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Amendement n°CL1539

Déposé le jeudi 23 novembre 2023
Discuté
Photo de monsieur le député Frédéric Valletoux
Photo de madame la députée Béatrice Bellamy
Photo de monsieur le député Paul Christophe
Photo de monsieur le député François Gernigon
Photo de monsieur le député Jean-Charles Larsonneur

Supprimer cet article.

Exposé sommaire

Le Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi Immigration et Intégration, a supprimé l’aide médicale d’État (AME) pour la remplacer par une aide médicale d’urgence (AMU). Cet amendement a pour objet de rétablir l'AME.
 
L'AME est une protection maladie de base. Il s'agit d'un dispositif humanitaire et également, comme nous l'a rappelé la crise sanitaire, un dispositif de santé publique pour le territoire national en ce qu'elle vise à préserver l'ensemble de la population des risques épidémiologiques et sanitaires.
 
Elle n'est accessible qu'aux personnes en précarité, dont les ressources sont inférieures à un plafond, celui fixé pour l'éligibilité à la complémentaire santé solidaire (809,90€ par mois pour une personne seule depuis 2023). Toutes les personnes en situation irrégulière, déclarant des ressources supérieures à ce plafond, ne peuvent bénéficier d'une prise en charge financière que dans le cadre du dispositif des soins urgents.
 
De 2015 à 2022, les dépenses d'AME sont passées de 734M€ à 968M€ (+32% soit 4% par an en moyenne). Elles représentent environ 0,5% de l'ensemble des dépenses d'assurance maladie de la nation. 

Afin de réguler les dépenses associées à l'AME, le Gouvernement a mis en place depuis fin 2019 des mesures permettant de prévenir les abus et les détournements, tout en veillant à la juste attribution du droit qui a été conditionnée à l'introduction d'une condition de séjour irrégulier de trois mois avant d'obtenir le droit à l'AME, à l'obligation de déposer une primo-demande d'AME en personne à la caisse primaire d'assurance maladie, à la détection des dissimulations de visas grâce à l'outil VISABIO et à l'application d'un délai d'ancienneté à l'AME de neuf mois pour la délivrance de certaines prestations programmées.
 
Par ailleurs, selon l'étude de l'IRDES de novembre 2019, 51% seulement des personnes qui y sont éligibles bénéficieraient de l'AME. Ces résultats suggèrent que la plupart des migrants ont peu de connaissances de l'AME et n'ont pas tous la capacité à se saisir d'un dispositif complexe. Même après cinq années ou plus de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n'ont pas l'AME.
 
Il est aussi faux d'estimer que l'AME est un facteur d'attractivité pour les candidats à l'immigration en France. Elle fait seulement partie d'un ensemble (indemnités, logement, aides alimentaires...) qui rendrait la France plus attractive que la moyenne des pays européens. Beaucoup d'étrangers, arrivant en France déjà malades, découvrent à leur arrivée sur notre territoire leur pathologie à l'occasion de bilans de santé réalisés bien après cette entrée.
 
Sur ce sujet, il est important de regarder les effets de la suppression d'un tel dispositif dans un pays voisin. Ce fut le cas en Espagne mais en seulement cinq ans, le Gouvernement a décidé de faire volte-face. La restriction de l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, votée en 2012, a en effet entraîné une augmentation de l'incidence des maladies infectieuses et une hausse de 22% de la moralité des sans-papiers.
 
Ainsi, l'AME se justifie autant pour des raisons humanitaires que de santé publique ou de bon sens pour l'hôpital sur qui va dorénavant peser seul la charge.
 
Néanmoins, il paraît pertinent de se poser la question si l'AME ne facilite pas le maintien dans la clandestinité, en raison notamment des "avantages" annexes dont elle permet de bénéficier. En conséquence, il conviendrait, de manière collective, de nous interroger sur la nécessité d'apporter d'éventuelles adaptations sur le dispositif et d'étudier les prochaines conclusions du rapport Évin/Stefanini, attendu début décembre, pour faire évoluer l'AME.
 
Enfin, il ne peut être admis que la disposition adoptée par le Sénat inscrive dans la loi le panier de soins, alors qu’il faudrait le laisser dans le champ réglementaire.