- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, n° 762
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par :
I. – Les contrats de travail des personnels en activité affectés dans un emploi de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire exerçant les compétences nouvellement exercées par l’Autorité de sûreté nucléaire à la date d’entrée en vigueur de l’article XX sont transférés à l’État. Ces personnels sont affectés à cette même date, pour leur gestion administrative, à l’Autorité de sûreté nucléaire sans changement dans leur situation.
II. – Les salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire affectés ou rattachés pour leur gestion administrative à l’Autorité de sûreté nucléaire, notamment ceux antérieurement mis à disposition de celle-ci qui, à la veille de la date prévue au présent I, sont titulaires d’un contrat de travail conclu avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, se voient proposer par l’Autorité de sûreté nucléaire, à une date définie par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2025, un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles du contrat dont ils étaient titulaires, en application de l’article L. 1224‑3 du code du travail et sous les réserves prévues audit article.
Par dérogation à l’article L. 1224‑3 du code du travail, les salariés mentionnés au premier alinéa du présent II disposent de la faculté d’opter, avant une date définie par décret en Conseil d’État et au plus tard le 31 décembre 2025, pour la poursuite de leur contrat de travail de droit privé, moyennant l’établissement d’un avenant au contrat constatant la substitution de l’Autorité de sûreté nucléaire à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en qualité d’employeur.
Jusqu’à l’exercice de cette option, ils conservent le bénéfice des dispositions législatives et réglementaires qui leur étaient applicables à la veille de la date prévue au présent I. Les agents se trouvant en période probatoire à la date prévue audit I ne peuvent exercer le droit d’option qu’au terme de celle-ci.
Notre filière nucléaire est reconnue dans le monde pour son excellence opérationnelle. Elle compte plus de 220 000 personnels qui travaillent quotidiennement pour assurer notre approvisionnement électrique présent et futur dans un cadre de sûreté très exigeant. Elle doit aujourd’hui répondre à de nombreux enjeux : le lancement d’un programme historique de construction de 6 EPR2 et la mise à l’étude de la construction de huit EPR2 supplémentaires, la poursuite de l’exploitation de notre parc nucléaire après 50 années voire 60 années alors que 28 de nos 56 réacteurs auront plus de 50 ans en 2035, le traitement du cycle du combustible, la recherche et développement avec notamment la mise au point de petits réacteurs modulaires, ainsi que la sûreté nucléaire, condition de l’adhésion et de la confiance des Français.
Dans le cadre du Conseil de politique nucléaire présidé par le Président de la République et la Première ministre du 3 février 2023, l’ensemble des enjeux de notre filière, y compris la gouvernance de la sûreté nucléaire, ont été examinés afin de définir les priorités d’action du Gouvernement et de la filière pour les prochains mois. A l’issue, le Gouvernement a annoncé son souhait de renforcer l’indépendance et les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en y intégrant les compétences techniques de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Depuis plusieurs dizaines d’années, le dispositif français de réglementation, de contrôle, d’expertise et de recherche en matière de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a été progressivement perfectionné, aux plans technique, juridique et organisationnel :
- d’une part avec la création de l’IRSN en 2002, au statut d’établissement public à caractère industriel et commercial sous tutelle de cinq ministères, regroupant l’IPSN d’une part, qui était alors rattaché au CEA, et l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) ;
- d’autre part, avec la loi n° 2006‑686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire qui a transformé la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, alors une direction d’administration centrale, qui était chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, en autorité administrative indépendante du Gouvernement, sur le modèle des meilleurs standards internationaux de l’époque.
Cette évolution en 2006 visait à exclure toute interrogation sur l’interaction entre les préoccupations de sûreté nucléaire et de radioprotection et d’autres objectifs que le Gouvernement doit aussi assumer, comme veiller à l’approvisionnement énergétique ou jouer son rôle d’actionnaire principal de grands opérateurs du secteur nucléaire.
Ces dernières années ont montré que ces évolutions de la gouvernance de la sûreté nucléaire ont produit les résultats recherchés, avec notamment l’ASN, qui a en 2022, validé, en toute indépendance, la stratégie proposée par EDF de contrôle du phénomène de corrosion sous contrainte affectant les réacteurs électronucléaires, passant notamment par des arrêts de précaution, alors que la France traversait l’une des pires crises énergétiques de son histoire.
Le lancement d’un grand programme nucléaire doit répondre à des exigences de sûreté robustes, aux meilleurs standards internationaux, reconnues par les citoyens. A côté de la compétence des exploitants nucléaires, qui sont les premiers responsables de la sûreté de leurs installations, la capacité du système public de réglementation et de contrôle à bien remplir sa mission, appuyé par une solide expertise, est l’un des éléments essentiels pour conforter, maintenir et amplifier cette reconnaissance. Il est nécessaire de chercher à l’améliorer en continu, pour répondre aux exigences connues, aux grands défis d’exploitation et de développement dans le nucléaire mais aussi à des problématiques nouvelles comme pour la corrosion sous contrainte.
Comme en 2006, cet amendement vise donc à franchir une nouvelle étape, afin de :
- consacrer l’indépendance et la transparence du système de sûreté nucléaire français, en donnant davantage de moyens et de prérogatives à l’ASN, qui est une autorité administrative indépendante du Gouvernement ;
- renforcer les compétences et la puissance d’action de l’ASN au moment où l’engagement d’un nouveau programme nucléaire et où les investissements massifs dans le parc existant représentent une charge de travail et un défi technologique inédits. Il s’agit notamment de fluidifier le processus de décision et de gagner en coordination. Par exemple, dans le nouveau dispositif, les expertises techniques pourront être présentées directement au collège de l’ASN, permettant ainsi des décisions éclairées par la science plus rapides qu’aujourd’hui, avec un moindre temps d’appropriation par l’ASN des avis de l’IRSN ;
- accroître l’attractivité des métiers de la sûreté nucléaire, en concentrant le budget et les moyens au sein de la nouvelle organisation, dans un contexte de forte tension sur les compétences dans la filière nucléaire.
Le 8 février 2023, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a confié au président de l’ASN, Bernard Doroszczuk, au directeur général de l’IRSN, Jean-Christophe Niel, et à l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), François Jacq, la mission de faire des propositions et de proposer une méthode de travail commune pour mettre en œuvre cette évolution.
Dans ce cadre, MM. Doroszczuk, Niel et Jacq ont remis à la ministre, lundi 20 février, un plan d’actions préparé de concert préconisant de :
- donner de la visibilité à court terme sur la nouvelle organisation selon deux principes : l’élargissement des missions de l’ASN d’une part, le maintien des conditions de travail et de rémunération de l’ensemble des personnels concernés d’autre part - ce qui suppose de prendre des dispositions législatives et ce qui est l’objet du présent amendement ;
- avancer en parallèle sur la définition précise des modalités de mise en œuvre de la réforme. Parmi elles : le périmètre des transferts des différentes missions de l’IRSN, mais aussi les évolutions réglementaires à prévoir, ainsi que les conditions de transferts et de recrutement des personnels.
Le présent projet de loi vise à accélérer et sécuriser les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Dans ce cadre, le renforcement de l’organisation et des moyens de contrôle et de sureté nucléaire et la plus grande fluidité des processus de sûreté s’inscrivent pleinement dans la logique du Gouvernement, qui entend adapter les procédures et le cadre réglementaire afin de relancer la filière nucléaire et de sécuriser le calendrier des futurs programmes, et dans l’objectif poursuivi par le présent projet de loi.
Le présent amendement, qui prendra effet au plus tard au 1er juillet 2024, permet de conduire cette réforme, qui nécessitera plusieurs mois d’instruction et de concertation, tout en donnant de la visibilité aux salariés actuels de l’IRSN, premiers concernés par cette réforme.
Il est par conséquent proposé, dans le présent amendement, en lien avec les dispositions du projet de loi, de prévoir que l’ASN exerce des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection ainsi que des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique. Cela vise à élargir le champ actuel des missions de l’ASN.
Il prévoit ensuite le transfert à l’ASN des contrats de travail des agents de l’IRSN qui exercent actuellement ces missions. Il prévoit, par ailleurs, d’ouvrir, pour les agents de l’IRSN affectés à l’ASN à la date du transfert précitée, un droit d’option entre le maintien de leur contrat de droit privé ou la conclusion d’un contrat de droit public. Cette disposition permet de donner de la visibilité aux salariés de l’IRSN, qui sont en quasi intégralité des salariés en contrat de droit privé, en leur assurant la continuité de leur rémunération.
Il prévoit par ailleurs, sur le modèle de la solution retenue lors de la transformation de l’EPIC Voies navigables de France en EPA (loi du 24 janvier 2012), que l’ASN pourra, d’une manière pérenne, disposer pour l’exercice de ses missions de plusieurs catégories de personnels : des fonctionnaires, des agents contractuels de droit public et des agents contractuels de droit privé. Ce dispositif contribuera positivement à l’amplification de l’attractivité de la future organisation.
Un comité social d’administration est donc créé, pour permettre la représentation de l’ensemble de ces personnels, dans la diversité de leurs statuts.
Les autres dispositions, notamment celles transposant certaines contraintes de confidentialité s’appliquant actuellement aux salariés de l’IRSN pour la réalisation de certaines missions, ou renforçant la faculté d’accès, pour les services de l’État le nécessitant, aux moyens d’expertise et de recherche de l’ASN, sont de coordination.
Un décret en Conseil d’État fixera les modalités d’application nécessaires de ces dispositions, qui prendront effet au plus tard au 1er juillet 2024.
En parallèle du présent projet de loi, le Gouvernement a chargé le président de l’ASN et le directeur général de l’IRSN, en associant le CEA et les services des ministères de tutelle, de lui remettre un rapport de propositions sur la mise en œuvre détaillée de la réforme concernant les missions et les ressources de l’IRSN, notamment d’un point de vue réglementaire et financier, d’ici juin 2023. Ces propositions devront être élaborées en concertation avec l’ensemble des parties concernées, au premier rang desquelles les représentants du personnel et le Parlement, notamment l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ces propositions seront présentées au Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire et à l’Association nationale des comités et commissions locales d’information et leurs parties prenantes. Elles devront respecter les principes suivants fixés par le Gouvernement :
- les compétences en matière de recherche et d’expertise en sûreté nucléaire en radioprotection, en protection et surveillance de l’environnement seront maintenues ensemble au sein de la future autorité de sûreté, dans le respect des règles d’indépendance applicables à cette dernière ;
- les rôles exécutifs respectivement du contrôle et de l’expertise resteront séparés du rôle de décision et de pilotage stratégique porté par le collège de l’ASN, dans l’organisation à venir ;
- l’information, la transparence et le dialogue technique avec la société devront être garanties dans la droite ligne de ce qui est fait aujourd’hui à l’IRSN et l’ASN.