Deuxième séance du jeudi 15 juin 2023
- Présidence de Mme Valérie Rabault
- 1. Améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 quinquies (suite)
- Après l’article 2 quinquies
- Amendement no 471
- Article 2 sexies
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 2 sexies
- Amendement no 77
- Article 2 septies
- M. Yannick Neuder
- Amendements nos 871 et 1031
- Article 2 octies
- M. Thibault Bazin
- M. Jérémie Patrier-Leitus
- Amendements nos 1071, 670 et 1073
- Article 2 nonies
- Amendement no 1002
- Article 2 decies
- Amendements nos 261 deuxième rectification et 489
- Article 2 undecies
- Amendement no 527
- Sous-amendement no 1133
- Amendement no 628, 626, 638
- Article 2 duodecies
- Article 3
- Après l’article 3
- Amendements nos 113, 1019 rectifié, 1045 et 1081
- Suspension et reprise de la séance
- Article 3 bis
- Article 4
- Après l’article 4
- Article 5
- M. Timothée Houssin
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet
- M. Pierre Dharréville
- Amendements nos 1148, 1151, 1152, 1153, 534, 533, 994, 38 et 532
- Article 5 bis
- Après l’article 5 bis
- Article 6
- M. Maxime Laisney
- Amendement no 696
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Valérie Rabault
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (nos 1175, 1336).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 605 à l’article 2 quinquies.
Article 2 quinquies (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 1066.
M. Sébastien Peytavie
Nous avons terminé la séance d’hier après-midi en adoptant la proposition du groupe de travail transpartisan relative à l’indicateur territorial de l’offre de soins (Itos). L’amendement no 1066 vise à ce que la version finale de l’Itos fasse l’objet d’une publication sur le site des agences régionales de santé (ARS), pour garantir la transparence et l’égal accès à l’information.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales
Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
L’amendement est satisfait, car les informations relatives au zonage sont déjà définies et publiées sur le site des ARS. Avis défavorable.
(L’amendement no 1066 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 1070.
M. Sébastien Peytavie
Afin d’améliorer l’Itos, nous proposons de préciser que cet indicateur est également utilisé dans le cadre de la construction de la stratégie nationale de santé. Nous lui donnerons ainsi une dimension nationale, ce qui permettra de l’utiliser à des fins de comparaison, par exemple dans l’objectif d’évaluer l’opportunité d’instaurer des mesures d’encadrement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
L’Itos étant conçu pour définir la politique sanitaire au niveau local, il n’a pas vocation à être utilisé dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
Mme Stéphanie Rist
Bien sûr !
M. François Braun, ministre
Avis défavorable.
(L’amendement no 1070 n’est pas adopté.)
(L’article 2 quinquies, amendé, est adopté.)
Après l’article 2 quinquies
Mme la présidente
La parole est à M. Freddy Sertin, pour soutenir l’amendement no 471.
M. Freddy Sertin
Il tend à ce que la Haute Autorité de santé (HAS) établisse des recommandations d’effectifs des professionnels de santé revues tous les cinq ans afin de garantir la sécurité de la prise en charge des patients. En effet, les effectifs des services de soins non programmés en gynécologie-obstétrique souffrent d’un manque d’actualisation conduisant parfois à des incohérences entre les effectifs supposés, les évolutions de l’organisation du système de santé et les besoins de santé publique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Il existe déjà des obligations relatives aux effectifs médicaux et paramédicaux nécessaires au bon fonctionnement des activités de soin. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Avis défavorable. Je précise que les calculs de ratio sont assez rarement adaptés à la situation réelle. C’est pourquoi j’ai entamé, en concertation avec les organisations syndicales représentatives des personnels de santé et des médecins, un travail relatif à l’adaptation de la charge en soins. Nous élaborons un indicateur que je vous présenterai dès que possible.
Mme la présidente
La parole est à M. Freddy Sertin.
M. Freddy Sertin
Au regard des informations communiquées par M. le ministre et de l’étude en cours au sujet de l’évaluation de la charge en soins, je retire l’amendement.
M. Hadrien Clouet
Petit bras !
(L’amendement no 471 est retiré.)
Article 2 sexies
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 173, 337, 760 et 431, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 173, 337 et 760 sont identiques.
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l’amendement no 173.
M. Stéphane Delautrette
Il vise à associer les collectivités – en particulier les départements – ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) au guichet unique départemental. L’objectif du guichet unique consiste en effet à favoriser et à coordonner l’installation de médecins, en particulier dans les déserts médicaux, ce pour quoi des éléments extérieurs à la pratique médicale, tels que le logement, la mobilité ou encore les structures de santé existantes, entrent en ligne de compte. C’est pourquoi il convient d’associer au guichet unique non seulement les ordres professionnels, mais également la CPAM et les collectivités, notamment les départements, compte tenu de leurs compétences en la matière.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 337.
M. Thibault Bazin
L’article 38 de la loi de financement de sécurité sociale pour 2023 dispose la création dans chaque ARS d’un guichet unique départemental destiné à accompagner les professionnels de santé, notamment lors de leur installation. Mon collègue Yannick Neuder et moi-même sommes très attachés à cette mesure. Or pour favoriser et coordonner l’installation de médecins, en particulier dans les déserts médicaux, il convient de prendre en considération l’accès au logement, le transport, la garde d’enfants ou encore la mobilité professionnelle du conjoint. Les plus jeunes des médecins concernés ont d’ailleurs émis des préconisations intéressantes en la matière.
Estimant souhaitable de réunir tous les acteurs concernés pour élaborer des mesures d’accompagnement à l’installation, nous proposons d’associer à ce travail la CPAM. Cela semble cohérent avec l’esprit du texte, qui entend associer les divers acteurs à la définition du diagnostic en matière d’offre de soins comme d’accompagnement.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 760.
M. Sébastien Peytavie
Issu d’une proposition du groupe Socialistes et apparentés, l’amendement vise à associer les collectivités, notamment les départements, ainsi que la CPAM au guichet unique départemental chargé de l’accompagnement à l’installation des professionnels de santé.
Sous l’égide de chaque ARS, le guichet unique vise à simplifier les démarches administratives des professionnels de santé effectuées dans le cadre de leur projet d’installation. S’il peut faciliter l’installation des médecins sur les territoires, en particulier dans les zones situées dans des déserts médicaux, il n’offre qu’une réponse partielle aux problématiques rencontrées par les médecins. Il est donc crucial d’intégrer aux dispositifs d’accompagnement du guichet unique des mesures concernant le logement, la mobilité ou les structures de santé existantes, ce qui relève notamment de la compétence des collectivités et de la CPAM. Par cet amendement, fruit d’une réflexion menée conjointement avec l’Assemblée des départements de France (ADF), le groupe Écologiste-NUPES propose d’associer ces acteurs au guichet unique.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 431.
M. Thibault Bazin
Pour favoriser et coordonner l’installation des médecins, l’aménagement du territoire constitue un enjeu essentiel. C’est pourquoi il semble pertinent d’associer au guichet unique non seulement les ordres professionnels et les autres structures concernées, mais également les départements, comme le demande l’ADF. En effet, les départements sont chefs de file dans le domaine médico-social. Plusieurs députés de notre groupe, comme Josiane Corneloup et moi-même, sont conseillers départementaux : nous pouvons donc mesurer l’importance de ces collectivités dans le fonctionnement des maisons de retraite, des structures de prise en charge du handicap ou encore des Saad – services d’aide et d’accompagnement à domicile – et des Ssiad – services de soins infirmiers à domicile –, que nous cherchons à faire évoluer pour en faire des services dédiés à l’autonomie.
Il importe de proposer une offre de soins en adéquation avec les besoins du territoire. Étant donné que certains médecins recherchent un exercice mixte, il est intéressant de leur faire savoir quelles structures et services existent dans le territoire. Le département est particulièrement bien placé pour jouer ce rôle d’information et d’accompagnement.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Eh oui !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
La création du guichet unique départemental dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 vise justement à associer les collectivités locales à l’accompagnement des médecins. Tel était également l’objectif de l’amendement adopté en commission ayant pour effet d’étendre les missions du guichet unique.
Puisque le guichet unique est départemental, la CPAM et le conseil départemental y prendront naturellement part. C’est également le cas d’autres acteurs comme les intercommunalités – dont le rôle en matière de logement, par exemple, n’est pas moindre que celui des départements –, les villes ou encore les régions, qui jouent souvent un rôle déterminant dans la réflexion au sujet de l’offre de soins.
Ces amendements me semblent donc superfétatoires : je peine à comprendre pourquoi ils insistent sur le rôle du département et de la CPAM et non sur celui des autres acteurs. Il aurait fallu citer tous les acteurs, ou bien aucun. Je vous propose donc de nous en tenir à une description générale des parties prenantes. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Le guichet unique constitue une mesure essentielle de la stratégie de lutte contre les déserts médicaux et de refondation du système de santé. L’ensemble des partenaires que vous avez cités sont bien entendu associés au guichet unique, tout comme d’autres acteurs : les citer intégralement nuirait sans doute à la lisibilité du texte, puisque nous entendons laisser à chaque territoire la liberté d’y participer. Il ne me semble donc pas utile d’inscrire cette liste dans l’article. Je m’en remets toutefois à la sagesse de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je propose le compromis suivant, qui me semble efficace : à défaut de la loi, le décret d’application devra faire mention de toutes les collectivités territoriales. En effet, leur susceptibilité est grande : nous courons le risque qu’une collectivité, si elle n’est pas spécifiquement mentionnée, en prenne ombrage. Il est bon que tous ceux qui contribuent à l’accompagnement des professionnels de santé – je rappelle que les fonctions du guichet unique, initialement limitées à l’accompagnement lors de l’installation, seront considérablement étendues par ce texte – soient explicitement associés à ce dispositif.
En outre, il convient d’insister sur l’actualisation des données du guichet, de sorte que celles-ci ne constituent pas une photo statique, mais une photo dynamique.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
J’exprimerai brièvement mon soutien à ces amendements. M. le rapporteur affirme qu’ils sont superfétatoires. Je l’entends, mais nous pouvons prendre ce risque au vu de l’importance de leur signification. Ils soulignent en effet que la politique de santé publique doit être pensée en fonction des territoires, dans un lien et un dialogue systématique avec les collectivités. À l’inverse, les collectivités ont un rôle à jouer pour anticiper les évolutions de la santé. C’est au cœur des discussions que nous avons eues hier : certains députés de la majorité ont soutenu que les incitations suffiraient à faire s’installer les médecins. Personnellement, je n’y crois pas mais, si vous pensez que c’est le cas, il est important que les départements, entre autres, participent au guichet unique, car ils ont la main sur les politiques du logement, des transports ou de la garde d’enfants, grâce auxquelles on peut rendre la vie plus facile aux professionnels de santé qui s’installeraient. Leur participation à ces dispositifs nous semble donc être une condition pour rendre effective l’installation des professionnels sur les territoires. (M. Maxime Laisney applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Votre intervention m’incite à apporter une précision. Vous parlez vous-même des collectivités locales. Parmi les compétences que vous avez citées, certaines relèvent de la métropole ou de l’intercommunalité, d’autres de la commune, or ces amendements ne mentionnent que les conseils départementaux.
Je vous appelle donc à être cohérents. Vous êtes plusieurs à avoir parlé des collectivités au sens large, pourtant vous présentez des amendements pour intégrer seulement les conseils départementaux aux décisions. Certes, les départements sont des collectivités locales importantes, mais ils ne constituent pas pour autant l’ensemble des collectivités mobilisées pour accompagner l’évolution de l’offre médicale.
Je souligne donc cette distorsion, en soutenant qu’il fallait ne mentionner aucune instance ou bien les inclure toutes.
Je vous demande donc de retirer ces amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Hadrien Clouet
Sous-amendez ces amendements, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Je souhaite répondre à ce que vient de dire M. le rapporteur. L’exposé des motifs de l’amendement no 173 de M. Guillaume Garot et ceux des amendements identiques mentionnent bien « les collectivités et en particulier les départements ». D’abord, les départements sont compétents en matière de logement, même s’ils ne sont pas les seuls à œuvrer. Ensuite, les départements sont souvent à l’initiative des démarches pour résoudre le problème des déserts médicaux en cherchant à améliorer l’attractivité de leur territoire. Ils ont favorisé la mobilisation d’autres collectivités, des professionnels de santé, de leurs représentants et de l’ensemble des acteurs de la santé. C’est la raison pour laquelle cet amendement a son importance : il faut affirmer clairement le rôle que jouent les départements.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Je débute dans le métier. (Sourires.)
M. Hadrien Clouet
Et c’est très bien !
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
M. Garot a bien inscrit dans l’exposé des motifs que l’amendement no 173 vise à associer, outre la caisse primaire d’assurance maladie, « les collectivités et en particulier les départements », mais la rédaction de l’amendement lui-même ne mentionne que « le conseil départemental ». Il y a donc bien une distorsion entre l’exposé des motifs et la rédaction de l’amendement.
Si vous en êtes d’accord et si je peux sous-amender,…
Mme Stéphanie Rist
Ce serait bien !
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
…au lieu de mentionner « le conseil départemental », inscrivons « les collectivités territoriales, leurs groupements », et, comme dans la rédaction de l’amendement no 173, la caisse primaire d’assurance maladie, afin d’inclure tout le monde.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Quelle sagesse !
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Cela vous convient-il ? Je donne un avis favorable au sous-amendement du rapporteur (Sourires).
Mme la présidente
Je suspends la séance le temps de rédiger le sous-amendement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 1185.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Merci, madame la présidente, d’avoir permis la rédaction de ce sous-amendement qui vise à englober l’ensemble des collectivités locales.
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme la présidente
Pour que les choses soient bien claires pour tous, le sous-amendement no 1185 porte sur les amendements identiques nos 173, 337 et 760. Il est ainsi rédigé : « À l’alinéa 2, substituer aux mots : "le conseil départemental", les mots : "les collectivités territoriales, leurs groupements". »
M. Philippe Vigier
Excellent !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 1185 ?
M. François Braun, ministre
Sagesse bienveillante. (Sourires.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 173, 337 et 760 ainsi sous-amendés ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Sagesse.
(Le sous-amendement no 1185 est adopté.)
(Les amendements identiques nos 173, 337 et 760, sous-amendés, sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 431 tombe.)
Mme la présidente
L’amendement no 584 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 584, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Frappé, pour soutenir l’amendement no 594.
M. Thierry Frappé
Il vise à accompagner au mieux les professionnels de santé dans leurs diverses démarches. Les démarches administratives ne constituent pas les seules difficultés rencontrées par les professionnels. Les premières télétransmissions et télédéclarations sont également difficiles, notamment les flux en retour concernant la comptabilité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
L’amendement me semble satisfait par la rédaction initiale. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Plusieurs ressources existent déjà pour aider les professionnels de santé dans ces démarches. L’assurance maladie propose des formations pour les médecins qui s’installent pour la première fois sur la nomenclature et les obligations de télétransmission ; des rencontres avec les délégués de l’assurance maladie sont également organisées. Quant aux déclarations comptables, elles relèvent plutôt d’acteurs privés tels que les experts-comptables que des pouvoirs publics.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je reviendrai un instant sur ce qu’a dit le ministre. Les médecins ne savent pas, malgré les informations dont vous avez parlé, que, depuis 2022, ils peuvent devenir des entreprises individuelles et bénéficier de l’impôt sur les sociétés (IS) à taux faible. J’ai fait un petit sondage après de quatre-vingts médecins, et aucun ne le savait.
(L’amendement no 594 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 585 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 585, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 2 sexies, amendé, est adopté.)
Après l’article 2 sexies
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l’amendement no 77.
M. Jérémie Patrier-Leitus
L’amendement de M. Thierry Benoit tend à rendre certaines informations transparentes et accessibles au plus grand nombre. Il vise à publier, chaque année, sur le site internet des ARS, les informations permettant de faire un état des lieux de l’offre de soins dans un territoire ainsi que le nombre de médecins formés exerçant effectivement la médecine.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Ces chiffres sont publiés par l’Assurance maladie, de sorte que votre demande est satisfaite. Je vous propose donc de retirer l’amendement, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.
(L’amendement no 77, ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.)
Article 2 septies
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder, inscrit sur l’article.
M. Yannick Neuder
Vous l’avez compris, nous ne sommes pas des grands fans des indicateurs, mais s’il doit y en avoir, pour qu’ils soient utiles à la décision des collectivités territoriales en lien avec la politique régalienne, il est nécessaire qu’ils incluent l’âge des médecins, car ce facteur affecte très fortement les projections concernant la présence médicale. En outre, nous avons rappelé hier qu’il serait utile de préciser la nature des activités médicales exercées. En effet, c’est bien de disposer du nombre de médecins, mais il faut savoir qui fait quoi et comment : les consultations sans rendez-vous, le suivi du médecin traitant ou les rendez-vous pris au moyen de SOS Médecins ne relèvent pas de la même activité. Ces informations, même si elles n’ont aucun effet sur le nombre total de médecins, aideront les collectivités locales, qui pourront ainsi s’adapter pour favoriser leur installation dans tel ou tel territoire.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 871 et 1031, tendant à supprimer l’article.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 871.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Par coordination, il tend à supprimer l’article 2 septies, devenu incompatible avec la rédaction de l’article 2 quinquies que nous avons adoptée.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir l’amendement no 1031.
M. Jean-François Rousset
En cohérence avec les amendements tendant à préciser que l’indicateur territorial de l’offre de soins est mis à jour tous les deux ans, mon amendement tend à supprimer l’article 2 septies, qui prévoit une actualisation annuelle du zonage de l’offre de soins. En effet, si cette périodicité est un objectif souhaitable, nous devons être réalistes : en pratique, cette injonction du législateur sera difficile à respecter. Afin que le texte final soit réellement applicable, mon amendement tend donc à supprimer cet article.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick Neuder
Suite aux différents amendements adoptés, et pour la bonne clarté des débats, pouvez-vous, monsieur le rapporteur, nous rappeler de quels indicateurs nous disposons à ce stade, et leur périodicité – annuelle ou bisannuelle ? Pouvez-vous également nous préciser s’ils seront dynamiques, et prendront en considération l’âge des médecins, par exemple ?
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
J’appuie la demande de notre collègue Yannick Neuder. L’article 2 septies, que vous souhaitez supprimer, a été introduit par l’adoption en commission d’amendements identiques transpartisans – il y a eu assez peu d’amendements adoptés pour que je m’en souvienne (M. le rapporteur sourit) – et j’insiste donc pour obtenir des explications complètes sur sa suppression. En effet, je relève déjà au moins une différence entre la rédaction adoptée à l’article 2 quinquies et celle que nous proposions : l’Itos sera mis à jour tous les deux ans, alors que nous proposions un indicateur réévalué tous les ans.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Vos questions sont légitimes. Nous avons adopté hier un amendement précisant les modalités de l’indicateur territorial de l’offre de soins. Son mode de calcul sera défini par décret, mais je tiens à préciser que l’indicateur sera commun à tous les territoires : il permettra donc à la fois d’évaluer la progression de l’offre dans le temps mais aussi de comparer les territoires.
À l’occasion de cet amendement, nous avons opté pour une révision bisannuelle, qui nous semblait collectivement la périodicité la plus pertinente pour laisser le temps à l’administration d’agréger les données intéressantes, et permettre aux territoires de s’appuyer sur ces données pour faire évoluer leurs politiques publiques de long terme en matière d’offre de soins.
M. Yannick Neuder
De prendre l’âge des médecins en considération !
M. Nicolas Sansu
Voire d’opter pour la régulation !
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Le vieux rêve ! (Sourires.)
Nous nous sommes donc mis d’accord pour fixer dans la loi une révision bisannuelle de l’indicateur de l’offre de soins ; ses autres modalités seront définies par décret.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre
Opter pour une mise à jour bisannuelle laissera à l’Itos le temps d’évoluer. Beaucoup d’indicateurs existent déjà dans le domaine de la santé, qui sont plus ou moins pertinents : je tiens à saluer la pertinence de celui que vous avez créé, l’Itos, dont le calcul sera évidemment pondéré par des données démographiques, médico-sociales et économiques.
(Les amendements identiques nos 871 et 1031 sont adoptés ; en conséquence, l’article 2 septies est supprimé et l’amendement no 593 devient sans objet.)
Article 2 octies
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, inscrit sur l’article.
M. Thibault Bazin
L’article 2 octies tend à imposer aux médecins un préavis d’au moins six mois avant la cessation de leur activité – certains amendements proposent même d’aller jusqu’à un an. Certes, cette disposition serait bénéfique pour les patients et les partenaires, et permettrait d’éviter une désertification subie en laissant aux collectivités du temps pour pallier le départ prochain du médecin, mais, à la réflexion, elle ne me semble pas pertinente, voire contre-productive.
M. Pierre Dharréville
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Comme j’ai pu l’observer dans mon territoire, certains médecins sont en effet contraints de cesser leur activité pour des raisons qui ne sont pas toujours prévisibles, comme des changements de vie familiale, des soucis de santé ou la mutation de leur conjoint – en particulier chez les jeunes médecins. On ne peut s’abstraire de ces réalités de la vie.
Or, le texte précise que l’obligation de préavis s’applique « sauf dans les cas de force majeure prévus par décret ». Quelles situations cette formule vise-t-elle ? Les médecins devront-ils justifier de leurs problèmes de santé, ou de la mutation de leur conjoint ? Je comprends que certains puissent s’en agacer, mais il me semble qu’en l’état, la rédaction de l’article 2 octies aura plutôt un effet dissuasif sur les installations, voire, pour les médecins qui hésitent à poursuivre leur activité, à accélérer sa cessation avant l’entrée en vigueur du texte – je pense notamment à ceux qui ne savent pas jusqu’à quand ils pourront, physiquement, continuer à travailler, et qui pourraient arrêter lorsqu’on les préviendra qu’après la promulgation de la loi, ils devront obligatoirement travailler une année de plus pour respecter l’obligation de préavis. Je pense donc qu’il faut supprimer cet article.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Cet article résulte de l’adoption en commission des amendements identiques déposés par les membres du groupe de travail transpartisan – j’en profite pour remercier le rapporteur d’avoir alors émis un avis favorable. Comme vous l’avez dit, le départ d’un médecin dans un désert médical est source d’inquiétude pour les habitants, et un aveu d’impuissance pour les élus locaux, qui se retrouvent devant le fait accompli du jour au lendemain. Le préavis prévu par cet article est donc important à trois titres. Tout d’abord, il permet aux habitants d’anticiper le départ de leur médecin. Ensuite, il permet aux élus locaux de chercher des solutions palliatives, même si trouver un médecin remplaçant n’est pas chose facile. Enfin, il permet de clarifier la situation et de mettre fin aux rumeurs et suppositions sur la date de départ du médecin. Eu égard à l’accès aux soins dans les territoires ruraux, connaître avec certitude la date du départ d’un médecin six mois en amont nous semble donc tout à fait souhaitable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l’amendement no 1071.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Il tend à élargir l’obligation de préavis aux infirmiers – une mesure travaillée en concertation avec l’Ordre national des infirmiers, qui y est plutôt favorable. Si nous obligeons les médecins et d’autres professionnels de santé à déposer un préavis, il n’y a aucune raison pour que les infirmiers n’y soient pas soumis également.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Les problèmes de la démographie des infirmières ne sont pas ceux de la démographie médicale ; l’investissement des collectivités locales et l’accompagnement à l’installation de ces professionnelles non plus. N’alourdissons pas le dispositif prévu à l’article 2 octies, d’autant que nous n’avons pas encore évalué son efficacité. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Par ailleurs, vous avez vous-même reconnu, monsieur Bazin, que le préavis était un délai de convenance. M. Jérémie Patrier-Leitus l’a souligné, les collectivités territoriales doivent réorganiser l’offre de soins suite au départ d’un médecin, comme parfois un hôpital suite à la fermeture d’une clinique. Même si c’est plus rare, et que ça prend au moins deux ou trois mois, c’est arrivé dans la commune dont j’ai été maire durant quelques années, et il a fallu réorganiser l’offre hospitalière. Le préavis que nous souhaitons imposer tend à permettre aux collectivités de s’organiser, un argument d’ailleurs bien accepté par de nombreux acteurs de santé.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
J’en profite pour répondre moi aussi à M. Bazin. Nous avons beaucoup évoqué les difficultés rencontrées pour trouver un médecin traitant. Un délai de prévenance de six mois nous semble tout à fait raisonnable, non seulement pour les collectivités territoriales,…
M. Thibault Bazin
Pour les patients !
M. François Braun, ministre
…mais aussi pour les patients – en particulier les patients souffrant d’une affection de longue durée (ALD) –, qui ont ainsi le temps, avec l’aide de la caisse primaire d’assurance maladie, de trouver un nouveau médecin traitant. Les circonstances particulières autorisant à déroger à l’obligation de préavis seront définies en fonction de la situation locale. Par ailleurs, le décret pourra prévoir un allongement progressif du préavis.
Je tiens à souligner une nouvelle fois le rôle essentiel des infirmiers, qui sont des acteurs de proximité importants. Comme le rapporteur, je pense toutefois que la répartition des infirmiers dans le territoire et leurs possibilités d’installation sont complètement différentes de celles des médecins. Pour cette raison, je vous demande également de retirer l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick Neuder
Je suis encore plus défavorable à l’amendement après avoir entendu sa justification : ce n’est pas parce que le dispositif s’appliquera aux médecins qu’il faut nécessairement l’étendre aux infirmiers, dont l’exercice professionnel est tout à fait différent. Penser le contraire prouve une grande méconnaissance de la réalité des territoires.
Les infirmières seront indispensables pour réussir le virage domiciliaire et ambulatoire. Or, alors qu’elles supportent déjà des charges très importantes en raison de l’augmentation des prix du carburant et l’absence de revalorisation de leurs actes depuis 2009, vous voulez leur imposer de nouvelles contraintes : arrêtez de fouetter les chevaux. Rencontrez le collectif « Infirmiers libéraux en colère », vous verrez qu’il soutient de toutes autres propositions. Faites plutôt des propositions constructives, comme l’élargissement de la liste des produits que les infirmiers sont autorisés à prescrire pour gagner en cohérence. Ils voudraient, par exemple, pouvoir prescrire les bandelettes lorsqu’ils prescrivent un appareil à dextro, ou du sparadrap lorsqu’ils prescrivent des compresses. Voilà une mesure qui faciliterait leur pratique.
En outre, l’amendement est totalement contradictoire avec l’article 1er, qui renforce les conseils territoriaux de santé (CTS). J’y étais d’ailleurs opposé. Il existe une importante porosité entre les différents modes d’exercice des infirmières – hôpital, libéral, Ehpad. Dans certains territoires, la situation évolue souvent, certaines infirmières exerçant en libéral reprenant un poste hospitalier, ou inversement. En leur ajoutant encore des contraintes, on perdra toute flexibilité sur le territoire alors qu’on est déjà en pénurie de professionnels. Alors, de grâce, rejetons cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Sauf erreur de ma part, les dispositions de l’article 2 octies s’appliquent non seulement aux médecins, mais aussi à d’autres professionnels de santé, comme les sages-femmes. Peut-être M. le rapporteur pourrait-il nous le confirmer ? Le cas échéant, je ne vois pas pourquoi les infirmiers seraient exclus du champ d’application.
Monsieur Neuder, les professionnels de santé ont le sens des responsabilités. Leur demander d’informer leur patientèle de leur départ six mois en avance ne me semble pas relever d’une coercition excessive, mais plutôt du bon sens. D’ailleurs, la plupart ont déjà la décence de prévenir de leur départ. Cette obligation améliorera la gestion, et l’inscrire dans la loi me paraît donc de bonne politique.
(L’amendement no 1071 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 670.
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Pour répondre à M. Bazin, il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à préciser que ce préavis de six mois fait l’objet d’exceptions prévues par décret, parmi lesquelles figureront le déménagement et le départ en retraite. Les cas de force majeure ne constitueront donc plus les seules dérogations possibles.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur le ministre, ce moment est très important, car votre décret clarifiera l’intention du législateur. Il importe de concilier l’intérêt des patients, des territoires, et le souci d’accroître leur attractivité, ainsi que de fidéliser les médecins qui y exercent encore. Encore une fois, la mutation du conjoint, surtout si le couple a des enfants, ou encore des soucis de santé peuvent donner lieu à un départ inopiné : votre avis favorable laisse entendre que, dans de tels cas, le préavis de six mois ne s’appliquera pas. Me voici rassuré ; il restera à caler la sortie progressive afin d’éviter des effets indésirables, notamment pour ces professionnels de santé âgés qui ignorent à quel moment ils cesseront leur activité et que la vie, soudain, rattrape. Il faut tenir compte de leur situation, peut-être en introduisant un facteur lié à l’âge ? Certes, l’idéal consiste à pouvoir prévenir de son départ, mais nous devons prévoir tous les cas de figure possibles afin d’éviter que le dispositif ne se retourne contre nous.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Ne nous racontez pas d’histoires : il est déjà d’usage qu’un médecin sur le point de partir en retraite l’annonce à ses patients. Parfois, ces derniers étaient même au courant avant qu’il ne le leur dise. En tout cas, dans les territoires, exception faite des accidents de la vie, ce serait tout à fait normal qu’un médecin s’y prenne six mois avant son départ, comme doit le faire tout salarié pour liquider ses droits !
M. Philippe Vigier
Bravo !
M. Nicolas Sansu
Cette belle mesure ne serait pas extrêmement coercitive et permettrait d’organiser au mieux la venue d’un autre médecin, si tant est que la chose soit possible, ainsi que de rassurer les intéressés – y compris les élus locaux, qui s’investissent souvent beaucoup dans les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou les centres de santé, et se retrouvent parfois Gros-Jean comme devant.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Notre collègue Sansu m’a enlevé les arguments de la bouche ! Partir à la retraite demande six mois ; changer de département, ce qui nécessite de saisir le conseil départemental de l’Ordre des médecins dans le territoire que l’on quitte, puis dans celui qui vous accueille, prend six mois ; et les circonstances exceptionnelles restent exceptionnelles par définition. En outre, vous l’avez dit, monsieur le ministre : pour les patients, apprendre, comme cela se produit quelquefois, que leur médecin s’en va du jour au lendemain est extrêmement difficile à vivre. Cette mesure n’est nullement coercitive : elle relève d’une bonne gestion prévisionnelle des compétences, en toute responsabilité, au profit des médecins comme des patients.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Dans la foulée de nos collègues Sansu et Vigier, j’ajouterai qu’il serait coercitif de restreindre la liberté qu’ont les médecins d’aller s’installer ailleurs. Or, il s’agit non pas de cela,…
M. Jérémie Patrier-Leitus
Exactement !
M. Hadrien Clouet
…mais du délai dans lequel ils doivent en informer autrui, ainsi que de les aider à éviter une mise en concurrence pour savoir qui part au dernier moment – le préavis, ayant un caractère national, limitera le champ d’action des chasseurs de têtes qui cherchent à débaucher des professionnels. Enfin, en matière de santé publique, il n’est tout de même pas inadéquat d’exiger un préavis, comme pour la résiliation d’un bail locatif !
M. Philippe Vigier
Exactement !
(L’amendement no 670 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 613, 608, 777 et 1052 tombent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l’amendement no 1073.
M. Jérémie Patrier-Leitus
L’article prévoit que le préavis soit communiqué à l’ARS et au conseil local de l’Ordre des médecins, suivant ce qu’avait souhaité le groupe de travail transpartisan. Cet amendement vise à ce qu’il le soit également à la patientèle du médecin concerné. Certes, cela va sans dire, mais cela ira encore mieux en le disant !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
L’amendement est satisfait : avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Même avis.
(L’amendement no 1073 n’est pas adopté.)
(L’article 2 octies, amendé, est adopté.)
Article 2 nonies
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l’amendement no 1002.
M. Jérémie Patrier-Leitus
J’avais soulevé en commission le problème des rachats-fermetures de pharmacies. En 2016, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) établissaient dans leur rapport « La Régulation du réseau des pharmacies d’officine » : « Près de la moitié des fermetures d’officine sont par ailleurs le résultat d’initiatives de pharmaciens désirant restructurer l’offre locale via des regroupements et rachats-fermetures. » Ces restructurations peuvent avoir pour effet de concentrer l’offre, qui, dans certaines zones, se raréfie et ne permet plus de satisfaire les besoins des populations en médicaments. S’il ne serait ni souhaitable ni possible de les interdire, il demeure indispensable de les réguler, compte tenu des difficultés et inégalités actuelles en matière d’accès aux soins, en vue d’assurer un maillage territorial satisfaisant des pharmacies d’officine.
Cet amendement vise donc à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant les conséquences de la concentration du réseau « sur le nombre, la présence et le maillage territorial des officines ». J’avais originellement déposé un amendement bien plus restrictif, visant d’emblée à une régulation, mais ce rapport devrait nous permettre de prendre la mesure de la situation et de trouver des solutions en vue d’éviter une désertification non plus médicale, mais officinale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Nous avions effectivement eu en commission un débat nourri et adopté l’amendement no AS694, dont le fond n’était pas pour me déplaire, mais dont la rédaction hâtive aurait rendu l’application malaisée : il aurait fallu entrer dans des considérations juridico-économiques plus proches du droit des affaires que des compétences d’un directeur général d’ARS. En revanche, l’idée d’un rapport me convient : nous avons besoin de faire le point, d’embrasser toutes les conséquences du problème bien réel que vous signalez – les fermetures d’officines, en particulier dans les territoires ruraux, mais aussi, parfois, leur rachat par des groupes financiers. Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Même avis. Je vous remercie, monsieur le député, de cette alerte : le rapport nous permettra en effet de mieux comprendre le phénomène, d’en étudier les conséquences et d’envisager des mesures.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Merci, monsieur le ministre, de vous intéresser à ce sujet. Il serait intéressant de regarder ce qui s’est passé au cours des dix dernières années : pour chaque fusion, combien d’officines maintenues, combien de supprimées ? Nous pourrions du reste en faire autant concernant la radiologie, la biologie médicale, où la concentration connaît une accélération absolument folle.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Je remercie le rapporteur et le ministre de leur écoute. On répète souvent que nous devons nous montrer attentifs au terrain : cet amendement m’a été, si je puis dire, inspiré par des maires ruraux de ma circonscription. J’en parlais à l’instant avec Philippe Vigier : les maires des zones rurales constatent ces rachats-fermetures, et je souhaite leur rendre hommage, les remercier aussi de nous alerter régulièrement, nous parlementaires, concernant la réalité des déserts médicaux. C’est grâce à cette bonne intelligence que nous avons pu travailler avec Guillaume Garot.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Je voudrais également soutenir l’amendement, même si l’on pourra regretter les dispositions plus dures adoptées en commission. Il s’agit sinon de sauver mais de protéger une profession de santé dont l’exercice est d’ailleurs déjà régulé, d’où une répartition géographique quasiment optimale, mais dont 1 500 officines ont fermé en l’espace d’une décennie non pas, par exemple, en raison d’erreurs de gestion du propriétaire, mais uniquement parce que leur marge ne leur permettait pas de tenir face aux propositions de rachat. Cette concentration dictée par les taux de profit touche l’ensemble du territoire, comme pour nous rappeler à quel point la marchandisation de la santé publique entraîne la disparition du maillage qui protégeait la population. De surcroît, les trois quarts des officines fermées avaient un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros : de manière strictement conforme à la loi du marché, les plus petits, les plus faibles, sont dévorés par les plus forts, groupes financiers ou officines concurrentes – au détriment à la fois d’un accès de proximité aux médicaments, à certains soins, et de la souveraineté nationale qui garantit l’approvisionnement.
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Garot.
M. Guillaume Garot
Je soutiens la proposition de Jérémie Patrier-Leitus, car, comme l’a dit Philippe Vigier, nous assistons à des opérations de concentration extrêmement inquiétantes qui concernent non seulement les pharmacies, mais les cabinets de radiologie – les radiologues nous le disent – et les laboratoires d’analyses médicales. Hadrien Clouet l’a rappelé : il y a là une question de souveraineté. Les fonds d’investissement dont les capitaux servent à racheter ces établissements ne sont pas français ; mesurez-vous ce que signifie le fait de laisser notre accès à la santé passer entre des mains étrangères ? Le rapport que souhaite M. Patrier-Leitus est donc d’intérêt national. (M. Sébastien Peytavie applaudit.)
(L’amendement no 1002 est adopté ; en conséquence, l’article 2 nonies est ainsi rédigé.)
Article 2 decies
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 261 deuxième rectification et 489 rectifié.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l’amendement no 261 deuxième rectification.
Mme Géraldine Bannier
Il vise à opérer des modifications rédactionnelles de l’article, introduit en commission par voie d’amendement, afin d’assurer un meilleur fonctionnement de l’expérimentation d’antennes de pharmacie délivrant des médicaments dans les zones où l’accès à ces derniers est compromis et l’ouverture d’officines inenvisageable.
Mme la présidente
L’amendement no 489 rectifié de Mme Stéphanie Rist est défendu.
(Les amendements identiques nos 261 deuxième rectification et 489 rectifié, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.)
(L’article 2 decies, amendé, est adopté.)
Article 2 undecies
Mme la présidente
La parole est à M. Freddy Sertin, pour soutenir l’amendement no 527, faisant l’objet d’un sous-amendement.
M. Freddy Sertin
Il a pour objectif de traiter le cas des titulaires d’autorisations qui auraient dû déposer une demande de renouvellement entre l’adoption des schémas régionaux de santé et la promulgation de la présente proposition de loi. La précision qu’il apporte permettra de combler un vide juridique.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 1133 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(Le sous-amendement no 1133, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’amendement no 527, sous-amendé, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Les amendements nos 628, 626 et 638 de M. le rapporteur sont rédactionnels.
(Les amendements nos 628, 626 et 638, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L’article 2 undecies, amendé, est adopté.)
Article 2 duodecies
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements identiques, nos 1150, 1154, 1158, 1159, 1160 et 1168.
La parole est à Mme Fanta Berete, pour soutenir l’amendement no 1150.
Mme Fanta Berete
Cet amendement est présenté par le groupe Renaissance. De nombreuses raisons peuvent expliquer que 6 millions de Français n’aient pas désigné de médecin traitant. Certaines sont identifiables. Nous savons par exemple que certains assurés rencontrent des difficultés à désigner un nouveau médecin traitant après le départ du précédent. Nous proposons donc de garantir aux patients dont le médecin traitant part en retraite ou change de département le même taux de remboursement que dans le cadre d’un parcours coordonné, pendant un an. Voter cet amendement, c’est soutenir nos concitoyens dans leur quotidien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme la présidente
L’amendement no 1154 de M. le rapporteur est défendu.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 1158.
M. Hadrien Clouet
Cet amendement issu du groupe de travail transpartisan vise à mettre fin à la majoration tarifaire appliquée aux personnes n’ayant pas de médecin traitant, qui constitue une sorte de double peine. Un patient ne trouvant pas de médecin traitant accède en effet plus difficilement aux soins et subit en plus une majoration financière lorsqu’il y parvient enfin ! On lui fait ainsi payer le prix de l’inaccessibilité d’un service public défaillant. Un tel constat plaide évidemment pour que l’on mette fin à une cette injustice.
M. Jocelyn Dessigny
Dommage que la gauche n’ait jamais été au pouvoir. Quoique… si, en fait !
Mme la présidente
Sur les amendements no 1150 et identiques, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l’amendement no 1159.
M. Guillaume Garot
Je me réjouis, au nom du groupe transpartisan, que nous ayons cette discussion dans l’hémicycle. C’est en effet notre groupe de travail qui a introduit ce sujet en commission, après avoir été alerté par nombre de nos concitoyens : lors de notre tour de France des déserts médicaux, la question a été abordée lors de chaque réunion. Il nous était parfois répondu, en fonction des caisses ou des départements, que les médecins avaient l’habitude de cocher la case permettant d’éviter la majoration de tarif. Le constat est cependant très simple : en droit, cette majoration existe. Hadrien Clouet a très justement dénoncé la double peine actuelle : ne pas avoir de médecin et, en plus, être sanctionné pour cela ! On marche sur la tête ! Pour y mettre fin, et pour adresser un signe d’égalité entre les Français, il faut adopter l’amendement que nous proposons. Nous en avons discuté avec le Gouvernement et avec le rapporteur, que je remercie encore, dans une démarche très ouverte et constructive – nous y arrivons parfois ! Soyons clairs et soyons justes : cet amendement ne réglera pas tous les problèmes, en particulier ceux des patients qui ne retrouvent pas de médecin traitant. Mais c’est tout de même un pas en avant, qu’il faut considérer comme tel.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1160.
M. Philippe Vigier
Tout est bien qui finit bien ! Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir été sensible à l’injustice que subissaient ceux qui souffrent, qui ont besoin de soins et dont nos collègues ont bien expliqué qu’ils étaient pénalisés. Notre groupe transpartisan a ouvert le premier ce débat et je suis ravi que nos collègues de Renaissance nous aient rejoints. J’imagine d’ailleurs que ce sera le cas de l’ensemble de nos collègues, et qu’aucun n’aura une vision différente des choses. C’est la preuve que l’intelligence collective permet des avancées sensibles.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l’amendement no 1168.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Je remercie à mon tour le rapporteur et le ministre qui ont en quelque sorte levé le gage, permettant que l’article 40 de la Constitution ne puisse être opposé à ces amendements. J’espère que nous allons effectivement supprimer aujourd’hui cette double peine que constituait la majoration financière pour parcours de soins non coordonné en l’absence de médecin traitant. Nos concitoyens ne la comprenaient plus. Même s’il ne résoudra pas le problème de l’accès aux soins, cet amendement constitue une réelle avancée et permettra de mettre fin à une injustice dans notre système de santé.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre
Je profite de cette discussion pour rappeler le rôle essentiel du médecin traitant, auquel le Gouvernement est très attaché. Le médecin traitant est en effet le chef d’orchestre de la prise en charge des patients. Grâce aux travaux menés par le groupe transpartisan en lien avec le rapporteur et le Gouvernement, et parce que ce dernier a en quelque sorte levé le gage, nous avons cependant aujourd’hui la possibilité de lutter contre la double peine que vous avez tous évoquée de façon très pertinente. Avis très favorable, bien entendu. (M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
J’ai été surpris que ces amendements n’aient pas été jugés irrecevables au titre de l’article 40. Il vient d’être dit que le Gouvernement avait levé le gage, ce dont je ne peux naturellement que me féliciter, comme vous l’imaginez ! (Sourires.) Passons.
Quant à ces amendements, ils constituent évidemment un progrès par rapport à la situation existante. Je vais être un peu rabat-joie, mais Guillaume Garot l’a dit lui-même : en réalité, le compte n’y est pas ! Notre groupe votera ces amendements mais je rappelle que dans la demande de rapport, à l’étape précédente, la question du maintien de la majoration financière d’une façon générale était posée. Parmi les nombreuses personnes concernées par le départ de leur médecin traitant, beaucoup risquent en effet de ne pas pouvoir en retrouver un autre dans le délai d’un an, et d’être finalement pénalisées. Les difficultés d’accès aux soins dans notre pays posent la question de l’opportunité du maintien d’une majoration financière. Pour nous la question n’est pas réglée, même si un progrès notable est réalisé.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick Neuder
Tout en saluant naturellement ces amendements, je voudrais pondérer la satisfaction générale. Calmons-nous ! Nous examinons en effet une proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, et nous allons simplement cesser de pénaliser les patients qui n’ont pas de médecin traitant, en les remboursant à 100 %.
M. Philippe Vigier
C’est déjà pas mal.
M. Yannick Neuder
Nous nous en félicitons tous, mais nous n’avons en rien amélioré l’offre de soins ! Les patients qui n’ont pas de médecin traitant alors qu’ils en ont besoin sont la plupart du temps des patients en ALD, dont la pathologie figure dans la liste ALD 30 : ils sont donc souvent déjà pris en charge à 100 %. Dans l’idéal, il nous faudrait connaître le nombre de patients porteurs d’une atteinte chronique et dépourvus de médecin traitant qui seront concernés par le dispositif que nous nous apprêtons à voter. Ils sont sans doute très peu nombreux – j’ose néanmoins espérer que ce n’est pas la raison pour laquelle l’article 40 a été écarté. Quoi qu’il en soit, ne faisons pas preuve d’une trop grande satisfaction collective : de nombreuses personnes nous regardent, et l’accès aux soins reste un vrai problème de fond.
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Garot.
M. Guillaume Garot
Comme l’a dit notre collègue Dharréville, c’est un pas un avant – et ce n’est qu’un pas, parmi d’autres possibles. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu hier au sujet de la régulation, mais il y avait là matière à faire un grand pas en avant.
Les amendements mentionnent bien l’année qui suit le départ d’un médecin traitant. Si un patient ne retrouve pas de médecin dans ce délai, il risque de subir de nouveau une majoration. Cela signifie que nous aurons sans doute à rouvrir ce débat au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Sans doute faudra-t-il encore améliorer le dispositif afin de couvrir l’ensemble des personnes qui, malheureusement, peuvent être pénalisées. J’ai bien entendu, monsieur le ministre, que le Gouvernement est attaché au rôle du médecin traitant. Notre groupe l’est aussi, mais il tient à ce que l’on trouve le moyen de ne pénaliser personne. Il nous faudra avancer sur ce chantier. Quoi qu’il en soit nous avons fait un pas ; tant mieux.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Comme cela a été rappelé, ces amendements sont discutés ici parce qu’ils ont été rédigés de telle sorte à ne pas créer de nouvelles charges, au regard de l’article 40… mais nous connaissons les usages fluctuants en la matière !
M. Sylvain Maillard
De la part du président de la commission des finances !
M. Hadrien Clouet
Laissez-moi finir, monsieur Maillard. Évitons le tumulte ! (Sourires.) Je voudrais dire deux choses au sujet de ces amendements. D’abord, ils traduisent un raisonnement en flux et non en stock, ce qui facilite les choses sur le plan financier. Ensuite, ils prévoient un sas d’un an au cours duquel le patient peut choisir un nouveau médecin traitant. Dès lors, j’ai deux questions monsieur le ministre. Envisagez-vous d’aller plus loin d’ici le PLFSS, et comment ? Et envisagez-vous de demander, par circulaire par exemple, que les majorations prévues ne soient pas appliquées – ce que font déjà de nombreux départements ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
J’ai moi aussi une question à vous poser, monsieur le ministre. Ces amendements constituent certes une avancée, mais le « stock » existe : il y a dans nos territoires des personnes qui n’ont pas de médecin traitant et n’en trouvent pas, mais qui ne sont pas dans l’une des situations mentionnées par les amendements – le départ en retraite de leur médecin ou son installation dans un autre département. Elles n’entrent donc pas dans le périmètre prévu par l’amendement, rédigé de telle sorte qu’il puisse satisfaire aux conditions de l’article 40. Pouvez-vous nous indiquer ce qu’il adviendra de ces personnes ? Elles sont nombreuses, notamment dans le département des Deux-Sèvres.
Mme la présidente
Je voudrais apporter une précision s’agissant de l’article 40, dont je rappelle qu’il n’est pas opposable au Gouvernement. Celui-ci a déposé un amendement no 1145 le 13 juin, hors délai, ce qui a rouvert la possibilité de déposer des amendements. Il l’a ensuite retiré mais, son intention ayant ainsi été précisée, les amendements identiques déposés dans la foulée ont été déclarés recevables.
La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre
Je me félicite de ce pas en avant que nous faisons ensemble – sans préjuger des autres que nous parviendrons à faire, car il ne s’agit que d’un des éléments du dispositif. Je suis heureux d’avoir rendu cette avancée possible.
S’agissant des patients sans médecin traitant, je rappelle – trop peu de nos concitoyens le savent – que j’ai adressé une instruction aux caisses primaires d’assurance maladie pour que la majoration soit appliquée avec discernement. Que les patients concernés n’hésitent pas à contacter leur caisse primaire d’assurance maladie – CPAM – pour justifier leur situation particulière.
J’en profite pour faire un point – rapide et incomplet, certes – sur la campagne que j’ai lancée et que conduisent les CPAM au sujet des patients en ALD sans médecin traitant, puisque la question a été évoquée. Les premiers chiffres nous parviendront à la fin du mois mais dans les départements pilotes qui ont appliqué la procédure expérimentale dès le mois de janvier, les CPAM ont pu, en lien avec les communautés professionnelles de territoire de santé – CPTS –, trouver un médecin traitant à un tiers des patients qui n’en avaient pas.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1150, 1154, 1158, 1159, 1160 et 1168.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 75
Contre 0
(Les amendements identiques nos 1150, 1154, 1158, 1159, 1160 et 1168 sont adoptés ; en conséquence, l’article 2 duodecies est ainsi rédigé et l’amendement no 1076 tombe.)
Article 3
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Frappé.
M. Thierry Frappé
Nous voici à l’article 3 dont, toujours sous l’angle de la surcharge administrative, je voudrais comprendre l’objectif final. On reste dans le flou, en effet : vous souhaitez que tous les professionnels de santé adhèrent automatiquement aux CPTS. Pourquoi ? Quels sont les critères permettant de ne pas y adhérer ? Ne pensez-vous pas porter atteinte à la liberté d’adhésion ? En Île-de-France, 65 % des professionnels sont couverts par soixante-treize CPTS et ces communautés ne cessent de se développer spontanément. Pourquoi contraindre les professionnels à y adhérer ? Le but serait-il de placer l’ensemble des professionnels de santé sous la férule des directeurs d’ARS afin de restreindre l’exercice libéral en leur imposant un secteur ?
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 342, 521 et 673, tendant à supprimer l’article 3.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 342.
M. Thibault Bazin
D’après le ministère de la santé et de la prévention, « les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) regroupent les professionnels d’un même territoire qui souhaitent s’organiser – à leur initiative – autour d’un projet de santé pour répondre à des problématiques communes ». La notion de volontariat est donc centrale dans la constitution de ces communautés, dont l’efficacité et la pertinence varient grandement en fonction des territoires. Dès lors, contraindre les professionnels à adhérer aux CPTS – comme le prévoit cet article et comme vous le souhaitez, monsieur le ministre – constituerait un dévoiement profond de la philosophie sur laquelle reposent ces communautés. De plus, alors que les patients et les professionnels de santé demandent une augmentation du temps médical disponible, l’inscription dans la loi de cette obligation enverrait le signal négatif d’une nouvelle contrainte administrative, d’autant plus qu’il n’existe pas de CPTS partout sur le territoire et qu’on sait qu’elles se constituent à l’initiative des professionnels ; sans eux, il n’y a pas de CPTS, mais un simple CLS – un contrat local de santé.
Notons d’ailleurs que les professionnels de santé conventionnés sont déjà rattachés à une convention négociée par leurs syndicats représentatifs. Surtout, sur le plan juridique, ils ne peuvent en aucun cas être membres de facto d’une association « loi 1901 » telle que la CPTS sans y avoir préalablement consenti.
Telles sont les raisons justifiant cet amendement de suppression de l’article qui, pour nous, est une ligne rouge.
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Frappé, pour soutenir l’amendement no 521.
M. Thierry Frappé
Il vise à supprimer l’article 3. Après l’échec de la convention médicale, notamment sur la médecine libérale, il faut constater et critiquer le choix de la régulation, à défaut de la coercition. L’adhésion automatique aux CPTS de tous les professionnels de santé s’inscrit dans le cadre de cette régulation et permet d’encadrer ceux qui exercent une activité libérale.
Tout d’abord, l’adhésion automatique est contraire au libre choix et porte directement atteinte à l’exercice libéral proprement dit. De fait, elle risque de produire l’effet contraire : nombreux sont les professionnels qui seront réticents à adhérer. De surcroît, l’article ne définit pas les éventuels arguments recevables en cas de refus des professionnels de santé et est contraire au principe du libre choix d’adhésion à une association « loi 1901 ».
L’adhésion automatique entraînera forcément la forfaitisation des soins et, à terme, la fin du paiement à l’acte et de la médecine libérale. Elle suppose en outre une cotisation obligatoire qui constituera une charge fixe, même modeste, et qui alourdira la charge de travail des professionnels concernés sans hausse de leur rémunération.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 673.
M. Pierre Dharréville
Les CPTS produisent, dans les territoires, des effets intéressants. Deux d’entre elles se développent dans ma circonscription et les professionnels s’y engagent ; les acteurs locaux s’y retrouvent, prennent des initiatives ensemble et aboutissent à des diagnostics communs sur tel et tel enjeu.
Or, sans qu’on comprenne bien pourquoi, vous décidez d’en changer la nature. Là où nous essayons de créer des dynamiques dont les professionnels s’emparent, vous imposez l’automaticité selon une logique un peu bureaucratique. Vous créez l’adhésion obligatoire mais cela n’existe pas : on adhère ou on n’adhère pas, sans obligation.
Je crains au fond que votre dispositif ne produise pas les effets attendus – je ne sais d’ailleurs pas bien en quoi ils consistent – sur le développement des CPTS. Je m’interroge donc profondément sur le fait d’ossifier en quelque sorte le système en rendant l’appartenance à une instance obligatoire. Je souhaite naturellement que le plus grand nombre possible de professionnels de santé adhère aux CPTS mais la mesure d’autorité que vous prenez ne va pas dans la bonne direction.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Valletoux, rapporteur
Les CPTS ont apporté une amélioration tant du point de vue de l’exercice coordonné que de la stratégie territoriale qu’elles permettent d’établir. Rappelons-le : ces structures destinées à la médecine libérale et de ville permettent de dépasser l’exercice isolé du métier pour définir des stratégies partagées fondées sur la coopération. L’objectif est d’accélérer, de passer à une nouvelle étape de la structuration de la médecine de ville afin qu’elle se tourne davantage vers ces stratégies partagées et coopératives. C’est logique : cet objectif est cohérent avec l’article 1er, qui vise à faire des CTS le lieu où s’élaborent les stratégies territoriales en matière de santé. C’est logique et nécessaire : à côté de la médecine publique, des collectivités locales, des associations de patients et de tous ceux qui sont représentés dans les CTS, la partie libérale et la médecine de ville doivent elles aussi être représentées dans les CPTS qui, au fond, agrègent tous les professionnels, y compris libéraux, d’un territoire.
Là où les CPTS fonctionnent, comme dans mon territoire, elles regroupent tout au plus 20 à 30 % des professionnels locaux, ce qui est déjà beaucoup pour des structures aussi jeunes. Pour qu’elles soient représentatives et que les stratégies de territoire soient partagées par le plus grand nombre, nous devons franchir un nouveau pas dans l’émergence des CPTS.
Quant à l’obligation d’adhésion, il n’y en a pas. En effet, les professionnels pourront être réputés membres des CPTS du territoire où ils exercent, même s’il leur faudra faire la démarche d’adhésion et, surtout, s’ils pourront signifier qu’ils ne sont pas intéressés, préférant poursuivre un exercice isolé – même si l’on sait bien que ceux-là seront de plus en plus minoritaires parmi les professionnels de santé.
Tel est le sens de cet article volontariste qui vise à faire en sorte que les professionnels libéraux soient eux aussi représentés, au sein des CPTS, afin de faire entendre leurs voix dans l’établissement des stratégies territoriales de santé dont nous souhaitons le développement.
Avis évidemment défavorable aux amendements de suppression – ce qui ne m’empêchera pas, monsieur Dharréville, de saisir l’occasion pour vous souhaiter un bon anniversaire ! (Applaudissements sur divers bancs.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée de l’organisation territoriale et des professions de santé, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé
M. le rapporteur m’a devancée de peu mais qu’importe : joyeux anniversaire à nouveau, monsieur Dharréville.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression. Comme bon nombre d’entre vous l’ont souligné, les CPTS sont des outils concrets destinés à la coordination entre professionnels, des outils efficaces et reconnus qui permettent de développer des projets collaboratifs et d’améliorer l’organisation des soins de proximité. Pendant la crise sanitaire, les CPTS ont été à l’œuvre pour accompagner les projets de centre de vaccination.
Nous avons lancé un tour de France des CPTS pour constater les raisons qui font que certaines fonctionnent et pour accompagner celles qui fonctionnent moins bien. Le Président de la République nous a fixé l’objectif de 100 % de CPTS à la fin 2023. Je le répète : les CPTS sont des moyens utiles pour que les professionnels travaillent ensemble et apprennent à se connaître. Des professionnels mieux organisés, ce sont des patients mieux pris en charge.
Comme l’a souligné le rapporteur, les CPTS doivent rester souples et dédiées aux professionnels. Ce sont des associations « loi 1901 » qui sont à l’initiative des professionnels. Le projet de santé est élaboré par ceux qui connaissent le territoire et le font vivre.
L’article 3 ne remet aucunement en cause ces principes forts. Chaque professionnel libéral s’intègre dans la communauté des soignants de son territoire, sauf s’il fait part d’une volonté contraire. D’abord, il pourra refuser d’adhérer à la CPTS – les modalités de refus seront fixées par décret. Ensuite adhérer à la CPTS ne signifie pas un changement de mode d’exercice : la participation aux actions de la CPTS reste volontaire et chaque membre d’une association peut choisir les modalités de sa participation. Autrement dit, chacun restera libre dans son exercice professionnel.
Dans le contexte de démographie médicale en grande tension que nous connaissons, l’objectif est bien de grossir les rangs des CPTS afin de susciter l’intérêt des professionnels et de leur faire découvrir l’attrait du dispositif. L’impact des CPTS sera d’autant plus fort que le nombre des professionnels y participant sera élevé. À terme, ce sont bien les patients qui y gagneront, mais aussi les professionnels dans l’exercice de leur métier.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
Tout changement suscite des résistances – 40 % des Français y seraient rétifs – et les médecins n’échappent pas à cette règle. Toutefois, j’ai pu voir sur le terrain des professionnels d’abord réticents se tourner vers des CPTS attractives. Et je suis persuadé que ceux qui auront dans un premier temps été rebutés par le caractère automatique de l’adhésion vont courir au bout de quelques semaines ou quelques mois vers ces structures tant les avantages qu’elles offrent sont grands. Je pense au travail en commun, particulièrement recherché par les jeunes praticiens pour réaliser leurs projets professionnels. Je suis donc contre la suppression de cet article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
Nous y sommes également opposés. Les CPTS constituent à nos yeux d’intéressants outils d’avenir pour l’exercice libéral. Elles favorisent le travail en coopération dans une logique pluridisciplinaire. Elles offrent la possibilité aux professionnels de parler ensemble des responsabilités qu’ils seront appelés à endosser dans le cadre de l’accès direct, désormais étendu aux infirmiers en pratique avancée (IPA) et aux kinés, et de réfléchir à une coordination de leurs pratiques.
Soulignons toutefois que la participation aux CPTS prend du temps. Or, il est difficile aux professionnels de santé, qui sont débordés, d’en trouver. Il faut leur permettre d’en libérer et trouver des moyens d’alimenter la dynamique de ces communautés par des animations.
Nous venons d’évoquer les effets de la pénurie des professionnels de santé à travers la majoration qu’ont à subir les patients dépourvus de médecins traitants. Si ces derniers ont un rôle important, c’est aussi parce qu’ils sont appelés à être des acteurs de la pluridisciplinarité et à coordonner les parcours des patients.
M. Sylvain Maillard
Elle a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick Neuder
Il faut faire preuve de prudence à l’égard des CPTS. Si certaines fonctionnent très bien parce qu’elles sont nées d’une volonté commune des acteurs de terrain de travailler ensemble, d’autres fonctionnent moins bien ou n’ont d’existence que sur le papier.
Je suis donc moins enthousiaste que vous, madame la ministre déléguée. Vous avez cité le rôle joué par les CPTS dans la vaccination, mais il y a des endroits où elle s’est parfaitement déroulée, notamment dans des vaccinodromes, grâce à l’implication des collectivités locales et des praticiens libéraux et sans que les CPTS y soient forcément pour quelque chose.
Je ne voudrais pas que le remède soit pire que le mal. Le moment serait particulièrement mal choisi pour obliger nos professionnels de santé à adhérer à ces structures alors qu’ils ne sont pas en nombre suffisant et qu’ils n’obtiennent pas les revalorisations d’actes qu’ils réclament. Ils doivent comprendre par eux-mêmes l’intérêt qu’ils ont à se coordonner, et cela viendra progressivement. À cet égard, le parallèle qu’a fait notre rapporteur avec les intercommunalités, dont la constitution a pris du temps, me paraît juste.
Je crains que cet article ne braque nos professionnels de santé. Il faut qu’ils éprouvent eux-mêmes le besoin de rejoindre ces structures. Mieux vaut les inciter à travailler ensemble et à s’installer dans les territoires que les inscrire d’office.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist