Fabrication de la liasse
Rejeté
(lundi 5 juin 2023)
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I. – Les médecins spécialistes, hors spécialité de médecine générale, exercent pour une durée d’au moins trois ans dans les territoires mentionnés au 1° de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique, dans les mois qui suivent l’obtention du diplôme mentionné à l’article L. 632‑4 du code de l’éducation.

Exposé sommaire

Au 1er janvier 2022, on comptait en France 229 000 médecins généralistes et spécialistes. Selon les projections de la DREES (mars 2021), les effectifs de médecins devraient stagner jusqu’en 2030. La densité au niveau national s’élève à 338 médecins pour 100 000 habitants en 2022. La densité moyenne des médecins généralistes est de 149 pour 100 000 habitants (dont 57 % de libéraux), et 192 pour 100 000 habitants pour les médecins spécialistes (dont 33 % de libéraux). Cependant des disparités territoriales existent : 

- pour les médecins généralistes, l’écart va de 89 à 272 généralistes pour 100 000 habitants en métropole, et de 50 à 170 dans les territoires d’outre-mer ;

- pour les médecins spécialistes, l’écart va de 74 à 648 pour 100 000 habitants en métropole, et de 39 à 181 dans les territoires d’outre-mer.

(Source INSEE 2023, professionnels de santé au 1er janvier 2022 : comparaisons départementales).

Comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition de loi, « ces inégalités sont particulièrement marquées chez les médecins spécialistes. 25 % des médecins spécialistes couvrent 5 % du territoire ; une quarantaine de départements sont aujourd’hui sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100 000 habitants. Parmi les spécialités les plus touchées, on trouve la gynécologie et la pédiatrie : 23,6 % des femmes vivent dans un désert médical gynécologique et 27,5 % des enfants vivent dans un désert médical pédiatrique. »

Selon une enquête publiée par l’INSEE en 2017, la faible densité médicale d’un territoire multiplie par huit les risques de renoncement aux soins par les personnes les plus précaires, lesquelles ont déjà trois fois plus de chance d’y renoncer du fait de leur situation patrimoniale.

Plusieurs mesures positives ont d’ores et déjà été prises pour enrayer le phénomène de désertification médicale par des incitations à l’installation et par une politique de libération du temps médical : 

- augmentation des places en institut de formation en soins infirmiers (+1.300 places) et en institut de formation d’aide-soignant (+ 3.600 places) ; 650 millions d’euros investis en 2021 afin d’améliorer le fonctionnement des services hospitaliers et 125 millions d’euros pour le secteur médico-social ; renforcement de 250 structures de prise en charge des publics précaires dans tous les territoires ;

- suppression du numerus clausus et création d’un projet territorial de développement des CPTS (loi OTSS de 2019) ;

- création du Service d’Accès aux Soins (SAS) ; élargissement des compétences des sage-femmes et de plusieurs autres professionnels de santé ; infirmiers de pratiques avancés (lois « Rist ») :

- développement du télé-soin et programmation d’investissements pluriannuels massifs dans l’hôpital public (LFSS) ;

- renforcement de la place du numérique dans la pratique quotidienne des médecins (en particulier dans le cadre des relations avec l’assurance maladie) ainsi qu’à réduire les canaux informationnels à disposition des médecins (afin de permettre une information centralisée et communiquée plus rapidement) et mise en place d’assistants médicaux (le recours à un assistant permet une augmentation moyenne de la patientèle de l’ordre de 10 %) ; 

- aides à l’installation des jeunes médecins déployés à la fois par l’Assurance maladie, l’État et les collectivités territoriales. Par exemple, le contrat d’aide à l’installation des médecins (CAIM) permet aux professionnels de percevoir jusqu’à 50.000 euros sur la base d’un zonage ARS.

Chaque agence régionale de santé (ARS) dispose en effet d’une compétence lui permettant de définir des « zones sous-denses » en médecins, elles-mêmes réparties en zones d’action complémentaire (ZAC – là où la densité médicale est faible) et en zones d’intervention prioritaire (ZIP – là où la densité médicale est la plus faible).

Cependant ces incitations financières à l’installation tout comme les mesures fiscales peuvent aussi générer des effets de bord non souhaités. Par exemple, les zones de revitalisation rurale ouvrant droit à une exonération de cinq ans de l’impôt sur le revenu peuvent désinciter à l’installation dans des villes de centre bourg.

L’ensemble de ces mesures sont nécessaires et utiles mais force est de constater qu’elles ne suffisent pas aujourd’hui pour atteindre l’objectif d’un accès équitable aux professionnels de santé.

Après avoir interrogé des usagers, des professionnels de santé de ville et hospitaliers, des fonctionnaires experts, des responsables ordinaux ainsi que des responsables de CPTS, et pris connaissance des trois rapports infra[1], il apparaît que la nécessité d’une meilleure régulation apparaît comme une perspective, même si elle n’est pas aujourd’hui acceptée par une partie des professionnels médicaux.

Il ne s’agit nullement de stigmatiser les professionnels de santé mais bien de se fonder sur les besoins et attentes des usagers. 

Aussi, cet amendement vise à instaurer une régulation de l’installation, durant les 3 ans qui suivent l’obtention du diplôme de médecin spécialiste, hors spécialité de médecine générale. Ainsi, toute nouvelle installation de médecin pendant les 3 ans suivants la promulgation de ce texte ne pourrait se faire que dans les zones sous‑dotées permettant d’améliorer nettement et immédiatement l’égal accès aux soins. Ces années d’exercice, le contact avec la patientèle locale, la connaissance du territoire permettraient assurément à plusieurs médecins qui n’imaginaient pas s’installer dans ces territoires d’y rester.

Selon une étude réalisée en juin 2022 par l’institution ViaVoice pour le média « Essentiel Santé Magazine », près d’un tiers des Français (31 %) déclarent avoir déjà renoncé à aller voir un médecin généraliste alors qu’ils en avaient besoin. 

Parmi eux, 18 % déclarent avoir dû y renoncer « plusieurs fois ». Ce chiffre est encore plus significatif concernant les consultations chez un spécialiste. 42 % des Français indiquent qu’ils ont dû renoncer à un rendez-vous chez un médecin spécialiste, et 25 % « plusieurs fois ».

S’agissant des motifs de renoncement à un rendez-vous médical, 30 % des personnes interrogées ont évoqué des délais trop longs dans la prise de rendez-vous, et 30 % l’impossibilité pure et simple de trouver un médecin disponible.

75 % estiment qu’il n’y a « pas de réelle égalité » entre les Français en termes d’accès aux soins, et 67 % considèrent vivre dans un désert médical. 84 % estiment que la lutte contre les déserts médicaux est un enjeu « important voire prioritaire ».


[1] - France stratégie, Les dispositifs juridiques d’organisation des professions de santé et leur évolution (hors cadre hospitalier), Document de travail, février 2023 ; 

- Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2017 ; 

- Drees, Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques, décembre 2021