XVe législature
Session extraordinaire de 2020-2021

Première séance du mercredi 07 juillet 2021

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Première séance du mercredi 07 juillet 2021

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Cessation de mandat et remplacement d’une députée

    M. le président

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    Le président a pris acte de la cessation, le 6 juillet 2021 à minuit, du mandat de députée de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, au terme d’un délai d’un mois à compter de son élection.
    Le président a été informé par le ministre de l’intérieur de son remplacement par M. Christophe Leclercq, élu en même temps qu’elle à cet effet.

    2. Protection des enfants

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants (nos 4264, 4307).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 546 après l’article 1er.

    Après l’article 1er

    M. le président

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    La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l’amendement no 546.

    Mme Perrine Goulet

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    Je vous propose ici une nouvelle rédaction de l’amendement que j’avais proposé en commission sur le parrainage, un sujet important pour moi. Il s’agit du caractère total ou partiel de l’accueil dans le cadre d’une assistance éducative.
    Ils s’appelaient Michel et Bernard et ils s’occupaient de moi un week-end sur deux. Près de quarante ans plus tard, ils font toujours partie de ma vie. C’est très important pour les enfants d’avoir ce type de pilier, des personnes qui peuvent les amener vers d’autres horizons, auprès de qui ils peuvent se développer affectivement et trouver une certaine stabilité. Elles permettent également un répit pour les assistantes familiales, voire pour les foyers. C’est une solution de souplesse qui permet de donner au juge ou au président du conseil départemental la liberté de confier partiellement un enfant à quelqu’un d’autre, afin que l’enfant sache qu’il y aura toujours quelqu’un pour lui.

    M. le président

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    La parole est à Mme Bénédicte Pételle, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Vous proposez que le conseil départemental puisse confier totalement ou partiellement l’enfant à un tiers ou à plusieurs tiers de confiance. Je crains que votre amendement n’entraîne une confusion entre le parrain et le tiers de confiance. Le tiers de confiance est une personne à qui est confié l’enfant en cohérence avec le projet pour l’enfant, alors que le parrain est un relais pour le week-end ou les vacances. Il peut aussi accompagner l’enfant dans ses démarches.
    Vous voulez donner un cadre juridique à cette pratique. Cela permettrait aussi de mieux faire connaître et de développer le parrainage. Nous examinerons après l’article 3 un amendement de M. Mounir Mahjoubi, qui vise les mêmes objectifs. C’est donc un avis défavorable.

    Mme Perrine Goulet

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    L’amendement de Mounir Mahjoubi sera-t-il accepté ?

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Nous aurons en effet l’occasion d’en reparler à propos de l’amendement no 318 de Mounir Mahjoubi, qui vise comme le vôtre à développer le parrainage. J’ai déjà évoqué dans ma déclaration liminaire ces multiples liens d’attachement dont vous avez très bien parlé, votre exemple personnel à l’appui. Nous nous prononcerons en faveur de cet amendement no 318 et c’est pourquoi je vous demande de retirer le vôtre.

    (L’amendement no 546 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 666.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Cet amendement vise à ce que l’allocation de rentrée scolaire soit versée aux parents lorsqu’une mesure de placement à domicile est décidée, mesure sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais non ! C’était à l’article 1er ! Les amendements concernés sont tombés !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Quoi qu’il en soit, monsieur Bernalicis, le placement à domicile est un dispositif utile, qui fait partie de la palette des mesures d’assistance éducative en milieu ouvert. Dans l’état actuel du droit, quand l’enfant est encore dans sa famille, l’allocation de rentrée scolaire est versée à l’aide sociale à l’enfance. Nous proposons qu’elle soit versée à la famille : ça me semble être du bon sens.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Étant donné que cet amendement propose que la famille qui participe encore aux dépenses d’éducation reçoive cette allocation de rentrée scolaire, je donne un avis favorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Perrine Goulet.

    Mme Perrine Goulet

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    Le versement de cette allocation à la Caisse des dépôts permet aux enfants de bénéficier d’un pécule bienvenu à leur majorité. Je voudrais cependant attirer votre attention sur le fait que les enfants placés à titre administratif et les pupilles de la nation ne la perçoivent pas directement.
    L’allocation de rentrée scolaire étant calculée sur la base des revenus des parents, si le revenu des parents ne leur permet pas de la percevoir, les pupilles ne la touchent pas. Il me semblerait intéressant que les pupilles puissent eux aussi y avoir accès. Quant aux enfants placés à titre administratif, ils ne sont pas du tout concernés par ce dispositif. Les CREAI, les centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité, nous ont alertés plusieurs fois sur le sujet, et il me semblait pertinent de vous le signaler, monsieur le secrétaire d’État, pour que vos services puissent l’étudier.

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Nous allons effectivement étudier ces deux cas pour voir quelle suite donner à votre proposition.

    (L’amendement no 666 est adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Chiche, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement, cher collègue ?

    M. Guillaume Chiche

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    Sur le fondement de l’article 93.
    Les sous-amendements nos 769, 770, 771, 772, 774, 775 et 776 que j’avais déposés sur certains amendements de nos rapporteures et du Gouvernement ont été déclarés irrecevables en application de l’article 98, alinéa 5 de notre règlement, qui dispose que les sous-amendements ne peuvent contredire le sens de l’amendement, leur recevabilité étant appréciée par le président de l’Assemblée nationale. Or, monsieur le président, loin d’en contredire le sens, ces sous-amendements visent au contraire à renforcer les amendements des rapporteures et du Gouvernement. C’est pourquoi j’aimerais qu’ils fassent l’objet d’un nouvel examen de recevabilité.

    M. le président

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    On va essayer de regarder ça tout de suite.

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à Mme Monique Limon.

    Mme Monique Limon

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    J’interviens au nom de Caroline Janvier.
    L’exercice de l’autorité parentale, bien qu’inhérent à la parentalité, s’accompagne de trois devoirs : protéger l’enfant, l’entretenir et assurer son éducation. Les parents doivent agir dans l’intérêt de l’enfant et, autant que son âge et son degré de maturité le permettent, l’associer aux décisions le concernant.
    Lorsqu’un enfant est placé, la répartition des compétences entre les détenteurs de l’autorité parentale et le service ou le tiers à qui l’enfant est confié se fonde sur la distinction entre les actes dits usuels et ceux dits non usuels. Les actes usuels, liés à la charge quotidienne de l’enfant, relèvent de l’établissement ou du particulier auquel l’enfant a été confié. Les actes non usuels, autrement dit les décisions les plus importantes pour l’enfant, qui ne peuvent être considérés comme des actes usuels, restent de la responsabilité des détenteurs de l’autorité parentale.
    Dans le cas d’une mesure d’assistance éducative, les parents continuent donc d’exercer tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec la mesure, sauf dans le cas où le juge des enfants, dans l’intérêt de l’enfant et de manière exceptionnelle, permet aux gardiens de l’enfant d’effectuer certains actes non usuels.
    L’article 2, dont nous abordons l’examen, a pour but de fluidifier le quotidien des enfants et des personnes qui en ont la garde en donnant au juge des enfants une plus grande marge de manœuvre pour déléguer aux gardiens de l’enfant les actes non usuels, notamment lorsque les parents font preuve de refus abusifs ou de négligence envers leur enfant. Il présente également l’intérêt d’étendre cette procédure, qui reste exceptionnelle, aux cas où les détenteurs de l’autorité parentale sont poursuivis ou condamnés, même de façon non définitive, pour des crimes ou des délits commis envers l’enfant. Cette disposition permettra de donner au gardien de l’enfant victime le pouvoir de prendre des décisions visant à le protéger au mieux et de créer pour lui l’environnement le plus protecteur possible.
    Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche est satisfait des avancées proposées par le Gouvernement et votera en faveur de cet article tel qu’il est rédigé.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 270.

    M. François Ruffin

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    Sur le fait qu’on doive faciliter les actes de la vie ordinaire, tels que les sorties scolaires, il y a consensus et nous n’avons pas de problème avec ça, mais nous pensons que cela doit être encadré et que cela peut l’être par les commissions d’évaluation de la situation et du statut des enfants confiés, les CESSEC, qui devraient être plus nombreuses qu’elles ne le sont aujourd’hui, leur nombre étant très variable selon les territoires.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    En fait, votre amendement risque de compliquer encore la vie quotidienne de l’enfant, alors que cet article vise à la simplifier. En effet, le gardien doit demander l’avis des parents à chaque fois que l’enfant a besoin de renouveler sa carte d’identité ou d’aller chez le coiffeur, par exemple, et de nombreux éducateurs nous ont dit que c’était non seulement compliqué mais même que cela tendait à les stigmatiser comme enfants de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance. Alors qu’il s’agit de fluidifier leur parcours, soumettre ces actes à l’autorisation de la CESSEC risque au contraire d’alourdir le quotidien de ces enfants. L’avis de la commission est donc défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Je veux bien retirer mon amendement, mais j’attire votre attention, comme j’ai l’habitude de le faire au cours de nos débats, sur l’écart entre ce dont on parle ici et la réalité du terrain. Il en va ainsi des CESSEC, dont tout le monde reconnaît l’utilité : je demande au Gouvernement, à la majorité, comment ils comptent donner une réalité à cet organisme, au-delà de son existence juridique. Il ne sert à rien de voter des lois supplémentaires si des lois approuvées par les éducateurs et les référents de toutes sortes ne sont pas appliquées. En l’occurrence, mon scepticisme se nourrit notamment du rapport de Perrine Goulet, qui fait état d’inégalités entre les départements, beaucoup n’ayant toujours pas mis en place de CESSEC – c’est le cas chez moi, dans la Somme.

    (L’amendement no 270 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l’amendement no 435.

    Mme Isabelle Santiago

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    Nous proposons d’aller plus loin dans la délégation de l’autorité parentale en permettant que les actes usuels relevant de l’autorité parentale fassent l’objet d’une seule délégation. Là encore, c’est mon expérience et ma connaissance de la réalité du terrain et de nos juridictions qui m’ont appris que si on veut rendre la vie plus facile aux enfants, dans leur intérêt, il faut que ces actes puissent faire l’objet d’une seule délégation.
    Il arrive en effet qu’il faille attendre longtemps avant que les juridictions ne réexaminent la situation de l’enfant ou que les éducateurs ne transmettent la demande. Entre-temps, c’est un anniversaire, c’est un départ en colonie de vacances, divers événements de la vie quotidienne, que l’enfant aura manqués. C’est une réalité quotidienne, et une bataille de chaque jour pour les éducateurs. Voilà pourquoi je crois qu’on doit aller plus loin, dans l’intérêt des enfants, y compris pour des choses tout à fait exceptionnelles. Il arrive à tout enfant d’être invité à un anniversaire le samedi. Eh bien, on doit pouvoir lui dire que c’est OK, parce qu’on aura déjà reçu délégation pour le faire. Je pense qu’ils l’attendent tous. En tout cas, ça changerait leur vie.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Je comprends mal votre amendement, car le gardien a précisément la compétence pour autoriser ces actes usuels, qui sont du reste énumérés dans le projet pour l’enfant. Je demande donc le retrait de cet amendement, sur lequel l’avis de la commission est défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago.

    Mme Isabelle Santiago

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    Je le retire, mais il conviendra de veiller à ce que cette disposition soit réellement appliquée sur le terrain.

    (L’amendement no 435 est retiré.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 122, 246, 327 et 581.
    La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour soutenir l’amendement no 122.

    Mme Sandrine Mörch

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    Il vise à garantir la mise en place dans tous les départements d’une tutelle pour les mineurs non accompagnés (MNA), ce qui, dans la pratique, est loin d’être le cas. En novembre 2020, la Cour des comptes déclarait : « En principe, la première étape [du parcours des mineurs non accompagnés] devrait consister à stabiliser leur situation juridique en désignant un tuteur. Or, les pratiques judiciaires et départementales diffèrent, la procédure de tutelle étant menée, quand elle l’est, dans des conditions "allégées". » La Cour précise que par exemple, « les Hautes-Alpes, le Loiret, l’Indre ou les Pyrénées-Atlantiques n’adressent pas systématiquement de demandes de tutelle au juge, les réservant pour les jeunes les plus fragiles ou qui souhaitent s’installer ensuite dans le département. » Ce constat est partagé par les chambres régionales des comptes.
    Il en découle plusieurs situations paradoxales et inadmissibles de mineurs isolés placés auprès de l’aide sociale à l’enfance sans tutelle effective. Il peut ainsi s’écouler près de huit mois entre la décision prise par le juge des enfants de placer le mineur et le transfert de sa tutelle au conseil départemental.
    Nous avons travaillé cet amendement avec l’UNICEF, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, qui rappelle qu’en l’absence de représentants légaux sur le territoire, seule la mise en place d’une tutelle permet la protection effective des enfants et constitue une mesure de protection complète et durable.
    Être responsable de mineurs non accompagnés nécessite d’accomplir de nombreux actes non usuels, comme la prise en charge de leur santé, l’assistance aux démarches administratives ou la reconstitution de leur état civil. Certes, le juge a la possibilité d’autoriser le gardien à les accomplir, mais cette procédure ne doit pas se substituer à la mise sous tutelle du mineur non accompagné, laquelle doit rester une priorité.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 246.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je me fonderai sur la même argumentation. L’autorisation donnée au gardien d’accomplir des actes non usuels doit être circonscrite dans le temps afin qu’une tutelle soit prononcée le plus rapidement possible. Cela semble être une évidence.

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement no 327.

    Mme Delphine Bagarry

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    Si la mesure proposée par cet amendement est inscrite dans la loi, les procédures seront plus rapidement engagées et la tutelle plus vite prononcée.

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l’amendement no 581.

    M. Guillaume Chiche

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    Il vise à éviter que le juge des enfants s’abstienne d’ordonner aux services gardiens de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) afin que leur soit déférée la tutelle du mineur non accompagné, mesure qui va toujours dans le sens de l’intérêt de ce dernier.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Ces amendements ne font que rappeler le principe selon lequel le mineur doit avoir un représentant légal qui, à défaut, est l’ASE. Ils soulignent ainsi un dysfonctionnement, mais ne soulèvent pas véritablement une question d’ordre législatif. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Ces amendements prévoient que l’autorisation donnée à un tiers d’effectuer un acte non usuel de l’autorité parentale ne soit possible que provisoirement, dans l’attente de l’ouverture d’une mesure de tutelle départementale en application de l’article 411 du code civil. L’objectif est donc de s’assurer que le juge des enfants invitera le service gardien à saisir dans ce but le juge aux affaires familiales. Or la pratique montre que le juge des enfants favorise toujours la saisine du JAF en qualité de juge des tutelles aux fins d’ouverture de la tutelle et de son défèrement à la collectivité publique compétente. Il n’y a donc pas de nécessité d’inscrire ces dispositions au niveau législatif.
    Par ailleurs, comme je l’ai précisé lors de nos débats en commission, l’article 2, qui permet au juge de déléguer au gardien la responsabilité de plusieurs actes non usuels, facilitera le quotidien des mineurs non accompagnés et leurs relations avec les services de l’aide sociale à l’enfance, par exemple lors de l’ouverture d’un compte en banque.
    Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Chiche.

    M. Guillaume Chiche

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    Monsieur le secrétaire d’État, je souscris à vos propos et les amendements que nous proposons ne contredisent du reste pas l’ambition exprimée par l’article 2 : il s’agit simplement de mettre fin aux dysfonctionnements dont vous avez parlé, madame la rapporteure.
    Je crois à la force de la loi : le fait de circonscrire dans le temps, s’agissant des mineurs non accompagnés, l’application des dispositions de l’article 2 facilitera la désignation rapide d’une tutelle. Je maintiens donc mon amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous partez du principe selon lequel le juge aux affaires familiales sera de toute façon saisi pour que soit décidée l’ouverture d’une tutelle ou son transfert au service gardien. Dès lors, il est logique de prévoir la possibilité de déléguer à l’ASE la responsabilité de certains actes non usuels comme l’ouverture d’un compte en banque. Tout irait donc bien s’il n’y avait pas de dysfonctionnements, mais de fait, il y en a, et c’est la raison pour laquelle nous débattons de ces amendements.
    Aux termes actuels de l’article, cette délégation serait possible par défaut. Mais nous voulons qu’elle ne le soit que le temps strictement nécessaire à l’ouverture d’une mesure de tutelle. Il s’agit, en quelque sorte, d’exiger une obligation de résultat. On ne peut pas rester indéfiniment dans l’entre-deux au motif que les services départementaux auront de toute façon la possibilité d’exercer certains actes non usuels !

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Mörch.

    Mme Sandrine Mörch

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    Tout le problème est dans ce mot : « dysfonctionnement », qui en dit long. Les dispositions de l’article 2 constituent sans nul doute un progrès et je ne veux évidemment pas y faire obstacle. Je pourrais retirer l’amendement, mais ces dysfonctionnements doivent être traités.

    (Les amendements identiques nos 122, 246, 327 et 581 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l’amendement no 549.

    Mme Perrine Goulet

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    À l’issue de la mission qu’Alain Ramadier et moi-même avons menée et dont les résultats ont été validés par l’ensemble des groupes de cette assemblée, nous avions souhaité que certaines décisions soient rendues plus rapidement afin de faciliter la socialisation des enfants. L’article 2 va dans ce sens et je m’en réjouis.
    Cet amendement tend à ce que le service gardien justifie a posteriori l’usage qu’il fait de la délégation qui lui a été donnée. En effet, en cas de placement judiciaire, le juge délègue sa responsabilité au conseil départemental. Il doit donc pouvoir contrôler les actes accomplis en son nom.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    La procédure me semble suffisamment sécurisée : en amont, le demandeur de l’autorisation d’accomplir un acte non usuel doit justifier auprès du juge la nécessité de cette délégation et, en aval, en application d’autres dispositions, le gardien rend régulièrement des comptes au juge. Avis défavorable, car la disposition proposée risque d’alourdir encore plus la charge du gardien.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    L’amendement est en réalité déjà satisfait, mais vous avez raison d’insister sur la nécessité de justifier en amont la délégation et de rendre compte en aval de son usage. Cette possibilité de déléguer plus largement l’autorité parentale a pu susciter des interrogations de la part de certaines associations, qui craignaient que cela ne nuise au travail qu’elles effectuent auprès des familles. Il importe donc, dans le cas où la responsabilité d’actes non usuels est déléguée, que le juge puisse exercer un contrôle.

    (L’amendement no 549 est retiré.)

    M. le président

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    Je suis saisi de six amendements identiques, nos 34, 82, 322, 434, 492 et 723.
    Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l’amendement no 34.

    M. Guillaume Chiche

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    Nous avons été nombreux, en commission puis en séance, à déposer des amendements – dont certains ont été déclarés irrecevables – destinés à rendre automatique la présence d’un avocat auprès d’un enfant sous assistance éducative.
    L’enfant est un sujet de droit. À ce titre, qu’il soit discernant ou non, il doit avoir la faculté d’être assisté par un avocat pour défendre ses intérêts. Je remarque d’ailleurs que, dans l’ensemble des procédures, c’est très souvent, sinon toujours, le cas des parents.
    Le juge des enfants ne peut pas, en effet, assumer la double responsabilité de défendre l’intérêt de l’enfant et d’arbitrer des conflits.
    Je sais que le Gouvernement et Mme la rapporteure avaient prévu des amendements visant à donner au juge la possibilité de nommer un avocat pour assister les enfants discernants, mais il me semble que ce recours devrait être automatique. Je me permets d’insister sur ce point car les sous-amendements que j’avais déposés pour modifier en ce sens leurs amendements sont, pour l’heure, toujours considérés comme irrecevables – ce qui justifiait du reste, monsieur le président, mon rappel au règlement.

    M. le président

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    La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l’amendement no 82.

    Mme Martine Wonner

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    Déposé par le groupe Libertés et territoires, il tend à rendre obligatoire la présence d’un avocat auprès des enfants en assistance éducative, afin de garantir le respect de leurs droits et de leurs intérêts lorsque plusieurs autorisations d’accomplir des actes relevant de l’autorité parentale ont été sollicitées par le service gardien.
    D’autre part, dans ce même cas de figure, il prévoit la possibilité d’examiner l’opportunité d’un changement de statut de l’enfant en CESSEC. Je tiens à préciser que cet amendement a été proposé par l’association Repairs !

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 322.

    M. François Ruffin

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    Je vous le dis franchement : quand on m’a parlé de généraliser la présence d’un avocat, je me suis dit que ce n’était pas de cela que j’avais envie. Mettre partout du droit, du juridique, du machin, ce n’est pas mon truc.

    M. Pierre Cordier

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    C’est sûr ! (Sourires.)

    M. François Ruffin

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    Mais au fur et à mesure des discussions, mon opinion a beaucoup évolué : je me rends compte que les droits des enfants sont purement fictifs, qu’en réalité, ils ne sont pas respectés.
    L’enfant ne peut pas se défendre tout seul. D’autres parties, qui ont pourtant plus de facilités à s’exprimer, peuvent recourir aux services d’un avocat, mais celui qui peut le moins parler est aussi celui pour lequel on parle le moins ! Après réflexion, je pense donc que l’arrivée d’un avocat peut bouleverser le jeu, garantir les droits de l’enfant et le respect du projet pour l’enfant. Un enfant ne doit pas être placé ou déplacé comme un simple objet, ni être arraché sans raison à sa famille d’accueil.
    Aujourd’hui, aucun tiers ne joue le rôle du régulateur à même d’empêcher qu’un dysfonctionnement ne devienne le fonctionnement normal. La présence d’un avocat pourrait être utile parce qu’elle fait peur : s’il est en mesure de dire au département, au foyer, aux services de l’aide sociale à l’enfance que les choses doivent changer, et qu’il est prêt à aller au tribunal si les règles ne sont pas respectées, il me semble qu’il pourrait constituer un levier du changement et contribuer à bouleverser le fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance. C’est pourquoi il me semble pertinent de le faire intervenir, et pas seulement dans le cadre des demandes d’autorisation d’actes relevant de l’autorité parentale.

    M. le président

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    Monsieur Chiche, vous m’avez interrogé à deux reprises au sujet de sous-amendements jugés irrecevables. Me confirmez-vous qu’ils ne concernent pas les échanges en cours, mais bien l’article 7 ?

    M. Guillaume Chiche

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    Tout à fait, monsieur le président.

    M. le président

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    Je vous remercie, je voulais être sûr de ne pas me tromper. Il est vrai que la réforme du règlement occasionne quelques soucis. Votre question était tout à fait légitime, et j’y répondrai, mais il me faut un peu de temps pour regarder tout cela de plus près.
    La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l’amendement no 434.

    Mme Isabelle Santiago

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    À cet instant du débat, je pense qu’il est bon de rappeler que nous avions déjà ouvert dans la loi de 2016 relative à la protection de l’enfance la possibilité pour l’avocat d’être présent, mais que nous n’en avions pas fait une obligation. Résultat : très peu de bâtonniers ou de directions dans nos juridictions sont capables de se mobiliser autour du droit des enfants. Même si cela a été fait dans quelques départements, cela reste compliqué. L’expérience montre qu’il y a une très forte demande pour que les enfants soient accompagnés : l’inscrire dans la loi serait une belle avancée et permettrait de concrétiser la volonté déjà affichée dans la loi de 2016, qui ne s’était hélas pas traduite dans les faits.
    Enfin, n’oublions pas qu’il faut former les avocats, mais aussi une grande partie des magistrats, en matière de droit des enfants et de protection de l’enfance, car ce n’est le cas que depuis très récemment. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, et ce projet de loi peut nous permettre d’avancer.

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 492.

    Mme Valérie Six

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    Qu’il s’agisse de défendre les intérêts des mineurs en danger ou les intérêts des parents, le rôle de l’avocat est essentiel. Depuis de nombreuses années, la profession milite pour que l’enfant soit systématiquement assisté d’un avocat, quels que soient son âge et la difficulté juridique à laquelle il fait face.
    Je sais que le débat a déjà eu lieu en commission, mais nous sommes nombreux sur ces bancs à estimer que la présence obligatoire d’un avocat serait, pour l’enfant en assistance éducative, une garantie importante du respect de ses droits et de son intérêt. Il s’agit de trouver un équilibre entre les contraintes pesant sur les services de l’aide sociale à l’enfance et l’intérêt supérieur de l’enfant, sujet de droit à part entière.
    Cet amendement m’a été inspiré par des échanges avec les services de l’ASE du département du Nord.

    M. le président

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    La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l’amendement no 723.

    Mme Maud Petit

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    Il a été préparé par l’association Repairs ! selon les recommandations de la Défenseure des droits. Afin de trouver un équilibre entre les contraintes de l’ASE et l’intérêt supérieur de l’enfant, j’estime nécessaire, à l’instar de mes collègues, de rendre obligatoire pour l’enfant en assistance éducative la présence d’un avocat qui serait le garant du respect de ses droits et de son intérêt.
    Afin de sécuriser la situation de l’enfant, il convient par ailleurs d’examiner en CESSEC l’opportunité de changer son statut dès lors que plusieurs autorisations d’actes relevant de l’autorité parentale ont été sollicitées par le service gardien.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements identiques ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Défavorable, parce qu’ils tendraient à rendre plus complexe et plus lourde la demande du service gardien de se voir autoriser l’accomplissement d’actes non usuels, alors que nous cherchons au contraire à fluidifier le quotidien de l’enfant.

    Mme Marie-George Buffet

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    Ce n’est pas un argument !

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Concernant la présence de l’avocat, elle est possible depuis la loi de 2016, à la demande de l’enfant ou de la famille. Après l’article 7, je proposerai un amendement tendant au juge l’initiative d’y faire appel. Cela serait utile dans des situations complexes, comme un conflit entre parents. Mais pour avoir assisté à des audiences, je ne comprends pas votre volonté de systématiser la présence d’un avocat : par exemple, lorsqu’il s’agit simplement de renouveler le placement d’un enfant dans une famille ou un foyer où il réside déjà, cela ne me paraît pas utile, d’autant que, comme nous l’avons dit plusieurs fois en commission, le juge est le garant de l’intérêt supérieur de l’enfant.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    La CESSEC donne son avis lorsqu’il s’agit de définir si le statut de l’enfant au sein de l’aide sociale à l’enfance est toujours pertinent ou s’il faut envisager un délaissement parental. Je ne vois donc pas le rapport avec l’article en discussion et c’est un premier élément qui, comme pour les amendements précédents, me conduit à émettre un avis défavorable.
    S’agissant de la présence de l’avocat, je regrette que nous ouvrions le débat dès maintenant, par le truchement de la question de sa présence et de la représentation de l’enfant devant la CESSEC, alors que des amendements sur le sujet doivent être examinés plus tard. Il en a été de même en commission, et j’avais été gêné vis-à-vis de votre collègue Erwan Balanant, venu spécialement pour défendre des amendements alors que le débat avait déjà eu lieu. Même si je ne suis pas sûr que vous serez d’accord, je vous propose donc de renvoyer après l’article 7 la discussion sur la représentation systématique de l’enfant par l’avocat – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Dans l’immédiat, j’évoquerai toutefois trois arguments.
    Tout d’abord, l’office du juge des enfants est singulier – et je dis bien du juge des enfants, et non du juge pour enfants. Le juge des enfants n’est pas un juge comme les autres, il n’est pas là pour trancher et résoudre un conflit entre deux parties : son office est centré sur la protection de l’enfant, car il est le garant de son intérêt supérieur. Dès lors, prévoir la présence systématique d’un avocat en assistance éducative modifierait la nature de son activité. (« Non ! » sur les bancs du groupe GDR.) À cet égard, le documentaire Bouche cousue est formidable : on y voit ce qui se passe dans le cabinet du juge Édouard Durand, qui dit lui-même qu’introduire un avocat déplacerait l’enjeu : plutôt que d’être centrée sur l’enfant, la procédure le serait sur son opposition avec un tiers, qu’il s’agisse de sa famille ou de l’aide sociale à l’enfance. En outre, cela dénaturerait le rôle du juge, protecteur et garant de l’intérêt supérieur de l’enfant.
    Ensuite, selon vous, un avocat serait nécessaire pour prendre en considération la parole de l’enfant. Mais ce n’est pas vrai, c’est une illusion ! Qui porte la parole de l’enfant ? L’enfant lui-même, pas un avocat ! Un avocat ne ferait que traduire sa perception de la parole de l’enfant, ce qui est très différent de la parole elle-même.
    Enfin, dans certaines circonstances, la présence d’un avocat n’est pas pertinente et pourrait introduire de la conflictualité.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Ah non !

    M. Ugo Bernalicis

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    Un mauvais magistrat en est tout aussi capable !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Mais si ! Et je le dis évidemment avec le plus grand respect pour les avocats.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça se sent !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Écoutez-moi jusqu’au bout !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous l’avez déjà dit en commission !

    M. le président

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    Veuillez laisser parler le secrétaire d’État, cher collègue !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    J’ai d’autres choses à vous dire.
    Comme vous le savez, la moitié des enfants qui bénéficient de la protection de l’aide sociale à l’enfance vivent toujours dans leur famille. Il reste alors des choses à reconstruire entre eux et leur famille pour éviter qu’ils ne soient confiés à l’aide sociale à l’enfance et, dans ce cas, introduire un avocat pourrait créer un conflit entre l’enfant et sa famille. Ce n’est pas moi qui le dis, monsieur Bernalicis : je vais vous livrer des paroles d’enfants. Il se trouve qu’il y a quelques semaines, j’ai confié à un ancien enfant placé, Gautier Arnaud-Melchiorre, une mission sur la parole de l’enfant. Je lui ai demandé de faire le tour des structures de l’aide sociale à l’enfance et d’aller à la rencontre des enfants pour recueillir leur parole, afin d’évaluer leur perception de leur vie, de l’aide sociale à l’enfance et de la protection dont ils bénéficient.
    Depuis nos débats de la semaine dernière, il a soumis à quelques enfants l’idée d’être systématiquement représentés par un avocat. Bien sûr, leurs réponses n’ont pas valeur générale, mais les enfants ont demandé pourquoi ils auraient besoin d’un avocat, puisqu’ils n’avaient rien fait de mal.

    Mme Elsa Faucillon

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    Ils passent tout de même devant un juge !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    « Moi, je veux parler à mon juge » : ceux qui connaissent bien l’aide sociale à l’enfance savent que cette phrase est souvent prononcée par les enfants.
    Pour toutes ces raisons, je pense que la représentation systématique – je souligne le mot – de l’enfant n’est pas une bonne idée.
    En revanche, le Gouvernement et la rapporteure défendront, après l’article 7, des amendements permettant au juge des enfants de désigner d’office un avocat s’il considère que l’intérêt supérieur de l’enfant, dont il est le garant, n’est pas assuré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Avant d’évoquer la question de la présence d’un avocat en assistance éducative, je voudrais d’abord rappeler que les députés sont censés pouvoir écrire la loi à peu près comme ils l’entendent, dans un calendrier qu’ils déterminent eux-mêmes. Or, en réalité, ces prérogatives sont largement contrariées, puisque de très nombreux amendements déposés sur la question de la présence de l’avocat en assistance éducative ont été déclarés irrecevables. Je saisis donc cette occasion pour faire valoir nos arguments sur le sujet.
    Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que c’était l’enfant qui portait sa propre parole. Certes, mais c’est vrai aussi pour les adultes, qui peuvent pourtant être assistés d’un avocat lorsqu’ils passent devant le juge !
    Un enfant doit être soutenu dans sa parole, dans l’expression de ses besoins fondamentaux. « Je veux voir mon juge » est certes une phrase authentique, fréquemment prononcée, car elle correspond à l’état actuel des choses : la plupart du temps, le recours, le référent, c’est le juge. Admettez néanmoins que celui-ci change régulièrement, si bien qu’un avocat constituerait pour les enfants placés un référent plus pérenne. Nous pourrions confronter mille histoires ! Je citerai ainsi le cas d’une enfant en proie à un conflit de loyauté envers ses parents, comme des milliers d’autres confiés à l’ASE. Devant le juge, elle disait souhaiter les revoir, retourner chez eux ; à l’avocat dont elle avait la chance de bénéficier, elle confiait qu’elle ne voulait pas qu’il soit consigné autre chose, que l’on déclare à ses parents qu’elle ne souhaitait pas rentrer. L’avocat a donc fait en sorte qu’elle puisse ne pas retourner chez ses parents sans avoir eu à le demander explicitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Guillaume Chiche et M. Alain David applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Désolé, monsieur le secrétaire d’État, je trépignais parce que vous avez dit exactement la même chose en commission, où je me trouvais : je connaissais donc votre conclusion d’avance.
    Au fond, je ne comprends pas quelle idée vous vous faites des avocats, surtout de ceux qui suivent des enfants. Isabelle Santiago l’a dit tout à l’heure : en la matière, des conventions sont signées avec les barreaux, une formation spécifique requise. À quoi croyez-vous donc que soient formés ces avocats, sinon à reconnaître et défendre l’intérêt supérieur de l’enfant ? Pensez-vous que leur présence suppose nécessairement un conflit ? C’est pourtant le Gouvernement qui a fait reposer sur les avocats la procédure participative et la médiation, permettant d’éviter de recourir au juge civil. Leur rôle ne se réduit donc pas à gérer la conflictualité, bien au contraire !

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Il a raison !

    M. Ugo Bernalicis

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    Veiller à l’effectivité du droit, c’est-à-dire en l’occurrence à l’intérêt supérieur de l’enfant, apporte une plus-value. Je me suis d’ailleurs trompé hier en parlant de représentation obligatoire : l’obligation porte sur le fait d’être assisté, et non représenté, par un avocat. Ainsi, l’avocat d’un mineur l’accompagne, le suit ; il se trouve à ses côtés et non à sa place, même s’il peut bien sûr exposer au juge des difficultés juridiques que l’enfant ne discerne pas, car les adultes eux-mêmes, en général, ne connaissent par cœur ni le code civil ni le code pénal – encore heureux ! Respectons donc la noblesse du rôle de l’avocat au sein du système judiciaire ! Même auprès d’adultes et en matière pénale, le fait qu’il agisse dans l’intérêt de son client n’en fait aucunement l’adversaire, voire l’ennemi du juge. C’est parce que des gens tels que vous le présentent sous cet aspect que des enfants en viennent à ne pas souhaiter d’avocat au motif qu’ils n’ont rien fait de mal ! C’est dans ce genre de discours qu’il faut chercher le fond de l’affaire !

    M. le président

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    Il faut conclure, cher collègue.

    M. Ugo Bernalicis

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    Encore une fois, dans la mesure où nous disposons des garanties nécessaires en matière de formation des avocats – et les pratiques de certains barreaux pourraient à cet égard être généralisées –, leur présence auprès des mineurs apporterait une plus-value au magistrat, à l’enfant, à la société.

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Chiche.

    M. Guillaume Chiche

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    Ces amendements nous offrent la possibilité de rendre systématique la présence d’un avocat qui aide, qui accompagne les enfants en situation de vulnérabilité. Pour ma part, je ne conteste pas le fait que le juge des enfants veuille agir dans l’intérêt de ceux-ci : l’intention ne rend pas la procédure moins difficile pour l’enfant, lequel doit assumer sa propre parole. Compte tenu de ce qu’il a traversé, cet exercice est harassant, traumatisant, pour ne pas dire impossible ! Face aux décisions du juge, et bien que celui-ci ait son intérêt supérieur pour boussole, l’enfant devrait donc être en droit de former un recours. Or, monsieur le secrétaire d’État, quelle est la probabilité qu’un mineur, sans l’assistance d’un avocat, introduise un recours contre la décision du juge des enfants ?
    Nous devons conforter ces enfants, leur apporter davantage de sérénité, en leur permettant d’être accompagnés par un avocat. C’est d’ailleurs la demande quasi unanime des acteurs qui s’intéressent au sujet :…

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Pas des juges des enfants !

    M. Guillaume Chiche

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    …la Défenseure des droits, le Syndicat de la magistrature, le Conseil national des barreaux (CNB) ou encore le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). J’ai entendu des personnes ayant autrefois suivi ce parcours évoquer des maltraitances institutionnelles, certes involontaires, mais qui existent. Si nous pouvons en protéger les enfants, faisons-le !

    M. le président

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Monsieur le secrétaire d’État, votre argument concernant la parole des enfants est celui qui m’a le plus touchée. Cependant, si ces enfants parlent de « leur » juge, c’est peut-être simplement parce qu’ils ne connaissent pas d’autre référent que celui-ci dans le cadre de l’ASE. Or chacun doit avoir sa place, comme me l’a répondu le garde des sceaux, il y a quelques jours, à un autre sujet. Le juge juge, il tranche ; l’avocat protège les intérêts de son client. Je crois donc profondément qu’un avocat est nécessaire à ces enfants, dans ces situations.

    M. le président

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    La parole est à Mme Bénédicte Pételle, rapporteure.

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Nous n’avons rien contre l’assistance d’un avocat. M. Bernalicis demandait au secrétaire d’État quelle image il se faisait des avocats : ce n’est absolument pas cela qui est en cause ! Je le répète, l’avocat peut intervenir à la demande soit des parents, soit de l’enfant, et bientôt du juge. C’est la systématisation de sa présence que nous refusons. J’ai travaillé dix-huit ans avec des enfants : s’il ne leur est pas toujours facile d’exprimer leurs souhaits ou leurs émotions, du moins peuvent-ils toujours le faire.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais ils ne maîtrisent pas l’aspect juridique !

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Mme Faucillon a évoqué les conflits de loyauté : dans de tels cas, bien sûr, prenons un avocat ! Madame Petit, vous dites que « le juge juge ». J’ai vu comment se déroulent les audiences : face à une situation délicate, le juge demande aux parents et à l’éducateur de sortir pour écouter l’enfant, recevoir sa parole. (Mme Sandrine Mörch applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Au risque de relancer le débat – mais il s’agit d’un débat important –, je souhaite répondre à quelques-uns des intervenants, à commencer par vous, madame Faucillon. Vous ne pouvez comparer la parole d’un enfant victime à celle d’un adulte : elle ne s’exprime pas de la même façon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Justement !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Votre mise en parallèle ne tient pas ! Vous avez dit que les adultes étaient représentés par un avocat, mais, encore une fois, ce n’est pas la même chose !

    Mme Elsa Faucillon

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    Raison de plus, alors !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Monsieur Bernalicis, vous soulignez que les avocats peuvent être formés à assister des enfants : ce n’est le cas que depuis cette année, ce dont nous nous réjouissons d’ailleurs.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Des formations existaient déjà auparavant !

    M. Ugo Bernalicis

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    Des conventions étaient signées au sein de certains barreaux !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Depuis cette année seulement, la formation continue offre la possibilité d’une spécialisation en droit des mineurs. C’est un fait ! Donner la parole à l’enfant, lui permettre de s’exprimer, le rendre acteur de sa vie, des décisions prises, revient à le faire grandir. Pourquoi donc placer un intermédiaire entre le juge, garant de son intérêt, et sa parole à lui, que lui seul peut assumer ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Qu’en est-il de l’aspect juridique ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Les situations que vous avez évoquées, madame Faucillon, sont bien réelles : c’est parce qu’il existe des enfants en proie à un conflit de loyauté envers leurs parents que nous donnons au juge la possibilité de leur désigner un avocat.

    M. Ugo Bernalicis

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    Comment le juge saura-t-il qu’il est face à ce cas de figure ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Il le saura parce que c’est son métier ! Contrairement à ce que vous estimez, madame Petit, le juge ne se trouve pas là pour trancher, mais pour défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. Peut-être avez-vous assisté à une audience, monsieur Bernalicis ; sinon, faites-le ! Regardez le documentaire Bouche cousue ! Regardez en quoi consiste l’office du juge : il n’est pas centré sur l’opposition entre l’enfant et l’ASE, entre l’enfant et sa famille, mais sur l’enfant lui-même et sur lui seul. Introduire un avocat dans la procédure reviendrait à déplacer ce travail du juge. Je n’ai rien contre les avocats, je ne suis pas là pour défendre une corporation plutôt qu’une autre (Protestations sur quelques bancs du groupe LR), mais, monsieur Chiche, l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille n’en est pas moins opposée à la systématisation que vous réclamez. En revanche, elle souhaite que le juge puisse désigner d’office un avocat, notamment dans les cas évoqués par Mme Faucillon : nous continuerons donc à défendre cette position.

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 34, 82, 322, 434, 492 et 723.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        89
            Nombre de suffrages exprimés                84
            Majorité absolue                        43
                    Pour l’adoption                42
                    Contre                42

    (Les amendements identiques nos 34, 82, 322, 434, 492 et 723 ne sont pas adoptés.)
    (Exclamations sur divers bancs.)

    M. le président

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    Je rappelle que l’égalité vaut rejet, mes chers collègues.

    (L’article 2 est adopté.)

    Après l’article 2

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour soutenir l’amendement no 699.

    Mme Sandrine Mörch

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    Il est dû à Marie Tamarelle-Verhaeghe et vise à apporter une précision. En effet, un parent peut être privé de l’autorité parentale, soit par le juge aux affaires familiales si l’intérêt de l’enfant le commande, soit par le juge pénal dans le cas de certaines condamnations pour crime ou délit. Or l’article 373-1 du code civil est ainsi rédigé : « Si l’un des père et mère décède ou se trouve privé de l’exercice de l’autorité parentale, l’autre exerce seul cette autorité. »
    Il résulte de cela qu’un individu privé de l’autorité parentale en raison d’une défaillance caractérisée, par exemple son absence et son désintérêt pour l’enfant, une addiction aux stupéfiants ou à l’alcool, ou encore des violences infligées à l’enfant ou à l’autre parent, recouvre en cas de décès de celui-ci l’ensemble de ses droits. Il peut exiger de récupérer du jour au lendemain un enfant qu’il ne connaît pas, qui parfois le redoute ou a déjà souffert de ses agissements. Le troisième alinéa de l’article 373-3 du code civil vise certes à prévenir ce risque : le juge aux affaires familiales « peut décider, du vivant même des parents, qu’en cas de décès de celui d’entre eux qui exerce cette autorité, l’enfant n’est pas confié au survivant. Il peut, dans ce cas, désigner la personne à laquelle l’enfant est provisoirement confié ». Cependant, cette disposition peu connue et restreinte à « des circonstances exceptionnelles » est rarement appliquée ; en outre, elle ne prévoit pas le cas d’un décès brutal.
    Cet amendement vise donc à empêcher qu’un parent privé de l’autorité parentale par le juge aux affaires familiales ou par le juge pénal ne la recouvre automatiquement si l’autre parent disparaît ou perd à son tour cette autorité. En cas de décès d’un parent exerçant seul l’autorité parentale, il appartiendra à la personne ou au service ayant recueilli l’enfant, soit de saisir le juge des affaires familiales en vue d’obtenir une délégation de l’autorité parentale, soit de solliciter le juge des tutelles des mineurs en vue d’un placement sous tutelle.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Vos explications sont très claires, madame la députée. La commission est bien sûr favorable à ce qu’un parent condamné ne puisse récupérer automatiquement l’autorité parentale après le décès de l’autre parent. Avis favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Le Gouvernement est également favorable à cet amendement très utile.

    M. le président

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    La parole est à Mme Nathalie Bassire.

    Mme Nathalie Bassire

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    Je voudrais profiter de cette discussion pour évoquer la question de la responsabilisation des parents. Les placements sont décidés à la suite de violences, elles-mêmes liées à la consommation d’alcool ou à l’addiction à la drogue. Or le projet de loi n’instaure pas d’injonction de soins : aujourd’hui, c’est une simple proposition de soins qui est faite aux parents souffrant d’addiction, et elle n’est pas toujours suivie d’effet. Il me semblerait intéressant d’étudier la possibilité d’une sanction éducative à l’encontre des parents, pour les aider à retrouver leur autorité parentale au bénéfice de l’enfant, lorsque cela est possible.

    (L’amendement no 699 est adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 5 rectifié, 201 rectifié et 69 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 5 rectifié.

    Mme Marie-France Lorho

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    J’ai bien entendu ce que vous indiquiez hier soir, monsieur le secrétaire d’État, et j’ai compris que nous partagions la même préoccupation. Le présent amendement vise à préserver par tous les moyens possibles l’unité familiale autour de l’enfant placé. L’enfant devrait pouvoir rester avec ses frères et sœurs mais, trop souvent, la capacité d’accueil des établissements ne le permet pas, et cela peut lui être gravement préjudiciable. Le dernier rapport de l’Institut national d’études démographiques (INED) le soulignait : la rupture des liens avec les frères et sœurs contre le gré de l’enfant peut conduire à une série de rejets difficiles à rattraper. De même, le directeur général de la fondation Action Enfance soulignait qu’il était très important pour un enfant placé de rester avec ses frères et sœurs, à la fois pour bénéficier de leur soutien et parce qu’il pouvait ainsi créer des liens avec eux pour l’avenir. Le placement peut être difficile pour les enfants. N’accentuons pas les difficultés en provoquant la désunion des fratries.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 201 rectifié.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il poursuit le même but que celui de Mme Lorho et que l’amendement no 668 du Gouvernement, même si la rédaction diffère quelque peu. Si l’environnement de l’enfant joue un rôle crucial pour le faire grandir, ce cadre ne fait pas tout. Sa fratrie, lorsqu’elle existe, est un point d’ancrage : elle offre un sentiment d’appartenance et joue un rôle déterminant dans la construction et l’affirmation du caractère de l’enfant. C’est pourquoi je propose de préciser que le juge ou les services compétents doivent tout mettre en œuvre pour permettre de maintenir ensemble les enfants de la fratrie. L’une des préoccupations premières du juge doit être de ne pas séparer les enfants d’une même fratrie, tant il est avéré que les liens qui unissent les enfants d’une même famille sont essentiels à leur épanouissement et à leur construction. Le juge doit donc être encouragé, par une obligation de moyens renforcée, à tout mettre en œuvre pour que les enfants soient le moins traumatisés possible et qu’ils puissent rester dans le même environnement familial.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l’amendement no 69 rectifié.

    M. Jean Lassalle

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    Il est parfaitement démontré par de très nombreux professionnels de santé, et illustré par la magnifique expérience menée depuis soixante-cinq ans par l’association SOS Villages d’enfants, que le maintien d’un cadre de vie commun aux fratries est une source de sécurité et un facteur de réussite pour les enfants orphelins ou séparés de leurs parents. Reconnaissant le bien-fondé de cette démarche, le présent amendement vise à ce que la loi garantisse que le juge et les services concernés recherchent des solutions permettant de maintenir ensemble les enfants de la fratrie.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Nous sommes nombreux au sein de cette assemblée à partager le souci de ne pas séparer les fratries. Je demande le retrait de ces trois amendements au profit de celui du Gouvernement qui vise le même objectif mais dont la rédaction est plus claire et plus opérationnelle, et dont la référence juridique désigne plus précisément le lieu d’accueil de l’enfant.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Si vous me le permettez, je vais défendre dès à présent l’amendement no 668, au profit duquel je demande le retrait des trois amendements discutés. Nous partageons l’objectif de ne plus voir de fratries séparées. Il peut arriver parfois – nous le prévoyons dans le texte de l’amendement – qu’il soit contraire à l’intérêt de l’un des enfants de rester au sein de la fratrie, mais le principe de l’interdiction de séparation des fratries doit être clairement affirmé.
    Au-delà de l’affirmation des principes, il faut que leur concrétisation soit tenable en pratique. C’est la raison pour laquelle le volet contractualisation de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance prévoit le financement par l’État, par l’intermédiaire des départements, de 600 nouvelles places pour les fratries. En effet, les villages d’enfants évoqués par le député Lassalle à l’instant sont particulièrement adaptés à l’accueil des fratries, même s’ils ne sont pas la seule modalité d’accueil possible. Or il n’en existe pas dans l’ensemble du territoire. La contractualisation que l’État a mise en place avec les départements depuis deux ans permet justement de créer des places dans l’Allier, les Ardennes ou encore dans la Somme, le département de M. Ruffin – mais je vois qu’il n’est pas là… (Protestations sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    Mme Mathilde Panot

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    Il s’est absenté pour dix minutes !

    Mme Marie-George Buffet

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    Cette remarque est tout à fait déplacée !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Ce n’était pas du tout un reproche ! Il n’y avait aucune malignité dans mon propos. Sur le fond, nous partageons le même objectif et je demande le retrait des amendements au profit de celui du Gouvernement.

    (Les amendements nos 5 rectifié, 201 rectifié et 69 rectifié sont retirés.)

    M. le président

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    Sur l’amendement no 668, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 668 a déjà été défendu par M. le secrétaire d’État.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Il est favorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Perrine Goulet.

    Mme Perrine Goulet

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    Cet amendement constitue une très belle avancée, monsieur le secrétaire d’État. Il est essentiel que les fratries restent ensemble. La subtilité introduite par le Gouvernement est très importante également. En effet, les villages d’enfants sont parfois contraints de séparer les fratries et de les installer dans deux maisons différentes lorsque les frères et sœurs ont des relations difficiles : les enfants qui ont été victimes de violences ou de viol peuvent avoir tendance à reproduire ces comportements au sein de leur fratrie. Il est important dans ce cas de les séparer mais, hormis ce type de dysfonctionnement, le principe doit être de maintenir les fratries ensemble.
    L’amendement du Gouvernement est donc de bon aloi : de nouveau merci, monsieur le secrétaire d’État, pour cette belle avancée. (Applaudissements sur tous les bancs.) J’espère maintenant que chacun s’attachera à rendre cette mesure effective car la séparation constitue une douleur pour des frères et sœurs déjà séparés de leurs parents, et obère l’avenir de leurs relations. Cet amendement permet donc une avancée spectaculaire. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    C’est à mon tour de souligner le bénéfice de cette disposition pour les enfants qui se trouvent dans de telles situations et qui endurent une double peine : ils sont en effet séparés non seulement de leurs parents – quel que soit le dysfonctionnement en cause – mais aussi de leur fratrie. Je voudrais à cet égard évoquer l’article 371-5 du code civil qui prévoit qu’en cas de séparation des parents, la fratrie doit rester ensemble – sauf si cela n’est pas possible ou si cela va à l’encontre de l’intérêt des enfants. Je remercie le Gouvernement de proposer cette disposition qui va véritablement dans le sens de l’intérêt supérieur des enfants.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Je me félicite également de l’amendement du Gouvernement, qui va dans le même sens que les amendements présentés par nos collègues parlementaires. Il me semble en effet très important de respecter ce qui s’est construit dans la vie des enfants, y compris au sein de familles parfois violentes. Il faudra surtout veiller à l’avenir à ce qu’il existe des lieux d’accueil assez grands pour accueillir ces fratries : si la loi le permet, il serait vraiment dommage que l’accueil concret des enfants ne suive pas. Faisons-en sorte que les moyens permettent l’accueil des fratries dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago.

    Mme Isabelle Santiago

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    Notre groupe partage bien sûr la volonté de ne pas séparer les fratries et votera cet amendement, qui représente une réelle avancée. Je ne vous cache pas que cette mesure sera parfois très difficile à mettre en œuvre, par exemple lorsqu’il faudra accueillir des enfants âgés de 2 à 15 ans. Mais je compte sur le Gouvernement pour échanger avec l’ensemble des présidents des départements et faire en sorte que, une fois votée, cette mesure soit appliquée. Elle est dans l’intérêt des enfants, et elle était attendue depuis de longues années. Il est donc essentiel que nous puissions avancer, même si j’ai conscience des difficultés que j’ai moi-même parfois rencontrées.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Lassalle.

    M. Jean Lassalle

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    Je vous remercie de m’avoir répondu, monsieur le secrétaire d’État, alors que je ne vous prêtais pas attention – je ne m’attendais pas à une réponse aussi rapide. (Sourires.) Avant de participer à la grande ronde des enfants du monde réunis, je voudrais vous signaler, monsieur le président, que je n’avais pas souhaité retirer mon amendement no 69 rectifié – même si j’ai compris que l’amendement du Gouvernement allait dans le même sens.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 668.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        77
            Nombre de suffrages exprimés                77
            Majorité absolue                        39
                    Pour l’adoption                77
                    Contre                0

    (L’amendement no 668 est adopté.)
    (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 685.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    J’ai évoqué hier, lors de la discussion générale, les trois cercles de protection qui entourent l’enfant. Le premier d’entre eux est la famille – dont font d’ailleurs partie les frères et sœurs au sujet desquels vous venez d’adopter un amendement important. L’amendement no 685 concerne quant à lui la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, la MJAGBF – j’ai mis quelques semaines à appréhender cet acronyme ! (Sourires.) Cette mesure, parmi d’autres, permet de soutenir les parents, de les accompagner, de tenter de reconstruire les relations qui se nouent au sein du foyer et de palier les éventuelles carences éducatives ou affectives. Or elle n’est pas, à l’heure actuelle, assez utilisée par l’autorité judiciaire. Elle nécessite en effet la mise en place préalable par l’aide sociale à l’enfance d’une mesure administrative d’accompagnement en économie sociale et familiale.
    Le présent amendement vise donc à assouplir les conditions d’ouverture de la mesure, tout en respectant le principe de subsidiarité posé par la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance. La MJAGBF constitue un véritable soutien éducatif. En effet, les délégués qui accompagneront les familles dans leur gestion budgétaire, pour répondre au mieux aux besoins fondamentaux de l’enfant, ne se limiteront pas à un accompagnement budgétaire mais leur apporteront aussi une aide sur le plan administratif, afin de les aider à accéder aux droits qui sont les leurs – un domaine dans lequel elles sont parfois déficientes.
    Cet amendement me semble important pour renforcer et remobiliser la famille, qui est, je le répète, le premier cercle autour de l’enfant, afin d’éviter que les situations ne se dégradent et qu’il ne faille en arriver à des mesures plus dramatiques de séparation et de placement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Je me réjouis de cet amendement car les éducateurs et les cadres que j’ai rencontrés ont souligné qu’il fallait avancer dans la prise en compte de la précarité des familles, dont l’importance est sous-estimée. J’émets donc un avis favorable à cet amendement qui répond à des demandes et à un besoin.

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Ce sont souvent les associations familiales, notamment l’UNAF – Union nationale des associations familiales –, qui assurent l’accompagnement des familles.

    (L’amendement no 685 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour soutenir l’amendement no 613.

    Mme Sandrine Mörch

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    La loi du 29 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille prévoit la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent jusqu’à la décision du juge et pour une durée maximale de six mois.
    Cette disposition, introduite en commission mixte paritaire, demeure restrictive puisqu’elle ne s’applique qu’aux crimes. L’amendement vise à l’étendre aux coups et blessures provoquant une ITT – incapacité temporaire totale – de plus de huit jours dont l’opportunité avait déjà été débattue lors de l’examen de la proposition de loi.
    Les violences conjugales mettent en péril la santé et le bien-être des enfants qui y assistent : 80 % des enfants en sont témoins oculaires et/ou auditifs. Les violences psychologiques infligées aux enfants provoquent très souvent un syndrome de stress post-traumatique qui peut s’apparenter à celui ressenti par les enfants en zone de guerre. L’extension aux coups et blessures du champ de l’article 378-2 du code civil répond donc avant tout à un souci de protection des enfants exposés aux violences conjugales.
    En tout état de cause, il n’est plus admissible que la réalité des violences subies par les enfants soit reconnue dans les discours, mais ne trouve pas de traduction dans les décisions de justice.
    La suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement en cas de coups et blessures entraînant une ITT de plus de huit jours vise à protéger le parent agressé. À l’inverse, son maintien permet au parent agresseur de conserver son emprise sur ce dernier. Il empêche de prévenir les violences après la séparation. (Mme Marie-George Buffet applaudit.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Nous en avons débattu en commission ainsi que lors de l’examen de la proposition de loi que vous avez citée. Je propose d’en rester à la rédaction actuelle. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Il y a dix-huit mois, le Parlement a décidé que la suspension de l’exercice de l’autorité parentale devenait automatique uniquement en cas de crime commis sur la personne de l’autre parent. Cette mesure vise le parent condamné mais aussi – c’est une avancée importante – le parent poursuivi ou condamné non définitivement. Il me semble inopportun de remettre en cause l’équilibre qui a été trouvé.
    En outre, une autre procédure permet de compléter le dispositif pour répondre aux situations que vous visez : le juge aux affaires familiales peut confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale au parent non violent.
    Je demande donc le retrait de l’amendement.

    Mme Sandrine Mörch

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    Je le retire. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Guillaume Chiche

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    Je le reprends !

    (L’amendement no 613 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l’amendement no 436.

    Mme Isabelle Santiago

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    Il s’agit d’un nouvel amendement qui me tient à cœur, aux termes duquel le juge aux affaires familiales peut, pendant la durée d’une ordonnance de protection, confier à la victime de violences conjugales l’exercice exclusif de l’autorité parentale. Il s’agit de mieux protéger les enfants et de les soustraire à la pression du parent violent au cours de cette période.
    Nombre de mes amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution, je ne pourrai donc pas les présenter mais une idée me semble importante : dans l’intérêt supérieur de l’enfant, il est indispensable de généraliser la mesure d’accompagnement protégé, notamment en empêchant le parent violent, lors des visites à ce dernier, de chercher à influencer la femme victime.
    On n’est jamais un bon père lorsqu’on bat sa femme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – M. Guillaume Chiche et Mme Albane Gaillot applaudissent également.) Je ne vois aucun inconvénient à ce que l’autorité parentale soit retirée à un parent violent : il faut protéger la femme et mettre en sécurité les enfants.
    Le juge des enfants, Édouard Durand, qui est une référence en la matière, assimilait récemment les violences intrafamiliales contre les enfants à des crimes de guerre. Cela doit cesser.

    M. Alain David

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    Très bien !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Nous souhaitons tous voir l’autorité parentale confiée à la victime de violences conjugales dans l’ordonnance de protection. Votre amendement est satisfait par le droit en vigueur : en vertu du cinquième alinéa de l’article 515-11 du code civil, le juge est compétent pour définir les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

    M. Alain David

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    La question, c’est l’automaticité !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    L’amendement est en effet satisfait. (« Non ! » sur les bancs du groupe SOC.) L’article cité par Mme la rapporteure prévoit que le juge est compétent pour se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

    M. Alain David

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    Oui, mais la décision relève de sa seule appréciation !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Cela étant, j’approuve entièrement vos propos. Vous avez raison, lorsqu’on est un mari violent, on n’est pas un bon père – j’ai été l’un des premiers à le dire. À la suite du Grenelle contre les violences conjugales, des mesures ont déjà été prises en faveur des enfants, qui doivent être considérés comme des victimes. Des expérimentations sont menées actuellement : je pense au protocole féminicide développé à Saint-Denis notamment par Ernestine Ronai et désormais instauré à Lyon. Si beaucoup a été fait, des améliorations peuvent encore être apportées.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    J’entends vos arguments mais nous savons la difficulté de la lutte contre les violences conjugales. Nous avons adopté plusieurs lois dans cet hémicycle, souvent à l’unanimité, mais les suites qui leur sont données dans la vie quotidienne posent question – nous l’avons vu récemment, plusieurs féminicides sont le fait d’hommes qui avaient déjà été condamnés. La lutte contre les violences conjugales est extrêmement difficile.
    La société omet souvent qu’il y a d’autres victimes que la femme : les enfants. Le fait d’être témoins de la violence contre un conjoint ou une conjointe constitue une violence à l’égard de ces deniers, violence non pas physique mais psychique.
    L’amendement vise à renforcer les outils à notre disposition pour lutter contre les violentes conjugales et prévenir les conséquences sur les enfants. (MM. Jean-Louis Bricout et Alain David applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot.

    Mme Albane Gaillot

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    Je rejoins les propos de Marie-George Buffet. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous annoncez des expérimentations en cours et des initiatives locales. Mais même si les dispositions proposées peuvent sembler superfétatoires, nous devons les adopter et reconnaître les enfants comme victimes à part entière des violences conjugales.

    (L’amendement no 436 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – M. Guillaume Chiche applaudit également.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Merci, Les Républicains !

    Article 3

    M. le président

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    Sur l’amendement no 296, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    L’article 3 est important. À en croire la presse, il prévoit l’interdiction de l’hébergement à l’hôtel pour les mineurs relevant de l’aide sociale à l’enfance. Nous serions les premiers à nous réjouir si l’interdiction était effective. Un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) soulignait en effet l’explosion du nombre de nuitées d’hôtel pour les enfants placés, estimant que 5 % des enfants relevant de l’ASE dorment dans des hôtels, dont 95 % sont des mineurs non accompagnés – donc particulièrement fragiles. En 2018, les départements ont payé 250 millions d’euros pour des hébergements hôteliers. La motivation budgétaire joue très fortement dans ce choix. Les enfants servent de variable d’ajustement : une nuit à l’hôtel coûte en moyenne 75 euros contre 150 euros dans un foyer.
    Je le répète, nous serions donc les premiers à nous réjouir d’une interdiction mais, malheureusement, l’article 3 a pour effet de légaliser de fait, pour une durée de deux mois, l’hébergement hôtelier des enfants placés. Je ne suis pas la seule à m’en émouvoir, de nombreuses associations l’ont fait aussi. La Défenseure des droits s’est également inquiétée des exceptions prévues par le texte et a demandé l’interdiction totale du placement hôtelier, indiquant qu’elle ne saurait tolérer que perdurent des atteintes aux droits fondamentaux des enfants, même pour une courte durée.
    Chacun a à l’esprit le drame survenu le 12 décembre 2020 au cours duquel Jess, un adolescent âgé de 17 ans a été poignardé par un autre, alors qu’ils vivaient dans un hôtel à Suresnes depuis huit mois. Ce drame doit nous alerter. Nous ne pouvons pas laisser des enfants esseulés à l’hôtel. Il faut interdire l’hébergement en hôtel et allouer les moyens nécessaires pour que tous les enfants soient protégés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    L’engagement que vous aviez pris devant les citoyens de ce pays, monsieur le secrétaire d’État – interdire le placement en hôtel des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance – était très attendu.
    Or, comme nous le verrons en détail en examinant les amendements, l’article 3 ne procède pas à cette interdiction.
    D’abord, la notion d’« urgence » mentionnée ici est très floue. Nous l’avons déjà dit s’agissant de l’article 1er et nous pouvons le répéter à l’envi : en la matière, on a toujours affaire à des situations d’urgence. C’est encore plus vrai s’agissant des premiers concernés par l’article, les mineurs non accompagnés, qui vivent souvent dans la rue. Or un tiers des MNA qui relèvent de l’aide sociale à l’enfance sont hébergés à l’hôtel.
    Je rejoins donc les propos de ma collègue Mathilde Panot. Évidemment, je ne vous soupçonne pas d’être favorables à ce que des enfants soient hébergés à l’hôtel, voire laissés seuls dans la rue. Je pense, en revanche, que vous n’êtes pas capables d’obtenir des départements qu’ils augmentent le nombre de places d’accueil, car vous ne leur en avez pas donné les moyens, en dépit de l’engagement que vous aviez pris.
    L’article, tel qu’il est rédigé, ne changera rien à des situations comme celle que Jess a vécue, dans mon département des Hauts-de-Seine, parce que l’on considérera qu’il y a urgence, que cet enfant est mieux à l’hôtel que dans la rue et qu’il n’y a pas de place pour l’accueillir ailleurs.
    En outre, cet article ne comporte rien sur les veilleurs de nuit ni sur l’accompagnement par les travailleurs sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Mörch.

    Mme Sandrine Mörch

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    Certains d’entre vous ont sans doute déjà eu l’occasion d’entrer dans une chambre de ce qu’on appelle les hôtels sociaux,…

    Mme Elsa Faucillon

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    Des hôtels miteux !

    Mme Sandrine Mörch

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    …où sont hébergés des mineurs et des mineurs non accompagnés. Il faut le voir pour le croire ! Ces jeunes, mis à l’abri dans ces hôtels, courent des risques dont la plupart de nos concitoyens et même de nos dirigeants ignorent qu’ils peuvent exister en France, car il est rare d’aller voir jusque dans la chambre d’un mineur hébergé.
    Lors de la commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, que nous avons menée avec Marie-George Buffet, nous avons auditionné plusieurs mineurs hébergés dans des hôtels sociaux. J’ai encore en mémoire le témoignage poignant d’une jeune fille, Océane, dont je vous lis un court extrait : « La chambre est envahie par les cafards. La nuit, nous n’arrivons pas à dormir. Les piqûres de punaises nous démangent et nous font des plaques sur le corps. Les cafards et les punaises sortent de nos poches et de nos sacs à l’école. C’est la honte. Pour les devoirs, ce n’est pas facile. Nous n’avons pas d’espace ni de bureau. Nous travaillons dans les cages d’escalier, à la lumière des conduits d’électricité. »
    Cette jeune fille nous a aussi parlé de la violence extrême qui est son quotidien : « Les bagarres sont nombreuses. La police intervient presque tous les jours. Des gens cassent tout, ils sont très violents et en menacent d’autres avec des couteaux. Certains sont alcooliques, d’autres drogués. Ces gens font très peur. »
    Je pense encore au témoignage d’un jeune mineur non accompagné, âgé de 15 ans, qui est resté huit mois dans un hôtel, sans aucune prise en charge éducative, sans même être scolarisé, ce qui est totalement contraire aux principes de l’aide sociale à l’enfance et aux lois de la République, l’école étant obligatoire jusqu’à 16 ans pour tous.
    Évidemment cet hébergement en hôtel offre une certaine souplesse et permet de mettre les mineurs à l’abri rapidement. Je sais aussi qu’en l’état actuel des structures d’accueil, il serait utopique de le supprimer totalement. (Dénégations sur les bancs du groupe GDR.) Cependant, il est de notre devoir de le réduire au maximum et, pourquoi pas, de le supprimer à terme, afin que ces jeunes soient hébergés au sein de structures adaptées.
    C’est l’objectif de cet article, qui prévoit explicitement que les hôtels, les résidences hôtelières et les structures « jeunesse et sport » ne peuvent être que des solutions d’urgence très limitées dans le temps, pour une durée de deux mois en l’occurrence. C’est pourquoi je remercie sincèrement M. le secrétaire d’État d’avoir été sensible à cette question et de s’être enfin attaqué à ce problème. Il s’agit d’un grand pas en avant pour les enfants concernés, qui sera suivi de beaucoup d’autres.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Cet article pose le principe de l’accueil des mineurs dans des structures ou des services expressément autorisés par le code de l’action sociale et des familles, afin d’interdire leur placement dans des hôtels, des résidences hôtelières ou des établissements chargés de les accueillir, sauf, à titre dérogatoire et exceptionnel, en cas d’urgence ou pour assurer leur mise à l’abri, ou lors des périodes de congés ou de loisirs.
    Cette mesure est motivée par la nécessité de mettre fin à des situations inacceptables, dans lesquelles des mineurs fragiles se retrouvent abandonnés dans des hôtels, sans réel accompagnement ou bénéficiant d’un suivi lacunaire.
    Si le recours aux hôtels doit être évité par tous les moyens, encore faut-il disposer de solutions de rechange. Tout en partageant bien évidemment l’objectif poursuivi par cet article, je me pose, comme mes collègues, plusieurs questions. D’abord, celle des moyens : le coût d’une nuit en structure spécialisée est supérieur à celui d’une nuit à l’hôtel. Vous le savez, les départements sont confrontés à des dépenses croissantes en raison de l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés et il leur est de plus en plus difficile d’assumer une prise en charge de qualité pour tous ces mineurs isolés.
    Un engagement financier de l’État serait donc bienvenu, afin de donner aux départements la possibilité de proposer à l’ensemble de ces jeunes un accompagnement de qualité. À défaut, l’objectif poursuivi par cet article restera purement et simplement un vœu pieux : à moyens constants, les départements ne pourront en effet pas faire de miracles.
    Une autre interrogation concerne le délai d’un an laissé aux départements pour se mettre en conformité avec cette nouvelle norme. Le Conseil d’État s’est d’ailleurs interrogé dans son avis sur la brièveté de ce délai. Nous ne pouvons envisager la réussite de cette disposition sans un engagement sérieux de l’État envers les départements, afin qu’ils disposent des moyens d’atteindre dans les temps l’objectif poursuivi. L’État sera-t-il au rendez-vous ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Perrine Goulet.

    Mme Perrine Goulet

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    Cet article concerne certainement ce que notre République a de plus honteux, ce que l’on cache et que nous ne voulons pas voir. J’ai encore vu, la semaine dernière, comment on cloîtrait des enfants dans des hôtels souvent sordides, toujours sinistres, et comment cela donnait lieu à un véritable business : en effet des entreprises s’occupent de placer les gamins dans ces hôtels, moyennant une commission prélevée sur le prix de journée, qui devrait pourtant servir à les élever. On fait ainsi de l’argent sur la misère, c’est sordide !
    Ces hôtels accueillent deux types de populations, et la situation est dramatique pour l’une comme pour l’autre. D’abord, ce sont les mineurs non accompagnés, que l’on « range » dans des chambres, avec pour seule compagnie les punaises de lit et un gardien chargé de veiller à ce qu’ils ne mettent pas le feu en fumant. Ces gamins, que j’ai croisés en Seine-Saint-Denis, n’ont d’autre perspective que celle d’aller, tous les deux mois, chercher un peu d’argent auprès de l’association déléguée par le département, pour survivre. Ils ne bénéficient d’aucun encadrement : c’est le royaume de la misère, où règnent la loi du plus fort, les trafics et la débrouille.
    La seconde catégorie est celle des « incasables », parce que la société n’a pas su bâtir des cases pour les accueillir. Comment admettre que vive à l’hôtel, à quelques mètres d’ici, dans la ville lumière, une jeune fille de 15 ans, ballottée depuis trois ans d’hôtel en hôtel, qui ne sait ni lire ni écrire, qui n’est pas éduquée, pas soignée, qui ne sort pas de sa chambre et qui n’a d’autre avenir que celui de devenir dans les prochaines années une SDF ? Et ce, alors que la ville de Paris semble assez riche pour consacrer 1 000 euros par jour – j’ai bien dit 1 000 euros par jour ! – à la garde de cette jeune fille, avec le résultat désastreux que l’on connaît. Malheureusement, il s’agit d’un exemple parmi tant d’autres.
    Comment admettre que notre promesse de fraternité vienne se briser sur la promesse d’égalité ? Comment admettre que des éducateurs ne réveillent pas des enfants inscrits au collège, au prétexte qu’ils n’allaient tout de même pas les réveiller pour un brevet blanc ? Comment l’admettre pour des enfants, pour nos enfants ?
    Mes chers collègues, notre seule option est d’interdire complètement l’hébergement hôtelier, comme vous l’aviez promis en janvier dernier, monsieur le secrétaire d’État. Il y va de la dignité de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, SOC et GDR. – Mme Delphine Bagarry et M. Guillaume Chiche applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l’amendement no 46, tendant à supprimer l’article 3.

    M. Guillaume Chiche

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    Ils sont entre 7 500 et 10 000 enfants placés dans des hôtels, dans des conditions inhumaines, inacceptables, que nous refuserions pour nos propres enfants. Comment l’accepter pour d’autres ? Ces situations, dénoncées depuis des années pour les drames qu’elles entraînent, découlent d’un vide juridique, qui fait aujourd’hui l’objet de recours.
    Si je présente cet amendement de suppression, c’est parce que j’estime que l’article 3 ne mettra pas fin au placement d’enfants à l’hôtel, dans la mesure où il prévoit des exceptions, notamment celle de l’urgence. Or je ne connais pas de situations dans lesquelles les enfants placés dans ces hôtels ne le sont pas en raison d’un motif d’urgence.
    Au-delà, j’espère que les anciens enfants passés par ces hôtels et qui ont intenté des recours devant nos juridictions pour mise en danger, obtiendront gain de cause dans les semaines ou les mois à venir. Cela permettra de disposer d’une jurisprudence qui leur sera favorable. Cependant, l’adoption de cet article anéantirait toute perspective de jurisprudence favorable, en donnant un cadre légal à ces placements en hôtel.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    J’aimerais savoir qui, dans cet hémicycle, est favorable à l’hébergement des enfants à l’hôtel ? (Exclamations sur l’ensemble des bancs.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Levez la main !

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Personne ! Je suis allée visiter deux hôtels sociaux situés près de chez moi…

    M. Jean-Louis Bricout

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    Ça ne fait pas rêver !

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Non, bien sûr, ça ne fait pas rêver.
    C’est horrible, nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais vous savez bien que la répartition des MNA dans les départements est inégale : il est parfois compliqué de faire face à une arrivée massive de jeunes, qui doivent tous être pris en charge en même temps.

    M. Stéphane Viry

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    Et alors ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Alors, le risque, si nous ne maintenons pas cette possibilité dérogatoire, est de retrouver ces enfants dans la rue.
    Auparavant, aucun encadrement n’était prévu. C’est la raison pour laquelle nous proposons un encadrement strict, prévoyant, à titre exceptionnel, la possibilité d’un hébergement en hôtel pour une durée de deux mois, un décret devant fixer, par ailleurs, les conditions d’application du présent article, notamment le niveau minimal d’encadrement et de suivi des mineurs hébergés au sein de ces structures ainsi que la formation requise.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Qui va payer ? Les départements ?

    Mme Bénédicte Pételle, rapporteure

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    Il ne s’agit pas, comme vous l’avez dit, madame Panot, de légaliser ce type de placement pour deux mois, et l’article précise bien que cette possibilité ne sera ouverte qu’à titre exceptionnel. Avis défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Je ferai une intervention un peu large, en réponse aux différentes prises de parole sur l’article et à l’amendement de M. Chiche, ainsi qu’à ceux qui seront examinés ensuite.
    Je suis désolé, mais si nous abordons aujourd’hui ce sujet, c’est parce que j’ai décidé que nous le ferions et que nous arrêterions de le mettre sous le tapis. (Mme Sandrine Mörch applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Vite, qu’on lui apporte une médaille !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    L’IGAS soulève cette question depuis 2013. J’ai décidé que, collectivement – et non pas seulement le Gouvernement –, nous ne pouvions plus accepter cette situation. C’est la raison pour laquelle je ne me suis pas contenté de commenter le rapport de l’IGAS, madame Panot : je l’ai commandé, afin d’être en mesure d’objectiver le sujet, car personne ne savait précisément combien de mineurs étaient concernés ni de quels mineurs nous parlions.
    J’imagine que vous avez tous lu le rapport de l’IGAS jusqu’à la fin : préconise-t-il, dans ses recommandations, d’interdire totalement les hôtels, du jour au lendemain ? La réponse est non.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et alors ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Préconise-t-il d’établir le principe d’interdiction et d’encadrer très strictement les exceptions, comme nous proposons de le faire ? La réponse est non. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Nous allons donc plus loin que les recommandations de l’IGAS.

    Mme Mathilde Panot

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    Et la Défenseure des droits, monsieur le secrétaire d’État ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    J’ai expliqué que nous devions établir le principe de l’interdiction du placement des enfants dans les hôtels parce que ces structures font l’objet de placements directs par les départements et qu’elles ne sont donc pas soumises aux mêmes règles que les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Ne dites pas que nous légalisons cette pratique, c’est déjà le cas en réalité.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous ne l’interdisez pas !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Ensuite, madame Goulet, je n’ai jamais dit que nous interdirions purement et simplement les placements dans les hôtels. Dès le mois de janvier – puisque vous y avez fait référence –, j’ai déclaré qu’il ne fallait pas faire montre de dogmatisme en la matière et qu’il convenait de prévoir des exceptions, qui devaient être strictement encadrées. C’est une question de responsabilité. Franchement, il serait plus simple pour moi de tout interdire et de laisser les départements se débrouiller.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Très bien !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Mais que se passerait-il très rapidement ? Les mômes se retrouveraient dans la rue. Et qui serait responsable ? Vous et moi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Je ne veux pas de cela. Ne faites donc pas preuve de dogmatisme sur ce sujet ! Quand bien même nous le voudrions et y consacrerions tous les moyens, nous ne pouvons pas aujourd’hui absorber 10 000 enfants. (Mme Mathilde Panot proteste.) Ce n’est pas vrai !
    Oui, nous posons, pour la première fois, le principe de l’interdiction d’héberger des enfants à l’hôtel, en encadrant très strictement les exceptions à ce principe. D’une part, l’hébergement en hôtel ne pourra excéder deux mois – ainsi que vous l’avez vous-mêmes voté en commission. Nous avions, d’autre part, prévu des règles d’encadrement, mais le Conseil d’État a jugé qu’elles étaient d’ordre réglementaire. Vous avez néanmoins souhaité les maintenir dans la loi, et nous nous y sommes montrés favorables. Ainsi, outre la durée maximale de deux mois, l’hébergement en hôtel devra faire l’objet d’un encadrement éducatif renforcé – car, madame Faucillon, c’est aussi l’absence d’un tel encadrement qui pose problème : il n’est pas acceptable que les enfants soient seuls, sans accompagnement éducatif. D’autres amendements seront proposés, notamment par Mmes Provendier et Goulet, pour encadrer encore davantage cet hébergement et y imposer la présence de majeurs.
    Par ailleurs, l’État déploie des moyens, à travers la contractualisation, pour développer les places en foyer. Bien évidemment, la solution à moyen terme est de faire disparaître l’hébergement des mineurs en hôtel et de disposer de suffisamment de places d’accueil. Mais parlons très concrètement : si, demain, un département doit faire face à l’arrivée de 500 jeunes – cela peut arriver –, doit-il avoir gardé 500 places libres pour les héberger ?

    Mme Elsa Faucillon

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    Il y a des solutions ! Comment faites-vous pour les migrants ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Plutôt que de financer des places inoccupées, je préfère que l’argent soit investi en faveur des jeunes de l’aide sociale à l’enfance.
    Nous aidons les départements à créer des places – c’est l’objet de la stratégie et de la contractualisation. Par ailleurs, nous invitons les départements qui le souhaitent à travailler avec l’État, avant même la promulgation de la loi – qui devrait raisonnablement survenir dans un an. Dès septembre, nous créerons une petite équipe d’ingénierie, dotée de quelques moyens, pour accompagner les départements et cheminer vers une sortie de l’hébergement en hôtel. Plusieurs départements se sont déjà déclarés volontaires – c’est le cas de la Seine-Saint-Denis, madame Buffet.
    Telle est l’approche que je défends depuis le début, et je la défends fièrement – car, oui, nous devons être fiers de l’article 3. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement de suppression. Nous discuterons tout à l’heure de l’opportunité d’encadrer encore davantage les exceptions, soit dans la loi, soit par voie réglementaire – car certains sujets doivent sans doute être laissés à l’appréciation des professionnels de terrain.

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Chiche.

    M. Guillaume Chiche

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    Dans ce domaine, il faut faire preuve d’humilité, monsieur le secrétaire d’État. Vous prétendez être celui qui a mis le doigt sur ce sujet, mais je défends une autre histoire, celle des associations qui viennent en aide aux jeunes dans les territoires, qui refusent de les laisser à l’abandon dans des hôtels et qui les accueillent dans leurs locaux. Je pense aussi aux enfants placés à l’hôtel, qui se plaignent depuis des mois et des années, et qui savent que votre promesse de ne plus y héberger aucun mineur fin 2021 ne sera pas effective.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Ce sera fait !

    M. Guillaume Chiche

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    Des jeunes continueront d’être logés à l’hôtel dans les situations d’urgence. Vous affirmez devant la représentation nationale qu’il est important de poser un principe. Songez toutefois à ce que nous affirmions en 2017, quand j’étais encore dans les rangs de la majorité présidentielle : « On en a marre des droits formels, on veut des droits réels ! »

    M. Pierre Cordier

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    C’est un ancien collègue à vous !

    M. Fabien Di Filippo

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    Plus macroniste que les macronistes !

    M. Guillaume Chiche

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    Vous posez un principe qui ne trouvera aucune exécution dans la vie réelle. Quant au délai maximal de deux mois, pardonnez-moi, mais il ne constitue en rien un encadrement strict. Pour faire face à une situation d’urgence, vous auriez pu évoquer des dérogations de vingt-quatre heures, quarante-huit heures ou soixante-douze heures, mais pas de deux mois ! Nous aurons l’occasion d’y revenir. Vous avez vous-même reconnu en commission des affaires sociales, la semaine dernière, que ce délai correspondait au temps moyen d’évaluation de la minorité ou de la majorité des mineurs non accompagnés.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Il est de quatorze jours en moyenne !

    M. Guillaume Chiche

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    C’est proprement inacceptable et inhumain. Ce sont pourtant vos propos, et ils ont été enregistrés. Libre à vous de revenir sur ces déclarations, en séance publique. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Concernant les enfants hébergés en hôtel, il faut tenir des propos mesurés et équilibrés – il y a d’ailleurs différents types d’hôtels et différents types d’accompagnement. Personne ne se satisfait évidemment de cette solution, mais parfois, il n’y a pas d’autre possibilité que de loger des enfants à l’hôtel, de façon temporaire. J’en citerai un exemple très précis : dans le département de la Meuse, dont j’ai été président, 750 enfants sont placés par des mesures de justice. Or, la gare Meuse TGV étant à une heure et demie de Paris, nous avons vu arriver il y a trois ans, en quelques semaines, 200 à 250 mineurs non accompagnés qu’il a fallu héberger. Nous ne pouvions tout de même pas construire du jour au lendemain un établissement pour 250 personnes !

    Mme Elsa Faucillon

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    C’est une blague, ou quoi ?

    M. Bertrand Pancher

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    Le département a donc passé des conventions avec des hôtels, et la situation s’est régulée progressivement. La disposition de l’article 3 visant à encadrer davantage l’hébergement des enfants à l’hôtel me paraît donc très bonne. Gardons-nous des surenchères, et veillons à ne pas prôner des solutions qui ne sont d’ailleurs ni demandées, ni souhaitées par les organisations concernées. (Mmes Sandrine Mörch et Martine Wonner applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Nous parlons ici du droit des enfants : l’État est responsable de son application. Imaginez qu’à la suite d’un sursaut démographique, les places d’école viennent à manquer : oseriez-vous dire aux enfants qu’ils n’iront à l’école que dans deux ou trois mois ?

    Mme Véronique Hammerer

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    Ce n’est pas possible !

    Mme Marie-George Buffet

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    L’enfant a droit à un lieu où il puisse vivre et se construire dignement. Or nous avons tous visité les hôtels qui les hébergent ; nous savons le rôle qu’y jouent certains concierges, et les pressions qu’y subissent les jeunes. La commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse a interrogé certains de ces jeunes : pendant les confinements, ils n’ont eu aucun moyen de suivre les enseignements à distance. Il y va de la responsabilité de l’État.
    L’enjeu de fond est que l’État reprenne quelque peu la main sur la question des enfants placés et des mineurs non accompagnés, soit en signant des conventions – comme il le fait avec certains départements –, soit par la loi, en s’arrogeant plus de place dans la gestion des droits de l’enfant. On ne peut faire dépendre le respect des droits de l’enfant du bon vouloir de tel ou tel département, ou des capacités budgétaires de tel ou tel autre. Il me paraît donc important de renforcer le rôle de l’État dans la garantie des droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – M. Guillaume Chiche applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous employez des grands mots, madame la rapporteure et monsieur le secrétaire d’État ; vous, madame, demandez à l’hémicycle qui est favorable à l’hébergement des enfants à l’hôtel, tandis que M. le secrétaire d’État insiste sur le fait que c’est lui qui a demandé le rapport de l’IGAS et exhumé le problème. Pourtant, je le répète, avec cet article, vous légalisez pour deux mois – durée extrêmement longue – des atteintes graves aux droits de l’enfant – je cite ici la Défenseure des droits.
    Vous n’interdisez rien mais tolérez même que, pendant deux mois, on s’abstienne de respecter le droit des enfants. C’est inadmissible ! Quant à votre exemple dans lequel un département verrait arriver 500 mineurs non accompagnés, il est absurde : vous savez pertinemment que le projet de loi prévoit une clé de répartition.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Ça n’a aucun rapport !