Fabrication de la liasse

Amendement n°CL1703

Déposé le samedi 25 novembre 2023
Discuté
Photo de madame la députée Élodie Jacquier-Laforge
Photo de monsieur le député Florent Boudié

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

« Après l’article L. 554‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 554‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 554‑1‑1. – I. – Par dérogation à l’article L. 554‑1, l’accès au marché du travail peut être autorisé, dès l’introduction de la demande, dans les conditions prévues à l’article L. 554‑3, au demandeur d’asile originaire d’un pays pour lequel le taux de protection internationale accordée en France est supérieur à un seuil fixé par décret et figurant sur une liste fixée annuellement par l’autorité administrative.

« Cette liste peut être modifiée en cours d’année, en cas d’évolution rapide de la situation dans un pays d’origine, en vue de la compléter ou de suspendre une inscription.

« II. – Le demandeur d’asile qui accède au marché du travail, dans les conditions prévues au présent article, bénéficie :

« 1° De la formation linguistique mentionnée au 2° de l’article L. 413‑3, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l’accueil et de l’intégration ;

« 2° Des actions de formation professionnelle continue prévues à l’article L. 6313‑1 du code du travail.

« III. – Le présent article n’est pas applicable lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée en application de la section 2 du chapitre Ier du titre III du présent livre. »

Exposé sommaire

Cet amendement a pour objet de rétablir le dispositif proposé par le Gouvernement dans la version initiale de son projet de loi.

En application de l’article L. 554-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA), les demandeurs d’asile n’ont aujourd’hui accès au marché du travail qu’au bout d’un délai de six mois. Les dispositions de l’article L. 554-3 du CESEDA prévoient que « le demandeur d’asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail », ce qui implique notamment la délivrance préalable d’une autorisation préfectorale. Le 2° de l’article L. 5221-2 du code du travail prévoit à cet égard que l’étranger qui souhaite exercer une activité salariée doit être en possession d’un contrat de travail visé par l’autorité administrative ou une autorisation de travail. De même, l’article L. 5221-5 du code du travail dispose qu’un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2, tandis que l’article L. 5221-7 du même code prévoit que l'autorisation de travail peut être limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques. Enfin les conditions de délivrance de l’autorisation de travail qui concernent la nature de l’emploi proposé, l’employeur, et la rémunération sont précisées à l’article R. 5221-20 du même code.

La mesure proposée vise à instaurer un dispositif dérogatoire d’accès au marché du travail sans délai des demandeurs d’asile dont il est le plus probable, au regard de leur nationalité, qu’ils obtiendront une protection internationale en France.

En effet, si des restrictions se justifient pour les demandeurs d’asile ayant peu de chance, au regard de leur nationalité, d’obtenir une protection internationale en France, afin de ne pas inciter au dépôt de demandes infondées, une accélération de l’accès au marché du travail se justifie en revanche pour les demandeurs dont il est le plus probable qu’ils obtiendront ce statut, afin d’accélérer leur parcours d’intégration et de lutter contre le travail dissimulé. C’est dans cet esprit que les personnes déplacées d’Ukraine bénéficiant de la protection temporaire ont pu accéder sans délai au marché du travail.

Le champ d’application de la présente mesure, qui déroge au principe prévu par l’article L. 554- 1 du CESEDA, repose sur un critère objectif : le taux de protection internationale en France constaté par nationalité. Les demandeurs d’asile ressortissants de pays dont le taux de protection excède un seuil élevé, fixé par décret, qui pourrait être de 50 % au moins, pourront accéder sans délai au marché du travail. Dans une logique symétrique à celle qui préside à l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs, qui permet de déroger à la procédure d’asile de droit commun au regard du pays d’origine du demandeur, la différence de situation établie par la probabilité d’obtenir une protection internationale en France permet de justifier qu’il soit dérogé au principe d’égalité.

Dès lors que le demandeur attestera de sa nationalité lors de l’introduction de sa demande d’asile, il pourra solliciter une autorisation de travail, sauf si sa demande est placée en procédure accélérée (menace pour l’ordre public, fraude, réexamen, etc.). Cette mesure ne bénéficiera qu’aux demandeurs d’asile dont la demande relève de la responsabilité de la France, à l’exclusion des demandeurs placés sous procédure Dublin, lesquels n’ont pas encore introduit leur demande, ainsi que l’exige le premier paragraphe de l’article L. 554-1-1 ici proposé.

Le demandeur autorisé à travailler pourra également accéder à une formation linguistique prise en charge par l’État et mise en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) dans un format adapté pour lui permettre d’acquérir les premières bases de la langue française et à des actions de formation professionnelle continue, telles que prévues à l'article L. 6313-1 du code du travail.

Avec un taux de 50 % (décisions OFPRA en incluant les réformations de la CNDA), 15 973 demandeurs d’asile auraient été concernés par cette mesure en 2021. Il s’agit du nombre de demandeurs adultes relevant d’une nationalité protégée à plus de 50 % et ayant introduit leur demande auprès de l’OFPRA en 2021. Ce chiffre aurait été de 24 421 en 2022.

Un taux de 60 % aurait permis en 2021 à 15 622 demandeurs d’asile de bénéficier de la mesure proposée. Ce chiffre aurait été de 21 031 en 2022.

En retenant un taux de 70 %, 13 903 demandeurs d’asile auraient été concernés la même année (19 335 en 2022). Enfin, avec un taux de 80 %, 12 809 demandeurs d’asile auraient été concernés en 2021 et 4 423 en 2022.

Les principales nationalités concernées par cette mesure seraient, quel que soit le taux retenu : l’Afghanistan, la Syrie, le Soudan, l’Érythrée, la Chine, l’Iran, l’Irak, la Libye et le Yémen.