Fabrication de la liasse

Amendement n°CS844

Déposé le vendredi 15 septembre 2023
Discuté
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1° Après l’article 6‑5 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023‑566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, il est inséré un article 6‑6 ainsi rédigé :

« Art. 6‑6. – Au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique, lorsqu’un contrôleur d’accès fournit des services de réseaux sociaux en ligne qui sont énumérés dans la décision de désignation de la Commission européenne conformément à l’article 3, paragraphe 9 de ce même règlement, il permet à tout fournisseur de services de réseaux sociaux, à sa demande et gratuitement, de s’interconnecter avec les services de réseaux sociaux du contrôleur d’accès identifiés en vertu de l’article 3, paragraphe 7, de manière à rendre leur service interopérable au sens de l’article 2, point 29). L’interconnexion est fournie dans des conditions et une qualité objectivement identiques à celles qui sont disponibles ou utilisées par le contrôleur d’accès, ses filiales ou ses partenaires, permettant ainsi une interaction fonctionnelle avec ces services, tout en garantissant un niveau élevé de sécurité et de protection des données personnelles. »

2° Après le 8° de l’article L. 36‑6 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Les caractéristiques appropriés pour l’interconnexion des services de réseaux sociaux en ligne prévue à l’article 6-6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, ainsi que les normes ou les spécifications techniques de cette interconnexion, qui doivent garantir un niveau élevé de sécurité et de protection des données à caractère personnel. »

3° Après le 4° de l’article L. 36‑10‑1 du même code, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

 « 5° De l’article 6-6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. »

Exposé sommaire

L’interopérabilité des réseaux sociaux permet de réguler les contenus en ligne en limitant les atteintes aux libertés fondamentales, notamment en ne recourant pas à des mesures de censure. Elle consiste à permettre à un utilisateur d’un réseau social A de communiquer avec un utilisateur d’un réseau social B. Ce faisant, l’interopérabilité des réseaux sociaux permet à un internaute de quitter un réseau social dont la politique de modération ne serait pas conforme à ses attentes, tout en pouvant continuer de communiquer avec ses contacts restés sur ledit réseau social.

 L’interopérabilité des réseaux sociaux augmente la concurrence entre les réseaux sociaux puisque ces derniers perdront le monopole qu’ils ont aujourd’hui sur leur communauté. Elle permet ainsi l’émergence de petits acteurs, aux capacités économiques moindre que les géants américains et chinois, qui pourront développer une offre plus éthique que les grands réseaux sociaux actuels. Cette interopérabilité permettra notamment l’émergence de réseaux sociaux reposant sur un modèle économique autre que la publicité ciblée.

 Il existe aujourd’hui différents réseaux sociaux interopérables entre eux, Mastodon étant le logiciel le plus utilisé dans cet écosystème avec environ 2,4 millions d’utilisateurs actifs en décembre 2022. Mastodon est un réseau social de microblogging, similaire a Twitter/X, et est aujourd’hui vu comme une alternative crédible en réponse aux choix arbitraires de modération de Twitter/X depuis son rachat par Elon Musk. L’Union européenne dispose par exemple d’une « instance » Mastodon, c’est-à-dire de son réseau social interopérable pour les administrations de l’UE, permettant à des internautes sur d’autres « instances » de suivre les comptes européens. La Suisse, également, a récemment annoncé le lancement de son instance Mastodon. De plus, de nombreuses administrations ou organismes publics français ont déjà un compte Mastodon (Conseil national du numérique, Direction du numérique pour l’éducation du ministère français de l’Éducation nationale et de la jeunesse dédié aux logiciels et ressources éducatives libres, Mission Interministérielle Numérique écoresponsable, CNRS, des lycées, ...).

 Pourtant, il n’existe aujourd’hui aucune obligation d’interopérabilité pour les grands réseaux sociaux. ces derniers peuvent donc maintenir leurs utilisateurs dans leur giron, le coût pour quitter un réseau social étant important puisque sans interopérabilité il signifie se couper de ses contacts restés sur la plateforme. De plus, en l’absence de régulation, les GAFAM sont aujourd’hui incités à rejoindre à leurs conditions l’écosystème des réseaux sociaux interopérables afin d’orienter, par le poids qu’ils représentent en termes d’utilisateurs, les choix techniques en leur faveur. Meta a annoncé cet été le lancement de Threads, un concurrent à Twitter qui sera à termes interopérable. Or, sans régulateur capable de décider des normes techniques bonnes pour l’ensemble des réseaux sociaux interopérables, ce sont ces géants qui imposeront leurs choix. Il est donc urgent de réguler ce milieu afin que les géants ouvrent leurs communautés sans imposer leurs choix techniques au reste de l’écosystème.

 Le Digital Markets Act (DMA), règlement européen visant à réguler les plateformes, avait initialement envisagé, sous l’impulsion du Parlement européen, d’introduire une telle obligation d’interopérabilité des réseaux sociaux. Lors des trilogues, cette obligation a été retirée du texte et seule celle des messageries interpersonnelles est prévue dans le DMA. Cela n’est bien entendu pas satisfaisant : les messageries interpersonnelles, même si elles peuvent ressembler sur certains points à des réseaux sociaux, ne relèvent pas des mêmes usages. Il est nécessaire de prévoir cette obligation d’interopérabilité également pour les réseaux sociaux.

 Le présent amendement vise à introduire une obligation d’interopérabilité des réseaux sociaux. Elle se base sur la proposition du Parlement européen dans le cadre du Digital Markets Act. L’Arcep sera chargée d’établir les normes techniques à respecter puis veillera à leur respect.

 Sourcing : amendement proposé par La Quadrature du Net