Séance du mardi 07 mai 2019
- Présidence de M. Richard Ferrand
- 1. Questions au Gouvernement
- Bilan de la politique gouvernementale
- Maintien de l’ordre
- Déplacement du Premier ministre en Charente
- Mobilisation nationale pour l’emploi
- Mobilités
- Montée de l’intolérance à l’université et poursuites pénales
- Crise humanitaire au Yémen
- Politique de l’environnement
- Désenclavement des territoires ruraux
- Droits des femmes dans le monde
- Délais de paiement
- Lutte contre l’intolérance à l’université
- Préservation de la biodiversité
- Manifestations du 1er mai
- Agence nationale du sport
- 2. Jeunes majeurs vulnérables (suite)
- Discussion générale (suite)
- Discussion des articles
- Article 1er
- Mme Justine Benin
- Mme Élisabeth Toutut-Picard
- Mme Mireille Robert
- Mme Carole Grandjean
- M. Cédric Roussel
- Mme Perrine Goulet
- Mme Martine Wonner
- Mme Mathilde Panot
- M. Stéphane Viry
- M. Alain Ramadier
- Mme Emmanuelle Anthoine
- M. François Ruffin
- Mme Gisèle Biémouret
- M. Jean-Louis Thiériot
- M. Joël Aviragnet
- Mme Elsa Faucillon
- Mme Danièle Obono
- Mme Nathalie Elimas
- M. Julien Borowczyk
- Rappels au règlement
- Article 1er(suite)
- Amendements nos 108, 109 et 120 rectifié (sous-amendement)
- Rappel au règlement
- Article 1er(suite)
- Après l’article 1er
- Article 2
- Mme Emmanuelle Anthoine
- Amendements nos 94, troisième rectification
- Article 3
- Article 4
- Article 5
- Après l’article 5
- Amendements nos 31 rectifié et 71
- Article 5 bis
- Article 5 ter
- Amendement no 102 rectifié
- Article 5 quater
- Amendement no 88
- Article 6
- Amendement no 96
- Suspension et reprise de la séance
- Article 7
- Amendement no 110 deuxième rectification
- Article 8
- Amendements nos 117 et 123 (sous-amendement)
- Article 9
- Mme Perrine Goulet
- Amendement no 107 rectifié
- Article 9 bis
- Amendement no 99 rectifié
- Après l’article 9 bis
- Article 10
- Amendement no 98
- Titre
- Article 1er
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Richard Ferrand
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au Gouvernement
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Bilan de la politique gouvernementale
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Monsieur le Premier ministre, deux ans jour pour jour après l’arrivée d’Emmanuel Macron aux responsabilités, l’espoir et le renouveau ont laissé la place à la déception, à la colère, au ras-le-bol. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.)
M. Maxime Minot
Il a raison !
M. Fabien Di Filippo
Un anniversaire loin d’être joyeux pour les Français ! Si toutes les fractures de notre pays ne sont pas apparues avec vous, vos décisions et votre arrogance collective ont contribué à toutes les aggraver. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Trois Français sur quatre rejettent déjà votre politique. Hausse de la CSG et des taxes sur le carburant, limitation à 80 kilomètres par heure : ce sont vos décisions ! Deux tiers des retraités ont subi de lourdes pertes de pouvoir d’achat, les entreprises redoutent maintenant les milliards d’euros d’impôts supplémentaires annoncés et les agriculteurs n’ont pas vu leurs revenus progresser ni leurs contraintes baisser.
Les Français ne sont pas dupes, monsieur le Premier ministre ! Vos mesures d’urgence ne leur rendent qu’une petite partie de ce que vous leur avez pris en 2018 et les chiffres concrets rendent bien mieux compte de la médiocrité de votre bilan que vos discours grandiloquents. Avec vous, la France n’est pas seulement devenue championne du monde de football : elle est surtout championne du monde des taxes et impôts qui étouffent entreprises et ménages. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Pour la première fois de son histoire, la France présentera cette année le pire déficit budgétaire de la zone euro, avec un montant de dépenses publiques jamais vu. En matière d’immigration, votre obsession à vouloir répartir les migrants plutôt qu’à empêcher l’arrivée de ceux que nous ne pouvons plus accueillir débouche sur un record de titres de séjour et une hausse de 11 % de l’immigration. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Ces résultats déplorables et vos dépenses supplémentaires sans économies sont la garantie d’un nouveau matraquage fiscal pour les entreprises et les salariés. L’affaire Benalla et les gilets jaunes, enfin, ont montré votre cynisme, vos dissimulations et votre manque de lucidité et d’écoute.
Monsieur le Premier ministre, après avoir dit tout et son contraire pendant deux ans, comptez-vous continuer à faire de votre mandat le jumeau pitoyable de celui de François Hollande ? (M. Marc Le Fur applaudit.) Ce sont toujours les travailleurs et les classes moyennes qui, in fine, payent la note de votre absence de courage et de vos mensonges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, qui me donne l’occasion d’effectuer un point d’étape sur l’action du Gouvernement depuis deux ans. Je crois utile en la matière de rappeler d’où nous partions.
M. Éric Straumann
Allons-y !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État
Quelle situation avons-nous trouvée en arrivant aux responsabilités ? (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Tout d’abord, un taux de chômage très élevé.
M. Maxime Minot
Vous étiez où, avant ?
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État
Notre pays, depuis des décennies, était abattu par un chômage de masse qui, je le rappelle, s’élevait à 9,6 % en 2017. (Mêmes mouvements.)
M. Thibault Bazin
Et qui était à Bercy ?
M. le président
S’il vous plaît !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État
Il est de 8,8 % en 2018. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Dans notre pays, l’idée même de l’ascenseur social n’était plus qu’un concept, et non une réalité. Et ce pays, enfin, était perclus de déficits : en 2016, le déficit public s’élevait à 3,5 % du PIB. Nous avons réussi à le ramener à 2,8 % en 2017 et à 2,5 % en 2018.
Un député du groupe LR
Et le prix du pétrole ?
M. Christian Jacob
Et l’affaire Benalla ?
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État
Pour mesurer le chemin parcouru depuis ces deux dernières années, il est utile de rappeler les objectifs du Gouvernement. Notre premier objectif était de relancer le moteur économique : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons, à travers une politique fiscale ambitieuse, relancé l’investissement. Je vous rappelle aussi la réforme de l’ISF que nous avons menée, la diminution attendue de l’impôt sur les sociétés et enfin la mise en place du prélèvement forfaitaire unique.
M. Fabien Di Filippo
Vos éléments de langage sont périmés !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État
De la même manière, nous avons eu comme ambition de fluidifier le marché du travail. Le résultat est au rendez-vous puisque nous avons créé 500 000 emplois en deux ans et que le taux de chômage a baissé de plus d’un point depuis que nous sommes arrivés aux responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Notre ambition est également d’attaquer les inégalités à la racine, tant les inégalités de destin, avec l’école de la confiance, que les inégalités du quotidien.
M. Thibault Bazin
Vous ne répondez pas à la question ! Vous lisez des fiches !
M. Éric Straumann
Ce n’est pas la bonne page !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État
C’est la raison pour laquelle nous avons investi massivement, afin que le travail paye mieux en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je crois fortement que nous avons réduit ces inégalités.
Notre dernière priorité enfin est l’écologie. Je n’irai pas plus loin, mais je suis fière de ce bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe MODEM.)
Maintien de l’ordre
M. le président
La parole est à Mme Aurore Bergé.
Mme Aurore Bergé
Monsieur le ministre de l’intérieur, le 1er mai, des hommes et des femmes portant des convictions sincères, animés par leur engagement syndical, ont manifesté dans les rues de France. Par l’action de votre ministère, par celle des forces de l’ordre, par le renforcement de notre législation par la loi dite « anti-casseurs », la liberté de ceux qui manifestent a pu être garantie.
M. Stéphane Peu
C’est faux !
Mme Aurore Bergé
À plusieurs reprises, des individus ultra-violents ont cherché à se former en black bloc. Ces individus étaient là pour casser, pour brutaliser. Ils ont systématiquement été mis en échec par l’action des forces de l’ordre qu’il convient une nouvelle fois de remercier pour leur sang-froid et leur engagement sans faille. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Ceux qui utilisent les termes de violences policières, les mêmes qui voudraient que la France s’inspire du Venezuela ou de la Russie, peut-être également pour le maintien de l’ordre…
Un député du groupe FI
Ils éborgnent les manifestants là-bas ?
Mme Aurore Bergé
…devraient s’attarder sur les conséquences du discrédit généralisé qu’ils jettent sur nos forces de l’ordre.
M. Éric Straumann
En matière de discrédit vous êtes experte !
Mme Aurore Bergé
Le 1er mai à Paris, un policier a été blessé gravement au visage. Il a été opéré et c’est à lui, monsieur le ministre de l’intérieur, et aux forces de l’ordre que vous avez rendu visite à la Pitié-Salpêtrière.
S’agissant de La Pitié-Salpêtrière, je ne peux pas, monsieur le ministre, ne pas mentionner les faits, rien que les faits.
Des individus ont pénétré par la force le 1er mai dernier dans l’enceinte d’un hôpital public. Ils ont cherché ensuite à s’introduire dans un service de réanimation. Le sang-froid des soignants a été remarquable, l’action des forces de l’ordre efficace. L’enquête seule révélera les raisons de cette intrusion et leurs intentions.
M. Éric Straumann
Vous y étiez ?
Mme Aurore Bergé
Mais je suis sidérée que certains ici aient à ce point intériorisé et légitimé la violence de notre société, quand ils ne l’ont pas encouragée, préférant faire l’exégèse de vos propos plutôt que de condamner la violence des faits et des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Roussel
La violence, c’est vous !
Mme Aurore Bergé
Aussi, monsieur le ministre, avec le soutien et la confiance de notre majorité, pouvez-vous nous assurer que vous ne dévierez pas de votre ligne qui garantit les libertés publiques et la sécurité de nos concitoyens ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
Un député du groupe FI
Et des fake news !
M. Fabien Di Filippo
Big bisous !
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur
Replaçons-nous un instant dans le contexte de la veille du 1er mai. Chacun a en mémoire les violences répétées des derniers samedis, mais aussi celles des 1er mai 2017 et 2018. Des menaces extrêmement sérieuses pesaient sur cette journée de manifestations. Entre 1 000 et 2 000 activistes étaient annoncés dans la capitale et, je vous le dis, les casseurs étaient là. Mais le 1er mai leurs tentatives ont été de façon systématique repoussées. Nous avons évité les pires débordements…
M. Pierre Cordier
Parlez-nous de la Pitié-Salpêtrière !
M. Christophe Castaner, ministre
…notamment en procédant à 19 785 contrôles préventifs, en faisant en sorte que 361 personnes soient interpellées et 328 placées en garde à vue dans le cadre de contrôles où elles étaient porteuses d’armes par destination.
M. Éric Straumann
Et vous comptez recommencer tous les samedis ?
M. Christophe Castaner, ministre
Certes, madame la députée, des dégradations ont été commises mais nos policiers et nos gendarmes ont empêché le 1er mai des violences majeures de se produire. Ils y sont parvenus, malgré les tentatives de débordements aux abords de la place d’Italie que vous avez évoquées. Je pense notamment aux violences contre le commissariat du XIIIe arrondissement pris pour cible à 15h47. Je pense à ceux qui ont tenté de s’introduire dans une école primaire à 16h01. Je pense à ce CRS tombé et évacué par ses camarades sous les cris d’« achevez-le ! » à 16h47.
M. Stéphane Peu
Et les violences contre la CGT ?
M. Christophe Castaner, ministre
À Paris, grâce à un dispositif et une stratégie de maintien de l’ordre efficace, nos forces de l’ordre ont contenu les casseurs.
Sachez que, sur la base des éléments qui m’ont été fournis quand je me suis rendu à l’hôpital, j’ai prononcé le mot d’attaque. Sachez, madame la députée, mesdames et messieurs les députés, que sur la base des éléments qui m’ont été fournis le lendemain, j’ai fait le choix assumé d’évoquer, comme la directrice de l’établissement, une « intrusion violente ». Dans tous les cas, ce sont nos services publics qui ont été menacés et qui ont été protégés et préservés par les forces de sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Déplacement du Premier ministre en Charente
M. le président
La parole est à M. Jérôme Lambert.
M. Jérôme Lambert
Monsieur le Premier ministre, vous venez de passer deux jours en Charente pour vous rendre compte sur le terrain des résultats des politiques que vous conduisez.
Pour vous interroger à ce propos je retiendrai deux temps d’échanges auxquels j’ai assisté.
Les producteurs laitiers et les éleveurs bovins vous ont indiqué leurs déceptions à propos des conséquences de la loi Agriculture et alimentation, adoptée en octobre dernier : pas d’augmentation significative du prix du lait, et même une baisse de 4 % des prix de la viande aux producteurs.
M. Fabien Di Filippo
On vous l’avait bien dit !
M. Jérôme Lambert
Devant votre étonnement les producteurs vous ont indiqué que tout cela était le résultat de votre loi. Monsieur le Premier ministre, vous avez eu là un compte rendu de terrain très clair !
Votre loi a cependant servi de prétexte à la grande distribution pour augmenter ses prix pour les consommateurs. Qui sont les grands gagnants de votre politique ?
Vous avez ensuite rencontré des salariés d’une manufacture, afin de faire le bilan des mesures prises en faveur du pouvoir d’achat. Que vous ont-ils dit ? Leur première expression, je l’ai relevée, a été de vous répondre tout simplement : zéro impact ! Pas de droit à la prime d’activité, même en étant rémunérés au SMIC, en raison des revenus même très modestes d’un conjoint – comme une pension d’invalidité, l’exemple vous a été donné !
Pas d’impact non plus de la défiscalisation car aucun salarié n’était soumis à l’impôt sur le revenu en étant payé au SMIC même après vingt ans d’ancienneté.
Par contre, ils vous ont tous dit que les charges de la vie courante augmentent, le carburant et l’énergie en particulier, et évoqué l’impossibilité de changer de véhicule pour venir travailler même avec la prime à cause du refus du banquier !
M. Pierre Cordier
À part ça le pouvoir d’achat augmente !
M. Jérôme Lambert
Vous avez entendu tout cela, monsieur le Premier ministre, et pourtant vous persistez à mettre en œuvre une politique d’austérité. Dix-sept milliards pour des dizaines de millions de travailleurs et retraités, quand 57 milliards de dividendes ont été distribués à quelques milliers d’actionnaires du CAC 40, pour ne parler que de ceux-là !
Monsieur le Premier ministre, les Français que vous avez rencontrés, agriculteurs et salariés, vous le disent : le compte n’y est pas ! En aviez-vous conscience avant de venir à la rencontre des Charentais, et quelles leçons en tirez-vous aujourd’hui ?
M. le président
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre
Merci, monsieur le député, de m’offrir l’occasion de revenir sur le déplacement de 48 heures que j’ai eu l’occasion d’effectuer dans le magnifique département de la Charente, qui m’a permis de rencontrer en effet les parlementaires qui siègent sur les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat, quelle que soit leur famille politique, les présidents d’EPCI, les maires, et au-delà des élus des représentants des agriculteurs, des salariés de la manufacture qui produit les célèbres charentaises, des représentants du monde de la viticulture, bref les forces vives de la Charente, pour évoquer avec eux l’impact des décisions qui ont été annoncées par le Président de la République et mises en œuvre par le Gouvernement, votées par l’Assemblée nationale et le Sénat et qui ont donné lieu à la loi promulguée le 24 décembre dernier.
Vous étiez présent, monsieur le député, et je vous en remercie, certes pas à l’ensemble des rendez-vous que j’ai pu avoir mais je tenais à ce que mes rencontres avec les représentants des syndicats agricoles ou des salariés de cette manufacture aient lieu en présence des représentants de la Nation.
Je retire des échanges que j’ai pu avoir à ces deux occasions des enseignements légèrement différents de ceux que vous évoquez. J’ai entendu cet exploitant laitier me dire des choses un peu différentes de ce que vous avez dit. Il m’a dit effectivement que les prix des productions laitières ont trop légèrement augmenté, mais que les négociations s’étaient déroulées dans un contexte bien différent de celles qui avaient eu lieu dans les années précédentes parce que la discussion avait été engagée. Je vous connais suffisamment, monsieur le député, pour savoir que vous aurez l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que ces propos ont été tenus au cours de la réunion à laquelle nous assistions vous et moi. Il a été dit que la tonalité des négociations avait changé, que nous allions dans le bon sens et qu’il fallait aller plus loin.
M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’est engagé à continuer à faire pression pour que les négociations aboutissent à la fixation d’un prix qui permette aux producteurs de vivre décemment.
Je retiens que les producteurs et les représentants des organisations agricoles qui étaient présents ont indiqué que tout n’était pas fait mais que nous allions dans le bon sens. Je crois que nous pouvons faire état de cette conclusion.
S’agissant des mesures destinées à augmenter le pouvoir d’achat des actifs, je retiens une chose que vous avez oublié de mentionner – car c’est évidemment un oubli : l’impact du versement des primes exceptionnelles. Il a été salué par les ouvrières et les ouvriers qui étaient présents à notre réunion. Vous ne l’avez pas mentionné mais c’est un fait.
M. Pierre Cordier
C’est l’argent des entreprises !
M. Édouard Philippe, Premier ministre
Je retiens un deuxième argument. Les salariés nous ont demandé pourquoi nous avions décidé de passer par une prime d’activité plutôt que par une augmentation des salaires.
M. Sébastien Jumel
Ils ont raison !
M. Édouard Philippe, Premier ministre
C’est une bonne question et nous y avons répondu en disant que nous avions fait le choix assumé de ne pas faire supporter directement par les entreprises l’augmentation du pouvoir d’achat parce que cela nuirait à leur compétitivité alors qu’elles sont en concurrence.
Ce que je retiens de cet entretien et qui ne m’a pas surpris, monsieur le député, c’est que ce discours, qui est un discours de vérité, est parfaitement compris par ceux qui sont concernés par ces mesures. Je retiens de même que si les heures supplémentaires n’ont pas bénéficié à ces ouvrières et à ces ouvriers, comme vous l’avez dit, c’est pour une raison simple : dans cette entreprise c’est l’annualisation du temps de travail qui prévaut. Quand il y a une annualisation du temps de travail, lorsque la production est cyclique, la question des heures supplémentaires ne se pose pas de la même façon. Mais vous avez forcément entendu ce que j’ai indiqué par la suite : au seul premier trimestre de l’année 2019, cette mesure sur les heures supplémentaires a permis de redistribuer 670 millions d’euros de pouvoir d’achat à 6,8 millions de Français : c’est considérable !
Cela ne concerne pas que les salariés du privé mais aussi 1,5 million d’agents publics. Cela veut dire que ces mesures de pouvoir d’achat – prime d’activité, heures supplémentaires, prime exceptionnelle, remboursement pour ceux qui bénéficient de l’annulation de la CSG – ont permis la redistribution d’un montant considérable de pouvoir d’achat. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de le préciser.(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mobilisation nationale pour l’emploi
M. le président
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Monsieur le Premier ministre, vous avez lancé hier la mobilisation nationale pour l’emploi et pour les transitions écologique et numérique, avec l’idée centrale de faire davantage de sur-mesure pour nos concitoyens.
M. Patrick Hetzel
Pour essayer de sauver les élections européennes, mais cela ne suffira pas !
Mme Naïma Moutchou
Il est vrai qu’une partie de nos politiques publiques comporte certains angles morts. Je pense aux jeunes en apprentissage, l’un des chantiers que vous avez ouverts. Beaucoup a été fait en deux ans par le Gouvernement, la ministre du travail et la majorité en la matière mais des obstacles du quotidien demeurent, que la loi ne peut pas résoudre car elle ne peut pas tout.
M. David Habib
C’est maintenant que vous vous en apercevez ?
Mme Naïma Moutchou
Comment dans le Val d’Oise, par exemple, fait-on se rencontrer des jeunes qui vivent en milieu rural et qui cherchent un stage et le monde de l’entreprise ? Comment facilite-t-on leurs déplacements entre le lieu du stage et le lieu de l’école d’un bout à l’autre du département ? Comment résout-on le problème du logement qui se pose souvent, alors que ces jeunes alternent semaines en entreprise à un endroit et semaine de cours à un autre ?
M. Gilles Lurton
On commence par arrêter de fermer les CFA !
Mme Naïma Moutchou
Autant de questions concrètes qui appellent des réponses concrètes, au plus près du terrain et avec tous les acteurs concernés.
C’est ainsi que vous avez réuni hier élus locaux, organisations syndicales et patronales, associations environnementales et familiales, représentants de la Caisse d’allocations familiales, pour une large concertation, ambitieuse et inédite, dont la méthode a été saluée et dont l’objectif est essentiel : laisser davantage de responsabilités à ceux qui sont les mieux placés pour trouver des solutions justes, territoire par territoire, à ceux qui savent mieux que quiconque développer ce qui marche et corriger ce qui ne marche pas.
C’est dans cette démarche collective que nous trouverons en effet des réponses pratiques aux difficultés non moins pratiques de nos concitoyens dans les nombreux domaines qui les concernent directement. Vous en avez parlé hier : offres d’emploi non pourvues, moyens de faciliter le retour à l’emploi, accompagnement des territoires pour réussir les transitions, écologie au quotidien et rénovation thermique des bâtiments. Dans chacun de ces champs, nous devons nous adapter aux enjeux locaux avec les outils qui existent déjà et avec ceux qui sont concernés au premier chef.
Pouvez-vous nous préciser comment sera mise en œuvre cette méthode de travail collectif et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Oui, vous l’avez dit, madame la députée, le Premier ministre a réuni hier les représentants de toutes les associations d’élus, des collectivités territoriales, des partenaires sociaux, des associations dans le domaine écologique, social et familial, afin de voir ensemble comment franchir une étape supplémentaire, après celle des lois, des programmes, des financements, pour s’assurer que ces politiques parviennent au but, c’est-à-dire à chacun de nos concitoyens, dans leur quotidien.
Oui, les politiques publiques comportent des angles morts, souvent à l’intersection de plusieurs d’entre elles. Par exemple, la dynamique impulsée par la loi sur l’apprentissage est réelle puisque le nombre d’apprentis a augmenté de 8 % l’année dernière. Cette dynamique est encore plus forte en début d’année, avec une hausse de 40 % des demandes des jeunes.
Ces jeunes doivent trouver des entreprises, et les entreprises veulent trouver des jeunes : il faut donc faire se rencontrer l’offre et la demande. Certains jeunes qui vivent en zone rurale doivent aller en internat ou trouver un logement. En la matière, les compétences sont très diverses : région, département, commune, État, partenaires sociaux, entreprises… Il en est de même en matière de transport. Sans compter que des jeunes de 28 ou 30 ans en apprentissage peuvent être aussi confrontés à des problèmes de garde d’enfants… Nous voyons bien que c’est la mobilisation de tous les acteurs, sur le terrain, qui importe, et que les questions doivent être traitées à Perpignan, à Strasbourg ou en Charente, et pas seulement à Paris à travers des textes de loi.
Dans cette mobilisation, bien d’autres questions sont tout aussi importantes, dont celle des freins à la reprise d’emploi. Nous avons les programmes de formations, nous avons les financements, avec le plan d’investissement compétences, mais, sur le terrain, il faut parvenir à réaliser un ajustement subtil.
Il en est de même s’agissant de l’accompagnement des territoires pour les questions liées à la transition écologique, aux demandeurs d’emploi, à la garde d’enfants – en particulier pour les mères seules – ou au logement.
Sur tous les sujets, cette mobilisation territoriale, en commençant par les préfets et les présidents de région, qui verront s’il est besoin d’agir au plan infra-territorial, nous permettra d’aller plus loin. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mobilités
M. le président
La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent Descoeur
Monsieur le Premier ministre, pendant ces longues semaines de grand débat national, la question de la mobilité au quotidien, dans les territoires, a été soulevée par de nombreux intervenants, au premier rang desquels les maires des communes rurales.
La question du prix des carburants, celle de la limitation de vitesse à 80 kilomètres heure…
M. Éric Straumann
Eh oui !
M. Vincent Descoeur
…ne sont pas étrangères à la colère qui s’est exprimée dans les territoires. Elles demeurent un sujet de préoccupation pour nos concitoyens, assurément plus que l’hypothétique lifting de l’ENA, dont ils n’ont pas fait une priorité.
M. Pierre Cordier
En effet !
M. Vincent Descoeur
Depuis le début de l’année, les prix des carburants sont repartis à la hausse et sont en passe aujourd’hui d’atteindre des niveaux records, ce qui suscite une inquiétude légitime chez ceux qui n’ont pas d’alternative à l’utilisation quotidienne de leur véhicule et ne peuvent pas se contenter de réponse à long terme.
M. Thibault Bazin
Tout à fait !
M. Vincent Descoeur
Si le Gouvernement n’a pas la maîtrise des cours du pétrole, il a en revanche le pouvoir de moduler les taxes ou de les plafonner pour ne pas rajouter à la flambée des prix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Maxime Minot
Eh oui !
M. Vincent Descoeur
Autre sujet qui concerne directement la mobilité dans les territoires : la limitation de vitesse, imposée sans concertation, contestée par de nombreux élus locaux, qui ont vu dans leur territoire les temps de trajet revenir à ce qu’ils étaient dans les années quatre-vingt. La pertinence de cette mesure n’est pas avérée. Elle a d’ailleurs été discutée jusqu’au sommet de l’État puisque le Président lui-même a concédé qu’il s’agissait d’une erreur – peut-être a-t-il utilisé un autre terme –…
M. Éric Straumann
Une connerie.
M. Vincent Descoeur
…et qu’elle méritait d’être appliquée de façon plus intelligente. Une majorité de nos concitoyens en réclame l’adaptation au cas par cas, comme nous l’avons proposé sur ces bancs.
Force est de constater que ces deux questions, qui conditionnent la mobilité au quotidien, n’ont fait l’objet à cette heure d’aucune réponse concrète. Aussi, à quelques semaines de l’examen, par l’Assemblée nationale, de la loi d’orientation sur les mobilités, ma question est simple : allez-vous enfin vous prononcer pour un assouplissement des 80 kilomètres heure et décider d’une modulation des taxes sur les carburants pour endiguer la flambée des prix à la pompe ? (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur
Trois questions en une, monsieur le député.
La première concerne les mobilités et l’accessibilité à la conduite. Lors d’un déplacement en Charente, la semaine dernière, le Premier ministre et moi-même avons annoncé des mesures afin de rendre le permis de conduire moins cher et plus accessible.
M. Pierre Cordier
Ce n’est pas la question !
M. Christophe Castaner, ministre
Il y avait trois questions, monsieur le député. Je vais essayer d’y répondre rapidement, sauf si vous souhaitez m’interrompre. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.) J’ai commencé par répondre à la première question.
M. Éric Straumann
Réponse dilatoire !
M. Christophe Castaner, ministre
La deuxième question concerne la hausse des cours du pétrole dans le monde, qui montre combien il est nécessaire de sortir de la dépendance pétrolière à tous les niveaux, y compris à travers des investissements massifs comme ceux qui viennent d’être décidés récemment en matière de batteries, afin que les véhicules électriques puissent se développer et que l’Europe en soit la championne.
Plus globalement, il s’agit d’aider les Français à changer de véhicule, avec des primes pouvant aller jusqu’à 6 000 euros. La dépendance au pétrole est un mal dont on souffre en effet dans le Cantal mais aussi dans les Alpes-de-Haute-Provence, département où je suis élu.
Troisième question, les 80 kilomètres par heure. Vous avez posé comme principe que cette modulation n’a eu aucun impact en matière de sécurité routière, mais nous constatons qu’en 2018 le nombre de personnes tuées a baissé de 13 %. Par rapport à la moyenne des cinq dernières années, au second semestre, ce sont 116 vies qui ont été épargnées.
Les chiffres de ce début d’année sont mauvais pour la raison que vous savez – la neutralisation de 75 % de nos radars – mais il n’en reste pas moins que l’on compte 13 % de morts en moins. Au quotidien, ce sont des vies qui sont sauvées.
Le débat a été ouvert, il se poursuivra, vous aurez l’occasion d’en reparler : il est en effet essentiel de réfléchir à la façon d’adapter la vitesse et les mesures de sécurité en fonction du risque effectif de mort routière.
M. le président
Merci, monsieur le ministre…
M. Christophe Castaner, ministre
Mais le Gouvernement veillera à une priorité absolue : sauver des vies. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Montée de l’intolérance à l’université et poursuites pénales
M. le président
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.
Mme Laurence Vichnievsky
Madame la garde des sceaux, depuis plusieurs années s’est installé en France un climat d’intolérance dont les manifestations ont tendance à se banaliser : c’est l’organisation d’ateliers de formation « décoloniaux » dans des locaux universitaires réservés aux « racisés », c’est-à-dire interdits aux Blancs ; c’est l’interdiction par plusieurs organisations se réclamant de la lutte contre la « négrophobie » des représentations d’une pièce d’Eschyle à la Sorbonne ; ce sont, plus récemment, les menaces de mort proférées contre Alain Finkielkraut pour l’empêcher de donner une conférence à Sciences-Po, qui ont obligé les organisateurs à l’accueillir dans un autre bâtiment.
Tous ces actes suscitent sans doute la réprobation générale et la publication d’éditoriaux indignés, mais nous ne savons pas si des poursuites pénales ont été engagées contre leurs auteurs qui sont, semble-t-il, facilement identifiables.
Or la fourniture d’un service conditionnée à un critère de discrimination, c’est un délit. De la même manière, la menace de mort avec ordre ou sous condition est constitutive d’un délit. Les responsables universitaires cèdent à ces violences, parce qu’ils n’ont pas d’autre choix.
D’accommodements raisonnables en compromis opportunistes, nous nous engageons dans l’acceptation tacite d’une société d’intolérance. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.)
Madame la ministre, la République ne peut plus reculer. Pouvez-vous nous dire si des poursuites ont été engagées contre les auteurs de ces agissements ? Dans la négative, avez-vous l’intention d’adresser aux parquets des instructions en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LR et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Vous le savez il ne m’appartient pas de donner des instructions individuelles aux magistrats du parquet.
M. Jean-Luc Mélenchon
Mon œil !
M. Claude Goasguen
Mais vous pouvez envoyer des circulaires générales !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Eux seuls peuvent apprécier si les faits portés à leur connaissance sont susceptibles de justifier en droit et en fait des poursuites.
Lorsque des plaintes sont déposées, notamment sur les faits que vous avez soulevés, les magistrats du parquet n’hésitent pas à les poursuivre, comme ce fut le cas pour la pièce d’Eschyle dont vous vous êtes fait le porte-parole. Dans ce cas-là précisément, comme dans d’autres situations, une enquête a été diligentée par le parquet. Elle a été spécialement confiée à la brigade de répression de la délinquance contre les personnes, car évidemment c’est de cela que relevaient ces faits.
M. Christian Hutin
Que pense le Gouvernement de tels actes ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
S’il ne m’appartient pas de donner des instructions individuelles, en revanche il m’appartient d’adresser des instructions générales aux procureurs généraux. C’est précisément parce qu’il nous a semblé que cette situation était particulièrement délicate, que j’ai adressé, le 4 avril dernier, une instruction à l’ensemble des parquets pour la lutte contre les discriminations.
M. Claude Goasguen
Très bien !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
J’ai appelé l’attention des parquets sur trois points. D’abord, je leur ai dit que j’attendais d’eux une extrême vigilance dans la conduite de l’action publique concernant ce type d’acte afin d’identifier les auteurs. Ensuite, pour s’assurer de la qualité des procédures, ce qui est indispensable, j’ai demandé aux procureurs de sensibiliser les services d’enquêtes et de procéder à un accueil attentif des victimes et de construire des partenariats locaux. Enfin, j’ai souhaité, chaque fois que des responsables de ce type de propos ou d’agissements étaient identifiés, que le ministère public apporte systématiquement – je dis bien systématiquement – une réponse pénale adaptée à l’infraction qui a été commise et à la personnalité des auteurs.
Je vous assure, madame la députée, que sur ces questions-là, la République ne recule pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LR.)
M. le président
Je demande à toutes et tous de respecter le temps de parole de deux minutes : cela me gêne de devoir chaque fois vous interrompre.
Crise humanitaire au Yémen
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Monsieur le Premier ministre, depuis 2015 la coalition militaire emmenée par l’Arabie saoudite pour écraser la rébellion yéménite a créé ce que l’ONU a appelé la pire crise humanitaire du monde. Plus de 60 000 personnes ont été tuées et plus de 16 millions de Yéménites sont menacés de famine. Un enfant y meurt toutes les cinq minutes.
Mais la France, au nom de sa diplomatie du porte-monnaie, continue à vendre des armes à l’Arabie saoudite en toute opacité. Pour preuve, au Havre est attendu le cargo Bari Yanbou, appartenant à la compagnie nationale saoudienne, pour embarquer des pièces d’artillerie de fabrication française à destination du port saoudien de Djeddah.
Or une note « confidentiel défense » de la direction du renseignement militaire, dévoilée le 15 avril dernier, indique que les canons CAESAR placés à la frontière entre l’Arabie saoudite et le Yémen, bombardent des zones habitées par près d’un demi-million de civils.
Monsieur le Premier ministre, nombre de démocraties qui font du commerce d’armes le font sous le contrôle de leur parlement. En Allemagne, le parlement a décidé de geler, depuis octobre 2018, les ventes d’armes à l’Arabie saoudite, y compris en interdisant les matériels militaires d’autres pays utilisant des composants allemands. Une dizaine d’autres pays l’a fait parce que le risque est avéré.
La réponse que Mme la ministre des armées a faite récemment au Sénat à ce sujet n’est pas crédible. Non, vous ne pouvez pas garantir aux Français que les armes fabriquées dans notre pays ne sont pas utilisées pour ces horreurs.
Et puisque vous ne le pouvez pas et que l’Élysée s’acharne à maintenir ces ventes d’armes, les députés communistes pensent qu’il faut modifier la loi pour que notre Parlement devienne central dans le contrôle des exportations d’armes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous informer les représentants du peuple du chargement prévu au Havre, en toute transparence ? Notre pays respecte-t-il la décision allemande ? Comment comptez-vous prouver aux Français que les armes de fabrication française ne sont pas utilisées à des fins offensives au Yémen en violation du traité sur le commerce des armes, notamment les articles 6 et 7 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées
Monsieur le député, vous l’avez rappelé, la guerre au Yémen est une guerre sale, et je crois que nous pouvons être entièrement d’accord à ce sujet. C’est pourquoi nous appelons de nos vœux une solution politique.
La guerre au Yémen est née d’un conflit interne. En 2004, la guerre civile éclate et voit la rébellion houthie, qui représentait 15 % de la population, démarrer une lutte contre le pouvoir central.
M. Stéphane Peu
Ce n’est pas la question !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État
Les rebelles houthis, implantés dans le nord du Yémen, effectuent des actions de harcèlement dans les provinces saoudiennes frontalières.
M. Christian Hutin
C’est de la géopolitique enseignée en terminale !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État
Je rappelle que 200 attaques ont eu lieu depuis le mois de janvier 2019, en majorité des tirs de roquettes, et qu’il est procédé à des tirs d’engins balistiques sur le territoire saoudien –une vingtaine par an depuis 2016.
M. Stéphane Peu
Répondez à la question : que se passe-t-il demain au Havre ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État
La France est depuis longtemps engagée en faveur du processus de paix. Le Gouvernement a récemment reçu l’envoyé spécial des Nations unies, M. Griffiths, et lui réitère son plein soutien dans sa mission difficile.
Le Gouvernement n’a jamais nié l’existence d’armes d’origine française au Yémen.
M. Christian Hutin
Eh oui !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État
Comme l’a dit Mme Florence Parly, nous n’avons pas la preuve que ces armes sont employées contre les populations civiles. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
M. André Chassaigne
Si, vous avez des preuves ! C’est honteux !
M. Stéphane Peu
Ce n’est pas une réponse !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État
Croire que cet horrible conflit disparaîtrait si la France mettait fin à son partenariat avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis est faux.
On ne peut pas abandonner des pays qui font face à des menaces contre Al-Qaïda qui nous a frappés sur notre propre sol en 2015.
M. Christian Hutin
Qui a écrit le papier que vous lisez ? Il faut le virer !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État
Enfin, vous le savez, Le Havre est un grand port français, c’est un port majeur qui accueille notamment les cargos des pays du Golfe et dessert la région du Moyen-Orient. Il n’est donc pas étonnant qu’un cargo saoudien s’y arrête. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Vives protestations sur les bancs des députés des groupes GDR, SOC et FI, qui se lèvent et quittent l’hémicycle.)
M. André Chassaigne
C’est honteux !
M. Pascal Lavergne
Au revoir !
Politique de l’environnement
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Hier, lors du G7 Environnement, un représentant des peuples amazoniens a appelé l’attention du monde sur les atteintes portées à l’environnement et la biodiversité.
Cette tragédie qui se joue actuellement voit les activités d’une seule espèce, l’être humain, conduire à la disparition d’un million d’autres. Le rapport remis hier le confirme : nous sommes à l’aube de la sixième extinction de masse de la biodiversité, du fait de notre propre modèle de développement. « Un changement en profondeur est nécessaire » indique le rapport.
Il y a cinq ans, notre Assemblée recevait déjà un autre représentant de l’Amazonie, le chef Raoni. Qu’avons-nous fait depuis ? Sous l’impulsion de Ségolène Royal et de Barbara Pompili, nous avons adopté en 2016 une loi pour la reconquête de la biodiversité. En juillet 2018, le ministre d’État Nicolas Hulot a présenté le plan biodiversité du Gouvernement, avec cette phrase forte : « Ce plan marque un changement d’échelle dans la politique de protection de la nature et fait de la lutte contre l’érosion de la biodiversité une priorité de l’action du Gouvernement ».
Pourtant, depuis, vous avez agi contre la biodiversité en reculant sur vos propres engagements, par exemple en retardant la date d’interdiction de certains plastiques jetables comme les pailles, en acceptant l’huile de palme carburant ou en réduisant la capacité d’action du Conseil national de protection de la nature. Il ne s’agit plus d’être dans le temps des annonces, voire des peurs, mais de passer à l’action pour que l’urgence écologique soit considérée comme aussi grave, si ce n’est pire, que la dette économique.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous enfin prêt à transformer en profondeur la politique que vous menez afin d’opérer un changement de société ? La survie de l’humanité est en jeu. Il y a une urgence écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
Le Président de la République a reçu hier les scientifiques, le président, la secrétaire générale de l’IPBES – plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques –, qui établit un rapport scientifique de l’état de la biodiversité dans le monde. Nous pouvons d’ailleurs être fiers de cet organisme international dont l’initiative revient à la France, en 2005, sous la présidence de Jacques Chirac. Malheureusement, il a mis du temps à se mettre en place : créé en 2012, il s’est réuni pour la première fois en 2013. Le Gouvernement a souhaité qu’il se réunisse cette année à Paris, quelques jours avant la réunion du G7 Environnement, pour analyser concrètement la situation et réfléchir aux actions à mener.
S’agissant des actions en faveur de la biodiversité, vous avez rappelé l’importance de la loi de 2016, que l’on doit à Barbara Pompili, secrétaire d’État en charge de la biodiversité. Cette loi a interdit les néonicotinoïdes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Vous pouvez en effet applaudir, car ce fut un combat de faire adopter cette loi à l’époque et de prendre des mesures concrètes !
Alors que le débat perdurait depuis des années, l’usage des pesticides néonicotinoïdes, dits pesticides tueurs d’abeilles, a enfin été interdit en 2016, et cette décision a été appliquée comme prévu en 2018, l’année dernière. L’engagement pris a été tenu. Le champ de l’interdiction a même été étendu dans la loi agriculture et alimentation, votée l’année dernière, afin d’éviter tout contournement de cette disposition.
Nous poursuivrons notre politique de protection des espaces naturels, en créant un parc naturel forestier cette année, à cheval entre la région Bourgogne-Franche-Comté et la région Champagne-Ardenne. Nous fusionnerons l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage en un Office français de la biodiversité qui comptera près de 5 000 agents dédiés à la biodiversité.
Plus que jamais, dans le domaine de la biodiversité, nous devons regarder la réalité en face et passer à l’action. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Désenclavement des territoires ruraux
M. le président
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.
M. Pierre Morel-À-L’Huissier
Madame la ministre des transports, la commission des lois de l’Assemblée engagera, cet après-midi, la discussion autour du projet de loi d’orientation des mobilités. Sans vouloir faire l’exégèse de ce projet que vous portez, et qui aborde bon nombre de problématiques liées aux transports dans le territoire français, je souhaite évoquer la question du désenclavement des territoires ruraux.
Nous sommes ici de nombreux représentants de ces territoires qui ne disposent pas de moyens de transports en commun urbains ou péri-urbains, et qui sont en outre confrontés à la fracture numérique. La voiture ou le train restent les moyens traditionnels de locomotion.
Quelle est votre vision des mobilités en milieu rural, en particulier pour ce qui est des infrastructures routières et ferroviaires ?
L’État a conservé la maîtrise d’ouvrage d’un certain nombre de routes nationales souvent transversales, qui sont en mauvais état ou inadaptées aux déplacements modernes. Quel engagement financier est prévu pour le réseau routier national dans les dix prochaines années ? En fonction de quels critères choisirez-vous les routes nationales prioritaires ?
Par ailleurs, la question se pose du maintien du réseau ferroviaire national, pour lequel nous avions élaboré le concept de train d’équilibre du territoire. Cela concerne le transport de voyageurs mais également le fret, notamment dans le Massif central. Quels financements envisagez-vous de mobiliser afin de conserver ces lignes ferroviaires nationales dites d’aménagement du territoire qui permettent de désenclaver bon nombre de territoires ruraux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LT.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre
Avec le projet de loi d’orientation des mobilités, dont la discussion démarre en effet cet après-midi en commission, notre priorité est claire : améliorer les déplacements du quotidien pour tous nos concitoyens, où qu’ils vivent.
Je ne veux plus d’une France à deux vitesses …
M. Laurent Furst
Tous à 80 !
Mme Élisabeth Borne, ministre
…dans laquelle on a construit des lignes à grande vitesse pour les métropoles et laissé les réseaux ferrés, les routes, se dégrader dans le reste du territoire.
Nous investirons donc beaucoup plus au cours de ce quinquennat : 13,4 milliards d’euros, soit 4 milliards de plus que lors de la période précédente. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Surtout, nous investirons beaucoup mieux, en accordant la priorité à l’entretien et la remise en état de nos réseaux. Au cours des dix prochaines années, nous dépenserons 50 % de plus pour notre réseau ferré et 30 % de plus pour nos routes qu’au cours des dix dernières années. En moins de dix ans, nous remplacerons tous les trains d’équilibre du territoire, les fameux trains Corail, âgés de plus de quarante ans, ce qui représente un investissement de 3,7 milliards d’euros porté par l’État. Je confirme à ce propos que la ligne des Cévennes bénéficiera d’ici la fin de l’année de rames neuves.
Enfin, nous portons un plan de désenclavement routier de 1 milliard d’euros sur dix ans pour réaliser tous ces itinéraires promis depuis des décennies et toujours repoussés. Vous le savez, en Lozère, le comité interministériel d’aménagement du territoire de Mende avait annoncé la mise à deux fois deux voies de la RN88, toujours attendue. C’est aussi le cas à Prades et Castres.
Nous mènerons ce plan de désenclavement. La RN88 fait bel et bien partie de nos priorités. Face aux fractures territoriales, il est temps d’agir, ce que nous faisons au travers de ce projet de loi d’orientation des mobilités. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Droits des femmes dans le monde
M. le président
La parole est à Mme Laëtitia Romeiro Dias.
Mme Laëtitia Romeiro Dias
Madame la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, le Président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. Nous avons d’ores et déjà pris de nombreuses mesures en ce sens : je ne reviendrai pas sur le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, sur l’obligation de résultat pour les entreprises en matière d’égalité salariale ou encore sur l’amélioration du congé maternité pour les agricultrices et les indépendantes.
C’est, d’ailleurs, dans le prolongement de vos initiatives nationales que vous avez émis l’idée d’un pacte Simone Veil, afin qu’un standard européen exigeant en matière de droit des femmes émerge et que ce droit soit harmonisé partout dans l’Union. Ce pacte, nous le saluons : l’égalité entre les sexes doit faire partie intégrante de notre destin commun et des valeurs que l’Europe véhicule et défend.
C’est pourquoi, ambitieux dans sa diplomatie et moderne dans son approche, notre pays a voulu présider un G7 résolument féministe, tourné vers l’égalité entre les sexes. Dans cette démarche, la France organisera, ce vendredi 10 mai, une conférence ministérielle autour du droit des femmes avec l’ensemble des ministres du G7 chargés de la question.
De cette conférence doit naître un bouquet législatif en faveur des femmes, qui composera le partenariat de Biarritz. Il sera soumis aux États du G7, pour qu’ils s’engagent à adopter au moins une loi de cet éventail en faveur de l’égalité. Ce bouquet aspire à devenir un véritable outil juridique au service des femmes partout dans le monde et non pas seulement dans les sept États les plus puissants.
Madame la secrétaire d’État, comme l’a dit cette grande dame qu’est Ruth Bader Ginsburg : « Le changement réel, le changement durable, se produit une étape à la fois ». C’est pourquoi je souhaiterais connaître les mesures que la France compte défendre dans ce bouquet. Comment, en outre, faire de ce bouquet législatif et de cette étape diplomatique salutaire une réalité universelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
La France préside cette année le G7, dont la réduction des inégalités sera l’objectif majeur. Dans ce cadre, le Président de la République a lancé, à l’Assemblée générale des Nations unies, un appel pour faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause mondiale et engager l’ensemble des États dans cette démarche de la grande cause du quinquennat pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
C’est dans cet objectif que Jean-Yves Le Drian et moi-même menons, depuis plus d’un an, une démarche de diplomatie féministe, défendue par la France. Dans le cadre du G7, notre pays organisera les 9 et 10 mai prochains une ministérielle d’égalité femmes-hommes avec l’ensemble des pays du G7, non seulement à Paris mais également à Bondy, en Seine-Saint-Denis, où j’ai souhaité délocaliser une partie de la réunion, pour travailler sur l’entrepreneuriat des femmes, notamment le soutien aux projets défendus par des femmes en lien avec l’Afrique – une des priorités de ce G7 consacré à l’égalité.
Le Président a installé à l’Élysée un conseil consultatif pour l’égalité entre les femmes et les hommes : il est composé d’une trentaine d’experts mondiaux des droits des femmes et coprésidé par Nadia Murad et le professeur Denis Mukwege, les deux co-prix Nobel de la paix de cette année. Ce conseil présentera, aux États du G7, ainsi qu’aux pays invités, un bouquet législatif commun, un benchmark mondial de toutes les meilleures lois favorisant l’égalité entre les femmes et les hommes. L’ensemble des pays du G7 avec lesquels nous travaillons à ce projet depuis plus d’un an s’engageront à reprendre au moins une des lois de ce bouquet législatif commun.
Ce G7 sera donc très concret : il ne se contentera pas d’une déclaration mais permettra de véritables avancées dans trois domaines : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, l’accès à l’éducation des filles et des jeunes femmes et le soutien à l’émancipation économique et à l’entrepreneuriat des femmes, notamment en Afrique et dans la région du Sahel. Nous souhaitons que ce G7 soit résolument concret.
Je salue le retour dans l’hémicycle de quelques députés... (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Délais de paiement
M. le président
La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert.
Mme Marguerite Deprez-Audebert
Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, dans la vie des entreprises, le temps, c’est de l’argent, on ne le répétera jamais assez. Pour la première fois, trois d’entre elles ont été condamnées à des amendes supérieures à 500 000 euros, pour n’avoir pas respecté les délais de paiement. L’article 123 de la loi de 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui a fait passer le plafond des sanctions de 370 000 à 2 millions d’euros, s’est appliqué à un cimentier, Calcia, un assureur, la MMA, et un exploitant d’une grande infrastructure, France Manche.
Grâce au dispositif renforcé du « nommer et faire honte », traduction littérale de name and shame, les mauvais payeurs peuvent désormais être désignés nommément par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF. En 2018, 17,2 millions d’euros d’amendes ont été prononcés et 30 millions sont en instance. La France, qui était plutôt mauvaise élève en Europe, a fait des progrès : le retard de paiement moyen est passé de 13 jours en 2015, à 10,7 jours en juin 2018.
Il s’agit d’un problème majeur, qui conditionne la santé des entreprises, notamment celle des PME : ces dernières sont bien souvent sous-traitantes, donc dépendantes de grands groupes. Or, pour elles, avoir de la trésorerie, c’est vital ! Nous pouvons et devons faire mieux encore.
Lors de l’examen de la loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises –, le groupe MODEM et apparentés a posé le sujet de l’affacturage inversé. Ce dispositif assurantiel, à l’origine lourd à mettre en place et coûteux pour les PME, permettra, dans sa nouvelle version, au fournisseur d’être payé comptant, tandis que le client en partagera les frais. L’expérimentation de l’affacturage inversé pour les marchés publics a été adoptée par notre assemblée en première lecture, grâce au travail de nos collègues Olivia Gregoire et Patrick Mignola, et le dispositif a été validé par le Sénat.
Madame la secrétaire d’État, qu’en est-il de l’expérimentation de l’affacturage inversé pour les marchés publics ? Quels sont les moyens engagés pour informer les collectivités de ce dispositif ? Quand les décrets d’application seront-ils signés ? Quand, selon vous, ce dispositif essentiel pour nos entreprises pourra-t-il être généralisé ?
M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances
Madame la députée, je vous remercie pour votre question qui met en lumière l’action déterminée du Gouvernement en matière de lutte contre les retards de paiement. Comme vous l’avez rappelé, c’est un enjeu majeur pour notre économie, puisque les 19 milliards d’euros de trésorerie qui manquent aux PME en raison de ces retards sont à l’origine des difficultés d’une PME sur quatre. Nous devons donc nous impliquer de manière très forte à résoudre ce problème.
C’est pourquoi j’ai demandé à la DGCCRF d’en faire une de ses priorités de contrôle : nous voyons, aujourd’hui, la traduction de cette démarche, avec, pour la première fois, trois amendes prononcées supérieures à 500 000 euros, conformément à la loi de décembre 2016 que vous avez évoquée. De manière déterminée, ces contrôles seront poursuivis et des amendes continueront d’être prononcées : des sanctions sont en attente.
C’est pourquoi aussi nous publions de manière systématique les noms des entreprises qui ne respectent pas les délais de paiement. Nous travaillons également sur les délais de paiement des acteurs publics, parce que nous devons balayer devant notre porte, avec l’appui de la Direction générale des finances publiques.
Vous avez évoqué l’avancée représentée par l’affacturage inversé, inspiré par l’affacturage collaboratif, adopté par l’UGAP – Union des groupements d’achat public –, qui fonctionne très bien aujourd’hui – je me suis rendue au siège de l’UGAP. Ce dispositif permet de payer quasi immédiatement les PME, le coût de l’affacturage étant supporté par le client.
Ce dispositif sera en place dès la promulgation de la loi, puisqu’il ne nécessite aucun texte d’application. Sa portée pourra être générale – il ne s’agit pas, en effet, d’une expérimentation – et il fait déjà l’objet d’une publicité, puisque nous publions systématiquement cette information dans la Gazette des communes et dans tous les supports dirigés vers les collectivités locales. Nous continuerons dans cette direction. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Lutte contre l’intolérance à l’université
M. le président
La parole est à M. Vincent Ledoux.
M. Vincent Ledoux
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. « J’ai 19 ans et je suis noir », écrit Abd Al Malik. « Ceux qui ont l’œil du cœur ouvert savent bien que la couleur n’est qu’un jeu de lumière. Une réfraction qui a eu lieu à un moment plus ou moins précis de notre histoire collective et cette réfraction a pris corps… »
Cette réfraction de l’œil, du cœur et de l’intelligence a aussi malheureusement pris corps à l’université, s’installant insidieusement dans cet espace du savoir et de l’apprentissage qui devrait en être exempt, sauf dans l’enseignement afin de mieux l’exposer, la dénoncer et la combattre.
Cette réfraction prend des formes différentes, mais qui se ressemblent par ses racines et ses objectifs : antisémitisme à Metz, racisme anti-noirs à Mulhouse, où l’on crache son venin sur les réseaux sociaux et les bancs des amphithéâtres, racisme anti-blancs à Paris 8, où des ateliers non mixtes et des séminaires sont parfois financés avec de l’argent public, atteintes à la liberté d’expression et de création à la Sorbonne, avec la contestation pour « racialisme » de la mise en scène des Suppliantes et autres thèses complotistes soutenant l’idée folle d’un pseudo-racisme d’État.
Face à ces actions qui horrifient et inquiètent tous ceux qui ont l’œil du cœur ouvert, pour reprendre cette belle expression, quelle action conduisez-vous, madame la ministre, pour mettre un terme à ces petites entreprises qui prospèrent, et consistent à remettre en cause les valeurs républicaines au sein de l’université ? Merci de nous préciser l’action du Gouvernement pour combattre ce racisme ordinaire dans un lieu qui doit demeurer celui de la culture, de l’ouverture et de la tolérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LT et LR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Monsieur le député, tous les faits que vous avez rappelés sont inqualifiables, et choquants. Vous avez raison, ils ne devraient pas exister dans la société, et encore moins dans les universités. Les établissements sont systématiquement accompagnés, de façon à ce que des plaintes ou des signalements puissent être déposés auprès du procureur. Nous avons mis à disposition dans les établissements des référents capables d’aider les étudiants comme les personnels à lancer ces processus de signalement, et surtout à savoir comment réagir.
Vous l’avez rappelé, cette banalisation, ces procédés insidieux cherchant parfois à culpabiliser les gens existaient peu dans les universités. Nous devons aider les établissements à réagir, en leur proposant notamment l’aide d’associations ou d’avocats gratuits, pour que les étudiants puissent se défendre.
Plus largement, j’ai décidé qu’il y aurait dorénavant dans les établissements d’enseignement supérieur et dans les universités une journée dédiée à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme : non pas une date de plus dans le calendrier, mais une véritable journée d’étude, de travail notamment sur les mémoires, qui permette, par l’éducation, à tous les jeunes présents à l’université de se rendre compte de la gravité des faits. En effet, ce qui m’interpelle peut-être le plus est que leur première réaction est de dire qu’ils ne se « rendaient pas compte » qu’ils étaient en train de commettre une infraction. C’est contre cela que nous devons évidemment lutter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Préservation de la biodiversité
M. le président
La parole est à Mme Véronique Riotton.
Mme Véronique Riotton
Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques a profité du G7 Environnement qui se tenait hier à Metz pour remettre un rapport alarmant. Une espèce sur huit, c’est-à-dire 1 million d’espèces, qu’elles soient animales ou végétales, sont menacées de disparition à court terme. Nous connaissons actuellement la sixième extinction massive de notre planète. Le rythme actuel de disparition des espèces sauvages est sans précédent dans l’histoire de l’humanité, et il s’accélère. Les causes sont toutes d’origine humaine : destruction et fragmentation des habitats, surexploitation des ressources naturelles, changement climatique, pollutions des sols, des eaux et de l’air.
Ce rapport nous donne pour la première fois des éléments scientifiques et quantifiables, à l’échelle de la planète, qui nous permettent d’évaluer l’impact de nos modes de vie. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos vies, de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier, partout à des degrés dramatiques. La bataille pour la protection de la biodiversité est aussi importante que le changement climatique, et doit être notre priorité. Le Président de la République l’a rappelé hier, lutter pour la biodiversité, c’est aussi lutter contre les inégalités d’aujourd’hui et de demain. Les premières victimes de ces changements, de ces pollutions, sont les citoyens les plus modestes.
Éviter le pire est encore possible, à condition de mettre fin à la surexploitation de la nature. Nous avons déjà pris l’engagement d’avoir 100 % de plastique recyclé d’ici à 2025. Nous avons maintenant besoin d’une vraie transformation de nos habitudes de production et de consommation. Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous détailler les actions que votre gouvernement entend prendre pour répondre à cette urgence, notamment en matière de production agricole et alimentaire, de préservation des sols et gestion de nos territoires, et de lutte contre le gaspillage et toutes les formes de déchets ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
Madame la députée, comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a tenu à rencontrer, hier, les scientifiques qui ont présenté ce rapport sur la biodiversité. À plusieurs reprises depuis qu’il est élu, il nous a demandé d’agir au niveau international, pour que l’enjeu de la biodiversité soit maintenant considéré comme aussi important que celui du climat : nous devons avoir la même démarche pour quantifier le problème, examiner dans quelle mesure la biodiversité peut reculer ou s’améliorer – ce qui peut parfois heureusement arriver – et déterminer les actions à mener à l’échelle mondiale, française ou européenne.
Comme vous le savez, nous avons souhaité qu’il y ait une série d’actions internationales sur ce sujet. C’est pourquoi les scientifiques ont pu présenter leur rapport devant le G7 Environnement, que je présidais hier et avant-hier, à Metz, qui a débouché concrètement sur une première déclaration, la Charte de Metz pour la biodiversité, dans laquelle sont écrites précisément les causes de perte de la biodiversité et les actions à mener.
Nous accueillerons à Marseille, en 2020, le congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, et nous souhaitons qu’il y ait un accord mondial en 2020 sur la biodiversité, comme il y en a eu sur le climat en 2015.
À l’échelle française, nous continuons bien sûr à agir. Le Président de la République a annoncé que nous allions augmenter les périmètres de protection – parcs nationaux, parcs naturels régionaux, parcs marins. Nous venons de décider d’augmenter les moyens humains dans les parcs marins, qui pour certains ont été créés récemment, sans moyens suffisants. Nous allons aussi poursuivre notre action dans le domaine de l’agriculture, avec la réforme de la politique agricole commune, dans le cadre de laquelle nous introduirons la notion de paiements pour services environnementaux : il s’agit, par exemple, de rémunérer les agriculteurs qui plantent des haies, car ils agissent pour la biodiversité.
Sur l’ensemble de ces sujets, nous sommes plus que jamais mobilisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Manifestations du 1er mai
M. le président
La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel
Monsieur le Premier ministre, le 1er mai dernier, la France a découvert qu’au ministère de l’intérieur se cachait un menteur. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Rémy Rebeyrotte
Et à Arcueil ?
M. Éric Coquerel
M. Castaner a menti au sujet de la Pitié-Salpêtrière. Dans un tweet de 21 heures 04, il dit en effet qu’un hôpital a été attaqué : c’est faux. Que le personnel a été agressé : c’est encore faux. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.)
Qu’un policier a été blessé en arrêtant les assaillants : c’est toujours aussi faux.
C’était cinq heures après ces événements. Ce n’est donc pas une réaction à chaud. Quelle est la compétence d’un premier flic de France qui n’arrive pas, en cinq heures, à recouper des informations disponibles sur les réseaux sociaux ?
M. Pierre Cordier
Il est le mieux informé de France !
M. Éric Coquerel
Christophe Castaner a, en vérité, tenté une grossière opération de manipulation de l’opinion pour, une fois encore, discréditer le mouvement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. Rémy Rebeyrotte
Et Arcueil !
M. Éric Coquerel
Sans le courage du personnel de l’hôpital, qui a dit la vérité, trente-deux innocents, alors en garde à vue, auraient pu être condamnés à de la prison. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Il y a un an, le 1er mai 2018 se déclenchait une affaire d’État, avec Alexandre Benalla. Cette année, c’est un mensonge d’État ! (Approbation sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Mentir n’est pas une anecdote au ministère de l’intérieur : c’est une habitude – on disait ainsi de Geneviève Leguay qu’elle était tombée toute seule.
M. Éric Straumann
Arrêtez de charger la police !
M. Éric Coquerel
Il y a les paroles du ministre, proches de la guerre civile, mais il y a aussi les ordres, car les responsables sont d’abord les politiques qui donnent les ordres.
La Ve République sera à jamais entachée de son terrible bilan : un mort, plus de 2 200 blessés, 28 mutilés à vie et 8 700 gardes à vue, ainsi que de nombreux policiers blessés lors du mouvement des gilets jaunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Ce bilan n’est pas celui d’une démocratie. C’est celui d’un régime autoritaire qui, le 1er mai, charge, nasse et noie sous les gaz des cortèges syndicaux et pacifiques. (Approbation sur les bancs du groupe FI. – Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Rémy Rebeyrotte
Et Arcueil ? La honte de la République !
M. Éric Coquerel
Vous récidivez en parlant d’intrusion violente ! Pour des manifestants pacifiques, savez-vous ce qu’est la peur d’être poursuivis par des policiers jusqu’au sein d’un hôpital où ils cherchent refuge ? (Mêmes mouvements.) Pour Christophe Castaner, tout est permis pour maintenir l’ordre social – comme lancer un pavé sur les manifestants, les gifler ou frapper un étudiant de la résidence universitaire de l’hôpital. (Mêmes mouvements.)
M. Castaner est devenu un obstacle à la paix publique. Monsieur le Premier ministre, je vous le demande solennellement : mettez fin à ses fonctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations et exclamations sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Plusieurs députés du groupe LaREM
Honteux !
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur
Monsieur le député, j’entends la polémique que vous voulez organiser, vos remarques et le procès d’intention qui m’est fait à propos d’une volonté lexicale. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Je tiens à votre disposition toute une série de déclarations des uns et des autres, par exemple ce tweet parodique de L’Express que vous avez relayé et selon lequel il serait demandé aux automobilistes de rouler dans le sens du vent : comme vous le voyez, nous pourrions tous deux polémiquer. (Mêmes mouvements.)
La réalité, je m’en suis expliqué, et j’ai du reste exprimé mes regrets pour un mot mal choisi. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.)
M. Éric Straumann
Vous êtes ministre !
M. Christophe Castaner, ministre
Vous avez la volonté de faire oublier des comportements inexplicables. C’est bien la preuve que ce mot était mal choisi, puisqu’il vous a laissé l’opportunité de lancer une vile polémique. (Protestations sur les bancs du groupe FI.)
La réalité, c’est le souvenir que j’ai du 1er mai 2017, avec ce policier immolé, le souvenir que nous avons tous aussi du 1er mai 2018, où tout un quartier a été visé, le souvenir des violences qui ont eu lieu depuis décembre et que vous voulez oublier. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) La réalité, ce sont ces violences contre lesquelles nos policiers et nos gendarmes se sont systématiquement dressés. (Mêmes mouvements.) La réalité, ce sont aussi 240 enquêtes confiées à l’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale.
Il n’y a pas une part de vérité, celle qui nous intéresse, mais la vérité, tout simplement, dont il n’appartient ni à vous ni à moi de décider, mais à la justice. (Mêmes mouvements.)
Quant à la parole politique, j’entends bien votre question et je pense qu’il faut savoir apprécier la réalité en fonction de celle qui vous est donnée. Il faut aussi avoir l’humilité de reconnaître qu’un mot peut être mal utilisé. J’ai d’ailleurs en tête ceux de Jean-Luc Mélenchon, qui avait reconnu, à propos des liens entre Bernard Cazeneuve et la mort de Rémi Fraisse, que le mot « assassinat » était mal calibré.
Savoir reconnaître une erreur, notamment sémantique, c’est l’honneur d’un homme politique. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.)
M. Éric Straumann
C’est bien !
Agence nationale du sport
M. le président
La parole est à M. Cédric Roussel.
M. Cédric Roussel
Madame la ministre des sports, cette fois, nous y sommes : l’Agence nationale du sport a officiellement vu le jour, et c’est un moment charnière pour le sport en France.
M. Laurent Furst
Tu parles !
M. Cédric Roussel
Pour la première fois siégeront autour de la même table l’État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif, mais aussi le monde économique. Vous le savez, ce dernier point me satisfait particulièrement.
Grâce aux nombreuses auditions auxquelles a procédé le groupe d’études sur l’économie du sport, menées avec mes collègues issus de tous les bancs, nous savons que le monde économique est un soutien essentiel en termes de compétitivité, de développement et d’innovation. Cette gouvernance partagée devra permettre de répondre à deux missions principales : la haute performance et le développement de la pratique pour tous.
À cinq ans des Jeux de Paris de 2024, l’Agence est une première étape décisive. Nous devons désormais poursuivre le travail ensemble et avoir pour objectif, à terme, d’établir une large loi sur le sport.
M. Fabien Di Filippo
Vous avez ruiné le sport !
M. Cédric Roussel
Lorsque nous parlons de sport, en effet, ne pensons pas qu’aux statistiques ou au nombre de médailles : pensons aussi à la promotion du sport en entreprise, à la prévention en termes de santé publique, à l’inclusion sociale…
M. Laurent Furst
Suppression des emplois aidés !
M. Cédric Roussel
…et à l’aménagement de tous nos territoires. L’Agence nationale du sport devra conduire ce nouvel élan.
Néanmoins, et comme pour tout changement de modèle, des interrogations légitimes émergent. Il s’agit, premièrement, de l’évolution du statut des conseillers techniques sportifs, dont les compétences sont unanimement reconnues. Ensuite, il faut plus que jamais faciliter l’investissement des entreprises pour nos sportifs et pour nos clubs. Le sport doit être vu comme un investissement, et non plus comme une dépense.
Plusieurs députés du groupe LaREM
Très bien !
M. Cédric Roussel
Se pose, enfin, la question des missions du ministère des sports aux côtés de l’Agence.
Madame la ministre, pourriez-vous donc nous apporter des précisions en réponse à ces interrogations, afin de rassurer l’écosystème sportif français dans son ensemble ?(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes les fossoyeurs des associations !
M. Pierre Cordier
Et le Centre national pour le développement du sport ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre des sports.
Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports
Vous venez de le rappeler – et je vous en remercie –, nous avons acté la création de l’Agence nationale du sport le 24 avril dernier. C’est le résultat d’une large concertation et le commencement d’une nouvelle ère pour le sport français.
Le premier des constats qui nous ont menés à cette transformation, et sur lequel je sais que nous sommes tous d’accord, est que l’activité physique et sportive est un enjeu fondamental pour notre société et nos concitoyens, avec sa dimension éducative, culturelle et de santé qui favorise l’épanouissement de chacun et les liens entre les citoyens. Le sport participe pleinement à l’aménagement du territoire, avec 260 000 équipements sportifs. C’est aussi, vous l’avez dit, un secteur économique majeur : avec près de 125 000 emplois dans le secteur privé, le marché du sport est estimé aujourd’hui à 38 milliards d’euros, soit environ 1,8 % du PIB.
Le second constat, unanimement partagé également, est que nous devons rehausser les résultats du sport français de très haute performance. Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en France nous y obligent.
Un dernier constat, enfin : le sport est une compétence partagée par plusieurs acteurs : l’État, les collectivités territoriales, qui investissent 10 milliards d’euros dans le sport, le monde économique…
M. Pierre Cordier
Et le CNDS, on peut en parler ?
M. Fabien Di Filippo
Ça ne doit pas être sur la fiche !
Mme Roxana Maracineanu, ministre
…et, bien sûr, la richesse de ses 300 000 associations sportives, le travail des clubs, des ligues et des fédérations, avec l’engagement de près de 3,5 millions de bénévoles. C’est cette énergie complémentaire de tous qui nous permettra d’être plus forts.
La gouvernance actuelle du sport français, fondée dans les années 1960, devait évoluer et nous devons donner un nouveau souffle au modèle sportif en créant les conditions d’une confiance pérenne et partagée entre nous. Le chemin de cette confiance est difficile, car elle a été rompue dans ce secteur entre l’État et les territoires,…
M. Fabien Di Filippo
Qui a rédigé cette fiche ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre
…mais je suis déterminée à la rétablir pleinement et à m’inscrire dans les orientations du Président de la République et du Premier ministre : un État plus partenarial et plus collégial, qui donne plus d’autonomie aux acteurs et au plus près du territoire. (Applaudissementssur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Hugues Renson.)
Présidence de M. Hugues Renson
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Jeunes majeurs vulnérables (suite)
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Brigitte Bourguignon et plusieurs de ses collègues visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie (nos 1081, 1150).
Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Discussion générale (suite)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
« La protection de l’enfance en France est antirépublicaine. » Ces mots sont ceux de Lyes Louffok, ancien enfant placé, membre du Conseil national de la protection de l’enfance. Il semble bien, au vu des amendements du Gouvernement, que les enfants placés resteront malheureusement les oubliés de la République.
Les chiffres sont pourtant glaçants à bien des égards : un quart des personnes sans abri est passé par l’aide sociale à l’enfance ; la proportion monte à plus d’un tiers pour ceux qui sont privés de toit entre 18 et 24 ans. Pour qui a la puissance d’imagination pour voir, au-delà de ces nombres, la réalité violente et tragique de milliers de vies individuelles, l’horreur apparaît dans toute son ampleur.
Mais l’horreur n’est pas tout : derrière elle, c’est l’impuissance de l’État qui apparaît, son incapacité à prendre en charge des vies qui, pour trop d’entre elles, sont dévastées par un dispositif supposé les protéger. Des auditions nous ont donné une vision encore plus concrète de la réalité vécue. Les témoignages insoutenables s’égrainaient : maltraitances, coups, viols, suicides, agressions sexuelles, rejet, souffrances psychologiques. Nous ne pouvons ignorer l’ampleur considérable du problème. Là où l’État est supposé garantir l’existence d’un lien, il n’y a que délitement. Là où il devrait y avoir de l’amour et de l’affection, priment la violence et la brutalité. Ce n’est pas simple d’imaginer comment remplacer la cellule familiale, j’en conviens, mais il y a un monde entre échouer à construire un moyen de substitution idéal et parfait à la famille et ne pas parvenir à trouver un minimum de sécurité physique et émotionnelle pour ces enfants pris en charge par la communauté nationale.
Pour l’heure, un mot fait sens dans la vie des jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance : rupture. Les familles d’accueil ou les foyers changent en permanence, et ces jeunes sont censés se construire dans ce tourbillon incessant qui les a entraînés toujours, inlassablement, en son centre : à 17 ans, un jeune sur cinq a connu quatre lieux de placement différents. Ce changement régulier de familles d’accueil et de lieux de vie n’est pas la seule rupture subie par ces jeunes. Car la rupture est partout : rupture familiale, rupture de soins, rupture avec l’école, impossibilité de rester là où parfois on s’est attaché sentimentalement à telle ou telle famille. Écoutez le témoignage de Sonya : « Quand je suis arrivée en structure, on m’a séparée de mes sœurs. La petite est allée à la pouponnière, moi je suis allée dans un groupe ; mon autre sœur a été mise ailleurs, ce qui a été aussi extrêmement violent. » Voilà le sens concret de la rupture. Comme des valises encombrantes, ces enfants sont jetés, à chaque nouvelle étape, dans une situation entièrement neuve. Et tant pis s’ils ne s’y font pas ! Par malheur, si après ce parcours où la violence est très présente, un jeune ne répond pas aux critères d’obtention du contrat jeune majeur, le voici dans la rue, à l’abandon, en proie aux dépressions, aux envies de suicide et à la solitude parfois la plus absolue, les plus fragiles le subissant encore plus durement : les enfants non accompagnés qui arrivent seuls n’ont pas droit, dans beaucoup de départements, à obtenir ce contrat jeune majeur, et ceux en situation de handicap se retrouvent dans une situation de double vulnérabilité.
Or la République doit porter secours et assistance aux plus faibles.
Elle échoue et l’État est en cause lorsqu’un dispositif de solidarité est aussi défectueux et qu’il produit des effets manifestement aussi contraires tant aux intentions qu’aux finalités de l’aide sociale à l’enfance.
La proposition de loi initiale était une nécessité. Si elle ne résolvait pas tous les problèmes, elle allait dans le bon sens et témoignait d’un sens de l’humanité que j’ai été profondément heureuse de reconnaître chez beaucoup des députés de la majorité.
Madame la rapporteure, j’avais prévu de vous féliciter pour votre courage politique, car vous vous êtes battue pour que ce sujet crucial soit abordé dans l’hémicycle. Las, le Gouvernement a, comme à son habitude, vidé ce texte de sa substance : c’est ainsi l’espoir de dizaines de milliers de personnes qui s’est envolé.
Les enfants placés ou anciennement placés se sont en effet battus pour que cette loi existe : ils nous regardent aujourd’hui et seront attentifs à nos actes.
Je vous le dis très franchement, monsieur le ministre, devant la déception qui s’annonce : si les enfants issus de l’ASE se sont mobilisés pour obtenir un ministre, ils peuvent aussi se mobiliser pour obtenir sa démission. (Mme Obono applaudit.)
Chers collègues, je vous le dis solennellement : refusez que cette loi soit vidée de ses articles essentiels. Soyons à la hauteur de la gravité de la situation qui – je le crois – dépasse nos clivages partisans.
Mme Brigitte Bourguignon, rapporteure
Excellente idée.
Mme Mathilde Panot
Que l’État se charge de l’accompagnement des majeurs de moins de 21 ans était un progrès considérable : cela a en effet permis de mettre un terme à la situation d’abandon total dans laquelle certains d’entre eux sont aujourd’hui laissés dès qu’ils atteignent leur majorité.
Or l’amendement du Gouvernement met fin à cette obligation.
En réservant des contrats à ceux qui ont passé dix-huit des vingt-quatre derniers mois au sein de l’ASE, vous créez une inégalité entre les enfants, en excluant celles et ceux qui ont été placés tardivement, les mineurs non accompagnés ou encore les victimes de la traite d’êtres humains : c’est inacceptable ! (Mme Faucillon applaudit.)
Si vous niez ainsi la convention internationale des droits de l’enfant, vous supprimez surtout, ce faisant, les aides sociales obligatoires : par conséquent, vous n’assurez en aucun cas les ressources financières indispensables aux jeunes majeurs issus de l’ASE.
Nous proposions pourtant que la prise en charge dure jusqu’à 25 ans, ce qui correspond à l’âge effectif moyen de prise d’autonomie des jeunes en France.
Comme le rappelle un rapport du Conseil économique, social et environnemental, la situation des jeunes majeurs issus de l’ASE est paradoxale : il leur est demandé plus d’autonomie qu’aux autres jeunes du même âge, alors qu’elles et qu’ils ont moins de ressources familiales, relationnelles, psychologiques, financières et sociales.
C’était donc une mesure de pure raison.
Allons-nous faire pire que l’Allemagne, qui accompagne leurs homologues jusqu’à 27 ans, ou que l’Argentine, qui les accompagne jusqu’à la fin de leur cursus ? Apparemment et malheureusement, oui.
Il serait aussi de bon sens que l’ASE prenne en charge les jeunes concernés jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours, et qu’ils ne soient pas laissés à eux-mêmes le jour de leur anniversaire.
Qu’une telle aberration soit seulement possible en dit long sur le point duquel nous partons : 70 % des jeunes majeurs concernés sortent en effet de leur parcours scolaire sans le baccalauréat.
Le problème doit être pris à bras-le-corps, car vous imaginez toutes et tous très bien qu’après de telles enfances la difficulté à obtenir un diplôme n’arrange en rien tant les perspectives d’avenir que la construction personnelle des intéressés.
C’était tout le sens de notre proposition d’expérimenter une allocation d’autonomie d’un montant de 800 euros par mois qui serait allouée aux jeunes de 18 à 25 ans.
Aujourd’hui, la jeunesse de notre pays se sent à bien des égards privée d’avenir : nous tentons ainsi d’allumer pour l’avenir de ce pays quelques lueurs d’espoir.
J’espérais qu’une partie de la majorité soit frappée par la grâce de la République sociale : oui, je croyais que vous aviez compris ce que République voulait dire, au moins à ce sujet, et que vous aviez compris qu’il était nécessaire, au-delà des logiques budgétaires court-termistes, de dépenser davantage face à des situations sociales injustes et inhumaines.
J’espérais que vous auriez retrouvé une humanité perdue lors de la suppression des contrats aidés, de la baisse des aides personnalisées au logement et de la suppression de l’Impôt de solidarité – oui, de solidarité, vous avez bien entendu : on ne retient trop souvent que l’acronyme ISF – sur la fortune.
Cette humanité, vous l’avez aussi perdue le jour où vous avez affaibli les normes d’accessibilité pour les personnes handicapées dans le secteur du logement, ou lors du vote pour l’enfermement des enfants dans des centres de rétention pendant quatre-vingt dix jours.
La politique sociale doit être étendue à tous les secteurs : hausse des minima sociaux, augmentation des salaires, diminution du temps de travail.
Peut-être que si vous construisez une société meilleure et moins violente, tous les enfants pourront jouir de meilleures conditions de vie.
Il faut financer tout cela, allez-vous me dire : nous avons à ce propos entendu le ministre de l’économie et des finances présenter une réformette fiscale.
Nous aurions en la matière plus d’ambition.
Pour une réelle politique sociale, je crois qu’il faudrait plus qu’une contribution ponctuelle des plus fortunés du pays au Trésor public : il faut les assujettir à la solidarité nationale.
Si j’en finis par là, c’est pour vous demander d’être conséquents : si vous voulez, au moins pour certains d’entre vous, défendre la solidarité, pensez qu’il n’existe pas d’autre moyen de lutter contre les inégalités, la misère et l’injustice que de faire payer ceux qui le doivent.
Je vous le dis pour que vous vous rappeliez des paroles du grand Victor Hugo, aussi vraies aujourd’hui qu’hier : « C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ».
Pour peu que Bernard Arnault, Xavier Niel ou Gérard Mulliez soient malheureux et fatigués de gérer tant d’argent, nous les délesterions volontiers d’une partie de celui-ci.
Je voulais pour finir vous lire une lettre ouverte magnifique de plusieurs jeunes qui nous a été lue lors d’une audition menée dans le cadre de la mission d’information par M. Joao Bateka : « Je vous prie de bien vouloir me donner le droit d’avoir le droit. Le droit d’avoir le droit de vivre, comme mon camarade de classe qu’est votre enfant, le droit d’avoir le droit d’être vu par tous comme étant comme tout le monde, le droit d’avoir le droit de rêver, mais avant tout donnez-moi le droit, s’il vous plaît, d’avoir le droit à des nuits de sommeil paisibles, même après mes 18 ans.
Aujourd’hui, démuni de tous mes moyens de survie, je me trouve rejeté, abandonné, tel un animal de compagnie, vieux, encombrant et inutile au bord de la route, à 18 ans. Vous trouvez cela injuste et je vous garantis que votre sentiment d’empathie me touche énormément. Mesdames, messieurs, je vous prie de tout mon cœur d’agir et en aucun cas de vous résigner face à l’injustice.
Nul ne vaut plus cher que la dignité d’un homme. Aucun argent au monde ne peut acheter votre humanité. Aucun patron, homme ou céleste, ne peut vous soumettre à commettre des actes ignobles envers vos semblables.
Je n’ai jamais douté, mesdames, messieurs, de votre foi, mais aujourd’hui votre foi a besoin d’être prouvée, car une foi sans action est une foi morte.
Se positionner aujourd’hui, ce n’est pas seulement défendre une minorité d’hommes et de femmes affaiblis et martyrisés, c’est aussi défendre votre foi, vos valeurs, votre dignité en tant que représentants du peuple, de parents et d’êtres humains tout simplement.
Ce n’est pas seulement sauver quelques hommes, femmes et enfants : c’est sauver l’humanité. »
Réfléchissez à ces mots en toute conscience lorsque vous voterez. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Je veux tout d’abord dire quelques mots de la forme de nos débats depuis hier soir : il faut à mon sens à tout prix, même si cela est conforme au règlement, cesser ces méthodes qui font que nous découvrons des amendements qui récrivent une partie du texte quelques heures avant son examen en séance publique.
Cela fait plusieurs mois aujourd’hui que cette proposition de loi a été déposée. Nous avons eu l’occasion de tenter de l’enrichir en commission.
Ces pratiques doivent, je le crois, cesser, car elles ne sont pas respectueuses non seulement de la représentation nationale, mais également des textes de loi et de celles et de ceux pour lesquels ils sont faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Gilles Lurton
Demandez au président de l’Assemblée nationale de changer le règlement...
Mme Elsa Faucillon
Certes, le règlement va être modifié, mais je n’ai pas l’impression que ce soit tout à fait dans ce sens. Bref.
J’avais prévu en tout cas, madame la rapporteure, de vous remercier pour ce texte et de vous féliciter, comme ma collègue Mathilde Panot : je crois que, pour le moment en tout cas, je vais mettre ces félicitations de côté.
J’espère cependant qu’avec votre majorité vous arriverez à repousser la réécriture du texte que vous avez proposé par l’amendement gouvernemental qui le vide de sa substance.
Ce n’est pas un hasard si la fondation Abbé Pierre a choisi de consacrer son vingt-quatrième rapport annuel sur le mal logement en France à l’abandon des personnes sortant d’institutions publiques.
S’il s’agit en l’occurrence de la protection de l’enfance, ce rapport traite également de la prison et de l’hôpital.
Beaucoup l’ont dit : un quart des sans-domicile fixe sont aujourd’hui d’anciens enfants placés au sein de la protection de l’enfance.
L’anniversaire de 18 ans est pour la plupart des jeunes une date heureuse. Nous nous en souvenons et nous l’abordons ainsi avec nos enfants : il correspond à l’accès à de nouveaux droits. La majorité est même souvent une fête.
Pour les jeunes ayant connu les institutions de l’aide sociale à l’enfance, c’est surtout une crainte : que ce soit Sonya, Lyes, Léo, Dylan, Mamedi, Maelle ou Mohamed, tous relatent la crainte anticipée de se retrouver seul, sans soutien et à la rue.
Cette crainte est une forme de nouvel abandon.
Même lorsqu’elle est une délivrance, c’est de nouveau une rupture : la crainte de se retrouver encore sans papiers, obligé d’arrêter une formation et d’entrer dans la clandestinité.
C’est pour ces raisons, madame la rapporteure, que je soutiens votre proposition de loi initiale visant à prévenir les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance : parce qu’elle répond à de nombreuses revendications des enfants accueillis mais aussi des professionnels, et parce que l’écoute de ces jeunes est, il me semble, centrale quand il s’agit de protéger des enfants.
Je veux surtout remercier celles et ceux, c’est-à-dire les anciens enfants placés – accompagnés ou bien violentés –, qui ont pris la parole, qui l’ont arrachée même, et qui ont poussé, voire défoncé quelques portes pour nous alerter.
Je veux vous dire, à vous qui avez poussé ces portes, combien j’ai conscience du chemin qu’il reste à parcourir.
J’espère que la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance à laquelle je participe permettra quelques foulées supplémentaires.
L’article 1er de la proposition initiale, qui rend obligatoire la prise en charge des jeunes majeurs, est central : actuellement, seul un tiers des jeunes majeurs bénéficie de contrats dont la durée est très souvent inférieure à six mois.
Le caractère obligatoire de cette prise en charge dans la proposition de loi ne peut pas être retiré par la seule volonté gouvernementale, sans quoi cette proposition perdrait, je le disais, toute sa substance, car ces contrats existent déjà. Ils peuvent donc être déjà proposés.
Cela fait des années que les associations d’anciens enfants accueillis et de professionnels réclament de rendre cette prise en charge obligatoire.
On ne peut pas accepter que, pour des questions comptables court-termistes, des jeunes de 18 ans se retrouvent à la rue, sans aucun soutien financier et moral.
En effet, quand la loi fait obligation, nous constatons déjà des failles dans son application : qu’est-ce que ce sera quand elle laissera uniquement la possibilité d’une telle prise en charge ?
Quand il y aura obligation, il faudra évidemment nous assurer que celle-ci est bien appliquée.
Après l’obligation, poussons l’exigence un peu plus loin : actuellement, seuls 1 % des contrats jeunes majeurs ont une durée supérieure à un an. Même pour les jeunes majeurs bénéficiant actuellement d’un contrat, cette aide reste précaire. Elle les place en effet dans des situations d’anxiété et de vulnérabilité : tous les trois mois, les contrats sont remis en cause et ils doivent défendre leur projet pour éviter de se retrouver sans aide.
Or, cet article 1er n’évoque pas ouvertement de durée minimum.
En France, on estime, vous le savez, à 23 ans l’âge d’accès à l’autonomie, et à 26 ans celui du premier contrat à durée déterminée.
On demande pourtant aux jeunes majeurs anciennement placés qui ont vécu des ruptures bien plus brutales que celles et ceux qui vivent dans un cocon familial d’être autonomes dès 18 ans.
Cela ne peut évidemment plus être le cas : une durée minimale de prise en charge de vingt-quatre mois me paraît plus raisonnable.
Je ne me satisfais pas non plus de l’exclusion des jeunes majeurs ayant été pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse.
Si cette frontière étanche entre ASE et PJJ est dangereuse, les enfants devant être protégés, qu’ils aient ou non commis des délits, elle est surtout inefficace : faute de moyens, les contrats de protection jeunes majeurs assurés par la PJJ sont devenus une exception.
Ces jeunes majeurs ont pourtant besoin d’être suivis et aidés après leur majorité afin de favoriser leur insertion dans la société mais aussi d’éviter la réitération de délits une fois majeurs.
Ils deviennent finalement des personnes délinquantes après avoir été des victimes.
Je vous avoue enfin que cette intervention a été refaite plusieurs fois : elle est de ce fait forcément un peu décousue.
Entre le texte initial et la version amendée par le Gouvernement, l’on ne sait en effet plus très bien, au bout d’un moment, de quel texte on parle.
Quoi qu’il en soit, l’article 8 de la proposition offre aux majeurs sortant du dispositif de protection de l’enfance un accès prioritaire aux logements sociaux et aux résidences universitaires.
C’est à mon avis un article important.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Oui.
Mme Elsa Faucillon
Ils doivent cependant être aidés afin de constituer les dossiers de demande, sans quoi ils ne pourront accéder à ces droits.
Ceci est un exemple parmi tant d’autres : l’accès aux droits doit absolument être inscrit dans la loi afin que cette prise en charge ne se résume pas à un simple versement d’argent sans soutien moral, juridique et administratif.
Ce soutien administratif est central pour tous les jeunes majeurs : je le dis en particulier pour les mineurs non accompagnés qui doivent pouvoir régulariser leur situation administrative à leur majorité.
Tous ressentent cette peur supplémentaire de la survenance de leur majorité car, en plus d’une nouvelle rupture, ils se savent possiblement expulsables : sur cette question, beaucoup de professionnels manquent de formation et le disent.
Ces jeunes doivent être soutenus administrativement afin qu’ils puissent déposer des dossiers complets en préfecture.
L’amendement gouvernemental déposé à la dernière minute et qui réécrit totalement l’article 1er, pose problème et pas qu’un peu, je le disais. En introduisant une condition de durée de prise en charge, le Gouvernement exclut une partie des enfants : il s’agit donc de discrimination.
Je parle ici, non seulement des mineurs non accompagnés arrivés en France à un âge avancé, mais aussi des personnes reconnues tardivement comme tels. On risque un traitement inégalitaire des enfants. Alors qu’il faudrait améliorer la prise en charge des mineurs non accompagnés, l’amendement du Gouvernement les met encore plus en danger, avec un effet ciseaux : une telle mesure offrirait, en effet, une occasion supplémentaire de repousser le moment de leur prise en charge, déjà tardive, puisque dès lors que celle-ci interviendrait après l’âge de 16 ans et 2 mois, on serait assuré de ne pas avoir à faire de contrat jeune majeur ; surtout, je pense qu’elle aboutirait à une multiplication des obligations de quitter le territoire français – OQTF –, d’autant que le fichier mettant en relation le conseil départemental et la préfecture facilitera les choses.
Pour défendre les droits des mineurs non accompagnés, j’ai déposé un amendement visant à interdire à la préfecture de délivrer des obligations de quitter le territoire français aux jeunes majeurs étrangers bénéficiant de la prise en charge instaurée par la présente proposition de loi. (Mme Mathilde Panot applaudit.) Après leur avoir accordé une protection de droit, nous devons donner à ces jeunes la chance de bénéficier d’une formation, que celle-ci soit professionnelle ou universitaire. Tout comme vous, monsieur le secrétaire d’État, je crains une discrimination envers les jeunes majeurs qui décideraient de s’engager dans une formation qualifiante. L’article 2 excluant du dispositif les jeunes majeurs en cours de formation qualifiante en partenariat avec un centre de formation professionnelle et un employeur, je proposerai un amendement tendant à supprimer cette disposition.
Je le répète, il reste du chemin à faire, et je pensais qu’en cette fin de journée, nous franchirions une première étape. Je lance donc un appel aux députés présents dans l’hémicycle – même s’ils sont peu nombreux – pour qu’ils s’opposent à l’amendement du Gouvernement.
Quoi qu’il en soit, il restera de nombreuses questions à traiter, notamment la prise en compte de la parole des enfants et des jeunes. La loi de 2016 a instauré le projet pour l’enfant. C’est une bonne mesure ; le problème, c’est qu’elle n’est pas appliquée. C’est pourquoi l’article 5 de la proposition de loi me satisfait. Il est, en effet, important de prévoir un entretien pour faire le point sur le parcours du jeune majeur et dresser le bilan de son accès à l’autonomie. Toutefois, cet entretien ne devra pas être utilisé pour rompre la prise en charge du jeune. Il doit être un accompagnement, un encouragement, sans que le jeune ait à chaque fois à répondre d’une éventuelle interruption de son contrat.
J’avais encore beaucoup de choses à dire, car le sujet est passionnant, mais je manque de temps et il me faut conclure. J’interpelle chacun et chacune d’entre vous : ils, elles ont pris la parole, ont poussé des portes. Revenir sur les engagements que nous avons pris serait pour eux un désaveu supplémentaire. Je vous en conjure donc, opposez-vous à l’amendement du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour cinq minutes.
Mme Delphine Bagarry
Une société se juge à sa capacité de prendre soin des plus fragiles parmi les siens. La proposition de loi examinée ce jour porte donc sur un sujet de société, sur une question qui engage pleinement le législateur.
Cette question nous engage, en premier lieu, parce que nous devons faire face à un constat sans appel : certains enfants, à l’aube de leur vie, ont connu les affres de l’existence et ont dû être confiés à la République et protégés par elle. Or, alors qu’ils devraient faire l’objet d’une attention redoublée, ces mêmes enfants connaissent un risque supérieur aux autres d’être confrontés au pire dès leur majorité. Il n’est pas rare, pour ces jeunes, que la date anniversaire de leurs 18 ans coïncide avec une sortie sèche de l’aide sociale à l’enfance, et que cela signifie pour eux l’isolement et la rue.
Mme Patricia Mirallès
En effet !
Mme Delphine Bagarry
Cette question nous engage, ensuite, parce que, comme l’écrit Antoine Dulin dans son rapport, « le contrat jeune majeur est plus rare que l’or dans certains départements et s’apparente dans presque tous les cas à un sécateur à rêves ». Les enfants issus de l’aide sociale à l’enfance subissent donc une double injustice : au sort défavorable qui les rend plus vulnérables que les autres s’ajoute la chance ou la malchance de vivre dans un territoire plutôt que dans un autre.
Il est de la responsabilité du département, qui a la charge de la mise en œuvre des politiques de solidarité, de ne pas laisser des jeunes vulnérables livrés à eux-mêmes, et il est de la responsabilité du législateur de faire en sorte que les jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance et atteignant l’âge de 18 ans aient la possibilité de disposer d’un contrat d’accès à l’autonomie où qu’ils se trouvent sur le territoire national.
Ce qui est vrai pour les enfants nés en France l’est aussi pour les enfants isolés étrangers. Les inégalités territoriales concernant les mesures de mise à l’abri et d’évaluation grèvent la capacité de la République d’agir efficacement. Il existe, pour eux aussi, des inégalités de prise en charge, et il en va de même pour les accompagnements en sortie de l’aide sociale à l’enfance. Comme les autres, ces enfants ne doivent plus être abandonnés sans projet d’avenir à leur majorité. Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour qu’à l’âge de 18 ans, ils soient accompagnés dignement, et cela même s’ils n’ont pas bénéficié de la protection de l’ASE pendant dix-huit mois.
Nous ne pourrons agir efficacement que si la loi s’applique de la même façon sur tout le territoire national. La présente proposition de loi répond à l’iniquité géographique : un contrat d’accès à l’autonomie devra être systématiquement proposé aux jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance. Ce texte fera de la France un État attentif aux plus vulnérables, soucieux que l’inégalité de sort ne débouche pas sur une inégalité de chances, et cela grâce à un changement de paradigme. Il faut, en effet, arrêter d’en demander plus aux jeunes à qui la vie a offert moins. Il faut, au contraire, les accompagner pour qu’ils parviennent à une autonomie effective, qu’ils puissent trouver un logement, que leur intégration dans l’emploi soit favorisée, qu’ils soient mieux informés de leurs droits et mieux accompagnés dans la parentalité.
Enfin, cette proposition de loi s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de prévention et de lutte contre la pauvreté, dans le cadre de la contractualisation avec les départements. L’État s’engage financièrement auprès des collectivités pour la mise en œuvre des contrats d’accès à l’autonomie. Les départements devront tenir cinq engagements : la préservation du lien social et la détermination d’un référent pour chaque enfant ; l’accès de l’enfant à un logement stable ; l’accès de l’enfant à ses droits et à des ressources financières ; son insertion sociale et professionnelle ; l’accès de l’enfant à la santé. De son côté, l’État attribuera de façon automatique, avant leurs 18 ans, la CMU-C à tous les jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance, afin que l’accès aux soins ne leur soit jamais fermé ; il devra, en outre, s’assurer que ceux qui poursuivent leurs études disposent d’une résidence universitaire tout au long de l’année.
Mme Patricia Mirallès
Très bien !
Mme Delphine Bagarry
Mes chers collègues, parce que ce texte vise à l’égalité des chances et à la prévention de la discrimination sociale, parce qu’il est de notre devoir et de notre responsabilité d’offrir aux plus fragiles les moyens de leur émancipation et de leur épanouissement, je vous appelle avec enthousiasme à l’adopter. Il s’agira, certes, d’un petit pas, mais c’est une avancée qui est attendue par ces enfants. À nous d’allonger la foulée pour aller encore plus loin, à la suite des différents rapports ministériels commandés et de la concertation en cours sur la protection de l’enfance. Soyons ambitieux et exigeants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Jean Lassalle, pour cinq minutes – au maximum.
M. Jean Lassalle
Je ne pensais pas avoir autant de temps devant moi, monsieur le président : je m’étais préparé pour mes deux minutes habituelles ! (Sourires.) Je vous remercie de m’attribuer cinq minutes.
Ce débat tombe à pic : il va nous permettre de faire le point sur ce que nous pensions acquis. L’immense majorité d’entre nous pense que tout cela fonctionne bien. Pourtant, depuis quelques mois, pour ne pas dire quelques années, j’ai le sentiment que cela ne fonctionne pas aussi bien que cela.
Pour commencer, je voudrais parler des placements, notamment des placements d’office : c’est là que tout commence. J’ai déclenché une tornade sur les réseaux sociaux parce que j’ai fait état de mon doute concernant les pratiques utilisées pour ces placements d’office. Or, depuis, on a porté à ma connaissance plusieurs cas qui posent question. Qu’est-ce qui peut justifier qu’une armada de spécialistes veuille arracher un bébé à la maman qui vient de le mettre au monde ? Qu’est-ce qui peut justifier que, si elle alerte des amis sur les réseaux sociaux, ces mêmes personnes attendent sa sortie de la maternité pour s’emparer immédiatement de son enfant ? Oh, ce n’est pas que j’ignore que des enfants subissent de mauvais traitements ; celles et ceux qui en ont été victimes les ont décrits avec tant de justesse ! Nous en connaissons tous des exemples, et c’est un bonheur que de voir la force publique, la République, les prendre en charge. Néanmoins, je crois que cette proposition de loi devrait aboutir à une mise à plat de l’approche de cette dernière en la matière.
Avant d’en venir au contenu du texte, je veux insister encore une fois sur la nécessité de nous demander si nous nous donnons aujourd’hui les moyens de contrôler les placements d’office, qui engendrent, eux aussi, bien des malheurs. Dans ces familles brisées par la violence des temps modernes, cette violence qui s’infiltre partout et qui déchire tout le monde, à commencer par les plus fragiles, on peut voir des mamans vivre des expériences difficiles et douloureuses. Mais elles peuvent refaire leur vie. Pourquoi s’acharner sur elles, comme si le fait de mettre un enfant au monde était une faute qu’elles devaient impérativement expier ?
Je voudrais maintenant en venir au texte qui nous réunit – il est bon de parler des deux choses en même temps. Toute cette jeunesse pose un grand problème pour notre avenir, car ces enfants sont tout de même les nôtres. Je ne sais pas quand nous prendrons conscience du fait qu’il ne sert à rien de parler des heures et des heures si nous n’injectons pas de l’argent dans le domaine public. Tant que nous ne l’aurons pas compris, tout ce que nous pourrons faire ne servira à rien. Nous disserterons, nous contentant de prendre des mesurettes – et le malheur continuera de frapper.
À plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion de vous faire part de mes idées sur la direction à emprunter ; je ne suis d’ailleurs pas le seul à l’avoir fait. Force est de constater que ce n’est pas l’option qui a été retenue. Quand donc allons-nous ouvrir les yeux ?
Quant à ceux qui sont placés, les laisser tomber à 18 ans, c’est pire que tout. Ils n’ont pas acquis d’expérience, ne possèdent aucune formation. Restreindre leur accès aux centres de formation, plus traditionnels que les lycées et peut-être mieux adaptés à leur cas, n’est pas une bonne chose. Que l’on ne trouve plus de maîtres d’apprentissage, parce que ceux-ci n’ont pas les moyens de payer un apprenti, vu qu’ils n’ont même pas les moyens de se payer eux-mêmes, fait aussi problème. J’ai déposé quatre amendements en vue d’y remédier.
Pour conclure, il faudrait que nous mettions tout à plat et que nous revenions sur un certain nombre de certitudes. Rien n’est acquis dans le contexte de misère qui s’est emparé de notre pays et frappe les plus faibles d’entre nous.
Tous ces jeunes sont aujourd’hui lâchés dans la nature, alors que j’ai connu des centres, tels les PEP, les Pupilles de l’enseignement public, qui accueillaient il y a quinze ans encore des jeunes et ne les lâchaient pas tant qu’ils n’avaient pas de situation…
M. le président
Merci, monsieur Lassalle.
M. Jean Lassalle
…et n’étaient pas entrés dans la vie active.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Mörch.
Mme Sandrine Mörch
Combien de fois, mes chers collègues, sommes-nous intervenus, les uns et les autres, pour un neveu, une nièce, le fils d’un voisin, une petite cousine, sans parler évidemment de nos propres enfants ? Des centaines de fois, que ce soit pour donner un coup de pouce dans la recherche d’un logement, pour le prêt d’une voiture, pour décrocher un premier « boulot », pour se porter caution, pour remplir les formulaires de la CAF – Caisse d’allocations familiales – ou de la « sécu », pour éviter une erreur dans un abonnement ou empêcher le jeune de se faire avoir ? Et que dire de nos interventions pour motiver nos jeunes dans leurs études supérieures, dans des formations professionnelles ou dans une orientation choisie plutôt que subie ? Tous nos jeunes bénéficient d’un entourage, d’une famille plus ou moins éloignée ou d’un réseau sur lesquels compter dans le cas d’un coup dur ou d’une incompréhension dans une étape vers leur autonomie d’adulte. Je rappelle qu’ils deviennent indépendants financièrement bien après 26 ans.
Les jeunes de l’ASE n’ont pas ce réseau, mais ils ne sont pas épargnés pour autant par les obstacles qui pavent leur chemin vers l’autonomie. Comment donc imaginer qu’un jeune sortant de l’ASE à 18 ans puisse être autonome du jour au lendemain pour son logement, pour son emploi ou même pour une formation réfléchie, alors qu’il a moins de moyens que les autres, en termes de réseau familial ou amical, d’acquis scolaires ou de ressources financières, pour y parvenir ? C’est ce qu’on appelle la « sortie sèche ».
Les conséquences, nous les connaissons, on les a maintes fois évoquées dans cet hémicycle : 70 % des enfants sortent de l’ASE sans diplôme, et 45 % des sans-abri sont d’anciens enfants placés. C’est bien là l’aveu de l’échec des politiques menées en ce domaine, échec qui coûtera très cher, et pendant très longtemps, à notre société. Je veux, à cet égard, citer le témoignage d’une jeune fille placée : « L’aide sociale à l’enfance nous lâche à 18 ans, au moment où on est en pleine reconstruction. Et quand à 18 ans, on bénéficie d’un contrat jeune majeur, on n’a aucun droit à l’erreur. Souvent, notre réussite ne tient qu’au soutien indéfectible d’un adulte, un référent ASE ou la famille d’accueil, qui poursuit au-delà de son contrat. Sinon, c’est l’échec assuré. »
Cette proposition de loi consiste à aligner l’accompagnement des jeunes, non plus sur un état civil qui passe de minorité à majorité le jour de la dix-huitième année, mais bien sur la réalité de la vie des jeunes et de leur construction de vie d’adulte. Voilà l’enjeu qui se cache derrière ces contrats d’accès à l’autonomie, contrats d’accompagnement qui ont fait leur preuve grâce à plusieurs départements qui ont su mobiliser des personnels accompagnants engagés pour la réussite des jeunes, et qui ont mis volontairement en place des dispositifs d’orientation, de formation et d’accompagnement financier. Pour autant, l’autonomie dont nous parlons ici ne doit pas être une autonomie au rabais : elle doit être émancipatrice et reposer sur des formations ambitieuses, aussi bien universitaires que professionnelles, sur un accès au logement stable et sur des ressources financières. La durée des contrats est ici déterminante ; la déconnexion de leur durée d’avec l’anniversaire du jeune va dans le bon sens.
Maëlle est un exemple concret de ce parcours de réussite. Placée à l’âge de 3 ans avec son frère, elle est actuellement manager dans un grand cabinet de conseil, après être passée par une fac de droit, Sciences po Toulouse puis un second master à la Sorbonne, et son frère est prof d’histoire dans un lycée. Il ne faut pas oublier tous ces parcours de réussite, et, si possible, les chiffrer un jour. Car les contrats d’accès à l’autonomie impliquent un retour sur investissement social – ou comment faire d’un coût une richesse pour la société. Un enfant placé pendant dix ans coûte à la société, via l’ASE, 1 million d’euros, puis, s’il décroche, 230 000 euros au moins tout au long de sa vie, sans jamais atteindre l’autonomie, donc sans contribuer à un retour pour la société. C’est l’autre enjeu des contrats d’accès à l’autonomie : des coûts évités sur le long terme et un investissement social dans des potentiels en devenir, deux éléments que j’aimerais voir chiffrés un jour.
Cette proposition de loi n’impose rien aux départements qui auraient failli ; au contraire, elle renforce et transforme les réussites des départements en référentiels communs, pour prévenir les ruptures d’égalité sur le territoire. Il s’agit donc de faire plus et mieux ensemble. À cet égard, l’État prend ses responsabilités en multipliant le budget initial par cinq, le portant à 60 millions d’euros par an, afin que le nombre d’enfants bénéficiaires des contrats ne se limite pas à un tiers de ceux qui sortent de l’ASE, comme c’est le cas actuellement.
Si l’effort financier de l’État est donc indéniable, je souhaite que nous allions plus loin en incluant dans le dispositif tous les jeunes qui sortent de l’ASE, y compris les mineurs non accompagnés, pris en charge tardivement. Ces derniers ne doivent pas rester dans l’angle mort de la politique de protection de l’enfance, comme l’aide sociale à l’enfance le fut elle-même. Je tiens à y insister : la prise en charge de ces jeunes isolés est tardive compte tenu de l’évaluation de leur minorité en cas de doute en cette matière, et même des procédures judiciaires d’appel lorsque celle-ci n’est pas reconnue. Pendant ce temps, des mois durant, ils restent livrés à eux-mêmes, privés de scolarité, de ressources financières, de logement et de liens sociaux. Leur quotidien, ce sont les squats, les bidonvilles et l’assistance des associations, qui effectuent un travail formidable – c’est le cas dans ma circonscription, à Toulouse. Outre que tout cela a un coût, ce sont des potentiels en devenir gâchés, notamment lorsque la scolarité est brisée.
Enfin, je tiens à saluer la possibilité de désigner un tiers de confiance : c’est là, me semble-t-il, une avancée majeure dans l’accompagnement des jeunes. La tierce personne est une valeur refuge, une bienveillance inconditionnelle pour le jeune tel qu’il est ; mais c’est d’abord un lien de confiance. La tierce personne, en effet, c’est d’abord un regard confiant sur les capacités du jeune, qui a au moins besoin de la confiance d’un adulte, ne serait-ce que d’un seul, pour bien grandir : quelqu’un qui croit toujours en lui, même au pire des crises.
M. le président
Merci de conclure.
Mme Sandrine Mörch
Confiance et respect sont deux facteurs indispensables dans la réussite du jeune, pour que celui-ci puisse également, en retour, avoir confiance dans le monde adulte.
Je suis certaine, mes chers collègues, que cette proposition de loi incitera les départements à aller encore plus loin dans l’accompagnement et l’orientation des jeunes qui sortent de l’ASE. Elle est donc une pierre essentielle à l’édifice de la politique de protection de l’enfance que le Gouvernement et cette majorité entendent mener. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Maud Petit applaudit également.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Mme Brigitte Bourguignon, rapporteure de la commission des affaires sociales
Il n’est pas dans mes habitudes de prendre la parole pour le plaisir de prolonger les débats ou d’avoir le dernier mot. Certaines questions soulevées dans la discussion générale trouveront réponse, je crois, lors de l’examen des articles. Je ne répondrai donc pas point par point à chacune des interventions. Cependant, vous me permettrez quelques remarques et conclusions à l’issue de la discussion générale.
Tout d’abord, et au vu de la présentation caricaturale de Mme Panot, je veux rendre hommage au travail social, à la protection sociale de l’enfance, aux acteurs, que j’ai rencontrés, et aux familles d’accueil, qui sont avant tout humaines, et traitent de l’humain. Je veux aussi remercier l’ensemble des intervenants d’avoir, me semble-t-il, unanimement reconnu que nous ne pouvions en rester à la situation actuelle. Pour des jeunes longtemps qualifiés d’« invisibles », cette reconnaissance par notre assemblée est essentielle. Je souscris totalement à l’affirmation de Stéphane Viry selon laquelle il n’y a pas lieu à des controverses partisanes. Malgré quelques piques, quelques réserves et quelques points de vigilance, je constate d’ailleurs que, de telles controverses, il n’y eut point. Je vous remercie donc pour ce large soutien depuis hier soir.
Je veux dissiper aussi quelques malentendus ou inquiétudes, s’agissant en particulier de la rédaction de l’article 1er. Hier, en commission, j’ai présenté un amendement pour en expliquer la genèse et la portée, et m’assurer de l’accord de la commission avant de le déposer en séance. Tous les groupes n’étaient malheureusement pas représentés, d’où certaines interrogations aujourd’hui, auxquelles je vais, bien entendu, répondre.
En premier lieu, le dispositif sera obligatoire si les jeunes en font la demande – précision que j’ai apportée pour répondre à certaines préoccupations. Certains d’entre vous ont tiqué sur cette précision, qui pourtant s’applique déjà au contrat jeune majeur, celui-ci étant conditionné à l’envoi d’un courrier par l’intéressé. Elle relève, par ailleurs, de l’évidence : dès lors qu’un jeune accède à la majorité, il n’est plus possible, juridiquement, de lui imposer un contrat s’il n’en a pas fait la demande. Conformément à la démarche d’autonomie que nous promouvons aujourd’hui, il est, au demeurant, normal que le jeune fasse de lui-même le premier geste.
Il n’empêche que le dispositif est obligatoire, je le répète et continuerai inlassablement de le faire. Mme Firmin Le Bodo, qui n’est pas là, s’était inquiétée de l’éventuel dépôt d’un amendement du Gouvernement pour substituer à cette obligation une simple incitation. Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas membre du Gouvernement mais, dans les échanges très nourris que j’ai eus avec lui au cours des dernières semaines, à aucun moment cette idée n’a été évoquée. J’y aurais d’ailleurs été totalement défavorable.
Mme Faucillon déplorait une imprécision sur la date de prise en charge. Le dispositif, je le répète, est obligatoire, et ce jusqu’à l’âge de 21 ans. Il est donc plus ambitieux que celui qu’elle propose, qui ne porte que sur deux ans.
Le dispositif est aussi plus ambitieux que le contrat jeune majeur, qui, au demeurant, ne disparaît pas : tous les départements pourront, s’ils le souhaitent, continuer de recourir aux mesures tenant de l’ASE et les prolonger. Mme Firmin Le Bodo a évoqué un « filet de sécurité minimal », mais je pense que c’est le contraire : c’est le contrat jeune majeur, dont je répète qu’il est maintenu, qui constituera ce filet de sécurité pour les jeunes qui n’entreraient pas dans le nouveau dispositif.
À ce propos, je veux répondre sur les MNA – mineurs non accompagnés –, même si nous aurons, bien sûr, l’occasion d’y revenir. Dans la discussion avec le Gouvernement sur l’amendement dont je viens de parler, j’ai accepté de conditionner le dispositif à une prise en charge par l’ASE durant dix-huit mois, de 16 à 18 ans. Cela n’exclut d’ailleurs en rien la protection de tous les mineurs sur l’ensemble du territoire, ni les conditions de l’ASE et les contrats jeune majeur, qui demeurent.
Au départ, je n’avais pas envisagé la condition dont je viens de parler. Toutefois, de mes échanges sur le terrain, j’ai retiré la conviction qu’il ne fallait point pécher par angélisme. Certains travailleurs sociaux nous l’ont dit : les filières de passeurs se sont organisées pour tirer bénéfice de l’ASE. C’est donc un sujet que je veux traiter de manière plus globale, à travers la mission qui s’y rapporte, car, s’il est toujours bon de faire certains constats, il faut aussi avoir à l’esprit les dégâts provoqués par la non-obtention des titres de séjour ensuite. J’aimerais donc que nous ne perdions pas de vue les drames qui se jouent actuellement. De ces sujets nous débattrons aussi, je suppose, dans le cadre de la mission dédiée à la protection de l’enfance. Il faudra, en tout cas, veiller, monsieur le secrétaire d’État, à ce que cette condition n’écarte pas du dispositif des jeunes qui y auraient légitimement eu droit.
Faire de la politique, c’est faire des choix ; ils peuvent être critiqués, contestés. J’ai fait les miens. Non seulement je les assume, mais je les revendique. Le premier est d’avoir voulu que notre assemblée s’empare de cette question de la sortie des jeunes majeurs de l’ASE, ce qu’elle n’avait pas fait jusqu’alors. J’ai commencé à travailler sur cette proposition de loi au début de l’an dernier. J’en avais terminé la rédaction quand le rapport du CESE – Conseil économique, social et environnemental – est venu conforter les conclusions des échanges que j’avais eus avec les différents acteurs. Je ne trahis aucun secret en disant que j’ai un peu imposé son inscription à l’ordre du jour de nos travaux (Mme Justine Benin applaudit) avant qu’il s’impose lui-même progressivement dans les priorités du Gouvernement.
Le deuxième choix est celui d’avoir traité avec pragmatisme l’urgence sociale que constituent les sorties sèches de l’ASE ; il a été de mettre fin, selon le mot de Gisèle Biémouret, au « gâchis » que nombre d’entre vous ont dénoncé. Le texte est-il trop tardif et insuffisant en ce qu’il ne réglerait pas toute la question de la protection de l’enfance ? Peut-être, et même sûrement. Mais j’ai fait le choix d’un texte applicable très rapidement. Je me réjouis également que la stratégie gouvernementale, les travaux de la mission rapportée par Perrine Goulet ou les initiatives évoquées par les différents groupes envisagent d’aller plus loin dans la protection de l’enfance. Je crois toutefois important de poser, avec cette proposition de loi, les premières pierres à l’édifice.
Il ne s’agit pas non plus – la remarque n’est pas de moindre importance – de se donner bonne conscience. Il nous faut des mesures applicables. On a défendu la loi de 2016 ; je constate qu’elle n’a pas été appliquée. Je ne voulais pas d’un nouveau texte pour rien. Depuis près d’un an, j’ai donc réfléchi et organisé des concertations sur le texte adopté par notre commission.
En découle mon troisième choix, celui de proposer la modification de l’article 1er du texte de la commission. Mme Firmin Le Bodo évoquait, hier soir, l’amendement gouvernemental de réécriture de l’article 1er. Soyons clairs : on a parfois reproché aux majorités successives de présenter des propositions de loi ou des amendements écrits par le Gouvernement, d’en être les « faux-nez ». Dans le cas présent, c’est le contraire qui s’est produit. L’amendement du Gouvernement ne fait que reprendre, à ma demande, afin de lever l’irrecevabilité au titre de l’article 40, la modification que je voulais apporter au dispositif. Cet amendement est donc le mien, et je le revendique. Il crée une obligation de prise en charge qui n’existait pas, couvre jusqu’à 21 ans les besoins fondamentaux des jeunes, notamment en matière de logement, et sécurise le quotidien, comme aurait pu le faire l’obligation, initialement prévue, du contrat jeune majeur.
On aurait pu rester en terrain connu, colmater les brèches et tenter de conforter le dispositif existant, ce qui était bien ma première idée. Mais j’ai voulu aller plus loin, et je remercie le Gouvernement de m’avoir suivie dans cette voie. Avec ce nouveau dispositif, nous donnons en plus aux jeunes qui sortent de l’ASE les outils pour parvenir à l’autonomie.
Nous leur donnons aussi ce que nous devons à tous les jeunes : la possibilité de voir plus loin que le quotidien, celle d’avoir des ambitions et des rêves, de faire aussi leurs propres choix.
J’espère sincèrement que, de votre côté, vous choisirez de nous soutenir sur cette voie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux propos de Mme la rapporteure. Je voudrais, en revanche, répondre à plusieurs interventions qui ont eu lieu dans le cadre de la discussion générale, soit hier soir, soit cet après-midi.
Pour commencer, je remercie, à mon tour, l’ensemble des orateurs de la qualité de leurs interventions. Nous ne sommes pas d’accord sur tout – nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat –, mais il est une chose à propos de laquelle nous nous accordons, je pense : la nécessité de sortir du statu quo et de permettre à chaque jeune d’accéder à l’autonomie – j’y reviendrai également.
Je vous remercie, madame la rapporteure, de votre engagement depuis de nombreuses années pour l’aide sociale à l’enfance et d’avoir porté haut ce sujet, et plus particulièrement celui des sorties dites sèches, au sein de l’hémicycle. L’un des enjeux pour nous tous – et pour moi en tant que secrétaire d’État – est de faire de la protection de l’enfance, et, au-delà, de l’enfance en général, une priorité médiatique et politique. Je vous sais gré, madame la rapporteure, d’y avoir grandement contribué en défendant la présente proposition de loi.
Je veux également remercier tous les parlementaires qui concourent, eux aussi, à cet objectif : Perrine Goulet et Alain Ramadier, pour la mission parlementaire d’information qu’ils sont en train de mener ; Maud Petit, pour sa proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires ; Xavier Iacovelli, qui a constitué au Sénat un groupe de travail sur la protection de l’enfance ; Paul Christophe, qui, dans son département du Nord, mène une mission sur la protection de l’enfance au niveau départemental.
Je remercie aussi, bien évidemment, toutes les associations de jeunes anciennement placés, dont plusieurs, que je salue, se trouvent actuellement dans les tribunes du public. Chacun d’entre vous, à son niveau, dans son rôle, a fait en sorte que les sujets dont nous parlons tiennent le haut du pavé. Soyez assurés qu’à ma place et dans mon propre rôle, je continuerai d’agir en ce sens au cours des mois et – je l’espère – des années à venir.
Le sujet qui nous occupe est transpartisan, et j’aimerais que nous nous attachions à cette approche transpartisane. Car, je le répète, il est une question qui nous met tous d’accord : la nécessité de permettre aux jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance d’accéder à l’autonomie. Voilà qui me donne l’occasion de revenir à mon tour brièvement sur l’article 1er et sur l’amendement rédigé et défendu par Mme la rapporteure – ce serait mal connaître Brigitte Bourguignon, en effet, que de penser que l’on peut lui imposer la rédaction d’un amendement, même si nous l’avons accompagnée et aidée dans la nouvelle rédaction et dans la définition des voies nouvelles qu’elle appelait de ses vœux après l’adoption de l’article en commission, et à la lumière de la mission qu’elle conduit depuis plusieurs semaines à la demande du Premier ministre et de moi-même. Revenons donc un instant, afin d’éviter tout malentendu, sur la rédaction initiale de cet article, selon laquelle la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance « est obligatoire pour les mineurs émancipés et les majeurs de moins de vingt et un ans ». En d’autres termes, elle prolongeait la durée de cette prise en charge jusqu’à l’âge de 21 ans. Or, d’une part, nous estimons que cela irait à l’encontre de l’objectif d’autonomisation des jeunes.
Mme Elsa Faucillon
D’abord ils sont en pouponnière, et tout à coup, plus rien !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
D’autre part, plusieurs jeunes sont opposés au prolongement tel quel, par l’institution de l’aide sociale à l’enfance, de leur prise en charge au cours des années à venir.
On nous dit que l’article 1er systématisait les contrats jeune majeur. Ce n’est pas ce que je lis dans sa rédaction initiale. On nous dit par ailleurs, à juste titre, que les contrats jeune majeur sont aujourd’hui hétérogènes d’un territoire à l’autre, de sorte que leur dénomination recouvre des réalités bien différentes : certains départements en octroient, mais pour trois mois et sans qu’ils emportent de véritables droits. On ne peut pas à la fois invoquer une systématisation de ces contrats qui ne figurait pas dans le texte initial et regretter l’hétérogénéité des pratiques qu’ils permettent actuellement !
Que faisons-nous – que faites-vous, madame la rapporteure – grâce à la nouvelle rédaction ? Nous précisons le contenu de l’accompagnement, du contrat d’accès à l’autonomie. Je suis d’accord avec vous pour dire que l’un des manques, voire l’une des faiblesses de la loi de 2016 – qui m’inspire, par ailleurs, un immense respect envers Michelle Meunier et Laurence Rossignol en raison de leur travail sur un texte qui était nécessaire –, est qu’elle est trop imprécise dans plusieurs domaines, de sorte que dans les faits, sur le terrain, elle n’est pas appliquée. Voilà pourquoi l’amendement de Mme la rapporteure tend à préciser la teneur de l’accompagnement dont bénéficieront les jeunes vulnérables à leur majorité. Voilà pour le premier point.
Le second point qui a été abordé est de savoir si cet accompagnement est obligatoire. Le texte dispose : « le président du conseil départemental s’engage obligatoirement à », etc. Le mot « obligatoirement » y figure noir sur blanc : que vous dire de plus ? Accessoirement, les critères d’octroi de la prise en charge seront plus larges qu’il n’était initialement prévu ; par exemple, l’absence de logement sécurisant en est supprimée.
Enfin, le texte sera plus protecteur qu’auparavant : ce que nous souhaitons instaurer, madame Faucillon, c’est un contrat d’accès à l’autonomie de trois ans – soit jusqu’à l’âge de 21 ans –, et non de vingt-quatre mois comme le proposait l’un de vos amendements.
Mme Elsa Faucillon
Avant, c’était six mois !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
En ce qui concerne la condition de durée cumulée de dix-huit mois, je n’ajouterai rien pour l’instant, si vous me le permettez, madame la députée, aux propos tenus par la rapporteure et auxquels j’adhère entièrement ; mais j’y reviendrai à l’article 1er, soit au sujet de l’amendement qui, je crois, porte sur le sujet, soit en réponse aux inscrits sur l’article. Je vous ferai alors part des raisons qui nous ont conduits à prévoir cette condition de durée – absolument nécessaire, en particulier, à l’équité territoriale que vous tous, comme moi, appelez de vos vœux –, mais aussi de ce que nous faisons, dans le cadre d’une politique plus globale, pour traiter de façon volontariste mais humble la question des mineurs non accompagnés.
Pour favoriser l’autonomie de ces jeunes, la proposition de loi s’appuie également sur d’autres dispositions, notamment l’amélioration de l’accompagnement. Plusieurs d’entre vous en ont parlé. Je songe aux entretiens – évoqués par Mme Dubié – avant l’âge de 17 ans, puis six mois après la sortie, et – une disposition ajoutée au texte initial – jusqu’à 25 ans sur demande du jeune ; à l’inscription dans la loi du tiers de confiance et du parrainage, mentionnés par Mme Mörch ; enfin, à l’accès prioritaire au logement social.
J’aimerais justement revenir à la question du logement dans le cadre du contrat d’accès à l’autonomie. Là aussi, c’est écrit noir sur blanc : le contrat garantit l’accès à un logement. Pourquoi l’avons-nous voulu ainsi ? Parce que nous devons tous tenir compte du fait que 25 % des jeunes SDF de notre pays sont passés par l’aide sociale à l’enfance. C’est en réaction à ce phénomène que nous instaurons l’obligation de fourniture d’un logement, dont les modalités incombent aux départements. L’accès au logement devient ainsi un droit pour les jeunes concernés.
Plusieurs des propositions qui avaient été formulées ont été rejetées au titre de l’article 40 ; non du fait du Gouvernement, donc, mais dans le cadre de la procédure législative – je le dis en particulier à l’intention des personnes qui assistent à la séance depuis les tribunes du public.
Madame de Vaucouleurs, la prise en charge des jeunes en situation de handicap ou l’aide à la gestion du compte bancaire font partie des dispositions qui seront étudiées lors de la concertation que nous avons lancée. Dans ce cadre, un groupe de travail porte spécifiquement sur le premier de ces deux points. Vous le savez, 25 % des jeunes relevant de l’aide sociale à l’enfance bénéficient de la reconnaissance d’un handicap par la maison départementale des personnes handicapées ; ils se situent au croisement des domaines social et médico-social et, comme souvent quand on se trouve à l’intersection de deux secteurs, ils ne sont en réalité à peu près nulle part : aussi mal accompagnés dans leurs besoins sociaux que mal pris en charge des points de vue somatique et psychosomatique. Des réponses seront donc apportées à vos questions dans ce cadre. Je reviendrai d’ailleurs sur les questions de calendrier, évoquées par plusieurs d’entre vous.
Madame Panot, à l’instar du handicap, les ruptures multiples et la sécurisation des parcours font l’objet d’une réflexion dans le même cadre des groupes de travail contribuant à la concertation, tout comme la sécurisation de l’environnement dans lequel vivent les jeunes, afin que les violences, notamment sexuelles, que vous avez décrites ne puissent plus jamais avoir lieu au sein des établissements de l’aide sociale à l’enfance. Vous avez raison de les pointer du doigt, de les dénoncer, et nous allons prendre, avec les départements, les mesures nécessaires pour qu’elles ne se produisent plus jamais.
Mais il faut aussi savoir raconter les belles histoires de notre système de protection de l’enfance – et il y en a beaucoup. Car à ne parler que de ce qui va mal, on finit par stigmatiser les jeunes, et ce stigmate leur colle à la peau. (Protestations sur les bancs du groupe FI.) Ce sont eux qui nous le disent : l’image des « enfants de la DDASS » leur colle à la peau une fois qu’ils sont devenus autonomes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.)
M. Laurent Pietraszewski
Un peu moins de postures politiques ne nuirait pas !
Mme Mathilde Panot
Ce n’est pas nous qui adoptons des postures politiques, c’est vous !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Mme Firmin Le Bodo et M. Viry nous ont interrogés sur l’éventualité d’un transfert de charges et sur les garanties financières dont la proposition de loi est assortie : comment pouvons-nous assurer la pérennité du montant annoncé et son inscription dans le projet de loi de finances ?
Il ne s’agira pas d’un transfert : les conseils départementaux sont déjà compétents en la matière et l’État prendra toute sa part à leurs côtés. Je le répète : 60 millions d’euros seront mobilisés chaque année, soit 48 de plus qu’aujourd’hui, pour accompagner la sortie de l’aide sociale à l’enfance. L’État fera, par ailleurs, appel à l’ensemble des acteurs concernés pour permettre aux jeunes d’accéder au droit commun. Ces 60 millions d’euros seront probablement inscrits au programme 304 du prochain projet de loi de finances – nous en reparlerons donc le moment venu –, de sorte que le dispositif soit opérationnel dès le 1er janvier 2020, quoi qu’il advienne du parcours législatif de la présente proposition de loi, dont nous espérons qu’elle sera inscrite à l’ordre du jour du Sénat dans les meilleurs délais.
Mme Biémouret comme M. Viry nous ont questionnés sur le calendrier, jugé difficile à comprendre, peu lisible. Il se passe beaucoup de choses, nous dit-on en effet ; réjouissons-nous en, car il est bon que tout le monde se saisisse du sujet.
Mme Gisèle Biémouret
Cela dépend : encore faut-il que cela aboutisse !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Après tout ce que j’ai entendu hier soir, vous n’allez pas déplorer que la proposition de loi de Brigitte Bourguignon soit enfin débattue dans l’hémicycle ! Auriez-vous voulu que je demande le report de son examen après la fin de la concertation ?
En parallèle, ce qui prouve d’ailleurs les premiers effets de sa démarche, le Premier ministre et moi-même avons confié une mission à Brigitte Bourguignon afin qu’elle puisse enrichir encore le texte ; la preuve a été faite, je crois, que c’était utile, et je ne doute pas que cela se vérifiera au cours des semaines à venir.
Par ailleurs, indépendamment de mon action, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale a décidé de mettre sur pied une mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance dont le président est Alain Ramadier, la rapporteure Perrine Goulet, et dont plusieurs d’entre vous sont membres. Je ne peux, là encore, que me réjouir du fait qu’un nombre important de députés s’emparent du sujet, procèdent à des auditions, aillent sur le terrain et puissent articuler leurs travaux à ceux du Gouvernement pour compléter utilement ces derniers.
De fait, un dernier volet, qui m’incombe, celui-là, est constitué de la grande concertation, que nous avons lancée au cours du mois qui a suivi ma nomination, avec l’ensemble des parties prenantes – départements, associations, jeunes, professionnels – et portant sur l’amélioration de l’aide sociale à l’enfance et l’accompagnement des jeunes. Cinq groupes de travail ont été constitués parallèlement à la mission dirigée par Brigitte Bourguignon. Et, afin que vous soyez au courant de tout, une mission a également été confiée à Monique Limon, ici présente, et à la sénatrice Corinne Imbert sur la question de l’adoption, que nous voulons définitivement rattacher à l’aide sociale à l’enfance et dont nous voulons qu’elle soit une solution possible dans le parcours des jeunes. Tous ces travaux doivent prendre fin vers la fin juin afin que, dans le courant de l’été – probablement au début du mois de juillet –, nous puissions annoncer un plan d’amélioration de l’aide sociale à l’enfance dans son ensemble, et pas seulement sur la question des sorties sèches. Tel est le panorama général.
Pour en venir à ma conclusion, si vous votez ce texte, vous allez créer une obligation de contrat d’accès vers l’autonomie pour les plus vulnérables. Vous allez créer un contrat qui repose sur trois piliers : l’accès au droit et à la santé, l’orientation professionnelle vers une formation adaptée avec, si nécessaire, un accompagnement éducatif, et la garantie d’accès à un logement.
Aussi, quand je vois que vous allez voter un accès prioritaire au logement social jusqu’à trois ans après la sortie de l’ASE, un accès prioritaire au mode de garde pour les mineurs, et un accès prioritaire à la garantie jeunes, sous forme d’expérimentation, par le biais des maisons d’enfants à caractère social, des établissements pour l’insertion dans l’emploi et des écoles de la seconde chance ; quand je vois que vous allez voter l’instauration d’un contrat de parrainage, donner au mineur la possibilité de désigner une personne de confiance majeure ; quand je vois que vous allez voter l’amélioration de l’accompagnement des jeunes majeurs en donnant à ce « méta-besoin », ce lien, identifié par le docteur Marie-Paule Martin-Blachais lors de la conférence de consensus, une concrétisation à travers notamment les entretiens à l’âge de 17 ans, puis six mois après leur majorité et jusqu’à leurs 25 ans ; quand je vois que si vous votez ce texte, 48 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés chaque année ; quand je vois tout ce que vous allez voter, je me demande comment on pourrait s’opposer à cette proposition de loi ici ou en dehors de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
M. le président
La parole est à Mme Justine Benin.
Mme Justine Benin
Près d’un sans-domicile fixe – SDF – sur quatre est passé par l’aide sociale à l’enfance, un jeune sur cinq issu de l’ASE se retrouve dans la rue quand il atteint sa majorité et 70 % d’entre eux sont dépourvus de diplôme. C’est un échec collectif, une véritable casse sociale alors que c’est à cet âge que se construit l’avenir de tout un chacun. Nous ne pouvons plus accepter qu’en France des jeunes soient abandonnés à leur sort, jetés à la rue, alors qu’ils éprouvent déjà de grandes difficultés sociales, économiques et familiales.
Les associations de protection de l’enfance, les collectivités territoriales, mais aussi et surtout des centaines de milliers de jeunes attendent de nous que nous les accompagnions. La présente proposition de loi est un acte fort. Aussi, je salue le travail réalisé par notre collègue rapporteure Brigitte Bourguignon. Ce texte offrira un meilleur accompagnement des jeunes majeurs passés par l’ASE, pour les aider à être autonomes et à s’intégrer durablement dans notre société.
Puisque cette proposition de loi apporte des moyens accrus de l’État pour les départements et tous les acteurs, une meilleure coordination des professionnels de la protection de l’enfance et, surtout, un meilleur suivi et un meilleur accompagnement pour les jeunes vulnérables avant et après leur majorité, je la voterai sans ambiguïté. Elle constitue la première pierre de la politique volontariste et ambitieuse que nous devons mener pour mieux lutter contre la pauvreté et l’exclusion chez les jeunes.
Je m’étais tout de même interrogée sur un point auquel, madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez apporté des éléments de réponse. Il s’agissait de la période de dix-huit mois minimum de prise en charge par les services de l’ASE entre 16 et 18 ans, afin, aux termes de l’article 1er, d’avoir droit à une même prise en charge au-delà de la majorité. Pourquoi dix-huit mois et non pas douze ? À cela, vous avez répondu et je vous en remercie.
M. le président
La parole est à Mme Élisabeth Toutut-Picard.
Mme Élisabeth Toutut-Picard
L’article 1er est riche en mesures d’accompagnement dans toutes les dimensions pratiques de la vie de ces tout jeunes majeurs vulnérables. L’objectif du dispositif, comme vous l’avez longuement expliqué, monsieur le secrétaire d’État, est bien de rendre ces jeunes économiquement et socialement autonomes et responsables, qu’il s’agisse des études, de la formation professionnelle, de la recherche de logement, de la santé, des droits civiques... Je me réjouis vraiment de la mise en place d’un tel dispositif, qui va contribuer à l’insertion logistique et sociale des jeunes concernés.
J’appelle cependant votre attention sur le fait que ces jeunes sont très souvent porteurs d’une histoire personnelle et familiale particulièrement difficile, voire traumatisante pour certains. Et ce n’est pas parce qu’ils ont atteint l’âge officiel de la majorité qu’ils ont pour autant définitivement trouvé leur équilibre psycho-affectif. On n’est pas complètement adulte à 18 ans, et il faut parfois beaucoup de temps pour le devenir.
Aussi, avez-vous envisagé, monsieur le secrétaire d’État, de créer une filière de prise en charge psychologique adaptée à ce public sensible ? Dans l’affirmative, pouvez-vous préciser la procédure que vous comptez instaurer, en relation, non seulement avec les professionnels de la santé psychique, mais également avec les familles d’accueil qui contribuent aussi, à leur manière, au rééquilibrage somatique, émotionnel et psychique de ces jeunes ?
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Mireille Robert.
Mme Mireille Robert
L’article 1er, dans sa nouvelle rédaction, lève une ambiguïté sur la prise en charge des jeunes suivis par les services de l’aide sociale à l’enfance, en la rendant obligatoire. Il s’agit, pour le conseil départemental, de contractualiser pour garantir à tous, quel que soit le département, un parcours vers l’autonomie et l’insertion dans la société. Ce contrat vers l’autonomie, tout en offrant des perspectives, démêle des situations complexes et renforce la protection plus que jamais nécessaire de ces jeunes majeurs vulnérables que l’on se doit d’accompagner au moins jusqu’à l’âge de 21 ans.
Ce socle minimal contractualisé permet d’abord un accès au logement puis un accompagnement sur le plan éducatif, enfin une orientation vers des dispositifs de droit commun correspondant à ses études, sa formation, sa santé, avec un accès à la garantie jeunes. C’est la possibilité de disposer d’un avenir, de profiter d’un vrai filet de sécurité, d’éviter une sortie sèche de l’ASE, de construire son chemin de vie.
Afin de ne pas créer de charges supplémentaires pour les départements, l’État, qui versait déjà 12 millions d’euros par an pour l’accompagnement des jeunes majeurs sortant de l’ASE, s’engage à ajouter 48 millions d’euros annuels. L’article 1er, en proposant un contrat d’accès à l’autonomie, consacre donc le soutien du département et de l’État comme un droit pour les jeunes de 18 à 21 ans sortant d’un parcours de protection de l’enfance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme Carole Grandjean.
Mme Carole Grandjean
Si nous ne doutons pas du soutien de l’État en matière de protection de la petite enfance et de l’enfance, une ambiguïté reste à dissiper concernant la jeunesse qui vient de parvenir à la majorité. Aujourd’hui, 20 900 jeunes majeurs sont concernés par des mesures de protection de l’enfance. Si notre système se caractérise par une prise en charge juridictionnelle et administrative, c’est aux conseils départementaux que revient la responsabilité de mettre en place ces mesures de protection afin de soutenir et d’accompagner ces jeunes et leurs familles.
La proposition de loi de la présidente Bourguignon est une réponse urgente aux difficultés liées aux ruptures de parcours de prise en charge. La prise en charge des jeunes majeurs ne peut être interrompue dès lors que les mineurs s’émancipent ou qu’ils atteignent 21 ans. Il est déjà possible pour les conseils départementaux de prévoir cet accompagnement. La société doit désormais rendre cette disposition obligatoire pour tous, partout, dans un souci d’équité et de qualité d’accompagnement pour les jeunes majeurs vulnérables.
Ainsi, le contrat d’accès à l’autonomie, prévu par le présent article, rend ce suivi obligatoire jusqu’à 21 ans dès lors que les jeunes concernés ont bénéficié d’une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, qu’ils sont en situation de rupture familiale ou qu’ils ne bénéficient pas d’un soutien matériel et moral de leur famille et qu’ils ne disposent pas de ressources financières ni d’un logement ou d’un hébergement sécurisant. Bien sûr, même si nous sommes frustrés de ne pouvoir en faire davantage, cet article va donc dans le bons sens. Reste que l’État a une responsabilité envers sa jeunesse et c’est désormais à lui de s’assurer que chacun, partout sur le territoire, dispose de toutes les chances pour réussir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Cédric Roussel.
M. Cédric Roussel
L’article 1er forme le cœur du texte. Comment peut-on accepter, aujourd’hui, en France, que des milliers de jeunes majeurs, sans aucun soutien matériel ou moral de leur famille, faute de ressources financières suffisantes, se retrouvent littéralement à la rue ? Sortis des services de l’ASE, souvent sans diplômes, avec un entourage plus que limité, ces enfants de la République, trop souvent délaissés, ignorés, sont, du fait de leur situation, particulièrement vulnérables et exposés à de nombreux risques que nous pouvons aisément imaginer.
Face à ce phénomène dramatique, cet article, en créant une obligation de prise en charge par l’ASE, à travers un contrat d’accès à l’autonomie, permet de réparer une partie des défaillances du système. De plus, les dispositions que nous examinons contribueront à réduire les inégalités territoriales d’accès au dispositif avec la mise en place de critères communs applicables à tous les départements. C’est donc une mesure importante et attendue depuis de nombreuses années que nous nous apprêtons à voter.
Enfin, je tiens à souligner le soutien financier important de l’État, qui montre, une fois encore, la priorité que constitue cette politique publique pour le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Bien entendu, l’article 1er constitue une avancée par rapport à la situation actuelle. Je regrette toutefois que nous n’ayons pas conservé la rédaction initiale, plus ambitieuse. Espérons qu’il ne s’agisse que d’une première pierre ; espérons que nous irons plus loin pour ces jeunes. Je défendrai plusieurs amendements en ce sens.
J’aurais aimé présenter un sous-amendement – les amendements du Gouvernement ayant été déposés trop tardivement – concernant la période minimale de dix-huit mois pendant laquelle un jeune doit avoir été confié à l’aide sociale à l’enfance, entre 16 et 18 ans, pour bénéficier jusqu’à 21 ans d