Deuxième séance du jeudi 08 octobre 2020
- Présidence de Mme Annie Genevard
- 1. Renforcement du droit à l’avortement
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 1er(suite)
- Article 1er bis
- Mme Marie-Pierre Rixain
- Mme Agnès Thill
- Amendements nos 8, 17, 40, 59, 65, 64 rectifié, 88 rectifié, 94, 113, 106, 60, 4 et 52
- Après l’article 1er bis
- Amendements nos 119 rectifié, 120 rectifié
- Article 1er ter
- M. Guillaume Gouffier-Cha
- M. Thibault Bazin
- M. Pascal Brindeau
- Amendements nos 9 et 18
- Rappel au règlement
- Article 1er ter (suite)
- Article 2
- Mme Marie-Pierre Rixain
- M. Patrick Hetzel
- M. Jean-Christophe Lagarde
- Amendements nos 2, 10, 19, 29, 35, 69, 70 et 83
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 2
- Article 2 bis
- Mme Bérangère Couillard
- Mme Anne-Laure Blin
- M. Jean-Louis Bourlanges
- Mme Agnès Thill
- Amendements nos 43, 48, 67, 89, 92 et 41
- Après l’article 2 bis
- Suspension et reprise de la séance
- Article 3
- Titre
- Amendement no 110
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Annie Genevard
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Renforcement du droit à l’avortement
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Albane Gaillot et plusieurs de ses collègues visant à renforcer le droit à l’avortement (nos 3292, 3383).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 15 portant article additionnel après l’article 1er.
Après l’article 1er(suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 15 et 25.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 15.
M. Xavier Breton
Nous commençons par des amendements qui vous permettent d’aborder cette proposition de loi de façon assez sereine, madame la ministre déléguée chargée de l’autonomie. Ils visent en effet à élargir l’information délivrée aux patientes afin de répondre à une préoccupation très courante dans notre pays. Un sondage réalisé par l’IFOP très récemment, le 30 septembre et le 1er octobre, montre en effet que 84 % des Français, ce qui n’est pas rien, sont favorables à l’intégration, dans le livret officiel d’information remis aux femmes enceintes qui consultent en vue d’une IVG – interruption volontaire de grossesse – et aux jeunes mères, du détail des aides dont elles peuvent bénéficier, et notre amendement va dans ce sens. La lecture précise de ce sondage vous indiquera que cette préoccupation est partagée très largement, quels que soient l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, la proximité politique des personnes interrogées – on constate même que les sympathisants de La France insoumise sont les plus favorables à cette mesure, qu’ils sont 92 % à soutenir. Il s’agit d’opter pour une vision de l’information délivrée en matière d’interruption de grossesse qui ne soit ni partielle ni partiale, mais au contraire la plus objective possible.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Patrick Hetzel
Comme vient de le dire mon collègue Xavier Breton, il faut que nous nous préoccupions de la bonne et juste information des femmes confrontées à cette situation de détresse. Nous pensons qu’il faut être le plus explicite possible et mentionner les conséquences. Ce matin, le débat avec le ministre des solidarités et de la santé a largement tourné autour du fait que l’IVG n’est pas quelque chose d’anodin et qu’elle nécessite un traitement spécifique, notamment une information en amont qui soit la plus complète et objective possible.
Mme la présidente
La parole est à Mme Albane Gaillot, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur les deux amendements identiques.
Mme Albane Gaillot, rapporteure de la commission des affaires sociales
Ils tendent à modifier l’article L. 2223-1 du code de la santé publique, dont l’objet est d’offrir aux associations de défense des droits des femmes à l’accès à la contraception et à l’IVG, la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de délit d’entrave. Plus exactement, vous proposez de modifier la liste des associations concernées, en ajoutant celles qui ont pour objet statutaire la défense de l’accès aux moyens d’information sur les conséquences d’une IVG.
Sur le fond, nous sommes bien d’accord : vos amendements ne visent qu’à culpabiliser les femmes qui souhaitent avoir recours à un avortement. Sur la forme, ils sont totalement inopérants, car vous visez la description des associations féministes qui voudraient se porter partie civile pour un cas de délit d’entrave. Derrière ce dispositif, dont on peine à comprendre la portée, chacun comprend en revanche que se cachent en réalité des velléités de régression des droits des femmes. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LR.)
L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
À mon grand regret, s’agissant d’amendements dont vous m’avez dit, monsieur Breton, qu’ils me permettraient d’entrer avec sérénité dans le débat – sachant que je l’ai suivi toute la matinée –, mon avis est défavorable, pour les mêmes raisons d’ailleurs que celles avancées ce matin par le ministre des solidarités et de la santé.
M. Xavier Breton
Ils devraient être adoptés !
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Madame la rapporteure, vous émettez un jugement de valeur sans présenter d’éléments factuels – nous y revenons toujours. Nous considérons qu’il faut donner un maximum d’informations. Or vous nous apportez des réponses qui montrent que votre démarche est à sens unique. Pourtant, ce matin, les débats ont bien montré que les choses étaient un peu plus complexes. C’est la raison pour laquelle nous continuerons à demander plus de transparence.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Bagarry.
Mme Delphine Bagarry
Oui à l’information – nous sommes tous d’accord –, mais non à la dissuasion et encore davantage à la culpabilisation ! Dissuasion et culpabilisation, c’est bien cela qui se cache derrière ces deux amendements.
Le guide pratique remis aux femmes qui viennent demander une IVG est très bien fait, le ministre nous l’a dit ce matin. Ce document donne en particulier des informations sur la possibilité du choix de pratiquer une IVG, sur les différentes méthodes – instrumentale ou médicamenteuse – et sur les conditions de remboursement.
Faisons attention à ce qu’il y a derrière ces amendements : ils visent plutôt à pointer les femmes du doigt, à les culpabiliser et à leur inspirer un sentiment de honte qu’à leur fournir une véritable information.
M. Fabien Di Filippo
Personne ne culpabilise qui que ce soit !
M. Patrick Hetzel
C’est un procès d’intention !
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Mme Bagarry vient de le dire : les informations sont données. Il faut faire confiance aux soignants et aux personnels qui reçoivent ces femmes ; ils connaissent un minimum leur métier et savent donner toutes les informations nécessaires. Ce matin, Mme Ménard – je crois qu’il s’agit bien d’elle, j’espère ne pas me tromper – disait que certaines femmes poussent la porte de ces professionnels sans véritablement savoir ce qu’elles veulent, et nous n’avons jamais dit le contraire. Le rôle des soignants est précisément de savoir les accueillir et de leur apporter toutes les réponses.
On nous répète sans cesse depuis ce matin que ces réponses n’iraient jamais que dans un seul sens ; je peux vous dire que c’est faux. Poussez donc ces portes, rencontrez les soignants, demandez-leur ce qu’ils disent à ces femmes et quelles brochures ils distribuent : vous serez très étonnés de constater que vos demandes sont déjà satisfaites.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
On nous ressert systématiquement le mot « culpabilisation », mais une information peut être donnée, écoutée et comprise de manière sereine.
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Cela dépend de la manière dont elle est délivrée !
M. Xavier Breton
Quelle vision avez-vous du discernement des femmes ? Au fond, de quoi avez-vous peur ? Il y a eu un moment très révélateur, ce matin : quand notre collègue Ménard a évoqué la possibilité de voir sur internet des fœtus de quatorze semaines, on a entendu des cris exhortant à ne surtout pas parler de ça ! On peut cependant en parler tranquillement et sereinement. N’ayez pas peur d’aborder ce débat ! On voit bien que vous voulez que l’information soit contrôlée, à sens unique. (Mme Agnès Thill applaudit.)
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Pas du tout : nous voulons qu’elle soit ouverte !
M. Xavier Breton
En effet, lorsqu’elle ne l’est pas, cela oblige à prendre en compte plusieurs éléments – notamment la liberté de la femme, qui lui appartient complètement, mais également la protection de la vie à naître –, et il faut alors trouver un équilibre. Vous voulez au contraire écarter tout ce qui va dans le sens de la protection de la vie à naître et ne considérer qu’une liberté absolue et inconditionnelle de la femme, ce qui vous amènera un jour à supprimer tout délai pour l’interruption volontaire de grossesse. (Mme Albane Gaillot proteste.)
M. Patrick Hetzel
Ça a déjà été demandé !
M. Xavier Breton
C’est déjà demandé par certains d’entre vous, mais aussi par le Planning familial. Or nous savons bien qu’en ce moment, ce sont les militants qui orientent les lois dans la majorité. Nous l’avons constaté avec la révision des lois de bioéthique : le Gouvernement est incapable de tenir ses troupes et se fait déborder par les plus militants. Nous sommes dans la même situation avec ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.
Mme Valérie Bazin-Malgras
Je crois que ce n’est pas la peine d’en rajouter : lorsqu’une femme décide d’avorter, c’est déjà pour elle un acte terrible et elle doit prendre une décision incroyable. Comme le disait Caroline Fiat, elle peut accéder à l’information dans les services de soins des hôpitaux. Il est inutile d’insister : ces femmes ont bien conscience de ce qu’elles font.
Mme la présidente
La parole est à Mme Cécile Muschotti.
Mme Cécile Muschotti
Je rappelle que nous travaillons là sur un texte relatif à l’accès à l’IVG, et non à l’accompagnement des jeunes mamans : ne nous trompons pas de débat. Mes collègues l’ont dit, une femme qui envisage une IVG a besoin de disposer d’un maximum d’informations sur l’acte médical, lesquelles seront délivrées par les praticiens. Restons-en à notre sujet !
(Les amendements identiques nos 15 et 25 ne sont pas adoptés.)
Article 1er bis
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Marie-Pierre Rixain
L’avortement est certes un acte intime, mais le droit de le pratiquer est un enjeu sociétal qu’il nous appartient de préserver pour l’ensemble des femmes de notre pays, où qu’elles vivent sur le territoire et quelle que soit leur condition sociale. Or encore trop de femmes ne sont pas accompagnées dans des délais corrects, ce qui les rapproche des dates limites et les contraint à subir des actes plus lourds.
Il est important de rappeler que le droit à l’avortement est avant tout une question de choix, nous en avons parlé ce matin : le choix du lieu, le choix du professionnel et également le choix de la méthode, inscrit dans la loi. Or ce choix tend de plus en plus à faire défaut, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire. Autoriser un plus grand nombre de professionnels d’être habilités à pratiquer l’IVG chirurgicale ne peut que renforcer l’effectivité du droit à l’avortement pour les femmes, en garantissant la réduction des délais de prise en charge et donc des risques, et en renforçant le libre choix de la méthode.
L’IVG médicamenteuse, au même titre que certains gestes chirurgicaux, comme la révision utérine, la délivrance artificielle, le retrait d’implant ou encore la réfection d’épisiotomie, fait déjà partie du champ de compétence des sages-femmes. Celles-ci ont l’habitude des gestes endo-utérins, et la profession dans son ensemble appelle à l’ouverture de la pratique de l’IVG chirurgicale. Cette ouverture doit naturellement s’accompagner d’exigences en matière de formation théorique et pratique.
C’est pourquoi, après plus d’un an de concertation et de travail avec les membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avons présenté un amendement portant article additionnel lors du débat en commission. Nous vous appelons à voter l’article 1er bis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill
Je rappelle que la France est le pays qui pratique le plus grand nombre d’avortements en Europe : une femme y avorte pour trois naissances ; on a compté, en 2019, 232 200 avortements pour 753 000 naissances. Ces chiffres vous satisfont-ils ?
Mettez le paquet sur la prévention et la contraception, mais comprenez que l’IVG n’est pas un acte comme un autre ! Nous savons que 88 % des Français sont favorables à une étude des causes et conséquences de l’IVG pour favoriser la prévention, et que 73 % des Français estiment que « la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’IVG ». Cependant rien de tel n’est prévu dans ce texte, qui conçoit l’avortement comme l’issue obligatoire de toute grossesse non désirée, réprimant ainsi le libre choix des femmes.
N’avez-vous donc rien d’autre à offrir ? Voilà donc quelle est votre humanité, votre fraternité si souvent proclamée ? Et, dans ce cas, pourquoi pas seize semaines ou plus ? Accueillir l’IVG comme un acte anodin, c’est déresponsabiliser les couples, les hommes et les femmes. Je vous tiens par conséquent pour responsables ou complices d’une déresponsabilisation générale.
Mme la présidente
Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 8, 17, 40, 59 et 65, tendant à la suppression de l’article 1er bis.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Thibault Bazin
Madame la rapporteure, vous avez fait adopter l’article 1er bis en commission, sans aucune étude d’impact. Il autoriserait les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse, peut-être davantage si nous adoptions les amendements que vous allez nous proposer.
La limite de dix semaines, fixée par cet article, montre d’ailleurs l’importance du délai et de l’acte qui s’y rapporte. Il est ainsi démontré qu’une IVG à dix semaines – ce que prévoyait la loi Veil –, ce n’est pas la même chose qu’une IVG à quatorze semaines, voire davantage.
Des questions légitimes tenant à la charge de travail, à la formation et à la rémunération des sages-femmes appellent de notre part une réflexion aboutie pour des réponses adaptées. Or la proposition de loi et l’article 1er bis ne nous le permettent pas.
Les sages-femmes exercent un beau métier, celui de l’accueil de l’enfant, qui mériterait d’être mieux reconnu, comme cela a été dit sur tous les bancs en commission. C’est, selon moi, un préalable avant toute nouvelle mission supplémentaire. J’en profite pour saluer l’engagement de ces sages-femmes, si disponibles, qui assurent, dans nos territoires, la proximité auprès des femmes qui en ont besoin.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Xavier Breton
Cet article, adopté par amendement en commission, tend à autoriser les sages-femmes de faire des avortements chirurgicaux par aspiration jusqu’à la fin de la dixième semaine.
Pour commencer, il pose un problème de méthode : il faudrait engager une concertation avec les sages-femmes, une partie de la profession considérant que ce n’est pas sa mission, son cœur de métier, de provoquer des interruptions de grossesse – ce sont des réactions qu’il faut entendre.
Ensuite, ce geste, l’avortement chirurgical, peut entraîner des complications qu’il faut être capable de gérer. Or, manifestement, la formation des sages-femmes et le matériel dont elles disposent ne sont pas à la hauteur.
Au-delà des arguments idéologiques qui poussent à élargir l’accès à l’avortement de manière inconditionnelle, il y a des réalités pratiques qu’il faut prendre en compte. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 40.
Mme Emmanuelle Ménard
L’article 1er bis vise en effet à autoriser les sages-femmes à pratiquer les IVG jusqu’à la fin de la dixième semaine par voie chirurgicale. La formation et la qualification d’une sage-femme n’étant pas celle d’un médecin, une IVG chirurgicale ne devrait pouvoir être pratiquée que par un médecin, aussi bien pour des raisons de sécurité évidentes qu’eu égard à la nature même de la mission des sages-femmes. C’est pourquoi l’article 1er bis doit être supprimé.
Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 59.
Mme Valérie Six
Il vise à supprimer la disposition permettant aux sages-femmes de pratiquer l’IVG jusqu’à la dixième semaine de grossesse, sachant qu’elles assurent déjà une prise en charge dans le cadre des IVG médicamenteuses.
Pour des raisons de statut, et donc de responsabilité, il est difficile de les autoriser à pratiquer l’IVG chirurgicale. Avant de leur confier cette nouvelle compétence, il faut clarifier leur statut car il existe actuellement une confusion. C’est nécessaire pour assurer les professionnels et les femmes d’une prise en charge de qualité, en toute sécurité. Nous vous suggérons de procéder par étapes et donc de supprimer cette nouvelle disposition.
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l’amendement no 65.
Mme Agnès Thill
La formation et la qualification d’une sage-femme n’étant pas celle d’un médecin, il est totalement inconcevable qu’elle puisse accomplir un acte à caractère chirurgical. La rédaction de cet article, qui prévoit de limiter l’intervention de la sage-femme à la fin de la dixième semaine de grossesse, démontre, si besoin était, que l’allongement du délai à quatorze semaines rend l’IVG plus complexe sur le plan médical, compte tenu de la plus grande taille du fœtus. Il convient donc de supprimer une telle disposition.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Je ne vous comprends pas. Ce matin, vous expliquiez que la disposition sur l’allongement des délais ne suffisait pas, qu’il fallait accroître l’offre, recourir à d’autres dispositifs, réduire les disparités territoriales. Or l’intérêt de la présente disposition, adoptée en commission des affaires sociales à l’instigation de la délégation aux droits des femmes, est de jouer sur les freins à l’effectivité du droit à l’avortement.
Vous évoquez le statut et la formation des sages-femmes. L’amendement no 94 à venir va nous permettre d’aborder la question du statut. S’agissant de la formation, je tiens à rappeler, comme Mme Rixain, que les sages-femmes pratiquent déjà des gestes intra-utérins, pour lesquels elles sont formées : il convient seulement d’ajouter une spécialisation à leur formation. Les sages-femmes, qui ont été auditionnées par la commission et par la délégation aux droits des femmes, sont désireuses d’accompagner les femmes dans leur parcours d’IVG instrumentale, comme elles le font déjà lors d’IVG médicamenteuses.
Sur ces amendements, l’avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Je me permettrai d’être un peu longue pour ne pas avoir à revenir sur notre position plus tard dans le débat.
Les sages-femmes exercent une profession médicale qui occupe une place toute particulière dans la santé des femmes tout au long de leur vie, en assurant un suivi gynécologique de prévention et en prescrivant une contraception. La profession s’est adaptée aux besoins des femmes. Les sages-femmes s’investissent prioritairement dans la prévention et dans la santé sexuelle et reproductive, en ayant une approche globale des femmes, qui inclut l’accompagnement de celles ayant recours à une IVG.
À ce titre, elles peuvent, depuis 2016, réaliser des IVG médicamenteuses. Pour pouvoir exercer cette compétence, elles doivent justifier d’une pratique suffisante et régulière des IVG médicamenteuses dans un établissement de santé, attestée par le directeur de l’établissement, sur justificatifs présentés par le responsable médical concerné. Dans le cadre de cette convention avec l’établissement de santé, les sages-femmes doivent communiquer aux femmes le nom de l’établissement partenaire qui pourra les prendre en charge à tout moment en cas de complication. Il est en outre remis à la femme une fiche de liaison, définie conjointement avec l’établissement de santé signataire de la convention, concernant les éléments utiles de son dossier médical.
Ouvrir une pleine compétence en orthogénie à ces professionnels de santé, qui pratiquent déjà des gestes endo-utérins, peut représenter une vraie opportunité pour renforcer l’accès à l’IVG. Il s’agit de garantir une offre de proximité, en tout point du territoire, quel que soit le terme gestationnel, et de répondre à tous les besoins. Nombre de données montrent en effet que trop de départements sont sous-dotés en gynécologues-obstétriciens, alors que le maillage territorial est plutôt en voie d’amélioration et satisfaisant en ce qui concerne les sages-femmes.
L’implication de ces dernières en matière d’IVG médicamenteuse progresse mais reste à conforter et à approfondir. Tous les professionnels de santé, y compris les sages-femmes, qui ont pu mentionner ce point dans leur contribution au Ségur de la santé, reconnaissent qu’il y a des préalables incontournables avant de généraliser cette nouvelle compétence en l’attribuant à toutes les sages-femmes et en tout lieu.
Quatre prérequis me semblent indispensables pour assurer aux femmes une prise en charge sûre et de qualité, dans des conditions sécurisées pour les sages-femmes : une formation adaptée, comme dans le cas de l’IVG médicamenteuse ; une expérience en matière d’IVG, permettant d’évaluer si l’état de santé de la femme autorise une telle prise en charge ; l’élaboration de modalités de coopération avec les médecins en cas de survenue de complications ; un environnement permettant aux professionnels d’exercer en toute sécurité et de garantir aux femmes une prise en charge immédiate.
Dans quelques instants, Mme Goulet vous présentera un amendement no 94 proposant une expérimentation de trois ans qui permette de définir le cadre et les conditions de réalisation des IVG instrumentales par les sages-femmes. Cette expérimentation me semble répondre à des exigences sur lesquelles nous ne transigerons jamais : la qualité et la sécurité des soins. Une fois évaluée, cette expérimentation permettra de décider de manière éclairée s’il faut généraliser cette nouvelle compétence et, le cas échéant, dans quelles conditions. Cette expérimentation répond également à votre demande d’étude d’impact concernant l’amélioration de l’accès à l’IVG instrumentale de manière globale, en particulier dans les territoires où des inégalités ont été constatées.
Pour ces raisons, je vous demande de retirer vos amendements au profit de l’amendement no 94 de Mme Goulet.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Après avoir entendu beaucoup de choses, je demanderai un peu de cohérence dans les propos. Les sages-femmes recevront évidemment une formation. Si vous avez si peur de leurs actes, chers collègues qui siégez sur les bancs d’en face, nous allons avoir un problème de natalité dans le pays : il va falloir leur demander d’arrêter tout de suite de faire accoucher dans les maternités. (Mme la rapporteure applaudit.)
Mme Elsa Faucillon
Eh oui !
Mme Caroline Fiat
Ne savez-vous pas, chers collègues, que les obstétriciens n’accompagnent pas les sages-femmes ? Elles font les accouchements, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, seules auprès des mamans.
M. Fabien Di Filippo
Et des papas !
Mme Caroline Fiat
L’obstétricien ne vient que très rarement.
Savez-vous que les sages-femmes pratiquent des actes chirurgicaux sur des mamans qui accouchent, chaque jour, 365 jours par an, dans notre pays, en France ? Et cela ne vous pose aucun problème ! (Applaudissements
Quand nous demandons des moyens pour améliorer le statut des sages-femmes, pendant l’examen du PLFSS – le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, on ne vous entend pas. En revanche, dès qu’il s’agit d’IVG, alors là, on vous entend : « Oh là là ! Le statut des sages-femmes ! » (Mme Catherine Fabre applaudit.)
Mme Valérie Beauvais
Nous aussi, on vous entend, et on n’apprécie pas forcément ce que vous dites !
Mme Caroline Fiat
Si le statut des sages-femmes pose problème, c’est tout le temps. Dans ce cas, allez jusqu’au bout de vos revendications et interdisez aux sages-femmes de faire accoucher et d’administrer des actes chirurgicaux. On aura alors un vrai problème de natalité dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et EDS ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Marie-Pierre Rixain
Permettez-moi de vous dire que les sages-femmes – femmes et hommes – sont des professionnels de la santé de la femme, qui n’interviennent pas uniquement au moment de la naissance et de l’accueil des enfants. Comme l’a dit Mme la ministre déléguée, ils prescrivent aussi des contraceptifs et pratiquent des actes gynécologiques, dont des actes endo-utérins.
La délégation aux droits des femmes, lors de la concertation, a rencontré des représentants du Collège national des sages-femmes de France et du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, et elle a constaté que ces instances sont très favorables à la mesure.
En outre, les sages-femmes ont déjà des compétences en matière d’orthogénie. Il s’agit seulement de compléter et de finaliser les gestes qu’elles accomplissent déjà dans ce domaine, et donc d’augmenter le nombre de professionnels de santé afin de permettre aux femmes, je le répète, d’avoir recours à des IVG dans des délais corrects.
Je vous ai entendu vous déclarer favorable à l’expérimentation proposée par l’amendement de notre collègue Perrine Goulet, madame la ministre déléguée. Or l’AP-HP – Assistance publique-Hôpitaux de Paris – conduit déjà une expérimentation dont nous avons des résultats, et la HAS – Haute Autorité de santé – s’en est saisie. Proposer une énième expérimentation pour une durée de trois ans, ce n’est que repousser éternellement le sujet. Nous pouvons accorder cette pleine compétence d’orthogénie aux sages-femmes, tout aussi compétentes en la matière que certains praticiens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
Merci, madame Rixain, d’avoir souligné dans votre intervention que les sages-femmes sont aussi bien des femmes que des hommes !
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Une question se pose avec l’article 1er bis : celle de l’adhésion des professionnels de santé au nouvel acte qui leur sera demandé. Or il semblerait, d’après les réponses des sages-femmes interrogées, qu’elles sont nombreuses à ne pas y être favorables. Du reste, elles insistent sur les problèmes de responsabilité que pourrait leur poser l’avortement chirurgical.
Madame la ministre déléguée, quelle concertation avez-vous menée avec les organisations représentatives des sages-femmes ? Avez-vous dialogué avec elles pour connaître leur position ? Nous sommes nombreux à avoir constaté que la profession n’est pas unanime quant à cette nouvelle disposition, loin de là. Les sages-femmes ont pleinement conscience de la responsabilité très forte qui sera désormais la leur si nous allons dans ce sens. Le législateur ne peut évidemment pas se prononcer sans tenir compte de l’avis des professionnels.
Une autre limite de cette disposition, que vous avez évoquée, tient à la formation, qui devrait être préalable à son application. Vous ne pouvez pas imposer aux sages-femmes de pratiquer un acte auquel elles n’ont pas été formées, d’autant qu’il s’agit d’un acte chirurgical et plus seulement d’une prescription médicamenteuse. (M. Xavier Breton applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Levy.
Mme Geneviève Levy
Il serait bon de cesser de caricaturer nos propos : en aucune manière nous ne mettons en cause le travail extraordinaire des sages-femmes de notre pays. Vous avez raison, la présence de cette profession sur tout le territoire est importante s’agissant de la question qui nous occupe aujourd’hui.
Je veux toutefois souligner, comme mon collègue Patrick Hetzel, que les sages-femmes ne demandent pas toutes à pouvoir accomplir l’IVG par voie chirurgicale. Soyons honnêtes, elles sont partagées : certaines souhaitent pouvoir aller au-delà de l’intervention médicamenteuse, d’autres non. Quoi qu’il en soit, toutes celles que j’ai rencontrées sur le territoire que je connais m’ont alertée sur deux points : la formation et la responsabilité.
Je souscris donc aux propos de Mme la ministre déléguée : sur un tel sujet, il convient d’agir pas à pas et non, comme le fait ce texte de manière générale, dans la précipitation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Après avoir refusé d’allonger le délai maximal de recours à un avortement en le faisant passer de douze à quatorze semaines de grossesse, vous refusez maintenant d’autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale. Alors je vous pose une question : comment, dans mon territoire, permettre aux femmes d’accéder à l’avortement puisque, comme je l’ai dit ce matin, un seul médecin pratique l’IVG par voie chirurgicale ? Inutile de préciser ce qui se passe quand il est en vacances !
Il me semble important d’autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale car plus les professionnels de santé seront nombreux à les pratiquer, plus tôt dans leur grossesse les femmes pourront accéder à l’avortement, et éviter ainsi d’y recourir à quatorze semaines. Nous avons donc tous à gagner à ce que les sages-femmes pratiquent des avortements.
M. Erwan Balanant
Tout à fait !
Mme Perrine Goulet
D’autant que le désengagement des médecins en matière d’avortement est important, ainsi que la désertification médicale dans certains territoires. Les femmes qui ont besoin de pratiquer un avortement et de bénéficier d’un accompagnement dans cette épreuve ne doivent pas être victimes de la désertification médicale engendrée par des décisions antérieures et des années de mauvaise gestion de la population des médecins. Une expérimentation est dès lors indispensable pour encadrer la pratique de l’avortement par les sages-femmes. Il y va de l’accès de toutes les Françaises à l’IVG et du recours le plus précoce possible à l’IVG. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joachim Son-Forget.
M. Joachim Son-Forget
On nous dit que le Collège national des sages-femmes de France et le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes ont été consultés, mais les sages-femmes que je connais bien…
Mme Perrine Goulet
Des sages-femmes suisses ?
M. Joachim Son-Forget
…m’affirment qu’elles ne l’ont pas été réellement (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM)…
M. Erwan Balanant
C’est faux !
M. Joachim Son-Forget
…et qu’elles ne sont pas forcément demandeuses. C’est pour le moins étonnant ! Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français aurait consulté les organisations représentatives de sages-femmes il y a deux jours à peine. Celles-ci semblent d’ailleurs assez partagées quant à la proposition de loi. Elles souhaitent avant tout la revalorisation de leur profession et la création d’un statut médical de sages-femmes prenant en considération l’ensemble des gestes qu’elles pratiquent. Comme vous le savez, rares sont ceux qui se lancent dans des études de médecine ou de maïeutique pour pratiquer des IVG, un acte hyperspécialisé et pour le moins particulier…
De toute évidence, la proposition de loi se heurte à un problème de temporalité. Elle recouvre des enjeux très importants, dont nous ne pouvons pas discuter en un temps aussi restreint – je n’irai pas jusqu’à dire que nous sommes pris en otage. En outre, les attentes des praticiens concernent bien d’autres questions que l’IVG par voie chirurgicale. En tant que soignant, je suis sensible à leur demande légitime de revalorisation globale de leur profession. Il me semble donc nécessaire que leurs organisations syndicales représentatives mènent de réelles consultations, larges et ouvertes. De toute évidence, il y a des dissensions à l’heure actuelle dans les rangs de ces praticiens.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Il n’est plus possible, à ce stade du débat, de regretter les inégalités territoriales en matière d’accès à l’avortement – nous en avons suffisamment parlé ce matin – tout en s’opposant à l’extension de la compétence des sages-femmes en matière d’IVG, qui permettra d’augmenter cette offre médicale, voire de la créer, puisque certains territoires en sont totalement dépourvus.
Bien entendu, tout comme les médecins, les sages-femmes auront la possibilité de ne pas pratiquer d’IVG. Certains ont dit qu’elles le souhaitaient, d’autres qu’elles ne le souhaitaient pas : c’est un fait, elles ne sont pas toutes d’accord – nous l’avons constaté lors des auditions. Néanmoins, les médecins non plus n’étaient pas unanimes sur le droit à l’avortement lorsqu’il a été instauré ; ils ont le choix de pratiquer ou non des avortements, comme demain les sages-femmes.
Étant donné l’insuffisance de l’offre médicale dans certains territoires, autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale constitue une opportunité que nous ne pouvons pas repousser. Les sages-femmes démontrent tous les jours leurs compétences, notre collègue Fiat a eu raison de le rappeler. Leur métier doit être revalorisé, leur statut modifié, leur rémunération mieux encadrée, et il faut surtout leur donner les moyens d’exercer cette nouvelle compétence.
Quant à l’expérimentation proposée, on ne peut qu’y être favorable, mais pourra-t-elle avoir lieu dans tous les territoires ? Rien n’est moins sûr. C’est pourquoi nous préconisons plutôt la généralisation de l’extension de la compétence des sages-femmes en matière d’IVG. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, FI et EDS.)
(Les amendements identiques nos 8, 17, 40, 59 et 65 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 64 rectifié, 88 rectifié et 94, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 64 rectifié et 188 rectifié sont identiques.
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l’amendement no 64 rectifié.
Mme Agnès Thill
Pour des raisons de sécurité évidentes et en raison de la nature même de la mission des sages-femmes, il est urgent de rétablir le principe selon lequel une interruption volontaire de grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin.
Nulle part dans le référentiel métier et compétences des sages-femmes, il n’est fait allusion à une pratique éventuelle de l’avortement. La mission première d’une sage-femme est de prendre soin de la femme enceinte et de son enfant, avant et après la naissance. Prescrire l’IVG est contraire à l’essence du métier de sage-femme.
Cette profession doit être protégée : il n’est pas question que lui reviennent des tâches jugées ingrates, voire dévalorisantes, par les médecins. Selon un article de 2013 du Blog des soignants, les sages-femmes souffrent de « surbooking » : une véritable pénurie existe dans les services de maternité des grands établissements de santé. Or la mission des sages-femmes est d’accompagner, dans les meilleures conditions possibles, les 820 000 naissances annuelles en France. C’est pourquoi il convient de réserver la pratique de l’avortement aux seuls médecins.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 88 rectifié.
M. Xavier Breton
Notre collègue Perrine Goulet nous a expliqué tout à l’heure que, dans sa circonscription, un seul médecin pouvait pratiquer des IVG par voie chirurgicale, d’où la nécessité d’autoriser les sages-femmes à pratiquer ce geste. Mais que se passera-t-il si des complications surviennent lors d’une IVG par voie chirurgicale pratiquée par une sage-femme ?
Plusieurs députés des groupes SOC et FI
Il y a l’hôpital !
M. Xavier Breton
Vous l’avez dit, madame Goulet, le seul médecin de votre territoire peut très bien être en vacances. Que se passera-t-il alors ? Il s’agit là d’une question concrète, qui ne vise nullement à mettre en cause la bonne volonté des sages-femmes, dont je ne doute pas. Toutefois, leur formation et les équipements dont elles disposent sont-ils à même de leur permettre de pratiquer des IVG par voie chirurgicale dans de bonnes conditions ? Une fois encore, je ne fais que poser des questions concrètes, loin de toute idéologie. Que se passera-t-il, dans votre département, si l’intervention pratiquée par une sage-femme se passe mal ?
M. Sylvain Templier
Elle appellera le 15 !
M. Jean-Paul Lecoq
Ben oui ! Le SAMU !
M. Xavier Breton
Sans compétences et sans équipements adéquats, que pourra faire cette professionnelle ? Devra-t-elle se retourner vers le département voisin ?
Indubitablement, le problème n’est pas simple et demande réflexion. Le Gouvernement a proposé qu’un travail complémentaire soit mené : dont acte. Le sujet méritait en effet une approche pragmatique et non idéologique.
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l’amendement no 94.
Mme Perrine Goulet
Pour lutter contre le non-recours à l’IVG et contre l’IVG tardive, nous pensons que permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales constituerait une grande avancée, voire une réponse aux retraits des médecins sur ce sujet dans nos territoires. Comme l’ont rappelé plusieurs de nos collègues, les sages-femmes sont des professionnelles qui accompagnent chaque jour les femmes de notre pays dans leur rapport à la sexualité, à la contraception, à la maternité, à l’avortement médicamenteux et, en règle générale, à leur corps. Elles sont bien plus présentes dans nos territoires que les médecins et elles ont toute la confiance des femmes.
Toutefois, nombre d’interrogations subsistent, et des interrogations légitimes : les sages-femmes ont-elles toutes la volonté de pratiquer des IVG par voie chirurgicale ? comment doit-on encadrer la partie assurantielle ? comment doit-on former les sages-femmes à ce nouvel acte ? quelle sera leur rémunération si elles le pratiquent ? Car il faut bien sûr aborder le sujet de leur rémunération.
Je propose par conséquent une expérimentation de trois ans. Cela ne constitue pas, selon moi, un recul par rapport au texte de la commission. Il s’agit seulement d’accompagner les sages-femmes dans l’évolution de leurs compétences et à adapter le dispositif en fonction de leurs retours d’expérience. C’est donc par la voie législative et réglementaire que le groupe Dem vous propose de trouver un terrain d’entente et de compromis.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Plutôt qu’un long discours et puisque plusieurs d’entre vous ont regretté que les sages-femmes n’aient pas été entendues, permettez-moi de vous donner lecture de quelques extraits d’une lettre que l’Association nationale des sages-femmes orthogénistes a envoyée aux députés le 5 octobre 2020. Cet extrait porte sur la pratique de l’IVG par voie chirurgicale : « Outre l’aspect technique relativement simple pour notre profession, déjà aguerrie à la pose des dispositifs intra-utérins, à la délivrance artificielle à la révision utérine, mais aussi à la pratique chirurgicale de l’épisiotomie et à sa réfection, nous sommes confrontées quotidiennement à des gestes beaucoup plus techniques et compliqués comme l’intubation ou même la pose de cathéter, chez un grand prématuré par exemple. Notre formation initiale comporte vingt heures d’enseignements théoriques dédiés à la contraception et à l’IVG, contre deux à quatre pour les médecins en médecine générale. […] Cette compétence est tout à fait reconnue par nos collègues obstétriciens puisque, concernant les interruptions médicales de grossesse, donc des grossesses de 16 SA – semaines d’aménorrhée – à 41 SA, ils nous confient, sans états d’âme l’ensemble du processus, excepté celui de la décision. »
Mon avis est donc défavorable sur les amendements de Mme Thill et de M. Breton.
Quant à l’expérimentation proposée par Mme Goulet, j’y suis également défavorable car l’amendement adopté par la commission qui prévoit la généralisation de la disposition représente, selon moi, une grande avancée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme Mathilde Panot
Très bien !
Mme la présidente
Mme la ministre déléguée s’est déjà exprimée favorablement à propos de l’amendement no 94.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux autres ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Nous sommes défavorables à l’amendement no 94, qui conduirait à limiter dans le temps, par le biais d’une expérimentation, la pratique de l’IVG par voie chirurgicale par les sages-femmes et les maïeuticiens. Évitons d’ailleurs, dans cet hémicycle, d’utiliser la formule « sages-hommes » : même des hommes se revendiquent sages-femmes puisque la sagesse dont il est question concerne le corps des femmes. Cette précision est importante, me semble-t-il, pour que nous parlions tous de la même chose ! (M. Erwan Balanant applaudit.) Sinon, nous pouvons aussi parler de « maïeuticiens et maïeuticiennes ».
Les sages-femmes ont une connaissance spécifique du corps des femmes. Ce sont donc, je crois, des personnels particulièrement habilités pour pratiquer les IVG par voie chirurgicale, des actes généralement simples à mener. Et, quand il y a complication – je réponds aux collègues de la droite –, un médecin est toujours appelé, et il a l’obligation de venir. C’est la même chose pour les accouchements, et les dangers sont au moins aussi importants, si ce n’est plus : certains sont réalisés intégralement par des sages-femmes et, en cas de complication, un médecin intervient. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et UDI-I.) C’est ainsi que ça se passe : des accouchements sont réalisés par des sages-femmes, dans des hôpitaux, dans des cliniques, et l’on n’appelle un médecin qu’en cas de souci.
M. Xavier Breton
Mais cela se passe dans un hôpital !
Mme Clémentine Autain
Je pense effectivement à des accouchements dans des hôpitaux ou dans des cliniques.
Nous devrions être les premiers, dans cet hémicycle, à reconnaître et valoriser le métier de sage-femme, y compris financièrement, car les salaires sont des salaires de misère, et je pèse mes mots. Nous avons là l’occasion de mieux reconnaître leurs compétences et d’apporter un plus pour les femmes souhaitant avorter. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC, GDR et EDS ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
Merci pour votre petite leçon de sémantique, mais convenez tout de même que la formule surprend…
(Les amendements identiques nos 64 rectifié et 88 rectifié ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 94 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 113 et 106, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 113.
Mme Annie Vidal
Je souhaite moi aussi appeler l’attention sur le statut des sages-femmes, profession médicale dans le code de la santé publique, non médicale dans le code de la fonction publique hospitalière. Au moment où nous voulons étendre leurs missions, li me semble nécessaire de rectifier cette incohérence, d’autant qu’elle entraîne une discrimination envers les sages-femmes hospitalières au regard des primes et des revalorisations.
Je regrette que l’amendement prévoyant une expérimentation proposé par Mme Goulet n’ait pas été adopté car cela nous aurait donné du temps pour mettre en cohérence ces deux codes. Je propose d’inscrire dans le texte qu’il s’agit de professions médicales à part entière, quel que soit le lieu d’exercice.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Hammerer, pour soutenir l’amendement no 106.
Mme Véronique Hammerer
Je tiens à saluer ce texte, qui met enfin à l’honneur une profession remarquable et extrêmement importante, notamment dans nos ruralités.
L’objectif de mon amendement est d’apporter une clarification quant au statut des sages-femmes car il existe une confusion. En effet, le titre IV du code de la fonction publique hospitalière classe les sages-femmes parmi les professions non médicales, avec un statut particulier depuis 1989. Or le code de la santé publique les définit comme profession médicale, à côté des médecins et chirurgiens-dentistes. Cette confusion n’est pas sans conséquences : par exemple, elles n’ont pas droit à la prime d’urgence. Pourquoi ? Je demande que soit réparée cette injustice aberrante. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Je vous rejoins entièrement sur le statut des sages-femmes : il y a quelque chose à faire. Je me demande toutefois s’il ne convient pas plutôt d’agir au niveau réglementaire. C’est pourquoi je donne un avis de sagesse, tout en précisant que, lors de la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88, ce matin, la commission a rejeté ces deux amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
J’insiste sur le respect que nous éprouvons tous pour les sages-femmes : personne ne peut renvoyer la balle à ce propos ou intenter des procès d’intention. Le ministre des solidarités et de la santé a reçu la semaine dernière l’ordre des sages-femmes, a entendu leurs revendications légitimes et est en train de travailler avec elles sur la revalorisation qu’elles demandent.
S’agissant des amendements, la précision est superfétatoire car le code de la santé publique est très précis sur les missions des sages-femmes. L’avis est défavorable car ces amendements sont satisfaits.
Mme la présidente
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Mme Michèle de Vaucouleurs
Je soutiens ces amendements car la demande première des sages-femmes est d’être reconnues pour ce qu’elles accomplissent, ce qui n’est absolument pas le cas au vu de leur rémunération et de leur statut. C’est pourquoi nous proposions par amendement de nous appuyer sur une expérimentation : cela aurait été l’occasion de mettre à plat les questions de leur rémunération, de leur statut, de leurs responsabilités. Je ne sais pas si c’est le lieu mais c’est en tout cas toujours le moment de poser ces questions.
M. Patrick Mignola
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Brahim Hammouche.
M. Brahim Hammouche
La question est importante et ne date pas d’aujourd’hui. Il y a eu des sages-femmes bien avant des obstétriciens, bien avant la médicalisation des accouchements.
La dissonance qui vient d’être soulignée a des répercussions concrètes sur le travail des sages-femmes et leur formation, dont on n’a pas beaucoup parlé jusqu’à présent. Les sages-femmes, en particulier celles exerçant en milieu hospitalier, passent pour un corps non médical et ne peuvent donc pas bénéficier des mêmes accès à la formation que le corps médical. Il est bon qu’elles puissent être reçues par le ministère, car il est important d’avancer sur ces questions statutaires. Même si ces amendements ne permettront pas d’y arriver, ils présentent l’intérêt de parler de cette injustice. Les sages-femmes ont un statut médical : il faut l’inscrire dans les faits et dans la loi.
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Levy.
Mme Geneviève Levy
Hier, lors de l’audition de M. le ministre Véran, à laquelle assistait d’ailleurs Mme la ministre déléguée Bourguignon, il m’a clairement répondu, au sujet du statut des sages-femmes – j’ai relu ses mots par la suite –, qu’il était prêt à engager un dialogue avec elles et avec leur ordre, et que la question de la modification du statut les concernait elles et elles seules. Or, si j’ai bien compris ce qu’elles me disent, leur profession est traversée par des dissensions au sujet de la modification de leur statut ; les choses ne sont pas aussi simples que l’on souhaiterait.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Notre groupe ne participera pas à ce vote, parce que nous souhaitons d’abord auditionner les sages-femmes. Celles de la fonction publique hospitalière ne veulent pas de ce statut. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
(L’amendement no 113 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 106 tombe.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 60.
Mme Valérie Six
Puisque les sages-femmes pourront pratiquer une IVG chirurgicale jusqu’à dix semaines, cet amendement de repli vise à s’assurer qu’elles la réaliseront dans un établissement de santé, public ou privé, afin de garantir une prise en charge de qualité et en toute sécurité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
L’amendement me semble déjà satisfait puisque les IVG instrumentales se pratiquent en établissement de santé. Je demande le retrait ; sinon, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Avis de sagesse, par cohérence avec notre avis favorable sur l’amendement no 94, qui prévoit que cela se passe dans un établissement de santé.
(L’amendement no 60 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4 et 52.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, pour soutenir l’amendement no 4.
Mme Marie-Pierre Rixain
Actuellement, seule la réalisation d’une IVG dans un établissement de santé garantit un véritable anonymat de l’intervention. Aussi, des problématiques liées à la confidentialité subsistent, notamment pour les jeunes majeures. Ces jeunes femmes de dix-huit à vingt-quatre ans ne sont pas protégées comme les mineures ; or beaucoup d’entre elles ne souhaitent pas révéler leur IVG à leur entourage. Dans ce cas, l’envoi des factures médicales au domicile familial peut conduire à des histoires dramatiques. Un accès libre à l’IVG passe nécessairement par la possibilité de garantir une confidentialité effective si la femme en fait la demande. C’est pourquoi je propose de clarifier la législation en garantissant le droit à l’anonymat et à la confidentialité de l’IVG pour toutes les femmes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l’amendement no 52.
Mme Michèle Victory
Je veux redire l’importance – il en a beaucoup été question ce matin – de mieux accompagner les femmes dans ce parcours difficile de l’IVG. J’insiste sur le manque de moyens dédiés aux structures, centres d’IVG, plannings familiaux, ainsi que sur l’absence, depuis 1984, de gynécologues médicaux, cette spécialité ayant été absorbée dans celle plus vaste de l’obstétrique chirurgicale, ce qui ne facilite pas du tout une prise en charge satisfaisante de la santé du corps des femmes. Il a d’ailleurs été indiqué à plusieurs reprises dans la matinée que beaucoup d’associations féministes ne sont pas sur la même longueur d’ondes que le collège de ces praticiens, et loin de là, sur des sujets très importants comme les violences gynécologiques ; ce n’est pas directement lié à la présente discussion mais il me semblait important de le rappeler.
Pour en venir à l’amendement, il s’agit de combler le gap, que personne n’ignore, entre les textes en vigueur et la réalité, en particulier pour les mineures et les jeunes majeures. La protection de l’anonymat dont elles devraient bénéficier n’est pas toujours assurée, et nous savons les drames que cela peut produire dans leur famille ou leur entourage quand elles voulaient cacher leur grossesse et qu’elles se retrouvent confrontées à ce qu’elles voulaient garder pour elles et pour les praticiens. Il faut vraiment aller plus loin dans ce domaine en assurant réellement à toutes ces jeunes filles l’effectivité de ce qui existe déjà dans la loi mais qui fonctionne mal.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Je vous remercie pour ces deux amendements, qui rappellent que la confidentialité et l’anonymat constituent l’une des clefs de voûte et l’un des principes fondamentaux du respect du droit à l’avortement. Je comprends parfaitement votre intention, mais il me semble que la formulation de l’amendement no 120 rectifié, que nous allons examiner dans quelques instants, est plus appropriée. Il prévoit d’insérer dans le code de la santé publique un article L. 2212-10 ainsi rédigé : « La prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse est protégée par le secret afin de pouvoir préserver, le cas échéant, l’anonymat de l’intéressée. » Je vous demande de retirer vos amendements au profit du no 120 rectifié, qui a été déposé par Mme Muschotti.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Ces amendements visent à garantir l’anonymat, et je souscris bien sûr pleinement à cette intention. Mais cela suppose comme préalable la mise en place du tiers payant obligatoire, dont nous allons parler dans un instant, sans quoi l’assurée se trouve contrainte d’avancer au moins des frais pour en obtenir le remboursement et a dès lors évidemment peine à maintenir la confidentialité de ces informations. Comme l’amendement no 119 rectifié de Mme Muschotti va exactement dans votre sens en généralisant le tiers payant, je vous demande de retirer les vôtres ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable au profit de son amendement.
Mme la présidente
Les amendements sont-ils maintenus ?
Mme Marie-Pierre Rixain
Je retire le mien, au profit de l’amendement no 119 rectifié, qui renforce le respect du choix de la confidentialité par la mise en place du tiers payant.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Je retire également le mien, pour les mêmes raisons.
(Les amendements identiques nos 4 et 52 sont retirés.)
(L’article 1er bis, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
Après l’article 1er bis
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 1er bis, nos 119 rectifié et 120 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Cécile Muschotti, pour les soutenir.
Mme Cécile Muschotti
La ministre déléguée a commencé à en parler. Si l’IVG est prise en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire, la dispense d’avance de frais n’est en revanche pas garantie dans tous les cas et pour toutes les assurées, aussi bien les mineures que les majeures. L’absence de pratique systématique du tiers payant intégral ne permet pas de garantir le respect du secret pour les assurées qui souhaiteraient, pour des raisons évidentes, maintenir la confidentialité de ce parcours médical. Pour cette raison, l’amendement no 119 rectifié tend à rendre obligatoire la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec la pratique d’une IVG et de garantir dans tous les cas la confidentialité de l’IVG. Je précise que cet amendement reprend les préconisations nos 1 et 2 du rapport d’information sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse que Mme Battistel et moi-même avons rendu.
Le second amendement, issu de la recommandation no 2 du rapport d’information, vise à clarifier notre droit en inscrivant dans la loi : « La prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse est protégée par le secret afin de pouvoir préserver, le cas échéant [donc si celle-ci souhaite le conserver], l’anonymat de l’intéressée. » Le secret permet de garantir une prise en charge sans que l’entourage en soit informé puisqu’elle n’apparaîtrait sur aucun document ni aucun relevé de prestations envoyé au domicile.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Avis favorable, pour les raisons que j’ai déjà expliquées.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Je formulerai deux commentaires de nature très différente.
Le premier est d’ordre juridique : comment se fait-il que l’amendement no 119 rectifié, qui propose de créer des dépenses nouvelles, ait pu passer le filtre de la recevabilité financière ?
Deuxièmement, ces débats montrent bien que nous devrions être éclairés par l’avis du Conseil consultatif national d’éthique. Un quotidien a publié cet après-midi une information très étonnante : la saisine gouvernementale du CCNE n’est intervenue qu’il y a moins de quarante-huit heures. C’est un vrai problème, madame la ministre déléguée : comment se fait-il que cette saisine arrive aussi tardivement, alors que l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi est programmée depuis un bon moment ? Votre collègue en charge des relations avec le Parlement est bien placé pour le savoir puisqu’il siège de droit à la conférence des présidents. L’avis du CCNE serait évidemment très précieux. (Mme Agnès Thill applaudit.)
(L’amendement no 119 rectifié est adopté ; en conséquence, l’amendement no 120 rectifié tombe.)
Article 1er ter
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha.
M. Guillaume Gouffier-Cha
À travers l’article 1er ter, nous proposons la suppression du délai de réflexion après l’entretien psychosocial qui peut être demandé par chaque femme lors d’un parcours d’IVG. Il est entendu que le groupe La République en marche votera pour. Au cours des dernières années ont été supprimés progressivement différents délais qui étaient imposés aux femmes et qui n’avaient au fond qu’un seul objectif : les infantiliser, les contraindre, les culpabiliser en alourdissant la procédure de l’IVG. Il reste un seul de ces délais, et il faut bien entendu y mettre fin. À la suite des travaux de la délégation aux droits des femmes, il est proposé ici de le supprimer afin que les femmes puissent exercer dans la plus grande liberté ce droit fondamental qu’est l’IVG. Cela sécurisera et renforcera l’accès et le parcours relatif à l’IVG. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je suis encore très étonné par ce que révèle la question de mon collègue Hetzel. Si cette information est vérifiée, je me demande pourquoi nous sommes ici à débattre alors que la saisine du CCNE n’a eu lieu qu’il y a moins de quarante-huit heures. Les conditions ne sont pas réunies pour un débat apaisé. Je pense qu’il faudrait le reporter jusqu’à la transmission de cet avis pour pouvoir éclairer notre réflexion. J’attends votre réponse sur ce point, madame la ministre déléguée. (Mme Agnès Thill applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Brindeau.
M. Pascal Brindeau
Un article visant à supprimer un délai de réflexion sur un acte aussi grave que celui dont nous parlons ne me semble pas frappé du coin du bon sens. Nous sommes en train de débattre d’un sujet sensible ; les discussions sont parfois dures, passionnées, parce qu’il touche à l’éthique, à la conception de la vie. Par conséquent, je comprends d’autant moins pourquoi le Gouvernement, qui semble finalement donner son aval à la proposition de loi – et la majorité s’y rallier –, n’a pas revu son contenu, s’il souhaitait faire évoluer un équilibre pourtant déjà extrêmement compliqué à trouver, comme l’avait montré en son temps l’examen de la loi Veil. Vous rendez-vous compte qu’on va modifier la loi Veil par une proposition de loi examinée dans le cadre d’une niche parlementaire,…
Mme Annie Chapelier
C’est la démocratie !
M. Pascal Brindeau
…et sans que le Gouvernement n’ait vraiment un positionnement très clair (Approbations sur les bancs des groupes UDI-I et LR),…
M. Fabien Di Filippo
Il a raison !
M. Pascal Brindeau
…puisque celui-ci varie d’un amendement à l’autre ; et il en va de même du côté de la majorité – ou du moins de ce qu’il en reste… (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 9, 18, 28, 39, 61, 66, 72 et 82, tendant à supprimer l’article 1er ter.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Thibault Bazin
Madame la ministre déléguée, j’ai l’impression que vous ne voulez pas répondre à la question posée par mon collègue Hetzel, mais c’est votre liberté… Vous faites par ailleurs beaucoup appel à la sagesse. Je savais qu’il y avait la sagesse de l’Assemblée, mais on aimerait savoir ce que signifie la sagesse ministérielle sur tous ces sujets.
Madame la rapporteure, vous avez fait adopter en commission l’article 1er ter, qui supprime le délai de quarante-huit heures prévu entre l’entretien psychosocial préalable et le recueil du consentement. Certes, le ministre de la santé a rappelé que le délai de réflexion minimale entre la consultation d’informations et le recueil du consentement de la femme, mais faut-il pour autant supprimer tous les délais sous prétexte de « fluidifier le parcours de l’IVG », selon les termes de Mme Muschotti, l’auteure de l’amendement qui a abouti à cet article ?
Un délai de réflexion, généralement synonyme de plus de liberté, ne semble donc pas constituer une entrave au droit à l’IVG. Depuis 1975, les femmes ont droit à l’IVG et aussi à un délai de réflexion si elles le souhaitent ; quelles que soient leur inclination et leur décision finale, elles auront pu disposer d’un temps pour se dégager de toute pression immédiate dans un sens ou dans un autre – par exemple de leur père –, et qu’elles veuillent avorter ou s’y refusent, pour disposer librement de leur corps afin d’accueillir la vie. La liberté de penser doit aussi être respectée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l’amendement no 18.
Mme Nathalie Bassire
Je ne sais pas si on infantilise les consommateurs, mais je rappelle que, depuis l’adoption de la loi Hamon, en 2014, le délai de rétractation pour tout achat sur internet a été porté de sept à quatorze jours ; cela leur permet de revenir sur leur décision pour quelque raison que ce soit. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Si un consommateur peut se tromper lors d’un achat, ne semble-t-il pas évident qu’une femme puisse, dans l’éventualité d’une IVG, se tromper, pour diverses raisons, et prendre une décision qu’elle pourrait éventuellement regretter ? Considérant que l’acte d’avortement est au moins aussi grave que l’acte d’achat et que c’est une décision difficile, ne pourrait-on pas maintenir le délai de réflexion de deux jours après l’entretien psychosocial ?
M. Pierre Vatin
Très bien !
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour un rappel au règlement.
M. Matthieu Orphelin
Il se fonde sur l’article 49, alinéa 5, du règlement. Il est seize heures quinze, et nous en sommes toujours à l’examen de la première de nos propositions de loi. Dès lors, il nous semble justifié que, quand une série d’amendements identiques a été déposée par des députés du même groupe, le député qui soutient l’un d’entre eux soit considéré comme ayant également soutenu tous les autres, et de donner ensuite la parole à un représentant de chacun des autres groupes. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Fabien Di Filippo
Ce n’est pas dans le règlement !
M. Matthieu Orphelin
Mais si, c’est prévu dans la nouvelle version du règlement.
Mme Valérie Beauvais
Quand ça vous arrange !
M. Matthieu Orphelin
Il est seize heures quinze et il nous reste près de soixante-dix amendements à examiner sur ce texte. Comme vous le savez, nous ne disposons que d’une seule niche parlementaire par groupe pour toute la session. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et UDI-I.) Je vous demande donc de faire respecter l’examen des textes qui vont suivre. (Même mouvements.)
M. Fabien Di Filippo
Mais le sujet mérite davantage d’heures de débat ! Il ne fallait pas inscrire ce texte dans la niche parlementaire de votre groupe !
Mme la présidente
Monsieur Orphelin, permettez-moi, d’une part, de vous rappeler que la défense d’amendements est une prérogative que chaque député tient à voir respectée et, d’autre part, qu’il n’y a tout de même pas cinquante amendements identiques.
M. Matthieu Orphelin
Dix ont été déposés dans cette série !
Mme la présidente
Certes, mais on en a vu de plus nombreuses.
Enfin, je constate que c’est votre niche parlementaire et que vous avez choisi d’y présenter des textes nombreux et sur des sujets qui incitent au débat. Par conséquent, je ne peux pas museler les députés pour les motifs que vous invoquez. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.) En revanche, je serai vigilante quant au nombre d’interventions après les avis.
M. Matthieu Orphelin
Peut-être seulement un orateur pour et un orateur contre ?…
Article 1er ter (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Patrick Hetzel
Un débat a eu lieu sur cette question en commission des affaires sociales le 18 mars 2015. L’une des participantes avait alors déclaré : « La suppression du délai de réflexion ne fait pas partie des mesures que j’ai proposées, et je ne suis pas sûre qu’elle soit de nature à faciliter l’accès au droit dont nous parlons. Certaines situations particulières, j’en ai conscience, peuvent exiger une accélération de la procédure ; ainsi, lorsque la grossesse est à un stade avancé, le délai est d’ores et déjà raccourci. On peut aussi envisager un raccourcissement du délai dans les cas d’IVG pratiquées par voie médicamenteuse, autorisée pendant les cinq premières semaines de la grossesse. Dans la plupart des cas, cependant, le délai de réflexion est utile. Doit-il rester fixé à sept jours ? La question peut être posée ; mais, en tout état de cause, je suis défavorable à sa suppression, car la décision qui est en jeu, si elle est un droit absolu, est évidemment tout sauf banale. »
Savez-vous qui a tenu ces propos ? Il s’agit de Marisol Touraine, alors ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Bien qu’elle n’appartienne pas à ma famille politique, je me permets de la citer, car elle a clairement indiqué qu’elle traçait une ligne rouge. Si nous défendons le même point de vue, ce n’est pas par pur fantasme, mais parce que, comme elle, nous considérons qu’il y a là une ligne rouge que l’on ne saurait franchir si facilement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 39.
Mme Emmanuelle Ménard
J’avoue être étonnée de constater, depuis ce matin, que chaque fois que nous évoquons la nécessité d’une réflexion, on nous oppose le mot « infantilisation ». En quoi le fait d’accorder un délai de réflexion à une femme qui veut pratiquer une IVG ou se pose la question serait-il synonyme d’infantilisation ? Je trouve même cette posture assez insultante pour les femmes, car elles ont tout à fait le droit de ne pas savoir. Je l’ai dit au ministre ce matin, juste avant la levée de la séance : j’ai été absolument sidérée – et admirative – de ses certitudes. M. Véran affirme que, quand une femme entre dans le cabinet d’un médecin ou d’un gynécologue pour demander des informations sur une IVG, c’est qu’elle sait déjà qu’elle veut y avoir recours. Eh non, les choses ne sont pas si simples : de nombreuses femmes – ou de nombreux couples, d’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’insister sur ce point – ne savent pas. Elles se posent des questions, elles se demandent si c’est la bonne solution ou s’il y en a d’autres, elles souhaitent être informées et prendre le temps de réfléchir, et elles ne veulent pas qu’on les presse.
Pardon, mais un délai de quarante-huit heures ne me semble pas complètement déraisonnable pour une décision de cette importance, avec les conséquences qu’elle peut avoir, pour la vie du bébé, évidemment, mais aussi pour la vie future de la femme qui s’apprête à pratiquer une IVG. Que ce soit dit une fois pour toutes : non, réflexion n’est pas synonyme d’infantilisation, et ce serait faire preuve de respect envers les femmes que d’arrêter de prétendre que c’est le cas.
M. Guillaume Chiche
N’importe quoi !
Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l’amendement no 61.
Mme Valérie Six
Je m’efforcerai d’être rapide, mais mon intervention montrera au moins que nous sommes plusieurs à partager cet avis.
Lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, une disposition visant à supprimer le délai de quarante-huit heures prévu entre l’entretien psychosocial et le recueil du consentement à l’IVG a été introduite. Vous la justifiez par la volonté de fluidifier le parcours des femmes, mais ce délai les protège précisément contre une décision précipitée. Comme cela a déjà été souligné, l’IVG n’est pas un acte anodin. Cessons de supprimer tous les délais qui garantissent une prise de décision réfléchie. Nous souhaitons maintenir ce délai de réflexion.
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l’amendement no 66.
Mme Agnès Thill
Si nous nous accordons sur le fait que l’IVG n’est pas un acte comme un autre, alors il mérite réflexion et discernement, et il justifie que la femme établisse ses certitudes et réponde à ses doutes. Prétendre le contraire reviendrait à considérer que c’est un acte comme un autre, qui ne nécessite pas davantage de discernement qu’un autre.
Par conséquent, l’article 1er ter, qui supprime le délai de deux jours – quarante-huit heures, ce n’est quand même pas énorme – pour que les femmes confirment leur demande, bafoue au demeurant leur droit à la réflexion de cette dernière. Son adoption aurait pour conséquence de biaiser et de précipiter le choix des femmes. Or un avortement à douze ou quatorze semaines est une intervention lourde, qui n’est pas sans conséquences psychologiques. Pour effectuer un choix aussi important en toute liberté, les femmes doivent bénéficier du délai nécessaire pour collecter toutes les informations utiles et surtout pour répondre à leurs doutes, puis leurs certitudes, puis à nouveau leurs doutes. C’est à cette condition que s’exerce la liberté de penser. Il convient donc de supprimer cette disposition attentatoire à la liberté de la femme.
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 72.
Mme Josiane Corneloup
Le délai de réflexion de quarante-huit heures ne doit pas être considéré comme une entrave à l’IVG, mais plutôt comme une protection pour la patiente : cette dernière ne doit pas prendre une décision précipitée, qu’elle risquerait de regretter par la suite. Cela a été rappelé, l’IVG n’est pas un acte banal, loin de là. La bonne information des patientes est fondamentale et un délai de réflexion est tout à fait essentiel pour qu’elles puissent prendre une décision éclairée. Le présent amendement vise donc à maintenir le délai de réflexion en vigueur.
Mme la présidente
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, pour soutenir l’amendement no 82.
Mme Aude Bono-Vandorme
L’interruption volontaire de grossesse, nous le savons tous, n’est pas un acte médical anodin. J’ai beaucoup entendu parler des pressions exercées sur les femmes. N’est-il pas de notre responsabilité de leur laisser un peu de temps pour leur permettre de prendre du recul vis-à-vis de ces pressions, quelles qu’elles soient ? La décision leur appartient, et à elles seules. Par humanité et par respect, il me semble indispensable de maintenir le délai de réflexion de deux jours, eu égard à l’importance qu’une telle décision aura dans la vie des femmes concernées. (Mme Agnès Thill applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Nous voulons supprimer l’obligation de respecter un délai de quarante-huit heures. La femme pourra toujours prendre le temps qu’elle voudra pour réfléchir.
M. Guillaume Chiche
Eh oui !
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Une fois passé l’entretien psychosocial, elle pourra réfléchir vingt-quatre, quarante-huit ou soixante-douze heures : nous ne souhaitons supprimer que le caractère impératif de ce délai.
M. Guillaume Chiche
Tout à fait !
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Nous respectons le choix des femmes : ce sont elles qui décident, lorsqu’elles sont prêtes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EDS, LaREM et SOC.) Je suis donc défavorable aux amendements tendant à supprimer l’article 1er ter.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Il est défavorable, bien sûr, pour les raisons invoquées par la rapporteure : les femmes peuvent réfléchir jusqu’à douze semaines de grossesse, sans qu’il soit besoin d’inscrire un délai dans la loi. Prétendriez-vous protéger les femmes contre elles-mêmes ?
M. Guillaume Chiche
C’est exactement ça qu’ils veulent !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Jusqu’à la date de l’IVG, la femme peut changer son intention. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, SOC et EDS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde
J’ai voté ce matin en faveur de l’article 1er parce que j’estime qu’on peut porter de douze à quatorze semaines le délai pour pratiquer une IVG. Je ne voterai pas, en revanche, pour la proposition de loi, principalement en raison de ce que vous êtes en train de faire. (Mme Agnès Thill applaudit.) Je suis effaré d’entendre la ministre déléguée, qui s’en remet à la sagesse de l’Assemblée pour toutes les autres dispositions et qui ne projetait pas de revenir sur le délai de quarante-huit heures, se prononcer en faveur de sa suppression par la voix de Mme la ministre déléguée.
M. Guillaume Chiche
Elle a bien raison !
M. Jean-Christophe Lagarde
Vous avez donné un avis défavorable sur les amendements de suppression, ce qui signifie que vous voulez la fin du délai de quarante-huit heures : telle est la position du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Nous aurions préféré que vous rendiez un avis de sagesse : en appeler à la sagesse pour les mesures qui vous gênent et faire preuve de suivisme pour celles qui vous gênent moins, voilà une attitude qui me paraît pour le moins discutable ! Passons…
La loi Veil – j’ai connu personnellement celle qui l’a défendue – assure un équilibre entre un droit inaliénable pour les femmes et la prise en considération des conséquences, pour leur vie et leur santé, d’une décision qui fait partie des plus graves qu’elles prendront dans leur vie. C’est pourquoi la nécessité d’un temps de réflexion avait été inscrite dans le texte : pour protéger la femme, parfois pour la protéger d’elle-même, c’est vrai. De très nombreuses lois protègent les gens d’eux-mêmes sans les infantiliser. Limiter les vitesses de circulation sur les routes, est-ce infantiliser les automobilistes ? Non : c’est les protéger, y compris d’eux-mêmes.
M. Guillaume Chiche
Quelle comparaison pertinente…
M. Jean-Christophe Lagarde
Ce délai protège aussi la femme des pressions qu’elle peut subir. Il laisse le temps à la réflexion – car si tout le monde semble convaincu qu’une IVG est toujours l’affaire d’une femme seule, elle est aussi parfois une décision de couple, cela vous a été expliqué ce matin.
Quarante-huit heures n’ont jamais empêché une femme d’accéder à son droit inaliénable à l’IVG. Jamais ! La fluidité que vous appelez de vos vœux ne s’en trouve pas entravée – ce sera d’autant plus vrai si le délai pour recourir à l’IVG est porté de douze à quatorze semaines. Bien sûr, une femme peut prendre le temps de la réflexion, mais elle peut aussi être paniquée ou sous pression, elle peut avoir besoin de s’échapper du foyer familial ! Les quarante-huit heures dont il est question lui sont aussi accordées comme un droit lui permettant d’échapper aux pressions dont elle ferait l’objet !
Supprimer ce délai reviendrait à déséquilibrer la loi. Je serai navré de ne pas pouvoir voter en faveur du texte,…
M. Guillaume Chiche
Pas grave !
M. Jean-Christophe Lagarde
…dont j’estime que l’article 1er, qui était l’intention initiale de votre groupe, madame la rapporteure, était une décision sage.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Marie-Pierre Rixain
De quoi parlons-nous ? D’un entretien psychosocial avec un psychologue ou un assistant social, à la demande de la femme. Cet entretien n’est nullement obligatoire. Il se trouve simplement qu’au cours de la procédure, une femme peut avoir besoin de mettre des mots sur ce qu’elle vit – l’entretien ne lui permettra pas nécessairement de faire son choix, qui peut déjà être arrêté – et d’en parler. Lui imposer un délai de réflexion de quarante-huit heures, c’est bien une manière de l’infantiliser (Exclamations sur les bancs du groupe LR), disons-le. En effet, comme l’a souligné la rapporteure, si, à l’issue de cet entretien facultatif, la femme veut réfléchir vingt-quatre heures, trois jours ou une semaine et éventuellement revenir sur sa décision, elle le peut, jusqu’au jour même de l’intervention. Ce délai n’entrave pas la femme, ne lui fait subir aucune pression, mais il lui est imposé comme à une enfant : il revient à lui dire : « va réfléchir dans ton coin, et nous verrons ensuite si tu as pris la bonne décision ! » (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et EDS. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Guillaume Chiche
Elle a raison !
M. Pierre Vatin
À chacun ses propos lamentables !
Mme Marie-Pierre Rixain
C’est une infantilisation. Encore une fois, les femmes, si elles le souhaitent, peuvent réfléchir le temps qu’elles veulent, jusqu’à l’issue du délai légal. L’entretien dont il est question est facultatif. Revenons clairement sur les différentes étapes qui composent la procédure d’IVG et cessons de faire croire aux Français que les délais imposés aux femmes sont des libertés, quand il s’agit uniquement de moyens de les infantiliser ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et EDS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin
Si le délai de réflexion de quarante-huit heures ne vous gêne pas, pourquoi voulez-vous le supprimer ?
Mme Marie-Pierre Rixain
Parce qu’il est imposé !
Mme Anne-Laure Blin
Depuis ce matin, on entend tout et son contraire. Où est la cohérence dans votre texte ? Vous expliquez vouloir que les femmes soient libres et qu’elles aient un maximum d’informations, mais vous refusez que l’information qu’elles reçoivent soit libre. Vous assurez qu’un délai de réflexion de quarante-huit heures ne serait pas nécessaire parce qu’une femme peut, dans tous les cas, changer d’avis si elle le souhaite.
Mme Albane Gaillot, rapporteure
C’est elle qui choisit !
Mme Anne-Laure Blin
Vous invoquez depuis ce matin les droits de la femme. Or pardonnez-moi, madame la rapporteure : vous êtes une femme, mais j’en suis une également – nous sommes plusieurs dans cet hémicycle. Vous ne détenez pas la vérité : toutes les femmes sont différentes, nous avons chacune notre sensibilité. Mais le droit à l’avortement, ce n’est pas qu’un choix personnel de la femme, c’est aussi un choix de couple. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, SOC et EDS.)
Mme Elsa Faucillon
C’est faux !
Mme Anne-Laure Blin
Le rôle de l’homme compte dans la décision finale qui sera prise d’exercer ou non le droit d’avorter ! Le rôle de l’homme, vous l’instrumentalisez, dès lors que vous soutenez que la natalité est un choix purement et uniquement personnel.
Pouvez-vous nous expliquer où est la cohérence dans votre texte ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-I et Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Guillaume Chiche
Vous n’y connaissez rien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je tiens à remercier notre collègue M. Orphelin pour son rappel au règlement qui démontre que ce texte n’a pas sa place dans une niche parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-I et sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Agnès Thill applaudit également.)
Une députée
Ça s’appelle la démocratie !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Au cours de ce débat, j’ai été scandalisée par la comparaison qui a été faite entre le délai de réflexion pour une IVG et celui qui concerne un achat sur internet (Mme la rapporteure applaudit) mais je l’ai été également par l’affirmation selon laquelle ce délai constituerait une forme d’infantilisation. Chacun de nous doit tenir des propos modérés.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Aubert pour une dernière intervention avant le vote.
M. Julien Aubert
En huit ans, ce n’est pas la première fois que nous discutons d’un texte relatif à l’IVG. Malheureusement, j’ai à chaque fois l’impression d’être pris au piège, tout d’abord parce que certains instrumentalisent le débat en voulant faire de toute loi sur le sujet une avancée sociétale. D’autre part, lorsque des hommes prennent la parole au cours de ces débats, on leur explique que, même s’ils sont députés de la nation, ça n’est pas à eux d’avoir une opinion sur ce sujet.
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Ce n’est pas vrai !
M. Julien Aubert
Je maintiens que les hommes ne font pas la loi pour les hommes tandis que les femmes feraient la loi pour les femmes (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I) même si, évidemment, hommes et femmes n’abordent pas une question comme l’IVG avec la même sensibilité.
Je reprendrai la comparaison – bien que celle-ci ait été critiquée par ma collègue Firmin Le Bodo – avec le délai de réflexion de quinze jours qui nous est imposé aujourd’hui pour le moindre achat. Je persiste à penser que l’IVG n’étant pas un acte anodin, le délai de réflexion de quarante-huit heures est essentiel, et ce alors qu’on nous accorde un délai pour le moindre aspirateur acheté dans une foire. (Exclamations sur les bancs du groupe EDS et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Évidemment, vous considérez qu’à partir du moment où on se voit accorder une liberté, on ne devrait être soumis à une règle. Or il faut imposer des règles. Vous êtes mal à l’aise parce que vous avez inscrit ce sujet au programme d’une niche,…
M. Patrick Hetzel
Et ce n’est pas parce que c’est une niche qu’il faut aboyer !
M. Julien Aubert
…ce qui est choquant parce que nous aurions dû disposer de beaucoup plus de temps pour pouvoir en débattre réellement après avoir procédé à toute une série d’auditions préliminaires.
Par ailleurs, je ne vois pas du tout en quoi ce délai, selon moi nécessaire, constituerait une infantilisation. Malheureusement, en instrumentalisant cette question, vous empêchez que se tienne un débat apaisé. Il serait pourtant possible d’avoir une discussion de fond si on évitait de se lancer des anathèmes et de considérer que les défenseurs d’une loi plus équilibrée – d’ailleurs beaucoup plus proche de la loi Veil – sont forcément liberticides. (Mme Agnès Thill applaudit.)
(Les amendements identiques nos 9, 18, 28, 39, 61, 66, 72 et 82 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’article 1er ter, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 38, 46, 55 rectifié et 87.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 38.
Mme Emmanuelle Ménard
La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a ramené à deux jours le délai de réflexion de la femme, consacrant en quelque sorte la fin de toute prévention de l’IVG. Je repose alors la question : pourquoi ignorer que beaucoup de femmes hésitent et ont besoin de réfléchir ? Pourquoi forcer la précipitation ? Pourquoi effacer à présent ce délai de deux jours – seulement – à propos d’un geste qui scelle le destin d’une existence humaine ?
Puisque la comparaison avec l’achat d’un aspirateur, faite par notre collègue Julien Aubert, ne vous plaît pas, je vous en propose une autre, qui illustre le problème de proportionnalité que poserait la suppression de ce délai : la loi impose deux semaines de réflexion pour un acte de chirurgie esthétique qui, lui, n’engage que vous-même et votre corps, personne d’autre. Je persiste à dire, même si cela déplaît à beaucoup d’entre vous, que, dans certains cas – pas tous, j’en conviens –, la décision du recours à l’IVG se pose parfois au sein d’un couple. D’aucuns refusent de l’entendre mais certains couples discutent des questions qui, comme l’avortement, les concernent, eux et leur famille – ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, ne vous en déplaise.
En outre, comme nous l’a appris la loi de bioéthique, cette décision met aussi en cause la vie de l’être que porte la future mère et qui, à quatorze semaines, est un bébé – j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler.
Vous raisonnez toujours à partir de l’idée du « droit à »,…
M. François Cormier-Bouligeon
Eh oui !
Mme Emmanuelle Ménard
…comme on a pu le vérifier à l’occasion de la loi de bioéthique, lorsque vous parliez du « droit à l’enfant », de la satisfaction du désir d’enfant. Mais, bon sang, pensez de temps en temps à l’intérêt supérieur de l’enfant, sinon vous êtes complètement à côté de la plaque.
Mon amendement vise non seulement bien sûr au maintien du délai de deux jours mais aussi au rétablissement du délai de sept jours, comme c’était le cas avant 2016. Du point de vue de la proportionnalité, cela me semble le minimum, sachant que le moindre acte de chirurgie esthétique nécessite un délai de réflexion de quinze jours.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 46.
M. Patrick Hetzel
Il vise à porter le délai de réflexion à sept jours. J’ai d’ailleurs sous les yeux un amendement débattu lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé en 2015. Il y est écrit que, eu égard à l’importance de la décision qui devait être prise, « il apparaît indispensable, pour protéger la femme, de maintenir ce délai de réflexion ». En consultant la liste des cosignataires de cet amendement, madame la ministre déléguée, je note avec grand intérêt que votre collègue ministre de l’intérieur en fait partie. Peut-être aurez-vous donc matière à débattre au sein même du Gouvernement, tant il est vrai qu’une telle question ne doit pas être traitée à la légère. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l’amendement no 55 rectifié.
Mme Agnès Thill
Puisque vous prétendez que la femme peut réfléchir aussi longtemps qu’elle le souhaite – sept jours voire davantage –, cet amendement vise à rétablir dans la loi le délai de réflexion de sept jours, qui avait été ramené à deux jours par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, consacrant la fin de toute prévention de l’IVG.
L’IVG n’étant pas, nous le répétons, un acte anodin, il est indispensable de reconnaître que beaucoup de femmes hésitent et ont besoin de réfléchir – et tant mieux, il est bien normal que la certitude laisse place aux doutes. Il n’est aucunement nécessaire de se précipiter.
Je trouve incroyable qu’on puisse penser que cette décision ne concerne que les femmes. Eh bien, non, une femme enceinte, cela concerne un homme et une femme. (Murmures.) Je refuse d’exclure les hommes de cette histoire. Certains d’entre eux font pression sur leur conjointe pour qu’elle avorte – j’en connais. Ils disent que deux enfants, ça suffit, et refusent un petit troisième ou menacent même de quitter leur compagne parce qu’ils ne veulent pas du bébé.
Alors que la loi impose deux semaines de réflexion pour un acte de chirurgie esthétique, la restauration du délai de sept jours apparaît comme un minimum s’agissant d’un geste scellant le destin d’une existence humaine. Dans un sondage réalisé par l’IFOP en 2016, 89 % des Français estimaient que l’IVG laissait des traces psychologiques douloureuses pour les femmes. Il y va donc de notre responsabilité de trouver un équilibre en réinstaurant ce délai de sept jours.
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 87.
M. Fabien Di Filippo
Le présent amendement, qui vise à allonger le délai de réflexion, nous permet aussi de poursuivre le débat autour de la suppression de ce délai. Nous voyons bien que les atermoiements du Gouvernement sur certaines questions et ses dissensions avec sa majorité font de cette proposition de loi un texte brouillon, instable, inabouti. Je rappelle d’ailleurs, comme l’ont fait plusieurs de nos collègues avant moi, que nous ne disposons toujours pas de l’avis du Comité consultatif national d’éthique. Je tiens aussi à préciser que les mots « infantilisation » et « culpabilisation » de la femme n’ont jamais été prononcés de ce côté-ci de l’hémicycle et contribuent largement à polluer le débat.
L’avortement constitue un acte grave et spécifique parce qu’il est malheureusement définitif. Qu’on le veuille ou non, il va poursuivre toute leur vie les deux membres du couple, l’homme comme la femme. En 2016, le délai de réflexion avait été ramené à deux jours. Aujourd’hui, vous souhaitez carrément supprimer tout délai. Or si le recours à l’IVG apparaît comme la bonne décision au moment où la femme la prend, cela restera la bonne décision quarante-huit heures plus tard. Ce temps de réflexion n’entrave en rien la possibilité qu’a une femme d’avorter, surtout si vous allongez de douze à quatorze semaines le délai légal de l’IVG.
Un jour, j’ai croisé par hasard une femme qui m’a parlé de son regret d’avoir avorté au cours de sa jeunesse. Je ne porte aucun jugement sur cette femme car aucun d’entre nous ne peut prétendre qu’il arrivera au terme de sa vie sans nourrir de regret. Je ne dis pas non plus qu’il est possible d’éviter ou de réparer toutes nos erreurs. Cependant, si ce délai de quarante-huit heures pouvait permettre, ne serait-ce qu’à une femme – qui, par peur, aurait pris une décision dans la précipitation –, de ne pas commettre une erreur qui l’aurait poursuivie tout au long de son existence, il faut le maintenir, d’autant plus que, je le répète, il n’entrave nullement le droit à l’IVG. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Ayant déjà développé mes arguments précédemment à propos d’amendements similaires, je me contenterai de donner un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Même avis.
M. Marc Le Fur
Ça manque d’arguments !
Mme Albane Gaillot, rapporteure
Je les ai formulés tout à l’heure, il fallait être là !
Mme Émilie Bonnivard
C’est parce qu’ils veulent parler des animaux !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde
Je ne suis pas favorable à un allongement du délai à sept jours mais cette discussion démontre que tout est une question d’équilibre. Ce qui pose problème, c’est en effet le déséquilibre que vous créez avec cet article. Si, en 2016, il a été décidé de ramener le délai à quarante-huit heures, c’est parce qu’avec le délai de sept jours, il existait un risque que la limite des douze semaines, soit le délai légal pour recourir à l’IVG à ce moment-là, soit dépassée. Voilà qui constituait une entrave au droit des femmes. En ramenant ce délai à quarante-huit heures, on a pris une décision raisonnable puisqu’elle assure le respect du délai légal actuel du recours à l’IVG, de douze semaines, et rappelle qu’il ne s’agit pas d’un acte banal.
Je n’établirai aucune comparaison avec quoi que ce soit. Mais tout se passe comme si on avait, d’un côté, ceux qui veulent tout libéraliser et, de l’autre, ceux qui ne veulent rien libéraliser. La loi Veil est une loi d’équilibre, qui respecte le droit de la femme au moment où elle est confrontée à la décision la plus grave de sa vie, qui ne peut être une décision comme une autre.
Par conséquent, si on maintenait le délai de deux jours – en rejetant l’article 1er ter –, nous pourrions retrouver cet équilibre. J’adjure nos collègues de réfléchir – comme ils le font à chaque fois – avant de supprimer cette garantie d’un temps de réflexion.
Enfin, il est difficile d’entendre l’argument selon lequel seule la femme serait concernée. Là encore, c’est une question d’équilibre. Certes, c’est la femme qui décide en dernière instance, c’est un droit inaliénable pour elle. Cependant, dans de nombreuses situations – nous en avons tous connu, j’en ai moi-même vécu –, le délai de réflexion à propos de ce projet parental, qui peut aussi concerner un couple parfaitement stable, ayant déjà un ou plusieurs enfants, fait l’objet d’une discussion entre l’homme et la femme. Le délai de quarante-huit heures peut donc se révéler utile, aussi bien pour une femme qui se retrouverait seule, violentée et sous pression, que pour un couple. Dans les deux cas, l’équilibre serait préservé. Je vous conjure donc de ne pas revenir sur un texte équilibré parce qu’il garantit un droit sans qu’on puisse en faire n’importe quoi. (M. Pascal Brindeau et Mme Agnès Thill applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Sur un sujet aussi grave, l’absence de réponse – pas uniquement à mes questions – est regrettable. J’ai tenté de vous prouver factuellement que le maintien du délai de réflexion n’entravait aucunement la possibilité pour une femme de recourir à l’IVG.
Nous nous permettons d’insister car la possibilité qu’un texte comme celui-ci soit adopté sans que le Comité national consultatif d’éthique n’ait donné son avis constituerait une première – je ne conteste pas en revanche son inscription au programme d’une niche, lequel relève de la liberté de chaque groupe. Le CCNE ayant été saisi, nous aimerions savoir, madame la ministre déléguée, quand il se prononcera. Nous avons posé et reposé la question. Pour éclairer nos débats sur un sujet aussi grave, nous avons besoin que vous répondiez aux demandes formulées ici-même par la représentation nationale.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Je suis encore surpris par les arguments de nos collègues du groupe Les Républicains. J’ai l’impression de radoter mais nous ne sommes pas là pour débattre du droit à l’avortement puisque celui-ci existe, c’est un fait. Or, depuis le début de l’examen de cette proposition de loi, la discussion a tendance à glisser vers une remise en cause de ce droit. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Vous prétendez ensuite que votre intention n’est pas d’infantiliser les femmes. Certes vous n’avez pas prononcé le mot mais c’est bien le sens de vos propos. Croyez-vous qu’une femme qui décide d’avoir recours à l’avortement n’a pas mûri sa réflexion ? Pensez-vous que cette réflexion soit de même nature que celle d’une personne ayant recours à une opération de chirurgie esthétique ? Je suis désolé mais elles n’ont pas la même teneur. Dans le premier cas, la réflexion est évidemment bien plus profonde. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Plusieurs députés du groupe LR
Justement !
M. Erwan Balanant
Nous vous expliquons depuis le début du débat que si nous souhaitons allonger le délai de deux semaines, c’est pour rendre le droit à l’avortement effectif. Vous citez tous des exemples personnels mais, dans la réalité, lorsqu’une femme désire avorter, elle ne le fait pas dans la demi-heure suivant son arrivée chez le gynécologue ! Arrêtez de croire que le délai de quarante-huit heures est insuffisant. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Le processus laisse largement le temps aux femmes de réfléchir à ce qu’elles font. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien Di Filippo
Non !
Mme la présidente
S’il vous plaît, on s’écoute !
M. Erwan Balanant