- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2024, n° 1680
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Santé
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins | 0 | 0 |
Protection maladie | 0 | 0 |
Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) | 0 | 1 |
Expérimentation d'une sécurité sociale animale(ligne nouvelle) | 1 | 0 |
TOTAUX | 1 | 1 |
SOLDE | 0 |
Cet amendement d’appel vise à défendre la nécessité d’expérimenter un dispositif de sécurité sociale animale, consistant d'une part à garantir l'accès aux soins médicaux vétérinaires de base, et permettant de déployer d'autre part une politique ambitieuse d'identification, de stérilisation et de vaccination des animaux de compagnie.
La prise en charge nationale des frais de santé des animaux de compagnie s'avère pertinente pour plusieurs raisons : amélioration du bien-être animal, la lutte contre les abandons, lutte contre la divagation et l’errance des animaux de compagnie - en particulier dans des territoires très touchés comme les Outre-mer, préservation du niveau de vie des ménages les plus précaires.
Un amendement sous la forme d’une expérimentation, déposé lors des débats sur le PLFSS, a déjà requis le soutien de nombreux vétérinaires.
Prendre soin de la santé d’un chien ou d’un chat tout au long de sa vie peut occasionner des dépenses très lourdes pour un propriétaire, notamment lorsque l’animal rencontre des problèmes de santé. Un animal occasionne de nombreux frais de santé :
- les frais d’identification : il faut compter entre 50 et 80 euros pour un chien, entre 40 et 80 euros pour un chat, hors consultation
- les frais de stérilisation : la castration d’un chat mâle varie de 60€ à 80€ et la stérilisation d’une chatte peut coûter entre 110€ à 140€. Le prix de la castration du chien varie en moyenne entre 167 et 199 euros, avec un maximum observé de 425 euros, le tarif dépendant de la taille du chien, tandis que la stérilisation d’une chienne varie en moyenne entre 263 à 308 euros, avec un maximum observé de 600 euros, selon la SPA. La moyenne nationale pour une chienne est de 316 euros selon l’UFC-Que-Choisir.
- les frais de vaccination : le prix moyen d'une vaccination pour chien se situe entre 60 et 100 euros par consultation vaccinale, pour le chat, la consultation vaccinale pour protéger l’animal contre le typhus et le coryza se situe entre 50 € et 80 €, et entre 75 € et 80 € pour la vaccination complète du chat. La vaccination nécessite au minimum des rappels annuels, et pour les chiots et les chatons les rappels peuvent aller jusqu’à 3 injections par an.
- les frais de prévention des maladies : il faut compter environ 10 euros par comprimé d’anti-puce pour chien, à renouveler tous les 2 mois, environ une dizaine d’euros pour les pipettes anti-puces et vermifuges pour les chats, à renouveler régulièrement.
Lorsqu’un animal tombe malade ou a un accident, des traitements plus poussés, une opération ou une hospitalisation peuvent être très onéreuses. A titre d’exemple, la patte cassée d’un chat peut nécessiter jusqu’à 1500€ de frais vétérinaires. Des séances de radiothérapie peuvent aller de 1 200 à 1 500€ la séance. Le baromètre Dalma 2023, assurance spécialisée dans la prise en charge des frais de santé des animaux, estime qu’environ 25% des répondants ont dû renoncer ou reporter des soins vétérinaires en raison de ces coûts plus élevés. Les soins courants, tels que les vaccins et les vermifuges, ont été les plus touchés, avec 53% des répondants y renonçant ou les reportant. Globalement, les dépenses liées à la première année de la vie d’un chat sont de 440 euros et grimpent à 660 euros pour un chien de petite taille voire 742 euros pour un grand chien.
Le tarif moyen pour une simple consultation est de 38 euros au niveau national, mais s’échelonne de 20 à 85 euros selon les cabinets étudiés. Valérie Svec, responsable communication du refuge SPA de Vannes (Morbihan) détaillait sur Ouest-France en août dernier que les frais vétérinaires ont augmenté « de 2 à 10 % chez les vétérinaires classiques, voire plus dans les cliniques plus modernes rachetées par des sociétés”, sans mentionner la hausse des coûts de garde.
En France, une dizaine d’assurances proposant une couverture santé ont vu le jour afin que les frais vétérinaires ne soient pas entièrement à la charge des propriétaires. Si l’Hexagone est l’un des pays d’Europe qui comptabilise le plus d’animaux de compagnie (environ 80 millions en 2022), seuls 10 % des chiens et chats sont assurés, contre 40 % des animaux britanniques et 80 % des animaux suédois. Pour cause : le budget moyen mensuel pour assurer un chien est de 30 euros et de 21 euros pour un chat, ce qui représente un poste budgétaire très important; notamment pour les ménages les plus modestes.
L’inflation met les ménages face à des choix impossibles, et pas uniquement en termes de frais vétérinaires. Le sondage de l’IFOP « De l'inflation à l'abandon... Les Français et leurs animaux de compagnie face à la hausse des prix», publié en 2022, établit que 30% des personnes interrogées déclarent couper dans leur budget personnel pour subvenir aux besoins de leur animal, 7% l'avoir abandonné pour des raisons financières, et 7% envisager de s'en séparer.
Cet amendement vise donc, à terme, à créer un véritable dispositif de sécurité sociale animale permettant de garantir la santé et le bien-être des animaux de compagnie, et de lutter contre les abandons. En outre, un tel dispositif renforcerait le recensement des animaux domestiques et favoriserait les actes de stérilisation. En prenant en charge la stérilisation des animaux, un tel dispositif pourrait contribuer à lutter contre l’errance féline et canine en permettant une meilleure régulation des naissances. Certains territoires présentent des taux d’errance animale parmi les plus élevés du territoire français : sur l’île de La Réunion, la préfecture dénombre 70 000 chiens errants. En moyenne, près de 7250 chiens et 2250 chats sont euthanasiés, ce qui représente 19% du total national d’euthanasies, toujours selon les chiffres de la préfecture. Murielle Grau, vice-présidente de la maison des chats de Martinique, déplorait en août dernier qu’il n’existait aucune politique de stérilisation ni d'identification des animaux.
Au niveau du financement, ce dispositif pourrait être géré par un organisme public ou par un organisme d’intérêt public à but non lucratif. Il serait financé par une cotisation sur le chiffre d’affaires des sociétés industrielles et commerciales produisant et commercialisant des produits d’alimentation, d’hygiène ou de loisirs destinés aux chiens et aux chats, ainsi que sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques dont toute ou partie de l’activité consiste en la production, la vente ou la commercialisation de produits médicamenteux ou sanitaires destinés aux chiens et aux chats. Le marché de l’alimentation des animaux de compagnie se compose majoritairement de trois entreprises en situation de position dominante, parmi lesquelles Mars (Cesar, Eukanuba, Frolic, Pedigree, Perfect Fit, Royal Canin, Whiskas...-) et Nestlé (Dog Chow, Felix, Fido, Friskies, Gourmet, One, Proplan...), qui détiennent déjà 60 % du marché de l’alimentation des chiens et des chats. Selon François Siegel, journaliste qui enquêté sur l’industrie des animaux de compagnie pour le média We Demain, “Cette industrie représente trois milliards et demi d'euros de chiffre d'affaires.”. Mars Petcare (marques Whiskas et Pedigree), multinationale américaine, numéro 2 mondial, vise par ailleurs 1 milliard d’euros de recettes en France en 2030, et table sur une progression de 30% de ses recettes d’ici sept ans. Selon un article de décembre 2022 publié sur BFMTV, ces groupes internationaux tendent à sanctuariser leurs marges opérationnelles malgré les hausses de coûts. Chez Nestlé par exemple, elle s'est maintenue à 17% au troisième trimestre malgré l'inflation galopante. Mars avait annoncé pour l'année 2021 un chiffre d'affaires en hausse de 50%, la plaçant pour la première fois devant Coca-Cola en termes de ventes.
Il serait également juste que les laboratoires pharmaceutiques qui réalisent tout ou partie de leur activité dans le secteur du médicament animal participent à ce modèle de sécurité sociale animale. En effet, la France est le pays leader dans la recherche, fabrication de médicaments et examens vétérinaires sur le territoire européen. Avec un chiffre d’affaires de plus de 900 millions d’euros réalisé en 2020, le marché français se place aussi en première position ; avec 3 000 autorisations de mise sur le marché, la France possède la plus grande ressource thérapeutique d’Europe, elle emploie 6700 travailleurs salariés dans ses entreprises, et deux médicaments français sur trois sont destinés à l’export. Parmi les dix premiers laboratoires mondiaux figurent trois entreprises françaises : Virbac, Ceva et Vetoquinol.
La sécurité sociale animale pourrait également être financée par un fonds public abondé par l’Etat annuellement à hauteur de 10 euros par chien et par chat identifié au sein du fichier national d’identification des carnivores domestiques, le fichier “I-CAD”. Cet ordre de grandeur a été identifié sur le modèle du financement, par l’Etat, de l’éco-contribution, fonds permettant aux fédérations de chasse de mener une mission de régulation de la biodiversité, auquel l’Etat verse 10 euros annuellement, par permis de chasse délivré. Si l’Etat a les capacités financières d’abonder un tel fonds à hauteur de 10 euros par permis de chasse, nous l’invitons à faire de même pour une cause sociale et juste : la prise en charge des frais de santé des animaux de compagnie de nos concitoyens, qui font face à des prix vétérinaires exorbitants, et un objectif de santé environnementale par la lutte contre l'errance animale et la propagation des maladies animales.
A ce titre, nous proposons donc la création d'un nouveau programme intitulé "Expérimentation d'une sécurité sociale animale" doté d'un euro symbolique en autorisation d'engagement et crédit de paiement. Au titre de la recevabilité financière, nous diminuons à due concurrence les autorisations d'engagement et crédits de paiement de l'action 02 "Ségur investissement du PNRR" du programme 379 "Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) ".