Fabrication de la liasse
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Photo de monsieur le député Roger Vicot

Après l’article 707 du code de procédure pénale il est inséré un article 707‑1 A ainsi rédigé :

« Art. 707‑1 A. – I. – L’ensemble des maisons d’arrêt et des quartiers maison d’arrêt des centres pénitentiaires a l’obligation de respecter une densité carcérale, définie comme le rapport entre le nombre de personnes détenues et le nombre de places opérationnelles de l’établissement ou du quartier, de 100 % ou moins d’ici le 1er juillet 2027, en cohérence avec le principe fixé aux articles L. 213‑2 et L. 213‑3 du code pénitentiaire.

« Toute maison d’arrêt ou tout quartier maison d’arrêt dont la densité carcérale dépasse 100 % au 1er juillet 2024 doit réduire progressivement la part des personnes détenues en surnombre. À cette fin, la part des personnes détenues en surnombre à la date du 1er juillet 2024, doit avoir été réduite d’un tiers au 1er juillet 2025 et de deux tiers au 1er juillet 2026.

« Dans le ressort de chaque juridiction, une convention est signée entre le président du tribunal judiciaire, le procureur de la République, les établissements pénitentiaires concernés et le service pénitentiaire d’insertion et de probation afin de déterminer les orientations relatives à l’exécution des peines permettant de respecter les objectifs prévus aux deux alinéas précédents. À cette fin, l’administration pénitentiaire transmet aux signataires de la convention, chaque semaine, les données chiffrées correspondant à l’occupation des places opérationnelles des établissements.

« II. – Si les objectifs prévus aux deux premiers alinéas du I ne sont pas respectés, ils sont atteints par l’octroi, par le juge de l’application des peines, d’une réduction supplémentaire de la peine d’un quantum maximum de quatre mois, liée aux circonstances exceptionnelles de surpopulation carcérale, aux condamnés écroués en exécution d’une ou plusieurs peines privatives de liberté à temps. Ces réductions de peine ne sont octroyées que dans la proportion nécessaire à l’atteinte des taux prévus au I. Elles peuvent être ordonnées sans que soit consultée la commission de l’application des peines en cas d’avis favorable du procureur de la République. À défaut d’un tel avis, le juge peut statuer au vu de l’avis écrit des membres de la commission, recueilli par tout moyen.

« Sont exclues du bénéfice de la réduction supplémentaire de peine prévue au premier alinéa du présent II :

« 1° Les personnes condamnées et écrouées pour des crimes, des faits de terrorisme ou pour des infractions relevant de l’article 132‑80 du code pénal ;

« 2° Les personnes détenues ayant initié une action collective, précédée ou accompagnée de violences envers les personnes ou de nature à compromettre la sécurité des établissements au sens de l’article R. 57‑7‑1 du présent code, ou y ayant participé.

« III. – À compter du 1er juillet 2027, aucune détention ne peut ni être effectuée ni mise à exécution dans une maison d’arrêt ou un quartier maison d’arrêt au-delà du nombre de places disponibles.

« Pour permettre l’incarcération immédiate des personnes écrouées dans le respect de l’alinéa précédent, des places libres sont réservées dans chaque établissement concerné, dans des proportions fixées par décret.

« Lorsque l’admission d’une personne écrouée oblige à utiliser l’une de ces places réservées, une personne détenue condamnée ou placée en détention provisoire doit être libérée selon les procédures prévues au présent code. 

« Au 1er juillet de chaque année, si le principe fixé au premier alinéa du I du présent l’article, le II du présent article est applicable. »

Exposé sommaire

Cet amendement du groupe socialistes  et apparentés reprend in extenso l'amendement déposé par Mesdames Faucillon et Abadie lors de l'examen en commission du présent projet. Cette initiative transpartisane est issue d'une longue réflexion visant à apporter une solution à un problème de taille : la surpopulation carcérale qui fait perdre tout son sens à la peine et favorise la récidive. Il est temps d'affronter ce problème. C'est ce que propose cet amendement. 


Le programme de construction de 15 000 nouvelles places de prison se poursuit à horizon 2027, année qui marquera également la fin du moratoire sur le respect du principe d’encellulement individuel qui existe dans notre droit depuis 1875 et n’a jamais été respecté. 

Dans ce cadre et dans la perspective de 2027, le présent amendement propose la mise en place progressive d’un mécanisme de régulation carcérale national, qui ne concerne que les maisons d’arrêt et quartier maison d’arrêt et s’inscrit dans une approche à la fois contraignante et réaliste. 

‒ Le I fixe l’objectif : d’ici le 1er juillet 2027, notre système pénitentiaire doit être sorti de la surpopulation carcérale qui l’accable aujourd’hui et qui obère son efficacité, réduisant drastiquement l’efficacité de la prise en charge des personnes détenues et donc l’efficacité de la lutte contre la récidive. À cette date, l’ensemble des maisons d’arrêt et des quartiers maison d’arrêt des centres pénitentiaires devra respecter une densité carcérale de 100 % ou moins. Ce respect de 100 % de densité carcérale permettra ensuite, d’ici la fin de l’année 2027, de garantir le respect du principe de l’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt, dont on estime qu’il correspond, sur l’ensemble du parc pénitentiaire, à un placement d’environ 80 % des personnes détenues en cellule individuelle, compte tenu des dérogations autorisées par les articles L. 213-5 et L. 213-6 du code pénitentiaire tenant notamment aux demandes formulées par les personnes détenues ou en fonction de leurs situations personnelles ou professionnelles. 

Pour parvenir à cet objectif, le I fixe également des objectifs intermédiaires. Ainsi, chaque maison d’arrêt ou chaque quartier maison d’arrêt dont la densité carcérale est supérieure à 100 % devra progressivement, à raison d’un tiers par année, réduire la part des personnes qui sont détenues en surnombre. Par exemple, un établissement qui connait une densité carcérale de 130 % devra avoir atteint une densité carcérale de 120 % au 1er juillet 2025, de 110 % au 1er juillet 2026 et de 100 % au 1er juillet 2027. 

Afin de faciliter cette réduction progressive de la surpopulation, le dernier alinéa du I prévoit que des conventions sont signées entre les tribunaux et l’administration pénitentiaire, comme cela se fait d’ailleurs déjà dans certains ressorts. Pour garantir l’efficacité des partenariats établis dans le cadre de ces conventions, il précise que l’administration pénitentiaire devra transmettre, sur un rythme au minimum hebdomadaire, des statistiques sur la situation des établissements pénitentiaires et sur l’occupation des places.

‒ S’inspirant du dispositif mis en œuvre par le Gouvernement pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, le II prévoit une « solution de secours » pour le cas où les objectifs intermédiaires de réduction de la surpopulation carcérale n’auraient pas été atteints dans les délais impartis par le présent article. Ainsi, si la coopération entre l’autorité judiciaire, l’administration pénitentiaire et les services d’insertion et de probation, organisée dans le cadre des conventions prévues au I, n’a pas suffi à respecter ces objectifs, alors ils sont atteints par un mécanisme « de secours ». 

Comme cela a été fait en 2020, ce mécanisme passe par une réduction supplémentaire de peine accordée par le juge de l’application des peines, cette fois en raison des circonstances exceptionnelles liées à la surpopulation carcérale et dans la limite des octrois nécessaires à l’atteinte des taux de densité carcérale fixés par la loi. Tout comme en 2020, ce dispositif prévoit toutefois des exclusions permettant de garantir que les détenus les plus dangereux ne bénéficient pas de cette réduction supplémentaire de peine. 

‒ Enfin, le III fixe la règle qui prévaudra à compter du 1er juillet 2027, quand la densité carcérale sera redescendue à 100 %, afin de garantir qu’elle demeure durablement à ce niveau ou en-deçà. Pour éviter qu’il soit impossible d’incarcérer une nouvelle personne condamnée ou prévenue, chaque établissement concerné devra réserver une partie de ses places, idéalement au sein du quartier arrivant, pour accueillir les nouveaux écrous prononcés par l’autorité judiciaire. Afin de conserver ces places libres pour de futures incarcérations, une personne détenue ou prévenue, occupant une place en dehors de ce quartier réservé, devra être libérée par le juge de l’application des peines, sous un délai, par exemple de dix ou quinze jours, qui devra être fixé par voie réglementaire. Si ce mécanisme de régulation ne suffit pas à permettre le respect du taux de 100 % de densité carcérale, alors le « mécanisme de secours » pourra de nouveau être employé.