XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Séance du mardi 20 novembre 2018

La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour le groupe Les Républicains. J’associe mon collègue Damien Abad à ma question.
Monsieur le Premier ministre, le week-end dernier, ceux que le Président de la République a si brillamment surnommés les « Gaulois réfractaires » et les « fainéants » se sont vêtus de jaune dans chacune de nos circonscriptions.
C’est un mouvement spontané qui ne doit rien au hasard mis qui résulte d’un écœurement fiscal à la suite de la succession de mesures que vous avez prises depuis plusieurs mois : baisse de l’aide personnalisée au logement – APL –, relèvement du taux de la CSG, durcissement des règles du contrôle technique des véhicules, mise en place, unilatéralement, de la limitation de vitesse à 80 kilomètres-heure et, pour finir, explosion de la fiscalité sur les carburants !
Monsieur le Premier ministre, c’est la France qui travaille, la France des classes moyennes, la France qui se lève tôt, la France qui n’a pas d’autre solution que de prendre sa voiture pour aller prendre son poste à quarante kilomètres de distance
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR), c’est cette France-là qui est aujourd’hui en jaune, et ce n’est pas votre plan de conversion écologique, bricolé à la hâte, annoncé en catastrophe mercredi dernier, qui répondra à la colère des Français !
Les aides que vous proposez ne sont pas à la hauteur de la situation alors que ceux qui manifestent n’arrivent déjà plus à boucler leurs fins de mois. Pensez-vous vraiment qu’ils pourront avancer l’argent pour s’acheter une nouvelle voiture ? Pas du tout ! Ils n’ont souvent même pas le premier euro à y mettre ! Vous proposez des aides pour compenser vos propres taxes !
Monsieur le Premier ministre, plus encore que vos mesures, c’est votre arrogance, celle de votre Gouvernement, celle, par exemple, de son porte-parole qui stigmatise les Français « qui fument des clopes et qui roulent au diesel »…
Propos scandaleux ! Et en plus, il en rit ! …c’est tout ce mépris de la « France des éloignés » qui est aujourd’hui responsable de cette situation.
Samedi dernier, les Français étaient en jaune. C’était pour vous un avertissement. Monsieur le Premier ministre, vous dites entendre leur colère mais nous vous demandons quant à nous, désormais, de réagir avant que toute cette colère ne dégénère. Au lieu de mettre de l’huile sur le feu, annulez, comme le demandent les Républicains, vos nouvelles augmentations de taxes sur les carburants !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Mettez enfin un terme à cette accumulation sans fin de taxes que les Français ne peuvent plus supporter ! Rendez du pouvoir d’achat aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le député, je suis vraiment… Si vous ne savez pas quoi dire, vous pouvez vous taire ! …touché, monsieur le président Jacob, que vous-même et M. le député Leclerc n’ayez pas eu un mot à propos du décès d’une personne, pas un mot pour les personnes qui ont été grièvement blessées pendant les manifestations (Protestations sur les bancs du groupe LR), pas un mot pour condamner des violences racistes et homophobes ! (Protestations sur les mêmes bancs.) Ce sont des épiphénomènes ! S’il vous plaît ! Seul le ministre a la parole. Monsieur Jacob, nous pouvons partager ce constat – une partie des Français est en colère – mais nous ne pouvons pas cautionner la démagogie… C’est vous, le démagogue ! …ni, manifestement, le manque de courage politique qui vous caractérise pour expliquer votre bilan aux Français (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Au lieu de souffler sur les braises de la contestation, vous feriez mieux d’être solidaires de cette politique qui, bien que nécessaire, a suscité la colère !
Oui, monsieur le député Leclerc, permettez-moi d’être particulièrement choqué que, dans votre intervention, vous n’ayez pas eu un mot pour les blessés graves et pour la personne décédée aujourd’hui !
(Protestations sur les bancs du groupe LR.) À cause de qui ? Permettez-moi de vous faire remarquer que vous n’avez pas eu un mot pour les dizaines et les dizaines de blessés parmi les forces de l’ordre ! Ça mouline… Vous ne répondez pas à la question ! Ce matin, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a eu raison de dire que la manifestation, ce n’est pas l’anarchie, et qu’aujourd’hui des dizaines de gendarmes et de policiers ont été blessés. Or, vous n’en avez pas dit un mot dans votre intervention ! Ce qui vous intéresse, monsieur Leclerc, ce n’est pas de résoudre les problèmes des Français… Vous les méprisez ! …mais de surfer sur cette colère en proposant par démagogie des solutions que vous n’avez pas su apporter !
Alors oui, il faut rester humble ! La majorité doit rester humble et l’opposition aussi, parce que le ras-le-bol fiscal n’est pas nouveau. Si vous aviez été au pouvoir, vous auriez sans doute été confrontés au même problème.
Nous, monsieur, nous n’aurions pas trahi notre camp ! En effet, aujourd’hui, il faut baisser considérablement les impôts et écouter la France populaire. Ce n’est manifestement pas en surfant, par démagogie, sur la situation et sur les colères que l’on y arrivera ! Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas la même façon de faire de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
La parole est à M. Christophe Blanchet, pour le groupe La République en marche. Ma question s’adresse au ministre chargé de la ville et du logement.
Ils s’appellent Olivier, Edmond, Isabelle, Lounes, Bruno et font partie de la centaine de SDF français que vous ne croiserez plus sur les trottoirs de nos villes, car ils sont décédés cette année. Ils étaient de ces 125 000 Français, femmes, hommes et enfants, qui vivent tous les jours et dorment toutes les nuits dans les rues de France. Ce sont 125 000 destins brisés, une vie de souffrance, d’exaspérations, de désillusions, un fléau qui peut toucher chacun d’entre nous demain.
Macron n’avait pas promis qu’ils allaient disparaître ? Avec la vague de froid qui arrive, les projecteurs se braqueront une nouvelle fois sur eux. Des établissements d’urgence seront ouverts et des mesures d’accueil exceptionnelles seront prises. Mais après une nuit au chaud, ces déboutés de la société retourneront à leur triste quotidien dans la rue. Combien d’entre eux ne reverront jamais les couleurs du printemps ?
Notre société a fabriqué ces oubliés, ces enfants de la République pour qui la valeur de la fraternité est quotidiennement bafouée. Ce ne sont pas des anonymes, ni des invisibles, mais des citoyens de notre communauté nationale. Nos compatriotes n’acceptent plus cette situation et ils attendent que le Gouvernement trouve des solutions : pas de l’indignation, mais des actions concrètes. Nous, au sein de cette assemblée, nous avons une responsabilité collective vis-à-vis de celles et ceux dont nous n’assumons plus de croiser le regard. L’abbé Pierre disait qu’il ne suffit pas de leur donner de quoi vivre, mais qu’il faut aussi leur donner les raisons de vivre.
Cette raison de vivre passe obligatoirement par le logement, prérequis indispensable pour retrouver une identité, une existence aux yeux de la société, une vie sociale, un travail et, avec le temps, un logement à soi. Nous devons trouver des mesures d’accompagnement en lien avec les associations qui œuvrent au quotidien dans cette tâche humanitaire, et que nous devons mieux soutenir.
Monsieur le ministre, quelles sont vos propositions pour que, non pas demain, mais dès aujourd’hui, chaque sans-abri puisse se dire qu’il a une place et un avenir dans notre société ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement. Monsieur le député, toute personne à la rue représente une tragédie, une situation de détresse, une situation de souffrance. Personne n’est à la rue par choix. C’est certain ! La rue, c’est quelque chose qui tue, l’hiver, mais aussi l’été – et on ne le dit pas suffisamment.
La situation est effectivement difficile. Avec le Premier ministre, j’ai passé une grande partie de la nuit auprès des équipes du samu social, à Paris, pour faire une maraude. Ce sont aujourd’hui des milliers de personnes, parmi lesquelles un nombre croissant de femmes et d’enfants, qui font face à cette situation très difficile de devoir rechercher un toit. Cela nous impose à la fois beaucoup d’humilité et une détermination totale dans l’action.
Ce que je peux vous dire, même si je ne m’en satisfais pas, c’est que jamais un gouvernement n’a fait un tel effort pour ouvrir des places d’hébergement d’urgence.
Ce n’est pas vrai ! Il y en a 135 000 aujourd’hui et, pendant l’hiver, jusqu’à 14 000 places supplémentaires qui seront ouvertes.
Ce qui importe, deuxièmement, c’est « aller vers » : aller à la rencontre de toutes celles et de tous ceux qui sont dans ces situations de détresse, en multipliant les maraudes. Dans le dernier projet de loi de finances, cette majorité a voté 5 millions de crédits pour renforcer les maraudes. Ce travail fait par les associations, les travailleurs sociaux et les infirmiers en direction des sans-abris est essentiel.
Vous avez raison : pendant des années, on s’est peut-être satisfait de la situation. On fermait les yeux, on se disait que l’hébergement d’urgence suffisait. Or, il ne suffit pas, et ce qu’il faut, c’est accompagner les gens vers le logement. C’est tout le sens de la politique que nous menons, une politique qui avait été engagée sous le précédent quinquennat et que nous renforçons, en y consacrant 500 millions sur la durée du quinquennat.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Exclamations sur quelques bancs du groupe GDR.) C’est ridicule !
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe Socialistes et apparentés. Monsieur le Premier ministre, il y a un mois, je vous rappelais les mots prononcés par François Mitterrand en 1988 : il disait qu’il n’y a pas de cohésion, là où il y a exclusion. Or, depuis votre arrivée aux responsabilités, vos politiques créent de l’exclusion.
Il y a ceux que vous appauvrissez. Je pense notamment aux 14 millions de retraités. Pour 8 millions d’entre eux, la hausse de la CSG et la non-indexation des retraites entraîneront une perte de pouvoir d’achat équivalent à un demi-mois de retraite. Avec la hausse des taxes énergétiques, vous appauvrissez également 15 millions de salariés du privé et du public, qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur véhicule pour aller travailler.
Et, en même temps, il y a ceux que vous enrichissez. Vous augmentez la rente du 1 % des Français les plus aisés, avec la suppression de l’ISF. Votre majorité a par ailleurs tenté, vendredi soir, de faire un nouveau cadeau fiscal aux traders étrangers qui gagnent un million d’euros par an, et il a fallu l’union de toute l’opposition pour forcer votre majorité à reculer.
En créant ainsi de l’exclusion, vous êtes en train d’abîmer la cohésion de notre pays, puisque vous faites deux grands perdants : le pouvoir d’achat et la transition énergétique. Le mouvement des gilets jaunes en est la traduction. Nous déplorons qu’il y ait eu des blessés et qu’une manifestante ait trouvé la mort samedi. Nous déplorons aussi que votre politique exacerbe les tensions sociales, notamment à La Réunion, où un couvre-feu a dû être instauré.
Et votre irresponsabilité ? Assumez un peu ! Face aux centaines de milliers de Français qui vous interpellent sur leurs fins de mois difficile, votre seule réponse est l’inflexibilité. Or cette inflexibilité est incompatible avec notre démocratie. Aussi, nous vous demandons de ne pas opposer ordre public et ordre social. Nous vous redemandons également un gel immédiat des hausses des taxes prévues en 2019, un geste immédiat pour compenser vos hausses de fiscalité et un Grenelle du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) La parole est à M. le Premier ministre. Vous m’interrogez sur l’évolution du pouvoir d’achat des Français, sur la capacité du Gouvernement à conduire des réformes et sur l’attitude qu’il convient d’avoir lorsqu’on dirige un pays et qu’un certain nombre des politiques que l’on s’est engagé à mener au moment des élections présidentielles et législatives suscite des questionnements, des désaccords, voire des contestations, ce qui est naturel et sain dans une démocratie.
Je me permets de vous faire observer que j’ai beaucoup appris au cours des années précédentes.
Pourtant, vous n’étiez pas beaucoup là ! J’ai beaucoup appris, car je me souviens parfaitement de ce qu’il était convenu d’appeler, à l’époque, non pas les gilets jaunes mais les bonnets rouges. Je me souviens qu’à l’époque, madame la présidente, la majorité dont vous étiez un membre éminent, confrontée à une difficulté sociale qui venait directement se heurter à des engagements pris par cette même majorité, avait choisi de ne pas aller au bout. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) C’était avant ! Vous aviez choisi de reculer et, en reculant, vous aviez choisi de ne pas remplacer les dispositifs qui devaient financer la transition écologique, laquelle est aujourd’hui à notre charge, à la charge du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Ce jour-là, j’ai considéré que vous ne rendiez pas service à notre pays – je m’adresse à vous parce que c’est vous qui m’interrogez, mais je sais que vous n’êtes pas la principale responsable de cette décision, même si vous l’avez soutenue.
Combien y a-t-il de socialistes dans La République en marche ? J’estime que la décision qui a été prise ce jour-là n’a pas été une bonne chose pour le pays. Je vous le dis comme je le pense. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) L’objectif de cette majorité est effectivement tout autre, puisqu’elle consiste à tenir les engagements qui ont été pris devant les Français au moment de l’élection présidentielle, puis au moment de l’élection législative. Pas tous ! Vous qui êtes attachée au débat démocratique, vous pourriez reconnaître que tenir les engagements qui ont été pris devant les Français relève justement d’une volonté de prendre au sérieux à la fois le débat démocratique et les Français eux-mêmes.
Oui, madame la présidente, nous allons faire ce à quoi nous nous sommes engagés. Nous allons progressivement et résolument faire basculer la fiscalité qui pesait sur le travail vers une fiscalité qui pèsera un peu plus sur les carburants et sur le carbone. C’est une chose à laquelle nous nous sommes engagés. C’est une chose que nous assumons et que nous savons nécessaire, mais qui, pour être acceptée, doit être accompagnée. C’est la raison pour laquelle, dès l’année dernière, un certain nombre d’instruments ont été créés pour accompagner les Français dans cette transition. C’est la raison pour laquelle, la semaine dernière, j’ai annoncé des mesures qui permettent de renforcer l’efficacité de ces instruments, d’en élargir l’assiette, d’en renforcer l’intensité.
Ce ne sont que des miettes ! C’est la raison pour laquelle, enfin, à chaque fois que des politiques publiques seront présentées à l’Assemblée nationale et au Sénat, qu’il s’agisse de la loi d’orientation sur les mobilités ou de la programmation pluriannuelle de l’énergie, nous allons développer ces instruments d’accompagnement.
Madame la présidente, nous voulons revaloriser le travail et nous voulons prendre au sérieux la transition écologique. Voilà notre axe, voilà la politique que nous proposons aux Français et voilà la politique que nous allons appliquer.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Avant de lui passer la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Pascal Lavergne, devenu député de la douzième circonscription de la Gironde, le 17 novembre dernier. (Mmes et MM. les députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent.)
La parole est à M. Pascal Lavergne, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le premier ministre, le candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron, en février 2017, en observant que la PMA n’était ouverte en France qu’aux couples hétérosexuels, a pris l’engagement de mettre fin à cette « discrimination intolérable ». Nous soutenons, avec force, cette promesse d’égalité et de justice. Député En marche déjà parfaitement formaté ! En effet, mesdames et messieurs les députés, aujourd’hui, les femmes seules et les femmes en couple n’ont d’autres recours que de faire appel à une insémination artificielle avec don, de façon artisanale ou clandestine, ou de procéder à des achats sur internet, avec les risques sanitaires et juridiques que l’on peut imaginer. Rappelons par ailleurs l’avis favorable rendu, à deux reprises, par le Comité consultatif national d’éthique à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Et les enfants ? Vous vous en souciez ? Dans ce contexte, les propos du responsable du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, pour qui la PMA constituerait « une marchandisation des gamètes » qui conduirait à « l’eugénisme », se référant donc au régime nazi, relèvent de l’irresponsabilité politique la plus abjecte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Monsieur le Premier ministre, condamnez-vous comme la quasi-unanimité de nos collègues ici présents, ces propos scandaleux et injurieux tant pour le corps médical que pour les couples hétérosexuels qui ont déjà pratiqué la PMA ?
Nous sommes dans une séance de questions au Gouvernement. Pourriez-vous détailler les engagements du Gouvernement afin que le débat autour de la PMA s’engage dans un cadre apaisé, serein et démocratique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Voilà qui intéresse beaucoup les électeurs de la Gironde ! La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter la bienvenue à l’Assemblée nationale. C’est vrai, les propos tenus par le président du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, devant le mouvement Sens commun, ne sont pas dignes d’un responsable politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous lisez votre fiche ! Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir de la procréation médicalement assistée, la PMA, aucun propos associant cette pratique médicale à de l’eugénisme ne saurait être toléré. Rappelons la définition de l’eugénisme : ensemble des recherches et des pratiques ayant pour but de déterminer les conditions les plus favorables à la procréation de sujets sains et d’améliorer la race humaine. L’eugénisme fait directement écho aux heures les plus sombres de notre histoire contemporaine car tel était en effet le projet des nazis.
Même si elle n’est qu’une tentative de séduction politique, cette comparaison est intolérable de la part d’un responsable politique.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.) Il est grave et irresponsable de dévoyer le sens des mots, d’agiter la haine de l’autre. Les engagements pris durant la campagne présidentielle au sujet de la PMA sont clairs et seront tenus, en particulier celui d’engager une discussion réfléchie et apaisée qui rassemble les Français plutôt que de les diviser.
La PMA figurera dans le projet de loi de révision des lois de bioéthique, qui sera présenté en conseil des ministres au premier trimestre 2019. Chacun est libre de ses opinions et le débat se tiendra dans cet hémicycle.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le Premier ministre, depuis un certain temps, nous sentons que la tension monte dans le pays. Une femme est décédée lors des rassemblements de samedi, ce qui place chacun d’entre nous face à ses responsabilités.
Certains habitants qui ont du mal à surmonter les difficultés du quotidien, se sentent stigmatisés – 80 kilomètres-heure, radars, carburant, chaudière au fioul, CSG. Ce sont des concitoyens qui travaillent, ou perçoivent de petites retraites. Ce sont des ouvriers, des artisans, des commerçants, des indépendants, des représentants. Ils ne font plus face. C’est leur reste pour vivre qui est en jeu. Les taxes, les charges, les tracas administratifs sont compliqués à gérer. Pourtant, chacun d’entre eux comprend la trajectoire fiscale et écologique, ainsi que les enjeux de protection de la planète.
Monsieur le Premier ministre, où est la trajectoire humaine et sociale pour les Français ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)
Avec mes collègues du groupe UDI, Agir et indépendants, je souscris à la proposition du pacte social de la conversion écologique, proposée par Laurent Berger. Il est grand temps de réhabiliter les corps intermédiaires dans notre pays. Que chaque Français, que chaque maire, que chaque député, que chaque syndicat, que chaque association, exerce une responsabilité dans notre pays.
Un beau projet humaniste et social doit rassembler le pays et permettre de construire les alternatives écologiques dans les domaines du transport et du logement grâce à des mesures simples, financées, fortes et comprises de tous. Voilà le défi que nous devons relever avec l’ensemble de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe MODEM. – M. Nicolas Forissier applaudit également.) La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Du vélo et des trottinettes ! Monsieur le député, je salue le ton de votre question, empreinte de gravité, que nous partageons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.) Depuis la semaine dernière, nous avions prévenu contre les risques que présentait cette manifestation spontanée et respectable, la mise en danger des manifestants mais aussi des automobilistes qui les croiseraient. Nous avons le devoir de rappeler le respect du droit de manifester tout comme celui de circuler librement, mais également d’appeler à la sécurité.
Le ministre de l’intérieur s’est exprimé à plusieurs reprises, depuis samedi, pour appeler les uns et les autres à faire preuve d’esprit de responsabilité afin que la sécurité soit assurée sur nos routes.
J’en viens au fond de votre question. Depuis le début de ce quinquennat, nous tenons à accompagner socialement la trajectoire de la taxe carbone.
Ça ne se voit pas beaucoup ! Nous devons accompagner le changement par des moyens écologiques au service d’objectifs écologiques. Nous permettons ainsi aux Français de changer de voiture. Mais ils font comment concrètement, les Français ? Les dernières mesures annoncées témoignent de l’effort particulier de solidarité que nous consentons en direction de nos compatriotes les plus en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Les Français ne se retrouvent pas dans la même situation selon qu’ils habitent en ville, en banlieue, à la campagne, dans une commune péri-urbaine. L’usage de la voiture n’y est pas le même. L’élargissement du chèque énergie, mesure sur laquelle l’Assemblée aura bientôt à se prononcer, qui permettra à plus de deux millions supplémentaires de Français d’en profiter, avec une revalorisation de 50 euros en moyenne, constitue bien un effort solidaire d’accompagnement de la transition voulue.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
La parole est à M. Jean-Luc Lagleize, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Madame la ministre des solidarités et de la santé, le 11 octobre dernier, nous avons débattu dans cet hémicycle d’une proposition de loi visant à consolider le modèle français du don du sang. Nos échanges ont alors principalement porté sur l’alignement des règles d’éligibilité au don de sang pour les homosexuels à celles appliquées aux autres donneurs.
En effet, les conditions d’accès au don de sang fixées par arrêté interministériel précisent que les hommes homosexuels ont accès au don de sang uniquement en l’absence de relations sexuelles depuis un an.
A contrario , une personne hétérosexuelle n’a pas à justifier de période d’abstinence, ce qui démontre une discrimination flagrante contre les homosexuels.
Au cours de ces débats, vous nous avez précisé que des études étaient en cours et que le comité de suivi de l’arrêté relatif aux critères de sélection des donneurs devait se réunir le 14 novembre. C’est désormais chose faite, puisqu’il s’est réuni la semaine dernière, pour prendre acte des premiers résultats de l’enquête Complidon, réalisée auprès de 110 000 donneurs. Les données de cette enquête épidémiologique révèlent que l’ouverture du don de sang en juillet 2016 aux hommes homosexuels n’augmente pas le risque de transmission du VIH par transfusion.
Comme le précise le communiqué de vos services, « ces résultats apportent de nouveaux éléments aux pouvoirs publics, en vue de considérer une ouverture plus large du don de sang ». Je partage entièrement ce constat, puisque la situation actuelle demeure inadmissible et contraire au code de santé publique qui dispose : « Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ».
Madame la ministre, vous nous aviez donné rendez-vous : nous y sommes. À l’aune de ces nouveaux éléments, pouvez-vous nous préciser vos intentions sur ce dossier ?
La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, je vous remercie de cette question qui me permet de montrer, s’il le fallait encore, que ce gouvernement tient ses promesses. Lors de l’examen de la proposition de loi sur le don du sang du groupe Les Républicains, Agnès Buzyn s’était engagée à présenter les résultats de l’étude Complidon, afin d’évaluer le respect et la compréhension des critères de sélection des donneurs, en particulier des donneurs ayant des relations sexuelles avec des hommes.
C’est ce qui a été fait le 14 novembre dernier : 110 000 questionnaires ont été exploités et les résultats de l’enquête publiée montrent, vous l’avez indiqué, que l’ouverture du don du sang aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes depuis 2016 n’a pas fait augmenté le risque d’infection par VIH par transfusion sanguine.
La présentation de ces résultats au comité de suivi de l’arrêté de sélection des donneurs constitue la première étape de concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Les agences sanitaires Santé publique France et Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ont été saisies pour conduire des analyses de risque résiduel de transmission transfusionnelle du VIH et faire évoluer le questionnaire préalable aux dons.
Le prochain comité de suivi se tiendra à la fin du mois de janvier, afin de partager les résultats de cette analyse de risque. Un nouvel arrêté sera ensuite rédigé et soumis aux consultations obligatoires. Il pourra entrer en application d’ici à l’été 2019.
Ce travail confirme que le Gouvernement est attaché au principe de non-discrimination au don en fonction de l’origine sexuelle. Ce principe, inscrit dans la loi depuis 2016, est un principe général fort et, dès l’année dernière, le Gouvernement avait pris l’engagement de retravailler les critères des douze mois d’abstinence pour les personnes homosexuelles.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
La parole est à M. Stéphane Peu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Monsieur le Premier ministre, vous ressemblez à un automobiliste embarqué à contre sens sur une autoroute. Le mouvement des « gilets jaunes » vous fait des appels de phares pour éviter le carambolage, mais vous poursuivez votre route. Très juste ! Vous dites entendre la colère et la souffrance, mais vous restez droit dans vos bottes. Vous allez dans le mur, monsieur le Premier ministre, pour une raison essentielle : le peuple, particulièrement le peuple qui souffre encore plus depuis l’élection d’Emmanuel Macron, ne manque ni de discernement ni de mémoire.
Il sait combien votre majorité sait être bonne avec tous les Carlos Ghosn, ceux qui n’en ont jamais assez.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI et sur quelques bancs du groupe LR.) Il voit comment vous les avez gratifiés d’un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pérennisé sans contrepartie. Il voit comment vous avez délesté les plus riches de l’impôt sur la fortune. Il voit, à l’inverse, que vous faites les poches des plus faibles, c’est-à-dire les leurs, celles de leurs parents retraités ou celles de leurs enfants bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement.
Dimanche soir, vous avez assuré que vous maintiendrez le cap. Encore une fois, vous faites fausse route et nous vous suggérons une bretelle de sortie, éloignée de l’axe Bruxelles-Berlin qui vous est si cher, une bretelle de sortie en direction de Lisbonne. Le Portugal démontre en effet depuis deux ans qu’une politique fondée sur une relance par la demande fait baisser le chômage et progresser la croissance et la justice sociale. Là-bas, le SMIC a augmenté, les pensions ont été revalorisées et l’investissement public relancé. D’où la question des députés communistes, monsieur le Premier ministre : procéderez-vous à une revalorisation importante du SMIC le 1er janvier 2019 ?
La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, je vous rappelle que nous avions demandé, et obtenu, une baisse de 30 % de la rémunération de M. Carlos Gohn, il y a quelques mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Il lui en restait encore un peu ! Combien a-t-il perdu avec la suppression de l’ISF ? Je suis un peu surpris que vous n’ayiez pas plus d’attention pour les salariés du groupe Renault et de l’alliance Renault-Nissan, qui m’occupent depuis hier, depuis que nous avons appris les nouvelles concernant M. Carlos Gohn. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Je tiens à vous dire, puisque vous avez évoqué son nom, que la priorité, aujourd’hui, du Président de la République et du Premier ministre est le renforcement de Renault et la stabilité de l’alliance entre Renault et Nissan. J’ai eu aujourd’hui au téléphone le ministre de l’économie japonais : nous ferons tout pour pérenniser l’alliance du premier groupe industriel mondial Renault-Nissan. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Ce n’est pas la question. Vous nous parlez des salaires, notamment du SMIC. Nous sommes plus généreux que vous, monsieur Peu, parce que nous n’avons pas seulement augmenté le SMIC, nous avons augmenté les salaires de tous les salariés français le 1er novembre dernier, en supprimant les cotisations sur l’assurance maladie et sur l’assurance chômage, pour permettre à ceux qui travaillent de vivre mieux. Personne ne l’a vu. Alors, pourquoi manifestent-ils ? Nous sommes plus généreux que vous, monsieur Peu, parce que les décisions fiscales que nous avons prises nous ont permis de faire de la France le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers, qui créeront des usines, des entreprises et des emplois. Nous sommes plus généreux et plus efficaces que vous, monsieur Peu, puisque, depuis un an, le chômage a baissé d’un demi-point en France et que nous continuerons dans cette direction grâce aux mesures prises par Muriel Pénicaud. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Pinocchio ! Mensonge ! Oui, notre politique économique, qui est juste, nécessaire et efficace, permettra le redressement de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. - Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, au titre des députés non inscrits. Monsieur le Premier ministre, bien sûr, samedi, j’étais aux côtés des « gilets jaunes ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Nous n’en doutions pas ! Quel courage ! Quel aveu ! Mes chers collègues, seule Mme Ménard a la parole. Pas seulement à cause du prix du carburant, mais pour ma ville, pour les villages des alentours, pour tous ceux qui n’ont pas la chance, comme moi, comme nous, de ne pas s’inquiéter pour leurs fins de mois.
Chez moi, à Béziers, c’est exactement cette France d’en bas, cette France méprisée, regardée avec condescendance, cette France sans cesse montrée du doigt, à qui vous faites toujours la morale, votre petite morale.
(Exclamations continues sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.) Récupération ! En 2017, les automobilistes auront supporté 67 milliards d’euros de taxes et d’amendes diverses – c’est presque autant que l’impôt sur le revenu.
Cette France, elle n’en peut plus, elle ne s’en sort plus, et vous auriez tort de croire que tout cela n’est qu’un feu de paille. Cette France ne vous fait plus confiance, elle ne vous veut plus. Vous êtes « l’élite-kérosène en butte au populisme-diesel », comme j’ai pu le lire dans la presse.
Collabo ! Et quand vous la traitez de poujadiste, de nationaliste, de populiste, savez-vous ce qu’elle vous répond, cette France ? Si être du côté des petites gens, des laissés-pour-compte, des plus démunis, c’est être poujadiste, nationaliste ou populiste, alors oui, elle est tout cela. Et en plus, elle en est fière !
Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal, acceptable ou supportable d’avoir plafonné, dans le budget de la sécurité sociale, la revalorisation des pensions de retraite et des allocations familiales à 0,3 %, et « en même temps », comme vous dites, d’avoir revalorisé les allocations pour les demandeurs d’asile de 1,6 % ?
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Je vous propose d’aller expliquer cela à tous ceux qui sont descendus dans la rue samedi dernier et qui y sont encore aujourd’hui, aux familles pauvres et aux retraités. Mais c’est vrai, ils ne comptent probablement pas car ils sont, comme vous dites, poujadistes, nationalistes et populistes. (Applaudissements parmi les députés non inscrits.) Et ménardistes ! La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics. Madame la députée, vos propos sont des carburants, mais des carburants pour la fin de la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Vous mélangez tout, madame Ménard.
D’abord, vous auriez pu dire que, dans la ville où vous avez manifestement défilé avec un gilet jaune, le maire, que vous connaissez manifestement bien, a payé avec de l’argent public…
Très bien ! …des affiches totalement scandaleuses. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM. – M. Vincent Ledoux applaudit également.) Vous avez réussi à utiliser l’argent public, l’argent du contribuable, pour faire de la politique politicienne tout en dénonçant l’augmentation de la fiscalité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.) La campagne pour les élections européennes n’a pas encore commencé ! S’il vous plaît, mes chers collègues ! Seul M. le ministre a la parole. Madame Ménard, vous mélangez la fiscalité avec l’accueil des étrangers. Votre carburant, vous le trouvez chez ceux qui souffrent car vous vivez des problèmes – vous ne voulez pas les résoudre. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM. – M. Vincent Ledoux applaudit également.) Eh oui ! Aujourd’hui, si le peuple gronde, si certains Français vivent dans la misère et connaissent des difficultés, cela ne date pas de dix-sept mois. Nous avons vu l’élimination de tous les hommes politiques ayant participé à un gouvernement. Et vous, monsieur Darmanin ? Mme Le Pen, qui est devant vous, a rassemblé 11 millions de voix à l’élection présidentielle. Qui peut dire, au bout de dix-sept mois, que la France est réparée ? La majorité est bien sûr consciente du travail très important à mener pour répondre à la souffrance des Français. (Exclamations parmi les députés non inscrits.) Il y a ceux qui veulent jeter de l’essence et du diesel sur le feu qui se consume dans le pays, et ceux qui veulent éteindre l’incendie. Pour ma part, je suis fier d’appartenir au Gouvernement, sous la présidence d’Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – M. Vincent Ledoux applaudit également.) Pompier pyromane ! Vous êtes à sec !
La parole est à M. Didier Baichère, pour le groupe La République en marche. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, l’inclusion économique s’affirme comme un nouveau cadre de l’action publique permettant de mettre l’entreprise au cœur des politiques de cohésion des territoires et de la gouvernance locale de l’emploi.
C’est en partant des besoins des entreprises, en les aidant à recruter plus vite et mieux, en les accompagnant dans l’identification des talents et des compétences dans les territoires ciblés, qu’on les amènera à ouvrir leur recrutement aux candidats prêts à l’emploi mais susceptibles de subir des discriminations à l’embauche. Les entreprises de taille intermédiaire, les PME et les TPE n’ont bien souvent pas les ressources humaines pour conduire une politique ouverte à la diversité et soucieuse d’un recrutement non discriminant. Or ce sont bien ces entreprises qui recrutent et qui sont le levier du changement systémique.
C’est là toute l’ambition du Gouvernement et la cohérence du « pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises », que vous avez lancé en juillet dernier. Ce document comporte quatre chapitres : sensibiliser, former, recruter et acheter. Il s’articule pleinement avec le plan d’investissement dans les compétences piloté par Mme la ministre du travail. Je pense aussi au projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises – la loi PACTE – porté par le ministre de l’économie, qui introduit la notion d’objet social de l’entreprise. Cette politique s’inscrit dans un projet d’ensemble, cohérent, de transformation, en vue de gagner la bataille de l’emploi dans nos quartiers.
Mais encore faut-il donner aux entreprises, aux TPE et aux PME, la place et les moyens de prendre leurs responsabilités citoyennes. C’est l’enjeu déterminant de l’intermédiation entre les candidats des quartiers populaires et les entreprises qui recrutent. C’est pourquoi j’ai initié, en Île-de-France, le plan « 1 000 jeunes », avec le soutien du préfet de région et l’implication directe des fédérations d’entreprises et des associations au cœur de nos quartiers. La professionnalisation de ces associations devient d’ailleurs un enjeu majeur.
Nous, députés de la majorité, lancerons fin novembre avec votre soutien, monsieur le ministre, et avec celui de Mme la ministre du travail, la semaine de l’inclusion économique pour l’emploi et les quartiers. Cette semaine se veut un grand moment de mobilisation. Elle doit conduire, au printemps 2019, à des assises nationales de l’inclusion économique.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous comptez prendre en la matière ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement. Rends l’argent ! Monsieur le député, vous avez mentionné l’initiative que vous avez lancée, avec un certain nombre de vos collègues,… C’était de l’autopromotion ! …qui est la semaine de l’inclusion économique pour l’emploi et les quartiers.
Au-delà de cette initiative, que je salue et qu’un grand nombre de membres du Gouvernement soutiennent, vous pointez du doigt les failles de notre pacte républicain. Aujourd’hui, un jeune sur sept habite dans les quartiers. Qui peut accepter que certains de ces jeunes, qui ont fait des efforts, dont les familles ont souvent fait beaucoup de sacrifices, et pour qui la République était là depuis des années, n’aient pas les mêmes chances de réussite et la même possibilité d’obtenir un emploi, à cause de la discrimination qui perdure dans notre pays ?
De même, une certaine fatalité s’est trop souvent installée. Je n’y cède pas du tout. Avec votre détermination et avec celle des entreprises, nous pouvons faire bouger les lignes. Il faut recréer un réseau – ce n’est pas un gros mot – entre les jeunes qui habitent dans les quartiers et les entreprises qui cherchent aujourd’hui à embaucher.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
C’est la politique de réussite républicaine que conduit le Gouvernement : c’est ce que fait Jean-Michel Blanquer pour améliorer la réussite éducative, c’est ce que fait Muriel Pénicaud avec les 2 milliards d’euros investis dans nos quartiers pour la formation professionnelle, et c’est ce que nous faisons au jour le jour, avec vous, membres de la majorité présidentielle, pour lutter contre ces discriminations. Je pense à l’initiative que vous venez de lancer, mais également aux actions menées par le haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi et par le délégué interministériel au développement de l’apprentissage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Aujourd’hui, j’en appelle solennellement aux entreprises. Aujourd’hui, il n’existe plus aucune barrière : les entreprises ont les moyens de recruter des jeunes des quartiers. Il faut le faire ! C’est cela, le sens républicain.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Des mots, toujours des mots !
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour le groupe La France insoumise. Monsieur le Premier ministre, vous le savez, en France, dans notre pays passionné d’égalité et de fraternité, il n’y a pas d’ordre public possible, ni même souhaitable, sans justice sociale et c’est ainsi qu’il faut comprendre la puissance et l’étendue du mouvement des « gilets jaunes » que nous voyons se déployer dans tout notre pays, que ce soit dans l’Hexagone, dans les DOM-TOM comme, à cette heure même, à la Réunion. C’est donc la justice sociale qu’il faut rétablir si l’on veut que revienne l’ordre et que cessent les violences que provoquent ceux qui s’opposent à ce mouvement.
Il n’est pas juste, monsieur le Premier ministre, de prendre 4 milliards à des gens qui n’ont pas d’alternative aux déplacements en voiture par une surtaxe sur les carburants au moment même où vous donnez exactement la même somme, en supprimant l’impôt sur la fortune, à des familles de riches qui n’en ont pas besoin et qui ne vous l’ont jamais demandé.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Si vous voulez régler la crise actuelle, partez de l’idée que la situation est tellement exceptionnelle qu’elle justifie, puisque le débat budgétaire est encore en cours, le rétablissement immédiat de l’impôt de solidarité sur la fortune et la suppression de la taxe sur les carburants.
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
Il n’est pas juste d’arguer de la transition économique lorsque vous disposez de 40 milliards au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, que vous allez faire passer dans le droit commun, alors que vous pourriez affecter ce montant au budget de l’écologie, où il remplirait immédiatement les carnets de commandes dans tout le pays et donnerait de l’emploi et du mieux-vivre pour tout le monde.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Vous avez, paraît-il, l’intention d’interdire la manifestation appelée par les gilets jaunes pour samedi. Je suis donc obligé de vous dire que, si beaucoup d’entre nous participeront à la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles, les insoumis iront aussi dans cette manifestation.
C’est de la récupération politique ! Aussi, monsieur le Premier ministre, permettez que la démocratie sociale et la démocratie parlementaire se retrouvent. Permettez la manifestation. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La parole est à M. le Premier ministre. Monsieur le président Mélenchon, avant de répondre à la question que vous posez, et dont je comprends que qu’elle porte, pour l’essentiel, sur la manifestation qui pourrait avoir lieu samedi, je relève que vous avez commencé en mentionnant la passion française, bien réelle, pour l’égalité et la fraternité. Permettez-moi de vous dire que j’ai toujours interprété la devise républicaine comme ayant trois termes : la liberté, qui est aussi une passion française, l’égalité et la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) N’en voir que deux, c’est avoir une lecture incomplète de la promesse républicaine. Je tenais à vous le dire, car je suis certain que, sur ce sujet, nous ne serons, au fond, jamais véritablement d’accord. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe FI.) C’est vous qui interdisez la manifestation ! Monsieur Corbière, laissez M. le Premier ministre répondre. Un mot à propos de la liberté. Vous nous demandez de ne pas interdire une manifestation. Permettez-moi de rappeler, car c’est utile, l’état du droit : en France, pour manifester, il faut déclarer un projet de manifestation. Ce n’est pas du tout accessoire et c’est même important, car cela permet notamment de sécuriser la manifestation. Je constate que certains de nos concitoyens se sont affranchis de cette règle en disant qu’au fond, elle n’apportait rien. Or, elle permet de faire que les manifestations se passent bien. Nous n’avons aucune intention de réprimer ou de diminuer en quoi que ce soit la liberté d’expression et la liberté de manifestation (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) , mais nous voulons qu’elles s’expriment dans le cadre de la loi et dans le respect de l’ordre public.
Puisque vous avez parsemé votre question de « il n’est pas juste », nous renvoyant à une figure stylistique que nous avons bien connue lors du quinquennat précédent, je tiens à dire qu’il n’est pas juste non plus d’interdire aux Français de se déplacer quand ils souhaitent le faire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Il n’est pas juste non plus d’imposer à des gens qui veulent franchir un rond-point de porter un gilet jaune. Il n’est pas juste non plus de bloquer des zones commerciales ou des centres-villes. (Mêmes mouvements.)
Pour ce qui est de la politique générale du Gouvernement…
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.) Monsieur le président Mélenchon, j’essaie de vous parler directement, car vous m’écoutez avec attention, mais ce n’est malheureusement pas le cas de ceux qui vous entourent. C’est vrai. Un mot donc pour dire que nous nous sommes engagés – le Président de la République au moment de l’élection présidentielle, puis la majorité et chacun des parlementaires qui la composent lors des élections législatives – sur un projet, sur un programme. Nous respectons le programme qui a été proposé aux Français. Vous qui êtes un amoureux de la République – c’est ce que vous dites, et je le crois bien volontiers –, vous qui êtes respectueux de la démocratie – je le souhaite vraiment –, vous pouvez considérer avec moi que le fait de tenir sans zigzaguer une promesse, un engagement faits aux Français est tout à fait sain pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour le groupe La République en marche. Ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Deux morts par semaine, un viol toutes les heures, 73 000 victimes de violences par an : voilà le terrible bilan – certainement sous-évalué, car fondé uniquement sur les faits déclarés – de l’enfance maltraitée en France. C’est intolérable à entendre en cette journée internationale des droits de l’enfant.
À la suite de ces maltraitances, ce sont 300 000 enfants qui sont pris en charge et confiés à l’aide sociale à l’enfance pour les protéger. Malheureusement, les différences de moyens, de politiques départementales ou d’appréciations judiciaires se traduisent par des prises en charges différentes d’un territoire à l’autre.
Il y a urgence à rendre égalitaire cette politique pour donner à chaque enfant les mêmes chances de s’en sortir, permettre un taux d’encadrement plus important et obliger à un minimum de formation pour tous les adultes gravitant autour de ces enfants. C’est nécessaire pour mieux détecter les enfants en souffrance et pour éviter qu’ils deviennent eux-mêmes les bourreaux de leurs camarades de malheur ou qu’ils ne tombent dans la prostitution ou la délinquance.
Les résultats sont alarmants : 40 % des SDF de moins de vingt-cinq ans sont d’anciens enfants placés et 70 % sortent sans diplôme de l’aide sociale à l’enfance. Il n’est plus tolérable de laisser nos enfants continuer à se perdre.
Il est important, aujourd’hui, de s’emparer de ce sujet pour en faire un réel sujet de société et de soulever les tabous qui traînent depuis trop longtemps. En effet, comme le dit Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l’enfance, on dit souvent qu’une société qui maltraite ses vieux condamne son avenir, mais qu’en est-il d’une société qui maltraite ses enfants ?
Pour conclure madame la ministre, je caresse le doux rêve que d’autres enfants placés, comme moi, siègent un jour dans cet hémicycle. Que comptez-vous faire pour rendre l’aide sociale à l’enfance égalitaire et réellement efficiente, et pour permettre à ces oubliés de la République d’avoir un avenir ?
(Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.) La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de votre question et de votre investissement sur ce sujet. Les violences physiques ou psychiques faites aux enfants restent encore un sujet tabou dans notre société. Il provoque l’effroi, donc le déni, le refus de voir et de poser des mots sur ce qui est d’abord impensable. Les chiffres ne reflètent qu’une partie de la situation, car tous les faits ne donnent pas lieu à un dépôt de plainte, et il est indispensable que nous les complétions.
Le Gouvernement lance aujourd’hui une campagne qui vise chacun d’entre nous. Elle fera l’objet d’une séquence sur France 2 avant le journal de 20 heures et j’encourage chacun à la regarder. Les messages que nous faisons passer sont forts et peuvent être dérangeants, mais nous les assumons, car ce sont les violences qui sont dérangeantes.
Nous allons aussi accentuer très fortement les efforts de prévention. Nous souhaitons travailler avec les départements à une réforme d’ampleur de la protection maternelle et infantile pour développer les ressources que cette dernière consacre aux visites à domicile. En lien avec la Caisse nationale d’allocations familiales, nous développons les mesures de soutien à la parentalité, car des parents de plus en plus nombreux expriment le besoin d’être conseillés et épaulés.
Nous souhaitons interdire les violences dites « ordinaires » à l’égard des enfants et le Gouvernement soutiendra la proposition de loi en ce sens du groupe MODEM. Nous allons également nous intéresser aux enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance en travaillant sur leur scolarité, grâce à un meilleur accompagnement, et sur leur suivi médical, car ces enfants présentent souvent un état de santé fragile. Enfin, je veux que nous repensions l’accompagnement des enfants protégés qui atteignent la majorité.
Notre objectif est clair : la protection de l’enfance ne doit plus rester ce point aveugle que l’on n’ose pas affronter.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
La parole est à M. Philippe Berta, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Monsieur le ministre de la transition énergétique et solidaire, hier chlordécone, aujourd’hui glyphosate, pesticides au métham sodium mais aussi chlorpyrifos. Le chlorpyrifos est l’un des pesticides les plus utilisés au monde. Nous apprenons aujourd’hui que son autorisation de mise sur le marché serait le fruit de recherches biaisées. Les enfants les plus exposés dans le ventre maternel voient leurs capacités mentales réduites. Selon des études médicales, la perte moyenne peut aller jusqu’à 2,5 points de QI pour un enfant né en Europe en 2010 et exposé de façon prénatale. Certes, la France a banni l’utilisation de ce pesticide en agriculture en 2016, à l’exception d’un usage sur l’épinard. Mais il semble désormais que l’ensemble des composés de la même famille, celle des organophosphorés, soit capable d’engendrer retard mental, retard psychomoteur et probabilité décuplée de présenter des troubles de l’attention.
Alors ne devons-nous pas nous questionner sur le fonctionnement de nos agences d’évaluation de la sécurité sanitaire de l’alimentation ? Il apparaît que, pour les exemples cités, et probablement pour bien d’autres, nous ayons affaire dans ce secteur au principe d’inversion de la preuve : le produit est mis sur le marché sans études médicales préalables suffisantes et ce n’est qu’a posteriori, c’est-à-dire trop tard, que les effets sanitaires désastreux sont enregistrés. De plus, n’est-il pas urgent d’encourager et de soutenir la recherche et le développement d’outils de décontamination biologique, appelés bioremédiation, probable unique solution pour dépolluer nos sols ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Vite ! La fiche ! Monsieur le député, les situations que vous décrivez posent question et interpellent à juste titre ; aussi, je tiens à vous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé. François de Rugy, Agnès Buzyn, Frédérique Vidal et Didier Guillaume ont lancé, ce lundi, la consultation publique sur le projet de plan Ecophyto 2+. Ce programme vient renforcer le plan Ecophyto 2 en intégrant, d’une part, les actions prévues par le plan d’action sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides, présenté au mois d’avril et, d’autre part, les actions du plan de sortie du glyphosate annoncé le 22 juin.
La réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques constitue une attente forte des Français et une nécessité pour préserver notre santé et la biodiversité. Aussi est-il nécessaire de renforcer la recherche et l’expertise pour progresser dans l’identification des liens de causalité entre l’exposition et les effets sur la santé. L’INSERM – Institut national de la santé et de la recherche médicale – a été saisi en avril 2018 pour actualiser l’expertise collective des effets des pesticides sur la santé. Des études sont en cours, notamment sur les cancers pédiatriques.
Parallèlement, l’ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – travaille pour faire des propositions à la Commission européenne. Priorité a également été donnée à des recherches sur les « effets cocktail » des pesticides ; il s’agit là du plan Ecophyto, dont je viens de parler. Une attention particulière sera apportée à la mise en cohérence de l’ensemble des politiques publiques qui constituent, directement ou indirectement, des leviers pour atteindre l’objectif de réduction de la dépendance des systèmes de production à l’usage des produits phytopharmaceutiques.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le ministre de la transition énergétique et solidaire, face à l’urgence climatique, nous sommes tous conscients de la nécessité d’agir, et d’agir vite. Il est cependant intenable pour nos concitoyens, notamment des territoires ruraux, de subir une taxation aveugle des carburants sans que des alternatives sérieuses et peu coûteuses ne leur soient proposées. Et il est insupportable que ceux ayant les moyens financiers ou disposant de modes de déplacement alternatifs passent leur temps à donner des leçons de morale écologique à ceux qui ne les ont pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR. – MM. Jean-Louis Bricout et Philippe Vigier applaudissent également.)
Face à la colère et à l’incompréhension de nombreux Français, le Gouvernement a présenté différentes mesures et ouvert des pistes de travail. Je déplore cependant un grand absent de ces annonces : le biocarburant. Le E85 est aujourd’hui le moins cher à la pompe, autour de 60 centimes d’euro le litre, soit environ 1 euro de moins que les autres carburants, ce qui peut représenter 50 euros d’économie sur un plein selon les véhicules. Il a un bon bilan carbone et permet de réduire très significativement les émissions de CO2.
(MM. Christian Jacob et Christophe Naegelen applaudissent.)

Enfin, cette énergie constitue un débouché non négligeable pour l’agriculture française, notamment pour les filières sucrières et amidonnières, confrontées à des défis économiques majeurs du fait de la fin des quotas sucriers. Plusieurs régions de France accompagnent d’ailleurs la conversion des véhicules essence au bioéthanol E85 par l’installation de boîtiers homologués, épargnant ainsi à nos concitoyens l’achat d’une nouvelle voiture.
Dans ce contexte, les biocarburants apparaissent bien comme une réponse, parmi d’autres, aux problèmes de pouvoir d’achat, d’environnement et d’emplois ruraux. Ma question est donc simple : pourquoi le Gouvernement ne les intègre-t-il pas dans sa stratégie, alors que la France est le premier producteur européen de biocarburants ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et MODEM.) La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je connais votre engagement, ancien, pour la filière des biocarburants et la production d’éthanol en France. Votre persévérance est aujourd’hui récompensée car les Français voient bien l’intérêt concret qu’ils peuvent trouver dans l’utilisation de ce carburant alternatif au pétrole. Je ne cesse de dire et de répéter qu’il faut sortir du « tout pétrole », qu’il faut libérer les Français du « tout pétrole » : c’est là une voie parmi d’autres, car il en existe évidemment de nombreuses, et nous la poursuivrons dans le temps. En l’occurrence, le bilan carbone de l’éthanol, c’est-à-dire les émissions de CO2 sur l’ensemble de son cycle de production, est beaucoup plus faible évidemment que celui de l’essence issue du pétrole.
Cette filière mérite donc d’être soutenue. Aujourd’hui, elle est compétitive parce que, d’une part, les prix du pétrole sont plus élevés sur les marchés mondiaux – l’éthanol sortant des raffineries est au même prix que l’essence sortant des raffineries – et, d’autre part, le biocarburant est compétitif à la station-service ; il est même très compétitif parce qu’il est beaucoup moins cher que l’essence.
Alors pourquoi avez-vous refusé tous nos amendements la semaine dernière ? S’il vous plaît ! Du calme ! J’incite les Français à l’utiliser car il est moins taxé, ce qui est logique puisqu’il émet moins de carbone : c’est donc tout à fait cohérent.
Par ailleurs, mon ministère a décidé de faciliter l’usage de cet éthanol – on le trouve sous le nom de E85 dans les stations-service –, en élaborant une norme simple pour les boîtiers permettant d’adapter, en toute sécurité pour les moteurs, une voiture à essence. Même une voiture d’un certain âge peut utiliser le E85. Disons-le aux Français : plus de 1 000 stations-service en France distribuent ce carburant.
Pour finir, je ferai également, avec mon collègue de l’agriculture, une application souple et pragmatique de la directive européenne sur la mélasse sucrière – vous connaissez bien le sujet –, ce qui permettra à la filière éthanol d’être toujours aussi compétitive.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. M. Jean-Louis Bricout applaudit également.)
La parole est à Mme Caroline Janvier, pour le groupe La République en marche. Madame la ministre du travail, la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées nous permet aujourd’hui d’évoquer la problématique de l’inclusion professionnelle, sujet sur lequel vous vous êtes personnellement investie aux côtés de Sophie Cluzel, dont je salue l’action, notamment au travers de la signature de l’engagement national « Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022 ».
La stratégie du Gouvernement est claire : nous devons inclure les personnes handicapées dans le milieu ordinaire, du plus jeune âge, à l’école et tout au long de leur parcours de vie, autant que cela est possible. Nous devons changer de paradigme. Cela demande du temps et la mobilisation de la société tout entière.
Cela demande aussi et surtout de faire le constat que la politique menée depuis trente ans vis-à-vis des entreprises ne fonctionne pas. Être handicapé aujourd’hui en France, cela signifie avoir trois fois moins de chances d’avoir un emploi, deux fois plus de chances d’être au chômage et subir une durée de recherche d’emploi supérieure d’au moins un an.
Le système en vigueur depuis trente ans, fondé d’une part sur l’obligation légale d’emploi de travailleurs handicapés pour toute entreprise de plus de vingt salariés, d’autre part une politique de sanction financière par des malus n’a pas prouvé son efficacité. La Cour des comptes, dans son rapport de janvier dernier, montre que nous sommes au bout du chemin : l’objectif des 6 % n’a jamais été atteint. Le secteur privé parvient péniblement au taux de 3,7 % et les organismes font face à une baisse mécanique des collectes, le taux de travailleurs handicapés augmentant avec l’âge et le vieillissement de la population.
Madame la ministre, quels sont les moyens importants que nous pouvons engager afin que les entreprises ouvrent leurs portes aux travailleurs handicapés et contribuent ainsi pleinement à la stratégie que le Gouvernement adopte, en complémentarité des tremplins vers le milieu ordinaire que sont les entreprises adaptées ?
La parole est à Mme la ministre du travail. Vous l’avez dit, notre but est celui d’une société inclusive dès l’école, avec Jean-Michel Blanquer, et dans le travail. Sophie Cluzel et moi partageons cette approche systématique avec l’ensemble du Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre.
Aujourd’hui vous l’avez dit nous nous heurtons à une butée : nous progressons très peu dans les entreprises. Nous avons donc décidé de changer de regard et de changer d’échelle pour réussir enfin cette intégration.
Quels en sont les leviers ? En juillet dernier j’ai signé avec les entreprises adaptées un accord national pour passer de 40 000 à 80 000 bénéficiaires par an. Ces tremplins doivent permettre aux plus vulnérables d’accéder à l’emploi en milieu ordinaire.
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel comporte trois mesures importantes. Le changement de mode de calcul de l’établissement vers l’entreprise va permettre d’ouvrir 100 000 postes supplémentaires aux personnes handicapées. Quand on sait que 500 000 sont inscrites à Pôle emploi, en attente d’une formation, d’un emploi qui leur permette de prouver ce qu’elles peuvent apporter à l’entreprise, on mesure qu’il s’agit d’une mesure essentielle. Nous avons aussi prévu la présence de référents handicap dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés et dans tous les centres de formation d’apprentis de France car c’est la mise en relation des entreprises, des personnes en situation de handicap et de l’offre de formation qui permettra de progresser. Dans le Plan d’investissement compétences, dans tous les accords régionaux nous donnons la priorité à ce public pour qu’il puisse lui aussi accéder à la qualification alors qu’il est, vous l’avez dit : deux fois moins qualifié et deux fois plus au chômage.
Enfin nous mobilisons les entreprises. Julien Denormandie l’a dit, de plus en plus d’entreprises sont prêtes à relever le défi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je me rendrai vendredi chez Leroy-Merlin avec Sophie Cluzel pour évoquer ce sujet comme je l’ai fait dans d’autres entreprises.
Jamais aucun gouvernement n’a autant fait. Jamais un gouvernement n’a décidé de changer à ce point de regard mais nous ne pouvons pas le faire seuls. Nous mobilisons les entreprises, les associations. Mobilisons-nous tous.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Libertés et territoires. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République vient de reconnaître avec lucidité qu’il avait échoué à réconcilier ce qu’il appelle la « base » et le « sommet ». Il s’est trompé en tout ! Il est maintenant urgent de passer de la parole aux actes, en tendant la main aux maires, qui sont, sur le terrain, au quotidien, les artisans infatigables de la République. Il les méprise ! Alors que s’ouvre aujourd’hui même leur congrès, devant lequel Emmanuel Macron ne viendra pas alors qu’il s’y était engagé, les maires sont désemparés au point de songer souvent à abandonner la gestion de la commune à laquelle ils ont tant donné. Le désengagement de l’État les a laissés en première ligne pour protéger nos concitoyens face aux crises sociale, économique, écologique et identitaire qui frappent leur territoire. Ils sont également en première ligne face aux fermetures de services publics, aux difficultés d’accès au logement, aux soins, aux transports, à la téléphonie mobile et au numérique. Ils doivent se battre chaque jour pour leur territoire, contre des décisions qui sont prises de Paris, par Paris et pour Paris.
Monsieur le Premier ministre, les maires font la force de la France. Ils veulent de la considération, ils veulent des moyens pour libérer l’énergie et le potentiel de leurs territoires.
Vous êtes, monsieur le Premier ministre, aux responsabilités : il vous appartient donc de leur apporter une réponse forte. Pour le groupe Libertés et territoires, cette réponse ne peut passer que par un nouvel élan de décentralisation.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
Aussi ma question sera simple : êtes-vous prêt à en finir avec une centralisation qui s’est accentuée depuis dix-huit mois ? Êtes-vous prêt à permettre aux territoires de s’adapter à leurs spécificités, notamment en facilitant l’expérimentation locale ? Êtes-vous prêt enfin à leur accorder une plus grande autonomie fiscale et à permettre plus de solidarité territoriale ?
(Mêmes mouvements.) La parole est à M. le Premier ministre. Monsieur le président Vigier, en cette première journée du congrès des maires… Pourquoi le Président n’y va-t-il pas ? …vous vous êtes livré à un véritable plaidoyer en faveur des maires de France et je souscris à presque tout ce que vous avez dit tellement j’éprouve moi aussi de l’admiration, de l’amitié… Il faudrait le montrer ! Monsieur Cordier ! …à l’égard des maires de France, qui savent élever le débat quand c’est nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ! J’approuve donc quasiment tout ce que vous avez dit du rôle particulier que les maires jouent dans la vie de notre pays.
Vous évoquez les difficultés du métier de maire. Vous avez évidemment raison, elles sont réelles, elles sont considérables. Parmi celles-ci, vous avez évoqué les difficultés récurrentes que les maires rencontreraient dans leurs relations avec l’État et avec lui seul. Vous qui connaissez la vie locale autant que je la connais, reconnaissez avec moi qu’il peut arriver que dans l’exercice de leur mandat, dans la réalisation de leurs projets, les maires se heurtent au moins autant, et parfois un peu plus, monsieur le président Vigier, à d’autres collectivités territoriales, départements, régions, communes qui ne partagent pas leurs projets.
Diversion ! Cela peut arriver… C’est beaucoup plus rare ! …et tous ceux qui pensent que ça n’arrive jamais ont une vision particulièrement tronquée de la réalité de la vie locale. Vous le savez, je le sais. Cela ne veut pas dire que leurs relations ne sont pas difficiles parfois mais l’honnêteté et le sens de la nuance imposent de reconnaître que la vie locale ne se résume pas à la relation conflictuelle entre les maires et l’État.
Vous évoquez, monsieur le président Vigier, la nécessité d’une nouvelle vague de décentralisation. Là-dessus je veux dire les choses le plus clairement possible. Dès la prise de fonctions du Gouvernement, nous avons indiqué, exactement dans la ligne de ce qui avait été proposé par le Président de la République, que nous ne procéderions pas à une refondation complète des collectivités territoriales, que nous ne réaliserions pas un nouveau big bang, que nous ne comptions pas faire voter une nouvelle loi NOTRe, qu’il fallait laisser aux collectivités territoriales le soin de digérer les transformations entraînées par la réforme des grandes régions qui a posé tellement de problèmes. Nous savons tous en effet quelles difficultés la précédente majorité a suscitées en augmentant de façon très directive le périmètre des intercommunalités. Parfois cela se passe très bien mais parfois c’est un peu plus compliqué pour les communes de se retrouver dans de grandes intercommunalités.
(Protestations sur les bancs du groupe SOC.) Je ne vois pas pourquoi mes propos suscitent un tel agacement : c’est un fait, tous les maires le disent. Parfois cela se passe bien, parfois cela se passe moins bien. On voit bien qu’il y a là un sujet.
Nous ne voulons pas d’un nouveau big bang ; nous voulons corriger ce qui peut l’être, adapter ce qui doit l’être, en travaillant avec les collectivités territoriales à des solutions adaptées, du « sur-mesure » comme nous l’avons fait pour l’Alsace.
Et puis, monsieur le président Vigier, puisque vous appelez de vos vœux, non pas une autonomie des collectivités territoriales mais une capacité d’adaptation, la faculté de définir des règles particulières, nul doute qu’impressionné par la proposition d’un droit à la différenciation qui vous sera soumise en janvier dans le cadre du projet de révision constitutionnelle, vous voterez en sa faveur. Je vous en remercie par avance.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.)
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le Premier ministre, cet après-midi les infirmières manifestent contre le manque de reconnaissance de leur profession. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Elles sont 660 000 mais sont les grandes oubliées du plan Ma santé 2022 présenté par le Président de la République.
Oui, monsieur le Premier ministre, les infirmières sont en colère. Elles n’ont pas été consultées et se sentent méprisées par le Gouvernement. Leurs négociations conventionnelles sont bloquées depuis le mois de juillet ! Leurs compétences sont sous-exploitées. Vous avez omis de les intégrer dans le virage ambulatoire alors qu’elles doivent y jouer un rôle essentiel.
(Mêmes mouvements.)
Oui, monsieur le Premier ministre, les infirmières vous demandent la création de nouveaux actes et la revalorisation des actes qu’elles effectuent déjà. Alors que les établissements hospitaliers et les EHPAD manquent cruellement d’infirmières, vous ne répondez en rien à leur appel. Dans les blocs opératoires, la situation est plus que critique. Une amélioration leur avait été promise mais les promesses n’engagent que ceux qui les profèrent !
À de nouveaux postes d’infirmières, pourtant indispensables, le plan santé préfère 4 000 postes d’assistants médicaux.
La création du statut d’infirmier en pratique avancée aurait pu être l’ébauche d’une meilleure reconnaissance de leur profession mais seuls quelques postes seront créés sous la tutelle d’un médecin. C’est un acte manqué alors que ce statut aurait pu permettre de pallier le manque de médecins dans certains de nos territoires.
Monsieur le Premier ministre, les infirmières sont un maillon essentiel de notre système de santé. Refuser de le reconnaître et de les intégrer vous conduira inévitablement à un échec.
Comment comptez-vous répondre aux demandes légitimes des infirmières ? Quand allez-vous enfin prendre en considération ces professionnelles qui agissent pour notre santé au quotidien ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et du groupe SOC.) La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je tiens tout d’abord à vous confirmer que le Gouvernement reconnaît comme vous le rôle central joué par la profession d’infirmier dans notre système de santé. Nous comptons sur l’engagement et les compétences des infirmiers et des infirmières pour relever les défis qui nous attendent, en ce qui concerne notamment l’accès aux soins et la prise en charge des maladies chroniques.
La profession infirmière a récemment bénéficié d’avancées importantes, d’abord grâce au développement de protocoles de coopération, notamment dans le secteur ambulatoire, avec le dispositif Action de santé libérale en équipe, ASALEE, et récemment de façon globale par la reconnaissance de l’infirmier en pratique avancée dont le cadre juridique a été fixé par les décrets du 18 juillet 2018 comme cela nous avait été demandé.
Alors pourquoi manifestent-ils ? La reconnaissance, par ce décret, de la pratique avancée pour la profession marque une avancée importante.
J’ajoute que dix formations universitaires ont été ouvertes dès la rentrée 2018 pour l’ensemble des infirmiers et des infirmières. Désormais les infirmiers auront des compétences élargies et la responsabilité du suivi régulier des patients pour leurs pathologies et pourront prescrire des examens complémentaires, demander des actes de suivi et de prévention ou renouveler et adapter si nécessaire certaines prescriptions médicales.
Pourquoi manifestent-elles ? Nous sommes également sensibles à la juste reconnaissance de l’activité des infirmiers et des infirmières libéraux et à l’évolution de leur rémunération. L’avenant à la convention des infirmiers libéraux, signé en novembre 2017, a d’ores et déjà pris en compte les contraintes liées à l’activité des infirmiers libéraux en revalorisant notamment la majoration du dimanche et des jours fériés.
Les négociations avec l’assurance maladie doivent reprendre en décembre prochain. Nous souhaitons qu’elles permettent de revaloriser le rôle des infirmiers dans notre système de santé et qu’elles débouchent sur une réponse adaptée aux besoins de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.) La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
La parole est à M. Éric Coquerel, pour le groupe La France insoumise. Voici donc le Gouvernement surpris, avec les « gilets jaunes », par un mouvement de contestation populaire de son budget, chose assez inédite dans l’histoire de France. À vous entendre, nos concitoyens ne se mobiliseraient que parce qu’ils ne comprennent pas la justesse de vos mesures. Vous parlez, comme le Président de la République, d’un simple « besoin de pédagogie », comme si les Français étaient stupides et ne comprenaient pas la nature de votre budget, quand vous ne les accusez pas, comme M. Griveaux, de n’être que des « fumeurs de clopes qui roulent au diesel » et qui mériteraient, à ce titre, d’avoir disparu avec le XXe siècle.
En réalité, notre peuple reste très politique. Il comprend très bien votre politique et votre budget d’Ancien Régime. Qu’est-ce qui caractérise, en effet, un budget d’Ancien Régime ? C’est qu’il est un budget des taxes et des privilèges. Sous l’Ancien Régime, la taille et la capitation ne représentaient que 20 % de la fiscalité, soit approximativement la part actuelle de l’impôt sur le revenu, qui est presque le seul impôt progressif. Proportionnellement, cet impôt pèse deux fois moins sur les recettes fiscales qu’en 1981, et vous avez largement contribué à accroître ce différentiel. Or, par nature, les taxes qui sont un impôt non redistributif, ne sont pas progressives. Les gens ne remettent pas en cause le consentement à l’impôt en tant que tel : ceux qui se mobilisent contestent l’injustice fiscale.
C’est enfin, bien entendu, le budget des privilégiés. Grâce à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et l’instauration de la flat tax, votées avec la loi de finances pour 2018, 1 % de nos concitoyens, soit les 280 000 ménages les plus riches, ont vu leurs revenus augmenter de 4,8 %, récupérant ainsi 2,7 milliards d’euros, sur l’ensemble de vos mesures fiscales. À la fin de 2019, grâce aux deux derniers budgets cumulés, les 5 % de Français les plus riches auront capté 42 % des gains obtenus à la faveur de vos mesures socio-fiscales.
Voilà les seuls gilets que vous aimez : les gilets dorés, qui sont à notre époque ce que furent à l’Ancien Régime la noblesse et le clergé, que portait sur son dos le tiers état, autrement dit le peuple. Étonnez-vous, dès lors, que le peuple réagisse comme à la fin de l’Ancien Régime !
Mais tout cela, me direz-vous, n’est qu’un simple retour à l’envoyeur pour tous ceux qui vous avaient soutenus pendant la campagne électorale : je veux parler des 600 donateurs qui, à eux seuls, avaient contribué pour plus de la moitié aux 9 millions d’euros du budget de campagne d’Emmanuel Macron. Ils se retrouvent très largement, on pourrait le vérifier dans le
Who’s who , dans les bénéficiaires de votre politique. Ce n’est pas bien ! Cette politique est à la fois injuste et inefficace. Ce matin, M. Le Maire a vanté les chiffres économiques du Gouvernement ; mais enfin, comment ne pas voir les résultats du premier semestre de 2018, le seul semestre dont vous puissiez revendiquer le bilan ? Le pouvoir d’achat est en berne, de même que la consommation populaire, et le chômage est reparti à la hausse. Tout à fait ! Les seuls qui s’en sortent, je l’ai dit, ce sont ceux qui perçoivent des dividendes, lesquels ont augmenté de 26 %, soit le double de la moyenne mondiale, grâce à la flat tax et à la suppression de l’ISF.
En plus d’être injuste, votre politique n’a rien d’écologique. En 2019, vous avez supprimé le crédit d’impôt pour la transition énergétique sur les dépenses consenties pour la rénovation des fenêtres. Vous avez renvoyé à plus tard la transformation de ce crédit d’impôt en primes, ce qui nécessite des fonds d’appel. En deux ans, vous aurez supprimé 2 378 équivalents temps plein au sein du ministère de l’écologie et des opérateurs. Sur 4 milliards de hausse des taxes sur le carbone, seulement 1 milliard va à l’écologie, le reste étant destiné à compenser la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Enfin, votre refus de taxer le kérosène représente un manque à gagner de 3 milliards. Vous ne taxez pas non plus les entreprises les plus polluantes, à commencer par les grandes entreprises pétrolières.
Sur les 40 milliards du CICE, 30 milliards pourraient financer la transition énergétique et promouvoir l’isolation thermique et l’énergie renouvelable ; il resterait même 10 milliards pour l’urgence sociale, qui permettraient de relancer le carnet de commandes des entreprises.
Je l’ai dit, pour la première fois depuis longtemps, un budget est aujourd’hui contesté dans la rue. Par notre opposition radicale à votre projet de loi de finances pour 2019, nous montrons combien nous nous sentons en symbiose avec ce mouvement : c’est notre rôle de relayer le mécontentement populaire qui monte contre une politique injuste, inefficace et anti-écologique.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. André Chassaigne applaudit également.) La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Ainsi s’achève l’examen du budget pour 2019. L’opération de communication engagée par l’exécutif et sa majorité depuis septembre, insistant sur les 6 milliards d’euros qui seraient rendus au pouvoir d’achat des Français, aura fait chou blanc – un camouflet à l’heure où s’organise dans tout le territoire un mouvement social inédit. Nos concitoyens ne sont plus dupes de la véritable philosophie qui anime vos choix politiques, à l’œuvre depuis le début de cette législature, en particulier dans le budget de l’année 2019. Une nouvelle fois, vous décidez de consacrer l’essentiel des marges de manœuvre budgétaires du pays aux plus riches et au secteur marchand : 40 milliards – 1,8 % de PIB –, voilà ce que coûtera le cumul entre le CICE et la suppression de cotisations patronales ! « Fromage et dessert », diront certains, « un pognon de dingue », diront d’autres ; le tout sans condition, sans ciblage et probablement sans efficacité. Les contribuables les plus aisés, qui continueront à tirer profit de la suppression de l’ISF et d’une taxation des revenus financiers plafonnée à 30 %, pourront désormais s’exiler fiscalement dans des conditions privilégiées, avec la quasi-extinction de l’exit tax. Cela devait ruisseler : cela s’évapore !
Vos paris budgétaires et fiscaux ne paieront pas plus demain qu’aujourd’hui. Empêtrés dans l’illusion de la compétitivité et de l’attractivité, vous engagez le pays dans une voie sans issue. Faisant le choix du premier cercle, de la start-up nation, vous tournez le dos aux territoires, cassez la cohésion sociale, fracturez le pacte républicain. Comment pouvez-vous prétendre réparer le pays quand vous allégez massivement l’impôt des plus riches et, dans le même temps, décidez le gel des salaires, des pensions, du point d’indice des fonctionnaires et des minima sociaux ?
L’écologie est, aux côtés de la cohésion sociale, l’enjeu majeur de notre temps. Pourtant jamais elle n’aura été autant instrumentalisée à des fins budgétaires qu’elle l’est actuellement. La fiscalité sur les carburants n’alimente qu’à la marge la transition écologique ; nos concitoyens l’ont bien compris. Conscients de l’urgence écologique, ils veulent la transition de notre modèle économique. Mais dans cette affaire, ils ont le sentiment légitime qu’on leur fait les poches à la pompe pour financer la suppression de l’ISF, la flat tax et le CICE. Ce sentiment est d’autant plus fort pour celles et ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur véhicule au quotidien. Alors aux blocages et au mouvement social, le Premier ministre répond en évoquant le ras-le-bol fiscal et la baisse programmée des prélèvements obligatoires, impôts et taxes. Dans les faits, ce quinquennat risque d’opérer un transfert inédit de fiscalité des plus riches – ces 1 % – vers les classes moyennes et populaires. Finalement, votre politique fait mal à l’écologie et au consentement à l’impôt, ce ciment de toute société civilisée.
Dans ces débats, conscients des forces et des besoins de notre pays, les députés communistes et le groupe GDR ont agi tels les porte-voix du grand nombre, des plus fragiles, des territoires, au plus près des préoccupations de nos concitoyens.
C’est notre ADN ! Conjuguer transition écologique et progrès social, garantir la justice fiscale, revaloriser le travail et le pouvoir d’achat : telles ont été les boussoles de notre action tout au long de ces discussions budgétaires. En proposant de baisser la TVA, qui frappe plus durement les plus fragiles, et de renforcer la progressivité de l’impôt, nous avons voulu apporter des solutions concrètes aux problèmes du quotidien. Il faut accompagner ces mesures de la revalorisation du SMIC à 1 500 euros net en 2022, et du point d’indice – une trajectoire à la hausse que doivent suivre les minima sociaux et les pensions.
La justice fiscale doit aussi s’appliquer aux entreprises. Il n’est pas acceptable de voir des multinationales payer 6 à 8 % d’impôt quand nos TPE en paient davantage. Il est donc urgent de moderniser l’impôt sur les sociétés. Ainsi avons-nous proposé le prélèvement à la source des bénéfices des multinationales, et nous continuerons à défendre cette idée dans les prochains mois. Enfin, à rebours de votre orientation, la transition écologique passe par un investissement public conséquent dont le financement doit mettre à contribution les grandes fortunes et être équitablement réparti entre les entreprises et les ménages. Nos amendements ambitionnaient d’agir en ce sens.
Toutes ces propositions ont été balayées d’un revers de main, n’entrant pas dans ce cadrage budgétaire d’inspiration néolibérale, conforme aux souhaits de Bruxelles. Nous voterons donc contre ce budget 2019.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Excellent ! La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Libertés et territoires. Porter un jugement sur un projet de loi de finances et un projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est répondre à quatre questions : ces textes respectent-ils nos engagements européens ? Favorisent-ils la transition énergétique ? Sont-ils économiquement efficaces ? Enfin, sont-ils socialement justes ? Ces deux projets de loi ne remplissent aucune de ces quatre conditions. C’est bien vrai ! En effet, hélas, ces documents ne respectent pas nos engagements européens qui nous demandent un effort structurel de réduction de nos déficits publics de 0,5 point de PIB, soit environ 12 milliards d’euros, par an. Or la réduction du solde structurel est extrêmement faible – de 0,1 point – puisque ce dernier passe de 2,3 % du PIB en 2017 à 2,2 % en 2018. Et dans vos prévisions pour 2019, le solde structurel passe à 2 % en 2019, soit une réduction de 0,2 point. Ainsi, en deux ans, le solde structurel n’aura été réduit que de 0,3 point de PIB au lieu d’1 point demandé. Vous ne tenez donc qu’un tiers de nos engagements européens.
Pour ce qui est de la transition énergétique, la hausse massive de la fiscalité énergétique – 3,9 milliards –, amplifiée par l’augmentation du prix du baril qui frappe davantage les familles modestes, explique largement le mouvement des gilets jaunes qui exprime un ras-le-bol fiscal de nos concitoyens. Le risque est grand d’un rejet de la transition énergétique si elle doit se faire au détriment du pouvoir d’achat.
C’est vrai ! Ces projets de loi sont-ils économiquement efficaces ? Les mesures en faveur des entreprises sont beaucoup moins importantes que vous ne l’annoncez. En effet, en évaluant à 18,8 milliards, en 2019, la baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises, vous prenez en compte 20 milliards qui constituent pour celles-ci une simple opération de trésorerie, liée à la transformation du CICE en exonération de charges. Ainsi, les entreprises connaîtront globalement une hausse de 1,2 milliard de leurs prélèvements obligatoires.
De plus, la politique à l’égard des entreprises est illisible. Plusieurs mesures vont dans le bon sens : on baisse le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 à 31 % – soit une économie de 2,4 milliards pour les entreprises – et on supprime le forfait social pour les entreprises de moins de cinquante salariés, ce qui représente 0,5 milliard d’économie. On pourrait également citer la dotation pour épargne des agriculteurs ou la réévaluation du crédit d’impôt recherche et innovation en Corse, qui constitue un pas vers l’instauration d’un statut fiscal propre à la Corse, dans le cadre d’un dialogue entre l’exécutif local et le Gouvernement. Mais, en même temps, on augmente le versement du cinquième acompte d’impôt sur les sociétés pour 1,5 milliard, on alourdit d’1 milliard la fiscalité énergétique sur les entreprises et on supprime le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques dans plusieurs branches, dont le bâtiment et les travaux publics, pour 1 milliard. On a du mal à comprendre la logique de toutes ces mesures !
Excellent ! Enfin, une bonne loi de finances doit être socialement juste. Là non plus, le compte n’y est pas. Vous l’aviez présentée comme celle de l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages à hauteur de 6 milliards. Vous vous étiez bien gardés de mentionner l’augmentation de 1,8 milliard des cotisations sociales salariales sur les complémentaires retraite, comme de parler de la sous-indexation du barème de l’impôt sur le revenu puisque vous ne l’avez indexé que sur un an et non deux, alors même que l’assiette passait des revenus 2017 aux revenus 2019, ce qui représente 1,1 milliard d’accroissement de cet impôt. Vous n’avez pas non plus parlé de la sous-indexation, en 2019 et en 2020, des retraites et des prestations familiales à hauteur de 0,3 %, alors que vos prévisions d’inflation pour 2019 – 1,4 %, en comptant le prix du tabac – sont inférieures aux moyennes des prévisions économiques qui tournent autour de 1,7 %, ce qui annonce une forte baisse du pouvoir d’achat pour 90 % des retraités.
Au total, la loi de finances comme la loi de financement de la sécurité sociale n’augmentent en rien le pouvoir d’achat des familles. Dans ces conditions et pour ces quatre raisons, le groupe Libertés et territoires votera majoritairement contre le projet de loi de finances pour 2019.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LT.) Bravo ! La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour le groupe La République en marche. Avec beaucoup de calme et d’humilité, j’aimerais, cet après-midi, que nous redisions ensemble, dans cette assemblée et devant les Français, quel est le sens de l’impôt. On en a bien besoin, oui ! En effet, l’impression prévaut aujourd’hui que toutes les taxes disparaissent dans un trou noir ; mais ce mythe est dangereux. Ce budget vient financer des politiques publiques, qui renvoient chacune au quotidien de nos concitoyens. Il faut arrêter de faire croire que, derrière ce budget, il n’y a pas de politiques concrètes qui s’adressent aux Français. (Exclamations sur plusieurs bancs.) Ah ça, il y a bien des politiques concrètes ! Ce budget tourne le dos aux oppositions habituelles, facteurs de division. Refusant d’enfermer les Français dans des situations figées, il veut leur ouvrir l’avenir tout en s’adressant à leur présent difficile. Elle rame ! Ainsi, ce budget n’oppose pas les entreprises et les travailleurs. Depuis plus d’un an, nous avons envoyé des signaux positifs aux entreprises mais, en contrepartie, nous leur avons demandé de faire des efforts en matière d’accompagnement des salariés et de transition écologique, notamment à travers le projet de loi PACTE défendu par le ministre de l’économie et des finances. Cette politique donne d’ores et déjà des résultats concrets : hier encore, aux côtés du directeur de Pôle emploi du bassin de Vichy, j’ai constaté que des emplois se créaient dans l’industrie et que le chômage reculait dans cette région. C’est une réalité concrète, une réalité de territoire.
Ce budget n’oppose pas non plus les territoires entre eux, refusant de choisir entre campagne et villes. La dotation globale de fonctionnement ainsi que tous les financements qui s’adressent aux collectivités sont maintenus, parfois en augmentation ; cela concerne tous nos concitoyens.
(Protestations sur les bancs du groupe LR.) Ces politiques sont menées dans nos territoires, au profit des Français ; il faut le dire et le redire.
La culture est également confortée. Ainsi, le dispositif « La culture hors les murs » représente une mesure concrète, inscrite dans le budget, qui s’adresse à tous les Français pour leur ouvrir des horizons et leur redonner leur pouvoir de citoyens.
L’État est aujourd’hui renforcé dans ses missions régaliennes : le budget de la défense augmente, ainsi que ceux de la sécurité et des solidarités. Tout cela, c’est la réalité.
(Mêmes mouvements.)