XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018

Séance du jeudi 23 novembre 2017

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi no 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (no 237, 369). Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 29 portant article additionnel après l’article 6. Sur cet amendement no 29, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour le soutenir.
Monsieur le président, madame la ministre du travail, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, un grand nombre d’entreprises ont recours abusivement au temps partiel. Il maintient celles et ceux qui le subissent dans la précarité, souvent dans la grande pauvreté, et concerne en grande majorité des femmes.
Je rappelle brièvement la situation : aujourd’hui, 30 % des femmes occupent des emplois à temps partiel, le plus souvent subi et à moins de vingt-quatre heures par semaine, avec pour conséquence un salaire partiel, des primes partielles, une retraite partielle et surtout une insécurité totale. Un grand nombre de femmes, parfois seules avec des enfants, vivent ainsi dans une grande précarité. Et puis, on le sait, le temps partiel s’accompagne en général d’une intensification de la charge du travail ou encore d’une amplitude des horaires largement supérieure à la durée légale d’une journée. Encadrer le temps partiel, c’est donc tendre vers davantage d’égalité salariale.
Cet amendement vise donc à rendre pleinement effective la durée hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures pour les contrats à temps partiel, durée instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi.
De nombreuses dérogations ont vidé de sa substance le principe d’une durée minimale, la loi ne permettant plus dès lors de bien protéger les salariés concernés. Ainsi, des accords de branche prévoient des durées minimales dérogatoires qui sont dérisoires. Sans empêcher les dérogations, l’amendement propose de les encadrer en majorant le paiement des heures à temps partiel effectuées en deçà de vingt-quatre heures par semaine. Lutter contre le temps partiel subi et excessif permettra ainsi de progresser en matière d’égalité professionnelle. Il nous faut rapidement passer aux actes pour avancer très concrètement sur ce sujet. J’espère que nous nous retrouverons là-dessus.
Très bien ! La parole est à M. Laurent Pietraszewski, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement. Chère collègue, votre amendement va à rebours des principes directeurs qui président à la réforme menée dans le cadre de ces ordonnances.
En matière de travail à temps partiel, le choix a en effet été de confirmer le rôle majeur de la branche pour la fixation de la durée minimale de travail à temps partiel ainsi que des taux de majoration des heures complémentaires – les heures effectuées au-delà de la durée dite socle, fixée à vingt-quatre heures par la loi de sécurisation de l’emploi en 2013. Or l’amendement propose de majorer de 25 % les heures effectuées lorsque le contrat prévoit une durée de travail comprise entre quinze et vingt-quatre heures par semaine, et de 50 % les heures effectuées dans le cadre d’un contrat de moins de quinze heures. Le principe de majoration des heures ne valant que pour celles effectuées au-delà du socle légal, vous inversez totalement la logique et prônez un dispositif qui conduirait à rendre rédhibitoire le recours même au temps partiel puisque votre mode de calcul conduirait à majorer de 50 % toutes les heures effectuées par un salarié à temps partiel.
Si la problématique de lutte contre le temps partiel subi – puisque telle était, me semble-t-il, votre motivation essentielle – est importante, combattre le principe même du travail à temps partiel me paraît décalé par rapport à votre objectif. Nombreuses sont les entreprises qui cherchent à valoriser un temps partiel choisi, ce dont on peut se réjouir au regard de la responsabilité sociétale de l’entreprise, et nombreux sont les salariés qui ne demandent pas forcément à travailler plus. Il est difficile de répondre à la diversité des situations par un seul dispositif, d’autant plus que le vôtre serait particulièrement contraignant et de plus inadapté. L’avis est donc défavorable.
La parole est à Mme la ministre du travail, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis que le rapporteur. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Nous faisons pourtant une proposition originale, qui pourrait donner du sens à ce que vous prétendez faire depuis le début des discussions sur ces ordonnances : réduire le nombre des chômeurs et faire en sorte que les gens arrivent à vivre de leur travail.
J’en connais beaucoup qui parviennent à cumuler plusieurs contrats à durée indéterminée – CDI – à temps partiel et qui considèrent que ceux-ci constituent l’équivalent d’un temps plein et d’un salaire plein. Mais, dans certains cas – notamment dans des métiers que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur –, il arrive qu’on leur demande de faire moins d’heures dans des périodes où la charge de travail est moindre. C’est oublier qu’ils ont structuré leur vie dans le cadre d’un CDI à plusieurs contrats.
Il s’agit par conséquent de dire aux chefs d’entreprise que, s’ils ont recours à une réduction des heures travaillées aux termes de ce contrat, nous allons les majorer. En effet, on ne peut pas admettre que les gens vivent en dessous du seuil de revenus sur lequel ils se sont engagés vis-à-vis de leur société de crédit – étant reconnus comme solvables au titre de leurs CDI. Il faut créer les conditions pour que le salarié ne puisse gagner moins que la rémunération minimale prévue dans le contrat à temps partiel. Si l’employeur va en dessous, c’est majoré – comme lorsqu’il va au-dessus. Cette proposition a du sens si l’on veut s’engager à donner du travail à un maximum de gens. À travers cet amendement, nous suggérons d’introduire de l’humain dans ces ordonnances. Comme je sais que vous y êtes parfois attachés, chers collègues de la majorité, je vous invite à saisir cette occasion et à adopter l’amendement.
Je mets aux voix l’amendement no 29.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.) La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l’amendement no 115. En 2015, le ministre de l’économie, un certain Emmanuel Macron, vantait aux députés les bienfaits de sa loi pour la croissance et l’activité économiques, la loi « Macron 1 » ; pendant des heures, ici même, il a tenté de montrer qu’appliquer les vieilles recettes libérales permettrait de lutter contre le chômage ; il promettait déjà des milliers de créations d’emploi. Quelques mois plus tard, le taux de chômage battait un nouveau record historique. Sa loi n’était pas seulement inutile pour lutter contre le chômage, elle procédait aussi à l’extension du travail le dimanche. Pourtant, cette extension du travail dominical ne répond à aucun argument macroéconomique : la consommation des ménages n’augmente pas, elle est seulement étalée sur sept jours au lieu de six.
Si la continuité du service est une nécessité impérieuse dans certains services publics – je pense aux services départementaux d’incendie et de secours, aux commissariats, aux services hospitaliers –, le maintien d’une activité le dimanche dans le secteur marchand ne revêt pas de caractère d’intérêt général – sinon démontrez-le, monsieur le rapporteur, madame la ministre.
En outre, le travail dominical est souvent imposé par d’importantes pressions financières, sociales ou hiérarchiques aux travailleurs les plus précaires, qui sont principalement des femmes dont le salaire n’est pas plus élevé que le SMIC. L’extension du travail dominical est déjà un facteur d’augmentation des inégalités au travail, et vos ordonnances vont considérablement faciliter les licenciements dont pourraient être victimes les femmes qui le refusent.
Au-delà de l’aspect économique, le repos dominical est un acquis social fondamental, fruit de nombreuses luttes. Il permet à toute la société de bénéficier d’un jour de repos commun, assurant ainsi le lien social entre ses composantes. Pour de nombreuses familles, le dimanche est la seule occasion de se retrouver et de partager des moments de convivialité. Sinon, comment se retrouver en famille ou entre amis si l’un d’eux travaille ce jour-là ? Le rythme de vie hebdomadaire est différent selon chaque individu en fonction des obligations. Il est donc impératif de maintenir une journée commune de repos dans toute la société.
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) Quel est l’avis de la commission ? Nous avions déjà abordé ce sujet lors de l’examen du projet de loi d’habilitation. Il me semble que la rédaction de votre amendement ne correspond pas à votre intention. En effet, l’amendement propose de supprimer les articles principiels relatifs au repos hebdomadaire, y compris celui d’un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures – donc le dimanche aussi. Je suppose que ce n’est pas ce que vous souhaitez, mais c’est ce à quoi il aboutirait s’il était voté. Améliorez-le ! J’ai cru comprendre que vous souhaitiez revenir sur les dispositions introduites par la loi dite Macron qui élargissent les possibilités d’ouverture dominicale des commerces. Mais je tiens tout de même à rappeler que ces nouvelles possibilités ne concernent que les zones touristiques, les emprises des gares et les zones commerciales, et qu’elles sont conditionnées à la conclusion d’un accord collectif – une décision unilatérale de l’employeur peut suffire uniquement dans les entreprises de moins de vingt salariés. J’ajoute que le bilan est bon. Étant donné l’équilibre qui a été alors trouvé, il ne me semble pas opportun de rouvrir ce débat maintenant. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Éric Coquerel. Après avoir parlé du travail de nuit cet après-midi, nous abordons maintenant le travail du dimanche. J’aimerais parvenir à vous persuader de l’importance du sujet. Au début, quand il s’est agi de libéraliser le travail dominical dans certains cas, notamment sur des zones touristiques, on nous a dit que ce serait exceptionnel. Savez-vous ce que cela donne en pratique sur le terrain ? Dans ma circonscription de Seine-Saint-Denis, je vois de petits centres commerciaux qui s’astreignent à ouvrir le dimanche, y compris jusqu’à très tard, contraints à s’aligner sur les grands centres commerciaux de périphérie.
Cet effet d’entraînement ne permet pas de consommer davantage, car les gens sont de toute façon limités par leur pouvoir d’achat : ils achètent le dimanche ce qu’ils n’ont pas acheté le jeudi, il n’y a pas une augmentation de l’activité économique sur la semaine. Mais, en raison d’un effet délétère et vraiment peu vertueux, cela entraîne tout le monde, y compris des magasins de détail, à ouvrir le dimanche uniquement pour faire face à la concurrence, pour ne pas fermer définitivement. Les autorisations d’ouverture et de travail le dimanche conduisent au fur et à mesure, par capillarité dans la société, à faire de ce jour un jour comme les autres. On en arrive à une société où soit l’on consomme le dimanche – de préférence dans des grandes surfaces –, soit l’on travaille le dimanche. Là encore, je ne suis pas certain que ce soit un progrès social ou civilisationnel.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Très bien !
(L’amendement no 115 n’est pas adopté.) La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 253 rectifié. Je regrette un peu d’être redondant avec le débat qui vient de se dérouler, mais je vais tout de même dire ce que j’ai à dire en soutenant cet amendement.
Le repos hebdomadaire dominical, qui était la règle, devient petit à petit l’exception. On comprend qu’il existe des nécessités d’ouverture le dimanche pour toute une partie des services publics et pour une part de l’activité marchande, mais la généralisation pose problème, car le travail dominical ne doit pas correspondre à un modèle de société. Ce ne serait pas souhaitable. En tout cas, le travail le dimanche ne devrait pas être imposé dans l’entreprise et relever seulement de la conclusion de négociations libres donnant lieu à des compensations justes. Il faudrait trouver un juste milieu entre la souplesse de gestion et la protection des équilibres individuels de vie en fonction de la volonté de chacun. En attendant l’avènement d’un équilibre souhaitable, notre amendement va dans le sens de l’abrogation des dispositions d’extension du travail dominical.
Quel est l’avis de la commission ? Nous avons déjà échangé assez longuement sur ce sujet que vous souhaitez aborder à nouveau, mon cher collègue, et je ne pourrais que vous exposer les mêmes arguments qui justifient que l’avis soit défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Pierre Dharréville. Je voudrais à mon tour insister sur cette question. J’espère que, si cet amendement n’est pas adopté, nous aurons bientôt l’occasion d’en débattre à nouveau.
Il s’agit en effet à mon sens d’un sujet important, assez typique d’une déréglementation qui a un impact fort sur le lien social et qui va même jusqu’à le remplacer par le lien commercial, alors que ce dernier n’est pas tout à fait de même nature.
Nous avons vraiment besoin de réfléchir aux logiques qui ont, depuis quelques années, imprimé leur marque sur notre société. Mon département compte une zone commerciale précurseur en matière d’ouverture des commerces le dimanche, et cela n’a pas manqué d’avoir des effets en chaîne très importants, notamment sur la vie des salariés concernés.
On pourrait opposer bien des arguments à cette logique, car la puissance commerciale qui se développe le dimanche se déploierait d’une autre manière si les magasins étaient fermés ce jour-là.
Le dimanche, il vaut mieux aller à la plage, au musée ou partout ailleurs que dans des commerces.
Dans les musées aussi, il faut du monde ! Nous devrions pouvoir organiser les choses autrement.
(L’amendement no 253 rectifié n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 289, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 289.
Puis-je vous suggérer, cher collègue, une présentation commune des quatre amendements, qui changent simplement une date, c’est-à-dire qui proposent successivement de faire du 4 février, 8 mars, du 10 mars et du 4 août des jours fériés ?
Ce n’est pas possible, monsieur le président, car ils n’ont rien à voir les uns avec les autres.
Le département de La Réunion, dont je suis le député, a institué un jour férié pour commémorer l’abolition de l’esclavage, et d’autres collectivités d’outre-mer ont fait de même. Mais, nous l’avons vu cette semaine, l’esclavage n’est pas qu’une question ultramarine et, au regard de son actualité brûlante, nous pensons qu’il est nécessaire d’affirmer que cette commémoration au moyen d’un jour férié ne concerne pas seulement les descendants d’esclaves. Toute la République doit pouvoir célébrer cette abolition, car elle a grandi toute la République.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Il faut regarder notre histoire en face et, chaque fois que cela s’avère nécessaire, faire des piqûres de rappel. L’esclavage a été aboli pour la première fois le 4 février 1794 – 16 pluviôse an II –, sous la Ire République. Le décret qui abolit l’esclavage des nègres dans les colonies nous dit que « tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ».
Mes chers collègues, nous devons nous rappeler à chaque instant que l’abolition de l’esclavage n’a pas toujours été facile et que nous devons encore lutter pour libérer nos frères et nos sœurs.
Nous proposons donc, afin de commémorer cette abolition, qu’un jour férié soit institué sur l’ensemble du territoire national.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Monsieur le président, je vais développer un argumentaire qui vaudra pour tous les amendements visant à étendre la liste des jours fériés figurant à l’article L. 3133-1 du code du travail.
Tout d’abord, sur le fond, je ne souhaite pas commenter l’importance de la mémoire ni même celle de commémorations semblables à celle qui vient d’être évoquée : ces dates ont en effet toutes marqué l’histoire de notre pays.
À titre personnel, je pense qu’une commémoration quelle qu’elle soit ne doit pas forcément être liée à un jour férié, et que chacun a de multiples occasions de se souvenir des dates importantes pour son pays ou sa famille, sans qu’elles soient liées à un tel jour.
Sur le principe, la France compte déjà beaucoup de jours fériés par rapport à d’autres pays, et notamment par rapport à ses voisins européens. Nous distinguerons assez facilement, d’une part, tout ce qui tient de notre devoir de mémoire et interpelle nos consciences, et, d’autre part, ce qui, dans notre législation, a trait aux jours de repos.
Par conséquent, je donnerai, sur cet amendement no 289, un avis défavorable qui vaudra également pour les trois amendements suivants nos 242, 243 et 238.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Danièle Obono. Contrairement à ce que vient de dire M. le rapporteur, on ne peut pas séparer ce qui relève de la mémoire collective, de l’histoire – qui, dans ce cas, a représenté une avancée majeure pour la communauté nationale mais également pour l’histoire de l’humanité – et ce que nous faisons ici.
En effet, nous n’écrivons pas seulement la loi, nous affirmons un symbole, dans toute sa force. En adoptant cet amendement, nous proclamerions – comme avec d’autres lois votées dans cette assemblée et qui ont été l’honneur de la République – que nous avons conscience de l’importance de ce fait et que nous pensons qu’il est primordial qu’il soit discuté et commémoré. Autour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage doivent non seulement être organisés des débats au quotidien mais, surtout, un moment de communion nationale.
Adopter un tel amendement grandirait non seulement notre assemblée, mais toute la République, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens et des citoyennes, en affirmant que nous pourrions nous accorder sur quelques dates fondamentales – quitte à discuter sur d’autres jours fériés. Une récente séance de questions au Gouvernement a montré qu’un accord sur ce point était possible, mais nous ne pouvons en rester à des applaudissements et à des congratulations : il faut en effet marquer ces faits.
Nous proposerons d’autres dates susceptibles de devenir des jours fériés parce que nous pensons qu’elles sont essentielles. Je ne comprendrais pas, comme nos concitoyens et nos concitoyennes, pourquoi ce qui a une valeur historique, politique et idéologique dans les outre-mer ne pourrait pas avoir la même valeur sur l’ensemble du territoire.
C’est en effet une mémoire que nous devons partager, et il me semble que cet amendement va dans ce sens : il ne devrait donc recueillir que votre assentiment.
(Applaudissements sur plusieurs du groupe FI.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Le 10 mai, chaque année, dans ma bonne ville du Havre, nous commémorons l’abolition du commerce d’êtres humains, c’est-à-dire du commerce triangulaire, autour d’une plaque située sur le port, dans lequel il était jadis organisé. Et chaque année, à cette date, un certain nombre d’habitants de la ville – mais pas tous – se mobilisent. Dans la semaine qui précède cette commémoration, diverses animations ont lieu, notamment dans les écoles et dans les lycées. Mais l’affluence est différente selon que le 10 mai tombe un dimanche ou un jour de semaine travaillé.
Je ne sais pas s’il faudrait retenir cette même date – que nous avons choisie de commémorer au Havre – pour nous rappeler et pour rappeler, au cours de la semaine précédente, à tous nos jeunes, dans les lycées et dans les universités, que ce qui s’est passé ne doit pas être oublié.
En effet, chacun sait ici que, lorsque l’on ne marque pas les choses durablement, à la fois sur le plan de la pédagogie et de la commémoration, à travers une journée chômée, on peut très vite oublier.
Par conséquent, la proposition de notre collègue Jean-Hugues Ratenon doit être plus qu’entendue. Je ne sais pas si nous avons le pouvoir, ici, de décider d’un jour férié.
Nous l’avons ! C’est bien, tant mieux. Si nous ne l’avons pas, je vous invite à dire à ceux qui l’ont que la représentation nationale considère qu’il y a urgence à décréter un jour férié pour commémorer l’abolition de l’esclavage. Si nous l’avons, je vous invite à le prendre, et à le décréter. (Applaudissements sur plusieurs du groupe FI.) Je mets aux voix l’amendement no 289.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 289 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l’amendement no 242. Depuis 1977, l’Organisation des nations unies invite ses États membres à célébrer, le 8 mars, la journée internationale pour les droits des femmes. Dans le monde du travail, l’écart salarial annuel entre hommes et femmes est de plus de 25 %, et l’écart horaire de plus de 10 %.
Par ailleurs, les chiffres des violences de toute nature faites aux femmes sont extrêmement alarmants : d’après une enquête réalisée en 2014 pour le Défenseur des droits, une femme sur cinq connaît une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle.
Non mais ça va ! Chaque année, au moins 216 000 femmes sont victimes de violences infligées par leur partenaire intime et 84 000 femmes sont victimes de viols et tentatives de viol. Ces quelques chiffres indiquent suffisamment combien une journée consacrée à la lutte en faveur des droits des femmes est indispensable.
J’ajoute que, au moment où le Gouvernement érige l’égalité entre les femmes et les hommes au rang de grande cause nationale, faire du 8 mars un jour férié montrerait que, au-delà des paroles, les actes suivent.
J’ai noté que la commission avait déjà donné un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
La question de l’égalité entre les femmes et les hommes est trop importante pour qu’on imagine pouvoir la régler par un jour férié. Très bien ! Les femmes attendent depuis trente ans l’égalité avec les hommes et la lutte contre les discriminations sexuelles : c’est cela que nous voulons faire et que nous ferons ensemble, y compris avec la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à Mme Danièle Obono. Madame la ministre, il vaut mieux ne pas répondre que de répondre ce genre de choses. (Exclamations sur les bancs du groupe REM.)
Nous sommes tous conscients du problème. Nous ne sommes certes pas les seuls à avoir fait des propositions pour faire avancer l’égalité de manière très concrète au niveau économique et social : le problème n’est pas là.
Si nous avons déposé ces amendements, ce n’est pas simplement pour le simple plaisir de gratter du papier, mais parce que nous pensons qu’il s’agit de questions importantes.
Ce n’est pas possible ! Un jour férié ! Oui, en l’occurrence, il ne s’agit pas seulement de la question matérielle, mais du symbole politique républicain que nous voulons, à travers ces jours fériés, pouvoir affirmer. Excusez-nous, mais il faut arrêter, là ! Ce n’est pas une question que nous soulevons juste pour nous faire plaisir ou pour embêter le monde, mais parce que nous la pensons fondamentale. Vous pouvez être en désaccord avec notre proposition et choisir d’exprimer ce désaccord, mais ne remettez pas en cause son sérieux. Eh si, ce n’est pas sérieux du tout ! Ne rabaissez pas non plus le débat important sur cette question de la commémoration nationale et républicaine. Nous allons écouter une deuxième oratrice, puis nous passerons au vote, car nous n’allons pas faire des débats thématiques sur chaque sujet.
La parole est à Mme Caroline Janvier.
Sur ce sujet, une question de fond se pose : je trouve très curieux de considérer les femmes comme une minorité.
D’ailleurs, même la journée de la femme m’interroge. Pour avoir vécu à l’étranger, j’ai remarqué que les pays dans lesquels le sexisme régnait en maître étaient également ceux qui célébraient précisément cette journée pour mieux oublier les femmes le reste de l’année.
Exactement ! Chers collègues, je suis donc en désaccord, sur le fond, avec votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
(L’amendement no 242, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l’amendement no 243. Le 10 mars 1906 : cette date résonne d’un écho particulier aux oreilles de tous les défenseurs d’un code du travail protecteur des salariés. Ce jour-là, une explosion dévaste à Courrières, dans le Nord, 110 kilomètres de galeries minières.
Si cette date résonne dans nos mémoires c’est parce qu’à une catastrophe qui serait d’origine naturelle se sont ajoutées les abjectes conséquences d’une concurrence effrénée. Pour ne pas alourdir les coûts d’extraction du charbon, la direction avait en effet refusé de prendre des mesures de sécurité bien qu’elle ait été alertée à plusieurs reprises avant l’explosion par les mineurs des dangers qu’ils couraient. Mais il ne fallait pas porter atteinte à la compétitivité de l’exploitation !
Pire encore, la direction décida d’arrêter la recherche des survivants pour ne pas engager de nouvelles dépenses, alors même que les rescapés déclaraient qu’il était encore possible de porter secours à leurs camarades restés au fond. Au total, 1 099 mineurs y perdront la vie.
Au malheur des veuves et des orphelins s’ajoutera celui d’être chassés de leur domicile pour faire de la place aux représentants d’une nouvelle main-d’œuvre.
Top démago ! La catastrophe de Courrières est devenue le symbole de la menace que font peser sur les travailleurs la recherche absolue du profit et le mépris pour leurs conditions de travail.
C’est un fait : les travailleurs peuvent souvent être mis en danger et le temps n’a rien arrangé à l’affaire. En 2016, 512 personnes sont ainsi mortes d’un accident du travail et 626 227 ont été victimes d’un tel accident. Dans le bâtiment et les travaux publics, on compte en moyenne 90 accidents pour 1 000 salariés.
L’assurance-maladie reconnaît chaque année plus de 55 000 de ses assurés comme souffrant de maladies professionnelles. Ces chiffres sont énormes.
Le libéralisme aveugle et son impératif de compétitivité ont des conséquences directes sur nos vies. Nous proposons donc que le 10 mars soit décrété jour férié afin de rendre hommage aux victimes de la catastrophe de Courrières ainsi qu’à tous les morts au travail.
Mes chers collègues, jamais le souvenir de celles et ceux que l’exploitation aura tués ne doit disparaître.
(L’amendement no 243, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 238. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis certain que cet amendement-là emportera votre adhésion, tant on ne peut pas refuser la proposition d’instaurer un nouveau jour férié le 4 août, en hommage à la nuit du 4 août 1789, au cours de laquelle, lors de la Révolution française, l’Assemblée nationale constituante vota la suppression des privilèges féodaux. Ne serait-ce pas un cavalier, ça ? L’abolition des privilèges est une rupture fondatrice dans l’histoire nationale. Auparavant, la France n’était pas du tout une société égalitaire. Elle était constituée de trois groupes qui ne jouissaient pas du même statut : oratores , le clergé ; bellatores , la noblesse ; laboratores , ceux qui travaillent. La noblesse ne représentait que 1 % de la population ; elle avait à sa disposition des personnes qui travaillaient gratuitement pour elle, par servage.
Par l’abolition de cette société féodale, la nuit du 4 août peut être considérée comme l’acte de naissance de l’État de droit et, conséquemment, du droit du travail. Elle reconnaît l’égalité de droit entre les personnes et, en abolissant le servage, elle pose des bornes à la subordination qu’implique toute relation au travail.
À ce titre, l’abolition des privilèges mérite d’être portée au nombre des dates dont la commémoration participe à l’édification générale des citoyens et des citoyennes de tous âges, en rappelant notamment qu’aujourd’hui les 1 % qui possèdent 50 % des richesses mondiales n’ont pas la légitimité de s’octroyer des privilèges au détriment de la grande majorité des citoyens qui vivent de leur labeur.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Très bien !
(L’amendement no 238, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 119 rectifié. Cet amendement tend à augmenter le nombre de jours de congés payés. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe REM.) Eh oui, il faut augmenter le nombre de jours de congés payés, parce que les salariés, les travailleurs sont en France parmi les plus productifs au monde et que notre pays n’a jamais été aussi riche – il fait partie des premières puissances mondiales. En outre, cela s’inscrit dans une histoire, et je vais revenir à ce titre sur notre conception du progrès social.
La France est l’un des pays qui ont inventé les congés payés ; ceux-ci ont ensuite été appliqués dans d’autres pays. Ce fut une avancée sociale majeure, non seulement pour notre pays, mais pour le reste de l’Europe et du monde.
Les congés payés ont pour origine l’idée aujourd’hui communément admise que les travailleurs et les travailleuses éprouvent le besoin structurel de prendre des vacances afin de se ressourcer. L’impossibilité de satisfaire ce besoin peut avoir pour conséquence l’altération de la santé physique et psychique du salarié ainsi que celle de sa productivité.
L’augmentation continue de la richesse par habitant en France a vu l’augmentation parallèle de la durée des congés payés. Il s’agit là encore d’un mouvement progressiste, au sens d’une plus grande libération, parce que nous avons acquis la capacité, y compris économique, de pourvoir à ces besoins. En 1936, la durée des congés payés était fixée à deux semaines, elle a été allongée à trois semaines en 1956, à quatre en 1969 et à cinq en 1982. Le produit intérieur brut par habitant était de 9 775,339 dollars courants en 1985 ; en 2016, il est passé à 36 854,968 dollars courants. La richesse nationale a donc augmenté. Or, jusqu’à présent, il y avait un mouvement de société qui assurait la redistribution de cette richesse à travers les congés payés. Il nous semble que cela fait partie du progrès humain.
Je vous remercie, chère collègue. La durée des congés payés correspond aussi à la juste rétribution du travail fourni. C’est pourquoi nous proposons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Je vais faire en sorte que ma réponse soit plus synthétique.
Vous proposez, chère collègue, d’augmenter la durée des congés payés sur une base de trois jours par mois, soit trente-six jours par an. J’avais eu l’occasion de répondre à votre collègue Adrien Quatennens, qui avait défendu un amendement identique en commission, que l’accepter serait une façon de me rendre extrêmement populaire. Cependant, je pense que, si cette idée peut paraître séduisante sur le papier, elle ne tient aucun compte des réalités économiques ni de la situation de nos voisins européens et des principaux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
(Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Adrien Quatennens. Monsieur le rapporteur, excusez-moi, mais c’est votre argumentaire qui nie les réalités économiques ! Mme Obono vient de démontrer qu’à mesure que la richesse, la production, le produit intérieur brut avaient augmenté, le temps de travail avait diminué. La réalité économique, c’est celle-ci !
J’admets que c’est un problème qui vient perturber votre raisonnement. La question a été soulevée tout à l’heure, au cours du débat avec M. Maillard ; je vais essayer de la reformuler.
Si l’on parvient aujourd’hui à produire la quantité qui nous est nécessaire, à quoi bon travailler plus que le temps nécessaire pour produire ce dont nous avons besoin ? C’est un vrai débat que nous pourrions ouvrir ! Le problème, c’est que vous êtes coincés par votre logique de compétitivité. Vous courez après des pays européens que vous ne rattraperez jamais. Une harmonisation par le haut, qui ferait que ces pays, par exemple la Roumanie, nous rejoindraient pour plus de progrès, oui, bien sûr, nous y serions favorables !
C’est ce que nous souhaitons, et c’est pourquoi l’on a créé l’Union européenne ! Nous aurons, le moment venu, un débat sur la question européenne, monsieur Maillard, mais ce n’est pas la direction que vous prenez. Ces ordonnances visent à flexibiliser le marché du travail – vous le dites vous-mêmes : il faut flexibiliser le marché du travail, avoir confiance dans le dialogue social. Moi, je dis que nous avons d’autres réponses à apporter, et que la diminution du temps de travail est un horizon porteur. On peut en faire la démonstration économique : plus la richesse a augmenté dans notre pays, plus on a libéré du temps. C’est le sens même du progrès : on produit plus aujourd’hui qu’auparavant, on devrait pouvoir se libérer du temps !
Ce débat est essentiel ; il faudrait que nous puissions l’avoir. Cessez d’être bornés, avec une logique purement économique. Essayez de prendre du recul !
Oh, c’est bon ! Je pense que nous pourrions trouver un certain nombre de points d’accord sur ce sujet. Eh oui ! C’est le sens de l’histoire ! La parole est à M. Rémy Rebeyrotte. Madame Obono, vous avez affirmé tout à l’heure qu’il n’y avait pas de lien entre le travail et le fait de produire. (Protestations sur les bancs du groupe FI.) Vous avez mal entendu ! Désolé, mais le travail permet quand même de dégager de la valeur ajoutée ! Travail et capital, cela vous dit quelque chose ? (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.) Oh, baissez d’un ton ! Cela permet, justement, d’obtenir des revenus. L’économie, cela fonctionne comme ça : il y a un lien très fort entre le travail et la production. Premier point. Nous aussi, nous avons travaillé ! Deuxième point : comme jours fériés, vous avez proposé le 8 mars et le 10 mars, mais pas le 9 mars. C’est dommage : le 9 mars 1953, c’est le jour où Nikita Khrouchtchev a été élu premier secrétaire du parti communiste de l’Union soviétique ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe REM. – Vives exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.) Voilà qui n’est guère respectueux ! On ne peut donc pas s’exprimer comme on le souhaite ?
(L’amendement no 119 rectifié n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 42.
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Monsieur Dharréville, puis-je solliciter de votre bienveillance une présentation commune des amendements nos 42 et 41, dans la mesure où seul un mot diffère sur un total de vingt-sept phrases ?
Ce n’est pas prévu ainsi, monsieur le président – mais je vais essayer de faire vite.
Cet amendement, sur lequel j’ai demandé un scrutin public, est un amendement important pour nous : il propose d’encadrer les écarts de rémunération au sein d’une même entreprise dans un rapport de 1 à 20.
Très bien ! Dans chaque entreprise, quel que soit son statut juridique, le salaire annuel le moins élevé pratiqué ne pourrait être plus de vingt fois inférieur à la rémunération annuelle globale la plus élevée, que celle-ci soit versée à un salarié ou à un dirigeant mandataire social non salarié. Le respect de cet écart serait assuré en comparant le salaire minimal annuel au total annuel des éléments de rémunération versés à une même personne. Ce mécanisme ne constitue pas un plafonnement des rémunérations ; il ne s’oppose donc en aucun cas à un principe constitutionnel. Il permettrait, le cas échéant, à l’entreprise de relever le salaire annuel le moins élevé pour rendre légale une rémunération maximale qui se trouverait au-delà du plafond fixé. Il s’agit donc de faire progresser l’ensemble de la grille des salaires.
Je rappelle qu’une proposition de loi déposée par mon prédécesseur Gaby Charroux avait été examinée par l’Assemblée nationale ; cela avait produit un débat intéressant. Je pense qu’il faut avancer dans cette direction.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Quel est l’avis de la commission ? La commission a rejeté cet amendement, sur lequel j’émets un avis défavorable.
L’amendement vise à encadrer les écarts de rémunération au sein d’une même entreprise dans un rapport de 1 à 20 ; l’amendement suivant propose une solution de repli, avec un rapport de 1 à 50. Nous avions déjà rejeté un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi d’habilitation. Je ne pense pas qu’il soit utile de rouvrir le débat.
Une précision, tout de même : la loi dite « Sapin II » a notamment prévu de renforcer l’encadrement de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées par l’assemblée générale des actionnaires. Peut-être vous souvenez-vous que, lorsque nous avons auditionné les organisations représentatives des salariés, nous avons évoqué l’importance des assemblées générales des actionnaires ; voilà qui le confirme. L’assemblée générale des actionnaires devra désormais approuver au moins chaque année les principes et les critères de détermination, de répartition et d’attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux présidents-directeurs généraux et aux directeurs généraux délégués en raison de leur mandat.
Il existe donc déjà des procédures d’encadrement. Ce n’est sans doute pas ce que vous souhaitez, mais je pense que cela fonctionne pas mal.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Adrien Quatennens. Je soutiens avec force cet amendement de mon collègue Dharréville. Vous manquez là une occasion historique de provoquer un effet vertueux : une telle mesure permettrait de relancer la consommation populaire, donc l’activité – ce que vous souhaitez.
Savez-vous quel est aujourd’hui le rapport entre le salaire le plus faible et le salaire le plus élevé au sein des entreprises du CAC 40 ? Il est en moyenne de 1 à 300 ! Cela veut dire que la personne qui se trouve au sommet de la hiérarchie gagne 300 fois ce que gagne la personne qui est à la base. On peut se demander s’il y a 300 fois plus d’efforts réalisés. Je ne dis pas que tout le monde doit être au même niveau de salaire, ni que la personne qui est au sommet de la hiérarchie doit gagner le même salaire que celle qui est en bas. En revanche, on peut s’interroger : est-ce que la personne qui est au sommet de la hiérarchie a 300 fois plus de besoins que celle qui est en bas ? Son activité représente-t-elle un effort si surhumain que cela nécessite qu’elle gagne 300 fois plus ? La personne qui gagne le SMIC, se lève chaque jour à cinq heures du matin, va en transports en commun amener ses gosses à l’école, puis au travail est-elle 300 fois moins méritante que la personne qui se trouve au sommet ?
Par ailleurs, M. Dharréville l’a bien dit : il ne s’agit pas de mettre en place un plafonnement des salaires. Le PDG qui voudra garder un très haut niveau de rémunération pourra le faire ; mais, pour respecter l’écart de 1 à 20, il devra augmenter les salaires des personnes qui se trouvent en bas de l’échelle. Cela aura un effet vertueux. Alors, allez-y, relancez l’activité – mais non, j’oubliais : vous courez après la Roumanie !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Je mets aux voix l’amendement no 42.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 42 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 41. Vous l’aurez compris : il s’agit d’un amendement de repli.
Vous n’êtes pas d’accord pour donner du travail à tout le monde en réduisant le temps de travail, alors que tout le monde sait qu’on ne pourra pas être en permanence dans la surproduction, et que l’on est capable de produire bien plus avec bien moins de monde pour satisfaire les besoins humains de notre pays. Tout le monde le sait – même vous !
Non ! Ah, vous ne le saviez pas ? Eh bien, je vous l’apprends : ce sera comme ça, dans l’avenir. C’est le sens du progrès, et c’est nécessaire aussi pour protéger l’environnement.
Que va-t-il se passer ? Les gens ne vont pas rester oisifs. Il existe d’autres métiers, des métiers que l’on peut partager – c’est ça l’idée.
La richesse existe ; il y en a tellement que certains touchent 300 fois le plus bas salaire. Vous n’avez pas voulu encadrer les écarts de rémunération dans un rapport de 1 à 20 ; je propose donc un rapport de 1 pour 50. Cela m’ennuie, mais cela me paraît quand même intéressant.
Il faut prendre en considération ce que coûtent les dirigeants. Les dirigeants qui touchent des sommes faramineuses, cela pose problème pour la gestion et la compétitivité d’une entreprise. Pourquoi ne mettez-vous pas ce dossier sur la table ? Pourquoi n’en parlez-vous jamais ?
Ne pensez-vous pas que les dividendes reversés aux actionnaires, lorsque ceux-ci exigent des taux de rendement à 20 ou 30 %, entravent la compétitivité des entreprises ? Nous vous proposons de travailler sur ce point sans considérer que seuls les salariés les plus modestes doivent mettre la main à la poche.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Très bien ! Quel est l’avis de la commission ? Mon argumentation ne sera pas différente de celle développée devant M. Dharréville, même si le présent amendement, de repli, ramène l’encadrement des rémunérations à un écart de 1 à 50 : signe, sans doute, d’une position plus centriste de votre part, monsieur Lecoq. (Sourires.) Nos échanges peuvent rester honnêtes, mais ne me traitez pas de centriste ! (Sourires.) On peut être centriste à l’intérieur de son propre mouvement – ce qui d’ailleurs vous placerait à l’exact barycentre de la zone où vous siégez. (Sourires.)
Avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Loïc Prud’homme. Cet amendement de repli me paraît intéressant. Savez-vous, monsieur le rapporteur, madame la ministre, combien Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, a gagné l’an dernier ? Si ma mémoire est bonne, 7,6 millions d’euros. L’application d’un écart de 1 à 50 donnerait donc un salaire minimum annuel de 144 000 euros. Dans de telles conditions, les ouvriers de Renault-Nissan seraient très heureux au travail !
Pour en revenir à ce que disait M. Quatennens, cet homme, avec ses 7,6 millions d’euros, mange-t-il 300 fois plus que moi ? Ses besoins sont-ils si démesurés ? À ce niveau, il faut lui conseiller un psychiatre ! Une telle accumulation est tellement illimitée qu’elle n’en a plus aucun sens : les zéros après le premier chiffre sont si nombreux qu’on ne sait même plus les aligner.
Mais il paie des impôts, quand même ! (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.) Pas du tout, monsieur Maillard : ces gens défiscalisent à tour de bras ! (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe REM.) S’il vous plaît, mes chers collègues. Avec un salaire annuel de 144 000 euros, les ouvriers, eux, paieraient leurs impôts avec beaucoup plus de plaisir et de constance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 40. Depuis une heure, vous refusez d’encadrer les temps partiels subis, mesure pourtant propice à l’égalité salariale, et refusez de commémorer la nuit du 4 août ; à présent vous refusez une mesure de grande justice sociale, de surcroît très consensuelle : je vous invite, pour le vérifier, à interroger nos concitoyens dans vos circonscriptions respectives, mes chers collègues.
Puisqu’une telle mesure pénaliserait à vos yeux la compétitivité des entreprises et étoufferait les énergies, je vous pose la question : croyez-vous possible et digne de vivre, aujourd’hui, avec 1 140 euros par mois ? L’amendement no 40 tend donc à revaloriser le SMIC, pour le porter à 1 800 euros brut au 1er janvier 2018. Sous le quinquennat précédent, je le rappelle, le SMIC n’a été augmenté que de 45 euros – et sous le seul effet, ou presque, de revalorisations automatiques –, quand 46 milliards d’euros de dividendes étaient versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40 en 2017, ce qui fait de la France la championne du monde en la matière.
La revalorisation que nous proposons répond d’abord, selon nous, à une exigence sociale : une grande partie de nos concitoyens ne parviennent plus à vivre avec le SMIC actuel, dont le maintien à un niveau aussi bas, proche du seuil de pauvreté, contribue à accentuer le phénomène de « trappe à bas salaires ». Cette revalorisation est aussi une nécessité économique eu égard à la lutte contre les inégalités, plus de 10 % des salariés du secteur privé, je le rappelle, étant rémunérés au SMIC. Elle serait donc une manière efficace de lutter contre la pauvreté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Cette mesure, comme une autre dont nous avons débattu peu après l’ouverture de la séance, fut déjà proposée lors de l’examen du projet de loi d’habilitation. Malgré mon appétence pour la chose, je n’engagerai pas, ici, un débat macroéconomique sur le bien-fondé d’un salaire minimum élevé pour alimenter la machine économique. Élevé, vous trouvez ? Nous nous efforçons, comme vous, de faire valoir nos convictions sur les ordonnances, selon nous destinées à sortir un certain nombre de nos concitoyens de la précarité en leur offrant d’autres types de contrat que les contrats d’intérim ou à durée déterminée : je pense par exemple au CDI de chantier, même si vous le contestez.
L’objectif est de définir d’autres formes d’intégration par le travail, et notre préoccupation présente, de répondre aux attentes d’une grande partie de nos concitoyens, exclus de la société parce qu’ils n’ont pas de travail.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Loïc Prud’homme. Je comprends que ma proposition d’un SMIC annuel à 144 000 euros vous bouscule un peu ; mais l’amendement de Mme Faucillon me semble tout à fait raisonnable pour lutter contre la précarité.
M. le rapporteur dit vouloir favoriser l’accès à d’autres types de contrat pour relancer l’emploi ; mais, depuis l’entrée en vigueur des ordonnances, 200 000 jeunes de plus sont au chômage, à en croire
Les Échos , journal que l’on ne saurait soupçonner de gauchisme. Voici la preuve par les faits que votre politique ne fonctionne pas, et qu’elle n’a jamais fonctionné. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. Sacha Houlié. L’augmentation du SMIC, soit dit à l’attention de ceux qui la réclament, c’est fait : je veux parler du projet de loi de finances pour 2018, du transfert des cotisations payées par les salariés vers la CSG et de l’augmentation de la prime d’activité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Vos promesses, en somme, nous les traduisons en actes dans le projet de loi de finances.
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 116. Cet amendement concerne la médecine du travail. Nous avons beaucoup parlé du travail, des conditions dans lesquelles il s’exerce et de sa valeur émancipatrice, en tout cas à nos yeux. Malheureusement, on assiste à une fragilisation de la médecine du travail, au détriment des salariés.
Le présent amendement rétablit la visite médicale d’embauche, transformée par la loi El Khomri, hélas, en une simple visite d’information et de prévention, laquelle ne permet pas une prise en compte réelle de l’état de santé du salarié. Il redonne aussi à cette visite la faculté d’apprécier l’aptitude du salarié à occuper son poste au regard de sa santé, ce qu’avait également supprimé la loi El Khomri, au mépris du bon sens le plus élémentaire.
Cet examen ne saurait par ailleurs être confié à un professionnel de santé autre que le médecin du travail. Si l’on veut une prévention efficace, il semble logique de confier l’examen médical à un médecin.
Le médecin du travail est désormais choisi par les délégués du personnel, pour éviter toute affinité ou tout lien d’intérêt avec l’employeur.
Enfin, la périodicité des visites régulières est encadrée. Cet amendement la rend annuelle pour tous les salariés et semestrielle pour les travailleurs de nuit.
En 2016, je le rappelle, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – ANSES – a produit un rapport d’expertise qui a révélé une série de risques avérés liés au travail de nuit. De nombreux rapports sont consacrés aux problèmes de santé des salariés. À cet égard, notre amendement nous paraît aller dans le bon sens, et vous ne pourrez sans doute qu’y souscrire.
Un renforcement de la médecine du travail serait profitable à la productivité et, bien entendu, au bien-être des salariés.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable.
Je connais bien le secteur de la médecine du travail, ayant eu de nombreux échanges avec ses acteurs, notamment le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise – CISME –, avec lequel nous avons pu faire le point lors des auditions en commission. Leur vision des choses et leurs attentes ne sont pas forcément les mêmes que les vôtres.
Votre amendement remet en cause l’équipe pluridisciplinaire pour se concentrer sur les seuls médecins du travail, positionnement qui d’ailleurs ne règle en rien le problème de la démographie médicale de ces médecins, de toute façon trop peu nombreux pour accueillir les salariés. Les représentants du CISME, eux, estiment que le positionnement du médecin du travail comme animateur d’une équipe pluridisciplinaire est bien plus intéressant et cohérent au regard de la diversité des actions auxquelles il est confronté.
Je comprends mal, par ailleurs, l’articulation proposée entre visite d’embauche et visite d’information et de prévention ; sans doute n’y ai-je pas été assez attentif, en dépit d’une réelle bonne volonté. Quant au suivi spécifique des travailleurs handicapés et du travail de nuit, il relève de toute évidence du domaine réglementaire ; d’où le décret publié en décembre 2016
Le suivi renforcé, qui est l’une de vos préoccupations, a ainsi lieu tous les trois ans, contre tous les cinq ans en régime de droit commun. Votre amendement suggère un suivi tous les six mois au moins, mais cela pose un réel problème au regard de la démographie médicale du secteur.
S’agissant du suivi des personnes handicapées, l’article L. 4624-5 du code du travail permet au médecin du travail de proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien dans l’emploi, afin de mettre en œuvre son avis, ses indications ou ses propositions. Le ministère du travail, de son côté, avait indiqué qu’il serait possible de mobiliser les CARSAT – caisses d’assurance retraite et de la santé au travail – et l’AGEFIPH – Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées.
Enfin, sur l’inaptitude, le handicap ou le travail de nuit, rien n’interdit au salarié de solliciter l’équipe pluridisciplinaire de son propre chef, celle-ci pouvant alors, s’il y a lieu, l’orienter vers le médecin du travail. En outre, il convient à mon sens d’insister sur le fait que, de manière générale, les relations entre le médecin et son équipe sont protocolisées.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Danièle Obono. Bien que cela soit écrit noir sur blanc dans l’exposé sommaire de l’amendement, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas compris que nous proposons de rétablir la visite d’embauche, transformée par la loi El Khomri en une simple visite d’information et de prévention.
Notre logique, cependant, est globale : à cet amendement relatif à la médecine du travail font écho nos propositions en matière de démographie médicale, notamment pour augmenter le nombre de praticiens à travers une révision du numerus clausus. Cet amendement n’a donc rien de contradictoire : il participe, avec d’autres amendements refusés par le Gouvernement et la majorité, d’une vision plus générale.
Si vous avez eu l’occasion de discuter avec des médecins du travail, j’ai eu l’occasion, pour ma part, de discuter avec mes collègues salariés, du public et du privé. Comme chacun d’entre nous ici, je suppose, je connais les conditions dans lesquelles se déroule une visite médicale au travail. Lorsque l’on connaît les effets de la souffrance au travail, les troubles et les problèmes rencontrés par les salariés, on ne peut se satisfaire de la situation actuelle et considérer que tout va pour le mieux.
De nouveaux moyens en faveur de la médecine du travail seraient profitables, je le répète, à l’entreprise dans son ensemble et surtout aux salariés. L’amendement no 116 va donc dans le sens d’une meilleure protection des salariés, et permettrait de leur assurer une meilleure écoute : de nombreuses enquêtes ont révélé les conditions dans lesquelles ils travaillent,…
Merci. …et la façon dont tant et tant d’entre eux perdent leur vie à travailler de mille et une manières. Cela justifie, selon nous, que l’on se donne les moyens d’une médecine préventive, que l’on renforce les instruments dédiés à cette médecine, à commencer, bien sûr, par les équipes médicales, comme y tend notre amendement qui nous semble cohérent,… Merci, madame Obono… …et qui devrait l’être à vos yeux, en tout cas, avec votre objectif de protection des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
(L’amendement no 116 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 285. Afin de s’acquitter des dépenses afférentes à la mission de santé au travail, les entreprises de moins de 500 salariés et celles dépourvues de service autonome sont contraintes d’adhérer à un organisme de santé au travail interentreprises sous statut associatif.
En l’état actuel du droit, comme le rappelle la circulaire du 9 novembre 2012, le coût de l’adhésion à un service de santé au travail interentreprises – SSTI – est juridiquement très contraint : il ne peut légalement reposer sur un autre critère que le nombre de salariés de l’entreprise.
Certes, ce principe d’une cotisation
per capita n’empêche pas les SSTI de définir leur propre taux de cotisation par salarié. Il ne remet pas non plus en cause la possibilité de différencier les taux de cotisation selon la nature des expositions des salariés, et selon qu’ils sont placés en surveillance médicale renforcée ou en surveillance médicale simple.
Dans son rapport de novembre 2012 sur les services de santé au travail, la Cour des comptes décrivait une réalité bien différente : aujourd’hui, à peine la moitié des services de santé au travail établissent la cotisation
per capita , les autres retenant pour assiette la masse salariale plafonnée ou un système mixte. Aussi, bien que le mode de calcul de la cotisation soit fixé lors de l’assemblée générale, ces services interentreprises se trouvent donc dans l’illégalité.
L’objet de cet amendement, voté au Sénat lors de la loi Travail, est donc d’accorder le droit à la réalité et de laisser aux services la possibilité de choisir entre trois options : une cotisation, fixée par salarié ; une cotisation, exprimée en pourcentage de la masse salariale ou un système mixte, composé des deux précédents.
Quel est l’avis de la commission ? Bien que le sujet de votre amendement soit intéressant, madame la députée, la commission a rendu un avis défavorable. J’aimerais vous donner une réponse circonstanciée, que Mme la ministre complétera peut-être.
Les questions relatives à la médecine du travail, notamment à son financement, doivent faire l’objet d’une réflexion autonome. En commission, d’autres collègues avaient proposé des amendements pour en modifier l’organisation. Je vous donnerai la même réponse que celle que je leur avais apportée.
Cet amendement semble en effet soulever un problème particulier pour certains services interentreprises, qui dépasse à mon avis le cadre de ce débat. Aussi, il sera intéressant d’écouter les remarques complémentaires que donnera Mme la ministre.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, je vous remercie de cet amendement, et des quatre autres que votre groupe a déposés sur le sujet de la santé au travail, qui intéresse tout l’hémicycle. Nous l’avons évoqué plusieurs fois, directement ou indirectement, depuis hier. Je saisis donc cette occasion pour faire un point sur ce sujet et présenter nos intentions dans ce domaine.
La santé au travail est un enjeu clé, ce sur quoi nous serons tous d’accord. Je l’avais évoqué en juillet, en annonçant qu’une réflexion approfondie serait lancée. Des progrès ont été constatés ces dernières années : les négociations sur la qualité de vie au travail, notamment, ont été prises très au sérieux et font progresser tout le monde. Cependant, nous sommes d’accord pour dire que la situation demeure perfectible sur bien des aspects.
Avant de traiter de thèmes plus généraux, j’aborderai d’abord un sujet spécifique, celui des risques chimiques. Avec Agnès Buzyn, nous venons de confier au professeur Frimat, spécialiste de la santé au travail et de ces questions, une mission visant à renforcer la prévention sur l’exposition des risques, à garantir le suivi des salariés concernés, y compris lorsqu’ils changent d’employeur, et à s’assurer d’un mode de réparation adapté pour tenir compte de l’effet différé de l’exposition à des agents chimiques dangereux.
Nous attendons les conclusions de cette mission pour le 31 janvier 2018.
Mais l’enjeu est plus large. Il est vrai que, par rapport à d’autres pays européens, le nombre des accidents du travail et des maladies professionnelles est particulièrement élevé en France. Leur évolution, certes orientée à la baisse, est plus lente que dans d’autres pays européens.
Je rappelle qu’en 2016, nous déplorions 626 227 accidents du travail, dont 514 décès, et 48 762 maladies professionnelles, dont 382 décès. C’est évidemment intolérable. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut agir.
Pour cela, il faut évidemment que progressent la coordination des acteurs, le partage d’informations entre professionnels de santé au travail et en ville – cela a été évoqué précédemment –, dans le respect des données sensibles, et l’articulation des services de santé au travail avec les autres secteurs de santé. En effet, le salarié est aussi un patient dans sa vie personnelle.
Plus largement, la formation des futurs salariés et dirigeants d’entreprise aux actions de prévention apparaît comme un énorme enjeu. Si des actions existent dans ce domaine, elles restent tout de même parcellaires.
La prévention est inscrite comme la priorité du troisième plan de santé au travail, un programme ambitieux, élaboré à l’unanimité par les partenaires sociaux, que j’ai encouragés dans cette voie, lors de la dernière commission sur ce sujet.
Je présenterai aussi la situation de la médecine du travail, qui préoccupe tout l’hémicycle, à juste titre. Aujourd’hui, en France, il y a 4 858 médecins du travail pour un peu plus de 18 millions de salariés du secteur privé. Chaque année, à la sortie de l’internat de médecine, 33 % des postes ne sont pas pourvus, faute de candidats.
Nous sommes donc confrontés à un véritable défi pour rendre la médecine du travail attractive. En dix ans, nous avons perdu 30 % des médecins du travail, alors que les besoins n’ont pas diminué, même s’ils évoluent, car les risques ne sont pas toujours les mêmes. Aujourd’hui, 75 % des médecins du travail ont plus de cinquante-cinq ans. Si nous n’agissons pas, nous allons au-devant d’une véritable pénurie de médecins du travail.
Je n’ai parlé qu’au plan national, mais la disparité géographique est forte : la situation est donc plus grave dans certaines régions.
Agnès Buzyn et moi-même avons décidé de faire de la santé au travail, notamment du renforcement des dossiers de prévention, une de nos priorités communes. Nous venons de confier une mission sur ce sujet à trois personnalités : un représentant syndical – Jean-François Naton, conseiller confédéral chargé de l’activité travail et santé à la CGT –, une parlementaire fortement sensibilisée à la prévention par sa vie précédente – Charlotte Lecocq, que je remercie d’avoir accepté cette mission – et un consultant spécialiste de ces sujets, Bruno Dupuis. Ils doivent effectuer un état des lieux, mettre en avant les bonnes pratiques et présenter des propositions.
Les cinq sujets que soulèvent vos amendements, madame la députée, seront intégrés dans la réflexion de cette mission. C’est pourquoi, je vous invite à retirer vos amendements, tout en m’engageant à ce que ces cinq points soient évoqués. Nous reviendrons devant la représentation nationale pour vous faire part des conclusions et du plan d’action qui s’ensuivra.
Madame Firmin Le Bodo, souhaitez-vous retirer l’amendement ? Il est maintenu, monsieur le président.
(L’amendement no 285 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 287. Cet amendement, qui a également pour objet la médecine du travail, vise à conditionner l’obtention de l’agrément des services de santé au travail au respect des conditions de labellisation. L’objectif est de s’assurer que les moyens d’action des services de santé au travail interentreprises sont conformes à leur mission, c’est-à-dire que leur capacité à remplir leur mission de médecine du travail est effective.
Le programme de labellisation doit être agréé par le comité régional d’orientation des conditions de travail, avant l’agrément proprement dit par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE. Il permettrait ainsi d’assurer l’effectivité et le respect du cadre juridique issu de la loi du 8 août 2016 et du décret du 27 décembre 2016.
Cet amendement, s’il était adopté, permettrait de s’assurer que la qualité des services délivrés par les services de santé au travail soit la même sur l’ensemble du territoire.
(L’amendement no 287, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 32.
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Cet amendement, qui vise à favoriser l’emploi des jeunes, prévoit d’obliger les entreprises à réserver 10 % de leurs nouvelles embauches aux jeunes de moins de vingt-cinq ans, pour répondre aux difficultés d’insertion que rencontrent les jeunes et à leur préoccupante précarisation, ainsi que pour leur faciliter l’accès à un logement ou à un prêt bancaire.
Selon un rapport de France Stratégie de janvier 2017, l’insertion professionnelle des jeunes est plus compliquée en France que dans le reste de l’Europe. En quarante ans, le taux de chômage des Français âgés de quinze à vingt-quatre ans a été multiplié par 3,5, pour atteindre 24 %, plaçant la France à la cinquième position des seize pays européens étudiés. Il convient donc de prendre des mesures, car la proportion de jeunes de quinze à vingt-neuf ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation – 17 % – reste plus élevée en France que dans les pays nordiques et en Allemagne.
Le taux d’activité des jeunes est faible : il était de 15 % pour les quinze à vingt-quatre ans en 2015, soit 4,5 points de moins que la moyenne européenne. Les différentes réformes des retraites qui se sont succédé ces dernières années n’y ont pas aidé.
Par ailleurs, 45 % des jeunes débutants ne sont pas formés au métier qu’ils exercent. Cela est d’autant plus marqué que les formations ne sont pas professionnelles et que le niveau du diplôme obtenu est parfois faible.
Notons enfin que les jeunes des quartiers populaires sont souvent victimes d’une situation encore plus défavorable. Nous proposons donc d’agir et, par cette mesure, de favoriser l’emploi des jeunes.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Si nous sommes assez proches du diagnostic que Pierre Dharréville vient de présenter, nous différons sur les moyens d’action. Je ne suis pas convaincu que l’on arrive à faire avancer les choses par l’obligation : l’incitation est préférable à la contrainte.
Des outils existent déjà – contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation –, qui pourront être discutés dans le cadre du futur projet de loi consacré à la formation professionnelle et à l’apprentissage, dès le printemps prochain, après les échanges avec les partenaires sociaux.
S’agissant de votre gros plan sur certains quartiers, monsieur le député, on peut dire que l’expérimentation qui sera menée sur les emplois francs, à partir de 2018, pourra contribuer à réduire ce taux de chômage des jeunes trop important.
L’avis est donc défavorable, car je ne suis pas pour des mesures contraignantes.
Sauf pour les barèmes aux prud’hommes ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
Monsieur le député, vous avez bien posé le diagnostic, celui d’un formidable gâchis humain – 1,3 million de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en apprentissage –, d’un risque pour la cohésion sociale, et aussi d’une perte de compétitivité, puisque les entreprises, l’économie ou la société ne bénéficient pas des talents de ces jeunes.
Comme vous l’avez laissé entendre, les deux grands marqueurs du chômage, notamment des jeunes, sont la qualification et le lieu de résidence.
La qualification, tout d’abord, fait vraiment la différence : au niveau bac + 2 et plus, le taux de chômage des jeunes s’élève à 5,6 %, alors que, sans qualification, il est de 18,6 %. Cela est vrai pour les jeunes, comme pour les moins jeunes.
Au moment où la croissance repart, où il y a des opportunités, où les carnets de commandes se remplissent, où des entreprises cherchent à embaucher, il faut mettre un grand coup d’accélérateur sur les qualifications, la formation professionnelle et l’apprentissage. C’est pourquoi je proposerai au printemps prochain une réforme sur ces sujets.
C’est aussi pour cela que nous lançons le Grand plan d’investissement compétences, qui concernera 1 million de jeunes et autant de demandes d’emploi, pour aller vers des qualifications, y compris longues et certifiantes, pour certains. Il ne faut pas viser le court terme, mais l’entrée dans la vie active.
S’agissant de l’apprentissage, sur 1,3 million de jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, nous n’avons que 400 000 apprentis : seuls 7 % des jeunes ont accès à l’apprentissage, alors que celui-ci présente un taux d’embauche à la sortie de 70 %. C’est une forme de gâchis, car notre organisation, nos manières de faire, dans le privé comme dans le public – régions, partenaires sociaux, État sont concernés – ne sont pas à la hauteur du rendez-vous avec les jeunes. C’est donc évidemment l’une de nos grandes priorités.
Le second marqueur que vous avez évoqué, monsieur le député, est bien l’endroit où l’on habite. C’est vrai, il y a une discrimination selon le lieu où l’on habite, qui est en partie liée à une discrimination sur l’origine. Elle est inacceptable. C’est pourquoi je pense que l’expérience des emplois francs sera importante, bien qu’elle ne concerne pas uniquement les jeunes, mais tous les âges.
L’augmentation de la Garantie jeunes fait également partie de la palette des outils à notre disposition.
Par expérience, je ne crois pas non plus qu’un quota puisse transformer les comportements. En revanche, je crois vraiment à la mobilisation collective sur ce sujet. C’est ce que nous vous proposons de faire, notamment à travers le Plan d’investissement compétences, et la réforme que nous discuterons dans quelques mois.
(Applaudissements sur les bancs du groupe REM.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Je me suis rendu en début de semaine dans une agence de Pôle emploi pour faire le point sur ce sujet, avec les représentants de la mission locale du Havre, qu’une collègue de l’autre côté de l’hémicycle connaît bien, elle aussi. Le travail des missions locales avec les jeunes se passe très bien.
Le problème vient des débouchés, ce que confirme Pôle emploi : sur toutes les annonces des entreprises qui embauchent figure une demande d’expérience, qu’elle soit de un an ou parfois, de six mois, selon les métiers, et de qualifications.
Avec ce quota, nous suggérons que l’entreprise choisisse un jeune pour couvrir 10 % de ses embauches, ce qui n’est pas considérable.
Un jeune, cela ne veut pas dire une personne non qualifiée, incompétente, asociale. Ce n’est pas cela un jeune ! Un jeune, c’est quelqu’un de compétent, de qualifié, de motivé. Ce n’est pas un boulet.
Nous suggérons donc d’établir un quota, de choisir un jeune toutes les fois que dix personnes doivent être recrutées. Vous n’allez pas dire, madame la ministre, que cela va handicaper l’activité économique de notre pays !
Vous vous arc-boutez sur des principes, ici le refus des quotas. Mais enfin, mesdames, s’il n’y avait pas eu, à un moment donné, des quotas pour garantir la parité, vous ne seriez pas aussi nombreuses sur ces bancs ! Ce n’est pas par des incantations qu’on arrive à ce genre de résultat, et les dispositifs de soutien qui ont été essayés n’ont pas fonctionné.
(Exclamations sur les bancs du groupe REM.) Ce que nous proposons, c’est une petite dose – un jeune sur dix employés –, et cela ne coûte rien ! Je mets aux voix l’amendement no 32.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 32 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 212, je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir cet amendement no 212.
Il s’agit d’un dispositif de taxation des contrats courts que j’avais déjà présenté pendant l’été, sans succès, et que j’ai présenté de nouveau en commission, sans plus de succès. Mais j’ai cru comprendre que nos propositions avaient prospéré dans l’esprit de la majorité et de certains membres du Gouvernement. Je retente donc ma chance.
Nous proposons d’obliger les employeurs à verser une somme de 10 à 15 euros à chaque clôture de contrat de travail. Appliquée à tous, la mesure rapporterait 300 à 450 millions d’euros par an, puisque 30 millions de contrats prennent fin chaque année.
Le dispositif pourrait permettre d’éviter une multiplication des contrats à durée déterminée et favoriser le recours aux contrats à durée indéterminée, ce qui fait partie de vos objectifs. De plus, la Cour des comptes estimait dans un rapport de 2011 que CDD et intérim coûtaient 7,5 milliards d’euros à l’UNEDIC, tandis que les CDI, qui représentaient 87 % des salariés, dégageaient un excédent de 12,5 millions d’euros.
Cette mesure vise à taxer la précarité plutôt que l’emploi. Elle pourrait être assimilée à la facturation de frais de dossier pour clôture du contrat de travail.
Quel est l’avis de la commission ? Nous avons déjà discuté en commission de cet amendement, qui a alors été rejeté. Je comprends que Boris Vallaud retente sa chance pour le cas où ses idées auraient prospéré dans nos esprits – pour reprendre ses propres termes. Mais cela n’a pas été le cas.
Je comprends la logique de l’amendement, mais il me semble qu’il excède largement le cadre de la présente réforme et que ce débat sera plus à sa place dans nos discussions de l’an prochain sur la réforme de l’assurance chômage.
Avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je mets aux voix l’amendement no 212.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 212 n’est pas adopté.) Nous en venons à l’amendement no 117. La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour le soutenir. Après la grève des chauffeurs d’Uber en 2016, la mobilisation estivale des coursiers à vélo de la plate-forme Deliveroo a porté un nouveau coup au monde merveilleux de l’économie collaborative.
À Bordeaux, dans ma circonscription, les livreurs en grève m’ont dépeint une réalité très légèrement différente de la
start up nation vantée par notre Président…-directeur général ! Comme prétendus auto-entrepreneurs, ils doivent déjà renoncer à tout : à la protection sociale, au chômage, à la représentation syndicale qui vous est si chère, et même à leur salaire, puisque la plate-forme peut arbitrairement réduire leur rémunération à la course.
Il existe donc bien un lien de subordination entre le travailleur et la plate-forme donneuse d’ordres… sauf que, ici, le patron est dans la poche. Par conséquent, tous ces travailleurs ultra-précaires sont bien salariés de la plate-forme et doivent à ce titre bénéficier de la protection des miettes de code du travail que vous avez eu l’obligeance de leur laisser. Sinon, c’est
Germinal 2.0 !
C’est même pire : un
Germinal dans lequel les employeurs, après avoir exploité le travail, partent en cacher les revenus sous les palmiers à grand renfort d’optimisation fiscale, ne versant pas un centime à la société. Je me permets en effet de vous rappeler, au cas où votre mémoire serait défaillante à cette heure quelque peu tardive, qu’Uber est cité dans cette formidable affaire de partage de la richesse que sont les Paradise papers . (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement est le premier d’une série qui vise à clarifier la frontière entre le salariat et le travail indépendant. Il s’agit ici de requalifier d’office en salariat le statut des travailleurs exerçant leur activité par l’intermédiaire de plates-formes.
Sur cette question relativement récente, née de l’émergence des plates-formes numériques, nous partageons tous, je crois, le même objectif : garantir un socle commun de droits sociaux à l’ensemble de ces travailleurs. Or certaines des pratiques qui ont vu le jour ces dernières années, notamment dans le cadre de la mise en relation de travailleurs indépendants avec des plates-formes, ne sont pas toujours satisfaisantes du point de vue des conditions de travail des travailleurs et des exigences des plates-formes.
On est d’accord. Je suis cependant réticent quant à la solution que vous proposez, mon cher collègue, et qui consiste à imposer d’office le statut de salarié à tous ces travailleurs pris indifféremment. Je ne suis pas certain que ce statut n’aggraverait pas leur précarité.
Par ailleurs, d’importantes avancées ont déjà été permises par la loi du 8 août 2016, et codifiées aux articles L. 7341-1 et L. 7342-6 du code du travail, afin de sécuriser les droits de ces travailleurs.
La loi a reconnu la responsabilité sociale des plates-formes et leur a imposé la prise en charge de la cotisation de ces travailleurs à l’assurance contre les accidents du travail.
Allons plus loin ! Elle dispose également que ces travailleurs bénéficient du droit d’accès à la formation professionnelle continue et de la validation des acquis de l’expérience, la VAE.
Enfin, elle leur a permis de se constituer en organisation syndicale et leur a reconnu le droit de défendre leurs revendications professionnelles.
Ces avancées sont récentes ; le dossier n’est certainement pas clos. Vous voulez le rouvrir, mais votre amendement ne me paraît pas adapté. Avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Loïc Prud’homme. En clair, ce que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, c’est de ne rien faire. Sans doute, grâce à cette liberté, les plates-formes, dont le sens de la responsabilité sociale est avéré, vont-elles corriger tout ce qui ne va pas.
En ce qui concerne le droit de s’organiser en syndicat, je vais vous faire part de mon expérience. Les livreurs à vélo ont mis ce droit en application ; cela a donné lieu à un dialogue social 2.0 plutôt efficace, puisqu’ils ont reçu très rapidement par l’intermédiaire de leur application, par SMS et par courriel, leur lettre de licenciement. Votre immobilisme ne manquera pas de leur parler… et de leur rappeler où se situe leur intérêt dans la perspective des prochaines échéances électorales.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
(L’amendement no 117 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 31. Ces dernières années, la forme la plus aboutie du précariat a consisté à faire porter le costume de travailleur indépendant à des travailleurs juridiquement indépendants, mais économiquement dépendants.
Outre le phénomène très connu dont il vient d’être question, cela se rencontre aussi dans des usines où l’on avait auparavant recours à l’intérim et où, désormais, s’est établie une nouvelle relation avec des travailleurs indépendants, qui viennent quand il y a du travail et ne sont pas pris par l’usine quand il n’y en a pas. C’est ainsi que fonctionne par exemple l’usine Sidel, au Havre, dans un certain nombre de métiers.
J’en reviens à l’ubérisation. Une plate-forme comme Uber, qui se développe dans des secteurs de plus en plus divers, tente d’expliquer qu’elle n’impose aucune contrainte d’exclusivité ni d’horaire et qu’elle ne donne aucun ordre aux indépendants qu’elle fait travailler. Pourtant, les actions en requalification des statuts se multiplient, en France comme à l’étranger. En Californie, Uber a déboursé en début d’année 100 millions de dollars pour mettre fin à l’action collective de chauffeurs qui exigeaient leur requalification. À Londres, Uber a fait appel, il y a un an, du jugement d’un tribunal de travail britannique reconnaissant aux 30 000 chauffeurs londoniens de voiture de transport avec chauffeur – VTC – le droit à semblable requalification. En France, l’URSSAF a engagé des procédures et les travailleurs des plates-formes s’organisent pour faire reconnaître le lien de subordination qui les unit à leur employeur.
Par cet amendement, nous proposons de mieux les protéger en instaurant une présomption de salariat fondée à la fois sur le lien de subordination juridique et sur la relation de dépendance économique. En effet, ces travailleurs sont aujourd’hui doublement privés de protection : n’étant pas salariés, ils n’ont pas droit aux dispositions protectrices du code du travail ; n’étant pas réellement indépendants non plus, ils ne bénéficient pas de la protection économique qu’offre une diversité de donneurs d’ordre. C’est une situation à laquelle il convient de mettre un terme.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable, pour les raisons que j’ai longuement exposées tout à l’heure. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis.
Aux avancées énumérées par le rapporteur, j’aimerais ajouter un arrêt récent de la Cour de cassation qui confirme le caractère de travail indépendant.
Nous sommes d’accord pour dire qu’un certain nombre de sujets restent à traiter. Nous le ferons sous l’angle de l’assurance chômage dans le cadre de la future réforme de l’assurance chômage, qui inclura un volet sur les travailleurs indépendants, notamment ceux des plates-formes.
(L’amendement no 31 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 244 et 234, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 244.
Il s’agit toujours du travailleur indépendant, un statut dont la définition par le code du travail est selon nous beaucoup trop allusive et ne protège pas ou pas assez les travailleurs, lesquels peuvent devenir sans le vouloir des salariés déguisés et connaître une grande précarité.
Notre amendement a donc pour objet de compléter le code du travail afin de mieux protéger ces personnes qui, souvent à leur corps défendant, optent pour le statut de travailleur indépendant, mais aussi de faciliter la requalification par le juge d’une relation contractuelle en contrat de travail.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 234. Cet amendement prolonge ceux qui ont été présentés par nos collègues Prud’homme et Lecoq.
L’économie collaborative a donné naissance à un nouveau type de travailleurs, reconnus par la loi comme indépendants, mais qui, dans les faits, sont dans une situation intenable, car ils ne sont ni salariés ni indépendants. Chauffeurs de VTC, livreurs à vélo, prestataires de services multiples et au volume grandissant, ces travailleurs et travailleuses ne sont pas libres de fixer leurs tarifs ni d’établir leur rythme de travail et, dans de plus en plus de cas – comme celui des chauffeurs VTC, qui louent leur voiture pour travailler –, ne possèdent pas leur outil de travail. Pour certains et certaines, comme les livreurs et livreuses à vélo, l’uniforme est même imposé.
Ces travailleurs ne sont pas, de fait, indépendants, car ils ne bénéficient d’aucune des libertés liées à ce statut. Mais ils ne peuvent pas davantage se prévaloir des protections liées au statut de salarié : leurs accidents du travail ne sont pas indemnisés et la plate-forme n’est pas responsable ; ils n’ont pas de représentants du personnel, pas de salaire minimum ; ils n’ont, en fait, aucune garantie compensatrice de leur position de subordination.
En France, la précarité de ces travailleurs et travailleuses faussement indépendants augmente à mesure que baissent les tarifs fixés unilatéralement par la plate-forme. Parce qu’ils se sont endettés pour acheter leur outil de travail, beaucoup de ces travailleurs se retrouvent piégés dans une structure où ils n’ont ni droits ni libertés.
ll est temps que notre pays fasse évoluer sa législation pour reconnaître la situation de subordination dans laquelle se trouvent les travailleurs et travailleuses de l’économie collaborative et, le cas échéant, leur permettre de faire valoir leurs droits.
La loi dont nous discutons est censée protéger les travailleurs et travailleuses. La représentation nationale doit assumer sans attendre ce rôle protecteur, d’autant qu’il s’agit d’un secteur en développement économique.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? Je me suis longuement exprimé sur le premier de toute la série. Pour les raisons que j’ai exposées alors, avis défavorable.
(Les amendements nos 244 et 234, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 231. Défendu.
(L’amendement no 231, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 282, je suis saisi par le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 282.
Dans un contexte de mobilité professionnelle croissante, la seule personne qui connaît la réalité de l’exposition des travailleurs à certains risques professionnels est le médecin du travail, car il a connaissance des fiches d’exposition aux risques de chaque salarié.
Cet amendement formule une proposition innovante. Il s’agit d’inscrire dans la loi l’obligation d’un examen médical de fin de carrière, réalisé par le service de santé au travail de l’entreprise et destiné à tous les salariés bénéficiant du dispositif de suivi individuel renforcé ou qui en ont bénéficié au cours de leur carrière.
Cela permettrait de créer un suivi excédant la fin de carrière et d’éviter l’apparition de maladies professionnelles due à une prévention insuffisante. Le médecin du travail transmettrait l’ensemble des informations recueillies au médecin de ville, ce qui permettrait de mettre en place une surveillance post-professionnelle.
Quel est l’avis de la commission ? J’ai passé jadis un certain temps sur ce sujet, chère collègue. Nous avons repoussé cet amendement en commission, ainsi que tous ceux relatifs à la médecine du travail, car nous estimons qu’il s’agit d’un sujet à part entière ayant vocation à faire l’objet d’un débat spécifique.
S’agissant de l’amendement que vous venez de défendre, je ne suis pas opposé à la logique dont il procède, car elle met bien en évidence la problématique du suivi de l’exposition aux risques professionnels des salariés tout au long de leur vie. En la matière, l’articulation des rôles respectifs du médecin du travail et du médecin traitant est essentielle. Même si nous avons repoussé cet amendement en commission, je lui donne dans l’hémicycle un avis favorable à titre personnel.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Ce sujet a en effet vocation à s’inscrire dans une réforme globale. Néanmoins, à titre de démonstration de l’engagement du Gouvernement sur ce sujet, je donne un avis favorable à cet amendement, qui constitue une sorte d’avant-première de la réforme globale que nous devons mener ensemble, mesdames et messieurs les députés. Merci, madame la ministre ! La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Je comprends l’idée qui sous-tend l’amendement présenté par notre collègue. Néanmoins, celui-ci me perturbe. Le diable se cache dans les détails ! Je suis favorable à l’obligation de visites médicales régulières tout au long de la carrière, dernière année comprise, mais je ne voudrais pas que la visite médicale de départ en retraite fasse office de solde de tout compte médical.
Nous habitons une ville où l’amiante a causé des problèmes qui ne se déclarent pas forcément à 60 ou 62 ans, mais parfois quatre ou cinq ans plus tard. Le combat des malades de l’amiante consiste à faire valoir que leurs problèmes de santé ont été contractés dans telle ou telle entreprise, ce qui est complexe.
Bien sûr ! L’idée qu’un suivi médical ait lieu tout au long d’une carrière professionnelle me semble relever de l’évidence. Néanmoins, l’usage qui pourrait en être fait me laisse un peu craintif. Peut-être obtiendrai-je un complément d’information... La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo. M. Lecoq prête toujours attention aux détails ! Contrairement à ce que vous craignez, cher collègue, la remise au patient par le médecin du travail, lors de la dernière visite médicale avant le départ en retraite, d’un bilan de son état de santé et des risques auxquels il a été confronté au cours de sa carrière permettra d’établir plus facilement un lien de cause à effet si nécessaire. C’est important ! Voilà qui conforte notre vote ! Je mets aux voix l’amendement no 282.
(Il est procédé au scrutin.)
(L’amendement no 282 est adopté.) La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 283. À l’issue d’un arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle, d’accident du travail ou de congé maternité, l’employeur a l’obligation de faire passer une visite médicale au travailleur concerné dans les huit jours qui suivent sa reprise du travail. L’absence de visite médicale constitue une faute grave de l’employeur et l’expose à des poursuites pénales.
Dans un contexte de diminution du nombre de médecins du travail – qui n’ira pas en s’améliorant, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, madame la ministre –, cette situation constitue une véritable épée de Damoclès pour l’employeur, qui porte la responsabilité civile et pénale du niveau des visites médicales alors que la responsabilité réelle incombe davantage au service de santé au travail de l’entreprise.
Par ailleurs, les visites médicales dans les petites entreprises sont assurées par des services de santé au travail externes, les grandes entreprises disposant de la capacité de financer leur propre service de santé au travail. Dans la mesure où les services de santé au travail sont rémunérés par les cotisations obligatoires des entreprises, il est cohérent de leur transférer la responsabilité civile et pénale susmentionnée s’ils n’assurent pas leurs obligations à l’égard des entreprises.
Cet amendement ne cible donc pas les grandes entreprises, mais en priorité nos petites entreprises, qui n’ont pas les moyens de disposer de leur propre service de santé au travail. Il vise donc plusieurs objectifs, notamment protéger nos PME et inciter les services de santé au travail à se réformer.
Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Vous me faites plancher à nouveau sur un sujet que j’ai approfondi il y a quelques années, chère collègue ! De mémoire et sous réserve d’une vérification dans le code du travail, l’employeur a pour seule obligation de solliciter le médecin du travail, ce qui suffit à dégager sa responsabilité.
J’ai donc du mal à vous suivre : dès lors que l’employeur a saisi le médecin du travail, si celui-ci n’est pas en mesure d’assurer la visite médicale, la responsabilité de l’employeur est dégagée. Votre amendement est donc satisfait par le droit en vigueur.
(L’amendement no 283, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 120 rectifié. Depuis 1970, la productivité des travailleurs français a été multipliée par 2,5. Un travailleur français produit donc 2,5 fois plus en 2017 qu’en 1970 pour le même nombre d’heures de travail. Ainsi, malgré les discours tenus par quelques défaitistes mal informés, la productivité de la France a augmenté tandis que le temps de travail légal diminuait.
En effet, le passage aux 35 heures a été la période la plus créatrice d’emplois en France depuis plusieurs décennies. La réduction du temps de travail a fait ses preuves et constitue l’une des mesures les plus efficaces pour permettre au plus grand nombre d’accéder à l’emploi et donc de réduire le chômage.
Cet amendement vise à pousser plus loin la réflexion. Nous voulons être en mesure d’évaluer les effets du passage aux 32 heures par semaine sans perte de salaire sur la réduction du nombre de travailleurs privés d’emploi.
Mes chers collègues, nous demandons un rapport. Nous ne vous demandons pas d’être d’accord ou non avec le principe du passage aux 32 heures ; nous demandons un rapport permettant à chacun d’entre nous de juger, sur la base d’arguments et de faits, de l’utilité de cette mesure.
Chacun ici entend s’inscrire dans la réalité et faire preuve de pragmatisme. C’est ce que nous proposons par cet amendement.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. J’ai donné un avis défavorable au projet de réduire le temps de travail hebdomadaire à 32 heures et donne le même à cette demande de rapport, qui pourrait laisser penser que nous voulons organiser ainsi le monde du travail, ce qui n’est pas le cas. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Gérard Cherpion. Depuis le début de la soirée, je m’interroge sur le sens de nos débats. Le travail du dimanche ne peut avoir lieu, mais l’e-commerce peut se développer, ce qui fait concurrence à notre système. Nous n’avons pas assez de jours fériés, mais il faut des congés payés supplémentaires. L’écart des salaires est bien trop large, mais on n’évoque jamais la responsabilité des joueurs de football par rapport à celle d’un chef d’entreprise.
Je suis d’accord avec vous, chers collègues du groupe La France insoumise, certains Français souffrent. S’ils souffrent, c’est parce que leur salaire est bas ou parce qu’ils n’ont pas de travail. Le travail ne se partage pas, le travail crée le travail et donc l’emploi. Nous devons donc absolument continuer à faire en sorte que notre peuple travaille.
Dans les circonscriptions comme la mienne, où les activités industrielles ont encore de l’importance en dépit de vastes restructurations, les gens sont fiers et heureux d’aller travailler, même s’ils préféreraient bien entendu avoir des conditions de vie encore meilleures.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe REM.)