Première séance du lundi 29 mars 2021
- Présidence de Mme Annie Genevard
- 1. Lutte contre le dérèglement climatique
- Présentation
- Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
- M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission spéciale
- Mme Aurore Bergé, rapporteure de la commission spéciale pour le titre Ier
- Mme Cendra Motin, rapporteure de la commission spéciale pour le titre II
- M. Damien Adam, rapporteur de la commission spéciale pour les articles 20 et 21 du titre II
- M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur de la commission spéciale pour le titre III
- M. Mickaël Nogal, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres Ier et II du titre IV
- M. Lionel Causse, rapporteur de la commission spéciale pour les titres III à V du titre IV
- Mme Célia de Lavergne, rapporteure de la commission spéciale pour le titre V
- M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission spéciale pour le titre VI
- Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente de la commission spéciale
- Mme Liliana Tanguy
- Motion de rejet préalable
- M. Jean-Luc Mélenchon
- Mme Barbara Pompili, ministre
- M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
- M. François-Michel Lambert (LT)
- M. Éric Coquerel (FI)
- M. Hubert Wulfranc (GDR)
- Mme Marie Lebec (LaREM)
- M. Jean-Marie Sermier (LR)
- M. Bruno Millienne (Dem)
- M. Gérard Leseul (SOC)
- Mme Valérie Petit (Agir ens)
- M. Thierry Benoit (UDI-I)
- Suspension et reprise de la séance
- Discussion générale
- Présentation
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Annie Genevard
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Lutte contre le dérèglement climatique
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (nos 3875, 3995).
La conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de quarante-cinq heures.
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Face à l’urgence climatique, l’objectif est aussi simple que le chemin est complexe. Nous savons tous où aller : vers la fin de la civilisation des énergies fossiles, la fin d’une civilisation qui rejette des milliards de tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère chaque année, la fin d’une civilisation qui dérègle le climat et fait de nos étés des canicules, des crues de nos rivières, des cataclysmes mortels, et de nos forêts des brasiers.
Il suffisait de se rendre, à l’automne, dans la vallée de la Roya, dévastée par une inondation comme au lendemain d’un bombardement, pour réaliser que nous avons déjà trop attendu. Ce que nous savons moins, ici comme partout dans le monde, c’est comment y aller. Car il s’agit précisément de changer de civilisation, de toucher au cœur de notre économie, de notre société, mais aussi de nos modes de vie. Il n’y a pas de mode d’emploi pour une telle transformation. Il n’y a pas de manuel pour transformer un constat scientifique, aussi massif soit-il, en ligne de conduite mondiale, en plan d’action qui finisse par imprégner la réalité sociale dans nos entreprises, nos communes, nos foyers.
Pourtant, parce qu’il s’agit tout simplement de garantir un avenir, à nous-mêmes, à nos enfants, nous nous y attelons, avec humilité, avec espoir et avec cœur, car la société à laquelle nous aspirons est tout sauf un monde de privation, tout sauf un retour en arrière. Elle est au contraire un monde de liberté, un monde libéré de notre dépendance aux énergies fossiles, libéré d’un air irrespirable, libéré de la surconsommation, libéré de la malbouffe, libéré d’une logique économique qui considère les externalités environnementales comme négligeables, un monde qui ne mesure pas sa réussite qu’à l’aune d’un indicateur, le PIB, qui ne prend pas en compte les limites physiques de notre planète.
L’objectif est clair, mais le seul plan qui existe pour l’atteindre est théorique et aucun gouvernement ne l’a mis en œuvre : nous cherchons à tracer notre propre chemin, à dépasser les obstacles, à avancer, même lorsqu’on nous dit que c’est impossible, ou que ce n’est pas le moment, un chemin qui nous permette d’arriver à bon port, et d’y arriver ensemble.
À mes yeux, la transition écologique ne peut qu’être ambitieuse et rassembleuse. La transition à laquelle je crois refuse toute brutalité dans la méthode et vise à faire nation autour d’un projet protecteur et émancipateur. C’est cet esprit rassembleur qui animait le Président de la République lorsqu’il a décidé d’installer la Convention citoyenne pour le climat. Pendant dix-sept mois, 150 citoyens tirés au sort, employés, agriculteurs, retraités, lycéens, infirmiers et médecins, professeurs, chefs d’entreprise et même publicitaires et pilotes de ligne ont été confrontés aux faits scientifiques.
Ainsi, 150 citoyens sont venus prêter directement leur concours à la vie de la cité, dans ce qu’elle a de plus noble, de plus sincère : assimiler un problème complexe, débattre, proposer. Nous pouvons collectivement être fiers de ces 150 citoyens : leur héritage démocratique et écologique est considérable. Car oui, mesdames et messieurs les députés, cet exercice démocratique inédit prend aujourd’hui tout son sens, ici, avec vous : après le temps des citoyens, voici le temps des élus de la nation.
Je suis extrêmement attachée à ce temps du Parlement, car c’est celui de la démocratie représentative, celui des débats au grand jour et des votes qui gravent des espoirs dans le marbre de la loi. Ainsi, c’est ensemble que nous répondrons à l’appel de la Convention citoyenne, ensemble que nous passerons de 150 Françaises et Français à 577 aujourd’hui, et à 67 millions demain. (Applaudissements
Le texte que je vous présente aujourd’hui est une nouvelle pierre importante à l’édifice de la République écologique que nous voulons construire, et qui n’est pas un vain mot, car l’écologie est un terme issu du grec « oikos », la « maison », le « patrimoine » : il s’agit d’apprendre à gérer ensemble notre patrimoine commun, une maison dont nous sommes de simples sujets, profondément dépendants des services que nous rend la nature.
Comme le rappelle l’encyclique « Laudato si’ » du pape François, lorsque l’on évoque l’environnement, on désigne en particulier une relation : celle qui existe entre la nature et la société qui l’habite. Cela nous empêche de considérer la nature comme séparée de nous ou comme un simple cadre de notre vie. Nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie et nous sommes enchevêtrés avec elle. (Mme Valérie
Ce patrimoine extraordinaire, nous l’avons déjà largement dilapidé, en quelques décennies, quand notre planète a mis des millions d’années à le construire. À l’heure où je vous parle, les trois quarts de notre planète ont été significativement modifiés par l’action humaine ; la dégradation des sols a réduit d’un quart la productivité de la surface terrestre mondiale ; les zones urbaines ont plus que doublé en trente ans ; la pollution plastique a été multipliée par dix en quarante ans, causant des dommages irrémédiables sur l’océan, les cours d’eau et les écosystèmes qu’ils abritent. Je ne peux me résigner à cet héritage. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que notre génération soit encore celle de l’inaction, celle des renoncements dictés par le court-termisme. Face à l’histoire, nous n’aurons aucune excuse, car nous savions.
Mesdames et messieurs les députés, notre devoir est de prendre nos responsabilités, de nous inscrire dans une nouvelle temporalité, celle de l’urgence. Telle est l’ambition du texte que j’ai l’honneur de vous présenter, même si beaucoup débattront du rythme que nous choisissons, pour dire qu’il est trop rapide ou trop lent.
C’est tout l’enjeu du texte que je vous présente aujourd’hui : dessiner la France de 2030, sans laisser personne au bord du chemin ; définir une écologie pratique, un juste équilibre entre la contrainte, qui permet de donner l’impulsion, et l’accompagnement, qui permet à chacun de s’inscrire dans le changement.
Le présent texte est un projet de loi de bon sens, tout simplement. Parce que tout commence par l’école, il fera entrer l’écologie dans ce pilier de la République, pour former et sensibiliser les futurs citoyens aux enjeux de la planète. Parce qu’il faut rompre avec les conséquences néfastes du consumérisme, ce projet de loi transformera la publicité et permettra à chaque citoyen de faire des choix de consommation plus vertueux, grâce à un étiquetage environnemental sur tous les produits et services qui leur sont vendus.
Parce qu’aujourd’hui encore, 48 000 personnes au moins meurent chaque année à cause de la pollution de l’air, en particulier du fait de la congestion automobile, le projet de loi crée des zones à faibles émissions dans toutes les grandes villes de France, pour mettre fin à la circulation des véhicules les plus polluants. Parce qu’il est absurde de prendre l’avion lorsque le même trajet peut être fait en deux heures et trente minutes en train, le texte limite le nombre de vols domestiques. Parce que l’on ne peut plus laisser 20 000 hectares de nature disparaître sous le béton chaque année, il met fin à la construction de centres commerciaux au milieu des champs et divise par deux la vitesse d’artificialisation des sols.
Mme Delphine Batho et M. Matthieu Orphelin
Ce n’est pas vrai !
Mme Barbara Pompili, ministre
Parce que l’on ne peut plus laisser près de 2 millions de foyers vivre dans des passoires thermiques, tomber malades en hiver, suffoquer en été et payer les factures exorbitantes, nous en interdisons la mise en location, pour obliger les propriétaires à réaliser des rénovations de qualité.
M. Mounir Mahjoubi
Très bien !
Mme Barbara Pompili, ministre
Sur ce sujet, crucial, alors que le secteur du bâtiment représente un quart des émissions globales, je souhaite qu’ensemble, nous allions plus loin. Parce que la destruction volontaire de la nature ne peut plus être tolérée, la future loi nous donnera les moyens de punir sévèrement ceux qui portent atteinte à l’environnement.
Le projet de loi constitue une véritable bascule culturelle globale, qui fera de l’écologie une réalité du quotidien. Un tel combat dépasse ce seul texte, aussi fort soit-il, parce qu’aucune loi ne peut, à elle seule, mener la transformation systémique de notre pays.
Depuis le premier jour, nous agissons : pour prendre des décisions que personne n’avait osé prendre, en mettant fin à de grands projets datés, comme Notre-Dame-des-Landes, EuropaCity, la Montagne d’or…
M. Jean-Luc Mélenchon
Allons donc !
Mme Barbara Pompili, ministre
…ou le terminal 4 à Roissy-Charles-de-Gaulle ; pour mobiliser les moyens sans lesquels les objectifs ne sont que du papier, avec un plan de relance vert historique, 30 milliards d’euros d’investissements pour décarboner notre économie ; pour porter haut nos ambitions à l’international et en Europe ; pour décrocher des accords historiques, qui font date ; pour renforcer le marché carbone européen et aligner nos partenaires commerciaux sur le même niveau d’exigence environnementale.
Et les autres pays nous regardent. L’expérience de la Convention citoyenne pour le climat inspire. Le Royaume-Uni a lancé une initiative similaire ; l’Allemagne et l’Espagne s’apprêtent à le faire. Nous avons le leadership dans ce combat que nous ne pouvons pas perdre. Oui, le projet de loi est une nouvelle pierre à l’édifice que nous construisons, pour assurer l’avenir du pays en responsabilité, en s’attelant à ce qu’il y a de plus ordinaire, de plus basique, mais aussi de plus crucial : nos modes de vie. Telle est l’écologie à laquelle je crois et pour laquelle je me bats : une écologie qui apporte des solutions simples dans le quotidien des Français, une écologie qui remette du bon sens dans nos vies, qui lutte contre tout ce que nous voyons d’aberrant et d’idiot, dans un système qui ne peut plus continuer comme avant.
Le texte est maintenant devant vous. Il est une chance, celle d’avoir un héritage dont nous pourrons toutes et tous être fiers. Mesdames et messieurs les députés, je relisais hier, avant de venir devant vous, quelques mots d’un grand Français, d’un grand écrivain, d’un grand député, qui a fait honneur à son pays et à cet hémicycle : Aimé Césaire. De la société coloniale, il disait qu’« une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte ». Ces mots résonnent toujours, encore, avec force et avec talent. Ils nous appellent à l’exigence envers nous-mêmes, envers notre société, à la responsabilité d’agir pour la transformer, pour nous, pour nos enfants, pour notre planète. Telle est ma détermination, et je sais pouvoir compter sur la vôtre. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission spéciale.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission spéciale
Nous sommes aujourd’hui face à une responsabilité historique : réussir la transition écologique. C’est un devoir, c’est une obligation que nous avons vis-à-vis de notre planète et vis-à-vis des générations à venir. Je salue à cet égard les dizaines de milliers de jeunes qui, en France et dans le monde, se mobilisent pour cette cause.
M. François-Michel Lambert
Et les moins jeunes ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
L’urgence, nous y sommes. Le réchauffement climatique est bien réel. Si l’homme – l’ensemble de l’humanité – devait consommer autant que les Européens, il faudrait 2,8 planètes terre pour subvenir à nos besoins.
Le projet de loi dont le Gouvernement vient de nous résumer l’ambition est un texte de mobilisation générale. Notre pays s’est engagé à diviser par six, par rapport à 1990, ses émissions de gaz à effet de serre, en visant une réduction de 40 % en 2030 et la neutralité carbone à l’horizon de 2050.
Les débats en commission spéciale ont été longs – quatre-vingt-seize heures, pendant onze jours consécutifs. J’en retiens l’implication et le sérieux des députés de tous les groupes politiques, qui ont fait honneur à notre Parlement. Je veux également saluer les rapporteurs thématiques, qui ont su à la fois enrichir le texte et répondre aux multiples interventions de leurs collègues.
Ce sont 7 250 amendements qui ont été déposés sur le projet de loi avant son examen dans l’hémicycle, preuve que le sujet passionne. Nous aurons un grand débat, et c’est tant mieux. Je pourrais reprocher à nos collègues siégeant à droite leurs centaines d’amendements de suppression, témoignant d’une propension à faire l’autruche, à refuser les changements. « L’écologie, oui, mais pas pour moi. » Je ne le ferai pas. Je pourrais aussi reprocher à nos collègues de gauche la brutalité de certaines de leurs propositions, qui mettraient des pans entiers de notre économie en péril et y créeraient des cassures irréparables.
M. Matthieu Orphelin
Ce n’est pas vrai !
M. François-Michel Lambert
On fait comment, alors ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Je ne le ferai pas, car ces contradictions traversent notre société.
Comment concilier l’impérieuse nécessité du changement et notre volonté de préserver nos emplois, notre niveau de vie, notre modèle social ? C’est l’ambition de cette loi et son équilibre. Nous souhaitons incarner une écologie de progrès en associant l’ensemble de nos concitoyens, l’État, nos collectivités territoriales, nos entreprises, bref, toutes nos forces vives, dans un vaste mouvement de transformation vers une société écologique plus résiliente, plus juste, plus solidaire.
Ce projet de loi s’inscrit dans un cycle commencé en 2017 par notre majorité, qui a placé l’environnement au cœur de son action. Les lois sur le logement, les transports, l’alimentation, l’économie circulaire et la loi énergie et climat portaient toutes une vision écologique que l’on retrouve dans ce texte.
M. François-Michel Lambert
Fabuleux !
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
La prise en compte de l’écologie s’étend ainsi graduellement à des pans croissants de notre société.
Comme l’a souhaité la Convention citoyenne, le projet de loi agit sur de multiples leviers et transformera la vie de 68 millions de Français et de Françaises. Mode de consommation, publicité, prise en compte des énergies renouvelables à l’échelle territoriale, verdissement de notre commande publique, transports en commun et vélo, extension des zones à faibles émissions, lutte contre l’artificialisation des sols et les passoires thermiques, virage accéléré vers l’agroécologie et vers une alimentation saine et équilibrée, répression accrue en cas d’atteinte à l’environnement… Quand on connaît les enjeux politiques, les sommes considérables à investir et la complexité de tous ces sujets, on mesure l’ambition du texte. En étant le premier pays d’Europe à inscrire certaines de ces mesures dans la loi, la France se positionne comme un des leaders mondiaux de lutte contre le dérèglement climatique. (Applaudissements
M. François-Michel Lambert
Un des leaders de la galaxie, tant que vous y êtes !
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Cependant, si beaucoup ici partagent les mêmes objectifs, nous divergeons souvent sur le chemin à suivre. Nous ne sommes pas pour une écologie de la décroissance, une écologie brutale, une écologie qui mettrait en péril nos industries automobile et aéronautique et notre agriculture. Oui, nous avons besoin de transformer notre modèle économique,…
M. Jean-Luc Mélenchon
Exactement !
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
…mais la solution se produit avec les entreprises, pas contre elles ni dans l’incantation. N’oublions pas que c’est la croissance économique qui financera la transition écologique. Nous ne sommes pas pour une écologie punitive, qui expliquerait aux Français ce qu’ils doivent consommer, où et quand. Nous sommes pour une écologie pragmatique et populaire, qui se fonde sur la pédagogie et la confiance.
J’adhère entièrement à la philosophie de ce projet de loi, qui donne une trajectoire, des échéances, des moyens, et qui fait le pari de l’intelligence collective.
M. Guillaume Garot
Comme c’est beau !
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
La solution à la crise écologique réside dans de multiples outils qui se combinent – innovation technologique, énergies renouvelables, finance verte, consommation raisonnable, économie circulaire –, mais ces outils ne sont rien si nous ne parvenons pas à créer une prise de conscience, un mouvement qui unit les élus nationaux et locaux, les syndicats, les diverses composantes de ce que nous appelons la société civile.
Parce que le projet de loi est d’une importance cruciale, nous avons souhaité, avec la présidente de la commission spéciale Laurence Maillart-Méhaignerie et d’autres députés, un titre spécifique consacré à la gouvernance du texte et au suivi de sa mise en œuvre et de son impact.
C’est un honneur pour moi et pour notre majorité de soutenir ce projet de loi, qui est à la hauteur d’un des plus grands défis de notre histoire. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à Mme Aurore Bergé, rapporteure de la commission spéciale pour le titre Ier.
Mme Aurore Bergé, rapporteure de la commission spéciale pour le titre Ier
La Convention citoyenne pour le climat est issue d’une interrogation fondamentale : comment, après la colère suscitée par la taxe carbone et face à l’urgence du dérèglement climatique, associer les Français aux décisions qui les concernent et les touchent directement ? C’est à cette question que les membres de la Convention citoyenne se sont employés à répondre. Notre enjeu, ici, est de réconcilier plusieurs visions.
Réconcilier la démocratie délibérative et la démocratie représentative, d’abord. On dit notre démocratie fatiguée, on constate une confiance largement érodée. Il est donc inenvisageable de donner le sentiment d’une concurrence entre ces deux processus démocratiques légitimes.
Réconcilier pour refuser toute vision idéologique, ensuite. L’écologie n’est pas un dogme. Elle est une urgence, une nécessité. Ce n’est pas en supprimant le mot « croissance » des manuels scolaires que nous lutterons contre le dérèglement climatique, mais en nous dotant des outils efficaces de mesure, de contrôle et, le cas échéant, de contraintes, et en donnant aux Français les moyens d’être pleinement acteurs de l’écologie. Personne ne gagnera à alimenter la défiance envers nos entreprises, nos TPE, nos PME et nos agriculteurs. Ils sont et doivent être les alliés de la transition écologique.
Réconcilier, enfin, pour ne rien rogner de notre ambition écologique, à savoir le respect de la trajectoire carbone que nous nous sommes fixée. Ce projet de loi en est une brique essentielle.
Le titre Ier permettra de déclencher plusieurs révolutions vertueuses dans notre façon de consommer, le préalable à ces changements profonds étant une meilleure information des consommateurs, parce que nous sommes autant citoyens que consommateurs. En commission spéciale, ce titre a été largement retravaillé : nous avons clarifié, précisé, enrichi et rendu normatives plusieurs dispositions programmatoires. Nous avons adopté plus de cinquante amendements issus de la majorité comme des oppositions.
Sur l’affichage environnemental, ou environnemental et social, nous avons apporté des compléments indispensables, notamment pour assurer une pleine prise en compte des externalités du monde agricole. Nous irons plus loin dans la transparence des données et l’open
Comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, l’article 2 inscrit, dans les missions transversales du service public de l’éducation, l’éducation à l’environnement et au développement durable. Nous proposerons d’élargir ce champ à l’enseignement supérieur. Nous avons procédé à la réécriture de l’article 3 pour donner un champ d’action plus large aux comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et, dorénavant, à l’environnement.
La publicité a un rôle de prescription essentiel à jouer. Elle est aussi un levier essentiel de financement de l’information, du pluralisme de nos médias et de la création audiovisuelle et cinématographique. L’article 4 opère un changement de paradigme en interdisant pour la première fois la publicité en faveur de la vente d’énergies fossiles, directement responsables du dérèglement climatique. Quel autre pays met une telle mesure en œuvre ? Parce que les sanctions ne doivent pas être inférieures aux bénéfices qui découleraient de la publicité illégale, je souhaite que le montant de celles-ci puissent atteindre la totalité des dépenses consacrées à l’opération illégale.
Au-delà des seules énergies fossiles, nous visons à réduire la publicité audiovisuelle en faveur des produits et services qui auront un impact négatif sur le climat. Nous devons aller plus loin encore dans la transparence et le contrôle des engagements qu’ont pris devant vous, madame la ministre, les annonceurs et les médias, avec une évaluation annuelle, mesurée et rendue publique. Je proposerai également d’étendre les codes de bonne conduite aux partenariats mis en place entre des annonceurs et des influenceurs sur des plateformes de partage de vidéos, qui échappent souvent à la règlementation en vigueur.
Comme je m’y étais engagée lors de l’examen du texte en commission spéciale, j’ai déposé des amendements tendant à renforcer la lutte contre le blanchiment écologique. Nous devons combattre avec détermination les pratiques commerciales trompeuses en matière environnementale.
Nous irons également plus loin dans le transfert de compétences aux maires, qui sont les premiers acteurs dans nos territoires. Nous encadrerons aussi les publicités et les enseignes situées à l’intérieur des vitrines de nos commerçants, mais en lien avec leur droit de propriété et leur liberté. C’est pourquoi nous nous sommes limités à la réduction de la pollution lumineuse.
Nous avons revu la portée de l’article 8, afin qu’il soit directement normatif, et donc interdit les avions publicitaires. Quant à l’article 9, qui propose d’expérimenter le dispositif « oui pub », nous avons, là encore, choisi de donner de la liberté aux collectivités pour qu’elles puissent prévoir des exemptions. L’article 10 interdira la distribution gratuite d’échantillons pour limiter enfin le gaspillage.
Enfin, la commission spéciale a totalement réécrit les articles 11 et 12, qui suscitaient des inquiétudes dans certains secteurs. Il était légitime d’écouter celles-ci et de rester dans la droite ligne de ce que nous avons nous-mêmes voté, il y a peu, dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu collectif, qui nous dépasse et qui doit se faire – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général – non pas contre, mais avec les entreprises, les industriels, les artisans, les commerçants, les maires, les agriculteurs, avec les Français et aussi, j’ose le dire, avec les parlementaires.
Oui, madame la ministre, ce texte est une chance. Il nous appartient désormais de nous en saisir à l’Assemblée nationale. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à Mme Cendra Motin, rapporteure de la commission spéciale pour le titre II.
Mme Cendra Motin, rapporteure de la commission spéciale pour le titre II
Il y a maintenant plus de quarante ans que le monde économique a pris conscience, au niveau international, de son rôle sur le changement climatique. Avec la première Conférence mondiale pour le climat, en 1979, et les conférences des parties (COP) qui lui ont succédé, les États et le monde économique se sont engagés dans les transitions nécessaires, mais il reste encore beaucoup à faire pour rendre notre économie plus sobre et construire un nouveau modèle capitaliste plus transparent et plus juste.
Nous y avons déjà contribué avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dont nous reparlerons, et avec la loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. L’Europe y travaille également, avec l’aboutissement, attendu avant la fin de l’année, d’une norme de rapportage extra-financier des entreprises, qui permettra plus de transparence et des critères communs d’amélioration.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de poursuivre ce travail, à travers le titre II, qui a pour objectif d’accompagner de manière très concrète l’ensemble des acteurs économiques. Je vous propose d’en faire le tour.
Pour les entreprises, d’abord, cela signifie adopter de nouveaux modes de production plus respectueux de l’environnement. C’est l’un des piliers du plan France relance et de ses programmes d’investissement. Parce que la recherche fondamentale d’aujourd’hui préfigure les avancées technologiques d’après-demain, nous nous devons d’être au rendez-vous. C’est pourquoi, à l’article 14, nous avons aligné la stratégie nationale de recherche sur la stratégie bas-carbone et la stratégie biodiversité.
Cela veut dire aussi consommer autrement, notamment en matière d’énergie. L’extension de l’obligation d’équiper le toit de certains bâtiments professionnels de plus de 500 mètres carrés de dispositifs de production ou d’économie d’énergie a été renforcée en commission spéciale. Pour étendre encore le champ des toits vertueux, je vous proposerai d’y intégrer les immeubles de bureau.
Cela signifie également que l’entreprise doit anticiper ses changements pour accompagner les salariés dans la transition. Au cours des prochaines années, les directeurs des ressources humaines (DRH) devront relever un nouveau défi en intégrant au dialogue social les enjeux environnementaux et en accompagnant la transformation des métiers et des organisations. C’est l’objet d’un chapitre entier de ce titre, car, sans accompagnement des salariés dans cette transition, il n’y a pas de vraie loi climat.
Autre acteur de poids : la puissance publique et ses 200 milliards de commande publique, qui constituent un formidable levier de transformation pour des milliers d’entreprises. Il s’agit de devenir exemplaire dans ses actes d’achat, mais aussi dans leur concrétisation, en imposant la prise en compte de l’environnement non seulement dans les critères d’attribution d’un marché, mais également dans ses critères d’exécution, ce qui va au-delà de ce que les membres de la Convention citoyenne pour le climat avaient imaginé. Ensemble, nous irons jusqu’au bout de la logique en étendant ces obligations aux concessions qui, à elles seules, représentent environ 120 milliards d’euros.
Les collectivités territoriales seront amenées, à partir de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), à jouer un rôle plus fort dans le déploiement des énergies renouvelables sur leur territoire. Aussi, pour permettre aux régions et aux parties prenantes d’être véritablement force de proposition, nous défendrons, le rapporteur général et moi-même, un amendement tendant à créer un comité régional de l’énergie, lieu d’échange entre les acteurs au sein de la région, dont les propositions seront attendues pour alimenter le décret relatif aux objectifs de déploiement de la PPE. Le développement de communautés d’énergies renouvelables ou citoyennes, qui permettront à des acteurs locaux et à des citoyens de s’impliquer directement dans la production d’énergies renouvelables, sera un des outils de ce déploiement régional.
Enfin, le texte offre au consommateur, qui est l’acteur principal de l’évolution de l’économie, une nouvelle opportunité de réparer et de moins jeter. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a ouvert la voie, il y a un an. Nous continuons son œuvre avec de nouveaux objets du quotidien : vélos, outils de bricolage et de jardinage motorisés. Dès 2023, leurs pièces devront être disponibles pour au moins cinq ans et, grâce au travail de la commission spéciale, il sera possible d’utiliser, pour les réparer, des pièces issues du réemploi.
Reste un sujet majeur qui nous touche tous et nous inquiète de plus en plus : celui de l’eau, donc des écosystèmes aquatiques ; ce qui nous entoure, ce qui nous protège des inondations et qui atténue les sécheresses, ce qui préserve la biodiversité et la qualité de nos terres agricoles. Nous inscrivons le principe de leur préservation dans le texte et nous reconnaissons les services environnementaux qu’ils nous rendent.
Grâce au travail de notre collègue Martial Saddier, que je remercie de nouveau, nous avons ajouté un article visant à protéger nos ressources stratégiques en eau potable auquel nous apporterons quelques ajustements, parmi lesquels l’accompagnement de l’adaptation des activités humaines dans les zones à protéger.
Nous avons fait de belles avancées en commission spéciale et je me réjouis de la qualité des débats qui ont eu lieu. Je sais que nous allons encore enrichir ce texte en séance et, par avance, je vous en remercie. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Adam, rapporteur de la commission spéciale pour les articles 20 et 21 du titre II.
M. Damien Adam, rapporteur de la commission spéciale pour les articles 20 et 21 du titre II
Notre assemblée va enfin examiner en séance publique la réforme du code minier tant attendue depuis douze ans. Alors que plusieurs projets sont restés dans les cartons ces dernières années, notre majorité prend enfin ce sujet à bras-le-corps pour que la réforme aboutisse.
En effet, le code minier actuel ne répond plus aux attentes sociales et environnementales, et sa dernière modification substantielle date de 1994. Cette réforme est également très attendue par nombre d’entre nous, chers collègues, tant elle aura des conséquences dans nos circonscriptions de métropole et d’outre-mer, que ce soit pour les activités minières passées que pour celles présentes ou futures. À ce titre, je rappelle que cette réforme a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs depuis 2018.
Prévue aux articles 20 et 21 du projet de loi, elle vise avant tout à garantir un haut niveau de protection de notre environnement et de la santé des populations riveraines dans les travaux miniers. Le 1o de l’article 20 étend la liste des intérêts protégés par le code minier, en ajoutant la santé publique, notion aujourd’hui absente du code, afin de mieux prendre en considération la santé des populations riveraines des sites, qu’ils soient fermés ou encore en activité. La plus importante des innovations introduites par la réforme est la prise en considération de tous les enjeux et de tous les intérêts à protéger, à chaque étape de la vie juridique d’une mine, avec la réalisation d’une analyse environnementale, économique et sociale dès l’octroi, l’extension ou la prolongation d’un titre minier, ce qui n’est pas prévu aujourd’hui.
La seconde innovation de la réforme est de prévoir des outils juridiques qui permettront à l’administration de faire respecter efficacement le droit minier et ses nouvelles exigences, à commencer par la possibilité de refuser un titre minier en cas de « doute sérieux » sur la menace significative que son projet représente pour l’environnement, la santé publique ou tout autre intérêt protégé par le code minier. Aujourd’hui, l’État n’en a pas la faculté, alors qu’elle aurait permis d’éviter un contentieux comme celui de la Montagne d’or. En outre, l’amendement de notre collègue Lénaïck Adam a permis de renforcer très significativement les sanctions contre les infractions au droit minier, s’agissant d’activités illégales et d’atteintes aux intérêts environnementaux. Quant à moi, je vous proposerai de soumettre les activités minières au régime de la responsabilité environnementale, et d’étendre les garanties financières demandées aux opérateurs, afin de couvrir notamment les éventuelles interventions en cas d’accident avant ou après la fermeture d’un site, ce qui constitue une mesure très concrète.
Si plusieurs des évolutions annoncées seront précisées par voie d’ordonnance, l’article 20 propose déjà des mesures d’application immédiate relativement à l’après-mine. Ainsi, il renforce la consultation des communes et systématise une nouvelle participation du public aux décisions relatives à l’arrêt des travaux, afin d’éclairer le préfet sur les enjeux locaux.
Ensuite, l’article 20 prolonge pendant trente ans la police résiduelle des mines, qui permet au préfet d’obliger un ancien opérateur à intervenir en cas de menaces survenant après la fin de son activité, comme c’est le cas aujourd’hui pour les sites industriels, les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). En commission spéciale, je vous ai proposé un amendement visant à sécuriser le point de départ de cette responsabilité trentenaire.
Enfin, l’article 20 permet d’engager une action en responsabilité à l’encontre de la société mère d’un opérateur qu’elle aurait volontairement laissé faire défaut. Cette mesure permettra à l’État de retrouver un responsable dans l’après-mine.
J’ajoute que nos travaux devront également répondre à une préoccupation très importante pour beaucoup de parlementaires avec qui j’ai pu échanger : le traitement du dommage minier. Sans anticiper la suite des débats, le Gouvernement proposera d’étendre l’habilitation à légiférer par ordonnance pour définir ce qu’est un dommage minier et réformer son régime de réparation et d’indemnisation, ce sujet complexe méritant une ample concertation.
En outre, la réforme du code minier présente une dimension stratégique majeure. Aujourd’hui, nos industriels sont entièrement dépendants des ressources minérales d’autres pays, comme la Chine, qui ne respectent pas nos exigences sociales ni environnementales. Par conséquent, il est indispensable de donner les moyens à la France de relancer de manière raisonnée et responsable la valorisation des ressources de nos sous-sols, en se dotant d’une véritable stratégie nationale, afin d’assurer notamment notre transition écologique.
À propos de transition, la réforme du code minier inscrite dans le projet de loi reconnaît à une énergie d’avenir, l’hydrogène, un rôle majeur, en établissant un cadre juridique pour son stockage souterrain.
Pour conclure, l’article 21 comprend un volet consacré à l’outre-mer, notamment à la Guyane, avec deux axes principaux : simplifier les procédures pour les petits projets miniers ultramarins et accentuer encore la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane qui est un véritable fléau pour notre pays. À ce sujet, nous avons voté en commission l’introduction de deux articles additionnels. Le premier habilite les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) et de l’Office national des forêts (ONF) à constater les infractions au code minier sur tout le territoire de la Guyane. Le second étend le report du début de la garde à vue autorisé en Guyane à l’ensemble des infractions au code minier.
Telle est la réforme du code minier inscrite dans le projet de loi. J’espère vous avoir convaincus qu’elle était utile et nécessaire. (Applaudissements
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Absolument !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur de la commission spéciale pour le titre III.
M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur de la commission spéciale pour le titre III
Je tiens tout d’abord à souligner le travail effectué par la commission spéciale qui a enrichi le projet de loi, fruit du travail préparatoire de la Convention citoyenne pour le climat, que je salue.
Attente, espoir, demande de plus d’ambition pour certains, inquiétude et colère pour d’autres, le projet de loi ne laisse personne indifférent. Pour les responsables politiques que nous sommes, cela crée un double devoir : être à la hauteur des attentes des Français face aux enjeux du dérèglement climatique, mais aussi accompagner dans tous les territoires la transition écologique et sociale ambitieuse que nous défendons. Nous partageons tous la conviction que le statu quo n’est plus une option, qu’il est nécessaire de faire entrer l’écologie dans la vie quotidienne des Français. C’est précisément ce que je vous propose dans le titre III, « Se déplacer », dont j’ai l’honneur d’être rapporteur.
Le chapitre Ier renforce le développement de mobilités durables, ce qui passe par un objectif intermédiaire de décarbonation du parc automobile français. Ainsi, 2030 marquera la fin de vente des voitures thermiques les plus polluantes. Je défendrai également en séance un amendement visant à fixer à 2040 l’objectif de fin de vente des véhicules thermiques lourds de transport de personnes et de marchandises. Parce que le développement des mobilités douces est primordial, je reste convaincu que le vélo a toute sa place dans le texte et que le soutien financier est la clé de la réussite. C’est pourquoi je vous proposerai un amendement qui élargit la prime à la conversion aux cycles et aux vélos électriques. (Applaudissements
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Très bien !
M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur
Afin de favoriser l’intermodalité, le texte a été enrichi de propositions relatives à l’équipement des parkings-relais en stationnements sécurisés pour vélos. Nous devons maintenant aller plus loin dans l’équipement des parcs de stationnement, en rendant obligatoire l’installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Enfin, l’instauration des zones à faibles émissions mobilité dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants et l’obligation d’expérimenter des voies réservées aux abords de ces zones constituent des éléments essentiels de la lutte contre la pollution atmosphérique. Je souhaiterais également renforcer en séance le développement d’itinéraires cyclables dans toutes ces zones.
Le chapitre II vise à réduire l’incidence du transport routier de marchandises sur l’environnement, notamment en supprimant l’avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont bénéficient les transporteurs de marchandises sur le gazole routier à l’horizon 2030 et ce, dans le cadre européen.
M. Jean-Luc Mélenchon
Ah !
M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur
Bien que convaincu que rail et route ont des complémentarités encore sous-exploitées, je souhaite affirmer devant vous que la transition énergétique passera aussi par le camion vert.
M. Jean-Luc Mélenchon
Ah !
M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur
Le transport routier de marchandises est un secteur stratégique. C’est pour cette raison que l’accompagnement des transporteurs français dans la transition est primordial. Nous avons commencé à le faire, nous continuerons.
M. Bruno Millienne
Très bien !
M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur
Pour que l’effort de réduction des émissions ne pèse pas uniquement sur les transporteurs, les entreprises « chargeurs » devront élaborer des plans d’action de réduction de leurs émissions, en prévoyant notamment le recours aux modes fluvial et ferroviaire.
Enfin, l’objectif de neutralité carbone nécessite de limiter la croissance du trafic aérien et les émissions de ce secteur, dont je connais les difficultés actuelles. La suppression des lignes aériennes lorsqu’il existe une alternative en train de moins de deux heures trente, et l’interdiction de la construction ou de l’extension d’aéroports permettront d’atteindre cet objectif.
Mme Delphine Batho
Sauf que ce n’est pas dans le texte !
M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur
Le mécanisme de compensation carbone des vols domestiques constitue également un outil innovant dont il sera nécessaire de mesurer les effets à plus long terme. C’est pourquoi la commission spéciale a adopté un amendement visant à la publication d’un bilan annuel relatif à l’application des programmes de compensation.
Mes chers collègues, je suis convaincu que nous aurons des débats riches car nous partageons tous, j’en suis certain, le même objectif : réduire largement les émissions de gaz à effet de serre des secteurs, tout en préservant la compétitivité du transport français et en accompagnant nos concitoyens vers des mobilités plus propres et plus durables. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Nogal, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres Ier et II du titre IV.
M. Mickaël Nogal, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres Ier et II du titre IV
J’ai l’honneur d’être rapporteur de la partie « Se loger » du projet de loi, laquelle porte sur les enjeux relatifs à la rénovation énergétique des logements et à la réduction de la consommation d’énergie.
Le projet de loi qui nous réunit représente un tournant dans la lutte contre le dérèglement climatique. Le texte que nous voterons s’inscrit dans un travail collaboratif, qui a débuté avec les propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat, exercice démocratique inédit voulu par le président Emmanuel Macron.
Le logement est au cœur de notre ambition. En effet, le secteur du bâtiment représente 45 % de la consommation d’énergie dans le pays et un quart des émissions de gaz à effet de serre. Sans amélioration de la performance énergétique et environnementale du bâti, il n’est pas de transition écologique possible. Les enjeux sont environnementaux, mais aussi sanitaires, sociaux et économiques. En même temps qu’elle représente le plus grand vivier d’économie de CO2, la rénovation énergétique constitue aussi la promesse d’une vie meilleure pour tous les Français.
Nous devons aujourd’hui tout mettre en œuvre pour y parvenir. Nous ne partons pas de rien : des avancées considérables ont déjà été réalisées depuis le début de la législature, notamment dans la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN), la loi relative à l’énergie et au climat, et le plan de relance, dans le cadre duquel l’État investit 6,7 milliards d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments. Beaucoup a été fait, mais le chemin est encore long.
Alors que l’ancien diagnostic de performance énergétique (DPE) – cette fameuse étiquette qui classe les logements de A à G – indiquait uniquement la consommation d’énergie, le DPE nouvelle génération prévu à l’article 39 est une étiquette unique associant la consommation du logement et ses émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, ce nouveau DPE, qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain, constitue une avancée majeure dans la prise en considération de l’incidence environnementale des logements. Il sera également plus fiable qu’aujourd’hui et rendu opposable pour mieux protéger l’ensemble des propriétaires et des locataires.
Si nous voulons atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés, c’est-à-dire la sobriété énergétique et la neutralité carbone à horizon 2050, il nous faut réunir trois conditions essentielles que nous allons inscrire ensemble dans le projet de loi. Tout d’abord, donner à tous les Français un égal accès à l’information sur tout le territoire grâce au guichet unique dédié à la rénovation prévu à l’article 43.
M. Jimmy Pahun
Très bien !
M. Mickaël Nogal, rapporteur
Ensuite, en nous inspirant des recommandations de la mission Sichel, nous proposerons un accompagnement clés en main, qui permettra de guider l’ensemble de nos concitoyens dans leur projet de rénovation, de son élaboration jusqu’au contrôle des travaux réalisés, en passant par l’accès au financement ou le choix de professionnels reconnus. Enfin, la trajectoire ambitieuse que nous fixons dans le projet de loi ne peut se concrétiser que par un engagement fort de l’État d’investir dans le temps, afin de réduire le reste à charge des ménages, en particulier des plus modestes, grâce à un système stable et durable d’aides publiques.
Saluons au passage l’effort sans précédent du Gouvernement, qui consacre 2 milliards d’euros du plan de relance à la rénovation énergétique des logements, à travers MaPrimeRénov’. Cet effort, tout simplement inédit, devra se poursuivre.
La trajectoire prévue implique d’accompagner l’ensemble des Français dans la rénovation, qu’ils soient propriétaires occupants ou propriétaires bailleurs, qu’il s’agisse d’une maison individuelle ou d’une copropriété. Quant à l’interdiction de mise en location des passoires énergétiques, elle s’appliquera dès 2025 pour tous les logements classés G,…
Mme Delphine Batho
Non, c’est faux !
M. Mickaël Nogal, rapporteur
Nous allons travailler, chère collègue ; attendez de voir les amendements. L’interdiction s’appliquera, donc, dès 2025 pour tous les logements classés G, ce qui représente près de 600 000 logements.
En 2028, l’interdiction sera étendue aux logements classés F, ce qui représente un total de 1,8 million de logements. Enfin, nous voulons aller encore plus loin avec le Gouvernement, en interdisant la mise en location des logements classés E en 2034. (M. le rapporteur général
Le travail en commission spéciale nous a notamment permis d’avancer ensemble sur la définition de la rénovation globale et performante. Nous précisons ainsi les six postes de travaux de rénovation énergétique sur lesquelles les rénovations performantes pourront s’appuyer et nous fixons une définition de la rénovation globale.
Les mesures relatives au logement constituent une pièce maîtresse du projet de loi et de notre stratégie face à l’urgence stratégique qui, je le rappelle, s’impose à nous tous. Enrichies par le travail parlementaire, elles n’ont pas de précédent et s’élèvent à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Causse, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres III à V du titre IV.
M. Lionel Causse, rapporteur de la commission spéciale pour les titres III à V du titre IV
Le projet de loi dont nous commençons l’examen dans l’hémicycle est d’une ampleur inédite. C’est un pas de plus vers une consommation et une production plus vertueuses, des déplacements plus respectueux de l’environnement, des logements et des villes plus vertes et une alimentation plus durable. Outre sa portée écologique, ce texte s’appuie sur un exercice démocratique inédit, qui allie la participation des citoyens à la représentativité du Parlement.
Après deux semaines d’examen intense en commission spéciale, je suis particulièrement fier des avancées que nous proposons dans la partie consacrée à la lutte contre l’artificialisation des sols, dont je suis le rapporteur et qui a fait couler beaucoup d’encre – elle a fait l’objet de plus de 1 000 amendements en commission spéciale et de près de 1 500 amendements pour la séance.
Durant l’examen en commission spéciale, j’ai toujours tenu à maintenir l’équilibre entre les élus locaux et les citoyens – pour ancrer le texte dans le territoire –, avec les agriculteurs – pour la protection des espaces agricoles –, avec les associations – pour leur ambition en matière de protection des espaces et de la biodiversité –, ainsi qu’avec les acteurs économiques – pour leur capacité à revitaliser nos villes.
Nous gravons dans la loi un objectif de réduction par deux de l’artificialisation des sols entre la décennie qui vient de se clore et celle à venir. C’est un objectif indéniablement ambitieux, qui limitera la tendance des collectivités à ouvrir toujours plus d’espace à urbaniser, tout en les accompagnant, par le biais de nombreux outils permettant de densifier et améliorer le bâti existant.
Nous formulons une définition claire de l’artificialisation des sols. L’objectif en la matière sera fixé pour chaque région, qui veillera ensuite à assurer une répartition équilibrée de l’effort sur son territoire, dans le cadre d’une planification…
M. Jean-Luc Mélenchon
Une planification ? Mais que vous arrive-t-il ?
M. Lionel Causse, rapporteur
…et en fonction des situations des bassins de vie.
Notre objectif n’est pas tant d’empêcher la consommation des sols que de la rendre intelligente, proportionnée, et de l’adapter aux besoins. Nous renforcerons donc en même temps les outils de mesure et d’analyse de l’artificialisation.
Dans le même objectif d’adaptation de notre urbanisation, nous limiterons l’implantation, en périphérie des villes, des grandes surfaces commerciales, qui sont très consommatrices d’espaces et impliquent un grand nombre de déplacements très polluants. Un tel moratoire permettra de protéger les commerces de proximité, donc de revitaliser les centres-villes.
Le texte comprend en outre des mesures visant à améliorer la connaissance qu’ont les collectivités de leur foncier et les outils dont elles disposent pour mener des opérations de requalification, notamment des friches, confortant ainsi l’action impulsée par le plan de relance et par le fonds friches.
En parallèle de cette action visant à mieux maîtriser la croissance urbaine, le texte comprend des mesures renforçant nettement la protection des espaces naturels, par exemple l’inscription dans la loi d’une stratégie nationale des aires protégées, qui fixe l’ambition de protéger 30 % de notre territoire.
Enfin, et c’est une partie que j’ai à cœur en tant qu’élu des Landes, nous inscrivons dans la loi des outils pour lutter contre le recul du trait de côte dans les territoires littoraux. Grâce à la création d’un zonage selon le degré d’exposition, à l’identification des communes à risques et à l’instauration d’un droit de préemption, les élus du littoral pourront améliorer la résilience de leurs collectivités. C’est le fruit d’un long travail entre l’État, les collectivités et les députés du groupe d’études sur le littoral, dont nous pouvons réellement nous réjouir.
Si nous avons consolidé les acquis des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, je suis également très fier des avancées obtenues en commission spéciale, qui permettent de porter encore plus loin l’ambition de ce texte, à commencer par le fameux article 52 sur l’interdiction de construction de nouveaux centres commerciaux.
J’entends la demande de certains d’y inclure les entrepôts logistiques d’e-commerce, tant pour résoudre le problème posé par leur concurrence déloyale avec les autres commerces que pour rendre plus vertueuse leur implantation dans nos territoires. Malheureusement, une simple interdiction ne résoudrait pas la question environnementale et augmenterait les externalités négatives. Pour agir malgré tout, et afin de permettre aux élus locaux, au plus près du terrain, d’instaurer une planification territoriale cohérente, j’ai proposé d’inclure les entrepôts logistiques dans les documents d’urbanisme. (M. Mounir
Concernant la biodiversité, nous avons ajouté aux 30 % d’aires terrestres et marines protégées 10 % d’aires fortement protégées, conformément aux engagements du Président de la République.
Pour lutter contre l’hyperfréquentation touristique des hauts lieux de la nature et protéger ces espaces durablement, nous inscrirons dans la loi le droit, pour les élus locaux, d’en réguler l’accès.
L’ensemble de ces mesures nous promet de beaux débats en séance, que je souhaite apaisés, constructifs et pragmatiques. Nous devrons être à la hauteur des attentes des Français qui, hier encore, en manifestant pour le climat, ont montré qu’ils attendaient un changement de paradigme dans l’ensemble des pans de notre quotidien. L’heure est donc à l’action, et nous devons tous absolument être au rendez-vous. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à Mme Célia de Lavergne, rapporteure de la commission spéciale pour le titre V.
Mme Célia de Lavergne, rapporteure de la commission spéciale pour le titre V
Pour évoquer le titre V du projet de loi, « Se nourrir », permettez-moi de vous amener de la fourche à la fourchette.
La fourche, d’abord. De tout temps, les paysans ont déployé leur énergie, leur savoir-faire et leur inventivité pour répondre aux attentes de la société : nous nourrir toujours plus, toujours mieux, en respectant leur outil de travail, la terre, bien commun de l’humanité et leurs bêtes. Aujourd’hui, ils font aussi face au dérèglement climatique et s’y préparent. Je veux avant tout rendre hommage à leur dévouement et à leur capacité d’adaptation et de transformation. Des efforts, ils en ont déjà fait, et de considérables. Ils sont prêts à en faire davantage mais, pour cela, ils veulent notre considération et la juste rémunération de leur travail. Cette rémunération, nous y travaillons depuis la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi ÉGALIM ; bientôt, notre collègue Grégory Besson-Moreau vous présentera en outre une proposition de loi sur ce sujet.
Le chemin à parcourir est immense. La rémunération des producteurs baisse depuis plus de trente ans ; la moitié d’entre eux gagnent moins de 500 euros par mois. Selon l’INSEE, c’est la profession qui travaille le plus mais qui gagne le moins, et, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, celle dont le taux de suicide est le plus élevé. Nous devons une juste rémunération aux producteurs : pour eux, pour la souveraineté alimentaire de notre pays et pour le climat, car, toutes les études le montrent, un paysan qui gagne bien sa vie est un paysan qui transforme plus facilement ses pratiques.
Pour faire progresser ce sujet en mobilisant le consommateur, qui constitue un maillon très puissant pour le changement des pratiques des distributeurs et des industriels, je défendrai un amendement visant à expérimenter un indicateur, pour chaque produit alimentaire, de la juste rémunération au producteur – une sorte de « rémunéra-score », sur le modèle du nutri-score, qui permettra un choix responsable et éclairé du consommateur et incitera les industriels et distributeurs à les considérer davantage.
En matière d’enjeux climatiques, le projet de loi cible les émissions d’ammoniaque et de protoxyde d’azote, qui représentent 42 % des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française.
En France, si la question de l’azote a été traitée sous l’angle des nitrates présents dans l’eau et si les agriculteurs ont déjà diminué l’utilisation d’engrais azotés minéraux de 20 % depuis 1990, force est de constater qu’il reste un long chemin à parcourir quant aux pollutions dans l’air. Nous devons le parcourir ensemble : exécutif, Parlement et agriculteurs. C’est selon moi le seul moyen pour aboutir sur cet enjeu commun, et c’est le sens des amendements déposés en commission spéciale, qui permettront au Parlement de disposer annuellement d’un état des lieux des efforts en la matière, donc de légiférer en amont de chaque projet de loi de finances en connaissance de cause. Si les objectifs fixés aux articles 62 et 63 ne sont pas respectés, l’instauration d’une fiscalité adaptée est prévue ; surtout, des budgets ad
Mme Célia de Lavergne, rapporteure
Venons-en à la fourchette et à nos assiettes. L’article 59 ouvre le débat de la place du repas végétarien dans nos cantines et l’article 60 celui de la qualité de la restauration collective. Ma conviction est simple : cessons d’opposer défenseurs de la viande et végétariens.
Mme Barbara Pompili, ministre
Très bien !
M. Erwan Balanant
Et puis, jusqu’à preuve du contraire, un producteur de légume est aussi un agriculteur !
Mme Célia de Lavergne, rapporteure
Les éleveurs eux-mêmes ne le font pas. Comme nous y invitent les Français, remettons de la qualité, de la proximité dans nos assiettes et mettons-y davantage de repas végétariens. (Applaudissements
Ces repas, qui plus est, servent l’environnement, puisqu’une assiette végétarienne est 30 % moins émettrice de gaz à effet de serre qu’une assiette traditionnelle. Je vous propose donc, aux articles concernés, un chemin permettant de concilier équilibre nutritionnel, qualité des produits servis, liberté de choix du régime alimentaire et respect de la libre administration des collectivités territoriales. L’expérimentation, prévue dans la loi ÉGALIM, d’un menu hebdomadaire végétarien serait ainsi étendue.
M. Erwan Balanant
Bravo !
M. Jean-Marie Sermier
Faillite !
Mme Célia de Lavergne, rapporteure
L’État s’engagerait dans une démarche proactive dans les cantines des administrations, des établissements et entreprises publics. Une concertation aurait lieu avec les collectivités, pour les inciter à l’expérimentation et évaluer celle-ci.
Cette démarche sera complétée par l’instauration d’un objectif de qualité spécifique aux produits de l’élevage et de la pêche et d’un objectif en matière de circuits courts, qui permettra aux produits des projets alimentaires territoriaux d’entrer dans nos cantines. (Applaudissements
M. Jean-Marc Zulesi
Bravo !
Mme Célia de Lavergne, rapporteure
Ainsi, chers collègues, ces travaux nous invitent à mettre plus de durabilité, plus d’équité, plus de souveraineté alimentaire dans nos assiettes, et de tout cela nous débattrons très prochainement. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission spéciale pour le titre VI.
M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission spéciale pour le titre VI
En commission spéciale, nous avons débattu longuement sur le texte proposé par le Gouvernement à l’issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Je veux saluer nos débats, qui furent sérieux, passionnés et constructifs ; je forme le vœu que cette écoute républicaine et cette volonté d’améliorer le texte se maintiennent en séance. Nous honorerons ainsi la représentation nationale et prouverons l’efficacité d’une démocratie continue, articulant démocratie participative et démocratie représentative.
Une société repose sur des normes instaurées collectivement. Si le droit, instrument de nos choix sociétaux, reflète notre relation aux biens et à autrui, les lois doivent aussi, désormais, poser le cadre de notre relation à l’environnement, à la nature. Les citoyens et les citoyennes membres de la Convention ont ainsi souhaité introduire dans notre arsenal législatif un crime d’écocide défini en ces termes : « Constitue un crime d’écocide toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées. »
Cette idée de crime d’écocide reposant sur les limites planétaires est stimulante mais, en approfondissant ce concept, à la lumière des nombreux travaux dont il a fait l’objet, force est de constater que la création de ce crime soulève de nombreuses interrogations.
Un premier point quasi unanime qui ressort des auditions que nous avons menées est que le crime d’écocide doit s’envisager dans une perspective transnationale et supranationale. Il n’a pas aujourd’hui d’intérêt à l’inscrire dans notre droit national et, pour les défenseurs de l’environnement, les acteurs de terrain, les avocats et enfin les magistrats, cette nouvelle qualification proposée par les citoyens n’est pas l’enjeu.
Pour autant, la volonté des citoyens est légitime, et je pense que nous la partageons tous. Mais, si nous devons mieux protéger la nature, j’ai acquis la conviction qu’inscrire le crime d’écocide dans notre droit national n’est ni l’urgence ni la solution pour une justice plus protectrice de nos écosystèmes vivants.
Comment avancer, alors, pour mieux protéger l’environnement, punir ceux qui trichent et offrir un cadre juridique fiable aux acteurs économiques ? Nous avons déjà des normes et des règlements, mais les questions que nous devons nous poser consistent à déterminer si notre modèle juridique est suffisamment protecteur : est-il efficace ? Est-il compréhensible par tous les acteurs – économiques, associatifs –, par les pouvoirs publics et par les citoyens ?
Au mois de décembre 2020, dans le cadre du texte sur le parquet européen, nous avons posé une partie des fondations du chantier devant permettre d’assurer une meilleure effectivité du droit de l’environnement. Il résulte en particulier de ce texte que, avec la création de juridictions spécialisées en matière d’environnement, des conventions judiciaires d’intérêt public en matière d’environnement pourront désormais être conclues ; en outre, les inspecteurs de l’Office français de la biodiversité se voient attribuer des compétences de police judiciaire.
En commission spéciale, nous avons continué ce travail et, même si je regrette que nous n’ayons pas adopté certaines de mes propositions qui auraient sécurisé les dispositifs des articles 67 et 68 et auraient vraisemblablement renforcé leur efficacité, il faut saluer des avancées significatives sur la mise en danger de l’environnement, les peines complémentaires, le délai de prescription de l’action publique, la sanction de restauration du milieu naturel, le relèvement du montant des amendes et, enfin, la création d’un bureau enquête accident dédié aux risques industriels.
Nos débats devront nous mener encore plus loin, par exemple avec l’adoption des amendements sur la question des référés environnementaux, qui constitueraient une réponse bien plus efficace qu’un crime d’écocide, sans aucune portée.
Enfin, il nous faudra nous donner les moyens d’évaluer les dispositifs du texte. Nous avons été nombreux à mettre en exergue cette question du pilotage de la trajectoire carbone et de l’évaluation climatique des lois, et le titre VI est une première brique apportée en réponse à cette délicate question.
Notre société ne peut plus ignorer les enjeux de la nouvelle relation que nous devons construire avec les écosystèmes vivants et la nature ; notre société ne peut plus s’organiser sans tenir compte de la place de notre nature, de son droit à exister, à se régénérer et à s’épanouir.
Ouvrir la voie à de nouvelles dispositions juridiques, les réorganiser et créer des instances spéciales de protection de la nature permettra à la France, pionnière en matière de libertés fondamentales, de prendre part à cet effort collectif et de répondre à cette exigence éthique de préservation de l’environnement. Si nous menons ce chantier à son terme, nous protégerons nos ressources efficacement et saisirons notre dernière chance de léguer aux générations futures une planète harmonieuse et saine. (Applaudissements
M. Bruno Millienne
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente de la commission spéciale.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente de la commission spéciale
Voici venu le temps parlementaire sur un projet de loi qui, à plusieurs égards, a connu un parcours hors norme. Hors norme, d’abord, du fait de sa genèse, que tout le monde connaît : pour la première fois, il a été fait appel à un panel de citoyens, chargés d’élaborer des propositions pour répondre au défi le plus urgent que nous ayons à relever, la lutte contre le réchauffement climatique.
Ce défi, nous le connaissons bien pour avoir, à plusieurs reprises, délibéré et adopté des mesures visant à transformer notre économie et à l’accompagner dans sa nécessaire décarbonation. Je ne reviendrai pas ici sur les avancées inscrites dans la loi ÉGALIM, la loi ÉLAN, la loi relative à l’énergie et au climat, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ou encore la loi d’orientation des mobilités : chacun se souvient de nos débats, particulièrement nourris, notamment dans cet hémicycle.
Le projet de loi qui nous est soumis est l’occasion de les approfondir, comme nous avons commencé à le faire en commission spéciale. La Convention citoyenne pour le climat, que je salue, a donc émis des propositions, dont certaines, de nature législative, ont été intégrées dans ce projet de loi mais également dans le projet de loi sur le parquet européen, adopté en décembre 2020, ainsi que dans le projet de loi constitutionnelle modifiant l’article 1er de la Constitution, adopté le 16 mars dernier.
Nous avons procédé à de nombreuses auditions avant même le dépôt du texte à l’Assemblée nationale, puis en commission spéciale, en parallèle de toutes celles menées par nos rapporteurs, qui ont accompli à cette occasion un travail remarquable et même colossal au vu du temps qui leur était imparti. Je souhaite évidemment les saluer, tant ils ont démontré une nouvelle fois toute l’utilité du travail préparatoire mené par les parlementaires avant de délibérer. Permettez-moi aussi de remercier le Gouvernement qui a, tout au long de ce processus, fait preuve d’une grande disponibilité.
Ce texte est également hors norme par l’ampleur de l’initiative parlementaire qu’il a suscitée, ce qui est normal, eu égard aux enjeux essentiels qu’il soulève ; c’est en effet la vie quotidienne et les activités humaines dans leur ensemble qui sont concernées par la transition écologique que nous devons mettre en œuvre. Pas moins de 3 850 amendements ont été débattus, pendant plus d’une centaine d’heures, en commission spéciale, ce qui témoigne du sérieux de nos travaux et de l’implication de chacun dans les débats. Je veux, là aussi, saluer tous les membres de la commission spéciale qui ont siégé, y compris le week-end, pour débattre et argumenter des différentes politiques et options envisageables. L’implication de chacun doit être soulignée, car de nombreux sujets ont pu être précisés, complétés et approfondis.
Ce plein exercice de l’initiative parlementaire trouve d’ailleurs sa traduction dans le fait que, de 69 articles initialement, le projet de loi est passé à 127 articles après son examen par la commission spéciale. Voilà qui me semble démontrer toute l’utilité de la discussion parlementaire, qui a permis d’avancer sur des sujets importants, que ce soit en matière d’information du consommateur, d’activités productives, de transport, d’agriculture et d’alimentation, de logement et d’urbanisme ou encore de protection judiciaire de l’environnement.
À cet égard, le projet de loi « climat et résilience » apparaît bel et bien comme un texte ambitieux, qui vise à mettre en œuvre une transition réaliste durable et socialement acceptable, notamment dans le contexte de crise que nous connaissons.
Un dernier point me semble essentiel. Pour nous permettre de suivre de très près les engagements des acteurs publics et privés impliqués dans cette transition, il nous faudra sans doute aller encore plus loin pour renforcer l’évaluation de la mise en œuvre des mesures et des trajectoires inscrites dans ce texte. Sans une évaluation et sans un pilotage précis de cette loi, nous serions dépourvus de moyens pour en mesurer l’efficacité et en ajuster les trajectoires. C’est le sens de l’amendement que nous vous présenterons avec le rapporteur général, à la toute fin de l’examen du texte.
La discussion en séance publique doit nous permettre d’aller plus loin encore pour enrichir le texte et poursuivre le travail accompli par la commission spéciale. Je ne doute pas que nous saurons être collectivement à la hauteur de ses enjeux, à la hauteur des attentes exprimées par les citoyens, les jeunes en particulier, qui se mobilisent partout et en nombre face à l’urgence climatique. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à Mme Liliana Tanguy, au nom de la commission des affaires européennes.
Mme Liliana Tanguy
Je m’exprime aujourd’hui en tant que rapporteure pour observation de la commission des affaires européennes sur ce projet de loi qui a pour objectif de traduire, sur le plan normatif, 46 des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Ce n’est donc pas un texte de transposition ni d’adaptation au droit de l’Union européenne. Toutefois, de nombreuses dispositions du texte ont un lien avec les ambitions environnementales européennes, récemment renforcées par la présentation du pacte vert pour l’Europe.
Ce projet de loi « climat et résilience » part du constat des citoyens, partagé par le Gouvernement et moi-même, de la nécessité d’agir très rapidement pour la protection de la planète, tant au niveau national qu’au niveau européen, mais aussi à l’échelle de nos territoires, déjà très affectés par les conséquences du dérèglement climatique : j’ai une pensée toute particulière pour ma circonscription du Finistère, qui fait face à l’érosion des côtes du pays bigouden.
M. François-Michel Lambert
Bien joué !
Mme Liliana Tanguy
Je salue également l’excellente proposition de loi pour une alimentation durable, élaborée par les élèves de l’école de Saint-Jean-Trolimon, dans le cadre du Parlement des enfants, proposition qui s’inscrit dans l’esprit du titre V du texte que nous examinons.
Ce projet de loi doit aider la France à atteindre les objectifs ambitieux de l’Union européenne en matière climatique : avec l’adoption prochaine de la loi européenne pour le climat, d’ici à la fin de l’année 2021, la cible de diminution des émissions de gaz à effet de serre doit être relevée de 40 à 55 % à l’horizon 2030, par rapport à leur niveau de 1990.
Plus encore, la loi européenne vise la neutralité climatique de l’Union européenne en 2050, comme l’a souligné très précisément dans ses travaux, ma collègue Nicole Le Peih. Pour y parvenir, le pacte vert prévoit différentes stratégies sectorielles, appelant l’adoption ou la révision prochaine des normes européennes, notamment dans le domaine de l’agriculture, du transport ou de l’économie circulaire. Ce sont précisément les domaines dans lesquels les dispositions du projet de loi « climat et résilience » interviennent.
Dans le cadre de ma mission de rapporteure, ma première observation tient donc au caractère mouvant du droit européen en matière climatique et environnementale. En adoptant dès maintenant ce texte ambitieux, défendu avec force et conviction par notre ministre, Barbara Pompili, la France se pose ainsi parmi les États membres les plus exigeants en matière climatique.
Ma seconde observation tient au choix politique dont découle ce projet de loi et qui consiste à anticiper la réglementation européenne à plusieurs égards – notamment sur la question de l’affichage environnemental. Ce texte permet ainsi à la France d’endosser un rôle moteur en matière environnementale dans l’Union européenne et l’incite à être force de proposition dans les négociations à venir pour la concrétisation du pacte vert pour l’Europe.
Ma dernière observation est liée à l’équilibre entre le respect des objectifs européens en matière écologique et la prise en compte des enjeux économiques des différents secteurs concernés que permet ce projet de loi. Ma conviction est que, pour être efficace et juste, la transition écologique et climatique doit s’appuyer sur l’acceptabilité des nouvelles mesures par les citoyens. À cet égard, le projet de loi prend en compte cet accompagnement nécessaire de l’ensemble des acteurs concernés.
Compte tenu de ces observations, mon travail de rapporteure m’a conduite à formuler dix recommandations sur la mise en œuvre de cette transition.
La première catégorie de recommandations concerne les articles qui renvoient aux négociations européennes pour étendre au niveau de l’Union les mesures prévues par le projet de loi. Trois dispositions prévoient ainsi une action prioritaire au niveau européen en matière de gasoil routier, de taxe de solidarité sur les billets d’avion et de redevance sur les engrais azotés minéraux. Sur tous ces sujets, les négociations doivent s’articuler avec l’organisation de la présidence française de l’Union européenne, qui débutera, pour six mois, le 1er janvier 2022, offrant à la France une chance de mettre certaines de ses priorités environnementales à l’agenda des négociations européennes.
La seconde catégorie d’observations vise plus largement à soutenir et à encourager la France dans la défense de positions venant compléter les dispositions du projet de loi : c’est le cas du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui fait l’objet d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat et qui devrait être une priorité forte de la France lors de sa présidence de l’Union.
Pour conclure, je tiens à souligner l’importance de ce projet de loi qui doit permettre à la France non seulement d’atteindre des objectifs européens de plus en plus élevés, mais aussi de s’affirmer comme un État membre, pionnier et ambitieux dans la stratégie environnementale européenne. (Applaudissements
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour trente minutes.
M. Jean-Luc Mélenchon
Deux heures, ça aurait été mieux !
Présidente, ministre, ô combien nombreux rapporteures et rapporteurs (Souriressur
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Faux !
M. Damien Adam
Vous avez dû louper quelques séances !
M. Jean-Luc Mélenchon
L’ampleur du sujet mérite une méditation sur la nature de la réponse qui est attendue de la représentation nationale lorsqu’on l’interroge. Car, si le climat s’intègre dans la géographie dont il est partie prenante, il ne connaît pas pour autant les frontières, ni les nations qu’elles délimitent. Tant et si bien qu’à cette heure, conscients de la globalité du problème qui nous est posé, nous ne délibérons pas tant en députés du peuple français qu’en députés du peuple humain. (M. le
M. Jean-Marie Sermier
C’est vrai.
M. Jean-Luc Mélenchon
Notre délibération aura une influence directe, non seulement sur nos compatriotes, mais sur l’humanité tout entière car, les uns dépendant de l’autre, nous sommes définitivement instruits du fait que l’espèce humaine est en réalité une et indivisible dans l’écosystème dans lequel elle s’intègre, lequel est lui-même indivisible, et que, s’il est probable que les araignées, les abeilles et les vers de terre puissent vivre dans d’autres écosystèmes sans êtres humains, il est absolument certain que les êtres humains, eux, ne peuvent vivre dans aucun autre écosystème que celui où ces bêtes se trouvent.
Nous ne prétendrons pas avoir quelque monopole que ce soit de la conscience écologique au moment où nous rejetterons ce texte. Nous croyons que, dorénavant, tous les partis sont préoccupés par le contexte écologique : tous, sans exception. La discussion ne porte donc pas sur le fait de savoir qui l’est plus ou moins, mais sur celui de savoir comment on l’est.
M. Jean-Marie Sermier
C’est exact.
M. Jean-Luc Mélenchon
Cette discussion est d’une importance idéologique fondamentale à nos yeux car, au fond, nous discutons de la façon dont s’organise la société humaine et de la forme qu’elle prend dans sa relation à la nature. Mais ce n’est pas sur ce terrain qu’a lieu le débat législatif. Il a lieu sur le terrain de la comparaison des mesures concrètes. Le concret est, à nos yeux, le sel le plus révolutionnaire que l’on puisse mettre dans la cuisine politique aujourd’hui. Nous allons rejeter ce projet car il ne comporte pas les mesures concrètes et indispensables qui sont à notre portée et que vous avez décidé de ne pas prendre. Ce qui compte, c’est moins ce que vous proposez de faire que ce que vous décidez de ne pas faire dans ce texte.
M. Bruno Millienne
Ah !
M. Jean-Luc Mélenchon
Comment peut-on faire une loi sur le climat sans dire un mot du moratoire sur les accords internationaux tels que CETA – accord économique et commercial global –, JEFTA – accord de libre-échange entre le Japon et l’Union européenne –, Mercosur – Marché commun du Sud – (Applaudissementssur
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon
…et sans interdiction d’agrandir les aéroports – car les trois que vous avez prévu de limiter se fichent bien de la réglementation que vous êtes en train de proposer ?
M. Erwan Balanant
C’est pour ça qu’on n’a pas fait Notre-Dame-des-Landes !
M. Jean-Luc Mélenchon
Comment peut-on faire une loi sur le climat et sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre sans interdire de louer les passoires thermiques que sont tant de logements ?
Mme Barbara Pompili, ministre
Si, justement !
M. Jean-Luc Mélenchon
Comment peut-on le faire sans abolir la publicité sur les produits polluants ? Comment peut-on le faire sans un mot sur le 100 % renouvelable ? Comment peut-on le faire alors même que les représentants de ce Gouvernement n’étaient pas présents lors du jugement à propos du permis sur la Montagne d’or ? (Applaudissementssur
Mme Huguette Tiegna
La justice fera son travail !
M. Jean-Luc Mélenchon
J’en passe, et sans doute des pires. Tant et si bien que non pas moi, Mélenchon, ni même les Insoumis, qui ont tous signé une pétition pour demander une véritable loi sur le changement climatique (M. le rapporteur général
Ce qui est insuffisant en matière écologique est sans doute inutile – mais, après tout, pourquoi pas –, mais surtout dangereux. Ne pas être à l’heure est dangereux, car le moment écologique est placé sous le signe de l’urgence. Le changement climatique est commencé. Nous sommes certains de passer à une augmentation de température de 1,2o C depuis le début de l’ère industrielle. Nous sommes dans la sixième extinction des espèces, avec une réduction drastique de la biodiversité : 1 million d’espèces menacées. L’élévation du niveau des océans est commencée. Nous savions tous que la question se poserait car, dès la COP21 à Paris, les représentants des États îliens étaient venus protester contre le fait que le document proposé ne les protégeait pas du fait que leur nation serait rayée de la carte par la montée des eaux si l’on en restait à l’élévation de la température prévue. Et c’est parce qu’ils sont intervenus de cette manière que les dirigeants français ont compris qu’il fallait prendre l’initiative de changer le niveau d’élévation de température proposé par la COP21. Pourtant, à la sortie, nous avons tous vu que, dans les documents d’engagement des États, ce n’était pas + 1,5o C degré qu’ils prévoyaient pour eux-mêmes, mais + 3,5o C, autrement dit, la consommation assurée de la catastrophe. Des dizaines d’îles sont déjà englouties ; 12 000 le seront prochainement. Il y a déjà 25 millions de réfugiés climatiques dans le monde ; il y en aura 250 millions, d’après l’Organisation des Nations unies (ONU).
M. Gérard Leseul
C’est vrai.
M. Jean-Luc Mélenchon
L’urgence qui frappe à notre porte n’a rien d’idéologique, elle est concrète. Quand des masses humaines se mettent en mouvement parce qu’il n’y a plus d’eau dans le lac Tchad, quand des masses humaines se mettent en mouvement parce que, ici ou là, la montée de la mer fait que les terres sont acidifiées, il n’y a plus ni raison ni frontière qui tienne contre la faim, la soif et la volonté de protéger sa famille et ses enfants ; les gens se déplacent, ignorant les frontières, ignorant les règles, provoquant un tohu-bohu géopolitique que nous aurons tous à affronter. Tout cela, ce n’est pas de l’idéologie au sens strict, ce n’est pas un débat que nous avons entre nous, c’est du concret. Que faisons-nous concrètement pour mettre notre action au niveau ? Assumons-nous, oui ou non, une bonne fois pour toutes, que l’humanité et la planète tout entière sont entrées dans une ère nouvelle ?
Le grand homme qu’était Paul Crutzen, mort il y a peu, avait, dans les années 1980, provoqué la première convention mondiale impliquant toute l’humanité au sujet des oxydes d’azote, qui faisaient des trous dans la couche d’ozone. C’est la première fois que tout le monde s’est accordé pour prendre des mesures afin d’empêcher que le trou ne s’agrandisse. Nous avons vaincu cette difficulté et, désormais, on nous dit que le trou se réduit ; le problème n’est pas réglé, mais il est en bonne voie d’évolution.
Paul Crutzen avait proposé de définir l’ère actuelle comme l’ère de l’anthropocène. Les premières fois que le mot a été utilisé, il a provoqué beaucoup de surprise : après le pléistocène, l’anthropocène. D’aucuns disent qu’il ne faut pas l’appeler anthropocène, car ce qui est en cause, ce ne serait pas l’être humain, mais le régime économique dans lequel il vit, c’est-à-dire le capitalisme. Je prends l’anthropocène en mémoire de Paul Crutzen et de son travail, dans lequel il commençait par signaler que, comme dans la numérotation des Anglo-Saxons, l’on calcule dorénavant les résultats des examens au carbone 14 d’après une date considérée comme BP, before
M. Damien Adam
Quel rapport avec le projet de loi ?
M. Jean-Luc Mélenchon
Tel est le present, l’empreinte humaine dans la géologie. Elle est absolument incroyable. Le poids de ce que les êtres humains ont fabriqué surpasse désormais celui de tous les êtres vivants.
Mme Huguette Tiegna
Et les mesures concrètes ?
M. Jean-Luc Mélenchon
Le plastique produit pèse deux fois plus que l’ensemble des animaux vivant à la surface de la planète.
M. Erwan Balanant
On veut des solutions !
M. Jean-Luc Mélenchon
L’être humain est dorénavant une force d’érosion et de transformation de la géologie plus grande que n’importe quelle autre force de la nature : le vent, la pluie, les rivières, les fleuves, la mer. L’être humain est donc entièrement, radicalement, absolument responsable de son destin, comme l’annonçaient, dans le livre De
M. Damien Adam
Ce n’est pas avec des citations qu’on protège le climat !
M. Jean-Luc Mélenchon
Je suis heureux de l’hilarité et de l’enthousiasme que cette phrase déclenche chez certains collègues : il est bon de rire dans les cimetières.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Nous, on ne découvre pas la situation !
M. Jean-Luc Mélenchon
Nous sommes entrés dans un moment de basculement : ce moment, c’est celui des dix prochaines années. Certains phénomènes sont irréversibles, nous n’y pouvons plus rien. Vous avez cité tout à l’heure, madame la ministre, l’événement de la vallée de la Roya, et je vous approuve. L’évaporation de la mer Méditerranée, qui est une sorte de lac avec une ouverture de seulement 13 kilomètres sur l’océan mondial, se déroule plus vite que les autres mers du monde, tant et si bien que, pour chaque degré supplémentaire, c’est 7 % de pluies et de condensation en plus, et que toute la façade méditerranéenne est condamnée à des chutes d’eau torrentielles que ni la nature, qui n’était pas prévue pour cela, ni les installations humaines ne sont capables d’amortir.
M. Erwan Balanant
Ça, c’est le diagnostic qu’on a tous. Elle est où, l’ordonnance Mélenchon ?
M. Jean-Luc Mélenchon
Ça vient, attendez ! En 2022, votez pour moi, et vous l’aurez tout de suite. (M. Alexis Corbière applaudit. – Rires
M. Damien Adam
Il faut un projet, pas des critiques !
M. Jean-Luc Mélenchon
Le moment de bascule, c’est celui où la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique et du Groenland modifie le tapis roulant des mers, le Gulf
M. Bruno Millienne
On sait !
M. Jean-Luc Mélenchon
…de telle sorte que toutes les civilisations qui sont le long de ce tapis roulant, depuis les Amériques, en Afrique, en Europe, avec les animaux, les cultures et tout ce qui s’y rattache, tout est menacé, tout est transformé, tous les repères sont changés. Que se produira-t-il ? Un ami géologue à qui je demandais où était passé le Doubs, là où il a disparu, m’a dit : « Il est là-dessous. » Nous avons parlé, et je lui ai demandé : « Alors, qu’est-ce que tu me recommanderais de faire ? »
Plusieurs députés du groupe LaREM
Ah !
M. Jean-Luc Mélenchon
« Est-ce qu’il faut interdire l’imperméabilisation des sols ? » Il me répond : « Oui, pourquoi pas, mais écoute bien : nous sommes entrés dans une phase où, pendant peut-être une décennie ou deux, tous les paramètres seront incertains. » Nous entrons donc dans l’ère de l’incertitude quant à la décision. C’est pourquoi le principe de précaution doit nécessairement être appliqué avec plus de vigueur peut-être que dans le passé, et que, par conséquent,…
M. Bruno Millienne
On ne fait rien !
M. Jean-Luc Mélenchon
…toutes les mesures de protection mutuelle, d’entraide et de précaution doivent être déployées, et évidemment discutées, car il n’est même pas certain qu’elles suffisent. Le déplacement de la mousson ouest-africaine et indienne va mettre en mouvement des millions de personnes à qui, à moins de les condamner à mort, il faudra bien proposer une autre issue.
M. Damien Adam
Ici, monsieur, on fait la loi française !
M. Jean-Luc Mélenchon
C’est le moment de dire que nous ne défendons pas la nature, qui se passe de nous : tel qu’il est, l’univers continuera de rouler dans le silence glacé de son infinitude et les planètes d’y évoluer. Il y aura d’autres animaux, sans doute. Nous ne défendons pas la nature, mais l’écosystème compatible avec l’être humain : celui-là, et celui-là seulement, parce que nous ne savons pas en défendre d’autres. C’est ce que Karl Marx appelait « le corps inorganique de l’homme ».
M. Damien Adam
Encore une citation, pas de proposition !
M. Jean-Luc Mélenchon
Vous pouvez lire Karl Marx, vous savez, ce n’est pas interdit.
Mme Aurore Bergé
On l’a lu, on a été à l’école.
M. Bruno Millienne
Mais oui !
M. Jean-Luc Mélenchon
Vous l’avez lu ? Cela m’étonnerait, cela vous aurait rendu plus intelligents. (Rires
M. Erwan Balanant
Moi aussi, je vais donner des conseils de lecture.
M. Jean-Luc Mélenchon
Voyons maintenant les cycles fondamentaux de l’espèce humaine, perturbés par ce que nous vivons, et vous y rapporterez les mesures du texte pour voir si elles sont – pas un petit peu, totalement – à la hauteur.
Le cycle de l’eau souffre de la fonte des glaces, du changement du régime du Gulf
Le cycle de l’eau est intégralement perturbé.
M. Bruno Millienne
Et donc ?
M. Jean-Luc Mélenchon
Personne ne sait comment faire alors que seul 1 % de l’eau disponible sur la planète est potable. La question de l’eau potable se posera à nous tous et requerra des mesures terribles pour empêcher dès maintenant que cette eau se perde ou qu’elle soit gaspillée, pour empêcher des conflits d’usage réglés pour faire plaisir à telle ou telle clientèle, dont le problème n’est pas qu’elle se bat pour vivre mais qu’elle soit rendue, pour le faire, à des moyens qui nuisent à la vie des autres.
Le cycle de l’air est entièrement déréglé, et un décès sur cinq est lié à la pollution de l’air. Alors évidemment, on va dire que ce n’est que le diagnostic. C’est vrai, mais il faut le faire, et jusqu’au bout. Jusqu’au bout !
Plusieurs députés des groupes LaREM et Dem
On l’a fait !
M. Damien Adam
Nous attendons vos propositions concrètes !
M. Jean-Luc Mélenchon
Je ne parle pas qu’à vous, chers collègues qui ne vous intéressez pas à ce que je dis,…
M. Damien Adam
Si, un peu trop d’ailleurs.
M. Erwan Balanant
Si, vous dites des choses intéressantes.
M. Jean-Luc Mélenchon
…mais peut-être à ceux que cela pourrait intéresser : souffrez qu’il y ait une opposition !
Ce qui est certain, c’est qu’il faut revenir à cette idée pour comprendre et faire comprendre aux autres le danger : l’atmosphère terrestre compatible avec la vie humaine est le résultat d’une pollution datant de quelques centaines de millions d’années, peut-être 2 milliards, lorsque le carbone qui s’y trouvait majoritairement fut transformé en oxygène par des bactéries. Le mécanisme inverse se déroule sous nos yeux ! Nous savons que ces phénomènes peuvent se produire, hier à cause de bactéries, aujourd’hui à cause de nous, êtres humains. Tant et si bien que les scientifiques nous alertent : il faut empêcher le processus qui conduit à la raréfaction de l’oxygène.
Pour cela, il faut interdire la destruction des puits de carbone qui existent et il faut le faire maintenant dans la loi ! Les coupes rases n’ont pas de sens parce qu’elles épuisent les puits de carbone et que soixante ans sont nécessaires pour reconstituer la fertilité du sol alors qu’on en replante pour quarante ans. Ce sont ces cycles économiques qu’il faut rompre ! Et cela se décide maintenant !
Il y a bien des paysans dans notre assemblée : ils savent où en est le cycle de la terre. La part de la matière organique dans la terre que nous travaillons – car ce n’est que cela, la terre ! – s’est réduite de moitié. En cinquante ans, la fertilité des sols a baissé de 23 %. Tout cela concerne la survie de toutes sortes de bestioles qui s’y trouvent et qui ne meurent que de ce qu’on y met, c’est-à-dire ces tonnes de pesticides qu’il faut interdire maintenant, tout de suite, pas après-demain.
Outre le cycle de la terre, le cycle de l’air, le cycle de l’eau, il y a celui du jour et de la nuit, qui rejoint celui de la veille et de l’éveil, dont nos législations sont encore plus directement responsables. Le temps de sommeil est passé, dans le monde, de dix heures à six heures et demie. Un quart de la planète est éclairée en permanence,…
M. Damien Adam
Et combien par Mélenchon ?
M. Jean-Luc Mélenchon
…tant et si bien que tous les cycles sont bouleversés. La moitié du fond sonore animal de la planète a disparu.
Enfin, dans le cycle de la génération, auquel les êtres humains peuvent accorder plus d’importance qu’à d’autres car il est plus immédiat et concerne leur parentèle, la fertilité des hommes européens a baissé de moitié en cinquante ans.
Nombre d’entre vous disent qu’ils sont parfaitement informés de ce diagnostic, sur lequel je viens de revenir pour souligner l’urgence : je le crois très volontiers, c’est la raison pour laquelle, dans la discussion des articles du projet de loi,…
M. Erwan Balanant
Vous défendez une motion de rejet !
Mme Huguette Tiegna
Vous n’êtes pas cohérent
M. Damien Adam
Vous n’avez pas de contre-projet !
M. Jean-Luc Mélenchon
…chacun tranchera, à n’en pas douter, avec l’étendard de l’urgence à la main. Je sais que vous repousserez ma motion de rejet préalable – cet outil existe et je peux bien l’utiliser, vous qui parlez à douze sur ce texte.
La civilisation humaine est aussi menacée par trois autres facteurs. Tout d’abord, le modèle économique qui a consisté à faire baisser tous les prix a accéléré le cycle de la marchandise et de l’argent, en un mot, le capitalisme. Pour appliquer ce modèle, on a développé des élevages ultra intensifs, qui sont les premiers et principaux foyers des zoonoses, celles-ci étant apparues depuis que les êtres humains font de l’agriculture et au sein des premières villes. Leur échelle est maintenant celle de l’économie globalisée, dans laquelle un virus apparaissant à un endroit se répand de manière certaine et endémique sur toute la surface de la terre. Ces élevages sont la cause de la transmission accélérée des épidémies, dont le nombre a triplé lors des quinze dernières années. En outre, les villes, qui constituent aujourd’hui l’habitat essentiel des êtres humains, sont menacées par la montée des eaux puisque les plus grandes villes du monde se trouvent au bord de l’eau. Voilà pour l’habitat.
Ensuite, problème plus terrible encore, les réseaux. À notre époque, ce sont les réseaux qui font les villes et les villes qui font les peuples. Les réseaux collectifs sont indispensables à la production et à la reproduction de l’existence matérielle des gens. Or les réseaux ne sont pas compatibles avec le déchaînement de la violence du changement climatique. Un réseau d’électricité à haute tension, à 40 degrés de température et un vent de 170 kilomètres-heure, n’a plus aucune solidité, comme on a pu le vérifier aux États-Unis d’Amérique où des incendies gigantesques se sont déclarés pour cette raison.
Voilà que le changement climatique est considéré comme une menace pour le système économique dominant lui-même, puisque celui-ci est entièrement globalisé et financiarisé. La Banque centrale européenne, une succursale du parti communiste français sans doute (Sourires
Alors il est possible de parler de principes, raison pour laquelle j’ai voulu poser ce diagnostic : non pour vous apprendre quelque chose – j’ai commencé mon propos par dire que j’étais certain que vous saviez tout cela –, mais pour prendre conscience que la connaissance vous rend plus responsables et plus coupables de tout ce que vous ne faites pas. (Applaudissements
Nous avons résumé notre ligne politique en une phrase : nous visons à faire vivre une société de l’harmonie entre les êtres humains et entre les êtres humains et la nature. En effet, l’harmonie entre les êtres humains, c’est-à-dire la réduction des inégalités sociales, est une contribution directe à la préservation de la planète.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon
Les inégalités sociales tuent, polluent et rendent bêtes. Surtout, elles polluent ! Les personnes appartenant au groupe du 1 % les plus riches polluent deux fois plus que la moitié la plus pauvre de l’humanité ! Quatre banques françaises ont chacune une empreinte carbone supérieure à celle de la France elle-même.
C’est de cela dont on déduit les principes fermes et pas toujours très populaires auxquels il faut se raccrocher pour organiser l’action publique. Tout d’abord, il ne faut pas prélever sur la nature plus de ressources que ce qu’elle peut reconstituer. (Mêmes
M. Erwan Balanant
Ça tombe bien, on est d’accord !
M. Jean-Luc Mélenchon
Enfin, il faut parvenir à la synchronie entre les cycles de l’activité humaine et ceux de la nature. Pour cela, il faut récupérer la propriété collective du temps collectif, aujourd’hui approprié par le cycle du temps court du capitalisme. La propriété collective du temps nécessite de remettre à l’ordre du jour la planification et la prévision : non par idéologie mais parce que cette approche est concrète. Le capitalisme vit aujourd’hui exclusivement dans le temps court ; la durée moyenne de détention d’une action est de vingt-deux secondes dans le marché globalisé. Or la nature vit dans le temps long : le renouvellement d’une forêt de feuillus prend 180 ans, mais on coupe tous les 40 ans. Le temps de l’industrie, c’est le temps long : il s’est écoulé sept ans entre la décision de créer le TGV et son premier lancement. Le temps long est aussi celui de la génération : 13 ans pour amener un jeune enfant de son entrée à l’école jusqu’au baccalauréat. La vie humaine, comme celle de la nature, est faite de cycles longs. Le droit d’intervenir sur ces cycles longs ne doit pas être réservé à ceux qui le possèdent par petites tranches dans le temps court où leur argent gouverne tout.
C’est de cela que l’on déduit les mesures à prendre. Nous avons besoin de temps long pour maîtriser le cycle de l’eau. Nous perdons un litre sur cinq et on me dit que c’est une bonne chose car les litres perdus retournent dans la nature, mais ils ne seront pas dans le même état car ils auront lavé les sols plein de pesticides. Il faut arrêter cette perte. Continuer à rénover les réseaux d’eau au même rythme qu’aujourd’hui demanderait 150 ans ! Nous n’avons pas 150 ans devant nous sur cette question ! C’est la raison pour laquelle nous organisons en ce moment même une votation citoyenne, sous l’autorité de ma collègue Mathilde Panot et d’une série d’associations, pour la propriété collective de l’eau et l’inscription du droit à l’eau dans la Constitution, comme l’avait proposé notre ami et camarade Evo Morales lors d’une séance plénière de l’assemblée générale des Nations unies.
M. Alexis Corbière
Bravo !
M. Jean-Luc Mélenchon
Il faut dépolluer : le glyphosate doit être interdit, point final. Il faut trouver d’autres techniques : les jeunes ingénieurs agroalimentaires, femmes et hommes, sont prêts à inventer ces techniques. Il faut les exiger pour dire qu’on ne mettra plus un seul gramme de glyphosate dans la nature en 2022 !
Mme Barbara Pompili, ministre
Bien sûr !
M. Jean-Luc Mélenchon
Il faut arbitrer les conflits d’usage de l’eau et libérer la paysannerie du poids des dettes qu’elle a dû contracter pour se mettre en ligne avec le modèle agricole actuel. Il convient de l’appeler à développer toute la créativité dont la jeune génération compétente est capable. Je l’ai dit tout à l’heure, nous pouvons agir sur les forêts : nous possédons le deuxième massif d’Europe, nous y pouvons quelque chose ! Nous connaissons depuis le XVIIIe siècle le rapport entre les forêts et le climat. Ce n’est donc pas une invention du moment. Buffon l’explique très bien en évoquant les « colères du ciel », dans un texte que vous pouvez lire. Évidemment, cette croyance a conduit à des abus, mais elle présente un grand intérêt pour notre réflexion.
Nous devons interdire les coupes rases dans les forêts. Nous devons embaucher plus d’agents à l’ONF, leur garantir un statut stable et leur accorder tout ce que la loi leur permet d’avoir, et qui aujourd’hui leur est refusé.
La société pour laquelle nous nous battons à propos du défi écologique ne se résumera jamais à tel ou tel ensemble de règles – même s’il faut évidemment qu’on en parle et qu’on en décide : c’est la société de l’entraide et du partage. Cette histoire va mal tourner, nous le savons tous. Et dans ces mauvais moments, nous nous souvenons de ce que l’anthropologie nous a appris : si, en dépit des mauvaises habitudes qu’elle a prises sous le régime général actuel de l’égoïsme, de la compétition permanente et de l’aspiration à la jouissance de biens inutiles, l’humanité reste ce qu’on l’a vue être pendant des millénaires, on sait que dans la difficulté, c’est la volonté d’entraide qui l’emportera – comme en ce moment d’ailleurs ! Une société de l’entraide, c’est possible : c’est celle des services publics, de la décision en faveur de l’intérêt général, dont elle ne croit pas qu’il résulte seulement de l’addition des intérêts particuliers. La France peut faire beaucoup dans ce domaine, pour le bien de l’humanité : tout d’abord, mettre en partage les savoirs dont elle dispose. Est-ce que ce ne serait pas une grande mesure écologique que de créer une université des océans, puisque nous sommes le deuxième territoire maritime du monde ? (Applaudissements
M. Erwan Balanant
Ça s’appelle l’IFREMER – Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer –, à Brest !
M. Jean-Luc Mélenchon
Dans cette université, on accueillerait tous ceux qui, arrivant d’où ils veulent dans le monde, viendraient étudier et apprendre comment explorer et valoriser cette ressource, au lieu de s’abandonner au tripotage de l’Union européenne, qui achète les stocks halieutiques, les vide et pousse les populations riveraines à la misère !
Société du partage, société de l’entraide : la France peut beaucoup. La plus grande éolienne en mer au monde a été construite en France ; les satellites français se sont mis au service d’une campagne de dépollution des océans en Indonésie ; le CNRS – Centre national de la recherche scientifique, qui a mieux à faire que d’aller surveiller les islamo-gauchistes – est capable de diriger la Coalition mondiale pour les algues.
Il faut que je termine avec des principes, une fois de plus. Je vous ai dit qu’à notre sens, nous étions en ce moment les députés du peuple humain. C’est le moment de constater de nouveau l’unité de l’espèce humaine. C’est le moment de renouveler, pour nous tous qui sommes républicains – en tout cas pour ceux qui le sont – le lien que nous avons avec l’idée d’humanisme dont j’ai parlé tout à l’heure. Oui, c’est un nouvel humanisme qui est réclamé par la période dans laquelle nous vivons.
Au fond, dès le début, il y a eu deux branches : d’une part, les gens disant que les êtres humains sont des animaux comme les autres – ce qui leur a valu bien des bûchers – et que nous ne pouvons pas avoir raison contre la nature, comme le disait le baron d’Holbach au XVIIIe siècle. D’autre part, ceux qui disaient : « Tout ça a été fait pour nous, c’est écrit dans le Livre, et par conséquent, il faut nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Je détesterais qu’on ramène Descartes à cette seule phrase, parce que le doute méthodique qu’il nous a enseigné l’avait lui aussi rapproché du bûcher. Mais c’est avec ce type de formule qu’il faut rompre : nous n’avons pas à être maîtres et possesseurs de la nature…
M. Erwan Balanant
Tuteurs et protecteurs !
M. Jean-Luc Mélenchon
…nous avons au contraire à penser l’harmonie que nous pouvons avoir avec elle. Ce qui nous ramène aux mythes fondateurs : les dieux avaient décidé de munir les vivants de qualités diverses et confièrent cette tâche à Épiméthée…
M. Vincent Thiébaut
Et Casimir, on en parle ?
M. Jean-Luc Mélenchon
…dont on dit qu’en grec, le nom veut dire « celui qui pense après » – il faut que la catastrophe ait lieu pour qu’il se mette à y réfléchir. Épiméthée a donc distribué les talents : tel animal court vite, tel autre a de grandes griffes, etc. Arrive l’être humain, mais il n’y a plus rien pour lui. Alors survient Prométhée, « celui qui pense avant » – une sorte de planificateur –, qui déclare : « Ceux-là, je ne sais pas quoi leur donner ! On va leur donner l’intelligence. » Il leur donne la technique avec, et les rend auteurs de leur propre histoire. C’est ça le point de départ, pour nous tous ; parce que l’idée républicaine est née à ce moment-là. Cet humanisme, qui était d’abord philosophique, est devenu tout de suite un humanisme politique. J’espère être à la hauteur de la dignité qu’il a inspirée à tant d’autres avant moi, et sans doute en même temps que moi à cet instant. Il faut être de ceux qui sont prométhéens, qui réfléchissent avant et qui se souviennent de cette anecdote. Parce qu’une fois que les êtres humains ont eu ce talent, il semblerait que bien vite, ils l’aient employé à s’entre-détruire. Il fut alors décidé, par la faveur des dieux, qu’ils régleraient ces problèmes en en discutant entre eux : pour cela, il y avait la démocratie.
Le principal obstacle auquel nous nous heurtons, ce ne sont pas les êtres humains. L’obstacle auquel nous nous affrontons, c’est le capitalisme…
M. Bruno Millienne
Ah !
M. Jean-Luc Mélenchon
…parce que c’est lui qui, intrinsèquement, est responsable de cette nécessité qu’éprouvent les gens, contre toute raison, d’accumuler sans cesse et de consommer, pour les uns, ou de pâtir sans rien, pour les autres. Ce n’est pas un bon signe, dans les jours que nous vivons, que de voir votre gouvernement, votre Union européenne, voter à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre l’universalisation des vaccins.
Mme Aurore Bergé
C’est bien de redevenir universaliste !
M. Jean-Luc Mélenchon
Comme je suis désolé que mon pays, qui jusqu’en 1959 ne permettait aucun brevet sur les vaccins, n’ait pas été le premier à proposer l’accès libre à la production de ces vaccins ! Tant et si bien qu’aujourd’hui, le sujet est discuté chez M. Biden ! Comme vous en êtes souvent les fidèles caniches, vous finirez vous aussi par le faire, s’il en décide ainsi.
M. Damien Adam
C’est mieux que Morales !
M. Jean-Luc Mélenchon
Oui, mais ça, c’est la vie réelle. Tout ceci est de mauvais augure. L’universalisation de l’humanité se vit au quotidien, dans la créolisation des mœurs, des habitudes, des langues. Mais pour ce qui concerne les sciences et les techniques, tout reste à faire puisqu’il a été décidé stupidement de mettre des brevets partout – c’est-à-dire de faire des fruits de l’intelligence une propriété privée – ce qu’on n’avait pas connu par le passé. C’est en libérant la société de cette chaîne et des comportements qu’elle induit, que nous nous libérerons tous, qui que nous soyons, quels que soient notre couleur de peau, notre religion ou notre genre.
Au fond, ce dont il est question à travers des débats comme celui-ci, c’est que s’il y a un peuple humain de fait, encore faut-il qu’il le soit dans sa conscience de lui-même. S’il y a un peuple humain, s’il y a un peuple terrien, s’il l’est pour lui-même, alors nous aurons fait œuvre utile, au sens où nous aurons repris l’ancienne injonction figurant sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes, où toute l’humanité pensante européenne de l’époque se rassemblait pour méditer. Devenir le peuple humain, c’est appliquer une bonne fois cette idée individuelle : « Connais-toi toi-même ». Tu es d’abord humain, semblable aux autres. (Applaudissements
M. Vincent Thiébaut
On n’a rien compris !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre
Je vous ai écouté, monsieur le président Mélenchon, et ça m’a fait chaud au cœur de me rendre compte qu’enfin, tout le monde prend conscience de l’enjeu de la lutte contre le réchauffement climatique. Est-ce qu’il faut encore poser le diagnostic ? Pour certains, manifestement, il le faut. Je peux vous renvoyer tout simplement à un discours qui pour moi a été fondateur : la déclaration de candidature à l’élection présidentielle de René Dumont, en 1974. Cela fait quarante-sept ans ! Je n’étais pas encore née – vous peut-être, monsieur le président. Depuis ce temps-là, j’ai entendu beaucoup de palabres et beaucoup de moqueries aussi, sur les enjeux écologiques. Je suis vraiment heureuse qu’enfin, les moqueries laissent la place à des paroles qui nous projettent vers l’avenir. Les paroles, c’est bien ; les diagnostics, c’est bien ; mais l’urgence nous impose à tous d’agir…
Mme Clémentine Autain
Eh oui !
Mme Barbara Pompili, ministre
…et de sortir justement des diagnostics. J’ai écouté vos propositions, monsieur Mélenchon…
M. Bruno Millienne
Ah bon, il y en avait ?
Mme Barbara Pompili, ministre
Oui, il y en a quelques-unes, je les ai cherchées. Vous avez parlé de l’eau et des différents cycles ; vous avez raison. Vous avez parlé du cycle de l’eau et des océans qui sont très abîmés, par la pollution plastique par exemple.
M. Bruno Millienne
C’est vrai !
Mme Barbara Pompili, ministre
Je vous rappelle à tous que l’équivalent d’un camion poubelle de plastique se déverse chaque minute dans l’océan. Oui, il faut agir ! Je vous ai entendu : vous avez dit qu’il fallait des mesures. Il en faut effectivement, et nous les instaurons, avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, et aujourd’hui avec le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; par exemple, en augmentant le recours au vrac, qui permet de lutter très fort contre les emballages plastiques. C’est une mesure du projet de loi au sujet duquel vous défendez une motion de rejet ; vous proposez donc qu’on ne puisse pas la voter.
M. Jean-Luc Mélenchon
Voilà !
Mme Barbara Pompili, ministre
Vous parlez de l’air,…
M. Alexis Corbière
Vous en brassez beaucoup !
Mme Barbara Pompili, ministre
…du cycle déréglé de l’air et des questions de pollution. Eh bien, dans ce projet de loi, nous proposons la création de zones à faible émission qui concerneront la moitié de la population française. La moitié de la population française ! (Applaudissements
Mme Clémentine Autain
3 % !
Mme Barbara Pompili, ministre
Les voitures polluantes ne pourront plus entrer dans ces zones, mais on ne s’arrête pas là ; évidemment, les mamans qui promènent leurs enfants dans leurs poussettes auront enfin un air un peu meilleur à leur faire respirer (Applaudissements
Vous avez beaucoup parlé de la forêt ; vous avez dit qu’il faut arrêter les coupes rases. Très bien, mais pour que l’on parle des mêmes choses, je rappelle qu’entre 1850 et 2019, la surface forestière a doublé.
Mme Mathilde Panot
Ça ne veut rien dire !
Mme Barbara Pompili, ministre
Elle a doublé ! Ça ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, loin de là. La forêt doit s’adapter au réchauffement climatique, qui risque de la faire brûler. Nous avons un opérateur, l’ONF, qui doit se reconstruire ; nous y travaillons. Tout ça demande qu’on sorte un peu des slogans, qu’on travaille contre la déforestation, notamment contre la déforestation importée.
Mme Mathilde Panot
Et le projet de la Montagne d’or ?
Mme Barbara Pompili, ministre
Il y a des mesures dans cette loi pour lutter contre la déforestation importée, qui ne concerne pas seulement le climat, mais aussi le problème des zoonoses. (Applaudissements
M. Jean-Luc Mélenchon
Vous avez rejeté tous nos amendements !
Mme Barbara Pompili, ministre
Voilà ce que nous essayons de faire. (Mêmes
M. Erwan Balanant
Plus qu’ailleurs !
M. Jean-Luc Mélenchon
Ça vous manquait !
Mme Barbara Pompili, ministre
L’héritage est donc malheureusement très large et il est supporté par tous. Sortons de ces débats-là, essayons de voir quels sont les réels problèmes !
M. Jean-Luc Mélenchon
Vous avez rejeté tous nos amendements ! Vous ne faites que des phrases !
M. Erwan Balanant
Non, les phrases, c’est vous qui les faites !
Mme Barbara Pompili, ministre
Nous en avons parlé ; vous avez fait un diagnostic d’une demi-heure, je ne vais pas y revenir. Mais attaquons-nous aux réels problèmes. Vous dites que les prométhéens, ce sont ceux qui réfléchissent avant : c’est très bien, et nous avons tous bien réfléchi. Maintenant, j’aimerais que l’on agisse, notamment à travers ce projet de loi, mais pas seulement, parce que ce n’est pas la seule loi sur le climat.
Mme Mathilde Panot
Mais il n’y a rien dans ce projet de loi !
Mme Barbara Pompili, ministre
Monsieur Mélenchon, je vous informe, puisque vous ne le saviez pas – vous êtes pourtant parlementaire, vous étiez là quand j’étais moi aussi parlementaire – que depuis le début de la législature, et même avant–, il y a eu au moins trois lois qui s’occupent du climat. C’est un puzzle qui est en train de se faire. Nous avons une grosse pièce du puzzle sur laquelle travailler et nous avons des heures devant nous pour le faire : je vous propose que nous nous y mettions. (Applaudissements
M. Jean-Luc Mélenchon
Il ne fallait pas rejeter tous nos amendements !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Monsieur le président Mélenchon, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention : vous aviez la sincérité du novice, de celui qui vient de découvrir le dérèglement climatique. Non, monsieur le président, le dérèglement climatique ne date pas d’aujourd’hui. Je vous renvoie aux ouvrages du Club de Rome, dont Halte à la croissance ?, publié en 1972. Quand vous étiez ministre, monsieur le président, vous n’avez rien fait contre le dérèglement climatique.
M. Jean-Luc Mélenchon
Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! Que connaissez-vous à l’enseignement supérieur ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Il y a encore deux ans, vous n’aviez pas de mots assez durs pour évoquer EELV (Europe Écologie Les Verts) et Yannick Jadot. Vous découvrez l’écologie !
Mme Mathilde Panot
Quel mépris !
M. Maxime Minot
Cessez d’être méprisant !
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Je ne vous poserai qu’une question : avez-vous lu le projet de loi ? Non, incontestablement ! Vous affirmez que c’est notre seule loi relative au climat. Ce n’est pas vrai : depuis le début de la législature, la loi dite énergie-climat, la loi ÉLAN sur le logement, la loi ÉGALIM et la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire concernent l’écologie.
M. Jean-Luc Mélenchon
Et le rétablissement des néonicotinoïdes ?
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général
Ce texte, que vous semblez ne pas avoir lu, contient des dizaines de mesures concrètes. Chacune mérite d’être discutée et votée, c’est pourquoi une motion de rejet préalable qui les englobe toutes est inacceptable ! (Applaudissements
M. Maxime Minot
On parlera de la vôtre !
Mme la présidente
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert (LT)
La température monte, la colère aussi. Hier, de Lille à Bonifacio et de Quimperlé à Strasbourg, plus de 110 000 citoyens se sont réunis pour protester contre les insuffisances du projet de loi climat et résilience.
M. Bruno Millienne
Et combien dans le Gers ?
M. François-Michel Lambert
Comme eux, comme une grande partie de mes collègues, comme le Haut Conseil pour le climat, comme tant d’experts, je considère que ce projet de loi n’est pas satisfaisant en l’état. Les mesures qu’il comporte ne suffiront pas à diminuer de 40 % les émissions de gaz à effets de serre, sans parler de les diminuer de 55 %, conformément à l’objectif européen. Pourtant, la décennie à venir sera cruciale si nous voulons réussir les changements structurels nécessaires pour atteindre nos objectifs : réduire les émissions de gaz à effet de serre, limiter les atteintes à la diversité et lutter contre toutes les formes de pollution. Voilà ce que M. Mélenchon a voulu souligner. Ce n’est pas aux générations futures qu’il appartient de relever ce défi, mais bien à nous aujourd’hui.
Certes, les petites mesures contenues dans ce projet de loi vont dans la bonne direction, mais leur application ne suffira pas à provoquer un changement de paradigme, une indispensable transformation écologique. De trop nombreux sujets ont été écartés ou ne sont pas abordés, en particulier la lutte contre la pollution plastique, la gestion des ressources en eau, la protection de la biodiversité et les ressources forestières.
Pire, le texte est dépourvu de pensée structurelle. Pourquoi vivons-nous tant de mobilités contraintes et désordonnées ? Devons-nous simplement interdire, ou faut-il réviser notre modèle d’existence, entre lieux de vie, de travail, de loisirs, de service public, et repenser notre économie, fondée sur la société de consommation et du gaspillage, prise dans une mondialisation effrénée ? Le cargo échoué de la compagnie Evergreen en est devenu le symbole ; il porte bien son nom, puisqu’il luttera sûrement davantage à lui tout seul contre les émissions de gaz à effet de serre, en bloquant le canal de Suez, que ce projet de loi.
M. Damien Adam
Pas du tout, les bateaux font le tour !
M. François-Michel Lambert
Alors oui, notre inquiétude justifierait que nous votions cette motion de rejet. Cependant, nous estimons qu’il faut prendre acte de l’urgence qu’impose la crise écologique, donc laisser le débat se dérouler. Nous repousserons donc cette motion de rejet.
Plusieurs députés du groupe Dem
Très bien !
M. Erwan Balanant
Merci d’avoir cité la belle ville de Quimperlé !
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel (FI)
Ce projet de loi fait semblant. Or, en matière de climat, il n’est plus temps ! L’année 2020 a été une des trois années les plus chaudes depuis que nous sommes capables de relever les températures, alors que le covid-19 a largement diminué la production et que le phénomène El Niño, dans l’océan Pacifique, connaissait une année froide.
Dans l’exposé des motifs, vous précisez que l’application des mesures contenues dans ce projet de loi ne suffira pas à atteindre les objectifs que la France s’est fixés pour 2030. Ce seul aveu devrait suffire à fermer le ban, mais non, vous avez décidé de faire semblant.
Vous faites semblant d’adapter les mesures issues de la Convention citoyenne pour le climat, or 113 ont été abandonnées, soit 76 %, et les 46 que vous proposez d’adopter sont non conformes.
M. Erwan Balanant
Mais non !
M. Éric Coquerel
D’ailleurs, les 150 membres vous ont attribué la note de 3,3 sur 10. Vous me direz que cela reste inférieur à la hausse des températures d’ici à la fin du siècle, selon les prévisions de Météo France en février : de 3,9 à 6 degrés centigrades, si rien n’est fait, soit à peu près ce que vous proposez.
Vous avez retoqué toutes les réformes structurelles que la Convention citoyenne a proposées : taxation des dividendes, moratoire sur la 5G, interdiction de la publicité pour les produits polluants. Nombre de vos propositions sont vagues,…
M. Bruno Millienne
Vous, vous n’en avez pas !
M. Damien Adam
Vous n’avez pas entendu le discours de M. Mélenchon : zéro proposition !
M. Éric Coquerel
…destinées à être appliquées fort tardivement, ou de caractère expérimental, comme les repas végétariens dans les cantines. D’ailleurs, la plupart des municipalités en ont déjà fait l’essai, sans attendre votre projet de loi.
Vous allez jusqu’à faire régresser le droit en matière d’écocide. En effet, vous proposez d’introduire une condition d’intentionnalité, laquelle est notoirement difficile à prouver. Vous ne proposez aucun outil, rien en matière de libre-échange ou de service public. Il est vrai, madame la ministre, que votre ministère subit les plus grandes purges de tous les ministères en nombre d’équivalents temps plein (ETP), avec 5 291 postes supprimés depuis 2017, auxquels s’ajoutent ceux supprimés chez ses nombreux opérateurs, de sorte qu’il est difficile de croire que le sujet soit aussi fondamental à vos yeux que vous l’affirmez.
M. Vincent Thiébaut
Est-ce votre seul argument ?
M. Éric Coquerel
Pour l’instant, nous n’avons échappé qu’au projet Hercule, qui tend à démanteler EDF. Vous aviez initialement prévu de l’inscrire dans ce projet de loi, mais, heureusement, la mobilisation nous l’a épargné.
En matière climatique, comme en matière épidémique, vous faites semblant. On en voit les résultats dans le domaine sanitaire ; je crains fort qu’on les constate également, sous la forme d’une hausse des températures, si votre proposition de loi est la seule adoptée dans les années à venir.
Le week-end dernier, 110 000 manifestants ont interpellé les députés pour leur demander leurs intentions. Nous ne participerons pas à l’élaboration de votre trompe-l’œil : nous n’acceptons pas de faire semblant dans le domaine climatique. Vous objectez à M. Mélenchon que nous serions seuls à nous opposer à votre texte ; je vous fais remarquer que 500 organisations ont appelé à manifester, dont certaines auxquelles vous avez appartenu dans le passé. Elles trouvent votre texte insuffisant et le notent plus sévèrement encore que les 150 citoyens, puisqu’elles lui donnent 2,5 sur 10. Voilà ce que vaut votre loi.
Nous avons déposé des amendements visant à appliquer des mesures concrètes ; vous les avez tous retoqués. Nous attendrons notre arrivée au pouvoir en 2022 pour appliquer les propositions contenues dans le numéro des Cahiers
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc (GDR)
Je m’adresse à toute la majorité, mais plus particulièrement à Mme Motin : elle seule a eu le courage d’évoquer le capitalisme dans ce début de débat. Notre conviction, que voulez-vous, est que le capitalisme ne peut être vertueux, ni pour les hommes, ni pour la nature.
M. Jean-Luc Mélenchon
Voilà !
M. Hubert Wulfranc
Permettez-moi un peu de solennité pour évoquer une actualité tragique : le bilan de 6 500 morts sur les gigantesques chantiers écocides du Qatar, destinés à préparer la Coupe du monde 2022.
Mme Marine Brenier et M. Jean-Marie Sermier
C’est vrai !
M. Hubert Wulfranc
Cet État pétrolier est par ailleurs actionnaire des groupes Lagardère, Accor, Total, Vinci et LVMH.
M. Damien Adam
Combien de morts en Sibérie ?
Mme Elsa Faucillon
Oh là là, quel niveau !
M. Hubert Wulfranc
Aussi longtemps que vous persisterez dans la logique qui vise à maintenir la domination d’un système économique que vous refusez d’égratigner, nous ne parviendrons pas à engager la transition écologique et solidaire que tant de millions de Français ont à cœur de connaître.
Comment mettre fin à la terrible tragédie que je viens d’évoquer ? Faites payer les coupables très cher. Inscrivez dans le texte le prélèvement sur les dividendes que la Convention citoyenne a réclamé. Emmanuel Macron a offert aux privilégiés ce joker incompatible avec la transition écologique et citoyenne.
Le système que vous défendez est à l’origine des circonstances tragiques que les hommes et la nature affrontent chaque jour. Nous voterons donc la motion de censure. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Lebec.
Mme Marie Lebec (LaREM)
Hier, La France insoumise défilait dans les rues pour appeler à lutter contre le réchauffement climatique ;…
M. Jean-Luc Mélenchon
Oui, nous manifestons !
Mme Marie Lebec
…aujourd’hui, ses députés défendent une motion de rejet du projet de loi qui vise à accélérer cette lutte. L’absurdité politique n’a pas de limites. J’aurais préféré débattre avec vous que de répondre à votre motion, si vous aviez été plus assidus pendant les douze jours qu’a duré l’examen du texte en commission. Vous auriez ainsi pu prendre connaissance des principales avancées que contient le texte.
Il reprend des propositions avancées par la Convention citoyenne. Il contient des mesures puissantes : orientations de la planification écologique, renforcement des critères environnementaux dans les marchés publics, lutte contre l’artificialisation des sols, interdiction de louer des passoires thermiques, transition des transports terrestres et aériens, renforcement des pouvoirs judiciaires et sanctions contre l’orpaillage illégal.
Le projet de loi propose aussi des outils concrets à l’intention des maires et des collectivités locales, afin de préserver la qualité de l’air en zone urbaine, d’encadrer la publicité lumineuse et de favoriser un aménagement vertueux du foncier, objectif intégré aux documents de planification. Il contient des mesures et indicateurs pour mieux informer le consommateur et encourager l’évolution, comme l’Éco-score ou encore le DPE.
L’écologie punitive n’est pas efficace. Un chemin existe entre ceux pour qui aucune mesure n’est efficace, et ceux qui voudraient ne jamais rien faire évoluer. Nous incarnons ce choix d’une voie médiane de bon sens. Nous ne reprenons pas à notre compte l’injonction, dont certains partis politiques ont fait une rente ; nous ne prônons pas l’écologie de la décroissance…
Mme Elsa Faucillon
Ça, c’est sûr !
Mme Marie Lebec
…que défendent ceux qui veulent clouer les avions au sol, et qui pleurent sur les emplois détruits.
M. Alexis Corbière
Les amish ?
Mme Marie Lebec
La vérité est que la transformation écologique du pays est en marche. Nous agissons à tous les niveaux ; notre bilan pour le climat sera historique. La semaine dernière, nous avons adopté le principe de la réforme de l’article 1er de la Constitution ; cette semaine, nous examinons ce projet de loi dans l’hémicycle ; au Parlement européen, nos collègues du groupe Renaissance votent un ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne ; le Président de la République reçoit à l’Élysée John Kerry, venu saluer l’engagement français en faveur du climat.
Nous sommes à la pointe de la transition écologique en France, en Europe, à l’international, et ce texte est l’un des jalons de notre politique. Nous voterons donc contre cette motion. (Applaudissements
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Marie Sermier.
M. Jean-Marie Sermier (LR)
M. Mélenchon a pris du temps pour expliquer sa position. C’est normal, car nous n’en avons pas eu beaucoup en commission : il a fallu s’adapter en permanence à un système de réécriture des articles indigne d’un débat républicain.
M. Éric Coquerel
Absolument !
M. Jean-Marie Sermier
Madame Lebec, politiquement, je n’ai pas forcément beaucoup en commun avec M. Mélenchon,…
M. Damien Adam
Il paraît !
M. Jean-Marie Sermier
…mais vous ne pouvez pas lui reprocher de ne pas avoir assisté aux séances de la commission spéciale, alors qu’il n’en est pas membre.
Le débat doit avoir lieu. Monsieur Mélenchon, nous sommes nombreux à partager votre constat que la planète ne va pas bien, qu’elle est abîmée. Comme vous, je pense que nous devons nous fixer pour objectif de laisser aux générations qui nous succéderont une Terre plus vertueuse et plus durable. Néanmoins, et j’en suis désolé, je ne suis pas d’accord sur le choix du chemin pour atteindre ces objectifs. Je ne pense pas que l’entreprise soit un problème : je crois qu’elle est une solution.
M. Jean-Luc Mélenchon
Oui, mais l’entreprise, ce n’est pas le capitalisme !
M. Jean-Marie Sermier
Monsieur Wulfranc, si les entreprises que vous avez citées en évoquant le Qatar construisaient des stades en France, elles respecteraient la loi française. Le problème n’est donc pas du ressort des entreprises, mais de l’État dans lequel elles travaillent.
Comme vous le voyez, il existe différentes options, et il faut que nous puissions en débattre au cours des semaines qui viennent. C’est donc pour laisser toute sa place au débat que le groupe Les Républicains s’abstiendra lors du vote de la motion. (Applaudissements
M. Vincent Thiébaut
Quel courage !
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno Millienne (Dem)
En proposant le rejet préalable de ce texte, le groupe de la France insoumise refuse que l’on puisse apporter sa conclusion à un processus démocratique inédit.
M. Damien Adam
Pour mieux nous critiquer derrière !
M. Bruno Millienne
En effet, il refuse que le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui n’est autre que la traduction législative de la volonté des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat, voie le jour.
Au prétexte d’un prétendu manque d’ambition du texte, les insoumis refusent que l’on puisse adopter des avancées majeures : ils refusent l’instauration d’un « score carbone », l’interdiction de la vente de véhicules polluants en 2030, la rénovation des passoires thermiques d’ici 2028, les zones à faibles émissions dans les villes. Ils refusent que l’on privilégie les trajets en train à ceux en avion, ils refusent la diminution drastique de l’artificialisation des sols, l’amélioration de la qualité des repas dans les cantines, la création d’un délit d’écocide, et ainsi de suite ! (Applaudissements
En proposant de rejeter ce texte avant même d’en débattre, M. Mélenchon et les insoumis méprisent les citoyens qui se sont investis dans ce travail – qu’ils aient été ou non membres de la convention, d’ailleurs. Ils méprisent aussi les milliers de personnes qui ont défilé dans les rues hier, et qui attendent des mesures fortes en faveur du climat, car ce projet de loi leur apporte justement des réponses concrètes.
En outre – et c’est peut-être le plus grave –, ils méprisent le débat parlementaire, qui doit permettre d’améliorer encore le texte, de lui donner à la fois plus d’ambition et de finesse, pour répondre au mieux aux besoins des Français, gage de la pleine et entière acceptabilité des mesures qu’il prévoit.
Les insoumis rêvent d’une Assemblée nationale sans mixité démocratique, au sein de laquelle ils pourraient choisir qui a le droit de parler, et de quoi (Brouhaha
Mme Mathilde Panot
Il fallait l’oser, celle-là !
M. Bruno Millienne
« Collègues ! Vous aurez le droit de débattre uniquement lorsque le texte nous conviendra ! En attendant, taisez-vous ! » (Exclamations
M. Alexis Corbière
Les salles de spectacle ont rouvert !
M. Bruno Millienne