Deuxième séance du vendredi 04 décembre 2020
- Présidence de Mme Laetitia Saint-Paul
- 1. Réforme de l’adoption
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 2 (suite)
- Amendements nos 22, 141, 242 et 378
- Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
- Amendements nos 23, 142, 243, 379, 24, 143, 244, 380, 25 et 144, 245, 381
- Article 2 bis
- M. Xavier Breton
- Amendements nos 102, 284, 451 et 449, 450
- Article 3
- Article 4
- Article 5
- Article 6
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Article 6 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Amendement no 210
- Article 7
- Mme Natalia Pouzyreff
- M. Xavier Breton
- Amendements nos 1, 44, 147, 386 et 286
- Sous-amendement no 566
- Amendements nos 512, 538, 76, 68, 346, 256, 258, 257 et 511 rectifié
- Après l’article 7
- Article 8
- Article 9
- Article 9 bis
- Après l’article 9 bis
- Amendement no 106
- Suspension et reprise de la séance
- Article 10
- Rappel au règlement
- Article 10 (suite)
- Après l’article 2 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Laetitia Saint-Paul
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Réforme de l’adoption
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Monique Limon et plusieurs de ses collègues visant à réformer l’adoption (nos 3161, 3590).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 22, 141, 242 et 378, portant article additionnel après l’article 2.
Après l’article 2 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 22.
M. Xavier Breton
Il s’agit d’insérer à l’article 348-3 du code civil la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. Pourquoi insistons-nous sur ce point ? C’est parce qu’en l’absence du qualificatif « supérieur », l’intérêt de l’enfant reste une notion relative et risque bien de passer au second plan quand on prendra en considération les intérêts des parents d’origine, des parents adoptants, des structures, des familles d’accueil…
De plus, une harmonisation de la législation par le moins-disant serait contraire aux engagements internationaux pris par la France. En effet, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant est consacrée par la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France le 7 août 1990, et dont l’article 3 stipule dans son premier alinéa : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
Or, comme le rappelle le Gouvernement sur le site vie-publique.fr, la Convention internationale des droits de l’enfant est un texte contraignant pour les États qui l’ont ratifiée. Le Conseil d’État, dès 1993, puis la Cour de cassation à partir de 2005 ont admis que plusieurs articles de cette convention étaient directement applicables devant les juridictions et que les particuliers pouvaient les invoquer. C’est précisément le cas de l’article 3 sur l’intérêt supérieur de l’enfant, notion à laquelle le Conseil constitutionnel a donné une valeur constitutionnelle dans une décision de mai 2013. Voilà pourquoi il nous semble indispensable d’insérer le mot « supérieur ».
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 141 de M. Patrick Hetzel et 242 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 378.
M. Thibault Bazin
J’ai prêté une grande attention, ce matin, aux propos de Guillaume Chiche qui nous a alertés sur le double discours du Gouvernement et de la majorité. Ici, on nous demande de ne pas nous inquiéter concernant la gestation pour autrui, cependant qu’une note diplomatique, évoquée par notre collègue, datée du 24 avril dernier, vise à rendre possible la transcription intégrale d’un acte d’état civil étranger d’un enfant né de GPA… Cela m’interpelle et m’inquiète profondément alors que nous sommes en train de discuter de l’intérêt supérieur de l’enfant, que nous devons faire prévaloir à tous égards, en tous lieux, dans tous discours et pour tous actes.
Vous allez me répondre qu’il faut tenir compte des enfants déjà nés. Certes, mais nous sommes en train de préparer l’avenir, celui d’enfants qui ne sont pas encore nés et qui pourraient être adoptés. Il faut par conséquent faire en sorte que notre arsenal législatif soit dissuasif à l’égard de pratiques qui ne respectent pas le corps des femmes en le marchandisant.
Il est donc très important de tenir un discours clair, non seulement dans l’hémicycle mais aussi sur le plan diplomatique, concernant l’interdiction de la GPA : nous ne devons pas l’encourager, même de manière détournée, ce qui revient à s’abstenir de faciliter toute démarche en ce sens.
Mme la présidente
La parole est à Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques.
Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
En ce qui concerne les amendements, j’émets un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles invoquées ce matin et mercredi dernier, liées à l’harmonisation des textes.
Mme la présidente
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
Nous avons déjà débattu de la question mercredi dernier. Il n’y a pas de contradiction entre le droit français et la Convention internationale des droits de l’enfant. La notion d’intérêt supérieur de l’enfant est la traduction de « best interest ». C’est ce qu’entend le droit français, notamment dans l’article 371-1 du code civil, aux termes duquel « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Il en va de même concernant le droit de visite. Il n’y a donc, j’y insiste, pas de contradiction : les deux expressions, au regard du droit, se valent. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Vous me permettrez d’employer l’expression française, monsieur le secrétaire d’État, qui montre que la question se pose de savoir les intérêts de qui on va privilégier entre les enfants destinés à être adoptés et les parents qui souhaitent adopter. Entre deux intérêts légitimes – il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur –, l’idée est ici de faire en sorte que l’intérêt de l’enfant prévale. Le bien de l’un ou de l’autre, la vulnérabilité de l’un ou de l’autre peuvent entrer en conflit ; or, à considérer le projet parental comme l’alpha et l’oméga, on risque de ne pas faire prévaloir l’intérêt de l’enfant, qui doit primer sur tout autre.
Mme la présidente
La parole est à Mme Florence Granjus.
Mme Florence Granjus
Depuis mercredi, nous parlons beaucoup de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il est vrai que de nombreux textes se réfèrent à cette notion mais vous ne trouverez dans aucun d’eux une définition précise de ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce flou offre l’avantage pour ceux qui prennent les décisions d’adapter l’expression à la situation de chaque enfant ; mais il a également un inconvénient : le risque de graver dans la loi une notion recelant une part de subjectivité. Or cette part de subjectivité est-elle dans l’intérêt de l’enfant ? Je ne crois pas et c’est pourquoi je voterai contre ces amendements identiques.
(Les amendements identiques nos 22, 141, 242 et 378 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 23, 142, 243 et 379.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Xavier Breton
Nous comprenons bien l’argument de Mme Granjus mais la subjectivité existe aussi bien dans la notion d’intérêt de l’enfant que dans celle d’intérêt supérieur de l’enfant. Reconnaissez néanmoins que si vous ajoutez le mot « supérieur », la part de subjectivité s’en trouve réduite. Votre démonstration sert donc la nôtre…
L’observation générale no 14 du comité des droits de l’enfant de l’ONU, datée du 29 mai 2013, explicite ce principe : « C’est un droit de fond : le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit évalué et soit une considération primordiale lorsque différents intérêts sont examinés en vue d’aboutir à une décision sur la question en cause, […]. » Le mot « supérieur » ôte donc au concept une trop grande relativité et permet d’objectiver l’intérêt de l’enfant et de lui donner la priorité. C’est pourquoi nous proposons son introduction dans le code civil.
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 142 de M. Patrick Hetzel, 243 de M. Marc Le Fur et 379 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
(Les amendements identiques nos 23, 142, 243 et 379, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 24, 143, 244 et 380.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 24.
M. Xavier Breton
Le comité des droits de l’enfant de l’ONU rappelle, dans l’observation que je viens de citer, que « pour s’acquitter [des obligations mentionnées au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant], les États parties devraient prendre un certain nombre de mesures d’application », notamment « examiner et, si nécessaire, modifier la législation interne et les autres sources de droit en vue d’y incorporer le paragraphe 1 de l’article 3 et faire en sorte que la prescription relative à la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant soit reflétée et mise en œuvre dans la totalité des dispositions législatives et réglementaires nationales, […]. »
Je ne comprends donc pas votre refus puisque c’est le comité des droits de l’enfant de l’ONU qui nous invite à inscrire l’intérêt supérieur de l’enfant dans notre droit.
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 143 de M. Patrick Hetzel, 244 de M. Marc Le Fur et 380 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis et pour les mêmes raisons. Je tiens à rassurer M. Breton s’il en était besoin : dans le cadre de l’adoption ou non, travailleurs sociaux et juges prennent bien en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.
En ce qui concerne l’adoption, l’article 353 du code civil ne mentionne que l’intérêt de l’enfant et pas l’intérêt des futurs parents adoptants, par exemple. Il ne met donc pas en concurrence deux types d’intérêts. Soyez-en donc convaincus et soyez rassurés : dans les textes comme dans la pratique, c’est bien, je le répète, l’intérêt supérieur de l’enfant qui est pris en considération. Nous nous rejoignons tous sur ce point.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Il est très important, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir apporté cette précision. Vous avez peut-être considéré que nous étions perspicaces… Reste que vos considérations sur la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant figurent au compte rendu des débats. La présente proposition de loi n’apportera donc pas de changement par rapport à la situation actuelle où déjà on essaie de faire prévaloir l’intérêt de l’enfant, intérêt de fait considéré comme supérieur.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Depuis mercredi, nous entendons bien tous vos arguments concernant ce principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et nous ne cherchons pas du tout à remettre en cause votre bonne foi, monsieur le secrétaire d’État : nous voyons que vous êtes intimement persuadé que le texte ne change rien puisque, vous le dites vous-même, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui comptera même si, dans les textes, n’est mentionné que l’intérêt de l’enfant.
Reste que la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant est une obligation internationale. Son inscription dans le droit découle de nos engagements internationaux. C’est pourquoi je ne comprends pas votre obstination à ne pas vouloir l’intégrer. Si, dans votre esprit, les deux notions se recouvrent exactement, pourquoi, j’y insiste, ne pas satisfaire à cette obligation internationale ?
(Les amendements identiques nos 24, 143, 244 et 380 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 25, 144, 245 et 381.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Xavier Breton
Pour en finir – du moins provisoirement car le sujet restera ouvert – avec le comité des droits de l’enfant de l’ONU, ce dernier prescrit que « le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit évalué et soit une considération primordiale devrait être expressément mentionné dans toutes les lois pertinentes et pas seulement dans les lois qui concernent spécifiquement les enfants ». Je regrette que nous ne suivions pas cette invite.
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 144 de M. Patrick Hetzel, 245 de M. Marc Le Fur et 381 de M. Thibault Bazin sont défendus.
(Les amendements identiques nos 25, 144, 245 et 381, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Article 2 bis
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, inscrit à l’article 2 bis.
M. Xavier Breton
L’article 2 bis, issu d’un amendement adopté en commission à mon initiative, prévoit la remise par le Gouvernement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport « faisant un état des lieux de l’adoption par toute personne célibataire âgée de plus de vingt-six ans. »
L’adoption par les personnes seules semble recouvrir différentes réalités : cela peut être une adoption intrafamiliale – par exemple quand un oncle célibataire dont le frère ou la sœur est décédé adopte ses enfants –, ou bien un moyen de « contourner » l’interdiction actuelle d’adopter pour une personne pacsée ou vivant en concubinage. Il y a donc différentes motivations possibles. Par ailleurs, nous ne savons pas combien de foyers sont concernés.
J’avais donc déposé cet amendement, non pas tant pour évaluer les effets de la loi à venir que pour porter un regard sur l’adoption par des personnes seules depuis qu’elle est autorisée – et c’est le cas depuis longtemps. Je tenais à le préciser avant d’aborder les amendements.
Mme la présidente
L’amendement no 102 de Mme Anne-Laure Blin est défendu.
(L’amendement no 102, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 284 et 451, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 284.
M. Erwan Balanant
Il est défendu.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 451.
M. Xavier Breton
Je le retire.
(L’amendement no 451 est retiré.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Avis favorable.
M. Thibault Bazin
C’est l’injustice en marche !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Si vous donnez un avis favorable à cet amendement, madame la rapporteure, cela signifie que ce qui vous intéresse est d’étudier la pratique de l’adoption par les personnes seules à partir de l’entrée en vigueur de la proposition de loi. Ne pourrait-on pas porter également un regard rétrospectif sur cette forme d’adoption, afin de savoir comment elle a été autorisée par notre législation, à quelle époque et pour quelles situations ? Certains affirment que c’était suite à la guerre, d’autres que c’est dû à la volonté d’un ministre particulier… Par ailleurs, je trouve dommage de prévoir un délai de trois ans pour la remise d’un tel rapport.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Nous connaissons les délais dans lesquels aboutissent les procédures d’adoption. Un rapport remis seulement un an après l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire avant qu’elle ait pu commencer à produire ses effets, n’aurait aucun contenu et ne servirait à rien.
(L’amendement no 284 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir les amendements nos 449 et 450, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Xavier Breton
Le temps que la loi soit promulguée – même si le Gouvernement a engagé la procédure accélérée –, il se passera plus de trois ans avant que nous n’obtenions ce rapport. C’est long. Par ailleurs, je ne comprends pas votre réticence à étudier le phénomène tel qu’il existe aujourd’hui. La prochaine fois que vous nous opposerez le fait que l’adoption par des personnes seules existe déjà dans notre droit, nous serons donc fondés à juger l’argument fragile.
L’amendement no 449 prévoit que le rapport s’intéresserait à l’adoption par « une seule personne » plutôt que par « toute personne célibataire âgée de plus de vingt-six ans ». Une telle rédaction semble plus adaptée dans la mesure une personne seule qui adopte n’est pas nécessairement célibataire – elle peut être pacsée, par exemple. Quant à l’âge, il importe peu ici, puisqu’il faut de toute façon avoir l’âge requis pour adopter.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Avis défavorable. Il semble utile que le rapport tienne compte de la modification que nous apportons quant à la condition d’âge et se concentre sur les personnes célibataires, pour que nous puissions avoir un regard global sur les effets de la future loi. Cela ne l’empêchera pas de comporter des éléments relatifs à la situation actuelle.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Nous évaluerons les effets de la loi en faisant une comparaison avec les dispositions existantes : le regard rétrospectif que vous appelez de vos vœux sera donc de facto présent dans le rapport.
S’agissant de l’amendement no 449, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée pour décider si la rédaction qu’il propose est plus pertinente. Il est en revanche défavorable à l’amendement no 450 : la suppression de la mention d’âge ne semble pas pertinente dès lors qu’une personne ne pourra pas adopter avant ses vingt-six ans.
M. Xavier Breton
Justement : la précision ne sert à rien !
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Gérard.
M. Raphaël Gérard
Votre propos, monsieur Breton, illustre une nouvelle fois votre méconnaissance du sujet. En réalité, une personne seule a beaucoup plus de difficultés qu’un couple à obtenir un agrément – au point que les recours devant le tribunal administratif ne sont pas rares, surtout à Paris.
Je reconnais bien là votre obsession à savoir ce qui passe sous la couette des Françaises et des Français. Une procédure d’enquête sociale et psychologique est menée préalablement à tout agrément par des professionnels qui en ont l’habitude et savent parfaitement évaluer la pertinence d’une demande. Dans le cas d’un faux couple – bien qu’après l’adoption de l’article 2, la question ne devrait plus se poser –, ils sont tout à fait capables, en évaluant l’environnement familial dans lequel l’enfant est susceptible d’être accueilli, de s’apercevoir qu’une personne se présentant comme seule vit en fait en concubinage.
Nous n’avons pas besoin de rapport pour connaître la réalité de l’adoption dans notre pays. Les chiffres, même s’ils mériteraient d’être consolidés car les cas sont peu nombreux, montrent que la situation d’une personne seule vis-à-vis l’adoption n’est pas la même que celle d’un couple marié hétérosexuel.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je connais moins bien le texte que certains mais au fil des débats sur cet article, je me pose la question de son utilité, même compte tenu de l’adoption de l’amendement no 284, dans la mesure où les procédures d’adoption durent beaucoup plus que trois ans.
Par ailleurs, la rapporteure parle de « regard global », mais j’ai plutôt le sentiment que le sujet du futur rapport est très restreint. Peut-être faudrait-il prévoir un rapport de portée générale sur l’application de la loi, ce qui ne nous empêcherait d’ailleurs pas l’Assemblée d’y consacrer une mission.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Notre collègue Raphaël Gérard a l’air d’insinuer que je nourris de la suspicion vis-à-vis de l’adoption par des personnes seules. Pas du tout. Je dis que c’est une réalité que l’on connaît mal : combien de personnes seules adoptent et pour quelles raisons ? Il s’agit de mieux connaître leur sociologie.
Je n’ai déposé aucun amendement visant à s’opposer à l’adoption par les personnes seules. D’un point de vue théorique, il aurait été logique que je le fasse, mais je pense qu’elle doit rester autorisée parce qu’elle est adaptée à certaines réalités sociales, les adoptions intrafamiliales par exemple – mais pas seulement.
Je ne sais pas ce qui vous rend si sensible sur le sujet. Il s’agit seulement d’étudier de manière sereine la question de l’adoption individuelle, de poser en commun un diagnostic. Je n’ai aucun doute que les personnes seules ayant adopté élèvent leurs enfants du mieux possible, il n’y a aucune insinuation de ce genre de ma part.
Je maintiens l’amendement no 449 et retire le no 450.
(L’amendement no 450 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Coralie Dubost.
Mme Coralie Dubost
Monsieur Bazin, nous avons déjà désigné un rapporteur de l’application de la loi ; votre préoccupation est donc satisfaite. En outre, le rapport de Mme Limon sur l’adoption contient énormément de choses, notamment sur l’adoption par les personnes seules. Sur l’origine de la loi, on peut se reporter aux nombreux travaux conduits sur le sujet par les professionnels de droit – y compris les historiens du droit, puisque l’institution de l’adoption existait déjà dans l’Antiquité. Je rappelle enfin que l’article 2 bis est issu d’un amendement que nous avons adopté en commission pour faire droit à une demande de votre groupe et montrer que nous étions prêts à travailler de façon constructive avec les oppositions ; il serait dommage que cette disposition finisse par polluer le reste du débat.
(L’amendement no 449 n’est pas adopté.)
(L’article 2 bis, amendé, est adopté.)
Article 3
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 57, 423, 455 et 510, tendant à supprimer l’article 3.
La parole est à M. Jean-François Eliaou, pour soutenir l’amendement no 57.
M. Jean-François Eliaou
Il convient de supprimer l’écart d’âge maximal entre les adoptants et l’enfant adopté. Tout d’abord, la loi actuelle ne prévoit aucun plafond pour cet écart d’âge. Ce n’est pas non plus le cas dans les pays qui autorisent l’adoption internationale – en tout cas, tous ne le font pas. Ensuite, une telle disposition pourrait constituer un frein à l’adoption, ou du moins détourner les familles d’adoptants vers l’adoption internationale plutôt que nationale.
Ainsi, un couple d’adoptants dont le plus jeune a 55 ans ne pourrait pas adopter un enfant de moins de 5 ans. J’ai des difficultés à en comprendre la raison. Certes, un nourrisson fait passer des nuits un peu difficiles à ses parents mais le fait d’avoir 50 ou 55 ans ne change pas grand-chose à cet égard.
Enfin, inscrire un seuil dans la loi me gêne, car il n’y a pas de grande différence, au fond, entre 50 ans et 55 ans. Je pense, par ailleurs, qu’il faut laisser le juge statuer.
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 423.
M. Pascal Brindeau
J’approuve ce qui vient d’être dit. Je rappelle que la loi actuelle ne prévoit pas d’écart d’âge maximum entre les parents adoptifs et l’enfant adopté. Votre proposition initiale, madame la rapporteure, prévoyait un écart maximum de 45 ans, puis la commission, à votre initiative, a porté cet écart à 50 ans.
Nous comprenons bien sûr votre intention : un écart d’âge trop important peut nuire aux relations entre l’enfant et ses parents, y compris sur le plan affectif. Toutefois, dans la vie réelle, il y a de nombreuses familles, recomposées ou non, dans lesquelles un écart d’âge supérieur à celui que vous entendez fixer existe entre un nouveau-né et son père, sans que cela n’affecte leur relation.
Comme l’a souligné notre collègue Jean-François Eliaou, c’est au service de l’aide sociale à l’enfance et au juge d’apprécier, en dernier ressort et au cas par cas, les situations. Tel est le sens de cet amendement de suppression.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 455.
M. Xavier Breton
Cette question a fait l’objet de nombreux échanges en commission, notamment lors des auditions. Personne ne détient la vérité s’agissant de l’écart d’âge le plus pertinent et la rapporteure a cherché de bonne foi la meilleure solution. Néanmoins, la disposition finalement retenue n’est pas satisfaisante, parce qu’elle est inapplicable. Je rejoins nos collègues Jean-François Eliaou et Pascal Brindeau : c’est au juge d’apprécier la bonne limite d’âge en fonction des situations, d’autant que la question se posera surtout pour des enfants à besoins spécifiques, pour lesquels il serait dommage de voir le processus d’adoption empêché par des règles trop strictes. C’est la raison pour laquelle nous avons également déposé un amendement de suppression de l’article 3.
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 510.
Mme Monique Limon, rapporteure
Ce sujet a, en effet, été longuement débattu en commission. J’ai entendu ce qu’on m’a dit et j’ai réfléchi. Pour ma part, je suis absolument convaincue, comme nombre des professionnels de l’adoption que j’ai rencontrés et auditionnés, d’anciens collègues, qu’il est justifié de prévoir un écart d’âge maximum afin d’éviter que plusieurs générations séparent l’enfant adopté de ses parents adoptifs. Il s’agit, en particulier, de ne pas exposer l’enfant adopté à une chance moindre d’avoir un parent adoptif à même de répondre à l’ensemble de ses besoins lorsqu’il approche l’âge de la majorité. Toutefois, il paraît préférable d’introduire cette mesure, qui s’applique déjà dans la pratique, dans les dispositions relatives à l’agrément en vue d’adoption qui figurent dans le code de l’action sociale et des familles, plutôt que dans le code civil, afin de guider les professionnels dans leur travail.
Je vous propose donc, chers collègues, de supprimer l’article 3 et de revenir sur ce sujet lorsque nous examinerons l’article 10.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Mesdames et messieurs les députés, plaçons-nous dans la vie réelle – ceci étant dit sans provocation aucune : nous ne parlons pas ici d’enfants tout à fait comme les autres, même si, j’en suis convaincu, ce qu’ils attendent et ce que nous leur devons, c’est précisément de leur permettre d’être des enfants comme les autres.
La question de l’écart d’âge maximum entre les parents adoptifs et l’enfant adopté n’a rien à voir, monsieur Eliaou, avec le fait qu’un nourrisson pleure la nuit et qu’à 55 ans on supporte moins bien de mal dormir. Elle n’a rien à voir non plus, monsieur Brindeau, avec les torts que pourrait porter à la relation un écart générationnel trop important. La question n’est pas là.
Les enfants dont nous parlons ont connu une rupture, une fracture même, au début de leur vie, qui a commencé, dans la plupart des cas, dans des conditions dramatiques. Ils ont donc besoin de stabilité et de sécurité. Nous devons veiller à ce qu’ils ne subissent pas d’autres ruptures au cours de leur vie. Il n’existe bien entendu aucune garantie en la matière et la loi n’a pas le pouvoir de prévenir les ruptures, ni dans la vie de ces enfants, ni dans la nôtre – c’est sans doute ce qui fait la beauté de la vie.
Veillons, toutefois, à protéger au mieux les enfants adoptés et entendons la mise en garde du Comité consultatif national d’éthique dans son avis no 134 du 7 mai dernier : « Un écart d’âge trop important expose l’adopté à une chance moindre d’avoir un parent adoptif à même de répondre à tous ses besoins lorsqu’il approche de la majorité. » Tel est précisément le risque que nous entendons prévenir.
Je ne veux évidemment stigmatiser ou discriminer personne, mais les adultes de 50 ans, 55 ans ou 60 ans qui adoptent un nourrisson sont relativement âgés à l’approche de la majorité de leur enfant. Ils peuvent bien sûr être encore en bonne santé – je le leur souhaite –, mais ils sont, c’est une évidence, plus susceptibles de voir leur vie s’arrêter, soit un risque supplémentaire de fracture pour un enfant en plein développement.
Je vous livre là une intime conviction, que j’ai forgée dans mes échanges avec les professionnels et les enfants adoptés. Ces enfants ne sont pas exactement comme les autres. Nous devons tout faire, avec ce texte, pour sécuriser et consolider leur parcours et leur apporter la plus grande stabilité possible.
Tel est précisément l’objectif de la disposition qu’il vous est proposé d’adopter. En dernier ressort, le conseil de famille aura le dernier mot et pourra donc passer outre, ce qui assurera la souplesse que vous appelez de vos vœux – vous préconisez cependant de laisser le dernier mot au juge quand je crois préférable de le laisser au conseil de famille.
Mme la rapporteure propose par ailleurs de renvoyer ces considérations à la phase de l’agrément, ce que je crois une bonne chose.
Au total, je crois que nous sommes parvenus au bon équilibre. Une préoccupation subsistait de mon côté, mais elle a été levée. Je craignais que l’introduction de cette disposition sur l’écart d’âge maximum empêche les assistantes familiales qui se sont occupées d’un enfant depuis son plus jeune âge de l’adopter quand elles le souhaitent. Nous avons veillé à ce que ce risque soit écarté.
Pour conclure, mon avis est favorable sur ces amendements de suppression, la disposition étant renvoyée à l’article 10.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet
Je souscris entièrement aux propos de M. le secrétaire d’État. Le désir d’enfant peut bien sûr s’exprimer à tout âge, mais les droits de l’enfant doivent primer. Nous devons créer les conditions les plus favorables pour qu’un enfant qui a connu des ruptures et des blessures puisse grandir de manière harmonieuse. La solution consistant à appeler l’attention sur les enjeux liés à l’écart d’âge à l’article 10, au moment de la décision d’adoption, est sans doute la meilleure. La suppression de l’article 3, proposée par Mme la rapporteure, est donc souhaitable. Votre position est constructive, madame la rapporteure. Je partage le souci de prendre en considération les besoins de l’enfant quel que soit son âge.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Eliaou.
M. Jean-François Eliaou
Monsieur le secrétaire d’État, je suis d’accord avec les arguments que vous avez développés, à une réserve près : un nourrisson ne se rend pas toujours compte qu’il est abandonné par ses parents et ne le vit donc pas forcément comme une rupture.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Hum !
M. Jean-François Eliaou
Cette conception est en tout cas discutable. Pour le reste, en revanche, je partage votre position. Mais alors, n’inscrivons pas de seuil dans le texte ! Quelle différence y a-t-il, en réalité, entre un écart de quarante ans, de soixante ans ou de soixante-dix ans ? Comme nous y invite la rapporteure, laissons au juge la possibilité de statuer en se référant aux bonnes pratiques. Il faut donner le maximum de chances à ces enfants qui, comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, ont déjà subi un traumatisme important.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Notre débat est intéressant et montre bien que, dans la vie réelle – pour reprendre vos propos, monsieur le secrétaire d’État –, l’intérêt supérieur de l’enfant peut nous conduire à faire des exceptions.
Faut-il confier à la loi le soin de fixer un écart d’âge maximum ou cette question doit-elle être réglée au cas par cas, en fonction de l’intérêt de l’enfant ? L’avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique nous renvoie au débat sur la loi relative à la bioéthique, au cours duquel nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de fixer un âge limite d’accès à la procréation médicalement assistée – PMA – pour la mère et pour son conjoint. Nous sommes convenus alors qu’il valait mieux laisser au champ réglementaire le soin d’en décider. Sans doute serait-il cohérent de faire de même aujourd’hui.
À quel point devons-nous prendre en considération la notion d’âge ? Le cas d’un nourrisson est évidemment différent de celui d’un enfant plus âgé. En tout état de cause, cette question mérite que nous y réfléchissions pendant la navette parlementaire.
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Brindeau.
M. Pascal Brindeau
Je comprends les explications de M. le secrétaire d’État. Veillons toutefois à ce que la condition d’écart d’âge, même reportée dans le code de l’action sociale et des familles, ne soit pas un frein à l’adoption des enfants à besoins spécifiques. Nous partageons, madame la rapporteure, votre attachement à ces enfants particuliers. Nous devons éviter par exemple qu’un écart d’âge important entre un nourrisson et son frère ou sa sœur empêche l’adoption de la fratrie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Coralie Dubost.
Mme Coralie Dubost
Je salue l’écoute dont a fait preuve Mme la rapporteure à l’égard de l’ensemble des groupes politiques. L’article 3, dans sa rédaction actuelle, témoigne de sa volonté de répondre aux différentes remarques formulées en commission et d’un travail parlementaire constructif.
Alors que nous sommes sur le point de supprimer l’article 3, rappelons que cet article répondait, à l’origine, à une exigence de transparence à l’égard des candidats à l’adoption, afin qu’ils prennent conscience des différents enjeux liés à cette démarche. La rapporteure n’a pas sorti de nulle part l’écart d’âge maximum entre les parents adoptifs et l’enfant adopté : il est directement issu de la pratique, de la concertation avec les professionnels et les candidats à l’adoption, mais aussi des avis donnés par les juges depuis des dizaines d’années dans le cadre des procédures d’adoption. Cette préoccupation ne disparaîtra pas avec l’article 3, madame la rapporteure, et nous y répondrons à l’article 10 relatif à l’agrément en vue d’adoption.
Le groupe La République en marche vous remercie pour votre esprit constructif et pour l’attention que vous portez aux enfants comme aux candidats à l’adoption. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
(Les amendements identiques nos 57, 423, 455 et 510 sont adoptés ; en conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements nos 452, 383, 285, 27, 384, 227, 454 et 453 deviennent sans objet.)
Article 4
Mme la présidente
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l’amendement no 536, qui fait l’objet d’un sous-amendement, no 559.
Mme Coralie Dubost
Déposé par le groupe La République en marche, il va dans le sens de la démarche initiée par la rapporteure, qui consiste à étendre les possibilités d’adoption plénière après l’âge de quinze ans. Il existe en effet des situations dans lesquelles un enfant âgé de plus de quinze ans peut avoir besoin d’être accueilli de façon plénière dans un foyer.
En ce domaine, les dispositions de l’article 345 du code civil sont prohibitives et ne prévoient que deux exceptions. Mme la rapporteure prévoit, avec l’article 4, d’y ajouter une troisième. Nous proposons quant à nous d’en modifier la rédaction afin de lui donner une tournure plus positive et d’autoriser l’adoption plénière jusqu’à l’âge de vingt et un ans – contre vingt aujourd’hui – dans l’un des cas suivants : si l’enfant a fait l’objet d’une adoption simple avant l’âge de quinze ans ; s’il s’agit de l’enfant du conjoint ; s’il s’agit d’un pupille de l’État ou d’un enfant judiciairement déclaré délaissé.
Le juge pourrait également autoriser une telle adoption pour motif grave, notamment lié à l’histoire personnelle de l’enfant. Il s’agit de ne laisser aucun enfant ou adolescent sur le bord de la route dans l’hypothèse où la possibilité d’être intégré à une famille s’offrirait à lui.
Mme la présidente
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement no 559.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Le présent article entend compléter les dispositions actuelles du code civil, lesquelles permettent l’adoption plénière de mineurs âgés de plus de quinze ans s’ils ont été accueillis avant d’avoir atteint cet âge par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions légales pour adopter ou s’ils ont fait l’objet d’une adoption simple avant d’avoir atteint cet âge.
L’amendement prévoit de nouvelles exceptions au principe selon lequel l’adoption plénière ne peut concerner que les enfants de moins de quinze ans. Celle-ci serait ainsi possible, jusqu’à vingt et un ans, dans trois autres cas en plus de ceux que je viens de citer : lorsque l’adoption concerne l’enfant de l’autre membre du couple, un enfant ayant fait l’objet d’une déclaration judiciaire de délaissement parental ou un pupille de l’État. Dans ces situations, l’adoption serait en effet conforme à l’intérêt de l’enfant.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement sous réserve de l’adoption de son sous-amendement, lequel tend à faire du « motif grave » l’un des cas permettant, par dérogation, de prononcer l’adoption plénière d’un enfant jusqu’à ses vingt et un ans.
Le sous-amendement prévoit également l’insertion de l’alinéa suivant : « S’il a plus de treize ans, l’adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière. Ce consentement est donné selon les formes prévues au premier alinéa de l’article 348-3. Il peut être rétracté à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption. »
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Je remercie le groupe La République en marche d’avoir tenu compte des remarques que j’ai faites en commission lorsque nous avons évoqué les différents cas dans lesquels l’adoption plénière d’un enfant de plus de quinze ans devrait être autorisée. Je serais très favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Il serait intéressant d’avoir une idée des effets de cette mesure, ce qui nous renvoie au problème que pose l’absence d’étude d’impact. Combien de jeunes pourraient être concernés par cette extension des possibilités d’adoption plénière ? J’imagine que vous avez cherché à le savoir avant de faire cette proposition. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
(Le sous-amendement no 559 est adopté.)
(L’amendement no 536, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé et les amendements nos 289 et 283 rectifié deviennent sans objet.)
Article 5
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 310.
M. Xavier Breton
Je voudrais tout de même revenir sur l’article 4, pour montrer les effets d’une adoption hâtive sur la qualité de la loi. Tel que vous l’avez rédigé, le nouvel article 345 du code civil disposerait ceci : « Toutefois, l’adoption plénière peut être demandée jusqu’aux vingt et un ans de l’enfant ». À vingt et un ans, on n’est plus un enfant ! On voit bien que lorsqu’on fait du droit de manière précipitée, on aboutit à du bricolage juridique.
S’agissant de l’article 5, l’amendement no 310 vise à supprimer son alinéa 4, qui tend à remplacer, dans l’article 351 du code civil, le mot : « réalisé » par le mot : « débute ». La notion de réalisation est sans ambiguïté en droit ; elle est donc plus juste car elle désigne la décision elle-même, alors que le terme « débute » est plus subjectif.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
En prévoyant que le placement en vue de l’adoption « débute » par la remise effective de l’enfant aux futurs adoptants, nous cherchons justement à réduire les incertitudes quant à la date de début de la période de placement. Avis défavorable.
(L’amendement no 310, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 28, 46, 146 et 385.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Xavier Breton
Pourquoi remplacer le terme « abandonné » par « délaissé » ? Les travaux en commission n’ont pas permis de clarifier ces deux notions. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, pourriez-vous nous éclairer sur ce changement terminologique, et nous dire quel est le régime juridique précis sur lequel nous allons désormais nous appuyer ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 46.
Mme Emmanuelle Ménard
Il est identique à celui de M. Breton. La déclaration de délaissement serait selon vous moins traumatisante que celle d’abandon, et le choix de ce terme permettrait d’éviter de culpabiliser la mère. Mais la notion de délaissement a une définition et une portée juridique bien particulières. Elle renvoie à une infraction condamnée aux articles 227-1 et 227-2 du code pénal et consistant à laisser l’enfant seul, sans s’assurer qu’il est pris en charge par un tiers et sans esprit de retour. Il me semblerait donc plus judicieux de maintenir la rédaction actuelle.
Mme la présidente
L’amendement identique no 146 de M. Patrick Hetzel est défendu.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement identique no 385.
M. Thibault Bazin
Les mots sont importants, et je suis sceptique quant aux effets du changement que vous voulez opérer. La réticence des juges à déclarer un enfant « adoptable » ne dépend pas du terme employé mais plutôt de leur appréciation de la situation. Substituer le mot « délaissé » au mot « abandonné » ne me paraît donc pas pertinent, d’autant que, comme l’ont dit mes collègues, le premier n’est pas approprié en l’espèce, puisque le délaissement relève d’une infraction pénale spécifique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
La substitution proposée vise simplement à tirer les conséquences du remplacement, par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, de la déclaration judiciaire d’abandon par la déclaration judiciaire de délaissement parental. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis. Nous n’allons pas revenir sur les dispositions de la loi de 2016, d’autant que la procédure de délaissement commence à montrer son efficacité.
(Les amendements identiques nos 28, 46, 146 et 385 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 311.
M. Xavier Breton
L’alinéa 7 est ainsi rédigé : « Les futurs adoptants peuvent réaliser les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. » Mentionner les « futurs adoptants » donne l’impression que la procédure est achevée, alors qu’elle n’ira pas obligatoirement à son terme ; cela pourrait sous-entendre qu’il existe un droit à l’adoption. Nous vous proposons de supprimer cette rédaction mal ficelée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Au moment du placement, les futurs adoptants ne sont pas encore les parents de l’enfant ; ils ne sont donc pas investis de l’autorité parentale. Mais ce sont bien eux qui s’occupent de lui au quotidien : il est donc nécessaire qu’ils puissent réaliser les actes usuels correspondant à cette autorité. L’alinéa que vous souhaitez supprimer est donc important, car il permet de clarifier le type d’actes que les futurs parents peuvent accomplir pendant le placement et de sécuriser leurs rapports avec les tiers.
Il permet ainsi d’établir, au profit du futur adoptant, un cadre juridique identique à celui qui régit la situation d’un tiers auquel un enfant est confié. En effet, aux termes de l’article 373-4 du code civil, « lorsque l’enfant a été confié à un tiers » par le juge aux affaires familiales, « l’autorité parentale continue d’être exercée par les père et mère ; toutefois, la personne à qui l’enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation. »
Pour ces raisons, je donne un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
J’entends votre réponse, madame la rapporteure, mais il ne s’agit pas du tout pour nous de contester aux personnes concernées la possibilité de réaliser les actes usuels de l’autorité parentale.
J’espère que vous avez pris le temps de lire l’exposé sommaire de l’amendement, qui est très clair : « Alors qu’il s’agit, comme il est indiqué dans l’alinéa 7, de "futurs adoptants", aucune nuance conditionnelle n’est apportée à ce qu’ils peuvent réaliser. Cela pourrait sous-entendre un "droit à l’adoption". » La notion de « futurs adoptants » laisse penser que quoi qu’il arrive, ils adopteront l’enfant. Qu’ils puissent accomplir les actes usuels de l’autorité parentale, c’est une chose, mais à ce stade, il faudrait montrer que l’adoption reste hypothétique.
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier.
Mme Camille Galliard-Minier
Pour compléter les propos de Mme la rapporteure, je rappellerai à M. Breton que l’expression « futurs adoptants » figure déjà à l’article 351 du code civil, dont les dispositions sont en vigueur depuis 1966.
(L’amendement no 311 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 312.
M. Xavier Breton
L’article 361 du code civil, inclus dans le chapitre II « De l’adoption simple », renvoie à certains articles du chapitre Ier « De l’adoption plénière », pour constituer un tronc commun aux deux formes d’adoption que connaît le droit français.
Par l’alinéa 8, il est proposé d’ajouter l’article 351 à ces renvois. Cette disposition n’est pas anodine. En effet, elle consiste à faire précéder l’adoption simple d’un placement d’une durée minimale de six mois, alors qu’un tel procédé n’existe actuellement que pour l’adoption plénière.
Or cette disposition, dont je ne sais pas si vous l’assumez, n’est pas explicitée dans l’exposé des motifs, et n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. Il convient donc de la supprimer.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
L’objectif de l’extension à l’adoption simple du placement en vue de l’adoption a pour objet de permettre à des enfants placés dans des situations comparables de bénéficier du même traitement. En prévoyant une date certaine pour le changement de positionnement, lorsque la famille adoptante est la famille d’accueil, et en précisant les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale, nous permettons tout simplement que les placements en vue d’une adoption simple soient aussi sécurisés que les placements en vue d’une adoption plénière. J’émets donc un avis défavorable.
(L’amendement no 312, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 107, 254, 338 et 409, tendant à la suppression de l’article 6.
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l’amendement no 107.
M. Guillaume Chiche
L’article 6 tend à interdire l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs. Concrètement, si mes parents venaient à décéder, je n’aurais plus le droit d’adopter ma petite sœur et il faudrait s’en remettre à l’Aide sociale à l’enfance. En quoi cela répond-il à l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Actuellement, l’adoption intrafamiliale est possible dès lors qu’il existe un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au sixième degré entre l’adoptant et l’adopté. Dans le cas d’un décès des parents, le conseil de famille doit consentir à l’adoption, de même que l’adopté s’il a plus de treize ans. Par principe, les tribunaux prononcent une adoption simple pour que la filiation d’origine ne soit pas anéantie et pour éviter des troubles généalogiques pour l’enfant.
Interdire les adoptions, plénières ou simples, entre frères et sœurs ou entre ascendants et descendants revient à réduire de manière drastique la possibilité d’effectuer des adoptions intrafamiliales, ce qui va à l’encontre de l’intérêt de l’adopté, qu’il soit mineur ou majeur.
Enfin, cet article vise à interdire toutes les formes de coparentalité. Or nous évoluons actuellement dans un monde où la famille nucléaire n’est plus l’unique modèle.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 254 de Mme Agnès Thill et 338 de Mme Michèle Tabarot sont défendus.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 409.
Mme Danièle Obono
Nous souhaitons également la suppression de cet article qui prévoit d’empêcher l’adoption entre ascendant et descendant en ligne directe.
Nous ne comprenons par l’intérêt d’une telle disposition. En effet, la justice règle déjà les cas où, par exemple, il est dans l’intérêt de l’enfant d’être adopté par ses grands-parents.
D’ailleurs, l’adoption plénière intrafamiliale, qui implique une rupture des liens avec les parents d’origine, est difficilement admise par les juges du fond. Des circonstances exceptionnelles doivent être caractérisées comme dans l’arrêt de la Cour d’appel de Besançon du 1er février 1994 : les juges ont alors estimé qu’il était dans l’intérêt d’un enfant, bénéficiant, malgré la disparition tragique de sa mère, assassinée par son concubin, père de l’enfant, d’une vie familiale stable chez ses grands-parents, de faire l’objet d’une adoption plénière par ces derniers. En effet, l’enfant ayant été élevé par ses grands-parents, le risque de confusion dans son esprit entre ses grands-parents et sa mère n’existait pas.
De plus, la Cour de cassation refuse l’adoption si elle constitue une fraude à la dévolution successorale ou bien si elle risque de brouiller les repères généalogiques de l’enfant.
Dans un arrêt rendu le 28 février 1996, la Cour d’appel de Toulouse, estimant que « faire droit à la demande d’adoption de l’enfant par ses grands-parents reviendrait à en faire le frère de son père », et que « la révélation ultérieure de cette situation [pourrait] être traumatisante pour lui », a jugé que « cette adoption constituerait un bouleversement anormal et contraire à l’ordre public et [devait] être refusée ».
Le plus souvent, toutefois, les juges vont dans le sens de la consécration des liens, en refusant si nécessaire l’adoption plénière pour accorder l’adoption simple.
La disposition proposée dans cet article n’a pas d’intérêt. Dans certaines situations, elle risque au contraire d’aller à l’encontre de l’intérêt de l’enfant.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
La commission est défavorable aux amendements de suppression, préférant la nouvelle rédaction de l’article 343-3 du code civil, proposée dans l’amendement no 540 déposé par le groupe La République en marche.
Il convient en effet d’éviter les confusions de générations et de places familiales risquant d’entraîner un bouleversement anormal de l’ordre familial.
Précisons que les adoptions entre ascendants et descendants en ligne directe ou entre frères et sœurs sont rares puisqu’elles représenteraient moins de 0,5 % des décisions d’adoption plénière prononcées par les tribunaux.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Rappelons que ce cas de figure particulier concerne des enfants confrontés à une situation souvent dramatique, qui ont besoin de stabilité et de repères pour se construire ou se reconstruire. Il s’agit donc d’éviter les bouleversements générationnels et la confusion possible dans les repères familiaux que de telles adoptions entre ascendants pourraient engendrer.
Contrairement à ce qui a pu être indiqué, l’adoption simple en ligne directe est, probablement plus encore que l’adoption plénière, source de confusion chez l’enfant.
Contrairement aussi à ce que vous avez dit, monsieur Chiche, cette proposition de loi n’interdit pas les adoptions intrafamiliales en cas d’alliance ou de parenté jusqu’au sixième degré, dès lors que ce lien n’est pas n’est pas en ligne directe ou entre frères et sœurs. L’adoption par des oncles, des tantes, des neveux, des nièces ou des cousins reste possible.
Cet article ne fait qu’introduire dans la loi une jurisprudence constante de la Cour de cassation, encore confirmée par un arrêt du 12 janvier 2011.
Je ne tiens pas à verser dans le pathos mais un orphelin qui serait adopté par son grand-père deviendrait de facto, en droit, le frère de son père mort.
Mme Perrine Goulet
Ce n’est pas possible !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Il faut éviter la confusion intragénérationnelle, mais évitons aussi la confusion tout court, monsieur Chiche : il existe d’autres mécanismes que l’adoption qui peuvent être activés – et ils le sont d’ailleurs – dans le cas où une fratrie perd ses parents. Vous pourriez, par exemple, exercer une tutelle de droit commun ou une délégation d’autorité parentale au bénéfice de votre petite sœur. L’un de vos ascendants pourrait aussi le faire à votre bénéfice et celui de votre sœur.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Le groupe Mouvement démocrate MoDem et démocrates apparentés votera contre ces amendements. C’est souvent lorsque les parents sont décédés qu’un frère envisage d’adopter sa sœur – ou inversement. Or adopter son frère ou sa sœur revient à nier l’existence du père ou de la mère décédé.
M. Guillaume Chiche
Non !
Mme Perrine Goulet
Si, tout à fait !
Quel est actuellement l’intérêt d’adopter son frère ou sa sœur ? Il n’y en a aucun. Le nom de famille est le même. Le plus grand qui veut s’occuper du plus jeune peut le faire par d’autres moyens : le dispositif du tiers digne de confiance, la délégation d’autorité parentale, la tutelle. Côté droits successoraux, nous restons dans la ligne directe.
En revanche, être adopté par son frère ou ses grands-parents peut avoir des effets néfastes. Un frère doit rester un frère et ne pas devenir un père ou une mère. Idem pour les grands-parents qui doivent rester des grands-parents.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Nous discutons d’une situation très spécifique, l’adoption intrafamiliale, mais, dans le même temps, nous sommes là pour écrire le droit. À cet égard, je pense que la rédaction proposée par notre collègue Dubost dans son amendement no 540 va dans le bon sens car elle s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation.
Pour tisser les liens, il existe d’autres moyens que ceux de l’adoption, lesquels disent quelque chose en matière de filiation. Même si certaines situations spécifiques suscitent des attentes, notre rôle est de rappeler que nous ne pouvons pas introduire la confusion des générations dans notre droit.
Dans l’exposé sommaire de l’amendement de notre collègue Chiche, où il est notamment question de coparentalité, je lis une volonté de casser les structures familiales et les générations, le souci de faire table rase de tout ce qui existe. Soyons prudents.
C’est pourquoi nous voterons pour l’amendement proposé par notre collègue Dubost et contre les amendements de suppression.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
Madame la rapporteure, vous reconnaissez que nous parlons de cas très minoritaires, soumis à des juges qui peuvent accéder aux demandes ou les refuser.
Cet article nous semble donc inutile car, de fait, les décisions sont prises dans l’intérêt de l’enfant par des juges sensibles à la confusion générationnelle. Le règlement de ces cas exceptionnels apparaît donc satisfaisant de ce point de vue.
Tout en n’apportant rien par rapport à la jurisprudence, cet article va interdire l’adoption simple ou plénière dans des cas où ce serait peut-être nécessaire – certains tribunaux ont déjà jugé en ce sens. Dans certaines circonstances, l’adoption peut apporter la stabilité que M. le secrétaire d’État appelle de ses vœux. L’adoption simple, en particulier, qui ne remet pas la filiation en cause, peut avoir pour effet de conforter des liens existants.
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Chiche.
M. Guillaume Chiche
Après l’intervention de notre collègue Goulet, je tenais à dire que l’adoption ne reviendrait en rien à nier l’existence du parent décédé. L’article 1er de la présente proposition de loi, à juste titre largement mis en avant, précise bien que dans le cas d’une adoption simple, la nouvelle filiation s’ajoute à la filiation d’origine – celle-ci n’est donc en rien anéantie. C’est donc le sens même de la proposition de loi dont nous débattons !
À ce stade, j’ai besoin de comprendre concrètement la situation, les conséquences de cet article, y compris s’il est modifié par l’adoption de l’amendement à venir de notre collègue Dubost, qui tend à interdire « toute adoption conduisant à une confusion des générations ».
Prenons un exemple : les grands-parents d’un enfant dont les parents sont décédés dans un accident de voiture se verraient-ils empêchés par cet article de demander l’adoption simple de l’enfant ? Si c’est le cas, cela me pose un vrai problème.
(Les amendements identiques nos 107, 254, 338 et 409 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l’amendement no 540.
Mme Coralie Dubost
Dévoilé par notre collègue Breton dans sa précédente intervention, cet amendement, qui se place dans la logique du texte de Mme Limon, vise finalement à transposer la jurisprudence constante de la Cour de cassation en la matière.
Contrairement à ce qu’ont pu dire certains dans l’hémicycle, et même si l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe ou entre frères et sœurs n’est pas explicitement interdite par le code civil, il existe une prohibition jurisprudentielle : de telles demandes ne passent pas devant la Cour de cassation. Toutes les décisions allant dans un autre sens ont été cassées au motif que cette confusion des générations ne serait pas saine pour l’avenir de l’enfant et pour la lignée dans laquelle il s’inscrit.
Après avoir longuement débattu et échangé sur cette question au cours des auditions – je tiens d’ailleurs à souligner que, pour les associations, cette rédaction, assez évidente, ne fait pas débat –, nous avons jugé préférable, dans un souci de transparence, de lisibilité et d’intelligibilité de la loi, de transcrire la formulation retenue par la Cour de cassation dans sa jurisprudence. Cette dernière présente l’avantage d’expliciter l’objectif de la prohibition, et pas seulement de poser son principe : certaines adoptions sont interdites parce qu’elles introduisent une confusion des générations et des lignes généalogiques dans l’ascendance de l’enfant.
Nous demandons également à limiter cette prohibition à l’adoption plénière – nous nous sommes, me semble-t-il, accordés sur ce point. La possibilité de procéder à tous types d’adoptions simples resterait donc ouverte. C’est pour cette raison que nous proposons d’insérer, dans le code civil, un article 343-3, qui s’inscrirait dans le chapitre portant sur l’adoption plénière. Nous appelons toutefois votre attention, madame la rapporteure, sur le fait qu’aux termes de l’article 361 du code civil, qui figure dans le chapitre relatif à l’adoption simple, « les dispositions des articles 343 à 344, du dernier alinéa de l’article 345, des articles 346 à 350 […] sont applicables à l’adoption simple ». Nous souhaitons donc que le futur article 343-3 soit exclu du champ de l’article 361. C’est l’unique condition que nous posons pour progresser sur cette mesure.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Nous avons longuement échangé sur cette question. La rédaction proposée par le groupe La République en marche me semble être celle qui rassemble le plus et qui fait largement consensus parmi les députés et les associations, lesquelles ne remettent effectivement pas cette prohibition en question, puisqu’elles n’envisageaient nullement que des adoptions en ligne directe soient possibles. J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Je n’ai pas compris si vous aviez sous-amendé votre amendement, madame la députée. Dois-je uniquement m’exprimer sur l’amendement initial ?
Mme la présidente
Le sous-amendement no 571 de Mme Camille Galliard-Minier m’est parvenu au moment où je vous donnais la parole, monsieur le secrétaire d’État. Il vise à insérer, à l’alinéa 2, le mot « plénière » après le mot « adoption ».
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Je demande donc une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton, pour un rappel au règlement.
M. Xavier Breton
Nous examinons en ce moment un texte qui porte sur des sujets sensibles : la filiation et l’adoption. On nous a dit que cette proposition de loi était en préparation depuis longtemps, qu’elle avait fait l’objet d’un rapport, puis d’une rédaction, et que des échanges relatifs à ces questions au cours de l’examen de la loi de bioéthique avaient même permis de préciser certains points.
Or où en sommes-nous de nos débats à l’heure où je vous parle ? L’article 1er a été totalement réécrit en commission des lois, l’article 2 a été conservé – il faut dire que cet article militant est l’étendard de cette proposition de loi –, l’article 3 a été supprimé, l’article 4 a été totalement réécrit et l’article 6, dont nous nous demandons s’il doit s’appliquer à l’adoption simple ou uniquement à l’adoption plénière, est en train de connaître le même sort, tout cela en l’absence du garde des sceaux – dont nous aimerions pourtant connaître l’avis, puisqu’il s’agit tout de même d’articles du code civil.
Je sais bien que l’on vous a encouragés, au plus haut niveau, à être fiers d’être des amateurs, mais vous devriez tout de même faire preuve d’un peu de sérieux lorsque vous faites du droit. Alors que nous sommes supposés réécrire des articles du code civil relatifs aux questions de filiation, tout cela s’opère dans un mélange d’improvisation et de technocratie, les mesures se succèdent, en appellent d’autres – bref, nous sommes en train de faire du bricolage juridique. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux !
Article 6 (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier, pour soutenir le sous-amendement no 571 à l’amendement no 540.
Mme Camille Galliard-Minier
Là où vous voyez de l’amateurisme, monsieur Breton, je vois plutôt un travail parlementaire satisfaisant au cours duquel les échanges, au sein de la majorité et parfois avec les oppositions, nous permettent d’améliorer le texte. Cette démarche me paraît conforme à l’idée que je me fais de la démocratie.
Ce sous-amendement vise à insérer le mot « plénière » après le mot « adoption » dans la rédaction de l’alinéa 2 proposée par l’amendement de Mme Dubost, afin que seule l’adoption sous sa forme plénière soit prohibée dans le cas où l’adoptant est l’ascendant ou bien un frère ou une sœur de l’adopté.
Il nous semble important de conserver la possibilité, dans des situations particulières – qui ont d’ailleurs été évoquées ici – d’une adoption simple dans ce cadre intrafamilial. Il faut que le juge puisse continuer à les prononcer lorsqu’elles lui semblent souhaitables. Il serait dommage que la loi vienne fermer des portes alors que c’est au juge de décider en fonction de l’intérêt de l’enfant.
Nous devrons continuer à travailler dans le cadre de la navette parlementaire, car une modification de l’article 361 du code civil sera nécessaire afin de s’assurer que cette possibilité reste offerte. Encore une fois, il me semble important que la loi ne ferme pas des portes : tel n’est pas son rôle.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Il est favorable à ce sous-amendement, donc à l’amendement no 540 ainsi sous-amendé.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Procédons dans l’ordre et essayons d’être le plus clair possible. Tout d’abord, concernant l’amendement no 540, je veux rappeler la volonté du Gouvernement d’empêcher toute confusion des générations, tout bouleversement du point de vue de l’enfant. Par exemple, l’adoption plénière d’un enfant par son grand-père maternel conduirait l’enfant à devenir le frère de sa mère. Une telle confusion des repères familiaux ne nous semble pas aller dans le sens de l’intérêt de l’enfant, la vie de celui-ci ayant déjà été marquée par une rupture. Cet article vise à éviter ce type de situation.
À l’inverse, la rédaction initiale de cet amendement, fidèle à l’esprit de la jurisprudence de la Cour de cassation que j’évoquais tout à l’heure, pourrait conduire, en raison de sa formulation un peu trop large – « Toute adoption conduisant à une confusion des générations est prohibée » –, à rendre impossible l’adoption d’un enfant par des parents en ligne collatérale, par exemple un cousin éloigné.
C’est la raison pour laquelle, même si nous poursuivons les mêmes objectifs, nous proposons à Mme Dubost de retirer son amendement afin de travailler ensemble, et avec la chancellerie, pour essayer d’aboutir à une rédaction qui permette d’empêcher toute confusion des générations sans écarter la possibilité d’une adoption par un cousin, une tante ou un oncle.
Deuxièmement, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement visant à établir un distinguo entre adoption simple et adoption plénière, et donc à l’amendement ainsi sous-amendé – s’il n’est pas retiré. Nous pensons qu’une telle distinction n’est pas pertinente. En effet, dans l’exemple du grand-père qui adopterait son petit-fils, la confusion demeurerait dans le cas d’une adoption simple. J’entends bien que sur le plan juridique, les conséquences ne sont pas les mêmes. Mais du point de vue de l’enfant confronté à une telle situation, il existerait toujours une confusion qui pourrait créer chez lui une forme de schizophrénie.
Voilà pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement et du sous-amendement qui lui est associé. Peut-être devrions-nous y retravailler ensemble. À défaut de retrait, l’avis sera défavorable. L’Assemblée votera en conscience, et nous aurons ensuite l’occasion d’en rediscuter au cours de la navette parlementaire. J’espère avoir été clair.
Mme la présidente
La parole est à Mme Coralie Dubost.
Mme Coralie Dubost
Nous poursuivons en effet, monsieur le secrétaire d’État, le même objectif : empêcher toute confusion des générations. J’entends également, madame Galliard-Minier, l’argument qui sous-tend votre sous-amendement : dans le cadre d’une adoption plénière, les parents originels étant effacés et remplacés, la confusion des générations est totale, tandis que dans le cadre d’une adoption simple, où les liens avec les parents biologiques sont conservés, l’enfant prend conscience de façon transparente – et bénéfique – de la place de chacun dans la filiation, si bien que la confusion n’existe plus réellement.
Nous voterons ce sous-amendement, car nous comprenons la volonté d’écarter le risque d’interdiction de l’adoption intrafamiliale dans le cadre d’une adoption simple. Cependant, nous entendons aussi les observations du Gouvernement, qui estime qu’en ne limitant pas notre amendement aux ascendants et aux collatéraux directs, nous prenons le risque de rendre impossibles les adoptions par des parents en ligne collatérale. Nous pourrons retravailler cet amendement avec le Gouvernement au cours de la navette afin d’atteindre l’objectif que nous partageons.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
On le sait, les parcours de vie des enfants adoptés sont particuliers, ce qui exige de notre part un regard extrêmement attentif sur cette question. Le risque d’une confusion des générations doit être pris en considération lorsque l’on travaille sur ces questions. Vous avez le mérite, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir eu à l’esprit cette préoccupation.
J’avoue cependant qu’au vu de la manière dont nos travaux se déroulent, la préparation de cette proposition de loi m’inquiète quelque peu. Si je comprends bien la rédaction de l’amendement ainsi sous-amendé, toute adoption plénière conduisant à une confusion des générations serait prohibée, mais toute adoption simple conduisant elle aussi à une confusion des générations serait autorisée. Or je rejoins M. le secrétaire d’État : que l’adoption soit simple ou plénière, le risque de confusion des générations est le même. L’ajout du mot « plénière » est donc loin d’être anodin.
Cela me conduit à poser la question suivante : puisque nous ne disposons ni d’étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État, alors que nous discutons du sujet extrêmement sensible qu’est l’adoption, ne devrions-nous pas suspendre nos travaux pour prendre le temps de mesurer les effets des modifications prévues par ce texte ?
Nous vivons décidément une drôle de semaine : après la proposition de loi visant à améliorer le système de santé, quasiment totalement réécrite au dernier moment, nous discutons à présent d’une proposition de loi dont l’essentiel est, une fois encore, réécrit au dernier moment. Heureusement que la navette parlementaire existe ! La sagesse sénatoriale permettra ainsi de revenir sur les passages insatisfaisants du texte.
Mme la présidente
Merci, monsieur Bazin.
M. Thibault Bazin
Nous évoquons actuellement le risque de confusion des générations ; je crains qu’il n’y ait une confusion dans la rédaction du texte. Peut-être faudra-t-il plusieurs années pour que la jurisprudence permette d’aboutir à une clarification !
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Chiche.
M. Guillaume Chiche
Je comprends, monsieur le secrétaire d’État, que vous souhaitiez avoir encore un peu de temps pour travailler sur ces dispositifs. Malheureusement, cela fait déjà plusieurs mois, voire plusieurs années, que des membres de la représentation nationale se penchent sur ces questions. Il est temps de solder ces sujets.
M. Xavier Breton
Vous faites les soldes !
M. Guillaume Chiche
Je ne pense pas que cela puisse aboutir, même temporairement, à interdire toute forme d’adoption – plénière ou simple – dans le cadre intrafamilial. Au cours des débats de ce matin, que je suivais de mon bureau, vous vous êtes qualifié de conservateur. Or le présent article ne me semble aucunement conservateur – même si, n’appartenant pas à cette mouvance politique, je me garderai bien de vous défier sur ce terrain.
Le fait de restreindre le dispositif en interdisant la seule adoption plénière me semble un moindre mal. Cette précision vient en tout cas améliorer le texte proposé. Elle ne gomme pas la filiation biologique, mais rend possibles d’autres types de filiation qui apparaissent souhaitables dans des situations souvent dramatiques. Je suis donc favorable au sous-amendement de notre collègue Galliard-Minier et à l’amendement ainsi sous-amendé de notre collègue Dubost même si, au départ, j’aurais préféré une suppression pure et simple de cet article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet
Il faut prendre le temps de la discussion. Il est dommage, en effet, que nous ne disposions pas par exemple d’une étude d’impact. Je comprends parfaitement l’argumentation de M. le secrétaire d’État : du point de vue de l’enfant, je ne vois pas de différence entre l’adoption plénière et l’adoption simple. Le lien avec ses parents biologiques s’efface dans les deux cas.
Il faut donc vraiment prendre le temps de la réflexion, et peut-être attendre, avant de trancher définitivement ce débat, le retour du texte à l’Assemblée après l’examen par le Sénat. Cela permettrait de procéder, d’ici là, à quelques consultations, notamment pour en savoir plus sur les effets de telles dispositions sur le psychisme des enfants. Cela me semble nécessaire avant de voter.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
La sagesse !
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
Cet échange est utile, même si les conditions de préparation de ce texte sont source de frustration. Pour ma part, j’irai plutôt dans le sens de l’amendement ainsi sous-amendé, mais aussi dans celui de la jurisprudence. Je n’ai pas compris votre intervention, madame Dubost, parce que si les juges tiennent compte à la fois des liens privilégiés et du respect de la généalogie, ils consacrent le plus souvent les premiers. La plupart du temps, l’adoption plénière est alors refusée mais l’adoption simple accordée. Je pense par exemple au jugement rendu par la cour d’appel de Colmar en 1997 où, pour créer un lien avec la grand-mère et son conjoint, l’adoption simple a été accordée après que la demande d’adoption plénière avait été rejetée, sachant qu’en l’espèce, l’adoption était la seule solution pour faire bénéficier de l’autorité parentale ledit conjoint, à qui elle n’aurait autrement pu être déléguée ; de même, la cour d’appel de Paris a prononcé l’adoption simple d’un petit-fils par sa grand-mère non seulement parce que celle-ci l’avait élevé après le décès de sa mère, mais aussi parce qu’elle n’avait pas d’autre héritier. On voit bien que c’est la recherche de cet équilibre qui permet de ne pas fermer toutes les possibilités d’adoption dans ce cadre intrafamilial. Les juges ont en tête la préservation de la stabilité, y compris émotionnelle, tout en évitant les confusions chez les enfants. Ce chantier doit se poursuivre. Je voterai l’amendement et le sous-amendement, et ce sera encore mieux si on arrive à l’issue de la navette à une disposition plus cadrée, qui tienne également compte des pratiques juridiques existantes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli
Je rejoins les propos de ma collègue Marie-George Buffet. Nous avons tout intérêt, en tant que parlementaires, à travailler à partir de propositions de loi, mais celles-ci ne sont pas suffisamment documentées, notamment en l’absence d’étude d’impact. Nous le constaterons encore malheureusement lorsque nous examinerons les articles 11 et 13. C’est un texte que le groupe Socialistes et apparentés soutient globalement, mais il faut vraiment se donner les moyens de le compléter sérieusement au cours de la navette ; c’est essentiel pour ne pas faire une loi hâtive.
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit
Au MoDem, nous considérons que l’article 6 dans sa rédaction actuelle est suffisant et très clair. Nous ne voterons donc pas l’amendement no 540, même sous-amendé, proposé par nos collègues de La République en marche.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
(Le sous-amendement no 571 est adopté.)
(L’amendement no 540, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pacôme Rupin, pour soutenir l’amendement no 210.
M. Pacôme Rupin
Il est retiré, madame la présidente.
(L’amendement no 210 est retiré.)
(L’article 6, amendé, est adopté.)
Article 7
Mme la présidente
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff.
Mme Natalia Pouzyreff
L’enjeu de l’adoption, nous en sommes tous bien d’accord, c’est l’avenir de l’enfant, et la convention internationale des droits de l’enfant nous enjoint d’inscrire notre action dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Or pour construire une nouvelle filiation, c’est-à-dire créer de nouveaux liens familiaux lui permettant de s’épanouir en tant qu’individu, l’enfant a besoin de savoir d’où il vient, de s’approprier sa propre histoire. Cela implique d’avoir accès à ses origines personnelles. En France, environ 600 enfants naissent chaque année dans le secret, et on peut déplorer que le recueil de l’identité et même des données non identifiantes des parents de naissance ne soit pas systématiquement assuré. En Europe, seuls la France et le Luxembourg restreignent l’accès des enfants appelés « nés sous X » à leurs origines personnelles, et ce en dépit de la loi du 22 janvier 2002, qui a pourtant institué le Conseil national de l’accès aux origines personnelles, le CNAOP. Si 700 demandes d’accès aux origines lui sont adressées chaque année, peu en effet aboutissent, du fait du régime juridique de l’accouchement sous X. Le comité des droits de l’enfant des Nations unies a réitéré, le 23 février 2016, ses recommandations à la France. Je le cite : « Le comité recommande une fois de plus à l’État partie [la France] de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet au droit de l’enfant de connaître ses parents biologiques ainsi que ses frères et sœurs et le prie instamment d’adopter les mesures nécessaires pour que toutes les informations concernant le ou les parents soient enregistrées et archivées […] Il recommande également à l’État partie d’envisager d’abroger la règle selon laquelle l’identité de la mère biologique ne peut être dévoilée que si l’intéressée y consent […]. »
L’accouchement sous X a été créé initialement dans le but de protéger les femmes en détresse, un motif que nous comprenons tous, et nul doute que le secret de leur admission doive être préservé ; mais ce n’est déjà plus le cas de leur anonymat puisque les tests génétiques en accès libre disponibles sur internet marquent la fin de la préservation du secret de leur identité.
C’est pourquoi j’attends des engagements forts du Gouvernement pour faire évoluer sans attendre le droit français afin de le mettre en conformité avec les conventions internationales.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Cet article prévoit de renforcer la notion de consentement dans le processus d’adoption, notamment en supprimant le dernier alinéa de l’article 370-3 du code civil pour l’incorporer dans l’article 348-3 du même code. Pour rappel, l’article 370-3 retranscrit l’exigence de l’article 4 de la convention de La Haye relative à l’adoption internationale, qui prévoit les conditions dans lesquelles le consentement à l’adoption a été recueilli afin de garantir son caractère libre et éclairé. Il a été introduit par le législateur en 2001 afin de sécuriser les adoptions internationales et d’éviter le détournement et le trafic d’enfants. Si l’objectif de la proposition de loi est de transposer certaines dispositions de la convention de La Haye dans le droit national pour donner une même base éthique aux adoptions nationales et internationales, il faut noter que la loi française prévoit déjà le recueil du consentement devant le juge d’instance, le notaire, un agent diplomatique ou encore le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis. Dans tous les cas, les conditions de ce recueil garantissent que le consentement est libre et éclairé.
Or le déplacement de l’article 370-3 relatif au consentement dans le chapitre consacré à l’adoption nationale et plus particulièrement à l’adoption plénière, en l’espèce à l’article 348-3, suscite plusieurs interrogations sur les conséquences concrètes en matière d’adoption internationale.
Cela impliquera-t-il que le consentement donné à l’étranger soit simplement conforme au droit local ? Si tel devait être le cas, on reviendrait à la situation antérieure à la loi de 2001, renvoyant au juge le soin d’analyser la portée du consentement des parents et de vérifier l’existence d’un consentement éclairé.
Une fois de plus, la rédaction de cet article va faire l’objet d’un bricolage. Or ses conséquences sont importantes.
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements de suppression, nos 1, 44, 147 et 386.
L’amendement no 1 de M. Xavier Breton est défendu.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 44.
Mme Emmanuelle Ménard
À première vue, on pourrait penser que cet article vise simplement à déplacer les qualités requises du consentement des parents d’origine de l’article 370-3 du code civil vers l’article 348-3 du même code. En réalité, cette modification n’est pas anodine : l’article 370-3 dispose que « les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union ». Si une adoption concerne des adoptants dont la loi nationale admet un consentement donné avant la naissance, ou en échange d’une contrepartie, les juridictions françaises seront dans l’obligation d’appliquer cette législation. Ce serait tout à fait contraire aux articles 1er et 4 de la convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale du 29 mai 1993.
C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 7.
Mme la présidente
L’amendement no 147 de M. Patrick Hetzel est défendu.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 386.
M. Thibault Bazin
Là encore, on ne peut que regretter l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État. J’ai hâte que le Sénat se penche sur les conséquences de cette proposition de loi et apporte les corrections nécessaires.
Par cet article 7, vous voulez supprimer le troisième alinéa de l’article 370-3 du code civil, qui concerne expressément les adoptions internationales. Je m’interroge. Cette proposition de loi n’était pas censée affecter les adoptions internationales ! À ce stade, il me semblerait plus sage de conserver cet alinéa, car la question des contreparties et du consentement – sans même parler des GPA – se pose avec une acuité particulière pour les adoptions internationales.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Avis défavorable à ces amendements, qui tendent à supprimer l’extension de la règle relative au consentement à l’adoption, aujourd’hui restreinte à l’adoption internationale, aux adoptions nationales. Il paraît en effet justifié de prévoir une même définition du consentement à l’adoption, que celle-ci soit internationale ou nationale.
Toutefois il est vrai qu’une ambiguïté pourrait naître de la rédaction actuelle ; elle mérite d’être levée. Ce sera l’objet de mon amendement no 512.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Avis défavorable.
Monsieur Bazin, s’agissant des études d’impact, le parlementaire que j’étais, plutôt que le membre du Gouvernement que je suis, est un peu surpris par votre propos : les propositions de loi ne sont jamais accompagnées d’une étude d’impact. Faut-il comprendre que vous êtes favorable à ce que nous nous privions de la possibilité d’en examiner ?
M. Thibault Bazin
Là, c’est un texte de la majorité !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Que deviendraient les niches parlementaires des groupes d’opposition ? Je ne peux pas croire que ce soit là votre position.
Dans le cas qui nous occupe, en outre, nous disposons d’un rapport préliminaire dû à Mme la rapporteure et à Mme Corinne Imbert, sénatrice de votre propre famille politique ; et la rapporteure a réalisé de nombreuses auditions, auxquelles je sais que M. Xavier Breton a assisté, comme vous sans doute. Vous avez donc tous les éléments pour débattre en toute connaissance de cause.
Monsieur Breton, l’objet de cet article 7 est de définir les conditions que doit remplir le consentement de la famille d’origine à l’adoption ; ces conditions sont clairement établies par l’article 370-3, alinéa 3, du code civil, en matière d’adoption internationale, mais tel n’est pas le cas pour les adoptions internes. Pour combler cette lacune, l’article 7 complète l’article 348-3 du code civil.
La commission des lois est venue opportunément préciser à cet article 348-3 que ces conditions s’appliquent « quelle que soit la loi applicable ». En effet, ce principe est une garantie du respect de l’intérêt de l’enfant, que l’adoption soit interne ou internationale ; il n’est pas question, concernant le consentement donné par la famille d’origine, de laisser la place à une loi étrangère qui pourrait être moins protectrice. On peut, il est vrai, estimer que la précision relative à la loi applicable doit être faite, plutôt que dans le chapitre du code civil relatif à l’adoption interne, dans le chapitre relatif aux règles de conflits de loi, c’est-à-dire dans l’article 370-3. L’amendement no 512 proposera de procéder à ce changement, ce qui devrait lever les inquiétudes exprimées.
Madame Pouzyreff, madame la rapporteure, la loi qui a réformé l’accès aux origines date de 2002 ; les premiers enfants qui en bénéficient arrivent tout juste à leur majorité. Nous devons évaluer l’impact de cette loi, son application et ses éventuelles limites, mais il est sans doute trop tôt pour la réformer. Je vous propose de saisir, dans les mois à venir, le Comité consultatif national d’éthique, peut-être, afin qu’il puisse évaluer l’application de la loi. Mais laissons-nous suffisamment de recul, plusieurs mois, une année peut-être, puisque cette loi n’a pris effet, je le redis, qu’il y a quelques mois.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
C’est compliqué, de travailler dans ces conditions ! Nous commençons en quelque sorte déjà la discussion d’un amendement qui sera présenté tout à l’heure, et qui nous donne en partie raison, puisqu’il doit selon vous répondre à nos inquiétudes…
Je ne souhaite pas supprimer les propositions de loi, monsieur le secrétaire d’État, ni pour les oppositions ni pour la majorité – même la majorité doit pouvoir prendre des initiatives, je ne veux pas vous maltraiter. (Sourires.) Mais certaines matières sont plus sensibles que d’autres ; or, aux termes de l’article 39 de la Constitution, le président de l’Assemblée nationale peut solliciter l’avis du Conseil d’État sur une proposition de loi. En l’occurrence, le sujet aurait pu le justifier.
Vous ne répondez pas à la question du changement de chapitre. Vous souhaitez modifier l’article 348-3, si j’ai bien compris. Mais la rédaction de l’amendement no 512 me paraît problématique. Il nous faudrait un peu plus de recul !
(Les amendements de suppression nos 1, 44, 147 et 386 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 286 de Mme Élodie Jacquier-Laforge est défendu.
Il fait l’objet d’un sous-amendement, no 566. La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.
Mme Monique Limon, rapporteure
Il s’agit de supprimer le II de cet amendement du groupe MoDem, par cohérence avec l’article 13 de la proposition de loi qui procède à une rédaction globale de l’article 348-4 du code civil.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Sagesse.
(Le sous-amendement no 566 est adopté.)
(L’amendement no 286, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 512 et 538, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 512.
Mme Monique Limon, rapporteure
Cet amendement a pour objet de clarifier la mise en facteur commun de la définition du consentement à l’adoption pour toutes les adoptions. À cet effet, il retire, à l’article 348-3, relatif à l’adoption nationale, la précision relative à la loi applicable et maintient, à l’article 370-3, relatif à l’adoption internationale, cette même précision.
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier, pour soutenir l’amendement no 538.
Mme Camille Galliard-Minier
Le groupe La République en marche rejoint Mme la rapporteure pour souhaiter que la définition du consentement soit également précisée dans le droit interne. Il apparaît néanmoins important, comme cela a été rappelé sur d’autres bancs, que les dispositions relatives au consentement donné à une adoption internationale soient maintenues à l’article relatif à l’adoption internationale.
L’amendement no 538 propose donc de rédiger ainsi le dernier alinéa de l’article 370-3 : « Quelle que soit la loi applicable, les conditions de recueil et de rétractation du consentement prévues à l’article 348-3 du code civil sont applicables ». Ce renvoi à l’article 348-3 paraît important ; la loi étrangère peut être très différente de la nôtre, notamment s’agissant des effets de l’adoption, qui peut parfois être uniquement simple.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Je comprends votre propos, mais j’observe que la rédaction de votre amendement inclut toutes les rétractations. Je vous demanderai donc de bien vouloir le retirer au profit de l’amendement no 512 ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Avis favorable à l’amendement no 512 ; demande de retrait de l’amendement no 538. Nous ne sommes pas opposés aux précisions proposées par ce dernier, et il est pertinent de les inscrire dans le chapitre relatif aux conflits de loi. Mais vous renvoyez globalement à l’article 348-3 du code civil, et non à son seul alinéa 1er ; ce faisant, vous exigez que le consentement donné à l’étranger respecte le formalisme imposé par la loi française : consentement donné devant notaire ou devant des agents diplomatiques ou consulaires, rétractation par lettre recommandée avec avis de réception… Cela me semble excessif, dans la mesure où ces exigences risquent de se révéler parfois impraticables à l’étranger : les notaires n’existent pas partout, la lettre recommandée avec avis de réception non plus. C’est la qualité du consentement qui importe, plus que le formalisme qui l’entoure.
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier.
Mme Camille Galliard-Minier
J’entends les remarques. La difficulté, c’est que l’amendement de Mme la rapporteure fait disparaître le renvoi à la loi applicable. Je retire l’amendement, mais il faudra à mon sens retravailler la rédaction au cours de la navette.
(L’amendement no 538 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Je m’étonne une nouvelle fois des conditions dans lesquelles nous travaillons. Une rédaction de l’article 7 figurait dans le texte initial de la proposition de loi. Des travaux en commission a résulté une nouvelle rédaction. Nous avons pensé alors que les choses étaient calées, d’autant que nous en avions malgré tout débattu. Mais non ! La rapporteure propose encore une nouvelle rédaction par le biais d’un amendement, et le groupe majoritaire, qui a travaillé parallèlement, nous en soumet une autre. Ajoutez à cela que le ministre de la justice n’est pas présent pour nous éclairer, alors qu’il s’agit d’articles du code civil. Comprenez que nous soyons perdus !
Le texte porte tout de même sur l’adoption, et l’article 7, sur le consentement à l’adoption ; ce sont des notions très importantes. Prenez conscience du spectacle que vous offrez : celui d’un bricolage juridique, d’une improvisation en temps réel. Vous faites valoir que la rédaction du texte sera améliorée à la faveur de la navette, mais la procédure accélérée a été engagée et vous avez fait le choix de passer par une proposition de loi, sans solliciter l’avis du Conseil d’État. Sur des sujets aussi fondamentaux et sensibles, de telles conditions de travail sont scandaleuses.
(L’amendement no 512 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 76.
M. Vincent Descoeur
Cet amendement de Mmes Anthoine et Bazin-Malgras vise à préciser que le consentement dont il est question est bien le consentement à l’adoption.
L’article 7 tend à placer au début de l’article 348-3 du code civil le dernier alinéa actuel de l’article 370-3 du même code. À la fin de l’article 370-3, il ne fait aucun doute qu’il est question du consentement à l’adoption. En revanche, cela ne semble pas aussi évident au début de l’article 348-3. Mes collègues proposent donc de compléter le terme « consentement » par les mots « à l’adoption » pour rendre la loi plus claire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
L’amendement nous semble satisfait. Nous suggérons donc son retrait.
M. Jean-Louis Bourlanges
Pourquoi la rapporteure est-elle favorable à l’amendement, mais pas le secrétaire d’État ? On n’y comprend rien ! Pourrait-on avoir des explications ?
(L’amendement no 76 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 68.
Mme Emmanuelle Ménard
Il vise à préciser que le consentement est celui « du représentant légal de l’enfant », comme cela est indiqué au dernier alinéa de l’article 370-3 du code civil, que l’article 7 tend à déplacer au début de l’article 348-3 du même code.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
En droit interne, la référence au représentant légal de l’enfant est inadaptée. En effet, en l’absence de parents, le consentement à l’adoption est donné non pas par le représentant légal de l’enfant, qui est son tuteur, mais par le conseil de famille, dans le cas d’une tutelle de droit commun, ou par le conseil de famille des pupilles de l’État. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis, pour les mêmes raisons.
(L’amendement no 68 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff, pour soutenir l’amendement no 346.
Mme Natalia Pouzyreff
Il s’agit d’un amendement d’appel. L’article 7 porte sur le consentement des parents à confier leur enfant en vue d’une adoption. À mon sens, ce consentement devrait s’accompagner systématiquement de l’enregistrement des données identifiantes et non identifiantes, notamment les antécédents médicaux.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vos indications concernant l’évaluation de la loi de 2002. Néanmoins, c’est en 2016 que le comité des droits de l’enfant des Nations unies a demandé une nouvelle fois à la France de revoir les modalités de l’accouchement sous le secret. De formel, le droit d’avoir accès à ses origines doit devenir réel. Il convient en outre de mettre fin à une rupture d’égalité, en donnant à tous les enfants confiés à l’adoption les mêmes chances de connaître leurs origines et leurs antécédents médicaux.
Je regrette que les autres amendements que j’ai déposés aient été déclarés irrecevables.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Il ne me paraît pas raisonnable de supprimer le principe selon lequel le consentement doit être « obtenu sans contrepartie », comme vous le proposez. Comme je l’ai indiqué lors de la présentation du texte, je considère moi aussi que la recherche des origines personnelles participe de la construction de l’enfant. J’ai proposé que l’on réalise un bilan de la loi de 2002 avant d’envisager une éventuelle réforme de l’accès aux origines. Le secrétaire d’État a répondu qu’il engagerait ce travail d’ici à quelques mois. Je donne donc un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Selon moi, la loi de 2002 a permis d’atteindre un équilibre entre le droit de l’enfant d’accéder à ses origines et le droit de la mère d’accoucher de manière anonyme, et cet équilibre doit être appréhendé avec la plus grande précaution – je sais que vous partagez cet avis, madame Pouzyreff. Je suis évidemment très attaché aux droits de l’enfant, notamment à son droit d’accéder à ses origines, mais aussi au droit de la femme d’accoucher de façon anonyme, car je sais que cela peut être au bénéfice de l’enfant à naître.
Je le répète, prenons le temps de travailler sur ces questions ; les enfants nés sous le régime de la loi de 2002 atteignent tout juste leur majorité. Je réitère mon engagement d’ouvrir une réflexion à ce sujet, en saisissant, probablement, le Comité consultatif national d’éthique. Le CCNE paraît en effet l’instance appropriée pour mener cette réflexion et apprécier la mise en œuvre et l’effectivité de la loi de 2002 avec le recul nécessaire et de façon apaisée.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Bénédicte Pételle.
Mme Bénédicte Pételle
Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, je profite de l’examen de cet amendement pour vous apporter des informations concernant l’entretien entre les correspondants départementaux du CNAOP et les femmes qui accouchent.
Les correspondants du CNAOP désignés par les conseils départementaux sont chargés d’informer et d’accompagner les femmes souhaitant accoucher sous le secret. Ils recueillent les éléments qu’elles souhaitent laisser, en lien avec les établissements de santé. Cette procédure d’information et d’accompagnement demande un savoir-faire particulier.
En effet, lesdits correspondants peuvent parfois se sentir démunis durant leur entretien avec les femmes. Souvent chargé d’émotion, celui-ci se déroule généralement dans une certaine urgence, ce qui exige toujours une approche sur mesure. Dans le cadre d’une étude publiée en 2017 par la direction générale de la cohésion sociale, de nombreux correspondants ont souligné que les formations dont ils avaient pu bénéficier pour assurer leurs fonctions n’abordaient que très peu le déroulement concret de cet entretien, sa dimension relationnelle ou la posture à adopter.
Or cet entretien est fondamental, notamment pour informer la femme de l’importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire, ainsi que de la possibilité de laisser tout renseignement concernant les origines de l’enfant ou la raison pour laquelle celui-ci est confié aux services de l’aide sociale à l’enfance. L’accès aux origines personnelles est essentiel pour la construction psychologique de tout individu, comme cela a été rappelé dans la loi du 22 janvier 2002.
J’ai interrogé la responsable du service des adoptions des départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines au sujet de la sensibilisation à la question des origines. Or elle m’a confirmé que les correspondants du CNAOP veillaient avant tout à laisser la femme libre de son choix. Nous constatons donc que la possibilité pour l’enfant né sous X de connaître ses origines n’est pas suffisamment assurée. En outre, lorsque la loi relative à la bioéthique aura été adoptée, il risque d’y avoir une inégalité de traitement en matière d’accès aux origines entre les enfants nés sous le secret et les enfants issus d’un don de gamètes.
(L’amendement no 346 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir les amendements nos 256, 258 et 257, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Pascal Brindeau
Les amendements nos 256 et 258 me semblent satisfaits par le no 512 que nous avons adopté. J’aimerais néanmoins que Mme la rapporteure me le confirme avant que je ne les retire.
L’amendement no 257 concerne plus précisément les enfants placés sous kafala judiciaire dans le cadre du droit musulman. La nouvelle rédaction de l’article 370-3 du code civil permettra-t-elle l’adoption de ces enfants ?
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Mon amendement no 512 ne concerne pas la kafala, parfois qualifiée d’adoption chez nous.
Quant aux dispositifs que vous proposez, ils ne seraient pas conformes à la loi nationale étrangère de l’enfant, ni respectueux de son statut personnel. En effet, les États qui prohibent l’adoption, notamment ceux qui appliquent la kafala, prohibent tout autant l’adoption simple que l’adoption plénière. La Cour de cassation l’a expressément affirmé dans deux arrêts datés du 10 octobre 2006 : la kafala est une mesure d’accueil légale d’un enfant n’emportant aucun effet sur sa filiation d’origine ; elle ne peut donc être assimilée à l’adoption simple. En permettant la kafala, l’État d’origine ne permet pas l’adoption. Il convient de respecter ce cadre.
J’ajoute que la règle actuelle, énoncée à l’alinéa 2 de l’article 370-3 du code civil, n’a pas été jugée contraire aux engagements internationaux pris par la France, qu’il s’agisse de la convention de La Haye de 1993, de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant ou de la convention européenne des droits de l’homme.
J’émets un avis défavorable sur les trois amendements. Je partage néanmoins le souci d’accompagner ces enfants et les familles qui les accueillent de la manière la plus juste possible, comme tous les enfants confiés à l’adoption.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Brindeau.
M. Pascal Brindeau
Je comprends tout à fait les arguments que vous nous avez fournis, madame la rapporteure. Ma collègue Agnès Thill étant la première signataire des amendements, je ne les retire pas, même si je pense qu’elle comprendra elle aussi ces arguments lorsqu’elle prendra connaissance du compte rendu de notre échange.
(Les amendements nos 256, 258 et 257, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Pour votre information, les amendements nos 387, 410 et 413 sont tombés du fait de l’adoption de l’amendement no 512. L’amendement no 511 rectifié de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.
(L’amendement no 511 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 7, amendé, est adopté.)
Après l’article 7
Mme la présidente