Fabrication de la liasse
Photo de monsieur le député Aymeric Caron

Rédiger ainsi cet article : 

« I. – D’ici 2030, sont progressivement interdites les structures d’élevage dont les conditions d’exploitation ne permettent pas aux animaux de réaliser les comportements spécifiques à leur espèce ou de satisfaire leurs impératifs biologiques et notamment celles qui entravent leur liberté de mouvement.

« II. – Les structures d’élevages mentionnées au I s’entendent de toute structure où des animaux sont exploités pour les produits qui en sont tirés et qui répondent, pour chaque espèce, aux critères suivants :

« 1° Pour les poulets de chair et les poules pondeuses, sont considérés comme élevages au sens du présent article les élevages en cages, les élevages où la densité des animaux est supérieure à 4 animaux par m2 pour les animaux adultes et à 15 animaux par m2 pour les poussins, et les élevages où les animaux n’ont pas un accès permanent à l’extérieur.

« 2° Pour les veaux, sont considérés comme élevages au sens du présent article les élevages où la densité est supérieure à 20m2 par animal, et les élevages où les animaux n’ont pas un accès permanent à l’extérieur.

« 3° Pour l’élevage porcin et les truies, sont considérés comme élevages au sens du présent article les élevages en cage, les élevages sur caillebotis intégral sans litière, les élevages où la densité est supérieure à 1,10 m2 par animal, et les élevages où les animaux n’ont pas un accès permanent à l’extérieur.

« 4° Pour l’élevage bovin et les vaches laitières, sont considérés comme élevages au sens du présent article les élevages où la densité est supérieure à 9m2 par animal, les élevages sans accès au pâturage, et les élevages où les animaux n’ont pas un accès permanent à l’extérieur.

« 5° Pour l’élevage cunicole, sont considérés comme élevages intensifs les élevages en cage et les élevages où les animaux n’ont pas un accès permanent à l’extérieur.

« 6° Pour l’élevage des canards, des oies et des cailles, sont considérés comme élevages au sens du présent article les élevages en cage, les élevages où la densité des animaux est supérieure à 4 animaux par métre carré, et les élevages où les animaux n’ont pas un accès permanent à l’extérieur.

« III. – Les comportements spécifiques et impératifs biologiques des animaux concernés tels qu’ils sont mentionnés au I s’entend des critères et paramètres mesurables à la base des protocoles d’évaluation du bien-être de l’outil Welfare quality research project.

« IV. – Un décret pris en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article en intégrant les récents avis scientifiques publiés par l’autorité européenne en charge des questions de sécurité alimentaire, ainsi que les préconisations du Centre européen de référence pour le bien-être animal. »

 

Exposé sommaire

Cet amendement vise à éliminer, d’ici 2030, toute structure d’élevage ne respectant pas l’article L 214 du code rural et de la pêche maritime, lequel dispose que « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »

En effet, il est notoire que de trop nombreuses installations d’élevage sont irrespectueuses du bien-être animal, et pas uniquement parce que l’exploitation de l’animal se termine par la mort. De nombreuses associations de protection animale ont rigoureusement documenté et enquêté les pratiques de très nombreuses structures d’élevage où non seulement les animaux ne sont pas placés dans des « conditions compatibles avec les impératifs biologiques » de leur espèce, mais sont également soumis à des tortures inhumaines. Parmi elles, la coupe de la queue des cochons à vif, le broyage des poussins, l’asphyxie…

Cet amendement vise ainsi à donner une réalisation concrète aux dispositions de l’article L214 du code rural et de la pêche maritime, en interdisant les structures où les animaux ne peuvent effectuer les comportements spécifiques à leur espèce et notamment l’une des plus importantes : la liberté de mouvement.

Les comportements spécifiques à chaque espèce sont largement documentés par de nombreuses institutions publiques, et notamment par l’EFSA dans les avis scientifiques qu’elle rend régulièrement. C’est pourquoi le présent amendement se base sur les recommandations scientifiques de l’EFSA sur la densité dans les élevages et l’espace disponible pour chaque animal.

L’EFSA, dans son avis du 21 février 2023, recommande, entre autres, que la densité dans les élevages de poules pondeuses et de poulets de chair ne dépasse pas les 4 animaux par m2, afin de permettre leur bien-être. Actuellement, le seuil minimal est de 33 kilogrammes par m2, c’est-à-dire plus d’une vingtaine d’animaux par m2. Ce seuil peut même être porté à 39 ou à 42 kg par m2.

Dans son avis du 29 mars 2023, elle recommande que les veaux puissent disposer d’au moins 20 m2 chacun afin de permettre leur liberté de mouvement.

Dans son avis du 25 août 2022, l’EFSA estime que, pour l’élevage porcin, chaque animal doit disposer d’au moins 1,10 m2 pour se mouvoir, afin de lui permettre de réaliser les comportements spécifiques à son espèce.

Dans son avis du 16 mai 2023, l’EFSA recommande un minimum de 9m2 par animal pour les vaches laitières. Par extension, nous avons ici considéré pour les besoins de cet amendement, dans l’attente d’un avis spécifique de l’EFSA sur les bovins à viande, que ces derniers devaient disposer du même espace.

Les animaux d’élevage, malgré des croyances erronées, sont des animaux extrêmement sensibles, dotés d’une intelligence développée et nécessitant, au même titre que les humains, des conditions de vie décentes, des stimulations physiques et intellectuelles enrichissantes, et ne peuvent être traitées comme des produits destinés à consommation humaine. Il en va de notre humanité.

Par ailleurs, les conditions de vie des animaux d’élevage concernent également la santé publique, puisque l’EFSA rappelle dans ses avis scientifiques qu’une trop grande promiscuité et densité favorise l’apparition de maladies et de blessures. De trop nombreuses vidéos d’élevages existent où l’on peut voir des animaux morts parmi les vivants, des animaux s’entredévorer, des animaux mutilés… Ces conditions de vie sont non seulement inacceptables, mais également dangereuses, pour les animaux et pour les humains qui les consomment.

Les inquiétudes actuelles autour du virus H5N1 en sont un parfait exemple : la transmission de la grippe aviaire est démultipliée par le transport international d’animaux vivants et par l’enfermement d’animaux dans des espaces exigus et confinés où la densité d’animaux favorise la transmission des maladies. Selon un rapport scientifique conduit par l’ONG CIWF (Compassion in world farming), publié le 22 août 2023, il n’est pas possible d'enrayer la propagation de la grippe aviaire et de réduire le risque d'une pandémie mondiale sans procéder à des réformes agricoles majeures et notamment de réduire drastiquement la densité des élevages de volailles : « Il est essentiel que le secteur de la volaille adopte des troupeaux plus petits, des densités de peuplement plus faibles (…). Cela réduira le risque d'émergence et de propagation de souches de grippe aviaire hautement pathogènes. » En effet, entre 2021 et 2023, plus d’un milliard d’oiseaux d’élevage sont morts ou ont été abattus dans le monde à cause de la grippe aviaire.

Dans son rapport de juillet 2023, le groupe de travail scientifique international sur la grippe aviaire - créé pour fournir des recommandations et des orientations aux gouvernements des pays touchés ou menacés - a réaffirmé que la grippe aviaire hautement pathogène avait son origine dans le secteur de la volaille et non chez les oiseaux sauvages. En réalité, les oiseaux sauvages sont pris dans une situation cyclique où la maladie, alimentée par le système d'élevage industriel, échappe à tout contrôle.

Or la grippe aviaire, comme d’autres maladies issues de l’élevage intensif, se propage également chez d’autres mammifères, et également chez l’humain. Entre le début de l’année 2003 et le 1er avril 2024, l’OMS a déclaré avoir enregistré un total de 889 cas humains de grippe aviaire dans 23 pays, dont 463 décès, ce qui porte le taux de létalité à 52 %. L’OMS a fait part de son « énorme inquiétude » le 18 avril face à la propagation croissante de la souche H5N1 de la grippe aviaire à de nouvelles espèces, y compris les humains, indiquant que le virus du H5N1, qui décime régulièrement des oiseaux migrateurs ou d’élevage, a démontré « un taux de mortalité extraordinairement élevé » chez les personnes contaminées par leur contact avec des animaux infectés.

Ce problème est également alimenté par l’élevage porcin intensif : chaque année, plus de 1,4 milliard de porcs sont élevés dans le monde pour leur viande, la plupart d'entre eux étant confinés dans des fermes industrielles, qui sont des lieux de propagation propices aux maladies. Il est établi que les porcs peuvent être infectés par la grippe porcine, la grippe humaine et la grippe aviaire, et peuvent donc également servir de creuset pour créer de nouveaux virus porcins, aviaires et humains. Par conséquent, il convient d'abaisser les densités de peuplement dans les élevages porcins et de réduire la taille des groupes dans lesquels les porcs sont détenus.