Question au Gouvernement n° 431 :
médicaments

13e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Nicolas
Eure (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 10 avril 2008

MONOPOLE DES PHARMACIENS

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Pierre Nicolas. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative,...
M. Patrick Roy. Et des franchises !
M. Jean-Pierre Nicolas. ...alors que le Gouvernement a annoncé récemment son intention d'autoriser la vente en libre-service dans les pharmacies de quelque 200 médicaments à prescription facultative, depuis quelques jours, une société de grande distribution fait diffuser sur deux chaînes de télévision, en dépit de l'avis défavorable du Bureau de vérification de la publicité, des spots publicitaires incitant à la vente de médicaments dans les supermarchés.
M. Jean-Paul Lecoq. Voilà les effets du libéralisme ! Il ne faut pas vous en étonner !
M. Jean-Pierre Nicolas. Le PDG de cette chaîne a même déclaré lors d'une conférence de presse qu'il ferait diminuer de 25 % le prix de ces médicaments si ceux-ci étaient distribués dans ses magasins. L'ordre des pharmaciens a fortement réagi par la voix de son président, qui a appelé à " ne pas confondre médicament et marchandise, pharmacien et chef de rayon, pharmacie et magasin ".
Il n'empêche que, dans quelques semaines, 226 spécialités médicamenteuses délivrées sans ordonnance devraient être vendues en libre-service dans les officines. Ces médicaments, d'usage courant, seront par exemple l'aspirine, le bicarbonate de sodium, mais aussi des substituts nicotiniques. L'objectif que vous dites poursuivre, madame la ministre, est de faire baisser les prix de ces médicaments. Or, dès qu'un médicament sort du système de prix réglementé par l'assurance maladie, les laboratoires retrouvent leur liberté, ainsi que tous les acteurs de la chaîne, y compris l'État, qui applique une TVA de 5,5 % aux médicaments non remboursés contre 2,1 % lorsqu'ils sont remboursés.
En affirmant qu'il fera baisser les prix des médicaments, ce PDG tente abusivement, semble-t-il, d'influencer le Gouvernement par le biais des consommateurs.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Nicolas.
M. Jean-Pierre Nicolas. En effet, l'impact sur le budget des ménages serait en tout état de cause infime, puisque les Français consacrent en moyenne 30 euros par an pour l'achat de médicaments non remboursés.
Par ailleurs, outre qu'elle paraît dénigrer l'image du pharmacien, cette publicité est en contradiction avec le décret du 27 mars 1992 relatif au caractère politique de la publicité, comme l'a souligné le BVP dans son avis. C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais que vous précisiez à la représentation nationale la position du Gouvernement sur ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député, une publicité particulièrement agressive et coûteuse tente de faire accroire au consommateur que l'on pourrait vendre des médicaments dans les hypermarchés, au motif que des pharmaciens y seraient employés pour vendre des produits d'hygiène.
Ceci appelle plusieurs remarques de ma part. Tout d'abord, le monopole pharmaceutique n'est pas un privilège, mais la contrepartie d'un certain nombre d'obligations : l'officine doit être tenue par un pharmacien titulaire d'un diplôme sanctionnant six ans d'études et d'un doctorat, qui exerce à 100 % sa responsabilité dans l'officine, et qui est tenu à une formation professionnelle continue ; en outre, la présence effective d'un docteur en pharmacie dans l'officine est obligatoire.
Seconde remarque, la vente de médicaments en grande surface, si elle se développait, conduirait à la banalisation d'un produit qui n'est justement pas un produit banal. En toute circonstance, qu'un médicament soit prescrit ou non, qu'il soit remboursé ou non, il s'agit d'une substance efficace qui comporte des indications, des contre-indications et des effets secondaires. La personne qui l'achète doit donc avoir la possibilité de recevoir un conseil pharmaceutique si elle le désire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Troisième remarque, notre pays bénéficie d'un maillage pharmaceutique exceptionnel : vingt-trois mille officines harmonieusement réparties sur le territoire national, qui garantissent un véritable réseau de santé publique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) On imagine ce qu'une telle disposition aurait comme effet sur ce maillage pharmaceutique.
Enfin, il n'est pas sérieux de faire croire au consommateur que le fait d'ouvrir les médicaments à la grande distribution permettrait de faire baisser leur prix. Les pays qui en ont fait l'expérience, comme l'Italie, ont subi, après une baisse très momentanée, une hausse de 25 % du prix de ces médicaments.
J'ai privilégié d'autres méthodes : la vente en pharmacie mais devant le comptoir, de manière à maintenir un contrôle qui garantisse la santé publique et une distribution sécurisée des médicaments dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Nicolas

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Ministère répondant : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 avril 2008

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