XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Séance du mercredi 09 décembre 2020

Sommaire détaillé
partager
Séance du mercredi 09 décembre 2020

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président

  • partager

    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Prestation de serment d’une juge suppléante à la Cour de justice de la République

    M. le président

  • partager

    L’ordre du jour appelle la prestation de serment devant l’Assemblée nationale d’une juge suppléante à la Cour de justice de la République.
    Aux termes de l’article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges parlementaires « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».
    Madame Marie Silin, je vous prie de bien vouloir vous lever et, levant la main droite, de répondre par les mots : « Je le jure. » (Mme Marie Silin se lève et dit : « Je le jure. »)
    Acte est donc donné par l’Assemblée nationale du serment qui vient d’être prêté devant elle.

    2. Parquet européen et justice pénale spécialisée

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président

  • partager

    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée (nos 2731, 3592).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

  • partager

    Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 12 à l’article 8.

    Article 8 (suite)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    Hier soir, lorsque l’Assemblée a entamé les débats sur la convention judiciaire d’intérêt public – CJIP –, nous avons indiqué que cette procédure ne nous paraissait pas adaptée aux crimes environnementaux – j’utilise volontairement ce terme. Puisque les amendements tendant à supprimer ces dispositions ont été rejetés, je vous propose, avec celui-ci, de limiter à une seule fois la possibilité d’y recourir pour une même personne morale mise en cause.
    Je pense que nous serons tous d’accord pour l’adopter, même la rapporteure ! (Sourires.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Allez-vous confirmer les propos de M. Lecoq, madame la rapporteure ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Hélas, non ! La seule chose que je vais confirmer, c’est l’avis défavorable de la commission. (Sourires.)
    Je comprends votre intention, mais je trouve la disposition proposée trop mécanique. Une entreprise peut avoir une très longue durée de vie – jusqu’à plusieurs centaines d’années –, exercer ses activités dans l’ensemble du pays, voire de la planète, à travers des filiales. Or dans la mesure où les comportements incriminés, eux, peuvent être très localisés, la mesure que vous envisagez me semble un peu dangereuse.
    Je préfère que soit respecté le principe d’individualisation de la peine. Mieux vaut laisser les magistrats étudier les dossiers au cas par cas et éventuellement, laisser leur chance aux contrevenants. Évidemment, il ne s’agit pas d’ouvrir la porte à une multiplication des conventions, mais on peut imaginer, dans certains cas, que plusieurs conventions soient conclues avec une même personne morale.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

  • partager

    Je sais à quel point je vais vous décevoir, monsieur Lecoq – et je le regrette –, mais votre amendement est contraire au principe d’opportunité des poursuites du ministère public. En conséquence, le Gouvernement y est défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    L’idée était d’agir pour éviter la récidive : peut-être pourrez-vous proposer une autre solution pour y parvenir ?
    Dans cet hémicycle, nous avons travaillé sur bien des lois visant à éviter la récidive des petits délinquants. Et nous ne ferions rien pour éviter celle des gros délinquants environnementaux ?
    J’entends bien la réponse de la rapporteure : une multinationale, par définition, est susceptible d’agir un peu partout dans le monde. Et elle exerce de nombreux métiers différents. Mais si elle est coupable d’un crime environnemental – par exemple si elle pompe du pétrole en se fichant des dégâts causés autour du puits – et commet le même crime – ou un crime de même nature – à un autre endroit, il me semble que nous pouvons considérer qu’il s’agit de récidive, et qu’elle ne doit plus pouvoir négocier une convention. Ne pourriez-vous pas proposer un sous-amendement allant dans ce sens ?

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    L’amendement des camarades communistes est plutôt sage, et conforme à l’objectif que vous assignez à la convention judiciaire d’intérêt public : c’est une procédure transactionnelle, incitative, destinée à réparer une erreur qui a été commise.
    Interdire la possibilité d’y recourir une deuxième fois n’est pas du tout contraire au principe d’opportunité des poursuites, car le parquet dispose encore de nombreuses options : entre autres choses, il peut demander une enquête préliminaire, voire l’ouverture d’une instruction, qui débouchera sur un procès – ce qui n’implique pas nécessairement qu’il y aura condamnation. Ainsi, la première fois, il serait possible de transiger, mais la suivante, si vous n’entrez toujours pas dans les clous, on en reviendrait au fonctionnement classique de la justice : enquête, procès et jugement.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    La troisième fois, en fait. L’amendement est en réalité plus généreux que dans la présentation que j’en ai faite : il permet de recourir jusqu’à deux fois à une convention judiciaire !

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Nous sommes un peu jaloux, car nous aurions aimé déposer un tel amendement. Par respect pour nos collègues du groupe GDR, nous ne l’avons pas fait, mais il résulte d’une juste conception de ce que doit être une convention judiciaire appliquée à l’écologie.
    À ce propos, la mission chargée d’évaluer les relations entre justice et environnement, dont j’ai relu ce matin encore le rapport – d’une grande qualité –, émet de très importantes réserves au sujet de la convention judiciaire écologique, expliquant bien que cette dernière devrait être homologuée lors d’une audience publique.
    À mon avis, la mission serait donc tout à fait favorable à la restriction proposée par nos collègues, qui relève du bon sens : on ne recourt pas tous les jours à la réparation. Si vous partagez notre analyse, monsieur le ministre, mais que vous ne voulez pas inscrire cette disposition dans la loi, peut-être pourriez-vous faire valoir cette exigence dans une circulaire de politique pénale.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Monsieur Lecoq, j’aurais aimé vous faire plaisir en sous-amendant votre amendement, mais il se trouve que celui-ci est inopérant en matière de limitation de la récidive. En effet, celui qui veut récidiver le fera, quoi qu’il arrive : après un premier recours à la convention, il y aurait un procès – pas forcément plus dissuasif que la CJIP, d’ailleurs. D’une certaine manière, on tourne en rond. Je ne veux pas qu’il y ait d’effet mécanique, automatique : je préfère, je le répète, que les sanctions soient individualisées.

    (L’amendement no 12 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 31.

    M. Alain David

  • partager

    Afin de pallier l’opacité propre à la procédure de convention judiciaire d’intérêt public et de renforcer le caractère dissuasif des sanctions pécuniaires, il importe, dans un souci de transparence, que les conclusions de la CJIP soient publiées dans la presse locale. En la matière, la publicité ne doit pas se limiter à internet, où dans la plupart des cas ce type d’information doit être recherché de manière proactive pour être trouvé.  

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    En commission, nous avons déjà décidé d’accroître l’obligation de publicité en adoptant mon amendement prévoyant une publication sur les sites internet du ministère de la justice et du ministère chargé de l’environnement…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Eh oui !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    …en plus de celle qui est faite dans la commune où l’infraction a été commise.
    Il existe donc désormais trois publications officielles, de portée locale et nationale, et accessibles à tous. En tout état de cause, il me semble que les journaux locaux relaieront l’information – non pas parce que la loi les y oblige, mais parce qu’il relève de leur vocation de rendre compte de ce qu’il se passe dans les territoires. Par conséquent, avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    En réalité, si la CJIP fonctionne, ce n’est qu’en raison de son caractère incitatif. Non seulement les amendes peuvent atteindre des montants faramineux, mais l’obligation de publicité, qui ne concernait initialement que l’échelon communal, a été étendue aux sites du ministère de la justice et du ministère chargé de l’environnement. Aux yeux du Gouvernement, cela est tout à fait suffisant. Par conséquent, avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    J’entends vos arguments et je constate que l’amendement que nous avions déposé a eu un effet indirect, puisque la publicité de la convention a été étendue en commission des lois : je vous en remercie.
    Mais dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, des amendements avaient été adoptés qui visaient à assurer la publication des décisions de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes dans un organe de presse habilité à recevoir des annonces judiciaires et légales, et prévoyaient des sanctions en cas de non-respect de cette obligation. En l’état actuel du texte, la publicité relative aux CJIP serait donc plus importante en matière financière qu’en matière écologique. Or la nature des préjudices portés à l’environnement appelle beaucoup de pédagogie.
    J’entends bien que la liberté de la presse s’exerce aussi en matière environnementale, et qu’on ne sera pas poursuivi pour une annonce dénonçant une entreprise qui s’est mal comportée – c’est très important de le préciser aujourd’hui, et c’est désormais inscrit au compte rendu de nos débats.
    Cependant, les dispositions de l’article 8 ne nous semblent pas tout à fait satisfaire aux exigences du rapport « Une justice pour l’environnement », réalisé à l’initiative du ministère de la justice et du ministère chargé de l’environnement, et qui prévoit que pour « gommer le caractère occulte [de la convention judiciaire d’intérêt public], une procédure d’homologation devrait avoir lieu au cours d’une audience publique au cours de laquelle les différentes parties prenantes ayant un intérêt à agir pourraient faire valoir leur opinion ».
    Vous constaterez que nous sommes tout de même bien loin du dispositif préconisé par la mission. C’est pourquoi nous vous proposions de compenser l’absence d’une telle audience publique par une obligation renforcée de publicité dans la presse.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    L’information doit être disponible sur des sites où chacun peut consulter le détail de ce qui s’est fait, de ce qui s’est passé ; encore faut-il pour cela qu’il sache qu’il s’est passé quelque chose. Au contraire, la presse locale, notamment écrite, est une presse qui va vers les gens. Vous la trouvez dans les bars, dans les restaurants, pour peu qu’ils soient ouverts ; vous y découvrez beaucoup de choses, car il s’y trouve quantité d’annonces légales, obligatoires, ayant trait aux appels d’offres, à la gestion des communes. Nous utilisons cette presse écrite dans ce but. En l’occurrence, y insérer une annonce qui indiquerait seulement où trouver la suite, les détails, compléterait tout ce que vous prévoyez déjà.
    D’ailleurs, en elles-mêmes, vos dispositions sont bonnes : il ne s’agit pas du tout de les critiquer ; mais tout le monde n’est pas un champion du clic. Une annonce dans la presse de proximité permettrait non seulement d’aller vers les gens, mais de toucher même ceux qui n’ont pas accès au réseau, parfois pour des raisons techniques auxquelles j’espère que les opérateurs mettront bientôt un terme.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Avec l’arrivée de la 5G…

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    Je le répète, vous avez prévu une information de qualité ; complétons-la par ce dispositif, ne serait-ce que durant les deux ou trois prochaines années.

    (L’amendement no 31 n’est pas adopté.)

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    Cela n’aurait pourtant rien coûté au Gouvernement : la note était pour le condamné !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l’amendement no 68.

    M. Matthieu Orphelin

  • partager

    Cet amendement vise à étendre à nouveau les compétences des pôles régionaux spécialisés en matière environnementale, en élargissant celles-ci d’une part à tous les délits miniers, et non plus seulement à certains d’entre eux, d’autre part aux délits prévus par le code rural et de la pêche maritime et concernant, par exemple, l’aménagement foncier rural, la protection des animaux, la lutte contre les dangers zoosanitaires, la protection des végétaux ou encore les produits phytosanitaires. L’efficacité de cette juridiction spécialisée tient en grande partie à sa capacité à réunir tous les contentieux techniques ayant une forte incidence environnementale : tel est donc l’objet du présent amendement.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Monsieur Orphelin, vous proposez d’étendre les compétences des pôles environnementaux, déjà élargies en commission, à des délits prévus en dehors du code de l’environnement. Il y a là une vraie difficulté, car vous jetez un filet extrêmement vaste. Par exemple, le code minier contient des dispositions relatives aux délégués du personnel : un juge spécialisé en matière environnementale ne pourra trancher des litiges de nature sociale. Par conséquent, avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il est défavorable. Comme cela vient d’être rappelé, la commission a déjà étendu les compétences de ces pôles. Je serais tenté de vous dire : créons-les d’abord, nous aviserons ensuite ! Par ailleurs, si vous incluez dans leurs compétences l’intégralité du code minier, vous les retrouverez en effet à connaître de problèmes sociaux qui n’ont strictement rien à voir avec les questions environnementales.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Matthieu Orphelin.

    M. Matthieu Orphelin

  • partager

    Je remercie Mme la rapporteure et M. le ministre de ces précisions, mais elles portent uniquement sur le premier volet de l’amendement, sans doute trop vaste : peut-être la rapporteure ou le ministre pourraient-ils le sous-amender ? Je veux bien que nous laissions les choses en l’état ; j’entends le ministre nous dire qu’il faut créer ces pôles avant de songer à leurs compétences ; mais c’est dommage, car celles-ci auront des lacunes dès le départ. Je ne vois pas de problème à commencer ainsi, mais c’est une erreur. Encore une fois, il se peut que la partie de l’amendement qui concerne le code minier ait été trop large ; reste qu’en rejeter l’autre partie entraînera des vides concernant des sujets dont vous connaissez l’importance, notamment les produits phytosanitaires et le bien-être animal. Enfin, va pour ce dispositif à trous !      

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je souscris à cet amendement. Beaucoup d’autres, portant sur le crime d’écocide, la création de nouveaux délits, l’alourdissement des sanctions, ont été jugés irrecevables. En outre, cette partie du texte a été rédigée en vue de répondre aux préconisations de la convention citoyenne sur le climat. Nous ne voudrions pas que tous vos projets de loi se réduisent finalement à des opérations de com’ ! Il faut explorer le sujet jusqu’au fond, dans sa globalité, et non bricoler en attendant un quelconque texte portant diverses dispositions relatives à l’environnement. Nous n’avons jamais que des discussions complètement décousues : j’aimerais que nous puissions aller au fond des choses. Des propositions ont été formulées par des associations, reprises par des parlementaires ; des gens ont bossé ; il serait dommage que pour finir, encore une fois, vous décidiez d’en rester à la version initiale du texte, parce que c’est comme ça, et de renvoyer la suite au prochain épisode. Ce n’est pas une bonne manière de légiférer.  

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Monsieur Bernalicis, je ne peux vous laisser dire que nous faisons de la communication.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    J’espère que ce n’est pas le cas.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    La commission des lois a adopté sept articles additionnels touchant à l’environnement. Nous avons progressé à grands pas et créé ce qui n’existait pas jusqu’à présent : une juridiction spécialisée…

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Ça existe déjà !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    …en matière environnementale, ayant ses parquetiers et ses magistrats du siège dans chaque cour d’appel. Ce sont bien là des avancées !

    (L’amendement no 68 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Alain Perea, pour soutenir l’amendement no 135.

    M. Alain Perea

  • partager

    Le texte prévoit la possibilité de faire appel à des assistants spécialisés qui seraient des fonctionnaires du ministère chargé de l’environnement. Cet amendement vise à ce qu’ils puissent également être issus des ministères chargés de l’agriculture et de l’économie. Ce n’est pas un grand amendement de fond, mais nous parlions hier des compétences nécessaires pour mener à bien les différentes sortes d’instruction : en matière environnementale, la plupart des contentieux sont étroitement liés à des questions agricoles et économiques. Il serait dommage de nous priver de l’expertise des fonctionnaires de qualité que comptent ces ministères. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

  • partager

    Sur l’article 8, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je remercie Alain Perea de son excellent amendement. En effet, l’environnement n’est pas seulement l’affaire du ministère de la transition écologique : l’agriculture et l’économie sont également concernées, plus encore dans le cadre de cette transition. L’expertise des fonctionnaires compétents apportera donc une réelle plus-value. Avis très favorable.  Excellent ! » sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Pour moi est venue l’heure de la sagesse. (Sourires.)

    Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Pourvu que ça dure !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

  • partager

    Compte tenu de l’avis de sagesse du Gouvernement, je voudrais ajouter deux mots. Chacun a conscience de l’extrême importance, dans la chaîne pénale, des assistants spécialisés, qui apportent aux juridictions l’expertise dont elles ont besoin. Ils existent déjà au sein des JIRS, les juridictions interrégionales spécialisées, au sein des pôles de l’instruction, au sein du PNF, le parquet national financier ; nous les avons étendus au PNAT, le parquet national antiterroriste ; ce texte en prévoit au sein des pôles environnementaux, mais ce seraient uniquement des fonctionnaires du ministère chargé de l’environnement. Or les assistants spécialisés ne sont soumis qu’à deux obligations : avoir une qualification particulière et appartenir aux catégories A ou B. Cette restriction est donc quelque peu excessive par rapport aux dispositions relatives aux autres assistants spécialisés. Par conséquent, l’amendement d’Alain Perea se trouve bienvenu pour rétablir une certaine cohérence.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Je suis un peu surprise : nous constatons que nous manquons d’experts, que toutes les expertises sont bienvenues, et je vous rejoins sur ce point ; en revanche, nous n’observons pas que les associations de protection de l’environnement sont les premiers spécialistes du territoire en matière environnementale, si bien qu’elles ne peuvent être convoquées à ce titre. La diversité des participants fait la richesse des réflexions : c’est une faiblesse de ce dispositif que d’être concentré sur les administrations. Nous considérons que les associations devraient y prendre part.    

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    Pour ma part, je trouvais bon que ces assistants spécialisés soient issus du ministère de la transition écologique. Cela n’empêcherait pas de faire par ailleurs appel aux experts dont le besoin se fait sentir, qu’ils viennent d’autres ministères ou d’associations. Je ne conçois pas l’assistant spécialisé comme quelqu’un que l’on auditionne sur un point précis, mais comme accompagnant l’ensemble de la procédure et, de concert avec le procureur, sollicitant éventuellement d’autres experts. Qu’en est-il, monsieur le ministre ? Est-il nécessaire que tous les experts désignés dans le cadre d’une enquête aient la qualité d’assistant spécialisé ? Ne peuvent-ils être entendus sans cela ?

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Il faudrait créer une école !

    (L’amendement no 135 est adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix l’article 8, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        65
            Nombre de suffrages exprimés                59
            Majorité absolue                        30
                    Pour l’adoption                56
                    Contre                3

    (L’article 8, amendé, est adopté.)

    Après l’article 8

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de deux amendements, nos 33 et 21, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 33.

    M. Alain David

  • partager

    Cet amendement suggéré par France nature environnement vise à doter d’une base légale la rétention d’une personne mise en cause qui refuse de donner son identité. Il répond d’ailleurs à la recommandation no 6 du rapport interministériel « Une justice pour l’environnement ».

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l’amendement no 21.

    M. Matthieu Orphelin

  • partager

    Il a le même objectif que l’amendement précédent et répond à la même recommandation.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Ces amendements sont satisfaits, notamment par les dispositions adoptées en commission : désormais, au lieu que les inspecteurs de l’environnement doivent solliciter un officier de police judiciaire afin d’établir l’identité du contrevenant, le parquet pourra les autoriser à agir en vertu de leurs propres pouvoirs de police judiciaire, droit de retenue compris. Ils seront ainsi en mesure de procéder aux contrôles sans assistance extérieure. Par conséquent, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Pour les raisons qui viennent d’être exposées, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Je vous remercie de ces explications, qui auront le mérite de figurer au compte rendu de nos débats, consacrant le rôle judiciaire des inspecteurs de l’environnement. Leur impuissance leur était insupportable. Nous retirons notre amendement.

    (L’amendement no 33 est retiré.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Matthieu Orphelin.

    M. Matthieu Orphelin

  • partager

    Merci de ces explications nécessaires, et merci à France nature environnement de nous avoir alertés à ce sujet. Je retire également mon amendement.

    (L’amendement no 21 est retiré.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour soutenir l’amendement no 50.

    Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

  • partager

    Je commencerai par saluer ce projet de loi, qui constitue une grande avancée pour notre pays. Ne sous-estimons pas les progrès qui sont réalisés dans le domaine de la justice environnementale.
    La réponse pénale environnementale repose sur trois piliers : l’établissement de règles, la réalisation de contrôles et l’application de sanctions. Nous devons améliorer son efficacité, ce qui implique de la rendre plus rapide, de former un plus grand nombre de juges spécialisés et d’assurer une meilleure communication entre les services. Ce sont justement les buts poursuivis par cet amendement, qui prévoit l’échange d’informations ou de documents entre les fonctionnaires et agents publics chargés du contrôle en matière administrative et ceux qui sont habilités à rechercher et constater des infractions pénales. Inséré parmi les dispositions communes du code de l’environnement, l’article qu’il est proposé de créer serait applicable tant à la phase administrative qu’à la phase judiciaire. Il faciliterait les procédures et les rendrait ainsi plus lisibles.
    Une telle évolution répondrait à l’une des attentes de la convention citoyenne pour le climat, à savoir que les atteintes à l’environnement soient sanctionnées plus efficacement et rapidement.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Il est favorable : cet amendement tend à compléter les prérogatives judiciaires des inspecteurs de l’environnement que nous venons d’évoquer. Il est tout à fait cohérent que les informations qu’ils collectent dans le cadre de leurs missions nourrissent les enquêtes et les investigations administratives.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Le 9 décembre 1893, Vaillant jetait dans l’hémicycle une bombe pour venger Ravachol. Les temps sont apaisés, je suis favorable à l’amendement. (Rires.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Cet amendement répond pleinement aux objectifs que nous souhaitons donner au texte : une plus grande réactivité sur le territoire et davantage de fongibilité et de mutualisation. Le groupe Socialistes et apparentés le votera.

    (L’amendement no 50 est adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 88.

    M. Jean-Félix Acquaviva

  • partager

    Il a pour but la mise en place d’une conférence de consensus à l’échelle d’un territoire, qui permettrait de mettre en perspective les différentes lignes directrices d’une politique pénale efficace en matière environnementale. Il nous semble que, grâce à la participation de l’ensemble des acteurs concernés, une telle conférence permettrait de mener une réflexion sur les pratiques en matière de justice pénale de l’environnement. Le but serait d’objectiver les termes du débat sur la prévention de la récidive, de rechercher les moyens de les mettre à disposition du grand public au-delà des seuls spécialistes, et de proposer les termes d’un consensus constructif sur les mesures à mettre en œuvre. Ce type de conférence a déjà fait la preuve de son utilité dans le domaine médical. Le présent amendement propose d’en organiser au niveau de chaque cour d’appel, sous la supervision du parquet général.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je ne suis pas favorable à cette sorte de « grand-messe », dont le caractère ponctuel, de surcroît, me gêne. Vous connaissez la surcharge dont souffrent les tribunaux de longue date. Nous tentons d’y répondre par l’augmentation du budget de la justice ou la simplification de certaines procédures. La juridiction spécialisée dans l’environnement que nous sommes sur le point de créer aura d’ailleurs aussi pour effet de décharger les autres tribunaux. Je préfère que le type de rendez-vous que vous proposez soit organisé au cas par cas, en fonction de la situation de chaque territoire. Comme vous le savez, la justice en matière environnementale n’est pas partout un sujet d’actualité.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’approuve la mesure que vous proposez, monsieur le député, mais je m’arrêterai hélas en bon chemin : elle relève en effet du règlement et non de la loi. Je suis donc au regret de vous indiquer que le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

    (L’amendement no 88 n’est pas adopté.)

    Article 8 bis A

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

  • partager

    Je me trouve quelque peu dépité et orphelin au moment de prendre la parole sur cet article, car notre groupe souhaitait défendre un amendement qui aurait pu faire date. Il aurait en effet consolidé et précisé, plus qu’il ne l’aurait corrigée, la loi de 2017 relative au droit de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres. Celle-ci a permis de lever l’obstacle d’extraterritorialité, ce voile juridique qui séparait les sociétés, en conférant aux donneurs d’ordres la responsabilité de leurs actes au sein de leurs sous-traitants et filiales. Cette loi, que beaucoup considèrent comme un jalon historique de l’entreprise de moralisation du capitalisme et de la mondialisation, a subi quelques bégaiements lors de ses premières applications du fait des hésitations de la puissance judiciaire. En tant que législateur et rapporteur de cette loi, je crois pour ma part qu’elle n’était porteuse d’aucune ambiguïté – un avis partagé par de nombreux experts. Il n’en demeure pas moins qu’à l’usage, le doute s’est installé quant à la juridiction compétente.
    Sur proposition d’ONG spécialisées qui avaient soutenu cette loi avec beaucoup de force, nous avons eu l’idée, avec le groupe Socialistes et apparentés, ainsi qu’avec Matthieu Orphelin et certains de ses collègues, de conférer aux juridictions spécialisées en matière d’environnement la compétence pour connaître des actions relatives au devoir de vigilance. En commission, le plaidoyer de mon collègue Orphelin a permis d’ouvrir un dialogue de grande qualité dont je vous remercie, monsieur le ministre. Vous nous avez conduits plus loin que là où nous pensions aller. C’est à la fois rare et peut-être paradoxal, mais je tiens à souligner que ce débat fut un grand moment parlementaire de dialogue avec l’exécutif. Il nous a été indiqué qu’une juridiction nationale et spécialisée, quelle qu’elle soit – nous avons évoqué plusieurs tribunaux –, par son expertise et son savoir, pourrait trancher cette question et consolider un élan qui est désormais européen.
    En effet, à l’invitation du commissaire européen à la justice, les parlementaires européens instruisent actuellement une directive européenne sur le devoir de vigilance qui fait débat dans le cadre d’un trilogue. Or la France est souvent sollicitée pour son expertise législative en ce domaine. Nous aurions aimé apporter la preuve que l’application de la loi du 27 mars 2017, qui touche aux droits humains et aux écocides, relève définitivement des juridictions civiles et non des tribunaux de commerce – du moins, dans leur acception française.
    Nous avons donc déposé un amendement sur le sujet, mais il a été jugé irrecevable. C’est un rendez-vous raté. Après y avoir beaucoup réfléchi, nous sommes pourtant convaincus que la spécialisation des juridictions est la solution. Il n’existe pas de dégât causé à l’environnement qui n’ait de conséquences humaines : tout a partie liée. La science et l’expérience démontrent que droits humains et droits de l’environnement sont liés.
    Après ce rendez-vous raté, je voudrais que nous nous engagions, au moins moralement, à saisir tout véhicule législatif qui permettrait à la France de rester pionnière dans ce domaine.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Matthieu Orphelin.

    M. Matthieu Orphelin

  • partager

    Notre collègue Dominique Potier l’a dit : nous avons failli vivre un moment comme nous les aimons tant à l’Assemblée nationale. Après une première discussion en commission pendant laquelle M. le ministre a fait preuve d’ouverture – ce dont je le remercie –, puis un travail effectué par les députés de la majorité comme de l’opposition avec le soutien de Mme la rapporteure et la participation active des membres du cabinet du ministre, nous avons élaboré un amendement qui, sur le devoir de vigilance, allait plus loin que ce que nous avions souhaité en commission et faisait consensus – seuls certains lobbys industriels auraient pu être mécontents, mais tant pis pour eux ! Or cet amendement a finalement été jugé irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. Avec Dominique Potier, nous avons formellement contesté cette décision, considérant qu’il a bien un lien indirect, voire direct, avec le texte.
    Nous avons donc failli aboutir. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, sera-t-il possible d’examiner cette question lors de l’examen du projet de loi issu de la convention citoyenne pour le climat – il sera présenté en conseil des ministres le 27 janvier –, ou dans celui du futur projet de loi sur la justice ?

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’ai presque du chagrin, messieurs les députés, à l’idée de vous avoir fait manquer ce moment que vous appeliez tant de vos vœux. Pour me faire pardonner, je vous informe des vecteurs législatifs s’offrent à nous pour réexaminer ces questions : soit le projet de loi issu de la convention citoyenne, soit un futur projet de loi tendant à réformer la justice. Dans l’immédiat, nous attendons évidemment avec intérêt et même une certaine gourmandise l’arrêt de la cour d’appel de Versailles.
    Il est donc un peu prématuré d’aller dès maintenant là où vous souhaiteriez aller, mais nous irons ensemble prochainement.

    (L’article 8 bis A est adopté.)

    Article 8 bis B

    M. le président

  • partager

    L’amendement no 150 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

    (L’amendement no 150, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 18 et 36.
    L’amendement no 18 de M. Matthieu Orphelin est défendu.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 36.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Il vise à permettre aux victimes d’adresser directement une plainte aux fonctionnaires et agents de l’administration chargés de certaines fonctions de police judiciaire, et à ceux-ci de les recueillir. Il s’agit de simplifier la démarche tant pour le bureau d’ordre du parquet que pour les victimes, dont les plaintes seraient regroupées au sein d’une seule procédure. Les victimes ainsi identifiées, souvent oubliées à l’issue de l’enquête, pourraient ainsi être plus souvent invitées à participer aux procédures alternatives ou aux poursuites pour demander réparation. L’objectif est d’améliorer, en le simplifiant, l’accès à la justice pénale, en évitant une procédure ultérieure devant une juridiction civile.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je ne suis pas certaine que ces amendements simplifient ou améliorent l’accès à la justice comme vous l’espérez. Ils me semblent plutôt de nature à complexifier un système aujourd’hui très simple, que les justiciables ont très bien identifié : ils savent que c’est auprès de la police, de la gendarmerie ou du procureur de la République qu’ils peuvent porter plainte. Le système que vous proposez imposerait que des bureaux de plaintes soient ouverts dans les douanes, dans les services fiscaux, dans les services de l’environnement, aux affaires maritimes – presque partout, en fait. En conférant des prérogatives de police judiciaire aux inspecteurs de l’environnement, la commission des lois souhaite en faire des enquêteurs efficaces et non des agents devant enregistrer les plaintes derrière un guichet – une tâche à laquelle ils ne sont pas formés, et dont d’autres s’acquittent très bien. Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il est défavorable, exactement pour les mêmes raisons. Les dispositions que vous proposez complexifieraient la procédure. Je ne suis pas du tout convaincu qu’elles rendraient service aux victimes, bien au contraire.

    (Les amendements identiques nos 18 et 36 ne sont pas adoptés.)

    (L’article 8 bis B, amendé, est adopté.)

    Article 8 bis C

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 15 et 89.
    L’amendement no 15 de M. Martial Saddier est défendu.
    La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 89.

    M. Paul Molac

  • partager

    Nous proposons de supprimer l’alinéa 3 qui restreint le champ des prérogatives judiciaires des inspecteurs de l’environnement en leur retirant les moyens dédiés à la lutte contre les délits commis en bande organisée. Or il est incontestable que ceux-ci constituent la majeure partie des délits d’atteinte à la biodiversité.
    Ces inspecteurs sont des professionnels de l’environnement, formés depuis de nombreuses années aux missions de police judiciaire. Ils maîtrisent la technicité de la procédure pénale et participent régulièrement dans le cadre de l’article 28 du code de procédure pénale à des commissions rogatoires, sous l’autorité de juges d’instruction. Malgré leur faible effectif, ils ont été en mesure d’identifier 31 % des 65 405 infractions relevant des atteintes à l’environnement.
    Ces spécialistes de l’environnement et du droit ne comprennent pas pourquoi on veut leur enlever cette possibilité d’agir contre les bandes organisées.  

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Certes, monsieur Molac, il ne faut pas introduire trop de contraintes dans la conduite des enquêtes au risque de nuire à leur bon déroulement. Toutefois, supprimer cet alinéa serait aller un peu trop loin. Rappelons qu’il s’agit d’infractions commises en bande organisée punies de sept ans d’emprisonnement, autrement dit d’infractions graves commises par des groupes structurés potentiellement dangereux face auxquels il n’est pas forcément judicieux que des inspecteurs de l’environnement, pour des raisons de complexité, de technicité mais aussi de sécurité personnelle, se retrouvent seuls pour investiguer, perquisitionner et procéder à des interpellations.
    Ce sont des tâches qui me semblent requérir l’action de professionnels particulièrement formés – il ne s’agit pas de pollutions classiques –, raison qui a sans doute poussé le Gouvernement à prévoir cette rédaction dans l’amendement adopté en commission dont cet article est issu.
    Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je pense qu’on ne peut pas exposer les inspecteurs de l’environnement aux dangers du grand banditisme, d’autant qu’il leur est toujours possible de réaliser des enquêtes en matière de criminalité organisée dans le cadre d’une cosaisine avec un service spécialisé.
    Spécialistes de l’environnement, ils le sont – c’est indiscutable –, spécialistes du droit également, mais spécialistes de la grande criminalité, certainement pas. Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Frédérique Tuffnell.

    Mme Frédérique Tuffnell

  • partager

    Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre : que les officiers de police judiciaire de l’environnement soient obligés d’opérer avec les officiers de police judiciaire classiques s’agissant de la criminalité en bande organisée ne me choque absolument pas. Nous savons très bien que cela se justifie par la nature même des réseaux de trafics, particulièrement ceux qui portent sur les espèces sauvages protégées ou celles inscrites dans la convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d’extinction. N’oublions pas que le commerce illégal d’animaux sauvages se situe au quatrième rang des plus grandes activités criminelles au monde.
    Sur ce type d’infractions, les OPJ de l’environnement vont pouvoir collaborer avec les OPJ ordinaires, généralement dans le cadre d’une information judiciaire, sous l’autorité d’un juge d’instruction. C’est la raison pour laquelle le groupe Dem sera défavorable à ces amendements.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

  • partager

    Soyons attentifs à l’origine de ces amendements identiques : ils correspondent à une demande adressée par un administrateur de l’Office français de la biodiversité et non par l’OFB lui-même, qui ne réclame pas particulièrement cette évolution.
    De quoi est-il question ? Nous voulons donner aux enquêteurs de nouvelles prérogatives, que nous sommes en train de construire, d’une certaine manière à titre expérimental. Il va falloir que les choses se mettent en place. Mener des enquêtes quand il s’agit de crimes et délits commis en bande organisée n’a rien d’évident. Si les inspecteurs de l’environnement pouvaient intervenir en ce domaine, ils devraient être en mesure d’utiliser des techniques spéciales d’enquête comme les interceptions téléphoniques, les accès à distance sur les données électroniques, l’insonorisation ou l’infiltration. Ce sont des techniques extrêmement encadrées. Dans la loi du 23 mars 2019, j’ai le souvenir que nous avions eu beaucoup de discussions au sujet de leur extension, que le Conseil constitutionnel a voulu ensuite limiter. Dans ces conditions, nous devons être particulièrement vigilants.
    Par ailleurs, nous souhaitons que ces nouveaux OPJ spécialisés puissent assister les OPJ qui s’occupent traditionnellement de la criminalité organisée.
    Le groupe LaREM votera donc contre ces amendements : premièrement, cette modification n’est pas expressément demandée par l’OFB ; deuxièmement, il faut établir un cadre protecteur s’agissant de la procédure et des compétences toutes particulières qu’il faut savoir mobiliser pour mener ce type d’enquêtes. Il me paraît plus simple que les OPJ ayant l’habitude d’enquêter sur la grande criminalité soient présents pour sécuriser les procédures et couvrir, en quelque sorte, les inspecteurs de l’environnement.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Donner aux agents de diverses administrations des qualifications similaires à celles des OPJ, je dis bien « similaires », pour mener des enquêtes est une évolution à laquelle je crois beaucoup. Dans le rapport d’information sur l’évaluation de la lutte contre la délinquance financière, Jacques Maire et moi-même en avions souligné les avantages. Les officiers fiscaux judiciaires ont été créés au sein de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales – OCLCIFF – sont désormais intégrés au sein de la police fiscale de Bercy. Ils sont dotés de toutes les compétences judiciaires particulières, en plus de leurs compétences techniques initiales. Ce mode d’organisation fonctionne bien et il est très apprécié par les magistrats. À partir du moment où ils ont une formation judiciaire, ils doivent pouvoir agir comme n’importe quel OPJ.
    Nous pourrions imaginer, au-delà des inspecteurs de l’Office français de la biodiversité, doter de pouvoirs de police judiciaire des agents des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement – DREAL – pour la surveillance des installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE – ou des inspecteurs des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – URSAFF. Cela apporterait des garanties supplémentaires puisque ces agents opéreraient dans le cadre non pas seulement d’une procédure administrative mais d’une procédure judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Cela renforcerait l’efficacité des enquêtes et l’implication des agents, qui connaissent bien leur métier et qui sont des passionnés. Il faut que l’on tende vers cela dans divers domaines.
    Je soutiens donc ces amendements.

    (Les amendements identiques nos 15 et 89 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Frédérique Tuffnell, pour soutenir l’amendement no 126.

    Mme Frédérique Tuffnell

  • partager

    Nous avons procédé à une vérification avec vos services, monsieur le ministre : les infractions portant sur les produits phytopharmaceutiques ont été oubliées dans la rédaction de l’alinéa 3. Or celles-ci sont susceptibles de relever des juridictions spécialisées en matière environnementale. Nous voulons remédier à cette incohérence par cet amendement.
    Des articles très précis déterminent les peines encourues pour la diffusion sans agrément de tels produits. Les infractions qui les concernent sont souvent commises en bande organisée. Il me semble donc nécessaire de prendre en compte ces infractions dans cet alinéa.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Votre amendement est cohérent avec les exceptions déjà prévues à l’article 8 bis. Les mêmes causes, à savoir la présence d’un groupe structuré en bande organisée, le quantum de la peine encourue, les techniques spéciales d’enquête susceptibles d’être mobilisées, semblent devoir produire les mêmes effets, à savoir une cosaisine des inspecteurs de l’environnement et des forces de sécurité intérieure.
    Toutefois, il y a une limite qui va m’amener à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement : les inspecteurs de l’environnement sont compétents pour constater les infractions prévues dans le code de l’environnement mais pas celles inscrites dans le code de la santé publique, ce qui est tout à fait logique. Votre amendement est donc satisfait : les inspecteurs de l’environnement ne pourront jamais agir seuls s’agissant des produits phytosanitaires. Si jamais une affaire particulière appelle leur intervention, aux yeux du juge, celle-ci s’effectuerait forcément dans le cadre d’une cosaisine.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Tout a été dit, monsieur le président : avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Retirez-vous votre amendement, madame Tuffnell ?

    Mme Frédérique Tuffnell

  • partager

    Oui, monsieur le président.

    (L’amendement no 126 est retiré.)

    M. le président

  • partager

    Les amendements nos 151 et 152 de Mme la rapporteure sont rédactionnels.

    (Les amendements nos 151 et 152, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    (L’article 8 bis C, amendé, est adopté.)

    Après l’article 8 bis C

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Benoit Simian, pour soutenir les amendements nos 74, 72, 71 et 69, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Benoit Simian

  • partager

    Ces amendements portent sur les gardes particuliers : garde-chasses, gardes forestiers, garde-pêches.
    L’amendement no 74 vise à leur donner davantage de pouvoirs. Avec mon collègue Alain Perea, coprésident du groupe d’études « Chasse et territoires », nous avions déjà évoqué cette évolution lors de l’examen de la loi portant création de l’Office français de la biodiversité. Il s’agit de reconnaître le travail qu’ils effectuent et d’en faire en quelque sorte les auxiliaires des inspecteurs de l’environnement.
    J’appelle l’attention de mes collègues. Pour la plupart, ce sont des bénévoles de la République, au service de la police de la ruralité, que nous devions mettre en place et qui est finalement restée lettre morte. Entre 2006 et 2020, leur nombre est passé de 27 000 à 8 800. Si nous ne reconnaissons pas le travail de ces protecteurs de l’environnement sur notre territoire, ce serait un très mauvais signal.
    Par cet amendement et les suivants, nous souhaitons faire évoluer les missions des gardes particuliers en leur donnant les pouvoirs qu’ils méritent.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    J’ai d’abord cru, monsieur Simian, que votre amendement no 74 se contentait de faire une présentation générale de dispositions existantes en dressant la liste des agents habilités à constater les infractions environnementales. En réalité, la rédaction que vous avez retenue va au-delà de cet objectif. Inscrire dans les dispositions communes du code de l’environnement les gardes particuliers assermentés sans préciser que leurs compétences sont limitées territorialement à la propriété qu’ils surveillent risque d’accroître leur capacité d’action.
    De la même manière, viser tous les « fonctionnaires et agents des administrations et services publics chargés de certains pouvoirs de police judiciaire » risque d’inclure les douaniers et inspecteurs du fisc dans un secteur dans lequel, vous le comprenez bien, ils ne sont pas censés intervenir.
    Il y a trop de zones de flou dans la rédaction de cet amendement no 74. Demande de retrait ou avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    L’idée d’étendre les pouvoirs des gardes particuliers m’intéresse, vous l’imaginez bien. Toutefois, votre rédaction crée une véritable confusion et je ne peux qu’adhérer aux explications claires, précises et pertinentes fournies par Mme la rapporteure. (Sourires.) Même avis.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Benoit Simian.

    M. Benoit Simian

  • partager

    Compte tenu de ce flou que vous me reprochez, je vais retirer l’amendement no 74. J’espère qu’il y aura des discussions à ce sujet avec les services du garde des sceaux. Je sais que Mme la ministre de la transition écologique est favorable à des avancées en ce sens, nous y avons énormément travaillé.
    Je vais défendre plus en détail mes autres amendements.
    Le no 72 tend à habiliter les gardes assermentés mandatés par un propriétaire privé à constater des infractions relatives à la circulation de véhicules tels que des motos ou des quads sur des domaines privés.
    Le no 71 vise à étendre certaines compétences des gardes des fédérations départementales de chasseurs à tous les garde-chasses.
    Quant au no 69, le plus fourni, il donne plus de pouvoirs aux gardes particuliers, notamment en leur permettant de passer du timbre-amende au procès-verbal électronique. Il adapte notre droit et étend leurs prérogatives, en rétablissant l’article L. 231 du code forestier dans sa version antérieure à 2012, date à laquelle celles-ci ont été réduites.

    (L’amendement no 74 est retiré.)

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements restant en discussion ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    L’amendement no 72 est satisfait par la loi « Sécurité globale », défendue par mes collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue : je vous renvoie à son article 29 bis relatif aux questions liées à la circulation.
    Avec l’amendement no 71, nous entrons dans des aspects plus pointus de la police de la chasse. Je ne suis pas une spécialiste même si je respecte infiniment la chasse et les chasseurs.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’espère bien !

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    C’est bien de le dire !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    C’est un message aussi clair que sincère !
    Vous souhaitez que les garde-chasses privés puissent ordonner aux personnes qu’ils contrôlent de révéler leurs effets personnels pour vérifier qu’elles ne viennent pas se livrer à un braconnage. Cela me semble une atteinte difficilement justifiable. Elle doit pouvoir être évitée par d’autres dispositifs tels que la surveillance des lieux ou des pratiques.
    Enfin, avec l’amendement no 69, il me semble que vous augmentez de manière très nette le périmètre d’action des gardes particuliers assermentés, qui deviendraient une véritable police auxiliaire. Cela me semble excessif et éloigné de l’objet du projet de loi.
    Sur ces trois amendements, l’avis est donc défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ce sera la même position pour le Gouvernement, monsieur le président.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Cela inclut donc la déclaration d’affection à la chasse de Mme la rapporteure, à n’en pas douter, monsieur le garde des sceaux. Nous le savons déjà et c’est une chose que nous apprécions.
    Quelques mots, mes chers collègues, sur ces questions relatives aux gardes particuliers qui paraissent sans doute bien lointaines aux yeux de nos collègues urbains – et je ne cherche pas à établir un clivage artificiel en disant cela. Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas la protection des chasseurs et la volonté de ceux-ci de se prémunir contre je ne sais quoi mais des rythmes de vie et des pratiques de chasse liés à la nature. Il s’agit d’une garantie d’efficacité des dispositions du code rural et du code forestier dans l’intérêt collectif et le respect de l’environnement.
    Nous partageons un constat : les gardes particuliers, dont certains sont assermentés, ont été oubliés dans le nouveau code forestier de 2012. M. Simian s’est essayé à des propositions pour y remédier. Si l’article 29 bis de la proposition de loi relative à la sécurité globale résout le problème soulevé avec l’amendement no 72, tant mieux. Toutefois, ce texte étant encore en débat, la navette parlementaire se poursuivra sur l’article 29 bis, comme sur l’article 24, entre autres… Vous noterez d’ailleurs que je ne propose pas de créer une commission pour rédiger l’article 29 bis ! Quoi qu’il en soit, le problème soulevé avec l’amendement no 72 semble réglé ; je veux bien vous faire confiance.
    En revanche, les amendements nos 71 et 69 posent un problème de crédibilité : les garde-chasses particuliers ne peuvent pas contrôler le contenu d’une gibecière quand ils soupçonnent du braconnage, alors que les garde-pêches peuvent contrôler les pêcheurs. Pourquoi cette différence entre le poisson, d’une part, et le lapin, la perdrix ou la bécasse ? Un sanglier est certes plus visible, surtout s’il est costaud et fait 150 kilos, je le fais observer avec une pointe d’humour… (Sourires.) En tout cas, pour le petit gibier, il n’y a pas de raison d’empêcher les garde-chasses particuliers de faire des contrôles, tandis que les garde-pêches peuvent le faire pour les poissons. C’est une question de bon sens : il faut un parallélisme entre le gibier et le poisson, rien de plus, rien de moins. (Rires sur quelques bancs du groupe Dem.) Je vois que cela fait sourire M. Latombe, mais nous en sommes là, et c’est important !
    Enfin, je vous demande de faire un petit effort s’agissant de l’amendement no 69. La priorité reste toutefois d’aligner les modalités de contrôle du poisson et du gibier entre les garde-pêches et les garde-chasses particuliers. Ces derniers en seraient très heureux, d’autant que ces bénévoles, qui accomplissent un gros travail, sont parfois découragés. Leur nombre est d’ailleurs en chute vertigineuse : ils sont passés de 27 000 à 8 000 et, demain, pourraient ne plus être que 3 000, avant de disparaître totalement. Aidez-nous !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Benoit Simian.

    M. Benoit Simian

  • partager

    J’ai bien noté les arguments de Mme la rapporteure mais mes amendements ont surtout un objet d’appel. Un travail interministériel est nécessaire entre les ministères de l’intérieur, de la justice et de la transition écologique. Les premiers défenseurs de l’environnement, sur nos territoires, sont les gardes en question. Je dis souvent que les premiers écologistes de France sont les chasseurs, car ce sont des amoureux de la nature ; en l’occurrence, les gardes forestiers, les garde-chasses et les garde-pêches font un travail essentiel au plus près du terrain ; nous devons répondre à leurs demandes de reconnaissance. Il faut leur confier les outils nécessaires pour faire respecter le droit de l’environnement. C’est l’objet de mes amendements.
    Je retire les amendements nos 72 et 71, mais je maintiens le no 69.

    (Les amendements nos 72 et 71 sont retirés.)

    (L’amendement no 69 n’est pas adopté.)

    Articles 8 bis D à 8 bis

    (Les articles 8 bis D, 8 bis Eet 8 bis sont successivement adoptés.)

    Après l’article 8 bis

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 6 et 100.
    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 6.

    M. Alain David

  • partager

    Il vise à simplifier et à rendre opérationnel un régime de contrôle judiciaire environnemental, prenant la forme de mesures conservatoires applicables le temps de l’enquête – à partir des premières constatations jusqu’à l’audience de poursuite ou à la finalisation d’alternatives aux poursuites. Les secteurs concernés étant très précis, ces mesures s’avèrent rarement appliquées. Il s’agit donc de moderniser le régime existant et de l’étendre à toute la matière environnementale, pour permettre à l’autorité judiciaire d’empêcher que les dommages environnementaux se poursuivent après les premières constatations. La généralisation de cette procédure est nécessaire pour que les acteurs judiciaires se l’approprient avec efficacité, aux côtés de l’administration, des victimes et des associations agréées de protection de l’environnement, lesquelles peuvent les alerter de situations graves en saisissant directement le juge des libertés et de la détention.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Ce pourrait être un bon dispositif à terme, mais, contrairement à ce qui est envisagé dans l’amendement, il ne doit pas constituer une couche supplémentaire. Comme le recommande le rapport « Une justice pour l’environnement » de l’IGJ et du CGEDD – l’inspection générale de la justice et le conseil général de l’environnement et du développement durable –, la création d’un tel référé spécial en matière environnementale doit être précédée d’un bilan de l’existant. Dans les ordres judiciaire et administratif, il existe en effet des procédures de ce type qui fonctionnent bien : référé environnemental et référé civil.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Eh oui !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Il est important d’en dresser le bilan pour homogénéiser les conditions de mise en œuvre du référé. Rien ne servirait d’hypertrophier une procédure au détriment des compétences juridictionnelles en vigueur ; cela ne participerait pas d’une bonne administration de la justice. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

    M. le président

  • partager

    Souhaitez-vous ajouter un mot pour soutenir l’amendement no 100, M. Paul Molac ?

    M. Paul Molac

  • partager

    Déposé par M. Pancher, il vise à ce que des mesures puissent être prises dès les premières constatations, sans attendre le jugement, afin d’éviter une dégradation du milieu, voire des animaux – le préfet pouvant toutefois intervenir directement si ces derniers sont affectés. Comme vous l’expliquez, il s’agirait d’une forme de référé.
    La question mérite d’être posée ; je n’ai pas nécessairement la solution – et, n’étant pas l’auteur de l’amendement, je ne le retirerai pas. Cependant, la réponse de Mme la rapporteure ne me satisfait qu’à moitié car elle ne règle pas le problème.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    S’ils étaient adoptés, ils complexifieraient une procédure existante ; ils sont donc inopportuns. Actuellement, pour faire cesser rapidement un trouble environnemental, on saisit le juge des référés, qui statue en matière civile et possède une compétence plénière dans ce domaine. Je ne peux donc qu’être défavorable à ces amendements.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Je partage pleinement l’avis de M. le garde des sceaux, et je trouve même ces amendements particulièrement choquants ; ils vont trop loin. France nature environnement veut manifestement légiférer en lieu et place des législateurs, mais je ne vois pas ce qui justifierait de détourner la procédure existante – ou alors, il faudrait le faire dans l’ensemble du droit. C’est un excès de zèle exagéré.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Comme tous les excès de zèle !

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Il existe une spécificité française ; conservons-la.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Ce n’est pas parce qu’il existe une procédure qu’on ne peut pas imaginer d’autres dispositifs, vous en conviendrez. Nous savons tous que la dimension environnementale est largement sous-judiciarisée – les chiffres le démontrent. Notre préoccupation est de la remettre à niveau ; ce combat n’est ni excessif ni exorbitant.
    Quant à France nature environnement, elle joue son rôle, et nous sommes bien contents qu’elle nous alerte à propos de certaines situations.
    Cela étant, après avoir entendu les explications de Mme la rapporteure et de M. le garde des sceaux, nous retirons l’amendement no 6, qui s’avère prématuré.

    (L’amendement no 6 est retiré.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    J’entends vos remarques, en particulier celles de Mme Untermaier, et je ne nie pas que certaines situations appellent une vigilance environnementale, qui peut aussi s’exprimer au travers de nouvelles procédures. Toutefois, par principe, le plus possible et dans tous les domaines, nous devons avoir un corpus de droit commun.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Eh oui !

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Sinon, nous créerons des usines à gaz et des dispositifs mal maîtrisés, pratiquement exorbitants du droit commun. Nous devons avoir quelques grands principes et nous y tenir ; je ne suis donc absolument pas favorable non plus à ces amendements. Comme l’explique M. le garde des sceaux, notre droit positif comporte déjà plusieurs moyens d’action efficaces, comme le référé, en cas d’urgence.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Ils ne fonctionnent pas !

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Nous devons nous y tenir, à moins que nous n’envisagions un ensemble de procédures nouvelles et une refonte du code de l’environnement, avec les sanctions afférentes – mais ce serait ouvrir un autre débat, qui devrait se tenir en bonne et due forme, sur la place publique, et non au détour d’un amendement.

    (L’amendement no 100 n’est pas adopté.)

    Article 8 ter A

    (L’article 8 ter A est adopté.)

    Après l’article 8 ter A

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de deux amendements, nos 123 rectifié et 38 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 123 rectifié.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Il prévoit que des fonctionnaires puissent recevoir les plaintes dans le cadre de la procédure pénale. Cette proposition est issue du rapport sur l’évaluation de la lutte contre la délinquance financière que j’ai réalisé avec Jacques Maire. Il est apparu qu’en matière fiscale, une fois que les agents des impôts ont auditionné le contrevenant pour l’informer d’un redressement et de poursuites, le dossier est transmis aux policiers, qui doivent alors refaire la même audition pour qu’elle entre dans la procédure judiciaire. Ces policiers n’ont pourtant pas la compétence de prendre la plainte avec autant de finesse que les agents des impôts. Le même problème se pose en matière environnementale. Notez qu’il est également plus simple, pour ceux qui veulent déposer une plainte, de s’adresser directement aux fonctionnaires compétents dans le domaine de l’environnement, sans passer par un policier, qui ne possède pas la même capacité à caractériser l’infraction.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 38 rectifié.

    M. Alain David

  • partager

    Suggéré par l’association France nature environnement, il vise à permettre aux victimes d’adresser directement une plainte aux fonctionnaires et aux agents de l’administration chargés de certaines fonctions de police judiciaire, et à autoriser ceux-ci à les recueillir. Le regroupement des plaintes en une seule procédure constituerait une mesure de simplification, tant pour le bureau d’ordre du parquet que pour les victimes.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Nous avons eu cette discussion il y a quelques minutes. Je vous renvoie donc à mes propos précédents : cette mesure complexifierait davantage l’accès à la justice qu’elle ne le faciliterait. Je demande donc le retrait des amendements.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Même avis.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Nous n’avons pas eu exactement le même débat de procédure pénale précédemment.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Si !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Non, pas exactement.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure et M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Vous n’étiez pas là !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Alors j’en profite pour redonner mes arguments ! Je ne vois pas en quoi ce serait une complexification que d’autoriser un fonctionnaire à prendre une plainte et à la transmettre directement au parquet. Je tiens d’ailleurs à signaler que la proposition de loi relative à la sécurité globale – mais vous n’étiez pas là pour en débattre, monsieur le garde des sceaux (Rires sur les bancs du groupe GDR) – prévoit, en son article 1er, une expérimentation dans laquelle les agents de police municipale transmettront directement des infractions au parquet. Ce que vous trouvez génial d’un côté, vous le trouvez problématique et complexe de l’autre ! Où est votre cohérence ? Pour ma part, je garde la mienne.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Grand bien vous fasse.

    (Les amendements nos 123 rectifié et 38 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 39.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Il s’agit de permettre aux inspecteurs de l’environnement d’échanger des informations ou des documents avec les autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne et de favoriser ainsi une coopération interétatique plus efficiente en matière environnementale. Sauf erreur de ma part, ce dispositif n’a pas encore fait l’objet d’une discussion.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Vous demandez que les inspecteurs de l’environnement, auxquels le projet de loi confère déjà des prérogatives de police judiciaire, ce qui est novateur, je le répète, puissent, sans aucun contrôle, révéler un certain nombre d’éléments d’enquête à des États étrangers, et pas seulement à des États européens, dans le dos du parquet, si je puis dire, puisque celui-ci n’en serait pas informé.
    J’y suis totalement défavorable. Les échanges judiciaires internationaux se passent de magistrat à magistrat, selon des procédures normées, et c’est normal – il y va de l’intérêt et des droits des parties. On ne peut pas ouvrir le dossier d’enquête à qui veut le voir au motif qu’il s’agirait d’infractions environnementales. Bien sûr, il peut exister des procédures de ce type mais elles se fondent au moins sur un traité international ou un règlement européen.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Totalement défavorable ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Madame Untermaier, je suis totalement défavorable à votre amendement parce que l’échange d’informations fonctionne déjà par le biais de l’entraide judiciaire, très bien organisée. Il y a, par ailleurs, des échanges d’informations sur le terrain purement administratif. Votre amendement me semble donc amplement satisfait : j’y suis… obstinément défavorable. (Rires sur les bancs du groupe SOC et de la commission.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Pour une fois, je vais donner raison à M. le garde des sceaux de s’obstiner : perseverare non diabolicum est, si je puis me permettre ! Il y a là une forme d’entrisme de France nature environnement qu’il faut dénoncer. Je veux bien qu’on soit attaché à l’environnement, je veux évidemment que nous assurions une transition écologique et que notre pays ne soit pas le dernier de la classe, mais l’équilibre et le respect d’un certain nombre de grands principes du droit interne et même du droit international sont en cause. L’entraide juridique internationale n’est pas un vain mot et les traités internationaux ne sont pas faits seulement pour quelques animaux quadrupèdes. De plus, comme l’a rappelé à juste titre Mme la rapporteure, des règlements européens existent et, le cas échéant, des directives.
    Voilà le cas typique de ce que je dénonçais tout à l’heure par avance : une construction sui generis parce que c’est le droit de l’environnement. J’entends bien que celui-ci doit prendre toute sa place et que, quel que soit le banc sur lequel on siège, quelle que soit sa sensibilité, on ne peut pas considérer que l’environnement n’est pas une ardente obligation, mais on n’est pas obligé de faire du droit sui generis s’affranchissant des règles habituelles françaises.
    C’est donc un non catégorique à cet amendement et à d’autres formes d’entrisme avec d’autres amendements. Si je conviens que l’esprit de transparence dont font preuve nos collègues en citant leurs sources est tout à leur honneur, je pense que certaines associations ou organisations ont arrosé assez généreusement en amendements – il n’est pas dit que toutes leurs idées poussent.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Effectivement, nous avons cité nos sources en toute transparence…

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Oui, je l’ai dit !

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    …– je pense du reste avoir été la première à le faire, lors de la précédente législature.
    Il n’y a pas du tout d’entrisme de la part d’une association, seulement une expression qui me paraît tout à fait intéressante. Je pense que France nature environnement n’est pas une petite association et qu’elle mérite de la considération.
    Madame la rapporteure, monsieur le garde des sceaux, vous avez raison, cette disposition me paraît excessive. Pour autant, il me semblait intéressant de pouvoir évoquer cette question ici. Il n’y a pas de raison d’entretenir la frustration d’associations qui travaillent sur ce sujet et qui sollicitent effectivement une intervention.
    Des dispositions semblables existent déjà pour les pratiques commerciales transfrontalières. Je m’en suis inspirée pour rédiger cet amendement, qui n’avait pas d’autre objectif que de faciliter notre œuvre commune de protection de l’environnement.
    Évidemment, je retire mon amendement.

    (L’amendement no 39 est retiré.)

    Articles 8 ter et 8 quater

    (Les articles 8 ter et 8 quater sont successivement adoptés.)

    Article 9

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

  • partager

    Comme, l’a déjà indiqué hier le groupe Libertés et territoires dans la discussion générale, l’article 9 est présenté comme anodin. Il vise à « procéder à diverses retouches ponctuelles au sein du code de procédure pénale ». Pourtant, récolter et traiter des données personnelles, étudier les caméras de vidéosurveillance, c’est tout sauf banal, anodin, dans un état de droit, de surcroît dans un contexte mouvant concernant les lignes et frontières de celui-ci, eu égard à l’actualité récente ou proche.
    Je suis obligé de constater que l’article 9 fait d’ailleurs écho à trois décrets récents pris par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, concernant trois fichiers utilisés par la police nationale et la gendarmerie à des fins de maintien de l’ordre public, qui élargissent très largement des critères – trop, selon nous – pour la collecte d’informations par les forces de l’ordre, notamment au regard de la finalité. En effet, outre les personnes susceptibles de prendre part à des activités terroristes, pourraient être collectées des informations concernant les personnes susceptibles de porter atteinte à l’intégrité du territoire et aux institutions de la République, critères larges – belle tarte à la crème – dans lesquels viendra certainement se nicher de l’arbitraire. C’est surtout la nature des informations collectées qui pose problème puisque, outre les activités politiques, on pourra faire des fichages pour opinions politiques, convictions philosophiques ou religieuses, pratiques sportives, activités sur les réseaux sociaux, troubles psychologiques ou psychiatriques.
    On vit une époque formidable, à tel point que la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés – a émis de multiples réserves, notamment, point le plus surprenant mais en même temps le plus notable, sur le fait qu’on viendrait quelque part inscrire dans le droit ce qui était déjà usité par les services de police et de gendarmerie hors cadre.
    Ma question est très simple : puisque ces décrets sont présentés comme une régularisation usuelle et anodine de pratiques existantes, jusqu’où allons-nous aller avant que les démocrates puissent enfin faire preuve de vigilance et d’équilibre ?

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de trois amendements, nos 66, 137 et 94, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 66 et 137 sont identiques.
    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 66.

    M. Pascal Brindeau

  • partager

    Nous souhaitons supprimer les diverses possibilités d’instructions générales données par le procureur aux officiers de police judiciaire. Nous jugeons au contraire important que chaque acte d’investigation et d’enquête fasse l’objet d’un contrôle du procureur, même si nous ne nions pas les objectifs poursuivis par ces instructions générales, c’est-à-dire essayer de gagner du temps et peut-être de gérer des stocks d’actes de procédure.
    Nous estimons que ces habilitations générales peuvent présenter des circonstances attentatoires aux droits fondamentaux de la défense parce qu’elles permettent à des officiers de police judiciaire, en quelque sorte, d’apprécier l’opportunité de tel ou tel acte d’investigation quand, en théorie, c’est bien la prérogative du procureur de la République.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 137.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Cet amendement ne nous a pas été proposé par la FNE, mais par le Conseil national des barreaux.
    En réalité, on voit que, de texte en texte – sur la LPJ, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, comme pour celle sur la sécurité globale –, on simplifie les critères d’habilitation pour équiper une salle de caméras de vidéosurveillance, et on simplifie aussi les habilitations d’une cour d’appel à une autre, etc. En définitive, à quoi bon placer tout cela sous le contrôle de l’autorité judiciaire quand celle-ci n’a même plus les moyens d’assurer son contrôle ? Finalement, on vient inscrire dans la loi un état de fait qui n’est pas satisfaisant. Dans le monde réel, le procureur de la République ne contrôle pas chaque habilitation, parce que cela représente surtout de la paperasse. Aussi, deux choix s’offrent à nous : soit nous l’inscrivons dans la loi et nous régularisons la situation actuelle, soit nous considérons qu’il y a un problème, auquel cas il nous faut renforcer la capacité de l’autorité judiciaire à contrôler.
    J’ai même envie de dire que c’est un principe de sécurité juridique et de sûreté pour le citoyen, pour celui qui est mis en cause, victime potentielle : la sûreté, c’est la garantie de ne pas être mis en cause arbitrairement. Dans le moment politique que nous vivons, où la question du contrôle de l’activité de police est au cœur du débat démocratique – et tant mieux puisqu’il s’agit des fondements de l’État de droit, des droits et obligations accordés parallèlement –, il me semblerait plus judicieux de fournir des habilitations pour chacun des actes d’enquête évoqués à l’article 9.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 94.

    M. Jean-Félix Acquaviva

  • partager

    Dans le droit fil de ce qui vient d’être dit et des propos que j’ai tenus dans mon intervention sur l’article, nous nous interrogeons sur le bien-fondé de cette autorisation générale systématique du parquet sans autorisation spécifique du procureur concernant la collecte, le traitement des empreintes et traces génétiques ou digitales, et l’accès à différents systèmes de vidéoprotection. Nous considérons que l’obligation, pour les officiers de police judiciaire, de se référer au procureur de la République est une garantie en matière de droits fondamentaux de la personne physique. Aussi convient-il de la maintenir, donc de supprimer les alinéas 4 à 6 de l’article.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    J’aurais tendance à être d’accord avec vous, mais en théorie seulement. La justice est une vertu, mais elle dépend d’une administration, et, comme beaucoup d’administrations, elle est soumise à des contraintes budgétaires. Même si nous devions doubler demain le nombre d’officiers de police judiciaire, je suis sûre que M. le garde des sceaux leur trouverait autre chose à faire de plus utile que de formuler des autorisations au cas par cas, pour tous les dossiers, car cela représenterait une masse de travail considérable.
    Il me semble que le dispositif proposé par le Gouvernement est équilibré. Il concilie le contrôle effectif par des revoyures régulières et la contrainte de la réalité – parce que cette dernière s’impose aussi à nous – par des autorisations accordées dans un cadre général.
    Monsieur Acquaviva, les alinéas 4 à 6, que vous souhaitez supprimer, n’ont en réalité rien de très novateur. Comme je l’ai dit en commission, le seul ajout concerne les empreintes digitales, dont il serait curieux que le régime soit plus strict que celui des autres empreintes. Le reste ne fait que reprendre le droit en vigueur.
    L’avis est donc défavorable sur ces amendements.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous faites état, monsieur Brindeau, de la surcharge de travail des magistrats du parquet, tout en soutenant qu’il n’y a pas lieu de simplifier leur tâche mais au contraire d’augmenter leur nombre – pas de magistrats mais de tâches. C’est le premier paradoxe.
    Le Conseil d’État, dans son avis, indique que ces dispositions sont tout à fait équilibrées et cohérentes, et qu’elles concilient en réalité de manière satisfaisante l’exigence de direction effective de l’enquête par l’autorité judiciaire et son efficacité. Dès lors, je suis totalement défavorable à ces amendements.
    Si j’ai bien compris, M. Bernalicis est le porte-voix du CNB – le Conseil national des barreaux. S’agit-il d’un galop d’essai pour le débat relatif au CJPM, le code de justice pénale des mineurs ? Je suis quand même un peu surpris parce qu’en réalité, la situation est simple et l’on veut la complexifier. Il y a un véritable contrôle de l’autorité judiciaire, il y a un avis du Conseil d’État. Par conséquent, ma position sur ces amendements est la même que celle de Mme la rapporteure.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

  • partager

    À entendre les orateurs précédents, notamment M. Brindeau, j’ai un peu de mal à comprendre comment on peut considérer que ces amendements sont contraires aux libertés individuelles. C’est tout à fait l’inverse car le procureur a déjà, aux termes du code, la possibilité de donner des instructions générales. Par ailleurs, les OPJ et les APJ – agents de police judiciaire – doivent obtenir l’accord préalable.
    La situation est très claire : si ces autorisations d’examens complémentaires visent les auteurs, elles sont aussi faites pour les victimes. Dans de très nombreux cas, en effet, notamment ceux de viols ou d’atteintes sexuelles, les victimes ne voient pas leur situation réelle prise en compte car le processus judiciaire est si long qu’on ne peut pas procéder aux examens médical et psychologique permettant le constat immédiat de l’infraction.
    Ces dispositions viennent donc, comme cela a déjà été dit, simplifier la procédure pénale et libérer le procureur d’actes préalables, en retenant le principe que les officiers de police judiciaire doivent informer le procureur a posteriori – ce qui est évidemment la moindre des choses. On peut ainsi répondre immédiatement à des préoccupations concrètes en cas de crimes et délits graves, principalement sexuels, afin de ne pas risquer la déperdition de preuves lorsque chaque minute compte. Il s’agit donc précisément d’une protection des libertés individuelles, en tout cas des victimes.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Bien sûr !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Monsieur le garde des sceaux, il n’est pas étonnant que je me fasse le porte-voix d’amendements proposés par le CNB – je ne suis d’ailleurs pas le seul dans cet hémicycle, car il ne vous aura pas échappé que le premier amendement de la série est identique et que, sur le texte relatif à la justice pénale des mineurs, 100 % des amendements ont été proposés par un collectif auquel appartient le CNB et dont je me ferai aussi, avec d’autres collègues, le porte-voix durant le débat. Vous n’êtes donc pas au bout de vos peines…
    Pour en revenir au fond de mon amendement, on voit depuis plusieurs années – et ce mouvement s’est poursuivi depuis le début de la présente législature – que, dans très nombreux domaines, sous couvert de simplification de la procédure pénale, on a supprimé le contrôle a priori du procureur de la République au profit d’un contrôle a posteriori, lequel aura lieu éventuellement, quand le procureur aura le temps, si c’est possible, si les conditions s’y prêtent. Car on manque de procureurs de la République !
    Or ces procédures avaient une raison d’être. Les fouilles, par exemple, ne pouvaient être effectuées que par un officier de police judiciaire, car il s’agit d’un acte intrusif pour l’individu, portant atteinte aux libertés individuelles : puisqu’au titre de l’article 66 de la Constitution, c’est l’autorité judiciaire qui est garante des libertés fondamentales et individuelles, on a pensé qu’il fallait que ces investigations ne soient pas pratiquées par n’importe qui, mais au moins par un OPJ ayant reçu une formation de police judiciaire et rendant compte directement au magistrat. Toutefois, au bout du compte, on en arrive à ce qu’un agent de sécurité privée puisse y procéder sous le contrôle d’un OPJ, et il n’y a évidemment pas un OPJ à côté de chaque agent de sécurité privée, sans quoi il procéderait lui-même à ces contrôles : il y a donc un OPJ pour plusieurs personnes. Voilà comment on subdélègue des capacités intrusives en allégeant la capacité de contrôler. Je suis certain que, le soir où Michel Zecler s’est fait agresser, quand tout le monde a débarqué, il y avait des OPJ sur place. On aurait alors préféré appliquer la proportionnalité, la normalité et tout ce que prévoit la législation !

    M. le président

  • partager

    Merci !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je finis, monsieur le président. Il faut donc revenir à un contrôle a priori, notamment parce que l’enquête est conduite en préliminaire par un magistrat, le procureur de la République, qui doit donc assumer ce rôle.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

  • partager

    Nous parlons de la même chose : ce qui justifie l’extension des habilitations générales, c’est la surcharge de travail des parquets. Faut-il pour autant, au nom de cette situation de fait, remettre en cause les principes qui font encadrer le travail de l’OPJ par l’autorisation et le contrôle du procureur, responsable de l’enquête préliminaire ? Ces habilitations générales font courir le risque de laisser l’opportunité de certains actes d’investigation à un OPJ, dont ce n’est pas le travail initial, et peut-être même y a-t-il là un risque pour la procédure elle-même. C’est la raison pour laquelle je dis que cela peut être attentatoire, sinon aux libertés individuelles, du moins, ai-je dit, aux droits de la défense, laquelle pourra parfois contester certaines opportunités d’investigation et de poursuite réalisées dans ce cadre plutôt que sous le contrôle préalable du procureur. Desserrer le cadre des procédures sous prétexte de surcharge de travail – aujourd’hui du parquet, demain des chambres d’instruction et des juges d’instruction – n’est pas faire œuvre utile pour l’efficacité de la justice ni pour la compréhension que peuvent en avoir nos concitoyens.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

  • partager

    On parle de « surcharge de travail », de « tâches » et de « contraintes budgétaires », en évoquant l’objectivité de ces dernières – ce sur quoi je ne me prononcerai pas, car le budget est tout de même fait de choix politique. Or c’est précisément un choix politique que de garantir les moyens permettant d’éviter que ne se développe une impression de glissement en matière de droits de la défense et de libertés individuelles. De fait, les missions dont il est ici question – les empreintes génétiques et digitales, les systèmes de vidéoprotection –, appelées à faire l’objet d’une autorisation systématique, mériteraient plutôt qu’on leur affecte les moyens nécessaires pour éviter ce glissement. Pour ce qui me concerne, le choix est clair, car il y va de la garantie du droit des victimes : je ne suis pas convaincu par l’idée d’une autorisation générale systématique.

    (Les amendements identiques nos 66 et 137 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 94 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Didier Paris, pour soutenir l’amendement no 77, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 175 et 176.

    M. Didier Paris

  • partager

    Il s’agit d’un amendement technique, ou de coordination, qui tend à faire le lien entre le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes – FIJAISV –, pour lesquels la procédure d’effacement est actuellement différente. Il est en effet très important, du point de vue des libertés individuelles, que les personnes inscrites dans l’un ou l’autre de ces fichiers puissent en obtenir l’effacement. Cette situation est parfois très complexe, comme je le sais pour l’avoir vu de très près dans le cadre d’un récent rapport.
    Dans sa deuxième partie, l’amendement vise aussi à ce que les personnes condamnées pour l’infraction de mandat de viol, récemment créée ici par la loi du 30 juillet 2000, soient elles aussi inscrites au FIJAISV.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir les sous-amendements nos 175 et 176, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Ils sont rédactionnels.
    Et je suis favorable à l’amendement d’unification présenté par M. Paris.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Favorable à l’amendement sous-amendé.

    (Les sous-amendements nos 175 et 176, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    (L’amendement no 77, sous-amendé, est adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 124.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Quitte à discuter d’autre chose que du parquet européen et à élargir le débat dans tous les domaines, nous pourrions proposer à nouveau certaines mesures relatives à l’organisation judiciaire. Or les amendements que nous avions prévu de déposer pour créer des délits ou un crime en matière environnementale ont été déclarés irrecevables. Celui-ci, qui vise à arrêter l’expérimentation des cours criminelles départementales, se trouve toutefois être recevable ; par conséquent, je le défendrai. Voilà un résultat extraordinaire du mode de fonctionnement de notre assemblée !
    Les arguments sont connus : il existe une plus-value démocratique et philosophique, au regard de l’État de droit et de la philosophie judiciaire et politique, à maintenir les cours d’assises dans leur format actuel, avec des jurés assurant une participation citoyenne directe. En effet, si la justice est rendue au nom du peuple français, ce n’est pas parce qu’elle l’est par des magistrats professionnels, mais parce que, pour les crimes les plus importants, cette maxime est mise en œuvre concrètement et directement par une fraction du peuple, tirée au sort, participant au délibéré. En outre, les cours criminelles départementales répondent, là encore, à une logique de gestion de flux et au souci d’aller plus vite, au détriment d’un idéal judiciaire qui était pourtant celui des révolutionnaires de 1789.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Une fois n’est pas coutume, je partage une partie des interrogations de M. Bernalicis quant aux cours criminelles départementales. En effet, je suis, moi aussi, très attachée à la cour d’assises, à l’oralité des débats et à une justice démocratique directe – la justice rendue par le peuple, au sens premier du terme.
    Cependant, une mission d’évaluation en cours, menée par nos collègues Stéphane Mazars et Antoine Savignat, doit rendre ses conclusions dès mercredi prochain. Je propose que nous écoutions nos collègues, qui, au terme de plusieurs mois d’évaluation, ont dressé un bilan de ce petit bout d’expérimentation des cours criminelles. Vous et moi pourrions peut-être même être agréablement surpris de leurs conclusions. Il faut, en tout cas, laisser la chance au produit, comme on dit, afin d’en tirer les conséquences plus tard. À ce stade, je demande le retrait de l’amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Monsieur Bernalicis, outre la commission parlementaire qui rendra ses travaux prochainement, une autre commission, dont j’ai confié la présidence à M. Jean-Pierre Getti, ancien président de cour d’assises, et composée de nombreux présidents de cours d’assises, anciens ou actuels, et d’avocats généraux qui ont requis aux assises, travaille sur cette question. Nous attendrons le résultat de ces travaux, puis nous aviserons. Je n’ai jamais caché mon attachement au jury populaire,…

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Tout le monde est au courant !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    …mais tout cela est bien prématuré. Dans ces conditions, l’avis est défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je sais qu’une mission est en cours, et j’ai d’ailleurs participé, en fonction des possibilités offertes par mon agenda, à certaines des auditions qu’elle a menées, qui étaient assez intéressantes et où se sont exprimés des avis très tranchés. Du simple point de vue de l’efficacité ou de la rapidité de jugement – ce qui est l’un des arguments avancés en leur faveur –, les cours criminelles l’emportent clairement sur les cours d’assise, et j’aurais pu mettre sans risque un billet sur la table ! Cependant, je ne crois pas que ce soit le seul critère sur lequel se fonder.
    De plus, on voit que les assises manquent des moyens dont elles ont besoin pour se tenir. En effet, la question de la célérité de tels dispositifs est toujours liée à celle de leurs moyens, c’est une évidence.
    Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, je veux bien admettre, car c’est le plus logique, que nous sommes actuellement dans l’épure et que nous pouvons attendre l’avis de la mission d’évaluation en cours. Néanmoins je rappelle que, la dernière fois qu’un texte a été conçu dans des conditions comparables – au hasard, celui relatif à la sécurité globale, qui devait être issu d’un Livre blanc de la sécurité –, son examen en commission a commencé avant même que le Livre blanc attendu soit publié, et on nous propose maintenant un Beauvau de la sécurité, alors que la proposition de loi est déjà en discussion, sans attendre le résultat de ce processus. Va pour la logique qui consiste à faire un rapport avant de légiférer, mais alors, il faut le faire à chaque fois, et pas seulement lorsque ça vous arrange !
    En tout cas, quelles que soient les conclusions du rapport, mon avis restera défavorable aux cours criminelles départementales, pour les raisons que j’ai exposées et sur lesquelles le rapport ne fournira pas d’analyses particulières, puisque, dans l’un des cas, il y a des jurés et, dans l’autre, il n’y en a pas. La question est donc la suivante : voulez-vous encore des jurés ou n’en voulez-vous plus ?

    (L’amendement no 124 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 155.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Cet amendement légistique tend à concentrer dans une même loi toutes les dispositions relatives à la cour criminelle afin que, le jour venu, l’expérience puisse être généralisée plus rapidement ou que, le cas échéant, elle soit supprimée.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il est favorable, personne n’en sera surpris !

    (L’amendement no 155 est adopté.)

    (L’article 9, amendé, est adopté.)

    Après l’article 9

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 80.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Celui-là et le suivant ont pour objet d’appeler votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur la difficulté, dans un assez grand nombre de départements ruraux qui souffrent d’une pénurie de médecins, notamment de psychiatres, que rencontrent les parquets à faire réaliser les expertises psychiatriques rendues obligatoires par le code de procédure pénale pour de nombreuses infractions – systématiquement en matière d’infractions sexuelles –, même pour des faits extrêmement mineurs, au prix d’une mobilisation extrêmement lourde des forces de l’ordre. Mon amendement a pour objet, lorsque ces expertises sont à l’initiative du parquet, de permettre au procureur de les faire réaliser par des moyens de télécommunication comme la visioconférence.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je n’ai jamais caché n’être pas une grande amatrice de l’usage de la visioconférence dans les procédures judiciaires. Toutefois j’ai aussi conscience que la justice doit se moderniser et s’adapter aux évolutions technologiques. La crise sanitaire nous a d’ailleurs contraints à évoluer dans ce sens : il y allait du fonctionnement de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Oui !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Cependant, il me paraîtrait excessif d’autoriser un examen médical de personnalité par visioconférence, par lequel le médecin identifierait à distance des pathologies préalablement à une décision d’injonction de soins. En tout cas je n’y suis pas favorable : je ne souhaite pas qu’on aille dans ce sens.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Une expertise psychologique ou psychiatrique par visioconférence n’aurait, selon moi, strictement aucun sens. En effet, elle ne permettrait pas d’établir de lien entre le psychiatre et celui qui doit être examiné, qui n’est pas son patient, je le rappelle : la grande difficulté de la psychiatrie judiciaire, c’est qu’elle n’agit pas à l’initiative de celui qui est examiné, victime ou suspect, d’ailleurs. Le psychiatre doit donc créer un lien de proximité, presque d’intimité, dirais-je.
    Il y a des choses qu’on ne peut pas faire par visioconférence. La visioconférence est un outil moderne mais ça ne peut être qu’un outil supplétif : on ne peut pas rendre toute la justice par visioconférence. Si cela a pu arriver, c’est, vous le savez bien, en raison de l’état d’urgence sanitaire et exclusivement en raison de cela. On ne peut pas davantage envisager de faire la loi par visioconférence.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    On l’a fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Certes, mais il vaut quand même mieux pouvoir se regarder dans les yeux pour discuter de votre amendement : pour vous dire que j’y suis défavorable, je préfère déjà le faire en présentiel, si j’ose dire. Alors imaginez pour une expertise psychiatrique ! Le lien qui se crée alors suppose de la proximité. Quand on décide d’aller voir un psychiatre, on se livre à lui sans réserve, ce qui n’est pas du tout le cas ici : qu’on soit une victime ou un mis en examen, on a beaucoup de mal à se livrer à un expert dont on a parfois le sentiment – je l’ai souvent entendu dire par les psychiatres – qu’il appartient au sérail judiciaire. Se priver du présentiel, je considère que c’est se priver de tout.
    Je suis totalement défavorable à cet amendement. Il part d’un bon sentiment, je n’en doute pas une seconde, mais je pense que la justice ne saurait être désincarnée.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Très bien !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Vous devriez profiter du fait que nous débattons en présentiel pour lire attentivement mes amendements, monsieur le garde des sceaux : vous constaterez par exemple que l’un d’eux exclut totalement l’usage de la visioconférence en matière criminelle ; elle ne serait autorisée, dans mon esprit, qu’en cas d’infractions réellement minimes.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ça ne change rien !

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Je pense que ce sujet mérite que vous lui consacriez un minimum d’attention sans a priori. Ce serait faire insulte à votre longue carrière d’avocat que de vous rappeler les situations compliquées, parfois pour des infractions extrêmement mineures.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Non !

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Permettez que je m’exprime jusqu’au bout avant de me répondre !
    Je pense notamment aux cas où, à la suite du signalement ou de la suspicion de je ne sais quel geste déplacé, des collégiens ont été amenés entre deux gendarmes devant un expert psychiatre, ce qui peut être quelque peu traumatisant pour un mineur.
    On voit que le sujet n’est pas si simple. Il ne s’agit évidemment pas de limiter la capacité de la personne mise en cause à faire valoir les droits de la défense puisque les expertises que je vise sont à l’initiative du parquet. Je vous demande simplement de faire confiance au procureur pour juger que le degré de gravité des faits ne justifie pas que la personne soit physiquement présente à un entretien susceptible de s’avérer excessivement lourd et traumatisant, et pour trouver des formes plus adaptées.
    Il y a peut-être d’autres moyens de régler ce problème. On pourrait ainsi supprimer l’obligation d’expertise psychiatrique lorsqu’elle n’est pas nécessaire, pour certaines infractions légères. Quoi qu’il en soit, je pense que ce sujet mérite un peu d’attention de votre part.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    L’évaluation de la responsabilité, même pour une infraction mineure, ne peut pas être examinée sous l’angle d’une expertise mineure ! Pardonnez-moi de vous le dire, mais vous n’avez peut-être pas vu beaucoup d’expertises judiciaires : le clignement des yeux, la sueur, la façon dont on tient ses mains, dont on pose ses pieds, tout cela compte pour une bonne expertise !
    Donc c’est non, trois fois non à la visioconférence, même quand vous m’aurez dit et redit qu’elle serait limitée aux infractions mineures, car cela ne justifie pas des expertises psychiatriques au rabais.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je trouve le moment assez cocasse. Ce que M. Marleix nous propose là s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait depuis la loi de programmation de la justice et de ce qui sera proposé dans le code de la justice pénale des mineurs : l’extension toujours plus grande de l’usage de la visioconférence, à chaque fois pour de bonnes raisons : ça simplifie l’accès aux professionnels, c’est quand même une expertise, etc.. On trouve toujours de bonnes raisons d’étendre l’usage de la visioconférence !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Vous racontez n’importe quoi !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Nous avons dit exactement le contraire !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    J’écoute l’argumentation du garde des sceaux et de la rapporteure avec gourmandise : je me contenterai de la reprendre telle quelle quand vous nous proposerez d’étendre la possibilité de recourir à la visioconférence non plus pour l’expert psychiatre mais pour le juge. Un juge n’a-t-il pas besoin lui aussi d’observer les mains de la personne qu’il auditionne, de voir si elle sue, comment elle place ses pieds ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Mais si !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Voilà : vous connaissez donc déjà un pan de mon argumentation pour des amendements à venir.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Tant mieux pour vous !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

  • partager

    Je dois admettre que je suis, sinon choqué, du moins assez surpris par cet amendement. Dès son exposé sommaire, il y est question d’une insuffisance du nombre de médecins. Moi qui ai été longtemps magistrat, je peux vous dire que nos territoires ne manquent pas d’experts judiciaires, qu’ils soient médecins ou psychiatres, au point que le fonctionnement de la justice soit remis en cause.
    Deuxièmement, on ne parle pas là de petits délits, du tout-venant, mais de ceux qui peuvent donner lieu à un suivi sociojudiciaire ou à une injonction de soins, qui nécessitent des expertises préalables au jugement au fond. Il me semble que la moindre des obligations de notre justice, quand elle s’apprête à juger quelqu’un – peut-être pas pour des crimes puisque l’un de vos deux amendements les exclut du champ de la mesure, mais même pour des délits, qui peuvent être graves, notamment des délits sexuels –, est que les magistrats puissent se prononcer en toute connaissance de la personnalité profonde de la personne comparaissant devant eux, sur la base d’expertises psychiatriques ou médicales approfondies.
    C’est pourquoi le dispositif que vous proposez me paraît extrêmement dangereux, y compris pour la qualité du service public de la justice et la manière dont elle doit apprécier les situations individuelles.

    (L’amendement no 80 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 24.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Vous avez l’air extrêmement choqué, monsieur le garde des sceaux, mais je vous rappelle que je propose simplement qu’on laisse le procureur de la République décider, dans certaines limites prévues par la loi.
    Il y a quand même un point que vous devez prendre en considération, même si ça ne relève pas – encore que – de votre ministère : c’est la pénurie d’experts psychiatres agréés auprès des tribunaux. Contrairement à ce que notre collègue Paris vient d’affirmer, dans certains départements, il ne reste qu’un médecin expert disponible, parce qu’on y compte très peu de médecins psychiatres exerçant en ville ou à l’hôpital et que, étant donné la faiblesse de la rémunération des expertises, aucun n’accepte de devenir expert. Tout cela rend les procédures extrêmement lourdes et compliquées.
    Ne sous-estimez pas non plus le caractère traumatisant de telles expertises pour des mineurs parfois victimes d’accusations totalement infondées : c’est aussi un élément qu’il faut prendre en compte.
    En outre, cela n’interdirait pas de réaliser d’autres expertises plus tard dans la procédure.

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Très bien !

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je suis défavorable à cet amendement, dans le prolongement de ce que je viens de dire. J’y suis même encore plus défavorable qu’au précédent. En effet cela reviendrait à permettre d’évaluer par visioconférence la dangerosité d’un individu encourant une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison, car les infractions visées ne sont pas mineures, ou à l’inverse d’attester par visioconférence de l’innocuité d’un individu qui, une fois relâché dans la nature sans avoir fait l’objet du moindre traitement, se révélerait être un pervers récidiviste.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Un procureur de la République ne va pas décider n’importe quoi ! Vous ne faites pas confiance à ces magistrats ?

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est le même avis, monsieur le président ; je me suis déjà exprimé sur cette question.
    J’entends bien votre raisonnement, monsieur Marleix ; j’ai bien compris qu’il ne s’agissait pas de nuire aux mineurs, et l’intérêt de l’enfant nous préoccupe évidemment de la même façon. Je dois reconnaître, à regret d’ailleurs, qu’on ne peut pas ne pas tenir compte des technologies nouvelles, mais je ne vois pas comment une expertise psychiatrique pourrait être réalisée par visioconférence. Il faudrait peut-être demander à des psychiatres et à des psychologues ce qu’ils en pensent mais, selon moi, c’est impossible.
    S’agissant des risques de traumatisme, je peux vous dire que les experts psychiatres – et j’en ai rencontrés beaucoup au cours de ma vie d’avocat – ne sont pas des monstres : j’ai vu surtout des médecins préoccupés par l’humanité, en particulier quand il s’agit d’enfants. C’est pourquoi je me permets de relativiser votre vision des choses, qui me semble excessivement sombre.

    (L’amendement no 24 n’est pas adopté.)

    Article 10

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    L’article 10 remet habilement sur la table la question de la visioconférence, après la censure récente des dispositions de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique – ASAP – relatives à cet usage, le Conseil constitutionnel ayant considéré qu’il s’agissait de cavaliers législatifs. Du coup, il ne s’est pas prononcé sur le fond, même si, à l’occasion d’une QPC – question prioritaire de constitutionnalité – dont il a été saisi en 2019, il a jugé que certains usages de la visioconférence n’étaient pas possibles sans l’accord de l’intéressé, ce qui est tout de même la moindre des garanties.
    Cependant, dans les circonstances particulières liées au covid-19, des ordonnances pénales ont été prises qui illustrent la réalité suivante : lorsque vous autorisez le principe même d’une pratique, parce qu’une technologie le permet, vous ne cessez ensuite de l’étendre, selon un effet cliquet qui existe aussi en matière pénale. Les amendements que nous venons d’examiner le montrent, et d’autres le montreront sans doute également un peu plus tard.
    En l’état actuel des moyens de la justice et du parquet, de nombreux magistrats se satisfont du recours à la visioconférence car, compte tenu de leur charge de travail et de l’encombrement de leurs agendas, il est parfois difficile de faire autrement ; ils se disent qu’il serait certainement préférable de se voir physiquement mais, au vu de la situation, ils l’acceptent comme un pis-aller.
    Pour ma part, je pense au contraire que les principes qui nous guident doivent toujours se transcrire dans le réel : en l’occurrence, l’humanité doit être le cœur de l’action judiciaire, et cette exigence s’incarne dans le refus d’utiliser la visioconférence. Ce sera l’objet de l’amendement no 125 que je défendrai tout à l’heure.

    M. le président

  • partager

    L’amendement no 156 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

    (L’amendement no 156, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 168.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il s’agit d’un amendement de précision légistique qui vise à mettre le texte en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de visioconférence.

    (L’amendement no 168, accepté par la commission, est adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 125, qui a déjà été un peu présenté.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Un peu, monsieur le président, mais je voudrais préciser son ampleur : il s’agit de revenir non seulement sur ce que propose le présent projet de loi, mais aussi sur les dispositifs de visioconférence actuellement permis, notamment lorsque les décisions ont trait à la liberté des individus. Nous souhaitons que la visioconférence soit purement et simplement proscrite en ces matières, afin de conserver le caractère humain de la présence physique, qui nous paraît indispensable.
    Nous, députés, nous réjouissons de pouvoir nous retrouver physiquement dans l’hémicycle pour discuter de nos amendements ; nous n’avons pourtant pas à décider de nos sorts individuels réciproques, mais seulement de notre sort collectif. Ce devrait être également permis dans le domaine de la justice, où l’on décide du sort d’individus en particulier. Ces décisions doivent pouvoir s’incarner dans une humanité de chair et d’os.
    Monsieur le ministre, je crois que vous écriviez, dans un de vos livres ou dans un article, qu’il faut pouvoir « renifler » la situation…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Excellente lecture !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …et pour cela être en mesure d’observer la sueur ou les mains du prévenu ou de l’accusé, comme vous l’avez également rappelé tout à l’heure. Je partage votre opinion ; je propose donc que nous en finissions avec la visioconférence.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Sur la visioconférence, chacun a livré son opinion et j’ai donné la mienne. J’ai rappelé notamment à quel point les événements sanitaires ont montré l’utilité des visioconférences – ou « visio-audiences ». Il serait très cavalier, en ce moment, d’y mettre un terme. Vous l’avez dit vous-même, cet amendement a déjà été examiné et rejeté par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi ASAP. Je proposerai de maintenir cette ligne et d’en rester aux dispositions qui ont été votées, qui n’ont été censurées il y a quelques jours par le Conseil constitutionnel que pour des raisons de procédure. Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Monsieur Bernalicis, le masque vous interdit de voir que j’ai rosi lorsque vous avez indiqué devant la représentation nationale que vous lisiez mes livres. Cela prouve que vous êtes un homme de goût (Sourires.), mais ce n’est pas suffisant pour que je donne un avis favorable à votre amendement.
    En effet, le bien-fondé du recours à la visioconférence, y compris en matière de détention provisoire, a été reconnu à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel. La seule réserve qu’il émet est la suivante : en matière criminelle, il n’est pas possible d’imposer une visioconférence à une personne détenue depuis plus de six mois sans qu’elle ait déjà comparu physiquement devant le juge.
    Pour le reste, si vous voulez que je vous dise que je préfère la présence à la visioconférence, c’est bien entendu le cas. Mais un tel procédé existe depuis longtemps dans l’institution judiciaire, dans les tribunaux et même dans les cours d’assises, où l’on entend des experts intervenir de cette manière. Il ne s’agit pas d’aller jusqu’à pratiquer une expertise par visioconférence, car c’est tout autre chose, mais le recours à cet outil est désormais encadré et, si j’ose dire, surveillé de près notamment par le Conseil constitutionnel, dont c’est le rôle. Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable à votre amendement.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Très bien !

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Émilie Cariou.

    Mme Émilie Cariou

  • partager

    Madame la rapporteure, ce qui est cavalier, c’est surtout ce que vous avez fait dans la loi ASAP, puisque vous avez été sanctionnés précisément pour y avoir introduit un cavalier législatif.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Oui, je l’ai dit.

    Mme Émilie Cariou

  • partager

    À vrai dire, nous nous étions félicités de la suppression de cette mesure par le Conseil constitutionnel, et je souscris pour ma part à ce qui vient d’être dit.
    Monsieur le ministre, je ne comprends pas la différence que vous faites entre l’expertise psychiatrique que vous évoquiez tout à l’heure et l’avis que devra donner un juge ou un procureur dans les cas visés par le présent amendement. À mon sens, dans les deux cas, l’entretien mené par visioconférence ne pourra pas donner lieu à une analyse aussi fine que s’il était effectué en présence.
    La justice connaît bien évidemment un problème de moyens et les confinements ont entraîné des retards considérables dans le traitement des dossiers, mais nous ne sommes pas du tout favorables à la réintroduction d’une mesure supprimée par le Conseil constitutionnel dans ce projet de loi.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je lis non seulement ce que vous écrivez, monsieur le ministre, mais aussi les décisions du Conseil constitutionnel.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est très bien !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je me suis bien rendu compte que selon lui, la visioconférence peut malgré tout permettre une bonne administration de la justice, sous réserve de certaines conditions que vous avez rappelées. Mais, encore une fois, ce n’est pas parce que le Conseil constitutionnel dit que c’est possible qu’il faut le faire !
    Nous avons un réflexe bizarre : dès qu’une nouvelle possibilité technologique apparaît, nous voulons absolument l’utiliser. Mais non ! Il faut parfois que nous soyons capables de décider de ne pas l’utiliser parce qu’elle contrevient à d’autres principes qui nous sont chers et qui nous sont propres.

    M. Rémy Rebeyrotte

  • partager

    Comme les hologrammes ? 

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Il est donc très important que nous ayons une discussion à ce propos.
    Monsieur le ministre, je sais que vous préférez procéder en présence plutôt qu’à distance ; je n’en disconviens pas, et je ne veux même pas en discuter.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Tout le monde préfère cela !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je sais par ailleurs que la visioconférence est déjà utilisée dans les tribunaux lorsqu’un expert intervient – mais pas pour réaliser une expertise, vous l’avez dit. Vous aurez d’ailleurs remarqué que notre amendement ne vise pas à supprimer une telle possibilité. La pratiquant moi-même depuis longtemps et de plus en plus en ce moment, je ne vais pas nier devant vous l’intérêt que peut avoir la visioconférence.
    Reste que lorsqu’il s’agit des personnes mises en cause et du magistrat, j’y suis défavorable ; on peut dire que c’est dogmatique…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Oui !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …mais c’est pour moi une position de principe, et aucune exception ne doit permettre d’y déroger. En effet, lorsque vous introduisez une exception, monsieur le ministre, les gens finissent par l’utiliser ! C’est normal, et c’est bien pour cela qu’on en prévoit. Or la période de crise que nous traversons illustre bien la tentation courante qui consiste à utiliser de plus en plus ces outils au détriment d’une bonne justice.
    Pendant la crise du covid-19, pouvait-on faire autrement qu’utiliser la visioconférence ? Oui, je le crois. Je le crois, mais il aurait fallu que l’on dispose pour cela de masques et de tout le matériel nécessaire. Je ne vais pas relancer ce débat, parce que ce serait un peu long.

    (L’amendement no 125 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 172 rectifié.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il prévoit les garanties relatives à l’audition du condamné majeur protégé lors de la phase d’exécution de la peine, afin d’anticiper une probable censure du Conseil constitutionnel, saisi le 18 novembre d’une QPC sur ce sujet. Il vise en effet à appliquer à la phase d’exécution de la peine les garanties qui existent déjà pour les majeurs protégés au cours des phases d’enquête, de poursuite, d’instruction et de jugement, mais pas en matière d’exécution.
    C’est parce qu’il est soucieux du respect des droits fondamentaux et des décisions du Conseil constitutionnel – avant même qu’elles ne soient rendues – que le Gouvernement a l’honneur de présenter cet amendement.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Le Conseil d’État n’avait donc rien dit à l’époque ?

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Avis très favorable. La situation décrite par M. le ministre est anormale.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Eh oui !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Il était tout à l’heure question des avis du Conseil d’État : j’imagine qu’à l’époque, sur ce sujet, il avait bien dû rendre un avis consistant à dire que, puisque le système fonctionnait en l’état, il n’était pas nécessaire de revenir sur les dispositions du code de procédure pénale ; or celles-ci ont fait depuis l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel.
    Je voudrais donc rappeler à nos collègues que ce n’est pas parce que le Conseil d’État approuve une disposition en disant qu’elle va dans le bon sens que celle-ci ne peut pas être finalement censurée par le Conseil constitutionnel. L’inverse est d’ailleurs tout aussi vrai. Je n’évoquerai pas de nouveau la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté, car le sujet pourrait fâcher, mais en l’occurrence, le Conseil d’État, malgré quelques réserves, avait jugé que le texte était globalement équilibré ; le Conseil constitutionnel, lui, en a jugé autrement, ce qui vous amènera, monsieur le ministre, à nous présenter prochainement un nouveau texte, si je vous ai bien entendu ce matin – car non content de vous lire, je vous écoute.

    (L’amendement no 172 rectifié est adopté.)

    (L’article 10, amendé, est adopté.)

    Après l’article 10

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 174 portant article additionnel après l’article 10.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il concerne Mayotte, qui est séparée de La Réunion par un bout d’océan Indien. Le fait que la cour d’appel se trouve à La Réunion crée évidemment un certain nombre de difficultés, et il est matériellement impossible ou du moins très difficile d’interdire le recours à la visioconférence sans générer un dépassement des délais. Par le présent amendement, le Gouvernement propose donc qu’en matière criminelle, la décision de refuser la mise en liberté d’une personne détenue depuis plus de six mois soit obligatoirement prise à l’issue d’un débat contradictoire tenu physiquement devant le JLD – juge des libertés et de la détention.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Avis favorable, évidemment. L’amendement renforcera les droits des détenus tout en tenant compte des spécificités locales qu’en notre qualité de législateur, nous sommes toujours tenus de prendre en considération.

    (L’amendement no 174 est adopté.)

    Article 11

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 25, 67, 92, 127 et 157, tendant à supprimer l’article 11.
    La parole est à Mme Laetitia Avia, pour soutenir l’amendement no 25.

    Mme Laetitia Avia

  • partager

    Il tend en effet à supprimer l’article 11 en raison de son absence d’effectivité, de nécessité et de proportionnalité.
    En effet, l’avis du Conseil d’État souligne la grande difficulté qu’il y a à rendre la mesure pleinement effective, compte tenu des difficultés d’application induites par le nombre de voyageurs empruntant les transports en commun.
    Mais surtout, elle n’est à mon sens ni nécessaire ni proportionnelle : la mesure consistant à interdire de paraître dans les transports en commun est très contraignante, et elle porte dans une certaine mesure atteinte à la liberté d’aller et de venir. Pour qu’elle soit prise, il faut qu’elle soit prononcée par le juge lorsque les circonstances le justifient pleinement, en appréciant son caractère opportun et proportionnel, comme c’est déjà le cas dans le cadre de l’interdiction de paraître.
    Il nous semble donc opportun, plutôt que de créer une interdiction de paraître spécifique, d’en rester à ce qui existe actuellement et, lorsque le besoin s’en fait vraiment ressentir, de spécifier que l’interdiction s’étend aux transports en commun.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement identique no 67.

    M. Pascal Brindeau

  • partager

    Il vise également à supprimer l’article 11, et je constate, au vu du nombre d’amendements de suppression déposés, que je ne suis pas le seul à le souhaiter. Nous avons entamé ce débat en commission : on peut comprendre l’objectif poursuivi par la mesure, mais on ne voit pas comment elle pourrait être opérationnelle et efficace.
    Elle revient en effet, dans certaines situations, à interdire l’accès à la totalité d’un réseau de transports en commun – lignes de métro, de tramway ou autre – à un individu qui pourrait par ailleurs tout à fait se rendre devant l’entrée du réseau en question, par exemple devant une bouche de métro, la protection de la victime – c’est bien l’objectif visé – n’y étant pourtant pas davantage assurée.
    Deuxième élément, le représentant légal du réseau de transports publics concerné disposerait de la liste des personnes faisant l’objet de cette interdiction. Cela ne constituerait-il pas un fichier contrevenant aux droits et aux libertés ?
    On pourrait imaginer une autre disposition de cette nature – notre droit permet déjà de prendre des mesures d’interdiction et d’éloignement d’une partie du territoire dans certains cas, comme vous le savez aussi bien que moi, monsieur le garde des sceaux – mais plus opérationnelle que l’usine à gaz prévue à cet article.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 92.

    M. Paul Molac

  • partager

    J’abonde dans le sens de mes collègues car cette mesure semble disproportionnée, d’autant qu’elle est prévue pour trois ans et rédigée de manière imprécise. Qu’est-ce qu’une infraction grave ? Personnellement, je l’ignore mais vous allez sans doute m’éclairer.
    Quoi qu’il en soit, cette mesure risque de poser des problèmes. Imaginons qu’un jeune de seize ans – âge à partir duquel elle s’appliquera – fasse une bêtise, ce qui peut arriver à certains d’entre eux. Jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, il ne pourra donc plus employer tous les transports en commun qui lui permettent de se déplacer, notamment pour aller au collège ou au lycée ? C’est quand même un peu curieux. Pour tout dire, la disposition ne me paraît pas bien ficelée.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 127.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Nous nous sommes opposés à cette disposition en commission, et je n’ai rien à ajouter ici à ce qui a été brillamment dit pas mes collègues.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 157.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Tout a été dit par mes collègues sur le caractère superfétatoire et les difficultés d’application – y compris eu égard aux fichiers – de cette disposition. Je voulais remercier M. le ministre, les services de son ministère et les membres de son cabinet avec lesquels nous avons longuement échangé sur le sujet, même si nous n’avons pas surmonté mes objections initiales.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Après avoir longuement réfléchi (Sourires), j’ai finalement été convaincu.  Ah ! » sur de nombreux bancs.)

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Ah, le recul !

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    Convaincu, d’accord, mais par lequel des auteurs de l’amendement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Le Gouvernement a donc l’honneur d’émettre un avis favorable à ces amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens et UDI-I.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Décidément, votre Gouvernement a un problème avec l’ordre public dont nous voyons dans quelles conditions il est maintenu – ou ne l’est pas, d’ailleurs car c’est un peu au choix – dans ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

    Mme Laetitia Avia

  • partager

    Franchement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Oui, une telle remarque n’est pas utile.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    C’est vous, monsieur le ministre, qui avez introduit cette disposition dans le texte.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Non, ce n’est pas vrai !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    C’est le débat parlementaire !

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Connaissez-vous ce principe qu’est la solidarité gouvernementale ? (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
    L’Assemblée nationale et le Sénat avaient déjà adopté une disposition de ce type, mais dans des termes beaucoup plus généraux qui pouvaient en effet poser des problèmes d’application pratique. La peine d’interdiction complémentaire étant trop générale pour être applicable et avait été censurée par le Conseil constitutionnel.
    La mesure nous revient à l’initiative du Gouvernement et, finalement, vous faites marche arrière, considérant qu’il n’y a pas lieu à interdire de paraître. Pourtant, l’interdiction de paraître figure déjà dans notre droit, visant notamment les hooligans. Vous feriez bien de vous en inspirer, monsieur le garde des sceaux, pour empêcher les black blocs d’entraver le droit de manifestation dans notre pays.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ah oui ?

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Mieux écrite qu’elle ne le fut auparavant, cette mesure aurait tout à fait mérité de rester dans le présent texte. Je regrette que le Gouvernement recule sous la pression de son aile gauche.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Tu es fort, Olivier !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

  • partager

    Relativisons ! À vous entendre, cher collègue, l’aile gauche va quasiment jusqu’à la droite de l’hémicycle puisque les centristes me semblent aussi défavorables à cette disposition.
    Il n’y a pas de mal à revenir sur une mesure qui, soyons clairs, est mal fagotée. Pour une fois que le Gouvernement écoute la représentation nationale, je ne boude pas mon plaisir : nous faisons notre travail et, en plus, nous sommes écoutés.

    Mme Cécile Rilhac

  • partager

    Très bien !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Dimitri Houbron.

    M. Dimitri Houbron

  • partager

    Membre du groupe Agir ensemble, je suis heureux d’apprendre que je me situe sur l’aile gauche de cet hémicycle… Vous m’apprendrez encore de nouvelles choses.
    Sur la forme, j’ai toujours considéré, depuis l’examen en commission, que cette disposition est un cavalier car elle n’a rien à voir avec le reste du texte. Sur le fond, je ne peux pas vous laisser dire qu’aucune disposition ne permet de lutter efficacement contre ce type de rencontres dans les transports publics. Comme l’ont rappelé mes collègues, le code pénal compte suffisamment d’outils à la main des magistrats pour les cibler.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Ce n’est pas vrai !

    M. Dimitri Houbron

  • partager

    L’article étant superfétatoire sur le fond et totalement inadapté dans ce texte, nous sommes favorables aux amendements de suppression.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Sans vouloir faire de polémique, monsieur Marleix, je voudrais tout d’abord revenir sur une remarque que j’ai faite hier, en votre absence. J’ai rappelé aux députés de votre groupe qu’ils étaient en opposition totale avec votre majorité sénatoriale qui, à l’unanimité, a voté pour ce texte.
    Ensuite, je me demande comment vous pouvez me faire grief d’être attentif à la représentation nationale à laquelle vous appartenez. C’est quand même extraordinaire !
    Quant à la solidarité gouvernementale dont vous parlez, je vous en prie, allez revoir les dates et la chronologie. On ne peut jamais tricher avec la chronologie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Monsieur Marleix, ajouter de la loi à la loi pour faire croire qu’on fait preuve de fermeté et qu’on est les champions de l’ordre public, ça n’a jamais marché, c’est un écran de fumée.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    C’est valable pour le prochain projet de loi ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Parcourez le code pénal, vous verrez que toutes les dispositions utiles s’y trouvent. Écoutez aussi les acteurs de terrain – juges, procureurs, avocats, responsables des transports publics – qui disent qu’une telle disposition n’est pas applicable. (Mme Laetitia Avia applaudit.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Exactement !

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    La rapporteure est convaincante…

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

  • partager

    Cher Olivier Marleix, nous sommes d’accord sur le principe : l’interdiction de paraître peut être une solution, et cette mesure devrait être renforcée pour sanctionner certains types de comportements et d’infractions.
    Si j’ai déposé cet amendement de suppression, c’est que la rédaction de cet article n’est pas bonne. Outre le fait qu’elle prête à de nombreux contentieux, cette disposition n’est pas du tout opérationnelle. Il vaut donc mieux la supprimer en l’état pour éventuellement y revenir à la faveur d’un autre texte. Au groupe UDI-I, nous ne disons rien d’autre.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    Ça change d’hier soir : on peut enfin débattre !

    M. Olivier Marleix

  • partager

    On recule au lieu d’essayer de progresser sur ce sujet au gré des lectures et des textes. C’est dommage.
    La disposition contenue dans la loi d’orientation des mobilités – LOM – a été censurée parce qu’elle était de portée trop générale. Le présent article, dont il me semblait qu’il avait été présenté à l’initiative du Gouvernement, propose une solution plus calibrée, permettant au juge de prononcer une peine plus adaptée, en désignant les parties de réseaux de transport urbains concernés.
    J’observe d’ailleurs qu’il n’existe pas de réponse alternative à ce jour. Les interdictions de transport scolaire, prononcées par des présidents de département à l’égard de certains enfants, ont en général été cassées par les juridictions.
    Ce texte apportait une réponse beaucoup plus opérationnelle. Le Gouvernement n’en veut plus, recule sous la pression d’une majorité qui a des problèmes.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Vous êtes vexé, monsieur Marleix !

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Il ne sait plus trop où il habite en ce qui concerne les questions d’ordre public. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) C’est un choix du Gouvernement.
    Monsieur le ministre, je ne le dis pas pour polémiquer mais parce qu’il s’agit d’un sujet important de ce texte. En commission des lois, notre collègue Philippe Gosselin a indiqué qu’un tel recul n’était pas acceptable et que, si les amendements de suppression étaient retenus, notre groupe s’abstiendrait sans doute sur l’ensemble du texte.
    Il est regrettable que vous n’écoutiez que votre majorité qui change d’humeur assez régulièrement sur les mêmes sujets.

    M. Pacôme Rupin

  • partager

    Vous aussi !

    (Les amendements identiques nos 25, 67, 92, 127 et 157 sont adoptés ; en conséquence, l’article est supprimé.)

    Après l’article 11

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l’amendement no 106.

    Mme Catherine Pujol

  • partager

    Contrairement à notre amendement sur les réductions de peine, celui-ci n’a pas été déclaré irrecevable, mais tous les deux s’inscrivaient dans la même logique : renforcer l’effectivité de la peine.
    En effet, il est bien compréhensible que nos compatriotes n’admettent pas que la peine effectivement purgée soit largement inférieure à celle qui a été prononcée. Les Français sont légitimement choqués par les nombreux cas de récidive, alors même que la peine précédente n’a pas été entièrement accomplie.
    Cet amendement propose donc de renverser la logique existante en matière de perpétuité. Actuellement, pour que la perpétuité décidée par une cour d’assises soit réelle, il faut une décision spéciale. Nous proposons de faire en sorte que, sauf décision spécialement motivée par le tribunal, la réclusion criminelle à perpétuité soit incompressible.
    Je crois que cette mesure correspond à une forte attente de nos concitoyens et même que sa mise en place ferait reculer le nombre de Français qui souhaitent le rétablissement de la peine de mort.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ah voilà !

    Mme Catherine Pujol

  • partager

    À ceux qui voudraient nous opposer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme – CEDH –, je rappelle que l’article 17 de la Constitution donne au Président de la République le pouvoir de grâce. Il existerait donc toujours un moyen de voir commuée cette peine de perpétuité réelle. Cela pourrait même faire l’objet d’un mécanisme automatique au bout de vingt-cinq ou trente ans de peine.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je suis très défavorable à cet amendement.
    Premièrement, vous souhaitez que la peine de sûreté puisse être portée aux deux tiers de la peine. C’est déjà le cas.
    Deuxièmement, vous souhaitez que la période de sûreté puisse couvrir la totalité de la peine – la totalité de la peine ! – en cas de perpétuité. Aucune peine ne peut être prononcée de manière définitive, sans aucun espoir, sans possibilité de révision ou d’amodiation. Ce serait totalement contraire à un principe fondamental de notre justice.
    Pendant la période de sûreté de vingt-deux ans, aucune sortie anticipée n’est possible. Vingt-deux ans, c’est suffisant pour que l’on puisse étudier un dossier et prendre une décision fondée sur des faits plutôt que sur une posture idéologique.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Que ça fait du bien un peu d’air frais ! Toujours vos vieilles lunes ! Je rêve de répondre un jour à Mme Le Pen, mais il faut dire qu’elle ne vient que cinq minutes par semaine à l’Assemblée nationale.

    Plusieurs députés du groupe LaREM

  • partager

    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est toujours les vieux machins ! Madame, à Perpignan, vous pouvez raconter aux électeurs de votre circonscription que la perpétuité n’est pas réelle. Vous ne pouvez pas raconter cela au garde des sceaux : c’est moi qui transmets les dossiers de grâce au Président de la République.
    Il y a des gens qui subissent une perpétuité réelle après trente-quatre, trente-cinq, trente-six ans en détention. Mais vous n’en avez jamais assez ! Un beau rétablissement de la peine de mort serait de nature à arrêter le crime dans ce pays, n’est-ce pas ? D’ailleurs, si vous veniez au pouvoir, il n’y aurait plus d’infraction, ce serait la paix sociale, le monde des Bisounours, tout le monde s’aimerait !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il faut arrêter avec vos vieux machins. Vos amendements ne sont même pas en lien avec le projet de loi, ils sont tout à fait excessifs et, de surcroît, ils portent atteinte au principe constitutionnel d’individualisation de la peine – pour vous, c’est sans doute un détail. Voilà ce que j’ai à vous répondre. C’est pathétique, du populisme à l’état pur, vous comprenez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Olivier Marleix

  • partager

    On n’est pas au théâtre ici !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Vous ne faites que flatter les bas instincts. Vous ne proposez rien ; tout est posture chez vous. En réalité, vous ne proposez que des mesures qui existent déjà ou qui sont irréalisables. C’est comme ça que vous faites votre beurre électoral. Voilà ce que je veux vous dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    On va donc pouvoir libérer Georges Ibrahim Abdallah ?

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Catherine Pujol.

    Mme Catherine Pujol

  • partager

    Monsieur le ministre, je pense que vous n’avez absolument pas écouté ce que je viens de dire.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    On lui pose une question de principe et il n’écoute pas !

    Mme Catherine Pujol

  • partager

    Je n’ai jamais prôné la peine de mort car, comme mon mouvement, je suis contre la peine de mort.
    Quant à Mme Le Pen, si vous avez quelque chose à lui dire, vous irez le lui dire vous-même. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Pacôme Rupin

  • partager

    C’est son amendement que vous défendez, parce qu’elle n’est pas là !

    (L’amendement no 106 n’est pas adopté.)

    Article 12

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Alain David, pour soutenir les amendements nos 41 et 40, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Alain David

  • partager

    L’amendement no 41 est défendu.
    J’en viens à l’amendement no 40. La principale innovation du projet de loi consiste à remplacer le FIADJ – fonds interprofessionnel d’accès au droit et à la justice –, géré par la puissance publique et alimenté par l’impôt, par un mécanisme propre à chaque profession, géré par elle et financé par une contribution volontaire obligatoire.
    Afin de s’assurer qu’il n’ait pas de conséquences anticoncurrentielles, ce nouveau modèle doit s’accompagner d’un encadrement des conditions d’éligibilité et de modalité de calcul des aides à l’installation ou au maintien. Le fait de prévoir un décret en Conseil d’État, proposé par le ministère de la justice après consultation des acteurs concernés, permettra de garantir le respect du principe d’égalité des chances entre les professionnels.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je connais l’expertise de Mme Untermaier et de mon collègue Fabien Matras sur ces questions, auxquelles ils ont longuement travaillé. Ils ont d’ailleurs mené, au nom de la commission des lois, une mission d’information très approfondie sur l’exercice de leurs missions par les officiers publics et ministériels.
    Le garde des sceaux a annoncé, en commission des lois, un futur grand projet de loi, qui devra évidemment passer le sas de la concertation et du dialogue. Les questions que vous soulevez devront être à nouveau évoquées dans ce cadre. Je me permets donc de vous donner rendez-vous au texte à venir.
    Je n’émets pas un avis défavorable sur le fond, car les dispositifs proposés sont intéressants. Nous avons néanmoins besoin d’un peu plus de temps. Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Même avis.

    (Les amendements nos 41 et 40, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (L’article 12 est adopté.)

    Après l’article 12

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 43 portant additionnel après l’article 12.

    M. Alain David

  • partager

    Il est proposé par les rapporteurs de la mission d’information flash relative à la déontologie des officiers publics et ministériels, qui ont rendu leurs conclusions le 7 octobre 2020 devant la commission des lois. Il vise à créer un accusé de réception pour les demandes de prestations soumises à des tarifs réglementés, pour lesquelles les notaires sont en situation de monopole et exercent des prérogatives de puissance publique. Alors que les notaires sont tenus d’instrumenter les requêtes des usagers, trop de demandes ne reçoivent aucune réponse ou font l’objet de délais de traitement excessivement longs en raison de leur caractère peu rémunérateur.
    Le présent amendement vise donc à simplifier et à fluidifier les relations entre les notaires et les usagers en prévoyant que toute demande d’acte ou d’intervention doit faire l’objet d’un récépissé, et en assurant la traçabilité du traitement de ces demandes, afin que l’usager soit informé de l’avancée de son dossier.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je comprends votre volonté d’informer les citoyens qui déposent une demande d’acte chez un notaire : c’est effectivement un enjeu important. Je vous avoue toutefois n’avoir pas moi-même travaillé sur cette thématique, même si j’ai tendance à être favorable à la mesure proposée. Comme précédemment, je demande le retrait de l’amendement.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il est identique à celui exprimée par la rapporteure. Comme j’avais déjà eu l’honneur de l’indiquer, monsieur le député, nous travaillons actuellement sur cette question : nous présenterons prochainement un projet de loi traitant notamment de la déontologie et de la discipline des professions du droit – y compris, bien sûr, de celles des notaires. Les dispositions de ce texte s’inspireront d’un rapport de l’IGJ rendu public le 4 décembre dernier. Elles feront l’objet d’une large concertation, qui inclura bien évidemment les parlementaires ayant participé à la mission flash. Patientez donc un peu, si vous me permettez cet impératif.

    (L’amendement no 43 n’est pas adopté.)

    Article 13

    M. le président

  • partager

    Les amendements no 158 et 159 rectifié de Mme la rapporteure sont des amendements de coordination.

    (Les amendements nos 158 et 159 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    (L’article 13, amendé, est adopté.)

    Articles 14 et 15

    (Les articles 14 et 15 sont successivement adoptés.)

    Après l’article 15

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 86 portant article additionnel après l’article 15.

    M. Jean-Félix Acquaviva

  • partager

    En raison de la récurrence des assassinats et des règlements de comptes en Corse, dans la région marseillaise, en Île-de-France, sur la Côte d’Azur et ailleurs – phénomène qui ne cesse de gangrener les sociétés –, plusieurs associations ont élevé la voix pour réclamer que la France s’inspire de l’exemple italien et instaure un délit d’association mafieuse. Elles appuient leur demande sur le faible taux d’élucidation de ces homicides – hors simples mises en examen –, qui est souvent dénoncé par ailleurs.
    Deux thèses s’affrontent sur cette question. Selon la première, l’arsenal législatif français comporte déjà tous les outils juridiques nécessaires à la poursuite des bandes criminelles. Ces outils correspondent, dans l’ensemble, aux dispositions relatives au délit d’association de type mafieux créé en 1982 en Italie. Le code pénal français apparaît en effet bien fourni, puisque les notions d’association de malfaiteurs et de bande organisée, d’ailleurs particulièrement exorbitantes du droit pénal classique, permettent notamment de poursuivre les individus pour actes préparatoires en vue de commettre un crime.
    Les tenants de la deuxième thèse considèrent, à l’inverse, que ces dispositions restent trop éparpillées et mal utilisées, et qu’il est nécessaire de désigner clairement ce qu’on appelle « la mafia » en France pour mieux la combattre, pour mettre fin à l’impunité des donneurs d’ordre et pour confisquer les biens des complices. Ce constat s’appuie sur le manque cruel de statistiques en la matière, et peut-être aussi sur un manque d’intérêt à l’échelle nationale – indifférence qui pourrait renvoyer à un imaginaire collectif dans lequel les phénomènes de mafia ou de type mafieux se limiteraient à la Sicile et à l’Italie du Sud.
    Il ne s’agit pas, par cet amendement d’appel, de lancer un débat clivant, mais de trouver un chemin pour répondre à la situation actuelle. Au vu de la gravité des faits, des répercussions de tels agissements, du pourrissement des sociétés qu’ils entraînent et de leur caractère très déstabilisant pour l’économie ainsi que pour le lien social et culturel au sein des territoires concernés, il nous semble nécessaire que les autorités contrôlant le fonctionnement des juridictions et des services de police et de justice en France se penchent véritablement sur la question. Il ne s’agit évidemment pas d’alimenter une vague de répression aveugle comme nous en avons malheureusement déjà connu, mais de poser le débat et de définir une méthode.
    C’est pourquoi, à défaut de pouvoir traiter plus avant de cette question dans le cadre du présent projet de loi, nous demandons un rapport sur l’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée. Il était en tout cas important de prendre date aujourd’hui.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Vous aviez déjà formulé cette demande de rapport en commission, me semble-t-il. Vous avez raison : il s’agit d’un enjeu majeur, dont vous avez fait une description très juste. Comme vous le savez, ces questions, parce qu’elles sont importantes, sont régulièrement évoquées, en commission, dans les ministères ou ailleurs – je vous épargnerai la liste des derniers rapports publiés sur ces thèmes. Je maintiens donc mon avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

  • partager

    Je comprends bien que les demandes de rapport sont souvent repoussées. Néanmoins, ce qui compte, en l’occurrence, ce n’est pas le rapport, mais son objet, qui a une dimension politique très importante. Ce n’est pas parce qu’il est évoqué de manière récurrente qu’il faut tomber dans la routine, car la situation s’aggrave. Cette question demandera certainement d’autres débats et d’autres mobilisations, car nous ne nous pouvons pas nous satisfaire de telles réponses.

    (L’amendement no 86 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 42.

    M. Gérard Leseul

  • partager

    Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la notion d’écocide, sur laquelle les membres du groupe Socialistes et apparentés ont beaucoup travaillé. Mon prédécesseur, Christophe Bouillon, avait développé cette idée, que la convention citoyenne pour le climat a également défendue, et dont j’espère que vous la reprendrez dans le cadre de nos débats à venir. Vous avez annoncé la création du délit d’écocide. Pour notre part, nous sommes très désireux de vous voir consacrer le crime d’écocide. Ce sera certes très difficile, monsieur le garde des sceaux : vous aviez déjà haussé le sourcil la dernière fois que nous avons évoqué cette possibilité et vous le faites à nouveau aujourd’hui.
    Le présent amendement ayant été jugé irrecevable sur les articles 8 et suivants du projet de loi, c’est seulement en fin de discussion, après l’article 15, que nous pouvons le soutenir. Je demande simplement que nous ouvrions ce chantier en vue de la discussion à venir en début d’année 2021. À tout le moins, nous souhaitons que soit présenté, douze mois après la promulgation du présent texte, un rapport sur le renforcement des dispositions relatives à la lutte contre l’écocide.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Je sais que beaucoup d’entre nous ont été frustrés de ne pas pouvoir traiter de l’écocide dans le cadre de ce projet de loi, mais je ne doute pas que nous en débattrons dans les semaines à venir. Vous le savez, le garde des sceaux a employé des mots très puissants en la matière, puisqu’il a dénoncé le « banditisme environnemental ». Un rapport au Parlement ne me semble pas nécessaire. En revanche, donnons-nous effectivement rendez-vous au projet de loi à venir sur la question. Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Mieux qu’un rapport, monsieur le député, vous aurez un projet de loi ! À cette occasion, nous discuterons évidemment de ces thèmes, complètement et pleinement. Peut-être même serai-je favorable à certains arguments des parlementaires, ce qui ne plaira sans doute pas à d’autres : c’est la loi du jeu parlementaire et de la discussion contradictoire.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Nous y sommes habitués !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Je ne souhaite pas prolonger les débats, car nous avons bien travaillé jusqu’à présent, mais je précise que nous souhaitions un rapport portant non pas sur l’écocide, mais sur le renforcement des dispositions relatives à la lutte contre les atteintes à l’environnement. Un tel examen nous paraît important, car ces dispositions, dont certaines ont d’ailleurs été adoptées dans le présent texte, soulèvent beaucoup d’interrogations.

    (L’amendement no 42 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    L’amendement no 47 de Mme Cécile Untermaier est défendu.

    (L’amendement no 47, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Titre

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 160.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Il vise à ce que justice soit faite et à ce que le titre soit plus révélateur des travaux menés au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale : nous avons considérablement enrichi le projet de loi en matière de protection de l’environnement, en ajoutant sept articles au chapitre consacré à ce thème. Je propose que nous en tenions compte en adoptant le « projet de loi relatif au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée ».

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Favorable, monsieur le président. C’est un bien beau titre !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je comprends la finalité de cet amendement et je ne m’y opposerai pas, mais il est tout de même symptomatique de la manière dont nous travaillons ici : les différents textes que nous examinons sont, de plus en plus, constitués de morceaux décousus. On vient de nous demander, en réponse à l’amendement précédent, d’attendre le futur projet de loi – lequel, si je vous ai bien écouté ce matin, monsieur le garde des sceaux, traitera à la fois des black blocs, des mesures de sûreté, des délits environnementaux, éventuellement de la justice de proximité et du rôle des procureurs, peut-être de la simplification de la procédure pénale… (L’orateur soupire.) Je peine vraiment à comprendre comment vous vous organisez pour travailler de la sorte. Je me dois de le souligner car cela remet en cause la clarté de nos débats, qui constitue pourtant un principe constitutionnel, au même titre que l’intelligibilité de la loi qui en découle.

    (L’amendement no 160 est adopté.)

    M. le président

  • partager

    Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Explications de vote

    M. le président

  • partager

    Dans les explications de vote, la parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Sur la forme, le groupe Socialistes et apparentés souligne la précipitation dans laquelle les textes ont été soumis à la commission des lois – qui répond néanmoins toujours présente lorsqu’un travail lui est confié. Nous tenons à remercier le garde des sceaux de sa présence tout au long des travaux qui se sont tenus dans une ambiance constructive, en commission des lois comme en séance publique.
    Sur le fond, la création d’un parquet européen recueille notre approbation totale. L’adaptation du règlement européen à la législation française n’était pas facile. C’est un combat de longue haleine qui aboutit, ce dont nous nous félicitons. Il est d’ailleurs amusant de voir que les députés qui, sur certains bancs, s’inquiètent de l’absence d’indépendance du parquet européen sont les mêmes que ceux qui n’agissent pas en faveur de cette indépendance du parquet en France.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Très bien !

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Les débats relatifs à la justice environnementale ont été d’un bon niveau. Le constat d’une situation alarmante en matière d’efficacité de la justice pénale environnementale – le contentieux ne représentant que 1 % des condamnations au pénal et 0,5 % au civil – nous oblige. Tournons-nous vers les juridictions spécialisées et protégeons-nous des assauts des lobbies dès lors qu’il est possible de se battre contre un risque de préjudice écologique identifié, notamment d’avoir recours à la convention judiciaire écologique.
    Nous regrettons que nos amendements visant à apporter des garanties satisfaisantes liées à la spécificité des préjudices écologiques et des victimes qui y sont associées n’aient pas été retenus. Cependant l’indigence de la situation actuelle appelle une réaction et il s’agit d’un parcours pénal parmi d’autres.
    Grâce à la pression des citoyens et des associations de protection de l’environnement – que je tiens à saluer pour le travail qu’elles mènent en continu –, les préjudices les plus graves devront donner lieu à une réelle audience et la justice ne pourra pas à tout instant régler une question en faisant l’économie d’un procès.
    Concernant la convention citoyenne pour le climat, nos démarches anciennes en faveur de la notion de crime écologique, dont mon collègue Leseul vient de parler, devront nous permettre de progresser. Nous attendons avec impatience le prochain texte liant intimement justice et environnement parce qu’une telle approche est nécessaire.
    En vous remerciant pour la qualité des débats, madame la rapporteure, monsieur le ministre et tous les collègues, je vous précise que le groupe Socialistes et apparentés votera pour ce texte.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

  • partager

    Merci !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

  • partager

    Ce texte est composé de deux volets principaux, le premier portant sur la création du parquet européen et sur l’adaptation du droit français qui en découle, le deuxième sur la justice pénale spécialisée, en particulier en matière environnementale.
    Je veux me féliciter de la qualité de nos débats, très ouverts et marqués par une écoute mutuelle. Nous avons émis des nuances, plus qu’exprimé de réelles divergences, notamment sur la façon dont s’articule la mission du procureur délégué dans le cadre de la culture judiciaire française, mais chacun a pu défendre la cohérence de son point de vue. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas été entendus in fine que notre appréciation sur ce volet du texte, et sur le projet de loi en général, changera.
    Nous l’avons dit, nous sommes très favorables à la création d’un parquet européen. Nous militons pour l’extension de ses compétences à la lutte contre la criminalité organisée et contre les actes terroristes. Je sais que nous sommes sur la même longueur d’onde que le Gouvernement et le Président de la République. Nous comptons sur eux. Si nous pouvions convaincre le plus grand nombre possible de pays européens de procéder à cette extension dans les meilleurs délais, nous ferions œuvre utile pour la France et pour nos concitoyens.
    Concernant la justice pénale spécialisée, nous avons également eu un débat approfondi sur la CJIP, sur son intérêt mais aussi sur les limites que nous percevons. Là encore, il s’agit davantage de nuances : si nous partageons presque entièrement votre point de vue concernant cette procédure sur le plan des principes, il n’en va pas de même concernant son application, telle que la prévoit le texte.
    Nous nous félicitons de la sagesse du Gouvernement qui nous a autorisés à supprimer l’article 11 dont nous comprenons les objectifs mais dont nous avons dit qu’il était mal rédigé. Il faudra sans doute réfléchir de nouveau à son contenu à l’occasion d’un autre véhicule législatif.
    En conclusion, le groupe UDI et indépendants votera bien volontiers ce texte.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je profite de cette explication de vote pour préciser que le groupe de La France insoumise et moi-même n’avons pas changé d’avis, aussi bien par rapport aux propos que j’ai tenus au début de l’examen du texte, lors de la motion de rejet préalable que par rapport à ceux de notre collègue Danièle Obono au moment de la discussion générale.
    Nous voterons donc contre ce texte. Monsieur le ministre, après l’exposé de notre motion de rejet préalable, laquelle portait sur les dispositions relatives à la création du parquet européen, qui sont au cœur de ce projet de loi, vous avez affirmé – c’était d’ailleurs, sinon le seul, du moins votre principal argument – que ce qui nous différencie, au fond, c’est que vous êtes profondément européen alors que nous ne le serions pas.
    Je vous le redis : si c’était le cas, cela ne nous poserait pas de problème – ma foi, à chacun son point de vue. Or ce n’est pas vrai. Nous ne sommes pas anti-européens.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Mais si !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je suis anti-Union européenne et anti-construction européenne telles qu’elles existent aujourd’hui. Cela, je l’assume à 800 % et même au-delà si vous voulez. En revanche, je suis bien sûr favorable à une coopération européenne, entre les peuples, notamment en matière de justice et de police, sous réserve que cette souveraineté soit admise par tout le monde, et que la légitimité, y compris démocratique, de ce pouvoir soit réelle.
    Je rappelle que le parquet européen décidera lui-même de sa propre politique pénale – j’insiste sur ce point – et que les procureurs délégués seront en position de détachement, selon le même modèle qu’à Monaco. Cela signifie que des tentatives de déstabilisation d’un magistrat, comme nous en avons connu, seront possibles. Je ne suis pas sûr que cela se produise, et je ne l’espère pas, mais la possibilité existera.
    Je vous signale par ailleurs que la chambre qui définit la politique pénale au niveau européen – il existe un deuxième collège chargé du suivi concret des affaires – peut, de son propre chef, décider de dessaisir un procureur délégué européen d’un dossier pour confier celui-ci à un autre, et ce sans rendre de compte à une quelconque instance politique démocratiquement élue. Ce n’est donc pas seulement le caractère européen du parquet qui pose problème mais le modèle que l’on nous propose en affirmant qu’il garantira une indépendance de façon pure et parfaite. Or ce n’est pas le cas, pour les raisons que je viens de donner et que je tenais à répéter afin que ce soit bien clair dans l’esprit de chacun.
    J’espère bien que demain, une fois que nous serons arrivés au pouvoir, la coopération judiciaire au niveau européen sera renforcée afin de lutter entre autres contre la criminalité organisée. Or, à vous entendre parler du texte, on a l’impression que rien n’est prévu aujourd’hui en la matière et que lorsqu’un voyou passe la frontière, c’est terminé, on met la clé sous la porte. Heureusement que cela ne se passe pas comme ça aujourd’hui et que l’on poursuit les individus à travers l’Europe et à travers le monde ! J’ai évoqué plusieurs filières, dans le domaine de la délinquance économique et financière, qui dépassent largement les frontières de l’Europe et qui requièrent des moyens d’enquête assez spécifiques.
    Pour le reste du texte, comme je vous l’ai dit, je suis défavorable à la nouvelle proposition d’extension de l’utilisation de la visioconférence et au fait que l’on saupoudre des éléments de justice environnementale, pour lesquels on nous invente des juridictions spécialisées alors qu’il en existe déjà deux, qui sont sous-dotées et réclament des moyens supplémentaires – je pense notamment aux JULIS, les juridictions spécialisées du littoral. Il nous faudrait aussi davantage d’enquêteurs spécialisés plutôt que davantage de magistrats spécialisés. Mais avec ce projet de loi, vous suivez une piste pas inintéressante qui consiste à donner des prérogatives judiciaires à des agents qui n’avaient jusqu’à présent que des prérogatives administratives.
    J’ai l’impression que, dans cette affaire, l’objet juridique non identifié n’est pas seulement le parquet mais le texte dans son intégralité. En effet, on y parsème des morceaux de ceci et de cela, tout en appelant à nous revoir ultérieurement à l’occasion d’un autre texte dans lequel il y aura d’autres morceaux de ceci et de cela.
    Je redis au nom de mon groupe que je désapprouve ce texte, à la fois sur la forme et sur le fond. Avec ce projet de loi sur le parquet européen, nous passons à côté d’une nécessaire réforme du fonctionnement de la justice française, notamment d’une réforme du parquet visant au moins – même si j’ai des propositions qui vont beaucoup plus loin – à aligner les règles de nomination des magistrats du parquet sur celles du siège.
    Qu’on ne vienne pas m’expliquer que c’est la faute d’Alexandre Benalla si une telle réforme n’est pas proposée – cela n’a rien à voir. S’il existait une réelle volonté politique dans ce sens, un texte de dimension constitutionnelle ayant pour objet unique la justice verrait le jour. Or ce n’est pas prévu à l’agenda. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas entendu évoquer la présentation d’un tel projet de loi constitutionnelle. C’est bien dommage car je pensais que c’était dans cette perspective que vous aviez été nommé.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Patience !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

  • partager

    Nous nous réjouissons que finalement, après de longues années de tractations entre la Commission et les autres instances européennes d’un côté et les États membres de l’autre, le parquet européen finisse par voir le jour. Il devra faire face à des enjeux très importants, notamment les fraudes à la TVA, la corruption ou encore le blanchiment d’argent. Nous espérons que nous serons mieux armés à présent pour lutter contre ces fléaux.
    Il est vrai que des questions demeurent. Ugo Bernalicis a posé celle de l’indépendance des juges, évoquant le risque qu’ils soient sous pression. En matière de contrôle démocratique, l’Europe, avec d’un côté les États et de l’autre le Parlement européen, se situe un peu dans un entre-deux, ce qui ne garantit pas toujours une grande limpidité. Nous souhaitons donc évidemment que les instances européennes se montrent de plus en plus claires sur ce point. Il y va de l’adhésion de nos concitoyens au projet européen.
    Si la majorité des membres du groupe Libertés et territoires regrettent aussi que nous n’ayons pas avancé un peu plus en matière de justice environnementale, elle votera en faveur de ce projet de loi.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

  • partager

    Je ne suis pas trop entré dans le débat qui a opposé, hier soir, pro- et anti-européens. Cela dit, j’aurais pu y prendre part car, parmi les formations politiques qui composent aujourd’hui l’hémicycle, la mienne est la seule qui était en activité lors du référendum de Maastricht. En effet, le Front national n’existe plus, les Républicains portaient alors un autre nom et la France insoumise n’avait pas encore été créée.
    Seul le Parti communiste français menait bataille, avec d’autres formations à l’époque, en souhaitant une autre Europe, une Europe des nations, où la souveraineté des peuples était respectée. À cette tribune, Philippe Séguin avait alors fait un exposé de près de deux heures pour développer ce point de vue. Nous qui, hier soir, étions si peu nombreux à défendre une autre conception de l’Europe, nous représentions, au moment du référendum, plus de la moitié du peuple français. Quoi qu’on nous dise aujourd’hui, cela a tout de même son importance.
    Depuis ce moment-là, on n’a jamais réinterrogé le peuple français. Après plusieurs années d’expérience, vous devriez pourtant être très à l’aise pour le faire dans le cadre d’un nouveau référendum afin de démontrer que l’Europe est la panacée. Car en démocratie, on doit être capable de convaincre le peuple.
    Cependant je ne crois pas que le parquet européen aidera à convaincre le peuple français des bienfaits de l’Europe. Je crois au contraire que l’on construit dans son dos, petit pas par petit pas, une Europe fédérale qui ne lui a jamais été clairement présentée comme telle. On ne lui a jamais dit qu’on voulait l’emmener vers une Europe fédérale qu’on appellerait les États-Unis d’Europe, avec des gouverneurs dans chaque État, mais qu’on sortirait complètement de la République française ès qualités telle qu’on la connaît aujourd’hui. Il faut oser dire les choses et appeler les choses par leur nom, sinon les gens finissent par se désintéresser de la politique. C’est d’ailleurs peut-être ce qui se passe aujourd’hui avec le niveau d’abstention que l’on observe scrutin après scrutin.
    L’autre élément qui ne convient pas au groupe communiste dans cette loi un peu fourre-tout, c’est la financiarisation de la justice – car c’est ainsi que nous traduisons le recours à la convention judiciaire d’intérêt public. Nous considérons que c’est une pierre supplémentaire à l’édifice que construit la majorité présidentielle, après la loi sur le droit à l’erreur et celle sur le secret des affaires. Pièce après pièce, vous démontrez que vous êtes au service des plus puissants alors que, si vous le permettez, monsieur le garde des sceaux, j’ai toujours pensé que la justice devait servir les plus faibles face aux plus puissants. Ce n’est pas ce dont vous témoignez aujourd’hui.
    Et pour qu’il n’y ait pas un trop grand décalage entre le discours de la France sur la scène internationale depuis les accords de Paris – ses propositions sont puissantes au sein de l’Organisation des Nations Unies, par exemple – et le droit national, il faut oser nommer les choses : si le crime environnemental est reconnu, il doit être mentionné tel quel dans notre droit. Car sinon, notre pays perdra en crédibilité et d’autres en joueront. J’attends avec impatience la suite. Je suis membre de la commission des affaires étrangères, mais l’examen de ce texte dans l’hémicycle m’a permis – comme mon collègue Potier, qui suit ce type de sujets – de constater qu’il y avait des connexions intéressantes à trouver. En attendant, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre le projet de loi.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

  • partager

    Après avoir écouté les différents orateurs, je ne peux que me réjouir, au nom du groupe La République en marche, de la quasi-unanimité sur ce texte parce qu’il apporte une brique absolument fondamentale à la construction européenne – nous avons d’ailleurs eu de longues discussions sur ce thème. Cela montre que l’Europe est capable de se défendre elle-même et c’est porteur de grands espoirs pour l’avenir. On a tous conscience que ce texte n’est probablement qu’une étape, le Président de la République l’a dit à plusieurs reprises, notamment s’agissant du terrorisme. La voie est ouverte. À nous et à l’Europe de continuer en ce sens.
    Ce texte est aussi un élément déterminant de la trajectoire qui doit nous mener vers une répression infiniment plus puissante des atteintes à l’environnement, notre bien le plus cher aujourd’hui. Nous avons en effet bien conscience que la CJIP sera un outil formidable et que des pôles environnementaux sont absolument nécessaires pour assurer une meilleure efficacité de la justice en la matière, mais aussi que ce sera sans doute encore insuffisant. Raison pour laquelle M. le ministre a fait à plusieurs reprises référence à un texte à venir, qui ne créera probablement pas le crime d’écocide mais plus sûrement le délit d’écocide, soit une gradation des sanctions contre les délits environnementaux selon l’intentionnalité de leurs auteurs. C’est fondamental. Je suis très satisfait d’avoir entendu de nombreux orateurs aller dans ce sens en indiquant que leur groupe votera ce texte.
    Je suis moins satisfait de la position du groupe Les Républicains sur l’article 11 qui emporte, si j’ai bien compris, son abstention sur l’ensemble du texte. C’est incompréhensible, voir insupportable, de prendre une position de cette nature, d’autant plus qu’elle est à l’inverse de celle prise par les sénateurs de leur groupe. Vous tenez un double discours constant, mes chers collègues, tantôt nous reprochant de nous laisser faire par la gauche, tantôt prétendant que nous nous laissons faire par la droite, que nous sommes soit laxistes, soit liberticides… Il faudra enfin faire un choix clair une bonne fois pour toutes.

    M. Christophe Naegelen

  • partager

    Occupez-vous de votre groupe !

    M. Didier Paris

  • partager

    Je n’ai interrompu personne jusqu’à présent.

    M. le président

  • partager

    Seul M. Paris a la parole.

    M. Didier Paris

  • partager

    Nos débats ont été sains et sereins ; ils ont aussi été relativement longs puisque consacrer presque deux jours à un texte comportant à peine plus de cent amendements n’est pas si fréquent, mais c’était absolument nécessaire pour aller jusqu’au bout de l’examen de chacun des dispositifs proposés. Je note à cet égard, monsieur Lecoq, qu’y compris vous qui ne souhaitez pas le voter, avez parfaitement joué le jeu…

    M. Olivier Marleix

  • partager

    Occupez-vous de votre groupe !

    M. Didier Paris

  • partager

    …en participant à nos discussions sur la construction européenne et sur la construction de notre politique pénale en matière environnementale, c’est-à-dire au final à la construction d’un corps juridique commun qui pourrait nous réunir.
    Je conclurai en remerciant tout d’abord M. le ministre et ses services pour la constante sollicitude dont ils ont fait preuve à l’égard de notre assemblée alors qu’il ne s’agissait pas de coconstruction législative mais bien d’un texte gouvernemental. Nous avons eu largement le temps d’en débattre. Je remercie aussi en la félicitant très chaleureusement Naïma Mouchou (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens), notre rapporteure de la commission des lois, qui a fait un travail remarquable de qualité, marquée par une grande perspicacité sur l’ensemble des sujets. Elles ne sont pas présentes, mais je rappelle que Liliana Tanguy et Souad Zitouni ont, elles aussi, dans leur sphère respective de compétences, beaucoup travailler sur ce texte. Je suis très satisfait ce soir de voir à quel niveau nous sommes tous ensemble parvenus et je suis persuadé que nous aurons encore le plaisir de travailler pareillement sur ce type de problématiques absolument fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    N’en déplaise à M. Paris, je confirme que le groupe Les Républicains s’abstiendra majoritairement sur ce texte, notamment à cause du retrait, via un amendement de suppression de nos collègues de La République en marche, des dispositions de l’article 11. Nous faisons confiance à la commission mixte paritaire de demain, et aux sénateurs du groupe Les Républicains, pour vous aider à rétablir, chers collègues, cette disposition utile.
    S’agissant des pôles régionaux spécialisés en matière de délits environnementaux, je voudrais tout de même exprimer une certaine inquiétude sur la tentation qui est la nôtre de tout correctionnaliser en ce domaine, comme une forme d’excuse de l’inertie existant par ailleurs. L’État a déjà des pouvoirs de police administrative extrêmement importants et il devrait les utiliser : les DREAL, par exemple, devraient utiliser pleinement leurs prérogatives. Cela nous éviterait de correctionnaliser toutes les procédures. Malheureusement, ce n’est pas ce que fait le législateur : il constate très facilement de nouveaux délits alors qu’il suffirait dans certains cas d’agir en amont, que l’État fasse le travail de police administrative qu’il est censé faire.
    Pour ce qui est du parquet européen, notre groupe est évidemment partagé, plusieurs de mes collègues l’ont dit hier, car nous nous interrogeons sur les ambitions que recèle cette création. S’il s’agit pour l’Europe d’être plus efficace dans la défense de ses intérêts, notamment s’agissant de la fraude massive à la TVA, cette mesure va évidemment dans le bon sens, mais nous serons extrêmement vigilants sur la politique pénale que développera ce parquet, sachant que son indépendance vis-à-vis des différents États poserait question s’il s’aventurait trop loin. Et puis il ne faudrait pas non plus que cette création en vienne à compliquer encore davantage les procédures de lutte contre la délinquance économique et financière, déjà parfois beaucoup trop lourdes et complexes.
    Enfin, un point que je n’ai pas eu l’occasion d’évoquer plus tôt : mes amendements déclarés irrecevables au nom de l’article 45 de la Constitution. Leur objet était pourtant en rapport avec le texte puisqu’il s’agissait de modifier le code de procédure pénale, en particulier les conditions d’agrément des associations au titre de la lutte contre la délinquance économique et financière. Aujourd’hui, les procédures d’agrément et de renouvellement d’agrément ne sont absolument pas sécurisantes pour elles. Qu’il s’agisse de Transparency International, de Sherpa ou d’Anticor, pour ne citer qu’elles – j’ignore pourquoi vous haussez les sourcils, monsieur le ministre –, leur action est utile et c’est bien pourquoi elles sont agréées à se constituer parties civiles dans les affaires de corruption, de délinquance économique ou financière, et il ne faudrait pas que l’instruction de l’agrément par vos services, monsieur le ministre, soit laborieuse au point de faire tomber des actions en cours. (Mme Brigitte Kuster applaudit.) Mes amendements visaient à éviter une éventuelle tentation à cet égard. Je regrette vraiment l’interprétation de l’article 45 par le service de la séance, qui conduit à écarter dès la première lecture trop d’amendements de députés.
    En bref, monsieur le garde des sceaux, il ne faudrait pas que derrière les belles intentions dont est parée la création d’un parquet européen se cachent de moins belles actions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        89
            Nombre de suffrages exprimés                85
            Majorité absolue                        43
                    Pour l’adoption                81
                    Contre                4

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

  • partager

    Prochaine séance, demain, à neuf heures :
    Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord avec les États membres de l’Union monétaire ouest-africaine ;
    Projet de loi ratifiant la convention relative aux infractions à bord des aéronefs ;
    Projet de loi ratifiant l’ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-huit heures dix.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra