XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018

Deuxième séance du jeudi 07 décembre 2017

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du jeudi 07 décembre 2017

Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Taxe sur les transferts de sportifs professionnels

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Michel Zumkeller et plusieurs de ses collègues visant à instaurer une taxe sur les transferts de sportifs professionnels (nos 248, 430).

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. François de Rugy.)

    Présidence de M. François de Rugy

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Rappel à l’ordre

    M. le président

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    Mes chers collègues, à la fin de la séance de ce matin, François Ruffin a arboré un maillot de football à la tribune, ce qui n’est pas conforme à la tenue d’un débat parlementaire. Cet incident a alors fait l’objet d’une déclaration claire et explicite du président de séance, Hugues Renson.
    En application de l’article 70, alinéa 4, du règlement, je considère que le fait de revenir avec la même tenue à la séance de cet après-midi, sans tenir compte des observations très claires du président de séance de ce matin, relève d’une provocation envers l’Assemblée ou son président.
    Au titre de l’article 72, alinéa 2, je prononce donc un rappel à l’ordre à l’égard de François Ruffin, avec inscription au procès-verbal.
    Je précise d’entrée de jeu que le collègue concerné pourra, s’il le souhaite, et comme c’est la règle, contester cette décision devant le Bureau de l’Assemblée, lequel se réunira le 20 décembre prochain – il pourra donc étudier toute requête en la matière.

    Rappels au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au règlement.

    M. François Ruffin

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    Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement.
    Le président de séance a qualifié ce matin ma tenue d’indigne et d’irrespectueuse. Monsieur le président, je ne vais pas contester maintenant l’application des articles 70 et 72 du règlement – peut-être le ferons-nous lors de la réunion du Bureau – mais, sur le fond, je tiens à dire qu’à mes yeux, porter le maillot d’Antoine, de Franck, de l’Olympique Eaucourtois et, potentiellement, des milliers d’Antoine, des milliers de Franck et des milliers de clubs à travers le pays, ce n’est pas du tout porter une tenue indigne et irrespectueuse, au contraire ! Je suis très fier, aujourd’hui, de porter ici ce maillot.

    M. Sylvain Maillard

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    Ce n’est pas le lieu !

    M. François Ruffin

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    Je suis très fier de faire entrer ici, à l’Assemblée nationale, le visage de Franck et des Franck, de tous les gens qui dirigent les petits clubs.
    Si j’ai revêtu à nouveau ce maillot au début de cet après-midi, c’est parce qu’on m’a fait ce matin une remarque de manière véhémente et que je n’ai pas pu m’expliquer quant à ce caractère supposément irrespectueux et indigne. (Protestations sur les bancs des groupes UAI et LR.)Mais je ne cherche pas à provoquer ou à faire un cas d’école, comme on l’entend dire !

    M. Philippe Vigier

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    Des mots !

    M. François Ruffin

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    Cela dit, monsieur le président, en guise d’apaisement, je vais remettre mon pull pour la suite des débats.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Je souhaite simplement exprimer ici le sentiment de nombre de collègues membres du groupe UDI, Agir et indépendants.
    Le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé de rompre avec cette tradition séculaire selon laquelle les députés hommes devaient porter ici une cravate. Je me souviens même, il y a quelques années, que des cravates étaient à notre disposition à l’entrée de l’hémicycle.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’était l’ancien monde !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Et les huissiers nous interdisaient de rentrer si nous n’en portions pas.
    En décidant de rompre avec cette tradition, le Bureau a évidemment ouvert la porte à toutes les interprétations possibles et imaginables.

    M. Philippe Vigier

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    Absolument !

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Nous souhaiterions quant à nous revenir à cet usage, non par excès de traditionalisme, mais pour éviter ce genre d’incident. M. Ruffin peut avoir envie de venir avec ce maillot-là aujourd’hui et revenir demain en mettant en exergue d’autres personnes, puis tout le monde viendra en maillot ou même en short d’ailleurs – pourquoi pas ? – puisque celui du club est, lui aussi, très honorable !
    Pour éviter ce genre de situation, nous pourrions revenir à la coutume de cette maison, que l’on peut certes juger désuète mais qui permettait de travailler sans connaître ce genre d’incident et de rappel à l’ordre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UAI et LR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe REM.)

    M. Thierry Benoit

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    Tout à fait !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous êtes ridicules ! Vous vivez dans un autre monde !

    M. le président

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    Je vous remercie, monsieur Lagarde. Le débat que vous évoquez aura lieu au sein du Bureau de l’Assemblée nationale.
    Nous allons maintenant pouvoir en venir à la suite de l’ordre du jour, dans la mesure où la mise au point a été faite.

    (À quinze heures vingt-cinq, Mme Carole Bureau-Bonnard remplace M. François de Rugy au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard
    vice-présidente

    3. Taxe sur les transferts de sportifs professionnels (suite)

    Mme la présidente

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    Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à instaurer une taxe sur les transferts de sportifs professionnels.

    Discussion générale (suite)

    Mme la présidente

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    Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Madame la ministre des sports, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, chers collègues, 222 millions d’euros, c’est le montant du transfert d’un joueur d’un grand club parisien et 180 millions d’euros, celui d’un autre. Au total, les transferts de ces deux footballeurs représentent trois fois le budget du Centre national pour le développement du sport – CNDS –, un budget amputé pratiquement de moitié par le Gouvernement il y a quelques semaines.
    Alors, quand on constate ce fossé entre la situation de certains clubs professionnels, véritables bulles financières, et celle des clubs amateurs, on ne peut qu’être motivé, en tant que législateur, par l’envie d’agir pour plus d’équité.
    Ne faisons donc pas l’économie d’un débat sur ces sujets ! Ce serait une grave erreur que de regarder, béats, la bulle inflationniste des transferts gonfler avec toutes les dérives dont elle est porteuse : inégalité dans la compétition sportive – la Ligue 1 de foot en témoigne – et mainmise sur le sport de fonds financiers incontrôlés avec toutes les pressions inhérentes sur les valeurs du sport. Le foot n’est pas qu’un marché : le foot est aussi porteur de valeurs.
    Nous devrions, selon moi, débattre aujourd’hui de trois problématiques. La première est la situation du sport amateur en France et les difficultés auxquelles il fait face. La deuxième est le montant exorbitant et dangereux des salaires et transferts, qui ne cesse de croître depuis l’arrêt Bosman de 1995. La troisième est le lien entre les deux : comment s’assurer de la mise en place de mécanismes de financement solidaire des clubs professionnels pour le sport amateur ?
    Le texte qui nous est proposé ne prend en compte qu’une partie du problème, mais il a le mérite d’ouvrir le débat et, surtout, je souhaite qu’il devienne un tremplin pour des mesures législatives plus complètes permettant de réguler le montant des transferts et d’assurer une meilleure redistribution vers le sport amateur.
    Cette proposition de loi vise à taxer les transferts de sportifs professionnels à hauteur de 5 % des recettes brutes générées par le transfert et à affecter les recettes de la taxe au Centre national pour le développement du sport. Cela rejoint l’esprit de mutualisation de la taxe sur les droits de retransmission audiovisuelle pour abonder, à l’époque, le FNDS – Fonds national pour le développement du sport.
    Nous sommes d’accord sur la nécessité de compléter les mécanismes de solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur, même si l’on peut regretter l’absence de plancher dans ce texte et le fait que celui-ci ne différencie pas des situations financières très hétérogènes dans le sport professionnel, y compris dans le football professionnel.
    Comme cela a été rappelé, des mécanismes de mutualisation existent déjà. Le CNDS bénéficiait l’année dernière de 39,3 millions d’euros au titre de la taxe sur les retransmissions. De plus, la Fédération française de football verse une contribution de 17 millions aux clubs amateurs, auxquels viennent s’ajouter les 15 millions du Fonds d’aide au football amateur.
    Sur le plan international, la FIFA a aussi mis en place des mécanismes de redistribution depuis 2001. Ainsi, une taxe de 5 % est prélevée lors d’un transfert international pour être reversée aux clubs formateurs du footballeur transféré.
    Enfin, et nous le savons tous, cette taxe ne sera véritablement efficace que si elle se construit au niveau européen. C’est une limite, mais elle n’est pas insurmontable. En effet – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur – à plusieurs reprises la France a fait office de précurseur…

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Tout à fait !

    Mme Marie-George Buffet

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    …dans le domaine de la réglementation du sport et on a vu se diffuser par la suite ces mesures à l’échelle internationale ou européenne. Nous devons être conscients de la limite inhérente au champ d’application de la loi, mais en aucun cas cela ne doit nous lier les mains.
    Nous sommes ici réunis pour prolonger les actions sur la régulation du sport professionnel, actions qui avaient déjà été soutenues dans la loi de 1999, et sur le financement du sport amateur. Mais dans ce même hémicycle, il y a quelques semaines, nous nous prononcions sur le budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». À travers ce rappel, je tiens à réaffirmer le rôle central de l’État et des collectivités territoriales qui souffrent de la réduction de leurs dotations dans le financement du sport.
    Votre majorité a voté le budget des sports il y a quelques semaines – un budget en baisse de 7 % – et une amputation du budget du CNDS sans précédent. Il faut effectivement plus de mécanismes de redistribution entre le monde professionnel et le monde amateur mais si, dans le même temps, l’État se désengage de sa mission de promotion du sport pour tous et toutes, de ses responsabilités pour le haut niveau, de la construction d’infrastructures dans les territoires sous-dotés et s’il appauvrit les collectivités territoriales, cela ne servira pas à grand-chose.
    Cette proposition de loi ne cherche pas à limiter le montant ni à réguler les transferts. Pourtant, nous devrions agir beaucoup plus fortement en ce sens. C’est d’ailleurs l’objet, me semble-t-il, de la rencontre qui a eu lieu mardi matin entre le Président de la République et le président de la FIFA pour que la France puisse défendre ces sujets sur le plan européen. J’invite donc les députés de la majorité et de tous les groupes à se saisir aussi de cette question et à faire entendre la voie de la France sur le plan international pour enfin remettre de l’ordre dans les transferts.
    A l’arrêt Bosman, il faut ajouter l’arrivée de faux financiers, parfois même d’Etats. C’est pour cela qu’il faut plus de transparence, par une application stricte du fair-play financier de l’UEFA dans les clubs professionnels français, et plus de clarté dans la rémunération des agents.
    Pour atteindre ces objectifs, le groupe GDR propose des amendements visant à réguler le montant des transferts des sportifs professionnels et à réaffirmer quelques principes éthiques. Bien sûr, en raison de l’ampleur de la tâche, un travail plus fourni devra être effectué afin d’identifier toutes les mesures à prendre pour mettre fin aux dérives.
    Mais dès l’examen et, je l’espère, l’adoption de ce texte, nous pourrons limiter plus strictement la rémunération des agents des sportifs ou des clubs, rémunérations qui participent à l’inflation des transferts. Nous proposons ainsi de limiter la rémunération de l’agent à 6 % du montant total du transfert contre 10 % actuellement. Cet amendement est issu des recommandations du rapport d’information de l’Assemblée nationale de juillet 2013 portant sur le fair-play financier dans le football français. Cette disposition est également soutenue par la Fédération française de football, qui est consciente du danger que représente cette augmentation sans fin des transferts.
    De plus, nous proposons de limiter le montant du transfert à 70 % du salaire total du sportif sur l’ensemble de son contrat. Cela s’inspire d’une des recommandations de l’étude de la Commission européenne publiée en février 2013.
    À terme, le risque existe de ligues fermées, sur le modèle étasunien, et le lien entre les clubs les plus riches et le reste du monde sportif serait dans ce cas-là définitivement rompu.
    Ce modèle, nous n’en voulons pas. Au-delà même de cet aspect financier, il y a aussi les enjeux éthiques. La transparence dans les transferts doit être considérablement améliorée, et les mécanismes de contrôle doivent être renforcés. On pourrait, par exemple, imaginer que tous les transferts passent par un compte de la ligue professionnelle : toutes les indemnités de mutation impliquant au moins un club français pourraient ainsi faire l’objet d’un contrôle. Sans assurer une transparence à 100 %, une telle mesure permettrait tout de même de l’améliorer considérablement.
    Enfin, nous proposons d’inscrire dans le code du sport l’interdiction de conclure des contrats de travail en France avec un sportif professionnel dont une partie des droits est détenue par une société tierce, notamment par des fonds de pension. Ce système, en effet, est inacceptable et contrevient aux règles éthiques. Le syndicat international des footballeurs professionnels dénonce la détention de droits économiques par un tiers comme une forme nouvelle d’esclavagisme. Si cette pratique est interdite en France, il faut aller plus loin et inscrire dans le code du sport l’interdiction, pour les clubs professionnels, de conclure des contrats avec des sportifs soumis à ces montages financiers.
    En conclusion, ce texte soulève un problème important et, même si la réponse proposée est lacunaire et sans doute trop imprécise pour répondre de manière efficace aux besoins de financement du sport amateur, d’une part, et de contrôle des masses financières du sport professionnel, d’autre part, elle a le mérite de mettre ces questions sur la table. Il nous revient donc de nous emparer de ces enjeux, en particulier de celui du financement du sport amateur par l’État et par la mutualisation des moyens dans le mouvement sportif national et international, et surtout de mener de véritables politiques publiques sportives, ambitieuses et ouvertes à toutes et tous.
    J’étais impatiente d’examiner les amendements que nous avons déposés et j’envisageais, au terme de cet examen, de voter votre proposition de loi, monsieur le rapporteur. Je regrette donc profondément qu’une motion de rejet préalable ait été déposée, car elle nous empêchera d’aller au bout de ce débat.

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Michel Mis.

    M. Jean-Michel Mis

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    Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise à instaurer une taxe de 5 % sur les transferts de sportifs professionnels au-delà d’un montant qui, en l’état, n’est pas encore défini.
    En guise d’avant-propos, je souhaite rappeler une donnée chiffrée qui a été établie en 2016 par le rapport de la société FIFA TMS sur les transferts internationaux. Seuls 10,7 % des transferts dans le football sont réalisés moyennant le versement d’indemnités. Les transferts payants ne sont donc que le haut de la pyramide.
    Si l’objectif poursuivi par cette proposition de loi est tout à fait louable en soi – nous avons tous été interpellés par les montants des transferts qui ont eu lieu cet été, notamment celui de Neymar – il n’en demeure pas moins que, passée cette première impression, les doutes quant à l’effectivité du texte qui nous est soumis sont indéniables. Je me limiterai, dans cette intervention, aux aspects purement juridiques.
    Votre proposition de loi, cher collègue, se heurte tout d’abord à la législation européenne et, plus précisément, au droit européen de la concurrence. En effet, c’est bien le droit européen de la concurrence qui encadre les mécanismes de régulation dans le sport. À cet égard, la Cour européenne de justice, dans l’arrêt Bosman de 1995, a affirmé de façon explicite le principe selon lequel le droit communautaire s’applique au sport, dès lors que celui-ci constitue une activité économique, au sens de l’article 2 du traité de Rome, devenu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. C’est le cas lorsque le sportif est considéré comme un professionnel, qu’il s’agisse d’une activité salariée ou d’une prestation de services. En conséquence, la rupture d’égalité proposée par le texte non seulement entre les pays, mais aussi entre les clubs, revient à fausser la concurrence au sein même de l’Union européenne et, singulièrement, aux dépens de la France.
    Par ailleurs, par l’effet du développement des activités commerciales liées au domaine sportif, les organes communautaires ont intégré le sport au sein de leur champ de compétences. Un sportif professionnel peut donc être considéré comme un travailleur, au sens du droit de l’Union européenne. Dès lors, il semble évident que les règlements fédéraux, notamment ceux ayant trait aux opérations de transfert de sportifs, doivent respecter les principes issus du droit de l’Union européenne.
    Bien que votre intention soit louable, la création d’une taxe qui ne s’appliquerait qu’en France contraindrait les acheteurs étrangers, tout en limitant la circulation des joueurs nationaux. Elle constituerait une distorsion concurrentielle opposée au droit de l’espace communautaire.

    M. Philippe Vigier

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    Sur un terrain de foot, il faut courir, pas marcher !

    M. Jean-Michel Mis

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    Dans cette proposition de loi tendant à instaurer une taxe sur les transferts de sportifs professionnels – une idée qui, au demeurant, n’est pas nouvelle, puisqu’elle était déjà à l’ordre du jour du Parlement en 2007 et 2009 –, une différence est établie entre les petits et les gros transferts, la taxe exonérant les premiers et touchant les seconds. Cette différence de traitement pourrait constituer une rupture d’égalité de traitement et serait de ce fait entachée d’inconstitutionnalité. En effet, si le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, il n’en demeure pas moins que le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels.
    En l’état actuel des choses, une taxe sur les transferts professionnels est donc inopérante, car elle nie le caractère internationalisé et mondialisé du football – et des autres sports. Pour qu’une contribution soit opérationnelle, il faut qu’elle s’applique à l’échelle globale et internationale. Pour qu’elle soit efficace, iI faut qu’elle fasse l’objet d’une concertation au niveau européen, car l’asymétrie des règles pourrait avoir un impact préjudiciable sur le sport professionnel français. C’est d’ailleurs ce que vous avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur, lorsque vous avez déclaré dans la presse qu’une telle taxe ne pourrait être vraiment opérationnelle qu’au niveau européen.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit !

    M. Jean-Michel Mis

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    Pour conclure, et pour m’éloigner des questions purement juridiques que soulève cette proposition de loi, je veux dire que la bienveillance généreuse de ce texte n’apporte aucune réponse durable à la problématique bien plus générale du financement du sport professionnel et amateur dans notre pays.
    En effet, le sport professionnel français ne peut se réduire à quelques rares clubs disposant de ressources financières substantielles, en particulier dans le football. La faible diversification des recettes des clubs, la sous-capitalisation et les difficultés de gestion, mais aussi la comparaison avec les autres clubs européens, sont autant d’aspects qui traduisent clairement les difficultés que connaît le sport professionnel français. Les moyens offerts à nos clubs d’attirer et de conserver leurs meilleurs joueurs sont insuffisants et seule une harmonisation des règles fiscales au niveau européen pourrait renforcer l’attractivité de notre pays.
    Face à ce constat, il me semble plus sage de revoir le problème à la base. Ne faut-il pas repenser, par exemple, le système des subventions, qui sont accordées de manière aléatoire par les collectivités territoriales ou les fédérations aux clubs amateurs,…

    M. Philippe Vigier

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    C’est sûr ! Plus ça va, moins ça va !

    M. Jean-Michel Mis

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    …bref repenser notre modèle de financement du sport ?

    M. Philippe Vigier

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    Vous avez justement une bonne proposition de loi à votre disposition !

    M. Jean-Michel Mis

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    Or Mme la ministre des sports a fait ce matin des propositions extrêmement fortes pour replacer ce débat dans un cadre européen, innovant et performant. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je parlerai essentiellement du football, parce que c’est le sport que je connais le mieux, et parce qu’il est devenu, par son omniprésence, un véritable phénomène de société, comme en témoignent les fortes audiences, la passion qu’il suscite et les mouvements financiers qu’il occasionne.
    Le football est multiforme et omniprésent. Des millions d’enfants, d’hommes et de femmes le pratiquent librement et, en clubs organisés, ce sont plus de 2 millions de licenciés qui sont inscrits à la Fédération française de football. Cette dernière peut afficher des chiffres impressionnants : 2 165 000 licenciés, 400 000 bénévoles, 15 000 clubs, dont 40 professionnels, 7 000 salariés et plus de 836 000 parties organisées chaque année.
    Le football amateur, qui pénètre jusqu’aux plus petites communes, joue un rôle considérable non seulement de liant social, de formation sportive, mais également d’apprentissage de la vie en société. Ce sont des milliers de formateurs qui s’évertuent, dans des conditions souvent très difficiles, à transmettre des comportements sportifs et à promouvoir l’idée de loyauté, d’engagement honnête et de respect des autres. Le football amateur doit être pris en considération pour ce qu’il représente réellement sur le plan sportif, bien sûr, mais également sur le plan social et sociétal. Tout cela contraste avec la difficile réalité souvent vécue par les clubs : difficulté de gestion quotidienne, de trésorerie, d’infrastructures. Bien des petites équipes connaissent, au quotidien, des méthodes de gestion qui relèvent en fait du bricolage.
    À côté de cette réalité, il y a le football professionnel, qui nous fait changer d’univers. Nous entrons là dans un monde complexe, fait de formation, de dirigeants, de déplacements, d’infrastructures, d’agents, de transferts, de médias. Un monde où l’unité de mesure est le million d’euros. Il est hiérarchisé, à l’échelle française, européenne, mondiale, et quelques grandes institutions dominent une majorité de sociétés de second et de troisième rang, qui tentent de survivre à la compétition sportive, et surtout financière, qui dicte le jeu quotidien.
    Cette logique, liée à la disproportion des forces en présence, cette compétition permanente, la passion et la folie qui président à la compétition, l’obligation de résultat ont conduit à une surenchère qui a atteint des niveaux véritablement inquiétants. Cette logique a encore été renforcée par l’irruption d’investisseurs venant de pays pas toujours recommandables. J’aimerais vous poser une question, sans donner de leçons : est-il normal qu’un joueur, quel que soit son talent, puisse en arriver à avoir une valeur de marché quatre fois supérieure à celle d’un avion de ligne ? Question intéressante !
    Les sommes mises en mouvement par le football professionnel posent objectivement un problème. En Europe, les dix clubs les plus endettés enregistrent des déséquilibres allant de 200 à 550 millions d’euros pour un total de 2,854 milliards d’euros – pour autant qu’on puisse le savoir, car un certain flou entoure cet univers, malgré l’instauration du fair-play financier. Il faut bien sûr relativiser ces données à la lumière de la valorisation boursière de ces clubs, qui atteint des niveaux astronomiques, chiffrés en dizaines de milliards d’euros. Le football français est également marqué, malgré le contrôle de la Direction nationale du contrôle de gestion – DNCG –, par un indiscutable glissement vers l’endettement cumulatif, qui va devenir problématique à terme. Il a déjà contraint un certain nombre de clubs à la rétrogradation administrative.
    La plus douloureuse d’entre elles a été, pour moi, celle du Sporting Club de Bastia qui, malgré quarante-trois années de haut niveau, a perdu cinq divisions d’un coup. Je profite d’ailleurs de ma présence à cette tribune pour faire un clin d’œil amical à tous mes amis et pour leur dire : Camperemu ! La situation de ce club, qui est de loin le plus populaire de Corse, illustre la difficulté à survivre dans un tissu démographique et entrepreneurial faible. Chacun connaît la logique économique de ce système : l’intérêt du public entraîne l’investissement publicitaire des entreprises, qui entraîne à son tour la couverture télévisuelle, principale source de revenus.

    M. Sylvain Maillard

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    Il y avait d’autres problèmes dans le club de Bastia !

    M. Michel Castellani

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    Alors, quel regard un politique peut-il poser sur cet univers ? Les clubs, comme les joueurs et tous les agents, payent des impôts, dont ils se plaignent. Le marché de l’offre et de la demande est libre et appeler à la moralisation relève de l’incantation. Tout au plus peut-on souhaiter deux choses. D’une part, et cela intéresse l’ensemble de la vie économique, il faudrait créer, à l’échelle européenne, des règles fiscales égalitaires, qui redonneraient une chance véritable à tous les clubs. D’autre part, il faudrait assurer des transferts plus importants entre les clubs professionnels et les clubs amateurs. Ces transferts se limitent pour l’instant, pour l’essentiel, aux primes de formation.
    Nous nous prononçons clairement ici pour l’instauration de mécanismes susceptibles d’instaurer davantage de solidarité à tous les niveaux : entre clubs professionnels d’abord, ce qui renforcera la compétitivité des moins fortunés ; entre clubs professionnels et amateurs, ensuite. Il ne faut pas oublier, en effet, que toutes ces unités, au-delà des immenses différences de fortune, de popularité et de statut, forment, in fine, un seul monde.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Mette.

    Mme Sophie Mette

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    Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons la discussion générale sur le texte de notre collègue Michel Zumkeller à la suite de l’éclairage et des débats que nous avons eus en commission la semaine dernière. Si ces échanges n’ont pas abouti au vote de cette proposition de loi tendant à instaurer une taxe sur les transferts sportifs, ils ont contribué – vous l’aurez noté, monsieur le rapporteur – à susciter un débat sur la manière dont la représentation nationale peut, et doit, se saisir de cette question.
    En effet, il existe un consensus pour dire que la solidarité entre sport professionnel et sport amateur mériterait d’être plus soutenue mais que, à l’évidence, le périmètre choisi dans cette proposition de loi ne correspond pas à cet impératif. Je suis certaine que nous aurons tous à cœur d’inscrire, au cours des mois qui viennent, ce sujet à notre ordre du jour.
    Mme Laura Flessel, notre ministre des sports, a d’ailleurs annoncé une loi « Sport et société ». Je crois qu’elle gagnerait beaucoup à y intégrer ces sujets, et il va de soi que le groupe MODEM prendra une part active à l’élaboration de ce texte.
    Votre travail, monsieur le rapporteur, a été salué par chacun d’entre nous lors de l’examen du texte en commission. Votre rapport, qui est de grande qualité, a le mérite de pointer du doigt un élément important, le déficit de solidarité et de justice, principes qui devraient pourtant fonder toute société.
    Nous savons nos concitoyens très intéressés par ces sujets, et chacun d’entre nous a pu se sentir heurté par le montant insensé qu’ont pu atteindre certains transferts sportifs de joueurs professionnels. Il est en effet difficile de justifier l’effort national de réduction des déficits lorsque, dans le même temps, un club dépense des centaines de millions d’euros pour acheter un joueur. Aussi talentueux que soit ce joueur, il n’est pas illégitime de trouver cela disproportionné – pour ne pas dire, parfois, indécent.
    Dans l’exposé des motifs, monsieur le rapporteur, vous décrivez clairement l’enjeu et l’équilibre de votre texte. Nous ne pouvons qu’apprécier votre défense des clubs amateurs et vous rejoindre sur ce point. Leur situation, nous en avons parfaitement conscience, mérite toute notre attention. Ils doivent faire face à de multiples difficultés, financières pour l’essentiel, que nous n’ignorons pas. La politique de cette majorité et de ce gouvernement est favorable aux associations et va donc clairement dans ce sens. Bien entendu, nous sommes ouverts à toute proposition qui pourra l’améliorer encore et, si celle que vous formulez dans cette proposition de loi ne nous semble pas opportune, ce n’est pas au motif qu’elle manquerait de pertinence, mais bien en raison des conditions de son application.
    Au demeurant, il est certain qu’il nous faut réintroduire de la souplesse dans le fonctionnement tant des associations que des clubs amateurs, car ils se voient imposer des normes et des mises à niveau par les fédérations nationales, qui ne correspondent pas toujours, tant s’en faut, à leurs besoins à long terme, d’autant plus que cela entraîne des coûts que les clubs ne peuvent plus assumer facilement. Les débats en commission ont éclairé ce point. Il est peut-être temps de revoir les contrats ou obligations qui lient les fédérations professionnelles nationales aux clubs amateurs, pour que les premières jouent mieux leur rôle en termes d’entraînement et de formation des cadres, bref, de tout ce qui fait vivre les associations sur le terrain, et pas seulement celles de foot.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Pas seulement celles de foot, bien sûr !

    Mme Sophie Mette

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    À cela, nous sommes tout à fait disposés. Ce constat posé, il nous semble néanmoins qu’il faut aborder la question du seul point de vue de l’efficacité et sans compromettre les intérêts de nos clubs dans un cadre international, européen à tout le moins.
    Plusieurs orateurs ont relevé, ici et en commission, la diminution des dotations au Centre national pour le développement du sport sans toutefois rappeler qu’elle est compensée par un redéploiement des crédits sur d’autres missions dépendant du ministère des sports. Le budget du ministère augmente considérablement, en particulier celui des programmes qui touchent l’accès au sport pour tous.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien !

    Mme Sophie Mette

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    J’en viens au contenu de la proposition de loi. Nous avons déjà eu l’occasion de vous dire, monsieur le rapporteur, que nous n’approuvions pas les conditions de mise en œuvre du dispositif, qui nous paraît remettre en cause l’équilibre financier de nos clubs professionnels. Il nous semble en effet risqué de n’instaurer cette contribution ou cette taxe que dans le cadre français. Nous l’avons dit : nos clubs professionnels, dans le monde du football comme ailleurs, sont souvent moins forts que leurs voisins européens, et nous craignons qu’une telle mesure ne vienne grever davantage leur compétitivité. Le législateur en a d’ailleurs parfaitement conscience, puisque notre assemblée a voté récemment un texte, la loi du 1er mars 2017, qui vise en particulier à améliorer la compétitivité des clubs. Le moment ne nous semble pas le plus opportun pour mener ce genre d’action.
    Nous avons entendu l’argument, soutenu également par nos collègues de La France insoumise, selon lequel l’initiative française aurait un effet d’entraînement en Europe. Nous sommes d’accord avec cette proposition pour peu que l’action ne soit pas menée unilatéralement. Le poids du football français et des clubs sportifs n’est pas suffisant au niveau européen pour que cela ait un effet sensible sur nos voisins. Nous vous rejoignons cependant pour dire que la France doit être aux avant-postes sur les questions d’éthique, de déontologie et de bonnes pratiques, afin d’inciter nos partenaires européens à s’investir à leur tour dans ce domaine.
    Par ailleurs, du seul point de vue financier, si l’on considère le monde du football, l’État tire largement son épingle du jeu au travers des multiples taxes et impôts payés par les clubs et les joueurs. L’État récupère assez d’argent au titre des taxes sur les transferts de joueurs payés par les clubs. À l’instar d’autres collègues, j’ai évoqué les chiffres correspondants en commission. Dans le cas le plus emblématique de ces dernières années, le transfert de Neymar, on estime le gain à 237 millions d’euros sur cinq ans.
    Nous le répétons : soyons vigilants et faisons attention au message négatif qu’une telle contribution enverrait au monde footballistique. Au moment où nous cherchons à attirer les talents du monde entier, scientifiques, intellectuels et sportifs, une telle mesure pourrait sembler contre-productive. Nous sommes bien entendu prêts à examiner la manière dont l’État pourrait, par divers mécanismes fiscaux et de répartition, mieux soutenir les clubs amateurs, mais la présente mesure risque au contraire de priver l’État de ressources somme toute très importantes.
    D’autant que de tels mécanismes existent déjà en ce sens, notamment ceux qu’a instaurés la FIFA. Je pense en particulier à l’indemnité de formation, qui permet aux clubs d’origine de bénéficier d’une rétribution en cas de transfert international de leurs anciens joueurs. C’est sur cette voie que nous devrions avancer, afin d’améliorer le partenariat entre sport professionnel et sport amateur. Il faut inscrire ce genre de démarche de solidarité au sein d’une même filière d’activité.
    Là encore, cette disposition ne fonctionne que parce qu’elle est mise en œuvre au niveau adéquat, c’est-à-dire à un niveau international, sans quoi elle serait inopérante. Nous demandons qu’il en soit de même pour la proposition dont nous discutons, d’autant que cela aurait un effet neutre pour les clubs, dans la mesure où ils seraient tous logés à la même enseigne. L’attractivité du championnat est telle que sa compétitivité ne serait pas affectée par une taxe à 5 %.
    Enfin, je l’avais souligné en commission, nous faisons comme si seul le football pouvait être concerné. Or j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que cette proposition de loi toucherait l’ensemble des fédérations sportives nationales. Ne faisons pas comme si seul le football occupait nos esprits : nous devons aussi envisager la déstabilisation qu’une telle mesure entraînerait pour toutes les fédérations.

    M. Vincent Descoeur

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    Pour le rugby !

    Mme Sophie Mette

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    Pas seulement pour le rugby.
    Pour conclure, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés porte toute son attention au sort des clubs amateurs, et s’associe en cela au rapporteur. Nous souhaitons examiner à l’avenir les initiatives que nous pourrions prendre en France, mais aussi et surtout au niveau européen, afin de nous assurer d’une plus grande solidarité entre les deux niveaux sportifs, le professionnel et l’amateur. Compte tenu des considérations que je viens d’évoquer, nous estimons que cette loi ne serait pas efficace, voire qu’elle serait contre-productive. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ne la soutiendra donc pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe REM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Gomez-Bassac.

    Mme Valérie Gomez-Bassac

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    Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis heureuse que nous abordions une nouvelle fois, dans cet hémicycle, le thème du sport. En effet, pour ceux qui en doutent encore, c’est à la fois un sujet et un enjeu de notre société.
    Je salue l’engagement de l’État et le vôtre, madame la ministre, dans le travail mené depuis six mois. Cette action s’inscrit pleinement dans le cadre des propositions du Président de la République lors de la campagne électorale. Outre le sport de haut niveau, il est plus que jamais nécessaire, pour notre cohésion sociale, de promouvoir le sport pour tous. En ce sens, les jeux Olympiques de 2024 seront l’occasion, pour nos athlètes français, de briller sur la scène internationale, mais aussi de briller dans les yeux de nos enfants, en leur insufflant, si ce n’est une nouvelle passion, tout au moins un intérêt certain pour des disciplines encore peu connues.

    M. Fabien Di Filippo

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    On l’espère !

    Mme Valérie Gomez-Bassac

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    L’État s’engage pour le sport et soutient ses acteurs. Je veux rappeler ici la force et la vitalité de notre tissu associatif et, contrairement à ce que certains aiment à dire, le Gouvernement et la majorité n’abandonnent pas les associations. Nous savons ce que nous leur devons, et c’est pourquoi notre objectif est tant d’accompagner les associations de proximité que de développer l’engagement civique et citoyen. Pour être à la hauteur de cet objectif, les crédits consacrés à la vie associative seront stables en 2018 et les ressources du Fonds pour le développement de la vie associative augmenteront de 25 millions d’euros.
    Notre sport vit aussi sur tout le territoire grâce à ses fédérations. Comptez sur l’État pour les soutenir : il le fait avec 3 millions d’euros supplémentaires pour les conventions pluriannuelles d’objectifs, la mise à disposition d’agents du ministère des sports et bien d’autres actions. C’est en partenariat avec les fédérations que nous pourrons promouvoir la pratique sportive, pour tout le monde – les femmes, les seniors, les personnes en situation de handicap – et partout en France – dans les territoires ultramarins, dans les quartiers relevant de la politique de la ville, dans les zones rurales.
    Mais évidemment, nous le savons, l’État ne peut pas et ne doit pas être le seul acteur. Je n’adhère pas à cette caricature contenue dans l’exposé des motifs : « les fédérations professionnelles qui brassent des sommes d’argent très importantes ». Le sport en France, ce n’est pas que le football et, d’ailleurs, la situation économique du football français n’est pas des meilleures – nous pourrons y revenir. Ce que je retiens, c’est l’importance du sport professionnel pour le sport en général. Reprenons l’exemple du football : pour la saison 2012-2013, le football professionnel a entrepris plus de 950 opérations pour valoriser le football amateur. Quelque 3 500 clubs sont concernés, et 700 opérations impliquent des joueurs professionnels. Ce même football professionnel finance directement le football amateur à hauteur de 100 millions d’euros par an, que ce soit par l’intermédiaire de la taxe sur les droits de diffusion ou du Fonds d’aide au football amateur – et encore, mon temps de parole ne me permet pas d’être exhaustive.
    Il nous est proposé de mettre en place un nouveau mécanisme de solidarité alors qu’il en existe déjà de nombreux. Loin de moi l’idée de dire qu’ils sont tous parfaits, mais commençons par améliorer les outils existants avant d’en accumuler d’autres, à plus forte raison une taxe de 5 %. C’est ce que nous faisons, à titre d’exemple, avec le Centre national pour le développement du sport. Créé il y a plus de dix ans, celui-ci permet de contribuer au développement de la pratique sportive ; il est l’acteur public principal du sport pour tous. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, nous avons souhaité le rendre plus efficient encore. Pourquoi le CNDS devrait-il prendre à son compte des missions de dimension nationale ? Ce n’est pas normal, et l’État a pris ses responsabilités en reprenant ces éléments à sa charge, afin que l’établissement puisse se recentrer sur ses actions de proximité. Au-delà de cette redéfinition budgétaire, nous voulons engager une profonde réforme de la gouvernance des sports dans le but de rendre la dépense publique plus efficace, comme l’exigent nos concitoyens. Je sais pouvoir compter sur votre détermination, madame la ministre.
    Vous l’aurez compris mes chers collègues : des mécanismes de solidarité existent déjà, et cette taxe n’est, en l’état, pas pertinente. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire que votre proposition, aussi recevable soit-elle, pèche sur de nombreux points.
    D’abord, dans la mesure où la taxe serait appliquée à partir d’un certain montant, elle créerait, de fait, un effet d’aubaine, avec des transferts pour des sommes inférieures à ce seuil. De plus, vous ne fixez pas ce montant : vous le laissez à l’appréciation du Conseil d’État.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Non, pas tout à fait !

    Mme Valérie Gomez-Bassac

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    Une autre incertitude subsiste. Pour vous paraphraser, vous appelez de vos vœux « une réduction des prélèvements portant sur les salaires », qui viendrait compenser la taxe. Votre confiance est fort sympathique mais rien, en l’état, ne viendrait répondre à votre appel.
    Pour finir, vous évoquez « les montants astronomiques des indemnités de transfert de certains sportifs professionnels ». Or, pour traiter le cas de quelques joueurs, vous proposez une taxe de 5 % qui affecterait tous les clubs sportifs.
    Monsieur le rapporteur, le diagnostic que vous posez n’est pas faux, mais vous n’apportez pas la bonne solution. Il faudra se saisir plus largement de la question, en élevant le débat et en l’élargissant à l’organisation du financement du sport amateur, aux liens entre fédérations nationales et clubs.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    C’est vrai !

    Mme Valérie Gomez-Bassac

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    Je termine mon intervention en citant une nouvelle fois votre rapport : « le rapporteur a bien conscience du fait que c’est à l’échelle européenne que ce problème trouvera une solution ». Je suis tout à fait d’accord avec vous. Cette taxe nuira à coup sûr à la compétitivité des clubs français, déjà mis à mal. Donc, si la France doit être à l’initiative, elle ne peut pas et ne doit pas avancer seule, sans ses partenaires européens, et encore moins sans associer les peuples. Ce processus de co-construction et de consultation est au cœur de notre projet, et c’est le sens de notre action. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabien Di Filippo.

    M. Fabien Di Filippo

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    Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le transfert de Neymar du FC Barcelone au Paris-Saint-Germain pour 222 millions d’euros l’été dernier a fait beaucoup parler et couler beaucoup d’encre. Si l’on prenait 1 % de cette somme et que l’on y adjoignait quelques petites subventions, on pourrait construire un gymnase dans l’une de nos petites communes. L’argent du football, parce que c’est une activité hyperpopulaire et hypermédiatique – comme l’est un peu parfois la politique –, fait beaucoup fantasmer.
    L’exemple précédent laisse à penser que l’on tirerait de gros moyens d’une ponction sur tous les transferts. Mais une telle ponction serait-elle juste ? À quel titre serait-elle effectuée ? Le sport professionnel est-il aujourd’hui exempt de taxes, d’impôts et de contributions ? Comment réagirait-on si l’on faisait de même pour d’autres activités économiques ? Quel est le rôle de chacun des acteurs évoqués par les orateurs qui m’ont précédé, à savoir l’État, les collectivités, les fédérations, les ligues et les clubs, amateurs et professionnels ? Qui a augmenté ses soutiens solidaires au cours des dernières années ? Et qui s’est désengagé ?
    Bien entendu, monsieur le rapporteur, si nous examinons de près la situation de nos associations sportives et leurs difficultés, nous partons d’un constat implacable, que je partage. Premièrement, les contraintes administratives et réglementaires se sont accrues, et le bénévolat est aujourd’hui totalement différent : c’est un engagement plus fluctuant, plus ponctuel, moins constant. Deuxièmement, la crise économique a eu un impact sur les dons et le mécénat des entreprises et, partant, sur les finances des petites associations. Troisièmement, au cours des dernières années, les collectivités ont dû baisser leurs aides et leurs soutiens sous la pression des baisses de dotations et des ponctions sur leur budget.
    La pratique sportive évolue : elle s’individualise, ce qui pose aussi problème à nos associations. Mais, globalement, l’économie du sport est en croissance, et il faut s’en féliciter. Celle du sport professionnel l’est également, et c’est tant mieux, car cela crée de l’emploi, des richesses et de l’activité. Cela donne aussi lieu à des retransmissions et à de la médiatisation, qui poussent les jeunes à se mettre au sport ou à tester de nouvelles activités, dans lesquelles ils pourront se former et s’épanouir. Quand une chose marche, il ne faut pas systématiquement réfléchir à la manière de la taxer.
    Nous avons principalement quatre réserves concernant ce texte.
    Premièrement, le sport associatif est certes une activité d’intérêt public, qu’il faut soutenir, pour des raisons de lien social, de santé, d’éducation, mais le sport professionnel est, qu’on le veuille ou non, une activité économique privée à part entière – la forme juridique des clubs le montre : ce sont des sociétés anonymes ou des sociétés à objet sportif –, avec ses contraintes de compétitivité sur un marché international.
    On peut fantasmer sur une taxe Neymar mais, en réalité, si l’on ajoute une telle taxe aux taxes déjà existantes, de tels transferts ne se réaliseront même plus en France, et il n’y aura de toute façon plus d’investisseurs pour les financer. En définitive, il n’y aura aucune recette supplémentaire pour le sport amateur. Il ne faut pas être schizophrène : on ne peut pas vouloir que nos clubs réussissent sur la scène continentale et les lester de boulets supplémentaires, alors qu’ils subissent déjà une fiscalité bien supérieure à celle des pays voisins. Et il ne faut pas oublier que le sport professionnel participe à plusieurs cercles vertueux : un cercle vertueux économique, puisque, comme on l’a dit tout à l’heure, il stimule tout un pan d’activités annexes dans le secteur privé et public ; un cercle vertueux sportif, puisqu’il rend les disciplines, la pratique sportive et les clubs attractifs pour notre jeunesse.
    Deuxième réserve, il est prévu que cette taxe s’applique au niveau franco-français, ce qui n’est absolument pas l’échelle pertinente aujourd’hui pour une telle taxe, car les clubs professionnels évoluent sur des marchés globalisés : ils ne doivent pas être marginalisés. En effet, cela pose le problème de l’extraterritorialité de notre droit. On ne peut imposer cette taxe aux clubs étrangers, qui nous vendent leurs joueurs. On n’imagine pas l’État français collecter cette taxe auprès de clubs espagnols, allemands, italiens ou anglais.
    Ensuite, la FIFA a mis en place une réglementation permettant un reversement des indemnités aux clubs formateurs, en cas de transferts. Celle-ci est acceptée et plébiscitée pour plusieurs raisons : elle est juste – 5 % des transactions entre deux pays sont reversés aux clubs formateurs des joueurs, y compris quand ils sont amateurs ; elle est globale, c’est-à-dire qu’elle s’applique dans le monde entier ; enfin, elle est efficace, car elle permet de développer les clubs formateurs qui, à leur tour, forment des talents pour le monde professionnel. Comment accepter que, demain, ce soit aux clubs professionnels de football de financer des nouveaux boulodromes ou des cours de tennis, que l’État ne finance plus ou quasiment plus ?
    Troisième réserve, les mécanismes de solidarité existent d’ores et déjà entre les clubs professionnels et le sport amateur. Contrairement aux financements de l’État, ils se développent. Il y a tout d’abord des flux financiers qui vont des clubs professionnels vers les clubs amateurs. Je pense à la taxe dite Buffet sur les retransmissions audiovisuelles des événements sportifs nationaux, qui est versée par les ligues professionnelles au CNDS, et qui constitue aujourd’hui la première source de financement de ce dernier, à hauteur de 45 millions d’euros. De même, les ligues professionnelles financent les fédérations nationales qui, à leur tour doivent reverser cette manne aux comités, aux districts et aux clubs. Enfin, des solidarités financières internes aux clubs existent entre les sociétés sportives et leurs associations.
    Il faut aussi évoquer les fondations caritatives que possèdent la plupart de nos clubs professionnels, qui, dans le domaine du football, représentent quand même 72 millions d’euros. Enfin, j’ajoute que les clubs professionnels font œuvre formatrice pour notre jeunesse, via les associations support qu’ils financent – je l’ai évoqué à l’instant – et leurs centres de formation professionnelle, qui accueillent les jeunes et les préparent à une carrière d’élite.
    Enfin, quatrième réserve, une telle taxe cible seulement le football car, en réalité, c’est le seul sport où il existe des indemnités de transfert sur des contrats pluriannuels – avec, peut-être, le rugby, mais de manière très marginale. En outre, un seuil déterminant les transactions concernées devra être fixé par décret et les conditions d’application de la loi devront être précisées. Ces dernières ne concerneront de toute façon que le football.
    Mais dans un futur plus ou moins proche, les autres disciplines se développant rapidement, cette taxe perturbera l’essor et le rayonnement international des clubs français, qu’il s’agisse du handball, du basket-ball, ou du rugby. Or ces disciplines dites mineures concernent beaucoup de villes moyennes dans nos circonscriptions, où ces clubs animent nos territoires et en font la fierté.
    En définitive, on en revient à notre question initiale : est-ce aux clubs professionnels de pallier les carences du financement des associations, notamment celles de l’État ? Celui-ci fait aujourd’hui des choix discutables, qui pénalisent nos associations et le sport pour tous. Je le rappelle, le budget du CNDS a été amputé de 64 millions d’euros. La suppression de la réserve parlementaire et son amputation de moitié représentent une diminution de 25 millions d’euros pour nos associations. L’arrêt brutal des contrats aidés a concerné un certain nombre de nos clubs. Enfin, les moyens des collectivités territoriales ont diminué, alors que celles-ci sont les premiers financeurs des équipements sportifs et les premiers « subventionneurs » de nos clubs.
    Une telle taxe détruirait la compétitivité de notre sport professionnel sans apporter, en définitive, de manne supplémentaire au sport amateur. Tout le monde serait perdant. En revanche, afin que les Jeux olympiques Paris 2024 soient la fête du sport pour tous et pas seulement la fête du sport d’élite ou de la région parisienne, nous attendons toujours, madame la ministre, qu’un pourcentage des recettes de cet événement exceptionnel participe au financement des équipements sportifs dans tous les territoires, ou au financement des projets des associations sportives amateurs.
    Ainsi, vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains n’est pas favorable à ce texte, mais il est prêt à travailler de manière transpartisane sur des mécanismes qui renforceront le développement des pratiques sportives amateurs et l’essor de nos clubs.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Très bien !

    (À seize heures, M. Sacha Houlié remplace Mme Carole Bureau-Bonnard au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Sacha Houlié
    vice-président

    M. le président

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    La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

    M. Belkhir Belhaddad

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    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l’objectif de la proposition de loi est louable, celle-ci se heurte néanmoins à plusieurs limites d’ordre juridique, économique et technique. Ce premier élan fait place au principe de réalité. Le sport représente aujourd’hui 1,8 % du produit intérieur brut, plus de 35 milliards de chiffre d’affaires, et un peu plus de 290 000 emplois directs. La moitié de ce chiffre d’affaires est financée aux deux tiers par les collectivités locales ; viennent ensuite l’État, les régions et les départements. N’oublions pas aussi de valoriser le bénévolat : dans l’agglomération messine, j’ai compté environ 1,6 million d’heures de bénévolat chaque année ; si on les valorisait, elles représenteraient plus de 16 millions d’euros. En outre, 80 % des infrastructures sportives appartiennent à ces collectivités, et ces infrastructures comprennent à la fois le city stade, les stades de ligue 1 ou les arénas.
    Ensuite, il faut distinguer, dans le champ professionnel, le football et le rugby, qui ont un modèle économique fondé notamment, depuis ces quinze dernières années, sur les droits de diffusion à la télévision, qui représentent un tiers de leur budget. Il faut aussi distinguer le basket-ball, le hand-ball et le volley-ball, dont les budgets dépendent largement de financement public – ces derniers représentent, dans le secteur du volley-ball, 20 à 80 % du budget – et, enfin, les clubs amateurs, qui dépendent presque exclusivement de financements publics. On voit bien là l’hétérogénéité du modèle du financement du sport français, qui présente de grandes fragilités à tous les niveaux.
    Certes, il existe une vraie défiance vis-à-vis du sport professionnel, notamment en raison des montants très importants des transferts des joueurs. En outre, je partage le constat des difficultés rencontrées par nos clubs amateurs – elles ont été rappelées. Pour autant, cette proposition de loi n’apporte pas de réponses satisfaisantes aux problèmes évoqués précédemment. Il n’y a pas d’étude d’impact économique, juridique et technique : la proposition de loi est donc très fragile et ses dispositions risquent notamment de ne pas être conformes au droit communautaire. À cet égard, je salue la volonté de Mme la ministre d’essayer de modifier les choses sur le plan européen.
    En outre, des mécanismes de soutien au sport professionnel et au sport amateur existent déjà, même s’ils sont insuffisants ; je pense notamment à la taxe Buffet. Le mouvement sportif a également organisé une certaine solidarité entre sport professionnel et sport amateur, notamment à travers le versement d’indemnités aux clubs formateurs lors des transferts internationaux de joueurs. Par exemple, le centre de formation du FC Metz a investi, grâce à ces transferts, près de 700 000 euros au cours des trois ou quatre dernières années dans un centre de formation à Dakar et à Metz. Les enfants de Dakar et de Metz suivent un parcours de réussite éducative et sportive remarquable et exemplaire.
    J’ajoute que le football professionnel français finance directement le football amateur grâce au Fonds d’aide au football amateur – FAFA –, doté de 15 millions d’euros. Ainsi, la ville de Metz a pu profiter de ces fonds, pendant ces dix dernières années, pour investir massivement dans nos équipements. Cela a été également le cas pour les terrains de rugby, après la coupe du monde organisée en 2007.
    Je pense qu’il vaut mieux renforcer ces dispositifs. Nous savons tous ici que le sport professionnel est un phénomène de société majeur rassemblant un grand nombre de spectateurs et de téléspectateurs. Or, force est de constater qu’aujourd’hui, le sport professionnel et les clubs français sont en grande difficulté. À cet égard, il faut bien avoir conscience que le sport professionnel français ne peut se réduire à quelques rares clubs disposant de ressources financières substantielles, en particulier dans le football.
    Au-delà du contexte économique global défavorable, cette situation préoccupante des clubs français provient essentiellement de facteurs structurels : leurs recettes ne sont pas suffisamment diversifiées. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de propositions avaient été faites lors de la remise du rapport sur le sport professionnel en avril 2016 à Thierry Braillard, secrétaire d’État aux sports. De même, la loi Bailly visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, adoptée en début d’année, a permis des avancées importantes, notamment au sujet de la garantie d’emprunt accordée par les acteurs publics.
    L’un des objectifs est bien de permettre aux clubs professionnels d’acquérir, à court et moyen terme, les stades qui deviendront pleinement leur outil de travail et leur permettront de générer des recettes nouvelles. Ainsi, ils ne dépendront plus des financements publics. Cela permettra notamment de financer les clubs amateurs. Voilà un changement de paradigme qu’il me semble vraiment intéressant de poursuivre pour le sport français, pour nos concitoyens et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Cormier-Bouligeon.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre aujourd’hui illustre une nouvelle fois, hélas, ce que les Français ont rejeté lors des dernières élections. Ainsi, plutôt que d’utiliser à bon escient toutes leurs niches parlementaires, nos oppositions préfèrent parfois nous présenter des textes ayant non pas vocation à améliorer la vie de nos concitoyens, mais uniquement destinés à faire le buzz.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    C’est notre liberté !

    M. Maurice Leroy

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    Cela ne risque pas de vous arriver !

    M. Jean-Marie Sermier

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    Vous avez le doigt sur la couture du pantalon !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    J’en veux pour preuve la vidéo déconcertante où deux de nos collègues jouent au ballon dans les jardins de l’Assemblée nationale pour présenter une mesure que l’on qualifiera, au mieux, de démagogique. Nul besoin de montrer un maillot pour démontrer son appétence pour le sport. Ce n’est pas l’idée que je me fais de la mission que nous ont confiée nos concitoyens.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Nous non plus !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    La politique n’est pas un jeu, et le buzz ne doit pas se substituer au fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. François Ruffin

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    On parlait du fond, avant que vous n’arriviez !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est d’autant plus regrettable que ce texte est le premier de la législature sur le sujet du sport, qui mérite mieux. Cette proposition de loi, disons-le franchement, n’est pas à la hauteur des enjeux.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Arrêtez de donner des leçons !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Si l’idée peut séduire à première vue, on voit très vite qu’elle va trop loin d’un point de vue fiscal, au risque de nuire à la compétitivité de nos clubs, et pas assez loin au plan géographique, au risque d’isoler la France sur un marché très ouvert. Il est évident que ce type de taxation ne peut s’envisager qu’à un niveau européen, voire mondial.

    M. Ugo Bernalicis

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    Intergalactique !

    M. Maurice Leroy

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    Intersidéral !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Néanmoins, je sens bien, mon cher collègue, qu’en proposant ce texte, vous exprimez une passion réelle et un engagement authentique en faveur du sport. C’est pourquoi je vous invite à travailler à nos côtés sur le projet ambitieux que la majorité va mettre en œuvre, pendant ce quinquennat, au côté de Laura Flessel, notre ministre.
    Augmenter de dix points la pratique sportive des Françaises et des Français ;…

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Un vrai budget pour le sport ?

    M. François Cormier-Bouligeon

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    …améliorer la chaîne qui va du sport scolaire au sport en club, en passant par le sport universitaire, pour accroître le nombre de licenciés ; s’interroger sur l’explosion des pratiques désintermédiées ; avoir conscience que, dans notre pays, les femmes et les citoyens de conditions modestes pratiquent nettement moins le sport que les hommes appartenant aux catégories socialement favorisées, et travailler à réduire cette inacceptable inégalité ; refonder l’organisation et la gouvernance du sport pour les rendre plus transparentes et plus efficientes encore ; adapter les services pour accompagner et soutenir les bénévoles, qui sont les pierres angulaires de nos clubs ;…

    M. Stéphane Peu

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    Ce n’est pas le nouveau monde !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    …améliorer la reconversion des sportifs de haut niveau, qui méritent d’être accompagnés au-delà de leur carrière sportive, pour laquelle ils ont tout sacrifié, et qui peuvent tant apporter à notre société grâce aux aptitudes qu’ils ont acquises ;…

    M. Jean-Marie Sermier

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    C’est hors sujet !

    M. Maurice Leroy

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    C’est votre intervention, qui n’est pas de haut niveau !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    …développer le sport santé au profit des 11 millions de Français atteints d’affection de longue durée, et pour lesquels une pratique physique encadrée peut améliorer sensiblement le bien être ; poursuivre la mise en place du contrat de filière sport pour amplifier la dynamique en cours permettant de développer l’économie du sport, les emplois qu’elle génère, l’innovation qu’elle porte, et son poids à l’export.

    M. Ugo Bernalicis

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    Libérez les énergies !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Voilà un horizon riche, utile et exaltant, vers lequel nous pourrons d’autant mieux tendre grâce à l’attribution à la France des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Ces sujets-là méritent un travail approfondi et, je dirais même mieux, une co-construction entre le Gouvernement et le Parlement.

    M. Maurice Leroy

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    Faites-le !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Nous l’avons initiée en nous donnant les moyens de nos ambitions dès 2018, avec une augmentation des crédits du sport de près de 8 % tels qu’ils ressortent des lois de finances votées ces dernières semaines.
    J’ai commencé mon propos par une sorte de réquisitoire…

    M. Maurice Leroy

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    Très modéré !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    …contre ce texte : je le conclus par une main tendue. (Exclamations sur les bancs du groupe UAI.) Ne cherchons pas à monter les uns contre les autres, les riches contre les plus humbles (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.– Exclamations sur les bancs du groupe UAI), mais rassemblons tous les sportifs autour de ces valeurs communes que sont le respect des autres et de soi-même et le dépassement de soi, valeurs cardinales qui permettent l’émancipation par le sport. C’est cela le cœur du sujet, c’est cela le cœur du projet de la République de progrès, dans lequel le sport a toute sa place.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est gonflé !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est pourquoi, si nous ne votons pas ce texte, nous appelons l’ensemble de nos collègues sur tous les bancs à nous rejoindre pour œuvrer au service du sport pour tous qui est notre ambition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    Nous en venons à la motion de rejet préalable.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Monsieur le président, je souhaite pouvoir répondre aux orateurs.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Zumkeller, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Répondre aux orateurs est une pratique courante, monsieur le président. J’ai cru comprendre que le dernier collègue à s’être exprimé ne nous laissait même plus le droit de choisir les textes que nous souhaitions présenter dans le cadre de notre niche. Si nous n’avons plus celui de répondre aux orateurs de la discussion générale, notre situation va devenir compliquée.

    M. le président

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    Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Je ne reviendrai pas sur la dernière intervention : elle était si brillante que je ne serais pas à la hauteur. Vous avez remarqué que je suis responsable de tout ou presque, des maladies, notamment. Je le regrette, c’est ma faute, ma très grande faute.
    Plus sérieusement, je veux remercier les différents intervenants qui, tous, ont pris des positions respectables. Je tiens à saluer une nouvelle fois le groupe UDI, Agir et indépendants, qui a fait le choix de présenter cette proposition de loi parmi bien d’autres. Oui, c’est notre choix. Comme l’ont souligné un grand nombre d’intervenants, ce sujet méritait d’être soulevé. Nous sommes fiers au moins de l’avoir fait. (Applaudissements sur les bancs des groupe UAI, GDR et FI.)
    Je tiens également à saluer François Ruffin, avec son style particulier, Marie-George Buffet et tous ceux qui soutiennent ce texte, parce qu’ils pensent que, sans être la solution idéale, il concourt à trouver une voie. Je salue enfin tous ceux qui s’y sont opposés, mais qui se sont efforcés de développer différents points de vue.

    M. Maurice Leroy

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    Sauf le dernier !

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Si tous ont reconnu que le sujet méritait d’être soulevé, toutefois, trois objections importantes sont faites au texte. La première concerne l’Europe. La solution ne peut être qu’européenne : nous sommes d’accord. Toutefois, il faut bien que quelqu’un commence si nous ne voulons pas tuer l’Europe en la laissant discréditer tous les jours. C’est pourquoi nous disons : c’est nous qui allons commencer. Mme Buffet l’a fait en matière de dopage et de droits de diffusion, et cela a marché ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UAI, GDR et FI.) Certes, le football était surtout visé, mais c’est toujours du sport ! Et pourquoi nous limiter à l’Europe ? Le football n’est pas européen, madame la ministre.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il est mondial !

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    À quoi servira que la Commission européenne prenne une décision ? Qu’en feront les Chinois, les Indiens, les Américains ou les Sud-Américains ? S’il faut prendre l’avis de tout le monde, on n’y arrivera jamais ! Il faut donc bien, je le répète, que quelqu’un commence, et je souhaite que ce soit…

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    L’Europe !

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    …la France, qui peut être la lumière sur le sujet, comme je l’ai déjà souligné. Si nous ne le faisons pas, nous n’y arriverons jamais.
    La deuxième objection est le risque financier. J’espère que nous pourrons examiner l’amendement, très intéressant, de Mme Buffet sur le sujet. Selon vous, la disposition coûtera trop cher aux clubs de football, alors même que le texte prévoit de prélever une taxe de 5 % sur chaque transfert. Si vous adoptez l’amendement de Mme Buffet qui vise à plafonner les rémunérations des agents sportifs à 6 % du montant des indemnités de mutation, eh bien, les 5 % coûteront moins que les 10 % versés actuellement aux agents sportifs. Les clubs seraient capables de donner 10 % aux agents sportifs mais incapables de donner 5 % pour le sport amateur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UAI, GDR et FI.) Telle est la vérité !

    M. Yannick Favennec Becot

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    Exactement !

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    À vous de faire votre choix, mais les deux objections me semblent tomber à côté du sujet.
    De plus, si, par malheur, cette proposition de loi n’était pas adoptée, ce que je ne crois pas un seul instant, je tiens à rappeler les auditions auxquelles nous avons procédé. C’est vrai que les représentants du sport professionnel, notamment du football, ont souligné qu’ils donnaient beaucoup aux fédérations sportives : le chiffre de 73 millions d’euros par an a été avancé. Eh bien, je vous le demande de nouveau, accompagné de mes collègues qui participent aux assemblées générales : où passe l’argent ? Pourquoi les petits clubs n’ont-ils pas les 2 000 ou 3 000 euros nécessaires pour verser le salaire de l’éducateur si le chiffre de 73 millions est exact ?
    Madame la ministre, si jamais ce texte n’est pas adopté, au moins, engagez-vous dans cette voie-là : vérifiez ! Cet argent ne sert-il pas à payer des sièges somptueux, si bien qu’au bout du compte les bénévoles ne reçoivent rien ? N’est-ce pas là le vrai sujet ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UAI et FI.) Voilà ce que je tenais à dire. Manifestement, nous partageons le constat suivant lequel il faut aider le sport et le sport amateur. Eh bien faites-le ! Grâce à ce texte, vous en aurez la possibilité dans quelques minutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UAI et FI.)

    Motion de rejet préalable

    M. le président

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    J’ai reçu de M. Richard Ferrand et des membres du groupe La République en marche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 10, du règlement.
    La parole est à M. Cédric Roussel.

    M. Philippe Vigier

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    Il faut être en forme pour défendre une telle motion !

    M. Cédric Roussel

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    Je vous remercie de vos encouragements.
    Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe UDI, Agir et indépendants pour le thème de sa proposition de loi. Je salue M. le rapporteur qui nous a permis de nous saisir du dossier en commission des affaires culturelles et de l’éducation, de prendre part au débat et de le faire progresser grâce aux amendements, que nous avons examinés, et rejetés, en commission et qui sont de nouveau présentés en séance publique. Nous avons également mené des auditions conjointement avec M. Zumkeller.
    Cette proposition de loi, qui est simple, est construite autour d’un unique article. Elle vise à instaurer une taxe de 5 % au-delà d’un certain montant non encore défini sur les transferts de sportifs professionnels. Le produit de cette taxe, introduite à compter du 1er août 2018, serait reversé au CNDS, qui la répartirait ensuite aux clubs sportifs amateurs.
    Mes chers collègues, nous sommes d’accord sur un point : nous avons tous été étonnés des montants exorbitants des dernières transactions estivales dans le milieu du football. Il faut donc penser le cadre adéquat de cette régulation, rechercher la bonne formule pour encadrer concrètement ces transferts et, surtout, mettre en œuvre un dispositif qui ne pénalise pas notre pays, tout en permettant la nécessaire solidarité avec le sport amateur que nous voulons tous.
    Je n’insisterai pas sur les problèmes de concurrence au niveau du droit européen : mes collègues de la République en Marche se sont parfaitement exprimés sur le sujet. Mais soyons précis, car cette proposition de loi pourrait, en l’état, avoir plus d’inconvénients que d’avantages.
    En effet – c’est le premier point et principal argument qui irrigue tout mon propos –, si nous devons penser la régulation de ce marché, aujourd’hui dans le football, demain dans d’autres sports, il paraît très difficile, voire dangereux, d’établir une taxe au seul niveau national, alors même que l’économie du sport, en l’espèce du football, est essentiellement européenne, voire internationale.
    Cette taxe n’aurait de sens que si elle était portée au niveau du continent, afin que tous les clubs européens soient confrontés aux mêmes règles du jeu. Si cette hypothèse était retenue, la création d’un prélèvement sur les mutations de joueurs ne devrait être envisagée que dans le cadre d’un arrangement fiscal au niveau de l’Union européenne. Il serait en effet étonnant que nous installions des éléments de concurrence faussée aux dépens de notre pays, à l’heure même où la France aspire à harmoniser fiscalement et socialement l’Union européenne.
    J’en viens à la question de la compétitivité. D’un point de vue économique, cette taxe pénaliserait fortement les clubs français et renforcerait le déséquilibre concurrentiel entre nos clubs et ceux des principaux pays européens, sans véritable espoir d’imitation. Certains d’entre vous, je le sais, espèrent que cette mesure sera adoptée dans d’autres pays qui suivraient en cela l’exemple de la France. Or, pourquoi le feraient-ils, alors même qu’ils sont déjà plus compétitifs que nous ? Pourquoi le feraient-ils, alors que l’adoption dans notre seul pays renforcerait encore cet avantage pour eux ? Par ailleurs, sommes-nous certains que tous ces pays sont confrontés aux mêmes problématiques et qu’ils ont tous les mêmes besoins de financement du sport amateur ?
    Mes chers collègues, soyons réalistes, le poids actuel du football français au sein des différents championnats européens ne semble pas donner un rôle moteur à notre pays pour l’instauration d’une telle taxe chez nos voisins européens. Si le secteur du football professionnel français est fortement créateur d’activité et d’emploi, il reste très peu compétitif au regard des autres marchés européens.
    Bien entendu, nous avons des motifs de nous féliciter et surtout de féliciter les dirigeants pour la professionnalisation des clubs français. Bien entendu, la croissance du chiffre d’affaires du football français est continue. Bien entendu, pour la première fois depuis sept saisons, le résultat net cumulé des quarante clubs de football professionnel est excédentaire, bien que timidement.
    Toutefois, il s’agit de comparer ce qui est comparable. Les clubs des pays du Big Four – Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie – disposent de chiffres d’affaires sans commune mesure avec le nôtre. Le seul résultat net des clubs anglais est quasiment trois fois plus élevé que celui des clubs français. Les principales raisons de cet écart, nous les connaissons : les ressources tirées des droits audiovisuels sont, pour nos clubs, bien moins importantes qu’ailleurs et la fiscalité qui pèse sur les clubs ainsi que les charges sociales sont sensiblement plus lourdes en France. Il ne m’appartient pas d’en juger ici, ni d’un point de vue économique ni d’un point de vue moral, mais c’est un fait. N’oublions pas que le ratio masse salariale sur chiffre d’affaires représente pour les clubs français de football plus de 60 %.
    Nous comprenons ainsi aisément les raisons pour lesquelles les acteurs du secteur sportif français, alors même qu’ils essaient de rattraper doucement l’attractivité des autres clubs européens, sont tous opposés à cette mesure de taxation des transferts au seul niveau national. L’instauration de cette taxe sur notre seul sol entraînerait une baisse de compétitivité pour nos clubs, laquelle ferait baisser la qualité de notre championnat et mettrait à mal les efforts entrepris pour renforcer l’attractivité de notre ligue. Car ce sont les agents des joueurs qui font les transferts et qui tiennent le marché. Ils sont mobiles. Ils ont une logique européenne, voire internationale.
    De plus, la date de déclenchement de la taxe dont la proposition de loi prévoit la création, à savoir le 1er août, pose un réel problème. Alors que le mercato estival se termine le 31 août, les clubs, pour acheter les joueurs les plus performants, et cela juste après la coupe du monde de football en Russie, où certains champions se seront révélés, seront tentés de clore les transferts avant le 1er août. De fait, ces joueurs, qui pourraient rejoindre le championnat français, deviendraient automatiquement plus chers et le temps d’organiser leur transfert beaucoup plus court, au sein d’un seul championnat, le nôtre.
    En l’état, le décalage entre le début de la taxation et la fenêtre légale de transfert provoquera un effet d’aubaine pour les clubs et des déséquilibres importants dans le marché. Cet effet d’aubaine, qui désorganiserait totalement le mercato en France, serait un mauvais coup porté à nos clubs.
    Mes chers collègues, je suis élu d’une ville, Nice, qui vibre, comme vous tous, pour son club de football, en l’occurrence l’OGC Nice. Ce club, qui vit une saison un peu plus difficile que les deux précédentes, dispose d’un budget global très raisonnable – moins de 50 millions d’euros. Il a réussi grâce à la compétence de ses dirigeants, du président Rivère, de ses entraîneurs Puel puis Favre, et surtout de ses joueurs, à terminer dans les cinq premiers deux années de suite, et même sur le podium l’année dernière, sans jamais dépasser le seuil des 10 millions d’euros, seuil que vous avez évoqué à plusieurs reprises, monsieur le rapporteur, comme pouvant déclencher la taxe pour l’achat d’un joueur. En effet, le marché des transferts franco-français n’a compté en 2017 que quatre transferts ayant dépassé les 10 millions d’euros. Cette taxe affecterait donc seulement quelques rares clubs pour quelques rares joueurs.
    Cette proposition de loi répond sans doute à une attente du public, elle est populaire, vous le savez. Vous avez même largement communiqué là-dessus. Toutefois, je vous l’assure : nous en avons conscience.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    C’est bien !

    M. Cédric Roussel

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    Nous connaissons les difficultés des clubs amateurs pour trouver des fonds, ce qui nous conduit à un autre sujet : le problème de la gouvernance du sport. Il convient, en effet, d’avoir une réflexion globale sur la gouvernance du sport.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et du budget !

    M. Cédric Roussel

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    C’est un problème sérieux qui affecte le sport, du niveau national au niveau international.
    Qu’il soit joué en club professionnel ou en club amateur, le sport est fédérateur. Il est porteur de valeurs citoyennes que nous partageons tous : le respect, la solidarité et l’esprit d’équipe. Il amène le goût de l’effort. Il est transpartisan, car il nous permet de passer un bon moment, tous ensemble, sur un terrain, en nous faisant oublier nos étiquettes politiques. Je ne voudrais pas que nous légiférions dans une forme d’urgence, en dehors de la réalité, avec pour seul résultat une mesure qui n’entrerait probablement pas en vigueur dans les faits, cela a été rappelé, pour des raisons juridiques.
    En effet – c’est ma troisième série d’arguments –, au-delà de la question du niveau pertinent d’application de la disposition et des problèmes économiques et de compétitivité qu’elle poserait, nous serions probablement, en raison de l’adoption de cette mesure, confrontés à plusieurs risques juridiques aux plans national et européen.
    Imposer une taxe uniquement dans notre pays contraindrait les acheteurs étrangers et limiterait la circulation des joueurs nationaux. Il s’agirait donc d’une distorsion de concurrence, qui irait à l’encontre de la législation communautaire encadrant les mécanismes de régulation dans le sport, avec le risque de voir la France condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne.
    Mieux, en opérant une différence entre les petits et les gros transferts et en taxant seulement les seconds, la mesure pourrait se révéler anticonstitutionnelle pour rupture d’égalité devant l’impôt. Peut-être pourrions-nous plutôt réfléchir – c’est une question –, à une taxe européenne différenciée et progressive en fonction des montants des transferts.
    Mes chers collègues, tout cela mérite d’être approfondi. Je préfère donc que nous prenions tout le temps nécessaire pour réfléchir sereinement, loin des passions, et construire collectivement une réponse adaptée. (Exclamations sur les bancs du groupe UAI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. Philippe Vigier

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    Allez-y, rejetez notre texte !

    M. Jean-Marie Sermier

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    Pourquoi ne pas avoir déposé plutôt une motion de renvoi en commission ?

    M. Cédric Roussel

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    Nous pouvons agir dans plusieurs directions. Certes, nous pourrions instaurer une taxe, mais nous pourrions aussi construire un système fondé sur une organisation tout à fait différente, dans l’esprit de ce qui a été mis en place aux États-Unis pour la NBA, par exemple. Mettons toutes les options sur la table, voyons ce que nos partenaires européens sont prêts à réaliser et osons être ambitieux !
    Le fait de légiférer au seul niveau national, d’instituer une sorte de « taxe Neymar » pour quelques joueurs, au mépris de la réglementation européenne et de l’intérêt de nos propres clubs, ne répondrait pas aux problèmes légitimement soulevés concernant le financement du sport amateur et la solidarité du sport professionnel. Nous devons reprendre l’idée initiale, la travailler en profondeur et faire preuve de pédagogie au niveau européen. Nous voulons que la France tienne son rang, qu’elle ne se coupe pas l’herbe sous les pieds mais qu’elle fasse figure de précurseur en portant au niveau européen, voire au niveau international, une réglementation large sur le transfert des joueurs dans le milieu sportif.
    Vous l’avez dit clairement, monsieur le rapporteur : cette volonté a été exprimée avant-hier lors de la rencontre entre le Président de la République, Emmanuel Macron, et le président de la FIFA, Gianni Infantino. Selon les termes du communiqué de la FIFA, le Président la République a proposé « que la France concoure à l’organisation d’un temps de réflexion avec les différents pays européens sur les réformes de la législation européenne qu’il serait nécessaire d’engager pour accompagner cette démarche régulatrice ».
    Cet engagement au plus haut niveau conforte celui exprimé par le Gouvernement. Madame la ministre, vous nous avez indiqué que la France pourrait porter au niveau de l’Union européenne ce type de débat et de proposition. Je sais que vous avez réellement la volonté d’engager ce débat, d’échanger sur ce sujet avec vos homologues européens et de donner toute sa place à notre assemblée.
    Alors que la France mène une politique d’attractivité événementielle pour l’accueil des grands événements sportifs, avec un point d’orgue que nous connaissons tous, celui des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, il est indispensable que notre pays se mette au niveau de ses voisins en matière de pratiques et de compétitivité.
    Enfin, je veux souligner que l’objectif de la feuille de route fixée par Mme la ministre des sports est de développer la compétitivité du sport français en consolidant le volet économique de ce secteur, avec une vision à long terme que nous partageons tous et qui est aussi l’objet de cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UAI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues : le groupe La République en marche votera cette motion de rejet préalable (Mêmes mouvements),…

    M. Fabien Di Filippo

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    Il n’y a rien de plus normal ! C’est vous qui l’avez déposée !

    M. Cédric Roussel

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    …non parce que nous serions opposés sur le fond à cette proposition de loi, mais au contraire afin de permettre à cette idée de se concrétiser au niveau européen, en parfaite symbiose avec le monde sportif, le monde amateur et les collectivités locales,…

    M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    C’est toujours pareil avec vous ! Quelle incompétence !

    M. Cédric Roussel

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    …avec bien sûr une volonté politique et l’appui du Gouvernement.

    M. François Ruffin

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    Pourquoi ne voulez-vous pas nous laisser discuter les amendements ?

    M. Cédric Roussel

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    Vous n’avez pas le monopole du sport amateur, et nous non plus. Le sport amateur concerne et rassemble tous les Français, au-delà des étiquettes politiques.

    Mme Marie-George Buffet

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    Raison de plus pour discuter des amendements ! Vous coupez court au débat !

    M. Cédric Roussel

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    Je vous rappelle également que le sport est unificateur, à l’instar du football dans notre assemblée lors des matchs de l’équipe de France parlementaire.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Allons au bout de la discussion !

    M. Cédric Roussel

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    Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser dire que cette motion de rejet préalable est risible.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Elle l’est !

    M. Cédric Roussel

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    Ne la prenez pas pour une défaite. Osons être ambitieux ! En votant cette motion, je vous propose de jouer plutôt la Ligue des champions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Je salue Cédric Roussel, qui a participé à l’élaboration de cette proposition de loi – je lui reconnais ce mérite.
    Je ne reviendrai pas sur le fond de ce texte, puisque nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Il le faudrait ! Nous n’aurons sans doute pas l’occasion de discuter des amendements !

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    En revanche, je reviendrai sur la forme. Nous avons exactement trois amendements à examiner, et j’aurais justement voulu vous proposer d’adopter l’un d’entre eux, déposé par Mme Buffet, qui nous aurait permis de limiter l’impact financier de cette proposition de loi. Au lieu de cela, la majorité propose d’adopter une motion de rejet préalable. Comme je l’ai dit ce matin, on nous avait vendu une Assemblée nationale nouvelle, qui fonctionne autrement.

    M. Olivier Becht

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    « Autrement » ne veut pas dire « mieux » !

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Or on nous oppose une motion de rejet qui va mettre un terme à tout débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UAI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Mes chers collègues, je vous rappelle que vous ne vous apprêtez pas à voter pour ou contre le texte ; vous allez décider si nous allons pouvoir ou non aller au bout de cette histoire, examiner les amendements et voir où tout cela nous mène.
    Permettez-moi de vous répéter ce que je vous ai déjà dit ce matin : la semaine prochaine ou dans quinze jours, vous assisterez aux assemblées générales des clubs de vos circonscriptions.

    M. Yannick Favennec Becot

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    Ils n’iront pas ! Ils n’oseront pas !

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Et qu’allez-vous dire alors ? Allez-vous raconter qu’à l’Assemblée nationale, vous n’avez pas voulu que l’on parle de ce sujet, que l’on étudie cette proposition de toi, que l’on aille au bout des choses ? Voilà la vraie question !
    Mes chers collègues, laissez-moi vous parler simplement. Tout à l’heure, vous allez faire votre choix. Vous pouvez être pour ou contre ce texte – ce n’est pas le sujet –, mais laissez-nous l’étudier jusqu’au bout ! Je pense que l’avenir des bénévoles et du sport amateur français le mérite très largement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UAI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Monsieur le rapporteur, nous avons travaillé ensemble. Vous avez vous-même souligné que vous aviez travaillé avec Cédric Roussel, qui vient de défendre cette motion de rejet préalable. Certes, nous n’allons pas discuter longtemps en séance publique, mais nous avons étudié ce texte en commission, nous avons examiné les amendements et nous nous sommes prononcés. Si nous voulons véritablement rendre le travail de l’Assemblée nationale plus efficace, nous pouvons nous dire que la commission a fait son travail de manière approfondie, sur la base de votre rapport, et que vous avez invité Mme la ministre à se pencher sur les mouvements d’argent au sein des fédérations et du monde du sport en général. Allons-y ! Faisons notre travail d’évaluation et de contrôle ! Sur cette base, nous reviendrons dans quelques mois en ayant en main tout ce qui sera nécessaire pour travailler.

    M. Ugo Bernalicis

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    La prochaine fois, nous proposerons une taxe plus élevée ! Elle sera de 10 % !

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Nous aurons alors pu suivre l’action du gouvernement français et du Président de la République française au niveau européen. Il ne s’agit pas ici de court-circuiter le travail qui a été réalisé de façon approfondie.
    Compte tenu de la motion de rejet préalable, nous pouvons passer à l’examen de la proposition de loi suivante.

    M. Jean-Marie Sermier

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    Attendez quand même que nous votions !

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Retravaillons ce texte dans quelques mois, une fois que nous aurons une connaissance approfondie de ce sujet, ce qui n’est pas encore le cas pour le moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.
    La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

    Mme Béatrice Descamps

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    Nous nous opposons à cette motion de rejet préalable pour deux raisons.
    La première porte sur la forme. Comme M. le rapporteur vient de le souligner, nous sommes assez étonnés du dépôt de cette motion alors que seuls trois amendements devaient être examinés aujourd’hui en séance publique. Nous le déplorons d’autant plus que le thème de cette proposition de loi rencontrait un fort écho chez nos concitoyens et sur les réseaux sociaux. Que l’on s’y oppose ou non, ce texte mérite pour le moins d’être débattu dans les formes, devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UAI.)

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Le débat a eu lieu !

    Mme Béatrice Descamps

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    Sur le fond, cette proposition de loi nous aurait permis de poser un geste fort de solidarité…

    M. Yannick Favennec Becot et M. Philippe Vigier

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    Eh oui !

    Mme Béatrice Descamps

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    …sans pour autant pénaliser les clubs professionnels, dont nous reconnaissons et saluons le rôle de locomotive pour l’ensemble du sport français.

    M. Thierry Benoit et M. Yannick Favennec Becot

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    Tout à fait !

    Mme Béatrice Descamps

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    Par ailleurs, nous sommes entièrement d’accord sur la nécessité d’agir au niveau européen sur ce sujet. Pour autant, il nous paraît essentiel que la France pose un jalon et soit chef de file sur ce projet – cette position est d’ailleurs tout à fait cohérente avec l’ADN très pro-européen de notre groupe.
    Cette proposition de loi conserve toute sa pertinence. Le groupe UDI, Agir et indépendants votera donc évidemment contre cette motion de rejet préalable déposée par le groupe La République en marche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UAI.)

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Très bien !

    M. Yannick Favennec Becot

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    Laissez-nous poursuivre le débat !

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin, pour le groupe La France insoumise. (« Le maillot ! » sur plusieurs bancs des groupes REM, LR et UAI.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Le short !

    M. Bruno Millienne

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    Les crampons !

    M. le président

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    S’il vous plaît, mes chers collègues !

    M. François Ruffin

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    Je déplore moi aussi le dépôt de cette motion de rejet préalable, dont l’adoption nous empêcherait aller jusqu’au bout du débat démocratique et d’examiner les articles du texte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.)
    Je veux relever quelque chose qui pourrait sembler mineur mais qui apparaît presque plus clairement lors de ce débat que pendant la discussion de grands textes portant sur la réforme du code du travail ou la fiscalité. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes REM et UAI.) Par exemple, ce texte porte sur le sport mais vous ne nous parlez que de marchés très ouverts, de concurrence, d’innovation, de performance, de règles fiscales…

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est normal ! Nous parlons de sport professionnel !

    M. François Ruffin

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    On se retrouve avec une logique de traders ! Je me demande où était le cœur dans tous vos discours. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes REM et UAI.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Écoutez-nous !

    M. François Ruffin

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    Par ailleurs, quel est le rôle d’une proposition de loi ? Nous ne nous faisions pas d’illusions : nous savions bien qu’elle n’allait pas être adoptée ! Une proposition de loi sert à ouvrir un débat, ce que le présent texte a réussi à faire de manière efficace. Je suis étonné et même alerté par le vide des contre-propositions. Je m’attendais à ce que l’on nous annonce la création d’une mission,…

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    C’est ce que je viens de dire, monsieur Ruffin !

    M. François Ruffin

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    …que l’on admette l’existence d’un gros problème de financement pour le sport amateur…

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Je l’ai dit aussi !

    M. François Ruffin

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    Je m’attendais à des réponses immédiates ! Vous vous contentez de nous dire que cela va peut-être venir. Nous n’avons aucune information sur ce qui va se passer ensuite. Je vous fais part de mon scepticisme.

    M. Maurice Leroy

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    Vous avez raison !

    M. François Ruffin

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    J’en viens à votre argument sur l’Europe. Vous êtes pro-européens, mais vous défendez l’Europe d’une telle manière que vous la tuez. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.) En effet, vous dites qu’on ne peut pas mettre en œuvre une mesure qui n’est pourtant pas révolutionnaire – je la soutiens mais nous serions allés bien plus loin – à cause de l’Europe et de la concurrence libre et non faussée. Avec ce mode de raisonnement, qui nous conduit à la stagnation, vous tuez l’Europe ! Le raisonnement de Michel Zumkeller est évidemment le bon : il faut agir et entraîner les autres États membres derrière nous. Si vous ne le faites pas, vous nuirez à l’Europe.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    C’est la FIFA qui fixe les règles sur les transferts de joueurs !

    M. François Ruffin

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    Enfin, votre conception de l’urgence est à géométrie variable. Il y avait une urgence absolue à réformer très vite le code du travail, qui est quand même vachement important, qui existe depuis longtemps et qui protège les salariés.

    M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Notre pays compte 10 % de chômeurs !

    M. François Ruffin

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    Or, aujourd’hui, nous discutons d’une petite réforme, mais il ne faut pas agir dans l’urgence. Ainsi, cette proposition de loi nous sert aussi de révélateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Très bien !

    Un député du groupe REM

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    Que du blabla ! Aucun argument !

    Mme Nadia Hai

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    C’était du pipeau !

    Mme Nicole Dubré-Chirat

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    Comme d’habitude !

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

    Mme Marie-George Buffet

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    Je suis attachée à ce que le sport professionnel s’organise dans un cadre fédéral. Si nous voulons maintenir l’unité du mouvement sportif, nous devons être capables de réguler le sport professionnel et de mutualiser les moyens alloués au sport au profit du sport amateur.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est déjà le cas !

    Mme Marie-George Buffet

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    Dans le cas contraire, nous n’arriverons pas à maintenir cette unité.
    Lorsque nous avons décidé de créer des sociétés anonymes à vocation sportive pour les clubs professionnels, lorsque nous avons décidé d’interdire leur cotation en bourse – même si cette mesure a été remise en cause par la suite –, lorsque nous avons décidé d’instaurer un prélèvement sur les droits audiovisuels, nous avons agi sans l’autorisation de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et UAI.)

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    C’est cela !

    Mme Marie-George Buffet

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    Par contre, nous avons sensibilisé l’Union européenne à ces questions.

    M. Philippe Vigier

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    Alors, les marcheurs ?

    Mme Marie-George Buffet

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    Nous avons obtenu l’organisation de la première réunion des ministres des sports de l’Union européenne. Nous avons obtenu que l’Union européenne reconnaisse, dans le traité de Nice, le sport comme l’une de ses compétences. Nous pouvons donc aller plus loin et pousser l’Union européenne à prendre des mesures plus larges en matière de régulation du sport.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Nous avons commencé à le faire !

    Mme Marie-George Buffet

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    Une deuxième raison nous amènera à voter contre cette motion de rejet préalable. Vous avez tous dit, dans vos interventions, qu’il fallait aller plus loin, préciser les choses et améliorer ce texte. Des amendements permettent de le faire : pourquoi nous empêchez-vous d’en débattre ?
    Nous voterons contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et UAI.)

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Testé, pour le groupe La République en marche.

    M. Stéphane Testé

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    Comme vient de le rappeler Cédric Roussel, la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui présente de nombreux risques pour la compétitivité des clubs français. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
    Si nous avons tous été choqués par le montant de deux transferts estivaux, cette proposition de loi comprend plus d’inconvénients que d’avantages. Son caractère purement national pénaliserait en effet les clubs français, alors que l’économie du sport, et particulièrement du football, est européenne, voire mondiale. La concurrence déjà féroce deviendrait totalement déloyale et cette taxe pourrait déséquilibrer une économie fondée sur les plus-values réalisées sur les ventes de joueurs.
    Pour autant, l’idée de taxer les transferts n’est pas dénuée de sens, mais comme cela a déjà été dit, elle doit être mise en œuvre à l’échelle européenne, au niveau de l’UEFA, voire à l’échelle internationale, au niveau de la FIFA.

    M. Maurice Leroy

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    Vous exagérez ! Pourquoi pas à l’échelle intersidérale, pendant que vous y êtes ?

    M. Stéphane Testé

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    En effet, nombre de pays qui participent aux compétitions européennes ne sont pas membres de l’Union européenne – je pense à la Turquie, à la Russie, à la Suisse et bientôt à l’Angleterre qui va en sortir et dont le championnat est le plus riche du monde. Mardi, à l’Élysée, Emmanuel Macron s’est d’ailleurs dit prêt à réfléchir à des réformes à engager au niveau européen, lors de son échange avec le président de la FIFA, M. Infantino, concernant la nécessaire régulation des transferts.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    Cela tombe bien, c’est lui qui encaisse l’argent !

    M. Stéphane Testé

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    Instaurer une taxe nationale, c’est se tirer une balle dans le pied : c’est la garantie d’avoir un championnat peu compétitif par rapport aux autres grands championnats européens.
    Par ailleurs, il faut rappeler que les clubs professionnels contribuent déjà au CNDS, via les droits de retransmission télévisée et la taxe Buffet, à hauteur de 39,3 millions d’euros par an. Au total, chaque année, la contribution des clubs professionnels au développement du sport amateur est de 100 millions d’euros, soit environ 5 % de leur chiffre d’affaires. En outre, les transferts sont déjà taxés via la TVA, et un petit pourcentage de ces transferts est déjà redistribué aux clubs formateurs.

    M. Philippe Vigier

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    Il faudrait vous envoyer des invitations aux assemblées générales des petits clubs !

    M. Stéphane Testé

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    De plus, les clubs paient des cotisations sociales pour chaque joueur professionnel : ils contribuent donc déjà fortement à l’économie du pays.
    Bref, notre groupe votera cette motion de rejet préalable afin d’éviter que nos clubs professionnels se voient pénalisés par cette taxe et perdent en compétitivité. Le sport professionnel a besoin du sport amateur, mais la réciproque est également vraie.
    Nous avons en effet besoin d’avoir de grands clubs pour faire rêver les Français et pour donner envie à nos jeunes de faire du sport, afin que nous puissions atteindre l’objectif annoncé de 3 millions de pratiquants d’ici à la fin du quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour le groupe Les Républicains.

    M. Fabien Di Filippo

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    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains soutiendra globalement cette motion de rejet, pour les mêmes raisons de fond que celles que j’ai avancées tout à l’heure à la tribune.

    M. Michel Zumkeller, rapporteur

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    On parle d’une motion de rejet, pas du texte. C’est ridicule !

    M. Fabien Di Filippo

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    Monsieur Zumkeller, nous sommes d’accord quant aux problèmes que vous relevez dans le financement des associations amateurs et dans le financement de nos petits clubs mais, comme je vous l’ai expliqué, il est clair que l’instauration d’une telle taxe provoquerait une baisse des recettes des clubs amateurs, en ponctionnant les clubs professionnels qui les aident aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UAI.)
    Cela provoquerait en effet une baisse de la compétitivité de nos clubs sportifs professionnels – qui ont, je le rappelle, un statut d’entreprise. C’est une piste que nous ne souhaitons pas explorer aujourd’hui pour répondre aux défis du financement du sport amateur. (Mêmes mouvements.)

    Nous souhaitons, pour notre part, avancer sur le soutien aux infrastructures locales et aux projets, avec l’augmentation des moyens des collectivités territoriales et, éventuellement, la ponction d’une partie des recettes des Jeux olympiques pour les financer.

    Il est en revanche clair qu’une taxe sur les transferts n’est une bonne chose ni pour le sport amateur, ni pour le sport en général. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et REM. – Protestations sur les bancs du groupe UAI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jimmy Pahun, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

    M. Jimmy Pahun

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    Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, la proposition de loi portée par nos collègues du groupe UDI, Agir et indépendants-La Mondiale (Sourires) instaure une taxe de 5 % sur les transferts sportifs professionnels, qui serait reversée au Centre national pour le développement du sport dans le but de financer le développement du sport amateur en France.
    Le monde sportif professionnel et amateur ne m’est pas étranger, car j’y ai baigné de longues années avant de rejoindre les bancs de l’Assemblée. J’en connais donc, sinon tous les enjeux, du moins un certain nombre, et je sais toute l’importance que revêt le sport amateur en matière d’intégration sociale et d’épanouissement personnel. Je sais également les grandes difficultés que rencontrent nombre de clubs amateurs pour se financer, en particulier dans un contexte de réduction des recettes du CNDS, actée en loi de finances pour 2018.
    L’instauration d’une telle taxe n’est cependant pas la réponse adéquate aux problèmes que rencontre aujourd’hui le sport amateur. Les arguments en ce sens sont nombreux et bien connus : je ne citerai que la distorsion de concurrence préjudiciable à l’attractivité d’un pays ou la perte d’importantes recettes issues des impôts dont les joueurs professionnels s’acquittent lors de leur venue en France. (Exclamations sur les bancs du groupe UAI.)
    En somme, mes chers collègues, il convient d’agir pour renforcer la pratique du sport en France et permettre aux clubs les plus petits de continuer à exercer une activité essentielle, mais la taxe ici proposée comporte trop d’effets indésirables, sans pour autant résoudre les problèmes auxquels ces clubs sont confrontés. Le groupe MODEM et apparentés votera donc, dans sa majorité, en faveur de cette motion de rejet préalable. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe REM.)

    M. Ugo Bernalicis

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    On a connu le MODEM plus courageux !

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Saulignac, pour le groupe Nouvelle Gauche.

    M. Hervé Saulignac

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    Ce matin, M. Régis Juanico a exprimé notre position sur ce texte, disant que nous étions favorables, sur le principe, à une taxe sur les transferts des sportifs professionnels, mais il a également évoqué, sur le fond, les manques dont pâtit ce texte et qui auraient conduit notre groupe à ne pas voter cette proposition.
    Nous pensons néanmoins, et nous sommes sans doute ici très nombreux dans ce cas, que le débat aurait mérité de se tenir. (Approbations sur de nombreux bancs du groupe UAI.) Or, il n’aura pas lieu. Interrompre le débat, ce n’est pas le nouveau monde qu’on nous avait promis. Nous voterons donc contre cette motion de rejet. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UAI.)

    M. le président

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable

    (Il est procédé au scrutin.)

    (La motion de rejet préalable est adoptée.)

    M. le président

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    En conséquence, la proposition de loi est rejetée et il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des Présidents.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    4. Création d’une agence nationale pour la cohésion des territoires

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Vigier et plusieurs de ses collègues créant une Agence nationale pour la cohésion des territoires (nos 303, 426).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

    M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, madame la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, exposées aux vents contraires de la mondialisation, deux France s’éloignent dangereusement l’une de l’autre : celle de la mondialisation heureuse, connectée au monde, que l’on retrouve dans les métropoles et qui profite aujourd’hui de la concentration des richesses et des services à la population les plus performants ; celle de la périphérie, des villes moyennes, des quartiers, de la ruralité, pour laquelle l’horizon des possibles ne cesse de s’assombrir : elle tente de survivre dans un monde qui ne semble plus vouloir d’elle et de tout ce qui a forgé son identité, sa culture et son mode de vie. Cette France souffre cruellement de ne plus avoir de perspectives, d’être oubliée, d’être méprisée. Elle crie son malaise de toutes ses forces mais ce cri étranglé ne trouve aucune réponse.
    Je voudrais le dire d’emblée : en faisant ce constat, je ne veux surtout pas opposer les territoires. Je le sais : face à l’émergence d’un monde nouveau, les défis sont colossaux, que ce soit pour nos métropoles, nos petites et moyennes villes ou nos villages. J’ai pourtant la conviction que l’urgence est plus criante pour la France périphérique et rurale, qui a le sentiment lancinant d’avoir été abandonnée par la République et mise à l’écart des solidarités qu’elle offre. Elle courbe l’échine sous le poids de l’indifférence et se voit promise au déclin.

    M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    Exactement !

    M. Philippe Vigier, rapporteur

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    Aujourd’hui, des territoires entiers sont enclavés à cause d’infrastructures de transports défaillantes. Le tissu industriel y est souvent exsangue. La désertification médicale y progresse plus qu’ailleurs. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UAI). Les difficultés d’accès à la téléphonie mobile, au très haut débit, les condamnent à l’isolement. Les services publics y disparaissent les uns après les autres et les centres-villes y meurent. L’accès à l’éducation, au logement, aux loisirs et à la culture y est toujours difficile et l’insécurité y a souvent progressé.
    Ces fractures territoriales contribuent à dresser une France contre l’autre. La France périphérique et rurale courbe l’échine sous le poids de l’indifférence et se voit promise au déclin. En même temps, ces difficultés ne doivent pas faire oublier que les métropoles et les grandes agglomérations sont, elles aussi, confrontées à des défis d’envergure.
    La congestion urbaine ouvre aux problématiques de transition énergétique et numérique, crée des problèmes de santé environnementale et génère de nouvelles formes de précarité. Nous ne pouvons pas continuer à entretenir cette défiance entre ces deux France qui, élection après élection, voient les Français se réfugier toujours plus nombreux dans le vote extrême ou dans l’abstention : le pacte républicain est en jeu !
    Nous devons également comprendre que la croissance de demain se fera dans tous les territoires et qu’ils doivent être soutenus pour donner la pleine mesure de leur potentiel. Parvenir à un développement harmonieux de tous les territoires est un combat de tous les jours, que mènent les élus locaux. Ils ne demandent pas l’aumône, ils n’attendent pas tout de l’État, ils se battent au quotidien. Face aux fractures territoriales, il est urgent que l’État soutienne leur combat en assumant enfin son rôle de pilote stratégique, qu’il a abandonné, et en donnant une impulsion nouvelle à des politiques vitales pour nos territoires.
    Je vois quatre priorités, monsieur le secrétaire d’État. Premièrement, le logement, que vous connaissez bien. Il faut aller plus loin que l’ANRU, qui a fait de très belles choses, en intervenant dans les petites villes et dans les villages ruraux si l’on veut accueillir de nouvelles familles ou des personnes âgées.
    Deuxièmement, la politique de la santé et plus particulièrement le sujet de l’accès aux soins, afin d’enrayer la progression des déserts médicaux. Troisièmement, la politique de la téléphonie mobile : malgré toutes les promesses des opérateurs, les zones blanches ne diminuent pas, ni en zone rurale, ni en périphérie des villes. Enfin, quatrièmement, la fracture numérique : les zones rurales sont les dernières et les moins bien desservies, non pas par le haut débit, c’est-à-dire à 30 mégabits – cela n’a pas de sens ! – mais en très haut débit. Comment fera-t-on pour boucler les financements ?
    Au travers de cette proposition de loi, dans laquelle Thierry Benoit, Pierre Morel-À-L’Huissier ou Béatrice Descamps se sont impliqués avec passion, nous proposons que cette impulsion nouvelle soit coordonnée à travers une Agence nationale pour la cohésion des territoires.
    Je voudrais ici vous présenter notre vision du fonctionnement de cette agence. Tout d’abord, nous ne l’avons pas conçue à quelques-uns : nous avons beaucoup réfléchi à l’exemple de l’ANRU, nous avons beaucoup auditionné les élus locaux, les représentants des régions, des départements, des petites villes et même des territoires d’outre-mer. Je n’ai qu’un regret : votre collègue ministre n’a pas cru bon devoir nous accorder un petit moment pour parler avec nous, ce qui est un peu dommage dans le débat républicain.
    Cette agence n’a pas vocation à décider pour les territoires. Pas d’entre-soi dans les arcanes des administrations ! Arrêtons de mettre nos territoires sous tutelle ou de corseter leurs initiatives ! Elle doit libérer les énergies, libérer leur potentiel en étant le bras armé d’un État expert, fédérateur et facilitateur.
    Pour cela, il faut partir des territoires. Ce sont donc les communes, les intercommunalités – Stéphane Le Foll m’interrogeait en commission sur ce point il y a quelques jours – qui porteront les projets structurants pour les bassins de vie. Il faudra par conséquent privilégier les projets de territoires, au travers de contractualisations de trois ans – pas d’appels à projet se répétant à l’envi ! – car les projets de contractualisation font appel à l’intelligence, à la solidarité des territoires et des élus.
    Ensuite, les présidents de région, les présidents de département et le préfet se réuniront pour aboutir à une décision rapide, une décision proche, au sein d’une instance de dialogue territoriale, gage d’une vraie décentralisation de l’agence : cela permettra d’éviter de revivre ce que l’on connaît trop souvent avec les contractualisations d’État. Ils inscriront ces projets à leur agenda, avec une évaluation – les parlementaires peuvent jouer un rôle –, avec l’action du bloc communal et une hiérarchisation en fonction du niveau d’urgence.
    Nous ne voulons pas d’une logique des premiers de cordée, à savoir les métropoles, dont les richesses ruisselleraient sur la France périphérique et rurale. Non, au contraire, nous voulons une alliance des territoires, de la confiance, une logique de partenariat, de contractualisation et de synergie entre les territoires. Cette logique permettra de mobiliser l’ensemble des acteurs autour d’une vraie stratégie territoriale globale, adaptée à chaque bassin de vie, pour valoriser ses spécificités, sans que ces démarches soient déconnectées les unes des autres.
    Les métropoles sont lucides : elles savent qu’elles ne peuvent pas tout, elles savent qu’elles ne peuvent pas ignorer les villes et les territoires qui leur sont connectés. Elles ont aussi conscience des bouleversements des modes de vie, des changements profonds liés au développement du numérique. Elles savent que les hommes et les femmes vivant en périphérie font aussi la richesse des métropoles car ils y travaillent, utilisent les transports, les services publics et contribuent ainsi à leur vitalité.
    Quant aux territoires ruraux et périphériques, que ce soient les zones montagneuses, touristiques, littorales ou les outre-mer – je le précise pour notre collègue Maïna Sage –, ils fourmillent d’une énergie créatrice, regorgent d’intelligence et de talents qui, malgré les obstacles, entreprennent, innovent et réussissent. Eux aussi sont la clé de la croissance de demain.
    Il faut par conséquent donner à ces deux France l’envie et les moyens de travailler main dans la main, pour recoudre le territoire, comme un façonnier. Telle est l’ambition de cette agence qui, comme l’ANRU, devra être un guichet unique et non une usine à gaz. Elle devra également mettre de l’ingénierie à disposition des territoires, encourager la mutualisation des ressources, conforter l’ingénierie locale – laquelle peut être substantielle, avec des métropoles, avec des villes chef-lieu, avec également les départements.
    Il faut mobiliser tous les financements, comme Jean-Louis Borloo avait su en son temps le faire avec beaucoup d’intelligence. Je pense notamment aux financements de l’État, de la Caisse des dépôts et consignations et aussi une partie du programme d’investissements d’avenir, notamment en faveur de la transition numérique.
    Cette agence ne sera pas une nouvelle structure s’ajoutant à d’autres. Je veux vous rassurer, mes chers collègues : n’ajoutons pas de la technostructure à la technostructure ni des contraintes aux contraintes.

    M. Philippe Vigier

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    Au contraire, l’agence doit avoir un fonctionnement souple, et être rattachée au Premier ministre, pour qu’il y ait un véritable arbre décisionnel. Il faut que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU –, l’Agence nationale de l’habitat – ANAH –, le Commissariat général à l’égalité des territoires – CGET –, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement – CEREMA – et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – soient engagés et obligés de travailler en coordination avec cette agence. Si tel n’est pas le cas, ce sera l’échec assuré.
    Avec cette proposition de loi, mes chers collègues, je vous propose de dessiner les contours d’une nouvelle agence. Vous l’avez rejetée en commission, bien que le Président de la République, le 18 juillet dernier, ait indiqué qu’une agence nationale de la cohésion des territoires devait être créée. Quelques mois avant cette déclaration, j’avais déjà rédigé cette proposition de loi.
    Ainsi, mesdames, messieurs les députés de la majorité, si vous êtes en marche, moi, je cours pour recoudre le territoire de la République ! D’ailleurs, le Premier ministre, lors de la Conférence nationale des territoires, avait insisté sur la nécessité de créer cette agence.
    Les motions de rejet préalable et de renvoi en commission qui ont été déposées montrent que l’on ne se donne même pas le temps d’approfondir un tel débat, alors que l’on connaît non seulement les dégâts que cette situation crée pour les femmes et les hommes de ce territoire et la façon dont cela s’est traduit au printemps dernier, mais aussi les engagements du Président de la République.
    Le groupe UDI, Agir et indépendants fait des propositions et espère que l’on pourra sortir des faux-semblants. Ces territoires ne peuvent plus attendre, alors osons, et agissons ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UAI.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.

    M. Thierry Benoit

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    On va entendre ce que l’on entend depuis vingt ans !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires

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    Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la création d’une agence nationale de la cohésion des territoires a en effet été annoncée par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires, et précisée lors de son intervention au congrès de l’Association des maires de France, il y a quelques jours.
    Cette agence s’articule autour d’un objectif clair : selon le Président de la République, elle devra être un « outil de mobilisation des ressources, des savoir-faire », qui facilite les projets à l’échelle locale.
    Cette volonté s’appuie sur plusieurs constats. Le premier, vous l’avez rappelé avec raison, monsieur le rapporteur, est qu’il ne faut pas opposer les territoires les uns aux autres. Arrêtons d’opposer les métropoles aux territoires ruraux, les centres-villes aux quartiers.
    Vous avez aussi très bien rappelé ce qui est le quotidien du ministère de la cohésion des territoires, dont Jacques Mézard et moi-même avons la charge : les fractures territoriales existent et sont perçues comme telles par nombre de nos concitoyens.

    M. Yannick Favennec Becot

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    Et à part ça ?

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Mais celles-ci ne datent pas d’il y a six mois.

    M. Thierry Benoit

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    C’est vrai !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Elles existent depuis plusieurs décennies et se matérialisent notamment par les déserts médicaux, les difficultés d’accès au numérique, les enjeux de mobilité, bien trop peu traités.

    M. Thierry Benoit

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    Et on fait quoi ?

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Les besoins sur les territoires restent considérables, en termes d’accès au numérique par exemple. Ainsi alors que le télétravail est désormais inscrit dans la loi, seul un Français sur deux a accès au très haut débit.

    M. Yannick Favennec Becot

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    Ça, on le sait tous !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Est donc en train de se créer une société à deux vitesses, par de nouveaux modes de société.
    Il en va de même pour l’accès aux soins – pour remédier aux déserts médicaux, on aura de plus en plus recours à la télémédecine –, pour l’accès aux services publics, à la culture.

    M. Vincent Descoeur

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    Tout à fait !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Notre volonté est claire : c’est de donner à toutes et tous les mêmes chances de réussir et de s’épanouir, en leur offrant les mêmes services publics partout sur le territoire.

    M. Yannick Favennec Becot

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    Rien ne change !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Pour lutter contre ces fractures territoriales, le ministère est engagé dans une série de chantiers de grande ampleur.
    Pour le numérique, par exemple, sujet auquel je consacre énormément de temps, vous le savez, mesdames et messieurs les députés, nous avons entrepris depuis cinq mois des discussions viriles, si je puis ainsi les qualifier, avec l’ensemble des opérateurs de téléphonie mobile. Selon les chiffres officiels, 98,8 % des habitants en France ont accès à la téléphonie mobile. Pourtant, vous vous souvenez tous que le manque de réseau était le premier sujet dont nos concitoyens se plaignaient sur les marchés, lors de la campagne pour les élections législatives.

    M. Thierry Benoit, M. Yannick Favennec Becot et M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    Eh oui !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Nous avons entrepris de négocier un véritable plan d’action avec l’ensemble des opérateurs, que je rencontre encore ce soir et demain, afin d’introduire davantage de transparence, de conclure des engagements contraignants et de négocier davantage d’investissements. Nous finaliserons ces négociations dans les toutes prochaines semaines.

    M. Yannick Favennec Becot

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    On en attend le résultat !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Pour lutter contre les fractures territoriales, nous comptons aussi doubler le nombre des maisons de services au public. Nous avons aussi lancé un plan très ambitieux en faveur des villes moyennes, qui ont trop souvent été les oubliées de l’aménagement du territoire ces dernières années, en faveur également de la revitalisation des centres-villes, par le logement comme par les commerces.
    Mais cela ne suffira pas si nous ne parvenons pas à inverser la logique de l’action publique. L’État est avant tout là pour fixer les caps et accompagner les acteurs territoriaux qui proposent, imaginent, innovent et mettent en œuvre les projets. Or, ces dernières années, l’État a fait trop souvent preuve d’une grande créativité en matière de politiques publiques territoriales, multipliant d’une part les normes (« Ah ça oui ! » sur les bancs du groupe UAI), d’autre part les appels à projets, oubliant la contractualisation, sans se soucier de la cohérence d’ensemble de ses outils d’intervention.
    Pis, l’État a trop souvent oublié qu’il devait avant tout être un facilitateur – tel est son rôle – au service des acteurs des territoires.

    M. Thierry Benoit

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    Tout à fait !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Les agences ministérielles et administratives se sont notamment multipliées. Cela ne participe ni à la lisibilité, ni à l’efficacité de l’action publique.
    L’agence que j’évoquais en introduction et qui est l’objet de cette proposition de loi vise à répondre à l’ensemble de ces défis. Quels en sont aujourd’hui les principes directeurs ?
    Le rôle d’une telle agence est avant tout de répondre à la demande des élus locaux, d’être à leur service et de leur apporter ce dont ils ont besoin. L’agence doit être un puissant outil de mobilisation autour de quatre priorités : mobiliser les ressources, notamment financières ; mobiliser les savoir-faire ; faciliter les projets ; réunir les soutiens et les concours.
    Je rejoins là l’ambition de la proposition de loi que vous défendez, monsieur le rapporteur, à savoir que l’agence devra participer au développement harmonieux des territoires, à travers la mise en œuvre d’un plan national pour la cohésion territoriale.

    M. Yannick Favennec Becot

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    Très bien !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Il s’agira de revitaliser, désenclaver et développer les zones rurales et périphériques ; de redynamiser les villes moyennes et leurs centres-villes ; d’accompagner les transitions, qu’elles soient écologique, numérique ou environnementale.
    C’est en effet au service de cette vision que nous devons créer une structure pour accompagner ce que les élus locaux font au quotidien. Le Président de la République l’a annoncé en juillet puis l’a redit devant le Congrès de l’Association des maires de France : « L’État, tout en gardant les responsabilités ministérielles légitimes, aura une agence qui permettra d’ailleurs de simplifier beaucoup les choses ». Une simplification, au service des élus locaux, tel est le sens de l’agence que nous voulons créer.
    Depuis, nous travaillons en commun à l’architecture de cette agence. Nous avons bien sûr des pistes et des convictions, mais rien n’est arrêté pour l’heure : les débats que nous aurons aujourd’hui permettront d’étayer les options.
    S’agissant de l’appui en ingénierie, d’abord, l’agence pourrait mettre en place une offre de service claire, reposant sur la mobilisation d’une expertise aujourd’hui diffuse et mal identifiée, qui doit être apportée lorsque les élus locaux en font la demande.
    L’agence doit également puiser dans les énergies existantes et les fédérer. Elle doit associer différents partenaires et les faire travailler ensemble. Vous en avez mentionné beaucoup, monsieur le rapporteur – l’État, ses diverses agences, la Caisse des dépôts et consignations et d’autres partenaires encore.
    L’agence sera à la disposition des élus : autrement dit, elle sera un outil au bénéfice des projets portés par les élus locaux. Le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, qui a été présenté en Conseil des ministres et qui sera débattu prochainement dans cette assemblée, témoigne de cette volonté de rénovation, de changement de paradigme. Les agences ministérielles et l’administration doivent servir de facilitateurs et se considérer comme un appui, en réponse aux demandes émanant du terrain, non l’inverse.
    Enfin, la mise en réseau des expertises, la concentration et l’extension des modalités de financement par l’État et ses partenaires, nationaux, locaux ou européens – on le sait, de nombreux financements sont aujourd’hui attribués par la Commission européenne – sont autant d’opportunités pour rendre l’intervention de l’État plus visible, plus efficace et plus coordonnée avec l’ensemble des élus locaux.
    Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les députés, il ne s’agit pas seulement d’être dans une logique de rattrapage. Il s’agit surtout de poursuivre une nouvelle ambition et de donner accès à des moyens nouveaux.
    J’entends les craintes, ici ou là. Je comprends les inquiétudes. Tout ce que nous mettons en œuvre doit naturellement faire l’objet d’intenses discussions et de concertation, tant avec les agences existantes qu’avec la représentation nationale ou les élus locaux. C’est d’ailleurs l’un des sujets inscrits à l’ordre du jour de la deuxième édition la Conférence nationale des territoires, laquelle, après celle de juillet dernier, se tiendra en milieu de semaine prochaine, à Cahors.
    Venons-en aux raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à l’adoption de la proposition de loi que vous défendez, monsieur le rapporteur. Nous n’y sommes pas favorables non parce que votre ambition serait contraire à la nôtre – j’ai montré que nous la soutenons et la partageons, et que nous voulons aller exactement dans le même sens, le plus loin possible, ensemble –, mais parce que nous voulons agir dans la concertation et en complément non seulement de ce qui existe déjà dans les services de l’État mais aussi de ce que font déjà les acteurs sur les territoires. Nous voulons cerner les besoins des territoires. Ces objectifs de transversalité et ces concertations sont longs à construire.
    C’est également un rendez-vous fixé dans la feuille de route de la Conférence nationale des territoires : nous aurons l’occasion d’en discuter dans quelques jours. Ces discussions ne sont donc pas achevées.
    En outre, les missions de l’agence ne paraissent pas, à ce stade, justifier la création d’un établissement public à caractère industriel et commercial, comme prévu dans votre proposition de loi. Cela ne signifie pas pour autant qu’une forme juridique précise soit arrêtée, mais, en tout état de cause, votre proposition de loi anticipe trop sur la suite des débats. Elle anticipe aussi sur les réflexions concernant le périmètre et les modalités d’intervention de l’agence ainsi que l’ensemble des services qu’elle devra rendre. Ces points ne sont pas encore arrêtés.
    Les suggestions qui seront faites et les échanges que nous allons avoir aujourd’hui doivent alimenter les travaux en cours. Vous pouvez compter sur notre plein soutien pour défendre une haute ambition. Je veillerai à ce que l’ensemble des notions, des idées, des propositions figurant dans cette proposition de loi alimente la création de l’agence à laquelle nous travaillons.
    Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie par avance de vos contributions pour donner corps à cette agence, portée par le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

    M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, cher Philippe, je pensais, monsieur le secrétaire d’État, m’adresser à Jacques Mézard, aussi, ne prenez pas pour vous mes propos, s’ils vous semblent un peu brutaux.
    Avocat de la ruralité, je le suis depuis quinze ans dans cette maison, de manière inlassable, étant l’unique député de la Lozère – ce dont je suis fier. Je m’occupe de la vie, des problèmes, des réalités humaines de près de 80 % du territoire français et de 20 % de la population.

    M. Franck Riester

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    Bravo !

    M. Pierre Morel-À-L’Huissier

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    J’aurais pu faire un plaidoyer classique dans cette auguste maison. Il sera tonique et quelque peu décoiffant, à l’égard tant de l’État que de l’administration centrale et du Gouvernement.
    Créer une agence nationale pour la ruralité, tel est le sens de cette proposition de loi. J’en assume totalement la paternité non seulement avec mes collègues Philippe Vigier et Thierry Benoit, ainsi que tout le groupe UDI, Agir et indépendants, mais également avec d’autres parlementaires de la précédente législature à majorité socialiste où j’avais déjà déposé, en vain, cette proposition de loi.
    Je m’honore d’une certaine constance dans ma conception d’une nouvelle prise en considération de la ruralité. Celle-ci ne doit pas s’arrêter aux seules problématiques de l’agriculture mais intégrer tous les acteurs. En commission, il avait été imaginé de rattacher cette agence au Commissariat général à l’égalité des territoires. Non ! Le CGET est un machin administratif qui ne correspond en rien à ma vision : il se complaît dans des études mais ne constitue pas un outil actif et dynamique pour la revitalisation des territoires. Cela se saurait depuis le temps !

    M. Yannick Favennec Becot

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