Fabrication de la liasse
Rejeté
(mardi 17 décembre 2019)
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Compléter l’alinéa 21 par les mots :

« et d’autres États membres de l’Union européenne - hors régions ultra périphériques - ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen ou la Confédération suisse ».

Exposé sommaire

Le présent amendement vise deux objectifs :

1. En premier lieu, il tend à sécuriser juridiquement cette exemption de taxe de solidarité sur les billets d’avion au titre des vols entre la Corse et le Continent : en effet, cette exemption n’est pas en soi contraire au droit de l’Union, dans la mesure où l’article 174 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne permet de mener des actions différenciées en faveur des zones souffrant de « handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions (...) insulaires (...) et de montagne », ce qui correspond tout à fait aux caractéristiques de la Corse. Toutefois, le fait de réserver une telle exemption aux vols commerciaux entre la Corse et la partie continentale de la métropole risquerait éventuellement de constituer une atteinte au principe de non discrimination ou une pratique anticoncurrentielle à l’encontre de entreprises de transport aérien public desservant des territoires européens non situés en France mais faisant toutefois partie de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Les limites du tarif de la future taxe, énoncées au sixième alinéa de cet article 20, prennent d’ailleurs bien soin de distinguer entre la France, l’UE, l’EEE et la Suisse d’une part, et les autres États d’autre part.

Que les territoires ultra-marins bénéfice d’une exemption uniquement pour les vols entre ces collectivités et la France métropolitaine peut davantage se comprendre, puisqu’il s’agit de territoires non situés dans l’espace continental européen et qui constituent par ailleurs des régions ultrapériphériques. Tel n’est pas le cas de la Corse, territoire métropolitain européen qui, bien qu’insulaire, est situé dans la partie européenne de la Méditerranée occidentale.
Le risque serait d’exposer la France à un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne de la part de compagnies assurant des vols entre la Corse et les parties non françaises du continent européen et que ce dispositif soit purement et simplement supprimé, ce qui serait extrêmement dommageable pour le développement économique de l’île et aggraverait ses contraintes naturelles se traduisant en surcouts liés à l’insularité.

Il est donc proposé d’étendre cette exemption aux destinations finales vers tous les territoires faisant partie, au même titre que la France, de la première catégorie de limites de tarif fixée au sixième alinéa de cet article 20, ainsi que par parallélisme avec le a) du 1. du VI. de l’article 302 bis K du code général des impôts.
À titre subsidiaire, on peut arguer que si la dotation de continuité territoriale de la Collectivité de Corse ne peut servir à financer des opérations de transports qu’entre la partie continentale de la métropole française et la Corse, sans que cela concerne la liaison avec les autres États européens, cela se justifie et ne constitue pas une atteinte au principe de non discrimination dans la mesure où cette dotation est un concours financier d’un État membre à une région, ce qui n’est pas le cas de la présente exemption qui revêt un caractère commercial et serait donc susceptible de passer pour anticoncurrentielle si elle conçue sous un angle uniquement national.

2. D’un point de vue moins juridique, il apparaît que cette exemption va à l’encontre des politiques publiques visant à ouvrir la Corse sur la Méditerranée pour en faire une tête de pont française au sein du Mare Nostrum. La Collectivité de Corse noue des partenariats forts avec les autres îles méditerranéennes telles que la Sardaigne et les Baléares et elle développe des liens économiques avec les régions voisines italiennes dans le cadre des Groupements européens de coopération territoriale (GECT) organisés aux termes du Règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif à un GECT, modifié par le Règlement (UE) n° 1302/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013. Ces partenariats, en plus des programmes Erasmus noués avec des universités italiennes ou espagnoles, visent à faire de la Corse un des moteurs de la construction européenne au sein de la Méditerranée latine. Le développement de ces liens passe évidemment par les transports aériens qui permettent de les approfondir et de les renforcer, en matière économique, plus particulièrement touristique, mais aussi culturelle et universitaire. Réserver cette exemption, pleinement justifiée par l’insularité de la Corse et son retard de développement, à un couloir d’échange franco-français revient à accorder une prime à la non ouverture de la Corse sur son environnement méditerranéen, ce qui semble dommageable pour les idéaux de la construction européenne et la coopération interrégionale en Méditerranée.

En l’état actuel du dispositif, un vol commercial au départ d’Ajaccio et à destination de Bruxelles ne serait pas exonéré car la rédaction actuelle ne prévoit d’exonération qu’entre « la Corse et la France continentale ». Ainsi tous les vols au départ de la Corse mais à destination de villes européennes non situées en France continentale seraient discriminés, ce qui constitue immanquablement une violation du principe de non-discrimination qui régit le marché commun. Une exonération si restrictive ne manquera pas d’être attaquée devant les juridictions communautaires à Bruxelles par des compagnies aériennes organisant des vols au départ de la Corse vers des aéroports à Milan, Madrid, Bruxelles, Berlin, etc. Une éventuelle condamnation aboutira à rejeter la faute sur l’Union européenne alors que le dispositif était bancal depuis le début, et le reste désormais en connaissance de cause de la part du Gouvernement et du Parlement.