XVe législature
Session ordinaire de 2021-2022

Séance du mercredi 12 janvier 2022

Sommaire détaillé
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Séance du mercredi 12 janvier 2022

Présidence de M. Hugues Renson
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Gestion des risques climatiques en agriculture

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture (nos 4758, 4874).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Je suis ravi de vous présenter cet après-midi un texte absolument crucial pour l’avenir de notre agriculture. Comme vous le savez, le changement climatique est une réalité et les agriculteurs sont les premiers à en subir les conséquences en raison de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques. Nous l’avons vu encore au printemps dernier, avec ce terrible épisode de gel qui a constitué la plus grande catastrophe agronomique de ce début du XXIe siècle. C’est une véritable épée de Damoclès qui pèse sur notre agriculture, mais c’est aussi un frein majeur à l’installation, car qui peut accepter d’investir des centaines de milliers d’euros pour s’installer, innover, devenir un acteur de la transition en prenant le risque de voir le fruit de son travail réduit à néant dès les premières années ? Ce n’est pas une coïncidence si le Président de la République a annoncé la réforme dont nous discutons aujourd’hui le 10 septembre dernier, devant les jeunes agriculteurs réunis à la foire agricole Les Terres de Jim – et ce qui est vrai pour l’installation de nos jeunes agriculteurs l’est, bien sûr, tout autant pour nos agriculteurs déjà installés.
    Aujourd’hui, le statu quo n’est plus possible, il serait contraire à l’objectif de souveraineté agricole et alimentaire qui est le fil conducteur de notre politique agricole. Car s’il est un point qui fait consensus sur tous les bancs, dans toutes les filières, parmi tous les acteurs, c’est que le système actuel ne fonctionne pas : il n’est pas assez accessible, il n’est pas assez avantageux, il est trop complexe, il est parfois injuste et, enfin, il est soumis à des délais beaucoup trop longs pour ce qui concerne les calamités agricoles.
    C’est pourquoi nous devons procéder à une véritable refondation du régime d’indemnisation des pertes de récolte, aujourd’hui unanimement considéré comme à bout de souffle. Nous devons le faire non pas pour deux ou trois ans, mais pour les décennies à venir : c’est une réforme essentielle pour l’avenir de notre agriculture, pour garantir son adaptation au changement climatique. Cela fait des années que la réforme est évoquée et attendue, mais toujours repoussée. De nombreux systèmes ont été proposés, mais aucun n’a jamais abouti. Pourquoi ? Tout simplement parce que toutes les propositions émises par le passé étaient fondées sur un même principe, selon lequel les agriculteurs devaient seuls faire face aux risques climatiques.
    Or cela ne peut pas fonctionner, cela n’est plus possible. D’ailleurs les choses ne se passent comme ça dans aucun autre secteur socio-économique. Qu’il s’agisse de l’automobile, du logement ou de n’importe quel autre secteur de l’économie, c’est à chaque fois une solidarité nationale qui est organisée pour faire face aux aléas climatiques. Ce n’était pas le cas jusqu’à présent dans le domaine agricole, mais les choses vont changer, car le premier principe – essentiel – de cette réforme est qu’elle se fonde sur la solidarité nationale. Sur ce point, l’engagement du Gouvernement est très clair : il s’agit de porter à 600 millions d’euros le financement de la couverture des risques climatiques dès le prochain projet de loi de finances. Nous proposons donc une refondation du système avec comme premier principe cette solidarité nationale, qui constitue un changement de paradigme, conformément à l’engagement pris de manière très claire par le Président de la République.
    Le deuxième principe de la réforme consiste en la création d’une couverture dite universelle. Tout agriculteur doit y avoir accès, quelle que soit la culture et qu’il soit assuré ou non, alors qu’actuellement, les deux systèmes coexistent et entrent en concurrence pour certaines cultures, ce qui aboutit à laisser des pans entiers de l’agriculture française sans réponse.
    Le troisième principe, c’est de rendre plus accessible l’assurance multirisque climatique (MRC) en incitant à y recourir sans pour autant la rendre obligatoire. En effet, si seulement 18 % de la surface agricole utile bénéficie aujourd’hui de cette assurance, ce n’est en aucun cas parce que nos agriculteurs sont de mauvais gestionnaires, mais précisément parce que la MRC n’est pas suffisamment attractive.
    Le quatrième principe, c’est que l’assurance devra être régulée de manière plus actuarielle – j’insiste sur ce point –, grâce à la constitution d’un pool mutualisant les risques, l’élaboration d’une tarification technique commune et une plus grande transparence dans la constitution des prix, afin de renforcer la confiance dans le système assurantiel, d’en limiter le coût et de permettre que le risque soit équitablement réparti pour lutter contre toute aversion au risque, pour reprendre les termes assurantiels.
    Enfin, le nouveau système sera plus juste, car il tendra vers une plus grande individualisation des modalités d’indemnisation et favorisera la prévention, en cohérence avec d’autres pans de la politique publique que j’ai l’honneur de diriger à la tête de ce ministère, notamment les investissements massifs que nous faisons naître dans le cadre du plan France relance – nous consacrons, par exemple, près de 200 millions d’euros aux équipements de protection et d’adaptation au changement climatique. Grâce au plan France 2030, cet effort d’investissement dans la lutte contre le changement climatique va aller croissant.
    En somme, ce dont nous allons discuter cet après-midi, c’est tout simplement d’une ceinture de sécurité pour les agriculteurs, fondée sur la solidarité nationale et destinée à protéger ces derniers face aux accidents climatiques, le tout au bénéfice de notre souveraineté agricole et alimentaire.
    Avant de conclure, je voudrais préciser le contenu de ce projet de loi. L’architecture de la nouvelle gestion des risques climatiques est constituée de trois étages, selon un principe de partage des risques entre tous les acteurs. Le premier étage relève de l’agriculteur, qui peut prendre, avec le soutien de l’État, des mesures de prévention et de protection. Le deuxième étage relève de l’assureur, qui doit aussi assumer ses responsabilités. Je le dis clairement, l’objectif du Gouvernement est d’utiliser au maximum les possibilités offertes par la réglementation, dite omnibus, relative aux règles financières de l’Union européenne, de sorte que la prime d’assurance soit davantage subventionnée. Enfin, au-dessus d’un certain seuil de perte, le troisième étage relève de l’État.
    Cette architecture à trois étages permet l’universalité que j’évoquais tout à l’heure, mais aussi de diminuer le coût de l’assurance pour l’agriculteur, tant grâce à l’augmentation des subventions aux primes d’assurance que par la limitation du risque auquel les assureurs sont exposés. En effet, ce qui coûte très cher aux assureurs, c’est de devoir mettre des actifs en face des risques qu’ils prennent ; à partir du moment où on limite le risque, l’assureur a moins d’actifs à mobiliser, donc moins de coûts à répercuter sur les agriculteurs.
    Selon nos premières simulations, cette architecture devrait représenter un progrès très encourageant. Elle permettra de proposer un système beaucoup plus attractif pour nos agriculteurs, mais aussi d’éviter que certains assureurs couvrent uniquement les « bons » risques, délaissant les autres. C’est notamment l’objet de l’article 7 du projet de loi – ô combien important à mes yeux –, qui prévoit de mutualiser les données et les risques au sein d’un pool d’assureurs, conformément aux engagements du Président de la République. Afin de garantir un large accès des agriculteurs à cet étage assurantiel, les assureurs doivent être obligés de proposer un contrat d’assurance aux agriculteurs, et vos amendements nous permettront de préciser vos intentions en la matière. Enfin, nous allons créer un organe de concertation et de copilotage du dispositif entre État, agriculteurs et assureurs, afin que les décisions soient collectivement assumées par les parties prenantes, année après année.
    Ce texte somme toute assez court, puisqu’il ne comporte que douze articles, pose les fondations d’un nouveau système de couverture des risques, mais il ne permet pas de décorer les murs ou de fixer la taille des pièces. Je pense ici à la fixation des différents seuils et des différents critères, qui relève du pouvoir réglementaire et n’interviendra donc qu’une fois que le projet de loi aura été adopté, à l’issue – j’insiste sur ce point, car c’est ma méthode de travail – d’un long processus de concertation associant évidemment l’ensemble des filières des acteurs.
    Cependant, soyons clairs, ma volonté, celle du Gouvernement, celle du Président de la République – et, je le sais, celle de chacun de vous, au-delà des clivages politiques – est très clairement de pousser au maximum pour que les différents critères que nous fixerons par voie réglementaire soient définis dans l’intérêt de nos agriculteurs.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Très bien !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je le répète, je suis très favorable au fait de subventionner les polices d’assurance au maximum de ce que permet la réglementation européenne dite omnibus. Mais il me paraît absolument essentiel que les différents seuils restent fixés par voie réglementaire : c’est très important pour garantir l’approche dynamique de la réforme que nous proposons.
    Cette réforme est très largement inspirée du système espagnol créé à la fin des années 1970 et qui constitue aujourd’hui le principal outil de politique publique de notre voisin. En somme, c’est d’une réforme historique que nous allons discuter cet après-midi, probablement l’une des plus structurelles de celles qui, depuis des décennies, ont visé à favoriser la résilience de notre agriculture. Le futur régime sera universel. Il sera plus simple, plus efficace et plus lisible. Surtout, il permettra de mieux protéger nos agricultures et de mieux les accompagner sur le chemin de l’adaptation au changement climatique. C’est, en fin de compte, un acte tangible en faveur de la souveraineté agricole.
    Ce texte résulte d’un très long travail, d’un très large processus de concertation effectué dans le cadre du Varennes agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, à l’occasion duquel nous avions réuni toutes les parties prenantes. Le groupe de travail a œuvré d’arrache-pied pendant de nombreuses semaines pour que son président, le député Frédéric Descrozaille, puisse remettre ses conclusions au Gouvernement à la fin du mois de juillet.
    Je voudrais conclure en saluant l’engagement des parties prenantes, et tout particulièrement celui de M. Descrozaille, rapporteur du texte, qui s’est énormément investi sur ce sujet avec plusieurs de vos collègues : je le remercie très chaleureusement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Ses travaux s’appuient eux-mêmes sur ceux entrepris par mes prédécesseurs, Didier Guillaume et Stéphane Travert, que je salue. Je ne doute pas que nos débats seront passionnants. Le sujet auquel ils se rapportent le mérite, puisque c’est rien de moins que l’aventure de l’agriculture face au changement climatique qui est en jeu. En un mot, je compte sur vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Descrozaille, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    La gestion des risques climatiques apparaît comme une question technique ayant l’étroitesse de la spécialité. Aussi aimerais-je insister sur le fait que c’est d’alimentation, d’agriculture et d’accès à l’eau qu’il s’agit dans ce projet de loi dont la discussion s’inscrit dans un calendrier plus large, celui du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.
    L’eau et l’alimentation comptent parmi les ressources les plus stratégiques de toute nation. Je suis profondément convaincu que lorsque l’on a compris comment une population accède aux cinq ressources essentielles que sont l’eau, l’alimentation, l’énergie, la monnaie et les armes, on est en mesure de décoder pratiquement n’importe quelle situation géopolitique. C’est dire l’importance de l’enjeu qui nous occupe cet après-midi.
    Ce n’est pas la première fois au cours de la législature que nous nous penchons sur la question de l’alimentation. Nous avons déjà matérialisé à travers des dispositions législatives les exigences de la nation en ce domaine, exigences en évolution qui ont un impact considérable sur les systèmes de production.
    Ces exigences sont propres à un pays qui entretient un rapport très particulier à son alimentation et donc à son agriculture : un pays dont on ne saurait comprendre l’histoire, selon un historien américain francophile, sans prendre en considération le lien qui unit ses habitants au pain ; un pays qui compte 350 voire 450 sortes de fromages ; un pays dont le sous-sol, la végétation et le relief changent tous les 50 kilomètres, comme le soulignent les agronomes ; un pays composé d’une mosaïque de micro-identités dont nous sommes tous porteurs ici, en tant que membres de la représentation nationale ; un pays uni autour d’une conception de l’alimentation qui rayonne dans le monde entier.
    S’il s’agit de porter si haut le principe de solidarité nationale dans le dispositif dont nous allons discuter, ce n’est pas parce qu’il importe de tendre une main secourable à un secteur qui affronte des difficultés croissantes. Non, c’est parce qu’il appartient à la représentation nationale de reconnaître l’extraordinaire contribution de l’agriculture à la qualité de vie des Français depuis des décennies.
    Rappelons qu’en 1946, les tickets de rationnement étaient encore de mise à Paris et que le poste de l’alimentation représentait près de 40 % du budget des ménages pour une population totale de 40 millions alors que sa part n’est plus aujourd’hui que de 13 %. Les géants de la grande distribution et de l’agro-industrie ont émergé et, quoi qu’on en dise, nous mangeons mieux et sûrement de manière plus fiable. Tout cela grâce à un secteur qui a cédé l’essentiel de ses gains de productivité à ses clients. Aucun autre ne peut se vanter de l’avoir fait dans de telles proportions, si ce n’est peut-être celui de l’automobile.
    Cette contribution du secteur agroalimentaire qui a fait de la pression sur ses marges, ses prix et ses salaires l’alpha et l’oméga de la mesure de son progrès, cette contribution dont ont largement profité les citoyens français, il est temps que la représentation nationale la reconnaisse, au moment où les risques que doit affronter ce secteur s’aggravent. La nation doit assumer ce qu’elle attend de son alimentation et de son agriculture et garantir un regain de solidarité nationale pour rendre possible le maintien de ce rayonnement et de ce potentiel de production.
    Nous avons des exigences pour notre propre alimentation, qu’il s’agisse de la restauration collective, des restaurants ou de la cuisine que nous élaborons au sein de chacun de nos foyers, mais nous avons aussi une responsabilité au niveau international. Nous exportons en effet une tonne de blé sur deux, principalement vers les pays d’Afrique du Nord. Depuis le début de la crise sanitaire, les bateaux ont navigué, les camions ont roulé. La France est un fournisseur fiable et la contribution des filières céréalières à la stabilité géopolitique de nos voisins méditerranéens est absolument déterminante.
    Alors qu’il existe beaucoup de foyers de déstabilisation dans le monde, il s’agit de maintenir ce potentiel et ce rayonnement de notre agriculture en rendant possible son adaptation au réchauffement climatique et donc son avenir – je pense ici à la formule de Saint-Exupéry : l’avenir, « tu n’as pas à le prévoir, mais à le permettre ».
    Comment atteindre cet objectif ? En posant des principes, à commencer par celui de la solidarité nationale qu’a longuement évoqué le ministre. Nous devons rendre éligibles tous les agriculteurs à une indemnisation pour pertes exceptionnelles assurée par l’État.

    M. André Chassaigne

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    « Éligibles » !

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Pour cela, il nous faut revenir sur un système qui n’a pas été efficace. En demandant aux agriculteurs de choisir entre le régime des calamités agricoles et la logique assurantielle, il a introduit l’idée qu’il y avait des filières réputées assurables et d’autres qui ne l’étaient pas.
    Le projet de loi repose sur une autre approche. Il ne prétend pas définir la frontière entre ce qui est assurable et ce qui ne l’est pas : d’abord, parce que celle-ci est appelée à se modifier dans les années à venir ; ensuite, parce qu’il n’appartient ni à la représentation nationale ni à l’État de la fixer car elle ne peut être définitive. Il s’agit donc d’instaurer un dispositif grâce auquel agriculteurs et assureurs soient en mesure, en bonne intelligence, de s’adapter à son évolution. Le but est de permettre tout à la fois le développement du marché de l’assurance, l’acculturation à la gestion du risque et la couverture par l’État des pertes exceptionnelles, selon une formule à l’impact budgétaire maîtrisé.
    Le deuxième principe est celui de l’universalité. Il faut veiller à ce que le développement du marché de l’assurance récolte ne favorise pas ce que la théorie des jeux appelle des comportements de tricheur : un opérateur pourrait être tenté de déclarer de son propre chef et de manière unilatérale qu’il arrête de couvrir tel risque pour telle filière dans tel bassin.
    Le suivi de cette frontière sera soumis à l’examen des spécialistes que sont les assureurs mais fera aussi l’objet d’une concertation. Nous allons vous proposer de créer un outil susceptible d’ajuster deux pas de temps non superposables. Le premier est le temps long que réclame l’adaptation de l’agriculture. Je vous renvoie à la séquence 2 du Varenne de l’eau qui prévoit des plans d’adaptation très ambitieux portant sur des changements de pratiques, l’introduction de nouvelles variétés, y compris tropicales, et la diversification – sans parler de l’investissement dans des équipements de protection et de prévention. Le deuxième pas de temps est celui de la réactivité commerciale des assureurs, qui repose sur un rythme annuel voire infra-annuel. Le dispositif alliera accompagnement des risques susceptibles pour certains de devenir non assurables et adaptation de l’agriculture en vue du maintien, voire de l’augmentation de son potentiel.
    Le troisième principe est celui de la liberté. Nous vous proposons un système dans lequel les agriculteurs doivent avoir le choix de s’assurer ou non, et où ces derniers se verront proposer des polices d’assurance inventives et innovantes, qu’il s’agisse de polices paramétriques ou indicielles ne reposant pas sur la logique de l’indemnité et offrant donc des prix plus abordables ou de polices d’assurance plus traditionnelles, de nature indemnitaire, se fondant sur un rapport personnalisé plus humain avec l’assureur.
    Le quatrième et dernier principe est celui de l’efficacité. Je tiens ici à saluer la détermination du ministre. Comme il s’est d’emblée emparé de ce sujet et qu’il a eu le courage de le traiter, selon une méthode qui lui est habituelle, nous avons pu tenir les délais. La réforme entrera en vigueur au 1er janvier 2023, ce qui nous permettra d’honorer nos engagements. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)
    Pour finir, je remercierai tous ceux qui se sont mobilisés : outre le ministre, les agriculteurs, les assureurs et réassureurs, les services de l’État, avec lesquels j’ai eu l’honneur de beaucoup travailler et qui ont fait preuve d’un professionnalisme et d’un soutien fort et bien sûr celles et ceux de mes collègues qui se sont impliqués sur ces questions. (Applaudissement sur les bancs des groupes LaREM et Dem et sur quelques bancs du groupe LR.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Antoine Herth.

    M. Antoine Herth

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    Qu’est-ce que l’agriculture ? Elle est avant tout le résultat de l’interaction, guidée par la main de l’homme, entre un climat, un sol et des plantes. Le fait que sa finalité soit de nourrir l’humanité en fait une règle universelle qui est au fondement même des civilisations. Certaines d’entre elles, dit-on, celles des Mayas, des Sumériens, des Égyptiens de l’Antiquité ont fait la douloureuse expérience des effets brutaux des changements climatiques. Rappelons aussi que l’un des déclencheurs de la Révolution française, du moins de la mobilisation populaire, fut la succession d’hivers rudes et de maigres récoltes.
    Le triangle magique climat, sol, plantes n’est productif que grâce à l’intervention humaine, celle des agricultrices et des agriculteurs, celle de nos agronomes qui, terroir par terroir, production par production, année après année, contribuent à faire de la table française l’une des plus généreuses et des plus diversifiées du monde.
    Et si le miracle gastronomique français avait une fin ? C’est bien la question que nous devons nous poser devant les prévisions relatives aux impacts du changement climatique sur notre agriculture.
    De tout temps, les agriculteurs se sont regroupés et ont cherché à mutualiser les outils qui leur permettent de faire face aux aléas. Ainsi furent-ils les premiers à mettre en œuvre les assurances contre les effets de la grêle. Le rapporteur, dans son excellent rapport, a rappelé qu’en 2006, la loi d’orientation agricole a complété le système des calamités par une nouvelle assurance multirisque climatique. Nous disposons d’un recul d’une quinzaine d’années et nous connaissons désormais les potentialités de ces contrats dont le taux de pénétration n’est que de 18 %, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Nous pouvons considérer qu’ils sont des prototypes à partir desquels nous devons bâtir une nouvelle génération de modalités de couverture assurantielle. Les évolutions de la réglementation européenne nous donnent d’ailleurs davantage de latitude pour intervenir dans ce système.
    Il faut donc une réforme systémique pour être à la hauteur des enjeux. Et je voudrais vous féliciter, monsieur le ministre, de vous être emparé de ce sujet à bras-le-corps. Cela n’avait rien d’évident car il n’est pas toujours facile de s’engager dans des combats supposant des arbitrages budgétaires qui ne sont pas gagnés à l’avance. Je saluerai bien évidemment le rapporteur dont le rapport précédent, élaboré dans le cadre du groupe de travail « gestion des risques et développement de l’assurance récolte », rapport extrêmement technique mais pédagogique, a éclairé nos travaux sur le présent projet de loi.
    Il importe de conserver l’équilibre sur lequel repose le texte relativement succinct sur lequel nous nous penchons : à la loi de fixer le cadre et au règlement de déterminer les modalités d’application. C’est d’autant plus important qu’il nous faut évidemment remobiliser les assureurs, dont certains ont quitté le secteur de l’assurance multirisque climatique, et mobiliser les filières – je ne sais encore comment – pour mettre en œuvre le dispositif prévu. La réglementation doit pouvoir évoluer et intégrer l’ensemble des parties prenantes dans le tour de table. Dans cette perspective, il appartient au Parlement de s’impliquer pleinement en assurant un suivi annuel de l’évolution du dispositif et en étant au rendez-vous chaque année au moment de l’examen du projet de loi de finances pour voter les crédits nécessaires à sa bonne application.
    La lecture de Histoire de l’homme, vingt-deux ans d’amphi au Collège de France, d’Yves Coppens renvoie à une évidence : l’homme est apparu en tant qu’espèce à cause d’un changement climatique intervenu dans le Rift est-africain et a pu évoluer grâce à sa capacité à s’adapter aux aléas. C’est tout l’enjeu de ce texte que de nous permettre à nous, hommes et femmes du XXIe siècle, de nous adapter aux changements climatiques qui sont devant nous.
    Aussi, monsieur le ministre, le groupe Agir ensemble soutient avec détermination une réforme structurelle grâce à laquelle notre agriculture pourra continuer d’assurer sa belle mission, avec la certitude – c’est important – d’avoir derrière elle, en cas d’accident climatique, la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Au nom du groupe UDI et indépendants, André Villiers et moi-même accompagnerons et soutiendrons votre texte, monsieur le ministre. Dans l’histoire contemporaine de l’agriculture française, les professionnels, jusqu’à ce jour, disposaient de leur propre régime assurantiel classique et bénéficiaient parfois du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles ou du régime des calamités agricoles. Ce projet de loi traduit la volonté politique de prendre en considération une spécificité de notre temps, sur laquelle notre collègue Descrozaille a bien travaillé, ce que nous saluons : les aléas, particulièrement climatiques.
    Ainsi que vient de le rappeler Antoine Herth, les agriculteurs travaillent le vivant, le sol, les règnes végétal et animal ; appartenant au secteur primaire, ils sont soumis à la multitude de ces aléas. Ceux-ci peuvent être politiques, par exemple, il y a quelques années, l’embargo russe touchant la filière porcine ; sanitaires, comme les pandémies – nous en savons quelque chose ; climatiques, comme la sécheresse, les orages, le gel, et j’en passe. Le texte soumis à notre examen est donc naturellement bienvenu…

    M. André Chassaigne

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    Peut-être !

    M. Thierry Benoit

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    …et je ne vois pas qui, même dans la partie gauche de l’hémicycle, pourrait s’y opposer.
    L’article 1er établit un principe général de solidarité nationale vis-à-vis des agriculteurs mis en difficulté par les aléas climatiques. Si l’application ou l’articulation de ce principe peuvent être débattues, vous avez bien exprimé hier, monsieur le ministre, son caractère nécessaire et novateur.
    L’article 2 dispose que le cumul de l’aide nationale et de la contribution de l’Union européenne ne peut excéder 70 % de la prime ou de la cotisation d’assurance ainsi partiellement prise en charge. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé dans votre propos liminaire : des fonds européens, des outils comme le règlement « omnibus » concourent à l’accompagnement des agriculteurs ou des agricultures en difficulté. Par ailleurs, dans un contexte de marché, puisqu’au sein de l’Union la concurrence demeure libre et non faussée, les agriculteurs sont d’une certaine manière fragilisés : il importe d’assurer leur sécurité. Vous avez rappelé hier à juste titre que la mère des batailles était le travail collectif relatif aux négociations commerciales, impliquant tous les groupes parlementaires et mené par le Gouvernement, afin de leur assurer un meilleur revenu ; il est bon que nous venions également en appui concernant la question des assurances.
    Bien entendu, ce texte ne sera pas la panacée. Reste qu’en mettant les différents acteurs face à leurs responsabilités, il manifeste concrètement, je le répète, la volonté politique que la solidarité nationale intervienne aux côtés des assureurs en vue de soutenir l’agriculture française. Encore une fois, monsieur le ministre, André Villiers, ici présent, et moi-même soutiendrons donc le texte que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel.

    Mme Sylvia Pinel

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    Permettez-moi, au début de cette intervention, d’avoir une pensée pour les victimes des inondations qui touchent en ce moment mon département et ma région.
    En Occitanie, le souvenir du gel tardif de mai 2021 est encore vif dans de nombreux esprits : quelques heures avaient suffi à dévaster des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles. Les exploitants savent que ce drame, loin d’être exceptionnel, risque de devenir de moins en moins rare. Face aux conséquences du dérèglement climatique, ils tentent de protéger leurs champs autant que possible ; les arboriculteurs, les viticulteurs posent des filets antigrêle afin de limiter leurs pertes. Bien souvent, ces mesures préventives ne suffisent pas à sauver les cultures. Lorsque les dégâts sont trop importants, les conséquences économiques trop graves, les exploitants n’ont d’autre recours que le système d’indemnisation des pertes de récoltes résultant d’aléas climatiques ; mais ce régime, à bout de souffle, peine à remplir ses fonctions.
    Seules 18 % des surfaces agricoles sont couvertes par une assurance multirisque climatique, ce qui pose un problème d’autant plus important que le régime des calamités agricoles exclut par exemple la viticulture, laissant sans réponse, en cas d’événement climatique majeur, des pans entiers de l’agriculture française. En outre, les compagnies d’assurance sont confrontées à des déficits structurels qui remettent en cause leur capacité à faire face aux aléas à venir : ces dix dernières années, le ratio annuel de sinistres sur primes s’est élevé en moyenne à 105 %.
    Dans ce contexte, une réforme du système assurantiel s’imposait. Je regrette toutefois le calendrier retenu en raison de la proximité des élections, d’autant plus que les nombreux renvois à des ordonnances ou à des décrets – à échéance parfois lointaine – que prévoit le texte laissent en fait au futur gouvernement une bonne partie du soin de son application : en l’état actuel des choses, il est difficile de savoir quels seront alors les arbitrages. Cela dit, je souscris aux grandes orientations du nouveau dispositif. Solidarité, simplicité, accessibilité doivent se trouver au cœur de la réforme en vue d’assurer une large couverture contre les risques climatiques, ce qui était d’ailleurs l’objectif de la proposition de loi que j’avais déposée en 2008 et qui visait à rendre obligatoire l’assurance récolte.
    La voie que vous avez choisie est différente : vous souhaitez avant tout encourager les agriculteurs à s’assurer en augmentant le soutien public aux primes d’assurance. J’y suis néanmoins favorable. Nous avons en revanche quelques divergences concernant les modalités de subvention aux cotisations : je défends par exemple leur prise en charge à 70 %, et non dans la limite de 70 %, par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNRGA), ainsi qu’une franchise de 20 %, voire de 10 %, pour les cultures qui comportent le plus de risques. De même, l’article 2 devrait s’appliquer aussi bien aux contrats « à la culture » qu’aux contrats « à l’exploitation ». Monsieur le ministre, vous avez tenu à nous rassurer sur ce point en commission des affaires économiques ; les inquiétudes persistent cependant, et une clarification du texte serait bienvenue.
    De plus, un débat doit avoir lieu au sujet de la prise en compte de la moyenne olympique comme base de calcul pour l’indemnisation des pertes de récoltes. La fréquence croissante des aléas climatiques tire en effet les rendements moyens vers le bas, ce qui risque d’affecter l’attractivité des produits assurantiels. Le texte renvoie d’ailleurs massivement à des décrets pour déterminer les seuils au-delà desquels les agriculteurs verront leurs pertes couvertes par les différents dispositifs. Nous comprenons ce besoin de flexibilité, car l’évolution de la sinistralité pourrait imposer une révision rapide desdits seuils ; il faudra cependant veiller à ce qu’ils soient fixés en concertation avec les parties prenantes.
    Un mot, enfin, de la gouvernance du dispositif, plus précisément du pool d’entreprises d’assurance : je regrette que la forme juridique et les modalités de fonctionnement de celui-ci, essentiel à la bonne marche de l’ensemble, ne soient pas arrêtées à ce stade. Je m’inquiète en outre, à l’instar de l’Autorité de la concurrence, de ce qu’une mutualisation mal encadrée des données et des risques au sein d’un organisme unique pourrait entraîner un renchérissement du coût de l’assurance pour les agriculteurs.
    Espérons que l’examen du projet de loi en séance publique permettra de dissiper nos derniers doutes et d’appliquer rapidement cette réforme. Nos agriculteurs ont besoin d’outils qui couvrent efficacement les conséquences économiques des risques naturels et assurent la résilience de leurs exploitations. Il vous restera ensuite, monsieur le ministre, à vous attaquer aux aléas sanitaires. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Pour bénéficier des indemnités universelles, il faut avoir signé un contrat d’assurance, l’indemnisation des non-assurés ne pouvant être supérieure à 50 % de celle des assurés. Vos dispositifs ne font donc que renforcer l’inégalité entre les paysans assurés et les autres. Pas de contrat privé, c’est moins d’aides publiques : il s’agit de jeter les agriculteurs dans les bras des assureurs. De surcroît, l’augmentation de 300 millions d’euros des dépenses publiques bénéficiera en priorité aux exploitants les plus aisés, aux exploitations les plus rentables.
    Parmi les propositions du rapporteur Descrozaille, remises lors du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, figure la baisse d’ici à 2030, tendant à la suppression pure et simple, des indemnisations des non-assurés ; il en résulte que moins de la moitié des surfaces agricoles seront assurées en 2030. Les exploitations les moins rentables ne donnent pas les moyens de se payer une assurance : elles se retrouveront pénalisées par une moindre couverture solidaire. Dans le même temps, vous voulez démanteler le régime des calamités agricoles au profit des assurances privées ; or certains secteurs, par exemple l’apiculture, l’arboriculture, le maraîchage diversifié, ne sont pas, ou difficilement, assurables, car ils n’intéressent pas ces dernières. Par conséquent, le système que vous proposez, loin d’être universel, abandonne des pans entiers de l’agriculture française et subventionne le secteur privé afin de permettre l’émergence d’un marché voué au profit.
    Nous savons tous que la gestion des risques intermédiaires est confiée aux entreprises d’assurance : le Gouvernement impose aux agriculteurs ces intermédiaires privés qui ne recherchent que les bénéfices, et comme cela ne suffit pas, les récalcitrants qui ne consentiraient pas à s’assurer sur le marché seront sanctionnés par la privation d’aides publiques en cas d’événement climatique majeur. La solidarité nationale est ici à géométrie variable : au lieu de soutenir directement les paysans, ou de créer, comme le souhaite la Confédération paysanne, un fonds mutuel et solidaire associant tous les acteurs de la filière, le Gouvernement poursuit sa politique de subventions aux acteurs privés. Le système actuel est certes obsolète à l’heure où la fréquence et l’intensité des aléas climatiques augmentent sans cesse ; il faudrait donc réformer progressivement le régime des calamités agricoles, afin de permettre de meilleures indemnisations et des réponses dans les plus brefs délais, et créer le fonds que je viens d’évoquer, lequel assurerait une couverture de base de toutes les exploitations, de toutes les cultures, y compris diversifiées, face au risque climatique quel qu’il soit.
    Vous souhaitez également sauver les profits des assurances privées en abaissant le seuil d’éligibilité aux subventions et en augmentant leur taux maximal. Les assureurs indemnisent désormais plus qu’ils ne collectent : le marché de l’assurance multirisque climatique est très peu rentable, le secteur des assurances agricoles extrêmement concentré – dix entreprises seulement, dont les deux plus grandes se partagent à elles seules 70 % du marché – et les coûts voués à devenir de plus en plus élevés en raison du changement climatique. Subventionnés par le Gouvernement pour leur permettre de continuer d’exister, ces assureurs pèseront sur les services publics et menaceront l’égalité de traitement sur laquelle ces derniers sont fondés.
    Avec ce projet de loi, le Gouvernement souhaite décider à lui seul des modalités de gestion et de gouvernance du futur système. De plus, les agriculteurs confrontés à davantage de risques climatiques risquent de se voir proposer des contrats d’assurance aux tarifs exorbitants. Quand il s’agit de contraindre les entreprises et d’établir d’éventuelles sanctions, préfère-t-on passer par ordonnance ? À mon sens, le Parlement devrait avoir son mot à dire.
    De même, alors que les départements d’outre-mer sont dans une situation sociale, économique et sanitaire catastrophique et qu’ils sont les premiers affectés par le dérèglement climatique, le Gouvernement évite de débattre avec le Parlement de la gestion des risques climatiques pour les agricultures ultramarines. Les territoires d’outre-mer ne méritent-ils pas un débat parlementaire au même titre que les autres ? Le groupe La France insoumise ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Comme nous l’avons indiqué en commission, ce projet de loi suscite l’inquiétude de notre groupe tant du point de vue de son orientation générale que des modalités de sa mise en œuvre. Vous le savez : compte tenu de l’ampleur des menaces climatiques, sanitaires et environnementales qui pèseront sur notre agriculture dans les décennies à venir, les députés communistes réclament un véritable régime public d’assurance et de gestion des risques en agriculture, englobant l’ensemble des risques. Avec mon collègue André Chassaigne, nous avions d’ailleurs déposé en avril 2020 une proposition de loi en ce sens.
    Nous défendons un système dans lequel chaque agriculteur, quelle que soit sa production, serait couvert ; un système dans lequel les agriculteurs et les décideurs publics détermineraient les objectifs et les moyens de les atteindre, notamment en prévoyant des ressources pérennes pour répondre chaque année aux besoins identifiés. Le texte tourne le dos à cette ambition – même si vous vous en défendez, monsieur le ministre, en affirmant qu’il vise à « [consolider] feu le régime des calamités agricoles tout en rendant bien plus accessible l’assurance privée ». Consolider le régime des calamités en pénalisant lourdement – à hauteur de 50 % des montants d’indemnisation du troisième étage public – les agriculteurs qui ne souscriraient pas de contrat multirisque climatique : voilà une drôle de façon de présenter les choses.
    Par ailleurs, vous justifiez l’imprécision de la réforme – on ne connaît ni le détail des seuils applicables, ni les conditions de fixation des contrats proposés aux agriculteurs – en arguant de votre volonté de rester le plus fidèle possible à l’évolution du droit européen et aux possibilités offertes par le règlement « omnibus ». Mais de quel niveau de couverture parlez-vous quand les critères fondamentaux soit sont laissés intégralement à l’appréciation du pouvoir réglementaire, soit feront l’objet de décisions techniques du futur comité chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte (CODAR) ? Comment le législateur peut-il se prononcer sur un système dont il ne connaît pas les mécanismes ?
    Vous parlez d’une assurance plus juste, mais le texte ne fait pas mention des inégalités de revenus entre exploitations et ne prévoit aucune progressivité des soutiens à l’assurance récolte en fonction de la structure et des revenus de ces dernières. Il ne traduit pas non plus la moindre volonté d’aborder ces questions. Pourtant, au vu du fiasco que représentent les contrats actuels d’assurance récolte, nous savons bien qu’il s’agit du problème de fond.

    M. Guillaume Garot

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    Excellent !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Nos amendements destinés à apporter plus de justice aux exploitations en difficulté viennent d’ailleurs, une fois encore, d’être déclarés irrecevables.
    Enfin, nous ne sommes pas dupes du poids grandissant dont disposeront les assureurs dans la définition des contrats et des modalités d’indemnisation. Avec 70 % d’aides publiques à la souscription des contrats et une surreprésentation au sein du nouveau CODAR, vous assurez avant tout les assureurs.

    M. Guillaume Garot

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    C’est bien dit !

    M. Dominique Potier

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    En effet !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Ce glissement vers une gestion privée n’est pas nouveau. Vous l’assumez en favorisant l’extension de l’assurance récolte, organisée autour d’un système de seuils intermédiaires volontairement flou, mais que les compagnies d’assurance pourront juger profitable en raison des très forts soutiens publics européens et nationaux qu’il recevra. Vous le savez, la quête permanente du soutien de l’État pour assurer la rentabilité artificielle de produits assurantiels privés nous paraît très discutable. Elle l’est d’autant plus lorsque l’on apprend que les sociétés d’assurance qui seront chargées de définir le contenu des contrats et des niveaux de couverture des pertes au sein du CODAR viennent d’annoncer aux agriculteurs qu’elles augmenteront leurs tarifs de 10 à 25 % dès 2022 ! Curieuse coïncidence.
    Enfin, monsieur le ministre, vous avez confirmé en commission le transfert à des interlocuteurs privés de la gestion des deux étages d’indemnisation et de l’évaluation des pertes. Cette délégation de service public, effectuée après appel d’offres, dépossédera de fait les services déconcentrés de l’État de leur mission actuelle. Vous confiez en réalité toute la gestion du système aux assureurs, qui deviendront juge et partie.
    Aussi, malgré la présentation séduisante de votre réforme, nous demeurons très circonspects quant à son impact réel sur le niveau de couverture des risques climatiques de nos agriculteurs, et dubitatifs quant aux conditions de la mise en œuvre de cette nouvelle usine à gaz. Nous sommes également inquiets quant à la place et au rôle confiés aux assureurs privés. Si aucune modification substantielle des articles du projet de loi ne vient lever ces craintes au cours de nos débats, nous ne voterons pas le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – M. Dominique Potier et Mme Émilie Cariou applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Pellois.

    M. Hervé Pellois

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    Je voudrais avant toute chose remercier Jean-Baptiste Moreau de me permettre de prendre la parole pour notre groupe aujourd’hui – pas seulement parce que cette intervention sera ma dernière depuis la tribune, mais aussi parce qu’en tant que rapporteur du budget agricole au sein de la commission des finances, j’ai eu l’occasion de m’intéresser à l’efficacité des mécanismes de prévention des aléas et des fonds de gestion de crise dans le secteur agricole en 2020, à l’occasion du Printemps de l’évaluation.
    Projet de loi de finances après projet de loi de finances, je mesurais l’importance croissante de cette question au niveau budgétaire. La quinzaine d’auditions auxquelles j’ai procédé m’a permis de dresser les mêmes constats que les vôtres, monsieur le ministre. Tous mes interlocuteurs s’accordaient en effet pour dénoncer l’inefficacité du système et l’absence de cohérence entre les règles applicables en matière d’assurance et celles relatives aux calamités agricoles, qu’il s’agisse de l’estimation des pertes ou des modalités d’indemnisation. On ne sentait pas chez eux, néanmoins, de vent d’optimisme quant à la possibilité d’une réforme rapide.
    C’était toutefois sans compter sur votre détermination, monsieur le ministre, que j’avais déjà notée lors de notre rencontre en septembre 2020. Vous avez su convaincre tous les niveaux de l’État et mettre en œuvre une organisation efficace pour relever ce défi. En confiant à notre collègue Frédéric Descrozaille, il y a un an, un rapport d’étape et le soin de proposer des solutions pour sortir de l’impasse, vous avez fait un très bon choix. Le texte que le Gouvernement nous propose aujourd’hui pour parachever cette réflexion était particulièrement attendu par la profession.
    Nous le savons, le changement climatique multiplie les phénomènes météorologiques extrêmes, détériore les rendements et met en danger notre agriculture. Le nouveau système imaginé se veut plus juste, plus accessible et plus efficace, autour d’une structure à trois étages partagée entre agriculteurs, assureurs et État. Il traduit une volonté de protéger notre agriculture contre cette menace. Le texte se veut ambitieux, en créant un régime universel d’indemnisation du risque climatique : tous les agriculteurs, quel que soit leur type de culture, qu’ils soient assurés ou non, bénéficieront de l’intervention de l’État en cas d’aléas exceptionnels.
    J’avais eu l’occasion de relever l’efficacité insuffisante de la procédure du Fonds national de gestion des risques, s’agissant des délais d’instruction et de versement ou des différences méthodologiques entre les intervenants. J’espère que le présent texte nous donnera l’occasion de revenir sur certaines lourdeurs du système et, ainsi, d’assurer une indemnisation plus rapide et plus juste aux agriculteurs grâce aux progrès des techniques satellitaires.
    Le constat général, concernant l’assurance multirisque climatique agricole, est celui de sa trop faible couverture – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Le régime proposé s’appuie sur une répartition du risque entre tous les acteurs et subventionne davantage l’assurance multirisque. L’intervention de l’État, qui passera de 300 à 600 millions d’euros par an, devrait contribuer à enrayer l’augmentation des tarifs et ainsi encourager les exploitants à entrer dans le système assurantiel.
    Enfin, le présent texte responsabilise les agriculteurs face au défi climatique. Cette impulsion n’est pas nouvelle et s’inscrit dans la continuité de ce que nous nous efforçons de faire depuis quelques années : la mise en place de la dotation pour épargne de précaution en 2019, les aides à la modernisation des exploitations mais aussi les aides à l’investissement dans le matériel pour faire face aux principaux aléas climatiques, financées dans le cadre du plan de relance.
    Quelques dispositions restent à préciser par la voie réglementaire. Nous ne doutons pas que l’augmentation ou la diminution des seuils voulue par le Gouvernement sera l’occasion d’aller aussi loin que la réglementation européenne le permet. Comme l’a rappelé notre Président, « il n’y a pas de grand pays sans agriculture forte ». Notre majorité, réforme après réforme, tend à préserver cette grandeur. J’en profite pour rappeler l’aide de 1 milliard d’euros accordée aux agriculteurs pour compenser les pertes occasionnées par un épisode de gel inouï en avril dernier. Notre majorité continuera à répondre présente lors d’événements climatiques d’une telle ampleur.
    Le présent projet de loi est également un outil supplémentaire pour garantir le revenu des agriculteurs. Cet objectif a été fixé dès le début du quinquennat, avec l’organisation des états généraux de l’alimentation, et il reste d’actualité. S’il ne fallait en citer que quelques-unes, les lois EGALIM 1 et 2, la mise en place de la déduction pour épargne de précaution et la revalorisation des retraites agricoles sont autant d’avancées pour la profession. Le chemin reste long mais la volonté ne tarit pas. Nous poursuivons nos efforts et le groupe LaREM votera évidemment ce texte ambitieux. Le débat budgétaire, en fin d’année, permettra de le concrétiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive.

    M. Julien Dive

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    Non, le dérèglement climatique n’est pas une vue de l’esprit de la doxa populaire.

    M. Guillaume Garot

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    Très bien !

    M. Julien Dive

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    Je crois en la science, qui doit être placée au cœur de nos débats et sur laquelle se fondent nos décisions. Or on ne peut pas y croire seulement quand cela nous arrange. Alors quand les scientifiques nous expliquent, rapport après rapport, année après année, que le climat change, qui peut ne pas le croire ?

    M. Guillaume Garot

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    Quelqu’un de chez vous !

    M. Julien Dive

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    C’est d’autant plus vrai lorsque l’on a les pieds dans la terre, dans nos vallées, nos coteaux, nos vergers, nos prairies…
    L’épisode de gel massif d’avril 2021 n’a épargné quasiment aucune région française ; il a provoqué des pertes de 100 % en arboriculture et dans la culture des petits fruits, ainsi que des pertes importantes en viticulture et même en grandes cultures, obligeant certains betteraviers à semer à nouveau. Citons aussi les épisodes généralisés de sécheresse en 2020 et en 2016, ainsi que les épisodes de grêle, les tempêtes répétitives ou encore les incendies : la recrudescence des événements climatiques défavorables ces dernières années place de plus en plus d’acteurs du monde agricole au bord de la rupture.
    Ce phénomène dépasse la dimension purement financière des pertes subies ou l’enjeu de la souveraineté alimentaire de la France – pourtant déjà fortement mise à mal en raison du déséquilibre normatif dont nous souffrons par rapport à nos concurrents étrangers. En effet, la pression psychologique et les dommages moraux occasionnés par ces aléas climatiques nourrissent le malaise de nombreux exploitants, entraînant parfois des conséquences dramatiques. Si nos agriculteurs ont des difficultés, les compagnies d’assurance en ont également, d’ordre économique. Elles redoutent en effet la multiplication de ces épisodes climatiques qui les conduisent à dépenser plus qu’elles ne collectent – ce qui démontre que le système est à bout de souffle.
    Il fallait donc répondre à une demande exprimée par les filières depuis plus de vingt ans. La question de la réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture avait été amorcée avec le Varenne de l’eau, dont les travaux – menés avec rigueur, je dois le dire, monsieur le rapporteur – ont débouché sur le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
    Spontanément, on s’interroge et l’on est surpris, de façon légitime, par le calendrier choisi : nous sommes en effet à quatre-vingt-dix jours de l’élection présidentielle. Mais l’urgence est bien là et il faudra y répondre, tôt ou tard.
    Au passage, je déplore la difficulté pour le législateur d’amender un texte de cette nature : l’article 40 restreignant fortement la possibilité de proposer des modifications, la plupart de nos amendements ne peuvent quasiment porter que sur la forme.
    C’est un projet de loi nécessaire, urgent, dont j’approuve les grands principes – la solidarité nationale, la liberté pour les agriculteurs de s’assurer ou de ne pas s’assurer, la complémentarité indispensable entre les assurances et l’État –, mais qui suscite aussi plusieurs interrogations.
    Interrogation tout d’abord sur l’application du texte, qui doit s’étaler jusqu’à 2023 : cela signifie qu’elle dépendra de textes réglementaires d’application qui interviendront après les élections présidentielle et législatives. Interrogation manifestée par les assureurs : à l’article 7, vous envisagez de mettre en place un pool d’assureurs de manière à simplifier et harmoniser le recours à l’assurance privée et l’accès au nouveau dispositif d’indemnisation publique. Ce pool pourrait jouer un rôle de tiers de confiance mais pour être efficace, il doit absolument mutualiser les risques. Si vous voulez que chacun y adhère, l’obligation ne doit pas uniquement consister en un partage de données. Il est impératif d’éviter un tri par les compagnies d’assurance entre les « bons » et les « mauvais » risques.
    Enfin, cette belle architecture sera sans effet si les financements ne suivent pas. Or vous avez écarté la possibilité de flécher des crédits dès le projet de loi de finances pour 2022. Tout reposera donc sur les discussions budgétaires post-élections législatives afin que l’enveloppe dédiée couvre les besoins nécessaires pour garantir la bonne marche de ces outils de gestion des risques. Le succès de la réforme tient au taux d’adhésion des agriculteurs, viticulteurs, arboriculteurs, apiculteurs, éleveurs. Il est donc indispensable d’associer toutes les filières, chacune avec sa particularité. C’est l’objet d’amendements relatifs à la composition du CODAR que mon groupe défendra à l’article 5.
    Le groupe Les Républicains soutiendra la démarche portée par ce projet de loi et votera en sa faveur. Il vous faudra néanmoins lever nos doutes en matière d’application, de garantie de financement et de compatibilité avec le droit de la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. le rapporteur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Dans l’histoire agricole, il y a un lien indéfectible, notamment à partir du XIXe siècle, entre les mouvements mutualistes, solidaires, coopératifs et la prospérité de l’agriculture. On peut dire que la solidarité est devenue une sorte d’assurance vie pour notre agriculture.
    Mais les temps changent et de nouveaux risques apparaissent, auxquels nous devons faire face. Je fais partie de ceux qui disent aujourd’hui avec clarté que le statu quo n’est pas acceptable. La situation nous impose, monsieur le ministre, une certaine humilité, puisque nous n’avons pas réformé le régime d’assurance des calamités agricoles alors que le sujet ne date pas d’hier : depuis dix ans au moins il est l’objet de discussions au sein du monde agricole, des syndicats, des cercles sociaux-démocrates auquel nous appartenons. Pourtant, nous n’avons pas pris le taureau par les cornes ni mené à bien cette réforme indispensable.
    Je le répète, le statu quo n’est pas possible : il y a des productions orphelines ; les risques augmentent de façon patente ; moins de 20 % des 28 millions d’hectares de surface agricole utile (SAU) française relèvent des assurances multirisques climat ; le régime actuel de calamités et de catastrophe naturelle est inopérant et fait l’objet tant de pressions et de négociations politiques que d’objectivation scientifique. Nous abordons donc avec bienveillance, curiosité et disponibilité la réforme qui nous est proposée.
    Les principes que vous posez sont a priori sympathiques, et pas seulement parce que le rapporteur s’y est beaucoup investi et n’a pas été pas avare de dialogue et de pédagogie, épris qu’il est, lui aussi, d’une forme d’éthique de l’économie sociale de marché : un accord public-privé, une dimension universelle, une cogestion au sein du CODAR, tout cela nous parle et nous séduit au premier abord. Mais si aujourd’hui nous sommes plutôt, entre dubitatifs et circonspects, dans une logique qui nous rend disponibles pour un vote favorable, négatif ou une abstention, c’est pour deux raisons très simples.
    Premièrement, nous aurions pu imaginer une solution alternative – cela dit sans arrogance puisque nous ne l’avons pas proposée plus tôt –, valide sur le plan conceptuel et pratique, pourvu qu’on y mette des moyens publics, ce qui n’est pas tellement la tradition : l’alliance de l’aide publique telle qu’elle existe aujourd’hui sous la forme de subventions et de prise en charge en cas de catastrophe avec un système de contribution universelle du monde agricole – comparable aux contributions volontaires obligatoires, les CVO. Nous aurions ainsi un système mutualiste organisé par l’État, le CVO étant un hybride de la politique publique et de la dynamique privée, de l’appareil d’État et de la profession. Une telle solution aurait permis de ne pas passer par les assurances privées. Voilà pour l’idéal.
    Deuxièmement, il aurait fallu nous donner des garanties. Nous ne sommes pas dupes : la hausse récente est une sorte d’anticipation d’une machine qui pourrait s’emballer, d’un pouvoir qui pourrait devenir exorbitant. Tant que des seuils conformes à la justice, à l’éthique ne sont pas fixés par avance, plutôt que renvoyés à des ordonnances ou à des décisions ultérieures, nous pourrons craindre une mainmise de l’assurance privée, dont les contrats conditionnent désormais quasiment toute l’aide publique au monde agricole.
    Dans cette perspective, nous serons attentifs à ouvrir au moins le débat. Le rapporteur s’est engagé à ce qu’il y ait une discussion de fond sur la possibilité d’une offre alternative. Nous veillerons au minimum à ce que les conditions posées aux aides publiques puissent être adossées à autre chose qu’à l’assurance privée et que l’assurance privée soit au moins soumise à des exigences éthiques. Nous qui avons été habitués ces dernières années à distribuer, du fait de la pandémie, de l’argent public massivement et sans condition, nous sommes en train de poser les principes d’un nouveau système qui pourrait être fondé sur une éthique de partage de la valeur, afin que l’argent public et celui des agriculteurs n’alimentent pas une cash machine des assurances privées qui échapperait à toute raison et à la solidarité que nous entendons défendre ici. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – Mme Émilie Cariou applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    L’agriculture se caractérise par des cycles de production généralement longs, qui l’exposent tout particulièrement aux aléas climatiques. Au fond, le risque climatique est consubstantiel à l’agriculture. Il est d’ailleurs depuis longtemps intégré dans le raisonnement de nos agriculteurs. Les cultures peuvent être variées pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ; les dates de semis sont étalées, ni trop précoces, pour éviter les gelées hivernales, ni trop tardives, pour ne pas subir les sécheresses estivales. Même s’il ne s’agit pas d’en faire une liste exhaustive, les pratiques sont nombreuses pour limiter, voire éviter les conséquences des risques climatiques en agriculture.
    Cependant, ces stratégies d’évitement ne fonctionnent que pour parer des risques limités, clairement identifiés, d’une fréquence faible à moyenne. Une sécheresse tous les cinq ans en période estivale est supportable par un système d’exploitation adapté et diversifié ; deux sécheresses drastiques en quatre ans peuvent condamner une exploitation. Or les événements climatiques d’ampleur se multiplient, à l’instar du gel de 2021 qui a si durement touché les vignes et les vergers notamment. L’agriculture n’est pas en mesure de s’adapter à des phénomènes climatiques à la fois plus violents et plus fréquents.
    Certes, des dispositifs de type assurantiel existent pour faire face à ces aléas : le régime des calamités agricoles d’abord, créé en 1964, qui s’appuie sur la solidarité nationale, et des assurances de droit privé, les assurances multirisques climatiques, dont environ deux tiers du coût est pris en charge par des financements européens, le reste étant à la charge de l’agriculteur.
    Mais le constat est clair : ces dispositifs ne sont plus adaptés. Moins de 30 % des agriculteurs souscrivent à la multirisque climatique, en raison de son coût mais également à cause des franchises intervenant lors des règlements. Quant au régime des calamités, il est particulièrement complexe, entraîne des délais d’indemnisation très longs et est souvent injuste, puisqu’il conduit à mieux indemniser ceux qui ne sont pas assurés que ceux qui le sont, les deux mécanismes n’étant pas articulés l’un avec l’autre.
    Dans ce contexte, la réforme que vous proposez, monsieur le ministre, va dans le bon sens. Elle part de deux constats simples. Premièrement, l’agriculture française n’est pas en mesure d’assurer seule des risques qui la dépassent du fait du changement climatique. Deuxièmement, l’architecture entre les deux dispositifs n’est plus fonctionnelle, d’où un système complexe, incohérent, voire contre-productif.
    À ces deux constats, la réponse apportée est claire, ce dont nous vous savons gré : un effort financier sans précédent avec le doublement du budget consacré à l’assurance récolte, qui passe de 300 à 600 millions d’euros ; la mise en place d’un système de protection unifié, applicable à l’ensemble des productions et qui se structure autour de trois niveaux de risque sur lequel je veux revenir.
    Le premier niveau, c’est l’équivalent de la franchise qui reste à payer quand on a été victime d’un sinistre. C’est tout simplement le risque de l’agriculteur. Cette notion est importante. Il y a des productions qui ne sont pas ou ne sont plus possibles dans certains contextes agro-climatiques. Vouloir les prendre en charge reviendrait à enlever toute responsabilité au producteur.
    Le deuxième niveau est celui, facultatif, de l’assurance privée qui a la charge des risques moyens par leur fréquence et leur intensité. Au-delà d’un certain seuil, les dégâts de tous, assurés ou non, sont pris en charge par les pouvoirs publics : c’est le troisième niveau. C’est aussi une façon de réduire le coût d’accès à l’assurance privée, qui se voit déchargée de la couverture des risques exceptionnels.
    Si le texte est clair et cohérent, il reste des points importants sur lesquels je veux attirer votre attention. L’application du système doit être rapide, concomitante de la réforme de la politique agricole commune (PAC) en 2023. Le pool d’assureurs doit être organisé de telle sorte qu’il puisse proposer des assurances accessibles au plus grand nombre d’agriculteurs, quelles que soient les productions et les territoires – il ne s’agit pas de ne laisser aux assureurs que les bons risques. Il convient aussi de travailler à une définition du potentiel de rendement assurable : la moyenne olympique actuellement utilisée est objective, mais présente aussi des inconvénients majeurs. Il faut enfin sensibiliser davantage nos agriculteurs à l’intérêt de s’assurer. L’assurance récolte ne doit pas être considérée comme un investissement financier mais comme une ceinture de sécurité susceptible de sauver la vie d’une exploitation. Ce travail de sensibilisation doit être le fait à la fois des pouvoirs publics et des organisations professionnelles agricoles.
    Nous serons vigilants sur ces points mais, vous l’aurez compris, le groupe Démocrate est extrêmement favorable à ce texte. Il s’inscrit pleinement dans la réflexion d’ensemble que vous menez en faveur de l’agriculture française, qui passe notamment par le travail sur le prix payé aux agriculteurs ou l’accès à l’eau. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Cariou.

    Mme Émilie Cariou

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    Au printemps dernier, un épisode de gel est venu frapper nos vignes et plusieurs de nos cultures. Conséquence directe : l’État a dû débloquer 1 milliard d’euros afin de soutenir le monde agricole. Ce triste épisode a mis en exergue l’impact du dérèglement climatique sur nos territoires et notre agriculture et nous a conduits à nous interroger sur les moyens de gérer ces risques que nous ne maîtrisons pas.
    Ce projet de loi est la réponse apportée par le Gouvernement à la suite des différents épisodes climatiques vécus en France ces dernières années.
    Le coût des sinistres a doublé par rapport aux années 2010-2015 et l’essoufflement du système actuel d’indemnisation des pertes de récolte résultant d’aléas climatiques est un constat partagé par tous et toutes : mécanismes trop complexes, peu lisibles, exploitants non assurés et donc dénués de solution s’ils ne sont pas éligibles au régime des calamités agricoles. Nos agriculteurs souffrent de plus en plus du dérèglement climatique. Nous ne pouvons plus laisser des pans entiers de notre agriculture subir ces aléas majeurs, appelés à devenir de plus en plus réguliers et violents.
    C’est pourquoi nous voulons saluer la volonté du Gouvernement de réviser une gestion des aléas climatiques jugée quasiment obsolète par la majorité des acteurs concernés. Il est vital que les inquiétudes légitimes de nos exploitants et futurs exploitants agricoles soient entendues. Elles peuvent en effet se traduire par un certain découragement des exploitants : on voit aujourd’hui, à l’occasion de la crise du prix du beurre, combien l’abandon des exploitations laitières, activité contraignante et mal rémunérée, peut mettre notre souveraineté alimentaire en péril.
    C’est pourquoi l’objectif de généralisation du recours aux assurances est une bonne chose, sous réserve qu’il soit strictement encadré par la loi. Si nous comprenons la nécessité de recourir aux ordonnances sur certains aspects du texte – notamment la fixation des seuils de déclenchement – nous ne saurions donner un blanc-seing au Gouvernement pour mener à bien cette réforme qui, je le rappelle, est nécessaire et attendue.
    La place centrale donnée aux assureurs privés dans le projet de loi ne doit pas conduire à leur garantir un soutien de l’État au détriment des agriculteurs. Nous entendons les arguments du secteur de l’assurance qui s’inquiète de la viabilité économique de cette activité. Toutefois, dans notre volonté de réformer la gestion des risques, nous ne pouvons leur laisser les pleins pouvoirs.
    Nous regrettons également que cette réforme tant attendue comporte encore plusieurs inconnues : il est notamment dommage que le texte actuel prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour la création du fameux pool d’assureurs permettant de garantir la mutualisation des données et des risques.
    Cela fait des mois et des années que nous sommes alertés sur le montant trop élevé des franchises, ainsi que sur le coût des assurances. Nous demandons une mutualisation générale des calamités et la consolidation des financements des outils de prévention, afin de lutter efficacement contre les aléas climatiques.
    Même si nous comprenons la volonté du Gouvernement d’inciter les agriculteurs à recourir à une assurance récolte, ce dispositif ne nous semble pas réaliste au vu du coût actuel des assurances, du montant des franchises à payer et des seuils de déclenchement qui sont jugés encore trop élevés par une majorité d’acteurs.
    L’efficacité d’une telle réforme passera donc nécessairement par une intervention résolue de l’État, que ce soit par le biais des aides directes ou des négociations avec les assurances, afin de faire émerger des offres assurantielles abordables et sérieuses. Soutenir nos exploitants agricoles permettrait de lutter contre leur paupérisation dans un contexte où les catastrophes naturelles seront de plus en plus récurrentes.
    Accompagner le monde de l’agriculture et ses acteurs face au dérèglement climatique représente l’un des défis majeurs de notre siècle. L’agriculture n’est pas un secteur d’activité comme les autres et nous devinons que le calendrier retenu pour la présentation du projet de loi n’est pas anodin. Toutefois, alors que les incidents climatiques deviennent de plus en plus fréquents, il est urgent que le Gouvernement écoute les propositions de tous les groupes afin d’apaiser les inquiétudes légitimes des exploitants agricoles. Ces derniers attendent de l’exécutif qu’il soit à la hauteur de la tâche.
    Compte tenu des incertitudes relatives à l’application de ce nouveau système assurantiel, je ne m’opposerai pas à ce texte, mais je ne pourrai pas non plus voter en sa faveur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je constate, pour commencer, que tout le monde s’accorde à la fois sur le défi à relever et sur l’impérieuse nécessité de sortir du statu quo. Il est toujours plus simple, pour trouver une solution à un problème, de partager le même constat.
    Ensuite, différentes positions ont été exprimées dans cet hémicycle. Plusieurs d’entre vous, je pense aux députés Antoine Herth, Thierry Benoit, Hervé Pellois et Nicolas Turquois, ont salué le travail du rapporteur et la pertinence du dispositif présenté dans le projet de loi : je les en remercie car ce texte est l’aboutissement d’un très long travail de concertation et de nombreuses discussions.
    D’autres, tels que Julien Dive, Sylvia Pinel et Émilie Cariou reconnaissent la pertinence du dispositif mais s’interrogent sur son calendrier et ses modalités d’application. Mais on ne peut nous faire un procès d’opportunisme…

    M. Fabrice Brun

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    Cela ne nous a même pas effleurés !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    …dans la mesure où nous avons annoncé cette réforme il y a déjà un an et demi.
    Certains considèrent à juste titre que l’intention de faire de cette réforme le socle d’une politique publique fondée sur la solidarité nationale devra être confirmée dans le projet de loi de finances et que sa concrétisation dépendra de la détermination du ministre qui sera à ma place dans quelques mois.
    Je vous le dis très humblement : votre plus grande assurance, mesdames et messieurs les députés, est de soutenir très clairement celles et ceux qui proposent cette réforme.

    M. Fabrice Brun

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    On la reprendra ! (Sourires.)

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Cela vous évitera, monsieur Dive, tout discours à cette tribune au sujet des climatosceptiques. (Sourires.) Soutenez le texte, faites-en une œuvre collective au service des agriculteurs !
    M. Potier, quant à lui, défend un autre modèle – que nous avons également étudié –, fondé sur la CVO. L’idée est que les agriculteurs n’assument pas seuls les risques, mais soient soutenus en cela par l’ensemble des acteurs de la filière. Ce faisant, vous exprimez la même intention que nous : celle de ne pas laisser les agriculteurs seuls. Cependant, alors que nous nous fondons sur la solidarité nationale, vous défendez une autre forme de solidarité.
    La contribution volontaire obligatoire est une invention assez incroyable… Néanmoins, elle ne relève pas de l’État mais résulte d’accords interprofessionnels : les professionnels concernés sollicitent l’État pour qu’il étende la CVO à tous les acteurs de la filière. Autrement dit, il faudrait que dans chaque filière intervenant en aval dans la chaîne des productions agricoles, plus de 70 % des acteurs se mettent d’accord pour demander au Gouvernement d’étendre à tous ce dispositif de contribution. Dans la mesure où il existe plus de quarante-deux filières, autant dire que cela n’arrivera jamais. La seule solution serait alors d’instituer une taxe plutôt qu’une CVO. Or il ne vous aura pas échappé que la majorité à laquelle j’appartiens est très attachée à ne pas instaurer de nouvelles taxes ou de nouveaux impôts (M. Antoine Herth applaudit.)

    Mme Émilie Cariou

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    C’est dommage !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Une dernière partie d’entre vous s’est déclarée opposée au projet de loi. Je distinguerai tout d’abord l’opposition exprimée par M. le député Dufrègne, qui s’appuie sur une différence idéologique : il souhaite que ce système fondé sur la solidarité nationale relève exclusivement du domaine public – j’en ai parlé avec le président Chassaigne en commission et je respecte cette position. Le mécanisme que nous proposons comporte en effet une part de responsabilité assumée par les assureurs, alors que vous préféreriez que le dispositif ne relève que de la solidarité nationale. Je pense pour ma part qu’il faut conserver une part de responsabilité prise en charge par les assurances. Même si j’aime bien échanger des points de vue idéologiques avec le groupe communiste, nous ne pourrons pas nous rejoindre sur cette approche.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Je n’ai pas prononcé le mot !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je vous l’accorde, monsieur le député.
    Enfin, l’opposition de Jean-Hugues Ratenon se fonde sur de fausses affirmations : par exemple, lorsqu’il dit que la réforme soumettrait certaines aides à la souscription par les agriculteurs d’un contrat d’assurance. Cela n’est écrit nulle part dans le texte et c’est strictement faux. Ensuite, et c’est étrange, il a ajouté que les assureurs avaient organisé un système dans lequel deux d’entre eux se partageaient le gâteau – en réalité, ils sont un peu plus nombreux, mais peu importe. C’est presque du darwinisme économique : croyez-vous que le secteur de l’assurance multirisque climatique n’attirerait que deux acteurs principaux s’il était si lucratif et rentable ? Non, à l’évidence.

    M. Loïc Prud’homme

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    C’est bien pour cela que le système ne peut pas fonctionner !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Pour quelles raisons les assureurs se désengagent-ils progressivement de l’assurance multirisque climatique ? Pas pour laisser deux d’entre eux se partager seuls un gâteau particulièrement riche ! Vous défendez une vision incohérente du système économique qu’en tout état de cause, après cinq ans de débats avec vous, je ne comprends pas et ne comprendrai jamais. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Je vous expliquerai !

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

    Article 1er

    M. le président

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    La parole est à M. André Villiers.

    M. André Villiers

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    Les événements météorologiques sont de plus en plus fréquents et la gravité de leurs effets augmente, en particulier pour les agriculteurs, en raison du changement climatique qui cause et renforce les phénomènes extrêmes.
    L’épisode survenu en avril dernier dans un département qui m’est cher, l’Yonne – trois jours de gel et des températures avoisinant moins 8 degrés – a fortement touché les arboriculteurs et les viticulteurs. Ceux-ci ont été reconnus victimes de calamités agricoles et peuvent, depuis hier, établir leur télédéclaration en ligne – presque un an après les faits, vous conviendrez que les délais sont bien trop longs.
    Cet exemple d’un département sinistré parmi tant d’autres illustre que la frontière entre ce qui est assurable et ce qui ne l’est pas – et doit donc relever de l’État – est de plus en plus floue. L’articulation entre le volet assurantiel – les contrats d’assurance multirisque climatique – et le régime des calamités agricoles – lié à l’État – doit donc évoluer.
    Or la France connaît toujours une guerre des prix agricoles et alimentaires qui affaiblit les revenus des agriculteurs et les empêche de constituer une épargne suffisante pour surmonter les événements climatiques. De plus, le risque inflationniste imputé aux carburants pèse désormais sur les prix des produits alimentaires : l’annonce vient d’être faite que l’augmentation de 30 % du prix du blé entraînera, dans les box de négociations, une hausse de 2,5 % du prix des pâtes – c’est scandaleux !
    Ce texte, qui vise à généraliser la couverture assurantielle des agriculteurs, va donc dans la bonne direction car, à l’heure actuelle, trop peu de cultures sont concernées : seulement 30 %, hors prairies. Mais l’objectif d’atteindre 60 % de surfaces assurées d’ici à 2030 semble bien trop progressif.

    M. le président

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    Je vous remercie de conclure.

    M. André Villiers

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    Je vais le faire. La nécessaire solidarité nationale ne saurait être dévoyée : l’impôt sécheresse hante encore les esprits d’une opinion publique toujours prête à stigmatiser les agriculteurs,…

    M. le président

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    Merci.

    M. André Villiers

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    …pourtant chargés de la mission la plus noble qui soit : celle d’assurer la souveraineté alimentaire.
    Monsieur le président, je dirai juste un mot à M. le ministre…

    M. le président

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    Je vais vous laisser terminer, monsieur Villiers, mais je rappelle que les orateurs inscrits sur les articles ne disposent que de deux minutes.

    M. André Villiers

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    J’aurais achevé mon propos si vous ne m’aviez pas interrompu… (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et SOC.)

    M. le président

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    Dans ces conditions, la parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme

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    Pour commencer, je souhaite répondre rapidement à M. le ministre : il n’y avait pas dans les propos de mon collègue Ratenon de mensonges ni d’inexactitudes. Lorsqu’il parlait des aides, il évoquait celles qui entrent dans le cadre des assurances : le versement des aides publiques est donc bien, dans ce cas, soumis à la souscription d’une assurance privée.
    Par ailleurs, ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce que nous avons voulu dire s’agissant des deux assureurs privés qui détiennent 70 % du marché et sont en situation de quasi-monopole ou, tout au moins, bénéficient d’un puissant rapport de force. Le rapporteur a admis lui-même que l’on s’en remettrait à eux pour déterminer ce qui pourra être assuré et ce qui ne le sera pas ; en d’autres termes, on les laissera décider à quel moment ils cesseront d’indemniser certains risques parce que ce ne sera plus rentable pour leur activité. Cela reviendra à laisser une majorité d’agriculteurs face à des risques déclarés non assurables parce que non rentables par les assureurs, dont la logique est purement financière, alors que la solidarité nationale implique une mutualisation des risques au sein du milieu agricole.

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    « Au commencement était le Verbe » : quand nous commençons l’examen d’un projet de loi, nous avons droit aux envolées du ministre et du rapporteur ; cela fait partie de l’exercice parlementaire. « Le texte est formidable, absolument révolutionnaire, il répondra à toutes les attentes », nous explique-t-on… Quelques années plus tard, voire plus tôt, nous constatons que l’atterrissage est fort décevant par rapport aux envolées initiales.

    M. Guillaume Garot

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    C’est vrai !

    M. André Chassaigne

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    Le présent projet de loi n’y échappera pas. Concernant l’article 1er, chacun saute sur sa chaise comme un cabri en disant : « solidarité nationale, solidarité nationale, solidarité nationale ! » Mais si je sors mon couteau de Thiers (Sourires) et que je gratte un peu, je découvre que derrière cette solidarité nationale se cache avant tout une solidarité pour les assureurs : il faut rassurer les assureurs ; et pour les rassurer, il faut les réassurer. Cela aboutit en définitive à une forme de privatisation des gains et à une socialisation des pertes. Vous l’avez dit, monsieur le ministre : le secteur est dominé par deux acteurs, Pacifica et Groupama, qui représentent 70 % du marché. Ce sont eux qui tirent les ficelles.
    Nous interviendrons souvent sur les articles pour expliquer notre position, puisque la moitié de nos amendements ont été liquidés – je ne me fais pas d’illusion sur le sort de l’autre moitié. Je l’affirme donc : ce que vous proposez est un copier-coller non pas du système espagnol, mais du système américain. De l’argent public issu de la solidarité nationale profitera à quelques-uns seulement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jean-Louis Bricout applaudit aussi.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    L’article 1er est l’exact contraire de ce que vous décrivez, monsieur Chassaigne. Il annonce l’esprit même du texte et son principe fondamental : l’universalité. Contrairement à la situation actuelle, tous les agriculteurs seront désormais protégés.

    M. André Chassaigne

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    Mais à des niveaux différents !

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Que l’agriculteur soit assuré ou non, il pourra se tourner vers un interlocuteur unique qui indemnisera ses pertes si elles dépassent un certain seuil – et ce grâce à la solidarité nationale.

    M. André Chassaigne

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    À hauteur de 50 % seulement !

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Si l’agriculteur est assuré, l’indemnisation issue de la solidarité nationale s’ajoutera à celle qui sera versée par l’assureur. S’il n’est pas assuré, il sera tout de même indemnisé, mais ne pourra pas toucher plus de 50 % de ce que percevra un agriculteur assuré : il s’agit là d’une règle européenne qui est déjà en vigueur.
    L’article 1er énonce un principe fondamental : ne laisser personne sur le bord de la route et pallier les carences d’un système qui, en raison des lourdeurs administratives du régime des calamités agricoles, laissait trop souvent les agriculteurs dans une impasse économique – voire, s’ils n’étaient pas éligibles, sans la moindre solution d’accompagnement. Le principe d’universalité est indispensable pour répondre à des aléas climatiques de plus en plus fréquents. L’architecture proposée est simplifiée. Elle est composée de trois étages, en fonction des risques : au premier étage, une prise en charge par l’agriculteur des risques faibles ; au deuxième étage, une prise en charge par l’assurance, subventionnée par l’État, des risques moyens ; au troisième étage, une prise en charge par l’État des risques dits exceptionnels. Cette architecture est plus simple, plus lisible et plus équitable que le système actuel pour les agriculteurs. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé

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    Je me réjouis qu’en cette fin de législature, nous parvenions collectivement à avancer dans le dossier très important de la protection des agriculteurs contre les dérèglements climatiques. En tant que député de l’Yonne, comme mon collègue André Villiers, je sais combien les agriculteurs, les arboriculteurs et les viticulteurs ont été durement frappés, ces dernières années, par des épisodes climatiques difficiles.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Pensons au chablis !

    M. Guillaume Larrivé

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    Or le système actuel ne fonctionne pas correctement : le régime des calamités agricoles intervient trop tard, et le régime assurantiel est trop parcellaire.
    La logique que vous proposez, qui a été étudiée par la commission, est la bonne. Elle consiste en un régime universel accessible à tout agriculteur, selon un principe de liberté – loin d’un système obligatoire à la soviétique, elle respecte la liberté entrepreneuriale. Elle se décompose en trois étages : une franchise, un régime assurantiel et une strate de solidarité nationale. Ce principe me convient.
    Je souhaite toutefois appeler votre attention sur deux points de vigilance. Le premier est juridique – Charles de Courson l’évoquera tout à l’heure : nous avons pris connaissance avec une certaine inquiétude de l’avis de l’Autorité de la concurrence, et souhaitons être assurés que la future loi pourra être appliquée sans difficulté, sans contrevenir au droit européen. Par ailleurs, comme l’exposera Julien Dive au nom des Républicains, nous tenons à ce que toutes les filières soient impliquées dans la mise en œuvre du dispositif. Il est donc essentiel que toutes soient représentées au CODAR. De toute évidence, les producteurs de cerises de Jussy, dans ma circonscription, de Chablis ou d’Irancy n’ont pas les mêmes contraintes : ils n’exercent pas exactement le même métier, ne sont pas soumis aux mêmes calendriers et n’ont pas les mêmes préoccupations. Aussi les acteurs de terrain doivent-ils absolument être associés à l’application du dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Permettez-moi de répondre à ces interventions ; ainsi, je serai plus bref par la suite. Je partage vos propos, monsieur Moreau. Par ailleurs, monsieur Larrivé et monsieur Villiers, le récent épisode de gel offre une parfaite illustration de notre démarche : nous avons développé un dispositif ad hoc – Mme Verdier-Jouclas peut en témoigner – qui dessine les prémisses de l’assurance récolte. Vous jugez la procédure trop longue, monsieur Villiers, mais interrogez les agriculteurs sur le terrain : beaucoup vous diront que les dispositifs n’ont jamais été aussi rapides – nous ne nous en satisfaisons pas pour autant. Les producteurs de fruits à noyau ont par exemple reçu les premières indemnisations dès l’été, alors qu’ils attendent normalement un an et demi à deux ans.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Exactement !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Nous nous occupons désormais des producteurs de fruits à pépins – le décalage s’explique en partie par les cycles de déclaration et les dates de fin de production.
    Notre réaction face à l’épisode de gel constitue donc l’un des prémisses du dispositif que nous proposons. Nous devons aller encore plus loin : c’est l’objet du projet de loi.
    Par ailleurs, monsieur Chassaigne, il importe surtout que le Verbe se fasse chair !

    M. Guillaume Garot

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    Ça, c’est pour Dominique Potier ! (Sourires)

    M. Julien Denormandie, ministre

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    L’indemnisation à 50 % que vous évoquez est la stricte application de la réglementation européenne ; elle est déjà en vigueur dans le Comité national de la gestion des risques en agriculture (CNGRA).

    M. André Chassaigne

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    Vraiment ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    C’est ainsi que cela fonctionne aujourd’hui, et c’est un copier-coller de la réglementation européenne.
    J’en viens à la question de l’équilibre, qu’ont notamment évoquée Guillaume Larrivé et André Chassaigne. Les études ont démontré que même si tous les agriculteurs s’assuraient, comme le font les conducteurs de voitures, la mutualisation des risques ne ferait pas baisser le coût de l’assurance. Voilà la grande difficulté.

    M. Dominique Potier

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    Ah bon ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Cette option, qui fut un temps envisagée, a donc été écartée. Aussi avons-nous réfléchi à un autre dispositif, qui doit nécessairement reposer sur la solidarité nationale : sans elle, cela ne fonctionnera pas.
    Comment expliquer que la mutualisation des risques de l’ensemble des agriculteurs ne diminue pas le coût de l’assurance, comme c’est le cas pour l’assurance automobile ? La raison est la suivante : aujourd’hui, les 18 % de surfaces assurées représentent les risques les moins élevés dans les territoires les plus à risque ; or cela équivaut à peu près à la moyenne des risques dans le territoire national. Sachant que le système ne fonctionne pas pour 18 % des surfaces, il ne fonctionnera pas davantage pour l’ensemble des surfaces avec une moyenne de risque équivalente. Le premier pilier de la réforme est donc la solidarité nationale – j’y insiste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 110 tendant à supprimer l’article 1er.

    M. Loïc Prud’homme

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    Nous proposons de supprimer cet article, qui pose la première pierre d’une solidarité nationale à géométrie variable pour les agriculteurs face aux aléas climatiques. Il prévoit que les agriculteurs bénéficient d’une indemnisation sur la solidarité nationale dans les conditions prévues à l’article 3 du projet de loi ; or selon celui-ci, les exploitants agricoles n’ayant pas souscrit un contrat d’assurance multirisque climatique ne pourront pas toucher plus de 50 % de l’indemnisation perçue par les agriculteurs assurés.
    Ce faisant, le Gouvernement instaure une conditionnalité des aides publiques au profit des assureurs et des plus grandes exploitations agricoles. Il est plus que probable que la moitié des agriculteurs ne pourront pas souscrire une telle police d’assurance d’ici à 2030 – comme l’indique l’étude d’impact, la surface assurée cible à la fin de la décennie est d’ailleurs de 46 %, et même de 30 % pour l’horticulture, l’arboriculture ou encore les prairies. Dans ces secteurs comme dans d’autres, notamment l’apiculture, l’absence de protection des agriculteurs tient à la fois à leurs faibles revenus et à la réticence des sociétés d’assurance à les couvrir. Cela nous renvoie au débat sur les exploitations assurables ou non assurables : qui fixe le curseur ? Dès lors, prôner une solidarité nationale qui favorise les exploitations ayant les moyens de s’assurer est pour le moins inopportun, pour ne pas dire légèrement hypocrite.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Il y a toujours beaucoup à dire sur un amendement de suppression. J’essayerai de ne pas être trop long, sachant que nous venons d’évoquer le sujet que vous soulevez.
    Si le dispositif était aussi favorable aux assureurs que vous le dites, ils seraient les premiers à le soutenir et à le promouvoir. Il ne vous aura pas échappé que ce n’est pas vraiment le cas. Au contraire, ils freinent des quatre fers : ils craignent de devoir supporter des obligations et continuer à fournir un produit qui ne leur permet pas de gagner de l’argent. À ce sujet, je m’étonne chaque fois que je vous entends – vous ou certains de vos collègues – parler des gens qui gagnent de l’argent. En quoi est-il problématique que quelqu’un s’enrichisse s’il rend un service de manière morale, avec le souci de satisfaire ses clients ? Je l’assume totalement : il s’agit bien de créer un dispositif dans lequel les assureurs, dont le métier est de couvrir des aléas, pourront dégager un résultat qui leur permettra d’investir, de payer leurs salariés, de prospecter et de prospérer économiquement.
    Telle est bien la logique du texte. Pour autant, le dispositif n’est fait ni pour les gros, ni contre les petits. Le projet de loi est d’ailleurs soutenu par un syndicat représentatif, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Vous avez souvent à cœur de décrier cette dernière, mais je vous rappelle que 60 % des agriculteurs votent aux élections des chambres d’agriculture, contre seulement 8 % de leurs concitoyens aux élections prud’homales, et que la FNSEA est largement majoritaire. L’État a peu d’interlocuteurs dont la représentativité est aussi avérée. J’ajoute que ce syndicat représente toutes les filières ; il compte des petits acteurs comme des grands, de toutes sensibilités politiques. Je m’inscris donc en faux contre vos propos : le dispositif n’est pas au profit des assureurs. Nous veillerons cependant à ce que la logique assurantielle n’aille pas au détriment des clients – nous en parlerons à l’article 7. Un groupement devra par ailleurs être créé, afin de développer une intelligence collective. Des garde-fous sont donc prévus, dans une logique de développement de marché.
    Enfin, monsieur Potier, les contributions volontaires étendues – dites aussi contributions volontaires obligatoires, terminologie quelque peu contradictoire qui, je le reconnais, prête à sourire – sont définies par des interprofessions d’initiative et de droit privé : il n’appartient ni à l’État ni au législateur de leur dicter une assiette, un taux et un objet.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je peux vous dire d’expérience qu’une interprofession est en équilibre instable. C’est comme un vélo : si elle n’avance pas, elle tombe, et moins l’État s’en occupe, mieux elle se porte.
    Enfin, la solidarité nationale doit s’exercer hors secteur alimentaire. Il s’agit uniquement de venir au secours, de garantir le soutien de la nation à l’ensemble d’une chaîne de valeur qui écrase ses prix, ses salaires et ses marges depuis des décennies. On ne résoudra pas le problème en prenant de l’argent en aval, dans une filière où le rapport de forces est tel qu’en général elle récupère cet argent sur ses propres achats – c’est ce dont nous avons discuté à l’occasion de l’examen des lois EGALIM 1 et 2. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme

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    Monsieur le rapporteur, nous avons en effet une différence d’approche philosophique. Vous nous refaites le jeu de la mutualisation du risque, qui relève d’un système assurantiel mutuel, mais uniquement avec des assureurs privés qui vont gagner de l’argent. La question est toujours celle du rapport entre les bénéfices et les coûts : rémunérer des assureurs privés et leurs actionnaires coûte plus cher qu’un service mutuel aux mains des souscripteurs.
    Quant à l’idée que si ce mécanisme était si favorable, les assureurs se seraient manifestés pour le soutenir, que dire des quatorze organisations et syndicats d’agriculteurs qui considèrent qu’il leur est défavorable et qui ne soutiennent pas votre texte ? Il y a bien là aussi un problème ! Peut-être cela n’arrange-t-il pas les banquiers, mais du côté des futurs assurés, un front assez large et uni se manifeste pour dire que cette mesure ne répond pas aux besoins actuels de leur profession.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Notre groupe Libertés et territoires est tout à fait favorable à cet article 1er, qui prévoit premièrement la liberté d’assurance pour chaque assuré, sans assurance obligatoire, et deuxièmement la responsabilité. Il est en effet tout à fait logique que ceux qui s’assurent soient mieux indemnisés par le système collectif que ceux qui ne s’assurent pas.
    C’est en effet le drame du système actuel que le fonds des calamités n’intervienne que pour ceux qui ne sont pas assurés : c’est l’exemple même d’un dispositif d’irresponsabilité collective, alors qu’on rétablit le principe de responsabilité.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Bien sûr !

    M. Charles de Courson

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    Quant à la solidarité de la nation, dire – comme vous le faites dans l’exposé sommaire de votre amendement – que vous vous opposez « à la logique générale de ce texte qui prévoit de contraindre les agriculteurs à se jeter dans les bras des assureurs privés et, à défaut, de les laisser sur le bas-côté » est entièrement faux, car tout le monde bénéficiera du fonds, même les non-assurés, pour qui les conditions seront moins avantageuses que pour ceux qui sont assurés, mais qui ne seront pas envoyés dans les bras des assureurs privés, puisqu’ils sont libres de le faire ou non. On ne peut donc pas accepter votre amendement, qui est contraire au texte même de l’article 1er.

    (L’amendement no 110 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 171.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Monsieur le rapporteur, je ne parlerai pas des gens qui gagnent de l’argent, mais de ceux qui risquent d’en perdre, notamment avec la rédaction de cet article 3 sur lequel vous êtes revenu tout à l’heure, qui minore de 50 % les montants d’indemnisation dont pourraient bénéficier les exploitants agricoles n’ayant pas souscrit de contrat d’assurance multirisque climatique, qui fait d’ailleurs bondir notre collègue de Courson.
    Cette mesure de pénalisation, dont l’objectif est – je le comprends bien – de pousser les exploitants agricoles à s’assurer, se révélera particulièrement inégalitaire et dangereuse, notamment pour les exploitations déjà en difficulté ou ayant les revenus les plus faibles, qui font souvent le pari de ne pas s’assurer parce que c’est une dépense en moins alors qu’elles ne parviennent déjà pas à faire face aux autres. Je connais, en particulier, de nombreuses exploitations d’élevage qui n’ont aujourd’hui pas les moyens de souscrire de contrat MRC et dont le passage de 65 % à 70 % d’aide publique à la souscription ne changera pas profondément la capacité à y souscrire.
    Si ce dispositif est, comme cela vient de nous être précisé, un copier-coller de la législation européenne, nous devons nous interroger sur la manière dont on pourrait néanmoins soutenir les agriculteurs qui n’ont pas souscrit de contrat multirisque climatique et se voient amputer de 50 % de l’indemnisation à laquelle ils auraient pu prétendre s’ils l’avaient fait, notamment les agriculteurs les plus fragiles, afin de ne pas les pousser encore plus vite vers des difficultés souvent grandissantes.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Monsieur Dufrègne, monsieur le président Chassaigne, je vous dirai deux choses. La première concerne les agriculteurs en difficulté, qui ne dégagent pas un résultat leur permettant d’avoir une stratégie incluant des souscriptions à des contrats d’assurance, voire d’épargner. C’est un drame bien réel de l’agriculture et ce projet de loi ne permet assurément pas de réparer cette injustice. Nous avons adopté des lois qui tentent de protéger le revenu agricole, mais les agriculteurs sont soumis à un rapport de forces économique qui leur est très défavorable et ce n’est pas avec un produit d’assurance que l’on protège un revenu. L’idée traîne, dans le monde agricole, que l’assurance doit pouvoir garantir une sorte de revenu minimum, mais personne ne calcule le taux de rentabilité d’un contrat d’assurance ! Personne n’attend une inondation, un incendie ou quelque autre événement que ce soit pour être remboursé de ce que lui coûte son contrat d’assurance habitation !
    Il nous faut donc, humblement, être très clairs sur le fait que ce projet de loi n’est pas destiné à venir au secours du revenu agricole, mais d’une capacité de résilience : il s’agit de ne pas avoir à fermer boutique, mettre la clé sous la porte à l’occasion d’une catastrophe ou de la succession de quelques accidents climatiques. Je reconnais cependant, je le répète, qu’il existe des agriculteurs en très grande difficulté, à qui il sera difficile de souscrire un contrat d’assurance et d’avoir une stratégie – mais c’est une autre question.
    Deuxième point : l’abattement de 50 %. Il s’agit là, il est vrai, de la réglementation européenne, mais si cette mesure ne figurait pas dans le texte européen, j’aurais tout de même souhaité qu’elle soit rédigée ainsi, car lorsqu’on demande aujourd’hui à des agriculteurs si l’assurance récolte doit être obligatoire, deux camps irréconciliables se dessinent, qui répondront chacun avec le même aplomb. Pour les uns, elle doit être absolument obligatoire ; pour les autres, c’est hors de question. Je respecte ces choix, qui sont déchirants dans le monde agricole. Si vous interrogez des viticulteurs des Pyrénées-Orientales – pas des gros : des petits, qui n’ont pas beaucoup de revenus –, les accidents climatiques qu’ils vivent dans le pourtour méditerranéen leur feront probablement dire qu’ils sont favorables à l’assurance obligatoire. En Bretagne, en revanche, il y a des chances que les agriculteurs vous disent que c’est hors de question. Il ne faut mépriser personne. L’assurance ne doit pas être obligatoire pour ceux qui considèrent qu’elle ne doit pas l’être, et chacun doit rester libre, mais il faut aussi dire à ceux qui voudraient qu’elle soit obligatoire que nous inciterons les agriculteurs à s’assurer et à définir des stratégies d’entreprise de calcul et de transfert du risque.

    M. le président

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    Je vous rappelle, monsieur le rapporteur, qu’hormis celle du Gouvernement, toutes les interventions sur les amendements sont limitées à deux minutes. Cela vaut également pour le rapporteur.
    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Monsieur Dufrègne, le chiffre inscrit noir sur blanc dans le règlement est bien de 50 %. Je pourrai vous faire passer ce document, et j’insiste sur ce point.
    Par ailleurs, parce que je connais votre implication en la matière, je rappelle que selon un arrêté de 2010, le pourcentage d’indemnisation retenu par le CNGRA pour la prairie est de 28 %. Dès lors donc que la perte excède 30 %, l’indemnisation est de 28 % à partir du premier euro de perte. Cette mesure est conforme au chiffre de 50 % fixé par la réglementation européenne et qui a donné lieu à cet arrêté, mais le chiffre est désormais de 28 %, avec une différence à partir du premier euro de perte.
    Le projet ne crée donc en rien un étau qui serait moins favorable que le dispositif existant. Je tiens à être très rassurant à ce propos : il s’agit de retranscrire les règles fixées par la réglementation européenne, mais qui sont déjà en vigueur aujourd’hui. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabrice Brun.

    M. Fabrice Brun

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    Dans le prolongement des propos de mes collègues Julien Dive et Guillaume Larrivé, je tiens à dire que le groupe Les Républicains est favorable à ce texte et à son article 1er. Permettez-moi cependant, au début de nos débats, de rappeler que, sur fond de dérèglement climatique, la meilleure des assurances réside avant tout dans les équipements de protection, qui sont coûteux et difficiles à amortir pour les exploitations agricoles, d’où l’importance de l’intervention de l’État et des collectivités territoriales pour accompagner ces dernières. La meilleure des assurances récoltes est aussi l’irrigation – et je ne parle pas là de celle des années 1980, mais bien de 2022 : il ne s’agit pas d’intensification de l’agriculture, mais de sécurisation du revenu des agriculteurs sur l’ensemble du territoire national. Je sais notamment, monsieur le ministre, que vous êtes convaincu de l’intérêt du stockage hivernal de l’eau, mais vos services ont encore bien du chemin à faire sur le terrain pour que des projets dans ce domaine deviennent réalité.
    Pour ce qui est du projet de loi que nous examinons, le rôle de notre débat est d’apporter des garanties, d’abord à propos des 70 % de subvention et de la franchise subventionnable de 20 % minimum appliqués intégralement à toutes les productions et à tous les contrats. Il faut en effet avoir bien conscience que sans cela, il n’y aura pas de dynamique positive pour aller plus loin que ce qui se fait actuellement. Il faut aussi clarifier les modalités d’intervention du fonds des calamités agricoles, mutualiser tous les risques – nous y reviendrons longuement, notamment à l’article 7. Il faut enfin, même si cela a été dit et écrit, garantir par des preuves concrètes une entrée en vigueur du texte au 1er janvier 2023 au plus tard. Ce sera l’objet d’amendements déposés notamment par notre groupe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Je ne reviendrai pas sur les propos tenus tout à l’heure par le rapporteur, qui s’inspiraient de Guizot disant : « Enrichissez-vous, enrichissez-vous ! »

    M. Charles de Courson

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    Le travail !

    M. André Chassaigne

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    Les temps ont évolué depuis la monarchie de Juillet.
    Pour ce qui est de la couverture, ce texte a pour objectif de faire en sorte que ceux qui ne s’assurent pas ne soient plus indemnisés. Vous l’avez du reste dit vous-même, monsieur le rapporteur, et j’ai ici un article de presse dans lequel vous affirmez qu’à terme, les non-assurés ne devraient plus bénéficier de l’intervention de l’État pour être indemnisés. J’ignore si vous confirmez ces propos, mais ils sont bien là. La réalité, c’est que certains ne pourront pas s’assurer, parce que leur revenu ne le leur permettra pas. Les 70 % d’aide apportés pour l’assurance bénéficieront donc seulement à ceux qui pourront s’assurer.
    D’autre part, l’abattement de 50 % concernera aussi, selon vous, ceux qui sont assurés, mais je ne le crois pas. Il y aura donc bien une différence entre ceux qui sont assurés et ceux qui ne le sont pas.
    Du reste, tout dépend du seuil, et la différence avec la situation antérieure peut être très pénalisante. Au troisième étage de la fusée, c’est-à-dire au moment où l’État intervient à nouveau en complément de l’assurance privée, tout dépend du niveau fixé, qui définira aussi le niveau de perte par rapport à ce qu’assuraient les dispositions antérieures. Je reviendrai plus tard sur le système herbager, qui devrait être très concerné par ces questions.
    Quoiqu’il en soit, cette mesure est très sélective : ceux qui ont le plus de difficultés ne pourront pas s’assurer et les aides publiques destinées à payer les cotisations d’assurance iront uniquement à ceux qui seront assurés, tandis que le reste sera rogné.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Ce n’est pas vrai !

    (L’amendement no 171 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l’amendement no 42.

    M. Guillaume Garot

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    Je comprends la volonté du Gouvernement d’apporter des réponses à toutes les questions liées à la protection apportée par l’assurance face au dérèglement climatique. L’objectif poursuivi n’est cependant pas celui de couverture universelle qui est affiché. D’abord, comme cela a abondamment été dit avant moi, tous les agriculteurs ne souscrivent pas une assurance récolte, parce qu’ils n’en ont tout simplement pas les moyens. Ensuite, toutes les productions ne sont pas éligibles à ce type d’assurance – je pense en particulier, et sous réserve de vérification, à l’apiculture.
    Comment faire une réforme sans être dans la main des assureurs ? C’est en ces termes que le groupe Socialistes et apparentés voudrait poser le problème, afin de préserver les objectifs d’intérêt général et de soutenir l’ensemble d’un secteur sans financer indirectement un autre secteur. Nous proposons donc d’instituer un comité scientifique qui aurait deux missions. La première serait de travailler sur le niveau d’indemnisation, au-delà des risques qualifiés de catastrophiques.
    Il est important que des experts soient sollicités pour participer bénévolement à ce comité scientifique et mener ce travail de manière collégiale.
    Une deuxième mission sera assignée à ce comité, dans la droite ligne de ce qu’expliquait tout à l’heure Dominique Potier : déterminer comment mobiliser une diversité de contributeurs à cette solidarité, afin que ne s’exerce pas seulement une solidarité nationale, mais aussi une solidarité de filière. J’ai bien entendu vos arguments – intéressants – sur la CVO, mais nous devons aller plus loin. C’est en tout cas la proposition que nous faisons, afin de parvenir au système le plus juste et le plus efficace possible, qui réponde bien à l’objectif d’assurance universelle.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Il est défavorable, pour deux raisons. D’une part, je ne reviens pas sur la contribution de solidarité ciblée sur certains acteurs de la filière : il s’agit d’accroître la part de l’État dans le soutien à l’agriculture française, et non de faire contribuer tel acteur plutôt que tel autre au sein des filières.
    D’autre part, je souscris totalement à vos propos sur le comité de suivi : il faudra, sans aucun doute, qu’un comité d’experts veille à la bonne application de la loi. Seulement, ce rôle reviendra au futur CODAR – ou à la CODAR, si elle prend la forme d’une commission : nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen d’amendements portant sur ce point. Cette instance aura bien vocation à réunir l’expertise des assureurs et des professionnels agricoles pour identifier, au plus près du terrain, les secteurs où la réforme produira ses effets et ceux où elle ne fonctionnera pas, une revue à mi-parcours étant prévue en 2026.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis, pour les mêmes raisons.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    J’ajouterai un argument, que j’estime puissant, contre cet amendement et le suivant : vous entendez faire payer l’aval, mais uniquement l’aval situé en France, puisque vous ne pourrez pas imposer une telle contribution à des acteurs situés en Angleterre, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Si votre amendement était adopté et si le comité scientifique que vous souhaitez créer concluait qu’il faut taxer l’aval pour financer l’amont, les activités agro-industrielles françaises s’en trouveraient donc pénalisées.
    Je ne suis d’ailleurs même pas certain qu’une telle disposition soit conforme au droit communautaire : si un agriculteur exporte la moitié de son blé à l’étranger et que vous faites payer uniquement les meuniers français, puisque vous ne pourrez pas faire payer les meuniers belges qui réexporteront ensuite leur farine en France, vous créez une discrimination contre l’agro-industrie française. L’esprit de cet amendement me semble donc complètement contraire aux intérêts des filières agroalimentaires françaises.

    (L’amendement no 42 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 43.

    M. Dominique Potier

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    Charles de Courson s’inquiète pour les acteurs de l’industrie agroalimentaire. Nous nous soucions, quant à nous, des revenus des paysans en cas d’aléas climatiques : généralement, dans ces situations, l’aval s’en tire plutôt bien. La question est donc bien celle des producteurs.
    J’ai entendu les arguments du rapporteur, qui expliquait tout à l’heure que la difficulté à mobiliser l’ensemble des interprofessions était l’obstacle principal à la création de CVO. En même temps, il a vanté la puissance du syndicat majoritaire, désigné au cours d’élections mobilisant sept paysans sur dix, ce qui lui confère la capacité à représenter tous les métiers et tous les territoires. Cette argumentation présente pour le moins un paradoxe.
    J’ai le plus grand respect pour la FNSEA et pour le fait syndical en général. Néanmoins, le rapporteur aurait pu explorer avec les interprofessions, dans leur diversité, la voie de la régulation et du partage des risques. Je rappelle que lorsque nous nous étions opposés à la réintroduction des néonicotinoïdes, nous avions calculé le coût, sur une bouteille de soda, d’une taxe destinée à collecter les 300 millions d’euros nécessaires pour combler le déficit lié à l’aléa causé par le puceron vert et la jaunisse de la betterave. Le surcoût aurait représenté quelques centimes par bouteille pendant trois ans.
    Autrement dit, les acteurs de l’aval seraient parfaitement capables de se montrer solidaires des mutations de la production et les interprofessions pourraient mobiliser cette ressource. Les agro-industriels ne pourraient d’ailleurs plus faire porter cette charge additionnelle sur les producteurs, puisque, je le dis sans ironie, depuis l’adoption de la loi EGALIM 2, les prix sont construits par le bas, sur la base des coûts de production – du moins l’espérons-nous.
    Enfin, il n’a jamais été question de créer des CVO dans chaque interprofession et de dispenser l’État de sa contribution : il s’agissait bien de construire un système dans lequel la puissance publique et l’interprofession, ensemble, gèrent conjointement un système d’assurance mutualiste et étatique. À défaut d’être universelle, cette possibilité alternative devrait au moins être proposée aux agriculteurs, parallèlement à l’assurance privée. Tel est le sens de l’amendement que nous déposons, qui prend la forme d’une demande de rapport rédigé par un comité scientifique pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Pour les raisons déjà exposées précédemment, j’émets un avis défavorable.
    Je n’ai pas dit qu’il n’était pas possible de créer des CVO : j’ai souligné que cela ne pouvait relever que d’initiatives privées. Nous pouvons toujours inviter les acteurs concernés à s’emparer de cette possibilité, mais ni l’exécutif ni le législateur ne peuvent imposer à une interprofession de monter un projet en ce sens : c’est tout simplement impossible. L’État assure un contrôle de conformité dans le cadre d’une éventuelle extension, mais c’est bien l’interprofession qui en prend l’initiative.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    Je suis assez surpris des amendements déposés sur l’article 1er. À travers ce projet de loi, l’État s’engage à prendre à sa charge des risques qui ne pèseront donc plus sur le monde agricole, au-delà des seules catastrophes exceptionnelles. C’est tout de même la meilleure réponse à donner aux agriculteurs, y compris à ceux qui sont le plus en difficulté !
    Certes, comme le rapporteur l’a souligné, certains n’ont pas les moyens de financer une assurance. Mais le fait d’élargir le spectre de l’assurance permettra de renforcer le système et de développer une culture du risque – car si certains exploitants ne peuvent pas souscrire d’assurance, d’autres ne le souhaitent pas, parce qu’ils appliquent une logique de retour sur investissement. Or, je l’indiquais tout à l’heure, l’assurance doit être considérée comme une ceinture de sécurité, qui protège les exploitations en cas de risque majeur : il ne s’agit pas d’un placement, mais d’une protection.
    Nous devrions nous réjouir que l’État intervienne comme il se propose de le faire. Cela n’empêche nullement de prendre en considération les problèmes de rentabilité qui affectent certains agriculteurs et qui doivent être traités par ailleurs.

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Je soutiens l’amendement de notre collègue. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’inscrivaient dans une démarche similaire lorsqu’ils avaient déposé, le 7 avril 2020, une proposition de loi dont l’article 6, comme nous l’indiquions dans l’exposé des motifs, instaurait « une contribution obligatoire des entreprises du secteur bancaire et assurantiel, ainsi que du secteur agricole et agroalimentaire, au bénéfice du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Cette nouvelle contribution, dont l’assiette et le taux seraient définis par décret, porte uniquement sur les revenus financiers, c’est-à-dire la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus ».
    Je tenais à le souligner, car il était hors de question que je me fasse doubler sur ma gauche par Dominique Potier ! (Sourires.)

    (L’amendement no 43 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        103
            Nombre de suffrages exprimés                95
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                94
                    Contre                1

    (L’article 1er est adopté.) (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Après l’article 1er

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 129 portant article additionnel après l’article 1er.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il vise à modifier les conséquences de l’utilisation de l’épargne professionnelle constituée dans le cadre de la déduction pour épargne de précaution (DEP), en supprimant la réintégration fiscale des déductions utilisées pour faire face aux conséquences d’un aléa d’origine climatique, naturelle ou sanitaire. La dispense de réintégration fiscale serait limitée aux dépenses liées aux aléas survenus, c’est-à-dire à celles qui n’auraient pas été engagées en leur absence.
    La conjoncture n’a probablement jamais été aussi propice à une telle évolution, les agriculteurs prenant pleinement conscience du fait que les mécanismes de soutien sont appelés à changer. Cette modification constituerait en outre – cerise sur le gâteau – une prime à la bonne gestion.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    En toute sincérité, j’étais initialement favorable à votre amendement. J’émettrai néanmoins un avis défavorable, pour plusieurs raisons. D’une part – et j’avoue que je n’y avais pas pensé immédiatement –, l’amendement, s’il était adopté, affecterait le plafonnement des aides de minimis, qui relèvent de l’échelon communautaire. Nous ne disposons d’aucune visibilité sur l’incidence potentielle de votre proposition, les données en la matière étant inexistantes.
    Par ailleurs, la DEP, qui rencontre un grand succès, repose sur un principe de simplification et d’efficacité accrue par rapport à la déduction pour aléas (DPA) qui existait précédemment. N’y touchons pas pour l’instant : attendons de voir comment le dispositif évolue. Même si je considère que vos motivations et votre idée étaient bonnes, j’émets un avis défavorable à ce stade.

    (L’amendement no 129, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l’amendement no 228.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Il a pour objet de compléter l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, afin de préciser les objectifs des politiques publiques en matière de prévention et de gestion des risques climatiques en agriculture. Il s’agit de graver dans le marbre le caractère universel du système de gestion des risques proposé. La majorité s’est en effet engagée, depuis maintenant cinq ans, dans une politique publique de prévention, avec un double objectif : améliorer la résilience des systèmes de production agricole face au changement climatique et créer des outils de prévention et de couverture des risques.
    Je tiens à rappeler que le projet de loi que nous examinons intervient en complément du plan France relance, dans le cadre duquel nous avons consacré 160 millions d’euros aux outils de prévention et 1,2 milliard d’euros à la transition agricole et à la transformation de notre modèle de production. Il s’inscrit aussi dans la continuité des mesures annoncées par le Président de la République dans le cadre du plan France 2030, qui fait de la transformation de notre agriculture un de ses objectifs. Enfin, comme l’a rappelé M. le ministre, l’enveloppe consacrée à la lutte contre les aléas climatiques se voit doublée et portée à 600 millions d’euros.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Cet amendement a le mérite de clarifier, donc d’asseoir un peu plus, l’intention du législateur et de mieux encadrer l’interprétation du texte par le pouvoir exécutif chargé d’en décliner l’application réglementaire, quel qu’il soit. J’y suis résolument favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je suis moi aussi très favorable à cet amendement.
    Je tiens à faire remarquer au président Chassaigne que si la politique est toujours compliquée, elle nous réserve parfois quelques mystères difficiles à percer. En l’occurrence, je présente un projet de loi du Gouvernement proposant, grâce à la solidarité nationale, de porter la somme consacrée à la lutte contre les aléas climatiques de 300 millions à 600 millions d’euros par an…

    M. André Chassaigne

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    C’est vrai, je le reconnais.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    …et de créer un dispositif qui a fait l’objet de dix-huit mois de travaux, de très nombreuses consultations et d’un vote unanime du Conseil de l’agriculture française (CAF). De très nombreuses parties prenantes ont été associées à l’élaboration de ce texte – j’ai même personnellement échangé avec vous.
    Pourtant, une petite musique se fait entendre selon laquelle nous chercherions à créer un système moins profitable aux agriculteurs que le dispositif existant.

    M. André Chassaigne et M. Jean-Paul Dufrègne

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    Nous n’avons pas dit cela !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Soyons sérieux ! Croyez-vous vraiment que nous aurions consacré autant de temps et d’énergie à arracher les arbitrages afin d’obtenir un doublement de la contribution de l’État au titre de la solidarité nationale pour, in fine, proposer un système moins efficace pour les agriculteurs ?
    Je vais vous faire une confession : jamais, au grand jamais, ma préoccupation n’a été de savoir si les assureurs seraient contents de la réforme – au vu du nombre de mails que nous recevons, je crois savoir qu’ils ne le sont pas. Ceux qui me suivent depuis que j’ai pris mes fonctions le savent d’ailleurs : j’ai toujours fait de cette indifférence un marqueur, parce que je ne connais que trop bien cette profession. Ma seule boussole, c’est la résilience de l’agriculture française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Voilà ce pour quoi nous nous battons !
    Je vous accorderai un point, monsieur Chassaigne : les seuils ne sont pas fixés dans la loi. Mais je vous lance un défi : puisque vous connaissez parfaitement mon intention et celle du Président de la République, faisons en sorte d’aller jusqu’au bout et de mener cette réforme à son terme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    On ne peut qu’être favorable à l’amendement plein de bon sens de M. Moreau.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Merci !

    M. Charles de Courson

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    Il n’est pas tout à fait normatif, mais il ne mange pas de pain.
    Il évoque l’adaptation des systèmes de production. J’aimerais en donner un exemple. Chez moi, en Champagne, les gens ne s’assurent pas parce que nous avons mis en place un dispositif, la réserve individuelle, devenu pérenne après une expérimentation de plusieurs années. Cela consiste à mettre de côté du vin obtenu pendant les bonnes années – ce qui suppose bien sûr de supporter le coût de stockage. Quand ça va mal, on peut piocher dans la réserve individuelle. Cela a été le cas lors des dernières vendanges : le rendement, qui avait été fixé à 10 000 kilos par hectare, n’a été que de 6 000 mais grâce à la réserve individuelle, qui s’élevait cette année à 8 000 kilos par hectare, le marché de Champagne n’a pas connu de tensions.
    Voilà un bel exemple…

    Mme Danielle Brulebois

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    C’est un privilège !

    M. Charles de Courson

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    …d’adaptation du système qui ne coûte rien – cela ne nécessite pas un sou d’argent public, ce qui prouve qu’on n’en a pas toujours besoin. Je sais que ce dispositif intéresse d’autres types de viticulture. Évidemment, ce n’est pas possible dans le Beaujolais, où la vigne a un cycle annuel. Mais dans d’autres vignobles, comme le Bordelais, je sais qu’on y travaille. Il existe donc bien des exemples d’adaptation des systèmes et des règles de production permettant d’offrir une assurance collective.
    Je peux vous donner un autre exemple, tout récent, celui de la filière de la pomme de terre de consommation. Un grand accord vient d’être signé entre McCain et 800 producteurs. Il prévoit que les prix seront stabilisés non plus sur trois ans, comme c’est le cas actuellement, mais sur six ans, afin de garantir une plus grande lisibilité.
    Ce sont aussi toutes les initiatives de ce type qui permettent d’éviter les problèmes climatiques ou d’y remédier.

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Je signale à M. le ministre que nous avons tout à fait conscience de l’augmentation des moyens mis par l’État pour cette réforme. La question que nous posons est : qui en bénéficie ? Qui en profite ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Les agriculteurs.

    M. André Chassaigne

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    Notre réponse n’est pas forcément la même que la vôtre.
    L’amendement de notre collègue Moreau porte essentiellement sur la résilience de nos systèmes de production, un objectif que nous partageons évidemment. J’apporterai cependant un bémol : il ne faudrait pas que se dessine, au nom de la résilience, une spécialisation encore plus poussée des territoires en fonction de leurs avantages climatiques. Si l’on accroît encore la spécialisation, cela peut poser des problèmes d’écoulement de la production, de pollution induite ou de délocalisation d’autres productions disponibles sur notre territoire. Il faut être très vigilant sur ce point.
    Tout à l’heure, on a évoqué François Guizot, mais on pourrait aussi parler d’un économiste anglais de la même époque, David Ricardo, auteur d’une théorie des avantages comparatifs préconisant de produire là où c’est rentable et de ne plus produire là où ça ne l’est pas. Le résultat de cette politique a été le recours aux importations, notamment depuis l’Amérique du sud. Restons attentifs afin d’éviter d’en arriver à une telle conclusion.

    (L’amendement no 228 est adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à M. André Villiers.

    M. André Villiers

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    L’objectif de 60 % des surfaces assurées en 2030 semble bien progressif, peut-être trop. Nous nous interrogeons sur les capacités de cette réforme à atteindre l’objectif annoncé d’une couverture universelle. Je rappelle au passage que les paysans viennent d’être échaudés par les espoirs déçus de la loi EGALIM.
    Enfin, la profession agricole s’inquiète de voir beaucoup de questions renvoyées à des décrets et à des ordonnances prévues dans le projet de loi. Il serait souhaitable que les modalités soient précisées dans le texte, ou que le Gouvernement prenne du moins des engagements clairs.
    Monsieur le ministre, je retiens le triptyque que vous avez évoqué tout à l’heure : un régime universel, plus simple et plus efficace. C’est avec bienveillance que je vous donne rendez-vous. En attendant, je soutiendrai votre projet de loi.

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Je pèserai mes mots, car je suis tétanisé lorsque je m’exprime ici en présence de l’éleveur Jean-Baptiste Moreau, de Jean-Paul Dufrègne et d’autres députés qui connaissent bien mieux que moi les problèmes concrets rencontrés par les éleveurs herbagers. Ces derniers se retrouvent en première ligne face aux aléas climatiques.
    Chacun le sait, l’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique est un enjeu majeur sur le long terme. Il doit donc s’accompagner d’une sécurisation forte des exploitations face aux aléas climatiques, aux événements extrêmes récurrents.
    Reste à savoir si ce projet de loi répondra à cette inquiétude, d’autant plus que les éleveurs sont ceux qui disposent des niveaux de trésorerie et de rentabilité les plus faibles. Il faut donc faire très attention à l’impact de ce projet de loi.
    La grande spécificité de l’élevage des ruminants tient à qu’une absence de récolte n’entraîne pas uniquement une diminution des ventes, mais aussi un achat supplémentaire de fourrage et par conséquent un accroissement des difficultés de trésorerie.
    J’en viens plus précisément au point que je voulais aborder concernant l’article 2. Jusqu’à présent, l’évaluation des pertes de prairie devait être faite en fonction de données portant sur une longue période historique. J’ai cru comprendre que ce calcul se ferait désormais à partir d’une moyenne olympique quinquennale.
    Ce changement est-il un avantage ou un inconvénient ? On m’a dit que c’était un inconvénient, mais Jean-Paul Dufrègne m’assure que cela peut aussi être positif. N’étant pas assez spécialiste en la matière, je ne peux en juger. Or le texte prévoit que les modalités seront fixées par décret. Pourrait-on néanmoins avoir quelques précisions ? La moyenne annuelle sera-t-elle calculée à partir de la moyenne olympique quinquennale ou de données portant sur une plus longue période ?

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Ce projet de loi prévoit une gestion du risque à trois étages, le premier relevant de l’agriculteur, le deuxième de l’assurance subventionnée et le troisième de l’État. L’article 2, qui vient renforcer le système de prise en charge publique des contrats d’assurance subventionnés, concerne donc le deuxième étage de la réforme.
    Grâce au projet de loi, le taux minimal de prise en charge publique des contrats passe de 65 à 70 % des pertes. Cet article prévoit un abaissement, de 30 % à 20 %, du seuil de pertes à partir duquel les contrats deviennent éligibles au mécanisme de subvention.
    Toutes ces modifications sont effectuées conformément au droit européen, les seuils étant définis par décret, ce qui permet de faire preuve d’une intelligence collective pour répondre aux spécificités de chaque filière.
    M. Chassaigne parlait des risques que ferait peser le nouveau mécanisme, mais c’est bien aujourd’hui que des problèmes de trésorerie se posent. En effet, on perçoit souvent l’indemnité sécheresse au mieux dix-huit mois après avoir subi ce phénomène climatique, alors qu’il est nécessaire d’acheter du fourrage deux ou trois mois après l’épisode de sécheresse – voire pendant celui-ci. Ce mécanisme vise donc bien à améliorer l’efficacité et la rapidité du versement de ces indemnités, les trésoreries n’étant pas abondées par le système tel qu’il existe aujourd’hui.

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 111, qui tend à supprimer l’article 2.

    M. Loïc Prud’homme

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    Nous souhaitons en effet, par cet amendement, supprimer cet article qui vise à autoriser l’augmentation des subventions aux primes d’assurance multirisque climatique.
    L’article 2 vise à prendre en charge une partie des primes d’assurance en portant le taux maximal de subvention de 65 % à 70 %. Le surplus d’argent public va donc permettre aux compagnies d’assurance privées à but lucratif, dont nous parlons depuis tout à l’heure, de trouver un marché auprès des agriculteurs ayant la capacité financière de s’assurer.
    Alors même qu’avec un taux de subvention proche des deux tiers, seule 18 % de la surface agricole utile est aujourd’hui assurée, ce surplus de subvention apparaît avant tout comme un cadeau fait aux quelques sociétés d’assurance qui composent ce secteur – nous en avons déjà parlé. Actuellement, seuls dix assureurs proposent ces produits, deux groupes se partageant 70 % du marché.
    Ce dispositif semble d’autant plus coûteux qu’il ne met aucun frein à la hausse plus que probable des primes d’assurance – comme celle déjà prévue et annoncée par les assureurs pour 2022.
    À l’avenir, il faudra donc certainement continuer à augmenter les montants d’argent public nécessaires à la subvention du fonctionnement du marché de l’assurance récolte pour garantir la rentabilité importante qu’attendent les acteurs de ce marché.
    Nous revenons au débat que nous avions tout à l’heure : puisque le marché et la marchandisation ont fait la preuve de leur inefficacité, n’existerait-il pas une option moins onéreuse – je citais tout à l’heure la mutualisation – et plus conforme à l’intérêt général ?
    À l’instar du Conseil d’État, qui a rendu un avis en ce sens, nous regrettons que l’étude d’impact demeure insatisfaisante en ce qui concerne les options alternatives qui auraient pu ou dû être retenues. Ainsi, un fonds professionnel mutuel et solidaire nous semblerait plus économique – puisqu’il ne rémunère pas d’actionnaires – et plus protecteur pour nos agriculteurs, leurs récoltes et leurs revenus, ce qui est tout de même l’objectif que nous partageons tous.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille,, rapporteur

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    Je vais essayer d’être rapide, mais cette question est importante.
    Vous proposez de supprimer la possibilité de tenir compte du règlement omnibus dans la loi. Je vous suggère de vous faire inviter par des syndicats à une assemblée générale et de tenter de justifier ce point de vue auprès des agriculteurs. Bon courage !
    Vous dites que l’on subventionne les assureurs. L’État contribue à rendre un produit attractif et les agriculteurs ont accès à un produit moins cher. Il est impossible de déclarer ainsi, en regardant la situation de loin, que ce sont les assureurs qui profitent de la subvention.
    S’agissant du fonds mutuel, votre approche est parfaitement légitime. Nous l’avons d’ailleurs envisagée au sein du groupe de travail qui s’est réuni dans le cadre du Varenne de l’eau et du changement climatique, et nous en avons discuté. Je salue au passage la participation des syndicats qui, s’ils s’opposent aujourd’hui au projet de loi, sont restés assidus pendant toute la durée des travaux, en prenant part à la discussion dans un état d’esprit positif.
    Du point de vue budgétaire, cependant, la solution alternative d’un fonds mutuel représente un montant qui n’a rien à voir avec notre proposition. Sachez que nous avons fait les calculs, car nous avons examiné cette hypothèse. Parmi les scénarios possibles – que nous avons tous étudiés – figurait bien celui d’une assurance obligatoire publique, d’un fonds mutuel. Il reposait sur l’idée que l’État devait intervenir le premier et que l’assurance ne jouerait un rôle éventuel que dans une logique, sinon de confort, du moins de réponse à un besoin non vital de l’exploitation.
    Dans cette hypothèse, plus lourde du point de vue budgétaire, on donne comme gage aux agriculteurs que l’État permettra de maintenir et de protéger l’agriculture telle qu’elle est aujourd’hui. Or la logique actuelle n’est pas celle-là. L’agriculture va être transformée, soumise à des bouleversements. Le message qu’il faut faire passer, c’est donc que chaque filière et chaque exploitant doivent avoir pour stratégie de se soustraire le plus possible aux risques qui s’aggravent, dans une logique d’acculturation, de calcul et de transfert de risques, l’État intervenant non pas en premier, mais en dernier, en cas de sinistre catastrophique. Avis défavorable.

    (L’amendement no 111, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 112.

    M. Loïc Prud’homme

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    Par cet amendement, nous proposons de supprimer toute subvention aux primes d’assurance par le Fonds national de gestion des risques en agriculture.
    Nous allons ainsi radicalement dans le sens inverse du projet de loi, qui vise à augmenter les subventions aux assurances privées dans l’espoir d’augmenter le taux de couverture des agriculteurs. Les subventions actuelles ne permettant pas au marché de fonctionner convenablement, vous considérez qu’il faut les augmenter. Qu’importent les effets inégalitaires et les inefficacités constatées antérieurement !
    En outre, et c’est important, le FNGRA est financé par tous les agriculteurs, dont les taxes sont appelées à augmenter, alors qu’une minorité d’entre eux bénéficient d’une couverture assurantielle.
    En effet, le rapport Descrozaille, produit dans le cadre du Varenne de l’eau, prévoit un doublement des taxes dédiées pour tous les agriculteurs et une hausse substantielle de la contribution de l’État. C’est à ces conditions seulement qu’il anticipe un équilibre budgétaire en 2030, et pour seulement moins de 50 % des agriculteurs.
    Ce système relève moins du ruissellement ou de la solidarité nationale dont vous nous rebattez les oreilles que du siphonnage des taxes de tout le monde par les plus riches. En effet, une minorité des agriculteurs sont assurés. Par conséquent, leurs primes d’assurance sont subventionnées par l’ensemble de la communauté agricole – et des contribuables – à travers le budget de l’État. Mais seule la catégorie la plus aisément assurable et la plus aisée des agriculteurs en bénéficiera, dans la mesure où elle dispose de la trésorerie nécessaire pour payer au moins une partie de ces primes d’assurance.
    Je n’en démords pas, ces subventions permettent de rentabiliser l’activité des assureurs privés, qui peuvent en profiter pour augmenter leurs tarifs. Ils ont déjà dit qu’ils le feraient, puisque quelques semaines après avoir découvert le projet de loi, les sociétés d’assurances ont annoncé une hausse de 15 à 25 %.
    Cette architecture fait donc peser le risque d’une captation des deniers publics au profit des assureurs. C’est pourquoi nous proposons de supprimer toute contribution financière du FNGRA aux primes d’assurance.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Défavorable. Je ne répéterai pas les arguments que je viens de développer, mais j’en ajouterai un. Vous parlez de taxes siphonnées par les plus riches, mais je vous invite à demander aux viticulteurs et aux céréaliers leur opinion sur le régime actuel, auquel ils contribuent sans y être éligibles. Ce que nous proposons est beaucoup plus juste, puisque le principe selon lequel « je contribue donc j’ai droit » devient universel.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    J’aimerais répondre à notre collègue Prud’homme. La réalité, c’est que la suppression du dispositif prévu à l’article 2 remettrait en cause l’intégralité des trois étages de l’architecture proposée. Or l’intérêt de cet article, c’est justement qu’il augmente le taux maximal de subvention de la prime d’assurance en le portant de 65 % à 70 %. En outre, sans cet article, la réforme des modalités d’intervention du FNGRA au titre de la solidarité nationale n’aurait plus de sens. Il est donc fondamental, et c’est pourquoi il faut l’adopter.

    (L’amendement no 112 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement no 72.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Cet amendement vise à préciser que la part de subvention publique pourrait également varier selon le coût des contrats d’assurance. À défaut de pouvoir appliquer le taux de subvention maximal de 70 % à tous les secteurs de production, la variation de ce taux en fonction du coût du contrat constituerait une piste intéressante pour mieux prendre en compte la réalité du contexte assurantiel. Dans un contexte de hausse des tarifs des contrats d’assurance MRC – Groupama a annoncé pour 2022 des hausses comprises entre 10 % et 15 %, voire 25 % pour certaines cultures –, il convient en effet de s’assurer que le niveau de subvention publique est maximal pour les productions difficilement assurables. Je pense au maraîchage diversifié, à l’apiculture ou encore aux plantes aromatiques et médicinales, productions pour lesquelles les tarifs proposés par les assureurs sont de fait les plus élevés.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Cet amendement est déjà satisfait, mon cher collègue. J’insiste, car c’est très important : tel qu’il est rédigé, le texte reprend presque mot pour mot ce qui est prévu au niveau communautaire. Autrement dit, il garantit qu’en 2023, l’État pourra indemniser exactement dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui au titre du régime des calamités agricoles – y compris s’agissant des éleveurs herbagers, monsieur Chassaigne. Les variations de prise en charge par le FNGRA à partir de 30 % de pertes tiennent compte de la nature du risque et des clauses du contrat pour apporter le plus de souplesse possible et pour rendre la réforme la plus indolore possible, puisqu’il s’agit bien de convaincre, l’entrée dans le dispositif étant facultative. Nous prendrons le temps qu’il faudra pour cela. Le CODAR suivra la mise en ?uvre du dispositif. Je sais que tout cela a été mal compris par certains et les inquiétait : c’est le moment de rassurer. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis. J’insisterai sur deux points, à commencer par ce que vient de dire le rapporteur, qui est essentiel. Il y a en effet eu des craintes. Je rappelle qu’avant M. Descrozaille, une autre commission avait travaillé sur le sujet pendant près d’un an et demi. Dans ce cadre avaient été émises des propositions, issues de la concertation, préconisant de réduire l’attrait du régime des calamités agricoles pour favoriser l’adhésion à l’assurance dans le but d’améliorer le système. C’est précisément à cette conclusion que je me suis opposé et c’est pourquoi j’ai demandé à Frédéric Descrozaille de rédiger son rapport et plaidé auprès du Premier ministre et du Président de la République pour que soit retenue ce qui était à mes yeux la seule solution, à savoir non pas dégrader l’intérêt de l’un pour favoriser l’autre, mais introduire la notion de solidarité nationale pour convaincre les agriculteurs de se tourner vers ce nouveau système.
    Le second point sur lequel je veux insister, c’est que le texte nous permettra d’accompagner les agriculteurs, avec des dispositifs mieux-disants qu’auparavant, tout en étant dynamiques en fonction de la réalité du terrain, c’est-à-dire de l’existence ou non d’offres d’assurance réellement accessibles.
    Quant à l’amendement, je pense qu’il est contre-productif. Il ne faudrait en aucun cas que le législateur prévoie que le niveau de prime dépend du coût de l’assurance, sauf à inciter l’assureur à augmenter ce dernier. Car si le niveau de subvention est fonction du niveau des primes, cela fera naître chez certains assureurs l’idée d’augmenter les primes à due concurrence,…

    Mme Danielle Brulebois

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    Tout à fait !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    …nous obligeant ensuite à augmenter le niveau de subvention – et pour l’agriculteur, zéro bénéfice ! C’est exactement l’inverse qu’il faut faire pour que le système bénéficie bien à l’agriculteur et non à l’assureur – mais je ne voudrais pas faire croire que je suis encore plus à gauche que MM. Potier, Dufrègne, Bricout et Chassaigne. (Sourires.)
    Voilà pourquoi le niveau de prime, dans le texte, dépend de la nature de la production, c’est-à-dire de leur contexte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    L’amendement est-il retiré ?

    M. Dominique Potier

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    Je retire notre amendement, car je reconnais que sa rédaction prête à confusion. Mais s’il est mal rédigé sur le plan juridique, je tiens à en rétablir la motivation : l’exposé sommaire précise bien que c’est là où il y a un déficit d’assurabilité lié au mode de production qu’il faut subventionner de façon plus importante. Qu’il n’y ait pas de malentendu sur notre intention !

    (L’amendement no 72 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 113.

    M. Loïc Prud’homme

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    Cet amendement de repli propose de maintenir le taux de subvention à 65 %. Comme notre amendement précédent, il a été rédigé avec la Confédération paysanne.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Avis défavorable pour les mêmes motifs que ceux que je vous ai déjà exposés, les précisions que vient d’apporter le ministre complétant mon argumentation.

    (L’amendement no 113, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 109.

    M. Charles de Courson

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    C’est un amendement de réflexion. Je rappelle que dans l’état actuel du droit, le seuil de pertes à partir duquel l’État peut subventionner est de 30 %. Le règlement communautaire omnibus l’a abaissé à 20 %. Le Gouvernement propose donc dans cet article de se caler sur les 20 %. Cet amendement vise à réserver ce nouveau seuil aux cas les plus difficiles, c’est-à-dire à l’arboriculture et aux prairies, l’étude d’impact montrant que dans ces deux secteurs, les coûts assurantiels sont très élevés. Ce sont eux qu’il faut le plus aider. Pour les autres, ce serait 25 %, soit déjà une amélioration par rapport au système existant, à savoir 30 %. Peut-être me répondrez-vous que vous êtes d’accord avec moi mais que vous procéderez par voie réglementaire, monsieur le ministre. Quoi qu’il en soit, j’attends avec impatience votre réponse.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je suis défavorable à cet amendement, monsieur de Courson, car je considère qu’il faut inscrire dans le texte que le Gouvernement peut aller jusqu’au maximum de ce qu’autorise le règlement omnibus, et ce pour toutes les filières. Je peux vous dire que pour les grandes cultures, le seuil de 20 % est très attendu, parce que les risques qui les menacent le plus ne sont pas tant des catastrophes type gel, qui peuvent ruiner 100 % d’un verger, que la récurrence de risques moyens, soit entre 20 % et 40 % de pertes.
    J’aurais bien sûr adoré pouvoir annoncer tout de suite aux filières : « On va démarrer dès 2023 avec omnibus plein pot. » Mais je respecte l’esprit de la réforme : nous en définissons aujourd’hui le cadre légal ; il appartiendra ensuite au Parlement d’en tirer les conséquences budgétaires lors de la prochaine législature. Je pense personnellement qu’il faudra appliquer ce règlement dans son intégralité en 2023 pour toutes les filières.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis, pour exactement les mêmes raisons. J’insiste sur le fait qu’on ne peut établir de seuils ayant des incidences financières, quelles qu’elles soient – franchise, taux total de subvention – que dans un projet de loi de finances, leur application étant alors précisée par voie réglementaire. Mais la position du Gouvernement est d’ores et déjà très claire : ce sera bien 600 millions d’euros de subvention à l’assurance et à l’indemnisation des pertes de récolte en 2023.
    Deuxième point : je suis résolument favorable à ce qu’on applique le règlement omnibus en allant le plus loin possible.
    Troisième point : j’attire l’attention sur la nécessité d’une approche très pragmatique. Si je suis favorable à ce qu’on utilise le règlement omnibus plein pot, ce qui m’intéresse à la fin des fins, c’est le prix payé par l’agriculteur. Voilà ma seule boussole, ma seule ancre. Pour revenir sur la discussion que nous venons d’avoir, si l’augmentation de la subvention du contrat d’assurance aboutit à celle de la prime, je ne ferai pas partie de ce jeu-là. Je vous renvoie à cet égard à l’article 7 sur la régulation du système actuariel, qui est essentiel. Le Gouvernement sera d’autant plus à l’aise pour utiliser le règlement omnibus plein pot que votre assemblée aura été ambitieuse sur l’article 7. C’est très important.
    Enfin, je souligne que tout l’équilibre du système repose sur trois critères : la franchise, le taux de subvention, mais aussi le seuil, parce qu’en fonction du niveau de ce dernier, l’assureur n’assume pas le même niveau de responsabilité, n’a pas à prévoir le même nombre d’actifs face au risque, et modifie d’autant le prix qu’il fait payer à l’agriculteur. C’est donc filière par filière, culture par culture, que tout doit être étudié, d’où l’importance d’avoir une ambition sur l’article 7 pour s’assurer que ce qu’on va réussir à faire revienne bien à l’agriculteur et pas à l’assureur. Ce n’est pas une réforme pour les assureurs, mais une réforme pour les agriculteurs. C’est une évidence, mais ça va mieux en le disant. Cela étant dit, je tiens vraiment à saluer les assureurs qui, pour certains d’entre eux, cherchent aussi des solutions pour la pérennité du dispositif : ne tombons pas dans la caricature, voire dans la stigmatisation. Vous connaissez comme moi des assureurs qui sont proches du territoire. Mais il n’empêche, je le redis, que c’est une réforme pour les agriculteurs.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Si j’ai déposé cet amendement, c’était pour vous tendre une perche et vous permettre de déclarer que vous feriez les efforts les plus importants en direction de l’arboriculture et des prairies, parce que c’est dans ces deux secteurs que les problèmes d’assurance sont les plus aigus. Vous n’avez pas voulu aller jusque-là dans votre réponse…

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Si, si !

    M. Charles de Courson

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    Il suffisait de me le dire pour que je retire mon amendement, monsieur le ministre, puisque c’était son but.
    Monsieur le rapporteur, vous renvoyez à la loi de finances – mais oui et non, puisque c’est le pouvoir réglementaire qui fixera ensuite les taux, filière par filière. Sachant que les moyens budgétaires sont limités, mon amendement avait pour but d’inciter le Gouvernement à concentrer les aides sur ces deux secteurs, puisque toutes les études d’impact montrent que c’est là où le problème est le plus difficile.

    M. le président

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    L’amendement est-il retiré, monsieur de Courson ?

    M. Charles de Courson

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    J’attends une réponse claire de M. le ministre.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je veux vraiment rebondir sur ce que vous dites, monsieur de Courson, pour qu’il n’y ait pas de malentendu. Aujourd’hui, les secteurs que vous évoquez sont considérés comme non assurables et bénéficient à ce titre des interventions du CNGRA. Comme on crée un système universel, on va y inclure d’autres cultures. Certains craignent que cela se fasse au détriment de ceux qui sont déjà assurés, mais la réponse est non, archi non ! Je ne cesse de répéter que cette réforme ne tient que par son principe fondamental, l’augmentation de la solidarité nationale. Elle n’aboutira donc pas du tout à un transfert des uns vers les autres. Arrêtons de dire aux agriculteurs : « Débrouillez-vous tout seuls. » En tant que garants de la souveraineté agroalimentaire de notre pays, il faut leur dire : « Qui que vous soyez, assurables ou non assurables aujourd’hui, nous avons bien en tête que vous ne pouvez pas faire face seuls, donc nous venons vous aider, mais pas dans la sphère existante, puisque ce sera du plus. »

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Je retire mon amendement, monsieur le ministre, mais il n’en demeure pas moins qu’on ne sait pas si le fait de passer de 300 millions à 600 millions permettra de régler le problème de fond en se concentrant sur les secteurs les plus difficiles.

    (L’amendement no 109 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 172.

    M. André Chassaigne

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    Il vise à garantir que les organisations syndicales seront consultées. Monsieur le rapporteur, en commission, vous m’aviez répondu que c’était acquis. En bon Auvergnat, vous avais-je répondu, je n’achète jamais un âne dans un sac. (Sourires) Je préfère donc que les choses soient précisées dans la loi – même si cette mention constitue selon vous une sorte de pléonasme, puisque vous trouvez cela évident.
    J’en profite pour revenir sur vos propos concernant les éleveurs herbagers. Selon vous, ils n’y perdront pas par rapport à ce qu’ils touchent aujourd’hui dans le cadre du régime des calamités agricoles. Votre argument peut aussi signifier que leur situation ne sera sans doute pas mieux prise en considération alors que les aléas climatiques se multiplient. Tout cela mérite d’être précisé. Il ne faudrait pas que les 600 millions d’euros dont nous parlait M. le ministre ne profitent qu’à quelques-uns tandis que d’autres, qui auraient pourtant pu en bénéficier, ne voient pas leur système assurantiel s’améliorer.
    Il est également essentiel que les assureurs ne territorialisent pas les primes d’assurance – vous vous étiez prononcé en ce sens en commission, monsieur le ministre, et j’en prends acte. Dans le cadre de la solidarité nationale, il faut que le montant des primes soit identique, par production, sur tout le territoire. Ça ne peut pas être à géométrie variable selon l’endroit…

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Le seuil !

    M. André Chassaigne

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    J’ai cru comprendre que c’était ce que vous aviez dit, mais je me suis peut-être trompé. Dans ce cas, vous rectifierez. Je peux avoir manqué de perspicacité.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Si vous le voulez bien, monsieur Chassaigne, nous reparlerons de l’harmonisation du niveau des primes ultérieurement, car il en est question à d’autres articles.
    Je vous l’ai dit, vous l’avez rappelé, et je vous le répète : votre amendement est satisfait puisque le CODAR – il faudra d’ailleurs dire la CODAR si nous adoptons l’amendement qui vise à transformer le comité en commission – est issu du CNGRA. Vos motivations sont parfaitement légitimes, et je souscris pleinement à votre objectif, mais il serait superfétatoire d’introduire dans le texte le dispositif prévu par votre amendement. Je vous demande donc de le retirer. Je ne suis pas juriste, mais c’est une question de bonne légistique.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 172 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 48.

    M. Dominique Potier

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    Aujourd’hui, on dépense environ 300 millions d’euros par an entre les subventions aux assurances privées et le régime des calamités agricoles – M. le rapporteur vient de me confirmer ce montant ; demain, grâce à votre force de conviction, monsieur le ministre, vous mettrez 600 millions sur la table pour rendre le régime universel.
    Notre amendement vise à préciser la nature des assurances privées qui compléteront le système assurantiel de nos producteurs, car il y a assurance privée et assurance privée. Certaines assurances privées relèvent quasiment du régime de l’économie sociale : les bénéfices sont réinvestis et partagés avec les assurés. En revanche, d’autres assureurs, au sommet du CAC40, ont des pratiques dans les paradis fiscaux et distraient l’essentiel de la valeur ajoutée dans des choix qui n’ont rien à voir avec ce que nous recherchons, que ce soit en matière de sécurité alimentaire, de maintien de nos producteurs, d’aménagement du territoire…
    Quand on cautionne les assurances privées à hauteur de 600 millions d’euros, je crois qu’on peut demander qu’elles répondent à un minimum d’exigences éthiques. Je ne prétends pas avoir affaire aux compagnons d’Emmaüs ou aux Petits Frères des Pauvres, mais si l’on considère la taxonomie européenne, on pourrait par exemple demander que les assureurs s’engagent à respecter non seulement la loi, mais l’esprit de la loi, qu’ils pratiquent un partage de la valeur, bref, qu’ils rejoignent le mouvement mutualiste.
    À défaut de s’inscrire dans un système mutualiste de CVO tel que nous le rêvions à gauche, nous demandons, dans une logique de compromis, que figure dans les débats du CODAR – puisque le texte renvoie au CODAR et aux ordonnances – l’exigence que les assureurs qui seront les partenaires de ce New Deal agricole pour la sécurité alimentaire soient des assureurs éthiques, des assureurs qui travaillent pour l’économie réelle et non pour l’économie spéculative, celle qui s’évade dans les paradis fiscaux.
    Ne me dites pas que ce n’est pas possible : c’est une question de volonté politique. Une telle préoccupation peut trouver un écho bien au-delà de nos rangs et être partagée. J’espère obtenir des avis favorables – s’il faut rédiger un sous-amendement, je suis certain que nous trouverons des complices à gauche comme à droite.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Vous me donnez l’occasion d’apporter une nuance s’agissant d’un précédent débat : je ne pensais pas spécialement à Guizot en parlant d’enrichissement. La cupidité, la mesquinerie ne sont pas l’apanage des gros ni des gens riches…

    M. Dominique Potier

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit !

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    De même, la générosité et l’esprit d’action collective ne sont pas l’apanage des petits ou des gens en difficulté.
    Je souscris totalement à l’objectif de votre amendement, qui n’a toutefois aucune portée normative. Soucieux, une nouvelle fois, que nous avancions en bons légisticiens, je vous demande de retirer un amendement qui n’apporte rien au contenu du texte.

    M. Dominique Potier

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    Ah bon ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    J’ajoute que les arguments avancés concernent de fait plutôt le fonctionnement du groupement d’assureurs, c’est-à-dire l’article 7, et la CODAR, c’est-à-dire l’article 9.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    À l’évidence, monsieur Potier, nous sommes tous d’accord. Vous voulez privilégier les assureurs qui « s’engagent à respecter non seulement la loi, mais l’esprit de la loi » – mais ils doivent tous le faire, qu’ils soient assureurs « éthiques » ou non ! Nous sommes en démocratie : ils doivent respecter 100 % et du sens et de l’esprit de la loi. La question ne se pose pas. S’ils ne le font pas, ils doivent être jugés pour non-respect de la loi.
    J’ai travaillé sur ces sujets auparavant, et je peux vous dire que le cadre de régulation, que ce soit au niveau international – je pense à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – ou au niveau national – je pense aux différentes lois en vigueur, dont certaines en faveur desquelles vous et certains de vos collègues vous êtes beaucoup engagés –, doit prévaloir pour toutes les activités des assureurs, quelles qu’elles soient, dès lors qu’ils travaillent dans notre pays et même en Europe – et cela ne concerne pas uniquement l’assurance récolte.
    Votre amendement a quelque chose d’étrange. Le fait d’inscrire ce que vous proposez dans la loi laisserait sous-entendre que pour d’autres secteurs d’activité, il serait moins grave que les assureurs ne soient pas éthiques ou respectueux du sens et de l’esprit de la loi. Non ! La régulation vaut pour tous les assureurs. Un assureur non « éthique » – on peut s’interroger sur ce qu’est le non-éthique, même si l’OCDE définit un certain nombre de règles en la matière – s’inscrit aussi dans le cadre de la régulation sans faille des assureurs.
    J’insiste : le projet de loi a cela de vertueux qu’il permet que la solidarité nationale bénéficie aux agriculteurs en garantissant, en particulier à l’article 7, la régulation des assureurs.
    Je demande le retrait de l’amendement.

    M. le président

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    Monsieur Potier, retirez-vous l’amendement ?

    M. Dominique Potier

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    Il existe tout de même peu de systèmes d’assurance auxquels l’État apporte 600 millions d’euros ou qu’il subventionne à 70 % comme cela est prévu dans le projet de loi que nous allons voter. Nous subventionnerions un assureur à 70 %, et une partie de ses bénéfices irait s’évader dans des paradis fiscaux ? Ne me dites pas que cela n’existe pas : ces évasions ne sont peut-être pas moralement acceptables, mais elles ont une existence légale. En tant que législateurs, nous avons tout de même le droit, sans renvoyer au CODAR et à la cogestion professionnels-assurances-État, de faire en sorte que le système d’assurance que nous soutenons et subventionnons n’alimente ni la spéculation, ni les caisses des paradis fiscaux, mais qu’il relève d’une logique d’économie sociale éthique de marché, avec des règles de partage de la valeur transparentes.
    Ne me dites pas que cela ne peut pas être « codé ». La taxonomie européenne, pour laquelle se bat la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire, doit précisément permettre de distinguer, pour les épargnants et pour tous les opérateurs publics et privés, la bonne épargne de la mauvaise épargne, les bons placements des mauvais. Avant 2023, nous pouvons parfaitement imposer des conditions comme nous l’avons déjà fait dans d’autres textes, d’autant que ce calendrier correspond à celui du projet de loi. C’est possible ; c’est seulement une question de volonté politique.
    Avec notre expérience de producteur, nous savons que l’irruption d’une subvention européenne sur un marché, pour une vache allaitante ou pour un autre outil de production, peut parfois provoquer, dans la nuit même, une hausse de prix qui profite plutôt au vendeur qu’à l’acheteur. Je ne voudrais pas que ce schéma se reproduise avec l’assurance. Il faut donc absolument choisir une gamme d’assureurs qui répondent aux exigences de l’économie réelle, et non de l’économie spéculative et de l’évasion fiscale. (Mme Émilie Cariou applaudit.)

    M. le président

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    Vous ne retirez donc pas votre amendement ?

    M. Dominique Potier

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    Pas du tout ! Son adoption conditionne même le vote positif du groupe Socialistes et apparentés sur le projet de loi !

    M. le président

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    Je propose de donner la parole à trois orateurs : M. Pradié, M. Chassaigne, puis M. Turquois.
    La parole est à M. Aurélien Pradié.

    M. Aurélien Pradié

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    À l’occasion de chaque examen d’un projet de loi, les parlementaires débattent du périmètre de la loi et de celui du règlement. C’est notre travail, et c’est une bonne chose que nous restions les gardiens vigilants de ce qui relève du domaine de la loi afin de faire prévaloir l’approche la plus extensive possible. Or s’il y a un sujet pour lequel les derniers réglages, les derniers détails, peuvent tout changer de l’intention de la loi, c’est bien celui-là.
    Lorsqu’il sera par exemple question de définir ce que nous appelons précisément la perte, la manière dont on la calcule au-delà du seuil des 20 % prévu dans le cadre légal, la solution retenue peut absolument tout changer. Vous le savez, monsieur le ministre, les plus grandes discussions avec les professionnels agricoles, depuis des années, ont notamment porté sur la définition de ce qu’était la perte, parfois liée aux stocks pour certaines productions agricoles.
    Parce que tout cela va relever du pouvoir réglementaire, il me paraît essentiel que vous et vos successeurs puissiez très régulièrement et précisément nous rendre compte de la définition des détails : tout tiendra dans la définition de ces détails. Si, demain, nous ne sommes pas capables de nous adapter scrupuleusement aux différentes productions, par exemple lorsque nous définirons la perte, alors tout le système sera lettre morte.
    Je constate que lorsqu’il y a quelques décennies, les pouvoirs publics ont poussé les assureurs privés à assurer la production agricole – à l’époque, les pouvoirs publics poussaient le privé en la matière –, ils leur avaient laissé la main pour définir les critères de calcul de pertes… C’est à ce moment que tout s’est effondré. C’est cela qui est à l’origine du système actuel, qui ne fonctionne plus.
    Autrement dit, la définition des détails n’est pas une obsession des parlementaires ; c’est ce qui fera que le texte vivra ou qu’il ne vivra pas.

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Je ne partage ni tous les engagements spirituels ni toutes les pratiques dominicales de Dominique Potier (Sourires), mais nous nous retrouvons sur certaines valeurs, sur certaines notions d’éthique et de ce que l’on peut bien appeler de morale. Dans la mesure où de l’argent public est donné à des assureurs privés, il doit être possible de leur demander des engagements qui peuvent prendre la forme d’une charte. Il faudrait préciser cela dans l’amendement. C’est pourquoi je demanderai une suspension de séance à l’issue de mon propos afin que nous puissions travailler ensemble à un sous-amendement que mon groupe soutiendra.
    Ce qui nous rapproche aussi, Dominique Potier et moi, c’est – au risque de vous surprendre – que nous ne croyons pas aux actes de foi, du moins dans le domaine politique. Il faut que les choses soient inscrites dans le marbre de la loi, sans cela toutes les dérives sont possibles. Je l’ai déjà dit, 70 % des assurances sont le fait de deux opérateurs. D’autres interviendront sans doute, d’autant qu’ils pourront ainsi entrer dans les fermes et prendre des parts de marché. Il y aura probablement une grande bataille. Il est donc préférable que la loi soit claire, et nous allons rédiger un sous-amendement en ce sens avec nos collègues socialistes.

    M. le président

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    Si vous le permettez, monsieur Chassaigne, avant que nous ne suspendions la séance, je vous propose d’entendre M. Turquois qui avait souhaité réagir.

    Mme Émilie Cariou

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    Et moi ! C’est de la misogynie, monsieur le président !

    M. le président

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    Mme Cariou, qui s’est inscrite ensuite, voudra sans doute s’exprimer à la reprise de la séance.
    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    Je suis assez choqué par la suspicion permanente envers les assureurs qui interviennent dans le secteur agricole. En l’espèce, ils sont principalement deux. Leurs noms ont été cités : Pacifica et Groupama. Si ce marché est aussi rentable, pourquoi d’autres acteurs de l’assurance n’interviennent-ils pas dans le domaine de l’assurance agricole ?
    En fait, nous parlons d’un risque extrêmement difficile à assurer. Je vous invite, dans vos territoires, à participer aux assemblées générales des caisses locales : vous constaterez que le rapport sinistres sur cotisations atteint 130 %.
    Quel assureur a intérêt à continuer à participer à ce genre de système ? La réalité est là ! Cela conduit à une inflation continuelle des cotisations d’assurance afin d’opérer un rattrapage. C’est donc par l’intervention de l’État pour couvrir les risques les plus importants qu’on peut rééquilibrer le système, en permettant à d’autres acteurs de s’intéresser à ce secteur assurantiel afin d’y établir une concurrence plus saine. Je crois au rôle du comité CODAR pour mettre les chiffres sur la table et pour éviter un certain nombre des effets d’aubaine que vous suspectez, mais arrêtons la suspicion permanente contre des acteurs mutualistes. Il ne faut pas être naïf, mais je trouve ce discours complètement désuet et mal placé.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive.

    M. Julien Dive

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    Comme l’a dit M. le ministre, c’est une réforme pour les agriculteurs et pour l’agriculture. Voilà pourquoi, dans le sillage de notre collègue Turquois, je voulais rappeler que les principales assurances qui interviennent dans le secteur agricole sont composées d’acteurs qui, sur le terrain, vivent au quotidien les risques auxquels les agriculteurs sont confrontés et contre lesquels ils se garantissent. N’opposons pas les acteurs les uns aux autres comme cela arrive trop souvent dans les débats parlementaires. Contrairement à ce que j’entends depuis quelques instants, l’opposition entre les assurances agricoles et les agriculteurs n’a pas lieu d’être.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Dans ce genre de situation, je suis assez gêné : on pourrait donner l’impression d’être contre les comportements vertueux et responsables encouragés par certains. Selon moi, si on considère qu’un certain nombre d’institutions financières n’ont pas des comportements vertueux et responsables, vous devez, en tant que législateur, agir dans le cadre d’une loi spécifique afin de lutter contre les comportements non vertueux et non responsables, et non à l’occasion de chaque projet de loi.

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Exactement !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Sinon, on pourrait sous-amender le texte pour tenir compte d’autres critères, comme le bilan carbone, le respect de la parité, etc. La logique du projet de loi, c’est d’aider les agriculteurs.
    J’insisterai également sur un point important. Vous l’aurez compris, je ne tiens pas un discours de complaisance à l’égard des assureurs – pendant des années, j’ai payé pour voir. Néanmoins, comme viennent de le faire MM. Turquois et Dive, je salue les assureurs qui sont aujourd’hui sur le terrain. Beaucoup d’agriculteurs se plaignent des primes d’assurance qui sont trop élevées et ils ont bien raison, mais ils remercient aussi les assureurs d’être à leurs côtés.
    Rappelons également que les aides ne sont pas versées aux assureurs, mais aux agriculteurs.

    Mme Danielle Brulebois

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    Eh oui, ça fait une différence !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    En effet, c’est quand même une différence. Ce n’est pas une subvention aux assureurs. De plus, permettez-moi une petite remarque concernant le caractère opérationnel du dispositif que vous proposez. Si au lieu de traiter le sujet à la racine, les services de l’État doivent à chaque fois demander à tous les agriculteurs de France et de Navarre quelle est la nature de leur contrat d’assurance, puis chercher l’origine du contrat et l’assureur en question afin de juger avec je ne sais quelle autorité si ce dernier est éthique et responsable, on va ajouter des délais de traitement – c’est bien gentil, mais ce sera au détriment des agriculteurs eux-mêmes.
    Il faut légiférer au bon endroit et au bon moment. Je suis un fervent défenseur de l’éthique et de la responsabilité, mais je ne vois pas comment l’amendement de M. Potier, même sous-amendé, pourrait se raccrocher au sujet qui nous préoccupe – si ce n’est de manière générique et donc pas dans le présent projet de loi.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    Si j’ai bien suivi ce qui s’est passé pendant la suspension de séance, il me semble que le président Chassaigne va nous présenter le sous-amendement no 276.

    M. André Chassaigne

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    Il s’agit d’un sous-amendement particulièrement ciselé, permettant de préciser la pensée de nos collègues socialistes afin d’atteindre l’objectif recherché.
    Il s’agirait d’ajouter la phrase : « Une liste d’assureurs agréés est constituée sur la base de la taxonomie européenne dès lors que celle-ci sera adoptée dans le droit européen et français. » C’est d’une clarté qui devrait, je crois, vous convaincre.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Plus de 2 000 agents travaillent sur le terrain pour des assureurs de natures diverses et variées. Nous créons un dispositif afin que les choses aillent vite et que – passez-moi l’expression – la mayonnaise prenne dès 2023. Nous avons besoin de tout le monde. J’ai eu de nombreux contacts avec ces agents et je pense qu’ils ont leur mot à dire dans ce que sera le fonctionnement de la CODAR – nous en parlerons à l’article 5.
    Si nous votons ce que vous proposez, nous allons effrayer tout le monde. Nous avons besoin de tous les acteurs, ne serait-ce que pour avoir une plus grande efficacité dans l’indemnisation en cas de pertes exceptionnelles, c’est-à-dire aller plus vite que les services de l’État aujourd’hui. Nous n’allons pas commencer à faire le tri et à alourdir la réforme avant même qu’elle entre en vigueur. Je trouve que c’est imprudent.
    Pour veiller à ce que cette réforme ne soit pas détournée et reste au service des agriculteurs, je maintiens qu’aux articles 5 et 7, ce n’est pas sans contreparties ni sans obligations que nous allons demander aux assureurs d’appliquer la réforme dès 2023. Je réitère donc ma demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Cariou.

    Mme Émilie Cariou

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    Je souscris à l’amendement du groupe Socialistes et apparentés et au sous-amendement du groupe GDR. Comme cela a été souligné, nous entrons ici, en raison du soutien de l’État, dans un dispositif « dérisqué » pour les assureurs privés, qui tireront des profits de tout cela – le but d’une société d’assurances est bien de réaliser un bénéfice, un résultat positif. Au-delà d’un certain niveau de sinistre, le risque ne sera plus porté par les assureurs ; ce n’est pas le type de risque supporté par les assureurs en temps normal. Demander des engagements en termes éthiques, en termes de respect de certaines normes, me paraît donc intéressant. Cela va au-delà du cadre juridique de la fraude fiscale. M. Potier pense notamment à une interdiction d’avoir des filiales dans les États tiers non coopératifs – aujourd’hui, c’est autorisé. Là, on choisira des acteurs éthiques, qui ne tireront pas de marges bénéficiaires excessives de leurs niveaux de cotisations et de primes. M. Chassaigne propose un niveau supplémentaire de régulation.
    Ce que nous vous demandons, en somme, c’est de réguler ce dispositif, mais je sais que nous avons peu de chances d’aboutir : de manière générale, vous n’aimez pas la régulation…

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Émilie Cariou

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    …et c’est dommage, car je pense qu’une bonne économie est une économie régulée. Il s’agit d’éviter des dérives. Croyez-moi, le but des assureurs n’est pas de faire du mutualisme !

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois

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    Les 600 millions d’euros n’iront pas aux assurances : il ne faut pas le laisser croire ! Et les agriculteurs ont quand même assez de bon sens pour savoir où bien s’assurer. Je constate qu’ils font souvent appel à l’économie sociale et solidaire, à des assurances comme Groupama, qui ont certes un besoin de rentabilité et de croissance pour payer leurs salariés, mais dont les statuts reposent sur un principe d’utilité sociale et de solidarité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Jean-Marie Sermier

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Cet amendement ne vise évidemment pas les acteurs historiques ancrés dans les territoires et qui s’inscrivent dans l’économie sociale : ne vous méprenez pas, monsieur Turquois ! Nous sommes sur une nouvelle donne, Émilie Cariou l’a parfaitement dit, avec une sorte d’assurance de l’assureur et la possible arrivée de personnes ayant moins de préoccupations éthiques que les deux acteurs historiques que nous avons évoqués. Il s’agit donc de l’encadrer, la taxonomie européenne nous le permettant.
    C’est d’une très grande simplicité, monsieur le ministre, cela ne crée aucune complexité administrative. Dès lors que le CODAR aura décidé que dix assureurs sont agréés, le marché fera son œuvre et il n’y aura besoin d’aucun contrôle administratif derrière. C’est simple, efficace, éthique.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Cela fait bientôt cinq ans que je suis membre du Gouvernement et j’ignore combien d’heures j’ai passé dans cet hémicycle. Sur le terrain, les Français nous disent qu’ils n’en peuvent plus des normes, que nous en mettons absolument partout.

    Mme Danielle Brulebois

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    Tout à fait !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Il y a peut-être un peu d’inflation normative, mais rappelons que la norme, ce n’est pas que l’administration. On fait beaucoup d’administration-bashing, or l’administration n’aime pas plus que cela la norme : 90 ou 95 % des normes sur lesquelles elle passe du temps sont prises en exécution de ce que vous décidez.
    Je n’ai aucune leçon à recevoir sur la régulation, madame Cariou. La loi EGALIM 2 est une grande loi de régulation – régulation qu’une certaine majorité avait « dézinguée » avec la loi de modernisation de l’économie, dite loi LME. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Vous avez abandonné la régulation, parce que vous n’y croyiez plus, mais le macronisme, c’est libérer et protéger ! On régule dès lors qu’il faut réguler !
    Je vous soumets aujourd’hui un projet de loi sur l’agriculture. Déposez donc une proposition de loi pour imposer les mêmes clauses à l’assurance de vos permanences ! Pourquoi pas, après tout ?

    M. Loïc Prud’homme

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    Moi, je suis d’accord !

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Mais nous discutons là d’un projet de loi sur l’agriculture. Arrêtons de mélanger les genres en disant que certains sont pour l’éthique et que tous les autres ne le sont pas, car ce n’est pas vrai ! Il faut sérier les sujets, sinon on ne s’en sort plus ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    (Le sous-amendement no 276 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 48 n’est pas adopté.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    On ne peut être que favorable à ce projet de loi et le groupe UDI et indépendants le votera. Au moment d’examiner cet article 3, j’ai tout de même deux questions, ou plutôt deux demandes. Tout d’abord, nous devons garantir l’application intégrale des curseurs pour toutes les productions et pour tous les types de contrat. J’ai eu l’occasion d’étudier le projet de loi avec des représentants du monde agricole chez moi, dans les Vosges, et c’est une vraie demande de leur part. Or ce n’est pas le cas actuellement dans l’article 3. Il faudrait que nous avancions sur ce sujet afin que toutes les productions soient concernées.
    Ensuite, je souhaite une clarification des modalités d’intervention du fonds des calamités agricoles et du fonds risques catastrophiques, afin d’inverser la logique du dispositif actuel en listant les risques non assurables et en les intégrant au dispositif global.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Monsieur le ministre, je vous rassure, ma permanence est assurée à Groupama. (Sourires)

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Bravo !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Voilà, un peu de publicité gratuite…
    Nous ne sommes pas vent debout contre votre réforme. Nous reconnaissons des avancées significatives, mais c’est aussi notre rôle d’insister sur des situations particulières, notamment celles que j’ai évoquées tout à l’heure, qui risquent de se retrouver avec 50 % d’indemnisation en moins. Je le redis, les agriculteurs en difficulté devraient faire l’objet d’une réflexion plus poussée. Nous avons eu dans les années précédentes des mesures d’accompagnement des agriculteurs en difficulté. Des plans de redressement sont en cours : faut-il faire un geste particulier pour les agriculteurs dans cette situation ?
    Nous n’avons pas eu de réponse à la question du président Chassaigne sur la période de cinq ans, notamment par rapport aux prairies, où l’appréciation est parfois un peu compliquée. Si on fait 50 quintaux sur une culture de blé de 80 quintaux – je prends des chiffres fantaisistes –, on voit la différence, on connaît le cours du blé et les bases indemnisées ; mais une prairie mal implantée peut donner une production moindre les années suivantes, et l’incidence ne se limite pas à la production de la prairie. Je sais, par exemple, que les troupeaux de bovins allaitants victimes de sécheresse ont une moindre fertilité. Il peut également y avoir un impact sur les poids de carcasse. Bref, il existe des particularités dans certains territoires et celles-ci doivent être prises en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Matras.

    M. Fabien Matras

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    Député d’une circonscription régulièrement touchée par des événements climatiques, je ne peux que me réjouir de ce projet de loi, et mon collègue Philippe Michel-Kleisbauer ici présent s’associe à mes propos.
    Après les terribles inondations que nous avons connues en 2010 à Draguignan, le Var est touché presque chaque année par des intempéries qui frappent nos territoires et les agriculteurs. Chaque fois, des exploitations sont mises en danger financièrement et des emplois menacés. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dans notre pays. Le réchauffement climatique ne fera qu’aggraver une situation déjà très tendue.
    Nous avions rencontré des agriculteurs avec le ministre l’an dernier, et ce projet de loi répond à leurs demandes en ce qu’il sécurise et améliore l’indemnisation en cas d’événements catastrophiques – c’est l’objet de l’article 3. Il organise aussi le système assurantiel pour permettre une meilleure indemnisation des agriculteurs. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, c’est une loi pour les agriculteurs.
    Au-delà même des situations individuelles, c’est notre souveraineté qui est en jeu. Je souhaite féliciter M. Descrozaille pour son travail et le rapport qui a été rendu. Monsieur le ministre, merci d’avoir entendu les demandes des agriculteurs et d’avoir pris ce sujet important à bras-le-corps. Grâce à ce texte, la solidarité nationale sera aux côtés des agriculteurs pour un système d’indemnisation universelle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    Nous en venons aux amendements à l’article 3.
    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 114.

    M. Loïc Prud’homme

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    Nous proposons de supprimer l’affectation inégalitaire de la troisième section du FNGRA. Cet article prévoit que les agriculteurs non assurés ne pourront toucher qu’une indemnisation représentant au plus 50 % de celle qui serait perçue en moyenne par les agriculteurs assurés. Cette question des 50 % est problématique, car c’est un plafond, le maximum, et cela a vocation à se réduire. Comme le notent les propositions remises lors du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique, ce taux d’indemnisation a vocation à tendre vers zéro pour les non-assurés en 2030. Il s’agit dans un premier temps de tordre le bras aux agriculteurs pour les forcer à s’assurer – vous pouvez employer le mot « inciter » à la place, mais le résultat est le même : il s’agit, quoi qu’on en pense, d’une contrainte.
    La trajectoire du dispositif consiste à augmenter au fur et à mesure le niveau de torsion du bras des agriculteurs récalcitrants jusqu’au point de fracture, avec un taux d’indemnisation nul. Pour éviter que certains agriculteurs perçoivent in fine, quand la stratégie complète de votre projet de loi sera aboutie, une indemnisation nulle, nous proposons de supprimer cet article.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Sans revenir sur l’argumentaire que j’ai développé tout à l’heure, permettez-moi d’apporter une précision. Ne confondez pas, monsieur Prud’homme, le rapport que j’ai remis au nom du groupe de travail « Gestion des risques et développement de l’assurance récolte », lors du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique, et le projet de loi. Ce n’est pas faire preuve de fausse modestie que de rappeler que ce rapport, qui présentait des données indicatives, résultait avant tout d’un travail collectif. Si nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, c’est grâce à la détermination de M. le ministre, mais c’est aussi grâce à ce travail collectif d’une grande maturité, attendu depuis longtemps et dont je n’ai fait que rendre compte.
    Quant à la diminution progressive du nombre des non-assurés, elle découlera de la multiplication des acteurs sur le terrain et il n’est pas besoin de l’expliciter dans le projet de loi. J’en ai parlé en tant que président du groupe de travail parce que je constatais le nombre croissant des professionnels de l’assurance récolte. Ce sont eux qui mettront en œuvre la réforme, grâce au bouche-à-oreille et au travail de conviction des syndicats et des chambres consulaires. Les agriculteurs sont nombreux à attendre cette incitation, à défendre l’acculturation au risque et à vouloir rompre avec l’idée selon laquelle il ne servirait à rien de s’assurer puisque l’État est là en cas de catastrophe naturelle. Nous devons favoriser cette responsabilisation parallèlement au processus d’adaptation au réchauffement climatique. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme

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    Au sujet de l’acculturation au risque, permettez-moi de rappeler que dans leur grande majorité, les agriculteurs ne sont pas dans le statu quo : ils comprennent les risques climatiques, ils s’y adaptent et ils y font face. Perdre une récolte est insupportable après une année de labeur. Pour les agriculteurs comme pour tout entrepreneur, voir son travail détruit par un aléa climatique est intolérable. Il n’est pas vrai que la profession agricole est attentiste au motif que l’État indemnisera les pertes dues aux intempéries et qu’il y a le FNGRA ! Cet argument n’est pas recevable et ne reflète pas la réalité de la profession.

    (L’amendement no 114 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 4, 81, 98, 136, 155, 188 et 207.
    La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 4.

    M. Julien Dive

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    Monsieur le président, permettez-moi une petite parenthèse pour répondre à M. le ministre, ce que vous ne m’avez pas autorisé à faire tout à l’heure.
    Vous prétendez, monsieur le ministre, que la loi EGALIM 2 est une loi de régulation : certes, mais une loi de régulation des échecs de la première loi EGALIM, que votre majorité avait défendue ! Fin de la parenthèse.

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    C’est un peu facile !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Nous pouvons nous aussi vous rappeler les lois que vous avez soutenues !

    M. Julien Dive

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    La réforme dont nous débattons instaure un nouveau régime de gestion des risques climatiques en agriculture. La création d’un régime universel d’indemnisation ouvert à tous les agriculteurs, assurés ou non, nécessite une articulation parfaite entre l’assurance récolte et le fonds d’indemnisation pour risques dits catastrophiques. Le projet de loi maintient le fonds des calamités agricoles pour les risques qui ne relèveraient pas du nouveau dispositif. Le cumul du fonds des calamités agricoles avec le guichet unique créé par le projet de loi est source de complexité et de confusion.
    Cet amendement, que nous sommes plusieurs à défendre et auquel j’associe mon collègue Dino Cinieri, vise à permettre au FNGRA de contribuer à l’indemnisation des pertes liées aux risques « catastrophiques » ou non assurables. Il s’agirait ainsi d’inverser la logique actuelle des calamités agricoles en considérant que tout risque climatique est par principe assurable, sauf certains risques énumérés.

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 81.

    Mme Isabelle Valentin

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    Le projet de loi pose le cadre d’un nouveau régime de gestion des risques climatiques en agriculture. On aurait pu y inclure les risques sanitaires, qui entravent l’activité d’un grand nombre de nos exploitations et dont nous devrons tôt ou tard nous préoccuper.
    Il est essentiel que l’article 3 prévoie une articulation parfaite entre l’assurance récolte et le fonds d’indemnisation des risques « catastrophiques ». Le cumul des dispositifs serait source de complexité. Le présent amendement propose donc une simplification en inversant la logique actuelle des calamités agricoles.

    M. le président

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    L’amendement no 98 de Mme Marie-Christine Dalloz est défendu.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 136.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Mes collègues l’ont dit, le cumul du fonds des calamités agricoles avec le guichet unique instauré par le projet de loi est source de complexité, risque d’engendrer des incompréhensions et pourrait atténuer le caractère novateur de la réforme. C’est la raison pour laquelle nous sommes plusieurs à proposer une rédaction différente de l’article 3 dans un objectif de simplification.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 155.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Pour compléter les interventions précédentes, je précise que l’amendement vise à permettre à la troisième section du FNGRA de contribuer à l’indemnisation des pertes liées à la survenance d’un risque climatique « catastrophique » ou non assurable.
    Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement utile. Je vous remercie par avance d’écouter nos arguments avec bienveillance.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour soutenir l’amendement no 188.

    Mme Sylvia Pinel

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    Cet amendement est important, car il permettra de simplifier l’architecture du dispositif en supprimant la mention du fonds des calamités agricoles et en intégrant la prise en charge de l’indemnisation des risques non assurables ou « catastrophiques » dans le FNGRA.

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 207.

    M. Vincent Descoeur

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    Il a été parfaitement défendu par les orateurs précédents !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Il est défavorable pour deux raisons. S’agissant, tout d’abord, de l’objectif de simplification visé par les amendements, il s’avère que le maintien du fonds des calamités agricoles dans le projet de loi est nécessaire, sur le plan juridique, pour les pertes de fonds – j’ai moi-même découvert, il y a peu, cette subtilité légistique. Rappelons que ce fonds représente environ 15 millions d’euros, soit très peu de chose par rapport à l’ensemble des risques à couvrir. Le maintien du dispositif créé en 1964 et modifié en 2006 et en 2010 est cependant indispensable pour couvrir les pertes de fonds. J’aurais moi-même préféré que le nouveau dispositif se substitue à l’ancien, mais ce n’est pas possible.
    Ensuite, ces amendements introduisent l’idée qu’une liste de risques non assurables pourrait être établie au niveau national. Avec ce projet de loi, nous voulons au contraire l’éviter. Des risques non assurables pour quelles filières et pour combien de temps ? Le CODAR et le suivi de l’application de la loi – sur lequel nous reviendrons à l’article 5 – auront précisément pour objet de délimiter la frontière, sans cesse mouvante, entre les risques assurables et les risques non assurables, tout en prenant en compte la contrainte de solidarité qui pèse sur les assureurs.

    (Les amendements identiques nos 4, 81, 98, 136, 155, 188 et 207, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 49.

    Mme Chantal Jourdan

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    Il vise à préciser que le seuil de pertes à partir duquel sera mobilisée la solidarité nationale sera également fixé, pour chaque production, en fonction du contexte assurantiel. Compte tenu des tarifs élevés des contrats d’assurance multirisque climatique des récoltes pour certaines cultures, il convient en effet de s’assurer que le FNGRA pourra être actionné à partir d’un seuil inférieur pour les productions difficilement assurables, telles que le maraîchage diversifié, l’apiculture ou la culture des plantes aromatiques et médicinales.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement, madame Jourdan, car il est satisfait par l’amendement no 256 du Gouvernement, que nous allons examiner un peu plus loin.
    Votre amendement pose, en réalité, la question de l’accès des agriculteurs à une assurance – le cas le plus emblématique, je le répète, est celui des éleveurs herbagers. L’article 3 renvoie à un décret d’application le soin de fixer, selon la nature des productions et, le cas échéant, selon le type de contrats d’assurance souscrits, le seuil de pertes, de minimum 30 % en application du droit européen, pour pouvoir bénéficier du FNGRA. L’article prévoit également des modalités différenciées d’indemnisation des agriculteurs – le taux d’indemnisation peut être de 100 %. Ainsi, les conditions dans lesquelles seront indemnisés les éleveurs herbagers seront lissées en 2023 dans le cas où les assureurs ne présenteraient pas suffisamment rapidement des polices d’assurance attractives, permettant de couvrir des risques représentant entre 20 % et 30 % de pertes.
    Pour résumer, l’article 3 permet de tenir compte du défaut de l’offre assurantielle et l’amendement no 256 du Gouvernement le précise en toutes lettres. Je vous invite donc à retirer votre amendement, chère collègue.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je l’ai dit à plusieurs reprises, le projet de loi crée une nouvelle architecture. Reste à savoir si la prochaine majorité souhaitera s’en saisir. Le Président de la République a été clair : une enveloppe de 600 millions d’euros sera consacrée à la solidarité nationale pour les risques climatiques en agriculture. Je vous ai moi-même dit que nous souhaitions tirer le maximum du règlement omnibus. La réforme que nous engageons est une réforme pour les agriculteurs et vise une régulation actuarielle des assureurs. Si, demain, une autre majorité arrive au pouvoir et refuse d’appliquer cette réforme, alors ce sera le statu quo. Ce serait tragique, selon moi, mais du moins y aurait-il ce statu quo. Le projet de loi le garantit.
    Avec toute la considération que j’ai pour M. Dive, je me permets de lui indiquer que la loi EGALIM 2 n’est pas venue réguler la première loi EGALIM, mais la loi LME de 2008. Or vous savez quelle majorité en était à l’initiative ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je vous le dis avec toute la considération que j’ai pour vous, d’autant plus que je sais que vous le savez ! (Sourires.)
    Quant à la question de savoir s’il faut réintroduire les cultures non assurables, la distinction entre les unes et les autres constitue, en vérité, une profonde erreur. Vous l’avez souligné, monsieur Villiers, lors de l’épisode de gel, nous n’avons pas pu soutenir certaines cultures avec le fonds des calamités agricoles car elles étaient considérées comme assurables. Je m’opposerai donc à tous les amendements visant à réintroduire cette distinction. M. le rapporteur l’a souligné, la question n’est pas tant de savoir si les cultures sont assurables ou non assurables que de permettre à l’État d’intervenir dans un cadre universel en prenant en compte le contexte assurantiel. De toute évidence, lorsque les assureurs sont défaillants, la solidarité nationale doit s’exercer pleinement. Nous proposons de mettre fin à la dichotomie que nous avons nous-mêmes créée et qui nous empêche de soutenir certaines filières. Il ne s’agit évidemment pas de réduire notre appui à celles qui en bénéficient déjà – je le dis pour M. Chassaigne –, d’où les fonds additionnels.

    (L’amendement no 49 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 26.

    M. Charles de Courson

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    Il s’agit d’un tout petit amendement de précision, qui vise à coordonner le troisième et le cinquième alinéas.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Comme en commission, je vous demande de le retirer au profit de votre amendement no 187.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 26 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement no 198.

    M. Antoine Herth

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    Il s’agit d’un « amendement Stabilo ». Le texte proposé par le Gouvernement et issu des travaux de la commission dit déjà que l’indemnisation d’un risque sera plus favorable dès lors que l’agriculteur aura souscrit un contrat d’assurance pour ce risque, mais l’amendement précise et renforce cette disposition pour garantir le caractère incitatif du projet de loi, lequel vise à encourager les exploitants à s’assurer.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Comme je l’ai dit en commission, la précision est utile. Avis favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Avis favorable également.
    S’agissant du fameux taux de 50 %, je propose à Antoine Herth, André Chassaigne, Dominique Potier et Loïc Prud’homme, s’ils le souhaitent, de retirer le chiffre du texte lors de la navette parlementaire et de préciser simplement « dans le respect du droit européen actuel ». Je suis réellement prêt à le faire, ce qui devrait les inciter encore davantage à me croire !

    (L’amendement no 198 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 173.

    M. André Chassaigne

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    Monsieur le ministre, le respect du droit européen est quelquefois à géométrie variable. Les injonctions relatives à des directives européennes que l’on n’applique pas ne manquent pas !
    Le cinquième alinéa de l’article 3, dont je demande la suppression, est très important car il traite des interlocuteurs agréés. Il est écrit, de manière curieuse, dans cet alinéa : « L’indemnisation peut être versée par un réseau d’interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l’État. » On aurait pu penser que la gestion ou l’évaluation relèveraient de ces interlocuteurs agréés, mais c’est l’indemnisation.
    Cela signifie qu’il y aura des interlocuteurs agréés, dont on ne sait d’ailleurs pas d’où ils sortiront – ce seront apparemment des représentants d’entreprises ou d’assurances privées, ou éventuellement des fonctionnaires, comme vous l’avez dit en commission –, qui interviendront auprès des agriculteurs. On voit bien qu’il s’agit en fait de remplacer les moyens humains du FNGRA par des intervenants privés qui se substitueront à eux pour assurer la gestion de l’indemnisation.
    Un tel dispositif pose un autre problème : il risque de donner lieu à des atteintes aux données personnelles des exploitations agricoles, puisque les interlocuteurs agréés auront accès à la réalité de ce qui s’y passe et à des informations économiques relatives à leur gestion. Il ne faut pas oublier que, lorsque ces interlocuteurs seront des représentants des assurances, leur objectif ne sera pas seulement de gérer l’indemnisation : ils voudront aussi élargir leur portefeuille et, une fois qu’ils auront mis le pied dans la ferme, ils chercheront à obtenir d’autres assurances que celle qui aura justifié leur déplacement. Ce faisant, la puissance publique abandonne véritablement une partie de ses missions : cela revient de fait à opérer une délégation de service public en faveur des principales compagnies d’assurances qui, en proposant des contrats d’assurance multirisque climatique, tâcheront de placer d’autres contrats d’assurance grâce à leurs agents bénéficiant du statut d’interlocuteurs agréés.
    Monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, vous n’avez pas été très clairs s’agissant de ces interlocuteurs agréés, y compris en commission. Là encore, vous essayez de nous faire acheter un âne dans un sac ; en Auvergne, on n’aime pas ça !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Monsieur le président Chassaigne, nous avons devant nous un dessin au crayon sur lequel vous venez de mettre plein de noir ; je vais essayer d’y ajouter un peu de couleur.
    Ce qui préside à la création des interlocuteurs agréés – vous le savez très bien –, c’est la volonté de rendre l’indemnisation plus rapide et plus efficace. Aujourd’hui, le fonctionnement du FNGRA est certes parfaitement respectable, mais il est lent : avant de pouvoir indemniser, il faut établir une commission, faire des visites de terrain et instruire un dossier, puis l’État doit prendre une décision. L’indemnisation n’aboutit parfois que plus de douze mois après le constat du sinistre. Il s’agit donc simplement de permettre à l’État de se donner les moyens d’être plus efficace en la matière, dans le cadre d’un appel d’offres. Qu’avez-vous donc contre les appels d’offres ?
    Quelque chose, à ce propos, me vient à l’esprit : j’ai recruté pendant trois ans pour le secteur des centres de loisirs. En l’espèce, les collectivités confient à des acteurs privés, sur un marché concurrentiel, le soin de s’occuper des enfants. Le dispositif est complètement encadré, très rigoureusement défini et totalement réglementé ; des opérateurs privés y obéissent à un cahier des charges public.
    Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de permettre l’intervention d’opérateurs qui seront en mesure d’évaluer et d’indemniser plus rapidement la perte. Vous voyez tout en noir ; pour ma part, j’y vois un nouveau dispositif plus rapide et plus efficace. Avis défavorable.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Très bien !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Encore une fois, je comprends ce que vous dites, mais l’animal qui se trouve dans le sac dont vous parlez ne se tire pas ; il faut le pousser ! C’est un principe intangible. En l’occurrence, monsieur Chassaigne, je ne cherche pas à vous tirer mais je ne m’explique pas votre crainte. En effet, l’interlocuteur agréé, c’est, par défaut, la DDT – direction départementale des territoires –, et, si vous ne voulez pas vous adresser à un autre opérateur, vous pourrez continuer à passer par elle. Mais faites un petit sondage parmi les agriculteurs de votre entourage : malgré le travail remarquable qu’accomplissent nos agents sur le terrain – je leur tire mon chapeau –, combien sont satisfaits alors qu’un an et demi après la sécheresse, l’indemnisation au titre des calamités agricoles ne leur a toujours pas été versée ?
    Ensuite – c’est mon deuxième point –, dans la situation actuelle, au-dessus de 30 % de pertes, aucune indemnisation n’est prévue pour quelqu’un qui n’est pas assuré, y compris dans la prairie, puisque le CNGRA commence à intervenir lorsque les pertes excèdent 30 % de la production annuelle moyenne. Et pourtant, 1 % de nos éleveurs seulement sont couverts par l’assurance prairie.
    Prenons l’exemple d’un éleveur qui, parce que nous aurons réussi à diminuer le coût de cette assurance, sera couvert pour des pertes situées entre 20 et 30 % de sa production et qui bénéficiera donc d’une assurance qui se déclenchera dès 20 % de pertes. Ne croyez-vous pas, monsieur le président Chassaigne, que l’éleveur qui aura fait ce choix, en acceptant l’offre proposée par un assureur, sera très content que ce même assureur lui verse par ailleurs, pour le compte de l’État, l’indemnisation prévue en cas de pertes excédant 30 %, seuil à partir duquel l’État interviendra ? À l’évidence, il le sera ! Qui peut le plus peut le moins et, en l’occurrence, nous proposons qu’il soit possible de passer par un réseau d’interlocuteurs agréés. Si l’éleveur ne le souhaite pas, c’est la DDT qui, par défaut, interviendra – on peut l’écrire au Journal officiel ! Mais, dans de nombreux cas, les agriculteurs eux-mêmes voudront passer par d’autres interlocuteurs. C’est une évidence !
    J’ai déjà répondu par ailleurs concernant la minoration de 50 % de la prime d’assurance pour les exploitants non assurés. Quant à la prise en compte de la moyenne olympique comme base de calcul pour l’indemnisation des pertes de récolte, il s’agit – pour le dire simplement – du référentiel établi pour définir le niveau de subvention que l’État peut attribuer : de telles subventions ne peuvent être versées au titre des régimes d’aides publiques que si le référentiel utilisé est celui de la moyenne olympique. Cela renvoie en outre à des discussions en cours à propos de la boîte verte de l’OMC – Organisation mondiale du commerce. J’éviterai d’être trop technique mais c’est pour moi une préoccupation majeure, que nous devons exprimer dans les enceintes européennes et internationales, afin de faire évoluer les choses.
    Enfin – vous le savez très bien, monsieur le député –, le problème majeur qui se pose lorsque l’on cherche à évaluer les dégâts causés par la sécheresse sur les prairies, c’est la méthode de calcul, qui est délirante : elle se fonde sur la pousse de l’herbe, en début de saison, alors que celle-ci n’est pas forcément en rapport avec la quantité de foin disponible à la fin – entre les deux, il a pu se passer plein de choses ! C’est ce système que nous voulons améliorer, puisqu’il ne fonctionne pas, afin que l’indemnisation soit finalement la plus proche possible de la réalité vécue par l’éleveur. Mais nous ne voulons pas pour autant créer une usine à gaz, car il faut que le versement soit rapide. Voilà le double défi auquel nous cherchons à répondre.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Venteau.

    M. Pierre Venteau

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    Je voulais simplement signaler à M. le président Chassaigne un problème de cohérence. Vous proposiez tout à l’heure, à l’article 2, un sous-amendement visant à créer une liste d’assureurs agréés ; et ici, lorsqu’est proposée la création d’une liste d’interlocuteurs agréés, que l’on pourrait vraisemblablement assortir de quelques règles de déontologie, vous souhaitez la supprimer ? Personnellement, je ne comprends pas.

    M. André Chassaigne

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    On va vous expliquer !

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Je suis très sensible à tout ce qui peut conduire à un affaiblissement des fonctionnaires et des compétences de ceux qui, notamment au sein du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, peuvent travailler sur ces sujets. Je déplore ainsi que l’on organise des appels d’offres pour confier leurs tâches à des entreprises privées, et cela me rappelle qu’en 2017 certains parmi vous, très attachés au libéralisme, étaient allés jusqu’à proposer d’instaurer des appels d’offres qui auraient permis de recourir à des cabinets privés – au lieu des fonctionnaires administrateurs de l’Assemblée nationale – pour accompagner les députés dans leur travail au sein des missions d’information.
    Une telle approche, ultralibérale, est comparable à ce que vous défendez aujourd’hui : vous évoquez aussi des appels d’offres et, même si M. le ministre a mentionné l’intervention éventuelle des fonctionnaires des DDT, je ne vois pas trop comment cette usine à gaz pourrait se déployer. On sait très bien qu’à la fin, c’est la totalité des missions concernées qui sera confiée au privé, parce que c’est votre objectif.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Ce n’est pas vrai !

    M. André Chassaigne

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    Il sera en effet beaucoup plus facile d’intervenir pour les assureurs privés ! Nous en reparlerons, monsieur le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Oui, on en reparlera !

    (L’amendement no 173 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 187.

    M. Charles de Courson

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    C’est un amendement de précision, qui va d’ailleurs rassurer le président Chassaigne : il vise à préciser que l’indemnisation versée sur le fondement de la solidarité nationale est réalisée « par l’État ou pour son compte » – « pour son compte », monsieur le président Chassaigne – par un réseau d’interlocuteurs agréés.
    Je voulais dire aussi au président Chassaigne qu’un tel dispositif existe dans bien d’autres secteurs ! C’est le cas en particulier s’agissant des relations entre les caisses primaires d’assurance maladie et les assureurs, mutualistes ou autres, qui peuvent donner lieu à des délégations, soit dans un sens, soit dans l’autre. Concernant EDF, par exemple, les caisses primaires délèguent la gestion aux CCAS – centres communaux d’action sociale –, je crois, et vous n’y voyez aucun danger ! Un tel fonctionnement existe déjà et ne pose aucun problème ; je n’ai d’ailleurs jamais vu personne le dénoncer.

    (L’amendement no 187, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 65, 2, 135, 153, 206, 24, 78, 95, 182, 233, 245, 197, 224, 236 et 248, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 2, 135, 153 et 206 sont identiques, ainsi que les amendements nos 24, 78, 95, 182 et 233, et les amendements nos 224, 236 et 248.
    La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 65.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous savez qu’en matière d’indemnisation, l’écueil, pour nos agriculteurs, n’est souvent pas le système assurantiel mais bien l’évaluation des dégâts. Les amendements que nous nous apprêtons à examiner visent à permettre, lorsqu’une évaluation pose question, qu’un recours soit possible pour qu’elle puisse être revue, en fonction des indices nationaux mais aussi de ce qui s’est réellement passé sur la parcelle, sur le terrain. En effet, on se rend souvent compte que certaines évaluations sont proprement inacceptables.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 2.

    M. Julien Dive

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    Il vise à autoriser la contestation, en permettant aux agriculteurs de demander une contre-évaluation s’agissant des pertes qu’ils ont subies, par le recours à une enquête in situ. L’évaluation des pertes préalables au déclenchement de l’indemnisation doit reposer sur une approche partenariale entre État, collectivités territoriales, assurances et paysans.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 135.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Contrairement au président Chassaigne, je ne demande pas la suppression de l’alinéa 5 ; bien au contraire et dans le même esprit que les précédents orateurs, je propose de le compléter par la phrase suivante : « En cas de contestation de l’évaluation des pertes sur son exploitation par un exploitant agricole, une enquête complémentaire sur place est diligentée dans des conditions fixées par décret, afin de procéder à une estimation des dommages. »
    En effet, l’évaluation des pertes préalables au déclenchement des indemnisations doit absolument reposer sur une approche partenariale entre l’État, les collectivités, les assurances et la profession – j’insiste sur la profession –, afin de coller au plus près du terrain. C’est cette approche complémentaire qu’il est nécessaire d’adopter, en ouvrant aux exploitants agricoles, qui sont les mieux placés pour juger des pertes réelles subies sur leur exploitation, la possibilité de contester une évaluation et de recourir à une enquête de terrain.
    Il me semble que l’adoption du présent amendement – ou d’un de ceux qui, dans le même esprit, sont ici proposés – est primordiale pour assurer une bonne cohésion entre les différents acteurs sur le terrain.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 153.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Comme mes collègues, je crois que cet amendement est très important. Il vise à ouvrir aux exploitants agricoles, qui sont les mieux placés pour juger des pertes réelles subies sur leur exploitation, la possibilité de contester une évaluation et de recourir à une enquête de terrain. En effet, monsieur le ministre, pour être efficace, précise, juste et utile aux agriculteurs, l’évaluation des pertes préalables au déclenchement des indemnisations doit reposer – cela a été dit mais il faut le répéter – sur une approche partenariale entre l’État, les collectivités, les assurances et la profession, qui se trouve au plus près du terrain.

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 206.

    M. Vincent Descoeur

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    Il vise à ouvrir la possibilité de recourir à une enquête de terrain en cas de contestation de l’évaluation des pertes ; c’est donc un amendement de bon sens et je ne vois pas ce qui pourrait s’opposer à son adoption. En effet, c’est la garantie d’une évaluation juste, et j’ajoute que le recours à une enquête de terrain est d’autant plus pertinent dès lors qu’il s’agit d’évaluer des pertes de prairie.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 24.

    M. Jean-Yves Bony

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    Il est quasiment identique à ceux que viennent de défendre mes collègues. Il s’agit de faire confiance à l’exploitant agricole en lui laissant la possibilité de contester l’évaluation qui vient d’être faite et d’en proposer une autre, complémentaire, réalisée sur le terrain. Cela me semble primordial et essentiel ; en effet, l’exploitant lui-même est largement le mieux placé pour évaluer les dégâts causés sur son exploitation et pour juger des pertes subies. Mais ce qui est vraiment recherché ici, c’est une approche partenariale entre l’État, les collectivités, les assurances et, bien entendu, l’exploitant agricole lui-même.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 78.

    Mme Isabelle Valentin

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    Nous sommes nombreux, monsieur le ministre, à défendre cette mesure importante. L’évaluation des pertes subies sur l’exploitation, c’est la base de l’indemnisation ; il est donc essentiel qu’elle soit précise et qu’elle soit la plus juste possible. Les amendements visent donc à donner la possibilité aux agriculteurs de contester l’évaluation, si celle-ci ne correspond pas à ce qu’ils ont estimé, et de recourir effectivement à une enquête de terrain.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 95.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Plusieurs arguments ont déjà été avancés pour défendre cet amendement. J’ajouterai que l’on constate, en termes de préjudice occasionné par un événement climatique, des différences relativement importantes en fonction du bassin, du versant ou du massif. Ainsi, dans le Haut-Jura, l’impact d’une période de sécheresse sur les prairies est très variable selon l’exposition des terrains concernés, ce qui nécessite d’établir une sectorisation précise pour évaluer les pertes – de la même manière, le canton de Nozeroy est touché tous les deux ou trois ans par des attaques de mulots qui dévastent les prairies. Dans tous ces secteurs, il faut porter une attention particulière à l’évaluation des pertes subies.

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 182.

    M. André Chassaigne

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    En ce qui me concerne, il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli : dans la mesure où on ne peut avoir une confiance aveugle en la décision des interlocuteurs agréés, il est nécessaire pour les agriculteurs de pouvoir disposer d’un recours, si l’indemnisation qui leur est proposée ne leur semble pas correspondre à leur préjudice.

    M. le président

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    L’amendement no 233 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier est défendu.
    La parole est à M. Pierre Venteau, pour soutenir l’amendement no 245.

    M. Pierre Venteau

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    La confiance est un élément essentiel pour que le système fonctionne, mais je ne suis pas persuadé que l’enquête effectuée sur le terrain aboutisse systématiquement à une juste évaluation du préjudice, c’est pourquoi il me semble indispensable que la procédure d’indemnisation préserve les possibilités de recours individuel des agriculteurs concernés, en cas de désaccord sur l’évaluation des pertes. Tel est l’objet de cet amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement no 197.

    M. Antoine Herth

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    Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai en même temps mes amendements nos 197 et 236, qui portent tous deux sur l’alinéa 6 de l’article 3.
    Le premier vise à préciser que les conditions dans lesquelles un exploitant peut demander une nouvelle expertise en cas de désaccord sur l’évaluation de sa perte seront également fixées par décret. Il s’agit en fait d’une nouvelle version de l’amendement no 236, rédigé avec mes collègues Jean-Baptiste Moreau et Nicolas Turquois, et qui ne me semblait pas suffisamment affirmatif. Il ne suffit pas de dire que le décret « peut » fixer les conditions dans lesquelles les évaluations des pertes peuvent faire l’objet d’une demande de réévaluation : le Parlement doit confier une mission claire au Gouvernement en indiquant précisément l’objet du décret – en l’occurrence, définir les conditions d’évaluation, comme le prévoient les deux amendements.
    Je veux dire à nos collègues du groupe LR, qui ont déposé sur ce point de nombreux amendements prévoyant, par exemple, que des commissions d’enquête se rendront sur le terrain, que l’évaluation des dégâts peut aussi passer par des technologies modernes telles que l’imagerie satellitaire, les drones et l’intelligence artificielle. C’est pourquoi il convient de renvoyer à un décret les conditions dans lesquelles un exploitant peut demander une nouvelle expertise : en effet, les conditions d’évaluation actuelles seront peut-être complètement dépassées dans deux ou trois ans.
    Enfin, l’amendement no 236 évoque une demande de réévaluation par « les exploitants », au pluriel, ce qui laisse supposer que seule une action de groupe serait recevable. Il me semble préférable de faire référence à la terminologie de la Commission européenne, qui définit le bénéficiaire du contrat et des indemnisations comme « l’exploitant », au singulier. Pour toutes ces raisons, l’amendement no 236 ne sera pour moi qu’un amendement de repli.

    M. le président

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    Nous en venons donc aux trois amendements identiques que vient d’évoquer M. Herth.
    La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l’amendement no 224.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Comme l’a très bien expliqué Antoine Herth, cet amendement que je porte au nom du groupe La République en marche vise à ce que le Gouvernement puisse préciser par décret les conditions dans lesquelles un exploitant peut demander une nouvelle expertise en cas de désaccord sur l’évaluation des pertes.

    M. André Chassaigne

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    Un amendement de recyclage !

    M. Jean-Yves Bony

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    C’est la machine à laver !

    M. le président

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    Les amendements identiques nos 236 de M. Antoine Herth et 248 de M. Nicolas Turquois sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Le nombre d’interventions sur ce point témoigne de l’importance du climat de confiance qu’il s’agit d’instaurer. Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit, et je suis favorable aux amendements nos 224 et identiques.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Et pourquoi pas au nôtre ?

    M. Frédéric Descrozaille

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    L’idée est bien, particulièrement en ce qui concerne les éleveurs, d’instaurer un climat de confiance permettant aux exploitants de contester une évaluation.

    M. André Chassaigne

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    Cette nouvelle pratique parlementaire consistant à recycler les amendements de l’opposition est une pratique détestable !

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je ne vois pas en quoi la pratique est détestable, président Chassaigne…

    M. André Chassaigne

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    C’est systématique !

    M. le président

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    Allons, mes chers collègues ! Je vous prie de laisser M. le rapporteur s’exprimer.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Monsieur Chassaigne, je veux bien reconnaître que nous n’avons sans doute pas toujours fait preuve du comportement le plus intelligent à l’égard des oppositions durant cette législature… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. André Villiers

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    Ça sent les élections !

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    À titre personnel, humblement, je dirais que j’ai pris l’habitude à l’Assemblée d’un fonctionnement assez clivant, conduisant les différents groupes à s’affronter – de par mon expérience professionnelle, je sais que c’est un peu moins le cas au Sénat –, et que nous avons parfois un peu de mal à faire preuve d’intelligence collective. Cela dit, en toute sincérité, en émettant un avis favorable à l’amendement n° 224, j’avais le souci de répondre aux préoccupations exprimées par l’ensemble des intervenants.
    J’ajoute qu’en ce qui concerne les pertes de production fourragère l’Institut de l’élevage a fait valoir une étude, certifiée par un organisme indépendant à défaut d’avoir été effectuée en double aveugle, ayant établi que le taux de corrélation entre l’indice Airbus – où chaque pixel représente un carré de terrain de 300 mètres sur 300 – et les observations de terrain est de 0,8, ce qui est excellent. Cependant, cet indice est contesté par un très grand nombre d’agriculteurs et même de responsables professionnels, et un gros travail d’écoute, de pédagogie et de conviction reste donc à accomplir sur ce point. Cette précision importante étant faite, je confirme mon avis favorable aux amendements n° 224 et identiques.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Chassaigne ?

    M. André Chassaigne

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    Non, monsieur le président, je crois que la démonstration est faite !

    (L’amendement no 65 n’est pas adopté.)

    (Les amendements identiques nos 2, 135, 153 et 206 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 24, 78, 95, 182 et 233 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements nos 245 et 197, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 224, 236 et 248 sont adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 51 et 256, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 51.

    Mme Chantal Jourdan

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    Il vise à préciser que les modalités d’indemnisation seront fixées pour chaque production en tenant compte du contexte assurantiel.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 256.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Cet amendement vient préciser un point sur lequel je m’étais engagé en commission, à savoir que les taux et les modalités d’indemnisation tiennent bien compte du contexte assurantiel. Il est extrêmement important, surtout pour les cultures actuellement réputées non assurables – l’arboriculture ou la prairie, comme l’a dit M. de Courson tout à l’heure –, et même en dessous du seuil de déclenchement, qu’il soit tenu compte du contexte assurantiel, puisque c’est ce qui définit la capacité de l’agriculteur à s’assurer s’il le souhaite.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Tout a été dit sur la motivation de l’amendement n° 256 du Gouvernement. Au risque de me voir accusé de recyclage, je suis favorable à cet amendement et je demande le retrait de l’amendement n° 51.

    (L’amendement no 51 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Quand l’amendement du Gouvernement évoque « l’insuffisance de développement de l’assurance contre les risques climatiques », vous avouerez que c’est un peu vaseux… Cela signifie-t-il que, s’il y a peu d’agriculteurs assurés pour un certain type de production, ils seront mieux indemnisés que ceux relevant de filières où ils sont plus nombreux à être assurés ? En tout état de cause, cela ne me semble pas conforme à l’esprit de la loi dont nous sommes en train de discuter, à savoir la responsabilisation. Il serait intéressant de savoir ce que vous entendez par « l’insuffisance de développement de l’assurance. »

    M. Julien Denormandie, ministre

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    C’est une insuffisance de l’offre d’assurance.

    (L’amendement no 256 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 178.

    M. André Chassaigne

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    Si j’ai retiré mon amendement no 172 à l’article 2, je n’en ferai pas autant de celui-ci car, vérification faite, la totalité des organisations syndicales d’exploitants agricoles ne sont pas forcément consultées sur les conditions de détermination des critères retenus pour la mise en application de l’article 3.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je n’ai pas changé de position : puisque le système actuel n’est pas contesté, ne le compliquons pas inutilement ! Il est évident que l’application de cette loi ne saurait être un succès si les organisations professionnelles agricoles (OPA) n’étaient pas appelées à piloter son application. Comme je l’ai déjà fait tout à l’heure pour votre autre amendement, je demande le retrait de celui-ci, et j’émettrai à défaut un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    Souhaitez-vous retirer votre amendement, monsieur Chassaigne ?

    M. André Chassaigne

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    Ah non, je le maintiens !

    (L’amendement no 178 n’est pas adopté.)

    (L’article 3, amendé, est adopté.)

    Après l’article 3

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 59.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Partant du constat que le régime d’indemnisation des dommages subis par les agriculteurs ne fonctionne plus, que l’assurance récolte est devenue obsolète pour de nombreux agriculteurs et que la souscription à une assurance récolte empêche de bénéficier du régime des calamités agricoles, il apparaît nécessaire de revoir l’articulation entre le régime des calamités agricoles et celui des assurances récoltes. Pour cela, l’amendement n° 59 ajoute un nouvel article au code des assurances, afin de définir le nouveau périmètre des assurances récoltes : les assureurs couvriraient désormais les pertes comprises entre 20 et 50 % des récoltes.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Cet amendement pose plusieurs difficultés techniques. Retenir un taux compris entre 20 et 50 % est contraire à l’esprit de la loi : on ne peut pas déterminer à l’avance que l’assureur couvre exactement cette partie-là. Par ailleurs, la rédaction de cet amendement laisse entendre qu’il existe un marché assurantiel pour les pertes de fonds, ce qui n’est pas le cas. Pour ces deux raisons, j’émets un avis défavorable.

    (L’amendement no 59, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Article 4

    M. le président

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    Je suis saisi de six amendements identiques, nos 6, 169, 189, 209, 257 et 258, visant à la suppression de l’article 4.
    L’amendement no 6 de M. Julien Dive est défendu.
    La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 169.

    M. Julien Aubert

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    Nous proposons de supprimer l’article 4, car ce projet de loi instaurant un nouveau régime de gestion des risques climatiques en agriculture, ouvert à tous les agriculteurs, assurés ou non, nécessite selon nous une articulation parfaite entre l’assurance récolte et le fonds d’indemnisation pour les risques catastrophiques.
    Or la formulation proposée laisse subsister le fonds des calamités agricoles pour les risques qui ne relèveraient pas du nouveau dispositif. Ce cumul de dispositifs, à côté du guichet unique, est pour nous une source de complexité, qui risque d’engendrer des incompréhensions et qui va donc nuire au caractère novateur de la réforme. En cohérence avec l’amendement proposant la réécriture de l’article 3, nous proposons donc de supprimer l’article 4 du projet de loi.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour soutenir l’amendement no 189.

    Mme Sylvia Pinel

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    Je vais le retirer car je l’avais déposé par cohérence avec les amendements à l’article 3, qui n’ont pas été adoptés.

    (L’amendement no 189 est retiré.)

    M. le président

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    Les amendements nos 209 de M. Vincent Descoeur, 257 de Mme Isabelle Valentin et 258 de Mme Marie-Christine Dalloz sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Compte tenu du nombre d’amendements de suppression de l’article, je tiens à clarifier les choses. Nous entrons dans une complexité légistique qui m’oblige moi-même à apprendre. J’insiste sur le fait, monsieur Aubert, que c’est la nature des pertes qui permet de distinguer les articles : les pertes de récoltes seront couvertes par les dispositions des articles 1, 2 et 3 ; les pertes de fonds par celles de l’article 4. C’est la couverture de ces dernières qui nécessite de maintenir le CNGRA et le régime des calamités agricoles tel qu’il existe aujourd’hui. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive.

    M. Julien Dive

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    Si nous avons déposé cette série d’amendements, ce n’est pas pour le plaisir de supprimer un article, mais parce qu’elle constituait la suite logique des amendements à l’article 3. Pour ma part, je retire mon amendement.

    (L’amendement no 6 est retiré.)

    M. le président

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    Je peux considérer que tous les autres amendements de suppression sont retirés ? M. Aubert a-t-il été convaincu ?

    M. Julien Aubert

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    Oui, j’ai été convaincu par le rapporteur. Vaincu, jamais ; convaincu, parfois !

    (Les amendements identiques nos 169, 209, 257 et 258 sont retirés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 52.

    Mme Chantal Jourdan

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    Le deuxième alinéa de cet article restreint l’application du régime des calamités agricoles à la notion de biens, donc exclusivement aux pertes de fonds, autrement dit aux pertes concernant les équipements, les cheptels, les installations, les bâtiments et les matériels détruits par un aléa climatique. Il revient à supprimer l’indemnisation par ce régime des pertes de récolte, dès lors qu’elles concernent des risques qui ne sont pas considérés comme assurables par décret.
    Cet amendement d’appel vise ainsi à alerter sur le risque que les pertes de récolte non assurables ne soient indemnisées par le nouveau dispositif exceptionnel d’État qu’à partir d’un seuil de déclenchement élevé. Il répond à un problème soulevé par la Confédération paysanne.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Pour les raisons que j’ai déjà exposées, je suis défavorable à cet amendement. Il ne faut surtout pas réintroduire cette confusion. Une claire distinction est posée entre les pertes de récolte de toute nature, y compris hors assurance, qui sont couvertes par les articles 1, 2 et 3, et les pertes de fonds, qui renvoient à l’article 4. Si le régime des calamités agricoles perdure, c’est uniquement pour les pertes de fonds.

    (L’amendement no 52, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 5, 82, 99, 146, 156, 190 et 208.
    Les amendements nos 5 de M. Julien Dive et 82 de Mme Isabelle Valentin sont défendus.
    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 99.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    La rédaction du projet de loi laisse subsister sans le modifier le fonds des calamités agricoles pour les risques qui ne relèveraient pas du nouveau dispositif. Or ce cumul des dispositifs, à côté du guichet unique, est une source de complexité qui risque d’engendrer des incompréhensions et qui atténue le caractère novateur de la réforme.
    Sans supprimer le fonds des calamités agricoles, l’amendement permet de clarifier le champ des risques non assurables ou pour lesquels il n’existe pas de référentiel technique suffisant pour que les assureurs puissent jouer leur rôle d’interlocuteur unique. Nous aimerions avoir des éclaircissements à ce sujet.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 146.

    M. Fabrice Brun

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    Imaginons que je sois arboriculteur – métier que j’aurais pu exercer car c’est celui de mon père –, et qu’un gel par moins vingt degrés me fasse perdre l’ensemble de ma récolte de pêches et provoque un éclatement du bois, donc une perte de fonds, comment pourrais-je être indemnisé ? Mon dossier relèverait-il d’un double dispositif, de deux commissions différentes ?
    Si nous avons déposé ces amendements, c’est pour clarifier l’articulation entre l’ex-fonds des calamités et le nouveau système assurantiel. Même si nous avons bien compris que les modalités seraient déterminées par décret ou par ordonnance, nous aurions besoin que vous nous donniez une vision concrète du fonctionnement du dispositif, comme si nous étions au bord d’une parcelle de pêchers gelés.

    M. le président

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    Les amendements nos 156 de M. Jean-Pierre Vigier, 190 de Mme Sylvia Pinel et 208 de M. Vincent Descoeur sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Vous me permettrez, monsieur Brun, d’aller un petit peu plus loin. Prenons le cas que vous nous avez soumis d’un arboriculteur assuré ayant subi des pertes. La question est de savoir quels produits d’assurance il a souscrits, car moins de 3 % des surfaces arboricoles sont couvertes par un contrat MRC.
    Je prendrai un autre exemple, car j’ai eu une discussion à ce sujet avec le président de l’association nationale pommes poires (ANPP). La filière poire va demander aux assureurs, par l’intermédiaire du CODAR, de couvrir entre autres risques le gel pour l’ensemble des vergers de France. Cela impliquera que les risques liés au gel soient couverts de la même manière pour tous les arboriculteurs – point que nous avons abordé avec M. Prud’homme, qui n’est plus là. Cette exigence de mutualisation des risques conduira donc les assureurs à mettre sur la table toutes les données de sinistralité relatives au gel, pour tous les vergers de poires, de la Picardie aux Bouches-du-Rhône, en passant par la Drôme, alors même que la fréquence et l’intensité des épisodes de gel ne sont pas les mêmes dans ces différents territoires.
    À partir de la base de tarification commune ainsi générée, chaque assureur aura sa propre politique commerciale. Certains inventeront une police d’assurance indicielle, compliquée à appliquer à l’arboriculture mais qui sera susceptible de convaincre grâce à des primes bien inférieures à celles proposées par les assureurs maintenant la logique indemnitaire, qui suppose qu’un expert se déplace – mettons pour un coût de 300 euros –, d’abord pour constater les effets de l’épisode de froid, ensuite pour évaluer la récolte et indemniser les pertes.
    Pour la perte de fonds, c’est le régime actuel des calamités agricoles, complètement séparé de celui qui couvre la perte de récolte, qui s’appliquera.
    S’agissant des produits assurantiels pour l’arboriculture, les assureurs pourront aussi proposer, en plus des contrats MRC, des rachats de rendement et des couvertures d’une portion du capital, comme cela se fait dans la viticulture, ou encore d’autres formules adaptées à la stratégie de chaque exploitation.
    J’espère vous avoir répondu, monsieur Brun. Je le répète, il y a une distinction entre les pertes de fonds, qui renvoient au régime des calamités agricoles, et les pertes de récolte, qui relèvent du régime assurantiel.

    M. Fabrice Brun

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    S’il y a deux régimes distincts, il y aura donc deux dossiers différents !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Comme M. Dive le soulignait, il y a une articulation entre vos amendements sur l’article 3 et ceux déposés sur l’article 4. Ce qu’il faut bien avoir en tête, c’est que le régime des calamités agricoles actuel repose sur une distinction complètement artificielle entre risques assurables et risques non assurables, distinction que la présente réforme va supprimer. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que c’est l’un de ses axes forts.
    L’amendement du Gouvernement à l’article 3 permet de préciser que, lorsqu’il n’y a pas d’offre assurantielle accessible, monsieur le député Charles de Courson, les pertes peuvent être indemnisées par l’État, même si elles se situent en dessous du seuil permettant de déclencher l’indemnisation sur le fondement de la solidarité nationale. Cela revient de facto à maintenir des règles d’indemnisation répondant au principe qui prévaut aujourd’hui pour le CNGRA. Cet amendement du Gouvernement est très important et il répond aux préoccupations exprimées par Mme Dalloz et M. Dive.
    Quant à M. Brun, il a raison de souligner que deux régimes vont coexister. En réalité, ce sont surtout sur les pertes d’exploitation que nous sommes régulièrement interrogés, les pertes de fonds étant moins fréquentes, fort heureusement. La couverture de ces dernières se rapproche plus du régime des catastrophes naturelles que du nouveau régime d’assurance qui a vocation à s’appliquer de manière récurrente.
    Si nous avons tenu à distinguer deux régimes, c’est que le système assurantiel actuel ne couvre quasiment pas les pertes de fonds. C’est presque un état de fait. C’est la raison pour laquelle nous avons considéré que la moins mauvaise des solutions – je le dis très humblement – était de conserver le régime qui s’applique aujourd’hui. Mais je le répète, ce qui nous occupe au premier chef, ce sont les pertes d’exploitation car ce sont les plus récurrentes.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    J’en profite pour poser une question à laquelle une réponse a peut-être déjà été apportée – je ne pouvais malheureusement pas être présent dans l’hémicycle au début de la séance. Mon collègue Brun a évoqué la nécessité pour certains exploitants de devoir déposer deux dossiers, or les retours du terrain que nous avons nous montrent que les agriculteurs, surtout ceux qui ont des petites exploitations en polyculture, craignent de devoir mener de front plusieurs procédures.
    Ces petits exploitants bénéficieront-ils d’une simplification ? Relèveront-ils tous du premier volet pour leur indemnisation ? Devront-ils aussi dépendre du deuxième volet pour les pertes de fonds si certaines de leurs cultures n’étaient pas assurables ? Comment l’articulation entre les régimes se fera-t-elle ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    De manière générale, il y a deux modalités d’indemnisation, soit par l’exploitation, soit par les cultures, même si les choses peuvent se compliquer si l’agriculteur a souscrit plusieurs contrats d’assurance multirisque climatique auprès de différents types d’assureur – il est libre de son choix.
    Dans le système actuel, l’indemnisation se fait par culture, selon un seuil de déclenchement qui prend en considération l’impact global sur l’exploitation. Je pense qu’il faut faire évoluer ces modalités en mettant l’accent sur les cultures plutôt que sur l’exploitation. Tout cela dépendra d’équilibres qui seront à déterminer dans le cadre des discussions sur les différents seuils de pertes.

    (Les amendements identiques nos 5, 82, 99, 146, 156, 190 et 208 ne sont pas adoptés.)

    (L’article 4 est adopté.)

    Article 5

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Je tiens à remercier le ministre pour ce projet de loi, ainsi que le rapporteur et tous les collègues qui ont travaillé dessus. Cette réforme était depuis longtemps prévue sans que personne ne s’y attelle. Nous allons l’adopter aujourd’hui et nous pouvons nous en féliciter. Les viticulteurs, qui attendaient ce texte, sont déjà satisfaits à ce stade, je le sais.
    L’article 5 prévoit la création du comité chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte, le CODAR. Y seront associés les représentants professionnels agricoles, selon les recommandations du Varenne de l’eau, ainsi que les entreprises d’assurance et de réassurance. Il sera chargé de prendre des décisions collectives selon des objectifs et des enjeux clairs, en tenant compte de l’impératif de développement du marché. Il aura vocation à déterminer un équilibre technique, en décidant de ce qui est assurable et de ce qui ne l’est pas, et à définir les règles actuarielles de seuil d’intervention et de taux de franchise.
    Je précise que nous avons déposé un amendement visant à garantir que toutes les filières de production pourront être représentées au sein de ce comité.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Ce sera ma seule prise de parole, monsieur le président.
    L’agriculture et particulièrement la viticulture sont victimes du réchauffement climatique. Dans le vignoble du Jura, par exemple, l’élévation des températures dès le mois de février conduit à un déploiement plus marqué de la végétation, et les gelées d’avril provoquent des dégâts préoccupants. Nous avons ainsi connu, dans le département, trois années de gel en cinq ans, en 2017, 2019 et 2021.
    Il faut trouver des solutions techniques. Je pense notamment aux tours antigel, susceptibles de réduire les effets néfastes. À ce propos, monsieur le ministre, je dois vous remercier d’avoir permis que le plan de relance s’applique au financement de tels équipements. Cela ne suffit toutefois pas. Il importe de rechercher d’autres moyens, notamment des contrats d’assurance adaptés. Vous vous étiez engagé sur ce point et je soutiens votre démarche.
    Simplement, pour que tout cela fonctionne, les filières doivent être représentées dans leur ensemble au sein du CODAR, qui aura la charge d’assurer le suivi de la mise en œuvre du dispositif. Il est notoire que la structure actuelle ne regroupe pas toutes les filières. Il faut désormais que chaque agriculteur puisse se considérer comme étant représenté dans le nouveau comité, afin d’être certain que les modalités d’assurance soient adaptées à son type d’exploitation et à sa filière de production. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement de suppression no 179.

    M. André Chassaigne

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    Cet article 5 crée au sein du CNGRA un comité spécifique chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte, dont la composition et les modalités de fonctionnement seront ensuite déterminées par décret. Il nous est donc demandé de considérer, par une sorte d’acte de foi, que tout va se passer pour le mieux, alors que nous savons bien que cette nouvelle structure vise uniquement à renforcer le poids des assureurs privés dans la conduite et le pilotage des politiques publiques en matière de gestion des risques en agriculture.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Il est défavorable, ce qui ne surprendra pas M. Chassaigne. D’une part, les assureurs auront interdiction de jouer sur la sélection des risques, c’est-à-dire de décréter qu’ils ne couvrent plus tel ou tel risque, au détriment des agriculteurs ; ils seront forcés d’être solidaires, comme dans l’exemple des vergers de poires que j’ai cité. En revanche, si l’équilibre technique devient difficile à atteindre, tel risque pour telle production, dans tel bassin, cessera d’être assurable, et la filière devra adapter sa propre stratégie, voire créer une ressource en eau – je vous renvoie aux deuxième et troisième séquences du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.
    D’autre part, les agriculteurs pourront dire aux assureurs : « Nous avons besoin d’un produit pour assurer telle culture qui ne l’est pas, telle expérimentation pour laquelle il n’existe pas de données de sinistralité. » En outre, ce qui n’a pas encore été évoqué, la Caisse centrale de réassurance (CCR) jouera un rôle pivot, en tant que professionnel de la réassurance et en tant que tiers de confiance auprès des agriculteurs, pour ce qui regarde l’authenticité, si je puis dire, de la tarification assise sur les données de sinistralité !
    Par conséquent, je le répète, je suis défavorable à cet amendement. Nous ne sommes pas là pour gouverner le détail de l’exécution, de ce que feront les professionnels, mais pour définir des intentions, c’est-à-dire pour déterminer les résultats attendus, puis pour nous assurer que ces résultats ont été atteints.

    (L’amendement no 179, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement no 203.

    M. Antoine Herth

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    Cet amendement vise à clarifier le texte. Celui-ci prévoit en effet que, comme son nom l’indique, le CODAR sera compétent en matière d’orientation et de développement de l’assurance récolte. Or, par exemple, le premier alinéa de l’article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime dispose qu’« il est institué un Comité national de la gestion des risques en agriculture compétent en matière de gestion des aléas climatique, sanitaire, phytosanitaire et environnemental ». De même, il convient que les dispositions ne concernant pas les compétences du CODAR mais son fonctionnement, la création de comités thématiques ou par filière, soient fixées par décret, ce qui rendra le dispositif plus souple et son évolution plus simple.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Monsieur Herth, je préfère votre amendement no 222, auquel je serai favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Monsieur le ministre, je m’aperçois que je me suis mal fait comprendre tout à l’heure ; or nous devons voter en connaissance de cause. Supposons que vous possédiez une exploitation comprenant une vigne et des amandiers. Admettons que vous enregistriez des pertes d’exploitation de 40 % sur la vigne ; dans le même temps, les amandiers sont morts, ce qui constitue une perte de fonds. Comme les seuils donnant lieu à indemnisation sont établis par exploitation, est-ce que le fait que la perte de fonds relève d’un autre régime la fait sortir du calcul ? Existe-t-il un risque que l’on considère que vous n’avez subi que 40 % de pertes, si bien que vous ne serez éligible qu’à certaines aides, alors que les dégâts sont en fait beaucoup plus importants ? En d’autres termes, la question est celle de l’articulation entre le seuil par exploitation et les deux régimes. J’espère avoir été clair.

    M. le président

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    Vous l’avez été, monsieur Aubert !

    (L’amendement no 203 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 186.

    M. Charles de Courson

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    Vous n’ignorez pas que le Comité national de la gestion des risques en agriculture est compétent en matière de gestion des aléas climatiques, mais aussi des risques sanitaires, phytosanitaires et environnementaux. Ses missions excèdent donc les questions liées au développement de l’assurance récolte. C’est pourquoi cet amendement vise à ce qu’une commission spéciale chargée de l’orientation et du développement de l’assurance récolte soit instituée au sein du CNGRA pour traiter spécifiquement de ces questions.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    M. de Courson a entièrement raison. Avis favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis. Par ailleurs, pour rassurer M. Aubert, les seuils de déclenchement des deux dispositifs sont déjà différents : le texte n’aura donc aucune conséquence sur ce point.

    (L’amendement no 186 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 28 tombe.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 53.

    M. Dominique Potier

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    C’est en quelque sorte un amendement de repli, portant sur un débat de fond que nous avons déjà eu : il vise à ce que le CODAR favorise une offre assurantielle éthique et responsable.
    Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes venus ici dans de bonnes dispositions, avec la volonté de soutenir ce texte, tout en montrant qu’il existe d’autres solutions, que nous regrettons de voir écartées. Nous avons donc déposé quelques amendements de précision.
    Notre attitude ne mérite pas les foudres qui se sont abattues sur nous tout à l’heure, et notre demande que le CODAR tienne compte de la qualité des assurances, de leur éthique, n’a rien d’exorbitant : j’espère donc qu’elle sera accueillie favorablement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je regrette beaucoup que mes propos vous aient paru autant de foudres : loin de moi l’idée de foudroyer qui que ce soit. Qui plus est, je souscris tout à fait à ce qui motive cet amendement. En revanche, ses termes ne sont pas normatifs, si bien que je vois mal ce qu’il apporte au contenu du projet de loi.
    Nous avons déjà eu cette discussion : s’il s’agit d’établir une liste et d’exclure certains assureurs, je le répète, j’y suis défavorable ; s’il s’agit que l’offre accompagne la résilience de l’agriculture, c’est une évidence exprimée bien plus fortement par l’universalité, la mutualisation des données et des risques, dont il sera question à l’article 7. Nous aborderons également les questions de l’obligation d’adhésion et du droit à la concurrence.
    Honnêtement, puisque nous sommes d’accord sur le fond, je ne comprendrais pas que vous vous arc-boutiez, que vous fassiez dépendre votre vote d’une précision qui, je le répète, n’a rien de normatif. Par conséquent, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Je souhaiterais demander un complément de réponse à M. le ministre. Outre les problèmes de responsabilité et d’éthique soulevés par M. Potier, le marché de l’assurance agricole est partagé quasi intégralement entre deux entreprises, comme cela a déjà été dit ; d’où le risque que l’argent public soit capté par le système assurantiel, au lieu d’aider nos producteurs. Est-il possible que des précautions soient prises, que les assureurs soient tenus de fournir quelques chiffres, par exemple le montant des cotisations encaissées et celui des indemnités versées ? Nous saurions ainsi comment évoluent à la fois l’offre et le marché.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Monsieur Bricout, c’est là tout l’objet de l’article 7 : le contrôle et la régulation actuariels. Quant à l’amendement, il ne charge pas le CODAR de juger du caractère éthique des assurances, mais « d’évaluer l’impact des aides publiques et de déterminer si ces aides permettent de favoriser une offre assurantielle responsable et éthique ». Une telle tâche ne peut incomber à un comité, seulement au Parlement, aux missions d’inspection.

    (L’amendement no 53 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Chers collègues, il est exactement dix-neuf heures trente-neuf et nous avons encore cinquante amendements à examiner : je vous propose donc de pousser un peu au-delà de vingt heures pour achever l’examen de ce texte. Néanmoins, si, à vingt heures, je constate que nous n’avons pas suffisamment avancé, je lèverai la séance.

    M. Fabien Di Filippo

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    Cinquante amendements, c’est beaucoup !

    M. le président

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    Je compte que les prises de parole seront d’une brièveté exemplaire, monsieur Di Filippo.
    Je suis saisi de six amendements, nos 87, 222, 225, 237, 247 et 180, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 222, 225, 237 et 247 sont identiques.
    Ils font en outre l’objet de cinq sous-amendements, nos 269, 274, 277, 278 et 271, dont les quatre premiers sont identiques.
    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 87.

    M. Charles de Courson

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    L’article 5 vise à créer au sein du CNGRA un comité – ou une commission – spécifique, le CODAR, dont la composition est renvoyée à un décret. Il serait cependant nécessaire que la loi en fixe les principes. Cet amendement vise donc à préciser, par souci d’équilibre, qu’il est composé « de représentants des assureurs et des réassureurs, de représentants des professions agricoles et de représentants de l’État ». J’ai précisé « à parts égales » : cela peut se négocier. Reste qu’il convient d’encadrer l’exercice du pouvoir réglementaire.

    M. André Chassaigne

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    Très juste ! Une fois de plus, vous êtes sur la même ligne que la gauche !

    M. le président

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    Les amendements identiques nos 222 de M. Antoine Herth et 225 de M. Jean-Baptiste Moreau sont défendus.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 237.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je vous propose d’adopter ces amendements identiques en lieu et place de tous les autres amendements ayant le même objet. Comme vient de le dire M. de Courson, il convient que soit garantie « la représentation des organisations syndicales représentatives, des entreprises d’assurance et de l’État » : cette formulation exprime plus précisément l’intention du législateur et la rend donc plus simple à appliquer pour le Gouvernement.
    Les amendements identiques prévoient par ailleurs que le décret « précise également le cas échéant les déclinaisons locales de ladite commission », ou comité. Un mastodonte national, avec plein de chefs à plumes, serait en effet absolument ingouvernable : il faut que chaque bassin de production, chaque bassin versant, dispose de son antenne pour suivre au plus près la question de ce qui est ou n’est pas assurable et l’adaptation des filières.

    M. le président

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    L’amendement no 247 de M. Nicolas Turquois est défendu.
    Nous en venons aux sous-amendements à ces quatre amendements identiques.
    Les sous-amendements nos 269 de M. David Habib et 274 de Mme Lise Magnier sont défendus.
    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement no 277.

    M. Charles de Courson

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    Dans l’hypothèse où l’amendement d’Antoine Herth et les trois amendements identiques seraient adoptés, il convient de préciser que les fonctions indiquées sont exercées à titre bénévole et que les différentes filières agricoles sont représentées.

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir le sous-amendement no 278.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Il est dû à M. Dive, qui a repris plusieurs de nos amendements jugés irrecevables.
    La composition du CNGRA ne reflète pas assez la diversité des filières agricoles ; celle de la future commission doit absolument éviter cet écueil, surtout concernant les filières les mieux assurées. C’est pourquoi il est indispensable que toute filière agricole qui en fera la demande puisse y être représentée.

    M. le président

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    La parole est à Mme Patricia Mirallès, pour soutenir le sous-amendement no 271.

    Mme Patricia Mirallès

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    Les autres cosignataires de ce sous-amendement et moi-même tenons à nous assurer que toutes les filières agricoles, par secteur de production, seront représentées, dès lors qu’elles en auront fait la demande. Si la commission fait l’objet de déclinaisons locales, cette représentativité doit également y être garantie. Nous proposons donc d’insérer à la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 5, après le mot « État », les mots « et de la profession agricole, pour chaque secteur qui en fait la demande, sans pouvoir à ce titre percevoir une autre forme de rémunération, même symbolique, distincte de leur salaire ou traitement habituel ».

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 180.

    M. André Chassaigne

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    Je le retire.

    (L’amendement no 180 est retiré.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Encore une fois, je vous propose d’adopter les amendements identiques au no 237, que j’ai moi-même soutenu. Concernant la représentation des filières, je comprends fort bien l’inquiétude des responsables professionnels, qui estiment qu’eux seuls peuvent s’exprimer au nom de leur filière : l’infinie diversité de l’agriculture est d’ailleurs une merveille française ; ne serait-ce que dans les Bouches-du-Rhône, on trouve de tout, de la polyculture élevage aux vignes et aux oliviers !
    Cette réforme n’aurait aucun sens s’il n’était pas tenu compte des filières par bassin et, en somme, des données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le CODAR va projeter sur les bassins de production, sur les bassins versants,…

    Mme Patricia Mirallès

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    Exactement !

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    …ce que nous savons des conséquences du réchauffement climatique pour les filières locales. De leur côté, celles-ci transmettront au CODAR, soit par leurs propres représentants, soit par d’autres représentants qui parleront en leur nom, selon ce que décidera le Gouvernement, les demandes qu’elles adresseront aux assureurs en vue d’accompagner leur adaptation. Tel est l’esprit du dispositif.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Mon amendement prévoit que le texte n’entre pas dans ce niveau de détail mais prévoit que, conformément à l’esprit de la loi, les responsables professionnels concernés soient les premiers à formuler des demandes auprès des assureurs et, surtout, à tenir compte des risques pouvant devenir non assurables dans chaque bassin. J’émets donc un avis défavorable aux amendements et sous-amendements de la discussion commune, à l’exception du mien et des identiques.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je suis favorable à l’amendement du rapporteur, défavorable aux autres, et je demande le retrait des sous-amendements. À l’évidence, les réformes ne se font pas sans les filières. Le problème, c’est qu’il y en a au moins quarante-deux ! Pour moi, le seul obstacle est opérationnel : un CODAR dans lequel les représentants de quarante-deux filières, de cinq OPA, des assureurs et de l’État discuteraient de niveaux de seuil, cela ne fonctionnerait pas !
    Dire que le CODAR doit consulter les filières et fonctionner en bonne intelligence avec elles, c’est une évidence. Le rôle de l’exécutif représenté au sein du CODAR, ou des représentants agricoles, est d’ailleurs d’y veiller. Ceux qui me connaissent savent que je travaille systématiquement avec les filières. Mais un CODAR ne peut pas fonctionner avec soixante personnes – à moins de préciser que toutes les filières ne sont pas représentées, auquel cas je vous souhaite bon courage pour choisir celles qui le sont !
    Ce que dit le rapporteur, c’est qu’il est possible que seuls les représentants de certaines filières participent au CODAR. En revanche, on ne peut pas imposer que chaque filière y soit représentée. J’en connais en effet au moins quarante-deux, et il y en a probablement plus. En outre, on ne rend pas service à la réforme en rendant critiquable une décision du CODAR au motif qu’une filière – même toute petite – n’aurait pas été invitée. Mon souci est donc purement opérationnel : je suis favorable à la consultation des filières, mais il ne me semble pas envisageable qu’elles soient toutes présentes dans le CODAR. Je demande donc le retrait des sous-amendements tout en étant favorable à l’amendement du rapporteur.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Je suis prêt à retirer mon amendement et mon sous-amendement au profit de l’amendement du rapporteur, car celui-ci permet une déclinaison locale du CODAR. Il est vrai que, certaines filières étant très localisées, il n’est pas nécessaire de faire tout remonter à Paris dans ce qui ressemblerait bientôt à un Parlement ! En effet, vous évoquez quarante-deux filières monsieur le ministre, mais il y en a beaucoup plus en réalité. Rien que dans la viticulture, par exemple, on ne peut pas assimiler le champagne au beaujolais et le beaujolais au bordeaux, tant les problématiques sont différentes.

    (L’amendement no 87 est retiré.)

    (Le sous-amendement no 277 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Patricia Mirallès.

    Mme Patricia Mirallès

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    Compte tenu de l’engagement de M. le ministre, je retire le sous-amendement no 271.

    (Le sous-amendement no 271 est retiré.)

    (Les sous-amendements identiques nos 269, 274 et 278 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 222, 225, 237 et 247 sont adoptés.)

    M. le président

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    Sur l’article 5, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Si vous en êtes d’accord chers collègues, je vous propose que nous n’attendions pas les cinq minutes réglementaires avant de voter.
    Je mets aux voix l’article 5.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        71
            Nombre de suffrages exprimés                68
            Majorité absolue                        35
                    Pour l’adoption                66
                    Contre                2

    (L’article 5, amendé, est adopté.)

    Après l’article 5

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 204 rectifié et 238, portant article additionnel après l’article 5.
    La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, pour soutenir l’amendement no 204 rectifié.

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Il vise à permettre aux coopératives agricoles de constituer une provision comptable qu’elles pourront débloquer en cas de survenance d’un aléa agricole justement identifié dans leur règlement intérieur.
    Aucune des dispositions actuelles ne permet en effet aux coopératives de créer et de disposer de fonds d’aide en cas de difficultés liées à la survenance d’un aléa, car aucun mécanisme comptable ne le prévoit. La création de fonds de réserve pour les coopératives avait de ce fait été demandée, puis acceptée par l’Autorité des normes comptables (ANC). L’intégration de ce fonds au plan comptable avait cependant été ensuite rejetée, au motif que les seuls principes de solidarité et de mutualisation ne sauraient constituer une base juridique suffisante. La question a donc été renvoyée au législateur, raison pour laquelle nous déposons aujourd’hui le présent amendement.
    Celui-ci vise à autoriser les coopératives à constituer un fonds pour aléas en inscrivant dans le code rural et de la pêche maritime (CRPM), pour tenir compte de l’avis de l’ANC, que celles qui souhaitent mettre en place un tel dispositif de provision doivent prévoir, dans leur règlement intérieur, les conditions de constitution et de reprise de la provision lors de la réalisation du risque, ainsi que les conditions de l’assistance portée aux coopérateurs. Nous entourons ce dispositif de garanties : j’espère que notre amendement recueillera des avis favorables.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 238.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je suis tellement favorable à cet amendement que j’en ai effectivement déposé un identique !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Sans faire de récupération, je suis très favorable à ces amendements. Merci beaucoup, madame la députée.

    (Les amendements identiques nos 204 rectifié et 238 sont adoptés.)

    Article 6

    (L’article 6 est adopté.)

    Article 7

    M. le président

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    Sur l’article 7, je suis saisi par les groupes La République en marche et Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Fabrice Brun.

    M. Fabrice Brun

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    L’article 7 est très important car il traite des obligations imposées aux assureurs pour que le futur système bénéficie à l’ensemble des agriculteurs. Nous, députés Les Républicains, considérons que le texte est trop lâche et que nous gagnerions à y préciser plus clairement nos attentes vis-à-vis des assurances. Celles-ci ont encore, à ce stade, une trop grande marge de manœuvre. Je propose ainsi deux principes sur lesquels nous pourrions nous accorder.
    Le premier est celui de la mutualisation : tous les risques doivent être mutualisés car, plus la mutualisation sera poussée, plus l’assiette de cotisations sera large et plus le système sera solide, avec des calculs de primes adaptés. Le plus grand nombre possible d’agriculteurs pourront ainsi bénéficier du futur système d’assurance.
    Il nous semble important, en second lieu, de graver dans le marbre de la loi que l’adhésion au groupement d’assureurs est obligatoire. Tous doivent le rejoindre, jouer le jeu et être transparents. Sinon, chers collègues, nous risquons d’aggraver la situation actuelle, dans laquelle les assureurs sélectionnent les meilleurs risques et se retirent progressivement du marché dans certains secteurs ou certaines filières. Voilà pourquoi nous souhaitons rendre l’adhésion obligatoire. Le dire, c’est bien – il me semble en effet que vous l’avez dit, monsieur le ministre –, mais l’écrire dans la loi, c’est mieux.
    Si cette disposition n’y était pas intégrée, j’aurais une question très précise : dans quel délai l’ordonnance relative à cette obligation d’adhésion sera-t-elle publiée, monsieur le ministre ? Cette question est déterminante car elle conditionne le caractère opérationnel du nouveau système au 1er janvier 2023.

    M. le président

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    Je suis saisi d’un amendement, no 181, tendant à supprimer l’article 7.
    La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

    M. André Chassaigne

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    L’article 7 renvoie à des ordonnances sur des points aussi importants que les obligations fixées aux entreprises d’assurance, les missions confiées à la Caisse centrale de réassurance, les modalités de contrôle et de sanctions applicables et les obligations déclaratives incombant aux agriculteurs non assurés. À moins que des modifications ne soient apportées à l’article 7 par voie d’amendements, notre groupe plaide, dans sa rédaction actuelle, pour sa suppression.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Cet article, monsieur le président Chassaigne, est l’un des piliers de l’ensemble de la réforme. Il est celui grâce auquel l’objectif d’universalité du nouveau régime peut être atteint.
    J’en reviens aux discussions que nous avions tout à l’heure : alors qu’aucune obligation ne pèse aujourd’hui sur les assureurs et qu’il a été longtemps considéré, au sommet de l’État, que, lorsque l’assurance multirisque récolte se développait suffisamment, il n’était plus nécessaire d’accéder au régime des calamités agricoles – d’où la fameuse distinction, inopérante, entre les filières réputées assurables et celles qui ne le seraient pas –, l’article 7 du projet de loi réintroduit une stricte complémentarité entre l’État et les assureurs. Cela démontre à quel point il était important de s’entendre ! Vous pouvez nous reprocher beaucoup de choses, mais pas…

    M. André Chassaigne

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    Ce n’est pas ça que nous vous reprochons, ce sont les ordonnances !

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    L’article 7 permet, grâce au groupement d’assureurs dont nous allons parler dans quelques instants, de garantir l’universalité du régime – c’est-à-dire, comme l’a très bien expliqué M. Brun à l’instant, de conjurer le phénomène de sélection des risques, lorsqu’il s’opère aux dépens des agriculteurs. Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur Chassaigne.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Il est défavorable pour les mêmes raisons, très exactement, que celles évoquées par Frédéric Descrozaille ; je suis totalement d’accord avec lui. J’ajoute, en réponse au député Brun, que notre objectif est que l’ordonnance soit prise sous six mois. Nous avions initialement prévu neuf mois, mais la commission des affaires économiques a réduit ce délai.

    M. Fabrice Brun

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    Cela sera-t-il suffisant ?

    (L’amendement no 181 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 90.

    M. Charles de Courson

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    Il s’agit du premier des amendements déposés par le groupe Libertés et territoires, pour tâcher d’encadrer les ordonnances prévues à l’article 7. Nous n’aimons pas trop les ordonnances ; nous estimons que le Parlement doit faire son travail. Il faut donc, à tout le moins, les encadrer.
    L’amendement no 90 propose qu’il soit rappelé, au-delà du cadre de l’article 38 de la Constitution, que l’article 7 doit être mis en œuvre « dans le respect de la pluralité des assurances ». Il s’agit de dire clairement que l’on n’est pas en train de créer un monopole ou un oligopole – nous y reviendrons tout à l’heure, à l’occasion d’autres amendements. Les règles de concurrence doivent être respectées.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je ferai une réponse développée sur ce point qui a été abordé en discussion générale. Il est très important de rappeler que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), aussi appelé traité de Rome, prévoit, dans ses articles 39 à 42, que les objectifs de la PAC prévalent sur l’application du droit de la concurrence au secteur agricole.
    Ce principe de droit est une subtilité difficile à interpréter, et les autorités françaises ont justement du mal à le faire depuis des années. Lorsqu’il s’agit de juger de l’application du droit de la concurrence au secteur agricole, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou l’Autorité de la concurrence ont ainsi souvent tendance à arguer de leurs difficultés à interpréter la prévalence des objectifs de la PAC et, dans le doute, à proscrire tout ce qui ressemble à une dérogation au droit de la concurrence.
    La Cour de justice de l’Union européenne a apporté des éclaircissements décisifs, à l’occasion de l’affaire dite du cartel des endives, en mettant en avant deux notions déterminantes pour l’interprétation de ce principe de droit subtil : l’effet utile et la proportionnalité.
    Le législateur que nous sommes peut parfaitement interpréter ce droit communautaire en ne faisant aucune entorse au droit de la concurrence dans son principe et à la liberté constitutionnelle d’entreprendre. Il s’agit au contraire de développer le marché de l’assurance, de privilégier l’innovation, la pluralité des assureurs, des politiques commerciales et des business models, afin que des offres différentes soient proposées et que soit garantie la liberté de l’exploitant, qui poursuit sa propre stratégie d’entreprise.
    Mais une contrainte pèse sur les assureurs : il est important qu’ils n’aillent pas trop vite, qu’ils ne court-circuitent pas le mouvement d’adaptation des filières et qu’ils ne laissent pas sur le carreau les agriculteurs des zones dans lesquelles l’apparition de mauvais risques détériorerait le taux de sinistres par rapport aux primes, c’est-à-dire l’équilibre technique du produit d’assurance.
    Je suis donc plutôt favorable à votre amendement no 104 rectifié, qui doit être examiné ultérieurement, parce qu’il fait référence à cet équilibre entre la liberté constitutionnelle d’entreprendre, fondamentale pour le développement de la couverture des risques moyens, qui est notre objectif, et le respect des objectifs de la PAC. Il s’agit quand même des dotations du deuxième pilier. Nous devons garantir l’universalité du régime et une évolution de la frontière entre assurables et non assurables, qui permette à notre agriculture de s’adapter. Aucun agriculteur ne doit être victime d’une réactivité trop rapide des assureurs.
    C’est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement en faveur de votre amendement no 104 rectifié.

    (L’amendement no 90, ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 142.

    M. Fabrice Brun

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    Je vous propose de graver dans le marbre de la loi un objectif qui est susceptible de faire l’unanimité parce qu’il est simple, clair et efficace. Il va droit au but, conformément à la devise de mon club préféré (Sourires), en posant que le système d’assurance récolte bénéficie à tous les agriculteurs.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Sur l’objectif, nous sommes d’accord, mais comme nous n’avons pas adopté un système d’assurance obligatoire, je suis défavorable à votre amendement. L’assurance obligatoire est compliquée à mettre en œuvre, pour de nombreuses raisons, notamment techniques. Nous avons fait le choix d’un système d’incitation. Il faut faire preuve de pédagogie pour susciter la confiance.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Comme pour les vaccins ?

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Défavorable. Sans vouloir jouer sur les mots, l’accès des exploitations et l’accès des agriculteurs à l’assurance, ce n’est pas exactement la même chose. Cet article d’habilitation prévoit très clairement l’obligation pour les assurances de proposer un contrat d’assurance aux assurés potentiels. C’est très clairement l’un des objectifs de l’habilitation.

    (L’amendement no 142 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Monsieur Brun, je me garderai d’établir un quelconque pronostic footballistique à partir du manque de succès de votre amendement… (Sourires.)
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 240.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    La précision apportée par cet amendement tend à protéger les agriculteurs du danger de sélection des risques, ou sélection adverse, qui est le métier des assureurs. La mutualisation des risques dont il est question dans l’article est en fait la mutualisation des données de sinistralité et du prix de la réassurance. Il s’agit bien de mutualiser l’intensité et la fréquence du risque, de manière à obtenir une base de tarification commune, hormis bien sûr les frais d’expertise et les frais de gestion, qui peuvent varier. C’est de cette façon qu’on conciliera liberté constitutionnelle d’entreprendre et universalité du régime.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    J’aurai un avis de sagesse. Je suis très favorable sur le fond, mais il faudra peut-être améliorer la rédaction de l’amendement dans le cadre de la navette. Il s’agit donc d’une « sagesse favorable », comme on dit.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Sait-on exactement, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, ce qu’est la « sélection adverse » ? Existe-t-il un texte qui la définisse ?

    (L’amendement no 240 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 122.

    M. Charles de Courson

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    Je veux attirer votre attention sur le fait qu’on a le droit de s’assurer à l’étranger, en application du principe de la liberté des échanges qui prévaut à l’intérieur de l’Union européenne. J’ai par exemple tout à fait la possibilité de m’assurer auprès d’une société belge.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Mauvaise idée !

    M. Charles de Courson

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    Peut-être, mais c’est ma liberté. Cet amendement est né d’une interrogation sur la compatibilité de ce pool d’assurances avec le droit européen de la concurrence et les règles de libre-échange.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Sagesse.

    (L’amendement no 122 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Duvergé, pour soutenir l’amendement no 191.

    M. Bruno Duvergé

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    Cet amendement tend à substituer aux mots : « pouvant consister » à l’alinéa 2 le mot : « consistant » pour sécuriser le dispositif.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Cet amendement encadre plus strictement l’habilitation du Gouvernement. J’y suis favorable, puisqu’il permet de préciser les obligations qui vont peser sur les assureurs.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je vous demanderai de retirer cet amendement en considération des discussions que nous devons avoir dans le cadre de la mise en œuvre de cette ordonnance. Nous sommes évidemment déterminés à ce que cette ordonnance soit la plus ambitieuse possible.

    (L’amendement no 191 est retiré.)

    Mme Véronique Riotton

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    Ah non !

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 104 rectifié.

    M. Charles de Courson

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    Cet amendement, issu de longues discussions en commission et avec M. le rapporteur, tend à assurer l’articulation entre le droit de l’Union, le droit de la concurrence, d’une part, et le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui régit l’utilisation des données personnelles. Il ne faudrait pas que la création de ce groupement aboutisse à l’instauration d’un oligopole. En effet l’échange de données, par exemple entre les trois principaux opérateurs, qui représentent 80 % du marché, pourrait se traduire par l’élimination de la concurrence.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Favorable pour les raisons que j’ai déjà exposées.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Sagesse.

    (L’amendement no 104 rectifié est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 121.

    M. Charles de Courson

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    L’article 7 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures afin de garantir un large accès des agriculteurs à un régime d’assurance contre les risques climatiques, en prévoyant notamment la création d’un pool d’assurances.
    Cependant, les contours de ce pool d’assurances ainsi que ses modalités de fonctionnement ne sont pas, pour l’instant, déterminés. Les auteurs de cet amendement considèrent que l’habilitation à légiférer par ordonnance est, en l’état, trop large et que le Gouvernement devrait préciser ses intentions relativement aux modalités d’organisation dudit pool d’assurance.
    Ils proposent donc de préciser que le pool, dont les entreprises d’assurance commercialisant l’assurance MRC seraient membres, aurait la forme juridique d’un groupement d’intérêt économique (GIE). Il s’agit d’inciter le Gouvernement à clarifier sa position en la matière.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Même si le rapport que j’ai remis au ministre préconise le statut de GIE, je suis défavorable à ce que cette précision figure dans la loi. Ne connaissant pas tout le droit des affaires, j’ignore si ce groupement pourrait prendre d’autres formes juridiques plus adaptées. C’est pourquoi je préfère qu’on ne précise pas ce point, qui me semble relativement secondaire au regard de l’obligation d’adhésion et des obligations qui pèseront sur ses membres.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Ma position est la même. Les seuls exemples que nous connaissions ont la forme de GIE, mais il existe peut-être d’autres possibilités, comme M. le rapporteur vient de le dire.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Sur une question qui est quand même importante, on est un peu dans le brouillard. Je crois que c’est vous, monsieur le rapporteur, qui avez évoqué tout à l’heure le caractère obligatoire du groupement ; or, dans le texte dont nous sommes saisis, il n’est pas obligatoire : ce n’était pas la position du Gouvernement. Que se passera-t-il si les assureurs n’arrivent pas à se mettre d’accord ? Il me paraît un peu dangereux, sur des questions aussi délicates, de laisser le Gouvernement se débrouiller sans lui fixer un cadre.

    (L’amendement no 121 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 239.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Dans le prolongement de la discussion que nous venons d’avoir, je propose que l’obligation d’adhésion au groupement figure dans la loi, afin de parer aux velléités de mutualiser les données avant de décider d’adhérer au groupement. Pour que la réforme s’engage véritablement, il faut qu’existe ce climat de confiance évoqué par de très nombreux députés. Si on veut assurer l’universalité du nouveau régime, il faut que les assureurs qui souhaitent commercialiser un produit qui est quand même subventionné à 70 % par l’argent communautaire, soient obligés d’adhérer au groupement.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Sagesse.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    J’approuve la position de sagesse du Gouvernement, parce que l’amendement de notre rapporteur va très loin. A-t-on le droit de donner au Gouvernement la faculté de rendre obligatoire l’adhésion à un groupement dont on ne connaît pas la nature ?

    Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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    Mais nous, nous sommes pour !

    M. Charles de Courson

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    Peut-être, mais nous sommes là pour discuter du fond, et c’est pourquoi je vous pose cette question. Est-ce même constitutionnel ? Êtes-vous capable de répondre à cette question, ma chère collègue ?

    (L’amendement no 239 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 123.

    M. Charles de Courson

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    Le texte tel qu’il est rédigé pose un problème très délicat de rétroactivité. Nous en avons beaucoup parlé en commission et il avait été convenu que M. le rapporteur retravaillerait ce point avec vous, monsieur le ministre, pour trouver une solution.
    On ne peut pas dire que les contrats existants pourront être brutalement abrogés. D’où ma proposition que cette disposition s’applique dans le respect du principe de non-rétroactivité. On ne peut pas mettre fin à des contrats de droit privé, même pour un motif d’intérêt général, dont je pense qu’il ne s’applique pas en l’espèce, quoi que certains aient pu dire.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je demande le retrait de l’amendement. Vos préoccupations sont légitimes, mais je présenterai à l’article 12 un amendement qui me semble y répondre, puisqu’il tient compte des souhaits exprimés en commission des affaires économiques.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 123 est retiré.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements, nos 84, 101, 145 et 157, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 84, 101 et 145 sont identiques.
    La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 84.

    Mme Isabelle Valentin

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    En réponse aux enjeux du changement climatique et à la forte attente des agriculteurs, il est prévu que cette loi entre en vigueur le 1er janvier 2023. Cette volonté d’aller vite est une nécessité absolue, mais elle implique une mise en œuvre technique de grande ampleur dès le début de l’année 2022.
    C’est pourquoi il est proposé qu’à l’instar du CODAR, le pôle réunissant les entreprises d’assurance souhaitant commercialiser les produits d’assurance contre les risques climatiques puisse se constituer avant l’entrée en vigueur de l’ensemble du mécanisme, prévue au 1er janvier 2023.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 101.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    J’ajouterai à ce que ma collègue Isabelle Valentin a fort bien dit qu’une création très rapide de ce pool réunissant l’ensemble des assureurs aurait l’avantage de permettre d’organiser le futur flux, mais aussi le stock dont il était question dans l’amendement précédent de M. de Courson, ce qui est une vraie nécessité. Si on veut que le dispositif puisse entrer en vigueur le 1er janvier 2023, il faut que l’année 2022 soit consacrée à ce travail de fond.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 145.

    M. Fabrice Brun

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    Je souhaite simplement marteler l’échéance du 1er janvier 2023, qui est déterminante au vu de la récurrence des aléas climatiques. Comme nous évoquions le mois de juin, monsieur le ministre, vous nous présenterez peut-être un rapport d’information entre le 12 et le 19 juin.

    M. le président

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    L’amendement no 157 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Vous avez mille fois raison quant à l’importance de l’entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2023 et à la nécessité que le groupement des entreprises d’assurance se mette au travail sans attendre. Si cela ne tenait qu’à moi, l’échéance serait réduite à un mois.

    M. Fabrice Brun

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    Pareil !

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Le délai de six mois me paraît raisonnable pour plusieurs raisons. Ce texte porte sur des sujets compliqués et sensibles. Nous venons d’adopter des amendements qui ont reçu un avis de sagesse de la part du Gouvernement. Si nous voulons faire les choses sérieusement et correctement, et ne pas nous retrouver en pleine période électorale, ce délai semble raisonnable, je le répète.
    S’agissant des assureurs qui seraient d’assez mauvaise foi pour attendre la publication de l’ordonnance afin de se mettre autour de la table et de réfléchir à ce qu’ils feront au 1er janvier 2023, j’ai envie de dire : tant pis pour eux ! Ceux qui auront suivi les débats, qui connaissent notre détermination et savent que la réforme se fera n’attendront pas. Il y aura une obligation d’adhésion.
    Nous verrons, dans le cadre de la navette parlementaire, comment le texte reviendra du Sénat. J’entends votre alerte, mais nous sommes fondés à interpréter le droit communautaire et sa compatibilité avec le droit national. J’insiste donc sur la date du 1er janvier 2023 et redis que nous n’attendrons pas la publication de la loi pour demander aux assureurs de se mettre autour de la table. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je précise, afin que ce soit inscrit au Journal officiel, que je mettrai la pression la plus forte dans le tube pour que les ordonnances prévues au présent article soient prises le plus rapidement possible. Il faut donner de la visibilité. J’ai toujours tenu bon sur la date du 1er janvier 2023, parce qu’il faut faire cette réforme, mais aussi parce que cette date correspond à celle prévue pour l’entrée en vigueur de la réforme de la PAC.
    La raison pour laquelle le texte prévoit que l’ordonnance sera prise dans un délai de six mois et non de trois est que nous devons aussi consulter la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou encore l’Autorité de la concurrence : si leur calendrier, dont je ne suis pas maître, ne permettait pas de prendre cette ordonnance dans les trois mois, je serais obligé de revenir devant le Parlement. Il est donc préférable de conserver le délai de six mois, avec un engagement très ferme de ma part de mettre la pression, comme l’a indiqué M. le rapporteur.

    (Les amendements identiques nos 84, 101 et 145 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 157 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 7.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        89
            Nombre de suffrages exprimés                65
            Majorité absolue                        33
                    Pour l’adoption                64
                    Contre                1

    (L’article 7, amendé, est adopté.)

    Article 8

    (L’article 8 est adopté.)

    Article 9

    M. le président

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    L’amendement no 105 de M. Philippe Naillet est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    De toute évidence, la concertation demandée dans cet amendement aura lieu. Un amendement a précisé par ailleurs qu’une déclinaison locale du fonctionnement du CODAR s’appliquerait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable

    (L’amendement no 105, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 9 est adopté.)

    Article 10

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 241.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Cet amendement vise à aligner le régime applicable aux biens utilisés à la fois à des fins professionnelles et personnelles – dits biens mixtes – sur celui applicable aux biens utilisés exclusivement pour un usage professionnel. L’objectif est de ne pas pénaliser les professionnels, notamment les agriculteurs, qui utilisent des biens aussi à des fins personnelles.

    (L’amendement no 241, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 10, amendé, est adopté.)

    Article 11

    (L’article 11 est adopté.)

    Article 12

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive.

    M. Julien Dive

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    Je profite de ce que nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi pour vous relancer, monsieur le ministre, sur un sujet important. Ce texte sera opérationnel dans un an, au 1er janvier 2023, mais n’aura pas d’effet rétroactif.
    Je voulais donc appeler votre attention sur une situation que vous connaissez, puisque vous êtes venu le 20 juillet dernier dans le département de l’Aisne, qui a connu une crue exceptionnelle après que l’Oise est sortie de son lit : 5 000 hectares de pâtures et de cultures ont été touchés. Les agriculteurs ne sont pas éligibles à une indemnisation au titre des calamités agricoles. Vous leur aviez indiqué néanmoins qu’ils pourraient bénéficier d’une aide exceptionnelle – je sais que vous y travaillez. Or, à ce jour, mis à part l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB), aucune aide n’a été instaurée. Le sujet est important pour le territoire et les agriculteurs concernés, qui ont subi une crue alors même qu’il ne pleuvait pas : les faits se sont produits en plein été, et cette crue était la conséquence des pluies abondantes tombées en Belgique, de barrages qui ont cédé ou ont été fermés, etc. J’aimerais qu’ils obtiennent une réponse.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Au-delà de l’exonération de la TFNB, nous avons ouvert une enveloppe de plus de 8,5 millions d’euros de prise en charge (PEC) de cotisations sociales. Le sujet illustre d’ailleurs parfaitement les dispositions que nous prenons aujourd’hui : pour schématiser et sans généraliser, les pertes de nombreuses exploitations qui ont subi les inondations survenues l’été dernier dans le Grand Est et dans les Hauts-de-France, restaient en deçà du seuil de 30 % de déclenchement des calamités agricoles – à l’exception de quelques cas particuliers dans des plaines inondables ou autres.
    Nous voyons donc bien la pertinence d’instaurer un dispositif permettant d’allier assurance récolte et calamités agricoles. Tant que nous n’aurons pas institué un tel système, en vertu duquel une entreprise d’assurance prend en charge les pertes comprises entre 20 % et 30 % et le dispositif s’applique au-delà de 30 % – seuil minimum en application de la réglementation européenne –, nous ne pourrons pas apporter aux agriculteurs que vous évoquez une réponse satisfaisante. Cet exemple prouve donc la pertinence du dispositif auquel nous travaillons et qui aurait été bienvenu s’il avait été mis en place avant les catastrophes survenues l’été dernier.

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 124 et 242, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 124.

    M. Charles de Courson

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    J’avais déposé cet amendement, qui rappelle que les règles de non-rétroactivité et d’intangibilité des contrats s’appliquent, car la rédaction de l’article 12 n’était pas acceptable en l’état – nous en étions convenus en commission. M. le rapporteur et M. le ministre s’étaient engagés à déposer un amendement, ce qui a été fait à travers l’amendement no 242, deuxième rectification. Je retire donc le mien.

    (L’amendement no 124 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 242, deuxième rectification.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Il précise en effet les questions tout à fait fondées qui se sont posées en réunion de la commission des affaires économiques. Les contrats en cours au 1er janvier 2023 resteront en vigueur dans les termes dans lesquels ils sont rédigés. Néanmoins, chaque agriculteur pourra demander à son assureur de mettre son contrat en cours en conformité avec le nouveau dispositif : il reviendra à l’assureur de le faire, au moyen d’un avenant au contrat ou après résiliation et souscription d’un nouveau contrat.
    En l’absence de demande de la part de l’agriculteur, les dispositions courantes de son contrat s’appliqueront jusqu’à la tacite reconduction de celui-ci, pour laquelle l’assureur aura obligation légale de proposer un contrat conforme au nouveau régime.
    Que les choses soient claires : cette réforme s’appliquera au 1er janvier 2023. Il s’agit de rassurer les agriculteurs inquiets de la façon dont s’est passée l’année 2021 ; il n’est pas question qu’ils vivent deux années de suite dans l’attente de ce nouveau régime.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Je souhaite appeler l’attention du rapporteur sur la rédaction de son amendement, qui prévoit que l’agriculteur « peut » demander la mise en conformité de son contrat avec le nouveau régime. S’il ne le fait pas, soyons clairs, celui-ci ira à son terme et pourra même être renouvelé dans les mêmes termes avec son assureur. Il reste cependant une question que vous n’abordez pas : que se passera-t-il si l’exploitant sollicite la modification de son contrat, sous la forme d’un avenant, et que l’assureur refuse ? Tel que votre amendement est rédigé, nous ne le savons pas très bien.

    (L’amendement no 242, deuxième rectification, est adopté.)

    (L’article 12, amendé, est adopté.)

    Après l’article 12

    M. le président

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    Avant d’en venir aux amendements portant article additionnel après l’article 12, je vous informe que, sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par les groupes La République en marche et Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 55.

    Mme Chantal Jourdan

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    Il reprend une idée traduite dans plusieurs de nos amendements et demande un rapport sur la création d’un fonds professionnel mutuel et solidaire au niveau national, encadré par les pouvoirs publics – État et Union européenne – qui participeraient à son financement.
    Ce fonds ferait intervenir une diversité de contributeurs au nom de la sécurité alimentaire et de la solidarité tout au long de la chaîne, en assurant une mutualisation totale des risques entre les exploitants agricoles. Il serait géré par l’ensemble des contributeurs, avec une majorité donnée aux représentants des agriculteurs, les acteurs publics étant présents à toutes les étapes.
    Ce fonds garantirait une couverture universelle de toutes les fermes, c’est-à-dire une couverture de base de toutes les cultures, y compris lorsqu’elles sont diversifiées, face à des risques climatiques. Il serait abondé grâce à une solidarité au sein des filières – interprofessions, fournisseurs d’agroéquipements et d’intrants, transformateurs et grande distribution –, puisque la production agricole bénéficie à toute la chaîne.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je suis défavorable à votre amendement. Nous n’allons pas demander au Gouvernement de rédiger un rapport sur une hypothèse alternative, alors que le dispositif ne sera même pas en vigueur. Je le répète, ce texte est l’aboutissement d’années de concertations. Le groupe de travail que j’ai présidé dans le cadre du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique a examiné toutes les hypothèses, y compris celle que vous évoquez. Un choix politique a été opéré, dans une logique consensuelle. Je ne vois pas l’intérêt de demander un rapport au Gouvernement sur cette hypothèse alternative, qui avait d’ailleurs été chiffrée par les services de l’État dans le cadre de ce groupe de travail. Avis défavorable.

    (L’amendement no 55, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 167.

    M. Julien Aubert

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    Il s’agit d’un amendement d’appel – et même d’appel en PCV, puisque le Gouvernement en assumera le coût, s’il est adopté. Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport présentant la possibilité et les implications d’un rehaussement de 70 % à 80 % du taux maximum de subvention dont les primes des contrats d’assurance multirisque climatique peuvent faire l’objet. En effet, conformément à la réglementation communautaire, la participation financière de l’Union européenne à l’aide en faveur de l’assurance récolte peut aller jusqu’à 80 % du coût des primes. Notre proposition n’ayant pu faire l’objet d’un amendement, pour des raisons de recevabilité financière, nous vous demandons de préciser, dans un rapport, les plafonds que vous seriez prêts à atteindre.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Nous n’avons pas la même interprétation du droit communautaire, monsieur Aubert. À ma connaissance, le règlement Omnibus ne nous permet pas d’aller au-delà de 70 %. Mon avis est donc défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Cela mérite un débat de fond, sachant que notre amendement a été travaillé avec les juristes de plusieurs syndicats agricoles. Selon vous, le règlement Omnibus ne permet pas de dépasser 70 % ; or le règlement délégué Union européenne 2021/2026 du 13 septembre 2021 indique que la participation financière de l’Union à l’aide en faveur de l’assurance récolte peut aller jusqu’à 80 % du coût des primes.
    Si je commets une erreur juridique, je suis prêt à retirer mon amendement. Il aurait toutefois été intéressant de bénéficier des lumières du Gouvernement, qui dispose de plus de moyens que nous, pauvres parlementaires de l’opposition, pour approfondir la réglementation européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
    Le fait que vous protestiez montre que les députés de la majorité sont beaucoup plus riches ! (Sourires.)

    M. Fabrice Brun

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    Ils n’ont qu’à tendre les bras !

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je ne crois pas me tromper en disant que le règlement auquel vous faites référence ne s’applique pas à toutes les filières – il semble qu’il concerne la viticulture. De fait, votre amendement n’aurait pas de portée générale. Or je tiens à ce que la loi ne comporte aucune disposition propre à des filières particulières. Pour ces raisons, je maintiens mon avis défavorable.

    (L’amendement no 167 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 227 et 235.
    La parole est à M. Pierre Venteau, pour soutenir l’amendement no 227.

    M. Pierre Venteau

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    Il vise à assurer une information complète du Parlement sur les effets de la réforme de la gestion des risques climatiques en agriculture. La fixation par décret des modalités de déclenchement des seuils à partir desquels l’État subventionne les primes des contrats d’assurance multirisque, ainsi que des seuils de pertes à partir desquels les contrats deviennent éligibles au mécanisme de la subvention, doit permettre à l’ensemble des parlementaires d’adapter ces seuils aux spécificités des différentes filières. C’est l’objet de notre demande de rapport.

    M. le président

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    La parole est à M. Luc Lamirault, pour soutenir l’amendement no 235.

    M. Luc Lamirault

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    Comme l’amendement précédent, il a pour objet de renforcer l’information du Parlement sur le suivi de la présente loi et sur les effets de la réforme. Ainsi, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport concernant l’application des seuils de déclenchement des subventions.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    (Les amendements identiques nos 227 et 235 sont adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l’amendement no 108.

    Mme Catherine Pujol

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    Sur 6 000 exploitants, seuls 10 % ont conclu des contrats d’assurance contre les aléas climatiques, essentiellement pour des grandes cultures. Les arboriculteurs et les viticulteurs sont particulièrement mal protégés face à ces risques. Le coût des primes et la condition de subir 30 % de pertes n’engagent pas les agriculteurs à s’assurer massivement. Le régime des calamités agricoles, qui offre à la profession des garanties minimales, a fait l’objet d’abaissements successifs du niveau des garanties publiques au profit des grandes assurances privées. Le système actuel, dit des calamités agricoles, n’est plus adapté à la nouvelle donne du dérèglement climatique observée depuis plusieurs années.
    Par cet amendement, nous proposons de créer une instance chargée d’évaluer le système actuel de gestion des risques agricoles, et de prévoir des dispositifs d’amélioration au sein du CNGRA. Cette instance exercerait un rôle complémentaire à celui du CODAR. Si le projet de loi introduit des améliorations, la création d’une instance pérenne d’évaluation permettrait d’envisager régulièrement des mises à niveau.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je ne saisis pas bien votre amendement, madame la députée. S’il s’agit d’examiner le dispositif actuel de réponse aux calamités, votre demande est satisfaite par l’étude d’impact et par le travail préparatoire du présent projet de loi. S’il s’agit d’examiner l’application de la loi qu’il vous est proposé de voter, votre demande est satisfaite par le CODAR. À moins que j’aie mal compris votre amendement, je vous demande de le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 108 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements, nos 243, 54, 170, 211, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 54, 170 et 211 sont identiques.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 243.

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Il s’agit de prévoir une clause de révision à mi-parcours : dans un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport qui en évalue l’impact. Le dispositif que nous prévoyons étant évolutif, il est important de dresser, au moins à mi-parcours, un état des lieux des succès ou des échecs de l’application de la loi.

    M. le président

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    Les amendements nos 54 de M. Dominique Potier, 170 de M. Julien Aubert et 211 de M. Vincent Descoeur sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je suis favorable à l’amendement du rapporteur, et défavorable aux trois autres amendements.

    (L’amendement no 243 est adopté ; en conséquence, les amendements identiques nos 54, 170 et 211 tombent.)

    M. le président

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    L’amendement no 199 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 199 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement no 205.

    M. Antoine Herth

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    Par cette demande de rapport, nous souhaitons que le Gouvernement communique au Parlement, avant le 1er septembre de chaque année, l’ensemble des éléments permettant de suivre l’évolution du dispositif assurantiel et des bases financières en jeu, afin de nourrir le débat relatif au projet de loi de finances.
    J’aurais aimé compléter cet amendement par un appel au Parlement – or le cadre législatif ne le permet pas, et je m’adresserais à un parlement virtuel, puisque celui-ci sera renouvelé en juin prochain : la réussite de la réforme dépendra aussi de la qualité de l’implication des parlementaires dans son suivi, dans son adaptation et dans la remontée d’informations à son sujet. C’est une condition nécessaire pour que la réforme structurelle que nous nous apprêtons à voter soit une réussite, ce que je souhaite pour la France.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Descrozaille, rapporteur

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    Je souscris pleinement à votre intervention, et je suis résolument favorable à votre amendement.

    (L’amendement no 205, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        102
            Nombre de suffrages exprimés                97
            Majorité absolue                        49
                    Pour l’adoption                94
                    Contre                3

    (Le projet de loi est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Julien Denormandie, ministre

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    Je vous remercie pour la qualité de nos débats, parfois très techniques mais éminemment importants. Je remercie M. le rapporteur et ses collaborateurs, ainsi que mes équipes et le coordinateur du texte. Mes remerciements vont également aux parlementaires des différents bords pour leur esprit constructif, sans oublier M. le président de séance. Cette loi constitue une étape importante pour nos agriculteurs.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, demain, à neuf heures :
    Proposition de résolution visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée ;
    Proposition de loi visant au blocage des prix ;
    Proposition de loi constitutionnelle visant à instaurer un droit de révocation des élus ;
    Proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes ;
    Proposition de loi visant à interdire le glyphosate ;
    Proposition de loi relative à la légalisation de la production, de la vente et de la consommation du cannabis sous le contrôle de l’État ;
    Proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale ;
    Proposition de loi visant à restaurer l’État de droit par l’abrogation des régimes d’exception créés pendant la crise sanitaire.
    Proposition de résolution invitant le Gouvernement à retirer la France de l’OTAN.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures quarante.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra