XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Séance du jeudi 06 juin 2019

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation des mobilités (nos 1831, 1974, 1937, 1938, 1942).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 278 à l’article 15 bis B.
La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 278. Madame la ministre chargée des transports, je souhaite revenir sur les propos que vous avez tenus juste avant la levée de la séance de cet après-midi. S’agissant de la capacité du préfet à déroger aux consignes du Premier ministre, rien n’interdit à celui-ci de changer d’avis et de suivre nos propositions, comme il l’a fait à la fin de l’année, sous la pression populaire, sur les heures supplémentaires.
Ce que nous demandons, c’est la déconcentration : il est juridiquement possible de confier cette compétence aux préfets.
Par ailleurs, en matière d’accidentologie, une corrélation n’est pas une causalité : la baisse du nombre des morts sur la route est en corrélation avec toutes les mesures prises pour renforcer la sécurité routière, qu’il s’agisse de la lutte contre l’alcool ou la drogue au volant, ou de celle contre ce phénomène relativement nouveau qu’est le téléphone au volant. Affirmer que la réduction de la vitesse est la cause des résultats obtenus n’est pas satisfaisant.
Il est facile de se draper du manteau blanc de la vertu : qui peut imaginer un seul instant que des députés, sur certains bancs, ne combattraient pas la mortalité routière ? Nous sommes tous mobilisés et concernés. Dès le début de l’année 2018, nous avons apporté notre soutien total à dix-sept des dix-huit mesures de sécurité routière annoncées par le Premier ministre, au premier rang desquelles se situait la lutte contre le téléphone portable au volant qui est, je le répète, un fléau.
Comment peut-on s’arc-bouter sur une mesure, à tel point déconnectée des réalités du terrain, que le 80 kilomètres-heure est devenu le symbole, dans notre pays, du ras-le-bol de la technocratie et de la France à deux vitesses ? Cela peut vous paraître irrationnel, mais c’est une réalité : vous ne pouvez pas, aujourd’hui, discuter sereinement de ce sujet avec les Français. Il s’agit de retrouver de la sérénité, voire de la sérénité financière. Faut-il rappeler que les pertes de recettes liées à la destruction des radars, que je condamne, se sont élevées à 200 millions d’euros en 2018, que le montant sera vraisemblablement le même en 2019, et qu’il faudra au bas mot 85 millions pour les réparer ? Je vous le demande : ces quelque 500 millions d’euros n’auraient-ils pas été mieux investis dans la sécurisation et la modernisation des routes ?
Oui, il faut faire œuvre de paix en retrouvant sérénité et consensus, s’agissant de la mobilité dans les territoires. Laissez-nous rouler où c’est possible à 90 kilomètres-heure, sous l’autorité du président du conseil départemental pour les routes départementales et sous celle du préfet pour les routes nationales, en relation avec la commission départementale de la sécurité routière. Ils sauront trouver la vitesse adaptée, conjuguant mobilité et sécurité. Chers collègues de la majorité, vous êtes désormais face à vos responsabilités.
La parole est à Mme Bérangère Couillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission. Monsieur Brun, ce sont plutôt les présidents des conseils départementaux qui seront désormais face à leurs responsabilités. Nous prenons les nôtres en laissant les routes nationales, qui sont sous l’autorité du préfet et, donc, de l’État, à 80 kilomètres-heure. C’est ce que nous avons décidé de faire. Si les présidents des conseils départementaux prennent la décision de passer les routes dont ils ont la responsabilité à 90 kilomètres-heure, ils seront libres de le faire. Ne les stigmatisez pas ! C’est vous qui leur attribuez cette liberté ! Vous en faites donc un enjeu politique. Vous souhaitez la décentralisation, mais vous n’êtes pas contents que l’État ne veuille pas vous suivre. L’État a pris ses responsabilités. Vous refilez donc la patate chaude aux présidents des conseils départementaux ! Je vous prie de laisser la rapporteure s’exprimer. Monsieur Brun, votre amendement n’est pas recevable au plan juridique, car il vise à intégrer dans le domaine législatif des dispositions qui relèvent du domaine réglementaire.
Le président du conseil départemental aura la possibilité de repasser les routes qui dépendent de lui à 90 kilomètres-heure. Il en prendra la responsabilité. L’État, quant à lui, je le répète, a pris les siennes et conservera les routes nationales à 80 kilomètres-heure.
La parole est à Mme la ministre chargée des transports, pour donner l’avis du Gouvernement. Nous nous accordons sur l’importance des enjeux de sécurité routière et sur la nécessité de sauver des vies. Comme je l’ai déjà souligné, selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, qui regroupe des experts du sujet, les 80 kilomètres-heure peuvent ne pas vous convenir mais ont permis de sauver 127 vies au second semestre 2018.
Vous avez affirmé qu’il faut en finir avec les décisions technocratiques : c’est bien ce que le Premier ministre a annoncé, en permettant aux élus de prendre leurs responsabilités, chacun pour son réseau, maire, président d’établissement public de coopération intercommunale – EPCI – ou président du conseil départemental. Tel est l’objet d’un amendement qui sera examiné dans un instant.
En même temps, la décision du président du conseil départemental, du président d’EPCI ou du maire devra être éclairée. C’est la raison pour laquelle l’amendement prévoit un bilan de l’accidentalité et l’avis de la commission départementale de la sécurité routière. Les Français attendent de nous une clarification des responsabilités. Le dispositif qui est proposé va dans ce sens.
J’appelle votre attention sur le fait que, si cet amendement est adopté, il fera tomber les vingt-quatre amendements suivants. C’est une motivation ! C’est même un excellent argument ! La parole est à M. Vincent Descoeur. Madame la rapporteure, si le Premier ministre est sincère en donnant le droit aux présidents des conseils départementaux d’adapter la vitesse, il ne faut pas ouvrir en amont un procès en les accablant d’une quelconque responsabilité. Vous avez affirmé tout à l’heure que vous alliez donner cette responsabilité aux maires : est-ce sincère ou est-ce un cadeau empoisonné ?
Si l’on vous écoute, seuls les élus peuvent prendre une telle décision, les préfets ne le pourraient pas. J’ai été seize ans président de conseil départemental : cette responsabilité, les présidents de conseils départementaux l’exercent tous les jours. Je n’ai jamais pu augmenter la vitesse ; en revanche, j’ai régulièrement refusé de la diminuer : en effet, à chaque nouvelle voie, les riverains veulent qu’elle soit limitée à 70 kilomètres-heure. Dans l’exercice de notre fonction, c’est logiquement que les présidents des conseils départementaux sont conduits à ne pas accepter des réductions de vitesse tous les 500 mètres. En cela, ils prennent leurs responsabilités. Ne commencez pas par stigmatiser les présidents de conseils départementaux qui, demain, prendraient cette responsabilité.
Si nous n’avons pas à nous offusquer des remarques de certains collègues, je n’accepte pas qu’on réduise le débat sur la limitation de vitesse, qui est un débat sur la mobilité, à une confrontation entre, d’un côté, les personnes responsables, soucieuses de limiter le nombre des victimes sur les routes, et, de l’autre, les irresponsables, qui seraient les fous du volant.
Personne ne dit cela ! Le Premier ministre a été tenté de tomber dans ce travers à l’occasion d’une ou deux interventions. Ce soir, il convient d’aborder sereinement ce débat. Je le dis tout net : si le Premier ministre est d’accord pour que les élus adaptent la vitesse, c’est qu’il prend, lui-même, la responsabilité de leur donner ce pouvoir. Dans ces conditions, ne venez pas nous dire que les élus qui le feront se retrouveront, demain, sur la liste des inconscients. Je le dis comme je le pense. Nous disons simplement qu’ils seront responsables. Je tiens à revenir à la question de la pertinence de la mesure et à celles des statistiques. Nous cherchons tous à améliorer les résultats de la sécurité routière : convenons-en, pour avoir un débat serein. J’ai eu l’occasion de présenter dans cet hémicycle une proposition de loi qu’on a rejetée sous prétexte que ses dispositions relevaient du domaine réglementaire – vous n’étiez pas là, madame la ministre, ce n’est pas de votre fait : on m’a reproché de parler de vitesse dans un texte législatif. Or l’amendement que la commission du développement durable a adopté ne fait que reprendre exactement une des dispositions de ma proposition de loi. Eh bien, tant mieux ! Voilà pour ce qui concerne les aspects réglementaire et législatif de ces dispositions, madame la rapporteure. Que chacun s’en accommode !
S’agissant des statistiques de la sécurité routière, je vous mets en garde contre l’idée d’affirmer avec assurance que la diminution du nombre des victimes en 2018 est liée aux 80 kilomètres-heure : il ne faut pas oublier que la tendance était déjà à la baisse en 2017, où on roulait à 90 kilomètres-heure. Or le Premier ministre a attribué la baisse de la mortalité routière au second semestre de 2018 aux 80 kilomètres-heure, et l’augmentation de cette même mortalité au premier trimestre de 2019, à la dégradation des radars. Il s’accommode vraiment beaucoup des événements, d’autant que les radars ont été dégradés dès novembre 2018.
Nous ne pouvons que saluer la diminution de la mortalité routière en 2018 : toutefois, personne n’est capable aujourd’hui de nous en indiquer la raison principale, du fait que, convenez-en, les raisons sont multiples.
Ne rendez pas ceux qui voudraient rouler à 90 kilomètres-heure responsables d’une augmentation ou d’une diminution insuffisante du nombre des victimes. Dans ce cas-là, pourquoi ne pas avoir choisi de passer à 70 kilomètres-heure ? Il serait idiot de vous poser cette question.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Cela s’appelle un raisonnement par l’absurde. La parole est à M. Fabrice Brun. M. Descoeur a éclairé l’Assemblée sur la problématique liée aux aspects réglementaire et législatif des dispositions qu’il propose.
Prétendre que les 127 vies épargnées ne l’ont été qu’en raison de la réduction de la vitesse signifie que les autres mesures qui ont été prises n’ont eu aucun impact, notamment celles qui visent à lutter contre l’alcool ou les stupéfiants au volant, ou encore contre l’usage abusif du téléphone au volant, qui est un vrai danger. Je suis un ancien commercial : je faisais 80 000 kilomètres par an. J’ai vu, comme vous, sur la route, des prises de risque incroyables avec le téléphone. Il faut vraiment taper fort, car ceux qui prennent ces risques mettent en danger la vie d’autrui. Affirmer que les 127 vies épargnées ne l’ont été qu’en raison de la réduction de la vitesse, c’est un raisonnement absurde qu’on ne saurait accepter : d’autres mesures ont été prises, que nous soutenons fortement.
Que faites-vous des experts ? Les experts ? Il y en a, sur la route : ce sont les gendarmes. Lorsque vous les interrogez sur le sujet, ils font le même constat que moi : ils déplorent, au quotidien, les usages malheureux sur la route. Telle est la réalité.
Ne tombons pas dans un débat caricatural : il faut peser les choses. La question de la mobilité, je le répète, est perçue sur le terrain comme l’illustration de la fracture d’un pays que vous coupez en deux, d’un pays à deux vitesses.
La parole est à M. Vincent Thiébaut. Je ne voudrais ni qu’on entende n’importe quoi ni qu’on omette certaines vérités.
Moi aussi, je suis un ancien commercial : je faisais 100 000 kilomètres par an.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) C’est plus ! J’avoue que j’ai fait, il y a dix ans, un stage de rattrapage de points, parce que je n’en avais plus que quatre. Cela ne m’est jamais arrivé ! Lorsqu’on perdait un point, il fallait attendre un an, voire deux ans, pour le retrouver. Or, vous le savez comme moi, plus on fait de kilomètres, plus on est exposé à en perdre. Ce stage m’a ouvert les yeux, d’autant que je roulais vite, à l’époque, je le reconnais. Le jour où j’ai diminué ma vitesse, je me suis aperçu que je ne perdais que quelques minutes et que j’arrivais plus serein à destination.
Affirmer que la vitesse est la cause de tous les accidents est une erreur, c’est vrai. Je suis d’accord avec vous. En revanche, la vitesse est un facteur aggravant.
Personne ne le conteste. Puisque nous sommes tous allés au collège, permettez-moi de vous rappeler la formule de l’énergie cinétique : un demi de la masse multiplié par la vitesse au carré. C’est pourquoi, à 90 kilomètres-heure, même si le nombre des accidents n’est pas beaucoup plus élevé, en revanche, c’est plus de 20 % d’énergie cinétique en plus, par rapport à 80 kilomètres-heure, ce qui est important en cas de choc frontal. La conséquence de l’accident est donc moins grave à 80 kilomètres-heure. Alors, il fallait baisser la vitesse à 70 kilomètres-heure ! Il ne faut pas non plus oublier l’aspect comportemental : certains, c’est vrai, continuent de rouler à des vitesses excessives. Mais ceux qui ne supportent pas d’avoir une voiture devant eux et qui, pour la dépasser, passaient à 110, quand la vitesse maximale était à 90 kilomètres-heure, passent désormais à 90 pour dépasser une voiture qui roule à 80.
C’est une économie d’énergie. Quand il y a un choc frontal, il y a moins d’énergie, et les conséquences sont donc beaucoup moins graves. Arrêtons de dire n’importe quoi ! Cela a été clairement constaté dans les pays où la mesure a été mise en œuvre.
Je comprends que les 80 kilomètres-heure puissent gêner dans les zones rurales mais, sur un trajet d’une heure, cela ne représente pas une grande perte de temps, d’autant que nous ne roulons pas tout le temps à 90 kilomètres-heure : sur une route où l’on peut rouler à 90 kilomètres-heure, la vitesse moyenne est de 70 ou de 60 kilomètres-heure, en tenant compte des arrêts et des accélérations.
Je peux comprendre qu’il soit difficile de changer les comportements, mais ne racontons pas n’importe quoi aux Français : rouler à 80 kilomètres-heure permet de réduire le nombre de morts. Je rappelle simplement que, quand vous renversez un piéton en roulant à 50 kilomètres-heure, vous avez un risque sur deux de le tuer. À 30 kilomètres-heure, cette probabilité tombe à 25 %. Cela a donc des conséquences ! Baisser la vitesse, c’est réduire la mortalité sur la route.
Mais ce n’est pas la seule cause de la baisse de la mortalité ! Vous ne pouvez pas dire l’inverse ! Je n’ai jamais dit l’inverse ! Même si la vitesse n’est pas la seule cause, c’est un facteur aggravant. Il faut dire la vérité aux Français. Je sais qu’il est dur de s’adapter, mais arrêtons de dire n’importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à M. Jean-Marie Sermier. Vous avez raison, il faut arrêter de dire n’importe quoi. D’abord, ce n’est pas parce qu’on est délégué interministériel qu’on est expert. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Les experts sont sur la route : ce sont les forces de gendarmerie et de police. Bien sûr ! Vous n’avez qu’à leur poser la question entre quatre yeux et vous aurez des réponses claires. Vous avez rappelé, à juste titre, la formule de l’énergie cinétique : quand on baisse la vitesse, on diminue l’énergie d’un choc, et il y a moins de problèmes. Cependant, c’est là où il y a des risques d’accidents qu’il faut baisser la vitesse. Certaines préfectures ont mis en place, sous l’égide du préfet, des commissions départementales qui examinent chaque accident pour déterminer sa cause. Ce n’est pas simplement un problème de vitesse ou d’alcool. Parfois, il y a les deux ! Les enseignements tirés de chaque accident permettent d’élaborer une stratégie visant à éviter qu’ils ne se reproduisent.
Madame la ministre, il est beaucoup trop simple de dire que nous avons économisé 127 vies. Vous pouvez comparer, à juste titre, le nombre de tués, pendant la même période de deux années différentes. Pourquoi a-t-on économisé ces vies ? Comme l’a très bien dit M. Descoeur, le nombre des accidents diminue depuis de nombreuses années. D’abord, la qualité des voitures s’est améliorée.
Il y a eu des progrès énormes ! L’habitacle de la voiture tient mieux, et le moteur, notamment, passe en dessous. Les constructeurs de voiture ont beaucoup travaillé sur ces sujets. Les airbags sur le côté permettent de préserver les vies. Aujourd’hui, je le répète, des outils rendent les voitures moins dangereuses, notamment l’assistance au freinage, qui permet de gagner plusieurs mètres à chaque arrêt. Cela coûte cher ! Votre raisonnement sur l’énergie ne s’applique qu’en cas de choc, mais s’il n’y a pas de choc, l’énergie ne pose pas de problème.
Madame la ministre, les médias ont relayé avec force cette mesure instaurant les 80 kilomètres-heure, et les automobilistes ont rapidement diminué leur vitesse, par peur de perdre leurs points, ou par peur du gendarme. Mais méfiez-vous : si, à 80 kilomètres-heure, on a l’impression de rouler trop tranquillement, cette mesure aura l’effet inverse. La monotonie et l’endormissement pourraient conduire à augmenter le nombre d’accidents liés à l’inadvertance. Aujourd’hui, certains roulent à 75 kilomètres-heure parce qu’ils ont un peu peur, et sont suivis par des camions qui roulent réellement à 80 kilomètres-heure : ceux-ci roulent à la vitesse réelle, alors que l’automobiliste roule souvent à la vitesse du compteur, ce qui n’est pas tout à fait pareil.
Nous défendons la modulation, qui existait déjà et qu’il faut promouvoir. Cette modulation doit être assumée par tout le monde. Laisser les présidents des conseils départementaux seuls dans cette affaire est une erreur monumentale. Il y a des commissions de sécurité sous l’égide du préfet, donc de l’État. La vitesse sur les nationales et les départementales doit pouvoir être modulée : il faut pouvoir rouler à 90, 80, voire 70 kilomètres-heure dans des virages compliqués, dans des zones où de nombreux accidents ont été constatés. Cela doit se faire en concertation avec les élus et l’État. Si vous n’assumez pas d’aider les maires et les présidents de départements, vous en seriez tenus responsables. L’État se doit d’être le premier des opérateurs, aux côtés des présidents, et de prendre ses responsabilités en matière de vitesse.
Incroyable raisonnement ! La parole est à Mme Valérie Lacroute. Nous avons tous l’objectif de réduire le nombre de morts, mais la réponse ne se réduit évidemment pas à la limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure, qui conduit à pénaliser la grande majorité des automobilistes, qui respectent la règle. Il n’y a pas que cette mesure ! L’objectif est également de responsabiliser les automobilistes, pour éviter les accidents mortels.
Je proposerai tout à l’heure des mesures à l’attention des familles endeuillées, car elles attendent un signal. Je pourrais vous lire un témoignage émouvant de l’une d’entre elles, qui attend que l’on prenne des mesures en ce sens. Je vous en dis simplement quelques mots, car nous y reviendrons ultérieurement. Premièrement, l’usage du téléphone portable au volant est la cause d’un accident sur dix.
C’est un fléau ! Pour l’heure, l’usage du téléphone portable n’est pas considéré comme une circonstance aggravante, au même titre que l’alcool ou la vitesse.
Le deuxième amendement porte sur les médicaments de niveau 3. On a parlé, hier, des passages à niveau : l’accident de Millas était dû à la prise de médicaments de niveau 3 par la conductrice de l’autocar. Ce n’est pas considéré comme une circonstance aggravante ; on peut y réfléchir.
Troisièmement, la prise de tels médicaments n’est pas non plus considérée comme un délit, contrairement à la prise de stupéfiants. Il faut peut-être envisager une telle mesure.
Quatrièmement, quand, dans un tribunal, une famille endeuillée fait face à l’automobiliste qui a tué un des membres de la famille, on parle d’homicide involontaire pendant tout le procès. Mettez-vous à la place des familles ! Je proposerai d’utiliser l’expression : « homicide routier », même si cela ne changera pas la peine encourue.
Il faut laisser la main aux départements, en coopération avec le préfet, car le président de département ne peut pas décider tout seul des limitations de vitesse sur les routes départementales, sans cohérence avec les routes nationales.
La parole est à M. Vincent Descoeur. Je tenais simplement à dire, de la manière la plus sereine possible, que notre amendement vise à résoudre un problème de mobilité. J’entends les préoccupations relatives à la sécurité routière, mais nous parlons de mobilité. Je reviendrai sur le sujet en présentant mon amendement, mais, comme on oublie les routes nationales, les territoires ne seront pas tous logés à la même enseigne, certains n’ayant pas la chance de disposer d’une route nationale à deux fois deux voies. Je suis élu dans un département où il y a 2,8 kilomètres de deux fois deux voies : il s’agit d’une route départementale. Nous disposons également d’une route nationale de 143 kilomètres, que Mme la ministre connaît bien, car elle est venue la voir. Sur certaines portions, la route est limitée à 50, voire à 30 kilomètres-heure, en raison de la pente, car il s’agit de franchir le volcan cantalien.
Sur de telles routes, à 30 kilomètres-heure, on roule derrière des camions. À 90 kilomètres-heure, on pouvait les doubler sur des tronçons rectilignes. Avec la limitation à 80 kilomètres-heure, un automobiliste respectueux du code de la route ne peut plus doubler des véhicules lourds, qui ont une motorisation qui leur permet, même dans un département de montagne, de retrouver une vitesse de 80 kilomètres-heure au bout de la fameuse descente qui, dans certains virages, est limitée à 30 kilomètres-heure. Ce n’est pas une question de règle de trois ou d’énergie cinétique : on a affaire à des convois de véhicules lents, que l’on pouvait doubler sur les portions rectilignes quand on avait le droit de rouler à 90 kilomètres-heure. Aujourd’hui, on roule à la vitesse d’un poids lourd ou d’un camping-car. On a retrouvé les temps de trajet des années quatre-vingt. Sur le parcours qui relie Aurillac, la préfecture la plus enclavée de France, à l’autoroute – une heure et quart, excusez du peu ! –, on perd dix minutes, voire plus, car on ne peut plus doubler un camion avec une double remorque. C’est discriminatoire !
Le jour où l’on a demandé à chacun d’attacher sa ceinture, on a fait avancer la sécurité routière, mais ni la mobilité des Bretons ni celle des Cantaliens n’ont été affectées, parce que tout le monde a continué à se déplacer à la même vitesse. On ne demande pas la possibilité de rouler partout à 90 kilomètres-heure : dans mon département, on ne peut pas rouler à 80 kilomètres-heure sur deux tiers du réseau. On n’a pas eu besoin de l’arrêté de M. Philippe pour être raisonnable ; on ne veut pas s’envoler dans les virages !
La commission départementale de sécurité routière, à laquelle participeront les forces de gendarmerie, doit pouvoir identifier les routes adaptées, celles sur lesquelles les statistiques, l’histoire, le recul nous laissent à penser qu’il n’y a pas eu d’accidents qu’on aurait pu éviter en roulant à 80 kilomètres-heure – parce que des gens qui s’envoleront à 130 kilomètres-heure, téléphonent ou franchissent la ligne blanche, il y en aura toujours ! J’y reviendrai lors de l’examen de mon amendement, mais la mesure que vous vous préparez à autoriser pour les départementales – je vous en félicite et je la voterai – doit s’appliquer aux routes nationales. À défaut, les routes nationales ne seront pas concernées, et le problème ne se posera que dans les départements qui ont déjà des difficultés de mobilité. L’énergie cinétique se calcule de la même manière en Île-de-France que dans le Cantal.
(« Bravo ! » sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Bertrand Pancher. On ne va pas faire du café du commerce pendant toute la soirée ! Quand on diminue la vitesse, on diminue le nombre d’accidents, et si, un jour, il n’y a plus de voitures, il n’y aura plus d’accidents : c’est évident ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
J’ai été, comme vous l’avez entendu tout à l’heure, assez critique envers la brutalité de cette mesure pour pouvoir saluer le pragmatisme de la proposition, même s’il doit y avoir, comme l’a dit mon ami Vincent Descoeur, des problèmes de synchronisation des mesures entre les départements. Les présidents de départements travaillent ensemble et il n’y a pas de raison qu’ils ne se mettent pas d’accord sur des harmonisations, même si certains problèmes peuvent se poser, notamment pour des routes nationales où la vitesse est limitée à 80 kilomètres-heure, encore que, sur le peu de routes nationales qui restent propriété de l’État, les vitesses soient élevées et qu’il s’y produise, évidemment, beaucoup d’accidents.
Comme Vincent Descoeur le sait bien, j’ai été président de département et maire de ma ville. Les anciens maires ici présents savent tous que, là où des pépins se sont produits et répétés, l’adaptation de la réglementation municipale a été rapide. En effet, nous sommes tellement proches des populations que nous avons vite pris nos responsabilités, tantôt pour limiter les vitesses, tantôt pour accompagner les actions en la matière par des mesures de sécurité. Le transfert de cette responsabilité aux présidents des départements me semble être une très bonne chose, car cela va précisément responsabiliser chacun et mettre en relation les élus départementaux et les populations afin de réglementer la vitesse là où l’accidentalité est importante.
Comme vous le savez peut-être, madame la ministre, j’avais formulé ces propositions dès le début, lorsque j’ai vu poindre ce mécontentement populaire face à la brutalité de la mesure – à la suite, du reste, de propositions formulées par des présidents de départements. Nous avons fait remonter ces propositions. Elles arrivent malheureusement tard, mais mieux vaut tard que jamais.
La parole est à Mme la ministre. Puisque vous avez souhaité que nous ayons un débat serein, je partagerai avec vous quelques faits : le nombre de décès au deuxième semestre 2018 est inférieur de 196 à ce qu’il était au deuxième semestre 2017. Selon les analystes de l’Observatoire national de la sécurité routière, compte tenu des causes des accidents, 127 de ces 196 vies épargnées sont attribuables à la réduction de la vitesse. Je ne saurais affirmer que ce chiffre n’est pas plutôt de 128 ou 126, mais il faut tout de même faire un peu confiance aux experts, sans quoi je ne vois pas comment nous pouvons éclairer nos choix.
La baisse de l’accidentalité au second semestre tient aussi à d’autres causes, puisque 127 vies sur 196 ont été épargnées grâce à la limitation à 80 kilomètres-heure.
Comme vous l’avez dit vous-même, le Comité interministériel de la sécurité routière n’a pas formulé seulement une mesure, mais dix-huit. Vous appelez notre attention sur le téléphone au volant, mais nous pourrions parler aussi de l’alcoolémie ou de l’usage des stupéfiants. Je vous invite donc à relire les décisions du Comité interministériel, auxquelles je comprends que vous souscrivez largement.
Je l’ai fait, madame la ministre ! Vous aurez donc pu voir que nous ne nous sommes pas contentés de traiter les questions de limitation de vitesse, mais que le Comité interministériel, après l’avis du Conseil national de la sécurité routière, a décidé un ensemble de mesures, dont je vous signale du reste que les parties législatives figurent dans le titre V de la loi.
J’entends, madame Lacroute, que vous souhaitez proposer de nouvelles mesures. Les décisions du Comité interministériel de sécurité routière ont été éclairées par le Conseil national de sécurité routière et tous les acteurs sont autour de la table. Il faut, dans un premier temps, en donner la traduction législative : c’est ce qui est prévu au titre V de la loi. Peut-être faudra-t-il ensuite examiner les mesures que vous proposez. Ce sont là des questions très importantes, sur lesquelles il est également nécessaire de prendre l’avis, notamment, du Conseil national de la sécurité routière, dans la perspective d’une prochaine réunion du Comité interministériel de sécurité routière, qui pourra sans doute prendre à nouveau des mesures importantes pour répondre à notre souhait d’améliorer toujours la sécurité sur nos routes.
Pour en revenir à la limitation de vitesse à 80 kilomètres-heure, les Français attendent de nous de la clarté, celle des choix et de la responsabilité. Le Gouvernement prend ses responsabilités et a décidé que, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central de son réseau, la vitesse serait limitée à 80 kilomètres-heure.
J’ai été préfète, et le rôle des préfets est d’appliquer la politique de l’État – c’est ce qu’ils feront demain, comme aujourd’hui et comme hier, dans notre République. Nous avons entendu la demande exprimée par les élus, leur souhait de pouvoir prendre eux aussi leurs responsabilités.
C’est leur domaine, quand même ! Il a été rappelé que les mesures de limitation de vitesse sont de nature réglementaire mais, comme vous le savez, en matière de pouvoir de police, il n’est possible que de prendre des mesures plus strictes que celles qui sont prévues. Or, dans le cas présent, pour répondre aux demandes des élus, on souhaite leur permettre de prendre des mesures moins strictes que celles qu’a fixées le pouvoir réglementaire, ce qui suppose de recourir à la loi, même s’il est normal de laisser les limitations de vitesse dans la partie réglementaire du code de la route. C’est le sens de l’article dont nous sommes en train de débattre.
Il ne s’agit pas là d’un refus d’éclairer la décision du président du conseil départemental. Au contraire, la mesure proposée par l’amendement no 2590 que nous examinerons tout à l’heure prévoit une étude d’accidentalité et un avis de la commission départementale de sécurité routière : les éléments seront donnés aux élus pour qu’ils puissent prendre leurs décisions en toute responsabilité.
Eh oui ! Démonstration limpide !
(L’amendement no 278 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, pour soutenir l’amendement no 2590. Je commencerai par évoquer ce qui nous rassemble : lutter ensemble contre l’accidentalité sur nos routes. Tous ensemble, nous pouvons nous féliciter des chiffres que notre ministre, Élisabeth Borne, vient de rappeler, et qui font apparaître une baisse de 16,9 % au mois d’avril par rapport à 2018.
La mesure visant à abaisser la vitesse à 80 kilomètres-heure sur les routes secondaires est l’une des raisons de cette baisse, même si ce n’est pas la seule, comme vous le soulignez à juste titre, monsieur Descoeur – nous avons l’honnêteté de le dire. Il y a, dans la majorité, des députés qui sont sur le terrain, à l’écoute de leurs concitoyens, et nous avons entendu la nécessité d’appliquer cette mesure avec plus de discernement.
Le choix que nous vous proposons ce soir vient avant tout des députés. De fait, vous vous focalisez sur Édouard Philippe – j’ai en effet entendu attaquer à de nombreuses reprises notre Premier ministre –, mais la mesure vient des députés de la majorité. La question a, il est vrai, été introduite par le Sénat, puis la commission s’est saisie de cette question et la majorité a fait des propositions, notamment en conservant au président de département la capacité de déroger à cette mesure, mais je propose désormais d’aller plus loin et d’apporter plusieurs ajustements au dispositif.
Le premier consiste à encadrer l’augmentation de la vitesse en limitant cette augmentation à 10 kilomètres-heure, afin d’éviter que la vitesse sur les routes départementales ne passe de 80 à 100 kilomètres-heure, voire à 110 ou 120. Je crois, messieurs, que vous souscrivez à cet objectif.
On connaît le code de la route ! Deuxièmement, l’amendement tend à ajouter un dispositif pour les routes communales. Si nous laissons la main au président du conseil de département pour les routes départementales, il est logique de laisser également cette faculté au maire pour les quelques routes communales – peu nombreuses, il est vrai – que compte le territoire français.
Troisième proposition : nous prévoyons que l’avis de la commission départementale de sécurité routière se fonde sur une étude d’accidentalité des routes. Il est cependant essentiel de rappeler que cette commission est présidée par le préfet et composée d’associations d’usagers et d’élus locaux, et que le président de département et le maire ne seront donc pas seuls, mais qu’ils s’appuieront sur un avis justifié, reposant sur cette étude d’accidentalité.
Enfin, parce que nous croyons que la place des parlementaires est essentielle, nous proposons d’évaluer et de discuter cette mesure au sein de notre assemblée. Nous proposons donc que, d’ici à mars 2021, le Gouvernement remette un rapport sur l’effet de cette dérogation, permettant à chacun d’entre nous de se faire une opinion sur les effets de l’abaissement de la vitesse maximale à 80 kilomètres-heure.
Monsieur Descoeur, et vous, chers collègues du groupe LR, croyez véritablement en notre sincérité. Vous voyez qu’elle est sous-tendue par une démarche et une volonté pragmatiques de pouvoir appliquer cette mesure avec plus de discernement.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Quel est l’avis de la commission ? Favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans la version issue de la commission, seul le président du conseil départemental peut augmenter la vitesse sur les routes relevant de son domaine. L’amendement tend à donner aussi cette possibilité aux présidents d’intercommunalité et aux maires. Neuf cents kilomètres de routes communales sont concernés par cet abaissement de la vitesse et il s’agit donc d’une bonne chose, qui va dans le sens de la responsabilité que souhaitent les élus. La version issue de la commission prévoit la possibilité de relever la vitesse maximale autorisée : il est donc utile de préciser que ce relèvement pourra être de 10 kilomètres-heure et que cette mesure s’applique aux voies interurbaines. Avis favorable. Je rappelle que l’adoption de cet amendement ferait tomber les quatorze suivants. Ça ne serait pas mal ! La parole est à M. Vincent Descoeur. Dois-je comprendre, monsieur le président, que cela ferait tomber les amendements concernant les routes nationales ? Jusqu’à l’amendement n° 3197. Nous reprendrions avec l’examen de votre amendement no 4. Monsieur Zulesi, à titre personnel, je partage votre souci d’assouplir le dispositif. C’est, du reste, ce que je ne cesse de dire depuis le début de cette séance, et même depuis un an. Les arguments que vous avancez sont à peu près les mêmes que ceux que nous avons développés et je suis tout à fait favorable à l’élargissement de la mesure à des voies communales, dès lors qu’elles le permettraient et que les conditions de sécurité seraient réunies. J’adopterai donc cet amendement.
Pourquoi, cependant, les arguments que vous avez opposés et dont j’ai cru comprendre que vous les opposerez encore tout à l’heure à l’élargissement de cette mesure aux routes nationales ne valent-ils pas pour les routes que vous venez de présenter ? Il y a là un manque de cohérence. Je demande qu’on étende le dispositif aux routes nationales et vous proposez de l’appliquer aux routes communales, alors que, très souvent, celles-ci sont tout de même un peu moins bien équipées que les nationales, malgré les retards qu’ont connus ces dernières. Et voilà que, d’un coup, vous faites fi de tous les arguments fondés sur des statistiques de sécurité routière que l’on m’a opposés tout à l’heure à propos des routes nationales ! Je suis pour l’assouplissement, mais il va falloir m’expliquer pourquoi on ouvre au réseau communal, qui n’est pas, à la connaissance des experts, le plus moderne et le plus large du pays, une possibilité qu’on refuse au réseau national – à moins que, dans la foulée, et comme je l’espère, on n’assouplisse complètement le dispositif.
La parole est à M. Loïc Prud’homme. Je reviendrai rapidement sur les enjeux de sécurité routière. En effet, nous focalisons beaucoup notre débat sur la vitesse, mais il me semble, madame le ministre, que les causes d’accident sont multifactorielles et qu’on fait parfois dire aux experts ce qu’on veut. Si l’on voulait vraiment qu’il n’y ait plus du tout de morts sur la route en agissant exclusivement sur le facteur vitesse, il faudrait, si on lit en détail les études que vous citez, que tout le monde roule à 12 kilomètres-heure. C’est un fait. Il faut donc se garder des analyses basiques.
Les routes les plus sûres en France, celles qui comptent le moins de morts, sont aussi celles sur lesquelles on roule le plus vite : il s’agit des autoroutes, où l’on peut rouler jusqu’à 130 kilomètres-heure.
Il y a un facteur que l’on oublie tout le temps quand on parle de sécurité routière – d’ailleurs, personne ne l’a encore évoqué. On arrive aujourd’hui, s’agissant de la baisse du nombre de tués sur les routes, à un seuil, qui est de 5,8 tués par milliard de kilomètres parcourus. Cela signifie que vous allez pouvoir agir sur quelques facteurs pour, ponctuellement, améliorer les statistiques et épargner quelques vies durant six mois ; mais les six mois suivants, les conditions météorologiques feront peut-être que vous en perdrez autant. Si l’on n’agit pas sur le volume du trafic, qui est exponentiel, on se trouvera toujours confrontés à ce seuil pour ce qui est du nombre de morts par milliard de kilomètres parcourus.
Ce que nous disons, à La France insoumise – et c’est l’opinion que j’avais exposée lorsque nous avions eu ce débat l’an passé –, c’est qu’il faut que nous agissions en vue de réduire massivement le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules individuels. Nous revenons ainsi à notre volonté de promouvoir les mobilités douces et les transports en commun. Si nous ne réduisons pas le nombre de kilomètres parcourus, nous serons encore longtemps confrontés à ce problème.
Et pourtant, vous êtes contre le covoiturage ! La parole est à Mme la ministre. Monsieur Prud’homme, j’irai tout à fait dans votre sens, et je regrette donc que votre groupe ait proposé tout à l’heure la suppression pure et simple de l’article visant à développer le covoiturage : s’il y a deux fois plus de personnes dans une voiture, il y aura deux fois moins de voitures, et cela réduira les risques ! (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.) Très bien ! Non, ce n’est pas bien. Cela ne contribue pas à la tranquillité du débat ! Mesdames et messieurs les députés du groupe Les Républicains, je vais réexpliquer l’esprit de nos décisions et ce qui vous est proposé. Vous nous avez alertés sur le fait que les décisions étaient par trop technocratiques. Le Gouvernement est donc allé dans votre sens. Il affirme qu’il s’agit de décisions qui, certes, doivent être éclairées par des experts, comme l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière ou le Conseil national de la sécurité routière, mais qui sont des décisions politiques. Quand il s’agit du réseau communal, c’est le maire qui prend la décision ; quand il s’agit d’un réseau intercommunal, c’est le président de l’intercommunalité ; quand il s’agit du réseau départemental, c’est le président du conseil départemental ; et quand il s’agit du réseau national, c’est le Gouvernement – et non le préfet. La parole est à M. Gilles Lurton. Je voterai bien évidemment cet amendement, madame la ministre. Je suis d’accord avec vous pour dire que c’est une décision politique, et c’est pourquoi je trouve regrettable de laisser le président du conseil départemental décider seul. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Il est prévu que la commission départementale de la sécurité routière donne son avis ! J’ai donc une autre proposition à vous faire. On pourrait rédiger le début de l’amendement de la façon suivante : « Le président du conseil départemental ou, lorsqu’il est l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut fixer, après délibération,… ». Cela garantirait que l’on consulte la totalité du conseil départemental ou du conseil municipal, majorité comme opposition, sur la question et que l’on procède à un vote. Oh là là ! Dans ce cas, la décision serait véritablement politique. Très bonne idée ! La parole est à Mme la ministre. Monsieur Lurton, les experts de la sécurité routière me disent qu’il s’agit d’une décision de police de la circulation. Néanmoins, le président du conseil départemental disposera de l’avis de la commission départementale de la sécurité routière et je ne doute pas qu’il consultera l’assemblée délibérante. La parole est à M. Guillaume Larrivé. Je voudrais revenir sur la question des routes nationales. J’entends bien que vous estimiez, en tant que ministre et en tant qu’ancienne préfète, que la norme applicable aux routes nationales est définie au premier chef par le Gouvernement. Néanmoins, je voudrais rappeler, en tant que député et aussi en tant qu’ancien membre du Conseil d’État, que la déconcentration, ça existe. Il est parfaitement envisageable que le Gouvernement choisisse de faire exercer une partie de sa compétence par l’autorité préfectorale. C’est ce que nous proposons : que, s’agissant des routes nationales, l’autorité préfectorale puisse, sur certains tronçons, porter la vitesse à 90 kilomètres-heure. Là est notre divergence. Le gouvernement d’Édouard Philippe est favorable à ce que, sur toutes les routes nationales, il y ait une vitesse maximale limitée à 80 kilomètres-heure, alors que nous, nous pensons qu’il serait d’intérêt général de donner la main à l’autorité préfectorale pour que, sur certains tronçons de route nationale, cette vitesse soit portée à 90 kilomètres-heure. Voilà le cœur de notre désaccord. Tout à fait ! La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. J’ai du mal à comprendre, madame la ministre, que l’on ne puisse pas trouver des portions de route nationale où la vitesse de 90 kilomètres-heure serait acceptable, tout autant qu’elle peut l’être sur une route départementale. Et a fortiori sur une route communale ! Comment imaginer que, sur l’ensemble du réseau routier français, on roule à 90 kilomètres-heure,… Non ! Non ? Ce n’est pas ça ? Dans ce cas, cela mériterait des éclaircissements !
Nous avons bien compris que, sur les routes départementales, on pourra, suivant l’avis des experts, moduler la vitesse maximale, et c’est pourquoi je voterai cet amendement. Toutefois, j’aimerais que vous nous apportiez une précision concernant les routes nationales : la vitesse sera-t-elle partout limitée à 80 kilomètres-heure, ou cela dépendra-t-il de la dangerosité du tronçon ?
La parole est à Mme la ministre. Je voudrais vous redire la règle qui s’applique. Ce n’est que sur les routes bidirectionnelles, sans séparateur central, que la vitesse est limitée à 80 kilomètres-heure. Il se trouve qu’une large partie du réseau routier concédé a des caractéristiques autoroutières et que la vitesse y est limitée à 130 kilomètres-heure ou à 110 kilomètres-heure ; il y a aussi une large partie du réseau routier national qui est à caractéristiques autoroutières et où la vitesse est limitée à 110 kilomètres-heure ou à 90 kilomètres-heure. Ce n’est donc pas sur tout le réseau national que la vitesse est désormais limitée à 80 kilomètres-heure. Sur une large partie, elle sera limitée à 110 kilomètres-heure ou à 90 kilomètres-heure.
Je ne vous ai pas répondu tout à l’heure, monsieur Descoeur, mais vous avez raison de souligner que, sur la RN122, la question n’est pas de savoir si l’on peut rouler à 80 ou à 90 kilomètres-heure : on y roule à 40, à 50 ou à 80 kilomètres-heure.
Le problème, c’est de pouvoir dépasser ! Nous présentons donc un plan de désenclavement, précisément pour traiter le problème des routes qui, comme la RN122, n’ont pas été remises à niveau depuis des années et qui ont besoin d’investissements. Tel est le sens de l’un des cinq plans proposés dans la programmation des infrastructures. Ce plan permettra de faire des déviations autour de bourgs et de réaliser des créneaux de dépassement. Je pense que ces aménagements sont particulièrement attendus dans le Cantal, comme ils le sont en Bretagne ou en Lozère. Et en Ardèche ! Tel est le sens de la programmation des investissements, dont nous débattrons ultérieurement. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous avez bien fait de préciser les choses, madame la ministre. J’avais oublié d’indiquer que je parlais des routes nationales à deux voies, une voie allant dans un sens, la deuxième dans l’autre. La vitesse y sera partout limitée à 80 kilomètres-heure, alors que sur l’ensemble des départementales, qui, sont, dans nos secteurs de montagne tout au moins, toutes à deux voies, la vitesse pourra être limitée à 90 kilomètres-heure. Il y a là une petite incohérence ! C’est une question de responsabilité !
(L’amendement no 2590 est adopté et les amendements nos 753, 3297, 752, 271, 3087, 967, 1130, 1556, 1617, 1703, 2269, 3088, 3298 et 3197 tombent.) (Applaudissements.) Sur les amendements identiques nos 4 et 1956 à venir, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 4, 1956, 270, 528 et 669, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 4 et 1956, d’une part, nos 270, 528 et 669, d’autre part, sont identiques.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 4.
Cet amendement tend à rétablir la disposition adoptée par le Sénat, qui prévoyait de faire bénéficier les routes nationales du même régime que celui qui a été institué par la commission pour les routes départementales et qui vient d’être étendu aux routes communales, l’idée étant que l’assouplissement du dispositif intéresse l’ensemble du réseau routier français. C’est vital pour les départements qui n’ont pas la chance d’avoir des routes avec deux fois deux voies. En attendant les travaux dont nous accueillons la perspective avec beaucoup de plaisir, il faut bien, madame la ministre, que l’on puisse doubler le camion du laitier ! Or, aujourd’hui, en roulant à 80 kilomètres-heure, on n’est pas autorisé, à moins de mettre une poignée de points en jeu, à doubler un véhicule lourd : telle est la réalité, monsieur Millienne, et je vous demande de l’entendre.
Je me tourne vers vous, chers collègues de la majorité. Chacun d’entre vous connaît parfaitement son département. Certains savent qu’ils ne sont pas concernés, parce qu’ils ont la chance d’avoir dans leur circonscription des deux fois deux voies. Les départements qui vont être affectés par ce que je qualifierais volontiers, sinon de « regrettable oubli » – ce n’en est pas un puisque je n’ai cessé de rappeler la nécessité de cette mesure –, du moins de « décision regrettable », ces départements-là vont se compter sur les doigts des deux mains. Or ce sont précisément les départements qui sont aujourd’hui les plus enclavés, alors que, dans d’autres régions – je ne donnerai pas d’exemple –, on a du mal à trouver une nationale sans séparateur central.
Dommage que M. Le Fur ne soit pas là ! (Sourires.) J’ai voté avec beaucoup de plaisir l’amendement de M. Zulesi, parce qu’il va dans le sens de la mobilité, mais il manque une pièce au puzzle. Comment vais-je expliquer aux Cantaliens que l’on a réussi à étendre le nouveau régime aux voies communales, mais que, sur les nationales, on continuera à rouler à 80 kilomètres-heure ? On ne pourra plus mettre en avant l’argument de la sécurité routière, puisque ce verrou a sauté pour les départementales, dans la mesure où l’on fait des choix raisonnables, soutenus par un avis de la commission de la sécurité routière, et qu’il vient de sauter aussi pour les voies communales, là encore si la commission de la sécurité routière appuie cette disposition. Qu’est-ce qui empêche qu’on étende ce régime aux routes nationales ?
Tous ceux qui ont des nationales bidirectionnelles, sans séparateur central – je pense en particulier à mon collègue de l’Ardèche –, vont se compter au lendemain de ce vote. Ils vont penser qu’ils sont des laissés-pour-compte, qu’ils ont été oubliés. Or, puisque vous avez eu l’ouverture d’esprit de nous entendre et d’étendre le nouveau régime à d’autres routes, vous n’allez plus pouvoir leur opposer l’argument de la sécurité routière. Vous ne pourrez que dire : « Tout le monde peut s’occuper des routes, sauf les préfets, et tant pis pour vous si vous n’avez pas de deux fois deux voies ». On ne peut pas accepter cela !
Ce sont des territoires qui souffrent déjà d’un sentiment d’abandon.
Ils souffrent d’enclavement. Rester une heure et quart coincé derrière un camping-car, je vous assure, c’est du vécu ! Qu’est-ce que je vais leur dire, à ces gens-là ? Que ce qui a été voté cette nuit va aggraver la fracture territoriale ? Qui parmi vous oserait soutenir que ce n’est pas vrai ? On a étendu la disposition aux voies communales. De surcroît, cela va concerner des territoires qui ont la chance d’avoir des routes communales de bonne qualité dans un environnement plat – moi, l’amendement précédent, je l’ai voté, mais si l’on roule à 90 kilomètres-heure sur les routes communales de ma circonscription, on est en danger ! Et l’on oublierait les nationales ?
Pardonnez-moi d’insister autant. Le climat est redevenu serein, on a posé la règle à calcul. Ce qui importe, maintenant, c’est de vous alerter sur le fait que vous oubliez des routes. Ce que je vous demande, c’est de la solidarité, parce que je sais bien que, pour nombre d’entre vous, l’affaire est résolue. Je peux le comprendre, mais moi, quand je prends mon véhicule pour quitter Aurillac, quelle que soit la direction, je ne parcours pas 60 kilomètres dans de bonnes conditions. C’est ainsi ; c’est une route nationale sur laquelle, comme Mme la ministre l’a rappelé, on roule sur certaines portions à 50 kilomètres-heure, voire à 30 kilomètres-heure. Et quand il y a une ligne droite de 500 mètres, je me dis que, si je pouvais en profiter pour doubler un camion et un camping-car, je m’en porterais mieux.
On a concilié vitesse maximale à 90 kilomètres-heure et sécurité routière, puisque vous avez vous-mêmes choisi de confier la décision aux élus. La décision politique, madame la ministre, elle est là ! Certes, elle a été relayée par un amendement de plusieurs collègues de la majorité, mais c’est bien le Premier ministre qui, lors d’une conférence de presse, a décidé de s’en remettre au choix des présidents de conseil départemental. Cette décision, qui en entraînera d’autres en cascade, est donc une affaire réglée. La question de la sécurité routière l’est aussi : vous avez validé le choix qui a été fait pour les départements et pour les routes communales. Qu’est-ce qui, dès lors, justifie de laisser moins de 2 000 kilomètres de routes, dans vingt départements, à 80 kilomètres-heure ?
Rien ! Imaginez-vous le sentiment qu’éprouveront les populations concernées ? Il n’y a plus un seul argument à leur opposer, sauf celui qui consiste à dire que l’année où la loi a été votée, malheureusement pour eux, leurs routes n’étaient pas à deux doubles voies. Il n’y a plus un seul argument objectif à leur servir !
J’ai voté avec grand plaisir l’amendement de la majorité, mais je ne vous demande qu’une chose : considérez que, en votant le présent amendement, relatif aux routes nationales, vous rendrez service à dix ou quinze départements, très en retard en termes d’infrastructures, et où l’on a aussi besoin de se déplacer.
(M. Fabrice Brun et Mme Sophie Auconie applaudissent.) La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 1956. Nous avons, madame la ministre, voté l’amendement relatif aux routes communales, où l’on pourra donc rouler à 90 kilomètres-heure, moyennant une modulation que, d’ailleurs, nous appelions de nos vœux : il n’est évidemment pas obligatoire de fixer la limite maximale autorisée à plus de 80 kilomètres-heure. Il s’agit bien plutôt, pour les présidents de département et la commission départementale de sécurité, de moduler la limite autorisée en fonction de l’accidentalité constatée. Alors que l’on pourra donc dépasser 80 kilomètres-heure sur les routes départementales, cette vitesse sera la limite maximale autorisée sur les routes nationales. C’est inexplicable.
Nous le savons, madame la ministre : vous avez bien compris que vous aviez fait une erreur en annonçant la généralisation des 80 kilomètres-heure sur l’ensemble du réseau routier français. Nous avons eu la sagesse de vous proposer, non de manger votre chapeau ou d’en revenir à 90 kilomètres-heure, mais de prôner une modulation, y compris à la hausse. C’est d’ailleurs le sens de ces amendements identiques : nous ne plaidons pas pour un retour aux 90 kilomètres-heure, mais pour la possibilité de revoir la limite de 80 kilomètres-heure, fixée par le code de la route, à la hausse.
Sans doute les experts bien informés qui vous entourent vous l’ont-ils dit : le code de la route fixe des vitesses maximales, certes, mais il appartient à chaque conducteur de prendre ses responsabilités pour adapter sa vitesse en fonction de la route et du risque d’accident. Ce que nous vous proposons, en somme, c’est la concorde nationale sur cette question de la vitesse maximale. Désireux de ne pas rallumer une guerre, nous n’avons pas plaidé pour un retour aux 90 kilomètres-heure ; nous vous proposons tout simplement d’appliquer aux routes nationales la mesure qui s’appliquera aux routes communales et départementales, ni plus ni moins. C’est donc tout simple.
Si le présent amendement est voté, nous pourrons tous sortir de ce débat par le haut : vous aurez réussi à imposer une vitesse maximale de 80 kilomètres-heure, et nous aurons, nous, réussi à faire adopter le principe d’une modulation. Celle-ci, d’ailleurs, ne sera nullement soumise à la loi du hasard : elle fera l’objet d’un accord entre les élus, après avis de la commission départementale de la sécurité routière.
La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 270. Nous avons fait un pas, mes chers collègues, vers l’assouplissement de la règle universelle de limitation de vitesse. Cette règle, par le fait, pose problème depuis le départ : pas seulement aux députés, mais aussi aux 80 % de Français qui utilisent leur voiture tous les jours. Je fais partie de ces élus d’un département rural magnifique. Imaginez : ma circonscription part du pied du mont Gerbier-de-Jonc, source de la Loire, et, de la montagne, redescend jusqu’aux gorges de l’Ardèche en passant par Aubenas. (« Ah ! » sur divers bancs.)
Elle a beaucoup d’atouts, mais aussi quelques handicaps, notamment un enclavement géographique et routier historique. C’est le seul département de France métropolitaine qui n’a ni autoroute ni voie routière express. C’est une chance ! C’est une chance lorsque c’est valorisé, mon cher collègue.
En même temps, nous avons quelques problèmes de mobilité. Et, pour ce qui ressortit à l’État, madame la ministre, cette mobilité repose pour partie sur une route nationale unique, la RN102. Les Ardéchois et les Cantaliens comprendront très bien, comme d’autres, qu’ils pourront – dans le respect des consignes de sécurité routière, évidemment : nous le répétons depuis le début de la soirée – rouler à 90 kilomètres-heure sur certaines portions de voies communales et, sur décision du président de département, de routes départementales ; mais le paradoxe est que, tel qu’il est rédigé, le texte ne leur permettra pas de rouler à plus de 80 kilomètres-heure sur la seule route nationale du département, son épine dorsale, la RN102. Et pourquoi ? Parce que cette route nationale, sur 99 % de son tracé, est bidirectionnelle et dépourvue de séparateur central.
C’est là tout le paradoxe – je n’ose dire l’absurdité – des mesures que vous prenez. La RN102 a ses problèmes, certes : depuis 2012, la DREAL – direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – y a identifié vingt points dangereux, pour la sécurisation desquels 20 millions d’euros doivent être mobilisés, bien qu’aucune décision politique ne soit intervenue depuis – mais nous y travaillons avec vos services. Comment expliquer, toutefois, que l’on devra rouler moins vite sur une route nationale, sur une route qui traduit l’excellence du réseau français – puisque c’est bien cela, une « nationale » –, que sur une route communale ou départementale ? Il y a là un paradoxe, pour ne pas dire un voyage en absurdie.
Les amendements identiques nos 528 de Mme Emmanuelle Anthoine et 669 de Mme Valérie Bazin-Malgras sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?
Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je vais essayer de m’expliquer une dernière fois. Il n’y a aucun problème de compréhension ! Nous nous efforçons, je crois, de débattre sereinement : ne laissons donc pas penser que les 400 000 kilomètres de routes départementales passées de 90 à 80 kilomètres-heure repasseront demain, sur décision du président du conseil départemental, de 80 à 90 kilomètres-heure. Ce ne sera pas le cas, nous le savons tous. Il s’agit seulement d’une possibilité donnée, sur certains tronçons, aux présidents de conseil départemental, dans leur responsabilité d’élus, avec l’éclairage de la commission départementale de la sécurité routière et sur la base d’une étude d’accidentalité.
Vous avez été président de conseil départemental, monsieur Descoeur. Il ne vous serait pas venu à l’idée, cette faculté vous ayant été donnée, de laisser vos services décider. Eh bien, pour les routes nationales, c’est pareil : c’est le pouvoir politique qui prend ses responsabilités en décidant. Le Gouvernement ne délègue pas, ne déconcentre pas la décision dont nous parlons.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Bruno Millienne, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. J’ai bien écouté les uns et les autres et comprends les points de vue – dont nous avons d’ailleurs déjà débattu hors de l’hémicycle – qui s’expriment à travers les amendements en discussion. Mais, de mon propre point de vue, il y a aussi une chose que vous devriez comprendre et accepter : lorsque le Gouvernement a décidé de fixer la vitesse maximale à 80 kilomètres-heure de façon uniforme… Et sans concertation ! Laissez-moi terminer, mon cher collègue, je ne vous ai pas interrompu… Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur. Le Gouvernement, disais-je, a pris cette décision pour de bonnes raisons et sur la foi d’une conviction profonde : sur les routes nationales – et départementales, pour le coup – bidirectionnelles sans séparateur, il fallait baisser la vitesse maximale à 80 kilomètres-heure car il y allait de la sécurité routière et de vies à sauver. C’était la conviction du Gouvernement. Cela a provoqué une véritable guerre – pour reprendre le terme de M. Sermier – qu’il convient de ne pas rallumer.
Sur ce point, vous avez été entendu puisque l’amendement no 2590, que nous venons d’adopter, redonne la main, de façon tout à fait responsable, aux élus. Mais c’est aussi grâce à ce qui s’est passé dans le pays, grâce aux contestations, que le Gouvernement a estimé que la décision, en effet, avait peut-être été trop univoque, et qu’il fallait donc laisser la main aux élus responsables que sont les présidents de département, les maires ou les présidents d’EPCI.
Aujourd’hui, vous arguez de ce sens des responsabilités pour nous demander un alignement sur vos positions, en vertu de la modulation que nous vous avons offerte. Mais que faites-vous de nos propres convictions ? Vous ne les respectez pas ! Si notre conviction profonde est que la vitesse maximale doit rester limitée à 80 kilomètres-heure sur les routes nationales bidirectionnelles, il faut respecter notre choix, qui est lui aussi politique.
(Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.) Où est la cohérence ? Chacun décide en connaissance de cause, et avec les éléments dont il dispose. Je ne vous dénie pas le droit de juger que ces choix sont illogiques. Merci ! Je ne vous l’ai jamais dénié : c’est même ce que j’ai dit tout d’abord. Mais souffrez que l’on n’ait pas le même avis que vous, et que, pour sauver des vies, l’on veuille maintenir, sur les routes nationales bidirectionnelles, la vitesse maximale à 80 kilomètres-heure. La parole est à M. Alain Perea. Au-delà des chiffres, nous parlons de deux sujets passionnants, et le second, je crois, nous occupera beaucoup dans les mois à venir.
Le premier, c’est l’aménagement du territoire. Élu de l’Aude, je connais bien ce département. On peut y circuler à 130 kilomètres-heure, sur autoroute, au niveau du nœud de Narbonne, dans ma circonscription. Je viens de parcourir les chiffres du chômage dans l’Aude, en Ardèche et dans le Cantal. Le département de l’Aude est accessible très rapidement : il possède des lignes de train, des gares, tout ce que l’on peut souhaiter. Pourtant, le taux de chômage y est deux fois plus élevé que dans le Cantal, et près de 10 points supérieurs à celui de l’Ardèche.
Par conséquent, dire que, dans des départements comme les vôtres, mes chers collègues, on ne s’en sortira pas à cause d’une différence de 10 kilomètres-heure, cela revient à réduire l’aménagement du territoire à cette seule donnée. Or les choses, comme je viens de le suggérer, sont bien plus complexes.
Cela m’amène au second point, la décentralisation et la responsabilité. Pendant trop longtemps, on a mélangé les responsabilités en décentralisant : tout le monde se déclare responsable mais, dès qu’il faut trouver un coupable, on incrimine l’État ! Dans les départements, lorsque nous avons abordé la question des 80 kilomètres-heure, les présidents de conseil départemental, dans leur grande majorité, ont demandé qu’on les laisse décider : vous allez voir ce que vous allez voir, disaient-ils, nous allons, nous, faire dans la dentelle ! S’ils en sont effectivement capables, comme je le crois, donnons-leur, comme nous l’avons décidé, cette possibilité.
Mais si, de son côté, l’État, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ne veut pas faire dans la dentelle sur les routes nationales, respectez aussi ce choix politique ! Au moins y aura-t-il des décisions claires sur les routes nationales : l’État, et nous-mêmes, députés de la majorité, qui suivrons la mise en œuvre du texte, nous serons responsables de la vitesse et de la sécurité sur les routes nationales ; les présidents de département et les maires, eux, seront responsables des choix qu’ils auront faits pour, respectivement, les routes départementales et les routes communales. Cela permettra de clarifier les choses.
Au cours des mois à venir, nous aurons un débat similaire sur bien d’autres sujets. Il est très intéressant, car il dissipe l’ambiguïté entretenue depuis de trop nombreuses années quant au partage des responsabilités – qu’il est grand temps de clarifier, comme on l’a bien vu au cours du grand débat. On ne peut pas en permanence demander plus de responsabilités, affirmer que l’on est capable de les exercer, puis se tourner vers l’État dès qu’un problème se pose ! Pour notre part, nous prenons nos responsabilités ce soir ; quant aux autres, il faudra qu’ils assument les leurs !
(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) C’est cela, la vraie décentralisation ! La parole est à M. Vincent Descoeur. Je veux rassurer notre collègue Perea. En ce qui me concerne, j’ai milité pour que les départements puissent adapter la vitesse maximale de circulation ; eh bien, le président du conseil départemental du Cantal l’adaptera ! Je ne demande pas à l’État de faire les choses à ma place.
Vous avez par ailleurs évoqué le taux de chômage, mon cher collègue ; cela va me donner l’occasion de vous expliquer pour quelle raison nous voulons bénéficier d’une mobilité non pas exceptionnelle, mais équivalente à celle des autres – alors qu’au bout du compte, mon département va être l’un des quinze où l’on roulera à 80 kilomètres-heure sur les routes nationales : c’est ainsi que cela va finir !
Pourquoi notre taux de chômage est-il faible ? Parce que, malgré tous nos efforts, l’attractivité du département est très amoindrie par les problèmes de mobilité. Et c’est encore pire depuis la création des nouvelles régions : pour me rendre à une réunion à Lyon qui commence à neuf heures et demie, je dois me lever à trois heures et quart ! La voilà, notre réalité ! Nous avons de belles entreprises, notamment industrielles ; mais, pour accroître leur productivité, elles nous quittent afin de se rapprocher des autoroutes, et avec elles leurs salariés. Nous aurons toujours 5 % de chômage, mais nous serons moins nombreux ! Voilà ce que nous vivons. Ne laissons donc pas penser que notre faible taux de chômage signifie que tout va bien en roulant à 70 kilomètres-heure !
Bruno Millienne parlait de « conviction » ; si votre conviction, c’est que l’on peut rouler à 90 kilomètres-heure sur les routes départementales et communales, alors que, dans les départements qui n’ont pas la chance de compter des routes à deux fois deux voies, on continuera de rouler à 80 kilomètres-heure parce que cela relève de l’État, je ne la partage pas !
Soit ! On parle souvent de France à deux vitesses ; ici, j’ai le regret de vous le dire, vous vous apprêtez à laisser quinze ou vingt départements sur le bord de la route alors qu’ils ont déjà, si vous me permettez l’expression, les plus mal barrés, à cause de leurs difficultés en matière de mobilité et d’enclavement.
Vous pouvez faire des signes de dénégation, cher collègue Pichereau, mais, pour un département situé au cœur du Massif central, à une heure et quart de l’autoroute, à deux heures et demie ou trois heures de la gare TGV la plus proche, les choses sont plus difficiles que pour les autres !
Non ! C’est simplement différent ! Je ne demande pas que nous échangions nos situations, je demande que nous puissions rouler à la même vitesse que vous ! Demain, sur les tronçons sécuritaires, vous roulerez tous à plus de 90 kilomètres-heure ; certains rouleront à 110, et d’autres à 130. Les seuls endroits où l’on continuera de rouler à 80 kilomètres-heure sur les tronçons qui le permettent, ce sont les départements qui ne comportent pas de deux fois deux voies : vous laissez de côté les routes départementales bidirectionnelles. Non ! Mais, puisque vous doutez de ce que je dis, vous viendrez dans le Cantal… Et vous, vous viendrez chez moi ! …expliquer que votre conviction était que l’on pouvait continuer d’y rouler à 80 puisque nous n’avons pas d’autoroute ni de voie à 110, mais que vous vous en fichez ! Je vous le dis comme je le pense : ne commettez pas l’erreur d’aggraver la fracture territoriale au détriment des vingt départements qui ne comptent que des routes bidirectionnelles ! Je vais peut-être en surprendre quelques-uns, mais il n’y a que trois kilomètres de deux fois deux voies dans mon département. Je ne demande pas à rouler à 110, ni à 120 : je demande de pouvoir rouler aussi vite que là où il sera possible de relever la vitesse maximale autorisée. Je ne demande pas l’impossible, je demande la justice ! Bravo ! Je ne vous demande pas de renoncer ; je ne vous fais pas de procès d’intention : je vous demande, très clairement, de nous aider.
Vous parlez d’aménagement du territoire ; comment allez-vous dire aux Cantaliens que vous leur avez créé une Agence nationale de cohésion des territoires, mais que l’on mettra plus de temps pour arriver chez eux parce que vous leur avez laissé leur route à 80 kilomètres-heure au motif qu’ils ne satisfaisaient pas aux critères ?
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Non, non ! Bien sûr que si ! C’est la réalité ! Mais oui, nous allons rester à 80 kilomètres-heure ! Notre préfecture sera la seule à ne pas être desservie par une route à 90 ou à 110 ! Voilà comment cela va se terminer !
Ce n’est pas juste. Or je vous demande simplement d’être animés d’un désir de justice territoriale au moment d’appuyer sur le bouton pour voter. Si vous ne le faites pas, je serai déçu, ce qui ne vous empêchera pas de dormir ; mais surtout, je vous l’assure, vous commettrez une erreur dont vous verrez qu’avec le temps, ajoutée aux autres, elle contribuera à alimenter le sentiment d’abandon. Et ce n’est pas uniquement un sentiment : si, demain, mon département est le seul où il n’y ait pas un tronçon correct sur lequel on roule à 90, je suis désolé, mais je ne pourrai pas vous en remercier !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. Je n’ai pas voté l’amendement de M. Zulesi qui a été adopté à une large majorité – je prends la peine de le dire publiquement, puisqu’il n’a pas fait l’objet d’un scrutin public – car j’avais l’impression qu’il ne disait pas tout, qu’il était piégé : la notion de responsabilisation me semblait comporter un piège non seulement politique, mais politicien. Alors que nous parlons de vies à sauver, certains semblent en effet se livrer à des paris politiciens sur l’avenir : si jamais, paraissent-ils se dire, il y a demain un accident dans un département qui a augmenté la vitesse sur les routes départementales, on en fera porter la responsabilité aux autorités locales. Je ne voulais pas voter un amendement qui me donnait cette impression.
Puisque vous avez voté cet amendement, c’est que vous jugez crédible l’éventualité d’une augmentation de 10 kilomètres-heure de la vitesse autorisée sur certaines portions de route communale ou départementale. Mais vous ne pouvez pas jouer avec la vie de nos concitoyens !
En outre, la mesure doit être compréhensible par l’ensemble de la population française ; c’est ce que s’efforcent de montrer nos camarades du groupe Les Républicains. Si vous jugez cette éventualité crédible, vous ne pouvez donc pas ne pas juger également crédible la même possibilité sur une route nationale, si la configuration, voire la commission de sécurité compétente, est la même. Pourquoi déclareriez-vous que vous ne relèverez pas la vitesse sur ces routes, sinon par combine politicienne ? Or je me refuse à cautionner ce genre de combine.
Par cohérence, et pour que mes concitoyens comprennent que nous devons sortir de la situation actuelle, je voterai les amendements défendus par le groupe Les Républicains. Si l’on considère que l’éventualité mérite d’être étudiée, ce qui ne veut pas dire qu’elle se concrétisera, ce doit être le cas sur l’ensemble du réseau – chacun exerçant, naturellement, ses responsabilités propres. En revanche, en ne votant pas ces amendements, vous décidez que l’on ne relèvera pas la vitesse sur certaines routes, même s’il est possible de le faire et que cela ne pose aucun problème, pour la seule raison qu’il s’agit de routes nationales. Ce n’est pas possible ! Comment voulez-vous que les citoyens français le comprennent ? Comment voulez-vous que nous l’expliquions ce week-end sur les marchés ?
C’est inexplicable ! La seule explication possible, c’est que vous jouez avec le feu. Or il s’agit d’une bombe à retardement. Soyez cohérents avec l’amendement Zulesi, que vous avez adopté : votez les amendements issus du groupe Les Républicains ; la démarche sera alors politique, et non politicienne. La parole est à M. Fabrice Brun. Je remercie tout d’abord notre collègue Perea d’avoir souligné le dynamisme de l’économie ardéchoise, qui souffre certes de handicaps, mais possède aussi beaucoup d’atouts que nous savons valoriser grâce au travail de tous les acteurs – élus, acteurs économiques et associations.
Je ne changerai pas un mot au remarquable plaidoyer de Vincent Descoeur en faveur du Cantal, sinon pour remplacer le nom de Cantal par celui d’Ardèche et celui de RN122 par celui de RN102.
Voici ce qu’il faut en conclure. Au moment d’appuyer sur le bouton pour voter, vous n’avez qu’une question à vous poser, mes chers collègues : votre vote va-t-il, oui ou non, aggraver la fracture territoriale ?
Mais non ! Cela n’a rien à voir ! Si, malheureusement ! La parole est à Mme la ministre. Je suis un peu surprise de la façon dont vous avez présenté les choses, monsieur Lecoq : elle ne vous ressemble pas. M. le député Perea l’a clairement expliqué : nos concitoyens attendent que chacun prenne ses responsabilités ; ils veulent que les responsabilités soient clarifiées et que le politique assume les siennes. Eh bien, c’est ce que nous faisons. Et « politique » ne veut pas dire « politicien », monsieur Lecoq ; vous le savez bien.
Monsieur Descoeur, les départements que vous avez évoqués ont toute l’attention du Gouvernement. Le plan de désenclavement – l’un des programmes dont nous discuterons lorsque nous aborderons la programmation des infrastructures – concerne précisément les routes dont nous sommes en train de parler, dont la RN122. Je rappelle à ce propos, monsieur le député, l’existence d’une liaison d’aménagement du territoire et le fait que j’ai relancé une politique de liaison aérienne d’aménagement du territoire pour Aurillac, pour Castres, pour Brive – même si cela pose des problèmes d’émission de gaz à effet de serre auxquels nous devons être attentifs –, parce qu’il est effectivement important de faciliter l’accès aux aéroports français et européens si l’on veut maintenir les entreprises dans les territoires.
Nous accordons ainsi une très grande attention, comme vous pourrez le vérifier à propos de la programmation des infrastructures, non seulement à la RN122, mais également à la RN116, à la RN88, à la RN2, à la RN164 – M. Le Fur n’est pas là, mais il le sait bien –...
Et la RN102 ? À la RN102 aussi ; je suis bien au courant des études que mes services lui consacrent, monsieur le député, je vous le confirme !
Voilà pourquoi nous avons voulu lancer un plan de 1 milliard d’euros, auquel nous reviendrons, je le répète, au sujet de la programmation des infrastructures.
Très bien ! La parole est à Mme Pascale Boyer. Mes chers collègues, je voudrais vous parler d’un cas très concret. C’est arrivé avant-hier, sur une route départementale, anciennement nationale, limitée à 80kilomètres-heure. Mon fils était dans une voiture ; il s’est retrouvé face à une autre voiture qui avait dévié de sa trajectoire. Il a fait quatre tonneaux. Qu’est-ce qui a sauvé la vie des automobilistes ? Le fait que les deux voitures aient roulé à 80 kilomètres-heure. Si cela n’avait pas été le cas, je ne serais pas dans l’hémicycle ce soir : je pleurerais mon fils décédé.
Arrêtons donc de dire n’importe quoi, et pensons à la sécurité des usagers de la route.
(Protestations sur les bancs du groupe LR.) Si vous remettez une pièce dans la machine, on repart pour un tour ! S’il vous plaît, mes chers collègues ! Cela s’est passé en Isère, à la limite des Hautes-Alpes, sur une route de montagne. La route, à cet endroit, est droite et réputée sans risque. Mais si les voitures avaient roulé plus vite que 80 kilomètres-heure, il y aurait eu un drame ! Arrêtons donc la démagogie ; pensons plutôt à la sécurité de tous ceux qui empruntent nos routes.
Je remercie le Premier ministre, car c’est grâce à lui que cette route, une route départementale, était limitée à 80 kilomètres-heure. Demain, je ne sais pas si les présidents des départements de l’Isère et des Hautes-Alpes y porteront la vitesse maximale à 90 kilomètres-heure, mais si un accident du même type s’y produit et fait quatre morts, dont deux jeunes de 21 et 37 ans, ce sont eux qui seront responsables de ce drame !
Voilà exactement ce que je voulais éviter… Nous avons donc la réponse ! Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 1956.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 16
Contre 34
(Les amendements identiques nos 4 et 1956 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 270, 528 et 669 ne sont pas adoptés.) L’amendement no 283 rectifié de M. Fabrice Brun est défendu.
(L’amendement no 283 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 15 bis B, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 1199, portant article additionnel après l’article 15 bis B. L’abaissement de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure sur les routes secondaires, entré en vigueur en juillet 2018, suscite de multiples interrogations. La généralisation de cette mesure peut, dans certaines zones, ne pas être pertinente et ne pas prendre en compte les spécificités des routes départementales. Ainsi, la création d’un comité d’évaluation mesurant la pertinence de ce changement au niveau départemental aurait l’avantage de mieux prendre en considération ces spécificités. La présence, au sein de ce comité, du représentant de l’État dans le département et du président du conseil départemental permettrait de bénéficier d’une réelle réflexion locale et d’éviter que tout ne soit décidé à Paris. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Frédéric Reiss. Vous avez affirmé tout à l’heure, madame la ministre : « Nous prenons nos responsabilités. » Alors que la mesure en question a été prise par le Premier ministre, avec le silence de l’Élysée, pourquoi donc, le 16 mai dernier, l’a-t-on subitement assouplie ? Peut-être des élections européennes s’annonçaient-elles… Reste que les conseils départementaux en discutent et la plupart de leurs présidents prendront leurs responsabilités. Le présent amendement propose ainsi qu’un comité départemental d’évaluation soit constitué, réunissant notamment le président du conseil départemental et le préfet. Six mois après la promulgation de la loi, en fonction du bilan établi par ledit comité, il s’agirait de prendre les décisions qui s’imposent afin d’avancer.
(L’amendement no 1199 n’est pas adopté.)
L’amendement no 2673 de M. Loïc Prud’homme est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
La possibilité pour les EPCI ou les EPT, en Île-de-France, d’établir des barèmes de stationnement sera soumise, en application de l’article 15 ter, à l’accord d’Île-de-France Mobilités et à celui des communes, dans des conditions de majorité requise similaires à celles existant pour l’organisation de la mobilité. Dès lors, puisque cette possibilité de créer des barèmes intercommunaux est pertinente dans certains EPCI, je suis défavorable à la suppression de l’article.
(L’amendement no 2673, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) L’amendement de précision no 1322, de Mme Bérangère Couillard, rapporteure, est défendu.
(L’amendement no 1322, accepté par le Gouvernement, est adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 1713 et 1717, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour les soutenir.
Ces deux amendements visent à adopter une politique du stationnement – laquelle fait partie de la politique des mobilités – à l’échelle intercommunale. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – dite loi MAPTAM – a organisé la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, les collectivités peuvent fixer librement les tarifs de stationnement et de « forfait post stationnement », et en déléguer la gestion à un tiers.
Il ne s’agit absolument pas de revenir sur cette réforme, qui était attendue – une réforme récente et en cours d’évaluation –, mais seulement de réguler les tarifs de stationnement à l’échelle de l’EPCI-EPT, c’est l’objet de l’amendement no 1713, ou bien à l’échelle du bassin de mobilité, objet de l’amendement no 1717. Ces deux amendements prévoient que l’on ne pourra trouver dans les communes des écarts de tarifs de stationnement supérieurs de 20 % au plafond fixé par l’intercommunalité ou par le bassin de mobilité dont elles sont membres.
Nous souhaitons promouvoir une approche intercommunale des mobilités et de la politique du stationnement et lutter contre des inégalités tarifaires dont nous pouvons observer l’accroissement dans nos départements – c’est le cas dans mon département des Hauts-de-Seine. Ces inégalités sont vécues comme une profonde injustice par nos concitoyens, si bien qu’on note des reports de stationnement des plus préoccupants et des effets de congestion non moins inquiétants puisque des Français reprennent leur véhicule, délaissant les transports en commun qu’ils empruntaient jusqu’alors, du fait de tarifs prohibitifs qu’il faudrait donc encadrer à l’échelle soit de l’intercommunalité, soit du bassin de mobilité.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? Le droit en vigueur dispose que les barèmes de stationnement doivent être compatibles avec le plan de mobilité. Toutefois, préciser dans la loi que ce barème ne peut dépasser de 20 % les tarifs plafonds fixés par le plan de mobilité – ou par le schéma directeur intercommunal du stationnement –, instaure une forme de tutelle sur les communes et les EPCI qui décident de ces redevances de stationnement. Cela me semble donc difficilement envisageable sans qu’on porte atteinte à la libre administration des collectivités. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Bruno Duvergé. On semble transposer ici un problème local à l’échelle nationale. Chaque intercommunalité a le droit de s’administrer comme elle l’entend. Depuis le début de l’examen du texte il est question de responsabiliser les intercommunalités. Je voterai donc contre ces deux amendements. La parole est à Mme Laurianne Rossi. J’avais bien identifié, dans le plan de déplacements urbains d’Île-de-France – PDUIF –, la précision que vous venez d’apporter, madame la rapporteure. Il s’agit toutefois d’une grille tarifaire indicative et d’un tarif plancher, et en aucun cas d’une exigence. Je vais tout de même retirer mes deux amendements.
Il n’en reste pas moins, au vu de nos échanges d’hier sur le schéma directeur cyclable et sur les schémas de déploiement de bornes de recharge et au vu de notre présente discussion sur le stationnement, que je n’entends pas, loin de là, placer les collectivités sous tutelle – j’ai bien entendu vos considérations sur le principe de leur libre administration. Seulement, je ne connais pas de politique d’aménagement du territoire sans que soient élaborés des documents de planification et définies des politiques cohérentes de déploiement aussi bien de bornes de recharge que de schémas directeurs cyclables, et une politique tarifaire cohérente.
(Mme Sandra Marsaud applaudit.) Il y va du quotidien de nos concitoyens.
(Les amendements nos 1713 et 1717 sont retirés.)
(L’article 15 ter, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 437, portant article additionnel après l’article 15 ter. La loi MAPTAM de 2014 a instauré une dépénalisation et une décentralisation du stationnement payant, en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Aujourd’hui, les professionnels de la location de véhicules doivent d’abord s’acquitter du règlement du forfait post-stationnement – FPS – et ensuite se retourner contre le locataire afin de recouvrer la somme, alors qu’ils disposaient auparavant de la possibilité de désigner le locataire responsable. Nous souhaitons donc revenir sur cette incongruité par le présent amendement. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? La préoccupation dont vous faites part a fait l’objet de courriers de la part de parlementaires auxquels nous avons répondu. Votre amendement reviendrait sur un principe important de la réforme du stationnement payant entrée en vigueur le 1er janvier 2018, principe fondé sur un système de redevance reconnaissant un redevable légal unique, le titulaire du certificat d’immatriculation, en l’occurrence le loueur professionnel. Ce dernier peut se faire rembourser par le client le montant du forfait de post-stationnement dans le cadre du contrat qui les lie. Des travaux sont en cours, à l’initiative de mes services et en lien avec les différents ministères concernés, en particulier avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF –, pour préciser les conditions dans lesquelles un tel remboursement peut être effectué dans le respect des droits des consommateurs. Le cas échéant, des évolutions réglementaires pourraient être envisagées. Et puisque votre proposition relève du niveau réglementaire, je vous suggère de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
(L’amendement no 437 n’est pas adopté.) Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 292, 54, 274, 2022 et 3436, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 54, 274, 2022 et 3436 sont identiques.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 292.
La ministre a déjà répondu en partie aux préoccupations que nous entendons exprimer à travers le présent amendement. Il vise à faire peser la responsabilité pécuniaire d’une infraction de stationnement sur le conducteur effectif et non sur le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule. Avec la loi MAPTAM, certaines dispositions ont supprimé la possibilité pour les entreprises de location de véhicules de désigner le locataire responsable dans le cas d’une infraction de stationnement. Nous proposons ici une mesure de bon sens et d’intérêt général puisqu’il semble logique qu’un citoyen assume pleinement les conséquences de ses actes et qu’il soit sanctionné pour ses infractions afin d’avoir conscience des limites et des lois. L’amendement no 54 est-il défendu ? Oui, monsieur le président. L’amendement no 274 de M. Fabrice Brun est défendu.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 2022.
La législation en vigueur ne permet pas aux sociétés de location d’identifier les clients qui ne paient pas leur stationnement alors qu’ils sont seuls responsables de cette infraction. Or c’était possible avant le vote de la loi MAPTAM en 2014 : il s’agirait donc ici d’une réparation. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 3436. Nous voulons savoir, madame la ministre, si vous pensez que les loueurs de voitures contribuent à la mobilité, ce que nous croyons pour notre part. Il s’agit de favoriser l’intermodalité entre le train et une voiture louée à l’arrivée, évitant ainsi qu’une voiture ne parcoure plusieurs centaines de kilomètres. Il est dès lors important que les entreprises de location de véhicules survivent et se développent.
Aujourd’hui, quelques cas permettent de mesurer les conséquences de ce qui a constitué, à mon avis, une erreur de la loi MAPTAM. En effet, la marge de certains loueurs a été absorbée par les amendes qu’ils ont dû payer à la place de leurs clients.
Il faut donc clarifier les choses en permettant aux professionnels de dénoncer ceux auxquels ils avaient loué un véhicule au moment où un PV a été dressé. Vous encouragerez ainsi l’intermodalité, et permettrez en conséquence de réduire les émissions de CO2.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ? Il est défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Vous avez raison, monsieur Sermier : il faut encourager l’usage partagé de la voiture, dont la location constitue un bon exemple. Nous soutenons pleinement cette pratique, et je peux vous rassurer. Lorsque vous rendez une voiture sans avoir fait le plein ou en ayant négligé de signaler une rayure – je vois que cela ne vous arrive pas (sourires) –, les loueurs sont parfaitement en mesure de prélever des frais complémentaires sur votre carte de paiement. De la même façon, s’ils rédigent bien leurs contrats, ils parviennent aussi à facturer le montant des amendes qu’ils doivent répercuter sur leurs clients.
Nos derniers échanges avec les loueurs montrent qu’ils ont tous adopté cette pratique, à une exception près. Ils souhaitent être rassurés par des dispositions réglementaires qui confirment qu’ils ont bien le droit de le faire. Nous allons prendre ces dispositions. Avis défavorable.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre, en cas de rayure ou lorsque le plein n’est pas fait, une vérification est effectuée au moment où on rend la voiture,… Pas nécessairement ! …alors que le PV arrive quelques jours après. Cette distorsion est préjudiciable. Toutes les entreprises peuvent identifier l’utilisateur d’un véhicule qui a fait l’objet d’une amende de stationnement ; pourquoi les loueurs ne pourraient-ils pas le faire ?
Peut-être notre amendement est-il mal rédigé, je n’en sais rien. Vous pourriez en tout cas essayer de travailler sur ce sujet pour faire en sorte que les loueurs entrent dans le droit commun.
Tout cela va bien se faire !
(L’amendement no 292 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 54, 274, 2022 et 3436 ne sont pas adoptés.)
L’amendement no 1776 de M. Christophe Bouillon est défendu.
(L’amendement no 1776, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) L’amendement no 1917 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
(L’amendement no 1917, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) L’amendement no 1246 de M. Vincent Rolland est défendu.
(L’amendement no 1246, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) L’amendement no 1323 de Mme Bérangère Couillard est de précision.
(L’amendement no 1323, accepté par le Gouvernement, est adopté.)