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Commission des affaires européennes

mardi 29 mars 2011

16 h 45

Compte rendu n° 195

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

III. Nomination de rapporteurs

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 29 mars 2011

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 45

I. Audition de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes

Le Président Pierre Lequiller. Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous retrouver, dans un contexte d’actualité européenne riche et après un Conseil européen particulièrement important, à la fois en matière économique et financière, à propos de la situation en Libye, ainsi que sur la question du nucléaire. Sur les sujets économiques et financiers que suivent en particulier nos rapporteurs, Christophe Caresche et Michel Herbillon, l’Europe a fait, ces derniers mois, des pas de géant sur la voie d’un gouvernement économique de l’Union. La réforme du pacte de stabilité et la mise en œuvre du pacte pour l’euro représentent des progrès majeurs et nous aurons l’occasion de vous entendre sur ces sujets.

Par ailleurs notre commission souhaiterait vous entendre sur les deux principaux sujets d’actualité évoqués au Conseil. Tout d’abord, sur la Libye : dont on ne peut nier que les divergences européennes ont jeté une ombre sur les espoirs d’une convergence progressive en matière de politique étrangère, que nous souhaitons, ainsi qu’un renforcement de la politique européenne de défense. Pouvez nous nous préciser où en est l’Union en matière de sanctions, d’aide humanitaire et pour la recherche d’une solution diplomatique ? Au-delà de la crise libyenne, il serait aussi intéressant de vous entendre sur les décisions prises, dans ce contexte, s’agissant de l’établissement d’un nouveau partenariat Europe Méditerranée et sur les évolutions en Egypte et en Tunisie. Enfin, s’agissant du Japon et la question du nucléaire, quelles sont les mesures prises par l’Union pour manifester concrètement notre solidarité vis-à-vis du peuple japonais ? Sur la question du nucléaire, des divergences significatives se sont fait jour. Ainsi la chancelière allemande a pris une position forte. Il serait utile que vous nous précisiez quel seront l’organisation concrète des tests de sécurité décidés, leur champs et les responsabilités de mise en œuvre ?

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes. C’est un grand plaisir pour moi de venir devant votre commission des affaires européennes à l’occasion de cette traditionnelle audition post Conseil européen. Lors de ma dernière audition en décembre dernier, je vous indiquais que nous avions encore davantage besoin d’Europe après la crise qu’avant la crise. Le Conseil européen des 24 et 25 mars en apporte une démonstration forte. La France et l’Europe, et la planète entière, ont à faire face à trois défis majeurs : la déstabilisation de l’euro et la question de la régulation financière, la révolution démocratique dans les pays arabes et le terrible accident nucléaire au Japon. Sur ces trois sujets, le Conseil européen a montré que l’Europe est présente et a su construire une réponse dans des délais records. Ces réponses sont , dans certains domaines, au-delà des espérances. Par contre, dans d’autres domaines, on peut considérer que le verre est à moitié vide, ou à moitié plein. J’ai pour ma part la tentation de le voir comme à moitié plein si l’on considère les progrès accomplis. Ainsi, sur la question nucléaire, l’Europe s’affirme comme une terre en avance en matière de sécurité.

J’aborderai d’abord la création d’une gouvernance économique de la zone euro. En matière européenne, il faut avoir de la mémoire. L’Europe est un processus en construction dans lequel se pose, à chaque étape, la question de savoir si l’on peut aller de l’avant. Il y a encore six mois, la perspective de réussir la mise en place d’un gouvernement économique dans le cadre de la zone euro, l’idée d’une convergence fiscale et la création d’un fonds pérenne de stabilisation de défense de l’euro seraient apparues comme des utopies. Or en six mois, sur des sujets souvent considérés comme tabous, un immense travail a permis de construire rapidement une réponse collective.

Tout d’abord, le Conseil européen a entériné la création du mécanisme européen de stabilité dont la dotation de 700 milliards d’euros permettra de prêter 500 milliards d’euros, en s’assurant de la meilleure notation possible. En second lieu, le pacte de stabilité et de croissance prévoit une procédure plus équilibrée entre la Commission et le Conseil. Les leçons de la crise sont tirées. On s’est aperçu que la vision étroite de la dette ramenée au PIB était beaucoup trop restrictive et ne permettait pas de prendre conscience des dangers systémiques susceptibles d’affecter la zone euro. Ainsi l’Irlande était, au vu de ces critères, le meilleur élève européen, ce qui ne l’a pas empêché d’être confrontée à de graves difficultés, du fait de l’exposition de son secteur bancaire. En troisième lieu, le Conseil européen a adopté le « pacte pour l’euro plus », le mot « plus » étant particulièrement important. Les dix-sept pays de la zone euro reconnaissent – ce qui n’était pas gagné – que d’avoir la monnaie en partage implique un niveau d’obligation et de convergence particulier. Une dynamique est par ailleurs créée car six pays supplémentaires ont décidé d’adhérer à ce pacte : la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, le Danemark, la Roumanie et la Bulgarie. Cela confirme la conviction que j’avais exprimé il y a six mois que l’euro sortirait renforcé de la crise. Ce pacte est par ailleurs un pacte équilibré.

La France tenait à ce que ce pacte ne soit pas axé uniquement sur l’assainissement des dettes et des déficits et sur le renforcement de la compétitivité. Certes, les efforts budgétaires doivent être menés et les exemples grec et irlandais nous rappellent qu’un pays ne peut durablement gérer des déficits excessifs. Mais la compétitivité implique également d’investir dans la recherche, l’éducation, l’innovation et les infrastructures performantes. C’est aussi faire confiance au dialogue social. Sur ces points, la version finale du pacte est beaucoup plus équilibrée que la version initiale, ceci grâce en particulier au travail très précieux et exemplaire d’HermanVan Rompuy. Ce texte concilie des engagements en terme de compétitivité avec une gestion raisonnable de nos finances publiques. L’acceptation des Etats membres d’organiser une convergence fiscale, notamment en matière de base d’impôt sur les sociétés , est une véritable «  révolution culturelle ». Nous plaidions pour cette convergence depuis longtemps déjà. De même, une étape est franchie avec la perspective d’une taxe sur les transactions financières que plusieurs groupes de travail au sein de l’Assemblée nationale avaient soutenue.

Je souhaite aborder maintenant la deuxième série de décisions du Conseil européen, concernant la Libye et le voisinage méridional de l’Europe. En matière européenne, quand nous sommes d’accord, cela semble aller de soi. En revanche, quand des divergences apparaissent, elles sont hyperbolisées. Sachons raison garder ! L’Europe a fait un grand chemin sur la question libyenne . Elle a été capable d’être dans les premières à condamner Kadhafi, parmi les plus dures en matière d’embargo, tant sur l’argent du pétrole et les actifs de l’Etat que sur les armes et les matériels de répression. Elle a participé à la saisine de la Cour pénale internationale. Des divergences avec l’Allemagne sont toutefois apparues sur le recours à la force armée et sur la participation aux frappes aériennes sur des questions relatives à la politique de sécurité et de défense commune, qui touchent au cœur de la souveraineté des pays et sur lesquelles les sensibilités culturelles sont fortes, les divergences dans ce domaine ne devant pas être considérées comme dramatiques. D’ailleurs, alors qu’il y a encore une semaine, on disait l’Europe déchirée sur la question libyenne, le Conseil européen a réussi à préserver l’essentiel en des conclusions saluant les résultats du sommet de Paris et l’adoption de la résolution 1973. Pour la suite, il faudra réfléchir à la manière de relancer la politique de sécurité et de défense, afin qu’elle ne pâtisse pas durablement des différences d’approche que nous avons eues sur la Libye. Il n’y a rien d’irrémédiable si nous faisons preuve d’une démarche volontariste. Le Président Pierre Lequiller a eu raison de rappeler qu’au-delà de la Libye, l’Europe est attendue sur tout le rivage sud de la Méditerranée. L’Europe doit donc être capable d’investir dans la démocratie et cela implique de mettre des fonds sur la table. Si l’on veut que cette transition démocratique réussisse, l’Europe doit montrer aux peuples qui ont eu le courage de secouer les régimes établis qu’elle est prête à leur apporter un soutien qui se traduira concrètement sur le terrain. L’Europe a donc décidé d’accroître son aide financière en augmentant d’un milliard d’euros les plafonds de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI). Par ailleurs, le champ d’action de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) pourrait être élargi aux pays du voisinage Sud, ce qui est l’expression d’une solidarité des nouveaux Etats membres.

Je voudrais pour finir aborder la troisième série de conclusions du Conseil européen relatives à la situation au Japon et à la question de la sécurité nucléaire. L’Europe n’a pas attendu le terrible accident nucléaire japonais pour agir en matière de sécurité. Je rappellerais que grâce aux efforts de la Présidence française, l’Union européenne a adopté en 2009 une directive rendant contraignants les engagements pris en application de la convention sur la sûreté nucléaire de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Puis, en novembre 2010, une proposition de directive sur la gestion sûre des déchets radioactifs a été présentée par la Commission européenne. Enfin, lors du dernier Conseil du 4 février dernier, c'est-à-dire avant les événements au Japon, nous avons plaidé pour une transposition et une application immédiate en Europe et au niveau international, des plus hauts standards de sûreté nucléaire que sont les standards WENRA. Une des leçons que l’on doit tirer de la crise japonaise est la nécessité de coordonner les niveaux de sécurité et d’aller plus loin que son voisinage immédiat. Ainsi, personne ne comprendrait que chaque pays se livre, de manière indépendante, à des tests de résistance. C’est pourquoi, le Conseil a donné son accord pour mener à l’échelle européenne une action conjointe en matière d’audit et de mise en œuvre des tests de résistance.

Sur tous ces points, l’Europe nous pousse. Si l’on ne peut pas passer sous silence les difficultés et les divergences, il ne faut pas repeindre tout en noir et ne pas voir la dynamique qu’il a été possible de mettre en place. L’année 2010 a été dure pour l’Europe ; 2011 marque le retour de l’Europe.

M. Daniel Garrigue. Je souhaiterais poser deux questions. En premier lieu, vous avez eu raison de souligner qu’il est important que le pacte « euro plus » ait été signé par les Etats membres de la zone euro ainsi que par six autres Etats. Cependant, s'agissant des délais de retour sous la barre des 3 %, y a-t-il eu des débats ? Ces délais très brefs ne risquent-t-ils pas de casser la croissance ? En second lieu, en ce qui concerne la proposition sur l'assiette commune consolidée sur l'impôt sur les sociétés, le texte de la Commission européenne a-t-il été déposé ?

Mme Pascale Gruny. Pouvez-vous nous indiquer quel rôle l'Union européenne, et la France en particulier, seront amenées à jouer pour la période de transition démocratique en Libye. Sur ce sujet, j'estime que le début des travaux a été très laborieux et a démontré les limites du traité de Lisbonne. Ainsi, quel a été le rôle de Mme Ashton ? Je souhaiterais également savoir si la question des immigrés et des réfugiés sur l'île de Lampedusa a été évoquée et notamment la question de la distinction entre réfugiés et immigrants. Enfin, je regrette qu'on ne parle pas d'emploi au cours de ces Conseils européens alors que, à mon sens, il faudrait remettre la personne humaine au cœur des débats. Quels seront les effets de la stratégie 2020, notamment dans la lutte contre la pauvreté ? Aura-t-on un budget suffisant pour le FSE ? Il faut à cet égard souligner que le règlement financier du FSE, qui est transversal, est très complexe à mettre en œuvre.

M. Christophe Caresche. Monsieur le Ministre, vous avez sans doute raison d'être optimiste car le Conseil s'est plutôt bien déroulé, mais il faut être lucide : car nous sommes loin d'avoir résolu les problèmes, même si une étape a été franchie. Nous avons accepté des conditions sur la diminution de la dette qui me semblent hors d'atteinte pour certains pays. Il existe toujours une série de pays en très grande difficulté : la Grèce, l’Irlande, que la BCE vient de secourir, et le Portugal. A force de régler les questions au cas par cas, sous la contrainte, les mesures prises seront beaucoup plus chères que si l’on avait pris les choses à bras le corps dès l'origine. La position de l'Allemagne pèse beaucoup. En ce qui concerne le nucléaire, il ne sera pas possible d'échapper à un débat européen.

M. Michel Delebarre. L'Europe à toutes les raisons de plonger dans les incompréhensions et les incertitudes. Le Ministre a donné l'impression que les choses avancent. La tonalité de cette intervention est positive. Il existe néanmoins quelques sujets de préoccupation.

Sur la Libye, une leçon a été tirée démontrant que l'Europe peut agir à l’extérieur sans un accord unanime. L’Europe ne sera pas toujours au diapason car nous avons des histoires et des cultures différentes. L’essentiel sera de savoir sortir de l’intervention et de recréer une unité. M. Herman Van Rompuy a fait montre de son utilité, a dit Monsieur le Ministre. Je souhaite aborder un second point. Il existe à la fois un risque de considérer que l’UPM ne sert à rien et une chance de lui donner une raison d'exister. Il faudrait également considérer le nombre de collectivités locales ayant par exemple des partenariats en Tunisie, car il s’agit là d’une approche intéressante et concrète. Un troisième point mérite d'être abordé avec le nucléaire et les élections en Allemagne. Où en est-on dans la relation franco-allemande ? Il faut enfin dire un mot du réexamen du rapport sur la politique de cohésion et de la réflexion autour d’un objectif intermédiaire. Si la France a indiqué que la première préoccupation est la politique agricole commune, n’oublions pas les régions concernées par les perspectives de réforme de la politique de cohésion.

M. Michel Diefenbacher. Nous mesurons tout le travail qui a été fait en matière de gouvernance économique, sociale et financière. Existe-t-il aujourd'hui un consensus pour estimer que la faillite d'un Etat est exclue ? Faut-il accepter que l'Etat soit le seul acteur économique à échapper aux règles qui s'imposent à tous les autres, et avec quelles conséquences financières ? Sur le nucléaire, des différences importantes existent entre les Etats membres, que ce soit en termes de priorités énergétiques, de risques naturels, de sensibilité des populations ou de poids du nucléaire. Cependant, si, par malheur, un accident devait survenir dans un Etat membre, les conséquences concerneraient toute l’Union. Ne faudrait-il pas faire la différence entre les politiques énergétiques, dont on voit bien qu'elles doivent rester étatiques, et la politique de sûreté nucléaire et de contrôle qui devrait être européenne ?

M. Yves Bur. Quel rôle a réellement joué le Service européen d’action extérieure (SEAE) dans la gestion de la crise libyenne et la recherche d'une réponse commune ? Quel a notamment été le rôle de la Haute représentante ? Il semble que le réflexe du retour à la diplomatie nationale ait pris le dessus. Dans ces conditions, comment évoluera le SEAE ?

Mme Marietta Karamanli. En matière de temps de travail, la révision de la directive achevée la semaine dernière déçoit la confédération européenne des syndicats car le principe d’ « opt out » a été maintenu. Il permet de faire travailler un salarié au-delà des 48 heures hebdomadaires autorisées, si celui-ci l’accepte individuellement. Mais l'on sait que cela peut avoir des conséquences sur la santé et la sécurité. Quelle est la position du gouvernement ? Sur l’action de groupe, qui existe dans de nombreux Etats membres, et qui a été soutenue par la Commission européenne, quelles initiatives compte prendre notre pays sur ce dossier important qui permet de répondre aux attentes des consommateurs ?

M. Gérard Voisin. En ce qui concerne le Japon, quelles sont les actions de l'Union européenne pour aider ce pays à gérer ses difficultés nucléaires ? Il est important que la France et l’Europe se manifestent sur le plan de la solidarité humaine. Je souhaiterais connaître les mesures déployées en faveur des victimes de la catastrophe.

M. Jérôme Lambert. En ce qui concerne le renforcement du pacte de stabilité, le délai prévu pour rembourser la part de la dette publique qui excède 60 %, à raison d’1/20e par an, n’entraîne-t-il pas, pour les pays concernés, un effort excessif ? Certains économistes, notamment Philippe Weil, de l’OFCE, sont pessimistes à cet égard.

S’agissant du nucléaire, il est clair qu’après la catastrophe du Japon, on ne restera pas à l’écart d’un débat énergétique. L’Allemagne apparaît comme le précurseur d’un sentiment qui va très probablement se diffuser. Le niveau des normes de sécurité est une question essentielle. J’ai toujours pensé en tant que partisan du nucléaire que la sécurité de nos installations était optimale ; mais j’ai été étonné par certains propos récents. Pouvez-vous me confirmer qu’il en est bien ainsi ?

S’agissant de la Libye, je partage l’opinion de Michel Delebarre sur les conditions de notre intervention. On peut se féliciter que l’on ait pu organiser une intervention sans qu’il y ait unanimité. Néanmoins, l’avenir d’une politique extérieure européenne ne se limite pas à des interventions, et là je remarque que c’est la première fois que l’Allemagne se dissocie à la fois et simultanément des Etats-Unis et de la France sur une décision de politique internationale.

Mme Anne Grommerch. S’agissant du nucléaire, certaines centrales françaises sont proches des autres Etats membres. C’est, dans ma circonscription, le cas de Cattenom, à proximité du Luxembourg et de l’Allemagne. Je souhaiterais savoir ce qui est prévu en cas d’évacuation des populations d’un périmètre donné, car cela concerne aussi, dans un cadre transfrontalier, nos partenaires européens?

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes. Pour ce qui concerne le délai de retour des déficits publics dans la norme du pacte de stabilité, une durée de trois ans a paru adaptée. Les déficits et les dettes ont augmenté pendant la crise, car il a fallu faire des actions de relance, et l’on doit donc donner un délai pour traiter les conséquences de la crise. Si l’on avait fait le choix d’un retour immédiat à la norme des 3 %, il y aurait effectivement eu un risque de casser la croissance.

En ce qui concerne le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, le texte a bien été présenté par la Commission européenne. Je m’en suis entretenu récemment avec le Commissaire européen chargé de la fiscalité, M. Algirdas Šemeta. C’est clairement un sujet qui doit être traité sans délai. On souhaiterait qu’y soit incorporée la réflexion sur la fiscalité énergétique.

En ce qui concerne le service européen d’action extérieure, il ne faut être trop injuste. Il vient à peine d’être créé et déjà il doit faire face à l’une des plus grandes crises diplomatiques depuis la chute du mur de Berlin.

Cette remarque vaut tant pour le Président Van Rompuy que pour la Haute représente, Mme Ashton. Leur action ne doit pas être jugée à l’aune des critères français, à savoir l’exigence une personnalité charismatique, qui prenne la lumière et puisse faire des déclarations médiatiques fortes, sans prendre en compte l’utilité d’un travail discret, et qui prend un peu plus de temps. A-t-on tout-à-fait raison ? S’agissant de M. Van Rompuy, je suis sûr que l’on a vraiment tort. Celui-ci a parfaitement compris ce qu’est la réalité de son rôle. Travaillant avec les chefs d’Etat et de Gouvernement, il ne serait utile à rien s’il tendait à les escamoter. Il a parfaitement compris que son utilité tenait à travailler discrètement pour harmoniser les positions des uns et des autres. On n’aurait absolument pas abouti, par exemple, au pacte pour l’euro si l’actuel président du Conseil européen n’avait pas été là. Pour moi, il est dans la filiation de ces grands européens qui font un travail discret et solide.

S’agissant de Mme Ashton, elle a été la première à aller en Tunisie. Pour ce qui concerne la Libye, c’est par son intermédiaire que pour la première fois, l’ensemble des responsables des affaires étrangères ont pu réagir ensemble, en condamnant le gouvernement de M. Khadafi. Sur l’Egypte, c’est par l’implication de Mme Ashton, notamment, que l’on a pu obtenir l’intervention de la BEI et de la BERD.

Après, il y a les limites liées aux traités et aux positions des uns et des autres. Je ne vais pas vous apprendre que le domaine de souveraineté le plus difficile à partager est celui de la diplomatie, de la politique étrangère, et celui de la politique de défense. Il n’y a pas pour l’instant de politique pleinement européenne en la matière, mais si l’on compare la situation avec ce qu’elle était il y a quinze ans, nous avons fait un assez beau chemin. Nous avons réussi à dégager beaucoup de positions communes. Après, il y a ces différences que vous avez relevées, mais qui ne sapent pas la validité du travail commun.

D’après les éléments que nous tenons des Italiens, ce sont très majoritairement des immigrants qui viennent à Lampedusa. Les réfugiés y sont, à ce stade et d’après ce que nous savons, minoritaires.

Sur le FSE, il y a un très important devoir de simplification. La complexité des procédures est l’un des drames de l’Europe. Même les bénéficiaires d’aides européennes finissent par devenir eurosceptiques, en raison de la complexité des dossiers. Cette situation est mortifère pour l’Europe. On essaie d’améliorer les choses, pour l’aide aux collectivités locales, pour l’aide aux associations comme pour l’aide aux PME. Il n’y a pas de fatalité à cette situation. Nous militons pour un système où l’on fait confiance a priori et où l’on contrôle a posteriori. Mais il faut aussi que « la France balaye devant sa porte », car c’est aussi au niveau national que nous avons complexifié les procédures, là où l’Europe ne demandait pas forcément ce luxe de procédures et de contrôles. Il faut assouplir aux deux étages, l’européen et le national.

S’agissant de la Grèce, un effort financier a été entrepris avec la réduction de 100 points de base du taux d’intérêt. C’est un signe important. Le pays a vraiment été courageux. Les décisions prises n’ont pas été faciles. Il est normal que nous apportions notre soutien. Sur l’Irlande, nous sommes très clairs. Il n’y aura aucune renégociation des conditions de soutien financier si ce pays ne fait pas un geste sur l’impôt sur les sociétés. On ne peut pas avoir un Etat membre qui pratique un taux d’impôt sur les sociétés qui peut être considéré comme non coopératif et qui demande par ailleurs la solidarité renforcée de l’ensemble des autres Etats membres. Cela a été très clairement dit, notamment par la Chancelière allemande et le Président de la République : il n’y aura pas d’assouplissement sans un geste de la part des autorités irlandaises.

Réagit-on crise après crise ? Pour la première fois on agit sans être dans un climat de crise et l’on crée des outils pérennes sans être sous la dictature de l’urgence. Nous n’étions pas sous une pression immédiate concernant la Grèce, l’Irlande ou même le Portugal et nous avons décidé d’une action sereine et dans la durée sur laquelle nous resterons attentifs.

Sur le nucléaire, nous appliquerons les normes les plus élevées du WENRA et nous voulons nous assurer que tous les appliquent, y compris dans notre voisinage. L’équilibre de la politique publique énergétique relève de chaque Etat national mais il serait absurde que chacun exerce les contrôles dans son coin, sans vision européenne, alors que les conséquences d’un accident nucléaire ne s’arrêtent évidemment pas aux frontières. Une coordination du cadre des audits par l’agence ENSREG est donc nécessaire pour s’assurer du même niveau d’exigence pour tout le monde.

Je remercie Michel Delebarre de son soutien, j’y vois la trace de l’artisan de la coopération transfrontalière et je retiens son idée très pertinente d’explorer tout ce que la coopération entre les collectivités locales pourrait apporter au partenariat euro-méditerranéen, en établissant une coordination de la vision européenne.

Plus que sur la Libye, M. Van Rompuy est surtout intervenu pour faire aboutir les discussions sur le pacte pour l’euro plus, et le renforcement des mécanismes de stabilisation.

Concernant l’Union pour la Méditerranée, on l’a trop coupée de l’Union européenne et du mécanisme de gouvernance de sa politique de voisinage. Il faut au contraire en faire une composante à part entière de la politique européenne de voisinage et développer des projets concrets et fédérateurs, conformément à la leçon des pères fondateurs de l’Europe, comme l’Office euro-méditerranéen de la jeunesse, un plan de dépollution en Méditerranée, ou de développement de l’énergie solaire.

S’agissant de la politique de cohésion, la création d’une zone intermédiaire pose les questions de savoir qui rentrerait dans cette catégorie. Il faut donc s’assurer de l’intérêt véritable de ce dispositif et qu’en particulier il ne diluerait pas les instruments actuels au détriment de notre pays et de la politique européenne de cohésion. Je regarde ce sujet en tant que tel.

Sur la relation franco-allemande, je suis profondément convaincu que nous avons besoin d’une relation mature et que le temps des grands artisans de la relation franco-allemande, qui la faisait vivre sur une tonalité très romantique avec le souvenir des souffrances de l’histoire, est derrière nous. La nouvelle génération assume les intérêts nationaux des deux pays, et comprend que notre intérêt mutuel est toujours de dégager conjointement un intérêt européen. On n’oublie pas l’histoire mais on ne peut plus avancer uniquement à partir du passé.

La relation franco-allemande a très bien résisté aux chocs et se trouve plutôt dans une phase très positive. Sur l’euro, on y est arrivé ; sur la recherche et l’innovation on a les mêmes positions ; sur l’énergie, où il pouvait y avoir un vrai risque de divergences, l’Allemagne a compris et accepté la position française. La Libye fait partie des « deux dossiers sur dix » sur lesquels on n’arrive pas à se mettre d’accord. Une relation très solide s’est établie sur la base d’échanges formalisés systématiques, de Conseils franco-allemands, de diplomates travaillant dans les cabinets respectifs, d’habitudes de travail en commun. Quelles que soient les tentations des uns et des autres, le centre de gravité revient systématiquement vers la relation franco-allemande.

Mme Merkel n’a pas choisi la voie germano-centrée et a fait un choix européen qui ne lui était pas favorable, en termes de sondages et d’opinions internes. Elle n’a pas élagué l’euro alors que cela aurait été plus populaire.

Désormais, l’Union européenne dispose des coopérations renforcées et, dans le cadre de l’action extérieure, de l’abstention positive, qui permettent de gérer les différences.

Les deux questions sur la directive relative au temps de travail et l’action de groupe n’ont pas été évoqués au Conseil européen et j’enverrai dès demain à Mme Marietta Karamanli une réponse écrite sur ces sujets.

La situation au Japon n’appelle pas une aide humanitaire mais plutôt une aide de solidarité. La pollution nucléaire de l’eau risque d’entraîner une rupture de l’approvisionnement en eau à laquelle nous répondons notamment par la fourniture de systèmes de purification. Il est également prévu de fournir des couvertures et matelas, d’organiser une coordination de l’aide européenne avec une équipe d’experts et des spécialistes de la radioactivité, d’envoyer des experts humanitaires avec l’équipe des Nations unies, de mettre en place des agents de liaison avec les autorités japonaises, de fournir 70 tonnes d’aides avec un détachement européen comportant des Français, ainsi qu’une assistance financière à la Croix rouge japonaise de 10 millions d’euros. Il existe en la matière une vraie expertise européenne, sous l’autorité de la Commissaire européenne, qui accomplit un excellent travail.

Le Pacte de stabilité a établi la règle du 1/20e de l’écart. Pour un pays à 90 % de dette, cette règle donne une réduction de la dette de 1,5 %. C’est donc soutenable. Nous revenons d’un déficit de 9 % à 6 %. On a donc la capacité d’agir vite. Certaines dépenses sont exclues pour prendre en compte les spécificités des Etats membres, comme par exemple la réforme du régime des retraites en Pologne, hérité de la période communiste.

Enfin, je propose à Mme Anne Grommerch d’aborder le sujet important qu’elle a soulevé à l’occasion de l’installation de la Commission franco-luxembourgeoise, le 21 avril, et de travaux ultérieurs que nous pourrions mener conjointement.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil concernant la signature d'un accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union européenne, d'une part, et l'Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d'autre part, prévoyant la poursuite de la libéralisation des échanges de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, et modifiant l’accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges et à la coopération entre la Communauté européenne, d'une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d'autre part (E 6095) ;

- proposition de décision du conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union européenne, d'une part, et l'Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d'autre part, prévoyant la poursuite de la libéralisation des échanges de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, et modifiant l'accord d'association euro méditerranéen intérimaire relatif aux échanges et à la coopération entre la Communauté européenne, d'une part, et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l'Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d'autre part (E 6096).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la liste des documents de voyage permettant le franchissement des frontières extérieures et susceptibles d’être revêtus d’un visa, et relative à l’instauration d’un dispositif pour établir cette liste (E 5832).

Ø Politique monétaire

- recommandation en vue d'une décision du Conseil du 2.3.2011 concernant des arrangements relatifs à la négociation d'un accord monétaire avec la République française, agissant pour le compte de la collectivité d'outre-mer française de Saint-Barthélemy (E 6097).

Ø Protection des consommateurs

- projet de règlement (UE) de la Commission portant mise en œuvre du règlement (CE) no 1185/2009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques sur les pesticides en ce qui concerne les définitions et la liste des substances actives (E 6074) ;

- projet de décision de la Commission concernant les exigences de sécurité que doivent comporter les normes européennes pour prévenir certains risques présentés pour les enfants par les stores intérieurs, revêtements de fenêtres à cordons et dispositifs de sécurité, en application de la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (E 6105).

Ø Santé

- projet de règlement de la Commission portant application du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences en matière d'étiquetage de produits phytopharmaceutiques (E 6080).

Ø Sport

- projet de décision de la Commission concernant les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les normes européennes relatives aux appareils d’entraînement fixes conformément à la directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil (E 6082).

Ø Transports

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire d'un protocole de coopération entre l'Union européenne et l'Organisation de l’aviation civile internationale (E 6107) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole de coopération entre l'Union européenne et l'Organisation de l'aviation civile internationale (E 6108).

Procédure d’examen en urgence

Par ailleurs, la Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, en application du point 28 de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (demande FEM/2010/010 CZ/Unilever introduite par la République tchèque) (E 6051) ;

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation en application du point 28 de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (demande EGF/2010/013 PL/Podkarpackie - Fabrication de machines, présentée par la Pologne) (E 6052) ;

- projet de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique établissant un cadre pour la participation des États-Unis d'Amérique aux opérations de gestion de crises menées par l'Union européenne (E 6115) ;

- projet de décision du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Bosnie-Herzégovine (E 6116).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 29 octobre 2008 (virements de crédits) et 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), la Commission a pris acte des documents suivants approuvés tacitement :

- décision du Conseil portant nomination des membres titulaires et des membres suppléants, pour le Luxembourg, Malte et l'Autriche, du conseil de direction de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (E 6099) ;

- conseil de direction de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail Nomination de Mme Silvia Gregorcovà, membre slovaque, en remplacement de Mme Lilit Mamikonyan, membre démissionnaire (E 6101) ;

- conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes : Nomination de Mme Teresa Margarida Do Carmo Fragoso, membre titulaire portugaise, en remplacement de Mme Sara Falcao Casaca, membre démissionnaire (E 6104) ;

- projet de règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l'encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (E 6114) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre de la Cour des comptes (E 6119) ;

- conseil de direction de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail Nomination de Mme Karen ROIY, membre danoise, en remplacement de M. Benjamin Holst, membre démissionnaire (E 6126) ;

Position du Conseil

Enfin, la Commission a pris acte de la position du Conseil « Epsco » qui a décidé, le 7 mars dernier, de ne pas s’opposer à l’adoption du texte suivant par la Commission européenne :

- projet de règlement (UE) de la Commission concernant un système de certification des entités chargées de l'entretien des wagons de fret et modifiant le règlement (CE) no 653/2007 (E 5998).

III. Nomination de rapporteurs

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a nommé rapporteurs d’information :

MM.  Pierre Forgues et Marc Laffineur, sur l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés ;

- Mme Marie-Louise Fort et M. Jérôme Lambert, sur les relations Union européenne-Chine.

La séance est levée à 18 heures

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 29 mars 2011 à 17 heures

Présents. - M. Pierre Bourguignon, M. Yves Bur, M. Christophe Caresche, M. Lucien Degauchy, M. Michel Delebarre, M. Michel Diefenbacher, M. Guy Geoffroy, Mme Anne Grommerch, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Jean-Claude Mignon, M. Didier Quentin, M. Gérard Voisin

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Garrigue, Mme Pascale Gruny