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Amendement n°CL982

Déposé le jeudi 23 novembre 2023
Discuté
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Rédiger ainsi l’alinéa 19 :

« Art. L. 131‑7. – Les décisions de la Cour nationale du droit asile sont rendues par la formation collégiale de jugement. »

Exposé sommaire

Cet amendement vise à faire maintenir, par principe, la formation collégiale au sein de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA).

Par la proposition de cet article, l’audience à juge unique deviendrait la règle et la possibilité de recourir à la formation collégiale, composée d’un magistrat administratif, d’un assesseur nommé par le Haut-Commissariat des Réfugiés des Nations Unies, et d’un assesseur nommé par le Conseil d’État serait l’exception. Ce renversement de principe, qui pourtant fait de la CNDA une spécificité du système français de l’asile depuis 1952 amoindrit drastiquement les garanties offertes au demandeur d’asile.

Cette proposition intervient alors qu’un glissement progressif vers la généralisation des formations de jugement présidées par un juge unique est déjà en cours depuis 2016. Dès lors, le recours à la procédure à juge unique était possible uniquement de manière dérogatoire, notamment lorsque les dossiers étaient placés en procédure accélérée, et devait donc rester exceptionnelle. En outre, et de manière générale, les dispositions telles que rédigées dans l’article L731-2 2° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en vigueur au 01 janvier 2019 ont accéléré cette tendance, puisque celles-ci accordaient déjà une certaine largesse de marge d’appréciation au président de la cour ou au président de formation de jugement pour décider ou non de convoquer un juge unique au profit d’une formation collégiale.

Si l’article ici proposé conserve la possibilité, déjà prévue par les textes antérieurs pour le juge unique ou le président de la Cour nationale du droit d’asile de renvoyer l’affaire au collégial, nous constatons que cette faculté n’est d’ores et déjà que peu utilisée en pratique, notamment car elle laisse cette possibilité à l’entière discrétion de ce dernier « s’il estime qu’elle pose une question qui le justifie ». Ainsi, on constate aujourd’hui qu’environ la moitié des affaires portées devant la Cour est tranchée par un juge unique depuis la mise en application de la loi, alors même qu’une telle possibilité n’existait pas il y a encore dix ans.

Il convient de rappeler que le contentieux de l’asile est un contentieux de pleine juridiction, dans le cadre duquel la CNDA se prononce, non pas sur la légalité de la décision prise par l’autorité administrative, mais directement sur l’octroi, la cessation ou le retrait d’une protection internationale, en premier et dernier ressort en l’absence de double degré de juridiction, au contraire d’autres contentieux. La CNDA participe au quotidien, de manière substantielle, à garantir l’accès au droit d’asile, droit fondamental constitutionnellement consacré et à la mise en œuvre de la protection des réfugiés résultant d’engagements internationaux souscrits par la France.

En France, la collégialité constitue le principe pour l’examen des recours en matière administrative, sauf à ce que la loi en dispose autrement. En matière d’asile, la collégialité dans une juridiction contribue au caractère équitable et à la fiabilité des systèmes de détermination de statut, constituant ainsi un garde-fou afin de prémunir le justiciable de tout arbitraire. La collégialité assure d’effacer les biais personnels et permet la mise en avant de différents points de vue et d’explications d’experts sur la région concernée. A l’heure où les magistrats sont tenus à des exigences de résultats accrues et peu réalistes, elle permet de pallier, dans le cadre d’une formation en juge unique, le risque d’une course à la productivité au détriment de la qualité de la décision rendue. La collégialité est essentielle car elle permet donc plusieurs regards complémentaires dans une matière où l’intime conviction est le principal critère de décision. La collégialité permet des discussions pertinentes sur le contexte géopolitique mais aussi sur l’appréciation de dossiers plus sensibles, ou encore sur la vulnérabilité du requérant, notamment lorsqu’ils sont liés à des persécutions en raison de l’orientation sexuelle. La multiplicité de regards est nécessaire, la pluralité des compétences est nécessaire, et la qualité de l’instruction des recours en dépend.

Le Conseil National des Barreaux rappelle que la collégialité est d’autant plus indispensable dans un contentieux concernant exclusivement des personnes vulnérables au sens de la Cour européenne des droits de l’Homme. En outre, l’oralité y tient une place prépondérante et prend tout son sens. Les débats forgent souvent la conviction des juges. L’instauration d’un échange entre les juges et la pluralité du regard permet de prévenir des décisions hâtives ou une connaissance obsolète de la situation dans un pays et pouvant avoir des conséquences d’une gravité irréversible pour le justiciable.

En outre, l’affaire récente de Monsieur Jean-Marie Argoud, président de formation de jugement à la CNDA récusé pour ses prises de positions islamophobes, xénophobes et homophobes, tend à démontrer la nécessité de la collégialité à la CNDA. En l’espèce et dans ce cas précis, sans l’intervention de plusieurs rapporteurs et d’assesseurs présents dans ces moments-là, jamais de tels comportements n’auraient été remontés à la direction. Ce genre de comportement est incompatible avec une application sereine du droit d’asile, et est révélateur d’une nécessité de la collégialité, qui est une garantie importante pour les demandeurs d’asile, et cet exemple nous le prouve.

Nous rappelons qu’en mars 2020, le gouvernement, alléguant le contexte sanitaire, avait déjà tenté de supprimer la collégialité au profit du juge unique. Si le Conseil d’État avait jugé la manœuvre illégale, arguant par ailleurs que l’examen en formation collégiale constitue une garantie de « particulière importance » pour le demandeur d’asile, il ne faisait guère de doute qu’une future réforme viendrait ébrécher, au nom de l’objectif d’accélération des jugements, ce principe cardinal d’une justice équitable. La suppression de la collégialité constituerait objectivement une rupture majeure, à la fois historique et culturelle.

Enfin, nous rappelons que la réforme de la CNDA vise dans son ensemble à accélérer les délais d’examen. Cela passerait par la généralisation du juge unique. Pourtant, les chiffres montrent que l’écart des délais entre une formation en collégiale ou à juge unique est très faible. En 2022, le délai en formation collégiale était en moyenne de 7 mois, et le délai en formation à juge unique de 5 mois.
Un écart très faible face à l’atteinte à l’impartialité de la justice, l’atteinte au principe de la collégialité et les atteintes aux garanties du justiciable que cette réforme pourrait engendrer.

Les modalités d'application du présent alinéas se font en adéquation avec les moyens humains existants.