XVe législature
Session ordinaire de 2021-2022

Première séance du lundi 25 octobre 2021

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Première séance du lundi 25 octobre 2021

Présidence de M. Hugues Renson
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Projet de loi de finances pour 2022

    Seconde partie

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 (nos 4482, 4524).

    Justice

    M. le président

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    Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la justice (no 4524, annexe 28 ; 4525 tomes III et IV).
    La parole est à M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    En 2022, la mission Justice bénéficiera de 12,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 10,7 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) Le projet de loi de finances respecte la trajectoire budgétaire prévue dans la loi de programmation et de réforme pour la justice. S’agissant des effectifs du ministère de la justice, le projet de budget prévoit la création de 1 220 emplois supplémentaires, dont 720 en 2022, et 500 recrutements par anticipation fin 2021.
    Ce projet de budget est positif. On ne peut que s’en féliciter. La communication du Gouvernement est bien rodée : la trajectoire est respectée, et même plus que respectée, nous dites-vous, monsieur le garde des sceaux. Tous les signaux sont au vert : il ne resterait qu’à applaudir et à répéter que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Tout à fait !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Hélas, la réalité est un peu plus contrastée. Comme vous le savez, les crédits budgétaires ne font pas tout. Il est vrai que le plein de kérosène a été fait et que le réservoir de l’avion se remplit, mais l’avion ne pourra pas voler sans pilote. C’est là où le bât blesse, car le pilotage reste largement défaillant. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi je porte ce jugement sévère.
    Pour ce qui concerne la justice judiciaire, prenons l’exemple concret des frais de justice, qui s’élèveront en 2022 à 648 millions d’euros, soit 150 millions d’euros de plus qu’en 2017, et avec une exécution systématiquement supérieure à la prévision. Où est le pilote, monsieur le garde des sceaux ?
    Pour ce qui est des délais de jugement, le bleu budgétaire laisse entrevoir – une fois n’est pas coutume – une amélioration des délais de jugement, mais pour les procédures pénales uniquement. La belle affaire ! De très nombreux efforts restent à faire pour les procédures civiles. Le nombre de dossiers en instance devant les juridictions dépasse désormais 1,1 million. Vous avez bien entendu : plus d’1 million d’affaires ! En outre, de nombreux indicateurs demeurent supérieurs à leur niveau de 2019.
    Quant aux greffes, le taux de vacance reste de 6 % toutes catégories confondues, soit 1 335 postes vacants, dont 661 greffiers. Contrairement à ce que vous essayez de nous faire croire, monsieur le garde des sceaux, la situation demeure très tendue, comme on le constate lorsqu’on interroge les personnels de l’administration judiciaire.
    S’agissant de l’administration pénitentiaire, l’augmentation de la population carcérale depuis un an est préoccupante : avec 200 à 300 détenus supplémentaires chaque mois,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Il faut savoir ce que vous voulez !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    …nous allons bientôt retrouver le niveau record que nous connaissions en 2019. Or, rien n’est prêt pour réduire la surpopulation carcérale. Je donne l’alerte depuis plusieurs années à propos des retards du plan « prisons ». Désormais, nous y sommes : monsieur le garde des sceaux, vous avez officialisé le décalage des livraisons. Les 7 000 premières places annoncées pour 2022 ne seront pas prêtes avant 2023 ou 2024. Quant aux 8 000 autres places, prévues pour 2027, on parle désormais de 2029. Annonce du président Macron en 2017 : 15 000 places. Résultat cinq ans plus tard : 2 000. Les crédits augmentent bien, mais encore faut-il piloter ces investissements. Dans ces conditions, comment espérer une amélioration des conditions de détention ? Quant aux effectifs de l’administration pénitentiaire, ils progressent, certes, mais 1 300 postes sont encore vacants. Les choses peuvent encore être nettement améliorées.
    Pour ce qui concerne la transformation numérique du ministère de la justice, les crédits sont là. Formidable ! Mais, parallèlement, les retards s’accumulent. C’est toujours le même problème : y a-t-il un pilote dans l’avion au ministère de la justice ?

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Ça se veut aimable, ça !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Les outils de suivi et de pilotage sont bien trop faibles. La Chancellerie n’a toujours pas de schéma directeur permettant d’indiquer l’état de l’exécution des crédits et l’avancement réel des projets. Sans cela, l’accélération annoncée ne pourra avoir lieu.
    Pour ce qui est, enfin, de l’aide juridictionnelle, l’article 44 du projet de loi de finances propose une nouvelle augmentation de la rétribution des avocats. C’est tout simplement l’augmentation que vous nous aviez refusée l’année dernière, monsieur le garde des sceaux ! Nous avions, avec plusieurs d’entre vous, présenté des amendements allant dans le sens des préconisations de la mission Perben. Nous avons eu raison un an trop tôt. Espérons que cela éclaire les débats que nous aurons maintenant en séance.
    Comme vous l’aurez compris, mes chers collèges, il y a, d’un côté, de grandes annonces médiatiques du garde des sceaux et, de l’autre, un quotidien qui peine à s’améliorer pour les justiciables et les personnels de justice. Désormais, il nous faut des évolutions concrètes et réelles. Ce budget reste donc très perfectible, c’est pourquoi je vous invite à voter contre.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quand on voit ce que vous avez fait, bravo !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Moi, sûrement pas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Votre famille !

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    La commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pour 2022. Pour la cinquième année consécutive, nous avons la satisfaction d’entériner l’augmentation des moyens, humains et matériels, alloués à ces deux administrations du ministère de la justice. En crédits de paiement, cela représente une hausse significative par rapport à l’année précédente, monsieur Hetzel : 7,4 % d’augmentation pour l’administration pénitentiaire et 4,2 % pour la protection judiciaire de la jeunesse. En outre, ce budget pour 2022 prévoit la création de 599 emplois pour l’administration pénitentiaire et 51 emplois pour la protection judiciaire de la jeunesse. Qui pourrait s’en plaindre ?
    Cette dynamique est positive et doit être saluée, monsieur Hetzel, et non pas vilipendée. Bien sûr, on peut toujours critiquer et réclamer davantage, mais les faits sont là : le budget de la justice augmente, et de manière pérenne. Depuis 2017, notre majorité a pris ses responsabilités en la matière et ce nouveau projet de budget témoigne une nouvelle fois de l’importance que nous accordons à ces deux administrations confrontées à des difficultés particulièrement sensibles et essentielles pour l’avenir de notre société – et, plus globalement, au ministère de la justice.
    Je profite d’ailleurs de l’examen de ces crédits dans l’hémicycle pour rendre hommage aux femmes et aux hommes qui travaillent au sein de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, qui participent grandement à l’équilibre global de la République. Au cours de nos échanges, nous avons toujours gardé à l’esprit les difficultés auxquelles ils doivent faire face et la très grande capacité d’adaptation dont ils ont su faire preuve pour gérer la crise sanitaire dans le cadre de la détention.
    Ce rapport budgétaire a été l’occasion, comme l’année dernière, de faire le point sur l’état d’avancement du programme immobilier de construction de nouvelles places de prison. Tout d’abord, je tiens à rappeler que ce programme ne doit pas être vu comme une volonté d’incarcérer davantage, mais comme une volonté affichée et assumée de mieux incarcérer. Les constructions avancent bien, malgré les ralentissements induits par la crise sanitaire et, parfois, par certains blocages locaux quant à la possibilité pour l’administration d’acquérir certains fonciers. Les chiffres le montrent : 1 926 nouvelles places sont mises en service, 123 autres places seront ouvertes d’ici à la fin 2021, 2 541 places dont les travaux en cours de finalisation et 2 500 dont les travaux seront lancés en 2022. En résumé, à la fin de l’année prochaine, 7 090 places auront été ouvertes ou seront en cours d’achèvement.

    M. Patrick Hetzel,, rapporteur spécial

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    Ce n’est pas le cas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si, c’est le cas !

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Là encore, notre majorité prend ses responsabilités et tient ses engagements.
    Au-delà de ce sujet, ce rapport m’a permis de faire le bilan des derniers mois que nous avons vécus en analysant précisément la gestion de la crise sanitaire en milieu pénitentiaire. Le bilan est, là aussi, très clair : alors qu’on nous annonçait – si même on ne le souhaitait pas – une catastrophe épidémique dans les prisons, force est de constater que cette catastrophe n’a pas eu lieu. Les mesures prises par notre administration pénitentiaire ont permis de limiter la propagation du virus et, ainsi, de protéger la santé non seulement des personnes détenues, mais également des personnels pénitentiaires, de leurs proches, des familles et de tous les intervenants en milieu carcéral.
    Bien qu’ayant démontré leur efficacité, ces mesures ont toutefois désorganisé la détention et elles ont parfois été très difficiles à vivre pour les personnes détenues. La suspension des liens avec l’extérieur, la réduction des échanges humains avec les familles et la limitation des activités ont été autant d’éléments qui ont rendu la détention non seulement plus difficile à vivre, mais également plus difficile à gérer.
    Nous devons tous tirer les leçons de cette crise dans de nombreux domaines, et cela concerne bien évidemment aussi la pénitentiaire. Comme nous l’avons vu, il est possible d’en finir avec les surpopulations. Il est donc de notre devoir d’aller dans cette direction et je formule aujourd’hui le souhait que notre Parlement ne réduise pas sa vigilance dans ce domaine au cours des prochaines années. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je tiens à vous dire à quel point je suis fière de présenter devant vous, avec ce dernier budget Justice du premier mandat de notre majorité, un budget qui porte en lui un message très fort et nécessaire en politique : celui du respect de la parole donnée. On l’a dit, on l’a fait ! (M. Vincent Bru, Mme Naïma Moutchou et M. le rapporteur pour avis applaudissent.)

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    C’est de l’autosatisfaction !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Ou, plus exactement, monsieur le garde des sceaux : vous l’avez dit, vous l’avez fait. Je dois vous faire un aveu : en juillet 2020, alors que vous veniez d’accéder à vos fonctions et annonciez un effort considérable en faveur du budget de la justice, avec un dépassement de la loi de programmation, j’étais un peu inquiète et j’imaginais déjà que les oppositions s’insurgeraient lorsque nous n’aurions fait que rattraper une loi de programmation qui était déjà bien en retard.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quel pessimisme, madame la députée !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Vous l’avez dit, vous l’avez fait. Avec deux hausses successives de 8 %, ce ne sont pas les 24 % d’augmentation promis par la loi de programmation que vous proposez aujourd’hui, mais bien près de 33 % de plus pour notre justice.

    Mme Naïma Moutchou

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    C’est énorme !

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    C’est autre chose qu’avec Dati !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    J’attendais avec impatience d’entendre les oppositions saluer cette surperformance, mais vous ne m’avez pas déçue, monsieur le rapporteur spécial !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Me voilà rassuré !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Ce budget, ce sont des moyens humains : cinquante postes de magistrats et presque autant de greffiers sont créés cette année. Il n’y aura jamais eu autant de magistrats en France,…

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Et jamais autant d’affaires en instance aussi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    …et je crois qu’il n’y a jamais eu autant envie de plus pour la justice dans notre pays. Les états généraux de la justice que vous venez de lancer ne pourront que le confirmer.
    Une justice plus proche de chacun : vous l’avez dit, vous l’avez fait, avec la justice pénale de proximité et le recrutement de près de 1 000 contractuels pour soulager magistrats et greffiers dans l’accomplissement de leurs missions.
    Une justice civile à désengorger : vous l’avez dit, vous l’avez fait, avec le recrutement de 1 000 autres contractuels en matière civile. En commission, vous nous avez indiqué votre volonté que ces contrats soient pérennisés, tant les juridictions comptent dorénavant sur ces hommes et ces femmes. Nous savons, monsieur le garde des sceaux, que nous pouvons compter sur le respect de votre parole donnée.
    L’exemple de l’aide juridictionnelle ne peut d’ailleurs que le confirmer. À la suite des rapports rendus par Mme Naïma Moutchou et M. Philippe Gosselin, ainsi que par la commission présidée par M. Dominique Perben, une augmentation de l’enveloppe de l’aide juridictionnelle à hauteur de 100 millions d’euros s’imposait. Une première marche gagée avait été proposée l’année dernière. Elle est complétée par les crédits que nous allons voter aujourd’hui : oui, nous aurons augmenté l’aide juridictionnelle de plus de 100 millions d’euros. Encore une fois : on l’a dit, on l’a fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Je terminerai par un sujet qui, vous le savez, me tient particulièrement à cœur : la transformation numérique de la justice. Comme le disait le Président de la République à Poitiers la semaine dernière, il est anormal de pouvoir suivre à la trace un colis mais de n’avoir la moindre information sur l’état d’avancement de son dossier judiciaire. L’année dernière, la crise sanitaire avait révélé de fortes lacunes en matière d’équipements, d’infrastructures, d’applicatifs et de conduite des projets numériques. Vous vous étiez engagé à une reprise en main des projets et à un tournant dans la transformation numérique. Vous l’avez dit, vous l’avez fait.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Et je tiens ici à saluer le travail de toutes les administrations qui se sont mobilisées pour équiper 85 % des greffiers dont les missions peuvent être effectuées en télétravail, pour moderniser les applicatifs, déployer un réseau de connexion VPN, de bornes wifi, de visioconférences, pour faire aboutir la procédure pénale numérique et le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) et même pour faire en sorte que PORTALIS, qui a relevé du fantasme pendant une décennie, soit enfin en phase d’expérimentation.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Ne nous arrêtons pas là. Nous revenons de loin, mais nous avons enfin fait entrer la justice dans le XXIe siècle. Cela dit, nous sommes déjà en 2021 et les attentes grandissent très vite en matière numérique. Continuons ainsi.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Elle a raison !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    En conclusion, deux mots sur des mesures qui ne relèvent pas de mon champ d’intervention mais qu’il me semble utile de souligner. D’une part, je tiens à saluer la création d’une réserve de la protection judiciaire de la jeunesse, que vous nous présenterez par voie d’amendement. C’est une mesure importante visant à mieux accompagner l’insertion sociale et professionnelle des mineurs délinquants. D’autre part, quant à la création de 15 000 places de prison, certains peuvent en vouloir moins, quitte à ne pas pouvoir incarcérer plus dignement, d’autres peuvent en demander davantage tout en sachant qu’ils seront les premiers à refuser leur construction sur leur territoire.

    M. Bruno Millienne

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    Eh oui !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Vous nous avez proposé un plan. Les contrats sont signés. Les chantiers sont en cours et les pelleteuses à l’ouvrage.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Absolument !

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Encore une fois, vous l’avez dit, vous l’avez fait. C’est pourquoi je vous encourage, mes chers collègues, à voter ce budget les deux mains levées. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.

    Mme Nicole Dubré-Chirat

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    Dès le début du quinquennat, le Président de la République a insisté sur sa volonté de faire de la justice une priorité du Gouvernement, avec un effort sans précédent sur le budget et sur les moyens humains. Depuis quatre ans, des mesures ont été prises. Une hausse exceptionnelle des crédits de 8 % a eu lieu en 2021 et de 8 % en 2022, portant la mission à 8 milliards d’euros. Sur l’ensemble du quinquennat, les moyens du ministère auront augmenté d’un tiers. Ils ont également connu une importante augmentation, avec 7 400 emplois créés en cinq ans, dont 3 450 ces derniers mois. Une politique ambitieuse de réforme pour la justice a été mise en œuvre avec la loi de programmation 2018-2022, pour renforcer l’efficacité de la procédure pénale et le sens de la peine, simplifier la procédure civile et administrative, promouvoir la justice de proximité et améliorer la réponse carcérale via un plan Prison et les 15 000 places prévues d’ici à 2027.
    Ce budget permet de poursuivre les chantiers structurants de la loi de programmation de la justice – programmes immobiliers pénitentiaires et judiciaires et plans de transformation numérique –, de financer les mesures liées au projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, en cours d’examen par le Parlement, en continuant la promotion des nouvelles priorités parmi lesquelles la justice de proximité. Les objectifs visés reposent sur deux axes principaux : l’accès à la justice et les conditions pénitentiaires.
    L’accès à la justice tout d’abord : 252 millions d’euros sont prévus pour son développement. Le Gouvernement a démontré sa volonté de garantir un accès à la justice et au droit sur tout le territoire, pour une justice plus proche du citoyen et plus réactive ; d’abord, avec le service d’accueil unique du justiciable, point d’accès unique pour toutes les démarches, qui améliore la qualité du service et simplifie l’accès au droit. Depuis la fin de 2018, on en compte 300.
    Le Gouvernement a renforcé les moyens humains dédiés à la justice de proximité. En douze mois, 2 100 personnes ont été recrutées pour garantir l’accès à la justice : 600 juristes assistants et assistants spécialisés qui viennent, avec 1 000 délégués du procureur, former une réelle équipe autour du magistrat ; 1 200 renforts arrivés en juridiction pour soulager les greffes, maillons essentiels de la chaîne judiciaire ; des magistrats honoraires et magistrats à titre temporaire.
    Depuis 2019, une expérimentation des cours criminelles départementales est menée pour garantir la qualité des décisions rendues, accélérer le travail de la justice et désengorger les cours d’assises, dans des conditions respectant le contradictoire, les droits de la défense et la qualité des audiences et pour un coût de fonctionnement moindre.
    La justice de proximité passe par l’accès au droit et l’aide juridictionnelle. Celle-ci bénéficie d’une hausse de 150 millions sur deux ans, et son tarif passera de 28 euros en 2016 à 36 euros en 2022. En 2021, 2 000 point-justice ont été installés et répartis sur tout le territoire en articulation avec les maisons France Services. Des audiences foraines et le développement du recours à la médiation complètent le dispositif.
    La modernisation de l’institution judiciaire et sa numérisation font partie des grands chantiers entrepris. Le plan de transformation numérique bénéficiera au justiciable, aux agents et professionnels du droit pour faciliter le traitement des demandes. Au total, 205 millions d’euros sont prévus pour l’investissement informatique en vue de faire aboutir la procédure pénale numérique souhaitée par les services. Un effort particulier est fait sur l’achat de nouveaux équipements, avec une vigilance sur la compatibilité des systèmes, qui devrait rendre effectif le dépôt de plainte en ligne fin 2023.
    Les conditions de détention ensuite : la deuxième partie de cette transformation de la justice concerne l’aspect pénitentiaire. Je remercie les personnels pénitentiaires pour leur travail, plus spécifiquement pendant la crise sanitaire. Ils se sont organisés pour protéger les détenus dans des locaux souvent inadaptés. En effet, la France est régulièrement visée pour les conditions indignes de détention liées à la surpopulation carcérale et à la vétusté des locaux – elle a fait l’objet de dix-neuf condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ces conditions génèrent des tensions dans les établissements et créent des difficultés pour accompagner la réinsertion.
    La réponse de l’État sur ce sujet est le plan Prison et la construction de 15 000 nouvelles places ; 2 000 sont déjà livrées. Au budget 2022, 5 000 places sont en cours et seront livrées en 2022 et 2023. Le deuxième volet de 8 000 places est engagé. Il s’agit d’une hausse du nombre de places de prison et d’une diversification de la réponse carcérale avec la construction de structures spécifiques en faveur de la réinsertion et du travail. Début 2021, le Gouvernement a annoncé un plan important de rénovation des établissements destiné à réduire l’empreinte énergétique, soutenir le secteur de la construction au niveau local et moderniser les lieux de vie collectifs au bénéfice des usagers et des agents. En 2022, 720 postes supplémentaires seront pourvus.
    Un autre axe de travail concerne le sens de la peine et l’accès au travail en détention avec la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire et l’octroi de droits sociaux aux travailleurs détenus. Les alternatives à l’incarcération sont essentielles, sous certaines conditions, notamment le bracelet électronique, le dispositif Téléphone grave danger (TGD) pour améliorer la lutte contre les violences conjugales. Les détenus arrivant en fin de peine pourraient bénéficier, sous certaines conditions, de la procédure de libération anticipée pour limiter la surpopulation carcérale.
    Dans la continuité des objectifs et des budgets 2021 et 2022, Emmanuel Macron et le ministre ont proposé la semaine dernière les états généraux de la justice qui réuniront pendant cinq mois l’ensemble des partenaires et auront lieu dans toute la France.

    M. le président

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    Merci, madame la députée !

    Mme Nicole Dubré-Chirat

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    Au total, c’est un budget adapté que nous vous demandons de voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Savignat.

    M. Antoine Savignat

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    Parler du budget de la justice, c’est parler des moyens que nous voulons y consacrer pour répondre aux maux de notre société, apporter des réponses aux litiges du quotidien, assurer la paix en République, veiller au bon équilibre des relations économiques et contractuelles : en un mot les moyens de notre bien-vivre ensemble. Pour la deuxième année, reconnaissons-le monsieur le ministre, le budget de la justice augmente de manière substantielle. Mme la rapporteure pour avis s’est félicitée du respect de la parole donnée ; nous nous féliciterons d’avoir été un peu entendus sur ce sujet.
    Ces hausses sont indispensables pour qui veut davantage de proximité et d’accès au droit, car le pendant de ces exigences reste la promptitude de la réponse et, en la matière, des progrès restent à faire : vingt-quatre mois pour un divorce quand on sait qu’il s’agit de l’état des personnes, d’un contentieux anxiogène et souvent destructeur pour les enfants ; plus de sept mois concernant le contentieux de la protection, celui des plus précaires et des plus faibles ; dix-huit mois devant les conseils de prud’hommes, dix-sept devant les cours d’appel. Cela, bien évidemment, sans parler des procédures pénales.
    Assurer la paix civile, c’est répondre rapidement à des situations de crises ou de conflits. Répondre implique aussi en matière pénale d’être en mesure de le faire et de le faire bien, c’est-à-dire d’être en mesure d’exécuter les décisions pénales en œuvrant à l’insertion et à la réinsertion, sans oublier les victimes et la condition des détenus.
    Nous regrettons toujours que le budget de l’administration pénitentiaire ne soit pas détaché de celui de la justice, pour une plus grande lisibilité et une meilleure appréhension : cela nous permettrait de clarifier les intentions, ainsi que de connaître les moyens donnés à la justice comme à l’exécution des peines. Il n’en demeure pas moins que le budget de l’administration pénitentiaire progresse aussi. Des projets doivent sortir de terre : il faut que cela se fasse vite, non pas forcément comme le disent certain pour permettre davantage de détentions, mais aussi et surtout pour permettre une meilleure détention, réparatrice, rédemptrice et gage de non-récidive.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial, M. Bruno Questel, rapporteur pour avis et Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Très bien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bravo !

    M. Antoine Savignat

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    Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez un budget en hausse, comme l’an dernier. Mais en hausse pourquoi, en hausse dans quels buts ? Ceux rappelés ci-dessus, bien évidemment. Mais le budget est-il la seule solution ? J’aime à dire qu’on ne gagne pas d’argent en rendant la justice, mais qu’au contraire on en dépense beaucoup. C’est le prix de la paix, mais doit-on nous résigner à la paix à n’importe quel prix ? Voter un budget, donner des moyens est un acte de gestion qui implique donc de contrôler ce qui est fait des moyens alloués.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Très bien !

    M. Antoine Savignat

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    Le budget 2021 était historique aviez-vous dit, monsieur le ministre, celui de 2022 est « historique II » ou « historique, le retour ». Et pourtant, il ne se passe pas un jour sans que j’entende les mêmes critiques à l’encontre de la justice : trop lente, manquant de moyens, mal équipée, laxiste…

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Eh oui !

    M. Antoine Savignat

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    …et j’en oublie certainement. Pourtant, le budget est en hausse, les moyens informatiques sont là ou arrivent, les postes sont pourvus, mais les mêmes critiques demeurent. Peut-être faudrait-il alors ne plus se contenter du simple discours sur le manque de moyens, même s’il reste d’actualité, et se pencher sur leur utilisation.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Antoine Savignat

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    La bonne gestion et le bon usage de l’argent public ne sauraient faire l’économie d’un travail d’introspection, d’analyse, de critique et de remise en cause.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Antoine Savignat

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    Aux délais trop longs, il est de bon ton de répondre que la grève des avocats a considérablement désorganisé les juridictions. Comment une grève de six semaines a-t-elle pu à ce point désorganiser notre justice, surtout quand on sait qu’en matière civile, commerciale et prud’homale, les avocats sont les principaux pourvoyeurs de dossiers et que cette grève, comme la crise sanitaire que nous traversons, a provoqué une diminution du contentieux ? Au regard des délais de traitement devant les cours d’appel n’y a-t-il pas urgence, avant d’allouer de nouveaux fonds, à se poser la légitime question du bien-fondé de la procédure instaurée par le décret Magendie ? La complexité desdites procédures et le nombre d’audiences d’incidents qu’elle engendre sont évidemment une entrave au bon fonctionnement de la justice et à ce que des décisions soient rendues dans des délais normaux. Dépenser oui, mais dépenser bien.
    Je poserai une autre question à laquelle il est toujours difficile d’avoir une réponse, peut-être parce qu’elle est politiquement incorrecte : a-t-on des indicateurs précis et objectifs de l’activité de chacun ? Sait-on qui fait quoi, quand et comment ? Pourrions-nous nous autoriser une critique, au sens constructif du terme, de l’institution et de son fonctionnement, non pas du contenu ou de la qualité des décisions, mais bien de l’allocation et de l’usage des moyens que nous allons voter ? Il s’agit juste essayer de comprendre et de savoir comment les fonds sont utilisés.
    Il y a huit jours, à l’occasion du lancement des états généraux de la justice, le Président de la République disait qu’il ne faudrait rien s’interdire dans la réflexion menée lors des 120 jours à venir et qu’il fallait poser tous les sujets. Alors ne nous interdisons rien et posons-nous la question de la création d’une administration des juridictions, de la création de directeur de tribunaux et de cours, gestionnaires formés à la gestion financière, immobilière, aux ressources humaines – professionnels indépendants garants de la bonne utilisation des deniers publics.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Brisez vos chaînes et rejoignez-nous !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, venez avec nous !

    M. le président

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    Merci, monsieur Savignat !

    M. Antoine Savignat

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    Il ne faut pas que financer : il faut aussi gérer. Nous avons tous le même objectif : une bonne justice diligente, impartiale et respectée de tous. (M. le rapporteur spécial, Mme la rapporteure pour avis et M. le rapporteur pour avis applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Millienne qui, je le vois dans son regard, a le sentiment d’avoir un temps de parole de cinq minutes trente. Mais ce n’est pas le cas : il a cinq minutes… comme les autres, allais-je dire.

    M. Bruno Millienne

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    Je le sais, monsieur le président. Je n’ai pas encore commencé…
    La mission Justice du projet de loi de finances vise à octroyer les moyens nécessaires à l’achèvement des transformations profondes impulsées avec l’adoption de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Le dernier budget de la législature montre ainsi une augmentation historique de 8 % des moyens financiers et humains du ministère de la justice, dans le sillage de la hausse de 8 % déjà accordée en 2021. Les crédits de la mission Justice atteignent désormais 8,9 milliards d’euros. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et Démocrates apparentés se réjouit de ces augmentations successives sans précédent.
    Sur l’ensemble du quinquennat, les moyens affectés à la justice auront été rehaussés de 33 %, soit une augmentation largement supérieure aux 24 % prévus dans la loi du 23 mars 2019. C’est tout simplement remarquable. Cet accroissement exceptionnel reflète les priorités que nous nous sommes fixées dans cette même loi : simplifier la justice, la rendre plus accessible et renforcer son indépendance. Cela se répercute dans plusieurs domaines.
    Nous nous félicitons notamment de la création de 7 400 emplois sur cinq ans, avec l’arrivée de 720 personnels en 2022 dans les centres pénitentiaires, les juridictions et les structures de protection judiciaire de la jeunesse. Les programmes concernés visent également à augmenter la protection sociale des agents du ministère et à revaloriser leur engagement.
    À cet égard, les tragiques événements récemment survenus à la maison centrale de Condé-sur-Sarthe doivent nous interpeller en ce qu’ils soulignent la dangerosité du métier des surveillants pénitentiaires. Je constate que vous envisagez de consacrer 22 millions au sein de votre enveloppe catégorielle à la revalorisation des personnels pénitentiaires. Cette enveloppe devra s’accompagner de mesures visant à améliorer leur statut.
    De surcroît, les crédits alloués à la mission Justice ambitionnent de consolider la justice de proximité, sous des délais aussi restreints que possibles. C’est un point essentiel pour rapprocher la justice de nos concitoyens, alors même que celle-ci est rendue en leur nom. Ainsi, d’une part, le budget dédié à l’aide juridictionnelle est accru de 15 % ; d’autre part, l’aide aux victimes connaîtra une hausse de 25 % de ses crédits, avec des initiatives comme le déploiement de 3 000 téléphones grave danger ou de 2 000 point-justice sur tout le territoire.
    Le budget 2022 comporte par ailleurs 205 millions d’euros d’investissements informatiques, lesquels sont destinés à l’accélération de la transformation numérique de la justice judiciaire, à la dématérialisation des procédures et à la création de trente emplois au sein du secrétariat général du ministère. Cette modernisation ne s’effectuera cependant pas aux dépens des moyens physiques de la justice, puisqu’un vaste plan de programmation immobilière judiciaire et de rénovation de nos palais de justice est prévu en parallèle.
    Nous nous réjouissons également des moyens affectés à la mise en œuvre du nouveau code de justice pénale des mineurs. La protection judiciaire de la jeunesse verra ainsi ses moyens augmenter de 45 millions d’euros. Au-delà des chiffres, il s’agit, là encore, d’un signal riche de sens pour notre société : c’est le futur de nos enfants et adolescents, souvent en situation de détresse ou de souffrance, qui pourrait changer.
    Enfin, l’augmentation de 7,4 % du budget pénitentiaire sera affectée à la modernisation des peines et du système carcéral, en appui aux dispositifs de la loi du 23 mars 2019. D’une part, ces crédits pourront être utilisés pour la mise en œuvre des peines alternatives aux courtes peines d’emprisonnement ou à la détention provisoire, telles que les travaux d’intérêt général (TIG), le sursis probatoire ou le placement extérieur. D’autre part, ils contribueront au développement du programme de construction de 15 000 places de prison d’ici à 2027, lequel s’appuie notamment sur un grand plan d’investissement pénitentiaire de 100 millions d’euros. Je veux d’ailleurs vous assurer de mon plein soutien, monsieur le ministre, pour le projet de centre pénitentiaire que vous portez près de chez moi à Magnanville.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Merci beaucoup !

    M. Bruno Millienne

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    Je le fais non seulement parce qu’il permettra, par ses retombées économiques, de redynamiser ce territoire, mais aussi parce que notre responsabilité nous impose de la cohérence entre nos discours nationaux et nos actions locales. Appeler à la construction de milliers de places de prison mais empêcher tout projet sur son territoire, comme certains s’y emploient, relève d’une duplicité qui n’honore pas les élus qui s’y adonnent – ils sauront se reconnaître. Ainsi, monsieur Hetzel, vous devriez employer votre énergie à convaincre certains de vos collègues d’accepter de tels projets plutôt que de nous inviter à voter contre le budget !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Mais il y a des places dans ma circonscription !

    M. Bruno Millienne

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    Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés apporte tout son soutien à l’ensemble de ces actions, qu’il estime positives pour le sens de la justice au sein de notre pays et pour la restauration de la confiance en une institution indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie.
    Toujours avec la volonté de relever les enjeux majeurs pour notre société, nous souhaiterions évoquer la justice environnementale. Par le titre VI de la loi du 22 août 2021 dite climat et résilience, nous avons adopté de nouveaux mécanismes judiciaires visant à améliorer la protection de l’environnement, notamment par la création de pôles judiciaires spécialisés. Toute notre attention doit être désormais placée sur les mesures à adopter pour accompagner ces pôles et leur fournir les moyens nécessaires pour le bon accomplissement de leurs missions. (M. Vincent Bru applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli

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    Ce 25 octobre est la journée européenne de la justice, dont l’objectif est de rendre la justice plus proche des citoyens : nos débats y feront référence.
    La mission Justice du projet de loi de finances pour 2022 regroupe plusieurs programmes qui marquent une évolution positive des crédits affectés à la justice au profit de nos concitoyens. Les crédits de paiements des six programmes de la mission évoluent de 6,8 % au total. L’augmentation des crédits doit néanmoins être relativisée au regard de plusieurs éléments. D’une part, l’inflation en 2021 et 2022, estimée respectivement à 1,5 % et à 1,2 %, épuisera mécaniquement une part de l’augmentation. D’autre part, les hausses sont sensiblement différentes d’un programme à l’autre.
    Les crédits du programme Justice judiciaire, qui nous préoccupent au premier plan et qui représentent 36 % des crédits de paiement de la mission, progressent seulement de 3,4 %. Ceux relatifs au programme Administration pénitentiaire, qui représentent 43 % des CP, augmentent de 2,6 % pour les dépenses de personnel et de 16 % pour les autres dépenses, notamment celles d’investissement.
    Ma collègue Cécile Untermaier a, au nom du groupe Socialistes et apparentés, insisté lors de son intervention en commission des lois sur l’importance de renforcer la justice de proximité sous les trois aspects suivants : la consolidation de l’aide juridictionnelle ; l’amélioration des délais de traitement ; le développement du maillage territorial. Elle a également souligné le renforcement de la lutte contre les violences intrafamiliales, avec la nécessité d’un alignement par le haut, sur l’effort que consentent certains de nos voisins comme l’Espagne.
    Je souhaite revenir sur la question, ô combien importante, de l’évolution des effectifs de la justice judiciaire, au regard non seulement du nombre réel de postes créés, mais aussi de l’évolution des activités réalisées et des comparaisons internationales. Les organisations représentatives de magistrats ont fait valoir à de nombreuses reprises la situation de la justice française, qualifiée de « misérable », et nous ont fait considérer, par là même, le mauvais traitement que l’État inflige depuis plusieurs décennies aux usagers du service public de la justice, donc à nos concitoyens qui y recourent. S’agissant du nombre réel de postes de magistrats créés, le chiffre de 650 sous cette législature correspond à la différence entre les effectifs réels de 2021 et ceux de 2017, ce qui prend en compte une partie des créations d’emplois décidées sous la précédente législature, la durée de formation emportant un report dans la création effective des postes à pourvoir.
    Par ailleurs, l’activité des magistrats serait impossible sans celle des greffes et de leurs personnels. Les effectifs de ceux-ci seraient passés de 9 332 à 10 172 entre 2018 et 2021. Cependant, les greffiers ne sont pas les seuls fonctionnaires de greffe et, si près de cinquante postes supplémentaires de greffiers sont annoncés pour 2022, on comptera pour la même année, toutes catégories confondues, une dizaine de fonctionnaires de greffe en moins dans les tribunaux français. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est, monsieur le garde des sceaux ?
    J’en viens aux effectifs rapportés à l’activité. Notre système vit sous l’injonction de la réforme permanente : celle de l’organisation de la justice et celles du droit à appliquer. Pour ne faire qu’effleurer le sujet, je citerai la réforme du droit pénal, la réforme de l’aide juridictionnelle, la réforme de la procédure civile et la dématérialisation des procédures, mais il y en a d’autres. Les moyens ne suivent pas vraiment et, en l’état, seule une réparation de l’insuffisance criante est en cours. Comme je l’avais suggéré lors d’une question orale sans débat en février 2021, un bilan précis des postes nécessaires et des outils indispensables pour assurer la justice pourrait être fait dans le ressort de chaque cour d’appel, et un dialogue de gestion de type nouveau pourrait être institué au niveau de chaque juridiction qui en serait ainsi l’outil.
    Je note que les travaux pour établir un référentiel permettant de mesurer précisément les besoins sont toujours en cours sans qu’une date précise ne soit donnée sur leur aboutissement.
    J’en viens maintenant aux comparaisons internationales. Les plus récentes portent sur l’année 2018. Selon les données compilées et comparées par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) organe dépendant du Conseil de l’Europe, notre pays dispose de 10,9 juges et 3 procureurs pour 100 000 habitants, alors même que la Belgique en compte respectivement 13,3 et 7,7 avec une richesse comparable – et l’écart est encore plus grand si l’on considère la médiane.
    Pour en revenir au projet de budget pour 2022 de la mission Justice, l’évolution est globalement positive, mais vous le savez, monsieur le garde des sceaux, des interrogations et des inquiétudes subsistent, qui doivent nous conduire à ne pas nous satisfaire du présent, mais bien à accélérer le mouvement pour une justice avec des magistrats, des personnels de greffe et des moyens matériels à la hauteur de ce que nécessite notre justice.
    Espérant que l’effort sera réalisé et encore amplifié, les députés du groupe Socialistes et apparentés apporteront leur soutien aux augmentations envisagées. (Mme la rapporteure pour avis applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dimitri Houbron.

    M. Dimitri Houbron

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    Pour mieux comprendre les orientations budgétaires de la mission Justice, il convient d’analyser leurs trajectoires sur toute la durée du quinquennat afin d’évaluer les moyens mis en œuvre. Puisque nous parlons d’un budget, parlons des chiffres.
    Depuis le début du quinquennat, le budget de la justice a augmenté de 33 %, ce qui est historique. Ce sont notamment 700 magistrats supplémentaires, 850 greffiers embauchés et un plan de construction de 15 000 places de prison.
    Plusieurs piliers ont servi de guides à l’action du Gouvernement et de la majorité en matière de justice. Le premier est celui de la simplification de l’accès au droit pour l’ensemble de nos concitoyens. À cet effet, une procédure pénale numérique a été déployée il y a près d’un an après une expérimentation réussie. À ce jour, vingt-six juridictions reçoivent, stockent, signent et transmettent électroniquement les actes des tribunaux correctionnels : c’est quatre fois plus qu’en janvier dernier. Par ailleurs, 113 juridictions reçoivent de manière dématérialisée les procédures sans auteurs identifiés, alors qu’elles n’étaient que 6 en janvier dernier.
    L’accès au droit, c’est aussi l’accès à l’aide juridictionnelle. L’expérimentation d’un téléservice a déjà permis de diviser par trois les délais de traitement des demandes.
    L’accès au droit, c’est aussi une justice de proximité, de terrain, du contact – un sujet qui nous est cher à vous et à moi, monsieur le ministre. Concrètement, la justice peut être rendue hors des murs des tribunaux judiciaires grâce à une augmentation de 50 % des sites dédiés à des audiences foraines. Ainsi, grâce à 500 lieux de ce type, près de 10 000 décisions sont rendues chaque mois hors des tribunaux.
    Le deuxième pilier est le renforcement de l’efficacité de la justice. Permettez-moi, à cet effet, de faire l’autopromotion de la loi défendue par le groupe Agir ensemble et dont je fus rapporteur, à savoir la loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et la rapidité de la réponse pénale. Nous avons facilité le prononcé de travaux d’intérêt général et de travaux non rémunérés dans le cadre des alternatives aux poursuites, notamment avec la création d’une plateforme permettant à tous les acteurs de la justice un suivi précis de l’exécution des travaux d’intérêt général. J’en profite pour saluer l’excellent travail de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP) et de souligner que la plateforme TIG360 constituera un outil indispensable pour cartographier en temps réel l’offre des postes en TIG, offrir un espace de ressources et d’informations pour les tuteurs concernés et coordonner les acteurs compétents en la matière.
    Ce pilier fera l’objet de nouvelles propositions à l’occasion des états généraux de la justice, dans le cadre desquels il est proposé de déjudiciariser certains contentieux en matière civile, réservant l’office du juge aux sujets les plus complexes et réorganisant le travail avec les greffiers et les avocats, pour développer d’autres modes de règlement des différends. Dans sa globalité, l’objectif sera de trouver des pistes visant à simplifier et moderniser notre système judiciaire, ce qui nécessite de réduire les délais, de lever des contraintes et tempérer l’inflation normative.
    Le troisième pilier est le renforcement de la confiance dans la justice. Cet objectif a fait l’objet d’une loi qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire il y a moins d’une semaine. Bien sûr, ce chantier n’est pas encore achevé et donnera lui aussi l’occasion d’échanges à l’occasion des états généraux de la justice.
    Le dernier pilier est l’esprit de réforme. En effet, nous avons pris nos responsabilités en adoptant des réformes longtemps mises sous le tapis comme celle de la justice pénale des mineurs, la loi sur les violences sexuelles défendue notamment par ma collègue Alexandra Louis ou le projet de loi « confiance dans l’institution judiciaire », qui instaure l’autorisation de filmer les audiences.
    Dans le même esprit, d’autres dossiers seront à l’étude à l’occasion de ces états généraux : je pense notamment à la formation et aux passerelles avec les autres professions du droit, avec la possibilité pour les magistrats d’exercer au sein d’autres administrations au cours de leur carrière. Sur ce point, je suis également attentif à l’attractivité du métier d’agent pénitentiaire, une profession exercée par des personnes singulièrement investies et dévouées au quotidien.
    En conclusion, nous avons placé la justice au cœur des priorités du quinquennat, afin de renforcer le pacte qui la lie à notre société. Nous y voyons une mission indispensable pour garantir la stabilité de la cohésion sociale. Dans cette logique, le budget de la mission « Justice » sera augmenté de 8 % des crédits de paiement, une hausse comparable à celle de l’année précédente et qui confirme la volonté gouvernementale de consolider les fonctions régaliennes et singulièrement la justice de proximité.
    Le groupe Agir ensemble votera donc en faveur de ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Les projets de loi de finances précédant une année électorale ont toujours la saveur sucrée des gâteaux et des cadeaux de fin d’année.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est vrai !

    M. Pascal Brindeau

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    Avec ce projet de loi de finances pour 2022, on n’est pas déçu : c’est Noël en octobre ! Le traîneau du Père Noël s’est arrêté place Vendôme.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Excellent !

    M. Pascal Brindeau

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    Le budget est en augmentation de 8 %, comme l’an dernier, et les crédits de la mission Justice progressent au-delà…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous auriez préféré qu’on diminue les crédits ?

    M. Pascal Brindeau

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    Que se passe-t-il, monsieur le garde des sceaux ? Vous n’avez pas aimé ma blague sur le Père Noël…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’entends mal, là !

    M. Pascal Brindeau

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    Ah, vous ne l’avez pas entendue ? Eh bien, ce n’est grave, je la referai plus tard…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous auriez voulu qu’on diminue les crédits pour vous faire plaisir ?

    M. Pascal Brindeau

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    Ces augmentations, disais-je, vont au-delà de ce que prévoyait la loi de programmation et de réforme pour la justice, dont on peut se demander d’ailleurs pourquoi elle a été élaborée puisque, d’année en année, on constate qu’elle n’est aucunement suivie.
    Rappelons en outre qu’à périmètre d’intervention constant, le budget pour 2022 de l’État générera 32 milliards de déficit public en plus, ce dont à peu près personne ne semble se préoccuper actuellement.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Eh oui !

    M. Pascal Brindeau

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    Au-delà des chiffres globaux, nous constatons des déséquilibres dans la répartition des crédits, notamment entre la justice pénale et la justice civile, laquelle est pourtant la justice du quotidien de nos concitoyens, et entre les emplois précaires, d’assistant de justice, de juriste assistant, et les emplois pérennes.
    Dans l’administration pénitentiaire, le nombre de postes vacants reste inquiétant. La promesse de 7 000 places de prison supplémentaires reste non tenue. Certes, des créations sont en cours mais les livraisons sont retardées d’année en année. Quant à la tranche des 8 000 places supplémentaires, elle nous emmène au-delà de la fin du prochain quinquennat, les promesses n’engageant bien sûr que ceux qui les reçoivent.
    Je vous alerte également sur la dématérialisation des procédures de justice. Elle part d’une bonne idée mais il faut veiller à ce qu’elle ne renforce pas l’éloignement de nos concitoyens, alors que nous essayons de travailler collectivement à améliorer l’accès de tous à la justice. D’autres processus de dématérialisation dans les administrations publiques ont montré que certains usagers éprouvaient un sentiment d’exclusion, et ce pour des raisons qui ne sont ni générationnelles, ni sociales, ni économiques.
    Au-delà de ces crédits budgétaires qui progressent, reste une question plus large, qui sera peut-être prise en compte par les états généraux de la justice qui viennent d’être ouverts. Il n’est pas vrai que, depuis 2017, nos concitoyens aient plus confiance en la justice. Il n’est pas vrai non plus qu’ils la considèrent comme étant plus efficace, plus rapide ou plus accessible. C’est l’une des grandes faiblesses de ce quinquennat.
    Les députés du groupe UDI-I s’abstiendront sur le vote de ces crédits car cela fait bien longtemps qu’ils ne croient plus au Père Noël.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Très bien !

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Eh bien, vous avez tort !

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est assez étrange : avec ce budget de la mission Justice, on a l’impression d’être dans le monde parallèle de la Macronie où tout est parfait, où les augmentations de crédits se succèdent, où le ministre, avec sa morgue habituelle, peut venir nous expliquer que tout va bien : « Circulez, il n’y a rien à voir. » N’a-t-il pas dit en commission : « La justice a maintenant les moyens de fonctionner », sous-entendant que, si celle-ci désormais ne fonctionnait pas, ce serait peut-être un petit peu de sa faute à elle ? Et pourtant, les délais, qui ont explosé avec le covid, ne se résorbent que très peu, voire augmentent s’agissant de certains contentieux. Les moyens sont certes en hausse, mais nous ne partageons évidemment pas les objectifs qui sont visés.
    Le bilan n’est pas si glorieux que cela après quatre années d’une législature difficile et, pour faire diversion, vous nous organisez des états généraux de la justice, agitation de précampagne et tentative de faire la paix avec un monde judiciaire en difficulté.
    Alors, puisqu’il est de visiblement de bon ton de s’accorder des autosatisfecits à cette tribune, je vais moi aussi me livrer à cet exercice. La commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance de la justice, que je présidais, a rendu un excellent rapport qui a formulé dix propositions visant à améliorer la gestion budgétaire du ministère de la justice : des propositions très techniques, des bonnes pratiques, des choses toutes simples, comme vous les aimez, monsieur le ministre. Qui plus est, ces mesures relèvent du domaine réglementaire, donc de votre responsabilité immédiate : même pas besoin de passer par l’Assemblée, génial ! Et qu’avez-vous fait de ces dix propositions, monsieur le ministre ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Elles ne valent rien !

    M. Ugo Bernalicis

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    Elles ne valent rien, dites-vous ! Mais c’est extraordinaire. Allez donc le dire au haut fonctionnaire qui a piloté ce chantier de main de maître, M. Michel Bouvier. Nous n’avons fait que copier-coller ses préconisations.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà !

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Quel aveu !

    M. Ugo Bernalicis

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    Monsieur le ministre, vous avez déclaré vouloir, en sortant de ce ministère, pouvoir vous dire que ce que vous avez dit que vous feriez, vous l’avez fait. Vous l’avez fait, mais ça n’a pas donné grand-chose, peut-être parce que ce n’est pas ça qu’il fallait faire, et c’est là tout le débat politique. Ne vous en déplaise, il ne suffit pas de mettre des millions supplémentaires, avoisinant le milliard, pour venir se la raconter ensuite dans les médias et à cette tribune !
    Prenons d’abord la justice judiciaire. Nous constatons, le collègue Hetzel l’a souligné, 1 300 vacances de postes de fonctionnaires – pas de magistrats. Le problème, comme vous le savez, est que l’effectif cible ne correspond pas aux besoins. Mais peut-être aimeriez-vous réaffirmer devant cette assemblée qu’en réalité l’effectif cible correspond aux besoins et que tout va bien dans ce pays, cela servirait la cause pour démasquer votre imposture.
    Autant pour les fonctionnaires des services du greffe, vous pouvez mettre en avant le fait que l’école d’application tourne à plein et qu’il est difficile de recruter plus, ce qui nécessite de pratiquer une politique de sucres rapides en ayant recours à des contractuels – mais on a bien vu que vous supprimiez tout de même 107 postes de fonctionnaires de catégorie C dans ce budget –, autant vous ne pouvez pas utiliser cet argument pour ce qui concerne les magistrats, car il ne tient pas la route : l’École nationale de la magistrature ne fonctionne pas à plein, loin de là. Du reste, durant cette législature, quasiment un quart des augmentations de postes résulte de décisions prises par le gouvernement socialiste précédent. Vous pouvez dire merci à vos prédécesseurs car, sans eux, vous auriez bien du mal à vendre votre bilan. Vous n’avez procédé qu’à deux augmentations successives de seulement cinquante magistrats par an. À ce rythme, pour atteindre le nombre européen médian de magistrats par habitant, il ne nous faudrait pas moins de deux siècles ! Or nous n’avons pas deux siècles devant nous pour patienter avec vous – je ne le souhaite pas du moins.
    S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, on voit bien que votre ligne est d’enfermer une jeunesse délinquante mettant le pays à feu et à sang. L’ensauvagement, quoi – enfin, ça dépend : quand les chiffres baissent, il n’y a plus d’ensauvagement et chaque ministre met en avant son bilan !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais quel mépris !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous voulez construire des centres éducatifs fermés (CEF) au lieu de créer des places en milieu ouvert, qui ont montré leur efficacité, notamment en matière de prévention de la récidive. C’est cela qui devrait tous nous mobiliser.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    C’est de la bouillie !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous avez élaboré un code de la justice pénale des mineurs sans anticipation : allez-y, appliquez-le, le reste attendra !

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Quel mépris pour vos collègues : deux ans de travail !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah mais, c’est vous, avec vos politiques, qui méprisez tous les acteurs du monde judiciaire qui font ce qu’ils peuvent !

    M. le président

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    Monsieur le rapporteur pour avis, je vous demanderai de montrer envers les orateurs le même respect que celui qu’ils ont manifesté à votre égard. Monsieur Bernalicis, vous pouvez poursuivre dans la sérénité, sans être interrompu.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça ne me dérange pas, monsieur le président, vous savez, j’aime bien les échanges…
    Pour ce qui concerne l’administration pénitentiaire, nous constatons la plus forte hausse de crédits. Vous voulez construire encore et encore des places de prison : c’est la course à l’échalote, la surenchère permanente avec la droite. De toute façon, vous gouvernez à droite depuis quatre ans mais, même dans ce domaine-là, vous ne faites pas aussi bien que ce qu’elle voudrait. C’est dire comme tout cela est inutile !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est ça !

    M. Ugo Bernalicis

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    Là encore, il faudrait mettre le paquet sur le milieu ouvert, choix bien plus efficace en matière de prévention de la récidive.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Blablaba !

    M. Ugo Bernalicis

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    Et compte tenu des difficultés que rencontrent les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), on sait que les marges de progression sont substantielles.
    Je termine, monsieur le président, par l’aide juridictionnelle. Vous avez augmenté l’unité de valeur de référence, la faisant passer de 34 euros à 36 euros : tant mieux pour les avocats, ils le méritent et c’est un dû. En revanche, vous ne pouvez pas changer les critères d’éligibilité, ce qui fait que beaucoup de Françaises et de Français continueront de ne pas pouvoir bénéficier de l’aide juridictionnelle. Mais nous allons nous dépêcher de prendre votre place, monsieur le ministre, pour faire de la justice un beau ministère !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Annoncés pour le mois de juin, les états généraux de la justice ont finalement été ouverts lundi dernier 18 octobre. Ils prétendent remettre à plat le fonctionnement de la justice et restaurer la confiance entre l’institution judiciaire et les Français. Est-il possible qu’un tel chantier, lancé à la toute fin du mandat du Président de la République, relève ces défis en quatre mois seulement, dans un contexte de campagne électorale ? Nous ne le pensons pas, pas plus que les professionnels qui sont d’autant plus sceptiques que, cette fois encore, ils n’ont été ni associés, ni informés de l’organisation et des thèmes retenus pour ces états généraux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est faux !

    M. Stéphane Peu

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    Le Syndicat de la magistrature considère qu’il s’agit d’un « pur affichage » tandis que l’Union syndicale des magistrats estime que cette consultation arrive trop en fin de quinquennat pour être prise au sérieux ; le Syndicat des avocats de France qualifie pour sa part ces états généraux d’« exercice de communication au service de l’exécutif ».

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Extraordinaire !

    M. Stéphane Peu

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    Reconnaissons qu’ils ont été échaudés par la réforme de la justice pénale des mineurs. Dans un communiqué du 30 septembre, le collectif national « Justice des enfants », qui réunit l’essentiel des professionnels concernés, déplore « une justice obéissant à des logiques gestionnaires et comptables soumise aux injonctions du temps politique et non du temps judiciaire et éducatif nécessaire à un accompagnement efficace de l’enfant ». Échaudés, ils l’ont été aussi par la mise en œuvre de la réforme de l’organisation judiciaire, qui a abouti à un bouleversement complet de la carte judiciaire et des principes qui la gouvernait. Échaudés, enfin, ils l’ont été également par le nombre des années passées à subir l’austérité budgétaire que ce budget 2022 de la justice ne parvient pas à effacer.
    Certes, doté de 8,9 milliards d’euros, il connaît une nouvelle augmentation de 8 % en 2022, mais celle-ci s’inscrit en réalité dans le cadre de la loi de programmation de votre prédécesseure, Mme Belloubet, ce qui ne vous autorise pas à clamer victoire tant le retard à combler est grand.
    Nous savons tous que cette augmentation va profiter principalement au budget de l’administration pénitentiaire et à l’accélération du programme de construction de 15 000 places de prison, projet discutable quand on sait que l’augmentation du parc n’a jamais permis de répondre à la surpopulation carcérale. Ces vingt-cinq dernières années, 30 000 places de prison ont été créées sans que cela ait d’effet.
    Malgré cette augmentation, le budget de la justice est très en deçà des besoins et reste bien en dessous de la plupart des pays européens. Le rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, publié l’an dernier, a confirmé ce retard pris par notre système judiciaire. Ainsi, la France compte moitié moins de juges que la moyenne européenne et quatre fois moins de procureurs. Elle consacre 69 euros par an et par habitant à la justice contre 84 euros en moyenne chez nos voisins.
    Comment la justice pourrait remplir convenablement ses missions, alors que partout manquent les magistrats, les greffiers et les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse ou de l’administration pénitentiaire ? Comment croire que votre réponse consistant à recruter des contractuels non formés, mal rémunérés et au statut précaire soit efficace et durable ? Comment expliquer, sinon par votre soumission à une logique comptable, que vous refusiez de recruter et de former des magistrats et des greffiers, alors même que la vacance structurelle des postes est de 7 % au niveau national et qu’aucun contractuel n’est en mesure de les remplacer dans leur travail ?
    Faute de moyens sonnants et trébuchants, vous avez depuis quatre ans, pour donner le change, accumulé les textes législatifs, toujours dans l’urgence, toujours sans concertation, sans vision globale, complexifiant ainsi inutilement le système judiciaire et alourdissant la tâche des professionnels au détriment du justiciable. Le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, souligne lui-même qu’« aucun autre corps n’a fait face à autant de réformes depuis vingt ans, ni assimilé une telle inflation des normes ».
    Le temps passe et la justice demeure, dit-on ; certes, le temps passe, mais cette année encore, pour que la justice demeure, c’est moins sur votre budget qu’il faudra compter que sur l’infinie patience et l’esprit de responsabilité des hommes et des femmes qui font vivre le service public de la justice. Nous leur disons notre gratitude et, par respect à leur égard, en toute cohérence, nous voterons contre ce budget, contre votre absence d’ambition. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    M. le président

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    Nous en avons terminé avec les interventions des porte-parole des groupes. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je vais essayer, en l’espace de dix minutes, de rétablir un certain nombre de contre-vérités qui ont été énoncées.

    M. Ugo Bernalicis

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    Rétablir des contre-vérités : excellent !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Tout d’abord, après avoir augmenté de 8 % en 2021, le budget du ministère connaîtra une hausse identique en 2022. Tous ceux – ils se reconnaîtront – qui soutenaient que le budget pour 2021 ne serait jamais reconduit, nous les avons fait taire.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    C’est ce qui les gêne !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Peut-être faut-il en effet parler d’autosatisfaction, monsieur le rapporteur spécial ; en tout cas, je ne vois aucune raison de nous adonner à l’autoflagellation.

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Tout à fait !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Soyons réalistes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’ai pas à rougir des chiffres que je m’apprête à vous répéter, car vous les avez oubliés entre-temps : au-delà des débats politiciens classiques, on peut difficilement tricher lorsqu’il s’agit de chiffres. Dans le domaine de la justice, 7 400 emplois auront été créés en cinq ans, ce qui porte le nombre total de personnels du ministère à plus de 90 000 : que vous le vouliez ou non, que vous ricaniez ou non, ce niveau est historique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) Ces douze derniers mois, un plan d’embauche absolument inégalé des services de la Chancellerie a concerné 3 450 personnels. En 2022, 720 personnes supplémentaires seront recrutées dans les centres pénitentiaires. S’agissant des magistrats, monsieur Peu, le taux de vacance ne s’élève pas à 7 % mais à 0 % ; sans même compter le remplacement de ceux qui partent à la retraite, cinquante nouveaux embauchés s’ajouteront aux 9 090 magistrats actuels. Le quinquennat où votre bord s’est trouvé au pouvoir, monsieur le rapporteur spécial, s’était soldé par 102 magistrats de moins !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    C’était en 2012, il y a dix ans !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quand je vous entends, fort d’un tel bilan, nous donner des leçons, je ne peux m’interdire de m’en amuser – sur le mode caustique !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    La réciproque est vraie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Durant le mandat suivant, il y a eu 27 magistrats de plus ; durant celui-ci : 650. Voilà les chiffres : ils sont incontestables, indiscutables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Et les postes vacants ? C’est de l’affichage, monsieur le ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ricanez donc : voilà la réalité ! Concernant les greffiers, monsieur le rapporteur spécial, nous sommes passés de 9 332 personnes début 2018 à 10 172, le taux de vacance s’élevant à 6 %, contre 16 % ou 17 % précédemment. Tels sont les efforts que nous avons accomplis : il faut y ajouter 340 recrutements pour la protection judiciaire de la jeunesse au cours du quinquennat et, pour les surveillants, un taux de vacance tombé à moins de 5 %. Encore une fois, les chiffres sont incontestables. Encore une fois, je ne sais pas s’il convient de parler d’autosatisfaction, mais il n’y a là aucun motif d’autoflagellation.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Encore une fois, il vaudrait mieux faire preuve de réalisme !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Par ailleurs, je souhaiterais consacrer quelques instants à la justice de proximité, qui constitue notre deuxième priorité après le renforcement des personnels : 600 juristes assistants spécialisés et plus de 1 000 délégués du procureur permettent de former réellement une équipe autour du magistrat. Vous reprochez à ce dispositif de n’être pas pérenne : c’est faux. Il dure trois ans renouvelables. Vous dites que ces assistants n’ont aucune formation : ils sont titulaires d’un master 1 ou d’un master 2 et se sont parfaitement intégrés au sein des parquets. Laissez-moi vous expliquer ce qui s’est vraiment passé. Nous avons privilégié le pénal. Les assistants sont arrivés auprès des procureurs, qui disent – retenez bien la formule – : « Nous avons maintenant des problèmes de riches. Nous avons réalisé ce que nous espérions réaliser depuis quinze ans. » Ce qu’entendant, les magistrats du siège ont demandé à bénéficier du même apport. Je n’ai évidemment rien à leur répondre, indépendance oblige, mais nous avons signé des contrats d’objectifs dont le premier des deux volets prévoit d’affecter à la justice civile 1 000 juristes assistants de haut niveau – je le répète, il n’est pas question de personnels non formés, soutenir cela est une hérésie sans fondement.
    Monsieur le rapporteur spécial, les résultats importent plus que la critique, surtout nihiliste. Les voici : à Nanterre, 500 affaires civiles de plus seront jugées d’ici à la fin de l’année ; chacune supposant au moins deux parties, ce sont 1 000 justiciables qui vont enfin bénéficier d’une décision. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) Les chiffres ne sont même pas encore stabilisés, car cette politique ne remonte qu’au mois d’avril. En matière pénale, comme l’a rappelé M. Houbron, 10 000 décisions ont été rendues hors les murs ! Nous avons rouvert des juridictions, permis à la justice de revenir dans des villes dépossédées depuis quinze ans ! Des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire vont désormais assurer 300 vacations. S’agissant des frais de justice indispensables pour mener les enquêtes, ordonner les expertises, les crédits budgétaires auront augmenté de 158 millions en deux ans, soit 32 %. Quant à l’aide juridictionnelle, je disais l’an dernier – si ces murs ont des oreilles, ils n’ont apparemment pas de mémoire – qu’à 50 millions la première année succéderait une deuxième tranche du même montant : nous avons tenu parole, ce n’est pas plus compliqué que cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Pour l’aide aux victimes, 8 millions, soit 25 % de crédits supplémentaires en un an, ont été consentis. Vous pouvez ricaner !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je n’ai pas ricané !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous avez raison, car les chiffres sont là ! En matière d’accès au droit, monsieur Bernalicis, il existe désormais 2 000 point-justice répartis dans tout le territoire, les audiences foraines se multiplient : encore une fois, ricanez donc !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne ricane pas, je suis affligé !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Dans le domaine pénitentiaire, j’entends la droite récriminer en permanence : monsieur Millienne, je vous remercie d’avoir rappelé ce qu’il convenait de rappeler. Certains se tortillent au micro – moins à cette tribune, d’ailleurs, que dans les médias – en répétant à quel point nous avons besoin de nouveaux établissements, mais ils envisagent toujours leur installation dans la circonscription d’à côté !

    Mme Naïma Moutchou

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    Ah ! Oui, oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous avons obtenu 8 000 places réparties entre différents sites : il a fallu convaincre les élus, les faire venir. C’est pourquoi je tiens à saluer le courage républicain de ceux qui acceptent que les prisons indispensables à ce pays soient construites dans leur territoire. Vous pouvez hurler, vous pouvez vous esclaffer, mais je vais vous les donner, les chiffres, car ils sont incontestables : j’ai visité 2 000 places déjà créées (M. Ugo Bernalicis rit) et dont il est regrettable que vous n’alliez pas également constater l’existence. Rendez-vous entre autres à Lutterbach, monsieur le député ! Sur quatorze chantiers, 4 000 autres places sont en train de sortir de terre ; j’en ai également visité certaines, y compris dernièrement au sud de Caen, à Ifs. La commission des lois a reçu des photographies de ces travaux, auxquels s’ajouteront à partir de décembre ceux qui doivent produire 1 000 places de plus, portant le total à 7 000 – conformément aux engagements du Président de la République.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Les engagements du Président de la République portaient sur 15 000 places en cinq ans !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quant aux 8 000 places que j’évoquais, je m’en suis personnellement occupé : les choses ont été compliquées, notamment auprès de députés de votre bord, monsieur le rapporteur spécial, qui ne voulaient pas d’établissement pénitentiaire chez eux. J’entends le rappeler ici ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) Je souhaite au contraire rendre hommage au maire d’Angers, qui a appelé de ses vœux – vous le savez mieux que personne, madame la députée – la création d’un tel établissement. De même, à Magnanville, nous avons rencontré des attitudes républicaines. Il est impératif de construire des prisons, non pour incarcérer davantage, ainsi que l’a dit M. Savignat, mais pour incarcérer dans des conditions qui soient enfin dignes. Sur ce point, après moult condamnations de l’État par la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel, nous nous sommes tous retrouvés lors de l’examen de ce texte en commission. Du reste, monsieur le rapporteur spécial, il est assez curieux que vous nous reprochiez un trop grand nombre de détenus, alors que votre famille politique nous répète sans cesse que la justice française est laxiste !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Nous disons qu’il n’y a pas assez de places de prison : ce n’est pas la même chose !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je rappelle d’ailleurs que le quantum des peines a augmenté de plus d’un quart en moins de vingt ans. Nous veillons à la transformation numérique, dont les progrès sont énormes : 205 millions investis dans l’informatique, soit une hausse de 69 millions en deux ans. Contrairement à ce que vous dites, les services de la procédure pénale numérique seront accessibles dans toutes les juridictions de France d’ici à décembre 2023. Pour 2022, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux : interconnexion avec les huissiers, gestion des scellés numériques, signature qualifiée à distance, le tout représentant 28 millions d’investissements, dont le plan de relance et le Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) financeront la moitié.
    J’en ai terminé ; je répondrai, bien sûr, aux questions que vous voudrez bien me poser. Quant aux états généraux de la justice, nous disposons désormais des premiers résultats des connexions de nos concitoyens. Oui, vous pouvez ricaner : vous devriez voir le nombre de ceux qui se sont manifestés.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Parce qu’ils sont insatisfaits !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La démocratie est quelque chose à quoi prendre garde, car nous y sommes tous très attachés. Je le répète, nombreux sont les citoyens qui s’intéressent aux états généraux, qui viennent dire ce qu’ils ont à dire au sujet de la justice,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Grâce à un super questionnaire, aucunement orienté !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …qui participent à une critique – pourquoi pas, j’en accepte l’augure ! – mais aussi à une construction – contrairement à vous, monsieur Bernalicis, dont la critique est nihiliste. Ils sont là, ils nous regardent : ils espèrent beaucoup de ces états généraux. Quand on ne fait rien, on est critiqué ; quand on fait quelque chose, on l’est aussi. Si le Président de la République n’agit pas, on dit qu’il pense à sa campagne électorale ; s’il agit, on dit la même chose. Vous vous débrouillerez avec vos contradictions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) Pour ma part, je suis fier de participer à des états généraux susceptibles d’améliorer la justice de notre pays, car c’est dans ce but que les ont envisagés nos deux plus hauts magistrats. (Mêmes mouvements.)

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Bravo !

    M. le président

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    Nous en venons aux questions, dont je rappelle que la durée – de même que celle des réponses, monsieur le ministre – ne peut excéder deux minutes.
    La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.

    Mme Nicole Dubré-Chirat

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    Cette question émane de Coralie Dubost, à qui j’exprime tout notre soutien à la suite de l’agression dont elle a été victime. Elle porte sur la revalorisation de la rémunération des experts psychiatres et psychologues.
    Qu’il s’agisse des gardes à vue, d’aménagements de peines, d’affaires de terrorisme ou d’infractions sexuelles, l’expertise médico-légale se trouve au cœur de notre système judiciaire. L’année passée, 49 148 expertises psychiatriques ont été réalisées : c’est là un travail incommensurable. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le nombre de ces experts diminue alors que leur tâche va croissant, les juges recourant de plus en plus à eux. De surcroît, les frais d’expertises n’avaient pas été revalorisés depuis des années.
    Monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes rendu il y a un mois au tribunal judiciaire de Montpellier afin d’évoquer le renforcement de l’attractivité des missions d’expertise psychiatrique et psychologique. Vous avez alors annoncé plusieurs mesures en vue d’une meilleure rémunération de ces dernières : revalorisation de la tarification des expertises, de l’indemnité de comparution – augmentée de 129 % –, simplification du recours à l’expertise hors norme. La hausse exceptionnelle de 8 % dont bénéficie le budget de vos services pour la deuxième année consécutive, et dont nous nous félicitons, ne doit pas faire oublier que les frais de justice constituent une part essentielle de ces dépenses, en vue d’une justice plus proche et plus réactive aux besoins de la population. Revoir la tarification des expertises est aujourd’hui essentiel : pourriez-vous donc détailler la trajectoire budgétaire correspondante ?

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avant toute chose, j’aurai une pensée émue pour Coralie Dubost, avec qui j’ai déjà eu l’occasion de prendre contact après la scandaleuse agression dont elle-même et son compagnon ont été victimes. La question qu’elle m’adresse porte sur un domaine qu’elle connaît bien, puisque j’avais eu le plaisir de me rendre avec elle à Montpellier afin d’y faire les annonces que vous avez évoquées : 80 % des expertises psychiatriques, les expertises classiques, passent par exemple de 429 à 507 euros, soit une augmentation de 18 % ; d’autres revalorisations sont prévues lorsque l’expert s’exprime à la barre.
    En dix ans, le nombre d’experts psychiatres a baissé de 34 %, passant de 537 à 356 : il était urgentissime d’agir, ce que nous avons fait. En 2019, plus de 49 000 expertises psychiatriques et 39 000 expertises psychologiques ont été ordonnées : elles sont essentielles au bon fonctionnement de la justice, et le législateur entend d’ailleurs les rendre obligatoires dans de plus en plus d’affaires. Partant de ce constat, le Gouvernement ne pouvait rester inerte. Je suis donc particulièrement fier de ces augmentations substantielles, auxquelles les experts psychiatres et psychologues m’ont déjà fait savoir qu’ils avaient été très sensibles. Des partenariats sont également en cours d’élaboration entre le monde judiciaire et les universités qui forment les psychologues et psychiatres, afin de développer l’appétence de ceux-ci pour la matière expertale qui nous est si chère et dont nous avons si grand besoin.

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Ma question porte sur le pourcentage de postes vacants dans les services de greffe des tribunaux. C’est un problème récurrent, qui explique en partie le nombre d’affaires en souffrance – 1,1 million en matière civile, cela a été rappelé tout à l’heure – et l’allongement des délais de justice. Au-delà des questions budgétaires et du recrutement, je m’interroge sur les moyens que le Gouvernement pourrait dédier et sur la politique qu’il pourrait mettre en œuvre pour rendre le métier de greffier plus attractif. C’est en effet la question de l’attractivité que posent les vacances constatées. Ce métier important, au cœur de la machine judiciaire, est souvent mal connu de nos concitoyens et mal reconnu. Se pose, enfin, la question de la formation à ces métiers du droit.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ni père Noël, ni père Fouettard, monsieur le député Brindeau. La question des greffiers est centrale. Vous me concéderez que le pourcentage de postes de greffiers vacants a considérablement diminué, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, passant de 17 % à 16 %, puis à 6 % aujourd’hui. Pourquoi constate-t-on encore de la vacance néanmoins ? D’abord, parce qu’il faut former les greffiers. La formation dure dix-huit mois, et l’école tourne à plein régime. C’est la raison pour laquelle nous avons envoyé en juridiction des renforts de greffe, non seulement pour les procureurs mais aussi pour les juges civils. La difficulté, pour les greffiers présents, a été de former ces effectifs arrivés en renfort – c’est aujourd’hui chose faite. Les discours que j’entendais au début ne sont plus ceux que j’entends, car tout le monde se félicite de ce qui a été fait. Je tiens d’ailleurs à dire à la représentation nationale que ces emplois nouveaux seront pérennes, car personne ne pourra s’en passer.
    Comment régler, ensuite, la question de l’attractivité du métier ? Il n’existe, selon moi, pas de difficulté. Il y a aujourd’hui des greffiers, et de nombreux jeunes étudiants en droit aspirent à cette fonction. Il conviendrait en revanche de mener une réflexion sur la façon de recentrer les greffiers sur leur cœur de métier : des travaux sont en cours sur cette question à la Chancellerie. Les états généraux de la justice sont une formidable occasion pour les greffiers de s’exprimer sur les plateformes et de dire ce qu’ils ont à dire. Quand, il y a longtemps de cela, j’ai reçu les représentants des organisations syndicales, je les ai invités à réfléchir à la façon dont ils souhaitaient travailler et à faire part de leurs éventuels souhaits de changements, en soulignant qu’ils avaient face à eux – pardon, monsieur le député Hetzel : autosatisfaction, quand tu nous tiens !  – un ministre qui est à l’écoute.
    Vous avez rappelé, monsieur le député Brindeau, le nombre d’affaires en stock en matière civile. J’ai évoqué, quant à moi, le nombre de dossiers supplémentaires qui pourront être traités à Nanterre : sachez qu’à Lyon, ce sont 800 dossiers de plus qui pourront être traités d’ici la fin de l’année grâce aux renforts de greffe et juristes assistants. Il est évident que les greffiers sont au cœur de la justice de notre pays.
    D’autres évolutions peuvent être envisagées. Je reviens des Pays-Bas où les greffiers font du juridictionnel – comme les avocats, d’ailleurs – une fois par mois. Voilà une autre piste qui pourrait être étudiée dans le cadre des états généraux. Il y a donc beaucoup de pistes et, si vous en avez d’autres, monsieur le député Brindeau, la porte de la Chancellerie est grande ouverte.

    Mission Justice (état B)

    M. le président

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    J’appelle les crédits de la mission Justice, inscrits à l’état B.
    La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir les amendements nos 353, 354 et 355, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Marietta Karamanli

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    Compte tenu des faibles possibilités dont nous disposons pour modifier les crédits inscrits dans les missions, nous sommes contraints de proposer des transferts d’un programme à l’autre. Nous proposons en l’occurrence un effort supplémentaire en faveur du programme Administration pénitentiaire, en créditant, selon l’amendement dont il s’agit parmi les trois, différentes actions : l’amendement no 353, vise à créer 1 000 postes de surveillants dans les prisons ; l’amendement no 354 vise à renforcer le budget consacré à l’accompagnement des personnes placées sous main de justice, en particulier afin de favoriser leur réinsertion ; l’amendement no 355 vise à renforcer le budget de l’administration pénitentiaire.
    Il s’agit donc notamment, pour nous, de concrétiser l’effort nécessaire en matière de personnels que j’ai défendu tout à l’heure au nom de notre groupe.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    S’agissant d’abord de l’amendement no 353, je partage votre constat, madame Karamanli : le taux de vacance reste trop élevé dans l’administration pénitentiaire. Ce sont aujourd’hui 1 300 postes qui sont concernés. Vous avez raison de dire que des recrutements sont nécessaires, mais j’alerte sur un point : si 1 000 surveillants supplémentaires étaient recrutés, comme vous le proposez, il faudrait aussi redimensionner l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). Il se pose en effet aujourd’hui un problème d’attractivité. Sur ce point, la Chancellerie n’a pas encore « mis le paquet » et un travail très important reste à faire : c’est la raison pour laquelle je parle d’un problème de pilotage. Avis de sagesse sur ce premier amendement.
    S’agissant ensuite de l’amendement no 354, je comprends son intention. L’accompagnement des détenus est évidemment indispensable, pour de multiples raisons : favoriser la réinsertion ou prévenir la récidive. Néanmoins, hormis le montant proposé, votre proposition me semble trop vague, madame la députée, pour que nous puissions l’adopter. S’agit-il de donner davantage de moyens aux services pénitentiaires d’insertion et de probation ? Faut-il recruter des conseillers d’insertion ? Il manque un fléchage des crédits. Sur ce sujet également, je laisserai le Gouvernement s’exprimer, mais vous pointez un vrai problème de pilotage, qui rejoint mes propos précédents.
    Enfin, vous demandez au travers de l’amendement no 355 de renforcer le budget de l’administration pénitentiaire de 50 millions d’euros pour améliorer les conditions de détention. À ce sujet, je le répète : il faut construire de nouvelles places de prison. Je vous suggère de visiter le centre pénitentiaire de Lutterbach, dans le Haut-Rhin, qui ouvrira en novembre – M. le garde des sceaux y a fait référence. Vous pourrez ainsi constater par vous-même que les conditions de détention n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient jusqu’alors.
    Il revient néanmoins au Gouvernement de faire un meilleur usage des crédits que nous votons, et c’est là que le bât blesse : on s’aperçoit aujourd’hui qu’il est dans une logique d’affichage car, d’année en année, nous votons des crédits qui ne sont pas consommés. Je voudrais citer un exemple qui contredit les affirmations du Gouvernement : il existe dans ma circonscription un centre de détention, celui d’Oermingen – vous vous y êtes rendu, monsieur le garde des sceaux – qui pourrait être agrandi et où pourrait être implanté un centre éducatif fermé. Pourtant, en dépit des possibilités qui existent et de l’unanimité des élus, rien ne se passe ! J’émets également un avis de sagesse sur ce troisième amendement, laissant le soin de à M. le ministre de donner l’avis du Gouvernement.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    S’agissant de l’amendement 353, madame la députée, le PLF pour 2022 prévoit d’ores et déjà la création de postes de surveillants pénitentiaires pour accompagner la création de nouveaux établissements et pour renforcer les pôles permettant la mise en œuvre et le suivi des placements sous surveillance électronique, à hauteur de 179 créations nettes de postes sur les 599 prévues par le budget.
    Ce sont 4 500 recrutements supplémentaires pour l’administration pénitentiaire au cours du quinquennat, effort évidemment considérable. Très concrètement, la proposition de créer 1 000 postes supplémentaires en 2022 nécessiterait de porter à environ 2 400 le nombre de recrutements par concours pour assurer ces créations et combler les départs, ce qui excéderait à la fois le vivier des candidats potentiels et les capacités de l’ENAP. J’émets donc un avis défavorable.
    S’agissant de l’amendement no 354, la dotation allouée à la réinsertion des personnes placées sous main de justice est portée par le présent projet de loi de finances à 108,5 millions d’euros, soit une progression de 16,16 % par rapport aux crédits votés pour 2021. Cette enveloppe permet de soutenir la mise en en œuvre de plusieurs priorités : le développement du travail en détention à hauteur 44,2 millions d’euros et la mise en place d’un statut du détenu travailleur – réforme à laquelle je suis particulièrement attaché – pour 10 millions d’euros ; un dispositif de formation professionnelle des personnes détenues, à hauteur de 17 millions d’euros ; un dispositif d’aide matérielle et financière pour lutter contre la pauvreté en détention et faciliter la réinsertion du public pris en charge, à hauteur de 6,9 millions d’euros ; une politique de préparation à la sortie et à la réinsertion, à hauteur de 29 millions d’euros, et un partenariat avec l’éducation nationale, pour 1,3 million d’euros.
    Votre amendement souligne la pertinence des politiques pénales qui reposent notamment sur la mise en place d’un système d’accompagnement permettant de donner du sens à la peine. Je suis évidemment totalement d’accord avec vous. C’est la raison pour laquelle nous avons alloué autant de crédits et prévu autant d’actions en faveur de la réinsertion des personnes placées sous main de justice dans le présent PLF. Là encore l’avis sera donc défavorable.
    S’agissant enfin de l’amendement n° 355, je vous le dis d’emblée, madame la députée, vous me trouverez toujours à vos côtés pour améliorer les conditions de détention dans notre pays. Il y va de l’honneur de la France, et c’est pourquoi l’administration pénitentiaire consacre chaque année des moyens importants à l’amélioration des conditions de détention, en particulier au travers des crédits dédiés à la rénovation du parc immobilier –130 millions d’euros depuis 2018, soit un doublement de la dotation antérieure.
    À Fleury-Mérogis, pour citer un exemple dont on a peu parlé, tout a été rénové, et des douches individuelles ont été installées dans toutes les cellules : c’est bien le moins, mais il fallait le faire. Par ailleurs, le programme de construction de 15 000 places de prison dont je viens de vous présenter l’état d’avancement vise à résorber la surpopulation dans les maisons d’arrêt et à atteindre l’objectif d’un taux de 80 % d’encellulement individuel. Je rappelle qu’une voie de recours spécifique contre les conditions de détention indignes a été créée à l’initiative de M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat. Cela nous pousse évidemment à agir avec force et cela nous engage.
    Avec un total de plus de 632 millions d’euros de crédits dédiés à l’immobilier pénitentiaire, soit une hausse de 62 % en deux ans, les moyens sont à la hauteur de nos ambitions. L’avis du Gouvernement sera donc là encore défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Plus on construit de prisons, plus on a effectivement besoin de surveillants pénitentiaires : pas besoin d’être un aigle pour arriver à cette conclusion. Or le recrutement de surveillants pénitentiaires se heurte à de grandes difficultés, et ce depuis des années ; on le voit dans les établissements d’Île-de-France, qui accueillent des surveillants stagiaires très majoritairement issus des outre-mer.
    Je profite d’ailleurs de cette occasion pour vous alerter sur leurs conditions de logement dans l’hexagone, qui se dégradent, comme se dégradent les conditions du congé bonifié – conçu pour leur permettre de retourner régulièrement auprès de leur famille –, depuis la réforme qui a supprimé la règle des deux mois de congé tous les trois ans. Cela constitue une souffrance supplémentaire qui explique le grand nombre de défections chez les élèves surveillants pénitentiaires. Assurer à l’avenir un recrutement de qualité est dans ces conditions un véritable défi.
    Ne pas créer des places de prison supplémentaires permettrait de ne pas avoir à recruter des surveillants supplémentaires, en tout cas pas autant qu’aujourd’hui, et de leur donner les moyens de faire leur travail correctement et d’être correctement rémunérés. Pour l’heure en effet, leurs rémunérations sont bien en deçà de la grille indiciaire des policiers, par exemple, alors qu’ils sont, eux aussi, exposés à des tensions assez fortes – et c’est un euphémisme.
    Sans nier l’intérêt de ces amendements, je ne souhaite donc pas qu’ils soient adoptés, puisque je suis favorable à une déflation carcérale et donc pénale, l’une n’allant pas sans l’autre.
    Enfin, comme vous devez le savoir, monsieur le ministre, votre cabinet étant systématiquement informé de ces visites, je suis allé récemment visiter la prison de Bonneville, non loin d’Annecy. Ils ont besoin, là-bas de places en centre de détention, pour éviter d’envoyer les condamnés à de longues peines très loin de leur famille, et vous, vous proposez des places supplémentaires en maison d’arrêt ! Alors, s’il vous plaît, faites preuve d’un peu de bon sens, même quand vous allez visiter des établissements pénitentiaires.

    M. Bruno Millienne

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    Ah, cette arrogance !

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Quel ton !

    M. Bruno Millienne

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    On peut quand même s’adresser aux gens sans leur manquer de respect !

    (Les amendements nos 353, 354 et 355, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce rappel se fonde sur l’article 98 relatif à la recevabilité des amendements. Deux de nos amendements ont été déclarés irrecevables, d’une façon assez étrange puisqu’ils visaient à augmenter le nombre de postes de magistrats et de greffiers.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Cela n’a rien à voir !

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est pour le moins cocasse, alors que c’est l’objet même des discussions budgétaires et qu’ils ont été déposés dans des conditions similaires à celles de l’année dernière. On nous explique que nous n’aurions pas assez motivé nos amendements, au regard de l’article 47 de la LOLF.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Vous ne travaillez pas assez !

    M. Ugo Bernalicis

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    Excusez-moi, mais les amendements des collègues laissent plutôt à désirer sur ce point !
    Je constate donc avec inquiétude qu’on ne nous permet pas de débattre de l’augmentation du nombre de magistrats et de greffiers. Le ministre aura beau jeu ensuite de m’accuser de faire preuve de nihilisme, de ne jamais rien proposer, bla-bla-bla – on connaît la musique ! Cette irrecevabilité n’est certes pas de son fait, mais encore moins du mien !

    M. le président

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    Je vous rappelle, monsieur Bernalicis, que cette décision est le fait du président de la commission des finances et qu’il ne m’appartient évidemment pas à ce stade de la commenter. Je ne peux ici que rappeler mon attachement au droit d’amendement des parlementaires.

    Article 20 (suite)

    M. le président

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    L’amendement no 356 de Mme Isabelle Santiago est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné en commission mais, à titre personnel, je donnerai un avis de sagesse. Il est vrai que le schéma d’emplois de la protection judiciaire de la jeunesse prévu pour 2022 ne compte que de 251 emplois, alors que le nombre de mineurs et de jeunes majeurs présents en détention a augmenté ces derniers mois et qu’il devrait atteindre d’ici quelques mois des niveaux similaires à ceux connus dès 2019. Outre la nécessité d’augmenter les effectifs, cet amendement pointe avec raison le fait qu’on prend du retard, puisqu’on nous avait annoncé la création de cinq nouveaux centres éducatifs fermés durant le quinquennat, ce qui ne sera pas le cas.
    En ce qui concerne le gage, en revanche, je suis plutôt dubitatif : le Gouvernement peut proposer une augmentation du budget sans la gager. La balle est dans son camp.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse ayant été renforcés. La réforme du code de justice pénale des mineurs qui vient d’entrer en vigueur a été anticipée dès l’année 2018 : 252 nouveaux emplois ont été créés durant ce quinquennat pour accompagner cette réforme de la justice des mineurs, et 110 dans les métiers du social, de l’insertion et de l’éducatif. À ce chiffre, il convient d’ajouter les 86 éducateurs recrutés en 2021 pour renforcer les effectifs de la justice de proximité.

    (L’amendement no 356 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 398.

    M. Ugo Bernalicis

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    Cet amendement, rescapé du filtre de la commission des finances, tend à augmenter les moyens des juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, qui, comme vous le savez, traitent les affaires de criminalité organisée, soit les affaires les plus importantes, comportant de nombreuses ramifications. Or ces dossiers, qui sont ceux comptant le plus grand nombre de cotes, sont gérés par environ 150 magistrats, siège et parquet réunis, à quoi on peut ajouter les 18 magistrats du parquet national financier (PNF). C’est évidemment trop peu, au vu du nombre des dossiers, qui provoque l’engorgement du PNF, avec plus de 600 dossiers à instruire. Les JIRS croulent tout autant sous le nombre, un magistrat devant instruire trente dossiers en moyenne et pas n’importe quel dossier, je le répète.
    Il est nécessaire de mettre le paquet dans la lutte contre cette criminalité organisée qui chapeaute d’autres types de trafics et de délinquances. Un article tout à fait affligeant a été consacré par un journaliste du Monde au traitement de la délinquance économique et financière par la JIRS de Lille – et vous savez combien cette matière m’importe puisque j’y ai consacré des rapports, ici à l’Assemblée nationale, avec mon collègue Jacques Maire.
    C’est une question de justice, de justice sociale, mais aussi de justice fiscale. Il faut y consacrer davantage de moyens si on ne veut pas donner l’impression qu’il y a une justice à deux ou trois vitesses. En effet la faiblesse des moyens que l’on consacre à cette lutte tend à accréditer la thèse d’une justice largement à deux vitesses selon qu’il s’agit de lutter contre la délinquance « en col blanc » ou contre celle du tout-venant, qui elle, concentre tous les moyens : création d’un délégué du procureur, suppression du rappel à la loi, etc. Là il faut que ça aille vite et que ce soit efficace.
    Cet amendement est donc de salubrité publique.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Ces juridictions interrégionales, créées en 2004, regroupent en effet des magistrats expérimentés en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière, dans les affaires présentant une grande complexité.
    Vous faites bien de rappeler combien il est nécessaire de lutter contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Nous avions d’ailleurs dit, Pascal Brindeau et moi-même, quand nous travaillions sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales, qu’il fallait lutter contre toutes les formes de fraude et contre celle-là en particulier.
    Les JIRS rencontrent aujourd’hui un vrai problème d’attractivité.

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cela a été rappelé en commission, notamment à l’occasion de l’examen d’un amendement de notre collègue Émilie Cariou. Il y a là un véritable problème de pilotage. Je ne suis pas sûr en revanche qu’il soit nécessaire de créer un programme entièrement dédié aux JIRS, comme vous le proposez. Pour cette raison, je suis obligé de reprendre à mon compte l’avis défavorable de la commission.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je suis tout autant convaincu que vous, monsieur le rapporteur, qu’il n’est pas besoin de créer un programme dédié aux JIRS. Il s’agit pour moi, dans le respect de nos règles de discussion, de mettre l’accent sur la nécessité de lutter contre la délinquance économique et financière, sur laquelle nous sommes tous d’accord – sauf, je le vois bien, par le ministre.
    Depuis la création de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée, la JUNALCO, et le transfert à cette juridiction centralisée de dossiers relevant jusqu’ici du parquet de Paris où ils étaient également instruits, il n’y a plus, pour traiter ces dossiers, que treize magistrats instructeurs, contre vingt auparavant, et sept parquetiers : les effectifs n’ont donc pas du tout augmenté, ce qui est quand même pour le moins problématique.
    C’est à ces politiques d’affichage et de communication que je m’oppose. On prétend avoir créé je ne sais quel « machin », mais on ne lui donne pas les moyens d’agir. Il n’est pas étonnant que les JIRS n’arrivent pas à recruter des magistrats quand ils savent que sur les trente dossiers d’extrême importance que chacun aura à instruire, ils n’en traiteront effectivement que quatre ou cinq. Comment pourrait-on se satisfaire de telles conditions de travail ? S’agissant de dossiers qui concernent les plus grands délinquants, voire criminels de notre pays, il y aurait pourtant matière à mettre le paquet, et je déplore évidemment l’absence de réaction du ministre – mais nous y sommes habitués.

    (L’amendement no 398 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 395.

    M. Ugo Bernalicis

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    Cet amendement vise à augmenter le montant des crédits consacrés au placement à l’extérieur dans le budget de l’administration pénitentiaire. En effet le niveau de ces crédits stagne, après avoir diminué au tout début de ce quinquennat.
    Le placement à l’extérieur est une mesure d’aménagement de peine qui permet au condamné d’être placé à l’issue de sa détention dans une structure de type associatif, qu’il s’agisse d’une structure d’hébergement ou d’un accompagnement plus global, comme la ferme de Moyembrie, dont nous avons beaucoup parlé.
    Je veux à ce propos rendre hommage au travail accompli par ces intervenants pour accompagner la sortie de prison. Les détenus sont accueillis à la ferme pendant six mois à un an, voire plus, pour en guise de transition entre la détention et la réinsertion dans la société. Le plus souvent destiné aux longues peines, le placement à l’extérieur peut aussi être prononcé ab initio pour des peines plus courtes, à la place de la détention en établissement pénitentiaire.
    Cependant, le placement à l’extérieur ne dépendant quasi exclusivement que des ressources et des capacités associatives, il ne faut pas s’étonner que les magistrats ne puissent pas prononcer de décision de placement à l’extérieur, quand on n’y met pas les moyens.
    On nous avait dit pourtant que l’objectif était de sortir du tout carcéral et de mettre le paquet sur les alternatives à l’incarcération, les peines de probation autonomes. On voit bien que tout ça était de la poudre aux yeux et qu’en réalité votre seul objectif est de créer toujours plus de places de prison. Moins de prison, plus de peines en milieu ouvert, plus de placements à extérieur : voilà ce qu’il faudrait faire.

    M. Bruno Millienne

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    On a le droit de ne pas être d’accord avec vous.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Il y a deux semaines, le directeur de l’administration pénitentiaire, que j’auditionnais dans le cadre de mon travail de rapporteur spécial, m’a fourni des informations qui vont peut-être vous surprendre : en matière de peines de probation, du type travaux d’intérêt général, contrôle judiciaire ou stage de citoyenneté, la France est au deuxième rang européen, derrière l’Angleterre. Cela ne suffit donc pas à limiter la surpopulation carcérale et c’est bien le plan de construction de 15 000 places de prison qui doit être la priorité.
    Le projet de loi de finances pour 2022 consacre 8,3 millions d’euros de crédit au placement à l’extérieur. Vous proposez, monsieur Bernalicis, que ces crédits soient portés à 33 millions, soit un quintuplement : c’est très ambitieux ! Certes, il faut être particulièrement ambitieux sur ce sujet, mais de là à quintupler ces crédits !
    D’où l’avis défavorable de la commission, mais je ne conteste pas qu’il y a là un vrai problème et que la question du placement à l’extérieur ne doit pas être passée sous silence.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Le montant octroyé au placement à l’extérieur s’élève à environ 43 euros par jour et par personne accueillie dans une structure du type de celle de la ferme de Moyembrie. Par comparaison, le coût moyen d’un détenu dans un établissement pénitentiaire revient à environ 120 euros par jour, alors même que le placement en extérieur offre un taux de prévention de la récidive très nettement supérieur à celui de l’incarcération – sans parler des sorties sèches. Cette modalité d’aménagement et d’exécution de la peine permet donc d’obtenir des résultats à la hauteur des attentes.
    Je voudrais répondre au rapporteur sur un élément qui lui a été fourni par l’administration pénitentiaire – il a raison en un sens et je vais expliquer pourquoi. L’augmentation du nombre de peines de probation en France – travaux d’intérêt général, stages, etc. – s’est accompagnée d’un mouvement législatif d’inflation pénale : nous avons ainsi fait entrer davantage de monde dans le champ judiciaire des personnes placées sous main de justice. Il est vrai qu’à l’heure actuelle une part substantielle de la population – d’ailleurs en très nette progression – a affaire à la justice sans passer par la case prison, mais ces peines sont venues se surajouter et non pas se substituer, comme nous le pensions, aux peines de prison.
    Notre groupe politique en tire une leçon : si, demain, nous voulions faire de la peine de probation une peine autonome, cela ne résoudrait pas l’équation du trop grand nombre de gens incarcérés. Il faudrait modifier le code pénal lui-même afin que, pour certaines infractions, il ne soit plus possible de condamner la personne à une peine de prison mais uniquement à une peine de probation, de manière à favoriser les peines en milieu ouvert par rapport à l’incarcération.
    Au sein de la prison de Bonneville, que j’ai visitée dernièrement, 14 % des personnes détenues y étaient pour conduite en état d’ivresse en récidive. Certes, il s’agit d’un délit – je suis d’accord sur ce point – mais l’incarcération a-t-elle pour autant un sens dans ce cas ?

    (L’amendement no 395 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 613.

    Mme Mathilde Panot

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    Cet amendement d’appel vise à interpeller de nouveau le garde des sceaux sur l’affaire Khadija. Le pire qui puisse arriver à une plaignante, c’est que la justice ne lui reconnaisse pas le statut de victime, en ne la convoquant pas à son propre procès. C’est pourtant ce qui lui est arrivé.
    En 2017, Khadija porte plainte pour viols, tortures et actes de barbarie contre son conjoint. Une information judiciaire est ouverte, et Khadija se constitue parte civile. Elle se rend à toutes les convocations – auditions, confrontation, reconstitution, expertises. À l’issue de l’information, l’affaire est renvoyée pour être jugée devant la cour d’assises.
    Cependant, en septembre 2020, Khadija apprend par voie de presse que le procès s’est ouvert sans elle, la cour ne l’ayant pas convoquée. Son ex-conjoint a été condamné pour violences conjugales à huit ans de prison et a ainsi été reconnu coupable d’actes de violence d’une extrême gravité ; mais il a été acquitté des accusations de viol.
    Un dysfonctionnement judiciaire grave et manifeste n’a pas permis à ce procès de se dérouler dans le respect des règles les plus élémentaires. Khadija n’a pas pu exercer les droits reconnus à la partie civile : l’accusation et la cour se sont passées du principal témoin des faits. Malheureusement, il n’existe pas de procédure en droit français permettant de corriger cette irrégularité : aucun recours n’est possible. Si aucun texte ne permet d’annuler une décision dans laquelle la partie civile n’a pas été convoquée, le droit le plus essentiel de la victime d’être présente à l’audience n’est plus garanti.
    Depuis, Khadija mène un parcours du combattant non seulement pour que son statut de victime soit reconnu, mais surtout pour qu’un nouveau procès ait lieu. Comment un procès pour viol conjugal peut-il se dérouler sans que la victime soit entendue, alors qu’elle en est l’unique témoin ? Pourquoi le droit français ne prévoit-il pas une procédure permettant à la partie civile non convoquée au procès pénal de former opposition à l’arrêt d’acquittement ?
    Qu’avez-vous prévu, monsieur le garde des sceaux, pour Khadija et pour toutes les autres victimes, afin d’améliorer leurs droits en procédure pénale ?

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur spécial.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    S’agissant d’un amendement d’appel qui interpelle directement M. le garde des sceaux, je laisse ce dernier répondre. Dans la mesure où cet amendement n’a pas été examiné en commission, j’émets, à titre personnel, un avis de sagesse.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il est de règle constitutionnelle que le ministre de la justice n’intervienne pas sur une affaire en cours. Je ne connais pas personnellement cette affaire et je ne vois pas comment je pourrais la connaître en ma qualité de ministre. J’entends ce que vous dites mais je n’ai jamais, depuis que je suis ministre, formulé le moindre commentaire sur une affaire en cours. Cela s’appelle la séparation des pouvoirs, et c’est très bien ainsi.
    Le budget consacré à la justice comprend un volet « Aide aux victimes », dans le programme Accès au droit et à la justice que je vous invite à consulter : 40,3 millions d’euros y sont consacrés, soit une hausse de 26 % par rapport aux crédits votés à cette fin en loi de finances initiale pour 2021. Ce programme consacre ainsi une progression plus de trois fois supérieure à l’augmentation moyenne de l’ensemble du budget de la mission Justice.

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Nous n’ignorons pas le principe de la séparation des pouvoirs, mais, premièrement, cette affaire a été jugée et, deuxièmement, vous devriez la connaître personnellement.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Cela n’a rien à voir avec notre sujet !

    Mme Mathilde Panot

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    Pourquoi ? Parce que Khadija et son avocate ont tout essayé : je vous ai remis une lettre de la victime elle-même dans cet hémicycle – elle a été soutenue par plusieurs parlementaires sur différents bancs – et vous ai envoyé un courrier de son avocate, afin qu’elle soit reçue à votre ministère. L’avocate de Khadija a rédigé une lettre ouverte en ce sens, publiée dans le journal Libération.
    L’affaire Khadija, c’est bien sûr le combat d’une femme, mais c’est aussi et surtout l’illustration d’un dysfonctionnement judiciaire inacceptable qui devrait tous nous alerter et qui devrait vous choquer, monsieur le garde des sceaux.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Nous ne sommes plus vraiment dans le débat budgétaire !

    Mme Mathilde Panot

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    Il est ici question de la garantie des droits de tous les citoyens, qu’ils soient accusés ou victimes. C’est pourquoi nous aimerions obtenir une réponse.

    M. le président

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    Madame Panot, nous éloignons quelque peu de la discussion budgétaire, même si vos propos s’inscrivent dans la défense de votre amendement.
    La parole est à Mme Albane Gaillot.

    Mme Albane Gaillot

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    On semble s’éloigner de la discussion budgétaire, mais pas tant que cela. Lorsqu’on évoque la situation des victimes, notamment de violences conjugales, on parle aussi du fonctionnement de la justice et des moyens qui y sont consacrés. Vous formulez une réponse technique, alors que nous attendons une réponse politique.
    L’affaire Khadija n’est pas que le combat d’une femme, mais bien celui de toutes les femmes victimes de violences conjugales, qui luttent pour faire valoir leurs droits. Respecter ces femmes, c’est aussi reconnaître leur statut de victimes. Nous espérions une réponse de votre part, monsieur le garde des sceaux ; nous continuerons, avec Mathilde Panot et tous les collègues engagés sur ces questions, à défendre des amendements et des prises de position politiques pour vous interpeller sur le sujet. (Mme Mathilde Panot applaudit.)

    (L’amendement no 613 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 676.

    M. Pascal Brindeau

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    Cet amendement de notre collègue Philippe Dunoyer concerne la situation du centre pénitentiaire de Nouméa, décrite comme extrêmement préoccupante : les chiffres de 2019 faisaient état d’un taux d’occupation de l’établissement de plus de 122 % et de 130 % pour la maison d’arrêt.
    La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté avait formulé plusieurs recommandations et, plus récemment, le Conseil d’État, saisi par l’Observatoire international des prisons (OIP), a enjoint l’administration pénitentiaire de prendre plusieurs mesures destinées à améliorer les conditions de détention au sein de cet établissement, dans les plus brefs délais.
    Ces améliorations nécessitent, selon nous, d’augmenter les crédits du programme Administration pénitentiaire, afin de mettre en place un programme ambitieux de rénovation du Camp Est. Un amendement identique avait d’ailleurs été déposé dans le précédent projet de loi de finances et vous aviez alors indiqué que l’élaboration d’un schéma directeur de restructuration du Camp Est serait confiée à l’Agence publique pour l’immobilier de la justice avant la fin de l’année 2020.
    Il semble que la situation n’ait pas évolué. C’est pourquoi cet amendement vise à transférer 10 millions d’autorisations d’engagements et de crédits de paiement de l’action 04 Gestion de l’administration centrale du programme 310 Conduite et pilotage de la justice vers l’action 01 Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice du programme 107 Administration pénitentiaire.
    Notre collègue Philippe Dunoyer aimerait obtenir des précisions sur vos intentions en la matière.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    La Nouvelle-Calédonie est en effet un exemple type du manque de pilotage du plan « prison ». Le centre pénitentiaire de Nouméa connaît une situation « qui viole gravement les droits fondamentaux des personnes détenues », pour reprendre les termes du signal d’alarme tiré par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté en 2019, c’est-à-dire il y a plus de deux ans. Depuis, les choses avancent très lentement. Si tout va bien, le centre pénitentiaire de Koné ouvrira ses portes en 2022, mais ce sera en effet bien tardif, au vu de l’urgence de la situation. Je maintiens qu’il ne s’agit pas d’un problème budgétaire, mais de pilotage.
    Le présent amendement n’ayant pas été examiné par la commission, j’en demande, à titre personnel, le retrait, même si j’entends l’appel que vous lancez sur cette question. Cela fait d’ailleurs un moment que vous alertez sur le sujet et qu’il ne se passe pas grand-chose.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je devrais prendre vos observations comme un compliment : comme vous n’avez rien à dire sur le budget, vous contestez le pilotage.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Oui.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La situation à Nouméa ne date pas de mon arrivée et vous concerne aussi un peu, monsieur le député Brindeau : la vie judiciaire n’a pas commencé avec le quinquennat d’Emmanuel Macron.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Heureusement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Les difficultés pénitentiaires non plus. Je vais tout de même vous démontrer à quel point ce plan est correctement piloté et répondre à monsieur le député Brindeau.
    Au 1er octobre 2021, vous l’avez rappelé, le centre pénitentiaire de Nouméa affichait un taux d’occupation de 126 %. Afin d’améliorer durablement les conditions de détention dans cet établissement, comme je l’avais annoncé en fin d’année dernière, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) s’est vue confier l’élaboration d’un schéma directeur de restructuration, par délibération du conseil d’administration en date du 2 décembre 2020.
    Je vous annonce que les études préalables de ce schéma directeur sont en cours et, comme je m’y étais engagé, je vous confirme que l’APIJ dispose des crédits pour les mener à bien. Les moyens nécessaires à la restructuration globale telle qu’elle sera envisagée seront programmés au regard du périmètre de travaux qui sera arrêté à l’issue de ces études.
    En attendant cette rénovation d’ampleur, je tiens à préciser que la construction d’un nouveau quartier d’isolement et d’un quartier disciplinaire a débuté en octobre 2020, pour un montant de 4,6 millions d’euros ; la livraison est prévue en 2022 – ce qui montre, monsieur le rapporteur spécial, que le pilotage n’est pas si mauvais que cela.
    Pour ce qui concerne la rénovation des cours de promenade de la maison d’arrêt pour hommes, engagée en 2021 pour un montant de 0,6 million d’euros, les travaux de la cour numéro 2 sont achevés et ceux de la cour numéro 1 démarreront début 2022. La réfection de la peinture, de la plomberie et de l’électricité de l’ensemble des cellules de l’établissement, évaluée à 1,6 million d’euros, commencera début 2022. Enfin, les études sont en cours pour la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement, estimés quant à eux à 2,7 millions d’euros.
    Par ailleurs, un centre de détention de 120 places est en cours de construction à Koné ; il devrait être livré début 2022 et entrer en service opérationnel à l’été. Il permettra de désengorger l’établissement de Nouméa. Pour un pilotage que vous jugez défaillant, c’est plutôt pas mal !
    En 2022, les conditions de détention s’amélioreront donc résolument en Nouvelle-Calédonie. Vous savez l’intérêt que je porte à cette collectivité ; la justice doit y être humaine, digne et accessible, comme partout ailleurs sur le territoire national. Je connais aussi l’engagement des parlementaires du groupe UDI et indépendants à l’égard de la Nouvelle-Calédonie. Avec les députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, ainsi qu’avec le sénateur Gérard Poadja, j’ai d’ailleurs récemment créé, dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, et avec l’appui de M. le ministre des outre-mer, un conseil de l’accès au droit en Nouvelle-Calédonie, qui faisait terriblement défaut. Au vu des nombreuses actions lancées et des engagements pris, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    J’entends vos explications sur l’évolution du programme immobilier en Nouvelle-Calédonie. Je les transmettrai à Philippe Dunoyer, mais je ne me permettrais pas de retirer un amendement dont il est l’auteur.

    (L’amendement no 676 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l’amendement no 643.

    Mme Albane Gaillot

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    Permettez-moi de revenir sur le sujet éminemment important des violences conjugales, plus particulièrement sur le téléphone grave danger. Ce dispositif est essentiel, mais son déploiement reste insuffisant : avec 1 716 téléphones grave danger en 2020 et 2 028 en 2021, nous sommes loin de répondre aux besoins, sachant qu’on dénombre 125 000 victimes de violences conjugales. Aussi notre amendement propose-t-il de porter le nombre de ces téléphones à 5 000, conformément à l’avis du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. (Mme Mathilde Panot applaudit.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Début septembre, le Gouvernement a annoncé qu’il déploierait autant de téléphones grave danger que nécessaire pour protéger les femmes victimes de violences conjugales.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    L’objectif de 3 000 téléphones déployés d’ici à novembre sera tenu, a affirmé M. le garde des sceaux – je le laisserai le confirmer. Si les besoins continuaient d’augmenter, a-t-il ajouté, le nombre de téléphones continuerait de croître. Place aux actes, monsieur le garde des sceaux ! Les moyens actuels sont-ils suffisants pour financer vos promesses ? Dans le cas contraire, il convient d’adopter l’amendement de Mme Gaillot : vous devez mettre le budget en cohérence avec vos propos.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai presque cru que vous étiez totalement d’accord avec moi, monsieur le rapporteur spécial (Sourires sur les bancs des commissions), mais nous n’en sommes pas loin !
    Le nombre de téléphones grave danger déployés dans les juridictions a crû de 64 %, preuve que les magistrats se sont pleinement emparés de cet outil qui fonctionne bien – tout comme ils se sont emparés du bracelet antirapprochement. Il y a certes eu un temps de latence, mais notez que l’Espagne, qui est pionnière en la matière, n’a pas non plus déployé ces outils sur-le-champ ; elle a eu besoin d’un temps d’adaptation.
    Je veux vous rassurer totalement : mi-novembre, nous aurons plus de 3 000 téléphones grave danger ; mais s’il en fallait 4 000 ou 5 000, nous en déploierions autant que de besoin – j’en prends l’engagement devant la représentation nationale. La lutte contre les violences intrafamiliales et les violences faites aux femmes est, pour nous, une priorité absolue. Votre amendement me semble donc satisfait. Je vous propose de le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable. Je sais à quel point les propos que je tiens à cet instant engagent l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM et sur les bancs des commissions.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot.

    Mme Albane Gaillot

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    Je vous remercie pour ces propos très engageants, monsieur le garde des sceaux. Je vous propose néanmoins de franchir une marche supplémentaire, en inscrivant dans le projet de loi de finances le budget nécessaire au déploiement de 5 000 téléphones grave danger. Peut-être en aurons-nous 3 000 mi-novembre, comme vous l’affirmez, mais les besoins sont bien supérieurs. Il faut donc inscrire dans la loi l’objectif de 5 000 téléphones. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Qui peut le plus peut le moins !

    (L’amendement no 643 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 394.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il traite du parquet national financier, qui a vu le jour en 2013, après l’affaire Cahuzac. Au moment où cette juridiction a été créée, dans la continuité, notamment, de la loi Sapin 1 – relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques –, l’étude d’impact du Gouvernement prévoyait d’affecter huit dossiers à chaque magistrat. Cette estimation est juste, tant les affaires concernées sont complexes, s’étendent dans le temps et ont des ramifications internationales. Il ne s’agit pas de n’importe quels dossiers : leur traitement demande de la rigueur et du temps, d’autant que la partie adverse a les moyens de se défendre et de pointer les contradictions d’une enquête qui serait mal ficelée.
    Aujourd’hui pourtant, avec six cents affaires en cours, chaque magistrat du PNF traite trente-trois dossiers en moyenne – notez que les dix-huit magistrats de cette juridiction ne prennent pas tous en charge des dossiers : le procureur de la République financier et le secrétaire général ne peuvent évidemment se démultiplier. Il manque cinquante magistrats au parquet national financier pour se rapprocher de la cible de huit affaires par magistrat. Tel devrait être l’effectif visé. Je propose donc d’inscrire, dans le projet de loi de finances, une ligne budgétaire correspondant au recrutement de cinquante magistrats supplémentaires au parquet national financier.
    Je vous épargnerai l’argument selon lequel une telle mesure contribuerait à la justice sociale et éviterait à nos concitoyens de considérer que certains bénéficient d’une justice spécifique, qui prend tout son temps, tandis que le reste du pays passe en comparution immédiate, en médiation pénale, en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ou par toute autre voie ultrarapide prévue par le ministère de la justice dans le domaine pénal.
    Le parquet national financier est une exigence et une impérieuse nécessité – je suis pourtant loin d’être un amoureux des parquets spécialisés. Par manque de magistrats, il instruit un nombre d’affaires extrêmement faible – les quelques juristes assistants et l’assistant spécialisé qui lui ont été accordés en renfort ne lui permettront pas d’accélérer la cadence.
    Je défendrai un amendement similaire dans la mission Sécurités, concernant les services d’enquête – car, pour mener une enquête, il faut tout à la fois des magistrats et des enquêteurs.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Je suis favorable à la suppression du parquet national financier, car il a été détourné de sa mission première : il est devenu un tribunal spécialisé non pas dans les affaires complexes, mais de plus en plus dans les affaires politiques. Son zèle excessif a distillé le poison du soupçon quant à son impartialité : pour rappel, cette juridiction a modifié le cours de l’élection présidentielle de 2017 et a menacé le secret professionnel des avocats, sans compter les déclarations de son ancienne directrice, qui affirme avoir subi des pressions de sa hiérarchie. Le parquet national financier est ainsi devenu une réponse politique, plutôt que judiciaire. S’il remplissait sa mission initiale, peut-être pourrions-nous discuter de son effectif, comme le suggère votre amendement. Mais le parquet national financier a failli ; aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je suis défavorable à cet amendement. Voici quelques chiffres qui expliquent pourquoi le Gouvernement ne peut pas suivre la position de M. Bernalicis : à sa création en 2014, le parquet national financier comptait 5 magistrats pour 211 dossiers ; aujourd’hui, pour 578 dossiers, il compte 18 magistrats, secondés par 7 assistants spécialisés et 1 juriste assistant. Vous pouvez donc calculer le prorata entre le nombre de dossiers et le nombre de magistrats – ainsi que, désormais, d’assistants spécialisés et de juristes assistants – entre 2014 et aujourd’hui.
    Dans le cadre du dialogue de gestion, nous travaillons en lien très étroit avec le procureur national financier ; ses demandes sont inférieures aux vôtres, monsieur le député. (M. Ugo Bernalicis s’esclaffe.) Il sera heureux de savoir que vous préconisez une dotation bien plus importante que celle qu’il réclame auprès de la direction des services judiciaires !

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Le chef du parquet national financier ne veut pas se fâcher avec tout le monde ! Il sait pertinemment que s’il demande cinquante magistrats, avec votre politique, il ne les obtiendra pas ; il préfère donc ne demander que quelques postes supplémentaires – qu’il n’obtient d’ailleurs pas davantage, puisque les effectifs du PNF continuent de stagner.
    Selon vous, la situation s’est améliorée depuis 2013, quand le PNF n’avait que cinq magistrats pour 211 dossiers. Or ce ratio correspondait au tout début de la juridiction. Dès les mois suivants, l’effectif a atteint douze ou treize magistrats. Vous constaterez que je me suis intéressé de très près à l’histoire de ce parquet !
    Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, vous estimez que le PNF a failli, dans la mesure où il traite des affaires politiques. Ces dernières constituent pourtant l’extrême minorité des dossiers, bien qu’elles nourrissent l’extrême majorité des articles consacrés au PNF. L’attrait médiatique pour ces affaires est puissant. Au reste, les affaires politiques peuvent elles aussi être complexes – c’est une réalité objective dont nous pouvons tous convenir. Le parquet national financier agit donc bel et bien dans son champ de compétences ; il est faux d’affirmer le contraire. Ses délais d’instruction des affaires – des enquêtes préliminaires, essentiellement – ne sont pas appropriés. Nos concitoyens en concluent que, lorsqu’un homme politique est mis en cause, on attendra trois, quatre ou cinq ans pour tenir une audience – l’affaire de M. Fillon, candidat à l’élection présidentielle de 2017, fait exception, mais elle n’était guère complexe.
    Une fois encore, il faut accorder des moyens supplémentaires au parquet national financier ; c’est une exigence et une nécessité. Je déplore que ces moyens stagnent : c’est la marque de votre absence de volonté politique de s’attaquer à la délinquance économique et financière.

    (L’amendement no 394 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 396.

    M. Ugo Bernalicis

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    Après mon couplet sur le placement à l’extérieur des majeurs, j’en viens aux mineurs. Mon amendement vise à augmenter les moyens octroyés aux mesures en milieu ouvert en matière de justice pénale des mineurs. Nous proposons d’y réaffecter les 4,2 millions d’euros qui sont destinés à construire cinq nouveaux centres éducatifs fermés – en résumé, moins d’enfermement et moins de CEF, mais plus de mesures en milieu ouvert !
    La France est le pays d’Europe, avec le Royaume-Uni, qui enferme le plus ses enfants, alors que les mineurs ne sont pas plus délinquants chez nous qu’ailleurs en Europe. C’est la façon dont nous les prenons en charge qui nous singularise. Comme pour les majeurs, les mesures en milieu ouvert sont celles qui donnent les meilleurs résultats, pour peu qu’on y mette les moyens ; elles évitent une désinsertion des jeunes concernés.
    Même aux fins d’enfermement ou de mise à l’écart, mission que les centres éducatifs fermés peuvent en partie remplir, des structures plus adaptées existaient auparavant, notamment les lieux de vie et d’accueil, qui ont fermé les uns après les autres. Je ne reviendrai pas sur les défaillances des centres éducatifs fermés actuels, ou sur ces centres qui sont si peu remplis.
    Cet argent serait bien mieux utilisé par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre de mesures en milieu ouvert, qui respectent la primauté de l’éducatif sur le répressif, conformément à l’esprit de l’ordonnance de 1945, que vous avez piétinée avec votre code de justice pénale des mineurs.

    M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Ces propos sont scandaleux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Caricature !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Vous nous invitez à privilégier le milieu ouvert plutôt que les centres éducatifs fermés ; en réalité, il faut trouver un équilibre entre les deux. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    L’équilibre que défend le rapporteur n’existe pas : beaucoup de moyens sont consacrés aux centres éducatifs fermés, beaucoup moins au milieu ouvert. Construire des centres éducatifs fermés et y recruter des encadrants est bien plus gourmand, d’un point de vue budgétaire, que le milieu ouvert. La logique est la même que précédemment, lorsque je parlais du placement extérieur des personnes majeures placées sous main de justice.
    Je suis d’avis de faire ce qui fonctionne, pas ce qui fait plaisir à l’électorat, ce qui fait politicien, en disant : « Regardez ces jeunes délinquants et voyous ; on vous en protège, on les enferme et on les redresse ! » Et bientôt l’armée sera à leurs côtés, pour ceux qui souhaiteraient l’intégrer, puisqu’un amendement viendra parachever la droitisation de ce Gouvernement, par la voix de M. Dupond-Moretti pour ce qui concerne le ministère de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est ridicule !

    (L’amendement no 396 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 397.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne serais pas cohérent si je proposais de mettre le paquet sur l’action éducative en milieu ouvert sans y adjoindre les moyens, c’est-à-dire des personnes chargées d’appliquer ces mesures. Car le milieu ouvert emploie du personnel pour accompagner les mineurs qui sont sous la responsabilité de la PJJ.
    Or bien souvent, en milieu ouvert, le temps des éducateurs de la PJJ est compté, car ils doivent jongler entre plusieurs jeunes et parfois plusieurs services. Les jeunes sont ainsi baladés entre les différentes prises en charge, les différents éducateurs, les différentes structures, sans vraiment de point de repère. C’est un des éléments pointés lors des chantiers de la justice au sujet des mineurs en rupture avec la loi.
    Il faut des moyens humains substantiels, pas juste les 250 millions supplémentaires accordés à la PJJ depuis trois ans. C’est très bien, nous les prenons, mais ils restent bien en deçà de ce qui est nécessaire. Nous avons grandement besoin de cette administration, qui doit avoir les moyens de fonctionner ; pour les jeunes, qui sont les adultes de demain et doivent pouvoir s’insérer normalement dans la société, même s’ils ont été en infraction par le passé, et pour le personnel, qui doit sentir l’utilité de son travail et y trouver du sens.

    (L’amendement no 397, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l’amendement no 642.

    Mme Albane Gaillot

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    Je propose de revenir quelques instants sur les victimes de violences conjugales. Il est proposé d’aligner les montants des règlements des avocats qui interviennent au titre de l’aide juridictionnelle pour la partie civile sur ceux prévus lorsqu’ils interviennent pour le prévenu ou l’accusé.
    Le nombre d’unités de valeur est moindre lorsque l’avocat intervient au titre de l’aide juridictionnelle pour la partie civile que pour le prévenu ou l’accusé. Je propose de mettre fin à cette inégalité qui pèse sur les avocats défendant les victimes de violences sexistes et sexuelles.
    Dès 2018, cette recommandation figurait dans le rapport « Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? » publié par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, la Fondation des femmes, le Conseil économique, social et environnemental, Women’s Worldwide Web et le Fonds pour les femmes en Méditerranée. Son coût était estimé à 941 670 euros, en fourchette basse.
    Me fondant sur le nombre de faits de violences constatés par les services de police et de gendarmerie en 2018, j’ai estimé le besoin à 1 409 760 euros.
    S’il peut sembler technique, ce sujet n’en est pas moins important. Les associations déclarent que les femmes victimes de violences ont besoin d’être accompagnées et d’avoir l’assistance d’un avocat. Parfois, elles n’y ont pas recours car elles ne bénéficient pas de l’aide juridictionnelle. J’ai été sur le terrain, dans un commissariat de police, et j’ai parlé de cette possibilité avec de nombreux acteurs. Cet amendement est le fruit de réflexions des associations de terrain pour que l’aide juridictionnelle soit mieux employée, notamment pour les femmes victimes de violences conjugales.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Je suis évidemment favorable à ce que les avocats qui œuvrent au titre de l’aide juridictionnelle au profit des parties civiles ne soient pas moins rémunérés que ceux qui travaillent au bénéfice des mis en cause, mais ces rétributions dépendent des unités de valeur déterminées en application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique dans les annexes du décret du 28 décembre 2020 relatif à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles.
    La modification que vous proposez relève exclusivement du pouvoir réglementaire. Je laisse le ministre répondre et, à titre personnel, je donne un avis de sagesse puisque cet amendement n’a pas été débattu en commission.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Certaines précisions utiles doivent être apportées. Les situations ne sont pas les mêmes, ce qui ne signifie pas du tout que l’on considère que l’intervention d’un avocat au soutien d’une victime « vaudrait » moins – pardonnez-moi l’expression – que l’intervention d’un avocat au soutien d’un accusé. Mais, comme l’a rappelé le Conseil d’État, on considère que c’est un travail différent, et plus conséquent, d’être l’avocat de l’accusé, car il faut faire face aux argumentaires de la partie civile et de l’accusation.
    Il est toutefois utile de soulever ce problème, car je ne veux pas que l’on accrédite l’idée selon laquelle l’avocat de la défense aurait un rôle plus important que celui de la partie civile. Mais ces rôles sont distincts et ce sont des exercices différents en termes quantitatifs. C’est la raison de l’existence de cette différence de traitement, et le Conseil d’État a eu à s’exprimer à ce propos.
    Ne faisons pas de cette question une présentation fallacieuse, je vous remercie de m’entendre, comme j’entends vos arguments, et je suis naturellement conduit à vous dire que le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot.

    Mme Albane Gaillot

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    Je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle ne me satisfasse pas. J’entends également l’argument du rapporteur selon lequel ces dispositions relèvent du pouvoir réglementaire. Il faut néanmoins consacrer des moyens à cette action, et je maintiens donc mon amendement. Alors que s’ouvrent les états généraux de la justice, il s’agit d’un sujet majeur. Je ne sais pas si l’assistance à un mis en cause ou à une victime est un travail plus important ou plus difficile, je ne veux pas émettre de jugement sur la qualité du travail accompli, mais le débat est ouvert.
    Il faut se saisir du sujet des violences conjugales. Le ministre est très engagé, et je le remercie pour ses paroles à ce sujet, mais il faut y consacrer une enveloppe budgétaire supplémentaire.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Même si l’unité de valeur a été augmentée, ce qui justifie l’augmentation des crédits budgétaires – c’est tant mieux, bien que trop peu –, je rappelle qu’en 2021, pour bénéficier de l’aide juridictionnelle totale, il faut un revenu annuel net inférieur à 11 200 euros. Le SMIC annuel, de 15 000 euros, est trop élevé pour en bénéficier. Heureusement, le SMIC est tout juste inférieur à la limite pour bénéficier de l’aide juridictionnelle partielle, puisque le seuil est fixé à 16 800 euros. Ce qui signifie que si vous touchez juste un peu plus que le SMIC, vous ne bénéficiez pas de l’aide juridictionnelle. Or une personne gagnant juste un peu plus que le SMIC ne roule pas sur l’or. Les frais de justice étant ce qu’ils sont, c’est bien la modification des seuils, en plus de l’augmentation des unités de valeur, qui serait nécessaire. Mais il faudrait alors augmenter de moitié, voire doubler le budget de l’aide juridictionnelle, afin de le porter à la hauteur des besoins effectifs, notamment en matière de violences intrafamiliales et conjugales.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne vois pas le rapport entre l’intervention de M. Bernalicis et l’amendement de Mme Gaillot.
    Madame Gaillot, la profession d’avocat réfléchit souvent à ces questions. Récemment, à l’occasion du procès des attentats du 13 novembre 2015, dit « V13 », les avocats des parties civiles ont souhaité qu’une fraction de leur rémunération soit donnée aux avocats de la défense.
    Ce n’est pas une question de discrimination : qu’une femme ne gagne pas la même chose qu’un homme à travail égal est un scandale absolu, mais ce n’est pas ce dont il s’agit ici. Faisons attention avec les chiffres, il ne faut pas instrumentaliser cette question en prétendant qu’il s’agit d’une pratique discriminatoire, car ce n’est pas le cas. Cette situation tient à des raisons différentes, et la profession d’avocat est d’accord avec ce que je viens de rappeler.

    (L’amendement no 642 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 674.

    M. Pascal Brindeau

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    Notre collègue Meyer Habib souhaite appeler l’attention du ministre sur l’expertise judiciaire. Nombre de cours d’appel ont des difficultés à trouver des experts dans certains domaines de la justice civile. Cet amendement soulève la question de la rémunération des experts, mais il existe en outre d’importantes disparités régionales concernant la présence de ces experts, dans des domaines extrêmement variés.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Je profite de cet amendement pour rappeler que si l’on peut s’interroger sur la rémunération des experts, le budget des frais de justice est en constante augmentation – j’ai même tendance à y voir parfois une dérive, et les chefs de cour demandent un outil d’information leur permettant de mieux piloter le sujet.
    Cet amendement n’a pas été examiné en commission ; à titre personnel, j’émets donc un avis de sagesse. Mais M. Brindeau soulève une difficulté réelle : malgré cette inflation budgétaire, des retards de paiement persistent, amenant certains experts à décliner des expertises, considérant que les délais de paiement de la justice sont beaucoup trop longs.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je me suis prononcé à ce sujet dans ma réponse à Mme Dubré-Chirat, je suis donc défavorable à cet amendement. J’en comprends le sens, mais des efforts considérables ont été faits sur cette question.
    S’agissant des délais, monsieur le rapporteur, je suis navré de vous dire que je m’inscris en faux contre ce que vous venez de dire à l’instant.
    Votre intervention revient à demander s’il y a un pilote dans l’avion… J’imagine d’ailleurs mal que vous nous disiez combien vous aimez tout ce que fait le garde des sceaux, ce serait tout à fait singulier. Mais ce budget est aussi présenté en conférence nationale des chefs de cour et des chefs de juridiction, et ils en sont satisfaits.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Ah ! Ils sont sous l’autorité de qui ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Que je sache, les juges du siège ne sont pas sous l’autorité du garde des sceaux.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais les moyens, ils relèvent bien du ministère !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous vous rattrapez à temps ! Nous parlons de magistrats indépendants. Les conférences ont dénoncé pendant de nombreuses années ce que M. Jean-Jacques Urvoas avait appelé la « clochardisation » de la justice. Pardonnez-moi mais, comme je vous l’ai rappelé tout à l’heure, 102 postes de magistrats avaient été supprimés sous votre majorité, alors que nous en avons créé 650.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Les parquetiers ne disent pas ce que vous dites !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous le savez, les conférences que j’évoque se tiennent dans le cadre d’un dialogue institutionnel indispensable. Par ailleurs, je dialogue moi-même avec les magistrats de terrain, je les rencontre chaque semaine.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Moi aussi, je les rencontre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Très bien. Si vous le voulez, nous échangerons nos informations : je vous indiquerai dans quelles juridictions on est satisfait par ce budget et vous me direz quelles sont celles dans lesquelles on estime qu’il ne vaut rien. Ainsi, nous pourrons comparer nos données. Mais vous ne pouvez pas sous-entendre que les magistrats sont sous l’autorité des uns ou des autres alors que, encore une fois, les juges du siège ne sont sous l’autorité de personne – et c’est très bien comme ça. On ne peut pas dire n’importe quoi !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    En effet, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire n’importe quoi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je peux vous dire que dans le cadre des conférences des chefs de cour et des chefs de juridiction, je reçois les représentants des magistrats…

    M. Stéphane Peu

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    Ce n’est pas le cas à Bobigny.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Je les reçois aussi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh bien nous pouvons aller voir ensemble les mêmes magistrats !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    C’est ce que nous faisons !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non, ce n’est pas ce que nous faisons. Au bout d’un moment, la critique nihiliste n’a aucun sens. Interrogez-vous plutôt sur votre bilan.

    M. le président

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    Monsieur le ministre et monsieur le rapporteur spécial, je vous prie de ne pas avoir de conversation privée sur les bancs du Gouvernement et sur ceux de la commission.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’aimerais lever un quiproquo car le malaise de M. le garde des sceaux est palpable. Il se sent visé parce que l’on met en cause le pilotage…
    (Le ministre et le rapporteur général poursuivent leurs échanges hors micro.)

    M. le président

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    Monsieur le député, pardonnez-moi de vous interrompre. Je demande à M. le ministre et à M. le rapporteur spécial de bien vouloir écouter l’orateur qui s’exprime, quel qu’il soit. Vous aurez bien d’autres occasions de poursuivre ce dialogue au micro ou à l’extérieur de l’hémicycle.

    M. Ugo Bernalicis

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    M. Hetzel parle du pilotage des crédits du budget. Or ce rôle revient au responsable des programmes donc au ministre. C’est bien qui lui pilote les crédits – puisque tel est le vocabulaire que l’on emploie en matière de gestion budgétaire publique. Si ce pilotage est mauvais, il est évident qu’on ne peut s’en prendre qu’au ministre.
    La commission d’enquête sur l’indépendance de la justice,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah !

    M. Bruno Millienne

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    Ça y est, c’est reparti !

    M. Ugo Bernalicis

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    …avait formulé un grand nombre de propositions concernant le pilotage des crédits et, plus généralement, du budget. Il est dommage que vous ne les ayez pas prises en considération.
    Nous proposions par exemple de scinder la mission Justice en deux : d’un côté, la justice judiciaire, de l’autre l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. En effet, les périmètres et les enjeux de ces programmes sont très différents. Or la fongibilité des crédits se fait toujours au profit de l’administration pénitentiaire et au détriment des autres programmes.
    Nous proposions aussi d’instaurer un vrai dialogue de décision car le dialogue de gestion, mis en place actuellement au sein du ministère de la justice, est dysfonctionnel – c’est d’ailleurs ce qui permet au ministre de dire que tout le monde est content, ce qui est fondamentalement faux ; on observe même plutôt le contraire.
    Au passage, je précise que c’est le professeur Michel Bouvier, et non le professeur Lambert, comme je l’avais indiqué par erreur lors de la discussion générale,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ça change tout !

    M. Ugo Bernalicis

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    …qui a rendu un rapport consacré à la gestion budgétaire, à la demande de la Cour de la cassation – vous feriez bien vous en inspirer, monsieur le ministre.
    La commission d’enquête proposait aussi, par exemple, de soumettre un avant-projet de budget au Conseil supérieur de la magistrature pour avis. Celui-ci pourrait par exemple dire si le budget prévu correspond aux besoins des juridictions et est à la hauteur des grandes politiques publiques annoncées et des priorités fixées par le Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    N’importe quoi !

    M. Ugo Bernalicis

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    Car il faut bien que l’on retrouve une certaine cohérence entre les annonces faites, les textes votés et ensuite ce qui est appliqué sur le terrain. Une cour d’appel doit aussi être, selon le terme employé dans le langage budgétaire, un RBOP, un responsable de budget opérationnel de programme.
    Toutes les mesures que je viens d’évoquer ne dépendent que de vous, monsieur le ministre. Elles ne relèvent que du pouvoir réglementaire. Or vous n’avez rien fait dans ce domaine depuis plus d’un an et demi.

    (L’amendement no 674 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 675.

    M. Pascal Brindeau

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    Il vise à augmenter les crédits destinés à la protection judiciaire de la jeunesse, notamment pour permettre à ses services de répondre aux besoins supplémentaires liés à la réforme du code pénal des mineurs.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Vous soulevez une vraie question. Cependant, votre amendement est assez modéré puisqu’il vise à transférer seulement 1 million d’euros. S’il sert une noble cause, il est déjà satisfait en réalité. Je demande donc le retrait de cet amendement, qui n’a pas été étudié par la commission.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même position que M. le rapporteur spécial.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Tout arrive !

    (L’amendement no 675 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l’amendement no 388.

    Mme Alexandra Louis

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    Il s’agit avant tout d’un amendement d’appel, qui vise à augmenter les moyens alloués à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC.
    Son objectif, assez clair, est de faire en sorte que le crime ne paie plus ou, plus modestement, qu’il paie moins, en privant les délinquants de leurs ressources financières.
    Je vis à Marseille, une ville qui souffre beaucoup du trafic de stupéfiants. Des quartiers entiers se retrouvent otages de ces trafics, qui brisent des familles et des jeunes. Si ce commerce illégal existe, c’est tout simplement parce qu’il est très lucratif : un point de deal à Marseille peut rapporter jusqu’à 80 000 euros par jour.
    Cependant, nous ne sommes pas restés inertes depuis le début de ce mandat. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de nos magistrats et de nos policiers. Nous avons voté certains textes qui permettent de renforcer la réponse pénale en augmentant les moyens de la justice et en réformant la justice des mineurs.
    Mais il faut aller encore plus loin en matière de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Dans le cadre d’une réponse pénale, celles-ci doivent devenir un véritable réflexe. Au-delà même de la confiscation, l’idée, issue des acteurs de terrain dont j’essaie de me faire la porte-parole, est de redistribuer ces moyens aux services judiciaires, mais aussi à nos policiers, qui ont besoin de moyens supplémentaires, ainsi qu’aux associations. Celles-ci souffrent d’un manque terrible de ressources tandis que, au même moment, des délinquants vivent bien au-dessus de leurs moyens.
    Des textes, votés au sein de cette assemblée, ont déjà permis certaines évolutions législatives – je sais votre engagement sur cette question, monsieur le ministre.
    Cet amendement vise à renforcer les moyens de l’AGRASC et de ses antennes. Il en existe à Marseille et à Lyon, une autre sera créée prochainement à Lille. Il est important de leur donner davantage de moyens pour travailler. Je rappelle qu’en 2020, pas moins de 300 millions d’euros ont été saisis. Cependant nous pouvons aller beaucoup plus loin.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Vous l’avez dit, vous-même, il s’agit d’un amendement d’appel. Tout en demandant un retrait, à titre personnel, de cet amendement qui n’a pas été étudié en commission, je vous donnerai quelques éléments de réponse.
    Les moyens de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels augmenteront en 2022. Celle-ci est traditionnellement financée par les intérêts perçus sur le stock des avoirs confisqués et saisis ainsi que par une fraction du produit des avoirs confisqués dont le montant est plafonné à 1,3 million d’euros.
    En analysant, comme je l’ai fait, la situation de près, on s’aperçoit que l’Agence a réalisé ses objectifs d’accélération du traitement des avoirs criminels saisis, ce qui conduit mécaniquement à réduire le montant des intérêts perçus sur ces avoirs et donc à diminuer les ressources de l’opérateur. En conséquence, à partir de 2022, les intérêts perçus sur le stock des avoirs saisis seront réaffectés à l’État.
    En compensation des bonnes performances, le plafond de la fraction du produit des avoirs revenant à l’agence a été relevé de 1,3 à 9,9 millions d’euros. Par ailleurs, l’agence recevra une subvention pour charge de service public, inscrite dans le programme 310, à hauteur de 8,9 millions d’euros en 2022.
    Le plafond d’emploi de l’opérateur ayant été respecté en 2021, on s’aperçoit, en analysant de près les arguments développés dans votre exposé des motifs, que votre amendement est satisfait.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je suis une nouvelle fois d’accord avec le rapporteur spécial – cela devient suspect !
    Chère Alexandra Louis, je sais votre attachement à votre région, à votre ville. Deux antennes de l’AGRASC ont été récemment ouvertes à Marseille et à Lyon. Ce dispositif fonctionne bien, c’est une vraie réussite. Je m’étais rendu, avec M. Nicolas Bessone, directeur général de l’AGRASC, en Italie, un pays pionnier en la matière. On y confisque notamment des immeubles détenus par la mafia pour les donner à des associations caritatives ou, par exemple, à l’équivalent de la protection judiciaire de la jeunesse.
    Puisque vous mentionnez cette question dans votre amendement, je vous signale que les fameux écrans plats ont bien été redistribués, au bénéfice des juridictions. Ils appartenaient jusqu’à présent à des délinquants ; ils seront désormais utilisés par l’institution judiciaire pour rendre la justice.
    Une subvention au bénéfice de l’AGRASC, à hauteur de 8,8 millions d’euros, a été décidée pour la première fois dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. Cela ne représente évidemment qu’une partie du financement de l’AGRASC, qui devrait bénéficier en 2022 de recettes affectées et issues d’avoirs criminels à hauteur de 9,9 millions d’euros.
    Si je comprends pleinement le sens de votre démarche et connais votre investissement sur cette question, je vous demande de retirer cet amendement et émettrai à défaut un avis défavorable. L’AGRASC connaîtra la montée en puissance que j’appelle de mes vœux.

    M. le président

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    La parole est à Mme Alexandra Louis.

    Mme Alexandra Louis

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    Je remercie le rapporteur spécial et le ministre pour leur réponse très circonstanciée. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, le modèle italien est très instructif, puisqu’il a réussi à mettre à genoux une partie de la mafia italienne. J’espère que nous aurons l’occasion de travailler à l’avenir sur ce dossier, qui représente une priorité. Les états généraux de la justice seront peut-être une bonne occasion de le faire. Je retire évidemment cet amendement.

    (L’amendement no 388 est retiré.)

    (Les crédits de la mission « Justice » sont adoptés.)

    Article 44

    (L’article 44, rattaché à la mission Justice, est adopté.)

    Après l’article 44

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 737, portant article additionnel après l’article 44.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Par cet amendement, je propose de créer une réserve de la protection judiciaire de la jeunesse afin que la direction de celle-ci dispose de la possibilité de faire appel à des retraités de la fonction publique et à des volontaires issus de la société civile, autrement dit à un vivier diversifié, expérimenté et susceptible de répondre à des besoins non couverts en interne, composé de citoyens désireux de s’engager auprès d’une population spécifique, les mineurs en conflit avec la loi.
    La mesure que je vous propose d’adopter offre une souplesse à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, qui bénéficierait ainsi d’un apport nouveau de personnel. Cela favoriserait bien sûr l’insertion sociale des mineurs délinquants confiés à la PJJ, qui constitue une de mes priorités – vous connaissez mon engagement en la matière.
    En juillet dernier, j’ai signé avec la ministre des armées, Mme Florence Parly, un protocole destiné à favoriser l’insertion sociale des mineurs délinquants en les accompagnant dans la construction d’un projet professionnel.
    J’en profite pour ouvrir une brève parenthèse car j’ai entendu dire que cette initiative serait le signe de la droitisation du garde des sceaux. Il se trouve que l’armée est, à très juste titre, une institution que nos compatriotes adorent. Elle fait aussi rêver des gamins.
    Naturellement, il ne s’agit pas de régler le problème de la délinquance des mineurs en mettant des jeunes dans un bus pour les emmener dans une caserne : le projet est un peu plus subtil, intelligent et nuancé que cela ! Il s’agit de permettre à des gamins attirés par la chose militaire d’être au contact d’anciens militaires, susceptibles de donner une orientation nouvelle à leur vie.

    Mme Naïma Moutchou

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    Très bien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas plus compliqué que cela. Bien sûr, il faudra que la PJJ ait préalablement rendu une expertise sur ces enfants – leur sensibilité, leurs appétences et leur envie d’avenir. Une fois cette démarche effectuée, il importe que les gamins susceptibles d’être attirés par la chose militaire soient bien reçus par l’institution. Des militaires sont tout à fait prêts à les y aider. Pourquoi, en vertu de je ne sais quel dogmatisme stupide, rejetterait-on cette idée d’un revers de manche ? Je suis pour que les jeunes s’épanouissent dans le jardinage s’ils ont la main verte ; dans l’armée s’ils souhaitent la rejoindre ; dans la gastronomie s’ils ont une âme de cuisinier, etc.
    Les postulats et les anathèmes sur la droitisation supposée des uns ou des autres n’ont strictement rien à faire dans la réflexion mesurée que nous pourrions tous mener. L’avenir des enfants, au fond, nous importe davantage que ces polémiques totalement stériles et stupides. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    La réserve sera constituée de personnels retraités de la fonction publique issus des ministères de la justice, des armées, de l’intérieur ou encore de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ainsi que de volontaires issus de la société civile, dont les indemnités journalières seront payées avec les crédits du programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse. Le ministère des armées, notamment, apportera son concours et toute son expérience à la création de cette réserve.
    Au vu des acquis et des garanties professionnelles qu’ils présentent, les personnels retraités de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pourraient continuer à servir leur administration et à mettre leur expérience au profit des jeunes. Les réservistes volontaires assureraient des missions de soutien à la prise en charge des mineurs délinquants, notamment dans le cadre d’actions éducatives, de formation et de mentorat des personnels de la direction de la PJJ, ou encore de diverses études. Le budget prévisionnel de cette réserve s’élève, pour l’année 2022, à 240 000 euros, qui seront destinés à couvrir les journées indemnisées des réservistes.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Que les choses soient claires : le fait de créer une réserve de la protection judiciaire de la jeunesse composée de citoyens volontaires et de personnels retraités de la fonction publique constitue effectivement une idée intéressante.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Renforcer les moyens des services de la protection judiciaire de la jeunesse par ce biais a du sens. Il faudra évidemment, par la suite, évaluer la mise en œuvre du dispositif pour en vérifier l’efficacité. À titre personnel – puisque cet amendement n’a pas été examiné en commission –, j’émets un avis favorable.
    Toutefois, il me semble important, en tant que rapporteur spécial, de souligner que je m’interroge sur la forme privilégiée par le Gouvernement. Cet amendement ne risque-t-il pas d’être considéré comme un cavalier budgétaire ? En quoi, notamment, la mesure affecte-t-elle les dépenses du budget de l’État en 2022 ? Vous n’avez pas cru bon de recueillir l’avis du Conseil d’État sur les dispositions proposées, qui sont introduites par voie d’amendement.
    Je serais en outre curieux de connaître la position du Conseil constitutionnel sur la question. Pourquoi prendre un tel risque de voir le dispositif être censuré ? C’est tout simplement inutile, tant les textes relatifs à la justice ont été nombreux ces derniers mois : le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire est toujours en cours d’examen, la commission mixte paritaire (CMP) devant se réunir prochainement ; la loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale a été promulguée le 8 avril dernier ; et le projet de loi relatif à la protection des enfants, déposé le 16 juin, a été adopté ici même cet été, le Sénat ayant depuis achevé son examen en commission mercredi dernier, le 20 octobre. Vous auriez donc pu faire adopter cette réforme à travers une multitude de véhicules législatifs, mais vous avez, hélas, choisi la solution la moins adéquate juridiquement.
    J’ajoute, pour conclure, que vous annoncez explicitement la création d’une réserve de la PJJ aux pages 170 et suivantes du projet annuel de performances (PAP) – le fameux bleu budgétaire. Pourquoi, alors, ne pas avoir déposé l’amendement en même temps que le reste du projet de loi de finances ? Le fait qu’un tel dispositif soit mentionné dans le bleu signifiait bien que le Gouvernement comptait aller dans cette direction. Pourquoi l’introduire de manière subreptice, en fin de discussion, sans avoir recueilli préalablement l’avis du Conseil d’État et donc en prenant un risque juridique, alors que vous pouviez aisément sécuriser le processus ?

    Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis

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    Mieux vaut tard que jamais !

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je rejoins les observations formulées par le rapporteur spécial : la réserve figurait déjà dans le PAP, comme je l’avais moi-même souligné en commission. En réalité, chacun comprend que vous ne pouvez pas faire ainsi intervenir l’armée au sein du ministère de la justice. Pire encore : depuis 2012, des partenariats sont déjà passés entre les ministères des armées et de la justice, en lien avec les centres EPIDE, anciennement établissements publics d’insertion de la défense, renommés établissements pour l’insertion dans l’emploi. Il est vrai qu’ils reposent sur le volontariat des jeunes suivis par la PJJ.
    Or, avec votre projet, vous ne voulez pas favoriser des partenariats susceptibles d’obéir à des structures, des pédagogies et des objectifs différents, mais incorporer des militaires réservistes – et même pas des agents du ministère des armées – dans les structures de la PJJ, pour donner aux jeunes le goût de je ne sais quoi, au prétexte que certains d’entre eux rêveraient de rejoindre l’armée !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux et M. Bruno Questel, rapporteur pour avis

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    Il ne comprend rien !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il existe certes divers moyens de rentrer dans l’armée, là n’est pas la question, mais je ne suis pas certain que le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse soit le plus indiqué. Il est déjà suffisamment difficile de mettre en œuvre les mesures éducatives existantes et d’avoir les moyens de les appliquer pour que nous ne perdions pas dans ce type de dispositifs, qui, dès lors que les partenariats entre le ministère de la justice et l’EPIDE ou l’armée existent déjà, donnent le sentiment que le Gouvernement est surtout guidé par une volonté politicienne d’affichage et cherche à draguer une certaine frange de l’électorat. Si, en revanche, vous croyez vraiment à ce que vous dites, alors nous avons un problème supplémentaire.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je rappelle que cet amendement a été jugé recevable par les services de l’Assemblée.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Bien sûr !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je pensais que cela vous avait échappé.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Nous n’en débattrions pas aujourd’hui s’il avait été déclaré irrecevable, monsieur le garde des sceaux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quant au reste, pourquoi présenter ce dispositif maintenant et pas avant ? Parce que des travaux étaient en cours.
    Enfin, un peu de nuance, par les temps qui courent, nous ferait tellement de bien ! Je ne sais pas si nos débats sont retransmis, monsieur le président…

    M. le président

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    Tous nos débats sont publics et intégralement retranscrits, monsieur le ministre.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ceux de nos concitoyens qui visionneraient nos débats et entendraient M. Bernalicis nous accuser de faire intervenir l’armée dans les services de la PJJ auraient de quoi trembler ! Il ne s’agit pas de cela. J’estime simplement que la création d’une telle réserve constituerait un beau partenariat et nous donnerait la possibilité d’agir avec l’armée pour aider des jeunes en difficulté. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
    Il est, au fond, des mesures qui devraient être transpartisanes et sur lesquelles nous pourrions tous nous accorder. Il ne s’agit nullement d’une « volonté politicienne d’affichage ». Je l’ai affirmé dès les premiers jours de mon entrée en fonction, devant de nombreux témoins : je considère qu’un tel dispositif est intéressant et peut aider certains gamins. Mais je ne vous convaincrai pas, car vous êtes dans l’opposition systématique.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nihiliste, même !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est ainsi. Et puis toute mesure impliquant l’armée signe forcément la droitisation de celui qui la propose, bien entendu ! Il vaut mieux entendre cela que d’être sourd ! Personnellement, je suis prêt à tout entendre, mais ne racontons pas n’importe quoi ! Le but de la mesure proposée est d’aider les gamins et je suis à peu près certain que tout le monde ici, à part vous, en est convaincu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    (L’amendement no 737 est adopté.)

    M. le président

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    Nous en avons terminé avec l’examen des crédits de la mission Justice. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 ;
    Examen de la mission Enseignement scolaire.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra