Fabrication de la liasse

Amendement n°CL919

Déposé le jeudi 23 novembre 2023
Discuté
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Photo de madame la députée Fatiha Keloua Hachi
Photo de monsieur le député Roger Vicot

L’article L. 744‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Sauf en cas de menace pour l’ordre public, est considéré comme placé en rétention ou maintenu en zone d’attente tout étranger privé de sa liberté de circulation pendant une durée égale ou supérieure à quatre heures. En conséquence, est considéré comme lieu de rétention ou comme zone d’attente tout lieu où un étranger est enfermé pendant une durée égale ou supérieure à quatre heures. »

Exposé sommaire

Cet amendement de repli à l’interdiction des zones dites de « mise à l’abri » du groupe « Socialistes et apparentés » vise à empêcher le maintien et le développement de ces lieux que l’on peut voir notamment à Menton, en considérant juridiquement toute retenue d’une personne exilée comme un placement en rétention ou en zone d’attente pouvant ainsi garantir les droits associés à ces situations (droit à consulter un avocat, assistance d’un interprète ou d’un médecin, ou communiquer avec une personne de son choix). 

En effet, de manière totalement inacceptable, des femmes, des enfants et des hommes sont retenus dans des locaux attenants à la police aux frontières de Menton qui n’ont aucune forme juridique propre. 

Alors que la frontière italienne est située à un lieu charnière de la trajectoire des personnes exilées, celles-ci sont strictement contrôlées et ne permettent le passage que des personnes qui ne sont pas identifiées par la police comme des migrants potentiels. Les effets de ce blocage sont ressentis en Italie, à Vintimille, où des camps s’établissent. Toutefois, le triste spectacle de la frontière est bien visible à Menton, lieu de refoulement par la police aux frontières (PAF). La réussite d’un tel franchissement passe parfois par l’emprunt des chemins les plus dangereux comme le toit des trains, ou le sentier vertigineux que l’on appelle le « pas de la mort ». Avant d’être renvoyés vers l’Italie, les migrants sont retenus dans des « espaces de mise à l’abri », des préfabriqués agglutinés entre la route et la falaise. 

Il est à noter que par un arrêt du 21 septembre dernier  la Cour de Justice de l’Union européenne, a rappelé concernant les refoulements systématiques à cette frontière que « La Cour juge que, (...) une décision de refus d’entrée peut être adoptée sur la base du code frontières Schengen mais que, en vue de l’éloignement de l’intéressé, les normes et procédures communes prévues par la directive « retour » doivent tout de même être respectées, ce qui peut aboutir à priver d’une large partie de son utilité l’adoption d’une telle décision de refus d’entrée. (...) La Cour précise que ce n’est qu’à titre exceptionnel que la directive « retour » permet aux États membres d’exclure les ressortissants de pays tiers qui séjournent irrégulièrement sur leur territoire du champ d’application de cette directive« .

Pourtant, les conditions de vie des personnes exilées à cette frontière sont particulièrement éprouvantes. Selon le rapport de l’association Anafé qui date de 2022, les personnes interpellées sont enfermées dans différents types de locaux (constructions modulaires attenantes à des locaux de la PAF, salle située au sein d’un local de police, locaux mis à disposition dans une gare par la SCNF ou sur un péage par la société gestionnaire du péage. Dans ces locaux, les conditions de maintien sont déplorables : blocs modulaires avec un mobilier très sommaire, voire inexistant, pratiques aléatoires concernant la possibilité d’avoir accès à un système de chauffage ou de climatisation, pas de couvertures, sanitaires défaillants la plupart du temps (toilette chimique). Ces conditions sont régulièrement dénoncées. Ce fut notamment le cas par le Bâtonnier Adrien Verrier en juillet 2022 qui, dans ses préconisations, demandait « la systématisation de fourniture de repas complets » démontrant l’insuffisance de la protection de l’État dans sa gestion des personnes exilées. 

Pour toutes ces raisons, et comme les locaux de mise à l’abri sont utilisés lorsque la PAF remet des migrants dits irréguliers aux autorités italiennes, ce processus de privation de liberté pouvant prendre 4 à 13 heures, il est indispensable que ces zones ne soient pas des situations de non-droit. Tel est le sens de cet amendement.