XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018

Séance du jeudi 16 novembre 2017

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018 (nos 235, 273). Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles non rattachés à des missions. Elle a entendu la présentation des amendements en discussion commune, nos 518, 1396, 1527 et 1821, à l’article 42. Sur ces amendements, je vais commencer par demander la confirmation des avis de la commission et du Gouvernement.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Défavorable. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, pour donner l’avis du Gouvernement. Défavorable. La parole est à M. Serge Letchimy. J’ai bien compris le sort que vous comptez réserver à ces amendements, qui sont en discussion commune alors qu’ils n’ont pas le même objet. Mais je n’y peux rien.
Vous avez prévu d’abaisser le taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – de 7 % à 6 % en 2018, et de le supprimer à compter du 1er janvier 2019, en le transformant en un allégement de charges qui portera la réduction des cotisations patronales au niveau du SMIC à 9,9 %. Quel sort réservez-vous aux secteurs économiques de l’outre-mer, puisque je comprends que le taux du CICE passera de 9 % à 6 % ? Aujourd’hui, le CICE se cumule avec un régime d’allégement de charges résultant des dispositions de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, votée en 2009. En sera-t-il de même du nouvel allégement, de sorte que le cumul des deux puisse atteindre entre 12 et 13 % ?
La parole est à Mme Danièle Obono. Une première remarque de forme, d’abord. M. le ministre Le Maire nous a indiqué qu’il ne croyait pas les conclusions du rapport de France Stratégie, selon lesquelles le CICE n’a pas permis de créer des emplois. Ce faisant, il remettait en cause l’analyse d’un organisme qui dépend pourtant des services du Premier ministre et qui, si mes sources sont bonnes, était dirigé par Jean Pisani-Ferry, qui a rejoint depuis l’équipe de M. Macron. On ne peut pas dire que ce soit un insoumis ! Faut-il en conclure que ce n’est pas tant la réalisation de rapports qui pose problème que les personnes qui les demandent et, surtout, leurs conclusions : quand elles ne vous conviennent pas, vous les balayez d’un revers de main. C’est assez révélateur.
Sur le fond, ensuite, les arguments ne manquent pas pour montrer que le CICE est une mauvaise mesure. Vous persistez pourtant à le maintenir, voire à le pérenniser. Vous ne pourrez pas, ensuite, réfuter la critique d’un budget fait pour les riches, entreprises comme contribuables. En l’occurrence, vous faites un choix cohérent avec les mesures que vous avez prises, et que vous semblez assumer à demi-mot.
La parole est à M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur général, vous laissez penser que ceux qui n’ont pas de travail vont être affectés par notre proposition d’allégement de charges financé par une hausse du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée – nous ne touchons pas le taux intermédiaire. Ceux qui n’ont pas de travail doivent aujourd’hui faire face, pour l’essentiel, à deux types de dépenses : le logement et la nourriture. La TVA ne s’applique pas au logement, et les dépenses de nourriture sont soumises au taux intermédiaire ; elles ne seraient donc pas concernées par notre proposition. Je pense donc que l’argument qui a motivé votre avis défavorable n’était pas juste. La parole est à M. Daniel Labaronne. Je tiens à répondre à la remarque de notre collègue de La France insoumise sur le CICE. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler que l’un des avantages du CICE avait été de restaurer les marges des entreprises. Ah ! les marges… Ce n’est pas la même chose que de créer des emplois ! Il se trouve que, au sein de l’Union européenne, les entreprises françaises affichent le taux de marge rapporté à la valeur ajoutée parmi les plus faibles. Toutes les études montrent que le CICE a permis de restaurer les marges des entreprises, mais vous ne vous y référez jamais. Ce ne sont pas les bonnes études ! Vous permettez que je finisse mon intervention ? La restauration des marges a permis aux entreprises de se désendetter, d’investir, de maintenir des emplois, donc de créer de l’activité économique. Un million d’emplois devait être créé ! Le CICE a eu au moins cet avantage. Je ne cesserai de le répéter quand vous affirmerez des contre-vérités économiques. C’est France Stratégie qui le dit ! On s’appuie sur des rapports ; c’est vous qui dites des contre-vérités ! On devrait interdire le mensonge ! S’il vous plaît, monsieur Bernalicis, nous passons au vote.
(Les amendements nos 518, 1396, 1527 et 1821, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de trois amendements, nos 1165, 164 et 1734, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 164 et 1734 sont identiques.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l’amendement no 1165.
Il est défendu. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 164. Il est défendu. La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 1734. À la faveur de la transformation du CICE en baisse de charges, à laquelle nous sommes favorables, vous diminuez le taux. Cet allégement n’est donc pas équivalent au bénéfice du CICE, ce qui signifie que vous augmentez les charges. Comme la croissance s’améliore – 1,8 %, c’est, en effet, mieux que 1 % ou rien du tout –, les carnets de commandes se remplissent et les entreprises vont mieux, et vous pensez que c’est probablement le bon moment pour prendre plus de 3 milliards aux entreprises. Vous pensez également que le double bénéfice, pour les entreprises, du CICE et de sa transformation en allégements de charges en 2019 cachera la hausse de la fiscalité.
Je ne suis pas sûr qu’il soit pertinent de faire payer aux entreprises le coût de cette transformation. Vous auriez dû établir la baisse des cotisations sur la base du taux actuel du CICE et, évidemment, suivre nos propositions sur l’impôt sur les sociétés. Vous ne l’avez pas fait, ce qui n’est pas bon pour la compétitivité des entreprises, même si les effets négatifs seront probablement masqués en 2019 par cette double année.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ? Je répondrai d’abord à la question précise posée tout à l’heure par M. Letchimy. Les outre-mer ne sont pas concernés par la baisse du taux de CICE de 7 % à 6 %. Ils conserveront le taux de 9 %. Pour le reste, c’est plutôt au ministre de répondre.
S’agissant des amendements visant à supprimer la baisse d’un point du taux de CICE, je rappelle simplement que les entreprises bénéficieront en 2018 du taux de CICE à 7 %. C’est en 2019 qu’elles percevront le CICE à un taux réduit, mais elles bénéficieront également de la totalité des allégements de charges, de plus de 24 milliards d’euros, prévus par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale – PLFSS. Je ne crois donc pas que les entreprises soient perdantes. Je suis défavorable à tous ces amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suis défavorable à ces amendements. Pour bien éclairer la représentation nationale, je reprendrai certains éléments. Je ne compléterai pas ce qui a été excellemment dit tout à l’heure sur la restauration de la profitabilité des entreprises. J’invite simplement La France insoumise à sortir de sa logique opposant les riches, les pauvres, les grandes entreprises, le CAC 40… Absolument ! Et donc, il n’y a plus de riches et plus de pauvres ! La réalité, c’est que si vous supprimez l’allégement de charges sur les bas salaires, les salariés les plus modestes se retrouveront au chômage. Si c’est ce que veut La France insoumise, tant mieux pour elle,… C’est un peu caricatural ! …mais regardons les réalités économiques, les réalités de terrain, les réalités des entreprises, les réalités de la concurrence, au lieu de faire de l’idéologie sur le dos des Français, en particulier les plus modestes et les moins qualifiés.
Ensuite, s’agissant du coût et du bénéfice, à terme, du CICE, je voudrais que chacun ait bien conscience des chiffres et qu’on en finisse, là aussi, avec les approximations sur le sujet. Nous voulons que nos entreprises se portent mieux pour qu’elles puissent embaucher. C’est un choix politique du Président de la République, du Premier ministre et de l’ensemble de la majorité. En 2018, le taux du CICE sera maintenu à 7 %. En 2019, son taux baissera de 7 % à 6 %, mais, comme l’a rappelé le président de la commission des finances, les entreprises bénéficieront à la fois du CICE, certes à taux réduit, et de l’allégement de charges, qui représentera près de 24 milliards d’euros.
Je veux bien tout entendre – et j’ai discuté avec beaucoup de chefs d’entreprise –, mais il est difficile de prétendre que nous n’aiderions pas suffisamment les entrepreneurs et les entreprises, alors qu’elles vont bénéficier, en 2019, à la fois de la baisse des charges et du maintien du CICE. Même si ce n’est que pour une année, cela représente un soutien massif de l’ensemble de la nation aux entrepreneurs. Je voudrais que chacun en prenne bien conscience.
En outre, après l’adoption définitive du dispositif, c’est d’un allégement de charges définitif que nos entreprises bénéficieront, au lieu d’un crédit d’impôt qui peut être remis en cause d’une année sur l’autre, car il doit être voté par la représentation nationale.
C’est tout de même, en termes de stabilité, un avantage considérable. J’ai toujours affirmé que la fiscalité doit être à la fois sûre et stable. Nous donnons à tous nos entrepreneurs la stabilité et la visibilité dont ils ont besoin pour investir et, je l’espère, embaucher dans de bonnes conditions.
Regardons maintenant les chiffres à l’horizon de 2023, une fois que le dispositif sera totalement stabilisé. L’allégement de cotisations sociales représentera pour l’ensemble des entreprises françaises 13,4 milliards d’euros de gain. Pour être tout à fait précis, j’ajoute que cet allégement de cotisations sociales est net de l’effet de retour en IS, l’impôt sur les sociétés. Je souhaite aller au bout de mon raisonnement parce que le dispositif est suffisamment important pour que nous nous y arrêtions. Pourquoi ai-je ajouté « net de l’effet de retour en IS » ? Parce que le CICE, vous le savez, est déductible de l’assiette, contrairement à l’allégement de charges, qui élargit l’assiette de l’impôt sur les sociétés. C’est pourquoi, si on veut être honnête s’agissant de l’allégement de cotisations sociales – ce qui est généralement mon cas comme celui du Gouvernement –, il faut préciser « net de l’effet de retour en IS ». Ce sont donc, non pas 20 milliards d’euros mais, avec l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, qui en augmentera effectivement la charge pour les entreprises, 13,4 milliards d’euros que toucheront les entrepreneurs. J’ai eu des discussions avec toutes les organisations patronales et syndicales : je tiens également à en avoir avec vous, afin de vous donner des chiffres éclairants.
Les entreprises bénéficieront, ensuite, de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés, qui passera de 33,3 % à 25 % : près de 11 milliards d’euros, exactement 10,8 milliards, leur seront ainsi redistribués. Elles bénéficieront également, ne l’oublions pas, de la suppression de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués. Cette contribution était illégale, nous l’avons supprimée. Je tiens à rappeler que la taxe sur les OPCVM – organismes de placement collectif en valeurs mobilières –, elle, avait été, non pas supprimée, mais remplacée par cette taxe de 3 % sur les dividendes que nous aurions pu, nous aussi, remplacer. Dieu sait s’il y a eu de bonnes âmes pour nous le conseiller afin de garantir des recettes à l’État ! Nous avons décidé de la supprimer définitivement : 2,1 milliards sont ainsi mis à la disposition des entreprises.
Si je résume, nous avons : 13, 4 milliards d’allégements de cotisations sociales nets de l’effet de retour en IS, 10,8 milliards de baisses du taux d’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, et 2,1 milliards en raison de la suppression de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués. Quant à la baisse d’un point de CICE, elle représente 1,8 milliard d’euros en année pleine. Au total, nos entreprises seront très largement bénéficiaires de la transformation du CICE en allégement définitif de charges. Regardons le panorama complet et reconnaissons que ce gouvernement et cette majorité font le choix clair, qu’on peut contester mais qu’ils revendiquent, de soutenir nos entrepreneurs, la création de richesses et la création d’emplois.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Éric Alauzet. Après le panorama général, regardons l’ensemble de la séquence 2010-2020. En 2010, il y a eu zéro allégement de charges ; il y en a eu également zéro en 2011 et en 2012. Une fois décidé, le CICE n’a produit ses effets, malheureusement, que deux ans après : donc, c’est encore zéro allégement de charges en 2013. De 2014 à 2017, la baisse des charges due au CICE est de 6 points, avant d’être de 7 points en 2018, en raison du décalage d’un an dans le versement du CICE – je regarde la trésorerie des entreprises en temps réel. La baisse de 7 points n’aura donc eu lieu qu’une seule année. Quant à l’année 2019, du fait du double dividende – baisse des charges et maintien du CICE –, la baisse atteindra 10 points : 6 points pour le CICE, plus 4 points environ si j’intègre les chiffres que vous avez donnés, monsieur le ministre. En 2020, la baisse sera inférieure à 10 points : elle tournera certainement autour de 8 ou 9 points.
La progression est donc constante, et il est en tout cas certain qu’en 2020 et 2021, la baisse dépassera les 7 points, si on prend l’ensemble du panorama que vous avez dessiné, monsieur le ministre. La réduction d’un point de CICE est donc un non-événement. Il ne faut pas focaliser son regard sur une seule année : il faut le porter sur l’ensemble de la séquence, qui sera très favorable aux entreprises. Cette politique, ce n’est pas un gouvernement antérieur à 2012 qui l’a conduite. C’est sous le quinquennat précédent qu’elle a été entamée et c’est le gouvernement actuel qui la poursuit.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à Mme Danièle Obono. Monsieur le ministre, je trouve dommage que vous vous sentiez obligé de caricaturer les propositions que nous défendons pour évacuer nos arguments et plus largement le débat. Nos amendements reposent sur une vision générale, philosophique et politique, cohérente. Nous pensons que l’économie et la finance doivent être au service de l’intérêt général, notamment en matière de transition écologique, plutôt que des marchés financiers ou de la règle d’or. Telle est notre cohérence, que nous respectons et qui est différente de la vôtre, que nous vous demandons au moins d’assumer.
Nous aussi, nous connaissons des patrons de TPE et de PME, et nous discutons avec eux. Certains sont même insoumis et insoumises. Vous n’avez pas le monopole de la connaissance du terrain. Nous faisons des propositions pour aider ces entreprises, notamment par le biais d’un amendement que vous avez rejeté, qui visait à créer un fonds de soutien interentreprises qui permettrait de les aider.
Sur le CICE, vous vous contentez d’une caricature, puisque vous ne répondez toujours pas, non pas à La France insoumise, mais au rapport de France Stratégie qui tient compte de tous les paramètres, y compris de ceux qui ont été relevés par notre collègue. Reconnaissez d’ailleurs que l’objectif initial du CICE était de créer 1 million d’emplois et non d’améliorer les marges des entreprises. Tel est du moins l’objectif qui a été vendu et que les gouvernements ont acheté. Or, en tenant compte de vos propres données, de celles de France Stratégie, et même de celles d’un rapport précédent du comité de suivi du CICE, la conclusion est que le CICE, loin d’atteindre son objectif, a seulement permis de maintenir des emplois et d’en créer quelques-uns, dont le nombre est sans rapport avec celui qui avait été avancé. Ce n’est pas La France insoumise qui le dit, ce sont des experts qui ne sont absolument pas gauchistes. Telle est la réalité que nous vous opposons et sur laquelle s’appuient les propositions de nos amendements.
La parole est à M. le président de la commission des finances. Votre présentation, monsieur le ministre, est biaisée : je comprends bien que le CICE soit une chose importante, et nous sommes évidemment favorables à la baisse des charges, notamment sur les bas salaires. Madame Obono, si cette baisse était supprimée, le taux de chômage augmenterait. C’est vrai ! Lorsque, globalement, le prix du travail, charges comprises, est plus élevé que sa productivité, les employeurs finissent par ne plus embaucher. Il faut donc à la fois améliorer la formation et baisser le coût du travail. Or, monsieur le ministre, vous ne le baissez pas. Vous faites même, en la matière, moins bien que François Hollande,… Est-ce possible ? …puisque l’avantage du CICE transformé en allégement de charges est inférieur à celui que les entreprises en retiraient précédemment. Ce n’est même plus un avantage, c’est une augmentation du coût du travail. Rendre le travail plus cher que sous François Hollande, ce n’est pas vraiment une performance ! Si nous suivons votre raisonnement, vous nous direz qu’en 2018 jamais l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises n’aura autant baissé. À partir du moment où, en effet, vous l’aurez augmenté à un niveau incroyable à la fin du mois de décembre, en 2018, c’est sûr, il baissera beaucoup ! Peut-être devrons-nous, en sus, admirer vos efforts !
Comparons ce qui est comparable : avec votre réforme, le coût du travail sera plus cher qu’avec le CICE. Nous le regrettons, mais c’est la vérité. Vous misez sur le fait que les entreprises ne s’en apercevront pas parce qu’elles bénéficieront de deux années en une. Vous misez également sur la phase de croissance qui permettra de masquer la réalité des choses. Il n’en reste pas moins que vous augmentez le coût du travail.
La parole est à M. Thibault Bazin. Après l’excellente démonstration du président de la commission des finances, je veux seulement à réagir aux propos de notre collègue marcheur : je ne vois pas comment vous arrivez à parler d’une hausse des allégements, alors que le projet de budget prévoit de réduire le CICE de 7 à 6 points ! Certes, je n’ai pas poussé bien loin mes études de mathématiques, mais je sais que réduire le CICE de 7 à 6 points revient à le baisser et donc à augmenter le coût du travail pour les entreprises, ce qui pose la question de la cohérence de votre projet pour 2018 – la projection est certes différente pour 219. En 2018, on assistera bien à une augmentation du coût du travail. On ne peut, en même temps, dire une chose et faire son contraire dans le budget.
Vous poursuivez en pire la politique qui a été menée jusqu’à présent.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Daniel Labaronne. J’ai le sentiment qu’on raisonne surtout de manière statique, alors que l’économie relève de la dynamique. La compétitivité prix ne prend pas en compte uniquement les charges salariales augmentées des charges sociales : elle repose fondamentalement sur le coût salarial unitaire, c’est-à-dire les charges divisées par la productivité du travail.
Or, non seulement, une reprise de la croissance économique est annoncée, non seulement nous faisons tout pour faire repartir les investissements des entreprises, mais nous misons également sur l’innovation. Tous ces éléments sont susceptibles d’améliorer la productivité du travail. Je le répète, la compétitivité prix s’évalue bien, de manière dynamique, non pas à travers le coût du travail, mais à travers le coût du travail pondéré par sa productivité.
Le travail est un prix, ce n’est pas un coût ! Je ne vous interromps pas.
La compétitivité prix repose à la fois sur le coût salarial unitaire et sur la technologie. On parle alors de compétitivité hors prix, de compétitivité technologique. Or tout ce que nous faisons pour améliorer l’investissement et l’innovation concourra à améliorer la compétitivité hors prix. Je vous invite donc à raisonner de manière dynamique et non statique.
(L’amendement n° 1165 ainsi que les amendements identiques nos 164 et 1734, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement no 1606. Cet amendement vise à poursuivre le travail entamé dans le cadre du CICE, dont nous pensons qu’il faut l’étendre de 2,5 SMIC à 3,5 SMIC. C’est une proposition du rapport Gallois, et M. Gallois a raison. Si le Gouvernement fait bien de réduire au maximum les charges pesant sur le SMIC, il faut aller jusqu’à 3,5 SMIC parce que c’est le niveau des salaires de la plupart des emplois qui sont exposés à la concurrence internationale.
Monsieur Labaronne, la productivité du travail, vous le savez, augmente aujourd’hui bien moins que par le passé. Nous devons même nous interroger sur ce phénomène. S’il faut, c’est vrai, tenir compte de la nature des produits vendus, le coût du travail n’en demeure pas moins pour nous un handicap important dans la concurrence internationale, même si nous avons un peu rattrapé notre retard en la matière depuis quelques années.
L’élargissement de l’assiette du CICE jusqu’à 3,5 SMIC couvre une grande partie des salaires de l’industrie. Nous voulons une France industrielle – comme beaucoup sans doute –, parce que les emplois de l’industrie tirent l’ensemble de l’économie française. Or, pour réaliser cette France industrielle, il faut réduire le coût du travail jusqu’à 3,5 SMIC.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Ce petit amendement, en élargissant l’assiette du CICE, coûterait seulement 13 milliards d’euros ! Qui plus est, il s’ajouterait aux 24 milliards d’euros d’allégements de charges déjà prévus, ce qui ferait atteindre des sommes par trop astronomiques. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je suis heureux que nous ayons ce soir, même si c’est à une heure tardive, un débat approfondi sur ce sujet, parce que c’est un des plus importants pour l’emploi en France, pour notre industrie et pour notre croissance économique.
Je comprends l’argument du président de la commission des finances relatif au coût du travail.
Au prix du travail ! Je rappelle toutefois à la représentation nationale et aux Français qui nous écoutent qu’il faut porter un regard global sur l’action que nous menons en faveur des entreprises, pour comprendre à quel point la somme des décisions que nous prenons sera favorable aux entrepreneurs et donc à l’emploi.
Je voudrais donc que, par honnêteté intellectuelle, on n’oublie pas d’ajouter, à la baisse de taux, de 7 % à 6 %, liée à la suppression du CICE, les autres mesures que nous avons prises en faveur de d’emploi : l’allégement définitif des charges sur les bas salaires, le renforcement de l’allégement général de 3,9 points, l’exonération de toutes les charges au niveau du SMIC – vous l’avez dit vous-même, monsieur le président de la commission des finances –, la baisse nette de l’effet de retour en impôt sur les sociétés, sans oublier la suppression de la contribution additionnelle de 3 % sur les revenus distribués, qui constitue, là encore, un choix politique majeur en faveur de nos entrepreneurs. J’affirme que la somme de ces décisions bénéficiera à nos entrepreneurs, qu’elle favorisera donc la création d’emplois et qu’elle marque une vraie rupture dans la politique menée depuis de nombreuses années : au lieu de redistribuer des richesses avant de les créer, nous préférons créer des richesses avant de les redistribuer.
Monsieur le président de la commission des finances, votre proposition porte sur un sujet majeur. Nous devons nous poser sereinement la question : faut-il concentrer les allégements de charges sur les seuls bas salaires – c’est ce que nous faisons depuis plusieurs années, quelle que soit la majorité au pouvoir – ou faut-il, à un moment donné, instaurer un allégement de charges au-dessus de 2,5 SMIC ? Je le répète, je suis prêt à ouvrir la réflexion sur un allégement de charges au-dessus de 2,5 SMIC.
Très bien ! Cela a été dit, la pertinence, c’est de s’interroger de manière dynamique sur les perspectives de l’économie française. Pour notre industrie et pour l’ensemble de l’économie française, nous souhaitons plus de formation, plus d’innovation, plus de digitalisation et une meilleure qualification de tous les salariés, ce qui implique nécessairement des salaires plus élevés.
Pour la compétitivité de notre économie, il sera bon, à un moment donné, de se poser la question de l’allégement de charges sur les salaires supérieurs à 2,5 SMIC. Louis Gallois a recommandé cette mesure dans l’un de ces rapports, et je pense défendre cette position avec beaucoup de constance depuis de nombreuses années. Si nous voulons une industrie forte, nous devons nous poser la question de l’allégement de charges au-dessus de 2,5 SMIC.
Le seul bémol, c’est que cette mesure coûte, au bas mot, 4,6 milliards d’euros en année pleine. Avant de mettre en œuvre une mesure d’un tel montant, il est bon de réaliser toutes les études nécessaires, de dresser un bilan coûts/avantages et de déterminer combien coûtera chaque emploi pour nos finances publiques. Je suis prêt à engager la réalisation de cette étude. C’est seulement sur cette base que nous prendrons des décisions : j’invite donc le président de la commission des finances, qui a évoqué un point important pour notre économie, à retirer son amendement et à participer aux travaux que je viens d’annoncer. À défaut, je donnerai à son amendement un avis défavorable.
La parole est à Mme Véronique Louwagie. Je souhaite réagir à quelques points évoqués dans le cadre de ce débat que M. le ministre a qualifié de « très important ». Effectivement, je pense que les questions touchant à l’assiette et au taux de l’impôt sur les sociétés, ainsi que tout ce qui découle de la suppression du CICE, sont très importantes.
Monsieur Alauzet, vous avez déclaré que rien n’avait été fait avant 2010. Permettez-moi simplement de vous rappeler que des dispositifs très variés ont été mis en place avant cette date. Je pense notamment à une mesure qui a perduré très longtemps et qui perdure encore, à savoir l’allégement Fillon, qui visait à réduire le coût du travail. Ce dispositif est certes probablement perfectible, mais il a produit ses effets au cours des dernières années. Je pense aussi à la défiscalisation des heures supplémentaires.
Très bonne mesure ! Un certain nombre de dispositifs ont donc été créés : on ne peut pas dire qu’il n’y en a pas eu.
Monsieur Labaronne, vous avez souligné la nécessité d’intervenir au niveau économique en prenant en compte un certain nombre d’autres paramètres pour évaluer la compétitivité des entreprises. Vous avez raison : il faut notamment tenir compte de leur croissance, de la dynamique qui a été insufflée… Cependant, nous discutons ici de fiscalité. Si les comparaisons effectuées sont pertinentes, il n’en demeure pas moins que d’autres éléments doivent être pris en compte. Je pense que nous pouvons tous approuver votre remarque, mais ce n’est pas forcément l’objet de notre débat.
Monsieur le ministre, vous avez cité des chiffres. Néanmoins, le fait, dans un premier temps, de ramener le taux du CICE de 7 % à 6 % et de transformer, dans un second temps, ce crédit d’impôt en un allégement de charges sociales aura un impact que l’on évalue à environ 8 milliards d’euros.
Enfin, vous avez évoqué un certain nombre d’allégements de charges sociales, mais je veux aussi rappeler que l’augmentation de la CSG affectera l’ensemble des actifs et des inactifs.
Merci de conclure, madame Louwagie. Ce point doit également être pris en considération dans le schéma d’ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) La parole est à M. le président de la commission des finances. La France bénéficie d’une croissance qui n’est pas exceptionnelle – c’est une croissance de rattrapage – mais qui permet de faire beaucoup de choses. Ce n’est pas grâce à vous ! Les carnets de commandes sont remplis. Il faut donc vraiment utiliser cette croissance en restaurant la compétitivité des entreprises. Restaurer la compétitivité de nos entreprises, en dehors du cycle conjoncturel, c’est aussi faire en sorte de rééquilibrer notre commerce extérieur, qui est une très grosse épine dans le pied de l’économie française. Pour ce faire, nous devons évidemment améliorer la qualification et la formation de nos salariés, réformer le code du travail, travailler sur la nature des produits, mais aussi réfléchir au coût du travail, en particulier dans les secteurs exposés à l’international où beaucoup de salaires sont supérieurs à 2,5 SMIC. C’est vrai ! Ce n’est donc pas une petite affaire !
Sur les chiffres, monsieur le ministre, je constate que vous n’êtes pas tout à fait d’accord avec notre excellent rapporteur général, qui évalue le coût de mon amendement à 13 milliards d’euros, alors que vous l’estimez à 4 ou 5 milliards d’euros. Il y a tout de même un écart de 7 ou 8 milliards ! Finalement, en faisant un peu d’efforts, je pense que cette mesure coûtera…
Très cher ! …nettement moins cher lorsque vous vous serez calé sur le bon chiffre.
Là où nous ne sommes pas d’accord, c’est que nous voulons aller au-delà du CICE, c’est-à-dire transformer ce crédit d’impôt en baisse de charges. Nous assumons le fait qu’il faudrait ajouter une dizaine de milliards d’euros supplémentaires, soit en diminuant les impôts sur la production, soit en baissant le coût du travail lui-même. Vous décidez de ne pas aller au-delà du CICE, vous décidez même de rester en deçà. C’est un sujet qui nous oppose. Nous n’avons pas non plus la même manière de financer ces mesures. On peut le regretter.
Vous prétendez que les entreprises iront mieux – certainement ! – et que vous faites beaucoup pour elles. Pour ma part, je pense que vous faites moins que François Hollande ! Vous dites aussi qu’elles auront une bonne surprise quand elles constateront qu’elles ne sont plus soumises à la contribution additionnelle de 3 % sur les dividendes. Ce n’est certainement pas grâce au Gouvernement mais plutôt, d’une certaine façon, grâce au Conseil constitutionnel, si j’ai bien compris les débats que nous avons eus pendant trois jours sur ce sujet.
La parole est à M. Éric Alauzet. Le rapport Gallois publié à l’automne 2012 était explicite : il démontrait ce que les uns et les autres viennent d’expliquer parfaitement, à savoir que ce sont les salaires les plus élevés qui portent la création, l’inventivité et qui permettent d’offrir des produits plus performants et plus compétitifs sur le marché européen et le marché mondial. Or il se trouve que les gouvernements qui se sont succédé – celui-ci, le précédent, celui d’encore avant –… Ce sont pourtant des gouvernements que vous avez soutenus ! …ont été aux prises avec l’impérieuse nécessité d’apporter du travail le plus rapidement possible au maximum de personnes. Chers collègues du groupe Les Républicains, vous-mêmes et vos amis avez connu la même situation avant 2012. Mme Louwagie a rappelé les allégements Fillon. Loin de moi l’idée de les passer sous silence tout à l’heure : ma démonstration portait uniquement sur le CICE et son évolution depuis 2012. Et avant, il n’y avait rien ? Avant 2012, vous étiez vous-mêmes confrontés à cette impérieuse nécessité et vous avez donc concentré l’effort sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC. Le gouvernement de François Hollande a fait la même chose alors qu’il savait pertinemment que c’était au-dessus de 2,5 SMIC qu’il fallait faire l’effort. Aujourd’hui, nous sommes toujours aux prises avec la même réalité. Si nous arrivons à avancer, tant mieux ! La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je veux faire un petit rappel, car j’en ai ras-le-bol d’entendre parler de coût du travail. Cela devient véritablement insupportable ! Cela ne choque que vous ! Je rappelle que le travail est un prix, et non un coût. En effet, le travail rapporte : sans travail, pas de plus-value ! Or il n’y a pas de travail sans travailleurs. C’est vrai ! Il vous faudra souffrir de dire que le travail est un prix : il se paie. Racontez ce que vous voulez sur le travail mais, s’il vous plaît, ne dites pas que c’est un coût ! Très bien ! La parole est à Mme Valérie Rabault. Monsieur le président de la commission des finances, je suis un peu embêtée par votre amendement, d’abord parce qu’il coûte 13 milliards d’euros,… Il coûte 4 à 5 milliards selon M. le ministre ! Vous pouvez choisir ! …mais également parce que vous souhaitez un effort structurel de 0,6 point alors que tous les amendements que vous soutenez depuis une journée contribuent à augmenter le déficit nominal et donc le déficit structurel. Non ! Vous pouvez dire non, mais il suffit de faire des additions et des soustractions, ce dont nous sommes tous capables. Je n’ai pas présenté de budget global ! Vous ne proposez jamais d’économies mais vous ajoutez sans arrêt de nouvelles dépenses ! Est-ce vous qui avez fait la réforme des retraites ? À l’époque, vous y étiez opposée ! Je me suis permis d’intervenir parce que je ne trouve pas très sérieux de soutenir un amendement à 13 milliards d’euros sans préciser comment on le finance. Vous faites la même chose ! Non, jamais pour des amendements à 13 milliards d’euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.) La parole est à Mme Amélie de Montchalin. Je veux juste faire une remarque qui paraîtra peut-être un peu décalée sur le coût ou le prix du travail – on peut utiliser les termes que l’on souhaite.
Aujourd’hui, en France, avec le CICE, il existe plusieurs prix du travail ou plusieurs coûts du travail. Un salarié ne coûte pas le même prix selon qu’il travaille pour un particulier employeur, dans une association, dans une coopérative ou dans une entreprise privée.
C’est vrai ! Une baisse de charges ou de contributions a l’avantage de redonner un prix unique au travail, comme le disent nos amis insoumis. Nous ne le remettons pas en cause ! Pour les Français, il est intéressant et important de se dire que le travail a le même prix, ou le même coût, quel que soit l’endroit où il est effectué. C’est une forme d’égalité qui rendra les choses plus efficaces et plus simples. Chiche ? Nous devons retourner le problème et parler de ceux qui travaillent, qui ont un prix, qui touchent un salaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) Vous êtes donc favorable au salaire unique ? Bravo !
(L’amendement no 1606 n’est pas adopté.) La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 810. Je défendrai tous les amendements de mon collègue David Lorion, qui m’a confié cette mission puisqu’il est reparti dans son département d’outre-mer.
Dans un souci d’efficacité et en tenant comptes des contraintes budgétaires, l’amendement no 810 vise à flécher le CICE afin que ses effets sur la compétitivité et l’investissement productif bénéficient en priorité aux entreprises évoluant dans des secteurs d’avenir ou à forte valeur ajoutée. Ainsi, nous proposons d’instaurer un CICE pour les activités des secteurs de la transition énergétique, du numérique et de la recherche et de l’innovation, chers à la majorité actuelle.
Quel est l’avis de la commission ? Si cela ne vous ennuie pas, monsieur le président, je vous demande l’autorisation de rester assis. Cela ne pose pas de problème, monsieur le rapporteur général. Vous n’êtes donc plus en marche ? (Sourires.) Je suis désolé, mon cher collègue : j’ai mal au dos, je suis coincé.
Votre amendement pose un gros problème : la détermination des secteurs éligibles est totalement imprécise. Par exemple, lorsque vous parlez de la transition énergétique, incluez-vous le secteur du bâtiment ? Que recouvre le secteur du numérique ? Cette imprécision exposerait la mesure à une censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative. Je ne parle pas du coût de votre amendement, qui est probablement important mais qui n’est pas chiffré. J’y suis donc défavorable.
(L’amendement no 810, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l’amendement no 1368. Vous avez raison, monsieur le ministre : le débat est intéressant. S’agissant du CICE, chacun a son propre vécu, sa propre expérience. Chacun a rencontré des petites et moyennes entreprises en difficulté, auxquelles le crédit d’impôt permet de sortir la tête de l’eau. Cependant, le gros problème, c’est qu’il existe des entreprises faisant des bénéfices et ayant un chiffre d’affaires extraordinaire qui perçoivent le CICE.
La question qui se pose est donc de savoir si elles en ont vraiment besoin. Si l’on veut prendre des exemples vécus, de nombreuses entreprises ont bénéficié de ce dispositif, qui remonte à 2013. Pour certaines, cela a bien marché ; pour d’autres, non. Nokia, par exemple, qui a bénéficié de 63 millions de CICE, a procédé à 600 licenciements. C’est tout de même un problème, car cela signifie que, s’il n’y a pas de contrôle de l’utilisation de l’argent public dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés, il vient tout de même un moment où il faut mettre des garde-fous et légiférer pour dire qu’on ne va pas continuer à abonder des crédits si l’entreprise ne remplit pas son contrat.
Nous proposons de supprimer le CICE dès 2018, où il devait statutairement continuer à s’appliquer avant de recevoir un nouveau statut en 2019, et de reprendre cet argent pour l’affecter à différentes actions dans tous les secteurs économiques auxquels on peut penser, comme l’économie, la santé ou les services publics. Voilà ce que nous proposons. Il s’agit, en effet, d’une question fondamentale, dont on parle sans jamais faire de bilan. Or, lorsque le bilan est fait, on ne trouve pas forcément de bons résultats.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Entendre parler de CICE m’a fait penser à des syndicalistes d’une entreprise dénommée Engie, que j’ai récemment rencontrés. En ce moment, Martinez ne veut plus vous voir ! Heureusement qu’on n’entend pas ce que vous racontez hors micro : ça évitera de polluer ma prise de parole ! Monsieur Bernalicis, nous vous écoutons. Engie, comme de nombreuses grandes entreprises, a bénéficié du CICE et est en train de procéder, par ses filiales, à des délocalisations de certains de ses centres d’appel : plus de 1 200 postes sont sur la sellette et c’est en ce moment que ça se passe. Engie a bénéficié et continuera de bénéficier du CICE et d’allégements de charges. Or, qui en est l’actionnaire majoritaire ? C’est nous ! Disons plutôt l’État : ainsi, même là où il est aux manettes, il n’est même pas fichu de faire en sorte que le CICE serve, comme prévu, à créer de l’emploi ! Si ce n’est pas la meilleure démonstration que ce système ne sert à rien et ne produit pas les effets escomptés, je ne sais pas quel autre exemple il vous faut. La parole est à M. Jean-Noël Barrot. Notre collègue a raison de dire que les effets du CICE en termes de création d’emplois n’ont pas été éblouissants. C’est la raison pour laquelle la réforme proposée prévoit de renforcer les allégements de charges sur le bas de la pyramide des salaires, les plus proches du SMIC, car on sait que c’est là que se font les créations d’emplois lorsque les charges baissent.
En outre, cette baisse de charges concernera, comme le rappelait à l’instant Mme de Montchalin, de très nombreux employeurs qui n’étaient pas concernés par le CICE et dont, comme nous l’avons vu lors d’une discussion tenue voici quelques semaines dans cette enceinte, les embauches sont très sensibles au coût du travail, en particulier pour les associations et les entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Pour ces deux raisons, il semble que l’évolution proposée soit non seulement nécessaire, mais également très prometteuse en matière de créations d’emplois.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)
(L’amendement no 1368 n’est pas adopté.) La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 809. Nous proposons, avec cet amendement, de dynamiser les économies spécifiques de l’outre-mer en instaurant un taux différencié de CICE favorisant les entreprises évoluant, comme nous l’avions proposé avec un précédent amendement, dans des secteurs d’avenir, à forte valeur ajoutée ou créateurs d’emplois. Le taux serait taux fixé à 12 % et fléché par souci d’efficacité, ce qui ne fait que répondre à une promesse qui avait été faite à l’outre-mer par un ancien Président de la République, nommé François Hollande. Le maintien du taux à 9 % pour les autres secteurs est conforme au choix du Gouvernement. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement est, dans son principe, le même que tout à l’heure. Non ! Il entraîne donc le même risque d’incompétence négative du fait qu’il comporte des taux différenciés et des secteurs non précisés.
(L’amendement no 809, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 1440 et 1443 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Vincent Ledoux, pour les soutenir.
Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, que ces mesures étaient de nature à favoriser nos entreprises et à créer de la richesse et de l’emploi. Lorsqu’il y a création de richesse, on ne peut que s’en réjouir, mais lorsqu’il y a destruction d’emplois, comme le disait tout à l’heure M. Bernalicis, on ne peut que s’en étonner.
Mme Brenier, auteure de cet amendement, cite notamment le groupe Galderma, filiale de Nestlé, qui a bénéficié de 23 millions d’euros au titre du CICE et qui n’en a pas moins décidé de fermer son site de Sophia-Antipolis, qui compte 550 salariés et qui est un fleuron pharmaceutique mondial. On peut donc se poser des questions.
Avec son amendement no 1440 – qui pourrait se heurter à un problème de rétroactivité, mais le rapporteur général et le ministre nous le diront –, Mme Brenier propose de conditionner le maintien du CICE, sous peine de remboursement du montant perçu s’il n’y a pas de maintien de sites d’activité et de l’emploi en France.
Le deuxième point consiste à conditionner le CICE au maintien de l’activité des sites en France, sous peine, non de devoir rembourser mais, après avoir vérifié s’il y avait dégradation de l’emploi, de suspension du CICE jusqu’à extinction du dispositif.
Quel est l’avis de la commission ? Je comprends très bien l’esprit qui sous-tend cet amendement, mais sa rédaction n’est pas satisfaisante. Selon cette rédaction, l’État « peut exiger », ce qui revient à prévoir une faculté sans en préciser les modalités ni les conditions. Il n’est pas non plus précisé quand doit être pris l’engagement de ne pas fermer le site. Votre amendement souffre réellement d’un problème de précision et ouvre la porte à un risque important d’inconstitutionnalité. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. S’il y a un risque d’inconstitutionnalité à dire qu’il faut créer de l’emploi, il faudra se poser la question de savoir si la Constitution ne devrait pas garantir un droit au travail – mais je mets cette question de côté.
Si une entreprise qui bénéficie du CICE ne crée pas d’emplois, il doit bien se passer quelque chose. Une entreprise rentable qui en bénéficie peut même détruire des emplois. Dans ce cas, je souscris à l’argumentaire développé tout à l’heure par notre collègue du groupe La République en marche : ce qui change, c’est la marge – elle s’améliore, et c’est la seule vérité. Or la marge sert à ce que veut bien en faire le chef d’entreprise : tantôt à verser des dividendes, tantôt à détruire des emplois, tantôt même à en créer – dans 200 000 cas au maximum, selon le rapport de France Stratégie, soit très loin du million promis.
Je vous invite à examiner le rendement des emplois aidés, qui coûtent vraiment moins cher et qui permettent, au bout du compte, qu’il y ait quelqu’un qui bosse et ait un salaire, une paie.
Permettez-moi, pour finir, une précision sémantique : parlez de « charges » lorsque vous faites votre bilan comptable. Ici, parlez plutôt de « cotisations », s’il vous plaît : ce sera mieux pour tout le monde.
La parole est à M. Hubert Wulfranc. Nous voterons cet amendement, car l’argumentation des Constructifs est tout à fait intéressante. En effet, alors que le CICE est censé préserver l’emploi ou en créer, conformément à la philosophie défendue initialement par les initiateurs du projet, on nous dit que cet amendement est mal foutu, mal rédigé, et on ne répond pas sur le fond. De qui se moque-t-on ?
Alors oui, on fait de la marge.
C’est la République en marge ! Et pourquoi fait-on de la marge ? Pour redistribuer aux actionnaires. Dites-le, nom de Dieu !
Merci donc de cet amendement, qui est une démonstration flagrante qu’on marche sur la tête.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes REM et LR.) La parole est à M. Jean-René Cazeneuve. Je souhaiterais apporter deux précisions. Tout d’abord, contrairement à ce que vous dites, le CICE n’est pas vraiment de l’argent public, mais un moindre impôt. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et LR.) Non, c’est de l’argent public ! Si c’était de l’argent public, cela signifierait que l’on considère que toute la profitabilité d’une entreprise est potentiellement de l’argent public, qu’on lui redonne. (Mêmes mouvements.)
En deuxième lieu, vous ne pouvez pas partir du principe que, quand une entreprise reconstitue sa marge, toute cette marge va reconstituer de l’emploi ou permettre d’embaucher, car vous pouvez aussi innover, faire de la recherche et développement, investir dans votre outil de production ou vous développer à l’international :…
Ou encore casser des emplois ! …il y a mille manières d’utiliser l’augmentation de votre profitabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Frédéric Petit. Puisque nous faisons de la linguistique et recherchons la précision à propos des marges, si on parle de « cotisations » plutôt que de « charges », il faut alors parler de « cotisations obligatoires ». Je rappelle en effet que ces dépenses sont désignées comme des « charges » dans la comptabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Deuxièmement, je rappelle à mes collègues qui siègent sur les bancs de l’extrême gauche de l’hémicycle, avec l’histoire centenaire de leur mouvement…
(Protestations sur les bancs du groupe FI.) Vous venez de très loin, et vous l’oubliez parfois. Et vous, alors ? Le libéralisme, ça vient d’où ? Je ne suis pas un tenant du libéralisme. Laissez-moi parler.
Je rappelle qu’un emploi aidé, c’est vingt heures par semaine pour 700 euros nets. Si c’est ça, pour vous, avoir un emploi ou aider les gens, ce n’est pas le cas pour moi.
(Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Troisièmement, si on veut être précis, la marge n’a jamais rémunéré un actionnaire. Comme cela a été rappelé cet après-midi, la marge est gérée par le gérant et elle aide à réinvestir, à compléter, à se désendetter ou à mener des actions de recherche, tandis que ce qui rémunère l’actionnaire, c’est le dividende. Si vous voulez que nous soyons précis dans les termes, soyons-le.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à Mme Christine Pires Beaune. Puisque tout le monde cite des exemples, je vais le faire aussi. Nous étions plusieurs, durant la dernière législature, à demander une conditionnalité du CICE. La dernière usine de fabrication de tabac en France appartenait à Imperial Tobacco, qui la ferme, non pas parce qu’elle ne serait plus rentable, mais pour faire un peu plus de profits en Allemagne et en Pologne. Cette entreprise a touché un peu plus de 600 000 euros de CICE, et non seulement on ne peut pas récupérer cette somme, mais, alors qu’il existait un projet de société coopérative et participative – SCOP –, c’est-à-dire une entreprise montée par les salariés, elle refuse même de céder les machines-outils pour l’euro symbolique. Je voterai donc évidemment ces amendements.
(Les amendements nos 1440 et 1443 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l’amendement no 1367. Je tiens tout d’abord à assurer notre collègue Giraud de toute notre amitié dans l’épreuve qu’il traverse.
Dire que c’est le dividende qui rémunère l’actionnaire signifie qu’il y a eu de belles rémunérations de 2012 à 2016, puisqu’on a versé 300 milliards de dividendes.
Très bien ! Le CICE, que nous avons toujours combattu compte tenu de la gabegie budgétaire qu’il représente, prévoyait néanmoins un mécanisme intéressant permettant aux représentants du personnel, notamment au comité d’entreprise, d’être informés sur le sujet, comme le précise d’ailleurs très bien le rapport du rapporteur général.
En l’état actuel du droit, les partenaires sociaux disposent d’un droit de regard sur l’usage du CICE. Le comité d’entreprise doit être informé et consulté sur cette utilisation et peut, s’il estime que le CICE n’a pas été employé d’une manière conforme à ses objectifs, établir un rapport qui sera transmis au comité de suivi régional du CICE.
Ces dispositions avaient le mérite d’exister et d’associer
a minima les représentants du personnel à l’utilisation du CICE.
En réalité, les prérogatives reconnues à ces représentants sont autant de sabres de bois qui ne permettent pas un véritable contrôle ; les rapports successifs rendus par France Stratégie l’ont exprimé très clairement.
Le processus d’information et de consultation du comité d’entreprise est loin d’avoir été pleinement utilisé ; il s’agissait en réalité davantage d’une information que d’une consultation, ce qui a généré beaucoup de frustrations du côté des représentants syndicaux – autant d’éléments montrant qu’il y avait lieu de renforcer les compétences des salariés sur les choix économiques des entreprises.
Or, avec cet article, vous tirez la conclusion inverse et prenez l’exact sens opposé : en 2019, le CICE sera supprimé et remplacé par la suppression pérenne de cotisations sociales patronales. Mais, dans ce nouveau dispositif, vous ne reconnaissez aucune nouvelle prérogative aux représentants du personnel : c’est un symbole fort de votre conception du dialogue social.
Quel est l’avis de la commission ? C’est très simple : les articles supprimés sont relatifs exclusivement au CICE. Il s’agit simplement d’une coordination. Laisser subsister dans le code des articles relatifs à des instances de suivi et de contrôle de l’utilisation du CICE quand le CICE n’existe plus, c’est l’encombrer de scories vraiment pas utiles. Je comprends très bien le souci qui vous anime mais il n’y a plus de CICE ; donc, les instances dédiées au CICE ne peuvent pas subsister. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Alexis Corbière. Monsieur le rapporteur général, même si vous avez techniquement raison, notre collègue a soulevé une question de fond. Quels sont les lieux de contrôle, de discussion, de concertation sur les conséquences réelles pour l’emploi des mesures que vous préconisez ? Voilà le débat de fond !
Lors de la création du CICE, avec tous ses défauts, le Gouvernement avait été obligé, sous la pression des parlementaires, d’introduire les instances de contrôle rappelées par notre collègue. Vous, vous ne le faites même pas ! Or ce qui rend nos débats passionnés, c’est que le CICE a été marqué dès le départ, et tout au long de son existence, par des mensonges : le mensonge de la création d’un million d’emplois, porté par le président du MEDEF, qui en avait fait un badge, puis toute une série de promesses faites mais jamais tenues. Vous comprenez la difficulté ! Il est donc assez singulier que vous balayiez les arguments avancés par notre collègue de cette façon.
Cela ne sert plus à rien ! Les mêmes causes produisent les mêmes effets. L’argent public contribue, au travers de l’impôt et des outils de redistribution, à l’enrichissement du pays et fait partie des outils concrets de la République. Mais vous le reversez aux entreprises qui, quel que soit le dispositif – nous venons encore de le constater avec le CICE –, en profitent essentiellement pour augmenter les dividendes des actionnaires, les emplois n’étant pas à la clef. Cela ajoute un problème démocratique à ce CICE déjà fort bancal.
(L’amendement no 1367 n’est pas adopté.) La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1836. Il s’agit d’un amendement de coordination. Quel est l’avis du Gouvernement ? Favorable. La parole est à Mme Véronique Louwagie. Cet amendement tire les conclusions de la modification d’éléments du code du travail résultant de l’ordonnance du 22 septembre 2017. Or, si j’ai bien compris le processus des ordonnances, celles-ci n’ont pas encore définitivement force de loi. Êtes-vous dans l’anticipation ? Cet amendement est-il cohérent avec l’agenda ?
(L’amendement no 1836 est adopté.) La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1835 rectifié. C’est un amendement de précision.
(L’amendement no 1835 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 42, amendé, est adopté.) La parole est à Mme Émilie Cariou, première oratrice inscrite sur l’article. L’article 88 de la loi de finances pour 2017 a instauré un crédit d’impôt de taxe sur les salaires, dit CITS. Il bénéficie aux organismes sans but lucratif mentionnés à l’article 1679 A du code général des impôts et redevables de la taxe sur les salaires.
Le CITS est un dispositif bénéfique, souhaité par le secteur de l’économie sociale et solidaire, ou ESS, en compensation du CICE développé antérieurement pour le seul secteur lucratif. Ce dispositif a donc fonctionné. Ce mécanisme de crédit d’impôt, certes moins pratique que la baisse de charges que nous proposons, s’avère plus avantageux pour les grosses structures aptes à le gérer que pour les petites, qui ont plus de difficultés à gérer leur trésorerie.
La suppression du CITS au 1er janvier 2019 traduit l’engagement de l’État en faveur du secteur associatif. Le CITS a un taux de 4 %, contre 7 % pour le CICE, depuis le 1er janvier 2017. Les organismes non lucratifs bénéficieront en contrepartie de la baisse de cotisations, qui simplifiera la vie des associations dans nos territoires, notamment ruraux, où le maillage du petit ESS est tout à fait vital.
L’année 2019 verra les derniers versements du CITS en même temps que la baisse des cotisations, programmée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il s’agit bien de redimensionner et de simplifier la politique en matière de prélèvements obligatoires en faveur de tous les Français, pour tous nos acteurs et dans tous les territoires.
La parole est à Mme Perrine Goulet. Le crédit d’impôt de taxe sur les salaires a été conçu comme le pendant du CICE pour le secteur non lucratif. Il avait pour objectif de favoriser l’emploi dans ces structures grâce à l’allègement de charges qui en résultait. Cependant, ce dispositif est complexe et ses effets sont visibles avec une année de décalage. Notre programme, qui a pour objet de baisser les cotisations sociales pour les entreprises, couplé avec l’article 23, vise donc à transformer le CITS en baisse de charges afin de mettre fin à ce décalage de trésorerie.
La suppression du CITS va de pair avec celle du CICE au 1er janvier 2019, date à laquelle les cotisations patronales seront baissées de 6 points sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC, cette baisse étant complétée par un allègement de 3,9 points au niveau du SMIC, dégressif jusqu’à 1,6 SMIC. Ces allègements feront suite également aux allègements de cotisations salariales prévus en 2018. Dans ce cadre, l’incitation à l’emploi sera conservée et l’organisation sera simplifiée. C’est donc une bonne mesure, qu’il nous faut adopter.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.) La parole est à M. Marc Le Fur. Le passage du CICE à la baisse des charges me convient tout à fait : c’est une garantie de pérennité et de stabilité ; c’est plus simple, plus clair et cela nous évitera les circonvolutions imaginées pour compenser l’inexistence du CICE pour un certain nombre de structures qui ne réalisaient pas de bénéfices, en particulier pour l’économie sociale et solidaire.
Cela contribuera, du moins je l’espère, à résoudre un problème latent depuis longtemps : celui des coopératives agricoles, qui ont été les grandes oubliées du CICE.
Exactement ! Elles ont énormément perdu dans la comparaison avec les autres entreprises. C’est très important ! Une autre catégorie a été oubliée des baisses de charges successives : les emplois à domicile. Ceux-ci ne bénéficient pas du dispositif Fillon, ni du CICE – on peut le comprendre. Bénéficieront-ils de la baisse des charges ?
Vous me rétorquerez qu’ils bénéficient par ailleurs d’un crédit d’impôt correspondant à 50 % de la charge, mais je vous rappelle, monsieur le ministre, que pour ces emplois à domicile, le crédit d’impôt a été imaginé à une époque où n’existait pas cette baisse de charges. Je souhaiterais donc que vous nous disiez, très concrètement, si l’employeur familial bénéficiera lui aussi, pour les emplois à domicile, de la baisse des charges que nous souhaitons très majoritairement.
La parole est à Mme Véronique Louwagie. Cette disposition a été présentée par le Gouvernement comme étant favorable aux associations. Dans mon territoire, celles-ci ont été un certain nombre à réagir, s’inquiétant de plusieurs dispositions : la suppression des emplois aidés, la diminution des subventions des collectivités territoriales, qui elles-mêmes subissent des diminutions de dotations, et la perspective de la suppression du CITS.
Pour tenter de les rassurer, j’ai lu l’étude d’impact et l’évaluation préalable. J’avoue que je ne comprends pas un point dans ce document, monsieur le ministre, mais je pense que vous allez pouvoir m’éclairer. Il y est indiqué que le secteur non lucratif bénéficierait, compte tenu de la suppression du CITS et de la baisse de cotisations sociales, d’un gain de l’ordre de 1 milliard d’euros. C’est ce qui est pris en compte dans l’impact de la disposition envisagée.
Par ailleurs, dans un tableau des incidences budgétaires pour l’ensemble des administrations publiques, on découvre qu’aucune somme n’est indiquée pour 2018 et 2019 et que le gain pour l’État s’élève à 600 millions d’euros à partir de 2020, la somme étant équivalente en 2021 et 2022.
J’avoue que je reste perplexe : comment, d’un côté, le secteur non lucratif peut-il gagner 1 milliard d’euros et, d’un autre côté, l’État peut-il gagner 600 millions d’euros en 2020, 2021 et 2022, étant entendu que cela concerne l’ensemble des administrations publiques, y compris la Sécurité sociale ? À mon avis, il y a un petit problème : il faudra que vous nous donniez des explications sur ces éléments.
Je suis saisi de trois amendements, nos 585 deuxième rectification, 1676 rectifié et 746 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 585 deuxième rectification et 1676 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 585 deuxième rectification.
Sans remettre en cause la transformation du CITS en dispositif de baisse de cotisations patronales, appelé de ses vœux par le secteur et que nous soutenons, l’article additionnel objet du présent amendement déposé par mon collègue Gilles Lurton, vise à rehausser le taux du CITS de 4 % à 6 %, le rapprochant ainsi du niveau du différentiel de charges sociales et fiscales avec le secteur public hospitalier, social et médico-social, d’une part, et du niveau du CICE, d’autre part. Cela permettrait son inscription aux comptes des associations dès 2018.
Cette hausse aura ainsi un double effet : assurer le respect du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques pour le secteur privé non lucratif, et compenser la baisse des politiques d’insertion en faveur des personnes éloignées de l’emploi, à condition qu’elle ne soit pas reprise dans les tarifications publiques sanitaires, sociales et médico-sociales de l’État, de l’assurance maladie et des conseils départementaux.
Cette hausse du taux sera valable jusqu’à la suppression du CITS et représente un coût modéré pour l’État. L’augmentation est ainsi estimée à 250 millions d’euros, sachant que la baisse du taux de prise en charge par l’État des nouvelles entrées en CUI-CAE – contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement dans l’emploi – sur 2018 équivaut à elle seule à près de 150 millions d’euros. C’est donc une question d’équité pour ce secteur.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 1676 rectifié. Il s’agit d’un amendement identique déposé par notre collègue Ericka Bareigts. Il a pour objet de faire passer le CITS de 4 % à 6 %, sachant que le CITS est le pendant du CICE, et ce, pour une seule année puisqu’il n’est pas question de remettre en cause le remplacement de ce crédit d’impôt par un allègement de cotisations sociales. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 746 rectifié. Par cet amendement, qui n’est pas exactement identique, il s’agit d’achever la restauration de la compétitivité du secteur non lucratif à l’égard du secteur lucratif. Nous proposons des mesures de prévention et de protection des investissements du secteur hospitalier non lucratif afin de protéger les emplois faiblement qualifiés, notamment en milieu rural, parce que c’est de cela qu’il s’agit à travers la question qui nous est posée.
Cet amendement cherche à améliorer les finances de toutes ces structures qui participent à la consolidation du maillage de soins en France. De plus, il s’agit aussi de parvenir à un rééquilibrage général au profit des efforts continus des établissements privés non lucratifs, comme l’a rappelé ma collègue à l’instant.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ? J’ai, moi aussi, reçu ces amendements sur ma messagerie électronique, envoyés par une fédération assez connue. Très honnêtement, le secteur non lucratif sera le grand gagnant de cette transformation du CITS en allègement de charges. Je vous rappelle que le gain net sera de 1,4 milliard d’euros par an. Le taux du CITS a été fixé à la suite d’une étude commandée par le secteur lui-même, et ce secteur a considéré que 4 % étaient suffisants. Même s’il y a eu du lobbying sur ce sujet, je pense que le secteur non lucratif est particulièrement gagnant avec ce dispositif de transformation. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement. Je voudrais ajouter un élément de réponse à l’argument très fort du rapporteur général sur l’aide de 1,4 milliard prévue par le dispositif.
Vous dites que ça ne coûte que 250 millions d’euros aux finances publiques – nos estimations sont plutôt de 300, mais admettons ce chiffre. Je suis plutôt étonné de ce discours. Pour que les débats soient aussi intéressants qu’au Sénat, où je viens de terminer deux jours de discussion sur les premiers articles du PLFSS et où la majorité sénatoriale a creusé le déficit de plus de 6,2 milliards en deux jours, on va compter le nombre de fois où on va alourdir la facture. Je ne parle même pas du gage, le tabac – mais je comprends que les règles du débat parlementaire font qu’on ne peut pas proposer un gage plus sérieux. Soyez cohérent avec la position du président de la commission des finances, et de Gilles Carrez parfois, qui nous reprochent avec justesse de faire trop de dépenses fiscales. Donc la réponse est non à ces 300 millions ; 1,4 milliard représente déjà un effort extrêmement important.
Par ailleurs, la comparaison avec les CUI et les contrats aidés me paraît d’autant plus étonnante que vous oubliez que plus de 1,5 milliard de crédits sont prévus pour la formation professionnelle.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) Objectivement votre argument n’est pas recevable. La parole est à M. Thibault Bazin. Vous nous avez fait la même réponse en commission, monsieur le rapporteur général. Il convient de citer les bons chiffres devant la représentation nationale. On fait état de chiffres très différents de ceux de l’étude d’impact. Selon Nexem et la FEHAP, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne, le montant des exonérations de charges sociales est de 620 millions d’euros et non pas 1,4 milliard. Il est quand même important pour le sérieux du débat que nous puissions être éclairés.
Par ailleurs, le projet du Gouvernement en septembre n’était pas de maintenir ce taux de 4 % mais de le réduire de moitié. Nous parlons de structures qui assurent le même service public que des structures qui bénéficient d’avantages par ailleurs. Cette question d’équité entre des structures qui gèrent le même service public hospitalier est vraiment essentielle.
Vous me parlez des amendements qui ont été votés par le Sénat, monsieur le ministre, mais vous auriez pu aussi évoquer le coût de ceux qui sont votés par votre majorité depuis quelques jours : ce sont des milliards qui ont été votés en cinq minutes, à une heure du matin. À ce jeu-là vous serez perdant.
La parole est à Mme Véronique Louwagie. Eu égard aux chiffres qui figurent dans l’étude d’impact, nous ne pouvons pas voter l’article en l’état, mes chers collègues. Selon l’étude d’impact pour le secteur non lucratif le gain est de l’ordre de 1 milliard d’euros, alors que le rapporteur général vient de dire qu’il est de 1,4 milliard. Je me fierai, pour ma part, à l’étude d’impact.
Selon la même étude, l’État est bénéficiaire de 600 millions d’euros. Qui paye donc ce 1,6 milliard, sachant que c’est l’ensemble des administrations publiques qui est impacté, y compris la Sécurité sociale ? On ne peut pas voter ce dispositif en l’état alors qu’on nous présente des évaluations aussi divergentes et incohérentes : c’est trop important pour les associations.
Il faut revoir la copie ! La parole est à M. le ministre. Non, monsieur le député, il ne faut pas revoir la copie.
Pour faire très vite, aux 2 milliards de baisses de charges prévues par le PLFSS on doit soustraire un coût de 600 millions de compensation pour l’État : cela fait bien 1,4 milliard.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
(Les amendements identiques nos 585 deuxième rectification et 1676 rectifié ainsi que l’amendement no 746 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’article 43 est adopté.) Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 43.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin, pour soutenir l’amendement no 1727 rectifié.
Aujourd’hui, les établissements publics de coopération culturelle, les EPCC – par exemple l’abbaye de Noirlac dans le Cher, le Louvres-Lens, le Centre Pompidou à Metz, l’Opéra de Lille, le 104 à Paris, parmi plus d’une centaine d’établissements – se trouvent dans une situation un peu étrange. Ces EPCC sont soumis à la taxe sur les salaires, alors que les collectivités publiques qui en sont membres en sont exonérées. Donc quand on se regroupe on paye une taxe dont on n’est pas redevable quand on est seul.
Cet amendement, que je présente au nom de mon groupe, vise à exonérer les EPCC de taxe sur les salaires pour que l’incitation au regroupement soit pleine et entière.
Quel est l’avis de la commission ? La bizarrerie signalée par Mme de Montchalin est effectivement réparée par cet amendement. Je note que Mme de Montchalin a pris la précaution d’exclure l’exonération au cas où celle-ci entraînerait une distorsion de concurrence. Cette précision importante est bienvenue dans la mesure où les EPCC peuvent être soit des établissements publics industriels et commerciaux, soit des établissements publics administratifs.
Avis favorable, y compris pour l’abbaye de Noirlac et l’excellent restaurant qui lui fait face.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Un EPCC étant un regroupement, il devrait normalement permettre une mutualisation des coûts. L’argument selon lequel une taxation plus désavantageuse dissuade les responsables des collectivités d’opérer un tel regroupement est un argument de poids.
Le ministre des comptes publics que je suis doit quand même souligner que cela coûte 3 millions. Mais sachant que ce sera là l’un des seuls amendements que proposera le groupe majoritaire parce qu’il est conscient des difficultés des finances publiques, l’avis du Gouvernement sera favorable.
(L’amendement no 1727 rectifié est adopté.) La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 581. L’objet du présent amendement, déposé par mon collègue Gilles Lurton, est d’introduire dans le code général des impôts un article instituant un crédit d’impôt recherche imputable sur la taxe sur les salaires pour les organismes privés non lucratifs. Il s’agit d’une rédaction en miroir de l’article 244 quater B du code général des impôts créant le crédit impôt recherche, CIR, déjà ouvert aux structures privées de statut commercial de l’économie sociale et solidaire et de l’économie en général.
Le Président de la République a indiqué sa volonté à la fois de proroger le dispositif du crédit d’impôt recherche, mais aussi de porter l’effort global de recherche-développement de notre pays à 3 % du PIB.
le coût de cette mesure d’équité est estimé à 400 millions d’euros, si tous les organismes mobilisaient le dispositif en totalité et dès le 1erjanvier 2018, ce qui est improbable. Sachant, par ailleurs, que les emplois qui en seraient la conséquence généreraient des recettes sociales et fiscales supplémentaires, c’est du « gagnant-gagnant ».
Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement aussi, je l’ai déjà vu quelque part, proposé par un lobby .
Très honnêtement créer un équivalent du CIR pour ce secteur ne me paraît pas nécessaire compte tenu des gains dont il bénéficiera et dont j’ai déjà parlé. On peut douter, en outre, que ces organismes engagent des dépenses de recherche. Sans entrer plus avant dans les détails, ce dispositif me semble un peu abusif. Défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même en admettant le coût de 400 millions d’euros que vous avancez – selon nous, il serait plus proche de 500 millions – si ne serait-ce que la moitié de ces organismes réclamaient le bénéfice de cette mesure, le coût serait trop important pour les finances publiques.
Je me range à l’avis dubitatif du rapporteur général. Avis défavorable.
La parole est à M. Thibault Bazin. On parle d’un secteur qui compte 1,3 million d’associations, 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés, et qui intervient dans les territoires. On sait qu’on aura besoin de favoriser l’innovation de tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés, à but lucratif ou à but non lucratif. Nous devons pouvoir accompagner dans ce virage numérique toutes les bonnes intentions de ces acteurs au lieu de les exclure au prétexte que leur fédération les défend.
(L’amendement no 581 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 583 rectifié et 791 rectifié.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 583 rectifié.
Je prévois déjà la réponse du rapporteur, mais je crois qu’on doit insister quand on défend une noble cause.
Les responsables privés non lucratifs du champ sanitaire, social et médico-social ont été encouragés à développer des formules de coopération spécifiques : groupement de coopération sanitaire, groupement de coopération sociale et médico-sociale – les fameux GCS et GCSMS – qui fonctionnent grâce à une mise à disposition non lucrative de moyens humains et matériels par leurs membres, lesquels bénéficient pour leur part du CITS en qualité d’employeur. De ce fait, ces groupements de mutualisation de moyens classiques bénéficient indirectement du CITS par le truchement de leurs membres.
Toutefois, quelques GCS et GCSMS inscrits dans une démarche de coopération et de mutualisation plus intégrée assument des responsabilités d’employeur. Ils sont anormalement exclus du CITS par la formulation actuelle de l’article 1679 A du code général des impôts auquel se réfère l’article 239 du même code, quand celle-ci est suivie par les services fiscaux dans sa lettre et non dans son esprit, conforme à l’intention du législateur : les associations de droit local d’Alsace et de Moselle ou les congrégations ne sont-elles pas bénéficiaires du CITS et des autres dispositions de l’article 1679 A, alors qu’elles ne sont pas explicitement citées par cet article ?
La difficulté est donc que la rédaction actuelle de l’article ne mentionne pas explicitement les GCS et GCSMS employeurs. Nous vous proposons, par cet amendement, de remédier à cette difficulté et de nous assurer, par cette nouvelle rédaction, de l’absence d’élargissement indu du périmètre des bénéficiaires du CITS au regard de l’intention explicite du législateur.
La parole est à M. Vincent Ledoux, pour soutenir l’amendement no 791 rectifié. Je voudrais illustrer ce que vient de dire notre collègue en défense de l’amendement de M. Lurton.
En 2012, les hôpitaux catholiques de Lille et de Cambrai, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, se sont réunis en groupement de coopération sociale dans une démarche de mutualisation et d’intégration et ils assurent des responsabilités d’employeur, des missions de service public et ce sans dépassement d’honoraires. Aujourd’hui, ils se trouveraient anormalement exclus du CITS par la formulation actuelle du code général des impôts.
En effet, la formulation actuelle de l’article 1679 A issu de l’article 88 de la loi de finances pour 2017 ne mentionne pas explicitement les GCS et les GCSMS employeurs. Or, sans le CITS, le groupement des hôpitaux de l’Institut catholique de Lille seraient injustement pénalisés par rapport aux établissements privés non lucratifs de la même catégorie, et l’effet du CITS représente plus de 2 % de sa masse salariale.
Je rappelle que l’ensemble hospitalier universitaire catholique de Lille emploie 2 750 salariés. C’est la raison pour laquelle, à la suite de Gilles Lurton, je propose une nouvelle rédaction de l’article.
Quel est l’avis de la commission ? Au risque de surprendre M. Bazin, j’estime que ces formes de regroupements ne doivent pas pénaliser les établissements hospitaliers. Je ne méconnais pas non plus la situation particulière des hôpitaux de Lille, dont j’espère qu’ils ne prennent pas en charge une seule confession !
En tout état de cause, je donne un avis de sagesse, quasiment favorable, à cet amendement.
Merci, monsieur le rapporteur ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Ce sera un avis favorable, d’abord parce que je trouve l’argumentation de M. Bazin et de M. Ledoux assez juste : un tel regroupement ne doit pas être pénalisé.
Ensuite, ayant, comme vous l’avez rappelé, rencontré les responsables de la faculté de Lille, je sais qu’il y a un sujet qui justifie tout à fait que j’accepte votre amendement. Enfin, il ne coûte que 3 millions.
Vous pouvez constater l’égalité de traitement du groupe majoritaire et de l’opposition : 3 millions chacun et on s’arrête là, n’est-ce pas ?
(Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
(Les amendements identiques nos 583 rectifié et 791 rectifié sont adoptés.) La parole est à Mme Émilie Cariou, inscrite sur l’article. La réorientation de notre pays vers la création d’emplois et l’attractivité, c’est ce que nous espérons et défendons tous dans ce budget pour 2018, à La République en marche, quels que soient les territoires que nous représentons.
Par cette proposition du Gouvernement, je comprends que la réorientation systémique de nos territoires passe aussi par le renforcement de l’attractivité de la place financière de Paris post-Brexit, afin de reconstituer l’écosystème français qui irriguera jusqu’à nos PME et TPE.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, cela passe par une diminution de la taxe sur les salaires qui concernera les emplois les mieux rémunérés dans les services financiers existants ou à venir. Selon l’évaluation préalable que vous avez reçue, qui est publique et en ligne, ce sont mécaniquement 60 puis 30 millions d’impôts sur les sociétés qui reviendront dans les caisses de l’État, correspondant à la fraction de la taxe sur les salaires disparue et revenant donc dans l’assiette de l’impôt sur les bénéfices – je renvoie aux réinvestissements que nous avons évoqués tout à l’heure suite aux baisses de charges et de cotisations.
Monsieur le ministre, je ne peux que vous imaginer attaché à ce qui peut être financé par cette taxe sur les salaires – pour l’instant, cette tranche haute bénéficie à la branche famille de la Sécurité sociale. Je m’interroge donc : à partir des recettes générées par notre approche systémique et grâce à cette suppression de la tranche haute de la taxe sur les salaires, combien d’emplois dans la finance et l’assurance sont-ils précisément espérés, notamment en Île-de-France, pendant le quinquennat ? Quelle base de prélèvements fiscaux et sociaux espérons-nous récupérer ainsi ?
Avec les explications que vous allez nous donner, monsieur le ministre, j’en conclus que nous pourrons, grâce à cet article 44, donner le cap et voter cette suppression de la tranche haute sur les salaires en espérant que l’attractivité dont vous allez nous démontrer la teneur sera bien effective.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1366, 1397 et 1772, visant à supprimer l’article 44.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l’amendement no 1366.
Avec la suppression de la quatrième tranche de la taxe sur les salaires, c’est un nouveau cadeau fiscal qui vient s’ajouter à une liste aussi longue qu’inédite, qui comprend notamment la suppression de l’impôt sur la fortune, pour 3,2 milliards, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital – a minima , 1,5 milliard –, l’attaque contre la taxe sur les transactions financières à hauteur de 2 milliards, la suppression unilatérale de la taxe de 3 % sur les dividendes, le doublet CICE et suppression des cotisations sociales patronales, pour 40 milliards, la baisse de l’impôt sur les sociétés et les 5 milliards donnés aux grands groupes par les contribuables dans le cadre du contentieux de la taxe sur les dividendes, et la baisse de la fiscalité des actions gratuites pour 100 millions. Quant à la suppression de la quatrième tranche de la taxe sur les salaires que vous proposez ici, elle est chiffrée à plus de 100 millions environ.
Pour mémoire, je rappelle que cette taxe est payée par les employeurs au taux de 20 % sur les rémunérations supérieures à 152 279 euros par an, soit l’équivalent de plus de huit fois le SMIC annuel. Le Gouvernement nous propose de supprimer cette tranche, donc, d’alléger la fiscalité sur de tels niveaux de rémunérations. Or dans quel secteur les atteint-on, si ce n’est, bien entendu, dans la finance ? Aujourd’hui, vous faites la danse du ventre devant les
traders , c’est un fait.
Plus globalement, cette mesure s’inscrit dans un plan de séduction général que vous essayez de mettre en place pour attirer hypothétiquement les acteurs financiers tentés de quitter Londres. Nous considérons, quant à nous, que ce taux doit être maintenu et même renforcé, comme nous le proposerons par un autre amendement.