XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018

Séance du mercredi 08 novembre 2017

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018 (nos 235, 273). Nous abordons l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi (no 273, annexe 43 ; no 276, tome III) et au compte d’affectation spéciale « Financement national du développement de la modernisation de l’apprentissage (no 273, annexe 43).
La parole est à Mme la ministre du travail.
Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, je remercie tous ceux qui sont présents, et qui témoignent ainsi à mes yeux de l’intérêt particulièrement marqué qu’ils accordent à notre action.
L’année 2018 constitue indéniablement un tournant important pour la mission « Travail et emploi », dont les crédits sont la traduction budgétaire cohérente de notre volonté de rénover profondément le modèle social français pour mieux protéger les salariés et libérer l’énergie des entreprises afin qu’elles investissent et créent de l’emploi. La mission reflète l’ambition des chantiers que nous avons engagés en ce sens avec les ordonnances et que nous poursuivrons avec la réforme de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage que j’aurai l’honneur de défendre devant vous au printemps.
Stable de la loi de finances initiale pour 2017 à la loi de finances initiale pour 2018, avec 15,2 milliards d’euros, ce budget est en fait un budget de profonde transformation, car il rompt clairement avec une logique de traitement statistique du chômage pour basculer vers une politique d’investissement massif dans les compétences et d’insertion durable dans l’emploi des publics qui en sont le plus éloignés, tout particulièrement les jeunes.
Ce changement majeur se traduit par des choix assumés de réallocation de nos moyens.
Premièrement, nous ferons un effort financier d’une ampleur sans précédent au service de la transformation des compétences, qui inclura les formations qualifiantes et les compétences numériques, à travers le plan quinquennal d’investissement dans les compétences, doté de 15 milliards d’euros sur la durée du quinquennat, pour former et accompagner 1 million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et 1 million de jeunes décrocheurs à l’horizon 2022. Ainsi, dès 2018, nous triplerons l’effort en matière de formation, avec l,25 milliard d’euros en autorisations d’engagement, et nous atteindrons le seuil de 100 000 bénéficiaires de la garantie jeunes.
Deuxièmement, nous mettrons l’innovation sociale au service de la lutte contre l’exclusion du marché du travail. C’est le sens de la mission que j’ai confiée à Jean-Marc Borello, qui me rendra ses conclusions d’ici à la fin de l’année.
Dans ce contexte, les dispositifs d’insertion efficaces seront soutenus et leur ciblage renforcé. C’est l’esprit de l’amendement que nous vous proposerons d’adopter ce soir afin d’expérimenter dès l’année prochaine le dispositif des emplois francs, mettant ainsi en œuvre un engagement de campagne du Président de la République qui permettra de lutter efficacement contre les discriminations à l’embauche et contre l’assignation à résidence.
Par ailleurs, les 200 000 contrats aidés non marchands seront mobilisés chez les employeurs qui mèneront une véritable politique d’accompagnement et de formation, permettant de sortir durablement leurs bénéficiaires de la précarité. C’est vers eux que nous flécherons les emplois aidés.
En outre, l’effort exceptionnel consenti en 2017 pour financer 71 000 aides au poste dans le secteur de l’insertion par l’activité économique sera consolidé. Il représentera 822 millions d’euros en 2018. Les dispositifs spécifiques aux travailleurs en situation de handicap bénéficient d’une hausse de 4 millions d’euros pour s’établir à 377 millions d’euros, et le financement de 1 000 aides au poste supplémentaires par rapport à 2017 sera assuré.
Enfin, les budgets de fonctionnement des missions locales, de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE, et des écoles de la deuxième chance sont stabilisés à hauteur de 285 millions d’euros.
Troisièmement, en compensant plus de 4 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, cette mission participe pleinement à l’action du Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat et de la baisse du coût du travail.
Quatrièmement, ce budget de transformation se traduit aussi par des ajustements. Ceux-ci concernent d’abord son périmètre : la mission « Travail et emploi » accueillera en 2018 l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, dotée de 2,4 milliards d’euros et dont le financement sera réformé sans entraîner aucune perte pour les bénéficiaires de ce minimum social. De même, la dotation de l’État à Pôle emploi diminue, mais sera plus que compensée par ses ressources dynamiques assises sur la masse salariale ; le budget de Pôle emploi sera donc en hausse de 20 millions d’euros.
Cinquièmement, ce budget est en phase avec notre volonté d’accorder une attention particulière au dialogue social et à la situation des entreprises. Ainsi, 112 millions d’euros seront provisionnés pour le dispositif d’activité partielle, notamment. Par ailleurs, les services déconcentrés de l’État bénéficieront de 52 millions d’euros pour leurs interventions en appui aux filières, branches et entreprises.
En outre, le fonds de financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs, géré par l’AGFPN, l’association de gestion du fonds paritaire national, sera abondé par une subvention de l’État à hauteur de 97,8 millions d’euros.
Avec 13,7 millions, le financement de la formation des conseillers prud’homaux est doublé afin d’appuyer le renouvellement des 14 512 conseillers actuels.
Enfin, les crédits dédiés à la santé et à la sécurité au travail s’élèvent à 24,1 millions d’euros.
En ce qui concerne mon département ministériel, il comptera l’an prochain 9 250 emplois. Je tiens à profiter de l’occasion pour saluer le travail au quotidien de ces hommes et de ces femmes qui croient à juste titre en l’importance de leur mission pour la nation. La réflexion participative sur leurs missions sera au cœur du chantier gouvernemental « Action publique 2022 ».
Mesdames et messieurs les députés, adopter ce budget de transformation, c’est soutenir une politique renouvelée de lutte contre le chômage, d’investissement dans les compétences et d’insertion des plus vulnérables sur le marché du travail. C’est, grâce au triptyque « protéger, libérer, investir », saisir pleinement le potentiel du retour de la croissance afin de mettre le pied à l’étrier à de très nombreux jeunes, aux demandeurs d’emploi et à des personnes fragiles, tout en répondant aux besoins de recherche de compétences, donc de développement, des entreprises françaises.
(Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.) Ce ne sera pas suffisant ! La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en ce qui concerne l’objet de la mission « Travail et emploi », dont il nous appartient aujourd’hui d’examiner les crédits, les attentes des Françaises et des Français vis-à-vis de nous sont immenses.
Gilles Le Gendre, mon co-rapporteur, et moi-même avons obéi, en construisant notre rapport, à une exigence : simplifier et pérenniser ce qui fonctionne pour gagner en efficacité. L’inversion de la courbe du chômage était une « priorité » au cours du précédent quinquennat. Aujourd’hui, sous l’impulsion du Président de la République, la nouvelle majorité ne cherche pas à inverser artificiellement une courbe, mais à changer durablement la donne. L’objectif est clair et ambitieux : créer 1 million d’emplois nets d’ici à 2022.
C’est mal parti ! Comme nombre d’entre vous, j’ai une conviction : je crois résolument en la politique par la preuve. Or, aujourd’hui, force est de constater que, partout en France, des millions de femmes et d’hommes ne demandent qu’à se former, qu’à travailler afin d’avoir l’occasion de montrer ce dont ils sont capables. Mais pour certains – beaucoup trop –, la tâche est difficile, car ils sont démotivés et ont perdu l’espoir de revenir dans la vie active. Notre responsabilité n’en est que plus grande. Mais je crois en notre capacité de réussir, comme je crois en celle des Françaises et des Français.
Le cap fixé est clair. Pour l’atteindre, il nous faudra construire plusieurs routes, dont chacune est essentielle mais qui nous donneront une force de frappe considérable quand elles se rejoindront en un point de convergence : celui du retour de l’emploi, d’un emploi durable, qualifié et sécurisant pour les Françaises et les Français.
La première route s’est construite cet été avec les ordonnances sur le travail, dont l’objectif équilibré est de libérer le travail tout en protégeant les salariés. Elle est nécessaire pour faciliter et assouplir l’embauche par les PME et TPE, dont le rôle est prépondérant sur le marché de l’emploi.
La deuxième route est en cours d’achèvement : je fais référence à ce premier projet de loi de finances, qui gravera dans le marbre des mesures phares, notamment la baisse des charges sur les salaires et de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises, ainsi que la mise en œuvre d’un grand plan d’investissement.
La troisième route est la politique publique de l’emploi, que nous présentons aujourd’hui. Elle sera encore plus solide le printemps prochain, lorsque nous disposerons des conclusions des concertations en cours avec les partenaires sociaux sur la réforme de la formation professionnelle, de l’assurance chômage et de l’apprentissage.
La formation professionnelle doit être possible à l’entrée de l’emploi, mais doit aussi se concevoir tout au long de la vie, pour accompagner les transformations du monde du travail. J’ai personnellement vécu cette situation et je souhaite qu’elle soit la norme, non l’exception.
L’assurance chômage doit être liée à la personne et non plus au statut : les carrières ont changé ; on ne travaille plus à vie dans la même structure.
Quant à l’apprentissage – un sujet auquel je suis particulièrement attachée –, 1,3 million de jeunes ne sont ni à l’école, ni à l’université, ni en formation, ni en emploi : face à ce constat, nous devons tous affirmer que l’apprentissage est une voie d’excellence, qui permettra de remédier à ce chômage de masse des jeunes.
Je l’ai dit, le budget pour 2018 de la mission « Travail et emploi » opère des choix clairs et assumés, dont l’axe central est la réorientation des crédits de la mission vers les dispositifs les plus efficaces et leur développement en conséquence.
Cela se traduit par la création de deux nouvelles actions directement liées au plan d’investissement dans les compétences, le PIC, dont le volume global sur cinq ans sera de 13,8 milliards d’euros. Pour le programme no 103, seront dévolus à la formation des demandeurs d’emploi 11 milliards d’euros sur cinq ans et 1,5 milliard d’euros dès 2018. En parallèle, le renforcement inédit de la Garantie jeunes fait partie des bonnes solutions pour celles et ceux qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni diplômés : il représente 2,8 milliards d’euros sur cinq ans, pour un objectif non limitatif de 100 000 entrées par an. De même, les missions locales, dont le budget demeure inchangé, sont en première ligne pour la mobilisation de ce dispositif d’accompagnement des jeunes.
Mais il faut notamment y ajouter le renforcement des crédits de l’insertion par l’activité économique et l’augmentation significative de 1 000 aides au poste pour les travailleurs en situation de handicap.
Vous l’aurez compris, la convergence et la cohérence des réformes entreprises jusqu’ici vont progressivement modifier les caractéristiques du marché du travail. Voilà pourquoi Gilles Le Gendre et moi-même approuvons sans réserve le budget de cette mission, qui, sans écran de fumée ni report d’échéances, prend le problème à bras-le-corps, dans sa totalité et avec force, pour que les Français aient à nouveau une chance de retrouver la route de l’emploi. Il ne tient qu’à vous d’y travailler avec nous.
(Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.) Je reste dubitatif… La parole est à M. Stéphane Viry, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Un très bon rapporteur ! Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la ministre, mes chers collègues, il y a une semaine, l’examen en commission élargie des crédits de la mission a permis à Mme la ministre de répondre à nos interrogations sur le budget que vous nous présentez. Ces interrogations figurent dans mon rapport pour avis. Cependant, le débat sur les amendements a révélé d’autres zones d’ombre et, au bout du compte, ce budget reste marqué par une ambiguïté.
Nous avons bien compris qu’il était contraint par son héritage. En effet, la baisse de 2,7 milliards d’euros des crédits de la mission « Travail et emploi », soit une contraction de 16,6 % pour atteindre 13,7 milliards, est moins obtenue par des réformes de fond que par le brusque coup d’arrêt mis à la multiplication des emplois aidés et des programmes d’exonération de cotisations instaurés par le précédent gouvernement, laquelle était motivée par la recherche de résultats statistiques dans la lutte contre le chômage.
Malgré l’échec de cette politique, cet héritage se ressent dans les crédits de paiement : le règlement de son solde s’élèvera à 15,37 milliards d’euros en 2018, soit une baisse de seulement 0,6 %.
Ce budget montre également la volte-face d’un gouvernement, qui a abondé les crédits en plein été pour augmenter de 280 000 à 320 000 le nombre des contrats aidés en 2017, avant de donner un coup d’arrêt brutal à cette politique en septembre. Je n’ai pas obtenu mardi dernier, madame la ministre, de réponses à deux interrogations : quelle méthode et quelles exigences permettront de déterminer les employeurs à même de mettre en place ces contrats ? Comment pourra se concrétiser une exigence d’accompagnement et de formation sans crédits fléchés vers les bénéficiaires des contrats aidés maintenus ? J’en ajouterai une troisième : pourquoi diminuer d’un tiers la prise en charge des 200 000 contrats restants, en mettant en péril le modèle économique d’un grand nombre de structures de l’économie sociale et solidaire qui les emploient ? Si vous souhaitez recentrer les contrats aidés là où ils sont efficaces et non faire des économies budgétaires, il serait utile de nous apporter ces réponses.
Ce gouvernement semble également dépassé par sa majorité, en devant reprendre en urgence un dispositif d’expérimentation des emplois francs adopté par la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un énième dispositif d’exonération de charges destiné aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais sans aucun ciblage en termes d’âge ou de niveau de qualification, visant aussi bien les décrocheurs que les diplômés des grandes écoles. Comment pouvez-vous nous expliquer que les contrats aidés dans le secteur marchand ne marchent pas et ne créent que des effets d’aubaine, tout en soutenant du bout des lèvres une mesure qui, selon l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, ne créera que des effets d’aubaine – 1 milliard d’euros dépensés par an pour 22 500 emplois créés ?
En 2013, le précédent gouvernement s’était déjà lancé dans une politique sans réflexion ni évaluation, et on en connaît le résultat : seulement 280 bénéficiaires en un an, du fait de la concurrence des dispositifs et de l’absence de ciblage adéquat. Je me félicite que, grâce à un amendement déposé la nuit dernière par le Gouvernement, ce dispositif ne sera pas financé par une amputation des crédits finançant d’autres actions. Mais pourquoi lancer un dispositif engageant les finances publiques avec une telle précipitation ?
Ces tours de passe-passe concernent également les entreprises adaptées. Le Gouvernement entend respecter l’engagement pris par le gouvernement précédent en mars 2017, en augmentant de 1 000 le nombre des postes aidés. Mais dans le même temps, il prévoit une baisse de 4 % du montant unitaire de l’aide au poste et de 18 % de la subvention destinée au suivi social, à l’accompagnement et à la formation spécifiques de la personne handicapée. On peut juger nécessaire que les entreprises adaptées accompagnent leurs bénéficiaires vers la formation et l’emploi en milieu ouvert, mais comment peut-on imaginer les conduire dans cette direction en baissant les crédits affectés à cet accompagnement ?
Cependant, le thème que j’ai choisi de développer dans mon rapport pour avis concerne les structures d’insertion par l’activité économique – l’IAE. Elles ont pour mission d’aider les personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières à se réinsérer progressivement dans le marché du travail.
Aujourd’hui, les 3 722 structures conventionnées relevant de l’IAE emploient près de 132 000 salariés en voie d’insertion pour une durée de vingt-quatre mois généralement. Pour les personnes les plus exclues de l’emploi, titulaires d’un minimum social ou chômeurs de longue durée, elles représentent un tremplin vers l’insertion et l’occasion de retrouver le sens de l’activité. Pour les collectivités et les personnes qui les soutiennent, elles représentent cette espérance que, face au chômage, il est possible de passer d’une approche passive à une approche active.
Depuis 2014, leur financement repose sur des aides au poste variant suivant le type de structure, accompagnées d’une modulation, en théorie de 0 à 10 %, en fonction de critères de résultats obtenus en matière d’accueil et d’insertion. Si les acteurs sont globalement satisfaits de cette réforme, la modulation apparaît comme excessivement bureaucratique, sans apporter une réelle différenciation en fonction des résultats, la quasi-totalité des structures recevant aux alentours de 5 %. Madame la ministre, vous ne m’avez pas indiqué ce que vous comptiez faire pour rendre cette modulation plus effective, alors que des réflexions sont en cours depuis plusieurs années au sein du ministère.
L’histoire des initiatives en matière d’IAE fait apparaître le plus souvent une dynamique de territoires et de personnes, qui fait naître un écosystème autour de l’activité économique. Si le projet de loi de finances pour 2018 prévoit de subventionner près de 71 000 postes en équivalent temps plein, soit 5 000 postes supplémentaires, de nombreuses structures que j’ai rencontrées présentent des potentiels de croissance que je vous demande de soutenir. En commission des affaires sociales, j’ai tenté de convaincre mes collègues que des représentants de la nation pouvaient faire évoluer à la marge la structure d’un budget pour défendre des dispositifs que tous jugent très pertinents en matière d’accès à l’emploi. Madame la ministre, seriez-vous favorable à doubler cet effort, en prévoyant 10 000 aides au poste de plus, sachant que pour les finances publiques cet effort sera négligeable, puisqu’il permettrait d’éviter des dépenses d’aide sociale ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons le premier budget du travail et de l’emploi de cette nouvelle législature. Il est loin d’être le budget de rupture nécessaire, et s’affiche plutôt comme un budget d’attente qui se déleste de la politique brouillonne et opportuniste de vos prédécesseurs.
Visuellement, le budget en faveur du travail et de l’emploi reste stable, en passant de 15,4 à 15,3 milliards d’euros. En réalité toutefois, il perd 1,5 milliard d’euros en raison notamment de l’augmentation des crédits destinés à la compensation par l’État des allocations des demandeurs d’emploi en fin de droits. La mesure principale du Gouvernement est la diminution drastique des contrats aidés. Comprenons-nous bien, madame la ministre : je ne suis pas opposé à une autre solution que celle des contrats aidés. Ceux-ci ont souvent été utilisés par les différents gouvernements comme un moyen de diminution artificielle du chômage. Le gouvernement de François Hollande a toutefois été l’un des plus grands utilisateurs de cet artifice, que nous avons toujours dénoncé. Nous n’allons donc pas nous contredire aujourd’hui.
Toutefois, nous devons dire que la brutalité de la méthode nous semble inacceptable. Vous avez abondé le nombre de contrats aidés durant l’été, pour annoncer leur suppression brutale en août. Cette annonce sans concertation va mettre en péril un grand nombre d’acteurs, que ce soient des associations, des entreprises ou des collectivités locales. Elle va également faire payer ceux qui sont actuellement bénéficiaires de ces contrats, généralement les personnes éloignées de l’emploi et en situation de précarité.
Enfin, non seulement vous avez pris la décision de baisser le nombre de contrats aidés, mais aussi leur taux de prise en charge, qui passe ainsi de 72 % à 50 %. Cette décision mettra, elle aussi, les finances des acteurs concernés en péril. Un minimum de concertation sur ce sujet aurait été bienvenu voire nécessaire. Sur ce sujet, madame la ministre, vous ne pouvez pas prendre l’argument de la promesse de campagne, puisque le candidat Macron n’avait jamais annoncé une telle baisse. C’est en réalité la guillotine de Bercy qui a frappé.
Par ailleurs, l’une des promesses de campagne, appliquée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, aura des conséquences importantes sur le budget du travail et de l’emploi. La hausse de la CSG et la suppression des cotisations sociales vont en effet avoir un effet direct sur l’UNEDIC. Or cet organisme contribue au financement de Pôle emploi à hauteur de 10 % de ses recettes, c’est-à-dire 3,3 milliards d’euros en 2016, soit 64 % du budget de Pôle emploi.
En commission élargie, vous nous avez expliqué que ce problème était résolu puisque la baisse pour Pôle emploi serait compensée par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – l’ACOSS. Cette compensation est prévue pour 2018. Mais le sera-t-elle pour les années à venir ? Il semble que ce sera donc à la Sécurité sociale de compenser cette baisse de dotations, avant d’être abondée par la hausse de la CSG, dont les retraités notamment seront les victimes. Cela ressemble à une rustine plutôt qu’à une décision réfléchie. Pourquoi ne pas avoir attendu la réforme de l’UNEDIC et celle de l’assurance chômage pour engager ce changement majeur ?
À l’occasion de cette même commission élargie, la majorité a fait adopter une disposition qui n’était pas prévue par le Gouvernement. Ainsi, les crédits de tous les programmes de ce budget sont ponctionnés afin de créer un dispositif d’emplois francs – même si l’amendement du Gouvernement fait évoluer les choses. Il s’agit d’une prime à l’emploi destinée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville : 15 000 euros sur trois ans pour une embauche en CDI et 5 000 euros sur deux ans pour une embauche en CDD. Cette expérimentation coûterait 64 millions d’euros pour l’année 2018. Cette belle idée de discrimination positive peut s’entendre sur le principe. Nous devons en effet aider à faire diminuer le taux de chômage dans les quartiers prioritaires, car il y est extrêmement élevé. Toutefois, est-ce la bonne solution ?
En 2013, le précédent gouvernement s’était essayé aux emplois francs. Le résultat, qui n’était pas satisfaisant, avait entraîné l’arrêt puis la suppression du dispositif. En 2013, les emplois francs étaient limités aux jeunes de 16 à 30 ans ; les vôtres ne prévoient pas de limite d’âge. Ceux de 2013 étaient soumis à une condition de qualification ; les vôtres n’en imposent aucune. Pas de conditions, et un montant d’aide très supérieur à celui de 2013 ; tout cela fait craindre un effet d’aubaine.
Pourtant, France Stratégie, institution alors présidée par Jean Pisani-Ferry, proposait, en mars 2015, de restreindre le dispositif aux « habitants les moins qualifiés pour éviter les effets de dépréciation des plus diplômés », d’adapter l’aide à la durée du travail et de prévoir une évaluation indépendante pour apprécier les effets d’aubaines. Apparemment, la plume du projet économique du candidat Macron n’a pas été entendue, et c’est bien dommage.
Sur le plan de la formation professionnelle, ce budget est marqué par les annonces gouvernementales. Le Premier ministre prévoit ainsi, dans le volet formation de son plan d’investissement, de former un million de jeunes décrocheurs afin que 150 000 d’entre eux trouvent un emploi, ainsi qu’un million de demandeurs d’emploi dans l’objectif d’en conduire également 150 000 à retrouver du travail. On peut s’étonner du manque d’ambition de ce plan qui ne vise un taux de réussite que de 15 %. Mais surtout nous devons nous inspirer du précédent plan de formation.
Dans ce domaine, les régions ont pleinement joué le jeu, et je peux en témoigner en tant qu’ancien vice-président du conseil régional du Grand Est, délégué à l’emploi, la formation et l’apprentissage. Les régions ont principalement investi dans les formations qualifiantes et préqualifiantes, alors que Pôle emploi s’est plutôt chargé des formations professionnalisantes courtes. Ce plan doit donc se faire en étroite collaboration avec les régions et de façon pluriannuelle. Sur ce sujet, madame la ministre, nous vous avons posé plusieurs fois une question à laquelle vous n’avez toujours pas répondu clairement. Avez-vous prévu de transférer la compétence apprentissage des régions aux branches, un projet dont nous entendons trop souvent parler ?
Mes chers collègues, face à un budget qui manque d’ambition par rapport aux objectifs, le groupe Les Républicains ne pourra que voter contre.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » de ce projet de loi de finances est une mission centrale, tant elle regroupe des questions essentielles telles que la formation, l’accès à l’emploi, les conditions de travail et le dialogue social. Dans le contexte de reprise économique et de maîtrise des dépenses publiques qui est le nôtre, cette mission fixe des priorités fortes pour l’emploi et l’insertion. Nous saluons ainsi particulièrement les hausses de crédits pour la formation et la montée en charge de la Garantie jeunes, deux investissements essentiels pour l’avenir de notre pays. L’investissement dans les compétences, et notamment dans le potentiel de notre jeunesse, est primordial pour enfin gagner la guerre du chômage.
Nous retrouvons dans cette mission « Travail et emploi » trois objectifs clairs soutenus par le groupe MODEM. Il s’agit d’abord d’édifier une société de compétences
via une réforme ambitieuse de la formation qui se traduit dans cette mission par un investissement exceptionnel de 13,8 milliards d’euros. Le groupe MODEM se félicite notamment de la priorité donnée aux personnes éloignées de l’emploi, qu’il s’agisse des demandeurs d’emploi de longue durée mais également des jeunes peu qualifiés, lesquels bénéficieront d’une progression des crédits accordés au déploiement de la Garantie jeunes. Nous serons vigilants quant à la montée en charge effective de cet investissement tout au long de ce quinquennat.
Le second objectif est un redéploiement des politiques d’insertion, désormais davantage ciblées vers des publics et des territoires prioritaires. C’est ainsi le cas des emplois aidés, financés à hauteur de 200 000 en 2018 et qui seront réorientés vers des secteurs prioritaires comme l’urgence sanitaire et sociale et l’accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire, et vers des territoires précis comme l’outre-mer, les communes rurales en difficulté et les quartiers prioritaires. Il s’agit d’un choix responsable, d’un choix d’efficacité, pour mieux accompagner les personnes et assurer leur véritable insertion, tout en ne délaissant pas les secteurs qui en ont le plus besoin.
Enfin, le troisième objectif vise à améliorer notre service public de l’emploi. Le groupe MODEM salue ainsi l’effort de consolidation financière de l’association pour la formation professionnelle des adultes – l’AFPA – à travers un contrat d’objectif et de performance, de même que les mesures destinées à améliorer l’efficacité de nos services de l’emploi dans un contexte de restriction budgétaire. Il nous paraît en effet essentiel que chaque service de l’État participe à cet effort, tout en poursuivant une logique de modernisation
via notamment la dématérialisation et le réajustement des effectifs des administrations.
Nous souhaitons cependant appeler votre attention, madame la ministre, sur trois points qui nous paraissent essentiels pour la bonne mise en œuvre des réformes. Tout d’abord, le groupe MODEM s’inquiète de la baisse importante et soudaine du budget des maisons de l’emploi. Aujourd’hui au nombre de 126, elles jouent un rôle significatif en matière d’analyse des besoins des entreprises, d’élaboration des programmes de formation, de gestion prévisionnelle des compétences et de reconversion des salariés et de mobilité professionnelle.
Elles interviennent au sein de notre territoire dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l’emploi. Le groupe MODEM ne se satisfait donc pas de la réponse apportée hier sur ce point par Mme la ministre à la question de notre collègue et nous ne soutenons pas le choix qui est fait de ne pas continuer à financer les maisons de l’emploi.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LR.) Elle a raison ! Nous souhaitons a minima qu’une diminution bien plus progressive soit retenue.
Deuxièmement, si le groupe MODEM soutient bien évidemment la volonté du Gouvernement de développer la formation à distance, nous appelons cependant l’attention sur les difficultés rencontrées par certains publics dans l’accès aux outils numériques et leur maniement. La maîtrise de ces outils nécessite en effet un certain nombre de compétences dont tout le monde ne dispose pas. Un accompagnement est donc essentiel afin que chacun puisse pleinement bénéficier des nouveaux outils qui seront mis à disposition. Nous attendons du Gouvernement la mise en place de véritables mesures de soutien dans l’accès au numérique, qui représente, s’il est bien utilisé, un potentiel important dans le développement de la formation.
Enfin, le groupe MODEM se félicite de l’effort consenti en faveur de certains dispositifs tels que les écoles de la deuxième chance et l’EPIDE, ainsi que de l’expérimentation « Zéro chômeur dans les territoires » qui se voit confortée
via une montée en charge. Nous nous félicitons également du soutien apporté au secteur de l’insertion par l’activité économique, mais nous souhaitons cependant que cet effort soit davantage soutenu, les 5 000 aides au poste supplémentaires n’étant à notre sens pas suffisantes. En effet, les structures de ce secteur proposent un accompagnement efficace à des publics éloignés de l’emploi et les entreprises d’insertion témoignent qu’elles se trouvent régulièrement contraintes, pour accroître leur capacité, de créer des emplois d’insertion alors même que leur activité globale est en développement.
Pour conclure, nous saluons les réformes majeures initiées dans cette mission et qui seront poursuivies dans les mois à venir, en matière de formation professionnelle et d’apprentissage, mais également d’assurance chômage et de retraites. L’ensemble de ces réformes ambitieuses permettra de rénover en profondeur notre modèle social et de lutter efficacement contre le chômage, ce qui doit être notre priorité absolue. C’est pourquoi le groupe MODEM votera les crédits de la mission « Travail et emploi ».
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.) La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants. Les existants… Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la ministre, c’est une bien curieuse impression que laisse la lecture de ce premier budget de la mission « Travail et emploi » du quinquennat. Je ne vous le fais pas dire ! En effet, notre groupe peut facilement souscrire à un certain nombre d’objectifs affichés. Pour autant, nous regrettons la méthode avec laquelle certains choix ont été annoncés et effectués. Nous déplorons également des erreurs d’analyse sur le rôle de certains opérateurs de la politique de l’emploi. Nous partageons votre volonté de redonner leur pleine efficacité aux contrats aidés, en les concentrant sur les publics les plus éloignés de l’emploi, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous souscrivons à l’objectif de faciliter réellement l’accès à la formation professionnelle pour celles et ceux qui en ont le plus besoin, et de donner une plus grande part à l’apprentissage.
Néanmoins la politique de l’emploi annoncée à travers les chiffres de ce budget souffre d’un décalage trop évident. Décalage d’abord entre la relative stabilité globale des chiffres, autour de 15,3 milliards d’euros en crédits de paiement, et les redéploiements opérés au sein des programmes. Les contrats aidés sont, évidemment, le dispositif le plus lourdement affecté, avec une réduction de leur nombre à 200 000 en 2018. Notre groupe n’a jamais considéré les emplois aidés comme la panacée d’une politique de l’emploi. Nous avons toujours dit, et nous restons convaincus, qu’ils ne sont que l’un des outils qui peuvent être actionnés pour lutter contre le chômage, à condition qu’ils permettent à leur bénéficiaire d’accéder à une formation validant une montée en compétences et conduisant à l’emploi pérenne.
C’est vrai ! Pour autant, l’annonce d’une baisse drastique, dès 2017 et pour 2018, a créé une vive inquiétude qui se maintient toujours parmi les bénéficiaires d’emplois aidés et parmi leurs employeurs : associations, collectivités territoriales ou entreprises. Ou centres sociaux ! Beaucoup sont sans solution. Nous doutons que la montée en charge, en 2018, du « plan d’investissement compétences » offre une réponse tangible aux personnes concernées. Nous aurions sans doute préféré accentuer les obligations de formation en impliquant Pôle emploi et permettre une « sortie en sifflet » du dispositif, via une baisse progressive du taux de prise en charge par l’État.
Décalage ensuite entre les ambitions affirmées et la réalité vécue dans les territoires. Le sujet de l’emploi associatif en est un exemple : vous annoncez une baisse de charges de 1,5 milliard d’euros au profit des associations en 2019, ce qui leur permettra sans doute de renforcer leurs conditions d’embauche, mais c’est dès le 1er janvier 2018 que la plupart d’entre elles seront confrontées au renouvellement de leurs salariés, qu’elles ne pourront pas assumer sans l’accompagnement de l’État. Elles réclament à juste titre un moratoire ou au moins un étalement.
Bravo ! Décalage encore entre les jugements portés sur les outils de la politique de l’emploi et la réalité de leur rôle au niveau local. Vous présentez les maisons de l’emploi comme des « machins » désuets et dépassés depuis la création de Pôle emploi. Or en 2005, l’intuition de Jean-Louis Borloo était qu’il fallait créer des synergies entre les acteurs éparpillés du service public de l’emploi. Ces synergies, il voulait les développer au plus près des territoires, de la vie de nos concitoyens, des entreprises, des spécificités de chaque bassin d’emploi. C’était une bonne idée ! Il créait pour cela les maisons de l’emploi, dont le rôle de coordination des acteurs locaux de la politique de l’emploi n’a pas disparu avec la création de Pôle emploi, ne serait-ce que parce qu’il va au-delà de ce seul opérateur, par ailleurs souvent contesté par les chefs d’entreprise. L’intuition de Jean-Louis Borloo était qu’en insufflant de la dynamique territoriale dans les politiques de l’emploi, on leur redonnerait de l’efficacité. Or depuis 2008, comme vous l’avez justement fait remarquer en commission élargie, tous les gouvernements, de droite et de gauche, n’ont cessé de tenter de réduire les moyens des maisons de l’emploi. C’est vrai ! Il est d’ailleurs piquant de vous voir justifier votre décision à l’égard des maisons de l’emploi en vous appuyant sur l’attitude des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans, alors même que le Gouvernement auquel vous appartenez ne cesse de dénoncer tout ce qui a été entrepris par ses prédécesseurs ! En effet, joli paradoxe ! En réalité, on est dans la continuité ! Pour le coup, madame la ministre, vous seriez bien inspirée de ne pas vous inscrire dans la continuité de ces derniers, mais de promouvoir le nouveau monde ; c’est pourquoi nous proposerons des amendements visant à préserver les maisons de l’emploi dans les bassins d’emploi où elles existent et se montrent efficaces. Bravo ! Madame la ministre, les députés du groupe Les Constructifs sont convaincus, comme vous, que la bataille pour l’emploi ne peut être durablement gagnée que dans le cadre d’une politique globale. Cela implique une véritable politique de soutien à l’investissement, l’institution d’une véritable « flexisécurité » et une plus grande place au dialogue social dans les branches professionnelles et les entreprises. Vous avez pu constater que nous vous avons soutenue sur la modernisation du marché du travail et les ordonnances, même si notre groupe estimait que nous pouvions aller encore un peu plus loin, pour plus d’efficacité. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Nous nous plaçons dans une attitude vigilante, attentive et constructive à l’égard de votre projet de réforme de la formation professionnelle, dont les prochains mois nous dévoileront le contenu et la part de propositions que les parlementaires pourront y apporter. Mais décidément ce budget de transition de la mission « Travail et emploi » nous semble trop en décalage avec les réalités de l’emploi vécues par nos concitoyens. Il relève d’une approche plus sévère que rigoureuse. C’est pourquoi le groupe Les Constructifs s’abstiendra sur le budget de cette mission. Très bien ! Et s’ils acceptent vos amendements ? La parole est à M. Boris Vallaud, pour le groupe Nouvelle Gauche. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues ! « Je ne confirme pas [les] chiffres [parus dans la presse] parce qu’ils ne sont pas exacts. Le budget du ministère du travail […] est […] stable. » Cette phrase, madame la ministre, est celle que vous avez prononcée début septembre alors que la presse faisait état d’une baisse significative des crédits alloués à la mission « Travail et emploi » pour 2018. Aujourd’hui, force est de constater que c’est la presse qui détenait les chiffres exacts car votre budget est bien en baisse de 1,5 milliard d’euros, et le pire est à venir. C’est quand même gênant ! Pour justifier cette baisse, vous tablez sur une amélioration de la conjoncture économique, que nous espérons tous. Mes chers collègues, la conjoncture économique ne suffira pas à réintégrer les 2,5 millions de personnes aujourd’hui exclues du marché du travail. Et il est à craindre que ceux qui ont déjà été les premiers à subir la crise soient les derniers à profiter de la reprise. Car en réalité, madame la ministre, ce budget « Travail et emploi » pour 2018 est celui de tous les dangers : danger social pour les publics les plus éloignés de l’emploi ; danger financier pour les structures qui accueillent ces personnes ; danger territorial pour de nombreux services publics des collectivités. Eh oui ! Tout d’abord, en plein cœur de l’été, sans avoir mené aucune concertation, vous avez décidé de supprimer 140 000 emplois aidés. Cette décision est brutale vis-à-vis des personnes bénéficiaires de ces contrats : au motif qu’ils occuperaient de « faux emplois », vous décidez d’en faire des vrais chômeurs. Cette décision résume à elle seule la manière dont vous considérez ceux qui occupent ces emplois, ces vrais emplois – non des emplois aidés mais des emplois qui nous aident, toutes et tous, par les missions qu’ils accomplissent. Très bien ! À ceux que vous avez blessés et humiliés, je dis que ce n’est pas à eux de baisser les yeux. Cette décision est également brutale vis-à-vis des acteurs de la solidarité qui n’ont jamais été consultés sur ce coup de rabot aveugle et généralisé. L’argument fort que vous avancez pour défendre la baisse du nombre de contrats aidés est la transformation du CICE en baisse de cotisations. D’abord, la diminution drastique du nombre de contrats aidés intervient dès 2017 alors que la transformation du CICE n’est prévue que pour 2019. Par ailleurs, la baisse des cotisations patronales ne sera pas équivalente à la prise en charge des contrats aidés, car de nombreuses associations qui comptaient des emplois aidés n’ont pas de salariés. La vérité, madame la ministre, c’est que de nombreuses associations sont aujourd’hui menacées. Eh oui, c’est cela la réalité ! Cette décision est enfin brutale vis-à-vis de nos territoires pour lesquels les conséquences seront graves et irréversibles. Ce sont autant d’agents spécialisés des écoles maternelles, d’agents d’accueil de médiathèque ou d’animateurs qui n’assureront plus leurs missions essentielles sur ce territoire. (« C’est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe REM.) C’est vrai et faux en même temps ! Ce que vous prétendez donner en dotations d’une main, vous le reprenez de l’autre. Pour justifier la suppression des contrats aidés, vous en dénoncez le caractère coûteux et l’inefficacité en matière d’insertion professionnelle. Vous ne cessez d’évoquer un taux de sortie positif dans l’emploi de 27 %. Nous persistons à rappeler que ce chiffre est faux et que la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, DARES, elle-même, dans une note de mars dernier (Applaudissements sur les bancs du groupe NG) , indique un taux de sortie positif dans l’emploi de 41 % pour les contrats du secteur non marchand. Il a raison ! Ce sont vos propres services qui le disent ! En 2015, les 60 000 contrats aidés supplémentaires ont permis une création nette d’environ 21 000 emplois selon la DARES. Sur la base de ce diagnostic faux et caricatural, vous opposez les contrats aidés à la formation. Mais cette opposition est stérile. Il n’existe pas une solution miracle mais bien une multitude de solutions pour faire face à des situations diverses. Et pour les publics les plus éloignés de l’emploi, chacun sait que le triptyque accompagnement, formation professionnelle et mise à l’emploi est indispensable. Les responsables nationaux de plusieurs associations de lutte contre l’exclusion l’ont récemment rappelé. Certains d’entre eux sont dans les tribunes de notre hémicycle ce soir ; je voudrais saluer leur présence. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.)
Ensuite, madame la ministre, je tiens à vous dire que vous ne respectez pas les engagements pris par l’État. Je veux ici parler des politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées. En mars 2017, l’État a signé un contrat de développement responsable et performant du secteur adapté, prévoyant la création de 5 000 emplois supplémentaires entre 2017 et 2022 au sein des entreprises adaptées.
Très bien ! Or les 1 000 aides au poste qui devraient être prévues pour le budget 2018 ne sont pas financées et la subvention d’accompagnement et de développement versée aux entreprises adaptées chute de 7 millions d’euros. Lors de sa conférence de presse annuelle sur l’emploi, lundi dernier, l’Association des paralysés de France a fait part de ses vives inquiétudes et a parlé d’un véritable coup de massue. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que celui des personnes valides. Alors que vous avez fait de cette réduction d’écart l’une des priorités de votre quinquennat lors du comité interministériel de septembre dernier, vous ne tenez pas aujourd’hui cet objectif et réduisez drastiquement le nombre de contrats aidés, dont je rappelle que 11 % sont occupés par un travailleur en situation de handicap. Et vous mettez les entreprises adaptées, qui emploient 80 % des travailleurs handicapés, au régime sec : selon l’Union nationale des entreprises adaptées, il manque 17 millions d’euros – moins d’une journée de rendement de l’ISF – dans le budget pour leur permettre de continuer à fonctionner dans les mêmes conditions financières qu’avant, tout en créant 1 000 postes supplémentaires. Ce sont des choix politiques ! Enfin je voudrais évoquer les structures de l’insertion par l’activité économique, qui permettent aujourd’hui, chaque mois, à 140 000 personnes d’être employées. Une hausse de ce budget permettrait d’appuyer des projets prêts à démarrer et de soutenir des dispositifs efficaces ; mais vous ne l’augmentez pas. Coupes drastiques dans les contrats aidés, détérioration du soutien financier de l’État aux dispositifs d’insertion professionnelle, non-respect des engagements pris par l’État… Un budget, madame la ministre, c’est un peu l’inconscient d’une politique : en l’examinant, on y trouve tous les fantasmes du pouvoir. Votre budget, quand on y regarde de près, est à l’image de la société telle que vous la rêvez : une société coupée en deux. D’un côté, les gagnants, les « premiers de cordée », auxquels nul n’imagine jeter des pierres ; de l’autre, ceux que vous abandonnez à ce que vous croyez être leur destin de perdants. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget « Travail et emploi » pour 2018. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR.) Quel talent ! La parole est à M. Éric Coquerel, pour le groupe La France insoumise. Vas-y, Éric ! Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, voilà donc le budget « Travail et emploi » ; vous l’affichez comme une de vos priorités, et pourtant vous le réduisez de 1,5 milliard d’euros. Il est vrai que par ailleurs vous voulez nous persuader que vous consacrez des dizaines de milliards à l’emploi : je parle des 9 milliards de cadeaux fiscaux au capital, des 20 milliards maintenus pour le CICE avant de transformer celui-ci en allégement définitif des cotisations patronales. Bref, à la politique publique de l’emploi, vous préférez la main invisible du marché qui, comme par miracle, doit transformer les cadeaux au capital en emplois, via la case investissement. Depuis trente ans, on nous joue toujours la même rengaine, qui a pour conséquence la baisse des recettes de l’État. Elle n’amène pas d’emplois, mais on retrouve la couleur de cette gabegie, en euros, dans les « Paradise papers » et les « Panama papers », avec pour corollaire la baisse des dépenses publiques.
Avec ce programme, madame la ministre, on est au cœur d’un triste paradoxe : alors que le taux de chômage atteint 10 %, c’est de 10 % que l’on réduit le budget de l’emploi ; alors que le taux de chômage atteint 10 %, on baisse la dotation de Pôle emploi de 50 millions d’euros. Vous adoptez une posture répressive vis-à-vis des chômeurs, comme s’ils étaient responsables de leur situation. Que ne contrôlez-vous pas plus l’effet du CICE sur l’emploi, vu que le MEDEF avait promis 1 million d’emplois en contrepartie de cette mesure ? Vous supprimez les crédits du Fonds national pour l’emploi, un des outils ayant montré leur utilité en matière de reconversion – il avait notamment permis d’accompagner la reconversion des salariées de Lejaby. Quant aux contrats aidés, de 479 000 en 2016 selon le budget exécuté, vous comptez les amener à 200 000 en 2018 ; c’est le plus grand plan social de l’histoire de France, avec la suppression de 279 000 emplois à la clé !
Nous allons tous payer les conséquences de cette situation, à commencer par les EHPAD – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –, les crèches, les associations, les collectivités locales, les entreprises des secteurs non marchands…
Les centres sociaux ! Vous nous dites que les contrats aidés n’aident pas à l’insertion. Pourtant, comme vient de le rappeler mon collègue Boris Vallaud, 67 % des contrats aidés du secteur marchand débouchent sur un emploi au bout de six mois, 41 % pour le secteur non marchand. Vous nous dites que vous remplacerez ces dispositifs par des formations, mais sur le modèle de l’apprentissage : le patron devient le professeur, voilà ce que vous nous proposez. Au passage, vous portez atteinte à l’un des fleurons de l’éducation nationale : l’enseignement professionnel.
Vous nous annoncez un grand plan d’investissement de 15 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros par an ; oui, mais cette année 1 milliard d’euros seulement sera consacré à la formation.
Cette politique, que l’on pourrait dire de Gribouille si elle n’était pas dramatique, ne relève que du bricolage, et généralisera la précarisation. Vous êtes en train de renverser l’un des piliers de l’État social hérité du Conseil national de la Résistance, c’est-à-dire les politiques publiques en faveur de l’emploi.
Si vous voulez revenir aux sources de la Sécurité sociale, il faut rétablir l’universalité des allocations familiales ! Nous allons tous, madame la ministre, mourir de cette saignée libérale si nous ne parvenons pas à temps à y mettre un terme. J’espère que nous arriverons à le faire dans les semaines ou les mois à venir, avec l’aide d’un mouvement social.
Madame la ministre, ce budget n’est pas à la hauteur de la situation. Vous l’aurez compris, nous appelons l’Assemblée à le rejeter. En réalité, les crédits de cette mission représentent votre deuxième mauvaise action politique, après les ordonnances visant à détruire le code du travail. Quelques mois après ces ordonnances, vous affaiblissez considérablement les politiques publiques en faveur de l’emploi : je dois dire qu’au bout de six mois, pour une ministre de travail, on n’a jamais vu pire bilan !
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Pierre Dharréville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le budget de la mission « Travail et emploi » appartient à la même catégorie que le budget de la mission « Logement », à savoir celle des budgets sacrifiés. Vous prévoyez en effet une baisse de crédits de 1,5 milliard d’euros pour l’année 2018, mais ce n’est là qu’une mise en bouche, puisque vous prévoyez de poursuivre cette trajectoire en 2019 et en 2020 avec 3 milliards d’euros de baisses supplémentaires.
Il faut bien en venir aux conséquences des largesses que vous avez accordées aux plus fortunés et au monde de la finance. Dans un contexte de chômage de masse, au milieu de réformes plus globales visant encore à flexibiliser le marché du travail, de telles orientations budgétaires sont d’autant plus dévastatrices. La question de l’emploi est centrale, tout autant que celle du travail. Or ce budget rafistolé, rapetassé, est d’abord un budget d’austérité qui fragilisera certains de ceux qui sont déjà les plus fragiles.
Il le fera par deux canaux. Premièrement, la division par deux du nombre de contrats aidés, l’une des premières annonces tonitruantes et intempestives de ce quinquennat, laissera des traces. Si la formule des contrats aidés n’est pas une panacée, la brutalité de cet immense plan social sans accompagnement ne sera pas sans conséquences.
Brutalité, tout d’abord, pour les personnes concernées, en cours d’insertion, qui se retrouvent du jour au lendemain en difficulté. Elles ne sont pas seulement des chiffres, pas seulement des statistiques ; elles se sont senties humiliées par la manière dont leur travail, leur investissement ont été considérés. C’est pourquoi nous proposerons un amendement visant à porter à 330 000 le nombre des contrats aidés.
Brutalité ensuite pour les structures qui les emploient dans le but de répondre à des besoins sociaux utiles. Plusieurs centaines de contrats de ce type sont utilisés par les centres sociaux du département des Bouches-du-Rhône. Moins de contrats aidés, c’est moins de services publics de proximité, moins de services à la personne, moins de ressources pour le monde associatif et pour le monde culturel. Or pour le moment aucune mesure sérieuse n’a été prévue pour accompagner les conséquences sociales de ces destructions d’emplois, y compris pour certaines administrations comme l’éducation nationale.
Deuxièmement, nous notons avec regret la réduction de l’enveloppe dédiée aux entreprises adaptées qui contribuent à l’insertion professionnelle de 26 000 personnes en situation de handicap. Vous envoyez là un très mauvais signal, à l’heure où le taux de chômage de ces personnes s’élève à 22 %.
Troisièmement, ce budget est également un budget d’affaiblissement du service public de l’emploi. Si les moyens des missions locales sont reconduits en 2018, ce n’est pas le cas pour les autres acteurs de la politique publique de l’emploi. Ainsi, après plusieurs années de disette, la subvention de Pôle Emploi est réduite de 50 millions d’euros et ses effectifs largement diminués. Cela aura des conséquences sur l’accompagnement et l’accueil des chômeurs : les besoins ne disparaîtront pas parce que vous l’avez décidé, et malgré votre confiance forcenée envers les décideurs économiques, vos mesures n’auront pas les vertus quasi magiques que vous leur prêtez.
Je voudrais également évoquer en quelques mots la situation des maisons de l’emploi. Vous prévoyez de diviser par deux les crédits affectés à ces structures et de les ramener à néant en 2019, au motif qu’elles feraient doublon avec Pôle emploi. Vous signez donc définitivement le désengagement de l’État vis-à-vis de dispositifs territoriaux qui ont pourtant montré une certaine efficacité en matière de gestion territoriale des emplois et des compétences ou de développement économique local. Vous laissez aux collectivités locales la charge de ces structures alors qu’elles déjà fortement pénalisées par la baisse des dotations.
Les 11 millions d’euros que vous retirez aux maisons de l’emploi, vous les employez pour financer une expérimentation bien précipitée en faveur des « emplois francs », qui coûteront bien plus cher à l’unité que les emplois aidés, et profiteront aux entreprises. Dans un contexte où nous devrions renforcer l’accompagnement des plus fragiles, ces orientations visant à affaiblir le service public de l’emploi nous paraissent contreproductives.
Enfin, je vous alerte quant à la situation des personnels du ministère du travail et des DIRECCTE – les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Après quatre années de restructurations, il est encore prévu de supprimer 239 postes en 2018 : la situation est devenue intenable, et empirera avec les ordonnances en qui sont en préparation.
Les services de l’Inspection de travail sont encore une fois ciblés. Dans un cadre budgétaire aussi contraint, comment les inspecteurs pourront-ils réaliser leur mission de contrôle de l’application du droit du travail, un droit qui deviendra de plus en plus complexe après la ratification des ordonnances sur le Code du travail, dont nous allons bientôt débattre ?
Dans un courrier du 17 octobre dernier, l’intersyndicale des agents fonctionnaires du ministère du travail vous a interpellée en demandant le gel des suppressions de poste et l’arrêt des restructurations. Madame la ministre, qu’allez-vous leur répondre ?
Pour toutes ces raisons, comme vous le comprenez, les députés du groupe GDR sont opposés au budget de la mission « Travail et emploi ».
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI.) La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe La République en marche. C’est la voix de la gauche ! La gauche en marche ! Ça suffit, les invectives ! Madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce budget que nous pourrions qualifier de budget de transition s’inscrit dans un contexte de reprise de l’activité économique mais également d’engagement de réformes structurelles depuis longtemps souhaitées mais pour certaines incomplètement réalisées jusqu’à ce jour, qu’il s’agisse des ordonnances modifiant le code du travail ou des concertations que vous avez lancées, madame la ministre, dans le champ de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Dans ce contexte, certains souhaiteraient augmenter les crédits de cette mission, comme si cela suffisait à en faire un budget efficace ! Le budget que vous nous présentez vise, lui, à recentrer les moyens sur l’insertion des publics et des territoires les plus fragiles, avec l’objectif de rendre l’emploi moins précaire grâce à la formation et à la qualification. C’est ce que vous proposez pour les emplois aidés : 200 000 emplois en 2018, attribués par les préfets, au plus près des territoires et des publics concernés.
En vérité, vous n’en voulez plus du tout, de ces emplois aidés ! Ce retour aux emplois francs, c’est un scandale ! C’est l’emploi des jeunes que vous confortez avec la Garantie jeunes, les écoles de la deuxième chance, les centres de l’EPIDE. Vous privilégiez les dispositifs dont l’efficacité est prouvée, tout en vous adressant aux personnes les plus en difficulté, celles qui ont trop souvent été laissées au bord du chemin, même lorsque les dispositifs avaient été d’abord pensés pour eux.
Je voudrais m’arrêter un instant sur le plan d’investissement compétences, inclus dans le grand plan d’investissement, qui vise à conjuguer la compétitivité économique et la création d’emplois pérennes avec un retour à l’emploi de personnes aujourd’hui peu qualifiées. Cette démarche ne peut se concevoir qu’en cohérence avec la formation scolaire et universitaire, qui est en cours de réforme.
Votre ministère est en première ligne pour développer la formation professionnelle et l’alternance – qui comprend aujourd’hui l’apprentissage et les contrats de professionnalisation – en liant la formation professionnelle et l’orientation. Nous avons besoin de cette cohérence, puisque les compétences sont aujourd’hui encore très cloisonnées et éparpillées entre l’État, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux.
C’est bien pour cela que nous avons besoin des maisons de l’emploi ! Mais quand se taira-t-il, celui-là ! Je parle si je veux, madame la présidente de la commission ! Mes chers collègues, écoutons l’oratrice… Ces politiques publiques ne sont pas toujours simples, madame la ministre, à appréhender par les acteurs eux-mêmes, et encore moins par nos concitoyens – alors que ceux-ci devraient en être les premiers bénéficiaires ! C’est pourquoi nous souhaitons avec vous les faire évoluer, les transformer, les simplifier, conformément à nos engagements et à ceux du Président de la République pendant la campagne.
L’enjeu est immense, le travail intense, mais l’engagement de notre groupe est total. Nous disons ce que nous faisons, et nous faisons ce que nous disons. Nous n’avons pas choisi la facilité. Nous espérons avec vous, madame la ministre, que les résultats seront à la hauteur des ambitions que nous avons pour nos concitoyens. Ce budget constitue une première étape ; il sera suivi de plusieurs autres. Nous vous accompagnerons avec conviction et détermination.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM - Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Nous en arrivons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Je suis saisi d’une question du groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Madame la ministre, le plan d’investissement en faveur de la formation comporte un volet consacré à la formation à distance. Ce sont ainsi 250 000 actions de formation ouvertes à distance qui sont prévues en complément du million d’actions de formation qui seront financées en direction des demandeurs d’emploi faiblement qualifiés sur la durée du quinquennat. Nous saluons tout à fait ce type d’initiative, la distance étant évoquée comme un frein à la formation par 20 % des demandeurs d’emploi.
Cependant, je m’interroge quant aux modalités de mise en place d’une telle mesure, compte tenu des freins qui existent pour ce type de formations. En effet, la participation à une formation à distance suppose d’être équipé du matériel adéquat, de savoir correctement l’utiliser et de maîtriser la langue française. Ces trois conditions excluent une partie non négligeable du public éloigné de l’emploi. Par ailleurs les personnes résidant dans les zones qualifiées de « déserts numériques » peuvent également être privées de l’accès à la formation à distance.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser quel sera le contenu de ces formations, et quel type de public sera prioritairement visé ? Quelles mesures d’accompagnement seront prévues pour permettre aux personnes peu qualifiées d’accéder à la formation à distance, qui représente une véritable opportunité ? Quelles structures prendront en charge les personnes suivant ces formations ?
Il me semble par ailleurs que des formations de base en informatique mais aussi en français sont nécessaires en complément de ces formations à distance, pour qu’elles puissent être rendues accessibles au plus grand nombre dans les années à venir.
(Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.) La parole est à Mme la ministre. Je vous remercie, madame la députée, pour votre question sur le plan d’investissement compétences. Vous l’avez compris : ce sera un élément majeur de la transformation de nos politiques, et d’abord de ce budget. Aujourd’hui, la caractéristique la plus commune chez les chômeurs, c’est l’absence de qualification. Le taux de chômage des personnes diplômées d’un bac + 2 et au-dessus est de 5,6 % ; pour les personnes sans qualifications, ce taux est de 18,6 %.
Notre première responsabilité, dans la lutte pour l’emploi, contre le chômage, c’est de permettre à tous les jeunes, à tous les demandeurs d’emploi, de suivre une formation ayant une valeur sur le marché du travail, afin que la reprise de la croissance soit une opportunité pour eux.
C’est pourquoi nous avons conçu le plan d’investissement dans les compétences. C’est notre priorité pour le quinquennat : vous en voyez les conséquences sur le plan budgétaire. Quel sera le contenu de ce plan d’investissement ? Il aura plusieurs aspects. Nous allons ouvrir beaucoup de discussions à ce sujet, lancer beaucoup de concertations, avec toutes les parties prenantes : les régions – cela a été évoqué tout à l’heure –, qui ont une compétence importante en la matière en raison de la décentralisation, les partenaires sociaux, les branches professionnelles.
La reprise de la croissance est robuste et durable : chacun a pu constater que dans ce contexte, le nombre de métiers en tension et de compétences demandées augmente très fortement. Il faut donc orienter les demandeurs d’emploi vers les qualifications correspondantes, de même qu’il faut pouvoir financer des formations plus longues aboutissant à de vraies certifications.
Un volet sera par ailleurs consacré à l’accompagnement des grandes transformations numériques et écologiques. S’agissant de la transformation numérique, il y a trois enjeux : le premier porte sur les compétences numériques de base, qui concernent tout le monde car il faudra en posséder demain pour pouvoir être un acteur sur le marché du travail, que l’on soit demandeur d’emploi ou salarié ; le deuxième, ce sont les compétences recherchées par l’industrie numérique, qui recrute énormément et à tous niveaux, du CAP à l’ingénieur en ressources ; et le troisième, le point majeur, c’est l’importance croissante de la dimension numérique dans tous les métiers actuels – on estime que 50 % des emplois vont être transformés dans les années qui viennent –, ce qui va en faire une priorité. L’enseignement à distance est une modalité possible ; pour réussir, elle doit en général se combiner avec le présentiel. Je vous suis là-dessus, madame la députée : il ne peut s’agir d’un pur enseignement à distance, celui-ci n’est qu’un des éléments de la palette.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.) La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour le groupe Nouvelle Gauche. Madame la ministre, permettez-moi de revenir sur la méthode qui a présidé à la baisse du nombre de contrats aidés. Au cœur de l’été, le 10 juillet dernier, le ministre des comptes publics annonçait, avec brutalité, leur réduction drastique. Les associations, les municipalités, les maisons de retraite, les établissements culturels, les parents d’élèves en situation de handicap, les centres sociaux et médico-sociaux découvrent avec stupéfaction qu’ils n’en bénéficieront plus dans les prochaines semaines. Face à une fronde inédite allant des communes de La Réunion jusqu’aux Restos du cœur de Grenoble, le Gouvernement improvise alors, le 24 juillet, une rallonge budgétaire, mais, ne pouvant satisfaire tout le monde, il décide ensuite de recentrer les contrats aidés restants sur le secteur non marchand et sur quatre priorités : l’accompagnement des élèves en situation de handicap, l’urgence sociale et sanitaire – elle-même décomposée en plusieurs priorités –, les outre-mer et les communes rurales. Par ce choix, vous soulevez plus de questions que vous n’en résolvez, vous divisez plus que vous n’unifiez ! C’est de l’improvisation ! Malheureusement, depuis ces annonces de septembre, nous n’avons aucune information.
Première question : quelle sera la répartition des emplois au sein de ces secteurs dits prioritaires ?
Deuxième question : pour la seule priorité que vont constituer les outre-mer, comment s’établira la répartition entre les territoires ?
Troisième question : pouvez-vous nous confirmer les propos de votre collègue Annick Girardin, selon lesquels il y aura dans les outre-mer le même nombre de contrats aidés en 2018 qu’en 2017 ?
Quatrième question : quels seront les taux de prise en charge par l’État et la durée maximale de ces contrats dits prioritaires ?
Cinquième question : les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont-ils une priorité du Gouvernement pour les contrats aidés ? Le Premier ministre ne les a pas mentionnés, mais votre collègue Jacques Mézard, si.
Madame la ministre, nous sommes le 8 novembre 2017, et tous toujours dans le flou le plus complet, tant sur l’enveloppe de contrats aidés dédiée aux territoires particuliers que sur celle dédiée à l’ensemble des secteurs prioritaires.
(Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR.) Cela mérite une réponse précise ! Oui ! La parole est à Mme la ministre. Madame la députée, je vous remercie de votre question qui va nous permettre de nous expliquer une fois pour toutes. Je suis extrêmement étonnée qu’un tel propos, que je comprends sur le terrain, vienne de la Nouvelle Gauche… Je rappelle à tous que sous la législature précédente, l’Assemblée nationale, à la demande du gouvernement d’alors, avait voté une extrêmement forte réduction des contrats aidés dans la loi de finances initiale pour 2017 (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe NG) , les faisant passer de 460 000 à 280 000, avec consigne donnée aux préfets de dépenser 80 % des crédits budgétés dès le premier semestre, ce qu’ils ont fait – car ils sont disciplinés – en contactant eux-mêmes les communes pour les inciter à prendre des contrats aidés. (Mêmes mouvements.) La continuité de vos politiques ne se cache plus ! Mme la ministre a seule la parole. Certains contrats aidés sont efficaces, d’autres pas. Il y a une grande différence à cet égard d’un endroit à l’autre. Des associations et des communes ont fait un boulot formidable d’accompagnement dans l’insertion, dans l’esprit des nouveaux contrats aidés que nous voulons mettre en place, mais ailleurs de nombreuses personnes ont cru à tort qu’on allait les aider à s’insérer, alors qu’elles sont déjà précaires et sur des emplois non stables. Mais beaucoup sont pérennisés après ! C’est pourquoi nous voulons mettre de l’ordre, faire une distinction entre les contrats aidés qui peuvent être vraiment un tremplin, ce qui suppose de l’accompagnement, de la formation et de l’expérience, et les autres, qui sont juste pour la commodité. Quelle honte de dire ça ! Quant au financement des associations, c’est un autre sujet. J’entends totalement qu’il soit légitime de traiter de leur équilibre budgétaire, et c’est pourquoi le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires leur apportera dès 2018 près de 600 millions d’euros et qu’elles recevront 1,4 milliard d’euros l’année suivante à travers la baisse des charges. (Exclamations sur les bancs du groupe NG.) N’importe quoi ! Ce n’est pas vrai ! Par conséquent, s’il faut régler le problème du budget des associations, il ne faut pas pour autant encourager l’emploi précaire qui ne permet pas l’insertion. Le Gouvernement vise l’insertion efficace pour les demandeurs d’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.) C’est n’importe quoi ! Allez un peu sur le terrain ! Vous vivez dans une bulle ! La parole est à Mme Caroline Fiat, pour le groupe La France insoumise. Madame la ministre, vous souhaitez plafonner les indemnités prud’homales pour licenciement abusif afin, selon vous, de rassurer les entreprises. À cette fin, vous avez même mis en ligne à la mi-octobre, sur le site du ministère du travail, un simulateur qui permet d’estimer le montant des dommages et intérêts qu’un salarié peut obtenir aux prud’hommes. En permettant la budgétisation des licenciements par les entreprises, vous menacez gravement plusieurs libertés.
Tout d’abord, vous rognez ainsi la responsabilité du juge. L’agence Reuters nous apprend que, selon un sondage du barreau de Paris auprès de ses 28 000 membres, 63 % des avocats sont opposés au barème. À la question de savoir si cela augure des relations de travail « plus prévisibles et plus sereines », la réponse par la négative s’élève à 75 % ! Pour ouvrir droit à réparation, le préjudice doit en effet être apprécié de manière individuelle, en fonction de la situation du salarié. De plus, de nombreux syndicats s’opposent fermement à cet article injuste, craignant qu’il n’ouvre la porte à tous les abus. Enfin, de nombreux juristes s’attendent à ce que les taux de recours augmentent, de même qu’augmenteront les tentatives de contourner la législation en invoquant des motifs dérogatoires : violation d’une liberté fondamentale, harcèlement ou discrimination. Vous parlez de sécurisation, mais il n’y en a ni pour les employeurs ni pour les employés, car la sécurisation se construit sur la confiance.
De la sorte, vous testez à nouveau l’élasticité des libertés fondamentales inscrites dans la Constitution alors que vous savez très bien que l’article 266 de la loi Macron visait déjà à mettre en place une barémisation et qu’il a été censuré par le juge constitutionnel car cette disposition ne prenait pas suffisamment en compte les situations individuelles, contrevenant au principe d’égalité devant la loi. Votre mesure, madame la ministre, est injuste, clientéliste, sans doute inconstitutionnelle.
Il faut au contraire renforcer la législation et la rendre plus lisible au lieu d’affaiblir les chances pour les deux parties d’aboutir à un verdict juste, c’est-à-dire à la réparation intégrale des préjudices. Pourquoi ne pas avoir choisi cette voie ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Parce que leur programme, c’est la jungle ! La parole est à Mme la ministre. Les barèmes, madame la députée, n’ont pas d’incidences budgétaires et n’entrent donc pas exactement dans le cadre des discussions budgétaires, mais puisque vous souhaitez que je vous réponde sur ce sujet, je le fais volontiers, comme je l’ai déjà fait à plusieurs reprises devant votre commission des affaires sociales et ici même lors de l’examen de la loi d’habilitation.
Tout d’abord, je me permets d’apporter une rectification sur le plan juridique : le Conseil constitutionnel avait validé le principe du barème des indemnisations, mais pas la différence de barèmes selon la taille de l’entreprise car cela aurait créé une situation d’inégalité des droits entre les salariés concernés.
Le barème est une pratique assez courante dans beaucoup de pays. L’établissement d’un plancher et un plafond des indemnités, connus de tous, donnent de la visibilité à l’entreprise et aussi au salarié,…
Au salarié ? …dans le cadre d’une plus grande transparence, tout en laissant au juge un pouvoir d’appréciation. Je pense que cela va produire, comme dans les autres pays qui appliquent un tel dispositif, plus de conciliations, ce qui est tout de même l’intérêt de tout le monde car pour un salarié qui perd son emploi, attendre un an, voire deux ans, un jugement des prud’hommes,… Il faut augmenter le nombre de conseillers ! …l’empêche de se projeter dans l’avenir. La visibilité est bonne pour l’entreprise, mais aussi pour le salarié. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Nous en venons aux questions du groupe La République en marche.
La parole est à Mme Carole Grandjean.
Ma question, madame la ministre, porte sur le programme 102 relatif à l’accès et au retour à l’emploi. Le budget général 2018 comporte un programme d’investissements sur les compétences sans précédent : 13,8 milliards d’euros mobilisés sur le quinquennat, avec pour objectif de permettre l’accès à l’emploi pour deux millions de personnes.
Concernant la jeunesse, je souhaite insister sur deux déclinaisons renforcées : 4 000 jeunes de 16 à 26 ans seront intégrés dans les écoles de la deuxième chance et 20 000 en EPIDE. Ces dispositifs proposent un accompagnement technique mais aussi social, favorisant l’insertion professionnelle.
Concernant les demandeurs d’emploi de longue durée, la faible qualification accentue très fortement, on le sait, la difficulté d’accès à l’emploi. Nous saluons la démarche de formation longue, entre six mois et neuf mois, qui permet ainsi d’acquérir de véritables compétences et de véritables certifications. L’intégration passe aussi par une dimension souvent tue : celle de l’acquisition des postures professionnelles et des compétences relationnelles attendues par les recruteurs. Or dans sept cas sur dix, le refus de l’embauche s’explique par l’inadéquation entre l’attitude attendue et celle perçue ; c’est une clef nécessaire à l’insertion.
Il est prévu 200 000 nouvelles entrées en contrats aidés dans le secteur non marchand en 2018. Nous souhaitons que ce dispositif soit sollicité pour une réelle insertion de ces jeunes et des chômeurs de longue durée, priorisant certains domaines d’activité.
Enfin, l’insertion par l’activité économique est une logique d’insertion professionnelle conjuguée à une dimension sociale dont la réussite n’est plus à démontrer : entreprises d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion, associations intermédiaires, ateliers ou chantiers d’insertion, régies de quartier, tous ces dispositifs concourent de manière concrète et efficace à progressivement redynamiser socialement et requalifier professionnellement les personnes en difficulté.
La ministre lui a écrit sa question, ce n’est pas possible ! Avec près de 100 millions d’augmentations sur les crédits alloués à l’amélioration des dispositifs en faveur de l’insertion professionnelle, je vous demande, madame la ministre, de nous indiquer les pistes concrètes de redistribution des financements et quelles vont être les orientations dans le cadre des politiques publiques de l’insertion par l’activité économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à Mme la ministre. Madame la députée, vous l’avez souligné : toutes les situations ne sont pas les mêmes. Il faut pouvoir monter des parcours personnalisés et, pour y parvenir, disposer d’une palette d’outils permettant de répondre à des situations ou à des aspirations différentes.
Je voudrais, comme vous, commencer par le cas des jeunes. Comment la France peut-elle accepter en 2017 d’avoir 1,3 million de jeunes qui ne sont ni en formation initiale ou continue ni en emploi ? C’est un gâchis humain absolument incroyable et une perte de compétitivité économique, et quasiment un renoncement à la cohésion sociale si nous acceptons une telle situation. C’est pourquoi le Gouvernement accomplit beaucoup d’efforts en faveur de ces jeunes, vous le verrez lors de la réforme de l’apprentissage mais, dès à présent, les EPIDE, les écoles de la deuxième chance ainsi que la Garantie jeunes, que nous augmentons, constituent des éléments essentiels mis en œuvre par les missions locales et l’ensemble des dispositifs du service public de l’emploi.
Et puis il y a le Plan d’investissement dans les compétences, dont les deux grandes priorités sont les demandeurs d’emploi et les jeunes, notamment les jeunes sans qualification car c’est l’écart en ce domaine qui ne leur permet pas d’accéder à un emploi durable – au mieux, ils connaissent une succession de CDD ou d’intérim –, à une véritable autonomie économique et personnelle.
L’enjeu de la qualification est donc un des éléments clefs. Mais certains, vous l’avez évoqué, ne sont peut-être pas encore prêts à entrer dans une démarche qualifiante. C’est pourquoi il faut développer des dispositifs d’insertion comportant beaucoup d’accompagnement, ce qui conduit à la question des apprentissages comportementaux, des codes sociaux, et il est vrai que c’est aussi un facteur d’inégalité d’accès à l’emploi. En effet, ce n’est pas uniquement les compétences professionnelles, mais aussi la connaissance des codes sociaux qui permettent, dans le cadre d’une démarche de recrutement, d’être reconnu pour sa valeur. Car ces jeunes ont une valeur, ces jeunes ont un potentiel. Et notre travail commun, c’est de leur permettre de montrer ce potentiel, et de réussir.
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe MODEM.) La parole est à M. Philippe Chassaing. Le Président de la République a fait du chômage une priorité de son mandat au cours de la campagne électorale. Pour répondre à cet enjeu, le Gouvernement a mobilisé de nombreux leviers, qu’il s’agisse de l’épargne, orientée vers l’investissement productif, de la relance du pouvoir d’achat pour les salariés ou du plan de formation qui sera discuté sous peu. Dans cette lutte contre le chômage, l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail ont été, aux aussi, un des enjeux de la réforme du code du travail débattue au cours de l’été.
Ma question portera sur le programme 111, qui a justement pour but d’améliorer les conditions de travail. Ce programme devrait en effet voir ses crédits augmenter de 10 % l’an prochain.
Nous sommes tous convaincus de la nécessité de mener des actions visant à améliorer les conditions de travail des salariés. Celles-ci participent en effet à la compétitivité des entreprises en évitant le
turnover , en leur permettant d’attirer les salariés performants, en facilitant les transformations économiques. Elles sont également garantes de l’émancipation des individus par le travail. En somme, pour une entreprise, investir dans les conditions de travail c’est développer son efficience.
Aussi, à la suite de la réforme du code du travail, dont un des objectifs est de renforcer le dialogue social dans l’entreprise, pourriez-vous nous détailler les axes que vous comptez privilégier au sein du programme 111, madame la ministre ? Avez-vous également prévu de vérifier l’amélioration des conditions d’exercice du travail au sein des entreprises ? De quelle manière comptez-vous procéder ?
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.) La parole est à Mme la ministre. Monsieur le député, votre question revêt des aspects à la fois budgétaires et non budgétaires.
Concernant la partie budgétaire, comme je l’ai dit tout à l’heure dans mon propos liminaire, nous renforcerons les moyens alloués à la formation des conseillers prud’homaux et l’appui au dialogue social. Plus largement, l’ensemble des dispositifs qui permettent aux partenaires sociaux de jouer pleinement leur rôle figurent parmi nos priorités dans ce budget.
En dehors de l’aspect budgétaire, vous savez que j’ai confié à Gilles Gateau et à Jean-Dominique Simonpoli une mission pour renforcer l’ensemble des moyens dédiés à la formation et à la reconnaissance des compétences des délégués syndicaux et élus du personnel afin d’encourager les évolutions de carrière de ces derniers. Si nous voulons absolument renforcer le dialogue social, et c’est le but des ordonnances, alors il faut donner aux acteurs les moyens d’y jouer pleinement leur rôle.
En outre, la création de l’observatoire national et d’observatoires d’analyse et d’appui au dialogue social tripartites au niveau départemental nous permettra d’assurer le suivi de toutes ces transformations du travail, de mesurer l’évolution du dialogue social et son renforcement dans les entreprises de toutes tailles et dans tous les secteurs d’activité. Le comité social et économique, les nouvelles dispositions pour les entreprises de moins de cinquante salariés, le renforcement de la négociation au niveau de l’entreprise et de la branche constituent en effet une profonde transformation dont je pense que les effets seront extrêmement positifs, mais dont il est important que l’État et les partenaires sociaux assurent le suivi de façon transparente. Bien évidemment, nous en rendrons compte à l’Assemblée nationale et, plus largement, au Parlement.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.) Nous en avons terminé avec les questions. J’appelle les crédits de la mission « Travail et emploi », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1034.
Cet amendement est à considérer en lien avec l’amendement no 1033 qui vient plus tard en discussion.
Nous avons abordé lors de nos échanges en commission élargie une question essentielle : les moyens de lutter contre les barrières à l’emploi que peuvent rencontrer de nombreux habitants des quartiers populaires. Les études et analyses démontrent en effet qu’à diplômes, âges et parcours équivalents, il est plus difficile d’accéder à un emploi lorsqu’on habite certains quartiers. Pour le dire clairement, le quartier d’origine, l’origine sociale sont des facteurs de discrimination.
La lutte contre ces discriminations constitue un engagement de campagne important du Président de la République et des députés. Le dispositif « emplois francs » sera ainsi mis en œuvre dans l’ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV – à compter de 2020 dans le budget de l’emploi. Le Gouvernement a toutefois décidé d’anticiper cette mise en œuvre par une expérimentation portant sur un nombre limité de territoires en 2018 et en 2019 de façon à conforter les paramètres d’efficacité de cette mesure avant de la généraliser.
Pourquoi expérimenter au lieu de généraliser immédiatement ? Parce qu’une expérimentation différente a eu lieu en 2013 sous le même nom, et que, de l’avis général, elle n’a pas produit les résultats escomptés. Il faut apprendre de ses erreurs, qui ne sont pas uniquement des échecs. Nous modifierons donc les modalités du dispositif : l’aide sera différenciée selon les contrats – CDI ou CDD –, elle sera plus importante pour les CDI, l’accompagnement sera renforcé, et nous viserons une insertion dans les contrats de droit commun avec un engagement durable. L’expérimentation concernera quatre ou cinq groupes de quartiers. Notre objectif est d’aboutir à un dispositif particulièrement efficace et généralisable à l’ensemble du territoire.
À cette fin, l’amendement no 1034 ouvre les crédits correspondants sur le programme 103, qui sont évalués pour l’exercice 2018 à hauteur de 180 millions d’euros en autorisations d’engagement. J’appelle votre attention sur le fait que cet engagement ne sera pas compensé par la baisse d’autres crédits de la mission « Travail et emploi ».
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.) Quel est l’avis de la commission ? Mesure emblématique du programme présidentiel, le lancement des nouveaux emplois francs sous la forme d’une prime de 15 000 euros pour les entreprises embauchant en CDI ou en CDD un habitant des quartiers dits prioritaires est une mesure de cohésion sociale majeure.
Les rapporteurs spéciaux rappellent ainsi qu’il s’agit d’une politique de discrimination positive assumée en faveur des habitants des quartiers les plus en difficulté. Il convient à cet égard de souligner que le futur dispositif sera plus simple et certainement plus décisif que celui qui fut mis en place entre 2013 et 2015. En effet, compte tenu de l’ensemble des conditions restrictives d’accès à ce dernier, très peu de contrats avaient finalement été signés.
Une expérimentation sera lancée dès 2018, comme vient de l’indiquer Mme la ministre. Cet amendement prévoit donc des autorisations d’engagement et des crédits de paiement sur le programme 103 de la mission, et nous ne pouvons qu’y donner un avis favorable.
Très bien ! Au vu de l’importance de l’amendement gouvernemental dont nous discutons, je donnerai la parole à un certain nombre d’orateurs. Chacun comprendra que ce ne pourra être le cas sur les autres amendements.
La parole est à M. Thibault Bazin.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout à coup, par un amendement, surgissent les emplois francs. Ils appartiennent pourtant à l’ancien monde : le président Hollande les avait essayés, et nous avons vu le résultat. Parce qu’il était trop ciblé, le dispositif ne fut pas efficace. Celui qui avait imaginé la politique économique du président Hollande est devenu à son tour Président de la République. Il propose la même chose en pire : c’est la continuité entre deux présidences d’inspiration jupitérienne.
Votre dispositif n’est pas du tout ciblé, madame la ministre : il n’y a aucune limite d’âge, aucune spécificité quant au diplôme. Il entraînera un véritable effet d’aubaine. « En même temps », le Gouvernement propose 11 millions d’euros en crédits de paiement. « En même temps », le groupe majoritaire La République en marche propose 64 millions d’euros en crédits de paiement dans un amendement qui vient en discussion juste après celui-ci. Qu’appelez-vous expérimentation ? Est-elle de petite ou de grande envergure ? Est-elle proche de la généralisation ? C’est en tout cas une drôle de mesure.
On s’interroge surtout sur la méthode. C’est une question véritablement stratégique si l’on entend mener une politique de l’emploi efficace, ce à quoi nous tenons tous, c’est-à-dire une politique de l’emploi qui n’oublie aucun demandeur d’aucun territoire. À quand un dispositif équitable envers les demandeurs d’emploi des territoires rurbains et ruraux, madame la ministre ?
Eh oui ! Ces derniers sont en outre pénalisés par leur manque de mobilité. Mes chers collègues, notre République doit donner une chance à tous les oubliés de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Monique Iborra. Madame la ministre, parce que cette politique est attendue depuis longtemps dans les quartiers, notamment les QPV, parce que c’est un engagement du Président de la République, parce que votre proposition est plus simple mais reste une expérimentation, c’est-à-dire sera évaluée avant d’être généralisée, nous retirons l’amendement identique à celui de la commission des affaires sociales qui avait été adopté en commission élargie. Très bien ! C’est la débandade ! C’est même une reculade ! La parole est à M. Francis Vercamer. Madame la ministre, c’est avec grand intérêt que j’analyse votre amendement. J’avais moi-même défendu une mesure de ce type voilà une dizaine d’années dans cet hémicycle, et serais donc mal placé pour le contester aujourd’hui. J’avais en effet envisagé de mettre en œuvre un tel dispositif dans les quartiers en difficulté, non seulement les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aussi ceux qui, sans être classés prioritaires, rencontrent des difficultés sociales, car comme vous le savez, le périmètre de la politique de la ville a été fortement restreint au cours de la dernière législature, et les populations en difficulté ne s’y trouvent pas nécessairement.
Je mentionnerai quelques chiffres pour vous donner une idée de la situation, mes chers collègues. Je suis pour ma part député de Roubaix : 42,3 % des Roubaisiens vivent sous le seuil de pauvreté, et c’est le cas de 51,2 % des moins de 30 ans. Le taux de chômage à Roubaix était de 31 % en 2013, et il a augmenté de 16 % depuis lors. Ces quartiers étant extrêmement paupérisés, on est obligé de s’appuyer sur une politique de l’emploi discriminatoire, car sans ces mesures les habitants ne trouveraient pas de travail. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je défends les emplois aidés, madame la ministre. Ce n’est pas par idéologie ; c’est parce que dans ces quartiers, malheureusement, ce sont souvent les seuls moyens de trouver un emploi aux habitants.
Très bien ! Quant aux emplois francs, cette autre disposition que vous entendez mettre en œuvre, nous, Les Constructifs, la voterons. La parole est à M. Hubert Wulfranc. Madame la ministre, je suis tout d’abord contraint de revenir sur la réponse, à mes yeux déplorable, que vous avez donnée tout à l’heure à nos collègues sur le dossier des contrats aidés. Les Français qui aujourd’hui sont confrontés à votre décision, les associations, les services publics qui vivent, travaillent en compagnie des personnes en contrats aidés ne méritent en rien une telle réponse, qui s’en tient de manière politicienne à rappeler qui a fait quoi. Vous avez pris la décision, assumez-en la responsabilité. On n’assume rien, dans cette majorité ! Nous avons d’ailleurs tous constaté que vous entendiez l’assumer. Sur ce dossier, que vous le vouliez ou non, les questions qui ont été posées depuis plusieurs semaines et qui ont été réitérées ce soir restent d’actualité. Eh oui ! Les fondements de votre décision sont-ils justes ? La méthode est-elle indolore ? Comment se concrétisera votre décision dans les jours, dans les semaines qui viennent ? Nous attendons toujours des réponses claires à ces trois questions, qui mériteraient un débat de fond.
Cela vaut également pour l’objet de cet amendement, à savoir les emplois francs, une resucée éculée des zones franches
(Sourires) ,… Ce sont des termes de l’ancien monde ! …véritable microcosme d’une économie de tiers-monde, expérimentation à nouveau exceptionnelle dans des territoires exceptionnels. Mais où est donc le droit commun que vos députés et notre collègue de Marseille vous réclament à cor et à cri ? Très bien ! Je laisserai encore deux orateurs s’exprimer. Nous pourrons ensuite considérer que l’Assemblée est suffisamment éclairée.
La parole est à M. Aurélien Taché.
Madame la ministre, je suis vraiment heureux d’entendre votre proposition d’amendement sur les emplois francs ce soir ; heureux, surtout, d’entendre la voix des quartiers populaires porter dans cet hémicycle à cette occasion. Vous en oubliez ! Oui, vous oubliez la ruralité ! Dire que nous sommes la représentation nationale nous engage à représenter toute la nation, y compris les territoires de la République les moins favorisés, qui sont accablés par le chômage. Si je vous dis cela ce soir, madame la ministre, c’est parce que depuis plusieurs mois nous avons voulu ensemble accompagner les entreprises en matière de dialogue social. Nous leur avons donné les moyens de créer de l’emploi, de se développer, de saisir de nouvelles opportunités. À présent que les entreprises savent qu’elles ont notre confiance, cet amendement leur permet de l’honorer. Nous voulons en effet que ceux qui vivent dans les quartiers populaires accèdent à ces emplois, profitent de ces opportunités, et puissent eux aussi développer leurs projets. Paroles, paroles ! Pour cela, les entreprises doivent maintenant s’engager, et nous allons ce soir les y aider avec cet amendement.
Les emplois francs, c’est une prime de 15 000 euros sur trois ans pour un employeur, entreprise ou association, qui embauche en CDI un salarié vivant dans un quartier prioritaire.
Effet d’aubaine ! Il s’agit d’une réponse forte à une injustice que vous connaissez, madame la ministre, et que plusieurs orateurs ont rappelée, caractérisée par un taux de chômage bien plus élevé dans ces quartiers qu’ailleurs. Est-il normal qu’un habitant de Cergy doive envoyer deux fois plus de CV qu’un habitant de Paris ? À Cergy-le-Haut ou ailleurs ? Les membres du groupe La République en marche ne le pensent pas. Il est prouvé qu’un CV comportant une bonne adresse peut tripler les chances d’obtenir un entretien d’embauche. Quelques stations de RER ne doivent plus avoir de telles conséquences dans un parcours de vie.
Contrairement à certains propos tenus tout à l’heure, le dispositif présenté ce soir tire les leçons du passé. Il est plus lisible, plus simple et surtout bien plus incitatif. Au lieu de nous contenter d’emplois aidés qui n’ont jamais durablement sorti quiconque du chômage
(Exclamations sur les bancs des groupes NG et LR) ,… C’est vous qui le dites ! …voire assignent ceux qui les occupent dans leur quartier d’origine,… C’est complètement faux ! …aidons ceux qui vivent dans ces quartiers à accéder à des emplois durables !
Les jeunes que je rencontre…
Merci, cher collègue.
La parole est à M. Laurent Furst.
Je voudrais d’abord témoigner. J’ai eu la chance d’être directeur d’hôpital, maire et employeur. J’ai eu recours à tous les dispositifs d’emplois aidés. Je peux certifier qu’ils constituent une formidable porte d’entrée dans l’emploi, notamment pour les jeunes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et NG.) Les propos que j’ai entendus tout à l’heure à leur sujet me semblent complètement hors-sol, ridicules et absurdes. (Mêmes mouvements.) Nous débattons ici des emplois francs ! S’agissant du dispositif que vous présentez, madame la ministre, j’aimerais vous poser une question et vous faire part d’une observation. Voici la question : quels sont le périmètre et la population concernés ? En effet, le périmètre de la politique de la ville a été réduit au cours de la législature précédente. À qui s’adresse-t-on ? Quel est le périmètre géographique concerné ? Nous ne connaissons pas le périmètre d’application du dispositif présenté. Nous aimerions que ce point soit éclairci. Ce n’est pas sérieux ! Voici maintenant l’observation. J’ai la chance d’être l’élu d’un territoire économiquement dynamique dont le taux de chômage est de 6 %. Pourtant, certains de nos concitoyens qui y vivent connaissent des situations extraordinairement – et durablement – difficiles car ils sont individuellement privés d’accès à l’emploi. (Murmures sur les bancs du groupe REM.) Les quartiers, c’est 35 % de chômage ! Ce qui me choque, c’est qu’à situation comparable certaines personnes seront aidées et d’autres non. Cela signifie que le dispositif ne prend pas en compte les individus. La notion d’égalité républicaine en est absente, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et NG.) Il a raison ! La parole est à Mme la ministre. Je fournirai quelques précisions destinées à éclairer la représentation nationale. Quel est le but poursuivi par le dispositif des emplois francs ? Premièrement, ils ressortissent aux valeurs républicaines que nous partageons tous ici.
Il faut lutter contre la discrimination en raison de laquelle, à qualification – ou non-qualification – égale, ceux qui habitent un territoire ou un quartier stigmatisé n’ont pas le même accès à l’emploi que les autres. Voilà le premier objectif !
(Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
Quels sont les quartiers concernés ? Dans les quatre ou cinq départements où elle sera menée, l’expérimentation portera sur tous les quartiers qui y relèvent de la politique de la ville, ce qui permettra d’obtenir une vision large du dispositif.
Et les territoires ruraux ? Comme l’a rappelé M. Taché, l’aide sera ciblée sur le quartier et non l’emploi, qui pourra être proposé ailleurs afin que nul ne soit assigné à résidence dans son quartier, pour ainsi dire. C’est précisément la personne qui compte ; c’est elle que nous voulons extraire de la stigmatisation dans laquelle l’enferme l’endroit où elle habite. Ainsi, si elle obtient un emploi, dans son quartier ou ailleurs, elle bénéficiera d’une aide. Et si elle déménage dans les trois ans ? Nous sommes en effet persuadés que ses talents seront reconnus une fois qu’elle travaillera au sein de l’entreprise qui l’aura recrutée. Le dispositif d’aide permettra d’amorcer le processus. Le montant de celle-ci s’élèvera à trois fois 5 000 euros pour un CDI et deux fois 2 500 euros pour un CDD longue durée.
Le but n’est pas tant d’aider les employeurs que de mettre le pied à l’étrier de certains demandeurs d’emploi en rectifiant le préjudice qu’ils subissent en raison d’une stigmatisation injuste attachée au quartier où ils vivent. Philosophiquement et à l’aune des valeurs républicaines, nous devrions tous être d’accord sur cet objectif !
(Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.) N’oubliez pas les ruraux !
(L’amendement no 1034 est adopté.) La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 131. Il vise à endiguer la diminution des crédits alloués au programme « Accès et retour à l’emploi », dont résultera la disparition de 140 000 contrats aidés. Certes, nous savons tous que ceux-ci ne constituent pas une solution viable à long terme. Ils ont néanmoins été mis en œuvre et utilisés, notamment par nos communes qui ont confié de véritables missions de service public à des individus connaissant des difficultés d’insertion.
Les remettre en cause, c’est prendre le risque de mettre fin à ces missions ainsi qu’à des projets de cohésion sociale sans les remplacer. Consciente de ce risque, Mme la ministre a confié une mission à un spécialiste reconnu du secteur de l’économie sociale et solidaire, M. Jean-Marc Borello, dont les propositions sont attendues pour la fin de l’année.
Donnons-nous une année pour les étudier, ce qui permettra à nos collectivités locales de préparer l’avenir. En d’autres termes, cet amendement propose d’adopter un moratoire sur la suppression prévue de nombreux contrats aidés, ce qui améliorerait les chances de succès de la mission Borello.
Bravo ! La semaine de l’emploi des personnes handicapées commence le 13 novembre prochain. Quel message enverrons-nous à tous ceux dont nous souhaitons que l’insertion s’améliore et qui subissent de plein fouet la diminution drastique du nombre de contrats aidés ?
D’ailleurs, l’efficacité des contrats aidés ne saurait se mesurer uniquement au nombre de CDI signés à leur issue. Stabilisation d’une situation familiale, reconnaissance sociale, enrichissement d’un réseau social, sentiment d’utilité accompagné d’une reprise de la confiance en soi : tout cela ne se chiffre pas mais compte !
Mes chers collègues, laissons aux collectivités locales et aux associations le temps de se préparer ! Reportons ce débat au prochain projet de loi de finances, éclairés que nous serons par les conclusions de la mission Borello !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! Très sage ! Quel est l’avis de la commission ? Il convient d’abord de rappeler que le nombre de nouveaux contrats aidés prévu par le projet de loi de finances pour 2018 s’élève à 200 000, contre 280 000 dans le projet de loi de finances pour 2017. En outre, le budget consacré aux emplois aidés en 2018 financera de nombreux emplois d’avenir déjà engagés.
Par-delà ce rappel, nous assumons pleinement la décision prise en matière de contrats aidés, qui s’explique par deux constats. D’une part, 70 % des personnes aidées dans le secteur marchand auraient été embauchées sans aide. Il s’agit donc d’un effet d’aubaine important d’autant plus injustifiable que la croissance économique repart à la hausse, entraînant avec elle la création nette de près de 300 000 emplois en un an.
Il sera identique avec les emplois francs ! Et avec le CICE, il n’y a pas d’effet d’aubaine, peut-être ? D’autre part, le taux d’insertion dans l’emploi durable – soit d’une durée supérieure à trois mois – à l’issue des contrats aidés du secteur non marchand s’élève à 26 %, soit une efficacité moindre que celle des mécanismes de formation, qui permettent une insertion plus durable dans l’emploi de leurs bénéficiaires. La diminution du nombre de contrats aidés permettra de dégager les moyens nécessaires, à hauteur d’environ 500 millions d’euros, à l’augmentation des crédits de la Garantie jeunes et de ceux alloués à la formation des demandeurs d’emploi dans le cadre du « Plan investissement compétences » figurant au programme 103.
Dès lors, votre amendement proposant un moratoire sur la diminution du nombre de contrats aidés ne peut être accepté, cher collègue. Du temps, nous n’en avons pas ! La commission émet donc un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? S’agissant des contrats aidés, je rappelle que les priorités fixées pour la fin de l’année 2017 seront maintenues en 2018 : en matière de territoires, les zones rurales, les quartiers relevant de la politique de la ville et les outremers ; en matière de publics, les personnes les plus éloignées des qualifications, quel que soit leur âge, ainsi que les personnes en situation de handicap et celles relevant du secteur sanitaire et social, qui feront l’objet d’une attention particulière.
Il n’en résulte pas qu’aucun contrat aidé ne sera signé dans les autres secteurs. En effet, Jean-Marc Borello, qui rendra ses conclusions en fin d’année, a déjà bien avancé sur certains sujets. Nous distinguons donc bien certaines communes et associations qui réalisent un formidable travail d’accompagnement, d’insertion et de formation des jeunes bénéficiaires de contrats aidés.
Le taux de 26 % évoqué précédemment est une moyenne. S’agissant des emplois extrêmement précaires, il est proche de 40 %. On ne saurait se donner comme objectif de faire espérer un travail à des personnes en situation précaire qui n’obtiendront qu’un mois d’intérim à l’expiration de leur contrat. Par conséquent, notre dispositif, comme tous les dispositifs d’insertion, ne prend en compte que le taux d’insertion durable.
En réalité, on ne rencontre que rarement un taux de 26 %. Il est ici de 0 %, là de 70 %. Certaines associations réalisent un travail d’insertion et de formation remarquable. Celles-là, nous continuerons à les aider, car elles offrent une véritable chance à des gens très éloignés des qualifications et constituent pour eux un véritable tremplin vers l’emploi.
Comme nous supprimons les contrats aidés dans le secteur marchand afin d’éviter les effets d’aubaine, rendus plus probables par le retour de la croissance, nous aurons, avec 200 000 contrats aidés, les moyens de réaliser un travail de qualité, ce dont nous pourrons nous rendre compte dans quelque temps. En tout état de cause, les conclusions de Jean-Marc Borello seront immédiatement rendues publiques, ce qui permettra de débattre très sereinement et très concrètement.
La parole est à Mme Aurore Bergé. « L’avenir de chaque jeune passe d’abord par l’accès à l’emploi, par le travail plutôt que par l’assistanat. C’est pourquoi [il n’est pas souhaitable] que la politique en faveur de l’emploi consiste à offrir aux jeunes en difficulté des stages de formation « parking », des contrats aidés qui ne contribuent pas en réalité à leur insertion durable dans l’emploi ou, encore pire, l’addition d’allocations ». Peut-être l’avez-vous oublié, chers collègues du groupe Les Républicains, mais voilà le projet que vous avez défendu il y a environ six mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM - Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.) Il est même encore en ligne ! Vous aussi, madame Bergé ! Vous étiez alors avec nous ! Nous nous écoutons les uns les autres, chers collègues. Monsieur Bazin, monsieur Furst, nous vous avons écoutés. La grande différence entre vous et moi, chers collègues, c’est que je sais, moi, pourquoi je n’ai pas soutenu François Fillon, et que, n’ayant pas la mémoire courte, je me souviens de son projet ! (Mêmes mouvements.) Que vous avez d’abord soutenu ! Lorsque vous souteniez Alain Juppé, avant de trahir votre camp ! La grande différence entre vous et nous, c’est que nous n’avons pas proposé la suppression de tous les emplois aidés il y a six mois pour les défendre aujourd’hui, comme vous le faites par opposition démagogique au Gouvernement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Mangez du poisson, c’est bon pour la mémoire ! Qui a trahi trahira ! Halte à la provocation ! Nous voulons précisément pérenniser les emplois aidés dans les secteurs où ils sont nécessaires et utiles, dans les quartiers prioritaires, les outremers ou la grande ruralité, afin de permettre l’insertion durable des jeunes dans l’emploi en développant l’apprentissage et la formation professionnelle. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.) Alain Juppé les a soutenus lorsqu’il était Premier ministre ! Vous avez changé de discours en six mois, tel n’est pas notre cas ! Nous tenons le même discours… Adressez-vous à l’ensemble de l’assemblée ou à moi-même plutôt qu’à certains d’entre nous, chère collègue. Je veux bien m’adresser à l’ensemble de l’assemblée, monsieur le président, mais comme je suis sans cesse interrompue par les mêmes, je suis encline à m’adresser à eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
Nous tenons un discours cohérent et inchangé consistant à proposer le maintien de l’emploi aidé là où il est nécessaire et…
Merci, chère collègue.
La parole est à M. Régis Juanico.
Madame la ministre, j’aimerais rétablir les chiffres à propos des contrats aidés au cours des dernières années, non pas à partir de la loi de finances initiale, qui est une loi d’intention, mais à partir de la vérité budgétaire lisible dans la loi de règlement. De 2012 à 2016, entre 400 000 et 460 000 contrats aidés ont été votés chaque année. Et réalisés ! La moitié l’a été dans le cadre des lois de finances initiales et l’autre dans le cadre des lois de finances rectificatives ou de décrets d’avance en cours d’année, à des fins d’ajustement. Voilà ce qui s’est toujours passé ! Voilà la vérité budgétaire !
Vous affirmez que les contrats aidés sont coûteux. Dans le département de la Loire où je suis élu, on en compte environ 5 000 dont 70 % attribués à des chômeurs de longue durée et 20 % à des bénéficiaires du RSA.
Un contrat aidé coûte à l’État entre 6 000 et 12 000 euros ; un chômeur de longue durée coûte à l’Assurance chômage entre 15 000 et 20 000 euros, selon ATD Quart Monde.
(Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Madame la ministre, vous voulez privilégier les chômeurs de longue durée, au détriment des contrats aidés, qui coûtent moins cher. Le coût d’un jeune en EPIDE est de 26 700 euros par an, celui d’un jeune en apprentissage, de 15 000 euros par an. La Garantie jeunes ou l’École de la deuxième chance, c’est 6 000 euros par an. Comparez ce qui est comparable !
Vous parlez d’un dispositif inefficace. Les emplois d’avenir que vous allez supprimer étaient très qualifiants : sur trois ou quatre ans, ils permettaient de passer des qualifications et des diplômes et 50 % des bénéficiaires retrouvaient un emploi durable après six mois. Le taux de retour à l’emploi des contrats initiative emploi – CIE – dépasse 60 % et celui des contrats d’accompagnement dans l’emploi – CAE – est de 41 % – 4 % sont en formation. Pour ce qui est de l’efficacité et du coût, ce n’est pas plus, pas moins, que d’autres dispositifs d’insertion ou de retour à l’emploi. Vous ne pourrez pas prouver le contraire. Les contrats aidés sont utiles économiquement et socialement, pour nos collectivités et pour le milieu associatif, et vous allez les baisser de 40 % !
(Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Très bien ! La parole est à M. Michel Castellani. La réduction du nombre de contrats aidés a semé l’inquiétude au sein d’un certain nombre de collectivités territoriales. Grâce aux contrats aidés, celles-ci, notamment dans les territoires ruraux, peuvent s’assurer le concours de moyens humains et remplir des services d’intérêt général, qu’elles ne pourraient financer que difficilement. La Corse, île montagne, compte une majorité de communes rurales à faibles moyens, où la population vieillit et où les besoins sociaux sont d’autant plus importants. C’est pourquoi je voterai cet amendement. La parole est à M. Gilles Lurton. Madame la ministre, j’adhère à votre discours lorsque vous parlez des ordonnances en commission des affaires sociales. Mais là, je crois que vous vous trompez, et avec vous, le Gouvernement et la majorité. Vous vous trompez parce que vous avez oublié que derrière ces emplois aidés, il y a tout simplement des hommes et des femmes. Je le pense sincèrement ! Ces personnes de plus de 58 ans, qui n’ont d’autre choix que d’occuper un emploi aidé pour conclure leur carrière professionnelle, ne comprennent pas qu’on leur dise que c’est terminé, brutalement et sans raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur quelques bancs des groupes NG et FI.) Pour elles, c’est une véritable catastrophe. Pour ces jeunes précaires, qui ne parviennent pas à trouver un emploi normal et ont besoin d’être accompagnés à travers des emplois aidés, c’est leur situation professionnelle qui est gâchée.
Madame la ministre, vous avez parlé du secteur médico-social. À la suite de la « mission flash » conduite par Monique Iborra sur les EHPAD, nous avons écrit à la ministre de la santé pour l’enjoindre de suspendre la suppression des emplois aidés dans les établissements.
Pour 2017 ! Pour avoir interrogé plusieurs d’entre eux, je peux vous assurer que les préfets, quels qu’ils soient, sont dans l’incapacité de répondre à cette demande, car les crédits qui leur ont été alloués ne le leur permettent pas. J’aimerais savoir où en est cette demande, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Émilie Cariou. Pour aller dans le sens d’Aurore Bergé et tempérer les propos qui ont été tenus par mon collègue, le critère de ruralité dans l’affectation des emplois aidés a été clairement énoncé par le Président de la République à la fin du mois d’août. C’est une députée hors-sol ! Notre plan est de relancer la formation professionnelle, car c’est uniquement ainsi que l’on parviendra à lutter contre le chômage. Cela étant, dans certaines zones rurales, à densité faible et où les populations sont très précarisées – c’est le cas chez moi –, où les collectivités locales et le secteur associatif n’ont que très peu de ressources, on a décidé de conserver des contrats aidés qui servent des objectifs sociaux, mais aussi territoriaux. Ce sont donc deux zones qui ont été ciblées, la ruralité et les territoires d’outre-mer.
Les objections de l’opposition n’ont pas lieu d’être : si nous baissons le nombre d’emplois aidés, nous consacrons des moyens conséquents à la formation professionnelle. La ruralité n’est pas du tout oubliée dans ce plan et demeure une priorité forte. Nous ne nions absolument pas les problèmes que l’on rencontre dans les zones très rurales, avec des publics très éloignés de l’emploi.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Olivier Faure. Madame la ministre, si vous étiez et de droite et de gauche, vous écouteriez ce que vous disent les Républicains et les députés qui siègent de ce côté-ci de l’hémicycle. Malheureusement, vous n’êtes ni à droite ni à gauche, vous êtes nulle part. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et LR - Protestations sur les bancs du groupe REM.) Dans la stratosphère ! C’est un expert qui parle ! La vie dans laquelle vous prétendez être n’est pas celle que vivent nos concitoyens. Ce débat n’est pas médiocre, il dit qui nous sommes, quelle société nous voulons avoir, avec qui nous voulons la construire, qui nous considérons comme perdants, qui nous considérons comme gagnants. Vous avez fait un choix. Vous dites : « la croissance revient, ces gens-là auront des emplois durables ». Mais c’est Laurent Furst qui a raison : même dans les départements où l’emploi est revenu, où le taux de chômage est faible, il existe des personnes pour qui les emplois aidés sont un pied à l’étrier, la seule solution pour retrouver un emploi. Quels sont les emplois que vous voulez créer demain, pour qui ?
Vous dites vouloir remplacer ces emplois aidés par de la formation. Mais quelle formation pour un senior de 58 ans, et pour quel emploi ? Quelle sera l’entreprise qui embauchera derrière ? Comment aura-t-il une fin de carrière digne ?
On peut se former à tout âge ! On peut se former à tout âge, mais il est difficile de trouver une entreprise qui vous reprenne à 58 ans. Si vous viviez dans le monde réel, vous sauriez qu’il est très difficile de trouver un emploi après 50 ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe REM.)
Madame la ministre, vous avez évoqué quatre secteurs prioritaires. Je crois avoir compris, dans le discours gouvernemental, que l’un d’entre eux était celui du handicap. Or vous ne couvrez même pas les associations qui visent à aider les personnes en situation de handicap. L’Association des paralysés de France, que nous avons reçue aujourd’hui, signale que des milliers d’emplois au service des personnes handicapées disparaîtront. Cela contredit votre discours. C’est tout le problème : à l’oral, vous n’êtes parfois pas mauvaise, mais à l’écrit, vous êtes toujours passable !
(Applaudissements sur les bancs des groupes NG et LR - Exclamations sur les bancs du groupe REM.) La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre