparties. Je me réjouis
d’ailleurs d’entendre le Président de la République, le Premier ministre et
les membres du Gouvernement parler de plus en plus de ces contreparties que
M. Gattaz avait sans doute, pour sa part, totalement oubliées. Je me réjouis
de constater que l’exécutif, lui, s’en souvient, et qu’il soit ainsi rappelé
que l’objectif du CICE et du pacte de responsabilité est non pas de faire
Noël pour le MEDEF dès le mois de juillet, mais d’obtenir de celui-ci une
action accrue pour l’emploi et l’investissement.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Dominique Lefebvre. Le groupe SRC votera contre cette motion de rejet préalable dont je n’ai
pas compris, a priori, le fondement ; et que je
comprends encore moins après avoir entendu Éric Woerth.
Au seul prétexte
qu’une majorité de circonstance, faite d’alliances de contraires au Sénat, a
rejeté ce texte financier – comme, d’ailleurs, tous les textes financiers
depuis le début de cette législature – le groupe UMP estime qu’il n’y a pas
lieu de débattre en nouvelle lecture d’un projet de loi qui, en première
lecture, a été adopté à une très large majorité de 307 voix contre
232 ?
Certes, une telle motion de procédure relève de la liturgie en la
matière, mais, j’y insiste, ce texte a fait l’objet d’un vote extrêmement
clair en première lecture.
En outre, nous mettons en œuvre le pacte de
responsabilité et de solidarité au travers de ce texte et du projet de loi
de financement rectificative de la Sécurité sociale qui a été adopté en
première lecture la semaine dernière. Ainsi que le Président de la
République l’a rappelé hier, c’est une exigence, une nécessité, face aux
difficultés économiques que nous rencontrons, de redresser la compétitivité
de nos entreprises et de redonner du pouvoir d’achat aux ménages les plus
modestes. Ce texte répond également à une autre exigence pour le
redressement de notre pays : rééquilibrer les finances publiques, en tenant
compte de la conjoncture afin d’éviter des effets récessifs.
Au fond,
dans ce rituel, la seule constante, c’est l’amnésie de nos collègues de
l’UMP quant à leurs responsabilités dans la situation budgétaire de notre
pays et l’incohérence de leurs propositions, qui ne sont pas clairement
énoncées, car nous ne savons toujours pas s’il faut, selon eux, réduire
encore la dépense publique ou augmenter les impôts.
M. Jean-Michel Villaumé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Marie-Christine Dalloz. Je reprendrai les quatre arguments qu’a brillamment développés Éric
Woerth en défendant sa motion de rejet préalable.
Premièrement, le delta
entre le solde du projet de loi de finances rectificative et celui de la loi
de programmation s’élève à 1,6 point de PIB, ce qui est considérable ; c’est
la moitié de notre déficit public. C’est si important que le mécanisme de
correction budgétaire doit aujourd’hui être déclenché, ce qui n’est pas
anodin.
Deuxièmement, sur le niveau du déficit public, nous avons
assisté, le premier soir de la discussion du projet de loi de finances
rectificative, à un débat surréaliste sur la répartition entre le déficit
structurel et le déficit conjoncturel. C’était tellement ubuesque que nous
aurions pu en rire si cela n’avait pas été aussi lourd de conséquences pour
notre pays. Faire du bidouillage de chiffres entre amis sur le coin de la
table, comme l’a très bien dit Éric Woerth, ce n’est pas sérieux et ce n’est
pas le rôle du Parlement.
Troisièmement, que vous prévoyiez dans votre
projet de loi de finances rectificative une moins-value de 5 milliards
d’euros, ce n’est pas anodin, mesdames, messieurs les députés de la
majorité : c’est qu’il y a un problème. C’est au-delà du matraquage !
D’ailleurs, le ministre des finances et des comptes publics, M. Sapin, a
récemment affirmé que la coupe fiscale était pleine et que cela avait pour
effet de stériliser l’économie. Vous l’avez enfin compris, mais voilà trois
ans que nous vous le répétons à cors et à cris !
M. Dominique Lefebvre. C’est vous qui avez rempli la coupe !
Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, quatrièmement, les ajustements en dépense ne sont pas documentés.
Nous vous reprochons de ne juger qu’à politique constante, alors qu’il vous
faudrait avoir le courage de mener des réformes structurelles.
Mesdames,
messieurs les députés de la majorité, souffrez que l’opposition s’exprime,
qu’elle débatte avec vous et vous fasse état des incohérences et des dangers
de votre politique. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de
rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le groupe UDI votera cette motion de rejet préalable pour quatre raisons.
M. Jean-Pierre Door. Très bien !
M. Charles de Courson. Premièrement, nous ne cessons d’attirer l’attention du Gouvernement sur
l’écart croissant entre le déficit structurel et le déficit effectif. Nous
allons bientôt atteindre 1,7 point de PIB, ce qui pose un vrai problème.
D’ailleurs, la difficulté, chacun le sait, tient aux hypothèses retenues
quant au taux de croissance structurelle. Retenir, comme le fait le
Gouvernement, un taux de 1,6 % en moyenne et une remontée progressive à
2,25 % pour 2016-2017 est totalement irréaliste. Nous ne sommes d’ailleurs
pas les seuls à le dire. Le taux de croissance estimé, que le Gouvernement
maintient cette année à 1 %, est d’ores et déjà inatteignable, car nous
sommes actuellement à 0,7 %. Les indicateurs conjoncturels, particulièrement
mauvais en France, ne sont pas non plus très bons dans le reste de l’Europe.
Nous terminerons donc très en dessous du chiffre de 0,7 % du PIB.
La
Cour des comptes nous avait avertis alors même qu’elle ne disposait pas
encore des derniers éléments : il y a un problème d’insincérité sur les
recettes et d’insuffisance d’économies sur les dépenses ; ce n’est pas nous
qui le disons !
M. Dominique Lefebvre. Tout de suite les grands mots !
M. Charles de Courson. L’ordre de grandeur des pertes de recettes n’est pas de 5 milliards : la
Cour des comptes annonce d’ores et déjà entre 2 et 4 milliards d’euros
supplémentaires et, hélas ! nous serons plus près des 4 milliards que des
2 milliards.
Vous allez donc vous retrouver dans une situation
impossible, monsieur le secrétaire d’État : l’objectif de 3 % de déficit
auquel vous vous accrochez est aujourd’hui inatteignable ou, plus
exactement, n’est atteignable qu’à des conditions politiquement
inacceptables pour votre majorité. Telle est la première raison que je
souhaitais exposer.
Mme la présidente. Et ce sera la dernière, monsieur le député !
M. Charles de Courson. La deuxième raison de mon vote est le péage de transit. Mes chers collègues, ceux qui le voteront feront la même erreur que ceux qui ont voté l’écotaxe – je rappelle que je fais partie des rares députés qui n’ont pas voulu la voter. J’appelle votre attention sur ce point : les problèmes qui se posent sont non seulement constitutionnels, mais aussi de fond. Est-il sage de réduire l’assiette de 10 000 kilomètres à 4 000 kilomètres et de maintenir le taux ? C’est exactement l’inverse qu’il faut faire !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député !
M. Charles de Courson. Et il faut résoudre le problème des effets de report. Il faut par
conséquent adopter un outil plus large.
Enfin, une dernière raison,
madame la présidente, est le très intéressant débat que nous avons eu sur le
CICE et les contreparties à exiger des entreprises.
Mme la présidente. Je n’en doute pas, monsieur le député, mais le temps qui vous était imparti est écoulé.
M. Charles de Courson. J’y reviendrai lors de mon intervention en discussion générale.
M. Philippe Vigier. Très bien !
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour
un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en
application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à
M. Jean-François Lamour.
M. Jean-François Lamour. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la
rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances,
chers collègues, cette nouvelle lecture doit être l’occasion de rappeler à
la représentation nationale les graves insuffisances qui entachent le
présent collectif budgétaire. Je vais donc m’efforcer de démontrer pourquoi
nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi dont nous sommes
à nouveau saisis après l’échec de la commission mixte
paritaire.
Monsieur le secrétaire d’État, l’an dernier, nous avons
maintes fois demandé, à l’initiative du président de la commission des
finances, Gilles Carrez, que le Gouvernement présente, à mi-parcours, un
budget rectificatif qui prenne acte de l’écart entre ses prévisions et la
réalité économique de notre pays. Le projet que nous examinons aujourd’hui
aurait par conséquent dû être un exercice de sincérité pour un gouvernement
qui, depuis 2012, semble avoir fait profession non pas de mentir – je n’irai
pas jusque-là – mais, à tout le moins, de fonder sa politique économique et
budgétaire sur des hypothèses déraisonnablement optimistes. Or, il n’est en
est rien.
Le Haut conseil des finances publiques juge en effet, en des
termes diplomatiques, que les prévisions de croissance et d’inflation sont
« élevées » et que les créations d’emplois et l’évolution de la masse
salariale sont « surévaluées ». Par ailleurs, malgré le souhait, répété par
le Haut conseil, « que la saisine du Premier ministre concernant le
collectif soit d’emblée accompagnée de l’ensemble des éléments lui
permettant d’apprécier de façon aussi complète que possible non seulement
les prévisions macroéconomiques, mais également la cohérence du PLFR et du
PLFRSS avec les orientations pluriannuelles de solde structurel », ces
indications n’apparaissent absolument pas dans le PLFR. Voilà qui souligne
le désintérêt, voire la méfiance du Gouvernement envers cette institution
pourtant établie dans le but d’améliorer la gestion de nos comptes
publics.
En définitive, l’analyse du Haut conseil est cinglante quant
aux objectifs de ce budget rectificatif. D’une part, l’ajustement structurel
est jugé « modeste » par rapport à l’écart constaté entre le déficit de
2,2 % du PIB prévu en loi de programmation et les 3,8 % attendus cette année
et, d’autre part, les économies sur la dépense sont jugées « insuffisantes »
– je rejoins ici mon collègue Éric Woerth – compte tenu de la diminution des
recettes fiscales et de certaines mesures nouvelles sur les prélèvements
obligatoires.
Examinons précisément ce que sont ces mesures qui, pour
certaines d’entre elles, ont donné lieu en première lecture à de virulents
débats au sein même de la majorité.
Concernant la fiscalité, monsieur le
secrétaire d’État, je pourrais presque me contenter de répéter les mots que
ma collègue Valérie Pécresse a utilisés en première lecture, à savoir que
vous avez réussi la prouesse de démontrer la courbe de Laffer, qui n’était
jusqu’ici qu’une hypothèse d’école.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Valérie Pécresse n’est pas là !
M. Jean-François Lamour. Oui, « trop d’impôt tue l’impôt ».
L’érosion des recettes fiscales
sous ce gouvernement est tout simplement dramatique : près de 15 milliards
d’euros ont manqué à l’appel en 2013, et vous vous obstinez à poursuivre
dans cette voie de perdition, tout en faisant mine de vous en écarter au
moyen, il faut bien le reconnaître, de médiocres artifices. Il est un fait
incontestable : les impôts poursuivent l’irrésistible ascension qu’ils ont
entamée voilà deux ans sous la conduite du premier de cordée François
Hollande.
Certes, cette augmentation progresse désormais à un rythme
moindre, tant il est vrai que vous vous approchez de sommets jamais
atteints. Ainsi, dans un suprême élan de générosité, vous concédez un geste
de 1 milliard d’euros aux plus modestes – autant dire une aumône – et
M. Hollande, acculé comme un monarque en fin de règne, annonce une baisse
d’impôts pour 2015. (Exclamations sur quelques bancs du groupe
SRC.)
Mais que représentent ces baisses quand, ces deux
dernières années, tant de petits revenus sont entrés pour la première fois
dans le barème ou ont vu leur impôt multiplié par dix ? Ces mesurettes ne
suffiront pas à calmer la grogne d’un peuple qui ploie, depuis trop
longtemps, sous le fardeau fiscal !
Car, contrairement à ce que vous
voudriez nous faire croire, monsieur le secrétaire d’État, les Français
doivent s’apprêter à subir une nouvelle augmentation d’impôts de
4,5 milliards d’euros. Et l’essentiel de l’effort sera supporté non pas par
les riches, mais par les contribuables déclarant entre 20 000 et 40 000
euros de revenus annuels, c’est-à-dire, encore une fois, par les classes
moyennes, qui sont décidément les vaches à lait du système.
Hausse de
l’impôt sur le revenu, cotisations retraite, TVA, droits de mutation,
quotient familial…, telle est la réalité de votre politique budgétaire pour
de très nombreux Français que ce gouvernement a fait l’erreur de compter
pour portion négligeable. Il y a, dans cette accumulation indigeste d’impôts
et de taxes, comme une réminiscence de l’Ancien Régime, comme le rappel d’un
modèle fiscal qu’on voudrait voir aboli, ou du moins profondément
renouvelé.
Chers collègues de la majorité, en ne comptant que sur
l’impôt, sur la lutte contre la fraude fiscale et sur des taux d’intérêt
particulièrement bas pour remettre nos finances à flot, vous vous bercez des
douces illusions d’un autre temps. Ce budget rectificatif est trop timide,
trop timoré par rapport au défi de l’endettement.
Oui, il faut à ce
pays, qui meurt de sa bureaucratie et de l’idée fausse et trop longtemps
véhiculée qu’on ne fait mieux qu’avec plus, des réformes structurelles à la
hauteur des enjeux auxquels il doit faire face. Oui, si vous nous présentiez
de telles réformes, qui agiraient sur la masse salariale, sur l’organisation
même de notre administration, et non pas seulement sur la modernisation de
l’action publique, qui n’est que la version light de la
révision générale des politiques publiques, alors nous les
soutiendrions.
Mais, une fois encore, dans votre appréhension des
problématiques économiques et budgétaires, vous vous laissez aller à ces
facilités de raisonnement qui vous ont toujours conduits dans l’impasse en
temps de crise.
Vous avez mis des mois à admettre que la France avait un
problème de compétitivité, et dans l’intervalle vous avez abrogé la TVA
anti-délocalisation.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez mis dix ans à construire ce problème !
M. Jean-François Lamour. C’est la réalité, monsieur le secrétaire d’État !
En d’autres termes,
vous avez remplacé la baisse de charges massive et immédiate de 13 milliards
d’euros, dont nous souhaitions faire bénéficier les entreprises et l’emploi,
par un système plus complexe et moins puissant, le CICE, dont la pérennité
n’est, semble-t-il, même pas assurée !
La vérité est que, depuis que
vous êtes au pouvoir, vous maltraitez tous les créateurs de richesses. Quand
vous annoncez, d’un côté, une baisse de l’impôt sur les bénéfices des
entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité, vous reconduisez, de
l’autre, jusqu’en 2016 la surtaxe d’impôt sur les sociétés, dont la fin
était pourtant programmée pour 2015.
Les entreprises de notre pays
souffrent au moins autant des charges et impôts qui les accablent que de
l’insécurité fiscale, savamment entretenue par vos soins au gré de vos
débats internes.
Tout est à l’avenant dans votre politique et ce budget
rectificatif en est la preuve éclatante. Vos projections, qui reposent pour
1,8 milliard d’euros sur des taux d’intérêt particulièrement bas et, par
conséquent, sur des perspectives forcément aléatoires, sont marquées par un
manque d’anticipation caractérisé.
J’en veux pour preuve le sort que
vous réservez à notre défense, monsieur le secrétaire d’État, dont le budget
est une nouvelle fois ponctionné. Vous prétendez que des marges de manœuvre
existent encore, mais elles sont déjà toutes consommées dans le cadre du
projet de loi de programmation militaire : 34 000 emplois en moins ! Où
allez-vous trouver des marges de manœuvre dans l’administration de la
défense nationale ? Vous savez très bien qu’il n’y en a plus.
Ce poste
stratégique, s’il en est, fait l’objet depuis la fin de l’exécution du
budget 2013, de ce qu’il faut bien appeler des manipulations budgétaires qui
consistent à faire reposer une part croissante de notre sécurité collective
sur des ressources exceptionnelles.
En première analyse, la réduction
des crédits dédiés à la défense n’est « que » de 100 millions d’euros, mais
la réalité est tout autre si l’on se reporte à l’exécution 2013 et aux
premiers mois de 2014, ainsi qu’aux perspectives des ressources
exceptionnelles pour 2015, 2016 et 2017. Ces recettes pourraient bientôt
faire cruellement défaut à nos armées, alors qu’elles représentent 3,5 % de
l’effort de défense sur la période 2014-2019.
Rappelons en effet que
417 millions d’euros votés en loi de finances initiale pour 2014 au titre du
programme d’investissements d’avenir ont été consommés pour régler des
dépenses de 2013, que nous sommes dans l’incertitude quant au moment et même
au principe du versement de la seconde tranche de 250 millions d’euros de la
clause de compensation adoptée en loi de programmation militaire, que les
ressources exceptionnelles issues de la cession de fréquences ne pourraient
arriver qu’en 2016, qu’enfin les premiers éléments du budget 2015 laissent
entrevoir que des ressources exceptionnelles seront à nouveau substituées
aux crédits budgétaires pour 500 millions d’euros.
Cette méthode donne
le sentiment que le Gouvernement, incapable de tenir les engagements
réitérés du Président de la République, se livre à un jeu de bonneteau dont
le budget de la défense est systématiquement la dupe.
Je me suis
volontairement attardé sur ce volet défense, non seulement parce qu’il
représente la majorité des annulations de crédits dans ce projet de loi de
finances rectificative, mais encore parce que la politique menée en la
matière est à l’image de la politique générale du Gouvernement, caractérisée
par l’insincérité, l’imprévisibilité, en un mot par une espèce de légèreté
complètement hors de propos compte tenu des enjeux.
D’où ces questions,
monsieur le secrétaire d’État, que nombre de mes collègues se posent
également dans cet hémicycle. Quand allez-vous enfin vous montrer à la fois
plus raisonnables dans vos prévisions et plus volontaristes dans l’action,
comme vous y invite le Haut conseil des finances publiques ? Quand
allez-vous enfin écouter ce que l’opposition vous répète, sans discontinuer,
depuis maintenant deux ans ?
En l’état, nous ne pouvons pas voter ce
budget rectificatif car il n’infléchit nullement une politique économique et
budgétaire qui nous mène tout droit à l’échec. Le texte que nous examinons
aujourd’hui pour la seconde fois mérite incontestablement d’être revu et
substantiellement amendé. C’est pourquoi je vous demande, au nom de mon
groupe, d’adopter cette motion de renvoi en commission.
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.
Mme Eva Sas. Il est bien sûr de votre droit de déposer une motion de renvoi en commission, mais nous avons le sentiment qu’elle n’a d’autre objectif que de retarder les débats.
M. Jean-François Lamour. Ce n’est pas de notre faute si le texte revient à l’Assemblée ! Excusez-nous d’exister !
Mme Eva Sas. Ce projet de loi nous inspire des remarques, mais ce que vous préconisez est pire encore puisque vous voulez notamment sacraliser le budget de la défense, alors que c’est justement là que nous devons trouver des économies.
M. Philippe Vitel. C’est dramatique d’entendre cela ! Vous n’aimez pas la France, madame !
Mme Eva Sas. C’est un point sur lequel tout le monde s’accorde aujourd’hui. Ainsi, la
composante aéroportée du nucléaire militaire est aujourd’hui remise en
cause, même par les généraux de l’armée. Vous devriez donc porter un
jugement plus distancié et nuancé sur le budget de la défense.
Telles
sont les raisons pour lesquelles le groupe écologiste ne votera pas cette
motion de renvoi en commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je ne voterai pas cette motion pour plusieurs raisons. D’abord, l’effort
fiscal excessif dont nous parle M. Lamour trouve pour partie son origine
dans le passé. Je pense au gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui n’est
pas en soi une bonne mesure, mais qui a été décidé et maintenu par M.
Fillon.
Je pense aussi à l’endettement, qui s’est accru de 600 milliards
au cours du précédent quinquennat et dont la réduction pose un problème
considérable.
Quant à la TVA sociale, je n’ai pas de regret puisque nous
l’avons abrogée ici, mais je me demande si les 6,5 milliards de TVA qui ont
été votés pour financer partiellement le CICE ne lui ressemblent pas d’une
certaine manière. (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est exactement cela.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cela ne suffit pas pour autant à faire oublier les mesures prévues pour alléger l’impôt sur le revenu de 3,7 millions de foyers fiscaux, dont certains pourront y échapper.
M. Marc Le Fur. Vous y croyez ?
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. N’oublions pas non plus l’abaissement des cotisations salariales, la poursuite de l’exonération de la taxe d’habitation et les mesures fiscales annoncées par le Président de la République et le Premier ministre en faveur des classes moyennes pour l’année prochaine.
M. Jean-François Lamour. Lesquelles ? Ce ne sont que des promesses !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Notre espoir pour l’avenir nous empêche de voter aujourd’hui cette motion.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Alain Fauré. Après avoir écouté la liste des arguments égrenés par M. Lamour, vous
comprendrez que nous ne puissions voter cette motion de renvoi. En pour
cause ! Vous avez la mémoire courte. Vous souffrez d’amnésie. Rappelons
quelques chiffres.
En 2010, le déficit budgétaire s’élevait à
148,8 milliards d’euros. En 2011, il était de 90,8 milliards et il aurait
sans doute atteint les 150 milliards d’euros en 2012 si nous vous avions
laissé gérer le pays.
Mme Marie-Christine Dalloz. N’importe quoi !
M. Alain Fauré. Il faut avoir beaucoup de souffle, monsieur Lamour, pour oser dresser une
telle liste tout à l’heure !
Par ailleurs, en dix ans, notre dette a
atteint les 650 milliards d’euros, ce qui est beaucoup ! Quand on doit
assumer un tel résultat, on ne vient pas donner des leçons de gestion à ceux
qui ne sont aux affaires que depuis deux ans. Et je n’entrerai pas dans les
détails, car ce serait scabreux. À chacun sa gestion !
S’agissant de la
désindustrialisation du pays, qui explique en partie la baisse des recettes,
rappelons qu’en dix ans le taux d’industrialisation est passé de 23 % à
12 %, hélas !
Il fallait réagir et c’est ce que nous faisons, avec
modération, en aidant les entreprises via le CICE, en
diminuant leurs cotisations en 2014 pour soutenir le nécessaire redressement
du pays.
Nous menons une politique juste et raisonnable en proposant de
réaliser une économie de 50 milliards, ce qui est déjà important, quand vous
auriez voulu économiser 118 milliards d’euros sur les trois prochaines
années.
Nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission, car
ce texte relativement bien construit nous permettra de redresser le
pays.
M. Jean-François Lamour. Relativement !
M. Alain Fauré. Oui, par rapport à ce que vous avez fait pendant toutes ces années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Chrétien. Le groupe UMP votera avec conviction cette motion de renvoi en commission car vous vous apercevez bien tard, mes chers collègues, des erreurs que vous avez commises depuis le début de ce mandat. De graves erreurs qui se traduisent par des objectifs de déficit non tenus, par des réductions de dépenses non documentées, excepté dans le domaine de la défense sur laquelle vous tapez à tour de bras, par pure démagogie électoraliste.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il y en a qui sont frappés d’amnésie !
M. Alain Chrétien. Vous essuyez des échecs malgré un contexte économique favorable, des taux
d’intérêt relativement bas, non pas en raison de la confiance que les
investisseurs pourraient mettre dans notre pays, mais parce que l’Union
européenne alimente le marché monétaire de milliards d’euros pour favoriser
cette croissance qui revient partout sauf en France.
En effet, vous avez
tué le retour de la croissance en France. La croissance revient en Espagne,
en Grande-Bretagne ; elle est forte en Allemagne, mais elle est inexistante
en France, parce que votre politique économique tue la croissance dans notre
pays !
Cette politique se traduit par des baisses de rentrées fiscales –
15 milliards d’euros en moins par rapport à vos prévisions. Avec les
socialistes, plus l’impôt augmente, moins il rentre. M. Lamour en a apporté
la preuve avec la courbe de Laffer.
Il faudrait par ailleurs que vous
reconnaissiez enfin vos erreurs passées. Le matraquage fiscal recule suite
au matraquage électoral que vous subissez depuis le début de l’année. Il
fallait bien que vous fassiez plaisir à vos électeurs déçus et que vous
réduisiez les impôts de ceux qui, malheureusement, avaient voté pour vous et
à qui vous avez notamment supprimé les heures supplémentaires
défiscalisées.
Recul sur tous les sujets ! Zigzag sur tous les sujets !
Nous devons absolument revenir en commission des finances pour travailler à
nouveau ce projet de loi, d’autant plus que les baisses d’impôt sont
repoussées aux calendes grecques, 2015 voire encore plus
tard.
Finalement, les frondeurs ont vidé le pacte de responsabilité de
son sens. Mes chers collègues, c’est en 2015 que la vérité vous sautera aux
yeux, mais les Français n’auront plus que leurs yeux pour pleurer !
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Charles de Courson. Notre groupe votera la motion de renvoi en commission pour deux raisons.
Tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, il faut trouver 1,4 milliard
d’économies supplémentaires pour maintenir le déficit conformément à vos
prévisions. Pour cela, il faut travailler en commission, d’autant plus que
ce sont 3 ou 4 milliards qui seront nécessaires si vous voulez tenir
l’objectif du déficit initial dû aux pertes de recettes supplémentaires,
au-delà des 5,2 milliards affichés dans le collectif. Ce qui nous pend au
nez est de cet ordre de grandeur, mes chers collègues.
Il reste
évidemment la solution de la réserve, monsieur le secrétaire d’État, mais
nous devons déjà amputer de 600 millions la réserve de 7 milliards. Il ne
restera plus grand-chose pour faire face au strict maintien du déficit du
budget de l’État et de celui de la Sécurité sociale.
Ensuite, il y a eu
un débat très intéressant sur les contreparties du CICE. Mais il semble
qu’une partie de la majorité ayant voté ce dispositif ne se souvienne plus
du tout de ce qui s’est passé.
Mme Marie-Christine Dalloz. Ils le regrettent amèrement !
M. Charles de Courson. Le débat a déjà eu lieu une première fois : aucune contrepartie au CICE
n’est prévue. Nous n’avons cessé de dire au Gouvernement qu’il eût été si
simple de prendre deux grandes mesures. La première aurait été de supprimer
progressivement toutes les cotisations sociales patronales alimentant la
branche vieillesse – 30 milliards – plutôt que de créer le CICE et baisser
ensuite les cotisations sociales patronales, ce qui est
incompréhensible.
La deuxième aurait été, non de supprimer la C3S et de
baisser d’un point le taux de l’IS en 2017, ce qui est illisible, mais de
baisser d’un point par an tous les taux d’IS.
Ces mesures auraient eu le
mérite d’être claires, simples et compréhensibles par tout le
monde.
Vous avez miné votre retournement de politique, que nous avions
salué d’ailleurs car nous sommes ouverts, à l’UDI – nous pensons qu’à tout
pêcheur miséricorde !(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il ne faut pas être sectaire, monsieur le secrétaire d’État ; il
faut être ouvert. Vous menez une politique illisible.
M. Guy Geoffroy. Très bien !
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas
adoptée.)
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. En première lecture de ce projet de loi de finances rectificative, puis
lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la
Sécurité sociale, nous avons déposé des amendements constructifs, pour
proposer un changement de cap de la politique gouvernementale. Nous visions
trois objectifs simples : mieux cibler les aides aux entreprises, aider
directement l’emploi au travers des contrats d’apprentissage et des emplois
d’avenir, et investir dans la transition écologique.
Nous avons été
constructifs en proposant d’abord un ciblage plus précis des aides aux
entreprises, notamment le crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE – et le
crédit d’impôt recherche – CIR –, afin d’éviter les effets d’aubaine pour
les entreprises qui, parfois, n’ont pas besoin de ces aides.
S’il faut
soutenir les PME, simplifier leurs démarches administratives, aider leur
développement, à l’inverse, nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller
l’argent public, fruit de l’effort des contribuables, pour que de grands
groupes champions de l’optimisation fiscale bénéficient d’une manne dont ils
n’ont pas besoin. Il faut rappeler ici que les entreprises du CAC 40 captent
1 milliard sur les 5 milliards d’euros du CIR, alors même que ce crédit
d’impôt était destiné, à l’origine, aux PME.
Cette mesure est utile, il
faut la développer, la simplifier et la sécuriser pour les PME, mais elle ne
doit plus être détournée de son objectif premier. Le rapport de la Cour des
comptes de juillet 2013 est très clair. Nous pouvons mieux cibler le
dispositif « sans remettre en cause son efficacité ». Alors que tant de PME
éprouvent des difficultés à obtenir le CIR, il est particulièrement anormal
que les grands groupes, eux, en captent facilement une part aussi
importante.
Les amendements que nous proposions étaient simples :
plafonner le CIR au niveau des groupes, interdire l’utilisation du crédit
d’impôt compétitivité pour l’augmentation des dividendes ou la rémunération
des dirigeants. Pourtant, nous n’avons pas été entendus.
Nous avons été
constructifs, ensuite, en proposant de soutenir les emplois d’avenir. Ces
contrats que l’on dit « aidés », le sont en fait beaucoup moins que ceux
créés par le CICE, qui coûteront au contribuable 60 000 euros par emploi,
alors qu’un emploi d’avenir ne revient qu’à 12 000 euros par an. Ce sont des
contrats utiles, qui permettent à notre jeunesse de construire son parcours
professionnel.
Nous avons été constructifs, également, en proposant de
développer les contrats d’apprentissage, dont les chiffres sont en baisse
constante depuis 2012. Cette baisse a même atteint 13,7 % au premier
trimestre 2014. L’amendement de Mathieu Hanotin a ainsi manqué d’être
adopté, à 4 voix près. Et s’il a reçu un tel accueil dans l’hémicycle, c’est
parce que ce sont des mesures simples et efficaces qui préparent l’avenir de
la jeunesse et de nos entreprises.
Nous avons été constructifs, enfin,
en proposant de soutenir la transition écologique pour faire émerger un
nouveau modèle de développement, porteur d’emplois et protecteur de
l’environnement. J’y reviendrai, mais cela supposait, a
minima, de maintenir le budget du ministère de
l’écologie.
Au travers de ces propositions, nous avions un objectif
central : utiliser au mieux l’argent public, qui est le fruit de nos impôts,
renforcer l’efficacité de nos politiques de création d’emplois et construire
un nouveau modèle économique porteur d’avenir autour de la transition
écologique. Nous avons défendu ces amendements en convergence avec une
partie de la majorité. Malgré cet esprit constructif, force est de constater
que nos demandes n’ont pas été entendues, comme d’autres émanant d’autres
parties de votre majorité.
Plus gênant encore, lors de l’examen du
PLFRSS, comportant l’autre volet de votre pacte de responsabilité, vous avez
dû recourir à la réserve des votes concernant une partie du texte, notamment
pour éviter que le Parlement n’adopte l’allégement de la CSG pour les
ménages aux revenus modestes et les classes moyennes. Ces allégements
d’impôts auraient pourtant répondu aux attentes des Français, à qui vous
avez demandé tant d’efforts depuis le début de cette législature.
Nous
avons effectué notre travail de parlementaires et fait des propositions pour
améliorer ce projet de loi, en défendant des mesures souhaitées par une
grande partie des Français. Vous n’avez pas voulu les adopter à ce stade, et
nous le regrettons. Mais Paris ne s’est pas fait en un jour, et si des
mesures sont prises demain en faveur des ménages, ainsi que l’a laissé
entendre le Président de la République hier, nous pourrons dire que nos
débats n’auront pas été inutiles.
En revanche, nous n’avons pas décelé
de volonté quelconque en matière d’écologie dans les propos du Président de
la République. Si nous nous sommes engagés chez les écologistes, c’est que
nous avions la conviction profonde que l’écologie doit être au cœur de nos
politiques publiques.
Nous ne pouvons plus rester sans rien faire devant
la dégradation de notre environnement et l’épuisement de nos ressources.
Notre qualité de vie s’en ressent chaque jour, les nuisances liées au trafic
routier et aérien s’amplifient, les particules fines sont responsables de
42 000 morts prématurées chaque année, la qualité de notre alimentation se
dégrade et nous n’agissons pas assez face au principal danger qui menace
l’avenir de nos enfants : le réchauffement climatique. Le dernier rapport du
GIEC est malheureusement clair : au rythme où la température de la terre se
réchauffe, nous aurons dépassé les deux degrés Celsius supplémentaires d’ici
à 2030, le niveau de la mer pourrait s’élever d’un mètre d’ici à la fin du
siècle, et les événements climatiques extrêmes, que nous connaissons déjà,
se multiplieront. Nous ne pouvons rester sans rien faire.
Comme le
disait Pierre Radanne, j’ai deux nouvelles : une mauvaise et une bonne. La
mauvaise, c’est que c’est grave ; la bonne, c’est que nous avons les
solutions. Vous connaissez les solutions : une agriculture biologique
accessible à tous, des économies d’énergie avec, d’abord, l’isolation des
logements, le développement des énergies renouvelables – éolienne et solaire
–, des projets de transports collectifs. Non seulement ces solutions nous
apporteront une meilleure qualité de vie, à nous et à nos enfants, mais
elles peuvent aussi créer des emplois. Vous ne pouvez l’ignorer, car les
études se multiplient et vont toutes dans le même sens.
La Commission
européenne a évalué, en janvier, qu’une politique d’investissements dans la
transition énergétique pourrait créer 1,2 million d’emplois en Europe à
l’horizon 2030, pour un coût proche de zéro car les investissements, estimés
à 22 milliards d’euros par an, seraient entièrement compensés par les
économies réalisées sur la facture énergétique. Dans le cadre du débat
national sur la transition énergétique, les auditions d’entreprises comme
Saint-Gobain ou du syndicat des énergies renouvelables ont montré également
que 220 000 emplois pouvaient être créés dans l’isolation des logements et
150 000 dans les énergies renouvelables.
Alors, qu’attendons-nous pour
soutenir le développement de l’économie verte ? Pourquoi constatons-nous, au
contraire, dans ce collectif budgétaire, que l’écologie ne fait pas partie
de vos priorités, puisque vous amputez son budget de 288 millions d’euros ?
Pourquoi choisissez-vous de couper les crédits des investissements d’avenir
consacrés à l’innovation pour la transition écologique et énergétique, aux
villes et aux territoires durables ?
Pis encore, vous introduisez dans
ce PLFR une révision à la baisse de la taxe poids lourds, devenue simple
péage de transit, dont le réseau taxable est divisé par trois et les
recettes par deux. Que sont devenues les ambitions du Grenelle de
l’environnement de diminuer le trafic des poids lourds sur nos routes ?
Comment favorisera-t-on le développement du fret ferroviaire et du transport
fluvial ? Sans cette taxe, comment réalisera-t-on demain les projets de bus,
de métros, de tramways, nécessaires pour permettre à tous de se déplacer et
désengorger nos villes, congestionnées par le trafic automobile ?
Pour
toutes ces raisons, vous comprendrez que nous abordons cette nouvelle
lecture avec quelque inquiétude. Nous avons déposé un nouvel amendement
visant à rétablir le budget de l’écologie. C’est pour nous une priorité.
Nous vous demandons, parce que notre planète en a besoin et parce que c’est
le modèle de développement de demain, de partager notre conviction qu’il
faut miser sur l’économie verte et sur l’écologie. En un mot, nous vous
demandons de faire enfin de l’écologie l’une des priorités du
Gouvernement.
M. Paul Molac. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la
rapporteure générale, chers collègues, nous entamons la nouvelle lecture du
projet de loi de finances rectificative pour 2014, rejeté par le Sénat le
8 juillet.
En première lecture, le débat à l’Assemblée nationale a
permis d’amender le texte en bonne intelligence, ce que le groupe RRDP a
salué lors des explications de vote le 1er juillet.
L’Assemblée a notamment prolongé l’exonération de taxe d’habitation et le
dégrèvement de contribution à l’audiovisuel public pour les personnes de
condition modeste âgées de plus de soixante ans, ou veuves quel que soit
leur âge. Elle est également revenue sur l’une des dispositions de la loi de
finances rectificative pour 2013 qui prévoyait qu’à partir des impositions
dues au titre de l’année 2015, la taxe communale sur la consommation finale
d’électricité serait perçue systématiquement par le syndicat intercommunal.
Il s’agissait d’une demande des radicaux de gauche.
Le Gouvernement
s’est également engagé, lors de la discussion de l’un de nos amendements qui
faisait suite à la fin des « surplus laitiers », à mettre en place un
dispositif de déclaration permettant aux producteurs laitiers faisant don de
leur production, une fois transformée, à des organisations caritatives, de
bénéficier de la réduction d’impôt au titre du mécénat.
En outre, le
ministre des finances a annoncé que, dans le projet de loi de finances pour
2015, les bases de calcul de la dotation forfaitaires de la Corse seraient
revues, conformément à ce que prévoit l’amendement RRDP et aux
recommandations du comité des finances locales, leur rendant ainsi leur
spécificité, ignorée en loi de finances pour 2014.
Enfin, je veux
évoquer la création d’un Observatoire des contreparties, à laquelle visait
l’amendement défendu par le président du groupe Roger-Gérard Schwartzenberg.
L’Observatoire sera chargé de suivre l’usage que feront les entreprises des
allégements de charges et d’impôts, conformément à l’engagement du Président
de la République. Celui-ci a en effet déclaré le 14 juillet, à propos du
pacte de responsabilité et du CICE : « Ces contreparties doivent être
définies au plan national et déclinées par branches professionnelles. Elles
porteront sur des objectifs chiffrés d’embauches, d’insertion des jeunes, de
travail des seniors. Un Observatoire des contreparties sera mis en place et
le Parlement y sera associé. » L’installation d’un tel observatoire fait,
depuis, l’objet de débats et a pris tout son sens lors de la dernière
Conférence sociale, notamment concernant l’avancée des négociations par
branche des contreparties au CICE.
En première lecture, d’autres
amendements déposés par le Gouvernement ont fait évoluer positivement le
texte. Je pense à la prorogation du taux de TVA de 5,5 % appliqué aux
constructions de logements en zone « ANRU », à l’extension du bénéfice des
aides du Fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires dans le
1er degré – FARRS – aux communes ou aux EPCI, à la
simplification de l’éco-prêt à taux zéro, à l’extension du régime de
l’intégration fiscale aux groupes constitués entre plusieurs EPIC soumis à
l’impôt sur les sociétés ou encore à la création, en remplacement de
l’éco-taxe, d’un « péage de transit poids lourds », dont les contours,
néanmoins, gagneront à être précisés.
Nous saluons également des
amendements d’origine parlementaire, tels ceux de nos collègues socialistes
Pierre-Alain Muet et Sandrine Mazetier, relatifs à l’optimisation et à
l’évasion fiscales des grands groupes, la mesure concernant les « titres
reconstitués », ou encore la création, grâce à Laurent Grandguillaume, d’un
fonds de mutualisation et de péréquation entre les chambres de métiers et
d’artisanat, neutre pour l’État.
Pour cette nouvelle lecture, le groupe
RRDP a déposé peu d’amendements. Ils concernent deux articles nouveaux
introduits en première lecture. Dans sa rédaction actuelle, l’article qui
vise à définir le champ de l’exonération de la contribution versement
transport exclurait les associations et les fondations œuvrant dans le
secteur sanitaire, social et médico-social. Bon nombre d’entre elles nous
ont alertés. Ce n’était pas l’objectif de l’amendement de nos collègues.
Nous avons déposé un nouvel amendement visant à réintégrer ces associations
et ces fondations dans le périmètre de l’exonération du versement
transport.
Sur l’article additionnel de simplification de l’éco-prêt à
taux zéro, introduit par le Gouvernement, nous proposons deux aménagements.
Le premier, rédactionnel, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement en
première lecture à l’initiative du groupe RDSE, permet de clarifier le cas
où différentes entreprises interviennent dans la réalisation d’un bouquet de
travaux financé par un éco-prêt à taux zéro. Ainsi, l’entreprise commettant
une erreur dans la déclaration de ses travaux éligibles ne peut être
sanctionnée que sur sa seule part des travaux, indépendamment des travaux
réalisés par d’autres entreprises. Le second aménagement, adopté également
au Sénat, a pour objet de préciser le recours possible de l’entreprise à un
« tiers-vérificateur » pour vérifier l’éligibilité des travaux.
Enfin,
l’article 5 ter nouveau a introduit en première lecture
une augmentation à 8 euros du tarif maximal par nuitée et par personne de la
taxe de séjour. Ce plafond, très significatif voire excessif, a suscité de
vives réactions. Depuis, la commission des finances a adopté le 10 juillet
dernier, en nouvelle lecture, une simplification des barèmes de la taxe de
séjour et de la taxe de séjour forfaitaire : les collectivités resteraient
libres de fixer les tarifs pour un montant compris entre 20 centimes et
3,50 euros par personne et par nuitée.
Néanmoins, une telle mesure
structurelle trouverait plus sûrement sa place en loi de finances pour 2015,
ce qui permettrait de conduire avant la fin de l’année les concertations
adéquates avec les professionnels du secteur, comme le préconise d’ailleurs
la mission parlementaire d’évaluation et de contrôle sur la fiscalité des
hébergements touristiques. (Applaudissements sur les bancs du
groupe RRDP.)
M. Jean Glavany. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers
collègues, depuis le début de l’examen de ce collectif budgétaire, les
projecteurs de la communication gouvernementale sont braqués sur
l’article 1er et la mesure exceptionnelle de baisse
d’impôts pour les catégories de contribuables les plus modestes. Après le
gel du barème, le renforcement de la décote puis le dégel du barème, cette
mesure favorise peut-être les plus modestes, mais elle favorise aussi
l’illisibilité totale de notre système fiscal en suscitant l’incompréhension
de ceux qui, bien que modestes, n’en bénéficieront pas.
L’empilement des
mesures au fil des projets de loi renforce la suspicion de ceux qui croient
devoir payer plus de prélèvements ou bénéficier de moins de prestations que
les autres. Avec son maquis de règles disparates, d’exemptions et de
statuts, notre système de redistribution, comme le soulignait récemment le
sociologue Philippe Guibert, est « une vaste machine à ressentiment ». Il
ajoutait que « le redressement dans la justice est impossible sans remise à
plat préalable ». C’est pourquoi nous ne devons pas faire l’économie d’une
remise à plat de la fiscalité dans son ensemble, et de la fiscalité des
ménages en particulier, pour la rendre à la fois plus lisible, plus
progressive et donc plus juste.
Pour en revenir au collectif budgétaire,
il ne faudrait pas que l’article 1er occulte les autres
mesures de ce projet de loi, à commencer par « l’ajustement des crédits » –
que c’est joliment dit pour désigner une baisse ! – votés en loi de finances
initiale. Le texte propose en effet une baisse de 1,6 milliard d’euros, qui
concerne peu ou prou tous les ministères. Il s’agit de la première étape
visant à réaliser l’économie en dépenses de 50 milliards d’euros qu’ont
annoncée le chef de l’État et le Premier ministre. Entre 2015 et 2017,
rappelons qu’il est prévu de réaliser 18 milliards d’euros d’économies sur
le budget de l’État. C’est une logique austéritaire, qui met en œuvre les
recommandations de la Commission européenne pour laquelle libéraux ou
sociaux-libéraux s’entendent comme larrons en foire, au plus grand bonheur
de M. Juncker.
Le Gouvernement a annoncé que ces économies proviendront
pour l’essentiel de « la réduction du train de vie de l’État » et du
« recentrage des interventions ». Il s’agit donc, à bien vous entendre, de
cantonner toujours plus l’État à ses fonctions régaliennes.
Les déficits
publics ne doivent cependant pas servir de prétexte à une stratégie de
démantèlement de l’État. Il faut en effet rétablir certaines vérités, même
si elles peuvent être désagréables à nos collègues de droite – car à droite
mais aussi, hélas, très loin à gauche de cet hémicycle, on ne regarde que
les dépenses et jamais les recettes.
L’État a progressivement provoqué
un déficit de recettes. Le choix d’exonérer systématiquement les ménages les
plus aisés et les grandes entreprises a entraîné une diminution de cinq
points en trente ans de la part des recettes de l’État dans le PIB.
Souvenons-nous du rapport rédigé en 2010 par Jean-Philippe Cotis sur la
situation des finances publiques – je sais que M. le président de la
commission le connaît par cœur. Ce rapport indiquait qu’en l’absence des
baisses de prélèvements intervenues depuis 2002, « la dette publique serait
environ vingt points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en
réalité ». Une telle constatation devrait nous conduire à nous montrer plus
vigilants, mais aussi plus entreprenants sur le terrain de la dépense
fiscale.
Nous avons insisté en première lecture sur la nécessité prendre
à bras-le-corps la question des niches fiscales. L’an dernier, les dix
premières niches fiscales ont représenté près de 30 milliards d’euros, soit
40 % des quelque 70 milliards d’euros que totalisent ces
niches.
Rappelons encore le fameux rapport du Conseil des prélèvements
obligatoires qui, en 2010, dressait le bilan des nombreux dispositifs
dérogatoires qui bénéficient aux entreprises, particulièrement les plus
grandes d’entre elles. Ce rapport pointait à mots couverts la responsabilité
écrasante de la majorité d’alors dans la multiplication des mesures en
faveur des entreprises et des titulaires des plus hauts revenus. Ces mesures
se sont succédé au rythme de douze nouvelles dépenses fiscales par an
entre 2002 et 2010. À ces dépenses fiscales répertoriées comme telles
s’ajoutent les nombreux dispositifs dérogatoires qui ont été déclassés en
2006 pour devenir des modalités de calcul de l’impôt. La hausse
spectaculaire du coût de ces modalités a eu pour origine principale certains
régimes qui bénéficient aux grands groupes comme le régime des sociétés
« mères-filles », le régime d’intégration fiscale des groupes et la taxation
au taux réduit des plus-values à long terme provenant de cessions de titre
de participation – la fameuse « niche Copé ».
Aujourd’hui encore, 43 000
entreprises bénéficient du régime « mères-filles » entraînant la
non-imposition des produits de participation représentant au moins 5 % du
capital d’autres sociétés, pour un coût estimé en 2013 à 24 milliards
d’euros. D’autre part, 105 000 entreprises bénéficient du régime
d’intégration fiscale, pour un coût de 18 milliards d’euros en 2013, et
5 300 entreprises bénéficient d’une exonération sur certaines plus-values,
pour un coût de 3 milliards d’euros en 2013.
Si vous cherchez
18 milliards d’euros, monsieur le secrétaire d’État, il y a, on le voit,
matière à faire quelques économies substantielles dans la réduction des
niches et la révision des modalités de calcul des impôts. Nous avons
d’ailleurs formulé quelques propositions en ce sens lors de nos débats en
première lecture.
La chose serait d’autant plus utile que les efforts
déployés en ce sens sont encore insuffisants. Comme le soulignait le Premier
président de la Cour des comptes devant notre Assemblée, les économies sur
ce chapitre ont été l’an dernier de 500 millions d’euros seulement, bien
loin des 3,6 milliards d’euros attendus.
Venons-en à l’optimisation et à
la fraude fiscale, deux domaines dans lesquels des progrès sensibles ont été
réalisés. Nous nous félicitons d’ailleurs du renforcement du contrôle des
prix de transfert, notamment en cas de transfert vers les paradis
fiscaux.
Nous pensons néanmoins qu’il faut encore pousser les feux de
l’échange automatique d’informations en matière fiscale ; c’est un enjeu
essentiel. Il ne faut pas laisser croire que le seul retour des exilés
« repentis » vers Bercy afin de régulariser leur situation suffira à
éradiquer le scandale de l’évasion fiscale. L’essentiel de l’évasion et de
la fraude passe par les entreprises transnationales et non par les
individus. C’est toute une machinerie, toute une industrie qu’il faut
démanteler afin d’espérer récupérer un jour les dizaines de milliards
d’euros qui manquent au budget de la République. Il faut aussi pousser les
feux de la transparence totale sans dérogation. C’est l’une des conditions
de la réussite de la bataille à livrer pour la justice fiscale. C’est
d’autant plus impérieux qu’il s’agit là de la principale cause des
déséquilibres d’imposition entre grandes entreprises et PME. La
concentration des régimes dérogatoires et l’optimisation fiscale au plan
international aboutissent aux écarts qui pénalisent lourdement les PME et,
par extension, les ménages et les comptes publics.
Je ne peux m’empêcher
de vous citer l’exemple de Radiall, l’entreprise dirigée par le Président du
MEDEF.
M. Jean Glavany. Eh oui !
M. Nicolas Sansu. La part des impôts payés en France par cette entreprise est passée de 25 % à 3 % entre 2010 et 2013 alors que son chiffre d’affaires global a augmenté de 27 % entre 2010 et 2013.
M. Jean Glavany. Et cela n’empêche pourtant pas son dirigeant de pleurer !
M. Nicolas Sansu. Voilà la réalité de l’optimisation fiscale !
Il faut donc avant toute
chose rééquilibrer l’impôt sur les sociétés entre grandes entreprises et PME
en veillant à ne pas en affecter le rendement global, sauf à vouloir
reporter sur les ménages les conséquences de nouvelles baisses des
contributions des entreprises, ce qui serait, une nouvelle fois,
particulièrement injuste, mais aussi particulièrement inefficace en termes
de relance de l’activité.
Sur le terrain des dépenses fiscales, il
faudrait également, si nous en avions le temps, évoquer les points
suivants : les baisses successives du taux marginal de l’impôt sur le
revenu, la fiscalité de l’épargne, qui est très largement favorable aux
personnes disposant d’importants portefeuilles d’actions et d’obligations,
mais aussi la multiplication des incitations fiscales à l’investissement
immobilier ou encore les larges exonérations en matière d’ISF. Toutes ces
mesures et autres niches fiscales rentables ont un coût pour les finances
publiques et ont constitué un puissant levier de l’aggravation des
inégalités – aggravation que démontre d’ailleurs la dernière enquête de
l’INSEE, selon lequel les inégalités ont atteint leur plus haut niveau
depuis 1996. L’année 2011 fut particulièrement faste pour nos concitoyens
disposant de hauts revenus, comme le rappelait tout récemment le magazine
Challenges, tandis que la pauvreté n’a cessé
d’augmenter et touche aujourd’hui 8,7 millions de personnes, soit un niveau
historique.
Dans ce contexte, devons-nous privilégier la baisse des
dépenses publiques, des dépenses d’investissement utiles au redressement
économique, ou devons-nous nous attaquer à retricoter ce que la droite a
détricoté pendant des années en aggravant la dette publique dans des
proportions vertigineuses ? Je n’oublie pas l’effet récessif des
50 milliards d’austérité qu’a relevé notre rapporteure générale, et la
manière dont ces économies sont réalisées, avec le risque d’une perte de
250 000 emplois d’ici 2017.
Dans le contexte actuel d’atonie de la
croissance, la baisse de la dépense publique condamne toute perspective de
relance. Ce dont notre pays, nos entreprises et nos finances publiques ont
aujourd’hui besoin, c’est de sortir de ce marasme persistant. Or, à nos
yeux, cette sortie ne peut s’entrevoir sans que l’État et les collectivités
locales n’engagent les dépenses utiles à l’investissement et à la
préservation d’un environnement propice à l’activité économique, aussi bien
en termes de santé et d’éducation que de services publics.
Soutenir
l’intervention publique et la protection sociale tout en réduisant les
inégalités sociales n’est pas une ambition hors de portée, à condition de
sortir des dogmes libéraux qui servent aujourd’hui de boussole à l’Europe.
Ce n’est pas le cas avec ce PLFR. Les députés du Front de gauche ne pourront
donc pas vous suivre sur ce collectif budgétaire !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers
collègues, au début de la discussion de ce projet de loi de finances
rectificative en première lecture tout comme au début de la discussion du
projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, le tout
formant un bloc, j’avais, au nom du groupe SRC, appelé au courage, à la
constance et à la cohérence. Il va de soi que c’est de nouveau à cela que je
nous appelle en début de nouvelle lecture, tout en me réjouissant que notre
assemblée ait adopté ces deux textes en première lecture avec de larges –
quoique différentes – majorités.
Nous entamons cette discussion en
nouvelle lecture en étant éclairés par le débat d’orientation budgétaire qui
s’est tenu la semaine dernière dans l’hémicycle et qui nous a ouvert de
nouvelles perspectives – je pense en particulier aux informations que le
Gouvernement a données concernant le budget triennal.
L’ensemble repose
toutefois sur une seule et unique question, par laquelle je commencerai : la
question de la croissance et de son contenu en emplois. Je gage que chacun
ici, quel que soit le banc sur lequel il siège, en fait une priorité.
La
croissance est là, mais elle est faible. Comme l’a constaté hier le
Président de la République, elle est insuffisante et cette situation – je le
cite – n’est « pas acceptable ». L’emploi en est pour partie le résultat :
le chômage continue de progresser. Je rappelle tout de même que l’économie
française crée de nouveau des emplois, mais de manière insuffisante par
rapport à notre dynamisme démographique et à l’augmentation de la population
active. À chaque fois que nous comparons notre taux de chômage avec celui
d’autres pays européens, il est bon, en effet, de rappeler que nous ne
connaissons pas le même contexte démographique.
Quoi qu’il en soit,
notre objectif est simple : retrouver davantage de croissance et lui donner
plus de contenu en emplois. Il est normal que nous ayons eu en première
lecture un large débat sur les voies et moyens permettant de dynamiser la
croissance. Ce débat se poursuivra, mais je souhaite rappeler d’emblée que
nous ne saurions le faire en dehors des réalités.
Deux éléments sont
particulièrement importants. L’affaiblissement continu de notre tissu
économique et de nos entreprises, tout d’abord : quoi qu’on en dise,
notamment à la droite de l’hémicycle, ce n’est pas en deux ans, d’un simple
claquement de doigts, que l’on peut revenir sur la destruction de 750 000
emplois industriels, sur l’absence de politique industrielle et sur le
paradoxe en vertu duquel la France, qui est probablement un des champions
mondiaux de l’innovation, n’est pas en mesure de traduire cette capacité en
création d’entreprises et d’emplois sur son territoire.
Nous partons
donc de cet affaiblissement, attesté par les statistiques du commerce
extérieur – il était équilibré en 2002, son déficit dépassait 70 milliards
d’euros en 2012 –, mais aussi par la perte des emplois industriels ou encore
la faiblesse du taux de marge des entreprises. Celle-ci n’est pas nouvelle.
Certains semblent l’avoir découverte en 2012. Pas nous.
Le second
élément, c’est la situation de nos finances publiques, qu’on ne peut pas
balayer d’un revers de main. La dépense publique n’a jamais été aussi
élevée. Les prélèvements obligatoires n’ont jamais été aussi élevés. La
dette n’a jamais été aussi élevée. Ce que je vais dire s’adresse notamment à
nos collègues qui siègent du côté gauche de cet hémicycle, mais qui ne
partagent pas toutes les orientations de la majorité.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le moins qu’on puisse dire !
M. Dominique Lefebvre. Nous devons, d’une part, faire en sorte que notre économie retrouve du
muscle et que nos efforts pour la soutenir profitent d’abord aux entreprises
françaises – ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui lorsqu’on
soutient la demande. Nous avons un déficit très important du commerce
extérieur et le positionnement de nos entreprises est très mauvais. Nous
devons aussi, d’autre part, tenir compte de nos marges de manœuvre
budgétaires. Dans le débat public, on parle de l’exemple italien. L’Italie
a, certes, une dette plus élevée que la nôtre, mais elle a un déficit
primaire bien inférieur, pour ne pas dire un solde primaire positif, avec un
déficit inférieur à 3 % du PIB. Nous n’avons pas, en France, cette marge de
manœuvre budgétaire. On peut le regretter, encore qu’il faudrait aussi
s’interroger, dans l’économie mondialisée que nous connaissons aujourd’hui,
sur les effets réels d’une relance keynésienne ou néokeynésienne.
C’est
pour cela, monsieur le secrétaire d’État, qu’en nouvelle lecture, le groupe
socialiste, républicain et citoyen restera constant et cohérent dans son
choix de mettre en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité dans
les deux textes que j’ai évoqués tout à l’heure et qui forment un
bloc.
Ce pacte a fait l’objet d’un dialogue constant, permanent, entre
le Gouvernement et le groupe majoritaire. Il a débouché, non pas sur des
compromis, mais sur des convergences qui sont inscrites dans ce texte et que
nous avons eu l’occasion d’adopter en première lecture. Je pense notamment
aux mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Ce dialogue
doit se poursuivre. Nous évoquerons certains sujets au cours de cette
nouvelle lecture et je ne doute pas que nous trouverons le moyen
d’avancer.
Le triptyque de ce pacte est simple. C’est d’abord le soutien
aux entreprises, pour leur permettre de retrouver de la compétitivité. Je
m’étonne, chers collègues de l’opposition, de votre attitude. Sans doute vos
débats internes vous minent-ils. Peut-être aussi que, face à l’urgence de la
situation, vous ne voulez pas, pour des raisons politiciennes, vous engager
dans ce nécessaire rassemblement national.
Mme Marie-Christine Dalloz. Pour nous rassembler, encore eût-il fallu que vous nous écoutiez !
M. Dominique Lefebvre. Le Président de la République a rappelé, hier encore, l’allégement de 40 milliards d’euros consenti aux entreprises. Cela n’avait jamais été fait, et vous ne l’avez jamais fait. Si vous faisiez le bilan de vos mesures concernant les entreprises depuis 2002 – parce que la situation des entreprises en 2014, c’est d’abord le résultat de la politique que vous avez menée entre 2002 et 2012 –…
Mme Marie-Christine Dalloz. Non, c’est le résultat de la vôtre !
M. Dominique Lefebvre. …vous reconnaîtriez que c’est bien notre politique qui doit être
suivie.
Concernant le soutien aux entreprises, comme j’ai eu l’occasion
de le dire la semaine dernière, c’est un message de confiance que nous
envoyons. Nous avons voté ces mesures en première lecture, nous les voterons
en nouvelle lecture.
M. Dominique Baert. C’est évident !
M. Dominique Lefebvre. Les chefs d’entreprise, les partenaires sociaux doivent aujourd’hui
s’engager sur ces dispositifs que nous avons garantis, pour ne pas dire
sanctuarisés, parce que c’est la voie nécessaire pour permettre à notre
économie de retrouver de la compétitivité.
Le deuxième aspect du
triptyque, c’est le soutien à la demande. Le pacte de responsabilité et de
solidarité prévoit 5 milliards d’euros d’allégements fiscaux pour les
ménages, avec une première mesure, dès cet automne, qui permettra à près de
2 millions de ménages de ressortir de l’impôt et à plus de 3 millions de
voir leur impôt allégé. La perspective pour 2015, je suppose, monsieur le
secrétaire d’État, repose toujours sur la base des réflexions du groupe de
travail sur la fiscalité des ménages, qui a fixé comme priorité les classes
moyennes, c’est-à-dire, au regard des revenus fiscaux en France, les classes
qui…
M. Alain Chrétien. Qui ont subi la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires !
M. Dominique Lefebvre. …sont aujourd’hui au bas du barème de l’impôt sur le revenu. Ce sont celles qu’il faut aider aujourd’hui, car ce sont elles qui sont souvent les plus pénalisées par les effets de seuil.
M. Alain Chrétien. Non, par votre politique !
M. Dominique Lefebvre. Il faudra donc poursuivre cet effort. Sachant – je l’ai dit la semaine
dernière à l’occasion du débat d’orientation budgétaire – qu’une approche
visant à établir un équilibre entre entreprises et ménages n’est pas adaptée
à la situation, même si je comprends l’idée politique qui la sous-tend.
Encore faudrait-il savoir : quels allégements pour quelles entreprises et
quels impôts pour quels ménages ?
Quand on augmente d’un milliard
d’euros l’impôt de solidarité sur la fortune et que l’on baisse d’un
milliard d’euros l’impôt sur les TPE, on mène une politique de gauche, qui
est efficace pour l’économie et la solidarité.
Pour conclure,
j’évoquerai la maîtrise de la dépense publique.
C’est une exigence,
c’est une nécessité, car nous ne redresserons pas le pays et nous ne
retrouverons pas de la croissance si nous ne savons pas maîtriser nos
dépenses publiques. Tout à l’heure, en défendant les motions de procédure,
la droite nous a accusés de ne pas aller assez vite. Il y a une différence
entre vous et nous : vous avez peut-être réduit plus vite le déficit
nominal, mais, depuis 2006, vous n’aviez fait qu’augmenter le déficit
structurel. Nous, nous le baissons. Nous, nous le baissons, au rythme qu’il
faut, en faisant ce que nous savons faire, à savoir maîtriser la dépense
publique comme vous n’avez jamais su le faire en dix ans. Nous stabiliserons
en valeur la dépense publique de l’État au cours des trois prochaines
années.
Pour le reste, nous n’entendons pas conduire des politiques
d’austérité, qui mettraient en cause le redémarrage de l’économie et une
croissance qui reste aujourd’hui trop faible.
M. Alain Chrétien. C’est pourtant le cas !
M. Dominique Lefebvre. Ne comptez pas sur nous pour cela, mais comptez sur nous pour assurer la maîtrise de la dépense publique, au service le compétitivité et de l’économie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que cette discussion en
nouvelle lecture nous permette au moins de dialoguer.
D’abord, je
répondrai à notre collègue Lefebvre que ce collectif budgétaire, c’est trop
peu.
M. Dominique Baert. On s’en serait douté !
M. Hervé Mariton. C’est trop peu au regard d’un certain nombre d’objectifs budgétaires
importants que nous pourrions partager, mais qui sont trop peu et trop mal
servis, et c’est assurément trop peu pour engager le rassemblement auquel
vous avez appelé.
Le collectif budgétaire, c’est trop peu, monsieur le
secrétaire d’État, au regard des ajustements conjoncturels qui seraient
nécessaires. Le Gouvernement n’avoue qu’à moitié la perte de recettes et
l’évolution de la conjoncture, très en deçà des objectifs que vous vous
étiez fixés, très en deçà de ce que sont les besoins du pays, très en deçà,
enfin, de ce que permettrait l’évolution de la conjoncture dans le monde et
en Europe.
Votre stratégie économique est tout entière fondée sur une
amélioration conjoncturelle externe dont la France pourrait, par bonheur,
profiter. La réalité est que la France ne profite que très insuffisamment de
ce qu’est en effet l’évolution conjoncturelle en Europe. J’y
reviendrai.
Ce collectif, c’est trop peu, monsieur le secrétaire d’État,
s’agissant des économies nécessaires au rétablissement des finances
publiques. Ces économies restent insuffisamment documentées, et vous faites
preuve d’incohérence en poursuivant les recrutements dans certains domaines
de la fonction publique où ils sont peu justifiés et techniquement
impossibles. cela a été rappelé ces dernières heures encore. Je vous l’avais
dit il y a deux ans, et l’an dernier encore, les jurys de recrutement des
concours de l’enseignement, pour l’agrégation de mathématiques, par exemple,
ne pourvoient pas la totalité des postes proposés. Vous portez, depuis le
début de cette législature, la faute originelle de recrutements nouveaux qui
sont impossibles techniquement. Il nous est donc impossible d’atteindre le
montant des économies budgétaires dont notre pays a besoin.
Ce
collectif, c’est trop peu dans le domaine de la fiscalité. Nous avons
compris que vous vouliez baisser l’impôt pour les salaires les plus
modestes, inférieurs à 1,13 SMIC, mais tout cela se fait dans la plus grande
confusion.
Confusion, d’abord, au regard de la cohérence d’une baisse
d’impôt au bas du barème. J’ai rendu hommage à la qualité du travail de
notre collègue Lefebvre dans le cadre de la mission Lefebvre-Auvigne, à
laquelle j’ai participé au début de cette année. Il n’en reste pas moins que
l’analyse intelligente et les propositions cohérentes qui ont été faites
dans cet excellent rapport sont mal traduites et mal interprétées dans la
mesure d’urgence que vous décidez aujourd’hui.
Avec votre majorité, vous
prenez une direction, vous menez des travaux et vous parvenez à obtenir un
certain consensus. Je le dis sous le contrôle de nos collègues du groupe
UDI, nous avons trouvé qu’il y avait des pistes intéressantes et pertinentes
pour corriger certains défauts de l’impôt sur le revenu. Mais à peine
quelques semaines après, vous faites le choix de contredire ce rapport et
d’ajouter une strate de complexité et d’incohérence.
Confusion encore,
monsieur le secrétaire d’État, avec l’annonce du Premier ministre, ces
derniers jours, d’une baisse à venir de l’impôt sur le revenu des classes
moyennes – on aura du mal à considérer qu’elles sont concernées par la
première mesure sur les revenus inférieurs à 1,13 SMIC. Les annonces ont été
rapidement démenties. Quels moyens seront disponibles en la matière dans le
budget 2015 ? Nous ne le savons pas. Je sais bien que nous ne discutons
aujourd’hui que d’un collectif budgétaire. Il n’empêche que nous sommes dans
la plus grande confusion et la plus grande incohérence !
Ce collectif,
c’est aussi trop peu pour ce qui concerne la réduction de la dette. Vous le
savez, le niveau de déficit actuel fait que la dette de la France dépassera
les 100 % du produit intérieur brut à la fin de 2015.
Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !
M. Dominique Baert. Grâce à qui ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez !
M. Hervé Mariton. Si ces derniers mois, nous avons pu, collectivement – et tant mieux ! –
profiter d’une baisse des taux d’intérêt, la remontée de ceux-ci, à court et
moyen terme, est extrêmement menaçante. La reprise mondiale, l’évolution de
la politique monétaire américaine, les tensions financières sur la zone
euro, l’évolution du profil de la dette en Allemagne, tous ces éléments font
que la comparaison entre la France et l’Allemagne, dans les mois qui
viennent, se fera au désavantage de notre pays, et que les tensions sur la
dette risquent d’être sévères et coûteuses, monsieur le secrétaire d’État –
et vous le savez.
Enfin, ce collectif, c’est trop peu, s’agissant de la
stratégie économique que vous poursuivez.
Depuis le début de cette
législature, les chefs d’entreprise, les analystes et nous-mêmes, au sein de
l’opposition, avons été amenés à constater qu’il y a, dans votre majorité,
deux politiques économiques contradictoires : l’une, qui est
particulièrement rude à l’égard des entreprises, l’autre qui, par moments,
se veut plus aimable.
Chiche à la proposition de rassemblement de
Dominique Lefebvre ! Peut-être aurions-nous pu entendre, dans le pacte de
responsabilité et de solidarité – enfin ! – un éclaircissement de votre
politique économique. La réalité est tout le contraire, dans le collectif
comme dans les autres choix politiques que vous faites.
Je l’ai dit en
première lecture, je le répète en nouvelle lecture, s’agissant de la
fiscalité des entreprises, la seule mesure que contient ce collectif est
négative. C’est le report de la surtaxe exceptionnelle de l’impôt sur les
sociétés. Les mesures plus aimables qui visent à la baisse de l’IS,
annoncées à moyen terme par le Gouvernement, ne se concrétisent pas dans le
collectif. Pourquoi ? Parce que vous avez peur d’une partie de votre
majorité.
Aurez-vous une relation plus aisée avec votre majorité à la
fin de l’année ou dans les mois qui viennent ? La réponse est non ! Il y a,
de toute évidence, des mesures défavorables aux entreprises dans ce
collectif. Pour ce qui est des mesures favorables, il n’y en a aucune, et
les entreprises, aujourd’hui, ne vous font plus confiance.
Le
rassemblement que vous prônez suppose de la confiance, il suppose aussi,
monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement et la majorité aient une
vision claire de leur relation avec les entreprises. Or, sans tomber dans la
facilité, qu’entend-on ? D’une part, le discours que vous tenez, monsieur le
secrétaire d’État. D’autre part – certains de nos collègues ont tout à
l’heure posé fort judicieusement des questions au Gouvernement –, la
position du ministre de l’économie, et, vous le savez, ce n’est pas la
même.
Il y a le discours et il y a les actes. Il y a l’entrée de l’État
au capital d’Alstom, dont on ne comprend pas la cohérence et la nécessité
dans la stratégie adoptée concernant Alstom et General Electric.
Au
fond, votre stratégie quant à la vision entrepreneuriale de l’entreprise et
à la stratégie d’avenir d’Alstom est simplement un habillage de votre
retraite par une entrée au capital de l’entreprise qui n’a pas beaucoup de
sens d’un point de vue stratégique.
Le projet de loi sur la transition
énergétique, qui prévoit un plan stratégique de l’État, constitue un autre
exemple. Un plan stratégique de l’État, cela veut dire quoi ? Cela veut
dire, de nouveau, une tutelle quotidienne de l’État sur l’entreprise ? Mais
attendez, l’État est actionnaire très majoritaire d’EDF, comme vous le
savez, monsieur le secrétaire d’État : il peut jouer son rôle
d’actionnaire ! Malheureusement, il ne le joue pas, ou mal, ou bien ne sait
pas le jouer. Vous concevez donc un nouveau dispositif, un plan stratégique,
contrainte supplémentaire dont on n’avait pas entendu parler depuis des
années et qui nous ramène aux grandes heures des années 1980. Cela signe
l’échec de votre politique économique. Ne faites-vous pas preuve, parfois,
d’un peu de bonne volonté ? Sans doute, de-ci de-là. Est-elle servie par la
continuité et la cohérence et par des actes concrets, en l’espèce, monsieur
le secrétaire d’État, dans votre domaine de responsabilité, par des choix
budgétaires et fiscaux cohérents ?
M. Alain Chrétien. Pas vraiment !
M. Hervé Mariton. Je l’ai dit à propos de l’impôt sur les sociétés, la réponse est non. Quelques bonnes paroles et un appel au rassemblement ne confèrent hélas aucune réalité à la mise en œuvre concrète des décisions de politique publique par le Gouvernement ! En fait de décisions concrètes et de conséquences immédiates à court, moyen et long terme sur les finances et l’économie de notre pays, on trouve bien trop peu dans le collectif budgétaire. Quant à la stratégie consistant à soutenir notre économie et améliorer sa compétitivité, elle est caractérisée par beaucoup d’incohérence, bien peu de confiance et ne constitue aucunement un motif de rassemblement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !
M. Alain Chrétien. Très pédagogique !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues,
dès l’annonce, par le Président de la République, du lancement du pacte de
responsabilité et de solidarité, le 31 décembre 2013, le groupe UDI s’est
dit ouvert au dialogue. Nous aurions en effet pu le soutenir car il reposait
sur une idée simple que nous avons toujours défendue : baisser fortement les
charges fiscales et sociales pesant sur les entreprises en diminuant
corrélativement les dépenses publiques pour financer ces baisses, afin de
faire remonter le niveau de l’emploi en France. En nous abstenant
majoritairement sur le programme de stabilité budgétaire pour 2015-2017,
nous avons répété notre souhait que ce pacte tourne définitivement la page
des deux premières années du quinquennat en apportant une réponse puissante
à l’urgent problème du chômage. Malheureusement, plus de six mois après les
annonces, il est à présent clair que M. le Premier ministre n’a pas la
majorité de sa politique. Face à une majorité qui se fissure, le
Gouvernement n’ose plus avancer et recule même parfois.
Le collectif
budgétaire pour 2014, que le Sénat, dans sa grande sagesse, a rejeté, comme
d’ailleurs tous les textes budgétaires depuis le début de la législature,
est donc un quadruple aveu d’échec du Gouvernement, qui a échoué à redresser
les comptes publics de notre pays dans la justice, à relancer la
compétitivité de nos entreprises, à améliorer le pouvoir d’achat des ménages
et à renouer avec la croissance.
En premier lieu, alors que le
Gouvernement avait voulu faire croire que la hausse massive des impôts
serait payée par les ménages les plus riches, ce sont en fait les classes
modestes et moyennes qui ont été les plus affectées par la hausse massive
des prélèvements obligatoires sur les ménages. Rappelons que le Premier
ministre d’alors promettait, le 27 septembre 2012, que « neuf contribuables
sur dix » ne seraient pas concernés par la hausse de la fiscalité.
Mais
le peuple français a bien vu que l’augmentation des impôts et des
cotisations sociales a bien davantage frappé les classes moyennes que les
très riches et que ce sont les deux tiers des Français qui ont payé la note.
Oui, ce sont bien les classes moyennes qui ont payé en 2013 la majorité des
14 milliards d’euros d’impôts nouveaux sur les ménages décidés par le
Gouvernement. Gel du barème de l’impôt sur le revenu, fin de la
défiscalisation des heures supplémentaires, amputation de 0,3 % des
retraites perçues par les retraités imposables, augmentation de 6 euros de
la redevance audiovisuelle, relèvement du forfait social sur la
participation et l’intéressement constituent autant de mesures qui ont
gravement amputé le pouvoir d’achat des ménages. Celui-ci a connu une baisse
globale de 0,9 %, une première depuis 1984, soit une baisse moyenne de 1,9 %
du pouvoir d’achat de chaque ménage, puisque le nombre de ménages augmente
d’environ 1 % par an.
En 2014, la politique menée a également eu des
effets désastreux sur les ménages modestes. La suppression de l’exonération
d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges
de famille et la suppression de l’exonération fiscale de la participation de
l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, ajoutées à
l’extension en année pleine de la fiscalisation des heures supplémentaires
et à l’abaissement du plafond du quotient familial pour chaque demi-part,
ont fait entrer dans l’impôt sur le revenu un nombre considérable de nos
concitoyens. Ce nombre est estimé à près d’un million de foyers en deux ans
et demi, d’après les chiffres de notre rapporteure générale.
Pourtant,
les revenus de ces concitoyens souvent modestes n’ont pas augmenté. La pause
fiscale promise par le Président de la République en réponse au ras-le-bol
fiscal des ménages n’a donc été qu’un mirage. N’oublions pas les
6,5 milliards d’euros liés à l’augmentation de la TVA au
1er janvier 2014, qui a touché l’ensemble de nos
concitoyens. Vous dénonciez cette mesure lorsque vous étiez dans
l’opposition, chers collègues socialistes, mais une fois majoritaires, vous
l’avez rétablie après l’avoir annulée. Il ne s’agissait plus, semble-t-il,
d’une mauvaise solution, contrairement à ce que vous disiez quand vous étiez
dans l’opposition.
La France, selon le rapport publié par Eurostat la
semaine dernière, est le troisième pays d’Europe pour le poids de ses
prélèvements obligatoires. C’est pourquoi le Gouvernement, voyant les
tensions s’accroître fortement, a présenté en urgence une mesure visant à
compenser en partie les effets catastrophiques de sa politique. Ainsi, les
mesures proposées à l’article 1er du présent projet de
loi visent à rendre non imposables 1,9 million de foyers qui seraient,
sinon, soumis à l’impôt sur le revenu. Mais la moitié d’entre eux étaient
probablement devenus imposables du fait des mesures prévues par la loi de
finances pour 2014. Votre politique, monsieur le secrétaire d’État, c’est
deux pas en arrière, un pas en avant ! Après avoir ponctionné le pouvoir
d’achat des ménages français de plus de 20 milliards d’euros en deux ans,
vous leur en rendez 1,16, soit 6 % de la hausse ! Votre politique relève de
l’amateurisme le plus complet et ne fait que renforcer la défiance de nos
concitoyens à l’égard du Gouvernement. Le pacte de confiance est rompu et
les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux.
En outre,
comme le dit dans un style très « Cour des comptes » notre collègue
Dominique Lefebvre, la mesure du Gouvernement fait sortir de l’impôt sur le
revenu autant de contribuables qu’il y en était entré, mais il n’est pas
certain que ce sont les mêmes. Nous vous le confirmons. Nous sommes même
certains du contraire ! À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, nous
souhaiterions obtenir une réponse précise à une question toute simple :
combien de foyers fiscaux non imposables au titre des revenus de 2012 et
devenus imposables au titre des revenus de 2013 en raison des mesures
prévues par la loi de finances pour 2014 vont redevenir non imposables ?
Nous n’avons toujours pas la réponse à cette question simple.
En outre,
qu’en est-il des pertes de recettes de l’État, de la Sécurité sociale et des
collectivités territoriales découlant de la sortie de l’impôt sur le revenu
de 1,9 million de foyers fiscaux ? Vos errements économiques placent la
représentation nationale mais aussi, et de manière bien plus grave,
l’ensemble des Français dans une incertitude peu supportable. C’est pourquoi
le groupe UDI vous demande, par le biais d’amendements, de revenir
immédiatement sur les trois mesures injustes qui ont fait basculer plus d’un
million de nos concitoyens dans l’impôt sur le revenu.
En second lieu,
votre politique a échoué à redresser les comptes publics de notre pays.
Rappelons que le candidat Hollande promettait pendant la campagne
présidentielle de ramener le déficit de la France à 3 % dès 2013. Les
déficits publics se sont réduits beaucoup plus lentement en raison des
erreurs de stratégie économique et budgétaire du Gouvernement et de sa
majorité. Les déficits publics atteindront, selon la Cour des comptes,
environ 4 % du PIB en 2014 et l’objectif de 3 % fixé par Bruxelles pour 2015
semble d’ores et déjà hors d’atteinte, à moins de prendre des mesures
drastiques pour le soutien desquelles le Gouvernement n’aura pas de
majorité. Le gouvernement dont vous êtes membre, monsieur le secrétaire
d’État, sera donc condamné à demander un nouveau report de cet objectif,
parions là-dessus dès ce soir une bouteille de champagne – une bouteille de
chez moi.
Mme Monique Rabin. D’accord pour le champagne !
M. Dominique Baert. Vous en parlez souvent mais on ne le voit jamais !
M. Charles de Courson. Mais ce report, l’obtiendrez-vous ?
M. Alain Chrétien. Il faut le demander à M. Moscovici !
M. Charles de Courson. En matière de recettes, il manquait 14,6 milliards d’euros au budget de l’État pour 2013 et la situation se répète en 2014 en raison d’un excès de fiscalité imposé tant aux ménages qu’aux entreprises depuis maintenant un peu plus de deux ans. En matière de réduction de la dépense publique, une grande partie des 50 milliards d’euros d’économies promis est encore virtuelle. En effet, selon la Cour des comptes, environ 20 des 50 milliards d’euros d’économies envisagées sont inventoriés ou supposent le prolongement d’efforts déjà engagés. Il manque donc à peu près 30 milliards d’euros qui sont peu ou pas du tout documentés, voire incertains car dépendant d’économies qui doivent être réalisées par des administrations publiques, au sens de la comptabilité nationale, dont l’État ne maîtrise pas les dépenses. C’est le cas des régimes complémentaires d’assurance vieillesse, de l’UNEDIC et surtout des collectivités territoriales. Car telle est la vraie question, monsieur le secrétaire d’État : la réduction de 11 milliards d’euros en trois ans de la dotation globale de fonctionnement ne se traduira-t-elle pas par une augmentation de 2, 3 voire 4 milliards d’euros des impôts locaux ?
M. Alain Chrétien. C’est logique !
M. Charles de Courson. Il ne s’agira donc pas d’une économie nette de 11 milliards d’euros consolidée sur l’ensemble des dépenses publiques. Les collectivités territoriales risquent de compenser en partie la baisse des dotations versées par l’État par une hausse des taux des impôts locaux ou un accroissement de leur endettement, car aucune mesure d’encadrement des dépenses comme des recettes n’est prévue pour l’heure.
M. Alain Chrétien. Une autre conséquence sera la baisse des investissements !
M. Charles de Courson. J’ajoute que vous avez multiplié les fusils à un coup, monsieur le
secrétaire d’État, même si pour être tout à fait honnête vous n’êtes pas le
premier. Vous ne pourrez pas décaler deux fois la revalorisation des
retraites du 1er avril au
1er octobre ni recommencer les petits hold-up
traditionnels comme les prélèvements sur les chambres consulaires, le Centre
national du cinéma voire la Caisse des dépôts et consignations, ce à quoi
M. Emmanuelli s’opposerait d’ailleurs farouchement.
Quant au déficit de
l’État, il se dégrade de 1,4 milliard d’euros. En effet, les recettes
baissent de 4,8 milliards alors que les dépenses ne sont réduites que de
3,4 milliards. Pourquoi les dépenses ne sont-elles pas réduites de
1,4 milliard d’euros supplémentaire, à hauteur du recul des recettes, pour
stabiliser le niveau du déficit ? En définitive, nous assistons à la dérive
non seulement des dépenses publiques – certes petite, mais c’est tout de
même une dérive –, mais aussi de la dette, qui dépassera les 2 000 milliards
d’euros fin 2014 et atteindra 100 % du PIB dès l’année prochaine. Selon le
rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 2013 de
la Cour des comptes, « d’importantes sources d’économies peuvent être
mobilisées sans dégrader la qualité des services publics et diminuer
l’ampleur de la redistribution ». Il est temps d’agir !
En fin de
compte, tous les voyants sont au rouge. Il est grand temps de prendre les
mesures qui s’imposent pour redresser les finances publiques de notre pays !
C’est pourquoi le groupe UDI demande solennellement au Gouvernement
d’accélérer le calendrier mais aussi d’inscrire immédiatement dans la loi
l’ensemble des mesures de baisse des charges et de baisse des prélèvements
obligatoires annoncées, en traçant une perspective claire jusqu’en 2017. Le
refus de concrétiser ce qui a été annoncé il y a maintenant six mois
constitue l’aveu que vous-même, monsieur le secrétaire d’État, ne croyez pas
vraiment au pacte de responsabilité. Une telle attitude sème le doute chez
nos concitoyens comme dans les entreprises françaises et met plus que jamais
à mal la crédibilité de votre politique. Il y va pourtant du retour de la
confiance, donc de la croissance, dans notre pays.
Faute de grandes et
courageuses réformes de structures tant attendues par le pays depuis
maintenant presque trente ans, il est impossible de maîtriser durablement la
dépense publique, comme le montre d’ailleurs le Gouvernement. Pour
l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre ce projet de loi de
finances rectificative.
M. Alain Chrétien. Bravo !
M. Dominique Baert. C’est bien dommage !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Baert.
M. Dominique Baert. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, j’ai insisté lors de
la première lecture sur la stratégie macroéconomique du pacte de
responsabilité pour restaurer en profondeur l’économie française et pour
desserrer les contraintes de nos déficits non pas jumeaux mais triplés, les
déficits d’emplois, des finances publiques et de compétitivité. La loi de
finances rectificative est non simplement la pierre angulaire de cette
stratégie mais aussi un instrument d’intervention sociale et économique.
Honnêtement, objectivement, ceux qui émettent des réserves sur le texte et
ne le votent pas, que trouvent-ils à lui reprocher ? L’opposition critique
le texte mais a-t-elle oublié qu’il consacre avant tout une baisse d’impôt
pour les plus modestes ? À la rentrée 2014, dans quelques semaines,
350 euros d’impôt en moins pour un célibataire et 700 euros pour un couple
parmi les plus modestes de nos concitoyens, ce n’est pas rien ! Que, dans
quelques semaines, l’impôt de 3,5 millions de Français baisse et que
1,8 million de Français qui auraient dû payer des impôts n’en paieront
finalement pas, ce n’est pas rien ! Et l’opposition ose dire que ce n’est
pas assez ! Serait-elle devenue amnésique ?
De 2010 à 2012, en quoi
consistaient les lois de finances qu’elle a votées ? En raison du
non-relèvement du barème de l’impôt sur le revenu dans les lois de finances
pour 2011 et pour 2012, de la suppression de la demi-part des veuves et
célibataires et de l’instauration du taux intermédiaire de TVA, combien de
millions de Français modestes ont eu à payer plus d’impôts, voire à en
payer, et ainsi à payer des impôts locaux ? À l’époque, la stratégie fiscale
consistait à baisser l’impôt sur la fortune des plus fortunés et à faire
entrer dans l’impôt sur le revenu les plus modestes ! La contribution
exceptionnelle sur les hauts revenus 2012 ne doit pas être l’arbre qui cache
la forêt d’une politique fiscale de droite qui aura été, mesdames et
messieurs de l’opposition, très allégeante, que dis-je, très obligeante à
l’égard des riches mais aura considérablement augmenté le nombre de
contribuables modestes, et les impôts qu’ils paient !
Plusieurs députés du groupe UMP . Ah, les riches ! Ce ne sont pas les riches que vous taxez, mais les classes moyennes !
M. Dominique Baert. Le ras-le-bol fiscal date d’abord et avant tout de la présidence
Sarkozy ! La politique fiscale était alors non seulement injuste mais
irresponsable car les allégements d’impôts étaient payés par la dette,
c’est-à-dire par des chèques en blanc qu’ont dorénavant à payer les
générations et surtout les gouvernements suivants ! (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd’hui, les baisses
d’impôts de notre majorité sont gagées par des économies sur les dépenses –
c’est moins facile à réaliser, c’est vrai, mais c’est plus responsable
–,…
M. Jean-François Lamour. Il ne manque pas d’air !
M. Dominique Baert. …mais aussi par une accélération de la lutte contre la fraude fiscale.
Oui, aujourd’hui n’est plus hier. Ça change !
L’opposition formule une
autre critique à propos de cette loi de finances rectificative : elle raille
le niveau de la dette, vilipende le fait que son niveau soit de 94 % du PIB
et s’épouvante à l’idée qu’elle puisse atteindre les 100 % ! Mais
oublie-t-elle qu’elle est responsable, non seulement de l’essentiel du
niveau atteint par cette dette, mais aussi de sa dynamique ?
Monsieur le
président Carrez, vous aviez moins de préventions en matière de dette et
d’évolution de la dette lorsque vous étiez rapporteur général,…
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce n’est pas vrai !
M. Dominique Baert. …et que vous couvriez de votre autorité les dérives et dérapages du gouvernement que vous souteniez à l’époque, qui est le premier responsable des chiffres actuels.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Oh que non !
M. Dominique Baert. À l’automne 2010, je m’en souviens très bien, et vous aussi, je pense, j’étais rapporteur spécial de notre commission des finances sur les engagements financiers de l’État. Qu’écrivais-je dans mon rapport sur le projet de loi de finances pour 2011 ? Je dénonçais des perspectives alarmantes, en reprenant les scénarios d’évolution de la dette que vous, rapporteur général du budget, n’aviez pas voulu inscrire dans votre propre rapport tellement ils étaient mauvais ! Ils annonçaient comme probable, compte tenu du stock de dette, de la dynamique acquise, et évidemment du taux de croissance, une dette publique d’un niveau de 100 % du PIB en 2014-2015.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Fiction ! Pure fiction !
M. Dominique Baert. Je ne doute pas, chers collègues, cher président Carrez, que vous vous en
souvenez. Tout cela est écrit, et peut être vérifié.
Alors, mesdames et
messieurs de l’opposition, pousser des cris d’orfraie parce que la dette est
aujourd’hui à 94 % et en dénoncer le niveau et l’évolution, c’est un déni de
réalité.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vous qui battez tous les records !
M. Dominique Baert. La réalité est que, la dette, c’est vous, largement vous ! Et c’est au contraire l’honneur de ce gouvernement que d’avoir pu éviter jusqu’à présent, grâce aux taux d’intérêt qu’il obtient par sa crédibilité économique, à la réduction des déficits et à la recherche de la croissance, que la dette ait atteint le seuil des 100 % vers lequel vous vous dirigiez, vous, inexorablement.
M. Alain Chrétien. Ce n’est pas vrai ! Et si les taux sont bas, ce n’est pas grâce à vous !
M. Dominique Baert. Voilà pourquoi, chers collègues, face à cette loi de finances rectificative, il n’est pas, il ne peut pas être question de postures. Il est question d’actions pour redresser la France dans la justice sociale, et notre vote est avant tout une question de responsabilité politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
M. Hervé Mariton. Remettez les choses au point, madame Dalloz !
M. Alain Chrétien. Rétablissez la vérité !
Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes
chers collègues, nous nous retrouvons, aujourd’hui, pour débattre en
nouvelle lecture d’un texte qui a été rejeté par le Sénat et sur lequel la
commission mixte paritaire n’a pu s’accorder. Ce projet de loi de finances
rectificative pour 2014 souffre, n’en déplaise à la majorité, monsieur le
secrétaire d’État, des mêmes tares qu’en première lecture. Après l’adoption
de soixante-neuf amendements en première lecture à l’Assemblée nationale, ce
projet de loi de finances rectificative, qui ne comprenait, outre l’article
liminaire, que six articles à l’origine, s’en est vu ajouter vingt-neuf
nouveaux. C’est dire à quel point on a considérablement modifié ce
texte !
Cela montre deux choses : d’une part, l’impréparation de ce
texte ; d’autre part, l’activité et la détermination des frondeurs. Le
gouvernement Ayrault avait augmenté impôts et charges de manière démesurée,
on l’a dit et redit. Cette augmentation pesait à hauteur de 28 milliards
d’euros sur les entreprises et, selon les calculs de Mme la rapporteure
générale du budget, à hauteur de 20 milliards d’euros sur les ménages. C’est
dire !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est pas tout à fait ça.
Mme Marie-Christine Dalloz. L’ajustement auquel vous procédez en matière fiscale manifeste
tardivement que votre politique a bien affecté, d’abord, les classes
modestes et les classes moyennes. Par l’article 1er,
vous signez un aveu.
La Cour des comptes a souligné « les limites d’une
stratégie concentrée trop exclusivement sur l’augmentation des recettes ».
Cette stratégie a provoqué un affaiblissement des recettes de l’impôt sur le
revenu et de l’impôt sur les sociétés en 2013 et de la TVA en 2012 et en
2013.
Aujourd’hui, le gouvernement Valls réduit l’impôt sur le revenu de
4 millions de foyers fiscaux ; 1,7 million sortent du barème de l’impôt sur
le revenu, alors que le gouvernement précédent les y avait fait entrer. Vous
faites un geste fiscal à l’égard des ménages modestes ; soit, mais c’est
bien parce que vous les avez fait entrer dans l’impôt en refiscalisant les
heures supplémentaires – 200 000 foyers concernés en année pleine –, en
baissant le plafond du quotient familial, en intégrant dans le revenu la
participation de l’employeur à la complémentaire santé, sans oublier la
fiscalisation des 10 % de retraite supplémentaires pour les personnes qui
ont eu au moins trois enfants. Ce sont 340 000 foyers qui sont concernés par
cette dernière mesure.
Votre gouvernement est celui des records, n’en
déplaise à la majorité. On relève 395 000 chômeurs supplémentaires, c’est un
premier record que vous détenez. Une dette qui avoisine les 2 000 milliards
d’euros, c’en est un deuxième, et cela représente environ 30 000 euros par
habitant.
Selon la Commission européenne, le déficit commercial de notre
pays s’aggrave. La trajectoire budgétaire dérape. Le déficit public
s’établirait à 3,8 % du PIB dans le meilleur des cas, au lieu des 3,6 %
initialement prévus. Le mécanisme de correction budgétaire est désormais
déclenché. Vous nous annoncez 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017,
et vous affirmez poursuivre l’assainissement des finances publiques en le
fondant sur des économies de dépenses, mais la réalité de ces 50 milliards
d’euros d’économies reste très mystérieuse.
Il faudrait près de
17 milliards d’euros d’efforts par an pour atteindre l’objectif annoncé. À
part les baisses de dépenses liées à la diminution de la charge d’intérêts
de la dette, qui dépendent des marchés, et la baisse des dotations aux
collectivités territoriales, où sont les réelles économies ? Quand
mettrez-vous en application les préconisations de la Cour des comptes, dont
vous devriez vous inspirer aujourd’hui ? Quand mettrez-vous en application
les injonctions de la Commission européenne ?
Je voudrais vous faire un
petit rappel, puisque vous nous reprochez d’être frappés d’amnésie. Je
voudrais rappeler à la majorité – j’en parlais tout à l’heure avec mon
collègue Vigier – que la TVA compétitivité, que nous avions adoptée avec les
transferts de prélèvements sociaux et qui devait entrer en vigueur dès
l’année 2013, aurait dû rapporter aux entreprises, directement, 13 milliards
d’euros par an ; 13 milliards d’euros dès 2013, c’était à la fois plus fort
et plus tôt, au profit de l’emploi !
M. Régis Juanico. Et elle coûtait combien aux ménages ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne pouvez pas parler sans cesse du problème de l’emploi sans
regarder ce que vous avez cassé à votre arrivée en 2012.
Et puis,
lorsqu’on parle de finances publiques, normalement, trois principes
s’imposent : l’équilibre, du moins pour les finances locales, l’annualité et
la sincérité. Je ne parlerai pas de l’équilibre – il y a longtemps que
l’État s’est affranchi de cette obligation – et nous nous inscrivons bien
dans une perspective d’annualité, mais, quant à la sincérité, trois éléments
me font dire, aujourd’hui, que ce budget est insincère : tout d’abord,
l’hypothèse d’une croissance du PIB de 1 %, que vous maintenez pour l’année
2014 alors qu’on sait très bien que c’est irréaliste ; ensuite, l’ajustement
des prévisions de recettes fiscales, dont vous estimez qu’elles seront
inférieures de 5,3 milliards à ce qui était annoncé en loi de finances
initiales, alors que l’écart sera plus important, et c’est la Cour des
comptes qui le dit ; enfin, la prévision d’un déficit de 3,8 % du PIB est
très certainement optimiste, ce qui pourrait représenter un handicap
considérable pour le niveau des taux d’intérêt.
Votre majorité, le
Gouvernement, le Président de la République seraient bien avisés, monsieur
le secrétaire d’État, de faire preuve de courage dans les actes, et de
sortir enfin de ces grandes déclarations, de ces éléments de langage qui, au
fond, nous paraissent chaque jour plus éloignés de la réalité que
connaissent les Françaises et les Français.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.
M. Jacques Bompard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
président de la commission des finances, madame la rapporteure générale,
quand la politique rejoint la logique de l’épicerie, il vient toujours un
temps où les gouvernements doivent passer à la caisse. La note, si elle
était payée sur les fonds propres des ministres, entraînerait une faillite
de l’ensemble des membres du Gouvernement, qui, alors, agiraient sûrement
différemment. Hélas, ils s’appuient sur les finances des citoyens qui, eux,
en ont assez !
La gestion en bon père de famille ayant laissé place à
une notion moins genrée, les comptes de l’économie socialiste s’en sont
immédiatement ressentis : 15 milliards d’euros de recettes manquantes sur
les douloureuses augmentations d’impôts, 5,3 milliards d’euros d’écart entre
le projet de loi de finance initial et ce projet de loi de finances
rectificative, 3,8 milliards d’euros de déficit contre les 3,6 prévus. Votre
cher Zola avait très certainement voulu écrire Les Riches heures
de la présidence Hollande quand il rédigea La
Curée.
Quelques anges gardiens tentent d’orienter quelque
peu les prévisions si hypothétiques de nos mauvais gestionnaires. Ainsi, le
Haut conseil des finances publiques, comme la Cour des comptes, répète
indéfiniment que les économies sur les dépenses publiques ne compensent pas
assez l’augmentation des prélèvements obligatoires, que les prévisions de
croissance demeurent par trop optimistes, et que le taux d’inflation sera
très certainement plus faible que celui prévu par le Gouvernement, mais les
rêveurs en charge de nos finances publiques n’en ont cure. La rue de
Solférino a promis de raser gratis demain, et les promesses publicitaires
doivent être tenues.
La concurrence, pourtant, est rude et la France
ferait bien d’accorder plus d’attention à sa santé économique et financière.
Les vautours qui la surveillent ont des noms bien inquiétants : agences
financières, officines mondialistes néolibérales, colossaux consortiums
bancaires prêts à payer 7 milliards d’euros d’arrangements avec le Trésor
américain pour que ne soit pas révélée l’ampleur de leurs méfaits. Autant le
dire d’emblée, les danses de Salomé du ministre des finances n’apaiseront
pas leurs appétits voraces et, devant un tel amateurisme nous en serons
bientôt quittes pour une France asservie, essoufflée et sans lendemains car
livrée à la grande finance.
Même l’épicière de nos villages aurait
l’intelligence concrète de concevoir qu’avec des charges d’impôts aussi
délirantes, la consommation et la confiance de ses clients ne pourrait que
s’affaisser.
M. Luc Belot. Quel mépris pour les épicières !
M. Jacques Bompard. Depuis le mois de juin 2012, le nombre de foyers fiscaux a
considérablement augmenté et le prétendu geste du Gouvernement en faveur des
foyers fiscaux les plus modestes ne trompera personne. Personne en effet n’a
oublié les augmentations de la TVA, des cotisations retraite, des charges.
Personne n’a oublié qu’il aura fallu attendre l’avènement de François
Hollande pour que croquants et canuts fassent leur retour en France,
incarnant une France exaspérée par le trop d’impôts. Personne n’est dupe du
report d’un an de la suppression de la contribution exceptionnelle sur
l’impôt sur les sociétés.
Alors, en commerçants désespérés, vous
marchandez le temple France grâce à quelques nouveaux produits, mais comment
croire un seul instant qu’ils parviendront à susciter autre chose que
l’exaspération des Français ? Ce sont la création d’une taxe de séjour
régionale pour financer les transports en Île-de-France plutôt que la lutte
contre la resquille et les dégradations dues à des populations à qui on
donne tous les droits sans devoirs,…
M. Luc Belot. Propos scandaleux !
M. Jacques Bompard. …la création d’un observatoire des contreparties plutôt qu’une vraie
décision politique visant à imposer la coopération des entreprises à la
suite du pacte de responsabilité et la création d’une taxe sur les transits
poids lourds, qui ravive la colère des Bonnets rouges.
La mise en
faillite est décidément toute proche, faillite qui sera certainement
appréciée par l’ensemble des Français qui commettront le nouveau crime de
non-présentation du permis de conduire en vue de son renouvellement et
devront, en ce cas, s’acquitter d’un droit de timbre de 25 euros. Cette
idée, cette révolution en matière d’économies budgétaires résume à elle
seule la nature de votre projet de loi : indigne. Indigne car toujours aussi
contraignant pour les Français, indigne car ne prenant pas en compte les
dangers qui menacent notre pays après tant d’années de dérapages budgétaires
et fiscaux, indigne car ne reposant sur aucune vision, sur aucun projet, ne
témoignant d’aucun courage. On pourrait espérer que cette indignité soit
masquée aux yeux de quelques étrangers tombant par hasard sur la France.
Séduits par l’originalité, voire par la franche singularité de nos
gouvernants, ils pourraient se laisser séduire par la France en mutation
socialiste – après tout l’identité, même coûteuse, est toujours une option.
Mais voilà, même ces derniers seront déçus après la proposition de
relèvement de la taxe de séjour, faite sans aucune concertation avec les
professionnels du secteur. Bel exemple de votre tendre et remarquable
dialogue social !
La vérité, que l’on ressent dans nos lointaines
provinces, est que la coupe est pleine. Le socialisme rêve jusqu’au
cauchemar, et la France tremble et enrage de s’être offerte à de si mauvais
gestionnaires.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État
chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je n’aurai pas la prétention, à ce stade, de répondre à l’ensemble des
orateurs. Je souhaite néanmoins revenir sur un certain nombre de
points.
Votre collègue Éva Sas nous a quittés il y a quelques instants ; je
veux malgré cela répondre à son intervention, qui avait tendance à faire croire
que la transition énergétique ne serait qu’un discours, qu’elle ne se traduirait
pas en actes. Je rappelle que le texte que nous examinons est un projet de loi
de finances rectificative – M. Mariton aussi l’a dit. Or les mesures fiscales
prises dans le cadre d’un collectif budgétaire doivent être considérées comme
des mesures de milieu d’année.
M. Hervé Mariton. Les mêmes règles ne semblent pas s’appliquer au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai déjà dit que sur la base du rapport sur la fiscalité des ménages réalisé
par Dominique Lefebvre et François Auvigne, nous sommes tout à fait disposés à
travailler, y compris avec le Parlement – ou du moins avec les parlementaires
qui le voudront –, à une mesure à caractère plus pérenne, plus structurel, sur
le bas du barème de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que l’entrée dans le
barème de l’impôt sur le revenu ne concerne pas les ménages aux revenus les plus
faibles ; ces derniers ne paient pas d’impôt sur le revenu. Il s’agit donc de ce
que l’on pourrait appeler les classes modestes, voire les classes moyennes
inférieures.
Permettez-moi de revenir sur toutes les mesures qui ont été
prises en loi de finances initiale. Certains disent qu’il faudrait prendre, en
milieu d’année, de grandes mesures fiscales pour la transition énergétique. Nous
avons tout de même appliqué un taux réduit de TVA de 5,5 % aux travaux de
rénovation énergétique – ce qui a représenté une baisse de recettes de
450 millions d’euros pour l’État. Nous avons bonifié les prêts de la Caisse des
dépôts pour la rénovation thermique, à hauteur de 130 millions d’euros. Nous
avons créé une prime de 1 350 euros, à laquelle deux ménages sur trois sont
éligibles, en élargissant les conditions d’accès aux primes du FART, le Fonds
d’aide à la rénovation thermique. Cela représente également 450 millions
d’euros. Quelques-uns des investissements d’avenir de l’ADEME, l’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ont été transférés, mais il en
reste quand même pour un montant de 1,1 milliard d’euros. Les aides à la
reconversion des véhicules très polluants ont été maintenues, avec une aide de
10 000 euros. Concernant les énergies renouvelables, il existe une contribution
au service public de l’électricité, qui coûte au contribuable 5,7 milliards
d’euros.
Je ne peux donc pas laisser dire dans cet hémicycle – et ceux qui
le disent s’appuient sur ce que j’appellerai des rapprochements de
circonstances – qu’il n’y a pas eu de mesures fiscales ni de mesures budgétaires
en faveur de la transition énergétique.
Il en va de même pour les emplois
d’avenir.
M. Hervé Mariton. Sur ce sujet, que de revirements !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On peut toujours dire qu’il en faut 20 000, 50 000 ou 100 000 de plus, cela ne change rien au fait que c’est bien ce gouvernement qui a mis en place ce dispositif ! Le volume initialement prévu pour cette année était de 50 000 emplois d’avenir ; au second trimestre, le Gouvernement a décidé d’en ajouter 45 000. Pour le reste, c’est une question d’équilibre, de dosage budgétaire.
M. Alain Chrétien. Vous avez tué les emplois d’avenir, et maintenant vous voulez les ranimer !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons pris plusieurs mesures en
faveur de l’apprentissage – sujet qui a été évoqué à plusieurs reprises par
certains d’entre vous. Nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat,
quand nous aborderons un article touchant à cette question. Nous vous
proposerons d’ailleurs de le compléter par un mouvement de 150 millions
d’euros.
Je remercie celle et ceux qui se sont manifestés pour appuyer ce
projet de loi de finances rectificative.
Mesdames et messieurs les députés
de l’opposition, on peut toujours, à propos de la dette et de l’évolution des
déficits, dire que la coupe est pleine…
M. Alain Chrétien. Elle déborde ! Elle déborde, et vous continuez à verser !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …en oubliant que les responsables ne sont pas ceux qui ont versé la dernière goutte, mais ceux qui l’ont remplie à ras bord !
M. Alain Chrétien. Les Français vont la boire jusqu’à la lie, cette coupe !
Mme la présidente. Monsieur Chrétien, s’il vous plaît, cela suffit.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous appelle non pas à un esprit d’unité nationale, mais à un esprit de responsabilité collective.
Mme Marie-Christine Dalloz. Ah, cela vous va bien de dire cela !
M. Jean-François Lamour. C’est la grande mode !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous pourriez avoir l’humilité de reconnaître que votre contribution à
l’augmentation de la dette est significative – pour ne pas dire plus ! Si vous
assumiez cela, vous nous épargneriez vos leçons !
Oui, mesdames et messieurs
les députés, il nous faudra aborder plusieurs sujets qui font débat. S’agissant
de la taxe de séjour, les membres du groupe RRDP ont évoqué l’opportunité de
mener une concertation : j’ai bien pris note de leurs réflexions. Plus
largement, plusieurs d’entre vous ont insisté sur le fait qu’une concertation
était plus que souhaitable, nécessaire. Le Gouvernement s’exprimera à ce
sujet.
Certains sujets restent ouverts. Il est maintenant temps de nous
lancer dans l’examen des articles. Il n’y a pas, de notre part, de revirements ;
au contraire, nous construisons ce projet de loi de finances rectificative de
manière pragmatique, pour prendre en compte les réalités économiques et
budgétaires. Tout en conservant le souci de réduire les déficits, nous voulons
prendre un certain nombre de mesures favorables à l’emploi et à la relance de
l’économie.
Voilà les éléments que je voulais donner aux orateurs qui se
sont exprimés au cours de la discussion générale. Ils me pardonneront de ne pas
les avoir tous cités nommément.
Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2014, dans le texte précédemment adopté par l’Assemblée nationale et rejeté par le Sénat.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 5,
51 et 23, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les
amendements nos 51 et 23 sont
identiques.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir
l’amendement no 5.
M. Charles de Courson. Nous avons eu, en commission puis en séance publique, une discussion intéressante sur les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel. Mes chers collègues, le concept de déficit conjoncturel est-il encore pertinent aujourd’hui ? Les hollandistes croient encore à l’existence d’un taux de croissance potentiel, d’une tendance sous-jacente affectée par des cycles de fluctuation d’une durée de cinq ans.
M. Alain Chrétien. Qui est encore hollandiste aujourd’hui, à part François Hollande lui-même – et encore ?
M. Charles de Courson. On peut, au contraire, penser que le monde a changé, que nous ne
sommes pas sortis de la crise économique. Dans ce cas, la différence
entre les notions de déficit structurel et conjoncturel s’estompe,
et n’existe même plus. D’ailleurs, notre rapporteure générale – qui
est une femme prudente – évoque rapidement ce débat à la page 9 de
son rapport.
Les députés du groupe UDI ont déposé cet amendement
pour poser l’équivalence suivante : déficit structurel égale déficit
effectif. En d’autres termes, nous disons que nous sommes dans une
crise structurelle, dans un contexte de croissance très faible : la
composante dite conjoncturelle du déficit n’existe donc pratiquement
plus. Il n’y a pas de fluctuation autour d’une tendance de fond !
Voilà le sens de cet amendement, qui est un amendement de réflexion,
bien entendu.
En première lecture, nous avons été beaucoup
étonné par un amendement adopté par une courte majorité des membres
de la majorité. Ces députés ont estimé pouvoir déterminer, à la
place des instituts d’évaluation, les soldes structurels et
conjoncturels. Cet amendement, défendu par notre collègue Karine
Berger, fragilise en effet, comme M. le secrétaire d’État l’a
rappelé, ce projet de loi de finances rectificative.
Mme la présidente. Merci, monsieur le député.
M. Charles de Courson. Je pense donc qu’il serait intéressant, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous disiez quel est, pour vous, le taux actuel de croissance dite potentielle. Ce taux était fixé aux alentours de 1,6 ou 1,7 %. Est-il descendu à 1 %, ou plus bas encore ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 51.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme nous l’avions annoncé à l’issue de la première lecture, le
Gouvernement propose de rétablir la rédaction initiale de l’article
liminaire. L’amendement adopté en première lecture a pour effet de
réduire le niveau du déficit structurel, sans justification technique et
en méconnaissance de la loi de programmation des finances publiques.
Au-delà de ces aspects techniques sur le calcul du solde structurel, le
maintien de l’article liminaire dans sa rédaction actuelle présente un
risque que j’ai évoqué tout à l’heure, lors de mon intervention à la
tribune. Le Haut conseil des finances publiques a validé l’article
liminaire dans sa rédaction initiale proposée par le Gouvernement. C’est
sur cette base que le Conseil d’État a examiné la sincérité du projet de
loi de finances rectificative. La modification de l’article liminaire
présente donc un risque.
Par ailleurs, cet amendement permettra de
rétablir la cohérence entre le projet de loi de finances rectificative
et le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.
Je rappelle en effet que les articles liminaires de ces deux textes
doivent être identiques, ce qui ne serait pas le cas si nous n’adoptions
pas cet amendement. À ce stade de nos travaux, en effet, l’Assemblée
nationale a maintenu la rédaction initiale de l’article liminaire du
PLFRSS. Je vous invite donc à rétablir la version initiale de l’article
liminaire du PLFR.
Avec votre permission, madame la présidente, j’en
profiterai pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement de
Charles de Courson.
Mme la présidente. Je vous en prie.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je connaissais les amendements d’appel et les amendements de provocation ; vous nous faites découvrir ce soir, monsieur de Courson, les amendements de réflexion !
M. Denis Baupin. Monsieur de Courson est un sage !
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est toujours bon de réfléchir !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Bien entendu, nous acceptons toujours la réflexion.
Des débats
techniques ont eu lieu, et peuvent se poursuivre. Pour ma part, je me
bornerai à réfuter un argument avancé par M. de Courson. Vous dites,
monsieur le député, que la différence entre déficit structurel et
déficit conjoncturel n’a pas lieu d’être. Je vous rappelle que la loi
organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et la
gouvernance des finances publiques fait expressément référence à ces
notions. Il n’y a donc que vous pour considérer qu’il n’y a pas lieu de
différencier déficit structurel et déficit conjoncturel ! C’est d’autant
plus vrai que les standards internationaux et européens y font tous
référence.
Vous m’avez également interrogé, monsieur le député, sur
la croissance potentielle prise en compte dans ces modèles. Vous
connaissez déjà la réponse à cette question : la croissance potentielle
est estimée à 1,5 % du PIB. C’est sur ce taux de croissance potentielle
que le HCFP s’est prononcé.
Le Gouvernement serait donc défavorable,
s’il était maintenu, à « l’amendement de réflexion » de M. de
Courson.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Hervé Mariton. Nous présentons un amendement identique à celui du Gouvernement :
cela montre bien son intérêt.
Ce débat a le mérite de souligner
à quel point il est difficile d’apprécier le solde structurel et le
solde conjoncturel. M. le secrétaire d’État a rappelé l’adoption de
la loi organique du 17 décembre 2012. Dès cette époque, nous vous
avions alertés à propos de la difficulté d’apprécier ces notions ;
nous avions insisté sur l’importance, pour le Gouvernement, de bien
justifier les éléments pris en compte pour définir le taux de
croissance potentiel. Les chiffres qui nous sont proposés doivent
être justifiés par une solide argumentation !
Des débats assez
caricaturaux ont conduit la majorité à adopter en première lecture
un amendement modifiant l’article liminaire. Si nous en restions là,
cela poserait une difficulté constitutionnelle évidente : M. le
secrétaire d’État l’a reconnu. Cet amendement se justifie donc par
le souci de corriger ce défaut.
Cela ne dispense ni le
Gouvernement ni le Parlement de travailler de manière plus
approfondie sur ce point. Grâce au débat interne à la majorité que
j’ai évoqué, d’une certaine manière, cela a été le cas. Nous,
députés de l’opposition, y avons assisté simplement comme témoins.
Le Gouvernement, aussi bien que la commission des finances et
l’Assemblée elle-même en séance publique, devrait donc se pencher
davantage sur ces articles liminaires, et mieux examiner le taux de
croissance potentielle retenu ainsi que ses conséquences sur les
soldes structurel et conjoncturel.
Pour conclure, je rappellerai
ce que nous avons dit bien des fois : en fin de compte, c’est le
solde réel que nous devrons couvrir, notamment par l’endettement.
Car la dette que nous devons financer est, elle, bien
réelle !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je commencerai par rappeler à nos collègues de l’opposition – et
principalement à Hervé Mariton – qu’effectivement, la notion de
déficit structurel est compliquée. C’est la première fois que nous
votons un objectif de solde dans le cadre d’un projet de loi de
finances – en l’occurrence, un projet de loi de finances
rectificative. Il est normal que ces données suscitent des débats,
des interrogations, tout comme il est normal que notre assemblée se
prononce sur les chiffres qui lui sont proposés.
J’en reviens
aux trois amendements qui nous sont proposés. Tout d’abord, comme en
première lecture, l’avis de la commission est défavorable à
l’amendement de M. de Courson. C’est la négation absolue du contexte
actuel de crise non plus financière, mais économique.
M. Charles de Courson. Ce n’est pas cela !
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit bien de cela, puisque vous voulez réduire le solde au
déficit structurel. Vous refusez ainsi de reconnaître qu’il y a une
crise économique, et que la conjoncture a un effet sur le
déficit.
Le deuxième amendement, proposé par le Gouvernement,
vise à restaurer la cohérence entre le PLFR et le PLFRSS. Je suis
favorable à cet amendement. Quant à votre amendement, monsieur
Mariton, il sera satisfait si l’amendement du Gouvernement est
adopté.
Monsieur Mariton, vous avez aussi soulevé la question du
taux de croissance potentielle. Comme évaluer le véritable potentiel
de notre pays ? L’avons-nous atteint, ou pas encore ? Nous en
débattrons sans doute à l’occasion de l’examen des prochains projets
de loi de finances. C’est un débat important. Comme vous l’avez
rappelé, cela ne change rien au fait que nous devrons, l’an
prochain, emprunter un montant égal au solde nominal.
Pour
autant, distinguer la notion de déficit structurel de celle de
déficit conjoncturel permet de déterminer notre position dans le
cycle économique. Ces notions sont donc extrêmement
importantes.
En résumé, j’émets un avis défavorable sur
l’amendement no 23, favorable sur l’amendement
no 51 et je demande le retrait de
l’amendement no 23.
Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.
Mme Karine Berger. Je ne peux que regretter le dépôt de ces amendements. À cet
égard, le retour au texte initial du Gouvernement ne permettra pas
de clore le débat sur la politique économique. De surcroît, monsieur
le secrétaire d’État, vous justifiez votre position en évoquant une
contradiction avec l’article liminaire du projet de loi de
financement rectificative de la Sécurité sociale, sur lequel vous
m’avez personnellement demandé de ne pas déposer d’amendement !
J’essaie simplement d’être cohérente et de ne pas ouvrir un débat
technique, quand la discussion est d’ordre politique.
J’espère
que nous ne regretterons pas cette évaluation de la politique
économique. Certes, les débats vont se poursuivre, car nous ne
faisons que commencer à analyser le déficit conjoncturel et
structurel. Néanmoins, si, comme je le crois, le déficit
conjoncturel est beaucoup plus important que vous ne le pensez,
monsieur le secrétaire d’État, monsieur Mariton, cela signifie que
la situation conjoncturelle de la France est beaucoup plus dégradée
et que les efforts de lutte contre le chômage conjoncturel, ou
keynésien, devraient être beaucoup plus importants, et ce, dès
maintenant, non pas dans un ou deux ans.
Par ailleurs, je répète
ma question, posée déjà plusieurs fois : cet amendement
signifie-t-il que l’écart de production, c’est-à-dire la fin du
cycle précédent, a eu lieu en 2012 ? Autrement dit, la crise
économique se serait achevée en 2012, comme en atteste le niveau de
l’écart de production, qui correspond à la fin d’un cycle. Je ne le
crois pas.
Si tel n’est pas l’avis du Gouvernement, je demande à
nouveau quelle est la dernière année pendant laquelle le cycle
économique de la France s’est caractérisé par un écart de production
de zéro. Aux États-Unis, c’est un institut indépendant, le National
Bureau of Economic Research, le NBER, qui établit ces chiffres et
estime la position du pays dans le cycle économique. En France,
c’est un texte gouvernemental. Puisque le Gouvernement a présenté
cet amendement visant à modifier l’article liminaire, je voudrais
connaître son avis sur la date de fin de cycle.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de me rappeler le texte de la loi organique, que je n’ai pas oublié, je vous rassure.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. On est rassuré !
M. Charles de Courson. Je voudrais, pour une fois, abonder dans le sens de Mme Berger.
M. Dominique Baert. Cela fait plusieurs fois !
M. Charles de Courson. C’est suffisamment rare pour le signaler !
Mme Karine Berger. C’est très rare en effet !
M. Charles de Courson. La vraie inquiétude que devrait avoir le Gouvernement concerne
l’écart entre le solde effectif et le solde structurel : il était de
0,7 point de PIB en 2012, de 1,2 point en 2013 et, selon vos
estimations, il sera de 1,7 point en 2014 – entre nous, ce sera au
moins 1,9 point, car nous atteindrons un solde effectif, non pas de
3,8 %, mais de 4 %.
C’est sur ce point que je rejoins
Mme Berger : cet écart croissant montre que l’hypothèse implicite
concernant le taux de croissance potentielle est totalement
surévaluée. Sinon, comme l’a dit Mme Berger, cet écart devrait se
réduire progressivement. Or, non seulement il ne se réduit pas, mais
il augmente.
Comme l’a rappelé le Haut conseil des finances
publiques, vous continuez à retenir une hypothèse de taux de
croissance potentielle de l’ordre de 1,5 % ou 1,6 %, mais vous êtes
bien les seuls. La Commission européenne elle-même l’évalue à 1,1 %
au maximum.
Pour abonder dans le sens de Mme Berger, si nous
tentons de calculer le taux de croissance potentiel cohérent avec
cet écart croissant, nous obtenons un taux autour de 0,5 % ou 0,6 %,
guère plus. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, la croissance
a été de 0,3 % en 2013. Pour cette année, vous maintenez une
perspective de 1 %, mais les dernières estimations prévoient un taux
maximum de 0,7 %, et les indices conjoncturels ne sont pas
bons.
Cela dit, je retire mon amendement car je suis respectueux
de la loi organique. Je voterai même l’amendement de M. le
secrétaire d’État, car je ne veux pas que les textes soient annulés
pour des motifs purement formels. Mais, monsieur le secrétaire
d’État, contrairement à ce que dit Mme Berger, votre choix n’est pas
politique.
(L’amendement no 5 est retiré.)
Mme la présidente. Je précise, madame la rapporteure générale, que si vous émettez un
avis favorable sur l’amendement no 51, il vaudra
aussi, par définition, pour l’amendement no 23, qui
lui est identique. Vous ne pouvez pas demander qu’il soit retiré.
La
parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Merci, madame la présidente, pour votre excellente façon de présider.
J’allais m’étonner que deux amendements identiques aient un sort
différent, selon qu’il est déposé par le Gouvernement ou l’opposition.
Il faut effectivement être cohérent.
De surcroît, je voudrais
rappeler, ne vous en déplaise, chers collègues de la majorité, que vous
nous avez appelés à faire preuve d’unité nationale. Eh bien, nous vous
avons pris au mot : nous avons déposé le même amendement que le
Gouvernement.
Je rappelle que, lors de la première lecture, ce n’est
pas nous qui avons posé des problèmes sur le sujet des différentiels de
solde, mais bien les députés de la majorité appelés les « frondeurs ».
Ils étaient présents en masse et ont contredit le Gouvernement en
modifiant la rédaction initiale de l’article liminaire. Quant à nous,
nous partageons la vision du Gouvernement sur la répartition entre le
déficit structurel et le déficit conjoncturel.
Plus sérieusement, je
crois sincèrement que, pour faciliter l’examen des projets de loi de
finances, il faudra à l’avenir que nous ayons accès à une documentation
sérieuse permettant de mesurer l’effet de la croissance potentielle sur
le déficit conjoncturel. Aujourd’hui, nous avons des difficultés à
l’évaluer. L’examen du texte en première lecture nous a peu éclairés,
puisque les débats ont eu lieu, pour l’essentiel, au sein même de la
majorité.
Madame Berger, un chômeur, keynésien ou non, reste avant
tout chômeur. Nous devons donc parler du déficit nominal ou effectif,
plutôt que d’établir des distinctions hypothétiques, qui n’ont pas de
lien avec la résorption de notre déficit.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie
générale et du contrôle budgétaire. Je voudrais rappeler que ce type de débats, aussi important
soit-il, ne doit pas nous faire perdre de vue l’essentiel, à savoir
l’endettement effectif lié au déficit réel.
Je pense notamment
au débat sur le solde structurel et au lancement d’un programme
d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros sous la
précédente majorité, auquel la majorité actuelle a ajouté un
programme de 12 milliards d’euros, ce qui représente au total plus
de deux points de PIB. Je pense également à l’initiative du
vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, visant à exclure certains
types d’investissements du calcul du déficit, débat qui a été
immédiatement fermé par la chancelière, Angela Merkel.
En
réalité, ces débats ont comme seule conséquence de détourner notre
attention de la question du besoin de financement. Or, il est très
inquiétant d’observer que celui-ci va augmenter considérablement en
2015. Il est lié au déficit réel, qu’il faut bien financer, mais
également au refinancement de la partie en capital des
2 000 milliards de dettes qui vient à échéance.
Or, à partir de
2015, vont tomber les échéances des emprunts importants auxquels
nous avons dû souscrire pendant la crise, en 2009 et 2010, comme
l’ont fait tous les autres pays européens. Notre besoin de
financement va donc s’élever à plus de 200 milliards d’euros à
partir de 2015, voire 220 milliards en 2016 ou 2017, contre
180 milliards d’euros jusqu’à présent. Nous allons être le premier
emprunteur au monde en euro. Il faut donc que nous surveillions
constamment le pourcentage de notre dette par rapport au PIB, dont
il est maintenant quasiment certain qu’il dépassera les 100 % à la
fin de 2015. Je voulais rappeler ces quelques éléments qui me
paraissent tout à fait essentiels.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons le droit, voire le devoir, d’avoir des débats de fond,
et je ne voudrais pas laisser penser que celui qui nous occupe est
secondaire. À cet égard, contrairement à ce que vient de dire M. le
président de la commission des finances, nous n’éludons pas le débat
sur le déficit nominal et le besoin de financement ou de
refinancement de la dette de l’État.
Encore faut-il confronter
clairement les positions de chacun sur ce sujet. Ayant été
rapporteur sur la loi organique, qui a été construite sur la base de
ces notions, je voudrais ajouter plusieurs éléments.
En premier
lieu, madame Berger, nous estimons que l’écart de production est
devenu quasiment nul à la fin de l’année 2011. Telles sont, du
moins, les indications transmises par les services sur ce point
technique. Je croyais vous l’avoir dit en première lecture.
En
second lieu, pour répondre à ceux qui contestent les chiffres de la
croissance potentielle, j’indique que l’OCDE l’évalue à 1,4 % et
l’INSEE entre 1,2 % et 1,9 %. De notre côté, nous l’estimons à
1,5 %,...
M. Charles de Courson. Que prévoit la Commission européenne ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …ce qui n’est pas complètement incohérent par rapport aux
prévisions de ces deux organismes reconnus.
Les taux de 1 % et
de 0,7 %, que vous mentionnez, renvoient au décalage entre la
croissance constatée et la prévision : il ne faut pas confondre ces
données avec la croissance potentielle observée au cours des trois
dernières années, qui donne une trajectoire.
Enfin, sans avoir
l’intention d’éluder le débat, j’indique que nous aurons l’occasion,
lors de la loi de programmation des finances publiques que nous
examinerons à l’automne, de débattre à nouveau de ce sujet,
peut-être plus en amont et en concertation.
On peut toujours
gloser sur les motivations politiciennes censées animer les groupes
de l’opposition ou de la majorité mais, en tout état de cause, les
hypothèses de chacun seront confrontées. Nous examinerons un nouvel
article liminaire, dans des conditions probablement différentes,
puisqu’il s’agira d’une nouvelle loi de programmation triannuelle
des finances publiques. La précédente étant toujours en vigueur,
nous devons reprendre les hypothèses déjà établies.
(Les amendements identiques nos 51 et 23
sont adoptés.)
(L’article liminaire
, amendé,
est adopté.)
Mme la présidente. Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Mme la présidente. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont
inscrits.
La parole est d’abord à M. Christian Estrosi.
M. Christian Estrosi. Cette nouvelle lecture confirme que vous persistez à porter atteinte
notamment aux plus modestes et aux plus faibles, après deux ans de
hausse continue de la fiscalité et en dépit des grandes déclarations du
Président de la République le 31 décembre dernier à vingt heures et de
celles du Premier ministre aujourd’hui même, selon lesquelles les impôts
sont devenus insupportables pour les Français.
Or, à force
d’augmenter la pression fiscale dans notre pays, vous avez rendu l’impôt
improductif, à tel point que le rendement de l’impôt a baissé de près de
12 milliards d’euros. C’est bien la preuve que vous avez atteint le
point où, selon l’expression, trop d’impôt tue l’impôt.
Nous sommes
arrivés à un moment où les Français ne savent plus pourquoi ils sont
soumis à l’impôt sur le revenu, alors que depuis 1945 chacun savait,
dans notre pays, pourquoi on payait l’impôt et au service de quelle
cause on le faisait.
Lorsque l’on sait notamment que, au mois de
septembre prochain, lorsque les Français recevront leur feuille d’impôt
sur le revenu, ce seront non seulement près de 4 millions de foyers de
retraités qui verront leur imposition augmenter de 320 euros en moyenne,
mais également 10 millions de salariés dont le revenu imposable va
augmenter en moyenne de 288 euros par an.
Il s’agit bien là de
mesures injustes pour les classes moyennes inférieures, qui vont, de ce
fait, connaître un déclassement économique.
Au moment où, pour
régler le problème des déficits, il n’y a qu’une solution…
Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le député.
M. Christian Estrosi. Ne disposais-je pas de cinq minutes, madame la présidente ?
Mme la présidente. Je suis désolée, mais chaque député inscrit sur un article dispose de deux minutes.
M. Luc Belot. C’était déjà comme ça la semaine dernière !
M. Yann Galut. Les règles ne changent pas ! (Sourires sur les bancs du
groupe SRC)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cette nouvelle lecture du collectif budgétaire me donne l’occasion de
rappeler qu’en 2012 le candidat François Hollande avait parlé, de façon
d’ailleurs très juste et avec un sens politique très fort, d’une remise
à plat de la fiscalité pour davantage de lisibilité, de stabilité et
d’égalité.
Après deux ans de mandat présidentiel de M. Hollande,
quelle est la situation ? Où est le changement ? Depuis deux ans, on
constate un matraquage fiscal sur tous les Français, principalement les
classes moyennes : fin de la défiscalisation des heures supplémentaires,
ou encore baisse du quotient familial.
Ce collectif budgétaire est à
l’image de votre politique : inadapté et décalé par rapport aux réalités
économiques et budgétaires de notre pays. Il n’y a pas de cap, d’où une
grande incertitude dans notre pays : les Français doutent du pouvoir. Le
travail est taxé, mais cela ne résoudra pas le problème du chômage, qui
augmente en permanence. Ce collectif ne va pas les rassurer.
Les
Français nous le disent, sur le terrain : ils attendent des réformes
structurelles pour diminuer la dépense publique, réduire le déficit
public, régler le problème de la dette, qui augmente et atteindra même,
dans les prochains mois, les 2 000 milliards d’euros. Ils ne veulent pas
d’une fiscalité confiscatoire, illisible et instable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.
M. Alain Chrétien. Nous attaquons une nouvelle lecture de ce PLFR, avec cette mesure qui se voulait une mesure phare, de ce nouveau gouvernement qui se dit moderniste et qui voulait oublier les erreurs que son prédécesseur avait faites, notamment en dilapidant le pouvoir d’achat des Français. En effet, nous l’avons redit lors de la discussion générale, pour la première fois depuis 1984, le pouvoir d’achat des Français a baissé.
M. Dominique Lefebvre. C’était en 2012 !
M. Alain Chrétien. Pourquoi a-t-il baissé ? Eh bien, c’est le résultat de votre
politique fiscale, justement, à l’encontre de ceux que vous prétendez
aujourd’hui protéger, ces millions de foyers fiscaux que vous avez
matraqués à coups de suppression de la défiscalisation des heures
supplémentaires – qu’ils ne font plus ou qu’ils déclarent maintenant sur
leurs feuilles d’impôt –, de baisse du quotient familial et de
majoration de 10 %.
Bref, vous faites croire aux Français que vous
êtes avec eux, alors que depuis deux ans, vous les avez étouffés. Cet
article 1er ne doit pas faire oublier l’échec
de votre politique fiscale depuis tant d’années.
Qui plus est, dire
que ces baisses d’impôt seront financées par le produit de la lutte
contre la fraude fiscale, c’est aussi un peu court, monsieur le
secrétaire d’État : l’année prochaine, par quelle ressource
supplémentaire financerez-vous ces nouvelles baisses d’impôt ? En effet,
la fraude fiscale n’a qu’un but : disparaître. Lorsque son produit sera
nul, par quoi financerez-vous ces baisses d’impôt pour les plus
modestes ?
Une fois de plus, vous menez une politique fondée sur
l’illusionnisme et le mensonge. Vous tentez de réparer toutes les
erreurs des années 2012 et 2013, mais personne en France n’est dupe. Le
matraquage fiscal continue et il va continuer. Rassurez-vous, le
matraquage électoral – votre matraquage électoral – va lui aussi se
poursuivre.
M. Michel Vergnier. Merci pour ces propos très nuancés ! (Sourires sur les
bancs du groupe SRC)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Il est intéressant de passer en revue ce qui s’est passé depuis maintenant un peu plus de deux ans. Or je pose la question : quel pourcentage des ménages a été touché par l’ensemble des mesures fiscales décidées, en matière d’impôt sur le revenu, par la majorité ?
M. Michel Vergnier. Vous allez nous le dire !
M. Charles de Courson. Il est énorme, même si seuls nous ont été fournis les chiffres
analytiques, détaillant mesure par mesure.
Je les rappelle :
3,8 millions de ménages pour les seuls avantages liés à la retraite,
c’est-à-dire les majorations pour enfants ; plus de 13 millions par
l’imposition des cotisations patronales sur les complémentaires santé ;
enfin, 8 à 9 millions, de mémoire, par la taxation des heures
supplémentaires.
Quand vous faites la somme de tout cela – et en
tenant compte du fait que certaines catégories se recoupent –, ce sont
probablement près des deux tiers des foyers français qui ont été
taxés.
L’aspect positif des choses, c’est que l’on s’est enfin rendu
compte – M. le secrétaire d’État, en son ancienne qualité de rapporteur
général du budget, l’avait d’ailleurs dit à l’automne dernier – que l’on
courait à la catastrophe.
En effet, nos concitoyens vont recevoir
des feuilles d’impôt présentant des hausses massives : 14 milliards
d’euros pour cette seule année, auxquels s’ajoutent les 6 milliards de
l’année précédente, ce qui fait 20 milliards. Il fallait donc absolument
prendre une petite mesure : ce sont les 1,2 milliard d’euros, qui ne
représentent jamais que 6 % des 20 milliards que j’évoquais à
l’instant.
Il y a une question à laquelle nous n’avons toujours pas
de réponse : sur les 1,9 million de foyers qui vont redevenir non
imposables en raison des dispositions de cet
article 1er, si nous le votons, quelle est la
proportion d’entre eux qui étaient devenus imposables du fait des
mesures fiscales prises dans le cadre de la loi de finances pour 2014 ?
Selon moi, monsieur le secrétaire d’État, cela doit être la moitié.
Pouvez-vous nous donner une indication sur ce sujet ?
Mme la présidente. À l’article 1er, je suis saisie de quatre
amendements, nos 28, 65, 66 et 67, pouvant être
soumis à une discussion commune.
Les amendements
nos 28 et 65 sont identiques.
La parole
est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement
no 28.
Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement, présenté par Marc Le Fur, vise à rétablir l’exonération d’impôt sur le revenu pour les majorations de retraite ou de pensions pour charges de famille, supprimée dans la loi de finances pour 2014 à compter de l’imposition des revenus de l’année 2013.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 65.
M. Charles de Courson. Nous ne cesserons de protester contre la mesure qui a été prise.
Je rappelle que les majorations pour charges d’enfants ne sont pas
de 10 % à partir de trois enfants : elles vont de 10 % à 30 %. Dans
le régime IRCANTEC, par exemple, si vous avez six enfants, vous avez
30 % de majoration. On voit d’ici les conséquences pour les gens
modestes quand vous intégrez ces majorations : 3,8 millions de
foyers concernés sont taxés, dont une partie était auparavant
non-imposable – on en trouve le détail dans le rapport de notre
rapporteure générale.
Quel est le fondement de cette
majoration ? Il s’agit de compenser le niveau de vie qui est
nécessairement moindre quand vous avez cinq ou six enfants. En
effet, à revenus constants, le niveau de vie d’une famille baisse en
proportion du nombre d’enfants.
Taxer cela, c’est
fondamentalement injuste. Vous auriez pu prévoir un seuil – c’est
l’objet de l’un de mes amendements –, afin d’exonérer jusqu’à tel ou
tel montant. Nous aurions pu discuter d’une telle disposition, mais
l’imposition au premier euro de toutes les familles qui ont eu trois
enfants et plus, alors même qu’elles ont maintenu le dynamisme
démographique de notre pays, nous paraît scandaleuse. C’est un signe
épouvantable à l’égard de la politique familiale.
Mme la présidente. Monsieur de Courson, puisque vous avez la parole, pouvez-vous en profiter pour soutenir simultanément les amendements nos 66 et 67 ?
M. Charles de Courson. Volontiers, madame la présidente.
Comme je le disais à
l’instant, il y avait une solution très simple : fixer un
seuil.
Je propose, à travers l’amendement
no 66, de fixer un seuil à 1 000 euros par
mois. Pourquoi cette somme ? Le taux minimum pour trois enfants
étant de 10 %, cela veut dire que les personnes ayant une pension
annuelle de 12 000 euros, c’est-à-dire des gens modestes, disposent
d’une retraite inférieure à 1 000 euros par mois, ne seraient plus
concernés par la mesure. Ce serait le minimum, me semble-t-il, en
termes de justice sociale. J’espère qu’il reste encore quelques
membres de la majorité qui ont le sens de cette
justice.
L’amendement no 67 concerne quant
à lui l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux
contrats collectifs de complémentaires santé, sur laquelle
l’actuelle majorité est revenue à l’occasion de la loi de finances
initiale pour 2014.
C’est l’exemple même d’une disposition tout
à fait contraire à ce dont a besoin la France, c’est-à-dire plus de
dialogue social, au sein des branches comme des entreprises, de
manière à trouver de bons accords. Tout cela, on le détruit. J’ai
même entendu des chefs d’entreprise me dire : « Eh bien, puisque
cette participation est fiscalisée, on va dénoncer l’accord et
essayer de trouver d’autres solutions avec nos partenaires
sociaux ». Cela ne va pas du tout dans le sens d’une meilleure
couverture, réalisée grâce à des accords collectifs d’entreprises,
de branches ou de groupes. Une telle mesure revient à détruire le
dialogue social.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Sur les trois premiers, portant les nos 28,
65 et 66, qui avaient été présentés sous une forme équivalente – et
même, pour certains, totalement identique – en première lecture, mon
avis est défavorable. En effet, s’agissant des dispositions
contenues dans cet article 1er, proposé par le
Gouvernement, vos propositions ne concernent que les retraités. Vous
écartez donc du bénéfice de la disposition l’ensemble des salariés
et le reste de la population.
Sur l’amendement
no 67, l’avis est également défavorable.
Sans doute souhaitez-vous, monsieur de Courson, relancer le débat
que nous avions eu dans le cadre du PLF pour 2014…
Avec
l’article 1er, proposé par le Gouvernement,
nous sommes parvenus à une solution d’équilibre, qui vise à mettre
en place une réduction d’impôt, que ce soit pour des retraités, pour
des personnes qui sans travail ou pour des salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous sommes en loi de finances rectificative. Je veux bien qu’on
recommence in extenso tous les débats de la loi
de finances initiale, puis de la première lecture de ce collectif,
mais enfin je crois pouvoir me contenter, en nouvelle lecture,
d’argumenter de façon assez succincte sur des éléments dont on a
déjà eu à plusieurs reprises l’occasion de débattre.
J’en
profite pour répondre à M. Estrosi, qui voulait s’exprimer cinq
minutes, mais qui est déjà parti. (Sourires.)
Il faut faire attention : tous les mots ont un sens. Ceux qui nous
disent que le produit de l’impôt sur le revenu diminue sont les
mêmes qui nous expliquent que ce produit explose.
M. Éric Woerth. Admettons qu’il se soit trompé !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Merci de votre éclairage, monsieur Woerth. Il est vrai que M. Estrosi n’est pas très familier de nos débats.
M. Dominique Baert. Il n’est pas souvent là !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est venu, selon la technique de Lourdes, faire une apparition.
(Sourires sur les bancs du groupe
SRC.)
J’aurais
aimé lui dire qu’en 2011 – nous n’étions pas au pouvoir – l’impôt
sur le revenu rapportait 51,5 milliards d’euros ; en 2012,
59,5 milliards et en 2013, 67 milliards. Il est prévu qu’il
rapporte, après les corrections de cette année, 71,2 milliards
d’euros en 2014. Certes, trop d’impôt tue l’impôt, mais on ne peut
pas dire à la fois que le produit explose et qu’il diminue. Certes
les assiettes et les taux d’imposition étaient modulés, mais je suis
parti de 2011, pour que chacun puisse mesurer le poids de ses
propres responsabilités.
Sur les débats qu’a évoqués Charles de
Courson et qui ont déjà eu lieu à plusieurs reprises, je rejoins la
rapporteure générale dans son avis défavorable sur les quatre
amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Je regrette les réponses qui viennent de nous être données,
d’autant qu’elles sont très peu argumentées.
Jusqu’à présent,
les retraités bénéficiaient d’un très modeste avantage parce qu’ils
avaient élevé trois enfants ou plus. En perdant cet avantage, ils
ont le sentiment qu’on modifie les règles du jeu, en ce qui
concerne, non pas le montant de leur retraite, mais les conditions
de fiscalisation. Nous vous invitons à éviter de commettre cette
erreur.
En ce qui me concerne, je suis de ceux qui pensent que
nous avons commis, par le passé, une erreur pour ce qui est des
veuves. Je constate d’ailleurs que vous n’avez pas remis en cause
les évolutions qui sont intervenues sur ce sujet dans le passé, ce
que je regrette.
Là, vous allez porter préjudice à une catégorie
de gens modestes qui sont très nombreux – vous évoquez 3,8 millions
de foyers fiscaux – et qui ont concouru à l’effort national en
essayant d’élever leurs enfants le plus correctement possible. Or ce
sont précisément leurs enfants qui paient les retraites des autres.
Nous ne comprenons pas, alors que vous avez, semble-t-il, de bonnes
intentions en voulant corriger les erreurs des deux dernières
années, que vous ne reveniez pas sur celle-ci, qui est
grossière.
(Les amendements identiques nos 28 et 65
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 66 et 67,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’article 1er est adopté.)
(L’article 1er bis est adopté.)
Mme la présidente. À l’article 1er ter, je
suis saisie de plusieurs amendements.
Nous commençons par trois
amendements identiques, nos 79, 56
et 63.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour
soutenir l’amendement no 79.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement tend à préciser la rédaction de l’article 1er ter pour prévoir que, lorsque plusieurs entreprises participent à la réalisation d’un ensemble de travaux énergétiques et que certains d’entre eux n’ont pas été justifiés dans le devis ou la facture, ne sont redevables de la nouvelle amende que les travaux non justifiés et non l’ensemble des travaux qui auraient pu être réalisés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 56.
Mme Jeanine Dubié. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui a été adopté par le Sénat, après avis favorable du Gouvernement, sur proposition du groupe RDSE. Il permet de clarifier le cas où différentes entreprises interviennent dans la réalisation d’un bouquet de travaux financés par un éco-prêt à taux zéro. Dans ce cas, l’entreprise commettant une erreur dans la déclaration de ses travaux éligibles ne peut être sanctionnée que sur sa seule part des travaux, indépendamment des travaux réalisés par d’autres entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 63.
M. Charles de Courson. C’est un amendement de bon sens et de clarification qui vise à éviter qu’une entreprise soit responsable de travaux réalisés par une autre. Je ne doute pas que M. le secrétaire d’État émettra un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Effectivement, ces amendements identiques permettent de clarifier les choses. Ils ne sont pas purement rédactionnels puisqu’ils précisent ce que la doctrine administrative aurait certainement fini par établir. Inscrire cette disposition dans la loi sécurise tout le monde. Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements.
(Les amendements identiques nos 79, 56
et 63 sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques,
nos 57 et 60.
La parole est à
Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement
no 57.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à préciser le dispositif qui confie aux
entreprises réalisant les travaux le soin d’attester de leur
éligibilité à l’éco-prêt à taux zéro.
Nous proposons que les
entreprises puissent recourir à un tiers-vérificateur pour attester
de cette éligibilité. Toutefois, en cas d’erreur dans la déclaration
des travaux éligibles, l’amende reste due par l’entreprise, le
contrat la liant au tiers vérificateur pouvant, le cas échéant,
prévoir la participation de celui-ci au paiement de
l’amende.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 60.
M. Charles de Courson. Chacun se souvient que nous avons eu un débat intéressant, en
première lecture, avec M. le secrétaire d’État, sur la question du tiers
vérificateur.
La mesure proposée ici nous a été soufflée par la
Fédération du bâtiment. Pour les petites entreprises, attester que les
conditions sont remplies présente un inconvénient. En effet, si elles se
sont trompées, les amendes qui peuvent leur être infligées risquent de
les mettre en difficulté. Nous avions donc pensé ouvrir la possibilité
– ce n’est pas une obligation – de recourir à un tiers vérificateur qui
attesterait que l’éligibilité des travaux est conforme ou non. L’amende
resterait de la responsabilité de l’entreprise, quitte à ce qu’elle se
retourne contre le tiers vérificateur qui a attesté de la conformité si
les services fiscaux découvraient, lors d’un contrôle, que ce n’est pas
le cas.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai cru comprendre que vous
étiez ouvert à ce débat, mais on m’a répondu que la disposition était
trop compliquée.
Pour ma part, je considère que cette suggestion de
la profession est de bon sens. De surcroît, je le répète, il ne s’agit
que d’une possibilité. Il paraît que le Gouvernement craint qu’il y ait
un surcoût, mais le surcoût décharge les petites entreprises qui, sinon,
refuseront de faire les travaux et répondront de s’adresser aux grandes
entreprises.
Il s’agit donc d’un amendement en faveur des petites et
moyennes entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé ces deux amendements pour deux raisons
liées à l’incertitude juridique qu’ils créent.
Premièrement, la
tierce personne que les auteurs de l’amendement prévoient n’est pas
définie. Aucune précision n’est donnée quant à son
statut.
Deuxièmement, et vous venez de le dire monsieur de
Courson, ce serait toujours l’entreprise qui s’acquitterait de
l’amende, même en cas de défaut de conseil du tiers vérificateur. Or
cette précision ne figure pas dans l’amendement. Il y a donc une
incertitude juridique : on risque de multiplier les intermédiaires
et, ce faisant, d’entrer dans des procédures compliquées, voire
infinies. Nous préférons donc en rester à la proposition du
Gouvernement. C’est pourquoi la commission a repoussé ces deux
amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur de Courson, de donner par avance la position du Gouvernement. (Sourires.)
M. Éric Woerth. Il en rêve !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il rêve également du Conseil constitutionnel !
Permettez au
Gouvernement, monsieur de Courson, de penser librement.
En
l’espèce, le Gouvernement rejoint plutôt la position de votre
rapporteure générale. Vous avez dit vous-même, monsieur de Courson,
que, malgré cet amendement, le problème ne serait absolument pas
réglé.
Comme vous le dites à fort juste titre, le fait qu’une
entreprise fasse appel à un conseil ne la décharge en aucun cas de
la responsabilité de payer une amende si les choses ne sont pas
conformes à ce qui a été dit. La mesure que vous proposez peut
d’ailleurs induire en erreur l’entreprise en laisser penser que le
fait de faire appel à un tiers va la décharger de ses
responsabilités. Comme je l’ai dit en première lecture, cette couche
supplémentaire n’ajoute rien, ni en termes de droits ni en termes de
devoirs et elle ne donne pas davantage de sécurité aux entreprises,
en particulier aux plus petites. Elle peut même avoir un coût et
constituer un frein. Le Gouvernement est donc défavorable à ces
amendements, même si j’en comprends le sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. S’agissant de l’insécurité juridique, le rapport entre l’entrepreneur et le tiers vérificateur est contractuel. Pour une petite entreprise, pouvoir faire appel à quelqu’un qui peut vérifier l’éligibilité des travaux constitue un plus.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Madame la présidente, j’ai trouvé que Mme la rapporteure générale
était très fermée dans son analyse.
Elle indique qu’il y aurait
insécurité juridique quant au choix du tiers vérificateur, mais cet
argument ne tient pas. L’entreprise peut avoir recours à qui elle
veut, au bureau Veritas ou toute autre société qui fait de la
certification. Il s’agit là de la liberté contractuelle, comme le
rappelait Mme Dubié.
Par ailleurs, dans l’exposé des motifs de
mon amendement, il est bien indiqué que l’amende reste due par
l’entreprise.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est écrit dans l’exposé des motifs de l’amendement, mais pas dans l’amendement lui-même !
M. Charles de Courson. Cela dit, le contrat peut tout à fait stipuler que, si le tiers
vérificateur a constaté que les travaux étaient éligibles alors
qu’il y a un redressement et une amende, l’entreprise demande le
remboursement.
Je vous trouve, monsieur le secrétaire d’État,
plus ouvert que Mme la rapporteure générale.
Si j’ai bien
compris votre analyse, mon amendement n’est pas nécessaire. En
effet, l’entreprise pourra faire appel à un tiers vérificateur, dans
un cadre contractuel à définir entre eux. Si tel est le cas, je veux
bien retirer mon amendement puisque vous me donnez
satisfaction.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je veux rassurer M. de Courson : une entreprise est tout à fait libre de passer un contrat avec n’importe quel tiers pour assurer une mission de conseil consistant à lui expliquer comment marche l’éco-prêt à taux zéro. Mais la mesure que vous proposez peut créer une incertitude juridique. Vous dites que l’exposé des motifs de l’amendement précise que l’amende reste due par l’entreprise. Certes, mais cela ne figure pas dans le texte que vous proposez et qui vise à modifier l’article 1er ter.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rejoins, là encore, Mme la rapporteure générale. L’entreprise a effectivement la possibilité, madame Dubié, de passer un contrat avec un tiers vérificateur – le texte du Gouvernement ne l’interdit pas –, mais cela ne décharge en rien l’entreprise de sa responsabilité. J’espère que ces paroles vous confirmeront l’esprit de la loi et que vous retirerez vos amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. La réponse de M. le secrétaire d’État est claire. Mon amendement est donc satisfait. Aussi, je le retire.
(L’amendement no 60 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Je retire également mon amendement.
(L’amendement no 57 est retiré.)
(L’article 1er ter, amendé, est
adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 130 visant à rédiger l’article 1er quater.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement vise à récrire l’article 569 du code général des
impôts.
En première lecture, l’Assemblée a adopté un amendement
qui modifie l’article 569 et qui prend en compte une partie du
contenu de la directive publiée le 3 avril 2014, mais pour laquelle
il nous manque encore un certain nombre d’actes dérivés,
c’est-à-dire de textes d’application.
Le Gouvernement a
parfaitement entendu la volonté du Parlement. Cela dit, il souhaite
que soit adoptée une rédaction qui ne soit que la transcription de
la directive européenne, dans la mesure où celle-ci nous est
connue.
En effet, si l’amendement adopté par votre assemblée en
première lecture avait un avantage – il traitait la question des
produits dérivés du tabac et non des seules cigarettes, ce qui est
un progrès et va dans le sens souhaité par le Gouvernement –, il
avait néanmoins deux inconvénients.
Tout d’abord, il ne traitait
pas la question du stockage des données sur la traçabilité et de la
gestion de ce stockage, alors même que la directive précise le cadre
dans lequel il doit se faire.
Ensuite, la date de mise en œuvre
de ces dispositions posait problème.
Le débat fait actuellement
rage sur certains réseaux, ainsi que dans la presse – et c’est
légitime –, mais la position du Gouvernement consiste à transcrire
l’ensemble du contenu de la directive. Le présent amendement traite
donc – c’était votre volonté en première lecture – la question de
l’ensemble des produits liés au tabac : cigarettes, cigarillos,
tabac à rouler… Il traite, en retranscrivant la directive – toute la
directive et rien que la directive –, la question du stockage des
données et de la gestion des informations.
En ce qui concerne la
date, enfin, puisqu’il faudra un décret pour préciser ce qui relève
du domaine réglementaire, au sein de la liste des sujets figurant
dans la directive, le Gouvernement publiera ce décret dès que les
actes dérivés de la directive seront connus, ce qui permettra, et je
crois que c’est un souhait général dans le cadre de la lutte contre
la fraude et les méfaits du tabac, une action plus précoce que la
date qui figure dans l’article et que celles évoquées par d’autres
parlementaires.
C’est la position du Gouvernement, qui a été
clairement affichée. Il n’y a aucune volonté de privilégier tel ou
tel gestionnaire pour la traçabilité des produits en vue de lutter
contre la contrefaçon et la contrebande. Il est nécessaire de
transcrire la directive telle qu’elle vient d’être publiée, au mois
d’avril 2014. Pardon d’avoir été un peu long, mais ce sujet fait
aujourd’hui l’objet de débats assez vifs et méritait que la position
du Gouvernement soit clairement exprimée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission n’ayant pas examiné cet amendement, je donnerai un
avis personnel. Cet amendement répond à deux des demandes formulées
par les auteurs de l’amendement voté par notre assemblée en première
lecture.
Tout d’abord, il transpose dans leur intégralité les
articles 15 et 16 de la directive sur les produits du tabac, qui est
très récente puisqu’elle date, comme vous l’avez rappelé, monsieur
le secrétaire d’État, d’avril 2014. Par rapport à l’amendement
adopté en première lecture, la directive étend le périmètre à
l’ensemble des produits du tabac, au lieu de se limiter aux
cigarettes. Pour ces deux raisons, je donne, à titre personnel, un
avis favorable à l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.
M. Jean-Louis Roumegas. Je m’exprime en tant que représentant du groupe écologiste mais
aussi en tant qu’animateur d’un groupe de parlementaires qui
travaille, notamment avec le Comité national contre le tabagisme,
sur la question de l’ingérence de l’industrie du tabac. Nous avions
soutenu l’amendement de Laurent Grandguillaume adopté ici et au
Sénat.
Je ne fais pas du tout, monsieur le secrétaire d’État,
madame la rapporteure générale, la même interprétation que vous du
présent amendement. L’amendement de M. Grandguillaume visait à
assurer une traçabilité totalement indépendante de l’industrie, ce
que la présente proposition ne fait pas, non plus que l’amendement
présenté par M. Terrasse, lequel ne sera d’ailleurs pas soutenu en
séance. Ces deux amendements tendent à confier, au contraire, une
partie de la traçabilité à l’industrie du tabac. Vous avez raison de
dire que cela suffit à répondre aux exigences de la directive, dont
le contenu est insuffisant à cet égard, mais c’est absolument
contraire, et vous le savez, au protocole de l’OMS sur le contrôle
des ventes illicites de tabac, signé par la France.
La directive
n’est pas contradictoire avec le texte adopté en première lecture
ici puis au Sénat : elle ne nous interdit pas d’aller plus loin et
de prévoir une traçabilité totalement indépendante de l’industrie.
Vous revenez donc en arrière par rapport à l’amendement de
M. Grandguillaume en laissant une grande partie de la traçabilité
aux mains de l’industrie, ce qui est contraire, non seulement au
protocole de l’OMS, mais encore aux préconisations de la Cour des
comptes, qui souligne que le contrôlé ne doit pas être le
contrôleur. En tant qu’animateur du groupe de travail sur
l’ingérence de l’industrie du tabac, je ne peux que m’insurger
contre l’action que mène aujourd’hui le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Solère.
M. Thierry Solère. Je suis coauteur de l’amendement de Laurent Grandguillaume adopté
en première lecture par notre assemblée et adopté à l’identique au
Sénat. L’objectif est bien sûr de transposer la directive, mais
aussi – et surtout – d’assurer une traçabilité indépendante de
l’industrie du tabac.
J’avais noté, en première lecture,
l’opposition du Gouvernement à notre amendement, opposition qu’il a
confirmée depuis lors dans la presse. Il ne s’agit pas d’une affaire
de gauche ou de droite ; nous sommes souvent nombreux à être
d’accord sur le sujet. Nous n’avons pas à nous soumettre au lobby du
tabac. Je souhaite que notre assemblée confirme son vote en première
lecture et rejette le présent amendement.
M. Denis Baupin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. J’ai quelques questions à poser au Gouvernement.
Tout
d’abord, pourquoi la CNIL doit-elle être consultée ? En effet, en
quoi les libertés individuelles sont-elles susceptibles d’être
atteintes du fait de l’existence du fichier ? En quoi les données en
question sont-elles personnelles ? Je n’ai pas compris ce point de
votre amendement, monsieur le secrétaire d’État.
Ensuite, les
critiques de nos collègues à l’égard de l’industrie du tabac me
paraissent infondées. En effet, de deux choses l’une : soit il
s’agit d’une production française, auquel cas les services du
ministère exercent leur contrôle et l’on peut se demander quel est
le danger que l’identification soit erronée, soit la production est
étrangère et le problème est alors celui de l’application de la
directive dans les autres États. Je ne comprends pas bien l’argument
de nos collègues.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Je rejoins les propos de Charles de Courson. Je ne vois pas
pourquoi, sur ces questions de traçabilité, nous serions plus
exigeants vis-à-vis du tabac que vis-à-vis de l’eau pour les
biberons des nouveaux nés, par exemple.
La traçabilité est
assurée par l’entreprise mais celle-ci est sous le contrôle du
ministère, comme Danone, par exemple, est sous le contrôle du
ministère de la santé. J’ai rencontré des salariés inquiets, des
organisations salariales inquiètes, dans une entreprise qui fabrique
en France ; j’appelle l’attention de mes collègues sur ce
point.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.
M. Jean-Louis Roumegas. Je citerai juste un chiffre qui aidera nos collègues à comprendre la situation : l’ensemble des majors du tabac ont accepté de verser 2,15 milliards d’euros à l’Union européenne et à certains de ses États membres en raison de la contrebande. Vous comprenez ce que cela signifie, des « innocents » qui acceptent de payer une amende de 2,15 milliards d’euros ? Les industriels, qui fabriquent dans le monde entier – il y a bien longtemps que le tabac vendu en France n’est plus produit en France –, ne sont pas ceux qui souffrent du commerce illicite du tabac : ce sont les politiques de lutte contre le tabagisme, et peut-être nos bureaux de tabac nationaux, qui en souffrent. Les industriels gagnent toujours autant d’argent, que ce soit grâce au commerce illicite ou dans les bureaux de tabac officiels.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ne mélangeons pas les sujets. Vous faites allusion, monsieur
Roumegas, à une affaire qui date de 2008, je crois, concernant un
accord entre l’Union européenne et un grand producteur de tabac
américain.
La Commission avait d’ailleurs été déboutée par le
droit américain, mais un accord est tout de même intervenu pour
reconnaître que certains producteurs de tabac avaient alimenté les
circuits de contrebande. C’est justement l’absence de traçabilité
qui permettait ce genre de pratique. Un versement a effectivement eu
lieu ; cela a donné lieu, en 2008, à maints commentaires et
contestations. L’affaire est close à présent.
À la suite de ces
événements, une directive européenne a été prise pour assurer le
suivi de la fabrication, du transport et de la commercialisation des
produits, de façon que, lorsque l’on rencontre des produits sur un
marché illégal, on puisse connaître leur provenance, grâce à un
marquage des paquets.
Cela nécessite une référence à la CNIL,
monsieur de Courson, car la directive demande que soit protégé ce
fichier qui dira où tel ou tel produit a été produit, comment il a
été transporté, dans quel circuit de distribution il a été
introduit. Si le carton est tombé du camion, nous pourrons ainsi
savoir de quel camion il vient et si c’est volontaire ou non –
pardon pour ces raccourcis. Cela concerne environ 5 % ou 6 % de la
consommation, ce qui est loin d’être négligeable.
La
mobilisation est totale sur cette question. Nous avons en France
l’un des meilleurs laboratoires d’Europe pour identifier les
produits contrefaits et ceux issus de la contrebande. Avec ces
techniques, il est possible de retrouver, en analysant très
précisément les produits, leur lieu de production et de savoir si la
contrebande a été organisée par les producteurs.
Le Gouvernement
n’est pas fermé à des évolutions, à une amélioration de la
législation. Des travaux sont en cours, y compris au Parlement,
animés par Thomas Thévenoud et Jean-François Mancel. Certaines
propositions de rédaction des textes – disons-le puisqu’il est
question d’un groupe de pression – ne permettraient plus guère de
concurrence pour la fourniture des systèmes de contrôle et de
traçabilité des produits. Je ne peux être plus clair. Nous devons
veiller à ne pas fermer complètement le marché, ce qui pourrait
d’ailleurs être source de contentieux. Le problème n’est pas
seulement français, il s’étend à toute l’Europe puisque ces produits
sont fabriqués à l’étranger et franchissent les frontières. Le
système de contrôle représente par conséquent un marché
phénoménal.
Vous nous dites, monsieur Roumegas – j’ai déjà
entendu l’argument –, que la directive ne serait pas conforme à
l’accord de l’OMS sur le sujet, signé par la France. Nous sommes
membres de l’Union européenne et nous devons transcrire les
directives ; dans le cas de la présente directive, tout concourt à
nous le faire faire rapidement.
J’aurais préféré, comme je l’ai
dit en première lecture, que nous continuions à travailler pour
adopter, en loi de finances initiale et après un travail approfondi,
cette disposition qui soulève des questions très complexes.
Toutefois, dans la mesure où le Parlement a voté un amendement qui,
ainsi que je l’ai expliqué tout à l’heure, ne résout que
partiellement les choses et ne transcrit qu’en partie la directive,
le Gouvernement, afin qu’il n’y ait pas d’équivoque et que personne
ne puisse l’accuser de protéger tel ou tel intervenant de ce
dossier, propose de modifier immédiatement la rédaction de
l’article 569 du code général des impôts afin d’y transcrire
in extenso la directive européenne,
laquelle est notre cadre juridique. Personne ne pourra dire que nous
avons gagné du temps ou favorisé tel ou tel groupe. On peut être en
désaccord, mais c’est la position, très claire et très ferme, du
Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune. Il est nécessaire d’instituer une telle traçabilité ; personne ne s’y oppose. J’ai pris la parole pour défendre l’outil industriel de centaines de salariés qui travaillent en France – je vous invite d’ailleurs à Riom, qui est en France, chers collègues – et pour dire qu’il faudrait surtout s’attacher à faire de la prévention, notamment en prenant les mesures qui s’imposent pour que les jeunes ne fument jamais leur première cigarette.
M. Jean Launay. C’est ferme !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.
M. Jean-Louis Roumegas. J’ai l’impression qu’au lieu de s’éclaircir, le débat…
Mme Christine Pires Beaune. S’enfume ? (Sourires.)
M. Jean-Louis Roumegas. …s’embrouille. Je ne sais si cela est volontaire.
Selon la
proposition du Gouvernement – je ne fais que la lire –, l’industrie
est chargée du relevé des données et c’est seulement leur stockage
qui est confié à un organisme indépendant.
L’amendement de
M. Grandguillaume que nous avons soutenu était simple : il
s’agissait de confier à un organisme totalement indépendant
l’ensemble de la question de la traçabilité, ce que n’interdisait
pas la directive européenne. Pourquoi revenez-vous sur l’avancée
apportée par cet amendement ?
Vous n’êtes pas favorables à une
traçabilité assurée par l’État, mais j’ai pour ma part bien plus
confiance en l’État qu’en n’importe quelle autre entité, car je
souhaite que la traçabilité soit totale. Je ne veux pas que l’on
confie aux premiers intéressés le relevé des données, qui n’est rien
d’autre que la première phase de la traçabilité. Cela n’est pas
satisfaisant. Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous revenez en
arrière. À cet égard, votre explication ne tient pas.
La
disposition adoptée en première lecture ne préjuge en rien de
l’identité de ceux auxquels pourrait, après un appel d’offres, être
confiée cette traçabilité, laquelle, je le répète, doit selon nous
être assurée principalement par l’État, et ce du début de la chaîne
jusqu’à sa fin.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Je soutiens la position du Gouvernement. Le ministre a donné des
explications extrêmement claires.
Ce débat n’est pas nouveau et,
depuis deux ans, à chaque projet de loi de finances, un jeu de
postures voudrait que celles et ceux qui ne seraient pas favorables
à l’amendement, qui a été voté au mois de juin, si ma mémoire est
bonne, par trente-trois voix contre vingt-neuf, soient des suppôts
du lobby du tabac.
Sur cette question, j’ai un peu d’avance sur
vous, mon cher collègue. En effet, j’étais collaborateur de Michel
Rocard quand se sont tenues les multiples réunions
interministérielles, souvent enfumées
(Sourires), sur le projet de loi Évin sur
le tabac et l’alcool.
Les producteurs de tabac produisent des
paquets de cigarettes et ce seront toujours eux qui le feront. À
partir de là, la question est simplement de savoir comment
s’organise la traçabilité.
Vous dites qu’il faudrait que ce soit
un tiers – on voit bien, depuis deux ans, quels sont ceux qui sont
sur les rangs – qui garantisse la règle d’inviolabilité. Or cela se
ferait en faveur des producteurs de tabac, puisqu’il leur suffirait
de ne pas donner l’ensemble des paquets pour pouvoir organiser un
circuit parallèle – le problème est bien là.
À mon sens, le
texte du Gouvernement permet soit que la traçabilité soit assurée
par le producteur et la gestion des données à l’extérieur soit que
la traçabilité soit garantie autrement, la gestion des données
demeurant extérieure, puisque c’est là l’élément le plus
important.
Nous avions dit que nous y verrions plus clair à
l’automne, car il nous reste, suite à la directive, à déterminer des
mesures d’application. Cela fait deux ans que l’on tient ce discours
et je n’accepte pas que notre position, qui est une position de
responsabilité et de sérieux juridiques, soit balayée d’un revers de
la main sous prétexte que nous serions des suppôts de l’industrie du
tabac, alors que nous avons été les premiers, comme moi en 1990 avec
Claude Évin, à faire adopter une loi anti-tabac dans ce
pays.
(L’amendement no 130 est adopté.)
(L’article 1erquater, amendé, est
adopté.)
(L’article 1er quinquies est adopté.)
(L’article 1er sexies est adopté.)
(L’article 1er septies est adopté.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures
quarante-cinq :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet
de loi de finances rectificative pour 2014 ;
Discussion du projet de loi
relatif à la délimitation des régions.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly