Accueil >
Événements > Publication
de l'anthologie des députés poètes (3 mai 2010)
|
Publication de l'anthologie des députés poètes 3 mai 2010 Afin de faire connaître l’histoire parlementaire sous un jour différent, à l'initiative du Président Bernard Accoyer, l’Assemblée nationale publie, en partenariat avec les éditions Ginkgo, une anthologie des députés poètes, de la Révolution à nos jours. Les assemblées françaises sont peuplées de poètes, qui depuis la Révolution nous racontent à leur manière deux siècles d’histoire démocratique. De Marie-Joseph Chénier à Léopold Sédar Senghor, de Robespierre à Edgar Faure [Edgar Faure, l'optimiste] en passant par Lamartine et Victor Hugo, nous découvrons au fil des pages cette étonnante assemblée littéraire. Plus de cent cinquante députés ont laissé des œuvres poétiques. Si les noms de Lamartine, de Hugo [Bicentenaire à l'Assemblée nationale] [L'homme océan] [Conscience et combats], de Césaire ou de Senghor viennent tout de suite à l’esprit, nombreux furent les députés qui mirent en vers leurs colères et leurs espérances. On trouve parmi eux des lyriques, occupés à célébrer les valeurs et les institutions de la République ; des polémiques, à la muse contestataire ou partageuse ; des bucoliques, amoureux de leur terroir et de leurs traditions ; des classiques, adeptes de l’art pour l’art qui savent se détacher un moment de la vie publique ; des satiriques, qui jouent avec les mots pour mieux tourner en dérision leurs adversaires… D’une grande diversité dans les thèmes d’inspiration comme dans les formes littéraires, ce livre témoigne de la grande tradition humaniste qui est celle de la Représentation nationale. Toutes les tendances cohabitent au sein du très informel groupe parlementaire des députés poètes, dont les œuvres multiples constituent un merveilleux témoignage d’humanisme. Commander cet ouvrage via la Boutique
Liste des députés poètes Cette anthologie ne cite qu’une partie des nombreux députés poètes – plus de deux cents – qui ont siégé en France depuis la Révolution : la liste ci-dessous indique l’ensemble des députés dont il a été possible de retrouver au moins un poème publié. En cliquant sur le nom de chaque député, vous accédez à la fiche de ses mandats et de sa biographie. NB : Cette liste ne mentionne pas les hommes politiques qui ont publié des œuvres poétiques mais n’ont jamais été députés : François-René de Chateaubriand (pair de France et ministre) [Discours à la Chambre des députés], Émile Combes (sénateur, ministre, Président du Conseil), Gustave-Bernard Garrisson, Jean Giraudoux (commissaire à l’Information), Ernest Hamel (sénateur), André Malraux (ministre), Riouffe (Honoré-Jean, baron) (membre du tribunat), Jean Thibaudin (ministre), sans oublier Charles de Gaulle.
Cliquer sur l'image par Clovis Hugues Fils d’un meunier provençal, Clovis Hugues commence sa carrière politique par quatre années de cachot pour la virulence de ses pamphlets, au lendemain de la Commune. Ses Poèmes de prison sont remarqués par Victor Hugo. Député socialiste de Marseille de 1881 à 1885, il trouve en 1893 une circonscription parisienne qui le rapproche de la bohème montmartroise. Collectiviste et anticlérical, Clovis Hugues se fait le chantre des grandes réformes sociales qu’il veut obtenir non par l’action violente, mais dans le cadre légal de la République. À la demande de Jaurès, au banquet de Saint-Mandé de 1896, il déclame son poème Le Droit au bonheur qui, pendant des décennies, sera rituellement récité dans les réunions socialistes. Voir aussi : Lettre de Marianne aux Républicains La bibliothèque de l’Assemblée nationale conserve, superbement enluminé, un exemplaire de la chanson que Clovis Hugues composa, non sans humour, à la gloire de la presse parlementaire. Cliquer sur l'image
Ô parlementaires, nous sommes Ceux qui, pour renseigner les hommes Courbés au loin sur les labours, Viennent, qu’il vente, neige ou pleuve, Sur la rive gauche du fleuve Prêter l’oreille à vos discours.
Même quand ils sont peu farouches, Vos noms font parfois sur nos bouches Un bruit à casser les tympans, Dans la salle où, beau d’agonie, Le fils de Priam s’ingénie À tordre un couple de serpents.
Quoique savamment ordonnées, Vos périodes déchaînées, Pareilles au vent lybien, Montent d’abord battre de l’aile Au bord de l’antre où, pêle-mêle, On nous a logés, pas trop bien.
Quand votre éloquence claironne Pour la France dont la couronne A toujours de nouveau fleurons, Nous sommes, par-dessus les têtes, Dans le calme ou dans les tempêtes, Le prolongement des clairons.
Lorsque vous devenez lyriques, Nous ponctuons nos rhétoriques Avec vos points exclamatifs ; Nos blés jaillissent de vos gerbes Et c’est aux creusets de vos verbes Que nous moulons nos adjectifs
Sans vous crier miséricorde, Nous rendons au pompeux exorde Tous les honneurs qui lui sont dus ; La péroraison tourbillonne, Du haut en bas de la colonne, À travers nos comptes rendus.
Votre geste, précis ou vague Projette une ombre qui zigzague Sur la feuille où nous écrirons ; Que vous leviez ou jetiez l’ancre, C’est toujours un peu dans notre encre Que vous trempez vos avirons.
Nous nous penchons vers la tribune, Pâles comme des clairs de lune Et plus tremblants que des rameaux, Quand sur la phrase débridée Un bel artiste de l’idée A fait caracoler les mots.
Nous rêvons d’un lit de fougère Où nous dormons, l’âme légère Comme la brise des vallons. Quand la Harangue pondérée Rebaigne au verre d’eau sucrée Le bout d’aile de ses talons.
Nous annotons les airs de flûte. Quand, au beau milieu de la lutte, Entre la vague et les récifs, Quelque orateur, point démagogue, Enjolive d’un peu d’églogue L’âpre question des tarifs.
Exquise utilité des signes ! Pour les encadrer dans nos lignes, Entre les guillements savants, Nous cueillons celles de vos phrases Qui, sans de banales emphases, Luisent comme l’eau sous les vents.
Sainte paix ! Aimable délire ! Le poète accorda sa lyre L’idylle emboucha ses pipeaux, Toutes les fois que nous nous plûmes À vous saluer de nos plumes, Sous l’envolement des drapeaux.
Et c’est pour cela que la France, Rieuse comme l’espérance, Point avare de son trésor, A pour nous, de ses mains chéries, Au Pactole des loteries Drainé quelques paillettes d’or.
Quand nous aurons à la campagne, Dans une villa de Cocagne, Déposé notre vieux fardeau, Nous pourrons, voluptés nouvelles ! Compléter nos lignes par celles Qui pêchent l’ablette à fleur d’eau.
Ce ne sera point notre faute Si nous n’avons pas sur la côte Ouvert le ventre au galion ; Mais le joli coupon de rente, Par-dessus la haie odorante, Volera comme un papillon.
Sous l’ombrage vert des tonnelles, Nous garderons dans nos prunelles La vision des anciens jours. Pour nous, sans trêve, au bruit des sistres, L’ombre légère des ministres Errera dans les taillis sourds.
Quel Parlement que la nature ! Nous dirons au vent, s’il murmure : « As-tu fait un meilleur projet ? » Les abeilles disciplinées Nommeront toutes les années Leur Commission du budget.
Les fourrés auront leurs travées ; Les nids vanteront leurs couvées ; L’agneau défendra son bercail ; Les fourmis, pauvres ouvrières, Installeront aux fondrières Leur ministère du Travail.
Sans mobiliser la Questure, On appliquera la censure Au héron qui fut imprudent. Et nous croirons ouïr encore Se lamenter dans l’air sonore La sonnette du Président.
En attendant, levons nos verres, Dans l’oubli des débats sévères, Loin des triomphes mérités. Et puisqu’ici, joyeux miracle ! On boit le champagne et l’obstacle, Nous le boirons à vos santés.
|