Document

mis en distribution

le 13 avril 1999

   

N° 1538

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 1999

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir
un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne
sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté
(COM(98) 295 final / n° E 1105)

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31
du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Gerard FUCHS

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

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Voir le numéro : 1537.

Impôts et taxes.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pas à pas, le marché intérieur européen se construit : la mise en place de l'euro, l'ouverture du marché de l'électricité ou la réforme en cours des services financiers en constituent des exemples récents.

Pourtant, alors que les mouvements internationaux de capitaux n'ont jamais été aussi importants, la fiscalité de l'épargne a jusqu'ici échappé à toute mesure d'harmonisation communautaire.

Cette situation est dommageable à plusieurs titres. D'abord, elle donne lieu à des distorsions de concurrence entre les pays membres, voire à des formes de concurrence déloyale. Elle incite l'épargne à se diriger, non en fonction des besoins économiques locaux, mais des avantages comparés des régimes fiscaux. Elle entraîne une perte de recettes des Etats au profit des pays à faible fiscalité ou des paradis fiscaux. Elle crée une pression à la baisse de la fiscalité, qui peut conduire à raréfier les ressources financières nécessaires au financement de certaines priorités collectives. Elle favorise enfin les revenus du capital, qui est plus mobile, par rapport à ceux du travail, ce qui accroît les inégalités et défavorise l'emploi.

La proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté a précisément pour objet de remédier à ces inconvénients. Une première proposition de directive du Conseil de 1989, tendant à instaurer un régime unique de retenue à la source sur les intérêts sur tout le territoire de la Communauté, n'avait pas abouti, faute de satisfaire un nombre suffisant de pays. En revanche, celle-ci est acceptée dans son principe par tous les Etats membres. Elle résulte, d'ailleurs, d'une décision du Conseil des ministres de l'économie et des finances du 1er décembre 1997. Elle offre davantage de souplesse, dans la mesure où elle permet aux Etats de choisir entre une retenue à la source de 20 % sur les revenus des non-résidents communautaires et un système d'échange d'informations.

Il est donc particulièrement opportun que l'Assemblée nationale prenne position sur ce texte.

Nous devons soutenir avec force une mesure d'harmonisation qui sert les intérêts de l'action publique en France et en Europe.

Ce soutien n'exclut pas que le dispositif proposé doive être amélioré sur plusieurs points. Ainsi, le champ d'application territorial devrait être mieux défini ; le texte devrait spécifier que l'avancée des négociations avec les pays tiers ne saurait constituer un préalable à son adoption, sauf à retarder indéfiniment sa mise en _uvre ; un taux de 25 % de retenue à la source permettrait de mieux lutter contre les distorsions de concurrence ; les effets de la directive devraient, enfin, être mieux évalués. Par ailleurs, plusieurs mesures complémentaires seront ultérieurement nécessaires, telles que l'extension du champ de la directive à d'autres formes de revenus de l'épargne, l'harmonisation d'autres aspects de la fiscalité de l'épargne (possibilité d'opposer le secret bancaire, procédures de déclaration, règles de recouvrement, lutte contre la fraude...), la définition d'un statut de résident communautaire ou le passage à la règle de la majorité qualifiée en matière fiscale.

Telles sont les raisons pour lesquelles la Délégation a conclu son rapport d'information (n° 1537) par le dépôt de la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (COM(98) 295 final / n° E 1105),

Vu les conclusions du Conseil Ecofin du 1er décembre 1997,

Considérant que l'absence d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne entre les Etats membres de l'Union européenne donne lieu à des distorsions de concurrence entre les Quinze ;

Considérant qu'elle incite l'épargne à se localiser en fonction de la fiscalité des Etats, et non du développement économique ;

Considérant qu'elle entraîne une perte de recettes pour beaucoup d'Etats membres au profit des pays à faible fiscalité ou des paradis fiscaux ;

Considérant qu'elle conduit, quelle que soit la volonté des gouvernements, à une pression à la baisse de la fiscalité, pouvant amener à réduire les ressources consacrées au financement de certaines priorités collectives ;

Considérant qu'elle favorise les revenus de l'épargne perçus dans certains pays de l'Union européenne par rapport à ceux du travail ;

1. Approuve le principe d'un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne versés sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté ;

2. Estime nécessaire de poursuivre les négociations engagées avec les pays tiers, afin de conclure dès que possible avec ceux-ci des accords garantissant l'application par eux de mesures équivalentes ;

3. Considère que la progression de ces négociations ou la signature de ces accords ne sauraient constituer un préalable à l'adoption ou à l'entrée en vigueur de la directive ;

4. Demande qu'un article additionnel, plutôt qu'une décision intergouvernementale, prévoie que les Etats membres ayant des territoires dépendants ou associés, ou qui ont des responsabilités particulières ou des prérogatives fiscales sur d'autres territoires, prennent des mesures appropriées pour assurer que ces territoires appliquent des mesures équivalentes ;

5. Propose de fixer à 25 %, au lieu de 20 %, le taux minimum de retenue à la source, afin de mieux lutter contre les distorsions de concurrence ;

6. Demande que la date limite de transposition de la directive soit reportée au 31 décembre 2000 et celle correspondant à son entrée en vigueur au 1er juillet 2001, afin que les Etats, les agents payeurs, les investisseurs et les particuliers puissent s'y préparer ;

7. Souhaite que l'évaluation a priori du dispositif soit complétée et approfondie, qu'une évaluation a posteriori ait lieu dans les deux ans suivant son entrée en vigueur et qu'il soit précisé que la Commission proposera, à la suite de cette dernière évaluation, toutes les améliorations qui lui paraîtront utiles ;

8. Demande que les mesures complémentaires suivantes soient envisagées après l'adoption de la directive :

- prendre les autres mesures d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne qui permettraient d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur ;

- étudier, si nécessaire, après la réalisation de l'évaluation a posteriori, un mécanisme de compensation financière entre les Etats ;

- définir un statut de résident fiscal communautaire, afin d'éviter des inégalités de traitement selon les nationalités et les complications administratives auxquelles elles donnent lieu ;

- remplacer la règle de l'unanimité par celle de la majorité qualifiée dans les domaines fiscaux susceptibles d'affecter la concurrence entre les Etats membres de l'Union européenne.

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