Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

LUNDI 18 JANVIER 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

 

 

La séance est ouverte à quinze heures. SOMMAIRE :

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE MODIFIANT LES ARTICLES 88-2 et 88-4 DE LA CONSTITUTION

 

CONSTITUTION DU PARLEMENT EN CONGRÈS

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président de la République une lettre par laquelle il m'a informé que le projet de loi constitutionnelle modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution ayant été voté par l'Assemblée nationale et par le Sénat en termes identiques, il a décidé de soumettre ce projet au Congrès en vue de son approbation définitive dans les conditions prévues par l'article 89 de la Constitution.

Il m'a adressé, avant sa publication au Journal officiel le décret de convocation du Congrès auquel est annexé le texte du projet de loi constitutionnelle que cette assemblée aura à examiner sous ma présidence, aujourd'hui 18 janvier 1999.

Je constate que le Parlement est constitué en Congrès.

Le Règlement adopté par le Congrès le 20 décembre 1963 et déclaré conforme à la Constitution le même jour par le Conseil constitutionnel -Règlement sur lequel nous sommes convenus avec M. le Président du Sénat de constituer un groupe de travail pour procéder à son adaptation- demeure, par décision du Bureau, applicable pour la présente réunion.

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
MODIFIANT LES ARTICLES 88-2 et 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. Lionel Jospin, Premier ministre - L'année 1999 sera européenne. Elle a commencé avec la naissance de l'euro ; elle se poursuit, pour nous, par la ratification du traité d'Amsterdam ; elle nous confrontera aux négociations de l'Agenda 2000 ; elle nous offrira un rendez-vous démocratique, celui des élections au Parlement européen ; elle verra le renouvellement de la Commission européenne ; elle sera aussi marquée par la poursuite des discussions sur l'élargissement de l'Union et la nécessaire adaptation de ses institutions ; elle s'achèvera, enfin, par la préparation à quinze de la grande négociation commerciale multilatérale de l'an 2000.

Aujourd'hui, vous voici réunis en Congrès, ainsi que l'a décidé le Président de la République, pour parachever le processus de révision constitutionnelle engagé en vue de la ratification du traité d'Amsterdam.

Deux étapes essentielles ont déjà été franchies, puisque vous avez successivement, à l'Assemblée, puis au Sénat, à l'issue d'une seule lecture, adopté en termes identiques -et à une très large majorité- le texte de révision des articles 88-2 et 88-4 de notre Constitution.

Je tiens à saluer la qualité du travail accompli par les rapporteurs des commissions, M. Henri Nallet pour l'Assemblée nationale et M. Pierre Fauchon pour le Sénat.

Avant de présenter les termes de ce projet de loi constitutionnelle, permettez-moi de revenir un instant sur ce qui le justifie : le traité d'Amsterdam, fruit d'une négociation qui a commencé le 29 mars 1996 et s'est achevée, au Conseil européen d'Amsterdam, les 16, 17 et 18 juin 1997. Le gouvernement mis en place le 5 juin 1997 a donc disposé d'une dizaine de jours pour s'associer, aux côtés du Président de la République, à la conclusion d'une négociation dont l'essentiel était acquis depuis plusieurs semaines, voir plusieurs mois. Il lui était difficile, dans ces conditions, d'infléchir véritablement les orientations du projet de traité.

Ce traité devait initialement atteindre quatre objectifs fixés par le Conseil européen : supprimer les dernières entraves à la libre circulation des personnes ; insister sur l'emploi et sur les droits des citoyens ; permettre à l'Europe de mieux jouer son rôle sur la scène internationale ; enfin, et surtout, adapter l'architecture institutionnelle de l'Union européenne en vue de l'élargissement.

Sur ce volet institutionnel, nous le savons tous, le traité d'Amsterdam n'apporte pas les aménagements indispensables, à l'heure où l'Union européenne se prépare à relever le défi historique d'un nouvel élargissement.

En effet, sur trois points très importants -le format de la Commission, la généralisation du vote à la majorité qualifiée et la pondération des voix au sein du Conseil- aucun progrès marquant n'a pu être réalisé. Il faudra y remédier. Nous l'avons dit très clairement, lors de la signature du traité, le 2 octobre 1997, en adoptant, avec nos amis belges et italiens, une déclaration annexée à ce traité constatant l'insuffisance des réformes dans le domaine institutionnel et indiquant que des progrès en la matière devraient être accomplis avant la conclusion des premières négociations d'adhésion.

Peu à peu, nos partenaires se sont ralliés à cette exigence, dont l'ensemble du Conseil européen a désormais pris acte.

Le Gouvernement sait à quel point la Représentation nationale est attachée à ce sujet. Soyez assurés qu'il partage cette préoccupation.

Hormis la lacune majeure que je viens d'évoquer, le traité d'Amsterdam comporte des avancées significatives. Il rééquilibre et complète en effet le traité de Maastricht.

A Maastricht, vous le savez, la décision de créer la monnaie unique avait conduit à centrer le processus de la construction européenne sur sa dimension financière et monétaire.

Au Conseil européen d'Amsterdam, notre souci a été d'équilibrer cet édifice en mettant cette fois l'accent sur l'emploi et la politique sociale, par une résolution sur la croissance et l'emploi et par l'introduction, dans le traité lui-même, d'un chapitre entièrement nouveau consacré à l'emploi. La lutte pour l'emploi est désormais mise sur le même pied que la stabilité économique.

Ce nouvel équilibre est notre objectif central et je me félicite de constater qu'un nombre croissant de nos partenaires européens comprend et partage maintenant notre préoccupation, comme l'a récemment confirmé le Conseil européen de Vienne, avec la perspective d'un pacte européen pour l'emploi.

Le traité comporte d'autres avancées. Je pense en particulier au chapitre social, qui fait partie intégrante du traité. Je voudrais aussi citer les nouvelles dispositions qui permettront au Conseil, à la majorité qualifiée, d'adopter des mesures de lutte contre les exclusions et de prendre des initiatives visant à assurer l'application du principe d'égalité des chances et d'égalité de traitement.

Ce sont là, vous le savez, deux sujets majeurs à propos desquels le Gouvernement a d'ores et déjà ouvert des chantiers importants dans notre pays avec, d'une part, l'adoption, en juillet dernier, de la loi contre les exclusions et, d'autre part, l'introduction dans notre Constitution -introduction bien nécessaire, comme l'a confirmé la décision toute récente du Conseil constitutionnel- du principe d'égal accès des hommes et des femmes aux charges et aux fonctions, projet adopté par l'Assemblée et bientôt en discussion devant le Sénat.

Il faut également mentionner des progrès dans le champ des droits civiques et sociaux, avec les dispositions relatives à la santé et à l'environnement, plus protectrices pour les citoyens, et celles relatives aux droits de l'homme, aux libertés et aux droits sociaux fondamentaux. Enfin, je souhaite souligner la reconnaissance par le traité du rôle des services publics dans la cohésion sociale et territoriale de l'Union.

Mais le traité d'Amsterdam apporte aussi d'utiles compléments aux traité de Maastricht.

Ainsi, dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, l'Union aura désormais un visage, grâce à un Haut Représentant qui devra être investi d'une véritable responsabilité politique. L'Union sera dotée de moyens qui renforceront sa capacité d'agir sur la scène internationale, avec la création d'un nouvel instrument d'action, la "stratégie commune", lui permettant de conduire de façon plus cohérente ses actions extérieures. En outre, sous la responsabilité du Haut Représentant, sera mise en place une unité de planification et d'alerte.

S'agissant de la justice et des affaires intérieures, je voudrais souligner la portée concrète des dispositions nouvelles et les bénéfices que nous pourrons en retirer au plan intérieur.

Le traité d'Amsterdam prévoit le transfert dans la sphère de compétence communautaire de plusieurs matières liées à la circulation des personnes au sein de l'Union, comme les contrôles aux frontières extérieures, l'asile et l'immigration.

 

M. Emmanuel Hamel - Aberrant !

 

M. le Premier ministre - Les questions d'immigration, en particulier l'immigration clandestine, sont aujourd'hui une préoccupation majeure dans tous les Etats membres. En témoigne la décision des Quinze d'y consacrer, au second semestre de cette année, un Conseil européen extraordinaire. L'évolution des phénomènes migratoires rend en effet indispensable la définition de politiques communes et de mécanismes adaptés.

Avec le traité d'Amsterdam, ces matières pourront être gérées de manière plus efficace y compris, si cela apparaît opportun à l'issue d'une période de cinq années, par le recours à la règle de la majorité qualifiée. Ce passage au vote à la majorité qualifiée et à la codécision avec le Parlement européen ne se fera que si le Conseil en décide ainsi à l'unanimité.

J'ai achevé ce tableau par les affaires intérieures et de justice parce que ce sont, vous le savez, celles qui appellent, aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997, la révision de notre Constitution.

Le projet de loi constitutionnelle présenté par le Gouvernement le 29 juillet tirait strictement les conséquences de cette décision. Il se référait aux seules dispositions déclarées par le Conseil constitutionnel non conformes à la Constitution. Il se bornait à compléter l'actuel article 88-2 afin d'autoriser les transferts de compétence nécessaires "à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés", c'est-à-dire aux matières contenues dans le titre III du traité d'Amsterdam : visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes.

Le Gouvernement, reprenant les termes mêmes du traité, a retenu une formule potestative -"peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires"- afin de marquer que cette étape ne sera pas franchie de manière automatique, mais à la condition que le Conseil de l'Union européenne en décide ainsi, à l'unanimité de ses membres.

Par ailleurs, avec le traité d'Amsterdam, il vous est apparu souhaitable d'étendre la procédure définie par l'article 88-4 de la Constitution, en ce qui concerne les actes de nature législative, à la politique étrangère et de sécurité commune ainsi qu'aux affaires intérieures et de justice. Le Gouvernement a partagé ce souci.

Il a donné en outre son accord à l'ajout d'une clause aux termes de laquelle "il peut également soumettre aux assemblées les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document émanant d'une institution européenne".

Conscient de l'importance que le Parlement attache à ces dispositions, le Gouvernement en prépare d'ores et déjà la mise en oeuvre.

Je souhaite qu'à travers le vote solennel auquel vous êtes appelés, vous confirmiez la démarche engagée : cette révision constitutionnelle, étape nécessaire du processus de ratification du traité d'Amsterdam, permettra, dans le respect de notre personnalité nationale, l'affirmation d'une Europe plus forte, plus sociale, capable de prendre dans le monde la place qui lui revient et de donner à ses citoyens la perspective d'un continent véritablement organisé autour des valeurs de liberté et de solidarité qui fondent la construction européenne (Applaudissements).

M. le Président - Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits pour les explications de vote, au nom des groupes de chacune des Assemblées. Ce matin, nous avons déterminé l'ordre de passage des intervenants par tirage au sort et fixé une durée, maximum, maximorum de dix minutes pour les interventions.

Il va de soi qu'il n'y aura aucune pénalité pour ceux qui parleront moins de dix minutes (Sourires), en revanche, il sera impossible d'aller au-delà.

 

M. Robert Badinter - Le hasard du tirage au sort me donne le privilège d'ouvrir la longue série des intervenants. M. le Premier ministre ayant fort bien présenté les avancées du traité d'Amsterdam, j'insisterai pour ma part sur la révision constitutionnelle, limitée et d'une portée modeste mais nécessaire et prévisible.

Prévisible, parce que le traité d'Amsterdam est le prolongement du traité de Maastricht, pour lequel, dans sa décision du 6 avril 1992, le Conseil constitutionnel avait considéré que le passage dans la procédure de décision pour le premier pilier de la règle de l'unanimité à la règle de la majorité qualifiée impliquait une révision de la Constitution. Vous y avez procédé, le 25 juin 1992, c'est l'article 88-2 de notre Constitution.

S'agissant du traité d'Amsterdam, dès l'instant où l'on communautarisait une grande partie des matières du troisième pilier, passant ainsi, dans les domaines de l'immigration, de l'asile, du franchissement des frontières extérieures, de la procédure en codécision à l'unanimité à la procédure majorité qualifiée, les mêmes principes s'appliquaient et, comme l'a justement jugé le Conseil le 31 décembre 1997, une révision constitutionnelle s'imposait.

C'est cette révision qui vous est soumise aujourd'hui. Un choix s'ouvrait au Président de la République et au Gouvernement : soit une révision purement juridique autorisant uniquement, comme celle de 1992, les transferts de compétences nécessaires pour la ratification du traité d'Amsterdam, soit, compte tenu de l'accélération que nous souhaitons du processus d'intégration dans l'Union, l'adoption d'une clause générale permettant, dans la mesure des besoins de l'Union européenne et des progrès de l'intégration, de consentir pour l'avenir les transferts de compétences nécessaires. Dans ce cas la procédure du référendum serait justifiée par un engagement pour l'avenir dont le peuple devrait être juge. Le choix fait cette fois-ci par le Président de la République et par le Gouvernement d'une révision limitée, taillée au plus juste, est à notre sens, le choix qui s'imposait. Le référendum, s'agissant d'une procédure aussi limitée et aussi technique, dans le prolongement direct, de surcroît, d'un traité approuvé, lui, par la voie du référendum, n'a évidemment pas sa place.

Ceux qui s'inquiètent du passage à la règle de l'unanimité, me paraissent mal voir les choses. En effet, on ne peut pas vouloir une Union européenne forte et puissante sur la scène internationale et, en même temps, lui refuser les compétences nécessaires pour agir. Par ailleurs, il faut apprécier la portée réelle de la règle de l'unanimité. Elle protège la France contre toute décision qui serait contraire à ses intérêts. Mais, dans la réalité, la France est une très grande puissance européenne sans laquelle, en matière de construction européenne, rien de grand ne se fait et ne se fera dans l'avenir.

L'idée que d'autres puissent lui imposer leur volonté est donc plus qu'improbable.

Quant au droit de veto, qu'est-il en fait si ce n'est le veto du frileux face à l'audacieux, du pusillanime à l'égard de l'entreprenant, du moins européen vis-à-vis du plus européen ?

Cette règle de l'unanimité dès lors que le compromis de Luxembourg demeure est en fait une entrave au progrès de l'Union européenne donc à notre intérêt national.

Si l'on regarde le chemin parcouru depuis cinquante ans, depuis le premier congrès de La Haye où on a parlé pour la première fois de l'"Europe européenne" au lendemain de la guerre, les femmes et les hommes de ma génération ont tiré leur plus grande fierté de la construction européenne. Au-delà de la reconnaissance que nous devons aux pères fondateurs, Jean Monnet, Robert Schuman, Adenauer, Spaak, de Gasperi, en France, tous les présidents de la République, tous les premiers ministres, tous les gouvernements, toutes les majorités ont à un degré ou à un autre contribué au progrès de l'Union européenne.

En ces jours où la monnaie unique prendra corps, et nous en jugerons les avantages au regard des secousses financières, comment ne pas saluer la volonté européenne sans faille de François Mitterrand, de Jacques Delors et du chancelier Kohl ?

Nous, Européens, avons créé un espace de paix, de liberté et de justice, comme nos parents n'en ont jamais connu dans l'histoire. Nous avons élaboré un certain modèle de société qui est loin d'être parfait et vous avez raison, Monsieur le Premier ministre, de vous préoccuper des progrès à accomplir dans ce domaine, mais qui exerce, bien au-delà de nos frontières, notamment à l'Est de l'Europe, une véritable fascination. Dans le monde de cette fin de siècle, il n'est point de problème qui puisse trouver sa solution dans un cadre purement national, qu'il s'agisse des flux financiers et du commerce international mais aussi de la protection de l'environnement, des migrations de population ou de la lutte contre les épidémies, des progrès scientifiques, de la génétique, de l'informatique.

En vérité, l'Europe, l'Union européenne est aujourd'hui un géant économique, une puissance culturelle, un modèle social, mais il faut aussi avoir le courage de dire que, sur la scène internationale, elle n'est encore qu'un nain. Au Moyen-Orient, dans l'ex-Yougoslavie, l'absence d'une union politique suffisamment forte fait de nous des prestataires d'hommes et de services, des bailleurs de fonds, pas des décideurs.

Dans un monde où il n'y a plus qu'une super-puissance militaire, économique, technologique, les vieilles nations européennes, riches de savoirs, de compétences, de culture, demeureront des vassaux, des objets de l'Histoire, si elle ne conjuguent pas leurs forces au sein d'une puissante Union européenne. A l'orée du nouveau siècle, une Union européenne toujours plus intégrée, toujours plus démocratique, toujours plus sociale est notre seule chance, à nous Européens, et d'abord à nous Français, sans l'imagination et la volonté desquels rien de grand ne s'est réalisé dans la construction européenne depuis cinquante ans. L'Union européenne est notre seul avenir, sauf à nous résigner au déclin (Applaudissements).

 

M. Henri Nallet - Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale votera la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam sans état d'âme, pour des raisons qui tiennent au contenu de cet accord et parce que les socialistes français sont, depuis toujours, convaincus que les progrès de la construction européenne renforcent l'identité de la France et servent ses intérêts.

Les négociateurs du traité de Maastricht, qui avaient fait accomplir un saut qualitatif à la construction européenne en la faisant passer de la Communauté économique à l'Union politique, avaient prévu que, quelques années après la mise en application du traité, une conférence intergouvernementale se réunirait pour faire le point des mesures politiques prévues et pour y apporter les corrections nécessaires. Mais ce qui ne devait être qu'une révision technique du volet politique issu de Maastricht devint l'objet, dès que la conférence fut convoquée, de fortes attentes en matière de réforme des institutions, sous l'effet des conséquences politiques du référendum de 1992 et, surtout, de la perspective de l'élargissement de l'Union aux PECO, au point de n'être plus apprécié qu'à l'aune de cet unique objectif.

D'où la déception pratiquement unanime des responsables politiques français lorsque le traité d'Amsterdam fut conclu en juin 1997 : on en retint surtout qu'il ne comportait pas la réforme tant espérée des institutions, et les critiques adressées à ceux qui l'avaient négocié furent sévères. Ils vous ont épargné, bien sûr, Monsieur le Premier ministre, puisque vous n'avez pas pris part à la négociation préparatoire et que vous avez obtenu in extremis l'engagement de placer l'emploi parmi les objectifs de l'Union (Protestations sur plusieurs bancs), amorçant ainsi la réorientation sociale de la construction européenne que nous appelions de nos voeux et qui est désormais l'axe de l'action de la majorité des gouvernements de l'Union. En outre, vous êtes parvenu à inspirer une déclaration de trois Etats membres qui rappelle la nécessité de modifier les institutions de l'Union avant de procéder à son élargissement.

Mais cette critique du traité d'Amsterdam ne doit pas faire oublier ses éléments positifs. Au premier rang de ces acquis, nous plaçons la réaffirmation et la protection des droits fondamentaux de chaque individu, y compris à l'égard des Etats membres, et sous le contrôle de la Cour de justice, ainsi que leur extension à la lutte contre toute forme de discrimination. Cet enrichissement de notre conception commune des droits de l'homme fera de l'Union l'ensemble politique où l'état de droit sera le mieux assuré dans le monde. En outre, il ouvre sans doute la voie à l'élaboration d'une Charte des droits qui codifierait l'ensemble des prescriptions qui fondent l'autonomie et la liberté des individus et qui constituent un trait spécifique de l'histoire et de la culture européennes.

Dans le domaine de la PESC, le traité d'Amsterdam s'efforce de personnaliser la politique extérieure commune, mais il ne modifie guère les équilibres fondamentaux : longtemps encore, les rapports traditionnels entre les Etats-nations resteront la règle.

Par ailleurs, les coopérations renforcées, que le traité institutionnalise, sont appelées à connaître des développements importants dans certains domaines où, lassés d'attendre les hésitants, certains Etats membres pourraient décider de pousser plus avant leur collaboration. Quant aux institutions, si leur réforme d'ensemble n'est pas présente dans le traité, on aura garde d'oublier que le Parlement européen voit son rôle politique et institutionnel substantiellement renforcé. Désormais, il approuvera la nomination du président de la Commission et en aura, dès lors, l'entier contrôle politique. Surtout, il bénéficie d'un élargissement considérable du champ de la procédure de codécision, qui suppose l'accord du Parlement pour l'adoption d'un acte communautaire. Il y a là un progrès indiscutable du contrôle démocratique et de la transparence, qui sont au coeur de notre projet pour l'Europe.

Enfin, le traité d'Amsterdam prévoit et organise le passage progressif dans le premier pilier, où règne le droit commun de l'Union, d'une partie des matières qui figurent aujourd'hui dans le troisième pilier où prévaut la coopération gouvernementale, c'est-à-dire la règle de l'unanimité. Il s'agit de la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l'Union, de la détermination de règles communes concernant le franchissement des frontières extérieures, de l'asile, de l'immigration et de la coopération judiciaire en matière civile. Dans cinq ans, le Conseil aura la faculté de décider à l'unanimité, d'appliquer à ces matières la procédure de codécision.

Cette décision éventuelle de l'Union, qui n'est pas juridiquement soumise en tant que telle, à l'approbation du Parlement national et au contrôle de constitutionnalité, revient, pour la France, à décider d'exercer en commun avec d'autres sa souveraineté sur les matières ainsi communautarisées. Cela a conduit le Conseil constitutionnel à demander au pouvoir constituant, que nous sommes aujourd'hui, de permettre que soient "consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés", comme il avait exigé, en 1992, que soient consentis les transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne.

Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale estime que la perspective d'exercer en commun avec nos partenaires, comme nous le faisons déjà pour la monnaie, les marchandises, l'agriculture ou les négociations économiques internationales, les règles relatives à la libre circulation des personnes, non seulement illustrera les progrès réalisés dans l'intégration des espaces nationaux, mais encore représentera une garantie du sûreté pour nos concitoyens.

 

M. Emmanuel Hamel - Ce sera le contraire !

 

M. Henri Nallet - La libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes suppose la convergence et la coordination des règles et des actions destinées à en assurer le fonctionnement harmonieux, le contrôle nécessaire et, le cas échéant, la sanction des infractions aux règles communes. Nous pourrons ainsi mieux faire valoir auprès de nos partenaires notre volonté d'assurer en toutes circonstances la sécurité des personnes et des biens, et nous pourrons mettre en oeuvre ensemble les moyens les plus efficaces pour y parvenir. En conséquence, nous approuvons la modification de l'article 88-2 de la Constitution proposée par le Gouvernement, qui permettra au gouvernement en place d'accepter ou de refuser, le moment venu, de mettre en commun l'exercice d'une compétence qu'aujourd'hui il exerce seul pour le compte de la nation.

Par ailleurs, nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale puis le Sénat aient adopté, en termes identiques, la modification de l'article 88-4 que j'avais proposée au nom de la commission des lois de l'Assemblée. Elle vise à élargir le contrôle du Parlement, sous la forme de résolutions aux actes de nature législative des deuxième et troisième piliers. Elle permet aussi au Gouvernement de soumettre au Parlement tout document provenant de l'une des institutions de l'Union ; ainsi, plus rien ne pourra être soustrait au contrôle du Parlement national, comme le souhaitent ceux qui se préoccupent du "déficit démocratique" dont souffre la construction européenne.

Dans un instant, nous allons apporter notre pierre à l'édifice démocratique que le traité d'Amsterdam devait porter à un niveau supérieur et qu'il n'a qu'imparfaitement réalisé. Nous n'avons pas le pouvoir de combler ses lacunes, mais nous pouvons montrer clairement notre volonté de participer à l'oeuvre commune, en prenant part à la réalisation de la grande idée que nous ont léguée nos prédécesseurs, et qui consiste à bâtir avec tous les peuples d'Europe, à partir de nos différences, un espace commun de liberté, de démocratie et de justice (Applaudissements).

M. Jacques Larché - Nous voici réunis, une nouvelle fois, pour modifier la Constitution, et je m'interroge, je l'avoue, sur le caractère répétitif de cette procédure, qui donne le sentiment que notre norme suprême serait fragile à force d'être remaniée. Ne faudrait-il pas envisager l'insertion, dans notre Constitution, d'une clause générale relative à nos engagements européens ?

Pour l'heure, et dans l'état actuel de notre droit, le groupe des sénateurs Républicains et Indépendants votera la révision nécessaire à la ratification du traité d'Amsterdam. Le chemin parcouru depuis la création de la CECA est considérable. Il ne fut pas facile, les crises et les difficultés n'ont pas manqué, mais nous avons franchi un certain nombre d'étapes, dont la plus importante a sans doute été la création d'une monnaie unique.

Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est de décider de compétences ou de procédures nouvelles. Si le domaine est important, la procédure l'est peut-être plus encore, puisqu'elle permettra, dans les conditions prévues par le traité, de passer à la règle majoritaire.

Cependant, l'importance des domaines en cause et l'intervention éventuelle des procédures majoritaires nous conduisent à formuler deux exigences. Tout d'abord, les structures de décision de l'Union doivent être modifiées, avant tout élargissement à de nouveaux Etats, de manière à arriver à des pondérations de votes acceptables pour tous. Ensuite, il faudra associer davantage les Parlements nationaux à la préparation des décisions communautaires. A l'occasion de la révision constitutionnelle exigée par l'adoption du traité de Maastricht, le Sénat a su faire admettre notre droit d'intervenir par le biais de résolutions. Il convient d'élargir ce droit et de rendre cette intervention plus efficace et cela dépendra de la bonne foi du Gouvernement -dont je ne doute d'ailleurs pas, qu'il s'agisse du gouvernement actuel ou de ceux qui le suivront.

Gardons-nous en tout cas de tout dogmatisme : en raison de sa nature et de ses transformations, l'Union Européenne n'entrera dans aucun système préétabli ; efficacité de l'Europe et respect des intérêts nationaux doivent aller de pair.

Mais il nous faut aussi nous interroger sur les circonstances politiques qui président à l'adoption de cette révision. La quasi-unanimité que nous constatons entre majorité et opposition nationale n'est peut-être qu'apparente. Or il ne suffit pas de faire l'Europe : il faut également savoir qu'en faire. Pour notre part, nous souhaitons qu'elle soit un espace de dynamisme et de libertés économiques, dans lequel la liberté d'entreprendre et la croissance retrouvée permettent de créer des emplois en prenant le pas sur des interventions qui ne peuvent qu'accroître la dépense publique.

Nous souhaitons aussi que la France renonce à ses archaïsmes structurels. A ceux d'entre-nous qui se prévalent d'une certaine antériorité dans l'engagement européen, je dirai que nul n'a le droit de prononcer des ukases à l'égard de tel ou tel. Il n'y a pas de bons ou de mauvais Européens : il y a ceux qui, par leur vote, acceptent la construction européenne, et ceux, dont je respecte le choix, qui veulent défendre leur conception de la souveraineté nationale. Mais ces derniers peuvent-ils penser un seul instant que nous, qui avons été unis à eux dans tant de combats, nous soyons prêts à renoncer à l'idée de nation que nous avons ensemble défendue ?

Je me permettrai en terminant d'évoquer un souvenir. Le jour où le monde entier rendait un dernier hommage au général de Gaulle, je croisai sur le parvis de Notre-Dame un diplomate américain que je connaissais pour l'avoir "réceptionné" lors de son parachutage au maquis. Il me dit qu'il partageait notre émotion, et il ajouta : "le Général avait fini par nous faire croire que vous étiez 200 millions". Sans doute le génie de la France ne dépend-il pas du nombre de ses habitants mais, pour nous, l'Europe, c'est encore le moyen d'assurer, dans un monde incertain dominé par de vastes ensembles, cette puissance dont dépendent notre progrès et notre liberté (Applaudissements).

 

M. Michel Barnier - Ce traité d'Amsterdam négocié pour la France sous l'autorité du Président de la République, vous l'avez finalement signé à ses côtés, Monsieur le Premier ministre, en même temps que les autres chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union.

Le groupe RPR du Sénat, dans sa majorité, approuvera le moment venu ce traité et, parce que les deux choses vont ensemble, il votera aujourd'hui la révision constitutionnelle. Pour autant, je le dis franchement, le débat en notre sein n'a été ni facile ni médiocre. Et nous aurions été sans doute plus convaincus encore aujourd'hui, ou plus nombreux, si nous avions été davantage écoutés quand nous avancions nos propositions. Vous avez manqué là une occasion d'établir, sur le sujet, une relation enfin moderne, confiante, constructive entre l'exécutif et les représentants des citoyens que nous sommes.

Le souci d'aller vite ne vous interdisait pas de mieux faire et les trois amendements de nos groupes du Sénat et de l'Assemblée répondaient à un objectif simple et qui reste juste : que le Parlement et les parlementaires soient davantage consultés et associés et, du même coup, qu'ils puissent à leur tour informer et expliquer. Car c'est bien l'intérêt de l'Europe que de ne plus être la seule affaire de ministres passionnés, d'esprits éclairés ou de fonctionnaires zélés. Mieux comprise, elle sera mieux soutenue ("Très bien !" sur plusieurs bancs).

Ce serait enfin l'intérêt du gouvernement français que d'écouter davantage le Parlement avant d'aller conclure certaines négociations à Bruxelles et il vous faudra bien le reconnaître quand vous reviendrez dans quelque temps devant nous pour parler de la chasse ou des directives concernant le gaz et l'électricité. Et ce jour-là, ce n'est pas seulement avec nous que vous devrez vous expliquer, mais sans doute aussi avec quelques-uns de vos alliés.

De toute façon, soyez sûr que la Haute Assemblée, sous l'impulsion de son Président, restera vigilante et soucieuse d'expliquer les enjeux.

Car cette Europe démocratique c'est d'abord ici, chez nous et maintenant, qu'elle doit progresser. Les questions de politique européenne ne sont plus des questions de politique étrangère. Elles sont au coeur de la vie quotidienne des Français, en même temps qu'elles déterminent et la place et le destin de notre nation.

Au coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens : le protocole social, le chapitre pour l'emploi, la reconnaissance des missions de service public, les dispositions relatives aux droits de l'homme ou à la parité constituent quelques avancées non négligeables de ce traité. Quant à la sécurité dont on fait tant de cas aujourd'hui c'est justement le point fort de ce texte. A des menaces globales nous opposons une riposte commune et dans cinq ans, si nous le décidons, une riposte communautaire, n'en déplaise à ceux qui croient encore que la France est forte quand elle est isolée.

La place et le destin de notre nation : on a vu à quoi aboutissent des diplomaties parallèles, et parfois concurrentes, sur le continent européen ; c'est toujours et partout la diplomatie américaine qui l'emporte. Continuerons-nous de laisser les Américains faire chez nous comme ailleurs leur politique, souvent avec notre argent ? Devrait-on se résigner à ce que l'OTAN soit le seul endroit où l'on fasse de la politique en Europe, pour ne faire que du commerce dans l'Union européenne ? Le traité d'Amsterdam apporte enfin un espoir de changement, en dotant l'Union d'un Haut Représentant pour la politique étrangère. Les sujets ne manquent pas et il y a urgence, comme le montre la tragédie du Kosovo.

Mais pour faire vivre cet espoir, il faut une volonté : celle de faire de la politique à quinze maintenant, et, bientôt, avec les pays d'Europe centrale, orientale et baltique qui vont nous rejoindre. Vaclav Havel nous a mis en garde : "Ne vous y trompez pas ! Nous ne voulons pas seulement entrer dans l'Union pour acheter vos tomates et vous vendre des machines-outils. Nous voulons entrer dans l'Union pour faire de la politique avec vous". C'est de cette Europe politique que nous avons besoin pour relever le défi institutionnel et le défi de l'élargissement. Ces deux enjeux sont étroitement liés, voire inséparables, comme notre commission des affaires étrangères et son président Xavier de Villepin l'ont souvent rappelé. Vous avez, Monsieur le Premier ministre, fait la promesse d'en tenir compte au moyen d'un article additionnel, lors de la ratification du traité.

Il y a pour nous un préalable institutionnel à l'élargissement : il faut une nouvelle conférence intergouvernementale.

Cette conférence, en 2000 ou 2001, devra en particulier restaurer la confiance dans la Commission européenne en préservant sa collégialité, et à rendre plus conforme à la démographie et à la démocratie le poids de chaque Etat dans le processus de décision, ouvrant ainsi la voie à une extension du vote à la majorité qualifiée.

On aurait tort de réduire l'ambition d'une réforme institutionnelle à ces seules questions de mécanique communautaire : ce sera le moment, pour tous ceux qui ne résument pas la construction européenne à un marché et à une monnaie, d'affirmer la vocation de l'Union à devenir une puissance politique, démocratique et pacifique.

Le maître d'oeuvre de cette Europe politique, le lieu d'impulsion et de légitimité doivent rester, et pour un certain temps, le Conseil européen et le Conseil des ministres. En effet, si la monnaie unique est déjà une partie de souveraineté reconquise "en copropriété", l'Europe politique devra, pour voir le jour, être confédérale. C'est bien de cette "Europe unie des Etats" que parle le Président de la République.

Le renouveau de l'Europe politique qui, depuis Monnet et Schuman, avec le général de Gaulle et tous ceux qui lui ont succédé, a toujours été une ambition française, est la chance de la France. Cette ambition peut rassembler et pour longtemps, sans qu'ils retranchent rien de leurs convictions respectives, ceux d'entre nous qui sont d'abord soucieux de l'identité nationale et ceux qui privilégient leur identité européenne.

La France n'est ni forte quand elle est isolée, ni grande quand elle est arrogante. La France n'est forte et grande, elle n'est elle-même que lorsqu'elle est porteuse d'une vision, animée du souci de la faire partager. Il s'agit, non plus de contraindre les autres peuples, mais de les convaincre. C'est ce à quoi s'emploie le Président de la République au sein du Conseil européen et c'est pourquoi nous lui faisons confiance.

Le traité d'Amsterdam nous donnera de nouveaux outils pour l'Europe politique. C'est pourquoi nous l'approuverons (Applaudissements).

 

M. Philippe Douste-Blazy - Le 18 janvier 1871, dans la galerie des glaces, sous le regard impuissant du roi Louis XIV qui, deux siècles auparavant assiégeait Maastricht, le Chancelier Bismarck, maître d'une France défaite, offrait à l'Allemagne l'unité et l'empire. La tragédie du XXème siècle se nouait ici, elle se terminerait dans le plus terrible des holocaustes.

Aujourd'hui, le 18 janvier 1999, l'histoire ne se répète pas. Elle n'exige plus d'avancer sur les champs de bataille dans le fracas des armes et le cri des souffrances, mais triomphe dans la sérénité des choix démocratiques. La France a voulu et soutenu l'étape historique de la monnaie unique en disant "oui" au traité de Maastricht ; une nouvelle étape, celle qui nous conduira vers l'Europe politique, doit maintenant être franchie.

La méthode constitutionnelle que nous avons choisie à cette fin est-elle la meilleure ?

Le peuple français devait se prononcer. C'est lui qui, par le seul pouvoir de la représentation républicaine, est dans cet hémicycle. Oui, je le dis à ceux qui le contestent, nous sommes la Nation. Contester les pouvoirs du Parlement, c'est contester plus gravement la République qu'aucun traité européen ne l'a jamais fait et ne le fera jamais.

Franchir cette nouvelle étape est-ce abdiquer une part de notre souveraineté ? La réponse est négative, et nous le voudrions que nous ne le pourrions pas. Ratifier le traité d'Amsterdam, c'est simplement accepter un transfert de compétence à une collectivité politique plus large : l'Union européenne. Le peuple français peut à tout moment reprendre les pouvoirs transférés s'ils ne sont pas exercés dans son intérêt. L'extension du vote à la majorité qualifiée, qui donne à l'Europe les moyens de sa puissance, ne lui donne pas le pouvoir de contraindre les Etats. Du reste, le compromis de Luxembourg négocié en 1966 par le général de Gaulle, qui instaure la primauté de l'intérêt national, est institutionnalisé dans le traité d'Amsterdam. Nous avons fusionné nos monnaies mais nous n'avons pas fusionné nos nations ; l'Europe n'est pas un alliage, mais une union. L'Europe n'est ni une communauté nationale, ni un Etat-nation, mais une communauté de nations.

Remercions ceux qui, il y a cinquante ans, ont pensé l'Europe économique et rêvé l'Europe politique. Remercions ces fils d'une Europe déchirée d'avoir su devenir les pères d'une Europe unifiée. Soyons dignes d'eux et ne renouvelons pas l'erreur du 30 août 1954, quand l'Assemblée nationale refusa de ratifier la Communauté européenne de défense, repoussant les échéances de quarante années.

Le groupe UDF de l'Assemblée nationale votera la révision constitutionnelle, en vue de la ratification du traité d'Amsterdam car celui-ci comporte cinq avancées essentielles. Il donne les moyens d'une réelle coopération entre les autorités de police et de justice ; il fournit les instruments d'une politique étrangère et de sécurité commune ; il donne une dimension sociale à la construction européenne, faisant de la lutte contre le chômage un objectif de l'Union ; il augmente les pouvoirs du Parlement européen, contribuant ainsi à la construction progressive d'une démocratie à l'échelle de l'Europe ; enfin, il définit une entité culturelle européenne, en nous donnant les moyens de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions.

Certes, nous aurions préféré qu'il fasse plus de cas de la conférence de Turin ; mais ses mérites l'emportent sur ses limites.

Il nous reste à imaginer et à construire l'Europe que nous saluerons demain, comme nous saluons aujourd'hui, avec la naissance de l'Euro, l'Europe voulue il y a vingt ans par le Président Valéry Giscard d'Estaing. Depuis 1957, nous sommes passés de la petite Europe commerciale à la moyenne Europe économique et monétaire ; sachons bâtir la grande Europe démocratique. La grande charte politique européenne reste à imaginer, à négocier et à écrire ; elle ne pourra être fondée que sur une communauté de peuples libres et de citoyens responsables.

Le groupe UDF de l'Assemblée nationale votera donc la révision constitutionnelle pour permettre la ratification du traité d'Amsterdam, parce qu'il croit à la construction de l'Europe politique. Avoir peur de l'Europe, ce serait avoir peur de nous-mêmes, et le peuple français ne peut pas avoir peur de lui-même ! (Applaudissements)

M. René André - Une fois encore, le groupe du Rassemblement pour la République de l'Assemblée nationale sera au rendez-vous de l'Europe.

Lors de la naissance du Marché commun, alors que la France n'était pas en mesure d'honorer sa signature, c'est le général de Gaulle qui prit, contre l'avis des responsables politiques de l'époque, les mesures qui rendirent possible son application.

C'est lui encore qui proposa la création d'une Europe politique. Pendant que d'autres discouraient, il jetait les bases d'une construction européenne réaliste, préférant une démarche pragmatique, au service de la France et des Français, aux stériles débats idéologiques sur la finalité ultime du processus d'unification européenne.

Après lui, Georges Pompidou et aujourd'hui Jacques Chirac ont, au moins autant, sinon plus, que d'autres, agi pour que l'Europe existe. Qui, en effet, a opéré la réconciliation franco-allemande, facilité l'entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE, négocié l'Acte unique, permis l'Union économique et monétaire, cimenté une stratégie commerciale commune lors des négociations du GATT, sinon le gaullisme au pouvoir ?

Riche de cet héritage, notre vision de l'avenir de la construction européenne est généreuse, c'est-à-dire ouverte à de nouveaux partenaires. Elle est aussi profondément réaliste : l'Europe ne peut se développer en ignorant les nations et leurs traditions.

Oui, les gaullistes peuvent être fiers de leurs engagements passés : ils ont façonné les progrès actuels de l'idée européenne.

Aujourd'hui, une nouvelle étape nous est proposée. Le traité d'Amsterdam n'est certes pas une panacée. Fruit d'un compromis entre quinze Etats, il ne constitue évidemment ni l'ultime étape, ni la charte dernière de l'Europe. La France a bien défendu ses intérêts ; sa diplomatie a obtenu des résultats, grâce à l'action du Président de la République et d'Alain Juppé, alors Premier ministre.

Le groupe RPR de l'Assemblée nationale soutient ardemment la politique européenne définie par le Président de la République, respectueuse des identités nationales, mais consciente que l'élargissement nécessaire serait vain sans une profonde réforme des institutions européennes.

Le groupe RPR votera donc la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam qu'il approuvera également.

Il tient cependant à exprimer sa déception face à la réforme minimaliste, sans imagination et sans audace qui nous est proposée. Nous aurions pu saisir l'occasion de cette révision constitutionnelle pour renforcer les liens entre l'Europe et les Français, entre l'Europe et la démocratie. Le Gouvernement aurait pu mettre ses actes en accord avec ses paroles. Or son texte est muet sur le rôle et les pouvoirs de notre Parlement dans cette nouvelle étape européenne.

L'amendement timoré qui a été adopté ne suffit pas à masquer ce vide. Il étend le champ d'application de l'article 88-4 aux projets d'actes relevant des deuxième et troisième piliers. C'était bien le moins.

Le Président de la République avait déclaré, le 29 juillet 1998, qu'il serait ouvert à toute initiative propre à renforcer le contrôle du Parlement sur l'élaboration des textes européens.

Nous souhaitons tous combler le déficit démocratique de l'Europe et accroître le pouvoir de contrôle des Parlements nationaux qui doivent être associés à l'élaboration des décisions européennes.

Le groupe RPR, répondant à l'invitation du Président de la République et aux préoccupations des parlementaires, a proposé trois amendements en ce sens que le Gouvernement a refusés. Les bonnes intentions et les déclarations lénifiantes ne feront plus longtemps illusion.

Notre voeu est que la construction européenne progresse. L'intérêt national commande, en effet, que nous cessions d'en être ses sujets pour en devenir les acteurs. Mais elle ne pourra progresser que si elle s'appuie sur une légitimité démocratique renforcée. L'adhésion éclairée des peuples et de leurs représentants est seule garante de sa réussite. Nos amendements n'avaient pas d'autre ambition.

N'en doutons pas, l'avenir donnera raison au groupe RPR. Je suis persuadé que, pour faire progresser l'Europe, nous réviserons un jour prochain notre Constitution dans le sens que nous avons proposé. Une fois de plus, on reconnaîtra alors que nous avions eu raison, trop tôt peut-être... (Applaudissements)

 

M. Michel Suchod - Nous achevons un cycle, commencé ici même le 23 juin 1992, avec l'approbation de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht. Quarante-huit députés et vingt-cinq sénateurs s'étaient opposés alors à cette atteinte caractérisée à la souveraineté nationale.

Le cycle s'achève et chacun comprendra que les dix parlementaires du Mouvement des citoyens voteront contre cette nouvelle révision constitutionnelle, prélude à un nouveau démembrement de la souveraineté du peuple français.

Nos arguments sont connus. Qu'est-ce qu'une constitution que l'on modifie à un tel rythme ? Après quarante ans de stabilité, nous voilà, en effet, à notre quatrième réforme constitutionnelle en sept ans ! Qu'est-ce qu'un traité qui porte sur les visas, l'asile, l'immigration et la libre circulation des personnes, alors que le mandat exprès donné à ses négociateurs concernait l'élargissement de l'Union et la réforme de ses institutions ? Quel signe d'impuissance, quand on ne peut se mettre d'accord sur les deux premiers piliers de l'Union, que de se rabattre sur le troisième, pour "amuser la galerie" !

Nous aurons l'occasion de dire plus tard ce que nous pensons du traité lui-même. Mais ce que nous savons du "plan stratégique sur l'asile et l'émigration", élaboré pendant la présidence autrichienne a tout lieu d'inquiéter. L'instauration de quotas européens d'étrangers par nationalité donc la remise en cause de la convention de Genève sur les réfugiés risquent de créer des difficultés pour la France. En cas d'afflux massif et soudain de réfugiés, notamment d'Algérie, du Kosovo, d'Albanie, le projet, d'inspiration allemande, de les répartir de manière contraignante par pays, au nom du principe de la solidarité européenne, ne paraît guère réaliste. De surcroît, de tout cela, il sera bientôt décidé à la majorité qualifiée !

Je n'en dirai pas davantage sur le cycle qui s'achève ici et qui justifie notre vote négatif.

Mais peut-être pourrions-nous essayer d'enclencher un cycle positif, de donner un nouveau tour à l'Europe, avec plus de démocratie, plus d'emploi, donc de bien-être social.

Cela passe, Monsieur le Premier ministre, comme vous l'avez déclaré mardi dernier, "par la reconnaissance de la Nation, cette réalité irréductible, ce coeur où bat la démocratie, l'espace où se nouent le lien social et les solidarités les plus fortes, une nation fière de son histoire et qui refuse de se dissoudre. Cela suppose aussi un Etat fort, garant de l'égalité et de la solidarité entre les citoyens.

On pourrait faire des propositions constitutionnelles pour tenir compte des nouvelles réalités et éventuellement de l'idée d'une souveraineté partagée. Mais il faudrait, en contrepartie, compléter notre Constitution. Ainsi devrait-on prévoir que notre Parlement débat des engagements de la France dans l'Union européenne, que tous les projets d'actes de l'Union comportant des dispositions de nature législative lui sont transmis, qu'il peut le cas échéant, les soumettre au Conseil constitutionnel, qu'il en débat et vote des résolutions définissant la position de la France dans ces domaines.

Actuellement, les articles 34 et 37 de la Constitution sont vidés de leur sens. Chaque fois que l'Union devient compétente, la compétence législative que nous reconnaissent ces deux articles nous est arrachée au profit de l'exécutif. Et l'article 88-4 de notre Constitution, même modifié, sera notoirement insuffisant pour rétablir l'équilibre.

Nous proposons ainsi d'associer la Nation, par ses représentants, à la construction européenne. Il faudrait, enfin, prévoir que toute révision constitutionnelle portant transfert de compétence à l'Union européenne doit faire l'objet d'un référendum si les conditions essentielles de l'exercice de la souveraineté nationale sont en cause (Marques d'approbation sur divers bancs).

Amorcer un nouveau cycle, ce serait aussi, Monsieur le Premier ministre, rendre effectives les quatre conditions que vous aviez définies en novembre 1996.

La première, celle d'un élargissement de la zone euro au plus grand nombre possible d'Etat, est acquise. On mesure l'absurdité de ce qu'auraient été la zone euro réduite à l'Allemagne, la France et le Benelux, que voulaient au départ nous imposer quelques zélotes du "trois virgule zéro", ultras du libéralisme et du mercantilisme.

Rééquilibrer les pouvoirs de la Banque centrale européenne par un gouvernement économique, indiquer dans ses statuts que, comme le Federal Reserve Board américain, elle a pour vocation, non seulement d'assurer la stabilité de la monnaie, mais aussi le développement économique, la croissance et l'emploi, compléter le pacte de stabilité en donnant une réalité à son volet croissance, s'assurer d'une parité stable et convenable entre l'euro et le dollar sont autant d'objectifs que le Gouvernement doit s'efforcer d'atteindre.

La nouvelle donne en Europe donnera au Gouvernement français les concours nécessaires à la réorientation de la construction européenne. Le récent sommet de Vienne est à cet égard prometteur. L'idée de pacte européen pour l'emploi se fait enfin jour. Il est grand temps, alors que l'Union compte dix-huit millions de chômeurs, de tenir compte des intérêts des peuples et de mieux faire participer ceux-ci aux décisions. Voilà ce que serait la véritable démocratie européenne.

Avant de conclure, il me faut préciser la position des différentes composantes du groupe RCV. Les députés radicaux voteront et la réforme constitutionnelle et le traité d'Amsterdam. Les députés verts voteront la première mais rejetteront, le moment venu, le second. Quant à nous, députés du Mouvement des citoyens, notre vote est aujourd'hui négatif. Notre attitude le resterait si rien ne bougeait ou si s'organisait une fuite en avant dans le fédéralisme, affirmée ou déguisée. En revanche, nous serions totalement disponibles si se dégageait, durant les mois qui viennent une volonté politique pour construire une Europe des nations et des peuples d'Europe (Applaudissements divers).

M. le Président - Comme quoi, en dix minutes, on peut faire une synthèse ! (Sourires)

M. Robert Hue - A juste titre, le Conseil constitutionnel a relevé que le traité signé le 2 octobre 1997 dérogeait à la souveraineté nationale sur des questions majeures : les visas, la politique d'immigration et le droit d'asile. C'est la première raison de notre opposition. Pour garantir une citoyenneté de plein exercice, la voie référendaire devrait être en démocratie la voie ordinaire de la révision. Le refus réitéré de consulter les citoyens par référendum n'est pas de nature à leur redonner confiance dans les institutions, à leur donner le sentiment qu'ils sont partie prenante des décisions qui concernent l'Europe.

Les communistes ont fait le choix de l'Europe. Ils sont donc favorables à la mise en place d'institutions communes, y compris politiques, à la condition qu'elles résultent d'une volonté démocratique et de choix souverains.

La souveraineté nationale, c'est le peuple français. Sa réalité transcende les traités et c'est elle qui leur donne force.

Développer des compétences communes, partager des responsabilités dans le respect de la souveraineté de chaque pays, telle est notre conception. Dans cette optique, nous n'avons qu'un a priori : que les valeurs fondatrices de la Nation et de notre République ne soient ni niées, ni mutilées.

Ce que nous craignons avec Amsterdam, et que nous ne saurions accepter au nom de l'Europe, c'est que les lois les plus avancées soient sacrifiées dans un compromis qui marquerait une régression des libertés en France.

Les communistes ont une ambition européenne, une ambition euro-progressiste : agir avec d'autres, en France et en Europe, pour réorienter le projet européen vers une Europe sociale, démocratique, solidaire. Une Europe qui soit l'affaire des femmes et des hommes de l'Union européenne, affirmant la primauté des valeurs humaines sur les marchés et sur la finance.

 

M. Emmanuel Hamel - Très bien !

 

M. Robert Hue - C'est pourquoi Amsterdam, Maastricht ou encore le Pacte de stabilité nous semblent dépassés. Ils relèvent d'une logique que les peuples rejettent, celle de l'ultralibéralisme, et d'une méthode qui consiste à mettre les peuples devant le fait accompli, sans réel débat ni consultation.

Oui, il reste beaucoup à faire pour que la citoyenneté s'exerce réellement sur les choix européens, comme pour rendre transparentes la prise de décision et l'utilisation de l'argent. Il reste beaucoup à faire pour que devant des institutions comme la Commission et la Banque centrale, le pouvoir soit rendu à ceux qui tirent leur légitimité du suffrage universel. C'est dans cet esprit que nous proposons de renégocier les missions et les pouvoirs de la Banque centrale européenne et de rediscuter le Pacte de stabilité pour lui substituer un pacte pour la croissance et l'emploi, un pacte qui libère des ressources par la croissance et fasse de l'emploi une réelle priorité dans les budgets nationaux et les choix européens.

Si j'ai choisi ces exemples, c'est qu'ils sont révélateurs d'une logique qui a sa cohérence, une logique libérale et fédérale, qui contrarie la construction européenne. Notre opposition à Amsterdam n'est donc pas un refus de l'Europe. Au contraire, elle montre notre volonté de travailler aux réformes nécessaires pour rendre l'Europe aux citoyens.

Certes, à travers l'article 88-4, la révision améliore la contrôle parlementaire en étendant le droit du Parlement à exprimer un avis. Mais c'est insuffisant. L'Assemblée devrait pouvoir donner aux ministres un mandat directif pour les négociations européennes.

C'est parce qu'ils sont sans réserve pour une Europe des libertés, une Europe du progrès humain, une Europe des citoyens, que les députés communistes voteront contre la révision (Applaudissements).

 

M. Michel Duffour - La construction européenne a besoin d'une nouvelle orientation.

Représentants de la Nation, nous sommes tous conscients du sentiment d'éloignement que nos concitoyens éprouvent, s'agissant des grands enjeux européens.

Les militants du parti communiste français ont, ces derniers mois, fait signer une pétition pour réclamer une consultation sur le passage à la monnaie unique et la ratification d'Amsterdam. Qu'ont-ils entendu ? "Peut-on parler d'Europe si seuls les marchés financiers en tirent profit ? Quelles avancées sont nées ou naissent de cette Europe nouvelle ?" L'Europe suscite la crainte, car nombre de nos concitoyens paient lourdement les choix passés, mais elle éveille aussi l'espoir. Un immense débat citoyen aurait dû traverser notre peuple, qui en a été privé jusqu'alors. C'est une faute politique d'avoir refusé le recours au référendum.

Nous ne souhaitons pas que les liens entre peuples et nations européens se délitent, bien au contraire.

Sur de grandes questions, comme les rapports avec le Sud, le désarmement, l'environnement, l'immigration, la sécurité, l'espace, la recherche et l'innovation, l'énergie ou les transports, nous sommes d'accord pour travailler étroitement avec tous les pays de l'Union européenne. Nous sommes favorables à des partages consentis de compétences, à condition qu'ils soient réversibles et s'effectuent dans la clarté. Mon ami Robert Hue l'a rappelé : nous combattons le type de construction qui fut et est proposé à notre nation.

Le traité d'Amsterdam valide l'esprit de celui de Maastricht, en transférant de nouvelles compétences sans débat. Pourquoi notre pays, avec ses fortes traditions démocratiques, accepterait-il de limiter un droit d'asile que nous avons redéfini il y a un an ? Pourquoi une telle décision devrait-elle échapper au contrôle du peuple ?

C'est pourquoi, totalement opposés au traité d'Amsterdam, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront "non" à la révision constitutionnelle qui en est le préalable.

L'euro n'est qu'un pas, dit-on, qui sera suivi d'autres. Certes, mais rien ne permet d'entrevoir un projet européen qui serait une construction volontaire dans laquelle personne ne chercherait à dominer l'autre.

"Chaque pas doit être lui-même un but en même temps qu'il nous porte en avant", a écrit Goethe. Il faut désormais que chaque acte sur lequel s'engagera la France réoriente, dans un sens progressiste, la construction de l'Europe.

Saisi probablement par l'euphorie de la Bourse, un commissaire européen a déclaré, dans les premiers jours de janvier, que nous étions sur une "autoroute sans sortie". Nous croyons, au contraire, que la route sera suffisamment accidentée pour qu'il soit impérieux de consulter les peuples sur les trajectoires qui leur semblent les meilleures.

L'Europe est en manque de démocratie.

Le fonctionnement de la Commission est révélateur des relations entre les opinions publiques et Bruxelles. Les pratiques institutionnelles sont à repenser.

Les citoyens, les associations, les syndicats doivent pouvoir accéder à l'information et peser dans le débat préalablement à toute grande décision.

Les Parlements nationaux devraient jouer un plus grand rôle dans la définition de la politique européenne. Les modifications apportées à l'article 88-4 restent en deçà des exigences. Les ministres concernés devraient se rendre avant chaque conseil des ministres européens, devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, pour présenter la politique qu'ils entendent mener. Ces commissions devraient pouvoir voter une résolution valant mandat de négociation, qui fixerait le cadre à respecter et les points dont l'acceptation ou le refus seraient déterminants pour la France. Le ministre viendrait ensuite rendre compte des négociations. Enfin, nous sommes favorables à une extension des pouvoirs de contrôle du Parlement européen sur les institutions communautaires, une diminution des prérogatives de la Commission, un exécutif assuré par le Conseil européen et les conseils des ministres, avec des modalités favorisant la prise de décision commune, mais aussi la possibilité pour tout pays d'exercer un droit de veto s'il estime ses intérêts vitaux menacés.

Aurions-nous donc une conception dépassée de la nation ? Nullement. Nous n'avons rien de commun avec les partisans d'un repli peureux. Nous sommes pour une France ouverte, qui affronte les défis contemporains avec les autres peuples, et c'est pourquoi nous refusons tout ce qui l'ampute. Le fait national garde sa force. La France ne donnera le meilleur d'elle-même que s'il lui est permis de donner toute sa mesure (Applaudissements).

M. Pierre Fauchon - Ce n'est pas parce que la famille politique au nom de laquelle je m'exprime s'honore d'avoir toujours été à l'avant-garde de la construction européenne qu'il lui faudrait donner son assentiment à la présente révision constitutionnelle les yeux fermés. Non qu'elle ait des doutes sur l'opportunité d'une mesure dont il faut relativiser la portée -après tout, nous restons dans la ligne de Schengen- mais on ne doit approuver une loi qu'en ayant les yeux ouverts sur les perspectives qu'elle dégage, sur ce qu'il y a de réaliste mais aussi de novateur, donc d'imprévisible dans l'acte par lequel la République française confie à la Communauté Européenne, la responsabilité de définir les règles d'accès à son territoire national, les lois de l'immigration et les lois de l'asile, qui sont au coeur même d'une civilisation et d'un Etat de droit.

Ce transfert porte sur des questions qui relèvent traditionnellement du pouvoir législatif et des responsabilités parlementaires !

Ouvrir les yeux, c'est poser une grave question. L'organisation actuelle de l'Europe garantit-elle que ces questions continueront de relever d'un pouvoir législatif au sens où Montesquieu l'entend quand il écrit : "Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté" ?

Il est difficile de répondre en l'état actuel des institutions européennes, c'est-à-dire d'une organisation qui s'est forgée lentement au fil des traités et des accords et qui fait apparaître, indépendamment d'un pouvoir judiciaire dont l'autonomie est acquise, un singulier mélange d'exécutif et de législatif dans cette troïka à laquelle sont attelés, dans l'équipage de la codécision, la Commission, le Conseil des ministres et le Parlement européen.

Cette description n'est pas une critique. Il est déjà inespéré au regard de l'histoire, que les institutions européennes présentent une telle configuration dans laquelle on discerne les amorces de ce que sera un jour la Constitution d'une Europe unie.

Mais, sommes-nous dispensés, au moment où nous allons rendre constitutionnellement possibles de tels transferts, de nous interroger sur le sort des responsabilités ainsi transférées ? Ne devons-nous pas envisager des mesures pour qu'au plan européen les questions du franchissement des frontières, de l'immigration, du droit d'asile, relèvent effectivement d'un pouvoir législatif normalement constitué au sein d'un ensemble institutionnel garantissant cette séparation des pouvoirs sans laquelle, selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen "il n'y a point de Constitution" parce que "la garantie des droits n'est pas assurée".

Laisser les institutions des Communautés à mi-chemin entre la séparation et la confusion des pouvoirs ferait courir des risques assez graves à toute l'entreprise.

Les Européens sont confrontés, non seulement à des problèmes d'efficacité de leurs institutions mais aussi à des problèmes de légitimité démocratique, en particulier à l'endroit du pouvoir législatif. Et cela ne pourra que s'aggraver à mesure que les compétences du troisième pilier, qui sont par nature d'ordre législatif, se développeront.

La composition actuelle du Parlement européen n'apporte pas une réponse totalement satisfaisante à cette question. Il conviendrait donc de redéfinir ses compétences et ses pouvoirs. Surtout, il a vocation à représenter les peuples des nations européennes mais non ces nations elles-mêmes prises dans leur identité propre, dans l'unité et la spécificité de systèmes législatifs bâtis par leurs Parlements, seuls détenteurs de la légitimité en ce domaine. Seule une seconde assemblée, représentative de ces entités, jouirait d'une pleine légitimité législative européenne. Elle pourrait en outre exercer un contrôle d'autant plus efficace qu'elle serait moins engagée politiquement -je pense à ce qui s'est passé la semaine dernière. De telles chambres existent dans la plupart des parlements nationaux, mais elles ne sont jamais aussi nécessaires que dans une organisation communautaire comme l'Union européenne, qui rassemble des Etats-nations séculaires, dotés de très fortes identités et de très fortes traditions législatives qu'il serait imprudent d'ignorer.

Une telle Chambre des Etats ne ferait pas double emploi avec les Conseils des ministres et des chefs d'exécutif qui assurent la représentation des points de vue nationaux, car ces Conseils sont essentiellement des organes exécutifs et ils sont déjà submergés par leur tâche, ce qui permet à des services administratifs dépourvus de responsabilité politique donc de légitimité, de jouer un rôle croissant.

Le Groupe de l'Union Centriste du Sénat entend donc poser la question de la création d'une Chambre des Etats.

Bien évidemment, il ne s'agit nullement de transposer au plan européen des formules du type de celles sécrétées par les histoires particulières des Etats. Il faut partir de la réalité des Etats associés au sein de l'Union, de leur originalité et de leurs particularismes historiques pour concevoir une institution originale capable de transposer légitimement au plan européen les pouvoirs et les responsabilités des actuels organes législatifs nationaux, afin que les lois européennes puissent être l'oeuvre d'un véritable Parlement européen associant les peuples et les Etats dans une démarche doublement légitime.

Certes, le destin de l'Europe politique est loin d'être scellé et cette question n'est en rien prioritaire. Elle ne saurait ni nous faire oublier l'importance de ce Congrès, ni affecter notre résolution. Elle ne nous fait pas méconnaître la grandeur de l'acte de confiance aujourd'hui consenti en faveur de la Communauté européenne, dans la meilleure des traditions françaises, celle de l'universalité des Droits de l'homme, de l'ouverture et de l'association des peuples. S'il n'y a pas de sens de l'histoire, il peut y avoir, et il y a aujourd'hui, des actes qui donnent un sens à l'Histoire. (Applaudissements)

 

M. Jean-Pierre Fourcade - Au moment où l'euro fait son entrée dans la vie quotidienne de nos concitoyens, notre débat prend un sens symbolique. Allons-nous vers "un suicide programmé de la République" comme l'ont écrit quelques experts ? Je ne le pense pas.

L'Europe est confrontée à des échéances complexes. Il va falloir financer le budget de l'Union pour les années 2000-2006 dans un contexte de rigueur financière. Il va falloir préserver les politiques communes, qui forment le coeur des acquis communautaires. Il va falloir négocier avec les candidats à l'adhésion tout en tenant compte des conséquences des futurs élargissements et prévenir la paralysie qui serait, à coup sûr, le lot d'une Europe élargie sans que ses institutions n'aient été mises en mesure de fonctionner correctement. Malgré les interrogations, la construction européenne est plus nécessaire que jamais, et ce débat est une occasion précieuse de le réaffirmer.

Le groupe du Rassemblement démocratique, social et européen, seul parmi tous les groupes parlementaires des deux Assemblées à avoir adopté ce dernier épithète, est résolument et unanimement favorable à la construction européenne. Il apportera son entier concours à la révision constitutionnelle et à la ratification du traité d'Amsterdam. En surmontant les fatalités de l'histoire, un unissant les hommes, en mêlant les intérêts, en conduisant les Etats à coopérer, l'Union européenne est le plus grand et le plus indispensable facteur de stabilité en Europe. La Norvège et la Suisse ne commencent-elles pas à se poser des questions ? Quant aux peuples d'Europe centrale et orientale, ils ne se trompent pas en aspirant à nous rejoindre.

Il nous faut donc continuer à faire l'Europe, non comme une fatalité, mais comme un moyen de défendre nos valeurs et nos intérêts dans le monde. Notre devoir politique est de la bâtir maintenant sans défaire la France.

Pour en venir à cette révision, je regrette que notre pays soit le dernier Etat de l'Union, avec la Belgique, à ratifier ce traité. Avoir ainsi tardé peut être interprété comme une manifestation de tiédeur. La continuité de l'Etat aurait dû inspirer plus de détermination et de célérité.

Cet attentisme est d'autant plus dangereux que la volonté de construire une Europe unie est peu à peu supplantée par une approche utilitariste qui soumet chaque progrès de l'Europe à un examen soupçonneux des avantages et des inconvénients. Pendant ce temps, tous ceux qui n'acceptent pas l'Europe relèvent la tête. Ce n'est donc pas le moment de tergiverser.

Souhaitant ne pas retarder encore la ratification de ce traité, notre groupe a, à l'unanimité, approuvé le texte adopté par l'Assemblée nationale et refusé les amendements qui risquaient d'allonger ce processus.

Le présent débat porte sur les transferts de souveraineté. Ce projet de révision vise à les autoriser, le point le plus délicat étant la libre circulation des personnes.

En raison de la mobilité des hommes et de l'accélération des technologies de la communication, les risques d'immigration clandestine, de terrorisme, de criminalité organisée, de trafics de drogue, augmentent. Quelles que soient les précautions prises par les Etats, la libre circulation des personnes doit s'accompagner d'une sécurité renforcée, organisée sur le plan européen.

Ces transferts successifs, dont celui qui nous est proposé, sont consentis de façon réciproque et négociés pour fonder un pacte avec d'autres peuples, au bénéfice des Etats membres de l'Union. L'agriculture française a bénéficié de ce pacte et nous sommes tous unis pour en conserver les avantages.

Quant à l'accord de Schengen, qui a été contesté, nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, en constatent les vertus. Ainsi, notre excellent collègue Paul Masson reconnaissait lui-même récemment : "Il n'y aurait jamais eu de système d'information Schengen, s'il n'y avait eu le traité de Schengen".

C'est pourquoi notre groupe considère que nos concitoyens ne nous jugeront pas sur le principe des transferts de souveraineté, mais plutôt sur les avantages concrets que nous en retirerons. A nous, hommes politiques responsables, d'expliquer publiquement le sens et les enjeux du projet européen. A nous de bâtir, selon la formule du général de Gaulle "une Europe qui intéresse les peuples".

La construction européenne est un sujet privilégié qui dépasse les clivages politiques traditionnels. Rares sont ceux, ici, qui s'y opposent franchement mais on distingue, dans la population, trois grandes attitudes : il y a les sceptiques, les résignés et les convaincus. Les membres du groupe RDSE font partie de cette dernière catégorie et s'efforceront de rallier à leur conviction les sceptiques et les résignés.

Le groupe du RDSE attend de pied ferme la prochaine révision des traités, qui devra régler la question cruciale des institutions, non traitée à Amsterdam. La France ne peut accepter qu'au fil des élargissements passés et à venir son poids dans la décision soit réduit dans des conditions qui pourraient menacer son identité, ni même accepter le risque d'une paralysie des institutions qui compromettrait l'avenir de la construction européenne.

Nous souhaitons que les élus dans leur ensemble et le Gouvernement soient à la hauteur de cette ambition. Ce dernier s'est montré, récemment, trop attentiste, et c'est aux efforts qu'il déploiera que le groupe RDSE jugera de sa conviction.

Le vote de la révision constitutionnelle marquera une étape supplémentaire dans la grande aventure entreprise depuis cinquante ans pour donner un nouvel horizon à notre jeunesse : puissent les adversaires du traité d'Amsterdam ne pas la décourager de poursuivre dans la bonne voie ! (Applaudissement)

Mme Nicole Ameline - Malgré le paradoxe qui veut que le traité d'Amsterdam ait pour principale caractéristique le report de son propre objet, c'est un "oui" de conviction que la groupe Démocratie libérale de l'Assemblée nationale exprimera dans un instant, car les dispositions du traité, si fragmentaires qu'elles soient, ouvrent des perspectives appréciables. Sur le terrain de la PESC, nous avons l'ardente obligation de sortir de l'impuissance politique résultant de l'état actuel des institutions européennes, qui nous conduit trop souvent à ne réussir qu'à nous taire d'une seule voix.

L'Europe a tout à gagner à consacrer autant d'efforts au renforcement de sa présence et de son rôle dans le monde qu'à sa réorganisation interne, et cette exigence s'inscrit dans celle de la construction d'un espace européen de sécurité et d'une identité européenne de défense.

L'autre aspect significatif du traité réside dans l'extension du pilier communautaire aux matières intéressant la libre circulation des personnes. L'objectif est clair : créer, face à l'espace de liberté induit par l'Acte unique, un espace de sécurité, de contrôle et de justice doté de moyens et de procédures mieux adaptés.

L'évolution des questions touchant à l'immigration ou à la criminalité, qui sont au coeur du traité d'Amsterdam, transcendent par nature les frontières et les compétences des Etats, et appellent des réponses plus efficaces.

La faiblesse des progrès concrets obtenus jusqu'à présent dans ces domaines tient probablement pour partie à la nature même de la méthode de coopération intergouvernementale. C'est le point central de notre débat : nous pensons, pour notre part, que l'organisation communautaire de l'espace de sécurité européen s'impose, mais que la période intermédiaire sera déterminante, car les dispositions juridiques, politiques et pratiques mises en oeuvre dans cet intervalle emporteront les choix futurs.

Nous sommes donc favorables à cette révision, qui aurait dû avoir cependant pour contrepartie une implication beaucoup plus forte du Parlement dans les décisions européennes. Le traité d'Amsterdam innove d'ailleurs sur ce point, puisque l'un de ses protocoles annexes prévoit l'information accrue des Parlements nationaux. La base juridique existe donc, c'est la volonté politique qui a fait défaut.

Nous n'avons pas réellement ouvert ce débat, et l'élargissement de la saisine du Parlement aux actes communautaires des deuxième et troisième piliers ne constitue qu'une extension a minima, alors que nous proposions une compétence plus générale, ouverte à l'ensemble des actes des institutions européennes.

Nous ne pouvons nous satisfaire de cette procédure, même élargie, car elle revient à priver le Parlement d'un droit d'intervention plus général dans la vie communautaire.

Pouvons-nous conserver une vision passéiste de nos institutions et de leur fonctionnement quand le monde change de plus en plus vite autour de nous ? Une telle attitude n'est plus de mise à la veille de l'an 2000. De quoi avons-nous donc peur ? D'une prise de conscience plus quotidienne et plus forte, par notre Parlement, des questions européennes ? En ces matières, son rôle demeure très largement consultatif, là où d'autres exemples et d'autres audaces nous auraient permis de l'associer plus étroitement à la détermination de la politique européenne.

L'adaptation à l'Europe ne vaut pas seulement pour nos institutions : elle vaut aussi pour nos choix politiques et économiques nationaux.

La compétition n'intéresse plus seulement les entreprises, mais aussi les systèmes économiques et sociaux, et de ce point de vue, les Etats centralisés feront de moins en moins preuve de la souplesse rendue nécessaire par un environnement déstabilisé.

Rien ne serait plus préjudiciable à notre pays qu'une impréparation, psychologique, institutionnelle et économique, liée à l'incapacité structurelle de dépasser des schémas de pensée et d'organisation hérités du XIXème siècle. Or ces questions posées sur le plan national ne sont pas résolues aujourd'hui. Au niveau européen, les Quinze se sont engagés à pas comptés sur la voie des réformes, dont les pistes sont pourtant connues : pondération nouvelle des voix au Conseil, réforme de la Commission, nouvel équilibre institutionnel, renforcement du rôle des Parlements nationaux.

La réforme est urgente, car le principal défi sera celui de l'élargissement : les procédures d'adhésion sont en cours, et les démocraties de l'Europe centrale redoutent leur ralentissement. Le débat ancien entre approfondissement et élargissement risque d'être dépassé rapidement. S'il est certain que l'élargissement de l'Europe ne peut se faire sans modification de nos institutions, il est non moins clair que les pays candidats ne doivent pas souffrir de l'impuissance du traité d'Amsterdam à engager les révisions nécessaires. Il faut entreprendre sans attendre cette réflexion sur les institutions et y associer ceux qui demain partageront notre destin.

Mais il serait vain, comme l'a souligné avec force Alain Madelin, d'aborder le champ des réformes sans avoir à l'esprit une vision politique de cette Europe nouvelle. L'Europe est une vaste communauté d'intérêts, qui dépasse les seules entités nationales. La volonté de tenir compte de cette réalité commande à la fois l'union des pays européens et le respect de leurs différences, mais aussi une réflexion sur la nature même de la construction européenne, qui devrait s'inspirer davantage de l'esprit fédéral, ce mot étant entendu dans son sens premier, c'est-à-dire par opposition au centralisme.

Nous devons distinguer précisément entre ce qui doit être mis en commun pour mieux fonctionner et ce qui doit rester autonome, dans le cadre national, pour mieux vivre et créer.

Cette Europe nouvelle sera la grande Europe. Elle a vocation à réunir l'ensemble des Européens, car l'élargissement, c'est la réunification du continent européen. Cette Europe nouvelle sera celle de la diversité, celle d'un ensemble hétérogène de plus de vingt pays aux traditions et aux styles contrastés, aux valeurs complémentaires, qui s'enrichira de ses différences, devra les préserver et les respecter. Elle ne sera donc ni un super-marché, ni un super-Etat.

Nous devons nous garder de toute tentation de transposer à l'Europe nos modèles nationaux et de favoriser ainsi l'émergence d'un super-Etat unitaire et centralisateur, qui ne saurait être synonyme de garanties ni de libertés. L'Europe nouvelle devra être celle de la subsidiarité, gage de modernité, d'efficacité et de démocratie.

Si l'efficacité du processus communautaire exige de ne pas confondre les rôles et compétences des institutions nationales et européennes, les Parlements nationaux doivent se concentrer sur le contrôle politique de l'action communautaire, particulièrement sous l'angle du respect de la subsidiarité.

Enfin, l'Europe nouvelle sera celle du droit : la marque du génie européen est en effet la proclamation des droits fondamentaux de la personne.

Approuver la révision constitutionnelle, c'est écouter à la fois la voix du coeur et celle de la raison, la voix d'une Europe dont les valeurs tendent à l'universel, et qui, comme l'a dit Vaclav Havel, ne doit pas imposer son modèle aux autres, mais être porteuse d'une nouvelle espérance. (Applaudissements)

M. le Président - En application de l'article 16 de notre Règlement, le vote sur le projet de loi constitutionnelle aura lieu par scrutin public à la tribune.

 

Le scrutin est ouvert à 17 heures 15.

Il est clos à 18 heures 35.

M. le Président - Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 883
Nombre de suffrages exprimés 869
Majorité requise pour l'adoption du projet de loi constitutionnelle
(soit les 3/5 des suffrages exprimés) 522

Pour l'adoption 758
Contre 111

Le Congrès a adopté (Applaudissements).

Le projet de loi constitutionnelle modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution, approuvé à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, sera transmis à M. le Président de la République.

 

CLÔTURE DE LA SESSION

M. le Président - Je déclare close la session du Congrès du Parlement.

 

La séance est levée à 18 heures 40.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques
de l'Assemblée nationale,
 
Jacques BOUFFIER