XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Première séance du jeudi 17 juin 2021

Sommaire détaillé
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Première séance du jeudi 17 juin 2021

Présidence de M. David Habib
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Justice sociale

    Deuxième lecture

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale (nos 3970, 4231).
    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées

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    Depuis quatre ans, le Gouvernement a fait de la simplification et de l’amélioration du quotidien des personnes en situation de handicap un axe majeur de sa politique sociale. Les valeurs qui nous guident sont celles de l’égalité des chances, de la justice, de l’équité, de la liberté d’agir et de choisir. Le projet que nous défendons est celui d’un système juste et adapté à chacun, qui permette aux personnes de choisir leur vie en étant accompagnées autant que de besoin.

    M. Marc Le Fur

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    C’est l’occasion de le démontrer !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Cette société inclusive voulue par l’ensemble du Gouvernement est résolument solidaire. Elle est au cœur de nos principes républicains, de notre système de solidarité nationale, C’est une société de la confiance et de l’autonomie des personnes, qui garantit le droit de voter, le droit à l’éducation dès le plus jeune âge, le droit de suivre une formation, de travailler, d’être parent, de se loger décemment et d’être accompagné dignement, surtout pour ceux dont les besoins sont les plus complexes.
    La confiance, c’est ne plus demander aux personnes dont le handicap est irréversible de renouveler constamment leurs droits : nous sommes le premier gouvernement qui a simplifié massivement les démarches administratives des personnes en situation de handicap et de leurs familles, avec la mise en œuvre des droits à vie en 2019 et un meilleur accompagnement par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), sous la responsabilité des départements, qui ont considérablement diminué leurs délais de traitement.
    La confiance, c’est aussi le droit de vote pour tous les majeurs protégés, que nous avons rétabli en mars 2019. Les 350 000 Français auparavant soumis à une évaluation de leur capacité électorale par le juge des tutelles peuvent désormais voter librement ; cela faisait plus de vingt ans que les associations le réclamaient.
    C’est encore l’école de la République qui se transforme et évolue depuis le début du quinquennat. À la rentrée 2020, nous avons scolarisé 385 000 élèves en situation de handicap – c’est près de 20 % de plus qu’en 2017. Avec le développement des classes dédiées, ce sont 41 000 enfants autistes qui sont accueillis sur les bancs de l’école, alors qu’ils en étaient précédemment exclus.
    Nous sommes le gouvernement qui refuse de considérer que, par principe, une personne en situation de handicap n’a pas de valeur professionnelle et qu’elle ne peut pas apporter son talent un employeur. Il ne s’agit pas de nier la différence, mais en quoi celle-ci serait-elle incompatible avec l’emploi, dès lors qu’on accompagne dans la durée le salarié et l’employeur pour les sécuriser ?

    Mme Christine Pires Beaune

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    Personne ne le pense !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Oui, handicap, compétences et emploi sont compatibles, et les employeurs sont de plus en plus nombreux à comprendre que la différence est une source de richesse pour les entreprises.
    Allez sur le terrain pour rencontrer des personnes en situation de handicap qui occupent un emploi ordinaire, adapté ou protégé ; échangez avec les directeurs des ressources humaines ou les managers : ils vous diront que nul n’est inemployable. Vous serez surpris et changerez de regard sur les personnes handicapées ; vous cesserez de penser qu’elles ne peuvent pas travailler durablement et que leur unique ambition est de rester chez eux.

    M. Pierre Dharréville

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    Qui a dit ça ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Nous avons massivement investi pour favoriser le recrutement et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, ce qui nous a permis de descendre pour la première fois sous la barre symbolique des 500 000 demandeurs d’emploi.
    Nous ouvrons aussi de nouveaux droits comme celui, lorsqu’on est parent en situation de handicap, de bénéficier de l’aide de quelqu’un grâce à un financement pouvant aller jusqu’à 900 euros par mois, à quoi s’ajoute un forfait de 1 400 euros, attribué à la naissance de l’enfant, puis renouvelé pour ses 3 ans et ses 6 ans, et destiné à l’achat de matériel destiné à faciliter l’exercice de la parentalité.
    Nous garantissons aussi le droit d’accéder à un logement. Nous soutenons le développement de l’habitat inclusif, réponse prometteuse au dilemme vécu par les personnes pour qui vivre chez soi comme avant n’est plus possible mais qui ne souhaitent pas ou n’ont pas besoin d’opter pour la vie collective en établissement.
    Avec une cible de 60 départements couverts dès 2022, l’aide à la vie partagée (AVP) garantit, depuis le 1er janvier 2021, le développement rapide de ce mode de vie adapté au projet d’autonomie des personnes, quels que soient leur âge et leur situation : c’est ça, le vivre-ensemble.
    Parce qu’il est de notre responsabilité d’accompagner au mieux et de façon plus digne les personnes et leurs familles, nous mettons en œuvre, dès 2021, des réponses innovantes pour les adultes autistes présentant des troubles très sévères : des unités résidentielles de petite taille qui assureront l’accueil 365 jours par an, avec un accompagnement renforcé permettant une prise en compte adaptée et individualisée des besoins les plus spécifiques. Nous sommes également le premier gouvernement à faire cesser l’exil et le départ contraint des adultes en Belgique.

    M. Alain Bruneel

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    C’est normal, ils sont déjà arrivés !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Bref, nous offrons aux personnes en situation de handicap le droit de choisir leur vie, comme tout citoyen : ainsi, si le secrétariat d’État en charge des personnes handicapées a été rattaché au Premier ministre, c’est pour faire des personnes en situation de handicap des citoyens à part entière et non plus à part.
    Tout cela se traduit par un investissement massif de la nation. Avec 51 milliards d’euros en 2020, soit 2,2 % du PIB, nous faisons partie des pays européens les plus mobilisés en faveur des citoyens en situation de handicap, dont nous augmentons notamment le pouvoir d’achat. Oui, nous défendons un bilan dont nous pouvons être fiers.
    J’en viens à la question du pouvoir d’achat. L’allocation aux adultes handicapés (AAH), créée par la loi du 30 juin 1975, a vocation, comme tous les minima sociaux de droit commun, à assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. À l’image du revenu de solidarité active (RSA) et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l’allocation aux adultes handicapés repose sur la solidarité nationale et, plus spécifiquement, sur la solidarité entre époux, rappelée par le code civil.
    Le Président de la République avait indiqué, lors de la campagne électorale de 2017, vouloir garantir le pouvoir d’achat des personnes en situation de handicap. C’est ce que nous avons fait en augmentant de près de 12 % l’allocation aux adultes handicapés, grâce aux deux vagues de revalorisation exceptionnelle, en 2018 et en 2019. Cela représente près de 100 euros nets d’augmentation par mois, soit plus de 2 milliards d’euros supplémentaires sur l’ensemble du quinquennat. Cette année, nous consacrons ainsi 11,1 milliards d’euros à l’allocation aux adultes handicapés, pour plus de 1,2 million de bénéficiaires.
    Minimum social de droit commun, l’allocation aux adultes handicapés tient compte du fait que les personnes en situation de handicap sont pour certaines éloignées de l’emploi. Aussi son montant est-il beaucoup plus élevé que celui du RSA – 904 euros pour l’AAH contre 565 euros pour le RSA. Son calcul est également conçu pour favoriser le cumul d’un emploi avec l’AAH car rappelons que dans 35 % des couples, c’est la personne en situation de handicap qui travaille. (M. Pierre Dharréville proteste.) Le plafond de ressources d’un couple pour percevoir l’AAH est donc de 3 000 euros si c’est la personne handicapée qui travaille, et de 2 280 euros si c’est le conjoint.
    Enfin, il est également tenu compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH, et les abattements sur les ressources d’activité sont bien plus élevés que pour tous les autres minima sociaux, que l’on parle du conjoint ou du bénéficiaire, afin, toujours, de favoriser la reprise d’activité.
    Venons-en à la disposition initiale de cette proposition de loi qui nous arrive du Sénat.

    M. Alain Bruneel

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    Ah !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Elle remettait en cause non seulement les principes mêmes de solidarité et de redistribution, mais également le sens de l’action du Gouvernement. En effet, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés se serait traduite par une augmentation massive des dépenses de solidarité au profit de couples dont les revenus sont supérieurs à la médiane des Français.
    Mesdames et messieurs les députés, garants de la solidarité nationale, vous êtes en train de défendre un fléchage de la solidarité vers les foyers aux revenus les plus aisés.

    M. Pierre Dharréville

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    Mais oui, bien sûr…

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Pouvez-vous vous en satisfaire ? Alors que vous vous érigez en garants du bon usage des deniers publics et passez votre temps à nous donner des leçons de gestion, vous êtes prêts à ouvrir la voie à un revenu universel sans condition de ressources et à l’étendre au RSA. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Hubert Wulfranc

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    Raymond Barre, reviens !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Et l’opposition, où qu’elle siège, n’a pas l’air de s’émouvoir des 44 000 perdants que ferait la déconjugalisation – je veux parler des personnes en situation de handicap qui travaillent et sont en couple avec un conjoint qui perçoit peu ou pas de revenus.

    Mme Marie-George Buffet

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    C’est faux !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Ces personnes, dans une situation globalement plus précaire, bénéficient aujourd’hui de l’effet protecteur d’un plafond de ressources rehaussé pour les couples, ce qui témoigne bien de l’effet redistributif de la prise en compte de la situation familiale dans l’attribution de l’AAH et, a contrario, du risque que comporterait la modification de ses modalités.
    Je n’aurai de cesse de le répéter, la solidarité nationale s’appuie sur la solidarité familiale pour apporter son soutien aux plus précaires. Oui, nous considérons que le foyer est une cellule protectrice et, dans un système qui s’attache à assurer en permanence une redistribution juste et dédiée en priorité à la protection des plus vulnérables…

    Mme Marie-George Buffet

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    C’est la prise en charge de la dépendance !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …cette juste redistribution ne peut fonctionner que si les ressources du foyer des bénéficiaires sont prises en compte.
    Non, je ne laisserai pas, dans cet hémicycle, certains députés remettre en cause la place du handicap au sein des priorités du Gouvernement. (« C’est vous qui la remettez en cause ! » sur les bancs du groupe GDR.) Notre politique a toujours été guidée par la volonté de faire des personnes en situation de handicap des citoyens à part entière, des citoyens qui ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres, relèvent du même système de solidarité et du même système fiscal et redistributif, des citoyens qui, comme les autres, éprouvent le partage des ressources et des charges au sein de leur famille ou de leur couple. Je refuse de laisser les oppositions donner une vision misérabiliste du handicap… (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Alain Bruneel

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    Incroyable !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …et réduire les personnes en situation de handicap à des victimes.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Quelle honte !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Ce ne sont pas des victimes ni des citoyens à part, mais des citoyens à part entière ! (Exclamations et protestations sur les bancs des groupes GDR et LR.)

    Mme Marie-George Buffet

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    Il y a des limites, tout de même !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je refuse enfin de voir le couple réduit à une zone de violence permanente, où les personnes en situation de handicap sont systématiquement présentées comme soumises ou sous emprise.
    J’ai entendu l’appel de certaines femmes, de quelques hommes parfois, qui subissent des violences au sein de leur couple, et sont victimes sous emprise de leur conjoint.

    Mme Marie-George Buffet

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    Consultez les sites des associations ! Regardez les pétitions !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je n’ai pas attendu les débats sur la déconjugalisation pour m’y intéresser et y répondre, mais c’est un leurre de penser qu’elle est une solution à ce type de situations.

    Mme Marie-George Buffet

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    Mais si !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    La déconjugalisation d’une allocation ne résoudra pas le problème de la violence.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    C’est pourtant le cœur de l’autonomie !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Le sujet n’est pas celui du droit que l’on ouvre mais celui de l’accompagnement que l’on propose. Vous connaissez ma méthode…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Eh oui !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …des solutions concrètes au plus près du terrain. Dès le mois de mars j’ai lancé sur deux territoires pilotes, la Gironde et la Loire-Atlantique, une expérimentation visant à tester des mesures très opérationnelles de repérage et d’accompagnement des femmes en situation de handicap qui subissent des violences conjugales.
    La priorité, c’est de mettre très rapidement ces femmes à l’abri des violences conjugales, notamment en assurant le versement de l’AAH sous les dix jours : la caisse d’allocations familiales (CAF) est désormais opérationnelle pour cela.
    Ces femmes ont également besoin d’un accompagnement renforcé. Elles doivent pouvoir bénéficier de l’aide d’une personne facilitatrice qui les informe sur leurs droits et les assiste dans leurs démarches.
    Nous œuvrons par ailleurs en faveur d’un meilleur repérage des situations de violence et d’une meilleure communication auprès des personnes de l’entourage, des aidants et des différents professionnels. Dans le cadre du Grenelle des violences à l’encontre des femmes, sous l’égide d’Élisabeth Moreno, ces travaux mobilisent des associations du champ du handicap et de celui de la lutte contre les violences faites aux femmes, qui croisent leur expertise de ces situations de grande vulnérabilité.
    Au-delà de ce sujet très important, j’entends également la revendication de celles et ceux qui demandent une autonomie financière par rapport à leur conjoint.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Eh oui !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Permettez-moi de vous rappeler que c’est le cas dans tous les couples où l’un des conjoints ne travaille pas.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Et alors ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    C’est la raison pour laquelle,…

    Mme Marie-George Buffet

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    Les arguments sont faibles…

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …compte tenu de notre bilan et des principes que nous défendons, nous avons souhaité modifier le texte amendé par le Sénat pour proposer une réforme résolument redistributive, conforme à notre ADN politique, et ce, grâce à un nouveau mode de calcul…

    M. Stéphane Viry

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    Un nouveau mode de calcul, en effet !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …privilégiant ceux qui en ont le plus besoin. La réforme de l’AAH que nous défendons repose sur le principe d’équité. Ce n’est pas une fausse promesse.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Bien sûr, si vous y croyez…

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Ce sera bientôt une réalité au bénéfice de tous. Tout d’abord, elle corrige les injustices qui pouvaient subsister.

    M. Pierre Dharréville

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    Il y en avait donc !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Actuellement, une personne sans activité conserve son AAH à taux plein, soit 904 euros par mois,…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Une fortune !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …si son conjoint gagne moins de 1 020 euros par mois ; au-delà, le montant de son AAH diminue, ce qui n’est pas satisfaisant.
    Demain, avec cette réforme et l’abattement forfaitaire de 5 000 euros que nous instaurons, cette même personne continuera de percevoir une AAH d’un montant de 904 euros si son conjoint gagne le SMIC et qu’elle ne travaille pas. Nous avons travaillé avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour que cette réforme s’applique immédiatement, dès le 1er janvier 2022.
    J’ai entendu et lu beaucoup d’informations erronées sur les supposés perdants de cette réforme. C’est une réforme zéro perdant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR et GDR.) Non, les familles ne seront pas les grandes perdantes de ce nouveau mode de calcul puisqu’il s’adapte à la situation de chacun.

    Mme Véronique Hammerer

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    Bravo !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Un abattement supplémentaire de 1 100 euros est prévu pour chaque enfant, afin de garantir que toutes les familles soient prises en compte.

    M. François Ruffin

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    Vous savez très bien que votre réforme n’aboutira pas !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    À titre d’exemple, c’est un gain de plus de 90 euros pour les couples avec deux enfants dont le conjoint gagne 2 400 euros. C’est une amélioration significative du quotidien – en moyenne 110 euros par mois – des 120 000 bénéficiaires de l’AAH en couple.

    M. François Ruffin

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    C’est de l’obstruction, votre réforme !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Ce gain peut s’élever jusqu’à 180 euros pour les couples dans lesquels le bénéficiaire ne travaille pas et le conjoint gagne environ le SMIC.
    Avec ces exemples concrets, vous pouvez donc constater que nul n’est oublié dans la réforme de l’AAH, que l’équité et la justice sociale restent au cœur de nos principes et que l’amélioration du quotidien sera tangible pour toutes ces personnes. Je ne suis pas la ministre des fausses promesses ni celle des droits incantatoires ; je suis la ministre des droits réels. Cette réforme est un engagement politique concret, rapidement opérationnel et au bénéfice de tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Mme Marie-George Buffet

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    Que c’était faible !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Stéphane Peu, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Jusqu’à quand abuserons-nous de la patience des hommes et des femmes en situation de handicap qui n’attendent de nous qu’une seule chose : la reconnaissance de leur droit à l’autonomie ? C’est bien la seule question qui nous est posée : redonner à l’allocation aux adultes handicapés son sens véritable, celui d’une allocation reconnaissant le droit à l’autonomie à un adulte majeur et maître de sa vie.
    Selon les mots de René Lenoir, alors secrétaire d’État auprès de la ministre de la santé Simone Veil lorsqu’il a défendu, en 1974, la création de l’AAH par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées, « la dignité de tout homme dépend de son degré d’autonomie, et l’autonomie suppose des ressources suffisantes. » C’est donc bel et bien le droit à l’autonomie qui est au cœur de notre débat ce matin. Comme elle a déjà su le faire et comme le Sénat en a trouvé la ressource, la possibilité existe – je veux le croire – que l’Assemblée nationale emprunte le chemin du consensus pour garantir ce droit.
    Vivre en couple ou être indépendant financièrement : voilà donc le choix inhumain que nous imposons aux personnes handicapées. Il est dénoncé par l’ensemble des associations qui le considèrent comme un prix de l’amour, odieux et très élevé. Les mécaniques perverses qui peuvent découler d’une telle logique sont évidentes. Elles peuvent conduire les uns et les autres à renoncer au couple et à fonder une famille, ou encore à contourner la règle en vivant leur amour en clandestinité plutôt qu’au grand jour.
    À cette liste d’indignités, il faut aussi ajouter l’humiliation de la tutelle, de la dépendance d’un homme ou d’une femme obligés de quémander à l’autre ce dont il a besoin pour vivre – pour se vêtir, avoir un téléphone portable, aller au cinéma ou boire un verre avec des amis. Il ne s’agit ni plus ni moins d’une tutelle de même nature que celle qui, jusqu’en 1965, obligeait les femmes mariées à demander l’autorisation de leur mari pour ouvrir un compte bancaire.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Eh oui !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Pouvons-nous prendre pour modèle une vieille société rétrograde qui tendait à assujettir les unes aux uns ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)
    En quoi cette logique infernale, issue de la conjugalisation, serait-elle si bonne pour que certains ici ou au Gouvernement s’y cramponnent encore ? Pour nombre de personnes handicapées, cette logique suscite un sentiment d’inutilité, l’aigreur, parfois la dépression, des abus et même des violences psychologiques ou physiques. Ne suffit-il pas que la vie et le corps de ces hommes et de ces femmes soient soumis à l’épreuve du handicap pour que nous ne brutalisions pas en plus leur cœur et leur couple ?

    M. Bertrand Pancher

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    Très bien !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    C’est la raison pour laquelle cette conjugalisation est dénoncée de longue date par l’ensemble des associations et des centaines de milliers de pétitionnaires.
    Une issue positive a été proposée par nos collègues Marie-George Buffet en 2018 puis Jeanine Dubié en 2020. Le Sénat a achevé d’éclaircir ce schéma en améliorant le texte qui, depuis, a recueilli un soutien unanime sur tous les bancs, à l’exception de ceux de votre majorité – quoiqu’en son sein, on s’interroge aussi beaucoup sur l’intransigeance de certains de ses membres et du Gouvernement.
    En février 2020, lors de la conférence nationale du handicap, le Président de la République lui-même a reconnu le caractère unique de l’AAH et l’a écartée du chantier relatif au revenu universel d’activité car elle ne serait pas assimilable à un minimum social, contrairement à ce que vous avez dit, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC et LT.)
    Nous voilà à l’heure du choix, nous le savons tous. Pour que la vie de centaines de milliers de nos concitoyens soit plus douce, nous devons voter ce texte conforme à celui du Sénat. C’est pourquoi nous déplorons que notre proposition de loi ait été entièrement vidée de sa substance par un amendement du Gouvernement en commission.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    C’est dégueulasse !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    L’abattement forfaitaire proposé constitue certes une maigre avancée par rapport à la situation existante mais il ne revient en rien sur la conjugalisation de l’AAH, dont la suppression constitue l’objectif central de notre proposition. En refusant d’adopter la proposition de loi conforme, le Gouvernement assume la volonté de faire échouer le texte et se montre insensible à la détresse et au désir d’indépendance des personnes en situation de handicap.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Honteux !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    C’est la raison pour laquelle nous vous appelons très solennellement à adopter les amendements des rapporteurs afin de rétablir le texte initial. Aucun mauvais procès ne doit empêcher l’adoption de cette proposition de loi.
    Pour conclure, je veux lever une ultime inquiétude. Nous ferions de ce texte une opération politique contre votre majorité. Mais enfin, je l’ai rappelé, celui-ci chemine depuis 2018 ! Nous aurions pu, nous aurions dû l’adopter beaucoup plus tôt. Par ailleurs, tant la droite que la gauche le soutiennent, ce qui, mes chers collègues de la majorité, devrait vous convenir.

    M. Pierre Dharréville

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    Eh oui !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    En cet instant, rien d’autre ne doit nous préoccuper que la détresse de nos compatriotes et l’impérieux besoin de leur garantir le droit à l’autonomie et à la dignité en toutes circonstances. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure de la commission des affaires sociales.

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    « J’aimerais seulement qu’on me donne l’équivalent du revenu décent pour vivre. Je ne suis pas un miteux, je n’ai pas besoin de faire la quête. Je continuerai à lutter toute ma vie pour qu’on me donne cette dignité. » Ces mots, ce sont ceux de Frédéric, qui nous a fait part en audition de son combat de longue date pour l’individualisation de l’AAH et pour la reconnaissance d’un véritable droit à l’autonomie. Ils sont des milliers à vivre comme lui avec un handicap ou une maladie et à se battre pour réparer une profonde injustice : la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. Ce matin, ils nous regardent et comptent sur nous ; plusieurs sont d’ailleurs réunis tout près de l’Assemblée nationale.
    D’abord, le mode de calcul actuel est absurde : de nombreuses personnes en situation de handicap renoncent à se mettre en couple ou à vivre avec leur conjoint pour ne pas perdre leur allocation.
    Il est également paradoxal : une personne bénéficiaire de l’AAH vivant au domicile de ses parents la perçoit à taux plein car les ressources de ses parents ne sont pas prises en compte. À l’inverse, si elle décide de vivre en couple, le montant de son allocation dépend des ressources de son conjoint ou concubin.

    Mme Sylvia Pinel

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    Eh oui !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Est-ce normal ?

    M. Bertrand Pancher

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    Non !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    En outre, ce mode de calcul contrevient fortement au principe d’autonomie des personnes en situation de handicap et, plus largement, à leur dignité. En effet, il est contraire à l’article 19 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en décembre 2009,…

    M. Bertrand Pancher

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    Eh oui !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    …qui leur reconnaît le droit de vivre en société, avec la même liberté de choix que les autres personnes.

    Mme Marie-George Buffet

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    Exactement !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    C’est cela, l’autonomie.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Justement !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Il contrevient également à l’article 23 relatif au droit de vivre en couple et de fonder une famille, comme le soulignent la Commission nationale consultative des droits de l’homme et la Défenseure des droits dans son rapport de juillet 2020.
    Enfin, dans un communiqué de presse publié hier soir, le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes « redit son attachement à la déconjugalisation de l’AAH (…) pour favoriser l’indépendance économique des femmes en situation de handicap, quelle que soit leur situation familiale, et mieux les protéger en cas de violences ».
    C’est pour toutes ces raisons que l’année dernière, j’avais déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, poursuivant ainsi le travail engagé par Marie-George Buffet en 2018. Le 13 février 2020, elle a été adoptée en première lecture par notre assemblée puis, le 9 mars 2021 par le Sénat. Je remercie très chaleureusement le groupe GDR de l’avoir inscrite à l’ordre du jour de sa journée de niche. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
    Je salue la qualité du travail de Philippe Mouiller, rapporteur au Sénat, et de nos collègues sénateurs, qui ont permis d’enrichir le texte et d’en éviter les effets de bord. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, GDR et sur quelques bancs du groupe LaREM.) Ils ont rétabli le plafonnement du cumul de la prestation avec les ressources personnelles du bénéficiaire – madame la secrétaire d’État, votre argument selon lequel nous favoriserions les riches est donc faux (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR et GDR) – et la majoration de plafond pour les enfants à charge. Pour les éventuels perdants d’une telle réforme, une période de transition a été introduite. Dès lors, le texte nous paraît tout à fait équilibré et répond à son objectif initial.
    C’est pourquoi je regrette amèrement qu’il ait été totalement dénaturé et vidé de son sens par les amendements du Gouvernement et de sa majorité. (MM. François Ruffin et Bertrand Pancher applaudissent.) L’abattement forfaitaire proposé ne répond en rien à l’objectif de notre texte – faire de l’AAH une allocation individuelle favorisant l’autonomie. Le Gouvernement s’oppose à cette mesure au motif qu’elle constituerait un minimum social. Or, s’agissant des minima sociaux, la solidarité nationale intervient après la solidarité familiale, en conséquence de quoi les revenus du foyer sont pris en compte dans le calcul de la prestation. C’est le principe de subsidiarité de l’aide sociale. Je le répète, l’AAH n’est pas un minimum social ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et GDR.)

    Mme Véronique Hammerer

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    C’est faux !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    C’est une prestation à vocation spéciale accordée à des personnes à qui l’on a reconnu un taux d’incapacité partielle ou totale à exercer une activité professionnelle et dont la situation, pour la plupart d’entre elles, n’est pas susceptible d’évoluer.
    En effet, elle est prévue dans le code de la sécurité sociale et non, comme le RSA auquel certains veulent la comparer, dans celui de l’action sociale et des familles. De même, son contentieux relève des juridictions de sécurité sociale et non de celles de l’aide sociale. Rappelons que le principe de l’aide sociale est celui de la subsidiarité ; l’un des principes de la sécurité sociale est l’uniformité. Il n’est donc pas possible de tenir compte des disparités de revenus dans le domaine de la protection sociale. Du reste, en février 2020, lors de la conférence nationale du handicap, le Président de la République avait déjà tranché ce débat en annonçant que l’AAH ne serait pas incluse dans le futur revenu universel d’activité.

    M. Pierre Dharréville

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    C’était le « en même temps » !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Le Gouvernement et sa majorité s’opposent donc à une mesure de justice sociale dont l’adoption est attendue. Cette position est d’autant plus incompréhensible que la moitié du chemin vers l’individualisation de l’AAH a déjà été parcourue avec l’adoption conforme de l’article 2 concernant les travailleurs en établissement ou service d’aide par le travail – ESAT.
    Toutefois, il ne faut pas oublier les autres mesures de cette proposition de loi, qui prévoit également le report de 60 à 65 ans de la barrière d’âge au-delà de laquelle il n’est plus possible de solliciter la prestation de compensation du handicap (PCH) ainsi que l’exclusion des primes versées aux sportifs médaillés aux Jeux paralympiques du calcul de différentes prestations versées aux personnes handicapées.
    Mes chers collègues, reconnaissons aux personnes en situation de handicap le droit à l’indépendance et à la dignité qu’elles méritent et demandent depuis tant d’années. Dans une tribune publiée le 24 mars, le collectif Objectif Autonomie a appelé les députés à voter la proposition de loi et à considérer les personnes handicapées comme des citoyens à part entière, en leur permettant de mener une vie digne et autonome. Dès lors, votons en notre âme et conscience et de façon transpartisane. Montrons-nous à la hauteur de l’attente légitime exprimée ces derniers mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, GDR ; Mmes Laurence Vichnievski et Florence Granjus applaudissent également.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Ce texte étant porteur d’un immense espoir, nos débats de ce matin seront très suivis. Je souhaite que nous soyons à la hauteur de son enjeu en devenant les porte-voix d’une mesure de justice tant attendue : l’accès à l’autonomie des adultes handicapés.
    Nous avons le pouvoir d’améliorer dès demain la vie de milliers de nos concitoyens et concitoyennes. Le texte, tel qu’il a été adopté par le Sénat en première lecture, prévoit de ne plus tenir compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés, et ce sans qu’aucun allocataire ne soit perdant.
    Il s’agit d’un choix de société. C’est pour cette raison que le groupe de Gauche démocrate et républicaine a décidé d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour, après une première lecture à l’initiative du groupe Libertés et territoires et après que nous avons déjà déposé, en 2018, une première proposition de loi sur le même sujet. Je tiens à saluer l’engagement de nos collègues Stéphane Peu et Jeanine Dubié et les remercier d’avoir préparé le présent texte.
    La rédaction de la proposition de loi issue du Sénat était minutieuse et attentive aux situations que connaissent les personnes en situation de handicap et leurs proches valides. Le texte n’avait donc nullement besoin d’être amélioré ni modifié. Il participait à l’émancipation des personnes handicapées, en ne faisant plus dépendre le montant de l’AAH des revenus du foyer. Parce que nous sommes tous et toutes attachés aux valeurs de progrès pour notre société, parmi lesquelles figure le droit à l’autonomie pour chaque individu, ce texte doit absolument être voté conforme à la version du Sénat.
    Cette proposition de loi rassemble. Toutes les oppositions et une part importante de la majorité y sont favorables et ont travaillé de concert pour son élaboration. C’est pourquoi le tour de passe-passe qui a eu lieu en commission, avec l’adoption à une très courte majorité d’amendements dénaturant le texte, n’a trompé personne.
    Celles et ceux qui voteront une version du texte qui ne déconjugalise pas l’AAH voteront, soyons clairs, contre la proposition de loi. Mais je sais pouvoir compter sur vous, collègues de tous les groupes, pour adopter les amendements que nous vous proposerons visant à rétablir la version du Sénat, puis pour voter ce texte de justice et de dignité pour les personnes handicapées.

    M. Fabrice Brun

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    Nous le voterons !

    Mme Marie-George Buffet

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    Ne pas le faire reviendrait à décevoir celles et ceux qui attendent dans l’urgence la déconjugalisation de l’AAH.
    Si la proposition de loi revient en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, c’est grâce à l’extraordinaire mobilisation populaire qu’elle a suscitée. Je tiens donc à saluer les associations et toutes celles et ceux qui agissent pour son adoption. L’émotion liée à ce texte est grande : nous en avons tous et toutes été témoins dans nos circonscriptions. La mobilisation ne s’est jamais tarie : au contraire, elle continue de croître à mesure que l’espoir grandit lui aussi.
    Combien de couples avons-nous rencontré dont les membres vivaient chacun chez soi de peur que l’AAH ne soit plus versée à l’un d’entre eux ? Combien sont-ils à devoir dissimuler leur amour pour pouvoir vivre dignement ? Combien de fois avons-nous ressenti cette situation comme une double injustice envers des personnes devant déjà se battre au quotidien pour leur inclusion ? Enfin, comment pourrions-nous oser leur répondre qu’il est bien normal que la solidarité familiale se substitue à la solidarité nationale ? Ce discours ne peut être le nôtre. Au handicap, nous ne pouvons ajouter l’injustice !
    Comment qualifier une société où une femme ou un homme, en raison de son handicap, serait contraint de choisir entre son autonomie financière et son épanouissement personnel ? Ce n’est pas la société inclusive que nous voulons défendre et promouvoir.
    Il est erroné de concevoir l’AAH comme un minimum social. Selon une étude de la DARES – direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques –, seuls 20 % des bénéficiaires de cette allocation occupent un emploi. Pour ceux qui ne peuvent durablement travailler, il s’agit bien d’une allocation d’autonomie leur ouvrant le droit à une indépendance financière, même si celle-ci est relative : le montant de l’AAH demeure inférieur au seuil de pauvreté, qui s’élevait à 1 026 euros par mois en 2016.
    Vivre en couple ne doit pas être synonyme de dépendance morale et financière envers son compagnon ou sa compagne. Cette conception rétrograde du couple, notre société l’a combattue et la combat encore en cherchant à instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes. Penser qu’une femme puisse être considérée comme une personne mineure vis-à-vis de son compagnon ou de son mari est une conception qui nous apparaît insupportable. Comment pourrions-nous dès lors trouver plus acceptable que cette situation s’applique à une personne handicapée ? C’est dans la lignée de ce combat pour l’égalité que nous devons mettre fin à ce système de calcul qui minorise la personne handicapée. Le faire perdurer constituerait une double violence et une double injustice, contraires aux principes de la République.
    Comme l’a rappelé Stéphane Peu, en 1974, René Lenoir défendait la création de l’allocation aux adultes handicapés en disant que « la dignité de tout homme dépend de son degré d’autonomie et [que] l’autonomie suppose des ressources suffisantes ». Cette allocation a ainsi été pensée pour assurer l’autonomie des personnes handicapées. À sa création, elle ne reposait pas sur la solidarité familiale, mais bien sur la solidarité nationale. L’autonomie ne saurait dépendre des revenus d’un conjoint ou d’une conjointe. Quand certains placent la solidarité familiale au premier plan, ils ne font que défendre, ni plus ni moins, une conception normalisée de la dépendance.
    Chers collègues, si nous saluons l’augmentation du montant maximal de l’AAH au cours de cette législature, passé de 819 à 860 puis à 900 euros par mois, cette progression nous apparaît en partie comme un trompe-l’œil. En effet, de nombreux allocataires n’ont jamais perçu cette hausse. La prise en compte des revenus du conjoint et la baisse du coefficient multiplicateur pour calculer le plafond de ressources ont exclu 100 000 des 250 000 bénéficiaires de l’AAH vivant en couple de cette revalorisation.
    Par ailleurs, l’augmentation du montant maximal de l’AAH n’a jamais compensé la suppression du complément de ressources de cette allocation, adoptée en 2019 lors du vote du projet de loi de finances pour 2020. Ce complément, d’un montant de 179 euros par mois, permettait aux personnes atteintes d’un handicap lourd les empêchant irrémédiablement de travailler d’atteindre le seuil de pauvreté. Sa suppression, décrite comme une simplification, les a donc appauvries.
    Ainsi les calculs budgétaires semblent-ils avoir parfois raison des considérations humaines. Nous sommes loin de l’ambition politique qui a conduit à la création de l’AAH, laquelle, au-delà de tout handicap, était fondée sur les principes d’émancipation et de dignité de l’être humain. Il est malheureux de constater qu’en matière de handicap, notre société ne progresse plus.
    D’après le rapport de la Défenseure des droits Claire Hédon, en 2020, le handicap est resté pour la quatrième année consécutive le premier motif de discrimination dans notre société, loin devant l’origine. Il y a donc urgence à agir. Le Parlement a encore tant à faire pour lutter contre les discriminations et les inégalités qui entravent le quotidien des personnes en situation de handicap. Nous avons aujourd’hui l’occasion de remédier à l’une de leurs difficultés.
    Chers collègues, deux possibilités s’offrent à nous : soit nous votons la proposition de loi de manière conforme avec la version du Sénat, soit nous nous en tenons à la rédaction issue de la commission, qui dénature le texte et reporte à très loin la réponse à cette exigence d’autonomie financière des personnes handicapées. Je vous engage donc une nouvelle fois à adopter nos amendements visant à rétablir la version du Sénat. Un vote conforme constituerait un grand moment d’émotion et de joie pour celles et ceux qui attendent cette mesure depuis des années.
    Chers collègues, nous sommes nombreux ici à souvent déplorer que l’initiative législative parlementaire ne dispose pas de toute sa place face à l’exécutif et au programme qu’il impose à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, cette initiative peut s’exprimer, si vous décidez, en votre âme et conscience, de voter pour l’autonomie financière des personnes handicapées. Il revient à chacun de faire son choix, lequel restera dans la mémoire de ceux qui se battent pour l’autonomie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Véronique Hammerer.

    Mme Véronique Hammerer

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    Nous sommes réunis pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi de notre collègue Jeanine Dubié, dont Stéphane Peu est désormais corapporteur. En première lecture, nous avions déjà longuement débattu de ce texte qui, dans sa version initiale, contient une mesure phare : la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.
    Créée en 1975 afin d’assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap, l’AAH constitue un minimum social financé par l’État, soumis à un plafond et versé de manière différenciée en fonction des ressources. Elle fonctionne comme les autres minima sociaux, qui prennent toujours en compte les ressources du foyer.
    L’AAH a néanmoins la particularité d’être calculée uniquement en fonction des revenus du conjoint. La déconjugalisation signifierait donc que seuls les revenus du bénéficiaire seraient pris en compte dans le calcul du montant de l’allocation.
    Toutes et tous sur ces bancs, nous sommes préoccupés par cette question, qui a trait à la fois à la philosophie générale de notre modèle social et à la politique que nous menons en faveur des personnes handicapées. Tout l’enjeu de la demande d’autonomie financière des bénéficiaires dans notre système de solidarité nationale se trouve dans le débat relatif à la déconjugalisation de l’AAH.
    Nous entendons, sur le terrain, les associations et nos concitoyens relayer le fait que certaines personnes handicapées renoncent à se mettre en couple pour ne pas réduire le montant de leur allocation, voire en perdre le bénéfice. Nous entendons également que ce fonctionnement peut induire une situation de dépendance financière au sein des couples et une possible dérive vers la maltraitance du bénéficiaire. Il s’agit d’une question complexe, profonde, qui suppose de considérer la demande légitime des bénéficiaires à l’aune de notre projet de société dans son ensemble.
    De nombreuses interrogations nous agitent depuis plusieurs semaines. Si nous individualisons le calcul des minima sociaux, quel sera l’impact pour notre modèle de société, aujourd’hui fondé sur le foyer et la situation conjugale ?

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    L’AAH n’est pas un minimum social !

    Mme Véronique Hammerer

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    Si nous individualisons l’AAH, allons-nous échouer dans notre projet de société inclusive ?
    Le groupe La République en marche n’a pu se résoudre à remettre en question la solidarité nationale – je parle bien ici de valeurs et non de droits –, tant par conviction et attachement aux valeurs familiales qu’au nom de la nécessité de poursuivre notre effort en faveur d’une société inclusive.
    L’individualisation est une question politique, philosophique et technique qui bouleverse non seulement notre modèle de société, mais aussi l’organisation de nos opérateurs. Elle transforme notre rapport à l’individu, à son autonomie financière, à ses droits et devoirs – j’insiste sur ce point – et aux aides qu’il perçoit. L’autonomie financière des bénéficiaires de l’AAH ne peut reposer uniquement sur la déconjugalisation.
    Nous avons cherché une proposition alternative qui, sans remettre en cause le système actuel, offrirait davantage de justice aux bénéficiaires. Ainsi, plutôt que de déconjugaliser l’AAH, nous préférons une solution qui allégera le poids des revenus du conjoint dans son calcul – solution qui réduira de fait la dépense financière.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Et voilà : c’est moins cher !

    Mme Véronique Hammerer

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    Par l’amendement que nous avons adopté en commission, 120 000 bénéficiaires de l’AAH passeraient à taux plein et verraient son montant augmenter en moyenne de 110 euros par mois. Ce nouveau mode de calcul ne fera aucun perdant et nous nous engageons à ce qu’il entre en vigueur dès janvier 2022. De plus, les couples avec enfant bénéficieront d’un complément de ressources de 1 110 euros.
    Notre groupe salue également l’adoption de l’article 4, qui représente une réelle avancée en ce qu’il porte de 60 à 65 ans l’âge maximal des personnes pouvant avoir droit à la PCH. Et n’oublions pas l’article 4 bis, qui est favorable aux grands sportifs participant aux Jeux paralympiques.
    Notre plus belle réussite pour les personnes en situation de handicap serait qu’elles puissent vivre dans une société inclusive et c’est justement parce que nous ne les considérons pas comme des citoyens mineurs, mais bien comme des citoyens à part entière,…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Et autonomes !

    Mme Véronique Hammerer

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    …que notre volonté est d’abord de leur permettre de se former, d’aller à l’école, de travailler, de s’insérer.
    En parallèle, nous souhaitons mener une véritable réflexion sur la PCH, qui est une prestation indépendante des revenus mais qui, comme vous le savez, est attribuée de manière inégale suivant les territoires. De plus, des réflexions sont en cours s’agissant la PCH parentalité. En effet, cette prestation pourrait constituer le levier par lequel l’autonomie de la personne en situation de handicap serait réexaminée, mais toujours de manière globale.
    Au-delà des prestations, soyons ambitieux pour notre politique du handicap. C’est pourquoi le groupe La République en marche votera pour cette proposition de loi dans sa version amendée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. François Ruffin

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    Ouh ! Ce n’est pas bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Nous sommes amenés à examiner et à nous prononcer pour la deuxième fois sur un texte important : la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale.
    Le groupe Les Républicains avait soutenu ce texte en première lecture, étant donné que les articles relatifs à l’allocation aux adultes handicapés et à l’allongement de l’âge limite pour demander la prestation de compensation du handicap avaient été adoptés conformément au texte initialement déposé.
    Les travaux du Sénat ont modifié le texte, mais surtout confirmé la disposition relative à la suppression de la prise en compte du revenu du conjoint dans le calcul de l’AAH. C’est un principe qu’il convient de conserver dans cette assemblée.
    D’emblée, je souhaite exprimer la déception et le profond désarroi de mon groupe à la suite des débats qui ont eu lieu la semaine passée en commission des affaires sociales. Les mesures adoptées à cette occasion par la majorité ne font que modifier à la marge les dispositions actuellement en vigueur, en maintenant la prise en compte des revenus du conjoint.
    Laissez-moi vous dire, mesdames et messieurs de la majorité, que vous passez complètement à côté de la volonté initiale du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.)
    Ainsi, l’amendement adopté la semaine dernière, soutenu par le Gouvernement, prive le système français de la possibilité de faire de l’AAH une allocation de dignité et d’autonomie. Nous estimons que cette occasion manquée par le Gouvernement et la majorité parlementaire constitue une faute. Il s’agit d’un renoncement à faire de l’AAH une véritable allocation d’indépendance et d’autonomie. C’est également un triste message envoyé aux personnes en situation de handicap qui nourrissaient de grands espoirs dans cette proposition de loi.
    L’amendement adopté en commission introduit une incohérence juridique et légistique : au Sénat, l’adoption conforme de l’article 2 de la proposition de loi modifie l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale pour que l’AAH ne puisse varier qu’en fonction du nombre de personnes à charge et non plus de la situation conjugale. Sans aucun changement de cette disposition, la modification de l’article 3 de la proposition de loi votée en commission prévoit, dans cet article L. 821-1, un plafonnement fondé sur les revenus du conjoint : je vois dans vos décisions une omission et un blocage manifestes.
    Cette allocation importante, créée en 1975, a été revalorisée à de nombreuses reprises ces dernières années, notamment lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy où elle avait augmenté de près de 25 %. Elle est accordée à toutes les personnes en situation de handicap pour assurer un minimum de ressources lorsqu’elles ne bénéficient pas d’un revenu d’activité. Elle est attribuée au titre de la solidarité nationale. Aujourd’hui, 23 % des bénéficiaires de l’AAH vivent en couple : près d’un quart des bénéficiaires seront donc touchés par la rédaction actuelle de la loi, ce qui n’est pas rien.
    Les membres du groupe Les Républicains ne conçoivent pas que l’on puisse faire subir à des personnes des mesures de discrimination en raison de leur handicap. La prise en compte des ressources du conjoint dans le calcul de l’AAH instaure de fait une relation de dépendance, pour ne pas dire de soumission, à l’égard du partenaire ou du conjoint. Cette dépendance est encore plus visible et emporte davantage de conséquences pour les femmes en situation de handicap : c’est inacceptable !
    L’objectif louable et légitime de la version initiale du texte visait à déconjugaliser le versement de l’AAH pour que les personnes en situation de handicap en conservent l’entier bénéfice ainsi qu’une certaine autonomie. Voilà le principe et rien d’autre ! En partant du postulat selon lequel le handicap est individuel, nous trouvons normal que le bénéfice de l’AAH le soit également. Notre position n’est pas plus compliquée que cela. Les arguments comptables avancés par certains de nos collègues pour balayer l’avancée du texte initial m’apparaissent illusoires.
    Chers collègues de la majorité, vous serez tenus responsables des difficultés que les personnes en situation de handicap continueront de subir. En effet, vous maintiendrez les bénéficiaires de l’AAH dans la nécessité d’effectuer un choix moral entre l’amour et l’indépendance financière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.)

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Oh !

    M. Stéphane Viry

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    Comment pouvez-vous accepter cela ?

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    C’est inhumain !

    M. Stéphane Viry

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    Comment accepter qu’un conjoint en situation de handicap, du fait d’un accident de la vie, d’un problème de santé ou de toute autre raison, puisse dépendre du salaire de son conjoint ? Quelle est la solution : divorcer pour contourner la loi, ne pas fonder de famille et rester seul ? C’est intolérable !
    Je le répète : l’absence de volonté politique du Gouvernement et de la majorité sur ce texte est incompréhensible. Voilà ce que je voulais dire au nom de mes collègues du groupe Les Républicains, qui soutiendront le retour au texte adopté par les sénateurs. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    À travers la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, nous avons l’occasion d’adopter des mesures favorables à nos concitoyens en situation de handicap. Après une première navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, nous nous réjouissons de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine. J’espère que nous débattrons des sujets fondamentaux abordés par cette PPL dans un climat serein et apaisé.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Pas sûr…

    M. Pierre Dharréville

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    Ça avait mal commencé !

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    Le rattachement du poste de secrétaire d’État chargé des personnes handicapées auprès du Premier ministre depuis le début du quinquennat témoigne de la volonté de déployer une politique d’inclusion ambitieuse qui s’attache à faciliter la vie de nos concitoyens en situation de handicap à tout âge. Cette ambition s’est concrétisée au fil de la législature, au cours de laquelle nous avons œuvré pour améliorer l’inclusion scolaire, en confortant les postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), simplifier les démarches relatives à la reconnaissance du handicap et renforcer les droits à la formation ouverts aux personnes bénéficiaires d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Au titre de ces mesures, qui ne sont pas exhaustives, nous ne pouvons omettre de mentionner le relèvement de 12 % de l’AAH, soit près de 100 euros : d’un niveau inédit, cette revalorisation est près de deux fois supérieure à celle intervenue lors de la législature précédente.
    Pour protéger nos concitoyens les plus fragiles, il faut être attentif à ce que leurs conditions matérielles soient dignes, justes et équitables. Notre groupe s’inscrit dans cette logique et soutiendra l’adoption de la proposition de loi dans sa rédaction issue de la commission des affaires sociales.

    Mme Marie-George Buffet

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    En clair, vous votez contre l’autonomie financière des personnes handicapées !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    C’est le MODEM qui perd son autonomie…

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    Nous saluons tout d’abord l’adoption conforme par le Sénat de deux mesures d’importance : la première supprime la majoration du plafond de cumul de l’AAH avec la rémunération garantie en ESAT ; la seconde relève de cinq ans l’âge maximum d’éligibilité à la PCH, prestation individualisée ouvrant droit à des aides diverses. Nous sommes également très favorables à la disposition adoptée par le Sénat et votée conforme par notre commission, visant à exclure du montant des ressources servant de base au calcul de l’AAH les primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux Jeux paralympiques.
    Nous sommes convaincus que la mesure financière alternative à la proposition de déconjugalisation que nous avons adoptée en commission répond pleinement aux objectifs de dignité, de justice et d’équité que nous poursuivons. Les conditions actuelles de perception de l’AAH présentent, il est vrai, un biais que nous nous devons de corriger : il n’est pas normal que vivre en couple soit pénalisant financièrement et que nos concitoyens soient contraints d’aménager une condition de célibat administratif dans le seul but de s’assurer une ressource décente.

    Mme Marie-George Buffet

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    Alors il faut agir !

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    Ainsi, l’article 3 que nous avons adopté en commission substitue à l’abattement proportionnel de 20 % sur les revenus du conjoint qui travaille un abattement forfaitaire qui améliorera les ressources des couples avec ou sans enfant en maintenant le taux plein de l’AAH pour le bénéficiaire qui ne travaille pas jusqu’à un SMIC contre 1 020 euros mensuels à l’heure actuelle ; cet abattement forfaitaire de 5 000 euros sera majoré de 1 100 euros par enfant. Avec cette mesure, 60 % des couples dont le bénéficiaire est inactif percevront une AAH à taux plein contre 45 % à ce jour, soit un gain moyen de 110 euros par mois pour 120 000 foyers. Ce dispositif ne fait aucun perdant contrairement à celui de la déconjugalisation qui toucherait négativement 45 000 personnes. Ce n’est pas la disposition de droit d’option, assez incongrue, introduite par le Sénat qui réglerait ce problème. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Stéphane Viry

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    Ah là là !

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    En effet, la situation serait identique à l’issue de la période transitoire de dix ans. Nous soutiendrons donc le maintien de la suppression de l’article 3 bis, juridiquement bancal.
    Par ailleurs, nous ne devons pas perdre de vue que l’AAH est une allocation versée sous condition de ressources et qu’elle le resterait si nous adoptions un modèle de déconjugalisation. N’ayant pas de caractère universel, son versement n’est pas attaché au seul critère du niveau du handicap, mais bien aux conséquences possibles de celui-ci sur la situation financière du foyer. Aller vers la déconjugalisation impliquerait de reconsidérer totalement notre politique sociale et fiscale : vous conviendrez qu’une telle entreprise dépasse largement le cadre d’une niche parlementaire.

    Mme Véronique Hammerer

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    Bravo !

    Mme Marie-George Buffet

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    Mais pas du tout, enfin !

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    Nous persistons à penser qu’une telle allocation assurant un plancher de ressources prend place au côté de la solidarité entre époux ou concubins reconnue par le droit civil. Il s’agit d’un fondement historique de notre politique de solidarité nationale.
    Chers collègues, nous ne rebâtirons pas nos politiques sociales aujourd’hui, mais en adoptant cette proposition de loi dans la version de la commission des affaires sociales, nous avons à nouveau l’occasion d’améliorer la situation des personnes handicapées. Notre groupe sera heureux et fier d’y contribuer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Nous sommes amenés à débattre d’une proposition de loi du groupe Libertés et territoires empreinte de solidarité et d’humanité qui, je crois, grandit la politique. L’esprit qui a animé les humanistes de tous bords politiques ou presque pour soutenir les mesures qu’elle comporte fait l’honneur de notre Parlement, en particulier celui du groupe de la Gauche démocrate et républicaine qui a inscrit ce texte dans sa niche parlementaire afin d’en favoriser l’adoption.
    Solidarité, humanité et justice : voilà qui ne sont pas de vains mots ! Nous devons tout cela aux Français, en particulier aux plus fragiles, à ceux qui souffrent ou qui ont connu un accident de la vie. Si la crise sanitaire, économique et sociale a démultiplié les urgences, les craintes et les préoccupations de nos concitoyens, je n’oublie pas que ceux-ci aspirent plus que jamais à la justice et à la solidarité. Ils étaient, gardons-le en tête, des milliers chaque samedi à nous le rappeler.
    Cette proposition de loi est assurément l’une des réponses à ces aspirations et aux difficultés des personnes en situation de handicap, grâce à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. Si l’instauration de l’AAH en 1975 était une avancée considérable, cette allocation est désormais insuffisante comme le montre le fait que le quart de ses bénéficiaires vivent sous le seuil de pauvreté et que le revenu moyen des personnes en situation de handicap est inférieur de 200 euros par mois à celui des personnes valides. Alors oui, le Gouvernement a revalorisé l’AAH en 2018 et 2019, mais il a, en même temps, abaissé le plafond de ressources pour les allocataires en couple. Finalement, 100 000 bénéficiaires sont sortis du dispositif ! Ce « en même temps » est une véritable régression !
    La proposition de loi vise à dépasser l’ambition initiale de 1975 et apporte une preuve supplémentaire de solidarité. L’individualisation de l’AAH est attendue de longue date, son absence constituant une profonde injustice. Beaucoup nous regardent et souhaitent ne plus dépendre d’un époux, d’une épouse, d’un compagnon ou d’une compagne. Initialement, ce texte supprimait la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH ainsi que dans son plafonnement, afin que ses bénéficiaires soient pleinement indépendants et autonomes. Aujourd’hui, lorsque le conjoint d’une personne handicapée perçoit des revenus supérieurs à 1 200 euros, le niveau de l’AAH est revu à la baisse. La déconjugalisation vise à éviter cette injustice alors que le montant de l’allocation est de 903 euros à taux plein – ce qui est faible, convenons-en.
    Un an après le vote de l’Assemblée nationale, le Sénat avait également entériné le principe de la déconjugalisation. Pourtant, la semaine dernière en commission, le Gouvernement a décidé de revenir sur cette avancée et a reçu le soutien de sa majorité qui l’a suivi comme un seul homme et sans scrupule. C’est une faute morale et politique majeure.
    Dans la présentation de son amendement, le Gouvernement indique que « la situation conjugale est prise en compte dans le calcul de tous nos minima sociaux ». Partant de là, vous estimez, madame la secrétaire d’État, que la déconjugalisation de l’AAH aurait des effets antiredistributifs. Mais tout le problème est là : l’AAH n’est pas un minimum social !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement, il faut le rappeler !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Elle est une prestation servie pour pallier un handicap et permettre à celles et ceux qui en sont victimes de retrouver, autant que faire se peut, l’autonomie. Finalement, l’argument est purement financier. (M. François Ruffin applaudit.) L’amendement gouvernemental évoque d’ailleurs le « coût important » de la déconjugalisation, estimé à 730 millions d’euros.

    M. Erwan Balanant

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    Pourquoi ne l’avez-vous pas fait sous Hollande ?

    Mme Christine Pires Beaune

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    Votre « quoi qu’il en coûte » est à géométrie variable ! À la place de la déconjugalisation, le Gouvernement propose une solution au rabais qui reviendrait à se satisfaire que nos concitoyens victimes de handicap continuent de dépendre d’un autre. C’est inacceptable et cela nourrira un sentiment d’humiliation alors que les bénéficiaires attendent au contraire une véritable indépendance.
    Je regrette d’autant plus cet amendement que si l’Assemblée nationale ne vote pas un texte identique à celui du Sénat, l’adoption définitive du texte sera retardée, ce qui laissera un grand nombre de nos concitoyens dans la détresse.

    Mme Marie-George Buffet

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    Très bien !

    Mme Christine Pires Beaune

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    Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera pour l’adoption de la version de la proposition de loi issue du Sénat, fidèle à ses ambitions originelles ; il refusera de soutenir un texte dépouillé d’ambition par le Gouvernement et sa majorité qui, après des calculs d’apothicaire, préfèrent la frugalité à la dignité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Ce matin, nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale de nos collègues Jeanine Dubié et Stéphane Peu. Au nom du groupe Agir ensemble, je tiens tout d’abord à remercier le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’avoir inscrit dans leur niche parlementaire ce texte qui était présenté par notre collègue Yannick Favennec-Bécot en première lecture.
    De la proposition de loi initiale ne subsiste aujourd’hui qu’une seule mesure phare : celle qui prévoit la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés. À l’heure actuelle, en effet, les revenus du conjoint sont pris en compte dans le calcul de l’AAH après un abattement de 20 % ; cela implique qu’un bénéficiaire qui s’installe en couple avec une personne dont les revenus nets dépassent les 1 020 euros par mois, soit un niveau inférieur au SMIC, perd son allocation à taux plein. Le niveau de l’AAH décroît ensuite progressivement en fonction des revenus du conjoint avant de s’éteindre lorsqu’ils atteignent 2 270 euros. Est-ce le prix de l’amour ? En tout cas, c’est celui de la perte d’autonomie.
    Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un tel mode de calcul qui tend à enfermer dans la dépendance et la pauvreté les personnes handicapées qui décident de former une famille. Cette situation est par ailleurs susceptible de nourrir et d’aggraver les risques d’emprise et de violence conjugale,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    …quand on sait que les femmes en situation de handicap sont plus exposées que les autres aux situations d’abus et de violence. Leur garantir un minimum de subsistance à travers l’AAH quel que soit leur état matrimonial, c’est aussi permettre à ces femmes de disposer des moyens suffisants pour s’extraire de leur calvaire.
    L’argument selon lequel l’AAH serait un minimum social comme un autre et devrait, à cet égard, être appréhendée au regard des revenus du foyer ne nous convainc absolument pas ; le Président de la République lui-même l’a d’ailleurs reconnu. Le groupe Agir ensemble considère que l’AAH constitue une prestation sociale dont la vocation est de répondre à une incapacité durable d’accéder à l’emploi, et non à une vulnérabilité sociale temporaire.

    Mme Marie-George Buffet

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    Très bien !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Sa raison d’être est donc bien d’émanciper la personne qui en bénéficie, indépendamment de sa situation conjugale.
    Si le texte que nous avions adopté en première lecture comprenait un certain nombre d’effets de bord qui auraient conduit à léser environ 40 000 bénéficiaires qui travaillent et sont en couple avec une personne inactive, le Sénat a judicieusement enrichi la proposition de loi en y ajoutant un mécanisme transitoire permettant de ne faire aucun perdant. Cependant, nous regrettons le choix fait en commission d’adopter plusieurs amendements qui modifient profondément la philosophie de ce texte.
    L’abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint, adopté pour remplacer l’abattement provisionnel de 20 % qui s’applique aujourd’hui, permettra certes de prendre en compte dans une moindre mesure les revenus du conjoint, mais il n’est pas une déconjugalisation ; il ne répond donc pas à la question. Dans ce scénario, le niveau de revenu mensuel du conjoint à partir duquel le bénéficiaire perdrait son allocation à taux plein passerait de 1 020 euros à 1 270 euros et le point d’extinction resterait le même, à 2 270 euros. La solution proposée par le Gouvernement est bien sûr préférable à la situation actuelle, mais elle ne répond pas au désir d’autonomie financière exprimé par les personnes en situation de handicap.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    En effet, la situation économique de la plupart d’entre elles restera la même. Au regard des 11 milliards d’euros consacrés chaque année à cette prestation sociale, les 700 millions supplémentaires que représente une telle transformation sont importants, mais nous estimons que les enjeux d’autonomie et de justice sociale qu’elle emporte méritent un effort de solidarité nationale de cette ampleur.
    Oui, madame la secrétaire d’État, c’est bien cette majorité qui a revalorisé de manière substantielle le montant de l’AAH en le faisant passer de 810 euros en 2017 à 903 euros pour un coût de 2 milliards d’euros ; l’effort supplémentaire que nous souhaitons réaliser à travers cette proposition de loi représente donc un tiers de ce que nous avons déjà accompli. Oui, madame la secrétaire d’État, l’engagement du Gouvernement pour plus d’inclusion est sans équivoque ; les efforts réalisés sont très importants, nous le reconnaissons. Mais pour réussir parfaitement l’inclusion, il faut aussi un soupçon d’indépendance. À travers le texte proposé par le Sénat, c’est cette indépendance que nous vous proposons.
    Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe Agir ensemble est résolument favorable à l’individualisation de l’AAH, dans son mode de calcul comme dans son plafonnement. N’opposons pas la solidarité nationale à la solidarité familiale. Elles sont toutes les deux complémentaires, elles sont toutes les deux nécessaires. C’est bien aujourd’hui une question sociétale qui nous est posée.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Tout à fait !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Notre position restera conforme à notre engagement constant depuis 2017 en faveur d’une individualisation des prestations sociales à l’émancipation. Nous voterons donc en faveur de la proposition de loi telle qu’elle nous est revenue du Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LR, SOC, UDI-I, LT et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    « Si on attend que tout change pour changer quelque chose, on ne change rien du tout. » Ces mots de Raphaël Enthoven résonnent tout particulièrement en moi au moment où nous allons examiner la proposition de loi de notre collègue Jeanine Dubié : il est en effet temps d’agir, sous peine de laisser perdurer une situation inique et si injuste. C’est pourquoi je remercie le groupe GDR d’avoir inscrit ce texte dans sa niche parlementaire. Merci également à Jeanine Dubié qui n’a jamais cessé de se battre pour la déconjugalisation de l’AAH. Je salue le formidable travail qu’elle accomplit en matière de solidarité ; j’ai d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur de cette proposition de loi en première lecture.
    L’AAH a été créée par la loi du 30 juin 1975, sous Valéry Giscard d’Estaing, afin d’assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles et de leur permettre ainsi d’être autonomes.
    Le groupe UDI et indépendants aurait pu déposer un amendement visant à ajouter un troisième A, le A de l’autonomie, au sigle AAH, afin d’en englober tous les aspects et de ne jamais oublier le sens de cette allocation. L’autonomie, c’est un mode de vie. C’est faire par soi-même et s’accomplir malgré les barrières, malgré les regards, malgré les préjugés ; l’autonomie, c’est être libre et responsable, c’est avoir la possibilité de travailler, de tisser des liens sociaux, de choisir la vie privée que l’on souhaite et, pourquoi pas, de vivre en couple. Mais quelle est la réalité de l’autonomie des personnes en situation de handicap quand nous leur imposons de choisir entre leurs sentiments et un revenu d’environ 900 euros mensuels ? N’y a-t-il pas là une atteinte inacceptable à la vie privée ? Pour notre groupe, la réponse est clairement oui.
    Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement prétend mener une politique qui place au cœur de ses principes la société inclusive et considère les personnes en situation de handicap comme des citoyens de droit commun.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Mensonge !

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Il y a un paradoxe à arguer de cela pour refuser la déconjugalisation de l’AAH.

    Mme Marie-George Buffet

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    Très bien !

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Vous dites craindre un bouleversement de notre modèle de solidarité. Mais heureusement ! Heureusement pour notre pays que des femmes et des hommes n’ont pas craint de bouleverser ce modèle pour faire de notre société ce qu’elle est aujourd’hui.
    Vous allez me répondre avec des chiffres pour justifier l’injustifiable : vous allez parler de l’augmentation du pouvoir d’achat des personnes bénéficiaires de l’AAH depuis 2019, mais le sujet n’est pas là. Le sujet, c’est l’atteinte intolérable à la vie privée qui va perdurer indéfiniment si nous n’adoptons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, SOC, LT et GDR)

    Mme Marie-George Buffet

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    Voilà !

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Notre groupe ne peut se résoudre à ne rien faire. L’argument de Descartes qui veut que, tant que l’on ne peut pas changer le système, on fasse avec, ne fait pas partie de notre action politique ; alors, agissons ensemble ! Vous avez été élus pour tourner la page de l’ancien monde, pour réformer notre pays ; vous avez suscité un espoir nouveau,…

    M. Fabrice Brun

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    Et déçu !

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    …et il ne vous reste plus beaucoup de temps pour répondre à celui des personnes en situation de handicap. C’est maintenant qu’il faut agir, madame la secrétaire d’État. Nous voyons bien que cette proposition de loi vous met mal à l’aise. Pour donner l’illusion d’une volonté d’avancer, vous avez modifié en commission les règles de l’abattement sur le revenu du conjoint du bénéficiaire de l’AAH, mais ce n’est pas ce que les personnes en situation de handicap vous demandent. Plutôt que de répondre à leurs légitimes attentes, vous cédez à Bercy !

    M. Pierre Dharréville

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    C’est ça.

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Mes chers collègues, ce texte nous donne la possibilité d’en finir avec une injustice. Vous recevez dans vos permanences des femmes et des hommes qui vous demandent d’y mettre un terme. Qu’allez-vous leur dire demain si, alors que vous en avez l’occasion, vous ne faites rien ?
    Le groupe UDI et indépendants ne restera pas inerte à contempler l’autosatisfaction d’un exécutif qui ne conçoit la société inclusive que comme un slogan, et non comme une réalité concrète. Je défendrai, au nom de mon groupe, des amendements rétablissant la rédaction des articles 3 et 3 bis(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR, SOC, Agir ens, LT et GDR) que vous avez dénaturés. Sur le plan budgétaire, la conjonction de ces deux articles représente un coût de 730 millions d’euros sur une enveloppe globale de 10 milliards d’euros. L’article 3 consacre la déconjugalisation de l’AAH. L’article 3 bis, introduit au Sénat, prémunit 44 000 ménages contre d’éventuels effets de bord. Là encore, l’argument budgétaire n’est pas fondé : je rappelle que la seule dynamique de la fiscalité du tabac pour l’année 2020 a apporté 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires dans les caisses de la sécurité sociale.
    En première lecture, la majorité a adopté le texte contre l’avis du Gouvernement. Ce sera l’honneur de notre assemblée que de renouveler ce vote, par-delà les clivages politiques. Ayons à l’esprit toutes ces personnes en situation de handicap qui comptent sur nous, qui croient en la force d’une démocratie qui ne laisse personne sur le bas-côté de la route. Nous avons la capacité de changer les choses. Cela passe par un vote, un unique vote : le nôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR, SOC, Agir ens, LT et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel.

    Mme Sylvia Pinel

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    Dans une vie de parlementaire, il y a des votes qui nous engagent plus que d’autres, il y a des décisions collectives qui font date. Aujourd’hui, l’occasion nous est donnée de changer la vie de près de 200 000 personnes.
    Je veux remercier ma collègue Jeanine Dubié, auteure de cette proposition de loi (Mmes Marie-George Buffet et Martine Wonner applaudissent),

    M. Bertrand Pancher

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    Bravo !

    Mme Sylvia Pinel

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    …proposition adoptée ici même, par notre assemblée, à l’occasion de son ordre du jour réservé. Je veux également remercier le groupe GDR qui a permis son inscription à l’ordre du jour. Je veux saluer l’implication de Jeanine Dubié et de beaucoup d’autres sur ce sujet important ainsi que leur travail approfondi qui nous a permis de débattre et de faire évoluer le texte.
    Par notre vote, nous avons la possibilité d’avancer de façon décisive sur le chemin de l’autonomie et de la dignité des personnes en situation de handicap. Comment ? En adoptant le principe de la déconjugalisation du calcul de l’allocation aux adultes handicapés.
    Au-delà de la question financière, le mode de calcul de cette allocation pose une question philosophique et politique, car elle renvoie directement à la place que nous accordons aux personnes en situation de handicap dans la société. Si nous ne comprenons pas cela, nous passons à côté de l’enjeu. C’est pour cette raison que nous ne pouvons accepter la proposition alternative du Gouvernement et d’une partie de la majorité : elle acte un recul, mes chers collègues, (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, SOC et GDR), car elle ne répond pas à la question de l’autonomie de ces personnes.

    M. Bertrand Pancher

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    Eh oui !

    Mme Sylvia Pinel

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    Au-delà de nos divergences, nous nous retrouvons sur un point : l’actuel mode de calcul de l’AAH conduit à des situations absurdes, intolérables. Nous savons la souffrance et l’injustice ressenties par ces hommes et par ces femmes contraints de choisir entre une allocation à laquelle ils ont droit et leurs choix de vie. Nous entendons les témoignages de personnes qui renoncent à se déclarer en concubinage, à se marier ; d’autres qui le font en secret ou en cachette, dans la peur des contrôles.

    M. Bertrand Pancher

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    Bravo !

    Mme Sylvia Pinel

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    L’absurdité de ce mode de calcul naît aussi de ses contradictions : comment expliquer que, si un bénéficiaire vit chez ses parents, les revenus de ces derniers ne soient pas pris en compte alors que ceux du conjoint le sont ? Comment expliquer que le RSA du conjoint soit supprimé s’il se met en couple avec un bénéficiaire de l’AAH ? Plus grave encore, ce mode de calcul peut conduire à des situations dangereuses, car c’est un fait : les femmes en situation de handicap sont davantage victimes de violences conjugales. Or, sans ressources propres, elles peuvent très difficilement s’extraire de ces situations.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Écoutez bien cela, c’est important.

    Mme Sylvia Pinel

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    Encore une fois, c’est bien d’autonomie et de dignité dont il est question ici. Quelle légitimité y a-t-il à prendre en compte les revenus du conjoint pour décider d’accorder une allocation liée à la seule incapacité permanente d’une personne à accéder à l’emploi ? C’est bien cela qui distingue lesminima sociaux de l’AAH, comme ma collègue Jeanine Dubié l’a parfaitement démontré tout à l’heure. Prenons le RSA, par exemple : il constitue un appui ponctuel pour une personne en capacité de travailler le temps de retrouver un emploi, ce qui le distingue de l’AAH, laquelle est une aide durable à des personnes qui ne peuvent pas travailler, ou bien pas à temps complet (Applaudissements sur les bancs du groupe LT), et dont la situation n’évoluera pas favorablement voire déclinera.
    L’occasion nous est donnée de clarifier la nature de l’AAH. Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement et la majorité cherchent à avancer sur le sujet de l’inclusion et de l’autonomie des personnes en situation de handicap. Mes chers collègues, vous avez là la possibilité de prendre une décision très attendue sur le terrain.
    Je rappelle que notre assemblée a adopté la proposition de loi en première lecture avec des voix de l’opposition, mais aussi avec celles de députés de la majorité. Depuis ce vote, le dispositif a été amélioré par nos collègues sénateurs et certains effets de bord ont été corrigés. Comment expliquer un revirement à nos concitoyens ? Nous avons le pouvoir de concrétiser une formidable mobilisation transpartisane, mais aussi citoyenne. Nous ne pouvons décevoir celles et ceux qui attendent cette avancée depuis tant d’années et qui nous regardent aujourd’hui. Tous savent que, sans vote conforme, ce texte ne sera probablement pas adopté avant la fin du quinquennat.
    Nous ne pouvons nous résoudre à l’enterrement de ce texte, qui comprend d’autres améliorations.

    Mme Marie-George Buffet

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    Très bien !

    Mme Sylvia Pinel

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    Je pense évidemment au relèvement de 60 ans à 65 ans de l’âge minimum pour bénéficier de la PCH, qui correspond pourtant à l’évolution de notre société vieillissante.
    Nous avons l’occasion de changer le quotidien de centaines de milliers de personnes. Ne perdons plus de temps : rétablissons le principe de l’individualisation de l’AAH et adoptons définitivement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Chers collègues, j’ai apporté un courrier officiel, solennel même, que la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH – a adressé hier à chacun d’entre nous et dans laquelle elle écrit ceci : « Mesdames les députées, messieurs les députés, […] il est nécessaire et urgent de déconjugaliser l’AAH. » (Mme Marie-George Buffet et M. Moetai Brotherson applaudissent.) « Le mode de calcul actuel est une atteinte inacceptable aux droits fondamentaux des personnes handicapées : les droits à la dignité, à l’autonomie, à la liberté de faire ses propres choix, à la protection contre la pauvreté ». Soucieuse d’amour, la CNDH écrit même que le mode de calcul actuel constitue un frein manifeste à la vie de couple.
    Oui, nous venons parler d’amour dans cet hémicycle – d’amour compliqué, d’amour contrarié. Sylvie, Bretonne handicapée tombe amoureuse d’un Parisien ; celui-ci est prêt à la rejoindre dans le Finistère, mais elle perdrait alors son allocation et devrait vivre à son crochet ; lui devrait tout payer. Ils ont renoncé et finalement l’éloignement, les confinements ont usé leur amour. Elle m’écrit : « Aujourd’hui, en plus de mes handicaps, je suis en dépression ». D’autres allocataires trichent, vous le savez. Ils habitent chez leur conjointe ou leur conjoint, mais un peu en clandestin, avec toujours une adresse ailleurs. Des couples tiennent malgré tout, comme celui de Sonia, mais avec toujours une inquiétude au cœur : « La dépendance est une souffrance, je voudrais être sereine pour l’avenir », nous écrit-elle.
    Cette cause fait l’unanimité, aussi bien hors de l’Assemblée, auprès de toutes les associations, qui réclament la mesure, qu’ici. Les groupes Les Républicains, UDI et indépendants, Agir ensemble, Libertés et territoires, Gauche démocrate et républicaine, La France insoumise ainsi que Socialistes et apparentés sont tous pour. Nous sommes tous pour.

    M. Fabrice Brun

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    Oui, sauf…

    M. François Ruffin

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    Tous ? Non. Tous sauf vous, les marcheurs, tous sauf vous, le Gouvernement ! Depuis deux ans, méthodiquement, vous entravez cette réforme.
    Je rappelle l’histoire de cette mesure – celle de notre obstination et de votre obstruction. Ce sont les communistes qui la proposent d’abord, en mars 2019, par la voix de Marie-George Buffet. Mais vous la rejetez, seuls contre tous. Quand le groupe Libertés et territoires la reprend dans ce texte, en février 2020, vous formulez mille raisons bidon. Je vous cite : « vous posez les bonnes questions, mais pas au bon moment » – avec vous, ce n’est jamais le bon moment ! « Certaines dispositions relèvent du projet de loi de finances » – mais on n’a rien vu dans le PLF ! « Ces questions seront traitées dans la future loi grand âge » – mais existera-t-elle vraiment, cette loi ? Vos arguments n’étaient pas brillants et cela se sentait jusque dans vos rangs, timides, clairsemés. Finalement, contre l’avis du Gouvernement, contre l’avis de la majorité, le texte fut adopté. Ensuite, il a fallu qu’une pétition recueille plus de 100 000 signatures – c’était une première –, pour que le texte soit examiné puis adopté au Sénat.
    Après ces péripéties parlementaires, j’attendais votre voix, la semaine dernière, lors de l’examen en commission. Qu’alliez-vous raconter ? Alliez-vous renoncer à votre obstruction ? Allions-nous vivre l’un de ces moments, rares mais touchants, de consensus transpartisan ? Eh bien non, j’ai été déçu – vous parvenez encore à me décevoir. Vous avez brassé de grandes phrases creuses : « La complexité et l’incohérence du système ne peuvent se résoudre en quelques heures de débat » – mais vous avez eu quatre ans pour résoudre ces incohérences ! « Nous devons revoir la philosophie de l’accompagnement », « c’est un débat philosophique que nous devons avoir » – mais non, c’est du concret pour les gens, pas de la philosophie ! C’est leur vie, leurs amours, leur porte-monnaie, leur loyer !
    Mais le pire désormais, c’est votre perversité.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Oh !

    M. François Ruffin

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    En effet, vous ne vous opposez plus à la mesure franchement, frontalement, comme c’était le cas l’an dernier et il y a deux ans. En commission, le Gouvernement a simplement déposé un amendement qui fut adopté. Je veux que les Français comprennent la manœuvre : cet amendement ruine toute la proposition de loi, nous fait retourner à la case départ et renvoie la mesure aux oubliettes.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Non !

    M. François Ruffin

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    Je cite son exposé sommaire : « Au-delà de son coût très important de 730 millions d’euros[…] ».

    Mme Marie-George Buffet

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    Exactement ! Où est Bruno Le Maire ?

    M. François Ruffin

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    C’est la voix de Bercy ! Comme dans une incise, au détour d’une phrase, surgit enfin l’ombre de la vérité. Vous habillez cela de philosophie, de discours sur la solidarité familiale, la complexité. En vérité, il s’agit seulement d’argent, de budget. Vous osez parler de coût très important pour 730 millions d’euros alors que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune a coûté des milliards d’euros et la pérennisation du CICE – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – des dizaines de milliards. Mais quand vous accordez ces sommes colossales à vos amis, à ceux qui ont été gâtés par la vie, vous parlez « d’investissement ».
    Et vous osez écrire que 730 petits millions d’euros représentent un coût important ! Dès qu’il s’agit de donner aux plus fragiles, aux abîmés de la vie, houlà, les dépenses deviennent inutiles ! Voilà la vérité ! Voilà votre philosophie, dans sa nullité : un portefeuille à la place du cœur. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.)

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Oh !

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Chenu.

    M. Sébastien Chenu

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    Comme cela a été rappelé, l’allocation aux adultes handicapés a été créée en 1975, il y a de longues années ; ce n’était pas sous un gouvernement de gauche. Cette aide financière ancienne a démontré son efficacité. Elle est évidemment nécessaire pour compenser l’incapacité à travailler.
    Parmi les nombreuses difficultés que rencontrent nos compatriotes handicapés, figurent la difficulté à choisir son avenir professionnel, à travailler, à créer un projet professionnel – même si ce n’est pas impossible, c’est plus difficile pour eux – et la difficulté à être autonome financièrement – car le niveau de vie mensuel de nos compatriotes handicapés est inférieur de 200 euros à celui de la population générale. L’attribution de cette aide est subordonnée à un certain nombre de critères : d’incapacité, évidemment, mais aussi d’âge, de lieu de résidence et de ressources. Il faut le rappeler, car ces exigences sont bien plus fortes que celles prévues pour l’aide médicale de l’État (AME), par exemple. L’allocation aux adultes handicapés compte 1,2 million de bénéficiaires, dont 270 000 sont en couple ; 11 milliards d’euros sont versés. Ce sont les chiffres officiels, déjà évoqués.
    En détricotant la mesure phare de cette proposition de loi, le Gouvernement porte un coup dur à nos compatriotes handicapés. En effet, dès lors que les revenus de leur conjoint dépasseront 2 000 euros, le dispositif perdra tout son sens. Pourtant, les ressources d’un conjoint ne font pas disparaître le handicap, c’est une évidence. Elles placent et placeront beaucoup de personnes à la merci d’un tiers, d’un compagnon ou d’une compagne, qu’ils le veuillent ou non. En quoi le choix de vivre en couple devrait-il être un handicap supplémentaire ?
    Nos compatriotes handicapés mènent déjà de nombreuses batailles, celle de l’accessibilité, par exemple, pour laquelle beaucoup reste à faire. Le combat de l’autonomie est fondamental, car il marque le refus de choisir entre l’amour et la fiscalité. L’autonomie financière, pour des personnes déjà souvent privées d’autonomie physique, par exemple, est une nécessité.
    En adoptant le principe d’une déconjugalisation de l’AAH, nous marquerions notre refus de laisser nos compatriotes enfermés dans la dépendance. Cette prestation n’est évidemment pas un minimum social, car elle vise à compenser une situation pérenne. Elle doit aussi permettre aux intéressés de ne pas demander la charité et d’atteindre un niveau de vie digne et décent.
    Cette injustice inacceptable fragilisera d’autant plus les femmes en situation de handicap ; elle entamera l’idée que nous nous faisons de l’égalité entre hommes et femmes. Le choix que vous offrez aux personnes handicapées est finalement peu enviable  : percevoir l’AAH ou vivre en couple, au risque d’être dépendant financièrement. Entendez les voix qui montent de notre pays, celles des associations de personnes handicapées, mais aussi celles de députés de tous les bancs et sensibilités.
    En organisant ce recul, cette dépendance de fait, vous placez nos compatriotes dans des situations aux conséquences désastreuses et vous les obligez – c’est encore pire peut-être – à se comporter de manière incivile, en cachant la réalité de leur vie privée, tout simplement pour ne pas perdre cette allocation. C’est un sort peu enviable.
    Le droit à une vie de couple, à une vie de famille, est central. Le droit à une autonomie affective, relationnelle, émotionnelle, l’est tout autant. Nous vous appelons donc, chers collègues, madame la secrétaire d’État, à ne pas manquer cette belle occasion de rétablir le principe de l’individualisation de l’AAH. « Ils m’aimeront tels que je suis » écrivait René Char. Il est temps de démontrer à nos compatriotes en situation de handicap que nous les aimons tels qu’ils sont, seuls ou en couple.

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    La discussion générale l’a fait apparaître clairement : sur les neuf groupes de notre assemblée, sept se prononcent pour l’adoption du texte dans la version du Sénat.

    M. Marc Le Fur

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    Tout à fait !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Cela n’est pas si courant et mérite d’être souligné. Hors de l’hémicycle, dans la rue, 100 % des associations de défense des handicapés sont favorables à cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC – Mme Constance Le Grip et M. Marc Le Fur applaudissent également.)

    Mme Marie-George Buffet

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    Exactement !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Celle-ci, en outre, a été adoptée au Sénat ; autant dire qu’une immense majorité de la société civile et des forces politiques y sont favorables.
    J’ai entendu les arguments. Des mots forts ont été prononcés par Marie-George Buffet qui a rappelé, entre autres, que, par sa vocation initiale, l’AAH vise l’émancipation – un mot trop absent de nos débats – de la personne humaine. L’émancipation, c’est l’autonomie, la capacité à disposer de sa vie, de son parcours, quelle que soit sa relation de couple. Stéphane Viry a remarqué à juste titre que puisque le handicap est individuel, l’allocation aux adultes handicapés doit aussi l’être et qu’avec cette mesure, nous luttons contre une discrimination majeure. Christine Pires Beaune l’a également dit à sa manière : puisque l’allocation aux adultes handicapés pallie un handicap durable, elle ne peut être assimilée à un minimum social. Agnès Firmin Le Bodo nous a mis en garde : maintenir les conditions actuelles de l’allocation, c’est enfermer dans la dépendance et même parfois dans la pauvreté des personnes en situation de handicap. Quant à François Ruffin, il a évoqué, à la suite de Jeanine Dubié, l’adresse solennelle de la CNCDH, qui nous enjoint d’adopter la version du Sénat. Enfin, Sylvia Pinel nous a rappelé qu’il fallait garder à l’esprit que la question est d’ordre philosophique.
    Je dirai donc ceci à Mme la secrétaire d’État et aux représentants de la majorité présidentielle : vous vous enfermez dans une position incompréhensible. Même avec les meilleurs arguments du monde, il est difficile de prétendre formuler à la place des intéressés ce qui est bon pour eux. Or ils disent tous, quelle que soit leur opinion politique, leur philosophie sur la famille, que l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés est un progrès vers l’autonomie de la personne.

    Mme Elsa Faucillon

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    Oui, tout à fait !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Je rappelle par ailleurs qu’opposer solidarité familiale et solidarité nationale n’a pas de sens, surtout quand, comme ici, l’argument est à géométrie variable. Quand les personnes handicapées vivent avec leurs parents, leur frère ou leur sœur, les revenus du foyer ne sont pas pris en compte ! C’est seulement le cas pour le conjoint ou la conjointe, après un mariage ou un PACS.
    Déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés, c’est faire un pas vers l’autonomie, vers l’émancipation. À la suite de Sylvia Pinel, qui insistait sur la dimension philosophique de la question, j’en appelle à vous tous, députés de la majorité, car il ne s’agit pas ici d’un choix partisan soumis à une discipline de groupe, mais d’un choix de conscience face à un problème de société. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure.

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Je voudrais tout d’abord adresser tous mes remerciements à l’ensemble des orateurs, surtout à ceux qui se sont exprimés au nom de leurs groupes pour appuyer cette proposition de loi telle qu’elle a été modifiée par le Sénat.
    En complément des propos de Stéphane Peu, je voudrais insister sur trois points. En premier lieu, je dis à ceux qui parlent de « ressources du foyer » qu’ils se trompent. L’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale – j’insiste, du code de la sécurité sociale – que nous souhaitons modifier mentionne les ressources du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un PACS. C’est pour cela que nous parlons de déconjugalisation.
    D’ailleurs, dans l’hypothèse – rappelée par Mme Sylvia Pinel et que j’ai évoquée également – où une personne en situation de handicap bénéficiaire de l’AAH vit au domicile de ses parents, les ressources de ces derniers ne sont pas prises en compte ; or il s’agit bien d’un foyer.

    M. Pierre Dharréville

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    Eh oui !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Et quand cette personne s’installe en couple, à ce moment-là les ressources de son conjoint sont comptabilisées. Retirez donc le terme « foyer ». Il est faux d’affirmer que les ressources du foyer sont prises en compte : seules les ressources du conjoint le sont. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, GDR et SOC.)
    Je voudrais ensuite rappeler, à la suite de Mme Marie-George Buffet, que l’AAH ne s’obtient pas sans condition. Son attribution dépend d’une évaluation médicale qui sert à apprécier le taux d’incapacité attribué au demandeur de l’allocation en fonction de son handicap et de son incapacité à exercer une activité professionnelle. C’est cela, le sujet ! Ne nous y trompons pas. C’est en cela aussi que cette prestation se distingue du RSA. C’est bien le handicap ou la maladie qui détermine le taux d’incapacité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LT et GDR – Mme Delphine Batho applaudit également.)
    Ces personnes ne sont donc pas éloignées de l’emploi du fait de leur volonté mais du fait d’une reconnaissance médicale de leur incapacité, qu’elle soit partielle ou totale.
    Enfin, madame la secrétaire d’État, je terminerai en mentionnant le texte dans son état actuel, particulièrement son article 2. Vous vous focalisez sur l’article 3 car vous ne voulez pas de la déconjugalisation. Et si j’en crois Véronique Hammerer, vous voulez appliquer ce texte à compter du 1er janvier 2022. Cela signifie qu’il sera de nouveau examiné au Sénat. Comment expliquerez-vous alors que la déconjugalisation s’applique bien aux personnes qui travaillent en ESAT, en vertu de l’application de l’article 2 de cette proposition de loi – que vous ne pourrez pas modifier parce qu’il est conforme –, et qu’elle est impossible pour les autres ? Je ne vois franchement pas comment vous pourrez vous sortir de cette difficulté. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, FI et GDR.)

    M. Bertrand Pancher

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    C’est étonnant, en effet !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Merci à tous. L’examen des amendements va commencer mais il s’agit pour beaucoup d’entre nous d’un combat de longue date – et pas uniquement pour Mme Marie-George Buffet ou pour moi-même. C’est un combat juste, un combat de justice sociale. J’en appelle à tous, car les arguments développés ne sont pas toujours bien fondés. Je vous demande, en votre âme et conscience, de prendre une position qui donnera à ces personnes le droit de vivre comme elles en ont envie, comme elles le choisissent. C’est bien cela, le principe d’autonomie. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    J’ai entendu beaucoup d’éléments ; j’en reprendrai certains. Madame Dubié, le taux d’incapacité est effectivement calculé à partir de l’impact de la situation de handicap sur la vie quotidienne du demandeur de l’AAH. Cependant, il est possible de travailler même avec un taux d’incapacité à 80 % – au reste, de plus en plus de personnes sont dans cette situation. C’est comme cela que l’on travaille sur la société inclusive. Que signifie cette expression ? Tout simplement que l’environnement doit s’adapter aux problèmes des personnes, et non plus l’inverse ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
    Que nous demandent les personnes en situation de handicap ? Que cette société inclusive devienne une réalité ! Que les portes des entreprises privées et publiques s’ouvrent massivement ! Et qu’elles puissent être accompagnées – car l’autonomie, cela peut aussi passer par un bon accompagnement. Des personnes extrêmement dépendantes peuvent désormais s’exprimer et faire des études supérieures grâce à des accompagnements de qualité, à la technologie ou à la communication alternative et augmentée. C’est cela que nous défendons ! C’est la société inclusive, dans laquelle l’environnement doit s’adapter aux difficultés que rencontrent ces personnes. Et c’est ce que nous demandent les personnes en situation de handicap : reconnaître toutes leurs capacités.

    M. Pierre Dharréville

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    Et en attendant ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Certaines sont capables autrement. C’est cela, le changement ! C’est cela, cette société inclusive !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Allez les voir !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je le dis en réponse à quelques députés qui m’ont reproché de ne pas en faire une réalité.
    Depuis quatre ans, le Gouvernement s’attache à augmenter le pouvoir d’achat des personnes en situation de handicap, dont la baisse était une réalité. J’ajoute que l’augmentation de l’AAH n’a fait aucun perdant (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.) Il est important de le redire, et de battre en brèche les fausses idées. De même, l’amendement que nous défendons ne fera aucun perdant.
    Vous me dites que le texte issu des travaux du Sénat est bien travaillé. C’est faux, il ne sera pas applicable ! Pourquoi donner un droit d’option de dix ans à des personnes pour le maintien de la conjugalisation des ressources, compromettant ainsi l’équité devant l’impôt ? C’est incompréhensible !

    Mme Véronique Hammerer et M. Alexandre Holroyd

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    Très bien !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Cette proposition de loi ne pourra pas s’appliquer avant des années, car aucun système informatique ne permettra sa mise en œuvre ! (M. Christophe Castaner et M. Roland Lescure applaudissent vigoureusement. – Huées et vives protestations sur les bancs des groupes FI, GDR, SOC, LR, LT et Agir ens.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est faux !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    N’importe quoi !

    M. Marc Le Fur

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    C’est la faute à l’ordinateur !

    M. Hubert Wulfranc

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    Demandez à Orange !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Les promesses incantatoires, cela ne suffit pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Les protestations se poursuivent sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.)

    M. François-Michel Lambert

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    Scandaleux !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Incroyable !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je suis désolée, nous sommes le gouvernement des droits réels, et non des droits incantatoires !

    M. François Ruffin

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    C’est faux !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    L’informatique ! Il fallait oser le sortir, cet argument !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Envoyez-nous l’intelligence artificielle !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Ce qui m’importe, en tant que secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, en tant que parent d’une jeune fille en situation de handicap qui me rappelle tous les jours ce pour quoi nous nous levons, c’est que des droits puissent s’appliquer ! (Le brouhaha de protestations provenant de divers bancs couvre la voix de l’oratrice.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, laissons Mme la secrétaire d’État poursuivre.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    C’est ainsi que nous avons fait le droit à vie !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous êtes disqualifiée ! Aucun argument !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Comment avons-nous réussi à augmenter l’AAH ? Nous y sommes parvenus à la faveur de notre politique de redistribution, dans laquelle la solidarité familiale vient en complément de la solidarité nationale. Messieurs du groupe Les Républicains, vous qui êtes si soucieux de la bonne gestion du budget de l’État, je m’étonne de vous voir soutenir cette proposition de loi au risque d’ouvrir la voie à la déconjugalisation pour le RSA ou pour l’ASPA ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Vives protestations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.) Non ! Nous devons être garants de ce que nous pouvons faire pour les personnes en situation de handicap et sanctuariser les budgets.

    M. François Ruffin

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    Orwell, sors de ce corps !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je rappelle aux députés siégeant sur les bancs de la gauche de l’hémicycle que vous êtes garants d’une politique qui s’adresse à ceux qui en ont le plus besoin.Comment expliquer que l’on continue à verser une allocation à une personne en situation de handicap alors que son conjoint gagne 5 000 euros, 10 000 euros ou 15 000 euros par mois ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – MM. Jean-Paul Dufrègne et Jean-Paul Lecoq protestent vigoureusement.)

    M. Marc Le Fur

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    Vous les spoliez de milliers d’euros !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je veux aller directement vers ceux qui en ont le plus besoin. C’est ainsi que nous construisons une justice sociale équitable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    J’entends aussi les arguments relatifs à la dépendance mais celle-ci est traitée par la PCH. 

    Un député du groupe LaREM

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    Eh oui !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Non, c’est une politique à géométrie variable !

    Mme Danièle Obono

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    Zéro perdant ? Non, zéro priorité !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    La PCH comprend cinq types d’aides : aide technique, aide au logement, aide animalière, aide à l’aménagement du véhicule et aides humaines donnant accès à des services d’accompagnement à la hauteur des besoins des personnes. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et LR.) Cette politique est soutenue en partie par les départements. Nous sommes garants de cette coconstruction.

    M. Pierre Dharréville

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    Sauf si nous en décidons autrement : la décision nous apparetient !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Oui, nous pouvons améliorer la PCH. Nous y travaillerons avec les nouveaux exécutifs départementaux – comme nous l’avions fait, je vous le rappelle, pour l’AVP ou l’habitat inclusif. Voilà comment nous travaillons pour l’autonomie des personnes en situation de handicap, pour qu’elles disposent d’un choix de vie, ou de logement ! Je vous rappelle également que la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a donné aux majeurs protégés la possibilité de se marier, de se pacser ou de se soigner sans l’autorisation du juge des contentieux de la protection.

    Mme Danièle Obono

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    Heureusement !

    Mme Isabelle Valentin

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    Quel est le rapport ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    C’est cela, l’autonomie des personnes handicapées, à laquelle nous travaillons depuis le début du quinquennat ! (Protestations sur les bancs des groupes FI et GDR.)
    Je vous l’accorde, il nous faut encore améliorer la prise en compte des besoins particuliers à travers la PCH. Ce sera l’objet de la cinquième branche de la sécurité sociale relative à l’autonomie, à laquelle nous devons travailler tous ensemble pour précisément améliorer la compensation de la situation individuelle (Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.)

    M. Marc Le Fur

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    Mais non !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je reçois les familles, les associations. Je les rencontre aussi lors de mes déplacements dans les territoires. J’entends leurs propos. Elles nous interpellent, bien sûr, sur la question de l’autonomie et sur l’envie d’indépendance financière des personnes en situation de handicap.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Non, pas l’envie ; le besoin !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Ce qui m’importe, c’est de leur donner la possibilité de choisir leur vie. C’est ce que nous leur offrons aujourd’hui. Reconnaître l’injustice représentée par le faible niveau du plafond de ressources antérieur pris en compte pour le calcul de l’AAH a été l’un de nos axes de travail. C’est la raison pour laquelle nous proposons cet abattement.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Si l’informatique le permet !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Aucun perdant, un abattement applicable immédiatement – c’est cela, les droits réels ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur divers autres bancs.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, il s’agit d’un débat important, et très regardé. Tâchons de donner la meilleure image possible de notre assemblée.
    La parole est à Mme Véronique Hammerer.

    Mme Véronique Hammerer

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    Je demande une suspension de séance. (« Ah ! » sur les bancs des groupes GDR, SOC et LR.)

    M. Jean-Louis Bricout

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    Pour réfléchir ?

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise. J’appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à Mme Véronique Hammerer.

    Mme Véronique Hammerer

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    Je salue la conviction politique qui anime les groupes GDR et LT. Je sais à quel point leurs membres sont persuadés qu’en lui donnant l’autonomie financière, la personne handicapée s’émanciperait davantage.

    M. Benoit Simian

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    Eh oui ! Bon travail !

    Mme Véronique Hammerer

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    Personnellement, j’en doute ; vingt-cinq années de travail social me le permettent. Si vous individualisez l’AAH, qui me dit que demain, un autre gouvernement n’ira pas jusqu’à individualiser le RSA ?

    M. Jean-Louis Bricout

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    N’importe quoi !

    Mme Véronique Hammerer

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    À partir du moment où l’on individualise les aides, toutes les politiques d’accompagnement et d’insertion sociale et professionnelle seront balayées. Qui peut m’assurer du contraire ? Je ne veux pas de cette société-là.
    Prenons un exemple simple : Caroline, bénéficiaire de l’AAH, perçoit 1 500 euros de salaire et son conjoint, 800 euros ; le montant de son AAH est de 346 euros. Avec la déconjugalisation, elle ne percevra plus que 190 euros. Avec notre proposition, son AAH s’élèvera à 539 euros, soit une augmentation de 193 euros.

    Mme Marie-George Buffet et Mme Lamia El Aaraje

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    C’est faux !

    Mme Véronique Hammerer

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    Voilà ce qu’est la déconjugalisation que vous proposez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Si elle est appliquée, 44 000 personnes seront perdantes, sans que l’on sache comment rattraper les choses.
    Prenons un autre exemple : Clément gagne 1 800 euros et sa conjointe 800 euros ; il perçoit 370 euros d’AAH. Avec la déconjugalisation, son AAH sera égale à zéro – zéro ! Avec notre proposition, il percevra 647 euros, soit 277 euros en plus. C’est ça, la déconjugalisation ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Chers collègues de la majorité, vous essayez de vous convaincre de l’impossible et de défendre l’indéfendable. Dans quelques minutes, nous procéderons à un vote important pour des milliers de citoyens en situation de handicap. Ayez conscience – je l’ai déjà dit en première lecture – que nous sommes particulièrement regardés aujourd’hui par des Français en situation de handicap qui attendent l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés depuis des années. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LT et GDR.)
    Le vote de l’Assemblée en première lecture, contre l’avis du Gouvernement, a suscité un espoir immense. Le vote au Sénat, contre l’avis du Gouvernement, a suscité le même espoir. Nous ne pouvons pas, vous ne pouvez pas le décevoir.
    Prétendre que l’AAH est une prestation sociale comme une autre est insupportable. Le chômage est un état passager, pas le handicap ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR.) C’est précisément pour cela et pour répondre à l’interpellation de Mme la secrétaire d’État que le groupe Les Républicains défend l’individualisation de l’AAH et qu’il ne défendra jamais la déconjugalisation du RSA, contrairement à ce que nous venons d’entendre à plusieurs reprises.
    Opposer la solidarité nationale à la solidarité familiale n’est pas plus acceptable. (M. Stéphane Peu applaudit.) L’honneur de la République est de venir en aide à ceux que la vie n’a pas épargnés. Il va de soi que les familles sont déjà pleinement impliquées auprès de leurs proches. Elles attendent un geste important de notre part. Nous pouvons, vous pouvez, mes chers collègues, faire aboutir aujourd’hui un combat de justice sociale mené de longue date par les familles, les associations et les personnes en situation de handicap. Nous pouvons aider ces personnes à accéder à l’autonomie. Nous pouvons faire en sorte que plus jamais elles ne doivent choisir de ne pas se marier pour ne pas perdre des ressources vitales. Ce vote sera important : il dira beaucoup – il dira énormément – du modèle de société que les uns et les autres, sur ces bancs, veulent pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR – MM. Sébastien Jumel et Moetai Brotherson applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Mignola.

    M. Patrick Mignola

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    Je voudrais également apporter une contribution au débat, en ayant une pensée non pas pour les gagnants – nous sommes tous d’accord pour qu’il y en ait –, mais pour les perdants. Qui seront-ils ? Véronique Hammerer l’a concrètement rappelé : ce sont les personnes handicapées qui travaillent et qui ne percevront plus rien après la déconjugalisation.

    Mme Marie-George Buffet

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    Non, c’est faux !

    Mme Véronique Hammerer

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    Si, exactement !

    M. Patrick Mignola

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    Quand on prend une mesure sociale qui fait des gagnants mais aussi des perdants, c’est un contresens.

    Mme Marie-George Buffet

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    Quelle honte !

    M. Patrick Mignola

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    Certes, le Sénat a ajouté un article 3 bis qui crée pour dix ans une situation temporaire. Mais que ferons-nous dans dix ans ? Demanderons-nous aux personnes handicapées, qui sont incluses, d’arrêter de travailler ? (Protestations sur quelques bancs des groupes LR et GDR.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Non !

    M. Patrick Mignola

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    Pour faire une prétendue inclusion, on devrait punir ceux qui sont déjà inclus ? Vous savez très bien que la prestation qui permet vraiment l’autonomie, c’est la prestation de compensation du handicap. Certains d’entre nous ont siégé dans les conseils généraux pendant des années et connaissent bien la PCH. Cette réflexion doit être menée avec l’Assemblée des départements de France, dont j’avais l’exécutif au téléphone hier encore.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Et alors ?

    M. Patrick Mignola

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    Nous devons y travailler dans le cadre du prochain projet de loi de finances et du comité des finances locales, pour accompagner les départements dans l’amélioration de la PCH.
    Au fond, ces débats sur la déconjugalisation montrent que nos visions de la société nous opposent. (« Oui ! » sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme Lamia El Aaraje

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    Ça, c’est bien vrai !

    M. Patrick Mignola

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    Vous considérez que l’AAH doit permettre aux personnes handicapées de toucher plus parce qu’elles seraient automatiquement condamnées à ne pas travailler. Or, comme la secrétaire d’État l’a rappelé, notre combat depuis quatre ans consiste à les accompagner, à leur permettre de travailler, à leur permettre d’aller à l’école, en formation, à l’université et à leur ouvrir les portes des activités économiques publiques et privées, afin qu’elles aient une activité sociale et professionnelle. C’est la société qui doit s’ouvrir et non les condamner à rester en leur état.
    L’homéostasie sociale, au sens spinozien du terme (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR), signifie que chaque être a vocation à persévérer dans son être. Voilà ce à quoi vous voulez les condamner, à l’homéostasie d’un état ! Vous parlez d’émancipation, mais vous faites exactement l’inverse !

    M. le président

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    La parole est à Mme Lamia El Aaraje.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Comme 1,22 million de Françaises et de Français allocataires de l’AAH, quand j’entends une secrétaire d’État, censée défendre l’intérêt général, prétendre que la solidarité familiale doit se substituer à la solidarité nationale, j’ai honte ! D’évidence, madame, votre vision de la société n’est pas celle que nous défendons – de ce que j’en comprends, c’est « en marche » sur la tête ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

    Une députée du groupe LaREM

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    Très drôle !

    Mme Lamia El Aaraje

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    Nous ne pouvons accepter que l’accès à l’autonomie dépende de l’existence d’une famille et d’un principe de solidarité à géométrie variable, qui favoriserait certains et priverait d’autres de leurs droits. Telle n’est pas l’égalité réelle que nous appelons de nos vœux.
    Nous ne pouvons accepter que les individus soient obligés de quémander à leur conjointe ou leur conjoint les moyens de leur propre subsistance ; nous ne pouvons accepter votre vision caricaturale de la famille, qui ne pourrait être que solidaire ou violente. Souffrez les nuances ; souffrez que l’autonomie soit une revendication personnelle qu’il faille prendre en considération, car elle est le préalable à la dignité et le fondement de la justice sociale. Cessez de nous opposer des pseudo-réflexions philosophiques selon lesquelles un modèle de société serait remis en cause par l’identification de l’AAH à un minimum social et admettez qu’il s’agit d’une prestation visant à garantir un minimum de ressources.
    Madame la secrétaire d’État, vos collègues l’ont dit, nous l’avons bien entendu, vous cherchez à réduire les dépenses publiques sur le dos des personnes en situation de handicap. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    C’est honteux !

    Mme Lamia El Aaraje

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    Vous l’avez dit, assumez-le : c’est un arbitrage budgétaire, uniquement budgétaire !

    M. Bruno Millienne

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    Taisez-vous !

    Mme Lamia El Aaraje

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    Ne condamnez pas les personnes en situation de handicap à vivre perpétuellement dans l’angoisse de perdre tout ou partie de leur allocation s’ils sont hospitalisés plus de soixante jours, s’ils sont incarcérés…

    M. Bruno Millienne

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    La honte devrait vous étouffer !

    Mme Lamia El Aaraje

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    …ou en cas d’invalidité de plus de 80 %…

    M. le président

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    Veuillez conclure, s’il vous plaît.

    Mme Lamia El Aaraje

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    J’ai écouté attentivement mes collègues pendant la discussion générale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les bancs de notre assemblée, de la droite à la gauche, sont unanimes.
    Mesdames et messieurs de la majorité, sans boussole politique, il est…

    M. le président

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    Merci, chère collègue.

    M. Bruno Millienne

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    Vous préférez condamner 44 000 personnes !

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Aujourd’hui aurait pu être un grand jour : nous aurions pu réparer une erreur qui perdure depuis des décennies en déconjugalisant l’AAH. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.) Malheureusement, vous avez décidé, pour vous donner bonne conscience, de vous contenter de modifier les règles de l’abattement sur les revenus du conjoint bénéficiaire. Du haut de leurs vingt-cinq ans d’expérience, Mme Hammerer et M. Mignola croient mieux savoir ce qui est bon pour les personnes bénéficiaires de l’AAH que les centaines d’associations qui les représentent et qui sont toutes favorables à la version du Sénat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR, SOC, Agir ens, LT, FI et GDR.)
    Le dispositif que vous défendez n’est pas celui qui était proposé : il n’est ni juste, ni respectueux des bénéficiaires. (Mme Agnès Thill et M. NicolasDupont-Aignan applaudissent.) L’allocation aux adultes handicapés n’est pas une allocation comme les autres, elle a vocation à assurer l’indépendance et l’autonomie d’une personne en situation de handicap.

    M. Patrick Mignola

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    C’est n’importe quoi !

    M. Christophe Naegelen

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    Monsieur Mignola, reprenez le micro, si vous avez envie de dire quelque chose !

    M. Patrick Mignola

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    Je fais ce que je veux !

    M. Christophe Naegelen

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    Comment un gouvernement qui se dit progressiste peut-il occulter la situation d’une personne jusqu’à voir cette dernière par le seul prisme de son conjoint ou de sa conjointe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I et GDR.) Vous objectez aussi l’argument budgétaire. Soyons sérieux : le coût reste minime au regard des centaines de milliards dépensés ces derniers mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, FI et GDR.)
    Finalement, l’argument budgétaire ne tient pas, les arguments moraux sont contre vous et vous opposez des arguments technocratiques à des situations humaines. En dénaturant ce texte, vous enlevez le cœur de la proposition initiale. Dans ce cas précis, c’est vous qui manquez de coeur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, LR, FI et GDR.) C’est déjà ce qui vous avait été reproché lors du rejet de la proposition de loi de Guy Bricout. Chers collègues, évitons de reproduire cette situation et permettons à ces personnes de vivre de façon digne et autonome, en votant ce texte tel qu’il était prévu initialement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    La conjugalisation est inégalitaire, notre collègue Jeanine Dubié l’a très bien montré tout à l’heure. Il s’agit d’une compensation du handicap qui aide à assurer l’autonomie. Il y a eu beaucoup de perdants ; certains sont venus me voir à ma permanence et m’ont expliqué qu’ils avaient perdu 500 euros, qu’ils avaient des emprunts à rembourser, notamment pour l’achat de leur maison, emprunts qu’ils ont évidemment souscrits en fonction du montant de l’AAH. Dès lors qu’une partie leur a été enlevée, ça ne passe plus.
    Surtout, vous partez du principe que ceux qui ont un handicap ont autant d’énergie vitale que nous pour trouver du travail et pour exercer un emploi. Vous commettez là une erreur fondamentale. C’est le cas de certains, bien sûr, mais nombreux sont ceux qui viennent me voir dans mon bureau et qui sont cassés par le handicap – leur énergie vitale est entamée. On ne peut que vouloir les aider, mais ce n’est pas si facile de trouver du boulot : j’essaye d’en placer certains, mais honnêtement, je n’y arrive pas toujours, parce qu’il faut trouver des postes adaptés.
    Quand on est handicapé, il faut adapter son logement, sa voiture. Ça coûte extrêmement cher : 10 000 euros de plus. Les aides n’y suffisent absolument pas ! (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) On vous donne 1 000 euros pour quelque chose qui vous en coûte 5 000 ! Je reçois des parents d’enfants handicapés, ils rencontrent les mêmes difficultés, il faut par exemple des fauteuils adaptés. Tout ça coûte un fric dingue !

    Mme Perrine Goulet

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    Vous confondez AAH et PCH (prestation de compensation du handicap) !

    M. Paul Molac

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    La déconjugalisation représente une aide. J’en appelle à votre compassion – on en est là ! Vous ne pouvez pas vous opposer à cette mesure que toutes les associations vous demandent ! D’une certaine manière, on lit derrière vos arguments l’idée que finalement, c’est un peu de leur faute s’ils ne travaillent pas. Mais non, tout le monde n’est pas forcément employable, c’est une réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Rappelons une évidence : l’AAH n’est pas un minimum social, c’est l’expression de la solidarité nationale envers des personnes en situation de handicap, pour leur permettre de retrouver la dignité, qui implique l’autonomie, donc l’émancipation. Vous n’avez que le mot « inclusion » à la bouche : celle-ci ne peut consister à renvoyer les bénéficiaires à leur foyer ou à la nécessité de trouver un emploi – tâche ô combien difficile, voire irréalisable dans notre société. Voilà votre conception du handicap ; ce n’est pas la nôtre.
    Vous maquillez votre refus de la déconjugalisation derrière une prétendue justice. On aimerait bien la voir, la justice, mais il s’agit plutôt d’injustice ! Pire, vous avancez des soucis informatiques – un comble ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) La vérité, c’est que c’est le budget qui décide, conformément à votre vision budgétaire à court terme. Le « quoi qu’il en coûte » se traduit par des milliards pour le CAC 40, par des miettes pour tout le reste ! (Mme Bénédicte Taurine applaudit.)
    Aujourd’hui, nous pouvons faire avancer les droits des personnes en situation de handicap. Le groupe La France insoumise soutiendra évidemment les amendements visant à restaurer la version votée par le Sénat. Néanmoins, il ne peut s’agir que d’une étape : l’AAH doit être encore revalorisée. Quand nous serons au pouvoir,…

    Un député du groupe LaREM

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    Vous n’y serez jamais !

    M. Bastien Lachaud

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    …nous la hausserons au niveau du SMIC pour les personnes reconnues inaptes au travail. L’AAH ne doit pas être une aumône, mais la juste expression de la solidarité de la nation tout entière. Celle-ci nous regarde : elle scrutera attentivement le vote de chaque député. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR. – Mme Agnès Thill et Mme Martine Wonner applaudissent aussi.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Des menaces, maintenant ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Depuis trop longtemps, depuis des années, les personnes en situation de handicap réclament que le calcul de leur allocation ne soit plus assujetti aux revenus du conjoint. « Mais on ne fait pas peur au Gouvernement », explique Stéphanie Salpin, habitante du Gard atteinte depuis la naissance d’une infirmité motrice cérébrale. « Vous nous imaginez défiler en fauteuils roulants, déambulateurs, béquilles, cannes blanches ou même encore chiens pour aveugles ? Nous n’allons pas nous donner en spectacle, ce n’est pas le carnaval » écrit-elle dans une lettre adressée au Président de la République. « Les ressources d’un conjoint ne font pas disparaître le handicap et on est ainsi à la merci de son compagnon. Déjà qu’ils sont mis à rude épreuve, et en plus, ils doivent nous entretenir, c’est indigne », déplore de son côté Mme Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap.
    Comme beaucoup d’entre nous, je soutiendrai la restauration de l’article 3 de la présente proposition de loi dans sa rédaction antérieure à l’adoption de l’amendement du Gouvernement lors de l’examen en deuxième lecture par la commission des affaires sociales. En effet, vous avez totalement dénaturé le texte en remplaçant la déconjugalisation de l’AAH par la modification des règles de l’abattement sur les revenus du conjoint du bénéficiaire et en passant d’une logique d’abattement proportionnel à une logique d’abattement forfaitaire. Une telle mesure est antinomique de la dignité, de l’indépendance et de l’autonomie ; or vous le savez, madame la secrétaire d’État, pour des personnes en situation de handicap, ce ne sont pas seulement des mots, c’est la vraie vie, la réalité du quotidien ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, UDI-I et LT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Annie Chapelier.

    Mme Annie Chapelier

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    Je me refuse à croire que, sur les bancs de cet hémicycle, il y a ceux qui comprennent ce dont les personnes handicapées ont besoin et ceux qui ne le comprennent pas ; ceux qui savent combien la mesure coûtera et combien elle leur rapportera et ceux qui ne le savent pas. Je me refuse à croire qu’il y a les bons et les méchants, ceux qui savent se servir d’une calculette et ceux qui ne le savent pas. Les débats sur les propositions de loi de cette nature sont très suivis ; je ne veux pas que les personnes qui nous regardent pensent que certains ont du cœur et que d’autres n’en ont pas.
    Ce que je sais, en revanche, c’est que sur ces bancs ne siègent que des parlementaires venus pour faire avancer la société et la rendre meilleure. Cela implique d’écouter les personnes concernées. En l’occurrence, il n’y a pas une association, pas un handicapé qui n’ait pas demandé la déconjugalisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.) Même ceux qui y perdront financièrement la réclament. La reconnaissance qu’ils sont des individus dignes compte davantage à leurs yeux que de recevoir 300, 400 ou 500 euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.) Ils veulent que l’on reconnaisse leur différence et leur besoin d’être accompagnés, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État.
    J’ai eu honte de vous entendre avancer qu’un logiciel risquerait de compromettre la déconjugalisation. L’informatique nous dicte-t-il nos choix de société ? Je m’y refuse ! À toutes et à tous, je demande de délibérer en votre âme et conscience de parlementaires qui exercent leur liberté de vote ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.)

    M. le président

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    Je suis saisi de six amendements identiques, nos 1, 11, 13, 15, 19 et 24, dont le premier fait l’objet d’un sous-amendement no 27.
    Sur ces amendements identiques, je suis saisi par les groupes Les Républicains, Socialistes et apparentés, UDI et indépendants, Libertés et territoires et de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. Marc Le Fur

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    Le groupe La République en marche n’a pas demandé de scrutin public ?

    M. le président

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    Je ne crois pas en avoir oublié, cher collègue…
    La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Yannick Favennec-Bécot

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    Il vise tout simplement, si j’ose dire, à restaurer l’article 3 dans la rédaction adoptée par le Sénat. On l’a vu, le Gouvernement a totalement dénaturé le texte en faisant adopter en commission un amendement remplaçant la déconjugalisation de l’AAH par la modification des règles d’abattement sur les revenus du conjoint du bénéficiaire. On est passé d’une logique d’abattement proportionnel à une logique d’abattement forfaitaire. L’adoption de cet amendement ne fait pas illusion : elle n’avait d’autre but que de faire obstacle à la déconjugalisation de l’AAH que nous appelons de nos vœux.
    Mes chers collègues, lorsque nous parlons de handicap, nous ne devons avoir qu’une seule boussole : l’autonomie.
    Je vous le dis franchement, madame la secrétaire d’État : après vingt ans de mandat, je pensais avoir déjà tout vu et tout entendu dans l’hémicycle. Mais vous entendre répondre informatique et technologie quand nous vous parlons d’humain et de justice sociale, c’est désespérant, navrant, hallucinant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LR, SOC, Agir ens, LT, FI et GDR.) Selon vous, le législateur devrait s’effacer devant la technologie – mais, madame la secrétaire d’État, nous sommes dans la démocratie du peuple, et non dans la dictature de la technologie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, LR et FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour soutenir l’amendement no 11.

    Mme Sylvia Pinel

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    Il vise lui aussi à rétablir l’article 3 dans la rédaction adoptée par le Sénat, qui prévoyait l’individualisation des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH.
    Les arguments avancés par le Gouvernement et certains groupes de la majorité pour s’opposer à cette demande légitime, formulée par les associations depuis de nombreuses années, ne tiennent pas. En effet, ils tendent à considérer l’AAH comme un minimum social, alors même qu’il s’agit d’une prestation sociale dont la vocation est de répondre à une incapacité durable à accéder à l’emploi. C’est donc bien la solidarité nationale qui doit s’exercer.
    Par ailleurs, la proposition d’un abattement forfaitaire ne répond pas à la demande d’autonomie et d’indépendance formulée par les personnes en situation de handicap. Or, l’autodétermination de la personne handicapée réside aussi dans sa capacité à contribuer aux charges du ménage au même titre que son conjoint actif.
    Il faut mettre fin à cette double dépendance humaine et financière, qui fait naître un sentiment de honte et d’humiliation chez les personnes. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, cette double dépendance peut en outre se révéler dangereuse pour certaines d’entre elles, plus exposées aux violences conjugales.
    Enfin, le rétablissement de l’article 3 dans la version adoptée au Sénat nous permettra d’aller vers une adoption conforme de toute la proposition de loi, ce qui garantira son entrée en vigueur immédiate, plutôt que de repousser encore une fois cette demande de longue date. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, FI et GDR.)
    Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, j’aimerais entendre votre réponse à la question juridique très pertinente posée tout à l’heure par Mme la rapporteure, qui s’interrogeait sur les conséquences de la discrimination et de la rupture d’égalité qui pourrait advenir entre les personnes percevant l’AAH et celles résidant en ESAT (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR). Il y a là un vrai risque de censure par le Conseil constitutionnel, or on ne vous a pas entendue sur ce point. Notre travail de législateur consiste aussi à créer un droit applicable, qui tende à rétablir l’égalité. Sur ce sujet, madame la secrétaire d’État, vous ne nous avez pas répondu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 13.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Il vise également à rétablir l’article 3 dans sa version issue du Sénat.
    Je voudrais revenir sur vos propos liminaires, madame la secrétaire d’État. Vous avez dit – j’ai pris des notes : « Le projet que nous portons cherche à construire un système […] qui permette aux personnes de choisir leur vie […] » C’est totalement faux ! Et le pire, c’est que vous le savez.
    Vous refusez de leur accorder l’autonomie qui leur est due : pour elles, c’est la double peine. Vous avez donc trouvé un artifice : substituer à l’abattement de 20 % sur les revenus du conjoint un abattement forfaitaire de 5 000 euros. Mais vous n’avez rien compris ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) Ce que réclament toutes les associations, c’est que les personnes en situation de handicap soient considérées comme des personnes à part entière. Elles veulent s’assumer, et cela passe par l’autonomie, qui était prévue par l’article 3 adopté par le Sénat.
    L’autonomie, c’est l’individualisation de l’AAH. S’en remettre à la solidarité familiale, comme vous le faites, n’a en réalité qu’un seul objectif : réduire les dépenses publiques, notamment celles liées aux prestations sociales qui, selon vous, coûtent « un pognon de dingue ».

    M. Jean-Jacques Bridey

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    Oh, ça va !

    Mme Christine Pires Beaune

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    J’ai entendu dire : « Le changement, c’est maintenant ! ». C’était il y a cinq ans. Mais la révolution et le nouveau monde, c’était aussi il y a presque cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Bruno Millienne

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    Il y a cinq ans, vous n’aviez rien fait !

    M. le président

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    La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 15.

    M. Fabrice Brun

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    Avec Dino Cinieri et de nombreux collègues du groupe Les Républicains, nous souhaitons nous aussi rétablir l’article 3 tel qu’il a été adopté au Sénat afin de déconjugaliser l’allocation adulte handicapé, aujourd’hui calculée sur la base des ressources du conjoint ou de la conjointe. Les Français doivent bien comprendre que dans ce contexte, une personne en situation de handicap est pénalisée lorsqu’elle vit en couple.
    Comme cela a été rappelé, la question centrale est celle de l’autonomie de la personne en situation de handicap. La déconjugalisation de l’AAH est donc une mesure très importante pour les droits des personnes handicapées et pour plus de solidarité, cette solidarité que nous devons aux plus fragiles d’entre nous. Pourquoi imposer aux personnes en situation de handicap une dépendance supplémentaire, financière cette fois ?
    Les Républicains, comme six autres des groupes de l’Assemblée – sept groupes sur neuf, c’est assez rare pour être souligné –, vous invitent, chers collègues de la majorité, à voter en votre âme et conscience, en toute liberté, et non à vous conformer aux ordres du Gouvernement, dont le toilettage des règles de calcul est injuste et insuffisant.
    Nous sommes ici à l’Assemblée nationale. Ce ne sont ni le Gouvernement, ni la secrétaire d’État, ni les technocrates, et encore moins les ordinateurs qui décident : ce sont les députés, libres et indépendants, en leur âme et conscience ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.) Ne faites pas payer à des centaines de milliers de personnes en situation de handicap le prix de l’amour : votez en faveur de ces amendements de justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, LT et FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 19.

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Je le propose avec la corapporteure Jacqueline Dubié.
    Ne soyons pas dupes : le Gouvernement avait deux possibilités pour refuser cette proposition de loi. La première était d’appeler à voter contre ; la seconde, qui se voulait un peu plus subtile mais n’a trompé personne, était de faire adopter par la majorité un amendement déposé en commission, dont l’objectif était de vider le texte de son sens et de relancer la navette parlementaire, renvoyant ainsi aux calendes grecques la concrétisation des mesures qu’il contient. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI.) Personne n’est dupe !
    Notre amendement vise donc à rétablir l’article 3 dans sa version issue du Sénat, afin que la proposition de loi puisse être adoptée conforme dès aujourd’hui et que ses dispositions entrent rapidement en vigueur dans la vie de tous les jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LR, LT et FI.) C’est une urgence, car ces mesures sont attendues !
    Je profite de la défense de cet amendement pour revenir sur deux points qui m’ont profondément choqué.
    En premier lieu, je suis fasciné que l’on puisse développer des arguments pour défendre les personnes en situation de handicap – mais cela pourrait s’appliquer à bien d’autres sujets – à la place des personnes elles-mêmes. Si encore il y avait un débat, une controverse parmi les associations les représentant,…

    M. Fabrice Brun

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    Ça se saurait !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    …on pourrait le comprendre, mais en l’occurrence, il n’y a ni débat ni controverse : il y a unanimité, oui, unanimité des intéressés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI.) Qui êtes-vous pour parler à leur place et décider ce qui est bon pour eux ? (Mêmes mouvements.)
    Ensuite, vous cherchez tous les arguments pour justifier votre opposition au texte. Lors des débats sur la proposition de loi déposée par Marie-George Buffet, qui avait le même objet, vous nous aviez asséné, madame la secrétaire d’État, un argument budgétaire fondé sur des chiffres qui se sont révélés totalement erronés – ils ont depuis été corrigés. Maintenant, vous nous opposez une difficulté informatique…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Ah, l’informatique !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Mais pour économiser 1 milliard sur le dos des allocataires de l’aide personnalisée au logement (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM), le Gouvernement a mené une réforme d’une complexité technique incroyable sans que cela pose le moindre problème ! Invoquer un motif informatique pour refuser une réforme aussi simple que celle-ci ne tient pas la route ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 24.

    Mme Delphine Batho

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    Nous sommes en train de vivre un moment important de l’histoire parlementaire, et cet amendement entend être partie prenante de la majorité d’idée qui s’est fait jour en faveur de la déconjugalisation de l’AAH.
    J’ai déposé cet amendement en tant que députée des Deux-Sèvres, département dont les permanences sont remplies de personnes qui se trouvent dans des situations absolument inextricables, mais également au nom de tous mes collègues du collectif Écologie démocratie solidarité.
    Nous parlons de droits humains, vous répondez finances. Il vous paraît normal d’enfermer les personnes en situation de handicap dans un choix cornélien : soit l’insécurité affective mais un début d’autonomie financière, soit l’humiliation de l’assignation à dépendance financière ?
    Ce vote va s’inscrire dans le prolongement des combats déjà menés par le Conseil national de la Résistance (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM) pour la création d’une sécurité sociale et la prise en charge mutuelle des accidents de la vie ; dans le prolongement, aussi, du combat féministe pour l’émancipation. Au regard du droit à disposer librement de son propre salaire, acquis en 1907, du droit à disposer d’un compte en banque et à travailler sans autorisation de son mari, acquis en 1965, du droit à avoir l’autorité parentale sur ses propres enfants, acquis en 1970, la conjugalisation de l’AAH est une subsistance du patriarcat qu’il faut abattre. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement no 27 à l’amendement no 1 .

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Ce sous-amendement est, vous vous en doutez, le prétexte à une prise de parole, et je le retirerai volontiers pour que l’on aboutisse sur ce texte au vote conforme que j’appelle de mes vœux. En effet, mon amendement, qui allait pourtant dans le même sens que tous ceux qui viennent d’être défendus, a été, lui, jugé irrecevable – dont acte.
    J’en profite pour revenir sur les arguments développés par Mme la secrétaire d’État et les députés de la majorité, que je qualifierai d’indécents. Vous craignez que la déconjugalisation de l’AAH aboutisse à terme à celle du RSA. Comment pouvez-vous comparer les deux situations et les deux prestations ? C’est absolument indigne !
    J’ai aussi entendu que cette proposition de loi ne pourrait pas s’appliquer car notre système informatique ne pourrait pas s’adapter à ce nouveau mode de calcul. Là, ce n’est plus indigne, c’est carrément honteux !

    M. Fabrice Brun

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    Eh oui !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il faut évidemment voter en faveur de cette série d’amendements identiques : la situation des personnes atteintes de handicap réclame toute notre attention, et pas seulement des aides financières. Car le plus important, et le plus malheureux, c’est que 32 % des personnes en situation de handicap déclarent se sentir seules, abandonnées. Il est donc temps de s’interroger ensemble sur la place que nous leur attribuons et sur le regard que nous portons sur elles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
    Je retire mon sous-amendement.

    M. Thierry Benoit

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    Excellent !

    (Le sous-amendement no 27 est retiré.)

    M. le président

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    Sur ces amendements, je vous rappelle que j’ai reçu plusieurs demandes de scrutin public…

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Monsieur le président, je n’ai pas donné mon avis !

    M. le président

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    Il arrive à tout le monde de se tromper, madame la secrétaire d’État ! Et vous venez d’en donner l’illustration puisqu’en l’occurrence, la parole sera d’abord au rapporteur, pour donner l’avis de la commission.

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Ce sera rapide : favorable sur l’ensemble des amendements identiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

    M. Sébastien Jumel

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    Pour une fois qu’on a un rapporteur bienveillant !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Pardon pour ce pas de côté, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les députés, vous proposez de désolidariser le calcul de l’AAH des revenus du conjoint…

    M. Sébastien Jumel

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    C’est bien cela !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …et, partant, d’augmenter massivement les dépenses de solidarité vers des couples qui, aujourd’hui, ne remplissent pas les conditions pour percevoir cette allocation.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Vous l’avez déjà dit !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    En effet, le calcul actuel assure déjà une AAH à taux plein à 45 % des couples. L’effort que vous demandez ne favorise donc pas ceux qui en ont le plus besoin.
    Si nous déconjugalisons l’AAH, comment pourrais-je expliquer que l’État continue à verser une allocation à un couple dont le niveau de ressources est très élevé – puisqu’il n’y aurait alors plus de plafond –, alors même que j’assume de mener une politique ciblée sur ceux ayant de petits revenus et qui sont en train de bâtir un foyer ? (« Autonomie ! » sur les bancs du groupe GDR.)
    Le texte que vous souhaitez amender répond bien, lui, au besoin de justice sociale : c’était une vraie demande. Il nous permet de conserver notre capacité redistributive et d’assurer la progression régulière des nouveaux droits que nous créons année après année.
    Vous m’avez interpellée sur le risque juridique. C’est bien la proposition de loi dans la rédaction issue du Sénat qui fait courir ce risque car, traitant différemment devant l’impôt les entrants dans le système et les autres, elle est inconstitutionnelle.
    Plusieurs d’entre vous, notamment M. Peu, ont également évoqué une manœuvre du Gouvernement visant à reporter sine die

    Mme Marie-George Buffet

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    Eh oui !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …l’entrée en vigueur du dispositif d’abattement réformé, dès lors que la navette parlementaire suivrait son cours. Je m’y engage : si la réforme que nous proposons ne peut être soumise au vote du Parlement d’ici à la fin de l’année, nous l’intégrerons au projet de loi de finances initiale pour 2022. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Vous le voyez : il n’y a là aucune manœuvre, aucune volonté d’enterrer cet abattement. Nous soutenons un texte auquel nous croyons et qui permettra d’instaurer, dès 2022, une mesure de justice sociale…

    M. Pierre Dharréville

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    C’est un trompe-l’œil !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …assurant à 120 000 bénéficiaires de l’AAH en couple un revenu supplémentaire moyen de près de 110 euros nets par mois. En outre, au contraire de la déconjugalisation, cette réforme ne fera aucun perdant. De 45 % de couples bénéficiaires à taux plein, nous passerons à 60 % dès le 1er janvier 2022 ! Or, pour des personnes qui touchent le SMIC, 150 euros de plus par mois représentent une amélioration significative du quotidien. Il s’agit là d’un engagement concret, rapidement opérationnel, loin d’une politique incantatoire qui ferait – vous le savez – de nombreux déçus. Par conséquent, avis défavorable à ces amendements identiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Je vais à présent donner la parole à ceux qui le souhaitent. Vous me faites signe que non, mais certains de vos voisins, eux, lèvent la main pour intervenir ! En pareil cas, nous nous limitons normalement à deux orateurs ; cependant, eu égard à l’importance du texte et au nombre des demandes, je donnerai la parole à un député par groupe – pas davantage. J’appelle donc les présidents des groupes à assurer la discipline parmi leurs membres désireux de s’exprimer.

    Réserve des votes

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Le Gouvernement demande la réserve des votes sur l’ensemble des amendements à l’article 3. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.)

    M. Marc Le Fur et M. Fabrice Brun

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    Scandaleux !

    M. le président

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    La réserve est de droit.

    M. André Chassaigne

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    C’est une atteinte au Parlement !

    Rappels au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Viry, pour un rappel au règlement.

    M. Stéphane Viry

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    Il se fonde sur l’article 48, alinéa 1er de notre règlement. Chacun sait depuis des semaines que ce texte est inscrit à l’ordre du jour ; chacun a eu tout loisir de se préparer à ce débat important, au cours duquel les dispositions proposées doivent être soumises au vote point par point. Éviter ces votes intermédiaires revient à exclure toute possibilité d’expression. Disons-le clairement : il s’agit de museler les députés, de les tenir en bride jusqu’à la fin de la discussion, afin de s’assurer que leur vote sera conforme à la ligne fixée par la majorité.

    Plusieurs députés du groupe GDR

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    C’est honteux !

    M. Stéphane Viry

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    Il n’est pas possible de travailler dans ces conditions. Cette méthode est profondément scandaleuse, surtout compte tenu du sujet qui nous occupe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, UDI-I et GDR.)

    M. André Chassaigne

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    Libérez le Parlement !

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour un rappel au règlement.

    Mme Delphine Batho

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    Il se fonde sur les articles 58, alinéa 1er et 48, alinéa 1er de notre règlement, le second ayant trait à l’ordre du jour. Le vote de ces dispositions est extrêmement attendu, regardé : il doit avoir lieu ce matin. L’attitude du Gouvernement et de la majorité laisse présager une réédition du débat, qui leur avait tant coûté, au sujet du congé accordé aux parents en deuil de leur enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, UDI-I, LT, FI et GDR.) Ce que vous faites est une honte ! Nous voulons voter maintenant !

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au règlement.

    M. François Ruffin

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    Ce rappel au règlement a les mêmes fondements que ceux qui l’ont précédé. Madame la secrétaire d’État, vous nous disiez tout à l’heure que vous n’étiez pas secrétaire d’État chargée des fausses promesses ; mais aujourd’hui, vous vous trouvez chargée de la manœuvre politique ! C’est une évidence ! Ce débat se déroule d’une manière indigne de son sujet, indigne d’une mesure réclamée depuis des années par les personnes handicapées. Vous prétendez que l’informatique ne le permet pas : comment pouvez-vous en arriver à un tel degré de mauvaise foi ?

    M. Bruno Millienne

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. François Ruffin

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    Laissez les députés se prononcer en leur âme et conscience ! Certes, vous avez déjà perdu la partie il y a un an, ce qui vous laisse sans doute un goût amer ; mais enfin, vous êtes la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées ! Alors que nous entrevoyons un progrès en leur faveur, c’est vous qui l’entravez, qui faites obstruction, quand vous devriez être la première à le défendre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)

    Mme Lamia El Aaraje

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    C’est honteux !

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    Inutile de vous agiter, chers collègues : j’ai compris que vous souhaitiez avant tout débattre du débat lui-même.
    La parole est à M. Patrick Mignola.

    M. Patrick Mignola

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    Au nom du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, je demande une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    Rappels au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Pancher, pour un rappel au règlement.

    M. Fabien Di Filippo

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    Où est le courage ?

    M. Bertrand Pancher

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    Il se fonde sur l’article 48, alinéa 1, de notre règlement, relatif à l’ordre du jour de nos travaux. Il est insupportable, madame la secrétaire d’État,…

    M. Sébastien Jumel

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    Le mot est faible !

    M. Bertrand Pancher

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    …et je le dis aussi aux membres de la majorité, d’utiliser systématiquement tous les artifices possibles contre les propositions de loi déposées par les groupes d’opposition ou minoritaires pour faire en sorte que ces textes ne soient pas discutés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-I.) Ce n’est pas la première fois que cela arrive ! Déjà que les droits de notre Parlement sont bafoués… Nous n’avons aucun moyen pour travailler et dès que nous essayons de nous engager sur un texte qui fait à peu près consensus, des manœuvres nous empêchent d’en discuter ! Cela suffit ! Nous nous élevons contre ces méthodes qui ne vous honorent pas, madame la secrétaire d’État ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LT,UDI-I, FI et GDR.)

    Mme Marie-George Buffet

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    Ça, c’est vrai !

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Il se fonde également sur l’article 48, alinéa 1, de notre règlement. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, au moment où les Français, dégoûtés de la vie politique, penchent vers l’abstention, et alors que nous avions une occasion historique, sur tous les bancs de l’Assemblée, de voter une avancée concrète pour les personnes les plus fragiles de notre société, vous verrouillez tout ! Vous interdisez le vote, c’est-à-dire que vous brimez le droit le plus élémentaire de chaque parlementaire de se prononcer sur une mesure demandée par des centaines de milliers de Français qui souffrent ! Cela montre vraiment à quel point vous n’avez pas confiance en votre majorité et à quel point vous bafouez les droits du Parlement !
    Alors que avez commencé le quinquennat en supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune, ce qui a coûté des milliards d’euros, vous  jouez maintenant les radins en refusant de dépenser quelques millions d’euros pour les personnes les plus faibles de notre pays ! C’est indécent ! Comment s’étonner, dans ces conditions, que nos compatriotes soient écœurés de la vie politique et n’aient plus confiance en rien ? Cette séance est bien triste pour notre République.

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.

    M. André Chassaigne

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    C’est au titre de l’article 96 de notre règlement que je fais ce rappel. Je vais m’exprimer avec solennité, madame la secrétaire d’État, car le geste que vous venez de faire peut être qualifié de coup de force. Je n’oublie pas que des dizaines de milliers de citoyens, voire davantage, nous regardent. Nombre d’entre eux sont en situation de handicap et attendent autre chose de notre démocratie que ce que vous venez de répondre. Vous demandez la réserve des votes, mais en définitive, sur quoi allons-nous voter ? Pouvez-vous nous garantir qu’il n’y aura pas un vote bloqué…

    Mme Agnès Thill

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    Exactement !

    M. André Chassaigne

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    …et qu’après la réserve des votes, vous n’allez pas choisir les articles sur lesquels nous pourrons nous exprimer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, UDI-I, LT et FI.)
    Un coup terrible est en outre porté à une habitude de notre assemblée. Lors des niches parlementaires, il faut permettre que le débat ait lieu, sans utiliser d’artifices ! (Mêmes mouvements.) Il ne doit pas y avoir de coups de force, qui sont des abus de la part de l’exécutif ! À chaque fois, cette arme s’est retournée contre ceux qui l’ont utilisée ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI. – De nombreux députés se lèvent et applaudissent de façon prolongée jusqu’à la fin de l’intervention.) Cette arme, chers collègues, a été utilisée par la majorité nouvellement élue lorsque la première proposition de loi relative aux pensions de retraite agricoles est arrivée au Sénat : le Gouvernement a eu recours au vote bloqué et trois ans après, la majorité a finalement dû voter le texte !

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour un rappel au règlement.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Les mots me manquent pour décrire ce que je ressens en cet instant. Ce texte, nous en parlons depuis un certain temps, voire un temps certain – sans doute depuis trop longtemps, d’ailleurs. Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre. Le texte a été voté une première fois ici, à l’Assemblée, puis au Sénat, et après des heures de discussion, madame la secrétaire d’État, vous nous annoncez la réserve des votes. Sur le fond, le débat a eu lieu ; les positions de chacun sont connues. Sur la forme, vous nous interdisez presque, à nous parlementaires, de voter, alors que bon nombre d’entre nous se battent sur le terrain pour inciter nos concitoyens à aller voter dimanche prochain. Quelle image donnons-nous aujourd’hui ? Voilà simplement ma question. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LR, SOC, UDI-I, LT, FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour un dernier rappel au règlement.

    Mme Christine Pires Beaune

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    Il se fonde lui aussi sur l’article 96 de notre règlement. Vous allez en fait utiliser tous les artifices jusqu’au bout, madame la secrétaire d’État, en oubliant que ce débat est retransmis et que les millions de Français qui sont peut-être devant leurs écrans – les principaux intéressés – se demandent ce qu’est finalement la démocratie. Qu’est-ce en effet que la démocratie ? Est-ce entendre les collègues qui ont déposé ce texte, qui fait visiblement l’unanimité sur presque tous les bancs – sauf ceux de la majorité –, ou est-ce sortir du chapeau au dernier moment, comme vous le faites, la réserve des votes, avant de nous annoncer un vote bloqué dans quelques minutes ? Est-ce cela, la démocratie ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-I et LT.) Est-ce ainsi que vous allez encourager nos concitoyens à aller voter dimanche ? Le problème est là : en utilisant ces artifices, vous dénaturez les droits du Parlement (Mêmes mouvements) et vous serez responsables de l’abstention dimanche ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, UDI-I, LT et GDR.)

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    Nous reprenons le cours normal de nos débats, chers collègues. Plusieurs orateurs m’avaient fait savoir qu’ils souhaitaient s’exprimer sur les amendements nos 1 et identiques avant que Mme la secrétaire d’État prenne la parole. La parole est donc à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Nous ne savons même plus si nos débats servent à quelque chose. J’allais vous adresser une supplique, chers collègues de la majorité : c’est le moment pour vous d’aller pisser ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

    Un député du groupe LaREM

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    Ça va pas, non ?

    M. François Ruffin

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    Je suis sûr que vous avez beaucoup de choses à faire dehors : des papiers à ranger dans votre bureau, une association à rencontrer ! Ou alors restez ici, mais le doigt en l’air ! En effet, certains sont missionnés pour faire le sale boulot – mais pas tous. Ce que craint le Gouvernement, c’est une prise de conscience par-delà les frontières des partis. Il a peur que les débats et les témoignages, l’unanimité de la droite et de la gauche, ici et au Sénat, l’appel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et les arguments pathétiques du Gouvernement – selon lesquels nous ne serions pas prêts aujourd’hui, pour des raisons informatiques, à déconjugaliser l’AAH – ne poussent votre conscience à vous murmurer que vous risquez de faire un mauvais geste.
    Quand le vote aura lieu, c’est-à-dire quand le Gouvernement nous autorisera à voter, je vous demande au moins de suspendre votre vote ! Sinon, vous risquez de ruiner deux années de travail parlementaire – mais peu importe, à la limite – et surtout, les espoirs de centaines de milliers de personnes dans notre pays. Les personnes handicapées demandent toutes, à l’unanimité, la déconjugalisation de l’AAH. (« Non ! » sur quelques bancs du groupe LaREM.) Elles tiennent énormément à cette mesure. Il faudrait pouvoir dire au moins qu’en quatre ans à l’Assemblée, vous avez appris ! Après la proposition de loi d’Aurélien Pradié, sur laquelle vous aviez déposé une motion de rejet préalable, en vous comportant en Playmobils…

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Vous aviez déjà fait votre cirque à l’époque !

    M. François Ruffin

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    Ce n’est pas moi qui avais fait mon cirque, c’est vous qui faites des fautes morales à répétition ! Après le congé de deuil…

    M. le président

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    Il faut conclure, monsieur Ruffin, car vous avez dépassé la durée impartie de deux minutes. Je rappelle cependant aux orateurs impatients de la majorité, qui m’ont demandé de scruter le chronomètre dès une minute et vingt secondes, que comme tous les orateurs, M. Ruffin a droit à deux minutes d’intervention.
    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    Madame la secrétaire d’État, chers collègues de la majorité, je suis triste pour vous ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Vous êtes en train de tout gâcher, alors que nous pouvions faire du bon travail tous ensemble, par-delà nos sensibilités ! Nous pouvions progresser au bénéfice des personnes handicapées qui, toutes, souhaitent l’évolution dont nous parlons, de même que les associations qui les défendent. Il faut que nous sachions dire des choses très claires : l’AAH n’est pas le RSA des personnes handicapées, c’est un droit !

    Mme Lamia El Aaraje, Mme Marie-George Buffet et Mme Elsa Faucillon

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    Exactement !

    M. Marc Le Fur

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    Ce n’est pas une charité, c’est un devoir de solidarité de notre société à l’égard des personnes handicapées ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) Voilà ce que nous avons l’occasion de dire, et voilà ce que vous auriez dû dire avec nous, madame la secrétaire d’État ! Pourtant, vous allez nous en priver : c’est tout à fait injuste.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Inacceptable !

    M. Marc Le Fur

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    Vous connaissez mon attachement et celui de mon groupe à la famille. Lorsqu’on est attaché à la famille, on autorise la vie en couple, alors que vous êtes en train de l’empêcher ! Vous incitez des gens à dissimuler leur vie de couple ou à divorcer, simplement pour conserver leur AAH ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, UDI-I, FI et GDR.) C’est inadmissible ! Parce que nous sommes attachés à la famille et aux demandes légitimes du monde du handicap, nous vous disons, madame la secrétaire d’État, que vous commettez une erreur ! (Mêmes mouvements.)

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Vous vous embourbez, en fait !

    M. le président

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    La parole est à M. Alexandre Holroyd.

    M. Alexandre Holroyd

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    J’ai écouté attentivement les différentes prises de parole ce matin. Ce qui me frappe, c’est que c’est bien un débat philosophique qui nous anime aujourd’hui, contrairement à ce que disent certains. La seule différence entre nous, c’est que certains le reconnaissent – notamment Agnès Firmin Le Bodo, qui dit très clairement que ce débat renvoie à l’individualisation de l’ensemble de notre système fiscal – tandis que d’autres ne le reconnaissent pas. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.) Pour ma part, je ne reconnais pas mon ami Marc Le Fur, que j’ai entendu pendant de longues nuits s’opposer à cette philosophie lors de l’examen des différents projets de loi de finances.
    Mais le fond de cette histoire, et c’est à mon avis ce qui intéresse le plus nos concitoyens, le voici : quel serait l’effet concret de vos propositions si nous les adoptions ? En réalité, l’individualisation serait spectaculairement antiredistributive. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Elsa Faucillon

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    Alors que vous, vous êtes pour la redistribution !

    M. Alexandre Holroyd

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    Ce sont les couples ayant les revenus les plus élevés qui bénéficieront de l’augmentation de l’allocation la plus forte. A contrario, pour ceux qui ont les revenus les plus modestes, l’augmentation sera marginale.
    Et c’est là où le bât blesse, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure. J’ai lu attentivement votre rapport et partage beaucoup des constats que vous établissez sur l’indépendance financière et sur les violences conjugales, mais cette proposition de loi ne répond absolument pas à ces enjeux.

    M. Sébastien Jumel

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    Votre pensée est trop complexe !

    M. Alexandre Holroyd

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    Un allocataire qui se situe aujourd’hui au plafond lui permettant de toucher une AAH à taux plein, soit presque 904 euros, ne verra l’allocation augmenter que très marginalement, tandis que l’allocataire dont le conjoint gagne 5 000, 6 000, 8 000 euros, lui, bénéficiera d’une augmentation pleine de l’AAH. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Votre proposition pose doublement question. D’abord, vous procédez à une sortie du droit commun, parce que vous singularisez, à l’intérieur du couple, le conjoint qui est en situation de handicap. Ensuite, d’un point de vue pratique, ce texte ne se traduira pas par une amélioration de la condition des allocataires les plus fragiles. Cette amélioration, c’est l’amendement défendu par ma collègue Stella Dupont qui permettra de l’assurer aux couples les plus modestes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Nous ne savons pas trop à quoi sert ce débat, car nous ne savons pas si nous allons voter, et si oui, quand nous allons le faire et dans quelles conditions – à cause de cette manœuvre, madame la secrétaire d’État, qui ne vous honore pas. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LT, UDI-I, FI et GDR.) Ce que nous savons, en revanche, c’est que vous voulez organiser un enterrement de première classe pour cette proposition de loi visant à faire bénéficier les personnes victimes d’un handicap de revenus, quel que soit leur statut marital. (Mêmes mouvements.) Tout cela nous choque profondément.
    Quand Jeanine Dubié a déposé cette proposition de loi, qui faisait suite à des propositions d’autres parlementaires et qu’a reprise – et je l’en remercie – le groupe GDR, j’ai immédiatement pensé à mon jeune voisin, récemment victime d’un accident de voiture, que je croise régulièrement au bar à côté de chez moi. Je lui souhaite d’être amoureux et de pouvoir, grâce à ces dispositions, avoir une vie de couple sans être pénalisé comme le sont beaucoup trop de nos concitoyens en situation de handicap.
    Les arguments que vous avancez prêtent à rire.

    M. Sébastien Jumel

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    Ou à pleurer !

    M. Bertrand Pancher

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    Des problèmes informatiques empêcheraient toute individualisation, dites-vous !
    Ouvrez donc le débat, nous sommes prêts à vous suivre, mais pas de cette manière. Mettez fin, s’il vous plaît, à cette grave injustice. C’est une demande que formulent l’ensemble des personnes handicapées et nous voulons aujourd’hui faire passer leur message. De grâce, ne raisonnez pas à leur place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Pour tout vous dire, madame la secrétaire d’État, jusqu’à hier matin, je m’interrogeais encore sur ma position sur cette proposition de loi. Je comprends donc votre embarras et celui de quelques députés de la majorité.
    L’AAH est une allocation de solidarité dont le calcul tient compte des revenus d’activité de la personne qui la demande, si elle a la chance de pouvoir travailler un peu, éventuellement de ses revenus fonciers, si elle est propriétaire, des produits de son épargne, mais aussi des revenus de son conjoint. La philosophie des auteurs de la proposition de loi et de ceux qui soutiennent ces amendements, dont je fais désormais partie, consiste à donner un caractère universel individualisé à cette allocation.
    Alors même que Julien Denormandie est en visite aujourd’hui dans ma circonscription, j’ai estimé qu’il était important que je sois présent ce matin dans l’hémicycle pour assister à la discussion de cette proposition de loi et de la suivante, consacrée aux retraites agricoles. Certes, les modifications qu’elles envisagent ont un coût : 750 millions pour la première, 850 millions pour la seconde. Et on ne peut pas raser gratis, c’est une considération que tout exécutif doit avoir, en toute responsabilité. Depuis trente ou quarante ans, nous avons suffisamment entendu de discours sur la nécessité d’équilibrer les comptes publics et de réduire les déficits.
    En soutenant ces amendements, je m’inscris dans l’esprit de la loi de 2005, qui a conduit à porter un regard différent sur les personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I et LT.) Elle a créé les maisons départementales des personnes handicapées, au sein desquelles les commissions des droits et de l’autonomie œuvrent pour accorder des droits en examinant la situation des demandeurs et leur degré de handicap.
    Certes, la fiscalité est un autre aspect de la question, mais j’estime qu’il faut la dissocier du débat qui nous occupe si nous voulons nous situer pleinement dans la continuité de la loi de 2005.
    Pour toutes ces raisons, je vais soutenir ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, LR, SOC, LT, GDR et FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Le handicap est individuel, l’allocation doit aussi être individuelle. S’il y a une telle unanimité dans cet hémicycle comme dans le pays, c’est que c’est une question de dignité. En individualisant cette allocation, nous nous situons dans la continuité des principes qui ont présidé à sa naissance même. Ne pas le comprendre, madame la secrétaire d’État, c’est ne rien comprendre. En réalité, vous le savez très bien ; vous endossez ce mauvais rôle parce qu’on vous a dit qu’il ne fallait pas dépenser plus.
    Je veux interpeller nos collègues de la majorité. Les plus de 2 millions de fausses cartes Vitale en France coûtent près de 10 milliards d’euros, et vous laissez faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Quant à l’aide médicale de l’État (AME), elle coûte 1 milliard d’euros. De plus, vous avez voté ici même 5 milliards de plus pour l’Union européenne en l’espace d’une heure. Et ceux qui vous donnent des ordres, madame la secrétaire d’État, trouvent ensuite insupportable de dépenser quelques centaines de millions d’euros pour offrir aux personnes en situation de handicap la possibilité de concilier leurs choix affectifs et leur indépendance financière, gage pour eux de dignité et d’autonomie. Car oui, c’est bien de cela qu’il s’agit.
    Ce qui est en jeu, c’est bien l’affectation des ressources dans notre pays : l’argent public va-t-il vraiment aux plus fragiles ? Vous parlez tous les jours de discrimination, mais lorsqu’il est question des personnes en situation de handicap, qui en sont pourtant les premières victimes, il n’y a plus personne !
    Vous inventez tous les prétextes possibles. Vous prétendez même qu’il s’agit d’un minimum social, alors que ce n’est pas le cas. Cela n’a rien voir : l’AAH est la reconnaissance d’une souffrance, d’une difficulté de la vie. À ce titre, nous devrions tous être solidaires et ce serait un merveilleux moment si nous votions ensemble ces amendements.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    De quoi parlons-nous à travers cette proposition de loi ? De la dignité, de l’autonomie, de l’indépendance des personnes touchées par le handicap. Il est beaucoup question d’inclusion, mais n’y a-t-il pas meilleur moyen pour la garantir que faire en sorte que l’AAH ne dépende pas des revenus du conjoint ou de la conjointe de celui ou celle qui la perçoit ? Dans sa forme actuelle, elle est le contraire même d’une allocation d’autonomie : non seulement ses bénéficiaires, souffrent d’un handicap, mais ils sont placés sous la dépendance de leur conjoint ou leur conjointe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LR, SOC, UDI-I, LT et FI.)
    La philosophie de cette proposition de loi, puisque vous parlez de philosophie, monsieur Holroyd, consiste à faire en sorte que chaque individu, qu’il soit touché par le handicap ou bien valide, puisse disposer de ses propres ressources pour être autonome. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, UDI-I, LT et FI.)
    Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, vous savez très bien que les amendements votés en commission ne font que reporter la décision. Ces hommes et ces femmes qui se sont mobilisés depuis des mois pour obtenir l’autonomie financière vont devoir encore attendre avant de pouvoir être véritablement indépendants.
    Enfin, cette réserve des votes n’a aucun sens dans un débat tel que celui-ci. C’est une manœuvre purement politicienne ! C’est nul, excusez-moi de le dire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LR, SOC, UDI-I, LT et FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Soit être en couple, soit être autonome, voilà le terrible choix auquel sont confrontés nos adultes handicapés. Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas que la vie a suffisamment bousculé le corps de ces personnes pour qu’on ébranle plus longtemps leur cœur et leur couple ? Vous les connaissez, vous savez la succession de difficultés et d’humiliations à laquelle elles sont confrontées dans leur vie quotidienne. Rien n’est facile pour elles : le regard des autres, les relations sociales, les copains, la vie en groupe, l’accès aux stages, à la formation, à l’emploi.
    Votre refus est une humiliation de plus, un problème de plus dans leur vie sentimentale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-I, LT et FI.) Vous les condamnez à rester seules sans autre partenaire qu’un minimum social qui n’a rien à voir avec une compensation du handicap durable et suffisante.
    L’histoire nous a montré à quel point, dans un couple, le manque d’autonomie financière individuelle était source de violences physiques et psychiques. Beaucoup le savent. C’est dans ces difficultés que vous enfermez nos personnes handicapées, parce que l’autonomie par l’emploi est difficile à atteindre pour elles, voire impossible pour certaines.
    Acceptez notre proposition d’individualisation de l’AAH. Mettez fin à cette situation inique et injuste qui place les personnes handicapées dans la dépendance de leur conjoint. Donnez-leur tout simplement une vie plus douce, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LR, GDR et FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    Chers collègues, je vous avoue que je suis assez stupéfait après vous avoir écoutés. À vous entendre, le couple serait un lieu d’oppression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Vous nous avez suffisamment reproché d’être favorables à une société de plus en plus individualiste. Dans vos couples respectifs, considérez-vous que parce que votre conjoint a moins de revenus que vous, il a moins de droits ? Comment peut-on avoir une telle approche ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

    M. André Chassaigne

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Elsa Faucillon

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    Stop !

    M. le président

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    Laissez M. Turquois s’exprimer !

    M. Nicolas Turquois

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    Derrière l’AAH, il y a toute l’histoire de la construction de notre système de protection sociale. Allons au bout de votre logique et déconjugalisons toute la protection sociale. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Nous parlons des handicapés !

    M. Nicolas Turquois

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    Supprimons la réversion !
    Nous devons avoir une approche cohérente avec l’ensemble de notre système de protection sociale.

    Mme Marie-George Buffet

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    Ce n’est pas de la protection sociale !

    Mme Lamia El Aaraje

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    Vous mélangez tout !

    M. Nicolas Turquois

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    Et si l’on vous suit dans vos raisonnements, alors il faut aussi revenir sur les retraites agricoles, sujet de la proposition de loi que nous allons examiner ensuite.
    Nous considérons qu’il faut, comme le souligne la secrétaire d’État, promouvoir l’autonomisation par l’emploi, par l’inclusion, au lieu de se contenter d’une allocation qui serait une forme de… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    Laissez M. Turquois conclure.

    M. Nicolas Turquois

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    Ce n’est pas une allocation qui va résoudre le problème du handicap, c’est le travail sur l’autonomisation et l’inclusion, je le répète. Se focaliser sur une approche individualisante, c’est se tromper de débat. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.)

    M. le président

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    Nous allons passer à l’examen des autres amendements, chers collègues.

    M. Sébastien Jumel

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    Nous avons posé une question à Mme la secrétaire d’État !

    M. le président

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    Auparavant, je vais donner la parole à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Monsieur le président, si je demande la parole, c’est que cet article relève de ceux dont j’ai la charge, puisque nous avons procédé à une répartition avec ma collègue rapporteure, Mme Dubié.
    Je suis habité par deux sentiments à ce moment de nos débats : la tristesse et la colère.
    Tristesse, grande tristesse, parce qu’après deux ans de débats parlementaires, une première lecture à l’Assemblée, une autre au Sénat, nous avions la possibilité, en votant le texte conforme, de faire rapidement entrer en vigueur une mesure de justice et d’autonomie.

    M. Marc Le Fur

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    Tout à fait !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Je ne reviens pas sur les arguments. Simplement, après avoir entendu certains propos, j’aimerais rappeler que le montant de l’AAH à taux plein est de 900 euros. Même si elle a été augmentée, elle reste en deçà du seuil de pauvreté. Alors, un peu de décence, s’il vous plaît, chers collègues ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LR, LT, UDI-I et FI.)
    Colère parce que, madame la secrétaire d’État, vous m’avez dit tout à l’heure de ne pas m’inquiéter, que l’amendement du Gouvernement en commission n’était pas une manœuvre pour renvoyer indéfiniment le débat sur cette proposition de loi et faire en sorte qu’elle n’entre jamais en application.

    Mme Marie-George Buffet

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    La preuve !

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Vous ne m’aviez pas convaincu, mais je vous ai entendue. Mais à peine ces paroles prononcées, vous avez indiqué que vous demandiez la réserve des votes sur les amendements, qui est la pire des manœuvres parlementaires pour empêcher le Parlement de se prononcer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, LT, UDI-I et FI.)
    Pourquoi suis-je en colère ? Parce qu’une fois de plus, vous piétinez les prérogatives du Parlement (Mêmes mouvements) et renouez, dans vos arguments, avec tous vos travers ! On a l’impression que les 1,2 million d’allocataires de l’AAH seraient tous incapables de comprendre votre complexité et l’intelligence de vos propositions et qu’ils seraient en train de se fourvoyer, alors même que vous êtes seuls à opposer à l’unanimité des personnes concernées le refus de cette mesure de justice qu’est l’autonomie. Vous pourrez répéter cent fois des choses fausses, vous n’en ferez jamais une vérité.
    Nous aurions préféré que vous écoutiez les arguments, qui avaient une portée très réelle – par exemple donner à l’allocation adulte handicapé une vocation universelle (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR,UDI-I et FI), comme l’a rappelé M. Benoit : il s’agit d’une approche philosophique, quasiment de civilisation, sur notre conception du handicap dans la société. Vous n’avez pas voulu écouter, vous vous êtes enfermés dans vos positions et vous essayez de noyer le débat. Personne ne sera dupe et, franchement, cela me met en colère. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LR, SOC et FI.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    J’ai cru comprendre, madame Batho, que vous souhaitiez faire un rappel au règlement. Je rappelle simplement que, dans la mesure où vous en avez déjà fait un tout à l’heure, celui-ci ne peut porter sur les mêmes faits.

    Mme Delphine Batho

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    Il ne porte pas sur le même article, monsieur le président, mais sur l’article 95, alinéas 4 et 5. Le coup de force du Gouvernement utilise, bien sûr, les armes antiparlementaires de la Ve République, mais il n’est de surcroît pas conforme au règlement de l’Assemblée nationale, qui a fait l’objet d’une réserve d’interprétation de la part du Conseil constitutionnel. Celui-ci estime en effet « qu’il ne saurait être recouru à la priorité de discussion [donc à la réserve] de telle manière que cette priorité prive d’effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ».

    M. Sébastien Jumel

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    Elle a raison !

    Mme Delphine Batho

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    Les amendements ont été présentés, le vote a été appelé – nous nous apprêtions d’ailleurs à voter ; le Gouvernement ne peut donc pas, au dernier moment, sortir la réserve de son chapeau. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR)

    M. le président

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    Je suis obligé, madame Batho, de rappeler le droit. Lorsque Mme la secrétaire d’État a demandé la réserve des votes, nous n’avions pas achevé le processus logique d’examen des amendements – ce n’est pas de mon fait. De nombreuses demandes de parole avaient été déposées par des orateurs. Mme la secrétaire d’État était donc, à mon sens et selon ceux qui m’assistent dans cette responsabilité, en mesure de faire valoir le droit à réserve. Je ne porte pas de jugement quant à l’opportunité politique ou non de cette demande, j’apporte simplement à la connaissance de notre assemblée un éclairage strictement juridique.

    M. Florian Bachelier

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    Très bien !

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 6 et 8.
    La parole est à Mme Nathalie Serre, pour soutenir l’amendement no 6.

    Mme Nathalie Serre

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    Cet amendement de mon collègue Descoeur vise à réintroduire une mesure de justice sociale adoptée par le Sénat, c’est-à-dire un droit à l’autonomie des personnes handicapées.

    M. le président

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    L’amendement no 8 de Mme Marie-Christine Dalloz est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Vous aurez noté que notre débat est un peu faussé, car en toute logique, nous aurions dû voter sur les amendements identiques précédents. Ceux-ci vont dans le même sens, à savoir le rétablissement de l’article 3 dans la rédaction du Sénat, avec quelques nuances. J’y suis favorable à titre personnel, puisque la commission ne les a pas examinés.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Ces amendements visent, comme les précédents, à rétablir ce qui a été adopté au Sénat. Pour les raisons que j’ai exposées précédemment, j’y suis défavorable.

    (Le vote sur les amendements identiques est réservé.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 3.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Étant donné la tournure prise par nos discussions, je ne vois pas très bien comment défendre cet amendement de repli alors que les amendements principaux n’ont pas été mis aux voix. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Par vos manœuvres dilatoires, vous avez, madame la secrétaire d’État, faussé toute la discussion parlementaire. Nous ne pouvons pas défendre des amendements qui auraient dû être examinés après le vote des précédents. Dans ces conditions, je me vois dans l’obligation – je dis bien dans l’obligation – de retirer mon amendement.

    (L’amendement no 3 est retiré.)

    M. le président

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    L’amendement no 17 de Mme Christine Pires Beaune est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    L’abattement forfaitaire issu des travaux de la commission nous permet d’arriver à un dispositif plus redistributif qu’un abattement proportionnel tel que l’abattement de 20 % sur les revenus du conjoint aujourd’hui en vigueur. Un abattement progressif, beaucoup plus complexe à mettre en œuvre, n’aurait pas le même effet de ciblage sur les plus bas revenus, sans compter qu’en l’absence de précisions sur ses modalités, nous n’avons aucune idée du chiffrage. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

    (Le vote sur l’amendement est réservé.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l’amendement no 14.

    Mme Isabelle Santiago

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    Il vise à supprimer les mots « dont les modalités sont fixées par décret » à la fin de l’alinéa 1. Compte tenu de nos débats, je voudrais simplement dire – vous devez l’entendre – que nous devons collectivement être au rendez-vous de cet enjeu de l’individualisation du calcul de l’AAH. Il s’agit d’une mesure de justice, d’une mesure féministe, et franchement, quand j’entends nos débats de ce matin, je trouve que nous sommes tombés bien bas.

    Mme Lamia El Aaraje

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    Tout à fait !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Vous proposez de supprimer le renvoi à un décret pour la fixation des modalités de l’abattement forfaitaire. Ôter cette mention n’entraverait pas la capacité à prendre par voie réglementaire les dispositions qui en relèvent, mais conduirait en revanche à rendre la loi moins intelligible. Je suis donc défavorable à votre amendement.

    Un député du groupe LR

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    Le système informatique ne suit pas !

    (Le vote sur l’amendement est réservé.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Michels, pour soutenir l’amendement no 18.

    M. Thierry Michels

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    Je vous invite, par cet amendement, à prendre un peu de recul et à faire un pas de côté. Il est beaucoup question de droits ce matin. Je me suis intéressé aux droits réels et à cette solidarité nationale sur laquelle nous nous penchons aujourd’hui : 51 milliards d’euros, les chiffres ont été rappelés, dont 11 milliards consacrés à l’AAH. Que deviennent-ils dans le cadre de la politique menée par les départements, qui sont en charge de l’action sociale en France ?
    Quel est le constat ? Les bénéficiaires de l’AAH représentent entre 1 % et 3 % de la population ; les aides hors AAH varient de 8 500 euros à 28 000 euros, soit un rapport de un à trois ; les délais d’attribution de cette allocation vont de deux à huit mois, et ceux de la prestation de compensation du handicap de trois à dix mois. Cette notion d’attribution des droits est particulièrement importante, puisque 80 % des personnes handicapées le deviennent au cours de la vie. Le constat est par conséquent absolument accablant et insupportable, et nous devons nous attaquer à cette source d’inégalité considérable. Il a été fait référence aux élections départementales. J’invite nos concitoyens à regarder de près ce que font les départements : ils constateront que selon qu’ils sont de gauche ou de droite, riches ou pauvres, ils ne traitent malheureusement pas les personnes handicapées de la même façon.
    C’est pourquoi mon amendement vise à donner plus de transparence au pilotage de la politique en faveur du handicap. J’en profite pour saluer l’action du Gouvernement et de Mme la secrétaire d’État en faveur du soutien à l’autonomie, qui permet de donner la possibilité aux personnes handicapées d’aller à l’école, d’étudier, de travailler, de devenir parents, de voter, bref d’avoir une vie digne dans une société inclusive.(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Je le répète, ce débat n’a pas de sens. Si nous avions respecté l’ordre du texte, nous aurions probablement rétabli l’article 3 dans sa rédaction adoptée par le Sénat, et votre amendement serait devenu sans objet. Je ne sais que vous répondre : soit nous votons le rétablissement de l’article 3 et votre amendement tombe, soit, dans l’hypothèse d’un vote défavorable au rétablisssement de la version initiale, il est considéré comme un amendement de repli, auquel cas j’y serais favorable. La réserve des votes demandée par le Gouvernement vise bien à empêcher le débat, car sur un amendement argumenté tel que le vôtre, il n’est pas possible de répondre tant que le vote sur les amendements précédents n’est pas intervenu. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et FI.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Vous avez entièrement raison, monsieur Michels : il faut plus de transparence, de clarté (Exclamations sur de nombreux bancs)

    M. Marc Le Fur

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    C’est le cas de le dire !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    En effet, ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui !

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    …et d’équité territoriale, les maisons départementales des personnes handicapées étant majoritairement sous la responsabilité des départements, donc des collectivités territoriales. Vous demandez que les données relatives à l’AAH soient rendues publiques annuellement. L’objectif poursuivi est une meilleure information sur les bénéficiaires et le pilotage de l’allocation. Nous nous sommes engagés, à travers la feuille de route MDPH 2022 signée avec l’Assemblée des départements de France, à améliorer au quotidien les délais d’attribution, à élargir le champ de l’allocation, avec des indicateurs qui s’incrémentent, parce que nous devons aux personnes en situation de handicap cette transparence et cette équité territoriale. Votre amendement est de nature à contribuer à une meilleure connaissance des effets de la prise en considération des revenus du conjoint dans la détermination du droit à l’allocation adulte handicapé, qui relève de l’action des CAF et des caisses de la MSA – Mutualité sociale agricole. J’y suis par conséquent favorable.

    Mme Marie-George Buffet

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    Oui, mais le vote est réservé !

    (Le vote sur l’amendement est réservé.)

    M. le président

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    Sur l’article 3, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Brigitte Liso, pour soutenir l’amendement no 26.

    Mme Brigitte Liso

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    Il vise à compléter l’article 3 en proposant à tout bénéficiaire de l’AAH de disposer d’un compte bancaire en son nom propre. L’idée est d’assurer, à l’instar des dispositions de la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, une égalité de traitement. L’État s’engage à réévaluer l’allocation sous dix jours en cas de séparation ; encore faut-il que le bénéficiaire dispose d’un compte bancaire à son nom.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Peu, rapporteur

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    Vous constaterez qu’avec Jeanine Dubié, l’autre rapporteure de ce texte, nous n’adoptons pas votre attitude sur les amendements émanant des autres groupes. Preuve en est que j’ai donné un avis favorable à l’amendement précédent et que je vais faire de même pour le vôtre, qui se situe dans la continuité de l’autonomisation de l’AAH en prévoyant son versement sur un compte bancaire autonome. Être favorable à cet amendement revient en toute logique à l’être à l’autonomie de l’allocation adulte handicapé.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Votre amendement, madame Liso, vise à conditionner le versement de l’allocation adulte handicapé à l’ouverture d’un compte bancaire individuel au nom du bénéficiaire – l’objectif étant, selon vous, de garantir l’autonomie financière de l’allocataire. Je tiens à vous rappeler qu’il est d’ores et déjà possible pour un allocataire de demander que sa prestation soit versée sur son compte bancaire personnel et que cette requête peut être formulée à tout moment. Votre amendement me semble donc inutile, d’autant qu’il pourrait aller à l’encontre de la décision prise d’un commun accord par la personne bénéficiaire de l’AAH et son conjoint de partager un même compte bancaire. Avis défavorable.

    (Le vote sur l’amendement est réservé.)

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Puis-je prendre la parole, monsieur le président ?

    M. le président

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    Je vais d’abord la donner aux orateurs qui souhaitent faire un rappel au règlement, madame la secrétaire d’État.

    Rappels au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

    M. Marc Le Fur

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    Vous parlez de transparence, madame la secrétaire d’État, mais je constate que nous sommes en pleine pagaille. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-I et GDR.) Nous exprimons notre sentiment sur l’article 3, alors que nous ne connaissons même pas l’issue du vote sur les amendements nos 1 et identiques, qui sont les plus importants. Voilà le problème.

    Mme Agnès Thill

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    Exactement !

    M. Marc Le Fur

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    Vous avez demandé la réserve des votes…

    M. Fabrice Brun

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    C’est du sabotage !

    M. Marc Le Fur

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    La réserve, cela signifie que l’ensemble des votes relatifs à l’article interviendront au terme des débats. Nous devrions alors nous prononcer sur chacun des amendements, à moins que – je relaye la question de M. Chassaigne – vous ne nous imposiez, en plus, un vote bloqué. Si la réserve est déjà très pénible, le vote bloqué est un scandale pour l’Assemblée ! C’est une prise en otage du vote, puisque nous ne nous prononcerons qu’une seule fois, sur le texte que vous proposerez et sur les amendements que vous aurez acceptés. Nous nous serons réunis pour rien, puisque les sujets que nous défendons ne seront même pas soumis au vote ! Respectez-vous encore un peu le Parlement, auquel cas vous devez nous assurer très clairement qu’il n’y aura pas de vote bloqué, ou ne le respectez-vous pas du tout, auquel cas vous imposerez le vote bloqué ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Outre celui de M. Le Fur, j’ai reçu deux demandes de rappel au règlement, de la part de Mme Obono et M. Dharréville – et ce, avant que Mme la secrétaire d’État ne sollicite la parole. Il aurait été normal que je laisse à présent intervenir Mme Obono et M. Dharréville, mais la situation est tout de même assez surréaliste… Je propose donc de donner la parole à Mme la secrétaire d’État,…

    M. Hubert Wulfranc

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    Ça dépend de ce qu’elle a à dire !

    M. le président

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    …après quoi nous reprendrons le fil des rappels au règlement, de sorte que les orateurs puissent s’exprimer sur une base juridique consolidée.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Ce n’est pas joli, tout ça !

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    En application de l’article 44 de la Constitution, je demande à l’Assemblée de se prononcer par un seul vote sur l’article 3, à l’exclusion de tout amendement, dans le respect de la Constitution. (Vives protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR, dont les députés se lèvent et brandissent des cartons rouges.)

    M. le président

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    Avec ces cartons rouges, chers collègues, vous exposez votre vision du débat, mais j’ose espérer que vous ne visez pas mon amour du football ! Je vous propose de reprendre nos travaux calmement et sereinement. (Vives protestations sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.) Vous n’êtes pas obligés d’être d’accord avec moi ; en revanche, je suis obligé d’appliquer le règlement. Mme Obono avait sollicité la parole, je la lui donne. Je la céderai ensuite à M. Dharréville.

    M. François Ruffin

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    Je demande une suspension de séance, monsieur le président !

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à douze heures quarante-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    Sur l’article 3, le groupe Les Républicains et le groupe Socialistes et apparentés se sont joints au groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour demander un scrutin public.

    M. Bertrand Pancher

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    Nous aussi !

    M. le président

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    Je ne suis pas habilité à donner des conseils au groupe Libertés et territoires, monsieur Pancher (Sourires), mais vous devez me faire parvenir la feuille verte.
    La parole est à Mme Danièle Obono, pour un rappel au règlement.

    Mme Danièle Obono

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    Les nombreuses personnes qui suivent nos débats, et qui ont attendu si longtemps, méritent une explication sur l’incongruité de la situation. Le groupe La République en marche, qui est majoritaire à l’Assemblée, s’oppose à l’individualisation de l’AAH, alors que toutes les associations concernées la demandent ; or ce groupe n’assume pas sa position. C’est un geste de lâcheté que celui de la majorité (Mme Bénédicte Taurine applaudit), qui se livre à des manœuvres dilatoires. (Mme Agnès Thill applaudit.)
    Je fais bien ici un rappel au règlement, au titre des exigences de clarté des débats et de respect de l’Assemblée – je dirais même, au titre du respect que Mme la secrétaire d’État devrait avoir pour elle-même et pour sa mission. Cette mission, elle la piétine aujourd’hui, comme elle piétine les droits des parlementaires.

    Mme Nadia Essayan

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    Oh, ça va, on n’a pas de leçons à recevoir !

    Mme Danièle Obono

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    C’est un moment d’humiliation, y compris pour toutes les personnes qui se sont mobilisées depuis des mois et qui ont effectué un travail extraordinaire afin que cette proposition de loi soit discutée à l’Assemblée. Comment pouvez-vous les traiter de cette manière, au-delà même des députés que nous sommes, qui veulent voter ce texte mais qui ne pourront pas se prononcer sur les amendements visant à individualiser et à universaliser l’AAH ? Votre attitude durant toute cette matinée est une insulte aux personnes concernées,…

    Plusieurs députés du groupe LaREM

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    Mme Danièle Obono

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    …une insulte à toutes les personnes en situation de handicap, que vous méprisez. Non contents d’empêcher l’individualisation de l’AAH pour les personnes en couple, vous leur expliquez que leur voix ne compte pas et que leurs droits ne comptent pas. J’espère que les personnes en situation de handicap, mais aussi leurs familles et tous leurs alliés, s’en rappelleront, et vous le rappelleront.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au règlement.

    M. Pierre Dharréville

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    Il se fonde sur l’article 96 de notre règlement. Mme la secrétaire d’État vient de nous dévoiler quelles sont les intentions du Gouvernement. Je trouve ce scénario – écrit d’avance – assez lamentable et assez triste. Ces dispositions de procédure invoquées successivement viennent entraver le débat et nous empêcher de discuter sereinement de ce sujet important. C’est un manque de respect à l’égard du Parlement, mais aussi de toutes celles et ceux qui sont concernés par ces dispositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Au titre de l’article 96 de notre règlement, monsieur le président. Madame la secrétaire d’État, imaginez tous ceux qui nous regardent et qui découvrent qu’on va voter sur un article qu’on n’a pas eu le droit de modifier – car c’est bien de cela qu’il s’agit. Imaginez la colère de ces centaines de milliers de personnes et de leurs familles qui ont attendu des années pour bénéficier enfin d’une avancée concrète de dignité. Imaginez le regard de nos concitoyens sur ce débat, sur cette attitude, sur ces faux arguments, alors qu’il y avait là une occasion extraordinaire de montrer que la politique servait à quelque chose. Il ne faudra pas s’étonner, demain, si les Français, écœurés, se détournent de vous, mais surtout de nous tous. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Vous prenez en otage les parlementaires, parce que vous avez peur de voter. Le Gouvernement vous interdit de voter, et depuis des années vous subissez, vous êtes réduits à l’état de bouton, vous n’avez plus de conscience ! Et quand il n’y a plus de conscience, il n’y a plus de démocratie !

    Une députée du groupe LaREM

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    Balayez devant votre porte !

    M. Erwan Balanant

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    Vous ne l’applaudissez pas ?

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Viry, pour un rappel au règlement.

    M. Stéphane Viry

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    Au titre de l’article 65 de notre règlement, compte tenu de l’annonce faite par Mme la secrétaire d’État.
    Le mot « respect » a été employé ; je le prends pour moi. Aujourd’hui, pour une niche parlementaire, il y a plus de députés qu’à l’accoutumée…

    Mme Perrine Goulet

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    Non, pas plus !

    M. Stéphane Viry

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    …parce que le sujet est important. Je présume que beaucoup d’entre nous ont reçu dans leur permanence ou ont connaissance de situations humaines qui nous imposent d’être présents et de participer au débat, parce que c’est tout le sens de notre mission. Or nous sommes totalement privés de la capacité d’exercer notre fonction : on nous interdit de participer au débat par des usages procéduraux. Je présume, madame la secrétaire d’État, que vous êtes confuse et embarrassée d’utiliser ces manœuvres.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Même pas !

    M. Stéphane Viry

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    Peut-être pas, en effet.
    Je voudrais savoir d’où vient cet arbitrage conduisant à interdire le débat parlementaire ce matin sur un sujet comme celui-ci. Je n’ose imaginer que vous avez pris seule cette décision : je présume qu’elle est venue de beaucoup plus haut au niveau de l’État.

    M. Bastien Lachaud

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    Matignon ou l’Élysée ?

    M. Fabrice Brun

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    Du château !

    M. Stéphane Viry

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    Tout cela est manifestement insupportable pour toutes les personnes en situation de handicap qui attendaient aujourd’hui une avancée, quelle qu’elle soit, et surtout de voir comment le Parlement allait traiter la question si importante de l’allocation aux adultes handicapés. Vous avez recours à l’article 44 : comme d’autres l’ont dit avant moi, c’est un manque de respect à l’égard du Parlement – vous êtes incorrigibles sur ce point, mais nous en avons l’habitude depuis quatre ans –, mais surtout pour la dignité des personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT, FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Pancher, pour un rappel au règlement.

    M. Bertrand Pancher

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    Au titre de l’article 48, alinéa 2, de notre règlement, sur l’organisation de nos débats. On veut mettre fin à une grave injustice. Vous êtes très gênée, très ennuyée ; et votre majorité est très ébranlée, à tel point que vous ne vouliez pas qu’on vote sur les amendements et que maintenant, vous voulez un vote bloqué sur l’article 3. Vous donnez comme argument un coût supposément trop élevé, vous dites : « on a déjà fait », « c’est une injustice parce que certains disposent déjà de revenus » . Mais personne ne s’est posé la question pour le pass culture, qui est la même chose. Nous vous demandons de revenir sur cette décision, qui donne une image catastrophique du fonctionnement du Parlement à quelques jours du premier tour des élections départementales et régionales.

    M. Marc Le Fur

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    C’est bien vrai !

    M. Bertrand Pancher

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    Je vous le dis les yeux dans les yeux : cela va vraiment donner une image déplorable de l’organisation de nos débats. J’espère que vous en prenez conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Il n’y a plus de demande de rappel au règlement ? … Je suis presque surpris !

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    J’indique que se sont ajoutés aux groupes qui s’étaient déjà manifestés pour demander un scrutin public sur l’article 3 les groupes La France insoumise et Libertés et territoires.

    M. Marc Le Fur

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    Et le groupe La République en marche ?

    M. le président

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    À la demande du Gouvernement et en application de l’article 44, alinéa 3 de notre Constitution, je vais mettre aux voix par un seul vote l’article 3, à l’exclusion de tout amendement.

    Mme Marie-George Buffet

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    Quel scandale !

    Plusieurs députés du groupe GDR

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    Honte à vous !

    M. le président

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    Pour que chacun comprenne bien, le vote va se faire sur le texte de la commission par un seul vote, je le répète, à l’exclusion de tout amendement.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On a le droit de voter contre ?

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        236
            Nombre de suffrages exprimés                222
            Majorité absolue                        112
                    Pour l’adoption                121
                    Contre                101

    (L’article 3 est adopté.)

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Vous n’applaudissez pas, chers collègues de la majorité ?

    M. François Ruffin

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    Soyez fiers de votre vote, levez-vous !

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.

    M. André Chassaigne

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    Rappel au règlement au titre de l’article 98. Chers collègues de la majorité, nous savions que vous vous comportiez trop souvent en « digéreurs », en « intestins silencieux de la bouche gouvernementale », comme je l’avais déjà dit lors d’une intervention. Nous le savions, et nous l’avons souvent regretté. Mais aujourd’hui, vous vous comportez comme des marcheurs qui marchent sur les débris de la démocratie…

    M. Sylvain Maillard

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    Ce n’est pas un rappel au règlement, ça !

    M. André Chassaigne

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    …et vous le faites en applaudissant vous-mêmes, vous le faites le bras levé ; vous êtes en train de porter gravement atteinte à la démocratie parlementaire, et j’en ai honte pour vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI.). C’est la première fois depuis que je siège dans cette assemblée que je vois se comporter d’une telle façon un gouvernement, une majorité, alors qu’on a bâti pendant des années le respect de notre République ! Vous êtes les premiers à porter un coup terrible à la démocratie parlementaire et à notre République ! (Mêmes mouvements – Les députés des groupes GDR et FI se lèvent.) À ce titre, de façon honteuse, vous demandez un vote bloqué, c’est-à-dire que tous les débats qui ont eu lieu sont annihilés : ils vont disparaître ! De tous les amendements qui ont été défendus, seuls ceux du Gouvernement seront retenus ! C’est une atteinte grave à la démocratie ! Face à cela, tous ensemble, nous avons l’intention de vous quitter, de vous laisser face à vos turpitudes ! (La plupart des députés des groupes GDR, LR, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et FI quittent l’hémicycle.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ce n’est pas un communiste qui va nous donner des leçons de démocratie !

    M. Sébastien Jumel

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    On vous laisse entre Playmobils !

    M. Christophe Castaner

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    Honte à toi, André !

    M. le président

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    Mes chers collègues, je remercie M. Peu et Mme Dubié d’être avec moi dans cet hémicycle. Je vous donne une information qui va vous montrer qu’il n’est pas toujours simple de présider – je le dis à Mme Lasserre qui m’avait envoyé un texto à ce sujet. Comme je suis tenu de lever la séance à treize heures, je nous vois mal commencer maintenant l’examen des amendements à l’article 3 bis…

    M. Christophe Castaner

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    Non, on continue !

    M. le président

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    Si vous le souhaitez, monsieur Castaner, alors faisons-le !

    Article 3 bis

    M. le président

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    Sur les amendements identiques nos 2 et 20, je suis saisi d’une demande de scrutin public – voilà une partie des difficultés que le président Castaner n’avait pas anticipées, parce qu’il ne les connaissait pas.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La commission a supprimé l’article 3 bis. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 et 20, tendant à le rétablir.
    L’amendement no 2 de M. Yannick Favennec-Bécot est défendu.
    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 20.

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Merci, monsieur le président, d’avoir accepté de prolonger un peu nos débats pour achever l’examen de ce texte.
    Je suis très émue et très déçue. L’article 3 bis, dans la rédaction issue du Sénat, n’a plus aucun sens. En effet, il n’avait de sens que pour permettre à un peu plus de 40 000 bénéficiaires de pouvoir bénéficier d’un dispositif transitoire, solution qui avait été trouvée par le Sénat et qui permettait de ne pas avoir d’effets de bord.
    Madame la secrétaire d’État, vous avez gagné : votre amendement est passé. Je crains fort qu’il ne fasse davantage de perdants que ce que nous proposions. (« Mais non ! » sur quelques bancs du groupe LaREM.) Avec cet article 3 bis, nous permettions la création d’un dispositif transitoire. Vous avez choisi de passer en force ; j’en conclus que vous n’étiez pas sûre de votre majorité. C’est préoccupant pour la démocratie, et surtout pour la façon dont vous considérez le Parlement, puisque les représentants du peuple que nous sommes ici ne peuvent pas faire entendre leur voix sur un sujet aussi important.

    M. Jean-Jacques Bridey

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    C’est le règlement !

    Mme Jeanine Dubié, rapporteure

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    Vous l’avez vu dans les débats, je suis restée très modérée, j’ai essayé de vous expliquer de façon factuelle. M. Benoit l’a bien compris, l’AAH est régie par le code de la sécurité sociale – et la sécurité sociale, ce sont les ordonnances de 1945 et les trois principes d’universalité, d’uniformité et d’unicité. Si elle était un minima social, elle ne serait pas dans ce code-là. Vous persistez à vouloir la considérer comme un minima social : ce n’est pas respectueux envers les personnes en situation de handicap. (Mme Martine Wonner et M. Stéphane Peu, rapporteur, applaudissent.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je tiens à dire que je suis totalement respectueuse de tout le monde, des personnes en situation de handicap comme des députés de tous bords : je n’ai fait preuve d’aucun manque de respect.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

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    Je suis bien sûr défavorable à ces amendements. J’ai bien entendu vos arguments, madame Dubié, nous en avons longuement discuté ensemble, et je maintiens que l’allocation adulte handicapé est bien un minimum social et que nous devons lui conserver à tout prix ce caractère.

    M. le président

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    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Les Républicains et celui de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 20.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        120
            Nombre de suffrages exprimés                107
            Majorité absolue                        54
                    Pour l’adoption                8
                    Contre                99

    (Les amendements identiques nos 2 et 20 ne sont pas adoptés.)

    Article 4 bis

    (L’article 4 bis est adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        119
            Nombre de suffrages exprimés                103
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                99
                    Contre                4

    (La proposition de loi est adoptée.)

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Discussion de la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles ;
    Discussion de la proposition de loi relative à la mise en place des plans de prévention des risques technologiques pour les installations abritant en permanence des ouvrages d’infrastructures de stationnement, chargement ou déchargement de matières dangereuses ;
    Discussion de la proposition de loi visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires français ;
    Discussion de la proposition de loi pour des mesures d’urgence en faveur des intermittents de l’emploi ;
    Discussion de la proposition de résolution relative à la reconnaissance d’une « exception énergétique » au sein de l’Union européenne.

    M. le président

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    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra