XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Séance du vendredi 20 novembre 2020

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à la sécurité globale (nos 3452, 3527).
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au règlement. Il porte sur la clarté et la sincérité de nos débats. À la demande du Gouvernement, la Conférence des présidents vient de programmer des séances demain samedi, le matin, l’après-midi et le soir. Toutefois, le président Ferrand nous incite fortement à achever l’examen du texte ce soir. Dès lors, nous ne savons pas si le débat va s’arrêter à minuit et reprendre demain ou s’il va se prolonger dans la nuit.
Nous avons encore un grand nombre de sujets extrêmement importants à traiter, notamment la question des drones, celles des caméras et celle du port d’arme hors service, en particulier lors de l’accès à des établissements recevant du public. Le groupe La France insoumise n’est pas du tout favorable à ce que nous poursuivions la discussion jusqu’à une heure, trois heures ou six heures du matin. Du point de vue de notre organisation personnelle et de celle des fonctionnaires de l’Assemblée, ce serait assez irrespectueux. Nous nous battrons pour que la discussion ait lieu en journée et qu’elle reprenne demain, d’autant que ce texte suscite, vous le savez, une forte opposition chez les citoyens…
Chez vos adhérents uniquement ! …et de la part de nombreuses associations. Il ne serait vraiment pas pertinent de poursuivre le débat au-delà de minuit.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 642 portant article additionnel après l’article 24.
L’amendement no 642 n’est pas défendu.
La parole est à M. Saïd Ahamada, pour soutenir l’amendement no 321.
Je tiens d’abord à remercier M. le ministre de l’intérieur et les collègues députés qui, dans les rangs de la majorité et au-delà, ont poussé à la réécriture de l’article 24. J’étais de ceux, peu nombreux certes, qui n’étaient pas favorables à son adoption, mais nous avons eu une discussion assez riche et amendé l’article, et je trouve que le résultat est plutôt satisfaisant.
L’article 24 ayant été adopté, il convient de s’attarder sur le fait que les policiers empêcheraient souvent les journalistes ou les particuliers de les filmer. Nous ne disposons pas de chiffres à ce sujet, mais cela nous est rapporté.
Afin précisément de renouer le lien entre la police et la population, il importe selon moi d’introduire dans le code de la sécurité intérieure des dispositions qui permettraient de poursuivre les policiers ou les gendarmes qui empêcheraient des journalistes ou des particuliers de les filmer. Cela ne devrait pas relever uniquement de mesures administratives.
Il y va d’une liberté fondamentale et, selon moi, la moindre des choses serait que les forces de l’ordre aient à répondre de leur action lorsqu’elles en empêchent l’exercice – on pourrait ainsi constater que cela arrive très rarement – et qu’elles puissent être sanctionnées en conséquence.
Je le dis très honnêtement, monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement d’appel : je souhaite que l’on travaille sur la question.
Merci, mon cher collègue… À ma connaissance, il y a peu de libertés fondamentales dont l’entrave n’est passible d’aucune sanction pénale, à plus forte raison lorsque des fonctionnaires sont en cause. Le sujet mériterait que l’on s’y arrête. J’aimerais que nous y travaillions ensemble dans le cadre d’un prochain texte, par exemple le futur projet de loi confortant les valeurs républicaines, de manière à rassurer la population et à améliorer le lien entre celle-ci et la police. La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission. Les comportements que vous décrivez, monsieur Ahamada, peuvent déjà faire l’objet de sanctions. Les policiers et les gendarmes ne sont évidemment pas autorisés à empêcher les gens de les filmer, ni à les repousser lorsqu’ils le font. L’amendement me semble satisfait. Je vous invite donc à la retirer. À défaut, l’avis sera défavorable. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis. La parole est à Mme Cécile Rilhac. Je soutiens l’amendement de mon collègue Saïd Ahamada.
Certains de nos concitoyens ont fait le choix de servir la France, de protéger leurs compatriotes, et deviennent des cibles pour ceux qui haïssent la police. Cette haine ne vise pas uniquement les forces de l’ordre, mais, plus largement, tous les serviteurs de l’État. Le dernier exemple tragique est l’assassinat du professeur Samuel Paty. Il a été tué parce qu’il était enseignant, parce qu’il était fonctionnaire, parce qu’il défendait les principes de la République, parce qu’il expliquait la liberté d’expression. C’est cette haine que l’on retrouve, trop souvent, sur les réseaux sociaux.
Si nous voulons protéger nos fonctionnaires, il nous faut une loi qui s’applique à tous les agents de la fonction publique. Il convient que cette loi les protège, mais aussi qu’elle pose des limites à leur action et en organise le contrôle. Nos fonctionnaires incarnent l’autorité de l’État. Parce qu’ils exercent cette mission d’autorité avec fierté, avec passion, avec abnégation, ils méritent non seulement notre respect, mais aussi notre protection. D’autre part, ils ont également des devoirs, qu’ils doivent tous respecter.
La parole est à M. Ugo Bernalicis. L’amendement de M. Ahamada est intéressant.
Aujourd’hui, on le voit bien, un certain nombre de règles ne sont pas respectées. En théorie, sur le papier – une circulaire du ministère de l’intérieur le précise –, on a tout à fait le droit de filmer des policiers en opération de maintien de l’ordre. Or, dans la pratique, sur le terrain, on constate que les personnes qui filment ou photographient sont de facto une cible pour les personnels en opération de maintien de l’ordre.
Si encore cela ne concernait que moi, ou des militants gauchistes, anarchistes, libertaires,…
Il n’y a pas de différence ! En un mot : vous ! …bref tout ce que vous détestez ! Mais je vous renvoie, pour preuve de ce que j’avance, au témoignage du photographe du Journal du dimanche qui s’est fait briser la main le 8 décembre 2019 – il a souffert de multiples fractures. L’affaire a été classée sans suite parce que l’on n’est pas parvenu à identifier les auteurs. Et son cas n’est pas isolé.
Il serait bon et juste de rappeler que l’on peut effectivement filmer les opérations de maintien de l’ordre, que les agents doivent obligatoirement porter leur numéro RIO – répertoire des identités et de l’organisation –, qu’il leur est interdit de porter une cagoule et de dissimuler leur visage en opération de maintien de l’ordre. Et il conviendrait de faire respecter toutes ces règles, au profit de tous : des policiers, des manifestants, de l’opinion publique.
(L’amendement no 321 n’est pas adopté.) La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 789. Défendu ! J’ai voulu moi aussi créer un nouveau délit. C’est nul… J’ignore si vous le jugerez inutile, disproportionné ou mal intentionné. En tout cas, j’ai suivi exactement le mode opératoire emprunté par le Gouvernement pour introduire et amender l’article 24.
En voici l’énoncé : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but – j’aurais pu ajouter "manifeste", mais j’attends un sous-amendement du Gouvernement en ce sens – qu’il soit porté atteinte à l’intégrité psychique des citoyennes et citoyens français, l’image du visage du ministre de l’intérieur en exercice. »
En effet, il est assez insupportable d’entendre à longueur de journée des sophismes, des exagérations, des mensonges. En définitive, qu’entend-on dans la bouche de Gérald Le Pen ? Le programme du Rassemblement national !
(Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Propos scandaleux ! Mme Le Pen a vanté l’article 24, Mme Ménard s’en est félicitée, indiquant qu’il allait dans le bon sens et qu’elle allait évidemment le voter. Je pense que l’on peut éviter… On peut éviter les provocations inutiles ! Les insultes comme les provocations sont explicitement interdites, je vous le rappelle, par l’article 70 du règlement. Revenons au fond du débat, s’il vous plaît. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Je ne fais que défendre mon amendement, monsieur le président ! Non, monsieur Bernalicis, vous ne faites pas que défendre votre amendement, soyons clairs. Je vous écoute, continuez donc à défendre votre amendement. Mon amendement – peut-être l’avez-vous mal lu, monsieur le président – vise à pénaliser le fait de diffuser l’image du ministre de l’intérieur en exercice, afin d’éviter qu’il ne soit porté atteinte à l’intégrité des Françaises et des Français. Ce n’est pas une provocation ; c’est ce que j’ai écrit sous forme d’amendement.
Cela vous semble ubuesque, cela vous semble une provocation, et je peux le comprendre : il se trouve que la majorité des journalistes et des citoyens de notre pays ressentent comme une provocation l’article 24 qui a été adopté cet après-midi.
(Mme Mathilde Panot applaudit.) C’est faux ! Voilà, monsieur le président, la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement. Je préférerais éviter aux Françaises et aux Français… Merci, nous avons compris. …l’affront que constituent les paroles du ministre de l’intérieur. Quel est l’avis de la commission ? Collègue, « Il n’est pas inutile de se trouver quelquefois avec des gens impolis, pour apprendre à les souffrir poliment et à ne pas leur ressembler. Plus leurs fautes seront grossières, plus elles déplairont, et plus on rougirait d’être comme eux. » Jean-Baptiste Blanchard. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Excellent ! Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai quatre choses à dire, monsieur le président.
Premièrement, on est toujours très heureux d’être mis en avant, et je vous remercie, monsieur Bernalicis, de contribuer à ma publicité. Cela ne peut pas faire de mal, surtout quand cela vient de vous. C’est une sorte de contremarque.
(Sourires.)
Deuxièmement, vous êtes nombreux, sur ces bancs, à me faire part de votre désappointement, mais j’encourage l’Assemblée à ne pas répondre aux provocations. Il ne faut pas y accorder trop d’attention.
Troisièmement, monsieur Bernalicis, je trouve qu’il y a une discrimination dans votre amendement : pourquoi concerne-t-il uniquement les Français ?
C’est vrai ! C’est qu’ailleurs, vous n’êtes pas connu ! N’auriez-vous pas un subconscient xénophobe ? La question se pose. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.) Cela trahit, je crois, des réflexes pavloviens qui, à mon avis, ne sont pas très sains. Mais je ne vais pas faire votre psychanalyse maintenant.
Quatrièmement, s’agissant d’une attaque ad hominem, je ne peux que m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.
(Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Frédéric Petit. Je n’ai guère besoin de soutenir le ministre contre les attaques qu’il subit.
Monsieur Bernalicis, cela fait quarante-cinq ans que je milite. Jamais au cours de ma vie je n’ai détesté un militant, quelles que soient ses opinions. Depuis quarante-cinq ans, j’encourage tous les militants. Pendant quinze ans de ma vie, je l’ai fait dans des quartiers où vous n’auriez pas osé venir.
Je refuse donc que vous disiez que je déteste les militants ; tel n’est pas le cas, d’où qu’ils viennent. Les militants sont le cœur de la démocratie, qu’ils soient de votre avis, du mien ou de celui d’autres personnes. Je le répète, je refuse que vous disiez que je déteste les militants.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.) La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je vois que M. le ministre a… De l’humour ! Non… Pas tellement. Mais M. le ministre s’est dit que je le désignais comme adversaire pour me procurer davantage d’écho. C’est pourquoi il a décidé de faire de même en déclarant que Bernalicis est un adversaire de taille. Tant mieux !
Hier, je vous ai remercié, monsieur le ministre, de vos sophismes et de vos affronts. Vous avez fini par me répondre : « Plutôt le Rassemblement national que La France insoumise ! »
Il a raison ! La convergence de vues que vous avez sur ce texte le montrait déjà. Et je sais, madame Ménard, que si vous n’êtes pas au Rassemblement national, vous convergez tout de même avec ce parti en bien des points.
Monsieur le ministre, vous prenez mon amendement pour une attaque ad hominem, mais vous n’êtes pas éternel ! L’amendement parle de « l’image du visage du ministre de l’intérieur en exercice ». Soyez rassuré, vous n’occuperez pas cette fonction toute votre vie !
J’espère bien ! L’objet de mon amendement n’était pas de vous rendre immortel ; absolument pas ! Merci, monsieur Bernalicis. En revanche, je souhaiterais que vous cessiez de mentir (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM) comme vous l’avez fait tout à l’heure s’agissant de l’article 24 en alléguant qu’il n’était pas possible de mettre en garde à vue quelqu’un qui aurait filmé des policiers. Vos mensonges sont un problème dont j’aimerais que les Français soient débarrassés.
(L’amendement no 789 n’est pas adopté.)
Nous reprenons le fil des amendements à l’article 21.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l’amendement no 1206.
Comme nous vous l’avons dit ce matin, le groupe Libertés et territoires est plutôt favorable à l’article 21. Nous pensons en effet que les caméras-piétons sont utiles aussi bien au travail des forces de l’ordre que pour les protéger ainsi que les citoyens. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas encadrer leur utilisation. Et nous souhaitons également mettre en valeur le travail des forces de sécurité.
L’amendement de mon collègue Paul Molac vise donc à préciser explicitement que doter les forces de l’ordre de caméras-piétons revêt un double objectif : éviter des débordements de la part des citoyens, mais également des forces de l’ordre dans le cadre de leur intervention. Cet élément nous paraît important pour que le recours à cet outil contribue à l’établissement de relations pacifiées entre les forces de l’ordre et la population.
J’ajoute que la formation des forces de l’ordre est essentielle. Mais nous savons que la formation continue des agents n’est pas toujours assurée car, souvent, l’opérationnel requiert la mobilisation des forces de manière à augmenter leur empreinte au sol. Des outils pédagogiques devraient toutefois être mis à leur disposition, les images issues des caméras-piétons pouvant en faire partie. Il convient donc de compéter l’article 21 en indiquant que ces caméras pourraient aussi être utilisées dans un but pédagogique afin d’illustrer en image ce que peut être le recours illégitime à la force.
J’informe l’Assemblée que, sur l’amendement no 1205, je suis saisi par le groupe Libertés et territoires d’une demande de scrutin public.
Et sur l’article 21, je suis saisi d’une autre demande de scrutin public, par le groupe La France insoumise.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Alice Thourot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Je suis un peu gênée par votre proposition, madame la députée, car nous avons entendu certains collègues défendre un principe de présomption de culpabilité des forces de l’ordre et, en l’espèce, vous proposez de l’inculquer dès leur formation. S’il ne s’agit pas du sens de votre amendement, je vous demande donc de le retirer ; à défaut je rendrai un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Frédérique Dumas. Prenons un exemple loin de toute polémique : quand vous apprenez à skier ou à monter à cheval, il est très intéressant de vérifier, grâce à une vidéo, que vos mouvements sont bons. Le but de cet amendement n’est absolument pas de dire que, par essence, les forces de polices utilisent une force illégitime. Nous disons que c’est au moment de la formation que l’on doit montrer et apprendre ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas. Paul Molac souhaite simplement faire figurer dans le texte que les caméras-piétons peuvent aussi constituer un outil pédagogique pour des formations. Nous cherchons à prévenir un éventuel usage illégitime de la force et non à accuser les agents de s’en rendre coupables. La parole est à M. Thomas Rudigoz. Je ne pense pas que cet amendement vise à accuser les forces de l’ordre, mais comme la mesure proposée ne relève pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire, le groupe La République en marche s’y oppose.
(L’amendement no 1206 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l’amendement no 1205. M. le rapporteur a affirmé que l’autorité était en train de perdre la guerre des images et il n’a pas tort sur ce point. Il s’agit d’un sujet de préoccupation légitime et les caméras-piétons peuvent être utiles dans ce cadre.
Cela étant, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, nous estimons qu’il ne revient pas aux agents publics des forces de l’ordre, ni même à l’exécutif, de se substituer à la justice dans des affaires qui les opposent à leurs concitoyens.
Dans de tels cas, le procureur de la République, s’appuyant sur l’article 11 du code de procédure pénale qui a trait notamment au secret de l’enquête, a la possibilité de communiquer et il le fait très souvent. En effet, cet article dispose qu’« afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public le procureur de la République peut, d’office, et la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ». Après visionnage des images, le procureur de la République pourrait donc déclarer publiquement si des violences illégitimes ont été commises, sans même avoir à les diffuser.
Pour que l’utilisation des caméras individuelles puisse se faire de manière apaisée, il convient également que la diffusion de ces images d’intervention puisse avoir lieu en dehors de tout cadre de procédure judiciaire, afin que les forces de l’ordre ne se substituent pas au juge.
Quel est l’avis de la commission ? Nous avons déjà longuement débattu ce matin de l’information du public comme finalité de l’utilisation des caméras-piétons. L’avis sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Frédérique Dumas. Il nous a été dit que des éléments sont souvent communiqués en dehors du cadre des enquêtes ou des procédures judiciaires. Cet amendement vise donc à autoriser le procureur agir hors de cette procédure. De cette manière, les images captées par les caméras individuelles constitueraient un outil qui apaiserait la situation étant donné qu’une personne indépendante s’en serait saisie. La parole est à M. Éric Poulliat. Au contraire, le groupe La République en marche estime que cet amendement priverait les forces de l’ordre de leur capacité à analyser les mauvais comportements qui pourraient faire l’objet d’une procédure judiciaire. Nous sommes donc défavorables à l’amendement. Je mets aux voix l’amendement no 1205.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 13
Contre 102
(L’amendement no 1205 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement no 709. Il vise à accorder aux fonctionnaires de la police municipale la capacité de transmettre des images en temps réel à leur poste de commandement dans les situations où leur sécurité est menacée, comme cela est déjà prévu pour les fonctionnaires de la police nationale et les gendarmes. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement est satisfait par l’alinéa 13 de l’article, monsieur Lagarde. Je demande donc son retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Demande de retrait. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde. Au bénéfice des explications fournies par Mme la rapporteure, je le retire.
(L’amendement no 709 est retiré.) L’amendement no 1329 du Gouvernement est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Favorable. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Cet amendement concerne les caméras embarquées dans les véhicules qui, si elles existent un jour, viendront s’ajouter aux caméras individuelles. J’ai bien compris qu’on n’accédera jamais à notre demande de mener une étude scientifique sur l’utilité de ces caméras embarquées. Ce n’est pas grave. Des études étrangères existent, je les ai lues et elles prouvent que ces caméras ne procurent pas de plus-value, ni d’ailleurs de réelle moins-value.
S’agissant des caméras-piétons, je rappelle qu’on nous dit qu’elles pourront filmer en continu ou sur commande des policières, policiers et gendarmes et que les images qu’elles capteront seront suffisantes en matière judiciaire comme élément de preuve en cas de contestations concernant des faits de violence illégitime de la part des forces de l’ordre.
Or par-delà tous les cas de figure que j’ai cités tout à l’heure, il existe au moins un exemple de défaillance dans l’activation de la caméra-piéton : celui de Cédric Chouviat. En commission, monsieur le ministre, vous vous étiez amusé à dire : j’étouffe, j’étouffe. Mais heureusement que des personnes ont filmé la scène depuis leur véhicule avec leur téléphone personnel, car lors de l’intervention des policiers, leur caméra-piéton semble ne pas avoir fonctionné. Cela ne vous exonère donc pas de réfléchir, dans le cadre de cette proposition de loi, à l’objectif et à l’utilité de ces caméras.
Au fond, je trouve ce texte particulièrement déséquilibré en la matière, car la transmission des images en temps réel vous permettra de les utiliser dans la guerre des images à laquelle vous faites référence, au risque d’une escalade qui sera en défaveur aussi bien des policiers, policières et gendarmes, que des citoyennes et citoyens.
(L’amendement no 1329 est adopté.) Les amendements nos 1207 de M. Jean-Félix Acquaviva, 900 et 899 de Mme Élodie Jacquier-Laforge sont défendus.
(Les amendements nos 1207, 900 et 899, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 982 et 1208.
La parole est à M. Sacha Houlié, pour soutenir l’amendement no 982.
Il vise à supprimer l’alinéa 7, qui prévoit que les policiers ou gendarmes engagés sur le terrain peuvent avoir directement accès aux vidéos qu’ils captent. Nous en avions débattu en commission et je vous avais alertés sur le risque d’irrecevabilité de ces images en tant que preuves. En effet, si cette preuve est consultée par l’une des parties, en l’occurrence le policier, avant qu’un tiers ne les ait eues en sa possession, cela dénature son caractère et elle ne peut plus être versée à une procédure judiciaire ou administrative.
À cet égard, j’ai retrouvé la délibération de la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés – sur ce sujet, laquelle remonte à 2016 et était adossée à un décret en Conseil d’État. Selon cette délibération, l’interdiction du visionnage en direct par les forces engagées procure une garantie essentielle pour la protection des données. Et l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure dispose que « les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent ».
C’est la raison pour laquelle, au vu des risques juridiques que cette disposition fait peser sur le texte, je demande son retrait, et ce même si des précisions m’avaient été apportées en commission.
L’amendement no 1208 de M. Paul Molac est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
L’avis sera évidemment avis défavorable. Les forces de l’ordre ont besoin d’avoir un accès direct aux enregistrements, notamment pour reconnaître les personnes lors d’une intervention. Il s’agit d’un besoin de terrain.
J’appelle également votre attention sur le fait que nous avons ajouté des alinéas de manière à accroître les garanties, notamment sur prescription de la CNIL. Ainsi les caméras seront-elles équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements lorsqu’ils sont consultés dans le cadre d’une intervention. De manière concrète, cela signifie que les policiers ou les gendarmes ne pourront ni modifier ni supprimer l’enregistrement. Il me semble qu’il s’agit d’une garantie de taille.
Quel est l’avis du Gouvernement ? J’entends ce que dit le député Houlié, mais je ne partage pas son avis sur le fond. L’accès aux images est très important, ne serait-ce que pour que les enquêtes soient bien faites et pour que la transmission des enregistrements par les officiers de police judiciaire soit fondée sur des éléments réels, sans quoi ils risquent d’encombrer inutilement les tribunaux et qu’à la fin, le procureur de la République ou le juge considère que le rapport de l’officier de police judiciaire n’est pas bien fait. Je ne nie pas que certains puissent tricher lors d’une rixe ou d’une intervention nocturne, mais l’essentiel des agents voient surtout des choses différentes durant l’action et à la caméra.
Deuxièmement, je ne vois aucun problème en cas d’éventuelle judiciarisation puisque la modification de l’image n’est pas possible. Je suis prêt à m’engager devant vous à ce que le visionnage des images se fasse en présence de l’officier de police judiciaire, car c’est lui qui a l’autorité pour transmettre l’enquête au procureur de la République. Cela ne pose donc pas de problème sur le fond de l’enquête ; au contraire, puisqu’on sait que ces images existent, qu’elles ne seront pas modifiées et qu’elles seront transmises quoi qu’il arrive à la demande de l’autorité judiciaire, elles assureront la bonne qualité des enquêtes. Car c’est là qu’est le problème aujourd’hui. Nous parlons beaucoup, avec le garde des sceaux, du fait que les enquêtes et les comptes rendus faits par la police ou la gendarmerie sont parfois approximatifs, car le souvenir de l’être humain n’est pas le même dans l’action et lorsqu’il a la possibilité de regarder les choses à froid, c’est-à-dire grâce à la caméra. Je pense que votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
La parole est à M. Sacha Houlié. Je remercie M. le ministre et les rapporteurs pour les garanties qu’ils ont données et qui figurent à l’alinéa 9, lequel garantit l’intégrité des enregistrements en interdisant de modifier les vidéos. Néanmoins, ce que je crains, c’est l’accès direct aux fichiers des personnes engagées. La CNIL, dans une délibération du 8 décembre 2016, a indiqué qu’elle y était défavorable : « la commission estime que cette interdiction de principe doit être accompagnée de mesures techniques de nature à garantir cette absence de consultation par les agents des enregistrements à l’issue de l’intervention ». Je maintiens donc l’amendement. Nous sommes en désaccord sur le sujet, et celui-ci devra être tranché. La parole est à Mme Frédérique Dumas. J’irai dans le sens de M. le ministre : effectivement, les images sont utiles pour les enquêtes et il ne faut pas qu’elles soient réservées à ceux qui les ont prises et qui, de ce fait, n’en ont pas réellement besoin pour identifier les gens. Je voudrais seulement que M. le ministre nous garantisse les dispositions de l’alinéa 9, car l’on sait que, techniquement, les équipements caméra peuvent être falsifiés. Vous nous avez donné des assurances sur les appels d’offres, mais il faudra du matériel qui permette d’assurer l’intégrité des enregistrements, ce qui coûtera un peu plus cher. La parole est à M. le ministre. Effectivement, un appel d’offres a été lancé en ce sens. Les policiers et gendarmes ne pourront pas toucher, modifier ni falsifier les images.
(Les amendements identiques nos 982 et 1208 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir les amendements nos 915 et 916, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée. L’idée est d’assurer la sécurité des données stockées, en termes tant de confidentialité que d’intégrité. La CNIL recommande « d’assurer la sécurité des enregistrements depuis leur déchargement de la caméra jusqu’à leur exploitation dans le cadre de procédures judiciaires, administratives ou disciplinaires ». Les amendements proposent donc que les enregistrements soient conservés unitairement, chiffrés – c’est-à-dire codés –, signés et horodatés sur le serveur de stockage, et que ce dernier fasse l’effet de mesures de sauvegarde.
Si l’on veut pouvoir utiliser les images filmées par les policiers, il faut que le dispositif soit cadré, et surtout que l’on garantisse qu’elles ne seront pas utilisées par n’importe qui. Ces amendements déposés par mon collègue Latombe demandent que le contrôle soit effectué par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, afin de garantir l’indispensable sécurité des données stockées. Il serait inimaginable que les gens filmés puissent être fichés par autrui, par exemple à la suite d’un piratage.
Quel est l’avis de la commission ? C’est un débat que nous avons eu longuement en commission, aussi je ne m’étendrai pas : ces mesures relèvent du domaine réglementaire et non de la loi. Heureusement que celle-ci ne descend pas à un tel niveau de détail. Avis défavorable, si vous ne retirez pas les amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La sécurité des images constitue une obligation résultant du cadre juridique applicable en matière de protection des données et il revient à chaque responsable de traitement de s’en assurer, sous le contrôle de la CNIL qui est en mesure d’en apprécier le niveau de sécurité. Les amendements sont satisfaits.
(Les amendements nos 915 et 916, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l’amendement no 1209. Nous sommes favorables à l’article, mais nous souhaitons que le dispositif soit encadré. En l’occurrence – et même si ce n’est pas l’objet de l’amendement –, puisqu’il n’existe pas d’autorité d’inspection des forces de l’ordre totalement indépendante du ministère de tutelle, nous appelons de nos vœux une réflexion sur la création d’une autorité indépendante sur le modèle de l’ Independent Office for Police Conduct au Royaume-Uni, dont les dirigeants ne sont pas des policiers et où l’on trouve des sociologues, des personnes qui travaillent dans le marketing ou des financiers. C’est cette autorité qui permet l’accès aux images des policiers et des citoyens, avec un important effort de transparence. Ce que nous souhaitons par cet amendement, c’est au minimum que les images soient transmises à l’IGGN, l’inspection générale de la gendarmerie nationale, ou à l’IGPN, l’inspection générale de la police nationale, c’est-à-dire à la police des polices, et non à l’autorité de communication du ministre de l’intérieur, afin de garantir l’indépendance du jugement porté sur les images. Quel est l’avis de la commission ? L’utilisation des images à des fins d’information du public ne figure pas parmi les missions de l’IGPN ni de l’IGGN, lesquelles disposent toutefois, dans le cadre de leur mission d’inspection, de la capacité de contrôler les services concernés et, le cas échéant, de diligenter une enquête. C’est le service de police ou de gendarmerie qui a eu recours à la caméra qui est responsable de l’usage des enregistrements à des fins d’information du public, conformément au cadre juridique applicable en matière de droit des données et des obligations qui s’imposent aux responsables de traitement. J’entends votre demande, mais ce n’est pas leur mission. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Frédéric Petit. Je parlais tout à l’heure de l’importance de ne pas laisser nos policiers seuls avec la liberté d’utiliser leurs prises de vues sur les réseaux sociaux. L’idée de réfléchir à une autorité qui diffuserait les images au nom de l’État répond à ces remarques, et il serait intéressant de l’approfondir dans la suite du texte. La parole est à Mme Frédérique Dumas. Merci. Je précise que nous ne faisons que suggérer une idée : si vous voulez reconstruire la confiance, si ces images sont utiles pour protéger les policiers – et je pense qu’elles le sont –, confions le contrôle et l’évaluation à une autre autorité. Construisons la confiance en créant des outils de contrôle et de contre-pouvoir ailleurs pour permettre à chacun d’être rassuré. C’est un vœu que nous émettons dans cet amendement.
(L’amendement no 1209 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 442 et 537.
L’amendement no 442 de M. Philippe Gosselin est défendu.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 537.
Partout où les caméras-piétons ont été expérimentées, on les a pérennisées, ce qui démontre leur intérêt. L’amendement vise à étendre leur utilisation aux agents de sécurité privée qui opèrent pour les sociétés de transport. Ce serait un moyen d’apaiser les tensions, de limiter les comportements agressifs et d’apporter des preuves en cas d’intervention. Quel est l’avis de la commission ? Les extensions proposées vont trop loin et paraissent disproportionnées au regard des missions des agents concernés. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 442 et 537, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Les amendements nos 898 et 895 de Mme Élodie Jacquier-Laforge sont défendus.
(Les amendements nos 898 et 895, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l’amendement no 576. Il vise à empêcher que les agents porteurs de caméras puissent suspendre l’enregistrement en cours d’intervention, en proposant que l’enregistrement ne puisse être interrompu qu’à l’initiative du poste de commandement. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. C’est l’agent qui porte la responsabilité de l’activation de l’enregistrement, et je rappelle qu’il n’a la possibilité ni de le modifier ni de le supprimer.
(L’amendement no 576, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Les amendements nos 897 et 896 de Mme Élodie Jacquier-Laforge sont défendus.
(Les amendements nos 897 et 896, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 577. Le groupe Socialistes et apparentés propose de supprimer l’alinéa 14, c’est-à-dire la disposition qui revient sur l’interdiction faite au personnel auquel sont fournies les caméras individuelles d’avoir accès aux enregistrements. Puisque les caméras peuvent transmettre les enregistrements en direct au centre de commandement, il paraît dangereux de permettre aux agents d’intervenir dessus, ce qui présente des risques d’erreur et de malveillance. L’alinéa 14 prévoyant les dispositifs techniques censés garantir leur intégrité n’est pas suffisamment protecteur. Quel est l’avis de la commission ? C’est un débat que nous avons déjà eu longuement. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Éric Poulliat. Nous pensons que le texte est suffisamment protecteur, et nous sommes contre l’amendement. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je m’inquiète du fait que nous n’arrivions pas à avoir de débat sur l’article 21. Mme la rapporteure dit vaguement qu’elle est défavorable, éventuellement avec une explication, et M. le ministre, qui devrait défendre son texte, reste complètement muet. C’est comme si, une fois évacué l’article 24, tout était terminé et que l’on pouvait discuter le reste à la va-vite. J’ai bien compris l’intention et je la déplore, car de vraies questions sont posées, notamment dans cet amendement.
Qui a accès aux enregistrements ? Est-ce dans un cadre judiciaire ou pas, dans un cadre administratif ou pas ? Quand on voit que l’alinéa 4 prévoit de diffuser les vidéos pour faire la guerre des images, on se dit qu’il y a un problème. Qu’est-ce que la guerre des images ? Vous voulez montrer, avec une vidéo, qu’un citoyen ou une citoyenne s’est mal comportée avec les policiers, pour faire de la contre-information ? Mais, en faisant cela vous dérogez à la procédure judiciaire : si une infraction a été commise contre le policier ou la policière, il faut verser la vidéo dans un dossier à transmettre au parquet, et non pas la poster sur les réseaux sociaux de la préfecture ou du ministère de l’intérieur.
Il y a donc bien une contradiction entre, d’un côté, votre volonté de mener une guerre des images, et, de l’autre, la procédure judiciaire et le respect de l’état de droit.
C’est tout le problème que posent l’article 21 et les suivants : nous allons donner des prérogatives étendues en matière administrative pour surveiller les gens et participer à une guerre des images dont personne ne veut.
La parole est à M. le ministre. Je ne suis pas muet, monsieur Bernalicis. Simplement, j’applique votre volonté, en évitant que mon image et ma voix soient diffusées. N’avez-vous pas dit qu’elles ne devraient plus l’être auprès de nos concitoyens ? Je ne fais qu’obéir à votre injonction. Ne soyez pas contradictoire ! Eh bien, bonne soirée ! « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », monsieur Bernalicis. Quel poète ! C’est beau ! Je vous sens pris ou dépourvu, presque flétri, si je ne vous parle pas. (Sourires.) Merci, monsieur le ministre pour votre soutien psychologique.
(L’amendement no 577 n’est pas adopté.) Je comprends que l’amendement no 894, de Mme Élodie Jacquier-Laforge est retiré.
(L’amendement no 894 est retiré.) Je mets aux voix l’article 21.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 121
Contre 15
(L’article 21, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Paula Forteza, pour soutenir l’amendement no 893, portant article additionnel après l’article 21. Nous proposons que les citoyens puissent eux aussi décider d’activer les caméras-piétons, possibilité actuellement réservée aux policiers et aux gendarmes.
Quand les citoyens sentent qu’une intervention risque de dégénérer – dans un sens ou dans l’autre, d’ailleurs –, ils pourraient demander son enregistrement. Les modalités de ce dispositif expérimental seraient renvoyées à un décret.
Quel est l’avis de la commission ? Vous proposez d’expérimenter le déclenchement de la caméra à l’initiative de la personne concernée par l’intervention. Concrètement, si un problème apparaît avec un policier, c’est la personne en face de celui-ci qui déclencherait la caméra. Non : il demandera qu’elle soit déclenchée ! Vous comprenez bien qu’au plan opérationnel, ce n’est ni possible, ni sérieux. Ou peut-être ai-je mal compris ?
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Paula Forteza. Nous nous sommes mal comprises. Ce ne serait évidemment pas les citoyens qui déclencheraient la caméra, en revanche, ils auraient le droit de demander qu’un enregistrement soit fait. La parole est à M. Ugo Bernalicis. Par cet amendement, notre collègue Paula Forteza pointe un problème parfaitement identifié dans les travaux scientifiques que certains pays ont bien voulu mener sur les caméras-piétons – malheureusement, en France, nous sommes incapables de financer la recherche sur ce genre de sujets, alors que nous déployons tous azimuts ces outils et ces appareils. L’initiative du déclenchement de la caméra est unilatérale ; celui-ci dépend du bon vouloir du policier ou de la policière.
Dans certains cas, cela ne crée pas de souci. Mais quand la situation dégénère, les enregistrements pourraient aussi être utiles pour ceux qui mettent en cause un policier ou une policière.
Si nous souhaitons atteindre un équilibre et si nous considérons que globalement les policiers et les policières font bien leur travail et que globalement les citoyens et citoyennes respectent les policiers, nous devons prévoir les deux cas de figure. Or vous n’en prévoyez qu’un seul. Il y a un déséquilibre.
Comment faire, concrètement ? Vous prévoyez de changer le matériel, pour permettre la diffusion en temps réel : cela veut bien dire que la caméra peut être enclenchée et filmer tout le temps. C’est parfait.
Une autre solution serait de sanctionner le fait, pour un policier, de ne pas déclencher la caméra à la demande du citoyen. On retournerait l’argument que vous avancez d’habitude : « S’ils n’ont rien à se reprocher, quel est le problème ? »
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde. J’avais suggéré plus tôt dans le débat de rendre systématique l’équipement des policiers avec des caméras-piétons et de les déclencher à chaque interaction avec des citoyens.
Franchement, la proposition en débat est impossible à appliquer. Imaginez-vous que, face à un policier qui se comporte mal, nos concitoyens demanderont : « s’il vous plaît, monsieur l’agent, pourriez-vous déclencher la caméra » ? C’est ridicule !

En revanche, nous serions bien plus à l’aise, si nous disposions, pour chaque interaction, d’un élément de preuve, qui éviterait au policier d’être injustement mis en accusation ou agressé, et le dissuaderait de déraper, s’il était susceptible de le faire.
Je suis évidemment opposé à cet amendement.
(L’amendement no 893 n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alexis Corbière, inscrit sur l’article. L’article 22 – comme l’article 24, quoiqu’à un degré moindre – est l’un des articles qui a le plus suscité de débats dans la société, à juste titre. En effet, il concerne notamment l’utilisation de caméras aéroportées, autrement appelées drones, qui pose toute une série de problèmes.
Le premier est général : nous avons déjà critiqué la « gadgétisation » des techniques de la police, qui coûte parfois fort cher, alors que son efficacité n’est pas toujours prouvée.
Nombre d’études menées à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis, ont montré que tous ces drones coûtent extrêmement cher,…
Ce n’est pas vrai ! …alors qu’ils sont financés par des deniers publics. Des études le démontrent ! Lancez en d’autres en France, si vous ne le croyez pas – ce serait d’ailleurs intéressant.
Alors que ces drones coûtent extrêmement cher, leur rendement est moindre que celui du personnel humain dans la lutte contre la criminalité.
Outre ce problème méthodologique, cette mesure, en permettant de porter atteinte à la vie privée de nombreuses personnes et en remettant en cause des libertés fondamentales, pose un problème de fond.
Pour rester dans la réalité concrète, je donnerai un exemple récent, relaté par des organes de presse. Une manifestante – ou du moins une personne souhaitant exprimer son opposition à la politique du Gouvernement concernant l’hôpital – a lâché des ballons auxquels était suspendue une banderole, à l’occasion d’un déplacement du Président de la République.
La police l’a suivie jusqu’à chez elle grâce à un drone, l’a interpellée, puis l’a maintenue en garde à vue pendant plusieurs heures avant de la relâcher, puisque rien ne pouvait lui être reproché, si ce n’est le fait d’avoir manifesté sa désapprobation – j’espère que vous considérez tous que c’est encore autorisé.
Le drone avait permis de la suivre jusque chez elle. C’est tout de même extrêmement choquant.
(« Deux minutes ! » sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.) Je vous demande de conclure, cher collègue. Je termine. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR.) Manifestement, tout cela ne vous choque pas, alors que cela pose problème. Je vous remercie, cher collègue. Le temps de parole est limité à deux minutes pour les inscrits sur les articles ! Je termine, monsieur le président. Terminez d’une phrase, s’il vous plaît. Je ne suis pas opposé à l’utilisation de drones dans certains secteurs. Utilisés par les pompiers à l’occasion d’un feu, ils peuvent être utiles. Il faudrait pouvoir en discuter dans le détail. (Le micro de l’orateur est coupé. – Protestations continues sur les bancs du groupe FI.)
Merci pour votre élégance, monsieur le président ! Monsieur Corbière, je vous avais déjà demandé trois fois de conclure, et poliment, avec égards. Bien sûr ! La parole est à Mme Marietta Karamanli. (Mêmes mouvements.) S’il vous plaît, chers collègues, seule Mme Karamanli a la parole. L’article 22, qui traite des caméras dites aéroportées, mérite qu’on s’y arrête deux secondes, puisqu’il permettra le déploiement de drones afin de surveiller les manifestations.
Cette surveillance vient conforter un modèle d’encadrement des manifestations qui vise à lutter a priori contre celles-ci et contre les manifestants. Ceux-ci sont gênants, même s’ils ne sont pas violents et s’il n’y a nul motif pour les condamner.
Il importe de noter que les ordres du poste de commandement risquent d’être déconnectés, de manquer de discernement dans le suivi des personnes – dans leur prise en charge, si j’ose dire –, puisque, en cas d’affrontement, il sera sans doute impossible d’entendre les demandes.
Les dispositions prévues à cet article sont à mettre en relation avec la stratégie adoptée en matière de maintien de l’ordre.
En Allemagne, pays pourtant loué par beaucoup d’observateurs pour son souci d’ordre, la stratégie en la matière intègre la protection des manifestants, le dialogue et la désescalade de la violence.
Il aurait été possible, monsieur le ministre, de faire progresser notre stratégie en ce sens, en associant les élus de la nation, les grandes organisations syndicales ou associatives à son élaboration. Parce que les garanties ne sont pas suffisantes, nous regrettons que ce ne soit pas le cas.
La parole est à Mme Paula Forteza. J’ai été assez surprise que ce sujet ne prenne pas mieux dans le débat public, au contraire de la mesure concernant la diffusion des images des policiers.
En effet, cet article marque un tournant structurel dans l’utilisation des nouvelles technologies ; il n’est absolument pas anodin.
Le recours aux drones, tel qu’il est prévu, est beaucoup trop intrusif. La liste des cas où il sera autorisé est beaucoup trop large, pas assez précise, si bien que des drones pourraient voler au-dessus de nos têtes, à notre insu, tous les jours.
Ce n’est pas du tout par principe que nous nous opposons à l’utilisation des drones ; ils peuvent être très utiles, dans certains cas précis. Nous proposerons donc dans nos amendements à cet article un encadrement, une régulation fondée sur trois principes. Premièrement, les drones ne doivent venir qu’en soutien à une intervention au sol ; la présence physique des policiers, que les drones ne peuvent remplacer, doit rester notre priorité, nous l’avons déjà beaucoup dit dans les débats. Deuxièmement, l’usage des drones doit être encadré dans le temps et l’espace et ne pas être continu, pénétrer le quotidien. Troisièmement, il doit être soumis à l’autorisation d’un procureur.
Ces trois principes seront repris dans nos différents amendements, qui visent à réécrire la liste des cas prévus pour l’usage des drones à cet article.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 755 et 797, visant à supprimer l’article.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 755.
Je le vois bien, certains souhaiteraient qu’il ne soit défendu que d’un mot. Mais j’utiliserai bien les deux minutes de temps réglementaire qui me sont imparties, pas moins – mais peut-être un peu plus.
Nous nous opposons au cadre prévu pour l’utilisation des drones, parce qu’il est beaucoup trop large.
D’ailleurs, il est problématique que l’on continue d’utiliser des drones, alors même que, dans une décision récente, le Conseil d’État a ordonné au Gouvernement, à l’exécutif – la préfecture de police en l’occurrence –, de cesser de le faire dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
J’ai bien vu comment le Gouvernement jouait sur les mots, arguant que les drones n’étaient pas véritablement utilisés dans ce cadre, et tirait parti du no man’s land juridique en la matière pour continuer de les utiliser.
Ce même no man’s land juridique vous permet d’utiliser des hélicoptères de la gendarmerie, dotés de caméras haute définition, qui offrent un résultat technique au moins similaire à celui des drones, sinon meilleur, même s’ils coûtent un peu plus cher, puisqu’il faut des pilotes et du carburant, je vous l’accorde.
Un peu plus cher, oui… Concernant le maintien de l’ordre, on voudrait nous faire croire que les drones servent à améliorer l’identification des auteurs de troubles publics et la gestion des foules. Ils servent pour la pollution, aussi. Or, depuis le temps que vous les utilisez pour les manifestations des gilets jaunes, vous avez plutôt démontré le contraire : c’est un moyen d’aller à l’affrontement, un moyen d’escalade, dont l’usage n’est pas du tout soumis aux objectifs que vous prétendez poursuivre avec cet article.
C’est pourquoi nous demandons sa suppression. Cela étant, nous répétons que, comme toute personne normalement constituée vivant en 2020, nous ne sommes pas opposés par principe aux drones. Ils peuvent être très utiles, notamment dans les missions de sécurité civile, et même éventuellement dans des missions de maintien de l’ordre…
Il faut conclure, cher collègue. …mais pas dans le cadre de votre schéma national de maintien de l’ordre, qui est un schéma d’escalade, et non de désescalade. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 797. Nous ne sommes bien évidemment pas opposés à l’utilisation des drones, nous souhaitons toutefois supprimer cet article dont la formulation est beaucoup trop vague pour ce qui concerne les circonstances et les conditions d’utilisation des drones, ce qui comporte un risque pour les libertés publiques.
La Défenseure des droits, que je n’ai pourtant pas l’habitude de citer à tout bout de champ, si elle admet que le texte comporte des dispositions contre l’intrusion des drones dans les habitations privées, note cependant que les garanties de protection de la vie privée sont insuffisantes.
D’une manière générale, et pas nécessairement parce que je suis ringard, je suis sceptique face à la fascination pour la technologie et au rapport à la population qu’elle induit. Plus on s’éloigne, plus on voit la société de haut, plus on la regarde de loin, plus on déshumanise les relations entre la police et la population. Je suis partisan d’une relation bâtie sur la poignée de main, le regard franc, les yeux dans les yeux, voire de la tape sur l’épaule, pas de la distanciation technologique qui avec la déshumanisation fait surgir des incompréhensions, qui rendent la police moins efficace qu’on le souhaiterait.
Quel est l’avis de la commission ? L’article 22 tire son importance du fait que, pour la première fois, nous proposons un cadre juridique pour les caméras aéroportées, ainsi que le Conseil d’État et la CNIL l’appelaient de leurs vœux.
Je rappelle que la CNIL a été auditionnée dans le cadre de nos travaux et qu’elle a validé ce dispositif, tandis que le Conseil d’État a émis un avis que je vous invite à lire et qui insiste sur l’importance de fixer un cadre pour la protection des libertés publiques et individuelles.
On ne peut pas faire comme si ce matériel n’existait pas, et il est de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de nous emparer du sujet.
L’article 22 encadre donc juridiquement l’utilisation des caméras aéroportées par les forces de l’ordre assurant des missions de sécurité régaliennes – police nationale, gendarmerie nationale et sapeurs-pompiers dans certains cas – en réservant leur usage à des missions dont la liste, limitée, inclut, entre autres, la prévention des actes de terrorisme, le secours aux personnes, par exemple pour les marins pompiers, ou encore la surveillance de nos littoraux pour empêcher notamment les dégazages de navires.
Nous sommes donc défavorables à ces amendements de suppression d’un article qui marque une réelle avancée pour notre droit.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Jean-Louis Thiériot. Le Conseil d’État souligne qu’en l’état du droit, l’usage des caméras aéroportées est complexe. Il est donc de notre devoir de législateur de faire ce que nous faisons et d’adapter le droit pour utiliser ces moyens de manière adéquate.
De l’autre côté de l’hémicycle, on n’a qu’un mot à la bouche : la désescalade. Mais ces moyens aéroportés sont précisément un outil de désescalade. On nous reproche d’utiliser les BRAV – brigades de répression des actions violentes –, d’approcher les manifestants dans les contextes de violence : la judiciarisation a posteriori va réduire ces risques. Ce sera un gage de sécurité non seulement pour les forces de l’ordre, mais aussi pour les manifestants. Soyons donc cohérents et rallions-nous à cette proposition.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde. Nos débats me rappellent l’époque où sont apparues les caméras de vidéoprotection et où certains hurlaient à l’atteinte aux libertés et dénonçaient les risques pour la démocratie. Or, aujourd’hui, tous ceux qui exercent des responsabilités municipales les utilisent, y compris parmi ceux d’entre vous qui criaient au loup, ce qui fragilise vos arguments.
J’admets parfaitement qu’il faille encadrer l’usage des drones, mais à vous entendre ce nouvel outil est le diable, crée le danger ou l’infraction. Or le danger ne vient pas de l’outil mais du fait que son usage n’est pas encadré.
Vous n’avez en tête que les manifestations, mais nombre d’infractions ne font désormais plus l’objet de poursuites, à commencer par les rodéos motorisés avec des motos non immatriculées : la police n’intervient pas parce que c’est dangereux pour les équipages, dangereux pour les auteurs des rodéos et dangereux pour la population environnante. Résultat : chacun fait ce qu’il veut, et je vois suffisamment de ces rodéos dans ma commune pour pouvoir en témoigner.
Le drone permet d’aller récupérer la moto et le délinquant, une fois le rodéo achevé, sans mettre personne en danger. Le débat ne doit donc pas porter sur le principe même de ces outils mais sur l’usage qu’on en fait et sur leur encadrement. C’est ainsi que l’on parviendra à un usage utile et intelligent de ces outils modernes, dans des limites empêchant de faire n’importe quoi.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Ugo Bernalicis. À Paris, cela fait un an que les drones sont utilisés pour le maintien de l’ordre ; or la situation n’a jamais été aussi chaotique. De là à l’imputer aux drones, il y a un pas que je ne franchirai pas mais on peut à tout le moins constater qu’ils n’ont pas apporté de plus-value. Peut-être le facteur aggravant a-t-il nom M. le préfet Lallement… Arrêtez d’attaquer les gens ! Arrêtez de balancer ! Encore une attaque personnelle ! Il devait partir mais reste finalement parce qu’il l’a souhaité… Je ne referai pas ici le film du Canard enchaîné .
Mais le plus problématique de cet article est qu’il permet l’utilisation des drones dans la prévention des actes de terrorisme qui, à vous écouter, est une menace permanente et omniprésente. Cela veut dire, très concrètement, que les gens pourront, sans en connaître, être partout et tout le temps surveillé par un drone. Voilà la réalité.
Vous nous dites que le Conseil d’État se félicite de la mise en place d’un cadre juridique, mais c’est une réaction on ne peut plus normale pour des juristes ! C’est pareil pour la CNIL. La vraie question est de savoir s’il faut valider le cadre que vous proposez. Nous ne le pensons pas, car nous considérons qu’il faut des limites beaucoup plus rigoureuses, afin que l’emploi des drones ne soit autorisé que pour des missions d’intérêt général, par exemple de sécurité civile. On s’en porterait beaucoup mieux.
Vous avez fait la démonstration que les drones ne servaient pas la désescalade en termes de maintien de l’ordre. Il n’y a qu’à voir comment vous vous comportez et comment l’actuel ministre de l’intérieur et son prédécesseur ont modifié la doctrine de maintien de l’ordre, dans une logique d’affrontement avec le peuple français.
La parole est à M. le ministre. Monsieur Bernalicis, vous alternez les arguments de fond – et nos différences sont flagrantes – et les attaques personnelles – lorsqu’elles me sont destinées, j’y répond, parfois avec humour parce qu’il n’y a pas lieu d’en pleurer. Mais attaquer un fonctionnaire de la République, en le citant avec d’autant plus de courage qu’il n’est pas là pour répondre… Invitez-le ! …c’est objectivement scandaleux et guère à la hauteur de votre fonction.
Lorsque vous étiez fonctionnaire de la République, personne ne vous a attaqué, en tout cas pas dans cet hémicycle. La Constitution fait de moi le chef de l’administration que vous mettez en cause et son représentant.
Eh bien, assumez-le ! Si vous avez quelque chose à dire, je vous prie donc de me le dire à moi et d’avoir le courage de ne pas attaquer les gens qui ne sont pas ici. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem et sur quelques bancs du groupe LR.)
(Les amendements identiques nos 755 et 797 ne sont pas adoptés.) J’avais demandé la parole ! Vous avez mis notre amendement aux voix sans me donner la parole ! Je demande une suspension de séance. Avez-vous la délégation ? C’est moi qui l’ai. Nous demandons une suspension. La séance est suspendue pour trois minutes.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.) La séance est reprise.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 756.
Nous ne sommes pas fermés à l’utilisation des drones mais pensons qu’elle doit être encadrée. Nous vous proposons donc de la limiter, sur le territoire national, aux activités intéressant particulièrement la défense nationale, à la protection d’emprises militaires, à la surveillance d’installations nucléaires etc., ainsi qu’aux missions effectuées par les pompiers, comme la prévention des risques naturels ou technologiques, le secours aux personnes et la défense contre les incendies. Tel est le cadre qui nous paraît pertinent.
Je souhaite dire enfin que M. le ministre a sans doute eu raison de rappeler à Ugo Bernalicis qu’il n’est jamais bon de citer le nom d’un absent. Cela pourtant se fait parfois ici-même : l’autre jour, une ministre a cité une députée, en l’occurrence ma collègue Danièle Obono, qui n’était pas présente et les députés de votre majorité ont applaudi. On manque parfois d’élégance, d’un côté comme de l’autre.
Quel est l’avis de la commission ? Vous proposez de limiter l’utilisation des drones à la défense nationale et à des missions effectuées par les pompiers, en excluant de facto la police nationale et la gendarmerie nationale. En effet. Mon avis est bien évidemment défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde. Je m’interroge sur la distinction qu’opère mon collègue Corbière. Peut-on utiliser des drones pour poursuivre des braqueurs de banque en fuite, plutôt que de les courser en voiture, de façon bien plus dangereuse ? Je pense que oui ; vous pensez que non. Dans le cadre d’un trafic de drogue, peut-on suivre les trafiquants avec un drone, plutôt que de mettre des gens en danger ? Quelle solution est la plus nuisible pour la société ? De nombreux délits pourraient être surveillés à l’aide de drones, comme on le fait parfois avec des caméras, des écoutes ou des planques. Le drone n’est qu’une technique nouvelle qui vise le même objectif que ces pratiques courantes : la surveillance de délinquants, voire leur poursuite, dans des conditions plus efficaces et moins dangereuses. Il arrive d’ailleurs qu’une surveillance soit assurée par hélicoptère : je n’ai entendu personne s’en insurger, alors qu’un drone serait criminel ! C’est étonnant… La parole est à Mme Danièle Obono. M. Lagarde considère l’existence des outils comme une évidence – comme si en se promenant, trouvant un caillou, on le considérait comme un outil dont on devrait se servir. Il est important de le rappeler : les techniques ne sortent pas d’un chapeau ; elles sont développées avec une intention. Or dans quel contexte les technologies des drones ont-elles été développées ? C’est un produit civil récupéré par les militaires ! Dans un contexte de guerre, pendant et après la première guerre mondiale, pour procéder à des opérations armées et militaires, avec le financement massif de certains États. Nous ne voulons pas d’une société où des drones, des appareils, des techniques ou des outils effectueraient une surveillance permanente, nous l’assumons. À suivre votre logique, monsieur Lagarde, on pourrait utiliser des drones pour tout, y compris, bien sûr, à des fins nobles, pour sauver des vies, mais cela impliquerait une surveillance et une société panoptique que nous refusons. Ce n’est pas vrai ! Nous nous opposons à une telle conception de la société. Les techniques servent un dessein, une stratégie et une vision de la société. Je le répète, nous sommes opposés à une société où les individus seraient surveillés par l’État en permanence pour toutes les raisons possibles, dont certaines sont très bonnes, mais dont la plupart ont un objectif de police, de contrainte et de remise en cause des libertés . (M. Jean-Christophe Lagarde mime un joueur de violon.) Vous pensez peut-être que c’est du violon, mais ce que vous êtes en train de faire est très grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
(L’amendement no 756 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements, nos 1105 rectifié et 686 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Francis Chouat, pour soutenir l’amendement no 1105 rectifié.
Il n’est que l’expression du bon sens, puisqu’il vise à inscrire dans la proposition de loi, largement consacrée aux polices municipales, des pratiques qui ont déjà cours – c’est le cas dans ma ville depuis 2019, avec l’accord du préfet –, mais sans reconnaître la spécificité de l’usage des drones par les services de police municipale.
Depuis les arrêtés de décembre 2015 et la loi d’octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, le cadre applicable aux polices municipales est identique à celui qui régit les vols opérés par le grand public et par certains professionnels. Il est nécessaire de faire évoluer la réglementation. Actuellement, les services de police municipale doivent déclarer leurs vols d’aéronefs télépilotés sur la plateforme AlphaTango de la DGAC – direction générale de l’aviation civile – sept jours à l’avance pour les vols de jour, et un mois à l’avance pour les vols de nuit. Cette obligation est en parfait décalage avec la réalité des forces de sécurité. Je ne crois pourtant pas nécessaire d’insister sur les avantages que représentent les drones pour la police de proximité : sécurisation de lieux, inspection de toits d’immeubles, etc. Incohérence supplémentaire, les images captées par les drones ne peuvent pas être transférées en direct au poste de police ou de commandement ; c’est presque une ineptie, puisque la véritable plus-value des drones est justement d’apporter un appui aux forces en opérations.
Je propose donc que les policiers municipaux, sous réserve d’obtenir leur brevet de télépilote, bénéficient d’une plus grande flexibilité, dans le respect de tous les garde-fous nécessaires, sous l’autorité des préfets, et conformément aux conventions de coordination avec les forces de sécurité de l’État. Je ne saurais en aucun cas imaginer que la représentation nationale ne fasse pas confiance à l’engagement et à l’esprit de responsabilité des maires.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement no 686 rectifié. Il vise, là encore par souci opérationnel, à permettre aux polices municipales d’utiliser des drones.
Je viens d’entendre Mme Obono développer une théorie – ou plutôt une idéologie – selon laquelle un développement technologique a une visée idéologique précise : surveiller l’ensemble de la population. Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas, madame Obono, et j’invite ceux qui nous écoutent à en prendre la mesure. Vous plaquez un raisonnement sur la société. En effet, 85 % à 90 % des drones existants sont des drones civils.
Et alors ? Ils n’ont pas été développés pour un usage militaire ou policier. Au contraire, les militaires ont récupéré cette technologie et y ont ajouté divers systèmes d’observation. Les drones sont le fruit d’une évolution technologique, et non d’un complot contre la société – puisque vous êtes une adepte de la théorie du complot. Vous êtes plus intelligent que ça, ne soyez pas si méprisant, monsieur Lagarde ! Les chercheurs n’emploient pas leur temps à trouver des moyens de vous enfermer ; ils développent simplement des objets pouvant être utiles. Les drones ont diverses utilités, qu’il est nécessaire d’encadrer pour leur fixer des limites. Nous pouvons être en désaccord sur ces limites. Comme je l’ai expliqué à M. Corbière, les drones peuvent être utiles pour contrer davantage d’infractions que celles que vous décrivez. C’est un débat noble. Nul besoin de dénoncer un complot généralisé contre la société, fomenté par les chercheurs, les militaires et les policiers – c’est parfaitement ridicule !