XVe législature
Session ordinaire de 2021-2022

Séance du mercredi 10 novembre 2021

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics. Ce second projet de loi de finances rectificative – PLFR – pour 2021, dit « de fin de gestion », confirme le bien-fondé de la stratégie du Gouvernement en faveur du soutien à l’économie et aux publics les plus touchés par la crise. Il marque une nette amélioration de nos finances publiques et témoigne d’une maîtrise des dépenses publiques, illustrant le bon équilibre de la politique économique et budgétaire que nous menons. Alors que la crise se termine, nous pouvons affirmer haut et fort que le Parlement et le Gouvernement ont été à la hauteur du défi : nous pouvons collectivement nous retourner avec fierté sur les deux années écoulées. C’est la première idée que je veux défendre devant vous.
En effet, face à l’urgence sanitaire, économique et sociale, l’action conjointe du Parlement et du Gouvernement a su trouver rapidement les solutions efficaces, nécessaires et proportionnées pour protéger l’économie et les Français. Nous avons commencé par soutenir les entreprises comme les ménages. Le fonds de solidarité a permis à plus de 2 millions d’entreprises de sortir de l’impasse budgétaire en mobilisant l’équivalent de 37 milliards d’euros. Les prêts garantis par l’État, ou PGE, déployés pour 141 milliards d’euros, ont bénéficié à 690 000 entreprises. Comme l’a annoncé le Président de la République, ils seront prolongés jusqu’au 30 juin 2022. Je proposerai, du reste, un amendement en ce sens. Les principales échéances fiscales ont été reportées pour consolider la trésorerie à court terme des professionnels : au total, le report représente 3,6 milliards d’euros, qui ont permis d’aider les entreprises.
En soutenant les entreprises, le Gouvernement a voulu maintenir l’emploi et préserver les compétences. Nous avons sauvegardé les capacités de rebond de notre économique. Les coûts du travail ont été largement pris en charge par l’État, par le biais du dispositif d’activité partielle, qui a concerné près de 9 millions de salariés pour un coût total de 42 milliards d’euros, dont 35 milliards supportés par le budget de l’État.
En ces moments difficiles et marqués par l’imprévu, le Parlement a pleinement assumé son rôle. J’évoquerai, à cet égard, deux points marquants qui ont illustré l’unité et la cohérence de notre réponse à la crise au cours de l’année 2021. Le 12 mai 2021, tout d’abord, le Gouvernement vous a présenté un projet de décret d’avance permettant le redéploiement de 7,2 milliards d’euros vers les dispositifs d’activité partielle et de fonds de solidarité ; le jour même, vos commissions rendaient un avis et le décret pouvait ainsi être publié très rapidement, le 19 mai. Vous avez ainsi contribué à permettre au Gouvernement de répondre dans l’urgence à une situation économique qui s’assombrissait. Par ailleurs, tout aussi conscients de l’urgence économique et sociale, vous avez renouvelé votre soutien à l’occasion de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, qui a ouvert 9,8 milliards de crédits pour les dispositifs de la mission
Plan d’urgence . Au vu des efforts consentis, nous pouvons être collectivement fiers des résultats de l’action économique menée de concert.
Aujourd’hui, la situation est différente et nous devons poursuivre avec prudence et pragmatisme l’extinction progressive des dispositifs d’urgence. Ainsi, les dispositifs du fonds de solidarité, d’exonération de cotisations sociales et d’activité partielle ont été peu à peu recentrés depuis l’été 2021, à mesure que l’activité reprenait et que les besoins s’amoindrissaient. Ils sont désormais supprimés ou centrés sur les entreprises les plus en difficulté. Bruno Le Maire et moi-même avons ainsi annoncé la fin du dispositif de prise en charge des coûts fixes. C’est l’une des raisons qui nous conduisent à vous proposer d’annuler plus de 2 milliards d’euros de crédits d’urgence non consommés au titre de l’année 2021.
Une fois l’urgence passée, nous avons engagé un tournant : celui de la relance, avec un plan de relance de plus de 100 milliards sur deux ans, qui a fait l’objet de débats à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2021. Pourquoi ? Pour relancer l’économie et lui permettre de répondre vite après une crise historique. De quelle manière ? En privilégiant les actions les plus utiles à l’économie de notre pays.
Il s’agit, d’abord, de la transition énergétique. Nous nous sommes collectivement, Gouvernement et Parlement, engagés à mobiliser 30 milliards en faveur du verdissement de notre économie et de la transitionrénergétique. MaPrimeRénov’ ou le bonus écologique sont devenus des dispositifs emblématiques de cette politique. Tous les acteurs sont mobilisés dans cet effort collectif. À titre d’exemple, sur les 4 214 bâtiments de l’État que nous avons prévu de rénover, plus de 2 500 ont déjà fait l’objet de travaux de rénovation énergétique. L’industrie a pu, quant à elle, bénéficier du soutien de l’État à hauteur de 700 millions pour accompagner ses investissements dans des procédés de production moins carbonés. Ensuite, nous avons privilégié la compétitivité des entreprises, en fléchant un total de 34 milliards de crédits, notamment à destination du soutien à l’export ou à l’investissement et à la modernisation de l’économie. En troisième lieu, la cohésion sociale et territoriale de notre pays a été et reste l’une des priorités du plan de relance. Il est à cet égard emblématique que pas moins de 800 000 contrats d’apprentissage aient été conclus pour dynamiser l’emploi local dans le cadre de France relance.
Depuis la pose de la première pierre du plan de relance, nos efforts n’ont donc pas faibli. Je le constate chaque semaine lors de mes déplacements auprès des acteurs locaux, la relance se déploie aujourd’hui avec force et rapidité. Conformément à nos engagements, nous aurons engagé à la fin de cette année 70 milliards sur les 100 milliards d’euros prévus pour la relance.
Plus marquant encore : les résultats économiques sont au rendez-vous. Alors que nous avions pour objectif de retrouver l’année prochaine notre niveau d’activité d’avant-crise, nous avons dépassé cet objectif. De même que le taux d’emploi des jeunes, le chômage est par ailleurs revenu à son niveau de fin 2019 et même de fin 2007, ce qui est donc le meilleur résultat depuis quatorze ans.
Dans cette période de soutien à l’économie, nous n’avons jamais oublié que la crise a frappé de plein fouet les publics les plus fragiles. Nous pouvons être fiers d’avoir soutenu l’économie dans son ensemble, mais aussi tous nos concitoyens – étudiants sans ressources, intérimaires, intermittents, personnes sans emploi et tous les autres visages de la précarité, qui ont été au centre de nos débats et de nos préoccupations. Aujourd’hui encore, les déséquilibres suscités par la crise restent d’actualité et menacent plus particulièrement certains de nos concitoyens. C’est pourquoi le projet de loi de finances rectificative que je vous présente accompagne les actions protectrices de l’État envers les personnes les plus en difficulté, dans la continuité des mesures prises jusqu’à présent.
Nous avons ainsi voulu lutter contre l’inflation et les fins de mois difficiles : c’est pourquoi ce texte prend acte de l’indemnité inflation annoncée par le Premier ministre. Tous nos concitoyens – salariés, indépendants, retraités, chômeurs, allocataires des minima sociaux, étudiants boursiers – percevant moins de 2 000 euros nets mensuels, recevront cette indemnité d’un montant de 100 euros. Cette mesure sera efficace parce que simple à appliquer. C’est la simplicité, la rapidité, le caractère automatique du bénéfice de cette indemnité qui nous ont guidés lorsque nous avons construit les paramètres de la méthode selon laquelle elle serait versée. Cette indemnité inflation s’ajoute bien évidemment au chèque énergie exceptionnel de 100 euros qui bénéficiera à 5,8 millions de ménages, pour un coût légèrement inférieur à 600 millions.
Le soutien spécifique apporté à certains de nos compatriotes ne s’arrête pas à l’indemnité inflation, qui s’inscrit dans un ensemble plus large. Je citerai par exemple les 15 millions d’euros destinés au financement du dispositif « bébé-box », qui accompagne les ménages durant les mille premiers jours suivant la naissance de leur enfant en leur fournissant le matériel nécessaire au bon déroulement de cette période clé pour la vie d’un enfant. Afin d’aider d’abord ceux qui en ont le plus besoin, cette mesure ciblera les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones de revitalisation rurale. Je citerai aussi les crédits des dispositifs du plan gel, qui seront financés par ce texte afin de soutenir les exploitants agricoles face aux aléas du changement climatique. Avec 500 millions d’euros proposés sur la mission
Agriculture , nous tiendrons l’engagement pris par le chef du Gouvernement de mobiliser 1 milliard d’euros pour accompagner les agriculteurs touchés par les conséquences de l’épisode de gel du printemps dernier.
Enfin, nous engageons une série de mesures à destination des plus jeunes, avec notamment l’augmentation, financée dans ce texte, du montant des bourses pour tous les échelons depuis la rentrée 2021, ou le financement des mesures de crise – je pense aux consultations de psychologues, au tutorat ou à la mise à disposition de certains matériels, comme les protections hygiéniques.
Je tiens également à souligner l’attention et le soutien qu’apporte ce projet de loi de finances rectificative aux collectivités territoriales, dans la ligne de tous les textes financiers que nous avons soumis au Parlement. Il prévoit ainsi 800 millions d’euros d’avances remboursables à Île-de-France Mobilités, après 1,2 milliard en 2020, et 200 millions de subventions. C’est peut-être là ce que certains appellent « cramer la caisse », mais c’est une aide utile et ceux qui nous font des reproches sont parfois les premiers à demander le concours de l’État et le déblocage de crédits.
Absolument ! Nous prévoyons aussi 400 millions d’euros d’abondement de l’appel à projets pour les transports en commun en site propre pour les autorités organisatrices de mobilité, ainsi que le renforcement du fonds de réhabilitation des friches, pour 400 millions, afin de tenir l’engagement du doublement de ce plan pour lequel un deuxième appel à projets est en cours, la poursuite du plan Montagne avec 170 millions, l’abondement du fonds de stabilisation des départements pour le porter à 200 millions, comme nous nous y étions engagés, et un financement supplémentaire de la dotation masques, auquel nous nous étions également engagés pour couvrir l’ensemble des demandes de remboursement des collectivités.
Même si cela ne concerne pas ce PLFR, j’ajoute, à propos du soutien aux collectivités, que je vous proposerai ce soir ou vendredi un amendement visant à prolonger, au titre de l’exercice 2021, le dispositif spécifique de soutien aux régies qui exploitent des services industriels ou commerciaux, comme nous l’avions fait au titre de l’exercice 2020 à l’occasion du PLFR du mois de juillet.
C’est une bonne chose ! Ce Gouvernement est donc bien celui du soutien au pouvoir d’achat des ménages, ciblé au maximum vers les personnes qui en ont le plus besoin.
J’en viens à la deuxième idée que je veux défendre devant vous : ce projet de loi de finances illustre une fois de plus notre sérieux budgétaire, y compris en période de crise. Je rappelle tout d’abord que la stratégie du Gouvernement a permis un rebond très fort qui réduit mécaniquement le poids du déficit et de la dette sur notre PIB. L’amélioration des perspectives macroéconomiques illustre et confirme l’efficacité de la politique de soutien et de relance du Gouvernement. Cette efficacité se mesure à l’aune de la croissance, dont nous avons relevé le taux de 6 % à 6,25 %. Comme nous l’avions annoncé avec Bruno Le Maire, nous allons modifier le scénario macroéconomique, ce qui se traduira mécaniquement par des recettes complémentaires pour l’État, pour l’exercice 2021 comme pour l’exercice 2022.
Par ailleurs, je l’ai dit voilà un instant et l’INSEE l’a confirmé le 29 octobre, la situation de l’emploi est une preuve éclatante du succès du plan de relance, avec un taux de chômage désormais estimé à 7,6 %, soit le plus bas atteint depuis quatorze ans.
Ces résultats sont la preuve que les réformes conduites depuis le début du quinquennat par le Président de la République et le Gouvernement donnent des résultats concrets, que nous avons renforcés et confortés par les mesures d’urgence et de relance. Ils ont pour conséquence de réduire le déficit public et la dette publique rapportés au PIB par rapport à nos prévisions antérieures. Je vous confirme du reste que si la croissance constatée en 2021 était supérieure à 6,25 %, le surplus de recettes aurait pour effet de réduire le niveau du déficit public.
Nous avons su trouver ensemble un bon équilibre entre le sérieux et la dépense nécessaire pour faire face à la crise. Nous ne laisserons personne dire que nous avons laissé filer les dépenses : c’est une critique fondée sur du sable, émise par ceux qui n’auraient certainement jamais su gérer une telle crise.
Ce n’est pas gentil pour l’opposition ! Premier marqueur de notre sérieux budgétaire : comme chaque année, le PLFR de fin d’année annule des crédits pour financer les besoins apparus au cours de l’année en particulier par la mobilisation de la mise en réserve interministérielle, et pour tirer les conséquences des moindres consommations sur l’année. Au-delà de ces mouvements habituels, il prévoit aussi une annulation de plus de 2 milliards d’euros sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire . Conformément au calendrier de sortie progressive des aides d’urgence, en effet, nous mettons fin aux dispositifs les plus coûteux.
Nous vous proposons aussi d’annuler les crédits ouverts dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour la dotation relative aux dépenses accidentelles et imprévisibles, à hauteur de 1,5 milliard, réserve que nous n’avons pas eu besoin de mobiliser au vu de l’amélioration de la situation sanitaire et économique des derniers mois.
Je veux aussi souligner que l’exécution des dépenses sur les budgets dits ordinaires des ministères en 2021 sera conforme au niveau prévu en loi de finances initiale, à l’exception du financement de l’indemnité inflation et des mesures de compensation de pertes de recettes liées à la crise sanitaire au profit d’opérateurs particuliers dans le domaine de la culture, mais aussi au bénéfice de France compétences pour lequel nous allons renforcer le soutien de l’État de 2 milliards.
Enfin, les dépenses totales de l’État ont été maîtrisées et sont en baisse par rapport aux prévisions de la première loi de finances rectificative pour 2021. L’objectif de dépenses de l’État, qui couvre la quasi-totalité de celles-ci, est en effet estimé à 534,6 milliards en 2021, en intégrant la prévision d’exécution des dépenses de la mission
Plan d’urgence contre la crise sanitaire à hauteur de 36,3 milliards.
Au total, la révision à la hausse de la croissance, l’annulation des surplus de crédits d’urgence et la maîtrise des dépenses ordinaires nous permettent de réduire le déficit de 2021 et de respecter l’objectif de 5 % de déficit public en 2022, comme nous l’avions fixé. Je précise que la réduction du déficit pour 2021 le porte, dans le scénario macroéconomique que nous vous avons présenté, à 8,1 %, mais j’aurai l’occasion de vous proposer un amendement pour le relever légèrement à 8,2 % le Sénat ayant adopté un amendement qui relève le niveau de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 1,7 milliard pour faire face à la crise sanitaire en 2021. Du fait des arrondis, cela nous amène mécaniquement à revoir le déficit à 8,2 %, mais nous sommes bien en deçà des 9,4 % qui figuraient dans le premier projet de loi de finances rectificative.
De la même manière, au printemps dernier nous estimions que notre dette atteindrait 117,8 % du PIB en 2021 et 116,3 % en 2022 : elle sera finalement plutôt de l’ordre de 115,3 % en 2021 et 113,5 % en 2022. Nos finances publiques vont donc mieux que ce que nous prévoyions au printemps dernier.
Avec quelques opérations de trésorerie ! Cela ne signifie pas que nous en avons terminé, bien au contraire, avec les efforts qui restent nécessaires pour retrouver une trajectoire plus soutenable et sur la voie de la normalisation des finances publiques.
Nous ferions une grave erreur si nous arrêtions brutalement les différents dispositifs, si nous souhaitions redresser trop rapidement les comptes publics. Nous privilégions, au contraire, une sortie progressive et une concentration des moyens alloués aux politiques publiques qui sont les plus efficaces et au bénéfice des acteurs qui en ont le plus besoin, avec comme objectif la croissance, l’emploi, la croissance parce qu’elle produit des recettes, qu’elle produit des richesses et qu’elle nous permettra ainsi de faire face à nos engagements. C’est le sens du PLFR que je vous propose.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion que nous soumet le Gouvernement permet de prendre en compte pour l’exercice budgétaire 2021, d’abord le relèvement de la prévision de croissance pour cette année de 6 % à 6,25 %. C’est la première bonne nouvelle sur laquelle nous devons nous arrêter parce qu’elle ne doit rien au hasard. C’est évidemment la traduction des choix politiques que nous avons votés ici, c’est le résultat d’une politique économique efficace, constante depuis le début de la crise sanitaire, et en continuité avec celle menée depuis le début de cette législature, assise sur la libération de notre économie, mais aussi sur la protection des Français, notamment par les mesures d’urgence et la préparation de notre avenir avec le plan de relance. Je note d’ailleurs que, selon nombre de prévisionnistes, la croissance pourrait encore être supérieure à 6,25 % à l’issue de l’année 2021. Ce rebond économique a un impact substantiel sur le marché du travail, visible par un chiffre que chacun d’entre nous regarde de près, et de façon assidue : celui du taux de chômage qui pourrait atteindre, à la fin de l’année, un niveau qui ne l’avait pas été depuis près de quinze ans. (Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.) Il est déjà plus bas que le niveau d’avant crise. Je crois sincèrement que l’ensemble de la représentation nationale peut et doit se réjouir de cette situation qu’il faudra évidemment savoir consolider et améliorer.
Sur le plan des finances publiques, la vitalité de l’activité économique se traduit par une amélioration de la prévision du déficit public qui passe de 8,4 % à 8,2 % du PIB pour l’année 2021. Cette actualisation a lieu un peu plus d’un mois après la prévision précédente qui était associée au dépôt du projet de loi de finances pour 2022.
Quant aux prélèvements obligatoires, aux recettes fiscales et sociales, ils sont dynamiques, nécessairement directement en lien avec la hausse de la prévision de la croissance. C’est une orientation favorable du marché du travail que j’ai évoquée, qui permet l’augmentation des montants recouvrés, notamment ceux issus des prélèvements sociaux directement liés et assis sur la masse salariale. Les recettes fiscales de l’État devraient atteindre près de 78 milliards en 2021, soit 19 milliards de plus que ce que nous avions prévu et estimé lors du premier projet de loi de finances rectificative de l’été dernier. 19 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’État entre le PLFR du mois de juin et celui de novembre : rendons-nous compte collectivement de ce que cela représente dans la capacité d’action directement au service de nos concitoyens – j’y reviendrai avec les aides exceptionnelles liées à l’inflation –, mais aussi consacrée à la réduction du déficit, donc au début du désendettement de notre pays. Je m’arrête à dessein un instant sur ce point, car chacun considère, beaucoup trop d’ailleurs, que toute nouvelle dépense serait faite à recettes constantes, comme si toute nouvelle dépense reviendrait à creuser le déficit par définition, à « cramer la caisse » ou à utiliser je ne sais quel chéquier de l’État. La vérité, c’est que quand vous avez 19 milliards d’euros supplémentaires de recettes fiscales et sociales grâce à une politique économique et sociale qui marche, qui fait baisser le chômage et fait croître les recettes de l’État, il est évident que ce montant peut être utilisé pour mieux protéger nos concitoyens, pour continuer à investir et pour se désendetter.
(Mme Zivka Park applaudit.) Nous voyons donc que faire le pari de l’activité pour financer notre modèle social n’est pas une vue de l’esprit : c’est une réalité, c’est une volonté politique difficile à mettre en œuvre mais qui porte ses fruits ; les chiffres et les faits sont têtus.
Du côté de la dépense, la fin du « quoi qu’il en coûte » se traduit dans ce texte par des annulations, un peu supérieures à 3,5 milliards, notamment au titre des missions
Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Crédits non répartis . Il y a des ouvertures nettes de crédits de paiement pour un peu plus de 3 milliards essentiellement, le ministre l’a dit, pour la création de l’indemnité inflation, dont le montant sera d’un peu plus de 3,8 milliards, ainsi que pour le relèvement de 100 euros du chèque énergie. Parmi les outils instaurés par le Gouvernement et la majorité parlementaire, ces dispositions sont là pour protéger les Français face à l’augmentation du coût de la vie, notamment des carburants, de l’électricité, du gaz, qui accompagne la reprise économique observée dans le monde et en France.
Qu’il y ait de l’inflation lors d’une reprise économique mondiale aussi puissante que la récession l’a été, qu’il y ait de l’inflation face à tant de création monétaire nécessaire par rapport à la crise et l’action des banques centrales, c’est normal, c’est naturel, c’est même assez sain. Ce qu’il faut, c’est que nous puissions contenir les effets de cette inflation qui peut avoir évidemment un impact sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Quand l’ADN de la majorité lors de ce mandat est de protéger et de renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens, il est bien naturel que des outils transitoires exceptionnels comme l’indemnité inflation et la revalorisation du chèque énergie soient créés. Je me réjouis que ces outils se retrouvent dans le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion et pas intégralement dans le projet de loi de finances pour 2022. Cela traduit aussi leur caractère transitoire, exceptionnel, et surtout leur application rapide et efficace. Certains d’ailleurs avaient défendu, sur tous les bancs, des baisses de taxes sur le carburant plutôt que l’indemnité inflation. Je considère, et je l’ai toujours défendu, que ce type d’indemnité budgétaire est plus approprié. Elle sera versée d’abord à 38 millions de personnes percevant un revenu net inférieur à 2 000 euros par mois ; elle permet de cibler les foyers plus modestes ou dont les revenus sont situés dans la moyenne, tandis qu’une baisse de taxes, au demeurant difficilement réversible – nous connaissons les effets cliquet des baisses de fiscalité –, aurait concerné tous les ménages, y compris ceux des derniers déciles, ce que vous déplorez si souvent. Cette indemnité inflation de 100 euros est en ligne, si ce n’est supérieure à la perte de pouvoir d’achat à la pompe d’un ménage possédant une voiture par rapport au prix du carburant constaté en 2018 et 2019, en moyenne évidemment – vous trouverez des personnes pour qui les effets de l’inflation seront plus importants, et d’autres moins. C’est une mesure simple, efficace, rapide à appliquer et correctement calibrée. Cela s’apparente au système de monnaie hélicoptère que l’on a pu observer outre-Atlantique pendant la crise. D’ailleurs, ne dit-on pas qu’il faudra imaginer, à court terme, des aides directes à destination des ménages les plus modestes pour faire face notamment aux coûts induits par la transition écologique ?
Cette augmentation, si elle est considérée comme temporaire, reste de grande ampleur, et si vous cumulez l’indemnité inflation, le bouclier tarifaire que nous avons voté lors de l’examen du projet de loi de finances, l’augmentation du chèque énergie, c’est au total un effort financier considérable de la collectivité, soit en dépenses supplémentaires, soit en moindres recettes. Je ne laisserai pas dire qu’il y a une cagnotte de l’État sur la situation de l’inflation des prix de l’énergie. Sur l’année 2021 et 2022, si nous prenons l’hypothèse que l’inflation ne va pas au-delà, entre les recettes et les coûts que cela va engendrer pour la puissance publique, ce sont au final plus de 8 milliards que la collectivité devra débourser pour protéger le pouvoir d’achat des ménages. 8 milliards, c’est un peu moins que le budget de la justice. Nous sommes donc très loin d’une cagnotte, plutôt sur un effort financier colossal. Je dis cela en anticipation des nombreux amendements qui voudront expliquer que l’ensemble des mesures est insuffisant. Consacrer 8 milliards au pouvoir d’achat de façon exceptionnelle, cela n’avait jamais été vu.
Le PLFR comporte d’autres mesures, comme des aides massives liées à France compétences, l’avance remboursable exceptionnelle à Île-de-France Mobilités à hauteur de 800 millions, qui vient en complément des subventions qui lui avaient été accordées en 2020 face aux pertes fiscales, et en addition de la première avance remboursable de 1,2 milliard, il y a un an. Au total, ce sont près de 2,5 milliards que l’État débloque pour Île-de-France Mobilités afin que cette autorité organisatrice puisse faire face à ses obligations vis-à-vis de ses opérateurs et éviter que l’usager du service public de mobilités francilien ne les paye par une augmentation notamment du passe Navigo. Nous le faisons bien que la gestion d’Île-de-France Mobilités ait été contestée et critiquée par la chambre régionale des comptes.
Une gestion catastrophique ! Ce présent nous propose enfin d’acter une baisse du ratio de la dette – en 2021, il est 115,3 % au lieu de 115,6 % – directement liée aux nouveaux fruits de la croissance. J’espère que nous pourrons régulièrement discuter de la question de la dette, une fois adoptée la proposition de loi organique qu’Éric Woerth et moi-même vous soumettrons.
Au total, j’invite notre assemblée à adopter le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui a toutes les caractéristiques d’un collectif de fin de gestion, sans outils fiscaux – à cet égard, je remercie le Gouvernement d’avoir respecté cette discipline tout au long de notre mandat –, qui reflète évidemment la nécessité de continuer à protéger nos concitoyens, le pouvoir d’achat des ménages, et qui traduit la très bonne séquence économique française actuelle, ce dont chacun peut se réjouir.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je voudrais saisir cette occasion l’une des dernières, d’aborder, au-delà du PLFR lui-même, la question de la dépense publique. Le redressement de nos finances publiques est devenu la promesse que font tous les présidents de la République au cours de la première année de leur mandat, suscitant à chaque fois l’espoir. Je ne nie certes pas la sincérité de leur engagement, pas plus qu’on ne nie la violence de la crise sanitaire et économique que notre pays traverse depuis 2020, mais cela ne doit pas nous empêcher d’analyser la progression de la dépense depuis 2017.
Parce que nous sommes en mesure de distinguer entre les dépenses d’urgence et de relance et les dépenses courantes, sans lien avec la crise, nous disposons d’une grille de lecture intéressante de la nature et l’évolution de la dépense publique. Ainsi en 2022, nous devrions avoir dépensé, toutes administrations publiques confondues et de projet de loi de finances (PLF) à PLF, 172 milliards d’euros de plus qu’en 2021, l’ensemble des dépenses de crise inclus.
Ce qui interroge le plus, ce sont les 150 milliards de dépenses courantes supplémentaires. J’inclus dans ce chiffre les crédits d’investissement de France 2030, ou encore le contrat d’engagement Jeunes. Ainsi, en seulement trois ans, avec 100 milliards supplémentaires hors dépenses liées à la crise, le Gouvernement aura conduit une politique d’augmentation de la dépense plus forte que pendant tout le mandat de François Hollande – 90 milliards de dépenses supplémentaires. (M. Charles de Courson applaudit.)
Si personne ne remet en cause l’effort budgétaire important que l’exécutif propose pour sauver notre économie, on est en droit de s’interroger sur le niveau de la dépense courante. Même en période de crise, nous continuons à vivre au-dessus de nos moyens ; on peut même se risquer à dire que la crise a été un accélérateur des dépenses courantes sous cette législature. Certes les besoins sont criants dans de nombreux secteurs où il est légitime d’y répondre, en particulier dans celui de la santé, mais nous regrettons qu’aucune hiérarchie n’ait été établie dans la dépense pour compenser cette hausse…
Quelles dépenses voudriez-vous supprimer ? …d’autant que si une partie des dépenses nouvelles n’a pas vocation à être pérenne, comme l’indemnité d’inflation prévue par ce PLFR, nombreuses sont celles qui vont perdurer et peser durablement sur les finances publiques de notre pays. C’est le cas des 34 milliards d’euros d’autorisations d’engagement de France 2030, qui vont peser sur les budgets futurs. On espère certes qu’ils seront un accélérateur de croissance mais cela reste à voir. C’est le cas également des mesures pour le développement des compétences et d’insertion dans l’emploi
Il y a deux clés qui permettraient de maîtriser cette dépense, ce que chacun souhaite sans jamais vraiment y parvenir faute sans doute de volonté politique mais aussi de méthode. La première réside dans la maîtrise de la masse salariale de la fonction publique. Elle a beaucoup augmenté entre 2017 et 2022 parce qu’on n’a pas réussi à réduire le nombre de fonctionnaires. Je sais que chacun y va de ses chiffres dans la perspective de l’élection présidentielle…
Lesquels supprimez-vous ? …mais je crois quand même que l’augmentation de la productivité administrative grâce au développement du numérique devrait permettre de concilier amélioration des services publics, meilleure rémunération et réduction du nombre des agents.
Je voudrais dire un mot de la procédure en cette période budgétaire, qui a fait de vous, monsieur le ministre, les champions du dépôt d’amendements par l’exécutif à la dernière minute. Ce fut le cas bien sûr de l’amendement dont Valérie Rabault a indiqué qu’il était le plus cher de la Ve République puisqu’il a permis le vote de 34 milliards d’euros de crédits supplémentaires, mais il y en a beaucoup d’autres. Cette année, le Gouvernement a déposé 20 amendements sur la première partie du PLF, 46 sur les articles non rattachés, 2 sur les articles de recapitalisation, 57 sur les missions budgétaires, soit 125 amendements au total, et d’autres arrivent… Le Gouvernement devrait finalement déposer 130 amendements dans ces conditions. C’est beaucoup, c’est même beaucoup plus que d’habitude, d’autant que souvent ils ne tendent pas seulement à faire adopter des crédits supplémentaires mais à introduire des articles nouveaux : alors que le projet de loi de finances initial comptait assez peu d’articles, on se retrouve avec un texte beaucoup plus lourd.
Certains de ces amendements sont très importants, comme le plan pour Marseille et bien d’autres. Soit c’est la conséquence d’une actualité particulièrement riche, soit le Gouvernement panique à l’idée que le Sénat rejette d’un bloc le budget. Craignant de ne pas avoir la possibilité de déposer des amendements que d’habitude il dépose tardivement, il le fait ici à l’Assemblée nationale. En tout cas, il est extrêmement difficile pour le Parlement d’y voir clair. Non seulement cela nuit à sa bonne information, mais cela permet au Gouvernement d’échapper au contrôle du Conseil d’État et les explications sont réduites à pas grand-chose.
Enfin le solde budgétaire est à peu près équivalent à ce qui était prévu, c’est-à-dire élevé. Je signale que l’Allemagne a prévu de réduire définitivement son déficit en 2024. Nous ne sommes donc pas du tout sur la même ligne que notre voisin, comme d’habitude. En outre l’Allemagne atteignant en général ses objectifs, si elle prévoit que son budget sera en équilibre en 2024 c’est sûrement ce qui se passera. Je ne voudrais pas que ce PLFR, et plus largement l’ensemble de cet exercice budgétaire nous fasse oublier, notamment pour les années qui viennent, l’impératif de réduire nos dépenses publiques.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Charles de Courson applaudit également.)
J’ai reçu de M. André Chassaigne et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Alain Bruneel.
Ce collectif budgétaire de fin de gestion, traditionnel, vient clôturer l’année 2021, marquée d’un point de vue budgétaire à la fois par le prolongement des mesures de soutien massives permettant de faire face au maintien des restrictions durant la première moitié de l’année et par le fameux plan de relance et ses prétendus 100 milliards d’euros.
Il s’inscrit également dans une période charnière, marquée, certes par une amélioration des principaux indicateurs économiques, mais aussi une reprise importante de l’inflation, nourrie essentiellement par une explosion des prix de l’énergie qui affecte particulièrement les ménages populaires.
Dans ces conditions, cette motion de rejet marque une opposition nette à la politique économique menée par le Gouvernement, tout simplement parce que les mesures de relance et les dispositions prises ne répondent pas à la première préoccupation des Français : le pouvoir d’achat.
Cette année 2021 devait marquer un tournant après les appels à se réinventer suite à une crise sanitaire, économique et sociale qui a profondément remis en cause les bases de nos modèles de développement. À la faveur d’un plan de relance annoncé en grande pompe, le budget pour 2022 devait tracer un nouveau chemin ; il devait permettre d’enclencher la transformation de notre économie, autour d’une souveraineté enfin retrouvée, d’assumer une transition écologique ambitieuse, pour plus de solidarité et pour une véritable reconnaissance de tous ces admirables premiers de corvées qui tiennent notre pays à bout de bras depuis le premier confinement.
Mais la réalité est tout autre. On pourrait résumer votre politique par la maxime « chasser le naturel, il revient au galop » : fidèles à vos convictions et à vos dogmes économiques, vous avez adopté un plan de relance fondé sur des baisses d’impôts massives et des subventions aux entreprises, sans aucune condition. Vous poursuivez ainsi une politique de l’offre naïve et éculée depuis des années, qui consiste à déverser des dizaines de milliards sur les entreprises, sans aucun contrôle de leur utilisation.
Ça marche ! Elles embauchent ! Les baisses de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de cotisation foncière des entreprises (CFE), qui figurent dans le budget 2021 et que nous proposerons de supprimer par voie d’amendement, font la part belle aux grandes entreprises. Ainsi, 3 % des entreprises, essentiellement financières, captent les deux tiers de la baisse de la CVAE. Quant aux effets sur la réindustrialisation, l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, a récemment expliqué qu’ils étaient nuls.
Le programme
Cohésion de la mission Relance illustre lui aussi cette politique. On pourrait croire qu’il vient tirer les conséquences de la situation sociale à l’issue de la crise sanitaire et y répondre par des transferts aux ménages, mesures qui, au-delà de leur nécessité sociale, permettraient de relancer l’économie. Il n’en est rien : ce programme s’attache à verser des subventions aux entreprises qui embauchent des jeunes. Eh oui ! C’est le fameux plan « 1 jeune, 1 solution ». Les effets d’aubaine de cette politique, du fait de l’absence de ciblage, sont énormes pour des entreprises qui n’en ont parfois pas besoin.
Ce plan de relance ne répond pas aux enjeux, tant du point de vue des montants alloués que de la manière dont il les dépense. Ce dont notre pays a besoin, c’est d’un grand plan d’investissement qui alloue sur au moins dix ans les sommes annuelles prévues par votre plan. Ces crédits ne doivent pas être déversés, mais investis et pilotés directement par l’État et les collectivités, dans une logique de planification, loin du énième plan d’investissement annoncé par le Président de la République.
Cette année 2021 a aussi été une nouvelle occasion manquée d’adopter les mesures de justice fiscale, ou du moins de solidarité, même exceptionnelle, que les Français demandent dans leur très grande majorité. Nous y sommes même invités par des institutions internationales plus proches de vos dogmes que des nôtres, comme le Fonds monétaire international, le FMI. Son chef économiste déclarait ainsi en juin que les « pays pouvaient envisager de prélever des contributions temporaires en complément des taux les plus élevés de l’impôt sur le revenu des particuliers. »
Nous avons été nombreux à faire des propositions sur ces sujets, lors de l’examen du PLF mais aussi lors de l’examen en commission de ce projet de loi de finances rectificative. Vous êtes, à chaque fois, restés figés dans vos certitudes, refusant toutes les propositions, même les plus limitées et les plus ciblées.
Les 358 000 familles les plus riches détiennent un patrimoine qui s’élève à 1 028 milliards, soit la moitié de ce que produit la France en un an. Les travaux des économistes spécialisés réaffirment avec force que pour faire face aux inégalités, qui se creusent depuis votre arrivée au pouvoir en 2017 et qui se sont renforcées durant la crise, il est essentiel de procéder à une redistribution encore accrue, et que celle-ci passe inévitablement par des impôts progressifs qui ciblent les plus riches. En effet, la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns ne nuit pas seulement à la cohésion sociale, elle ne contrarie pas seulement les valeurs de solidarité et de coopération qui nous sont chères et qui fondent notre pacte républicain ; elle est aussi un contresens économique et social. C’est encore le FMI qui déclarait il y a un an que la France avait atteint un niveau d’inégalité tel qu’il nuisait à la croissance économique.
Une nouvelle répartition des richesses est aujourd’hui essentielle, répartition que le ministre Le Maire a plusieurs fois appelée de ses vœux mais pour laquelle rien n’a été fait puisque toute mesure fiscale frappant les plus riches était refusée.
Dans le même temps, malgré la stabilité apparente du nombre de pauvres, le directeur de l’INSEE invitait à ne pas confondre « l’aggravation de situations de pauvreté et l’accroissement du nombre de pauvres. » Une enquête de l’INSEE sur les comptes bancaires, publiée le 3 novembre, montre que les plus précaires ont de grandes difficultés à boucler leurs fins de mois. D’autres indicateurs, comme le recours à l’aide alimentaire, qui a augmenté de 11 % en 2020, démontrent une intensification de la pauvreté.
Face à ces enjeux, les mesures d’urgence ont été plus qu’insuffisantes, et même inexistantes dans le plan de relance. À quelques mois de la présidentielle, vous essayez aujourd’hui, avec ce PLFR, de vous raccrocher aux branches… Mais non ! …en déployant une indemnité inflation de 100 euros pour les individus présentant un revenu inférieur au salaire médian. En l’état, la disposition, présentée comme centrale par le gouvernement et la majorité, ne nous satisfait pas et suffirait à justifier à elle seule le renvoi de ce texte. Alors que la quasi-totalité des conditions sera fixée par décret sans que le Parlement puisse intervenir, les quelques éléments figurant dans ce PLF posent de nombreuses questions. La prise en compte des revenus individuels, et non du ménage, excluant de fait les enfants des critères retenus, pose un certain nombre de problèmes de définition du champ des bénéficiaires. En quoi un célibataire gagnant 1 900 euros a plus le droit à l’indemnité inflation qu’une mère isolée avec trois enfants à charge gagnant 2 100 euros ? Cette question n’a pour l’heure trouvé aucune réponse dans les rangs de la majorité ni au Gouvernement.
Outre les aspects techniques, cette indemnité ponctuelle et exceptionnelle ne saurait répondre aux défis actuels : le risque d’un décrochage durable des salaires par rapport aux prix à la consommation n’est pas à exclure et constitue une source de réelle inquiétude pour nos concitoyens. Pour être durable, la réponse ne pourra consister en indemnisations, certes louables mais temporaires ; elle ne résidera que dans une nouvelle répartition des richesses et une augmentation des salaires. Le ministre Le Maire l’a d’ailleurs appelée de ses vœux mais, comme d’habitude, les actes ne suivent pas les paroles. Il existe pourtant de nombreux outils – hausse du SMIC et revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, par exemple.
Face à cette politique qui continue de s’accoutumer à la hausse des inégalités et de la pauvreté, qui refuse de mettre en cause la répartition des richesses, qui répond comme toujours, lorsqu’il s’agit des gens, par une petite aide ponctuelle et mal fichue sur laquelle le Parlement n’aura pas la main, nous proposons le rejet préalable de ce projet de loi de finances rectificative pour 2021.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.) La parole est à M. le ministre délégué. Rappelons une évidence : l’adoption d’une telle motion de rejet préalable aurait pour conséquence que le texte ne serait pas adopté. Or si le texte n’était pas adopté, nous renoncerions du même coup à financer le deuxième appel à projets du fonds dédié au recyclage foncier des friches – le fonds friches –, les investissements en site propre des autorités organisatrices de la mobilité, le plan Montagne ou encore la prolongation des aides à l’embauche d’apprentis et d’alternants. Une motion de rejet est un acte politique, vous le savez bien ! En clair, nous renoncerions à utiliser les outils de relance économique du pays.
L’adoption de cette motion et le rejet du PLFR auraient une deuxième conséquence : l’engagement du Président de la République de financer l’indemnité inflation de 100 euros serait abandonné et aucune des dispositions que nous mettons en œuvre pour aider France compétences et les opérateurs culturels ne serait adoptée.
J’entends M. Dufrègne prédire que de toute façon, la motion sera rejetée ; c’est sans doute vrai mais dans ce cas, il ne fallait tout simplement pas la présenter ! En attendant, le Gouvernement y est défavorable.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) C’est clair ! Dans les explications de vote, la parole est à M. Christophe Jerretie. Sans surprise, nous sommes contre la motion de rejet, pour trois raisons. Vous vous opposez à notre politique économique en général et surtout à ce que vous appelez notre vision de l’offre naïve. Je dirai tout le contraire car les indicateurs montrent que cette année, l’offre « naïve » a porté ses fruits.
Ensuite, comme l’an dernier, ce PLFR prévoit des baisses d’impôts, tant pour les sociétés – vous l’avez dit – que pour les ménages. Nous devons les adopter ; au reste, je ne comprends pas qu’un groupe politique, quel qu’il soit, puisse s’opposer à la baisse de l’imposition, car elle a atteint un niveau qu’il faut absolument baisser.
(M. Paul-André Colombani et Mme Carole Grandjean applaudissent.)
Enfin, il est efficace de prendre des mesures spécifiques à des moments spécifiques, comme nous en avons connu l’an dernier, pour faire face aux difficultés que connaît la population. Ce PLFR y ajoute de nouvelles mesures, en cohérence avec notre action depuis le début de la crise.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout. Notre groupe soutiendra cette motion de rejet, sans doute un peu par principe… Un peu seulement ? …car on sait bien qu’elle ne sera pas adoptée, même si nous ne souhaitons pas reporter l’entrée en vigueur de mesures qui, pour certains de nos concitoyens, sont des mesures de survie. Néanmoins, nous restons persuadés qu’il est possible de faire mieux dans le respect des équilibres budgétaires.
Nous comprenons le souci de limiter la dépense publique. Certes, vous avez fait le choix de cantonner aux plus fragiles l’aide au pouvoir de vivre, mais comme vient de le rappeler le président Woerth, la maîtrise des dépenses est une chose ; quant au respect des équilibres budgétaires, il s’apprécie aussi à l’aune des recettes.
Cette motion de rejet est une nouvelle occasion de tenter de vous convaincre qu’il faut limiter la dépense face à l’inflation, mais aussi qu’il faut la concentrer en faveur des plus fragiles en mettant à contribution les plus aisés pour générer de nouvelles recettes – les propositions en ce sens ne manquent pas ces derniers temps.
D’autre part, l’article 12 et le décret d’application correspondant font débat. Les effets de seuil portent leur cortège d’injustices et l’on peut s’interroger sur des situations particulières : une mère seule avec deux enfants qui gagne à peine plus de 2 000 euros, par exemple, n’aura pas droit à cette aide, tandis qu’une personne gagnant moins de 2 000 euros dont le conjoint ou la conjointe gagne bien plus y aura droit. On peut également s’interroger sur la période des revenus pris en compte, qui s’étend de janvier à octobre 2021 ; surtout, la mesure ne tient pas compte des différences d’usages puisqu’elle ne distingue pas entre celles et ceux qui ont le plus de dépenses contraintes, liées au travail notamment, ou – autre injustice – celles et ceux qui vivent dans des territoires sans transport en commun et qui, de ce fait, subissent une plus forte contrainte énergétique. Bref, c’est beaucoup d’injustice pour une allocation de 100 euros par an, c’est-à-dire de 8 euros par mois – on est bien loin du compte !
Je n’ai pas le temps d’évoquer votre deuxième plan de relance, dont M. Bruneel a souligné les lacunes, mais en clair, les raisons justifiant qu’on réétudie ce texte sont nombreuses !
La parole est à Mme Lise Magnier. Je ne me permettrais pas de paraphraser le ministre délégué, qui dit les choses bien plus clairement et simplement que nous, mais je suis tout de même très étonnée ; je citerai deux des mesures que nous ne pourrions pas mettre en œuvre si nous n’adoptions pas ce PLFR. La première est l’aide accordée aux agriculteurs qui ont subi de douloureux épisodes de gel et à ceux qui sont de nouveau confrontés à la grippe aviaire. La deuxième, dont je me félicite également, est la hausse du montant des bourses octroyées aux étudiants français. Dès lors, sans aucune surprise, nous voterons contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Charles de Courson. On a toujours besoin d’un petit PLFR de fin de gestion pour ajuster certaines choses. M. Bruneel a soulevé plusieurs problèmes réels ; par exemple, nous reviendrons longuement sur l’article 12, qui instaure une prime d’inflation injuste, mal calibrée et j’en passe. Mais très attendue ! Cependant, je ne voudrais pas priver l’Assemblée du plaisir de débattre sur l’article 12 ! C’est pourquoi nous voterons contre cette motion. La parole est à Mme Sabine Rubin. Joyeux Noël ! (Murmures sur les bancs du groupe LaREM.) Oui, je vous souhaite un joyeux Noël, avec un peu d’avance, car vous avez déjà annoncé les cadeaux : indemnité inflation, chèque énergie, plan de réduction des tensions de recrutement, et ainsi de suite. Vous allez donc voter pour ? Et nous ne sommes qu’en novembre ! Vous suivez décidément votre propre calendrier électoral. Par souci d’économie et de clarté, vous auriez pu glisser tous ces chèques dans les enveloppes des bulletins de vote ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Jalouse ! J’ignore si le père Noël est une ordure, mais il ne lésine pas sur les effets d’annonce : quand il promet 100 euros à 38 millions de Français, soit 3,8 milliards, on n’en trouve que 1,5 milliard dans ce PLFR. Je vous pose donc la question en toute candeur : où est le reste ? Dans le PLF 2022 ? Quel tricotage !
Même tambouille avec le chèque énergie : les 600 millions annoncés sont financés en partie par… la hausse du produit de la TVA consécutive à la hausse des prix de l’énergie !
C’est faux ! Curieux père Noël qui donne d’une main ce qu’il a pris de l’autre !
Enfin, dernier paquet : le plan de réduction des tensions de recrutement. Encore des cadeaux aux entreprises – celles qui daigneront former un chômeur de longue durée. Là encore, vous resquillez : 600 millions sont prévus dans ce PLFR, bien loin du 1,4 milliard annoncé. Curieux père Noël qui échelonne ses cadeaux sur deux ans !
Ce n’est pas un calendrier budgétaire que vous nous présentez, mais un calendrier de l’Avent, plein de petites bouchées grâce auxquelles les enfants se tiennent sages mais qui ne rassasient pas du tout !
Ça dépend de la taille des chocolats… C’est pourquoi nous voterons pour cette motion de rejet préalable. Quelle surprise ! La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne. Faudrait-il donc plier l’échine et ne rien dire, monsieur le ministre délégué ? Vous savez très bien qu’une motion de rejet est avant tout un acte politique, qui fait partie des moyens limités qu’il nous reste pour dénoncer votre mauvaise politique. Si nous adoptions la motion, dites-vous, on ne financerait pas ceci ni cela… De grâce ! Vous savez très bien que la motion ne sera pas adoptée. Justement ! C’est pour cela que je dis qu’il s’agit d’un acte politique, chère collègue. Notre groupe votera naturellement pour cette motion, qu’il a défendue. La majorité et le Gouvernement nous invitent à attendre la discussion – qui sera sans doute intéressante, par exemple sur l’article 12 qu’évoquait M. de Courson – pour entrer dans le débat, mais nous n’en avons pas besoin puisque tous nos amendements sont systématiquement rejetés. C’est la raison pour laquelle, cette fois-ci, nous proposons le rejet préalable du texte.
Absence de toute mesure fiscale de solidarité de la part des plus aisés – même la plus insignifiante – à chaque examen d’un texte budgétaire ; absence de réponse durable au problème des bas salaires et du pouvoir d’achat des ménages populaires ; enfin, une indemnité inflation dont – nous ne sommes pas les seuls à le penser – la quasi-totalité des paramètres sont renvoyés à un décret dont nous n’avons pas connaissance, et qui sera basée sur les revenus individuels en excluant de fait de nombreuses familles monoparentales qui subissent de plein fouet la hausse des prix à la consommation, notamment ceux de l’énergie : nous ne pouvons pas voter pour un texte qui se caractérise ainsi.
Certains s’étonnent qu’un groupe politique puisse s’opposer à la baisse des impôts : nous n’y sommes pas systématiquement opposés, mais nous sommes favorables à une meilleure justice fiscale qui permettrait de baisser les impôts de ceux qui subissent la crise plus que d’autres.
C’est précisément ce que nous faisons ! La parole est à Mme Zivka Park. Sur les bancs de la majorité et même sur tous les bancs, personne ne comprend cette motion de rejet, même si nous avons bien entendu qu’il s’agissait davantage d’un acte politique que d’une réelle conviction. Vous avez tout compris ! Vous savez très bien que nous devons poursuivre les efforts de déploiement du plan de relance. Ce PLFR prévoit 2,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement dans la mission Plan de relance . Rappelons que le plan de relance a porté ses fruits en matière d’activité et d’emploi : le chômage est au plus bas depuis plus de quinze ans (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) et c’est grâce aux entreprises que nous avons aidées, cette année et l’année dernière, qui embauchent et permettent la reprise économique, essentielle pour notre pays.
Il nous faut aussi déployer 4 milliards pour financer des dispositifs qui fonctionnent bien, comme le plan « 1 jeune, 1 solution », le soutien à la transition écologique ou encore l’initiative Territoires d’industrie. Grâce au plan « 1 jeune, 1 solution », qui sera doté de crédits redéployés, 3 millions de jeunes ont trouvé une formation, un emploi et un accompagnement ; nous pouvons tous nous en féliciter !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Surtout, par cette motion de rejet, vous refusez le soutien aux collectivités les plus exposées à la hausse des prix. Vous refusez aussi toutes les mesures de compensation en faveur des opérateurs de l’État qui enregistrent des pertes de recette exceptionnelles en raison de la crise sanitaire.
Plus modestement, ce PLFR, et je m’en réjouis, prévoit 8 millions d’euros de compensation de pertes de recettes sur la taxe des nuisances sonores aériennes afin de poursuivre l’insonorisation des logements des riverains d’aéroports, qui pâtissent de la reprise du trafic aérien.
Il est également proposé une nouvelle avance remboursable au bénéfice d’Île-de-France Mobilités pour un montant de 800 millions d’euros. J’invite d’ailleurs la présidente de la région, si elle m’écoute, à ne pas prendre ces sommes, puisqu’elle a déclaré ne pas vouloir utiliser l’argent des Français pour renflouer les caisses de cet établissement public.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous nous opposons fermement à cette motion de rejet et nous voterons contre.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Véronique Louwagie. Le groupe Les Républicains s’oppose aux orientations de ce PLFR et aux mesures qu’il contient.
Notre premier point de divergence porte sur l’utilisation des recettes supplémentaires qui résultent de la révision à la hausse des hypothèses de croissance du Gouvernement, qui compte désormais sur 6,25 %, ainsi que des prévisions relatives à l’emploi, donc à la masse salariale.
Nous déplorons qu’aucune de ces recettes supplémentaires ne serve au remboursement de la dette alors que le Haut Conseil des finances publiques lui-même, dans son avis du 17 septembre dernier, indiquait que toutes les recettes supplémentaires devaient être en priorité affectées au désendettement.
Notre deuxième point de divergence concerne le chèque énergie de 100 euros, mesure phare de ce deuxième PLFR, dont nous regrettons qu’elle ne soit pas ciblée. Elle pourra ainsi ne pas bénéficier à des familles rurales qui vont voir leurs factures augmenter de 600, 700, ou 800 euros du fait de leurs déplacements fréquents en voiture et de dépenses de chauffage élevées alors que des ménages ne possédant aucun véhicule et empruntant les transports en commun toucheront ce chèque. C’est une injustice !
Toutefois, comme notre opposition à ce PLFR tient à des raisons différentes de celles du groupe GDR, nous nous abstiendrons sur le vote de cette motion.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
La parole est à M. Christophe Jerretie. Ce collectif budgétaire sera normalement, et je dis bien « normalement », le dernier texte financier de la législature. Je voudrais en préambule féliciter le Gouvernement de s’en être tenu à la doctrine que nous défendons depuis plusieurs années déjà, qui veut qu’aucun dispositif fiscal ne figure dans une loi de finances rectificatives de fin d’année. J’espère d’ailleurs, chers collègues, que nous réussirons à nous astreindre collectivement à cette discipline.
Loin des craintes d’affaissement que certains avaient pu formuler, l’économie a continué à se redresser, accélérant même sa croissance qui atteint, selon l’INSEE, 3 % au troisième trimestre, soit le niveau le plus haut enregistré depuis 1968. Nous avons déjà retrouvé le niveau d’activité pré-covid au cours du troisième trimestre, soit dix-huit mois avant la date que les prévisions les plus pessimistes de la mi-2020 fixaient. En un mot, la France se remet. Ayons confiance en nous !
Plusieurs traitements, si vous me permettez ce terme, peuvent être cités comme ayant contribué à cette guérison plus rapide que prévu.
Le premier est l’extraordinaire résilience du tissu productif face à la crise sanitaire. Vous le savez, elle est due en premier lieu aux dispositifs adoptés au printemps 2020 – prêt garanti par l’État, activité partielle, fonds de solidarité – que nous avons su faire évoluer au gré de la situation épidémique et économique de notre pays depuis deux ans.
Le deuxième facteur que je me dois de souligner est la réussite de France Relance. Depuis septembre 2020, nous avons mis près de 70 milliards d’euros sur la table pour relancer l’économie française dans un mouvement commun à l’ensemble de nos partenaires européens.
Troisième et dernier facteur : le passe sanitaire et la progression de la vaccination. À ce jour, comme le soulignait hier le Président de la République dans son allocution, nous n’avons pas d’autre solution aussi efficace que la vaccination pour faire reculer la maladie. Et je ne peux m’empêcher d’encourager nos concitoyens à aller se faire vacciner, jusqu’à recevoir une troisième dose si nécessaire.
Très bien ! Cette croissance retrouvée résulte de l’engagement du Président de la République, de son gouvernement et bien évidemment de sa majorité, mais aussi de celui de nos entreprises, de nos salariés, de nos fonctionnaires. Si je devais aller plus loin, je mettrai aussi en avant l’engagement de chacun d’entre nous en tant que citoyen conscient de ses devoirs et de sa responsabilité à l’égard de son prochain. Ayons confiance en nous !
Monsieur le ministre, vous savez l’attachement du groupe Dem au sérieux budgétaire, et je ne manquerai de saluer l’engagement du Gouvernement d’affecter l’ensemble des recettes et des sommes générées par les moindres dépenses provenant d’une croissance meilleure qu’anticipé à la réduction du déficit, donc de la dette. C’est une avancée ! Il est dommage que le président Woerth se soit absenté : nous aurions pu lui redire que nous sommes nous aussi très attentifs à l’endettement.
Je ne peux évoquer la question du déficit sans dire un mot de la situation financière particulière de France Compétences. D’une certaine manière, son besoin de financement est bienvenu car il prouve le dynamisme de la formation professionnelle et surtout de l’apprentissage. Toutefois, il révèle aussi la nécessité de mieux structurer encore cette agence afin de rendre son financement plus adapté aux besoins.
N’oublions pas que ce PLFR propose également de financer de nouveaux dispositifs pour mieux répondre aux situations nées de la reprise et non plus de la crise.
Le premier enjeu est l’accompagnement de ceux qui ne bénéficieraient pas encore suffisamment de cette croissance retrouvée, en particulier les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail. Le Premier ministre a annoncé le 27 septembre un ensemble de mesures d’accompagnement en faveur de ces demandeurs d’emploi de longue durée que ce collectif vient financer en partie.
L’autre grand enjeu de cet automne est l’accélération de l’inflation, notamment sur les prix de l’énergie en raison de la forte demande mondiale. Plusieurs dispositifs doivent répondre à cette nouvelle donne : bouclier tarifaire sur les prix du gaz, chèque énergie exceptionnel de 100 euros pour les ménages les plus modestes ou encore prime inflation destinée à réduire l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat de 38 millions de nos concitoyens.
Je salue au nom du groupe le travail collectif de cette année 2021 que nous soutenons avec vigueur et rigueur.
Ayons confiance en nous, ayons confiance en la France !
(Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Lise Magnier applaudit également.) Excellent ! La parole est à Mme Christine Pires Beaune. Ce second projet de loi de finances rectificative pour 2021 vient en quelque sorte solder les comptes d’une année particulière, année marquée par une sortie progressive de la crise sanitaire et une reprise économique qu’il convient de soutenir durablement, dans un contexte de forte inflation et de fin de quinquennat.
L’examen de ce texte nous confirme que le Gouvernement profite grandement de la conjoncture économique globale, à savoir un rebond mécanique des différents indicateurs après plusieurs mois d’atonie due à la crise sanitaire. Si le déficit pour 2021 est plus faible que prévu initialement, c’est pour des raisons qui tiennent moins aux choix du Gouvernement qu’à l’amélioration de la situation économique globale.
Il convient ici de rappeler que la France perdait 8 points de PIB en 2020 contre seulement 6,5 pour l’ensemble de la zone euro. Si le rebond de notre pays est un peu plus marqué que dans la zone euro, c’est donc aussi parce que nous étions tombés plus bas.
Ce PLFR entérine le fait que le Gouvernement n’a eu de cesse, dans les multiples textes budgétaires qui ont été soumis à la représentation nationale, de transformer ce qu’il estimait être du déficit conjoncturel en déficit structurel. Cela démontre que, contrairement à ce qui est répété, les effets de la crise seront durables. Voilà qui invite à adopter une vision à long terme loin de tout saupoudrage électoraliste.
Pourtant, et c’est la deuxième conclusion que l’on peut tirer de l’examen du PLFR, le Gouvernement navigue à vue. En témoigne évidemment le PLF pour 2022, texte à trous que j’ai comparé à un parcours de golf, qui empêche le Parlement de disposer d’un panorama sincère de l’état réel des finances du pays. Dois-je rappeler que nous avons dû débattre de manière expresse de quatre amendements représentant près de 7 % du budget de l’État, dont un consacré au plan France 2030 pesant à lui seul 34 milliards d’euros, soit l’amendement le plus cher de la Ve République ?
Le présent PLFR s’inscrit dans la même veine que le PLF. Au lieu de corriger à la marge l’exécution budgétaire de l’année écoulée comme le veut d’ordinaire cet exercice, il prévoit une indemnité inflation destinée à compenser la hausse des prix essentiellement due à l’explosion des prix de l’énergie, qui inquiète grandement les Français, notamment les plus modestes, qui craignent de ne plus pouvoir se chauffer cet hiver ou mettre du carburant dans leur voiture pour aller travailler.
Cette mesure consistant en la création d’un chèque inflation de 100 euros pour les Français gagnant moins de 2 000 euros nets par mois est évidemment toujours bonne à prendre mais elle ne saurait être l’alpha et l’oméga de la politique gouvernementale, notamment face à la détresse des travailleurs pauvres.
Son montant – 3,8 milliards d’euros – et les effets de communication qui l’accompagnent ne doivent pas nous faire oublier toutes les mesures qui ont profité aux plus aisés : les 7,2 milliards d’euros dépensés par le Gouvernement pour la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % des foyers les plus aisés, les 5 milliards de coût pour les finances publiques que représente la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’instauration de la
flat tax ou encore les 10 milliards d’euros de baisse des impôts de production.
Si ce chèque de 100 euros peut répondre aux besoins de certains de nos concitoyens, il faut rappeler que près de 38 millions de Français de plus de 16 ans gagnent moins de 2 000 euros nets quand une petite poignée gagne des millions chaque mois. Cette mesure, qui ne vaut que pour le seul mois de décembre à venir, ne répond pas à la situation des plus précaires qui, eux, sont pénalisés chaque jour, depuis de longs mois.
Faut-il vous rappeler aussi que depuis le début de l’année, les prix des carburants et du gaz ont augmenté respectivement de 18 % et 57 % ? Le bouclier tarifaire mis en place par le Gouvernement ne fait que décaler dans le temps les dépenses des Français, qui devront en payer le tribut après les échéances électorales qui viennent.
Il aurait pourtant été possible d’appliquer une solution bien plus juste consistant à considérer les carburants comme un produit de première nécessité et à ajuster le montant de TVA en conséquence. Au lieu de cela, le Gouvernement récupérera une partie du montant alloué grâce aux taxes. Pire, cet argent public transitera par les ménages mais finira dans les caisses des fournisseurs d’énergie comme Gazprom ou Total, groupe qui a réalisé un bénéfice net de 9,7 milliards d’euros sur les trois premiers trimestres de cette année !
En d’autres termes, même s’il contient des mesures de soutien aux ménages, ce PLFR n’apportera finalement aucune solution sérieuse de long terme aux Français les plus modestes, aux travailleurs pauvres qui restent les grands perdants de ce quinquennat, tandis que les gagnants demeurent non pas les riches mais les très, très riches.
Il devient urgent de sortir de ces budgets de classe pour instaurer un budget pour tous, un budget de justice et de solidarité fondé sur une stratégie de moyen et de long terme.
La parole est à Mme Lise Magnier. L’examen du second projet de loi de finances rectificative pour 2021 est l’occasion de dresser un premier bilan de cette année si particulière, à cheval entre maintien de mécanismes d’urgence, sortie de crise et relance.
Le premier constat que l’on peut établir est porteur d’espoir : la situation économique est meilleure qu’anticipée. La croissance devrait atteindre 6,25 % du PIB, peut-être même plus, au vu des excellents résultats au troisième trimestre. Mécaniquement, le niveau de l’emploi et des recettes fiscales pour l’État est meilleur que prévu, ce qui permet d’abonder le budget d’autant de recettes supplémentaires bienvenues. À l’évidence, le « quoi qu’il en coûte » a permis de préserver notre tissu productif et le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
La relance, amorcée l’année dernière et déployée de façon extrêmement rapide et efficace, joue un effet amplifiant significatif.
Il ne s’agit pas pour autant de se décerner des satisfecits à l’heure où des difficultés perdurent dans certains territoires et domaines d’activité et pour certains de nos compatriotes les plus précaires. Prenons toutefois un peu de recul : qui, il y a un an, aurait pu espérer que notre économie se porte aussi bien et que les emplois des François soient autant préservés ?
(M. Bertrand Bouyx applaudit.)
Les enjeux auxquels nous devons faire face sont encore nombreux. Je pense aux tensions sur les marchés des matières premières, aux difficultés de recrutement dans certains secteurs ou à la flambée des prix de l’énergie.
Pour autant, nous sommes convaincus que la voie tracée est la bonne, que notre politique économique porte ses fruits. Précisément, afin de lutter contre la flambée des tarifs énergétiques, le Gouvernement a annoncé des mesures fortes, dont ce texte vise à concrétiser certaines ; en effet, loin d’un simple collectif budgétaire de fin d’année, il contient des dispositions dont les effets seront réels pour nos concitoyens. La prime inflation y tient le premier rang, ce qui est bien normal compte tenu de son coût pour les finances publiques et du nombre de Français concernés. Si nous attendons encore des précisions du Gouvernement concernant son déploiement et ses modalités de versement, elle n’en constituera pas moins un soutien majeur au pouvoir d’achat pour la plupart de nos concitoyens.
Le chèque énergie supplémentaire bénéficiera aux 6 millions de ménages les plus modestes, pour un coût estimé à plus de 530 millions d’euros, ce qui n’a rien de négligeable à l’approche de l’hiver. Par ailleurs, au-delà du problème de l’énergie, le texte vise à poursuivre l’application des mesures annoncées en faveur des agriculteurs, confrontés à des épisodes de gel exceptionnels, mais aussi à la réapparition en France de la grippe aviaire. Ce sont là trois exemples éloquents : j’aurais pu en citer encore bien d’autres afin de souligner encore une fois l’importance de ce projet de loi de finances rectificative qui, tout en apportant des réponses concrètes à nos concitoyens, prouve les capacités d’adaptation et de réaction de l’État.
Ces dépenses supplémentaires seront compensées par des annulations, le plus souvent de crédits mis en réserve ou non consommés, ainsi que par la croissance et par des recettes plus importantes que prévu.
In fine , la situation des finances publiques est meilleure que nous ne l’espérions : le déficit prévu pour l’année 2021 est désormais estimé à 8,2 % du PIB, contre 8,4 % il y a seulement quelques semaines. Elle n’en demeure pas moins préoccupante, si bien qu’une fois passées la crise et les tensions internationales touchant les prix, il nous faudra reprendre le chemin de la maîtrise de la dépense. Notre position sur ce point ne varie pas, ne variera pas : il nous faut trouver l’équilibre entre soutien à la reprise et rétablissement des comptes publics. Nous répétons qu’une cure d’austérité semblable à celle qui a suivi la crise de 2008 serait contreproductive tant pour l’économie que pour les finances publiques ; cependant, la crise achevée, encore une fois, il nous faudra le courage de faire des choix audacieux, afin de tenir notre engagement d’un retour à 3 % de déficit en 2027.
Nous sommes convaincus que le projet de loi de finances rectificative est bien calibré, de manière à permettre la mise en pratique des annonces concernant la protection du pouvoir d’achat des Français, tout en témoignant de la vigueur de la reprise économique. Le groupe Agir ensemble votera donc en sa faveur.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Véronique Louwagie. Ce deuxième projet de loi de finances rectificative traduit le renoncement du Gouvernement face au niveau record de notre endettement. Non seulement les dépenses publiques connaissent un emballement ahurissant à quelques semaines de l’élection présidentielle, mais de manière totalement irresponsable, on laisse continuer de croître, comme la moindre des priorités, une dette pourtant vertigineuse ! Ce triste constat, ce n’est pas seulement nous, députés Les Républicains, qui le faisons : le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) déplore publiquement que le surcroît de recettes fiscales lié au dynamisme de la reprise n’ait pas été consacré au désendettement, comme il le préconisait. Des belles promesses qu’ils nous avaient faites, le ministre et le ministre délégué n’ont rien tenu ; au contraire, ces recettes supplémentaires sont absorbées, et au-delà, par les nouvelles dépenses qui, je le répète, fleurissent depuis quelques semaines afin de nous rappeler que le Président de la République est déjà en campagne. Vous aussi ! Ces dépenses électoralistes génèrent donc de l’endettement. Bref, en 2021, la croissance aura été entièrement financée par le déficit et la dette. C’est vrai ! Confronté à plus de 15 milliards d’euros de dépenses supplémentaires depuis septembre, le HCFP s’est senti obligé à une nouvelle saisine concernant le projet de loi de finances pour 2022, dans lequel, d’ailleurs, le Gouvernement a été lundi dernier jusqu’à faire inscrire en catimini 34 milliards d’autorisations d’engagement, par voie d’amendement, au détour d’une mission budgétaire ! Décidément, cette fièvre dépensière va de pair avec un total mépris du travail parlementaire et de la représentation nationale : c’est pourquoi je demande très clairement à M. le rapporteur général de dénoncer ce procédé injustifiable.
De renoncement en renoncement, notre dette est sur le point de franchir la barre symbolique des 3 000 milliards, soit près de 45 000 euros par Français. C’est simple : vingt-quatre des vingt-sept membres de l’Union européenne sont moins endettés que nous ! Cette année, les intérêts nous coûteront à eux seuls plus de 38 milliards – presque 1 400 millions de plus que vous n’aviez initialement prévu. Songez, chers collègues, à ce que cette somme représente de baisses d’impôts et de taxes que nous aurions pu offrir à nos compatriotes ! Encore eût-il fallu pour cela qu’entre 2017 et 2020, vous ayez le courage de profiter de la croissance pour nous désendetter, comme l’ont fait, là encore, vingt-quatre pays de l’Union. Le désendettement constitue pourtant un levier essentiel pour réduire la fiscalité et rendre ainsi aux Français du pouvoir d’achat.
Oui, le pouvoir d’achat est la préoccupation première de nos compatriotes, touchés de plein fouet par la flambée des prix des carburants, par la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité. À cette inquiétude, il fallait répondre par une baisse structurelle des taxes frappant les carburants et l’énergie, non par un chèque de 100 euros, opportunément distribué à quelques semaines des élections, pour solde de tout compte ! Un chèque nullement ciblé, nullement adapté aux besoins, que vous versez à la moitié des Français sans savoir s’ils utilisent leur voiture ni même s’ils ont le permis ; 100 euros d’aumône à la famille rurale qui a vu ses factures de carburant et de chauffage augmenter en 2021 de 600 ou 800 euros, à la mère célibataire qui n’a d’autre choix que de prendre sa voiture matin, midi et soir !
À cette politique du chéquier qui rappelle votre ADN socialiste
(Sourires sur plusieurs bancs du groupe LaREM) , le groupe Les Républicains préfère, je le répète, une politique de réduction de la fiscalité, bien plus juste et bien plus simple – car il est tout de même surréaliste que l’État distribue de l’argent aux citoyens afin de leur permettre d’acquitter des taxes sur le carburant dont le produit revient à l’État,… C’est vrai ! …surtout quand ces taxes représentent 60 % du prix à la pompe et 30 % du montant de la facture énergétique. Nous vous proposerons donc un amendement visant à supprimer toutes les taxes sur les taxes, en particulier sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). L’avez-vous chiffré ? Oui, nous l’avons chiffré : la mesure permettrait d’économiser 12 centimes par litre de carburant, compensant les 3,8 milliards que coûte chaque année aux Français la hausse des taxes survenue le 1er janvier 2018 et sur laquelle vous n’êtes jamais revenus. Pour une famille, ce seraient 280 euros regagnés chaque année sur la facture de carburant et 60 euros sur la facture de gaz ou d’électricité.
Nous espérons que vous nous entendrez et que nous pourrons vous convaincre d’adopter cet amendement. En attendant, les députés Les Républicains ne cautionneront pas votre politique du carnet de chèques : vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas en faveur de ce texte.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Très bien ! La parole est à M. Charles de Courson. Le Gouvernement présente ce projet comme un texte ordinaire qui renouerait avec la vertueuse tradition des collectifs budgétaires de fin d’année. Il n’en est rien. En effet, sa portée n’est pas limitée à des ajustements de fin de gestion ; au contraire, de même que le projet de budget pour 2022, il sert essentiellement de véhicule à des mesures électorales du président-candidat, tout en révélant la poursuite de la dégradation des finances publiques. C’est vrai ! Premièrement, si vous avez raison d’évoquer la bonne tenue du taux de croissance, que vous estimez à 6,25 %, vous vous gardez de préciser qu’elle ne résulte pas d’une accélération mais d’un rattrapage. La France fait partie des trois pays européens qui ont connu en 2020 la plus forte récession : la croissance avait alors chuté de 8 %. Il faudra donc attendre fin 2022 – et encore ! – pour que l’on puisse espérer voir la richesse nationale retrouver le niveau qu’elle aurait dû atteindre si elle avait poursuivi sa trajectoire de 1,2 % ou 1,3 % de croissance annuelle.
Deuxièmement, le déficit structurel est en forte hausse. D’après l’article liminaire du texte, il atteindra à la fin de l’année 5,7 points de PIB, soit deux fois et demie plus que dans les années 2017-2019, où il tournait autour de 2,3 points. Comme l’a rappelé le président de la commission des finances, la crise ne saurait être tenue pour responsable : cette aggravation de 3,4 % du PIB, c’est-à-dire de 83 milliards, découle uniquement de votre gouvernance budgétaire défaillante.
Troisièmement, les 20 milliards de recettes fiscales supplémentaires n’ont pas été affectés à la réduction de ce déficit. Compte tenu des pertes de recettes non fiscales, vous auriez du moins pu mobiliser une quinzaine de milliards ; vous n’en avez rien fait. Le HCFP constate même que, contrairement à ce qu’il préconisait dans son avis du 17 septembre, ce surcroît de ressources n’est pas consacré au désendettement, mais au contraire à de nouvelles dépenses. Cette décision surprend d’autant plus le groupe Libertés et territoires que, dans le projet de budget pour 2022, le Gouvernement a fait le choix de cantonner ce qu’il appelle la dette covid à hauteur de 165 milliards et de s’engager à la rembourser « par les fruits de la croissance, dont résulteront les surcroîts de recettes ». Il semblerait donc, monsieur le ministre délégué, que vous ayez déjà résolu de ne pas appliquer votre propre doctrine.
Quatrièmement, vous réduisez artificiellement le poids de la dette publique. À la fin de l’année 2020, elle s’élevait à 115 % du PIB ; vous venez d’annoncer qu’elle atteindrait 115,1 % fin 2021, alors que le déficit effectif est de 8,1 % du PIB. Comment expliquer ce miracle, chers collègues ? D’une manière fort simple : en 2020, le Gouvernement a surfinancé le déficit à hauteur de 2,8 points de PIB – ce n’est pas moi qui le dis, mais M. Dussopt qui nous l’a déclaré en commission. Après tout, 70 milliards d’euros sont si peu de chose ! Grâce à ces opérations de trésorerie, comme il les baptise pudiquement, le Gouvernement dispose d’un matelas qui lui permet de dissimuler la forte augmentation de la dette en 2021, comme d’ailleurs en 2022. Abstraction faite du surfinancement, en effet, notre endettement atteignait 112,2 % du PIB fin 2020 ; fin 2021, ce sera 113,4 %.
En outre, en comptabilité maastrichtienne, le montant de la dette publique est minoré du fait du système des primes d’émission.
Exactement ! Elles représentent encore 13,8 milliards en flux et continueront de s’accumuler pour atteindre en milieu d’année 103 milliards, soit plus de 4 points de PIB. Il conviendrait d’en finir avec cette illusion comptable, afin que le Parlement connaisse le véritable niveau de l’endettement public.
Cinquièmement, enfin, à l’article 12 du projet de loi, l’indemnité inflation, qui concentre 3,6 milliards de crédits de paiement, mériterait davantage le nom de prime électorale. Comme pour le bouclier tarifaire, notre groupe déplore le choix qu’a fait le Gouvernement de sortir le carnet de chèques – option qui révèle une décision prise dans l’urgence – plutôt que d’entamer une réforme fiscale. Si nous soutenons l’idée d’accompagner les citoyens face à la hausse des prix des carburants, le dispositif que vous proposez est injuste et mal calibré.
Injuste, tout d’abord, car vous imposez aux employeurs et aux collectivités de supporter le coût d’un versement immédiat, dès le mois de décembre, et sans remboursement rapide, alors que les fins d’année sont difficiles pour certains. Je note d’ailleurs que l’État se refuse à donner l’exemple : il a reporté à 2022 les versements à ses propres agents. Ensuite, des personnes ayant plus d’un employeur, des retraités exerçant une activité complémentaire, toucheront cette indemnité plusieurs fois.
Eh non ! Enfin, il est fondamentalement injuste de ne pas tenir compte des revenus du ménage : une employée gagnant moins de 2 000 euros par mois, mariée à un cadre supérieur qui en gagne 5 000, bénéficiera de la prime, contrairement à une femme seule qui élève trois enfants avec 2 100 euros par mois.
Par ailleurs, le dispositif est mal calibré : le texte, très elliptique, renvoie à un décret la fixation d’un certain nombre de principes,…
Il faut conclure, cher collègue. …et l’indemnité est dévoyée de son objectif initial. Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et territoires ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Merci, monsieur de Courson. Nous vous enlèverons tout à l’heure une minute de temps de parole…
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
Depuis le début de la crise de la covid-19, les projets de loi de finances rectificative se sont enchaînés. Ce second PLFR pour 2021 peut être qualifié de PLFR de fin de gestion. Notre groupe, en tout état de cause, s’y opposera. Ce n’est une surprise pour personne, puisque nous avons défendu une motion de rejet il y a quelques instants.
Je n’entrerai pas dans le détail technique – cela a déjà été fait –, mais je tiens tout de même à aborder quelques points. Au total, le PLFR prévoit 6 milliards d’euros d’ouverture nette de crédit – en fait, 14 milliards d’ouverture accompagnés de 8 milliards d’annulation. Ces mouvements importants démontrent une affectation approximative des crédits liés à la crise. Ils montrent aussi, dans une mesure qui n’est pas négligeable, le reflet de la tendance évidente de l’État à dépenser et à redéployer les crédits non consommés.
La véritable nouveauté du PLFR est son article 12, où l’on retrouve le fameux chèque inflation donnant lieu à une ouverture de crédits de 3,8 milliards d’euros sur la mission
Solidarité, insertion et égalité des chances . Ce chèque de 100 euros, initialement prévu pour faire face à la hausse des prix du carburant, est aujourd’hui présenté comme une réponse à l’inflation en général. Un terme bien vaste pour un chèque dont les conditions d’attribution restent floues – puisqu’on nous renvoie à un décret – et mal adaptées à de nombreuses situations, d’après ce que nous en comprenons.
De notre côté, nous avons défendu quelques propositions pour plus de justice fiscale, que nous ne retrouvons pas dans ce PLFR. C’est bien là que nos différences sont fondamentales et sans doute irréconciliables. Je ne sais pas si cela est dû à votre ADN droitier
(Sourires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM), mais votre conception de la répartition des richesses n’est pas la nôtre et votre affirmation de gain de pouvoir d’achat ne vaut pas pour tous ! Il y a la com’ et il y a la réalité que vit une majorité de Français ; ils se reconnaîtront sans peine.
Nous souhaitions augmenter et renforcer la contribution exceptionnelle des hauts revenus dans cette période inédite, pour renforcer les solidarités : circulez, y a rien à voir ! L’année dernière, j’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi en faveur de la contribution des hauts revenus et des hauts patrimoines à l’effort de solidarité nationale. Elle a été balayée d’un revers de main, alors qu’elle posait pourtant des questions plus que jamais d’actualité. Plus que jamais, en effet, nos compatriotes ont besoin d’une main tendue et d’un message fort. Ce n’est pas un chèque de 100 euros pour certains qui va changer la donne, pas plus que les cadeaux incessants faits aux plus aisés. Un juste équilibre est à trouver, mais vous ne souhaitez pas l’envisager ; c’est irresponsable. Vous auriez pu porter le taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 35 %, par exemple.
Eh oui ! Un petit pas, certes insuffisant, mais un petit pas ! Eh bien non !
Parmi nos propositions, nous souhaitons également revenir sur la baisse des impôts de production. Ces baisses absurdes réduisent les pouvoirs fiscaux des collectivités et détricotent leurs ressources. La suppression de la taxe d’habitation (TH) a des effets collatéraux inquiétants. Une étude de l’Institut des politiques publiques relève que dans le contexte du mécanisme du coefficient correcteur – le fameux coco –, « ces résultats impliquent des transferts ancrés sur le long terme et dynamiques, de communes en moyenne moins peuplées et à plus faible revenu, vers des communes en moyenne plus urbaines où le pouvoir d’achat des résidents est plus important ». Ce n’est pas acceptable et il va falloir corriger le tir !
En définitive, ce collectif budgétaire de fin de gestion est traditionnel car il reprend tout ce qui a fait l’ADN de la majorité : son refus de voir la réalité en face, son refus de prendre les problèmes par le bon bout, son refus de justice sociale et fiscale et son refus d’impliquer les différentes oppositions. Face à ce choix d’une politique qui n’évolue pas, dont vous refusez de changer le disque et à laquelle vous refusez d’intégrer les enjeux sociaux et environnementaux, nous n’avons d’autre choix que de renouveler notre opposition à ce PLFR. Les choses n’ont pas changé depuis 2018 : si les Français ne sont plus sur les ronds-points, leur colère et leur sentiment d’abandon restent les mêmes. Il est malheureusement trop tard pour que vous changiez vos certitudes – des certitudes encore égrenées hier soir par le chef de l’État qui ressemblait plutôt à un chef de campagne, pour ne pas dire à un chef de camp.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.) C’est dit ! La parole est à M. Éric Coquerel. Hier soir, j’ai entendu trente minutes de boniments du candidat Macron. Le candidat Macron n’aime pas les pauvres, donc il a décrété qu’il n’y en avait plus. Peu importe que, sous son règne, depuis 2017, il y en ait eu 1 million de plus si l’on ajoute les étudiants et les SDF – sans domicile fixe – aux statistiques de l’INSEE. Et peu importe que ces pauvres soient toujours plus pauvres. J’invite d’ailleurs le candidat Macron à se joindre à une file d’attente de l’aide alimentaire pour oser expliquer le contraire à ceux qui ont faim et aux bénévoles, qui n’en peuvent plus de suppléer l’État.
Le candidat Macron n’aime pas davantage les chômeurs, donc il durcit les conditions d’accès au chômage et menace la moitié d’entre eux, qui sont rémunérés, de perdre leurs indemnités s’ils n’acceptent pas l’emploi imaginaire censé leur tendre la main de l’autre côté de la rue. Peu importe qu’il y ait eu 284 000 suppressions d’emplois en un an dans notre pays, ou que nombre des emplois qui permettent d’arranger les statistiques du chômage n’aient que la durée de vie d’un éphémère ou ne représentent que quelques heures par semaine.
En revanche, le candidat Macron aime beaucoup ses potes les riches, donc il n’a eu de cesse de leur faire des cadeaux pérennes tout au long de son quinquennat. Peu importe que le patrimoine des 500 plus grandes fortunes du pays ait déjà augmenté de près de 100 % depuis 2017 et de 30 % rien qu’en un an.
En revanche, si le candidat Macron n’aime pas les manants, il les craint. Alors comme, à la veille des présidentielles il ne peut plus cacher le problème de pouvoir d’achat que sa propagande avait tenté de nier, et comme il veut éviter que d’autres gilets jaunes ne perturbent sa fin de règne, il a décidé de sortir deux mesures de son chapeau : celles que l’on retrouve dans ce PLFR. À l’inverse des cadeaux qu’il a faits aux riches, ces mesures sont ponctuelles – surtout, elles sont faibles, inadaptées et même un peu attrape-nigaud. C’est normal, me direz-vous, puisque c’est un peu comme cela qu’il voit les manants.
L’une de ces deux mesures, c’est le rab de 100 euros sur le chèque énergie. Cette mesure est un peu ridicule quand on sait qu’elle ne compense pas du tout la hausse des prix de l’énergie, que le blocage des prix n’intervient qu’après plus de 57 % d’augmentation des prix du gaz en moins d’un an et que 12 millions de personnes en France ont froid chez elles ou peinent à payer leurs factures d’énergie. La mesure est d’autant plus ridicule que ces 100 euros seront en partie financés par les recettes de TVA dues à l’augmentation de ces mêmes prix. Pire, les recettes perdues en raison du bouclier tarifaire seront compensées en 2023 par des tarifs réglementés plus élevés que prévu. En résumé, non seulement ce sont des solutions de court terme et insuffisantes, mais en plus elles sont payées par les consommateurs eux-mêmes – de façon différée, après les élections évidemment.
L’autre mesure cache-misère de ce PLFR, c’est l’indemnité inflation, elle aussi ridiculement basse : elle équivaut à moins de 10 euros par mois pendant un an. Elle aussi est financée par les recettes de la nation, et surtout pas par celles des pétroliers, ainsi que par la TVA récupérée sur la hausse des prix du carburant. Or, le prix du carburant n’ayant pas été bloqué, cette hausse devrait vite dévorer les pauvres 100 euros de tous ceux qui auront le malheur de devoir continuer à remplir leur réservoir.
Bref, hier, une fois que j’en ai eu terminé avec ces trente minutes de campagne du candidat Macron, las de sa propagande et de ses chèques en bois, j’ai fait un rêve.
Ah, ah ! Je me suis surpris à rêver d’un autre PLFR, celui que le président Mélenchon demandera à son gouvernement de proposer au Parlement en juillet 2022 : un PLFR où l’on ne se contentera pas de lancer de grands plans de communication sans aucun effet positif sur la vie des gens ; où, plutôt que d’entériner la hausse des prix de l’énergie, on les bloquera au tarif antérieur aux hausses récentes et où l’on rendra gratuits les premiers kilowattheures et mètres cubes d’électricité et de gaz ; où les 1 million de pauvres de notre pays bénéficieront d’une vraie garantie d’autonomie pour rester au-dessus du seuil de pauvreté ; où les jeunes pourront enfin toucher le RSA avant 25 ans et bénéficier de la création de 300 000 emplois-jeunes. Dans ce budget, le SMIC sera enfin augmenté sérieusement, à 1 400 euros net. Plutôt que de stigmatiser les chômeurs, de les menacer et de les rayer des listes pour les invisibiliser, on créera une garantie d’emploi que tout chômeur de longue durée pourra réclamer, tandis que les autres seront indemnisés dès le premier jour chômé.
Le tout sera très largement financé par le retour d’un ISF renforcé, la suppression de niches fiscales, la création d’un impôt universel sur les entreprises ou encore la refonte de l’impôt sur le revenu en quatorze tranches. Nous avons diagnostiqué plus de 110 milliards de recettes dans notre contre-budget, que je vous invite à lire. Je dis aux gens concernés en théorie par les mesures de ce PLFR, et surtout par les mesures que nous annonçons à travers le programme du candidat Mélenchon, qu’ils ont les moyens que ce rêve devienne réalité !
La parole est à Mme Cendra Motin. À l’occasion de l’examen de ce budget rectificatif, permettez-moi de dresser un premier bilan sur le plan économique et budgétaire. Malgré l’épidémie, toujours présente, le contexte économique est très favorable et nous avons de bonnes raisons d’être fiers de la France : elle a retrouvé son niveau d’activité d’avant crise avec trois mois d’avance, elle est restée le pays le plus attractif pour les investissements étrangers pour la deuxième année consécutive et elle réalise son meilleur chiffre de croissance trimestriel depuis 1968, avec 3 % au troisième trimestre 2021.
Ces bons résultats économiques ne viennent pas de nulle part, ils sont la conséquence de nos choix depuis le début du quinquennat et, plus encore, pendant la crise sanitaire. Ils sont également le reflet du sérieux budgétaire dont nous faisons preuve depuis 2017, et dont ce deuxième budget rectificatif est l’illustration. Avec un déficit public revu à 8,1 % contre 9 % au printemps dernier, et un objectif de 5 % pour 2022 jugé plausible par tous, nous aurons effacé en deux ans plus des deux tiers du déficit généré par la crise quand, dans le même délai, ceux qui nous donnent aujourd’hui des leçons n’avaient fait que la moitié du chemin.
Méthode Coué ! Nous tenons nos engagements, parce que la relance est un succès. Elle a été amorcée en 2020 avec le plan France relance, qui prévoit 100 milliards d’euros d’investissements et dont le déploiement est un succès : près de 55 milliards d’euros ont déjà été engagés et 70 milliards l’auront été d’ici à la fin de l’année.
Dans ce budget rectificatif, nous redéployons ce qui marche le mieux : le plan « 1 jeune, 1 solution », le soutien à la transition écologique, en particulier au dispositif MaPrimeRénov’, ou encore l’extension du dispositif Territoires d’industries. Nous le faisons parce que nous avons des résultats concrets : le taux de chômage, à 7,6 %, est au plus bas depuis 2008. Le haut niveau de protection pendant la crise et la force de la relance économique nous permettent, avec ce budget rectificatif, d’acter la sortie des mesures d’urgence pour nous tourner vers demain.
Néanmoins, si les carnets de commandes de nos entreprises sont pleins et que nous devons nous réjouir de la vigueur de la reprise économique, nous ne pouvons ignorer ses effets collatéraux : une hausse brutale de la demande en énergies, une tension forte sur les matières premières, une explosion du coût des transports et, de ce fait, une envolée des prix. Le défi de la sortie de crise est donc aussi celui de l’inflation. Notre responsabilité est claire : continuer à protéger les Français, comme nous l’avons fait depuis le début de ce mandat. Pour faire face à l’explosion des prix de l’énergie en ce début d’hiver, nous avons d’ores et déjà voté le bouclier tarifaire pour les prix du gaz et de l’électricité. Avec ce budget rectificatif, nous y ajoutons une aide exceptionnelle et individuelle de 100 euros pour faire face à l’inflation, elle aussi exceptionnelle, du coût de nombreux produits de la vie courante : l’essence mais aussi les produits alimentaires et l’habillement, par exemple. Trente-huit millions de Français qui touchent moins de 2 000 euros par mois en bénéficieront : 38 millions de salariés, de travailleurs indépendants, de fonctionnaires, d’étudiants et d’alternants, de demandeurs d’emploi, de retraités, d’adultes bénéficiaires des minima sociaux recevront cette aide attendue dans les prochaines semaines.
De plus, les six millions de ménages français les plus modestes recevront un chèque énergie exceptionnel de 100 euros : il les aidera à face à la hausse des prix de l’énergie et à se chauffer. Faire cela, ce n’est pas « cramer la caisse » ; c’est s’assurer, en responsabilité, que tous les Français pourront se chauffer correctement cet hiver.
Enfin, par ce projet de loi de finances rectificative, nous continuons de soutenir l’activité économique et l’emploi, moteurs de la croissance grâce à laquelle nous finançons nos projets. Dans l’agriculture, 500 millions d’euros sont débloqués pour financer les mesures de soutien liées aux épisodes de gel et à la grippe aviaire qui sévit actuellement. Au monde de la culture, nous accordons aussi un soutien supplémentaire, à hauteur de 227 millions d’euros.
En somme, ce budget est le reflet de notre stratégie depuis 2017…
C’est bien ce qui nous inquiète ! …à savoir : investir massivement dans les dispositifs qui fonctionnent pour le pays et pour les Français ; gérer avec sérieux chaque euro d’argent public, pour disposer des marges de manœuvre nécessaires lorsque la situation l’exige ; assumer de déployer des moyens supplémentaires pour protéger nos concitoyens en cas de crise. Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2021. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Michel Zumkeller. En préambule, je tiens à dénoncer les conditions déplorables dans lesquelles nous examinons ce texte : les documents ont été obtenus vingt-quatre minutes après le début de l’audition des ministres, l’examen en commission s’est déroulé un samedi, et les amendements devaient être déposés lundi avant treize heures. Que vous méprisiez les députés, monsieur le ministre délégué, nous l’avions bien compris, mais vous pourriez au moins respecter le travail de nos collaborateurs – car pour déposer des amendements un lundi avant treize heures, il faut travailler le dimanche. Oh ! De plus, en cette veille de commémoration du 11 Novembre, nombre de nos collègues ont dû d’ores et déjà regagner leur circonscription, ce qui les prive du présent débat. C’est vrai ! Vous voudriez nous décourager de siéger, vous ne vous y prendriez pas autrement !
Du fait de la conjoncture économique et des dépenses ponctuelles annoncées par le chef de l’État au beau milieu de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, il nous est demandé d’examiner un collectif de fin de gestion qui intègre une indemnité inflation et des dispositifs de soutien à la formation des salariés et des demandeurs d’emploi. Les choses ont bien changé depuis le premier PLFR pour 2021, que nous avions soutenu. Le texte que vous nous présentiez en juin 2021 devait s’inscrire dans une dynamique de relance, tout en sortant progressivement du régime d’urgence sanitaire, économique et sociale. Il prévoyait de surcroît un fléchage supplémentaire de 15,5 milliards d’euros pour abonder les dispositifs de soutien exceptionnels jusqu’à la fin du mois d’août.
L’examen de ce deuxième PLFR pour 2021 intervient, quant à lui, dans un contexte de soutien du pouvoir d’achat des ménages et d’extinction des mesures d’urgence, et plus encore d’explosion de la dépense publique et d’endettement soutenu – la dette atteint 115,3 % du PIB. Les dépenses publiques s’élèveraient à 1 444 milliards d’euros, soit 55,7 % du PIB en 2022, en hausse de 1,9 % par rapport au niveau d’avant la crise du covid.
Nous avons bien noté qu’une partie des nouvelles dépenses n’avaient pas vocation à être pérennes, notamment les mesures de soutien au pouvoir d’achat, mais il est de notre devoir de vous alerter sur les conséquences à long terme de cette course folle à l’endettement. Comme le souligne le HCFP, le surcroît de recettes fiscales liées au dynamisme de la reprise n’est pas consacré au désendettement. Les rentrées fiscales supplémentaires – 3 à 5 milliards d’euros –, sont malheureusement compensées par un surcroît de dépenses nouvelles, ce que nous regrettons. Nous continuons donc de sonner l’alarme concernant la dette : elle dépassera 3 000 milliards d’euros l’année prochaine, soit près de 45 000 euros par Français. Nous ne sommes pas dupes : la baisse apparente du montant de la dette ne résulte pas d’une réduction du déficit, mais simplement d’opérations de trésorerie de l’État. Nous sommes convaincus que la dette demeure un des enjeux majeurs des prochaines années – pour ne pas dire, des prochains mois. Nous vivons avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. C’est un problème qu’il faudra affronter de manière beaucoup plus concrète.
Exactement ! Quelle stratégie de désendettement propose le Gouvernement ? Nous l’attendons toujours. La promesse de ne pas augmenter les impôts pourra-t-elle être tenue ? Quand sera enfin présenté un véritable plan stratégique de réduction de la dépense publique, passant par une chasse aux gaspillages et à la bureaucratie ? Plutôt que de financer de nouvelles dépenses en rehaussant la fiscalité, il serait grand temps que l’État assume sa part de responsabilité en s’engageant à compenser toute nouvelle dépense par la suppression d’une dépense non nécessaire : telle est la posture d’exemplarité que je défends avec le groupe UDI et indépendants ; c’est un engagement fort que nous devons prendre vis-à-vis de nos concitoyens.
Après avoir déjà qualifié votre budget d’incomplet en septembre dernier, le HCFP nous a alertés une seconde fois sur l’incertitude qui entoure les dépenses de l’État. Même si nous comprenons la hausse des plafonds d’autorisation d’emplois – notamment pour le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, compte tenu des indemnisations des dommages liés au gel et des contrôles rendus nécessaires par le Brexit –, nous regrettons que le plafond d’emplois des opérateurs ait été revu à la hausse en 2021, à 226 équivalents temps plein travaillés (ETPT), dont la majorité – 184 ETPT – profitent aux agences régionales de santé (ARS). Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur le rôle que ces dernières ont joué pendant la crise !
C’est vrai ! Le groupe UDI-I soutient les mesures prises pour lutter contre l’épidémie de covid-19, lorsqu’elles sont pertinentes et justifiées – j’aurai d’ailleurs l’honneur de présenter la semaine prochaine, en commission des affaires sociales, une proposition de loi visant à prendre en charge les patients souffrant du covid long. La lutte contre l’épidémie nécessite un accompagnement financier, sous réserve d’un bon fléchage territorial qui la rende pleinement effective. À cet égard, il n’est pas justifié de consacrer des moyens supplémentaires aux ARS ; ce serait même persister dans l’erreur.
Le présent PLFR n’inversera donc pas votre tendance à la dépense publique et à la suradministration.
Par ailleurs, face à un enjeu énergétique de nature structurelle, plutôt que vos réponses conjoncturelles en période préélectorale – des chèques-cadeaux coûtant 3,8 milliards à l’État –, notre groupe présentera un amendement visant à supprimer définitivement la TVA appliquée à la fiscalité énergétique, qui n’est autre qu’une taxe sur une taxe. À l’heure où les Françaises et les Français dénoncent l’injustice d’une fiscalité à laquelle ils n’adhèrent plus, il est de notre devoir de leur apporter de vraies solutions, en réintroduisant du sens dans le système fiscal.
Le véritable enjeu de ce PLFR devrait être de trouver un équilibre des comptes dans un contexte inédit de sortie de crise. Nous déplorons qu’en l’état, votre projet de loi ne le permette pas. Les députés de notre groupe ont proposé de nombreuses actions visant à améliorer la situation budgétaire : ainsi, la lutte contre la fraude sociale et fiscale, ou la diminution du nombre d’agences nationales. Je vous appelle à prendre conscience de ces enjeux, à sortir du déni et à engager une discussion constructive sur ce projet budgétaire.
(M. Jean-Marie Sermier applaudit.) La parole est à M. Matthieu Orphelin. Il y a du bon et du moins bon dans ce projet de loi de finances rectificative ; il y a surtout un décalage entre l’urgence que vivent les Français et les Françaises, confrontés à l’envolée des prix de l’énergie, et les décisions que le Gouvernement décide enfin de prendre. Notons un bon point : une aide de 100 euros est destinée à ceux qui perçoivent moins de 2 000 euros par mois. Mais, si cet effort est significatif pour certains, il est évidemment beaucoup trop limité, notamment pour les ménages les plus exposés à la précarité énergétique. Nous avons déposé plusieurs amendements visant à porter le montant de cette aide exceptionnelle, pour les six millions de foyers qui bénéficient du chèque énergie, de 100 euros à 400.
Quel décalage entre vos propositions et la réalité que vivent les Français ! Nous célébrons aujourd’hui la première journée nationale de lutte contre la précarité énergétique. Rappelons les chiffres. L’hiver dernier, 60 % des ménages ont réduit leur chauffage, 25 % ont eu du mal à payer leurs factures, et 20 % ont eu froid. Qu’attend le Gouvernement pour agir ? Qu’attend-il, notamment, pour aider les ménages à engager des rénovations performantes globales et de grande ampleur, qui permettraient de diviser par trois ou quatre les factures énergétiques ? C’est de cela que les Français ont besoin, pas de se voir annoncer la construction d’EPR – réacteurs pressurisés européens – qui verront le jour dans quinze ans ! Il faut les aider à réduire leur facture d’énergie, et nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez d’agir dans ce domaine. Vous nous répondrez certainement que vous avez créé MaPrimeRénov’, mais seuls 0,1 % des dossiers concernent des rénovations globales, susceptibles de diviser par trois ou par quatre les factures d’énergie. Le Gouvernement peut faire beaucoup plus, en lançant un nouveau dispositif d’aide concentré sur les ménages les plus précaires, avec un reste à charge zéro. Il faut également renforcer les dispositifs MaPrimeRénov’ et Habiter mieux sérénité pour les ménages les plus précaires, tant les chiffres sont ridicules : 50 000 rénovations performantes ont été réalisées en 2021 ! Nous ne pouvons nous en satisfaire.
Nous espérons aussi qu’un jour, vous vous déciderez à taxer ceux qui profitent de la crise énergétique : pour rappel, TotalEnergies a engrangé 4,8 milliards de dollars de bénéfice net au troisième trimestre 2021, et 11 milliards depuis le début de l’année – et encore, l’année n’est pas finie ! À longueur de communiqués financiers, ce groupe se félicite de sa bonne santé, qu’il doit à l’augmentation du prix du pétrole. Le Gouvernement ne peut rester sans réagir.
Enfin, il faut cesser d’accorder des subventions et des garanties aux projets de production d’énergies fossiles à l’étranger – malheureusement, nos amendements en ce sens seront probablement rejetés par la majorité. Nous avons souvent eu cette discussion ; chaque fois, vous avez expliqué que la France figurait parmi les meilleurs pays du monde en la matière. Mais aujourd’hui, la France est à la traîne. Dans le cadre de la COP26 qui se tient actuellement à Glasgow, tous les grands pays – sauf la France – se sont engagés à cesser de donner des garanties aux projets de production d’énergies fossiles et de charbon à l’étranger. La France porte le bonnet d’âne ! L’Allemagne et les Pays-Bas ont pris cet engagement hier, l’Espagne l’a fait aujourd’hui… Il ne manque plus que nous. Malheureusement, vous avez décidé de ne rien faire : ce PLFR en témoigne. C’est dommage. Lors de l’ouverture de la COP26, le Président de la République a appelé tous les pays à agir ; résultat : les autres l’ont fait bien plus fermement que la France. Nous sommes en voie de nous classer parmi les pays à la traîne. Il est temps de réagir. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre délégué, pour relayer cette parole.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 78. Des prévisions pour 2021, nous ne connaissons finalement plus que le déficit effectif, qui se situe à 8,1 % du PIB. Pour le reste, entre le déficit structurel, les mesures ponctuelles et les mesures conjoncturelles, on ne sait plus où l’on en est. Je propose donc de laisser ces cases non renseignées dans le tableau – à moins que M. le ministre délégué nous apporte des explications complémentaires sur ce nouvel article liminaire ? Quel est l’avis de la commission ? Bien qu’il s’agisse d’un amendement d’appel qui interroge davantage le Gouvernement que la commission, j’apporterai deux précisions. En premier lieu le fait que les crédits d’urgence aient d’abord été prélevés dans le solde conjoncturel, puis dans le solde structurel, a évidemment modifié considérablement les différents soldes, à mesure que la crise avançait – nous en avons parlé à de multiples reprises, je n’y reviendrai donc pas.
En second lieu, comme je l’ai expliqué avec insistance lors de la discussion générale, il est extrêmement difficile voire impossible, dans un tel contexte, d’anticiper certains grands mouvements budgétaires. Les principaux agrégats et soldes évoluent de façon plus sensible que d’habitude – c’est d’ailleurs le cas depuis que la crise a éclaté.
Mon avis sur l’amendement est donc défavorable. Au-delà, je nous invite collectivement à faire preuve d’humilité quant aux grands agrégats des finances publiques, face à une crise d’une telle nature. Réjouissons-nous plutôt collectivement des bonnes nouvelles : la croissance est supérieure à nos espérances, et le déficit est inférieur à ce que nous pouvions craindre.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. Les documents budgétaires doivent respecter une sorte de formalisme dans la présentation des soldes structurel, conjoncturel et autres agrégats.
Je partage en partie le point de vue de M. de Courson. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la situation économique actuelle est très volatile et les dénominateurs comme les numérateurs qui servent à calculer ces soldes bougent de manière fréquente et marquée entre deux prévisions. De ce fait, les distinctions et l’utilité de ces indicateurs sont certainement à relativiser dans la période que nous traversons. Néanmoins, nous avons besoin de ces documents dans le PLF comme dans le PLFR ; c’est pourquoi nous y sommes attachés, même si ce débat est légitime.
Pour le reste, je souscris aux arguments de M. le rapporteur général : au-delà de la relative imprécision de ces indicateurs, on constate une amélioration de la situation économique dont il convient de se réjouir.
La parole est à M. Charles de Courson. À la quatrième ligne du tableau, qui concerne les mesures ponctuelles et temporaires, il est indiqué – 0,1 point de PIB, soit 2,5 milliards – nous sommes d’accord ? Or la seule mesure de l’article 12 est évaluée par vos soins à 3,6 milliards. Ce n’est donc pas possible !
Et la loi de finances initiale pour 2021 comportait d’autres mesures ponctuelles. Expliquez-nous par conséquent comment vous parvenez à ce chiffre de – 0,1 point de PIB pour les mesures ponctuelles ? Je ne comprends plus. Je me souviens que vous nous aviez dit en commission que ce tableau n’avait pas de signification pour 2020 et 2021, et qu’il n’en aurait qu’en 2022.
(L’amendement no 78 n’est pas adopté.) La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 123. Cet amendement, que j’ai annoncé lors de la discussion générale, vise à actualiser le niveau du déficit public à 8,2 % du PIB, pour tenir compte de l’adoption d’un amendement au Sénat hier dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui relève le niveau de l’ONDAM de 1,7 milliard d’euros. Le jeu des arrondis, si je puis le dire ainsi, nous amène à rectifier le niveau du déficit public pour le porter de 8,1 à 8,2 %, sachant que, si l’écart entre la prévision de croissance estimée à 6,25 % et la croissance qui sera effectivement constatée à la fin de l’année est positif – ce que nous souhaitons –, ce chiffre aura vocation à être révisé. Quel est l’avis de la commission ? Avis favorable, en précisant que cette révision ne modifie pas – je le dis en anticipant probablement la question de Charles de Courson – les composantes du solde, puisqu’il ne s’agit que d’arrondir le niveau du déficit public qui passe de 8,1 à 8,2 %, à la suite de l’amendement adopté au Sénat dans le cadre de l’examen du PLFSS. La parole est à M. Charles de Courson. Je n’ai pas dépassé l’école primaire, mais j’ai appris à compter. Si vous passez de 8,1 à 8,2 de déficit, par quoi le compensez-vous, entre le solde structurel, le solde conjoncturel et les mesures ponctuelles ? Vous ne pouvez vous contenter de dire que ce n’est pas grave et qu’il ne s’agit que de pouièmes. Ce n’est pas le cas ! Si vous faites la somme, vous n’arrivez pas à 8,2 % de déficit.
Je vais vous faire une proposition d’ami.
Négocions ! Augmentez les mesures ponctuelles, de – 0,1 à – 0,2. Sinon, on ne comprend pas. M. de Courson a raison. Il a raison ! Nous allons déposer un sous-amendement ! C’est du niveau de l’école primaire ! Nous avons tous notre certificat d’études. Pas moi ! À mon époque, il n’existait plus. Monsieur le ministre délégué, si vous voulez réagir, vous avez la parole. Il ne peut pas ! Il doit s’agir d’une nouvelle arithmétique. Répondez ! La raison est purement arithmétique : il s’agit de la règle des arrondis. Le rapporteur général l’a déjà souligné, nous étions sur un gros 8,1, si je puis dire, et nous passons à un petit 8,2, mais cela ne modifie en rien les composantes, en vertu de cette même règle d’arrondis. Nous pourrions indiquer des valeurs incluant jusqu’à deux chiffres après la virgule, mais cela ne s’est jamais fait. Nous passons du dixième inférieur au dixième supérieur, c’est aussi simple que cela.
(L’amendement no 123 est adopté.) La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement no 116. Il s’agit d’un amendement d’appel de la présidente Valérie Rabault, qui rappelle l’historique de la répartition entre les soldes conjoncturel, structurel et les mesures ponctuelles, comme l’a rappelé M. de Courson. La Commission européenne est intervenue pour recalculer ces composantes ; c’est regrettable, d’autant plus qu’il s’agit d’un vrai sujet pour les futures programmations pluriannuelles que nous aurons à examiner. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable ou plutôt demande de retrait. Je ferai la même réponse qu’à Charles de Courson précédemment : le solde structurel et le solde conjoncturel ont effectivement beaucoup bougé pendant la crise, en raison du choix du Gouvernement d’inscrire les crédits d’urgence d’abord dans l’un, puis dans l’autre, pour se mettre en cohérence avec les autres pays européens et tenir compte de la méthode de calcul de la Commission européenne.
(L’amendement no 116, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article liminaire, amendé, est adopté.)
Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2021.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 75, qui tend à modifier l’intitulé de la première partie.
Il s’agit d’un amendement de clarification : la première partie s’intitule « Conditions générales de l’équilibre financier », mais, dès lors que nous sommes face à des déficits croissants, mieux vaudrait parler de déséquilibre financier. Quelles sont les conditions générales du déséquilibre croissant des finances publiques ? Innovons – ou arrêtons de faire l’inverse de ce qui est affiché.
(L’amendement no 75, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Nous en venons aux amendements portant article additionnel avant l’article 1er. L’amendement no 16 de M. Éric Coquerel est défendu.
(L’amendement no 16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 99. Nous avons déjà défendu cet amendement qui a pour objet de réserver à la collectivité de Corse une fraction du produit de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) déchets collectée sur le territoire corse, conformément à une délibération adoptée par l’Assemblée de Corse en 2019. Je ne reviens pas sur les difficultés de la Corse dans ce domaine. Il s’agit de permettre à la collectivité de Corse de régler les problèmes de déchets. Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je m’en tiens à une position de principe : nous examinons un projet de loi de finances rectificative de fin de gestion, pour lequel nous respectons une discipline collective visant à ne pas insérer de nouvelles dispositions fiscales. C’est particulièrement vrai quand il s’agit d’amendements que nous avons déjà examinés lors de l’examen de la première partie du PLF et que nous retrouverons lors de l’examen des articles non rattachés, en seconde partie. Quel est l’avis du Gouvernement ? Comme M. le rapporteur général vient de le rappeler, nous nous attachons systématiquement à ce que les projets de loi de finances rectificative de fin de gestion ne comportent pas de nouvelles mesures fiscales, considérant qu’on ne rejoue pas le match de manière permanente. Il s’agit d’une constante, mais aussi d’un gage de stabilité des règles fiscales.
Certes, il est légitime que des parlementaires présentent des amendements pour défendre leur position mais, de façon générale et sauf exception, le Gouvernement sera par principe défavorable à tout amendement de nature fiscale, au risque que ces avis soient formulés de manière très brève.
Eh bien oui !
(L’amendement no 99 n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l’amendement no 19. J’entends la réponse du ministre délégué. Il n’en reste pas moins qu’au vu des différentes lois de finances rectificatives que nous examinons depuis un an et demi, il aurait été nécessaire, ne serait-ce que pour faire payer une taxe à ceux qui ont profité financièrement de la crise, d’évoquer le registre des recettes.
Cet amendement, que nous estimons nécessaire, vise à réintroduire quatorze tranches à l’impôt sur le revenu, afin que celui-ci soit plus juste et plus redistributif. Selon nos calculs, la mesure bénéficierait à toutes les personnes gagnant moins de 4 000 euros par an – soit l’immense majorité des Français.
(L’amendement no 19, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l’amendement no 14. C’est un amendement que nous défendons régulièrement, notamment parce que nous n’obtenons pas de réponse satisfaisante. Il vise à supprimer le crédit d’impôt recherche (CIR). Je ne recevrai sans doute pas de réponse, mais je tiens à dire au préalable que supprimer le CIR n’interdirait pas d’aider au cas par cas des entreprises, notamment des PME, dans le domaine de la recherche. En attendant, il faut mettre fin à ce dispositif qui accorde de l’argent aux entreprises sans conditionnalité, coûte très cher et n’empêche pas certaines d’entre elles de supprimer des emplois en France, y compris dans le secteur de la recherche.
(L’amendement no 14, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l’amendement no 87. L’un des éléments positifs du PLFR est l’indemnité inflation de 100 euros. Cet amendement vise à la porter à 400 euros pour les ménages les plus précaires, c’est-à-dire ceux qui bénéficient actuellement du chèque énergie.
Nous proposons également d’augmenter les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique globale et au changement de véhicule. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement s’obstine à ne pas instaurer un éco-prêt à taux zéro pour favoriser le remplacement de véhicule dans tout le territoire français au lieu de le faire uniquement dans les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
(L’amendement no 87, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l’amendement no 88. Je le répète, même si le ministre délégué se contentera de donner un avis défavorable : pourquoi ne voulez-vous pas faire un geste pour inciter aux rénovations énergétiques globales ? Il est facile de ne pas me répondre, mais comment pouvez-vous vous satisfaire des 50 000 rénovations globales effectuées l’année dernière, alors que vous déclarez en faire une priorité ? Comment pouvez-vous assumer d’en faire si peu, alors que ce mercredi 10 novembre est la première journée nationale de lutte contre la précarité énergétique ?
(L’amendement no 88, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) Sur les amendements nos 109 et 110, qui seront appelés dans un instant, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 95.
Cet amendement a pour objet d’offrir un cadre fiscal incitatif aux installations de production d’hydroélectricité exploitées dans des zones non interconnectées (ZNI).
L’amendement ne tend pas à compenser, pour le consommateur, les surcoûts de production de l’électricité liés à des conditions moins favorables et à des handicaps physiques. Ce rôle incombe à la compensation instituée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) au nom de la solidarité nationale. Il vise à inciter les collectivités qui le souhaitent à investir dans l’hydroélectricité, avec tous les avantages que cela suppose.
(L’amendement no 95, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l’amendement no 15. Il s’agit d’instaurer en France une taxe sur les multinationales – dite impôt universel sur les multinationales –, à hauteur des bénéfices qu’elles réalisent dans le pays. Je n’entrerai pas dans le détail, puisque seules deux minutes me sont imparties, mais les travaux de l’économiste Gabriel Zucman sur le sujet sont très sérieux. Sur la base d’un taux de 25 %, on estime que cette taxe permettrait de récupérer 26 milliards d’euros, et qu’elle pourrait entraîner d’autres pays dans un sillage vertueux.
Pour que l’on ne me réponde pas que la France n’a pas attendu l’amendement pour agir et qu’elle a favorisé l’instauration d’une taxe mondiale de 15 % sur les multinationales, je rappelle que ladite taxe va certainement inciter certains pays à moins taxer ces sociétés – soit le contraire de l’effet recherché. Il est indispensable de taxer les multinationales, comme toutes les autres entreprises, à hauteur de leur bénéfice réel en France.
Quel est l’avis de la commission ? Je note que vous citez systématiquement Gabriel Zucman dans vos amendements. (Sourires.) J’ai beaucoup de respect pour son travail, mais je vous invite à vous référer aussi à d’autres économistes. La comparaison des différentes analyses est toujours intéressante.
Contrairement à ce que vous dites, monsieur Coquerel, c’est bien grâce à la France que le principe d’un taux d’imposition minimum mondial de 15 % sur les sociétés a été adopté au niveau international, ce que tout le monde pensait impossible au début de la présidence d’Emmanuel Macron. Nous devons tous le reconnaître et nous en féliciter !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Permettez-moi deux remarques. La première est que je souscris pleinement aux propos de M. le rapporteur général et que je partage sa satisfaction de voir avancer le combat en faveur d’une taxation mondiale. Si on nous avait dit, il y a quatre ans, qu’un accord serait trouvé en 2021 entre les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20 pour une taxe mondiale sur les multinationales de 15 %, nous aurions eu du mal à le croire.
Ma seconde remarque n’a aucun lien avec l’amendement. Dans quelques instants, je vais devoir rejoindre une réunion à laquelle je ne peux me soustraire.
Vous allez nous manquer, mais nous comprenons ! Mon collègue Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, me remplacera jusqu’à mon retour, qui, je l’espère interviendra vers dix-neuf heures. Je pourrai ainsi poursuivre avec vous l’examen du PLFR ou celui des articles non rattachés. Ne soyez donc pas surpris de mon départ, dont je vous prie de bien vouloir m’excuser. Pour ceux qui le regrettent, sachez qu’il n’est que provisoire. Désolé pour les autres ! (Sourires.) Je note que M. Gosselin fait partie de ceux qui le regrettent !
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Comme je l’ai dit en commission à M. Coquerel, l’étape franchie au niveau mondial en vue de l’instauration d’un impôt minimum de 15 % sur les sociétés mérite d’être saluée ! Rendons-nous compte de ce qu’elle signifie. Une telle avancée n’aurait pas paru réaliste, il y a quelques années. Certes, tout est dans l’art d’exécution et nous ne savons pas encore comment cette taxe sera concrètement mise en œuvre, mais je tenais à le souligner.
Notons, par ailleurs, que les pays dans lesquels les multinationales réalisent leur chiffre d’affaires seront avantagés dans plusieurs cas. Certes, ces avantages seront moins importants qu’espérés, mais il sera possible de réviser les bases taxables en fonction de la consommation sans laisser les multinationales loger leurs profits là où elles le souhaitent.
La parole est à M. Éric Coquerel. J’aurais apprécié que M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance soit présent aujourd’hui. C’est rarement le cas lors des discussions budgétaires, ce qui n’est pas normal. Très juste ! Vous avez quand même le ministre délégué chargé des comptes publics ! M. Le Maire n’aurait-il pas pu vous remplacer, monsieur le ministre délégué ? Son absence et votre départ ne constituent pas des signes positifs.
Quant au rôle de la France dans l’instauration de la taxe mondiale de 15 % sur les sociétés, rappelons que le président américain Joe Biden avait proposé un taux minimum de 21 %, que la France a jugé, comme d’autres, trop élevé. Il ne me semble donc pas que nous ayons été exemplaires sur ce dossier !
Je répète, par ailleurs, que cette taxe de 15 % ne résoudra pas le problème de l’écart entre l’activité déclarée et les bénéfices réels – sur ce point, je vous donne rendez-vous pour les prochains
Pandora papers. Elle ne permettra pas non plus de supprimer les paradis fiscaux non officiels de l’Union européenne – les pays au cœur des Pandora papers . Je crains même qu’elle n’incite les pays dont l’impôt sur les sociétés se situe au-dessus de 15 % à plafonner le taux d’imposition appliqué aux multinationales pour qu’elles paient l’intégralité de leur impôt dans leur territoire. Au total, peut-être les multinationales n’auront-elles plus la possibilité de trouver refuge dans des pays où l’impôt est quasiment inexistant, mais elles bénéficieront, dans tous les États, de taxes moins élevées qu’aujourd’hui. La parole est à Mme Christine Pires Beaune. Certains ici aiment réécrire l’histoire ! Lors des questions au Gouvernement du 13 avril dernier, j’ai commencé ma question au Premier ministre par ces mots : « Il semble bien que, cette fois, à l’ouest, il y ait du nouveau, même une révolution. » Joe Biden, tout juste élu, venait de lancer la proposition d’une taxe minimum de 21 % sur les multinationales. À l’époque, M. le ministre délégué m’avait gentiment renvoyé dans les cordes. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et il semble aujourd’hui partisan de la taxe à 15 %. Tant mieux, mais, de grâce, évitons de réécrire l’histoire ! C’est vrai !
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.) La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir les amendements nos 109 et 110, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée. Je ne vois aucun inconvénient, quant à moi, à ce que M. Cédric O… L’excellent Cédric O ! …siège sur les bancs du Gouvernement, à la condition toutefois qu’il émette un avis favorable sur mes amendements ! (Sourires.) Si, monsieur le secrétaire d’État, vous n’êtes pas plus généreux que M. Dussopt, vous pouvez repartir ! (Mêmes mouvements.)
Je vais défendre deux amendements : un gros et un petit.
On prendra le petit ! Ils concernent la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), dont le taux est actuellement de 3 % pour les contribuables célibataires percevant entre 250 000 et 500 000 euros et de 4 % pour les contribuables en couple touchant entre 500 000 et 1 million d’euros. Avec l’amendement no 109, je propose de relever ces deux taux en les faisant passer respectivement à 6 % et 8 % – c’est-à-dire donc en les doublant.
Connaissant, toutefois, votre vision étroite, j’ai déposé un petit amendement de repli – comme dirait notre collègue Charles de Courson. Je voudrais voir, comme au poker, si vous êtes capables de prendre des risques et, comme je le disais tout à l’heure, de faire un petit pas.
Et un grand pas pour l’humanité ! Par cet amendement, je propose de ne relever ces deux taux que d’un point : de 3 % à 4 % pour les contribuables célibataires percevant un revenu supérieur à 250 000 euros et de 4 % à 5 % pour les contribuables en couple percevant un revenu supérieur à 500 000 euros. Précisons que si une famille perçoit 510 000 euros, seuls les 10 000 euros au-dessus du seuil de 500 000 euros seront assujettis à la CEHR. C’est très clair ! Je vous ai tout expliqué. J’en appelle maintenant à votre conscience ! Bravo ! Quel est l’avis de la commission ? Ces amendements reviennent régulièrement. Je vais m’y arrêter quelques instants. Depuis que j’occupe la fonction de rapporteur général,… Excellemment ! …j’insiste auprès de vous sur le fait que la fiscalité sur les revenus n’est pas uniquement une affaire de taux, mais aussi une affaire de dynamique d’assiette. La flat tax l’illustre parfaitement. Malgré la réduction du taux, ce prélèvement fiscal a rapporté davantage à l’État français grâce à l’élargissement de la base imposable résultant de la plus grande attractivité de la France – enfin ! – notamment en matière d’investissements et de dividendes. La fiscalité sur les revenus n’échappe pas à ce phénomène. Le petit pas proposé par le camarade Dufrègne serait, en réalité, un très grand pas du point de vue du zigzag fiscal et de la fuite des patrimoines. De la solidarité ! Sachez, tout d’abord, qu’une hausse de 1 % de la CEHR suffirait à rendre cette taxe confiscatoire et inconstitutionnelle,… Non ! …preuve que nous sommes très proches du plafond pour les plus hauts revenus. Je ne reviendrai pas sur le fait que 70 % du produit fiscal de l’impôt sur le revenu (IR) est payé par 10 % des ménages – vous le savez. La France possède l’IR le plus redistributif au monde, ce dont je me félicite au même titre que vous.
Si mon avis est défavorable sur les deux amendements, ce n’est pas en raison des taux qu’ils proposent – sur lesquels nous pourrions théoriquement nous rejoindre –, mais parce que nous refusons de dévier de nos promesses initiales en matière de fiscalité, grâce auxquelles nous sommes enfin parvenus à créer en France une dynamique de croissance, d’investissement et d’emploi durable. Nous avons promis aux Français que nous n’augmenterions pas les impôts et cette promesse continuera de s’appliquer à toutes les catégories de la population de manière constante et durable. L’augmentation des impôts est la mauvaise réponse à la crise, que ce soit pour les entreprises ou pour les ménages.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, que je suis heureux de saluer ! Croyez-moi, monsieur Dufrègne, j’aurais aimé répondre favorablement à votre cri du cœur ! (Sourires.)