XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du jeudi 20 octobre 2022
- Présidence de Mme Caroline Fiat
- 1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
- 2. Dépôt d’une motion de censure
- Suspension et reprise de la séance
- 3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
- Après l’article 3
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Article 4
- Mme Danielle Simonnet
- Mme Isabelle Valentin
- M. Éric Alauzet
- M. Jérôme Guedj
- M. François Braun, ministre
- Amendements nos 305, 927, 1078, 2048, 1113, 1282, 145, 126, 1055, 1447, 146, 1064 et 1814
- Suspension et reprise de la séance
- Rappels au règlement
- M. Jérôme Guedj
- M. Gabriel Attal, ministre délégué
- M. Thibault Bazin
- M. Hervé de Lépinau
- Mme Sandra Regol
- M. Arthur Delaporte
- Mme Ségolène Amiot
- M. Sylvain Maillard
- M. Philippe Vigier
- Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale
- M. Gabriel Attal, ministre délégué
- M. Antoine Léaument
- M. Arthur Delaporte
- Mme la présidente
- Vote sur l’ensemble de la deuxième partie
- Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (nos 274, 339, 336).
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Depuis deux ans, la crise sanitaire a révélé les lacunes évidentes de notre système de santé, après trente ans de gestion purement comptable qui ont grandement abîmé notre modèle social, dans son ensemble. Les Français pouvaient s’attendre à ce que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) constitue une réparation de cette gabegie. Pourtant, ce texte s’inscrit dans la parfaite continuité de politiques sociales et de santé publique aveugles au réel, aux difficultés des patients – je pense en particulier aux déserts médicaux et aux services d’urgence – et aux souffrances des personnels de santé.
Ayons tout de même l’honnêteté de saluer certaines des mesures figurant dans le texte de la majorité, comme l’extension du complément de libre choix du mode de garde (CMG) aux familles monoparentales – une proposition que nous avions déjà faite. Elle permettra aux parents qui ne bénéficiaient pas d’une aide financière de l’État de faire garder leurs enfants.
Je me désole, en revanche, que cet agglomérat de mesures entretienne l’idée que nous pourrions faire l’économie d’une nécessaire et salutaire bascule en faveur des Français. La santé, la famille, l’autonomie, la vieillesse sont des questions qui ne peuvent être réglées par une myriade de mesures ponctuelles dont l’importance – elle n’est pas discutable – ne soignera jamais les véritables problèmes structurels d’une politique défaillante. Ces aspects de la vie des Français méritent et doivent être traités à la racine. Chercher des solutions concrètes ne signifie pas qu’il faille les déconnecter d’une réflexion plus globale. C’est pourquoi j’avais proposé une grande loi de programmation sur la santé, afin de prendre à bras-le-corps un sujet dont le Gouvernement fait semblant de s’occuper, alors que tout reste à faire.
Parmi les dispositions disparates, figurent des mesures qui accéléreront la perte de souveraineté de notre pays en matière sanitaire. Je pense, bien évidemment, au secteur du médicament, en grande difficulté depuis 2007, et où – il faut bien le dire – les mauvaises nouvelles s’amoncellent. La surtaxation des entreprises concernées ne fera qu’aggraver leur situation, déjà très obérée par l’absence de patriotisme économique. Les pôles consacrés à la recherche et au développement des industries de santé, à l’importance fondamentale, s’implantent désormais dans d’autres pays que le nôtre. Les pénuries de médicaments illustrent les risques de dépendance qui pèsent sur les Français. En effet, les grandes problématiques de santé publique ne se résoudront que grâce à l’innovation scientifique, sur laquelle, bientôt, nous n’aurons plus la main.
Oui, tout reste à faire.
Contrairement à ces mesures éparses, notre vision du modèle social repose sur trois piliers : une juste rémunération du travail, une réforme des retraites à l’opposé de celle que vous proposez,… Pas du tout ! …reposant sur le principe « travailler plus tôt, c’est travailler plus dur, donc partir plus tôt »,… Aucun intérêt ! …ainsi que l’instauration de la priorité nationale.
Il s’agit de réserver la protection sociale non contributive aux seuls Français, quelles que soient leurs origines. Les allocations contributives devraient être allouées aux étrangers pouvant arguer de cinq ans de travail à temps plein sur le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En outre, le personnel soignant pâtit régulièrement de la bureaucratie excessive du système de santé. Nous avions donc proposé la suppression des agences régionales de santé (ARS), dont la crise sanitaire a montré l’inadaptation technocratique aux réalités du terrain. Elles constituent la quintessence d’une organisation aberrante et néfaste pour l’hôpital public et représentent donc une épine dans le pied pour tout le système de santé. Permettez-moi encore de rappeler cette évidence : un secteur aussi complexe que celui la santé ne peut être dirigé par une administration calquée sur une organisation territoriale – en l’occurrence, régionale.
Au-delà des ARS, la débureaucratisation de l’hôpital public demeure une urgence vitale. J’avais à cet égard proposé une gouvernance hospitalière mixte, associant à parts égales médecins et administrateurs. Très bien ! La santé n’est pas une discipline comptable, qui se suffirait de quelques mesures qui tenteraient en vain de la faire tenir en équilibre, année après année. La protection sociale n’est pas une entité abstraite, sur laquelle de vieux schémas politiques peuvent s’appliquer. La santé et la protection sociale sont deux sujets politiques majeurs, et même deux piliers du modèle français auxquels nos compatriotes sont unanimement attachés. Vous n’avez fait que les affaiblir et les fragiliser, tout au long de vos années de mandat. Le constat est implacable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Damien Maudet. La cravate et la veste, ce sont tout de même un minimum ! « Ce que révèle cette pandémie, c’est que la santé gratuite, sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre État providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. » Ces mots sont ceux d’Emmanuel Macron, en 2020. Ils donnaient de l’espoir. En effet, si le covid a été un moment de souffrance pour beaucoup de personnes, il a aussi soulevé un espoir chez les soignants. Ils ont pu penser qu’Emmanuel Macron serait à la hauteur des besoins de l’hôpital et que c’en serait fini du Président méprisant, de celui qui leur expliquait qu’il n’y a aucun problème financier mais seulement des problèmes d’organisation, et à qui ils reprochaient de ne rien faire pour l’hôpital. Nous aurions dû nous méfier. Comme l’a dit Clemenceau : « On ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre… …et après la chasse. » Nous étions en guerre, et le Président était obsédé par sa réélection ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Au-delà des mots, que s’est-il réellement passé ? Les soignants ont tenu. Avec des sacs-poubelles, en comptant les masques, en tricotant des blouses. Mais ils ont tenu et on ne les remerciera jamais assez.
Par contre, le Gouvernement a trahi. Oui, vous avez trahi ! Les plans hospitaliers n’ont pas cessé, les restrictions ont continué et les soignants partent – vers le libéral ou vers l’intérim, s’ils ne changent pas de métier –, à tel point qu’en 2021, le Conseil scientifique expliquait que 20 % des lits étaient fermés, faute de personnels.
À tel point que même dans les services de réanimation, la Cour de comptes relevait en 2021, qu’« entre juillet et octobre 2020, […] aucune décision n’a été prise qui pourrait indiquer que les pouvoirs publics envisageaient une évolution. » Pire, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 5 700 lits d’hospitalisation complète ont été fermés en 2020, tandis que 4 300 l’ont été en 2021. En tout, 21 000 lits ont été fermés sous le quinquennat d’Emmanuel Macron ! C’est un scandale ! Vous avez voté pour lui ! Vous avez voté pour Macron, vous le saviez ! Vous nous proposez aujourd’hui de dialoguer et de faire des économies. Après le cataclysme sanitaire, après les fermetures de lits et celle des services d’urgence cet été, après les plans blancs, vous prétendez nous arroser de missions flash et de concertations ! Vous voulez nous faire croire que vous souhaitez le débat alors que vous vous apprêtez à piétiner l’Assemblée nationale, en sortant l’article 49.3. En vérité, tout est déjà écrit et vous ferez passer en force des économies. Il faut que les Français le sachent : alors que, chaque année, les besoins en matière de santé augmentent, vous décidez de faire dès 2024 3 milliards d’euros d’économies sur l’hôpital. Traduction : vous poursuivez votre chemin vers le nouveau krach sanitaire, comme s’il n’y avait pas eu le covid,… C’est une indignation à géométrie variable ! …ni de fermetures des urgences cet été, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes ! Vous qui vantez sans cesse votre légitimité pour conduire les pires réformes – notamment celle des retraites –, qui vous a donné mandat pour détruire l’hôpital public ? Vous ! Notre Constitution garantit la santé pour toutes et tous : vous êtes en train de la bafouer !
Ce texte aurait dû être un tournant pour la santé. Après tous les beaux discours pendant la crise du covid, vous deviez aux Français un renforcement de notre système de santé : vous deviez mettre fin au management toxique et financer l’hôpital sans l’étouffer, pour ne pas l’obliger à choisir entre des bâtiments et des humains, ni entre un malade ou un autre. Vous auriez pu aussi penser à réintégrer les soignants qui ont été mis dehors, et dont nous avons besoin, à recruter des personnels supplémentaires et à leur donner les moyens et l’envie de rester. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Au lieu de quoi, vous avez préféré faire des économies. Quelles en seront les conséquences ? Celles du vote Macron au deuxième tour de l’élection présidentielle ! Nous vous épargnerons les concertations, dont vous ne voulez pas vraiment, sinon vous vous engageriez à ne pas utiliser le 49-3.
Mes collègues et moi-même avons rencontré les hospitaliers : les soignants sont à bout et les deux tiers d’entre eux risquent le burn-out. Ils partent. Je peux vous parler d’Emma, de l’hôpital Saint-Louis à Paris, qui, à 25 ans, était déjà l’une des plus vieilles du service trois mois après sa prise de fonction ; elle a mal au dos et consulte un psy. Ou de Stéphane à Limoges qui, lui, passe son temps à s’excuser auprès des patients car il n’a pas les moyens de faire correctement son travail. Le Canard enchaîné nous a appris, il y a deux jours, que des enfants franciliens – ils pourraient être les nôtres – étaient envoyés à 200 kilomètres de chez eux pour être soignés, faute de place dans les hôpitaux parisiens. Cet été, comme cela est tristement et souvent le cas, des patients ont attendu soixante-quinze heures sur des brancards, et, parfois, y sont morts. À Orléans, un médecin des urgences est venu pour me faire entendre un souffle, celui d’une dame qui était en train de mourir dans les couloirs : « nous n’aurions rien pu faire, mais si nous avions été assez nombreux, nous aurions au moins fait en sorte qu’elle meure dans une chambre, dignement et pas à la vue de tout le monde ; j’ai peur que cela devienne notre quotidien, monsieur le député ».
Cette réalité, vous la connaissez, monsieur le ministre, mais vous continuez. Voici ce que vous avez signé, en 2019 : « Un plan Macron pour les urgences s’impose, pour que les urgentistes ne soient plus les funambules d’un système de soins abandonnique, pour que l’hôpital public retrouve sa place en tant que pilier de la République. L’avant-garde de l’hôpital et souvent du système de soins vous alerte sur cette nécessité historique. L’hôpital public brûle à petit feu, les soignants sont sacrifiés sur l’autel d’une finance aveuglée par l’activité et une tarification désuète. » Aujourd’hui, par la force, grâce au 49.3, vous vous apprêtez à poursuivre la destruction de l’hôpital, celui-là même que vous appeliez « un pilier de la République ». Exactement ! À qui la faute ? Ce pilier, je crains qu’il ne cède. Cette semaine encore, j’ai été interpellé par des soignants à bout, parfois démissionnaires. Voici ce qu’ils m’ont dit : « C’est toute une administration qui se casse la figure. Lorsque, le soir, j’arrive au boulot, je ne sais pas combien on va être et, si les femmes n’étaient pas suffisamment nombreuses à midi, on risque de se faire bouffer par le travail ; c’est trop de pression psychologique, on ne peut plus faire notre travail correctement. Monsieur le député, je me suis engagé à l’hôpital pour des valeurs, mais il les a trahies, alors, comme d’autres avant moi, je m’en vais. Si vous voyez le ministre, remettez-lui ma blouse. » Monsieur le ministre, cette blouse, je vous l’ai apportée. (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Mmes et MM. les députés des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES applaudissent également.) La parole est à M. Thibault Bazin. Les apparences du dossier de presse du Gouvernement sont parfois trompeuses. Il y a comme un écart entre les autosatisfactions et la réalité des impasses budgétaires, des renoncements à réformer. Pour le premier PLFSS de ce quinquennat, à l’heure où tant de défis sont à relever, vous semblez avoir manqué ce rendez-vous, avoir manqué de courage et de volonté. Bien sûr, il y a quelques avancées, que je ne nie pas.
Mais relevez-vous le défi des réformes nécessaires pour améliorer notre système en profondeur ? Non, aucune réforme structurelle.
Relevez-vous le défi de la soutenabilité financière de notre modèle de protection sociale ? Non. Les trajectoires budgétaires sont inquiétantes.
Relevez-vous le défi d’une plus grande justice sociale en luttant contre toutes les fraudes ? On ne peut nier les avancées – vous reprenez enfin certaines de nos propositions –, mais elles restent bien insuffisantes, avec un manque de volontarisme en la matière. Il faut aller plus vite et plus fort.
Relevez-vous le défi du grand âge ? Non, la grande réforme est encore reportée.
Relevez-vous le défi du rétablissement d’une politique familiale ambitieuse ? Pas du tout ! Non.
Pire, vous intensifiez les coups de rabot. Je vous le dis avec gravité : il est encore temps de corriger votre copie, car ce qui sous-tend ce projet de loi, c’est un manque criant de vision pour l’avenir de notre système de protection sociale, menacé par son endettement. L’équilibre budgétaire de la sécurité sociale est pourtant la condition sine qua non de sa pérennité. La Cour des comptes fait le même constat dans son dernier rapport, et ce « au détriment des générations futures ».
Soutenir notre modèle de protection sociale, ce n’est donc pas laisser le déficit devenir structurel. Les projections budgétaires sont d’autant plus préoccupantes qu’elles tiennent compte de prévisions particulièrement optimistes.
À défaut de réformes structurelles, notamment pour réduire le poids de la bureaucratie, le Gouvernement impose des économies aux mauvais endroits.
D’abord, vous proposez d’économiser plus de 1 milliard d’euros sur les médicaments, prenant ainsi le risque de pénaliser l’attractivité de la France, sa réindustrialisation et, bien plus grave encore, l’accès des patients aux médicaments. Ensuite, vous demandez aux laboratoires d’analyses médicales, dont la mobilisation a été exemplaire lors de la crise sanitaire, d’économiser encore 250 millions d’euros, prenant ainsi le risque d’accentuer la fracture médicale. En effet, la présence des laboratoires indépendants dans nos territoires permet aujourd’hui le maintien d’un réel maillage pour l’accès aux soins.
De surcroît, en imposant cette baisse sans dialogue, vous renouez avec un autoritarisme qui n’est pas sans rappeler celui dont vous aviez usé en 2017 concernant l’imagerie médicale, elle-même appelée à subir un coup de rabot de l’ordre de 150 millions d’euros. Pourtant il s’agit là aussi d’un vecteur essentiel de prévention.
Chers collègues, au-delà de l’absence d’équilibre budgétaire garanti, absence critiquable dans un projet de loi de financement, ce qui se dessine à travers ce PLFSS, c’est aussi le quadruple échec du Gouvernement.
Premièrement, échec à rétablir une politique familiale ambitieuse. Soutenir les familles, ce n’est pas ponctionner 2 milliards d’euros d’excédents de la branche famille. Ce n’est pas non plus réserver les aides supplémentaires aux seules familles monoparentales. Il faut donc vous reconnaître une certaine continuité : une nouvelle fois, comme depuis cinq ans, depuis dix ans même, les familles sont les grandes oubliées. Or, en France, depuis dix ans, la natalité a chuté alors que le désir de maternité y est resté stable.
Deuxièmement, échec à relever le défi du grand âge qui s’inscrit dans la droite ligne des reports successifs de la loi grand âge. Il y a pourtant urgence à apporter une réponse structurelle au grand défi que constitue le vieillissement de notre société.
Troisièmement, échec concernant la prévention, au-delà des annonces contenues dans ce projet, peu articulées en termes de moyens si l’on en juge par les difficultés de la protection maternelle et infantile (PMI), de la médecine scolaire, de la médecine du travail, de la médecine de premier recours.
Enfin, quatrièmement, échec à apporter un soutien effectif à notre système de protection sociale face à la forte inflation. Je pense en particulier à la situation des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) révisé ne couvrirait en effet l’inflation qu’à hauteur de 60 %. Une meilleure correction pour 2022 était et demeure nécessaire pour ces établissements.
Vous l’aurez compris, tant de défis ne sont pas relevés, tant d’acteurs du Ségur de la santé restent oubliés, tant d’attentes légitimes pour mieux soutenir les familles, les personnes en situation de handicap, les aînés, ne sont pas satisfaites.
Nous fondons donc beaucoup d’espoirs dans nos débats pour corriger en profondeur votre projet afin d’améliorer la situation du pays. Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, monsieur le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, madame la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, je vous le demande instamment : ne passez pas en force précipitamment, laissez-nous le temps d’examiner l’ensemble de ce PLFSS, étudiez nos propositions, cela dans le souci de l’intérêt général. Il y va de l’avenir du système de sécurité sociale, de la cohésion nationale et de la souveraineté sanitaire. (M. Yannick Neuder applaudit.) La parole est à M. Nicolas Turquois. Après l’intervention pleine de verve de notre collègue Philippe Vigier sur la partie médicale, je concentrerai mon propos – plus sage – sur la partie de ce PLFSS relative au secteur médico-social et à la politique familiale. Sur ces deux aspects de la protection sociale, le texte comporte plusieurs dispositions intéressantes et pour certaines attendues de longue date.
La politique familiale a toujours été une priorité du groupe Démocrate – force de proposition pour l’ensemble des budgets de la sécurité sociale au cours de la dernière législature. Pour l’année à venir, nous nous réjouissons de voir que le soutien aux familles et aux enfants figure en bonne place dans le texte.
La réforme du barème du complément de libre choix du mode de garde permettra aux familles n’ayant pas trouvé de place en crèche de faire garder sans surcoût leurs enfants par une assistante maternelle ou une garde à domicile. Cette mesure engendrera une économie concrète pour ces familles et dynamisera l’emploi du secteur. À cela s’ajoute l’extension du bénéfice de ce dispositif jusqu’aux 12 ans de l’enfant pour les familles monoparentales. Cette proposition défendue par notre groupe lors de la dernière législature trouve enfin une traduction législative, c’est une excellente nouvelle pour de nombreux parents, en particulier pour les femmes seules ne bénéficiant pas de solutions de garde.
Toutefois, ces mesures positives ne doivent pas faire oublier l’impérieuse nécessité d’étoffer le nombre de places disponibles en crèche et dans d’autres structures dont notre pays manque cruellement. Monsieur le ministre, l’ambition a été affichée de créer 200 000 nouvelles places d’ici à 2030. Quels seront les voies et moyens qui permettront d’atteindre cet objectif ? C’est une très bonne question ! Comme je l’ai rappelé au début de mon intervention, notre famille politique a toujours défendu une politique familiale juste, universelle et ambitieuse. C’est important, l’universalité ! C’est la clé de voûte de la pérennité de notre société, grâce à une démographie forte et aux externalités positives qui en découlent.
Les dernières données statistiques sur le nombre de naissances sont inquiétantes et la tendance ne semble pas s’améliorer. Or les défis qui nous attendent sont nombreux avec, notamment, le vieillissement de la population et ses conséquences sur le financement du système de retraite. Il s’agit donc de faire de la politique familiale un enjeu majeur pour que la société française de demain reste dynamique et au premier rang des nations qui contribuent à l’évolution du monde. Monsieur le ministre, vous nous trouverez à vos côtés pour défendre cette ambition.
Ce PLFSS comporte également un volet médico-social dense. Tout d’abord, il tire les conséquences des récentes révélations sur la gestion des Ehpad privés, révélations qui ont suscité l’indignation sur l’ensemble des bancs de notre assemblée. Nous saluons ainsi le renforcement des mécanismes de contrôle et de sanction absolument nécessaires. Il s’agit pour cela de déployer des moyens humains importants pour contrôler les établissements sur place mais aussi analyser des circuits de financement parfois occultes. L’adoption d’amendements de l’opposition en commission a d’ailleurs permis d’étoffer les possibilités de sanction. Comme quoi, lorsque les propositions sont pertinentes nous sommes tout à fait prêts à les accepter. Jusqu’au prochain 49.3 ! La question du grand âge et de la dépendance est, depuis 2020 et la création de la branche autonomie, centrale dans les PLFSS. Si des financements pérennes sont déployés au fil des ans, il est impératif de poursuivre sur cette voie afin notamment d’accélérer le virage domiciliaire voulu par une majorité de nos concitoyens. Pour trouver ces financements, il nous faudra forcément dégager des ressources très importantes, ce que permettra, au-delà même de la question de l’équilibre des régimes, une réforme des retraites juste et bien calibrée. N’importe quoi ! Vieillir chez soi passera par une montée en charge des services de soins à domicile et donc par un renforcement massif de l’attractivité des métiers. Si les premiers jalons posés ces deux dernières années vont dans le bon sens, notamment avec la fixation de tarifs planchers, il reste encore beaucoup de travail. Travail qui nécessitera un dialogue constant avec les départements. Cette démarche de coconstruction a déjà porté ses fruits et nous ne doutons pas que le Gouvernement poursuivra dans ce sens. Par exemple, la création d’un guichet unique dans les territoires est une excellente initiative qui doit pouvoir être déployée rapidement. M. le ministre a annoncé l’accélération de la mise en œuvre de ce dispositif – nous la soutenons totalement.
Néanmoins, si les questions financières doivent être traitées dans le PLFSS, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un texte de loi ad hoc qui devra régler l’ensemble des questions relatives à l’organisation territoriale, à la définition des rôles des parties prenantes ainsi qu’à la gouvernance.
En conclusion, ce PLFSS poursuit les efforts engagés sous la précédente législature pour soutenir et développer un secteur médico-social trop longtemps laissé pour compte par les majorités précédentes. Il y a encore beaucoup de pain sur la planche mais nous sommes pleinement mobilisés, aux côtés du Gouvernement, pour atteindre les objectifs fixés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit également.) Des objectifs ambitieux… La parole est à M. Arthur Delaporte. C’est vertigineux. Hier après-midi, alors que les membres de la commission des affaires sociales commençaient l’examen de la mission Travail et emploi du projet de loi de finances, la Première ministre franchissait la porte de cet hémicycle pour déclencher le 49.3 sur ce même texte. Et nous devions continuer nos travaux, comme si de rien n’était, alors qu’à quelques mètres de nous, le Gouvernement sonnait le glas de l’examen du texte sur lequel nous étions en train de débattre. Le Gouvernement a interrompu une discussion au cours de laquelle moins d’un quart des amendements qui devaient être examinés l’ont été, enterrant d’un même mouvement les rares avancées majeures votées par notre assemblée souveraine, à commencer par le crédit d’impôt en faveur des résidents en Ehpad. C’est vrai que vous, vous ne l’avez jamais utilisé, le 49.3 ! J’aurais également pu citer le crédit d’impôt en faveur des bénévoles des associations qui font tant pour compenser les défaillances de l’État dans cette période de crise – par le biais d’un amendement que j’ai défendu l’été dernier lors des débats sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, amendement alors rejeté avant d’être adopté vendredi dernier, donc, puis à nouveau supprimé du texte par le Gouvernement… Ces choix révèlent la nature de votre politique sociale, celle que nous évoquons en ce moment même : injuste, brutale et parfois déconnectée du terrain. Bref, des semaines de travail parlementaire ont été hier réduites à néant. C’est faux, vous le savez bien ! Nous ne pouvions dès lors, par effet de symétrie, que nous poser la même question qui nous taraude tous et toutes, membres de la majorité comme de l’opposition : à quoi servons-nous, à quoi servent ces débats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous avons discuté de façon très constructive en commission. Maintenant, que restera-t-il de… …« nos amours ? » …de notre travail en séance ?
Y aura-t-il seulement un examen en séance ?
Il nous faut pourtant continuer de débattre et de faire « comme si ». Comme si aucune épée de Damoclès n’était suspendue sur nos têtes, comme si cette discussion avait un sens, comme si vous alliez laisser le Parlement légiférer librement, en respectant les principes de coconstruction que vous aviez vous-même annoncés au début de la législature.
Alors de quoi devons-nous parler ? Ou plutôt : de quoi devrions-nous parler ? De l’essentiel, de ce qui importe pour le pays, de ce qui nous soude, de l’État, de la sécurité sociale et de son financement. À l’heure même où votre politique, avec l’examen au Sénat de la réforme de l’assurance chômage votée ici la semaine dernière, menace l’édifice du paritarisme, entérine le recul de droits sociaux fondamentaux, en plein milieu d’une crise profonde du « bien vivre » et de l’effondrement du pouvoir d’achat en raison de l’inflation.
Alors, puisqu’il nous faut finalement nous résoudre à débattre dans le vide, je souhaite profiter du maigre temps dont nous disposons pour évoquer les vides du texte, les absents et les oubliés qui auraient pu être intégrés voire réintégrés dans nos débats (Mme Nathalie Oziol applaudit) – débats que vous allez certainement interrompre de nouveau.
Ces oubliés, ce sont d’abord des oubliées. Vous aviez promis en 2017 de faire de l’égalité femmes-hommes une grande cause du quinquennat. Les femmes attendront encore ! Mais quid des protections périodiques gratuites pour lutter contre la précarité menstruelle, gratuité en vigueur dans d’autres pays ; quid du financement du grand plan – évoqué en commission – de lutte contre l’endométriose, encore une promesse du Président de la République ;… En effet ! … quid des mesures fortes pour permettre l’amélioration des droits à la santé sexuelle et reproductive,… Qui a instauré la gratuité de la contraception au cours de la précédente législature ? …– n’était, certes, l’amélioration de l’accès à la contraception d’urgence, que nous saluons ; quid des revalorisations et de l’amélioration des conditions de travail des assistantes maternelles, des aides à domicile, des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), des travailleuses des Ehpad ?
Oubliés les recrutements nécessaires pour alléger la tâche et la souffrance des métiers du soin à la personne, majoritairement féminins – faut-il le rappeler ? –, précaires, à temps partiel. Refusés les ratios pour améliorer l’offre de soin en faisant en sorte qu’il y ait en France, comme en Australie ou en Californie, un nombre minimal d’infirmières par patient pour mettre fin au sous-encadrement et donc à l’épuisement des personnels. Oubliés, également, ces femmes et ces hommes, ces travailleurs qui sont le pilier de notre système de santé et des solidarités, ces travailleurs oubliés du Ségur de la santé. Ce sentiment d’abandon, d’oubli, il n’est pas une journée sans qu’ils nous le rappellent, dans le Calvados comme partout en France.
Les oubliés du Ségur et des accords Laforcade, qui pourtant promettaient la revalorisation des carrières de ceux que l’on a admirés pendant le covid, cet effacement, ils le ressentent et elles le ressentent au quotidien.
Bref, ce texte, manifestement insuffisant – j’aurais pu ajouter aux vides recensés celui du handicap –, est insatisfaisant. Nous sommes, j’y insiste, face à un vide vertigineux, l’éventuelle application du 49.3 nous contraignant à l’absence d’échanges de points de vue. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Bravo, monsieur Delaporte ! Excellent ! La parole est à M. Frédéric Valletoux. Enfin quelqu’un qui sait de quoi il parle ! Chacun le vit dans sa circonscription : les difficultés d’accès aux soins sont devenues une réalité et l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. À cet égard, il est fascinant de constater, depuis ce matin, l’amnésie qui a gagné de nombreux rangs de l’opposition – surtout à gauche –, et d’assister aux leçons de morale de ceux qui, au jeu de « la faute à qui ? », tentent de faire accroire que notre système de santé ne se serait délité qu’à partir de 2017. Exactement ! Soyons humbles et surtout honnêtes : nos compatriotes payent plein pot l’accumulation de trente ans de décisions politiques et administratives malheureuses, de sous-investissement chronique, de déconsidération progressive des professions du soin et de l’accompagnement des plus fragiles.
Mais il n’y a pas que cela. S’agissant aussi bien des soins que de la prise en charge de nos aînés, les gouvernements antérieurs ont également trop souvent baissé la garde face aux professionnels et à leurs lobbies, davantage préoccupés par la défense de facilités catégorielles que par celle de l’intérêt général. (« Oui ! » sur les bancs du groupe Dem.) La réalité est aujourd’hui brutale : 11 % de la population est sans médecin traitant et les déserts médicaux créent un terrible renoncement aux soins, lequel est certainement sous-évalué étant donné que personne ne peut le mesurer précisément.
Si nous assistons depuis tant d’années au délitement de notre système de santé, ayons, là encore, l’honnêteté collective de reconnaître qu’il y a depuis 2018 une indéniable volonté de redressement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Il sait de quoi il parle ! En cela, ce PLFSS pour 2023 constitue un pas supplémentaire dans un continuum qui va dans le bon sens. Il s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie Ma santé 2022, de la relance massive de l’investissement hospitalier, de la fin – enfin – du numerus clausus, d’une meilleure reconnaissance des carrières hospitalières grâce au Ségur de la santé, et de l’accompagnement financier réel des hôpitaux ces dernières années, notamment pendant la crise.
Nous voyons ainsi se dessiner le chemin de redressement voulu par Emmanuel Macron depuis 2018, destiné à remettre d’aplomb notre système de santé et notamment notre appareil hospitalier qui, déjà fragile, a été tant malmené par la crise sanitaire.
Tout cela prendra du temps : nous le savons bien. Malgré la suppression du numerus clausus, nous ne retrouverons pas avant 2032 le nombre de médecins qui étaient en exercice en 2020. Dans ce domaine également, nous avons conscience que beaucoup de difficultés sont encore devant nous.
C’est dans cette trajectoire de redressement que s’inscrit le Conseil national de la refondation, voulu par le Président de la République. Il s’agit d’une démarche ambitieuse, dont l’utilité sera renforcée si elle débouche sur des réformes audacieuses et des mesures fortes, profondes et durables.
Je citerai quelques-unes de ces mesures.
Nous devrons d’abord améliorer l’attractivité des métiers et des carrières : je pense avant tout aux personnels hospitaliers, mais cela devra plus généralement concerner tous les soignants. Dans la continuité de ce qui a déjà été accompli, les rémunérations devront continuer de progresser pour mieux tenir compte de la technicité des métiers, du poids des responsabilités managériales et des contraintes qui pèsent sur les personnels.
Ce changement de paradigme doit également nous amener à repenser le financement de notre modèle, avec l’ambition de mieux réguler les budgets que notre nation consacre à notre système santé. Nous n’avons pas à rougir dans ce domaine, bien au contraire, mais il est urgent de mieux réguler ces dépenses et de valoriser les actes pertinents, c’est-à-dire ceux réellement utiles à l’amélioration de la santé de nos concitoyens.
Il s’agit, en somme, d’anéantir les rentes et les actes inutiles et de réinjecter ces ressources au service de la qualité des soins – actes inutiles, ou redondants qui, selon certaines études, représentent jusqu’à 30 % des dépenses de santé. La maîtrise des dépenses de santé permettra leur meilleure affectation et, ainsi, de contribuer à l’établissement d’un système de soins efficient, de qualité, pour le plus grand nombre et sur tout le territoire.
Ce remède puissant, que nous appelons de nos vœux, devra enfin avoir pour ambition de renforcer la complémentarité entre la médecine de ville et la médecine publique, complémentarité qui passera inévitablement par un rééquilibrage des droits et des devoirs de chacun et par un meilleur partage de la mission d’intérêt général de santé publique.
La baisse continue du nombre de médecins participant à la permanence des soins doit nous interpeller. Moins de médecins participant aux gardes, cela signifie l’épuisement de ceux qui tiennent encore le cap et qui se sentent de plus en plus seuls. Moins de médecins participant aux gardes, ce sont aussi davantage de patients sans réponse ou n’obtenant que des réponses partielles. C’est pourquoi je considère comme essentielle la participation de tous les personnels à la permanence des soins.
Ma conviction, qui est partagée par le Gouvernement, est que nous sommes au pied du mur : nous savons qu’il faut redoubler d’efforts pour redresser notre système de santé, essentiel à notre pacte républicain. Ce PLFSS représente un pas supplémentaire, un pas positif : le chemin reste long, mais vous pouvez compter sur le groupe Horizons pour le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Frédéric Maillot. Sans doute comme l’ensemble de mes collègues des outre-mer, mon premier réflexe, à la réception du PLFSS pour 2023, a été de vérifier qu’il reprenait bien l’engagement du Président de la République, annoncé en janvier dernier, d’adapter le financement de nos établissements de santé aux surcoûts qu’ils supportent réellement. Las, zéro ! Nulle trace de la revalorisation du coefficient géographique dans les cinquante-trois articles du texte, et ce malgré l’inflation, malgré le covid-19, malgré la cherté du fret et, donc, malgré l’engagement présidentiel – même si nous y sommes habitués. Fâcheux ! Nous venons d’apprendre qu’une enquête statistique est en cours, ce qui nous fait craindre un nouveau retard, voire l’absence de revalorisation, tant les reports se sont succédé ces dernières années.
Ce PLFSS affiche la volonté de rééquilibrer la politique de santé, en développant la dimension préventive grâce à des consultations médicales gratuites aux âges clés de 25 ans, 45 ans et 65 ans. Cette mesure générale, intéressante en soi, devra toutefois, pour être efficace, se décliner au niveau régional, afin de tenir compte des fortes inégalités sociales et territoriales face à la maladie. Elle nécessitera aussi de s’articuler avec des actions ciblées et de proximité contre les facteurs de risques que sont la consommation de tabac et d’alcool, et l’obésité.
La nécessité d’une approche différenciée m’amène dès à présent à proposer que l’apparition des maladies chroniques soit abordée dans les outre-mer dès la première consultation, entre 20 et 25 ans. En effet, la surprévalence de ces pathologies dans nos régions rend nécessaire une prévention et un dépistage plus précoces. La Réunion enregistre le plus fort taux de personnes atteintes de diabète de type 2 en France et les complications y surviennent plus tôt dans la vie des patients. Ainsi, nous détenons le triste record national s’agissant du taux d’amputation. Et pourtant, les fast-foods ne cessent d’ouvrir dans mon département.
La progression continue de cette maladie, les bouleversements qu’elle provoque dans les existences, mais aussi, dans la mesure où il s’agit d’une maladie métabolique, la possibilité d’agir bien en amont, justifient amplement que le diabète fasse l’objet à La Réunion d’un plan de prévention régional. Il est urgent à la fois de mieux en comprendre les causes, de renforcer la prévention, et d’agir sur tous ses déterminants.
Il est d’ailleurs paradoxal que les territoires les plus touchés par les grandes pathologies chroniques, et qui doivent lutter contre des phénomènes d’addiction et leurs conséquences douloureuses – particulièrement l’alcoolisation fœtale –, soient encore moins bien dotés que les autres en matière de médecine préventive. En effet, les moyens consacrés à la prévention dans les outre-mer sont deux fois moins importants qu’en France continentale. Ainsi, l’objectif d’égal accès à la prévention risque d’être un vœu pieux sans une démarche volontariste des pouvoirs publics.
Par ailleurs, à son tour, ce PLFSS entend lutter contre les déserts médicaux, avec une mesure qui, c’est le moins que l’on puisse dire, suscite bien des remous chez les internes en médecine concernés. Dans ce contexte, il est difficile de ne pas évoquer la situation des soignants non vaccinés et interdits d’exercer depuis près d’un an – certains le seront même à perpétuité, si l’on se réfère au plan de départ exceptionnel que le Gouvernement vient de proposer aux Antilles et en Guyane, lequel a été rejeté par les syndicats et les collectifs de personnels.
Entre la détérioration de l’offre de soins dans des territoires déjà sous tension – je rappelle que la Guyane et Mayotte sont les premiers déserts médicaux de France – et la présence de soignants respectant un strict protocole sanitaire avec la présentation régulière de tests de dépistage négatifs, la question de la réintégration des soignants ne me semble pas représenter un choix cornélien. Mes chers collègues, si vous saviez combien il est difficile de trouver un médecin à La Réunion pour constater un décès !
Améliorer l’accès de tous aux soins, c’est aussi faciliter l’accès aux médicaments. Or, depuis 2020, la pénurie de médicaments augmente à La Réunion, comme ce fut le cas, récemment, s’agissant des sirops antitussifs. Le désordre du fret maritime mondial est évidemment un facteur d’explication, mais il faut aussi pointer l’insuffisance de plus en plus fréquente de réserves de médicaments. En effet, contrairement aux grossistes-répartiteurs, les laboratoires et leurs dépositaires vendent de plus en plus fréquemment aux officines de manière directe, et ce sans être soumis aux obligations de service public, dont celle de disposer de quinze jours de stocks.
Présenté comme un PLFSS post-covid, celui-ci n’en porte pas la trace s’agissant des investissements, pas plus qu’il n’apporte une réponse aux besoins en personnels. Nous vous réclamons donc plus de moyens, non par pure opposition, mais parce qu’il y a des vies à préserver et à sauver en outre-mer et en France métropolitaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et SOC.) La parole est à M. Marc Ferracci. Je souhaite évoquer la manière dont ce PLFSS s’insère dans la stratégie économique et sociale de la majorité présidentielle. Ce texte confirme le redressement spectaculaire des comptes sociaux en 2021 et 2022, redressement d’autant plus remarquable qu’il s’est accompagné d’un maintien de l’effort pour la protection de la santé et de l’emploi de nos concitoyens.
Reconnaissons-le, la situation et l’évolution de nos comptes sociaux s’expliquent d’abord par une forte hausse des recettes. Celle-ci est due au rebond qui accompagne la sortie de la crise liée au covid-19, mais aussi, n’en déplaise à certaines des oppositions, à la stratégie de réformes du Gouvernement depuis cinq ans.
Depuis 2017, ce sont 1,5 million d’emplois qui ont été créés, portant le taux d’emploi à un pic historique. Dans le même temps, le taux de chômage a atteint son plus bas niveau depuis quinze ans. Cette baisse a un double effet positif sur les comptes sociaux : d’une part, la diminution des dépenses et, d’autre part, la croissance des recettes, grâce à la création d’emplois ainsi qu’à l’amélioration des salaires.
Cela illustre bien la stratégie globale qui est et doit rester la nôtre pour renforcer notre modèle social : tout faire pour accroître l’emploi et réduire le niveau du chômage. C’est à cette condition que nous renforcerons le pouvoir de négociation des travailleurs et que nous permettrons une augmentation durable et constante des salaires.
L’article liminaire du PLFSS présente pour les administrations de sécurité sociale un solde excédentaire de 0,5 % du PIB pour 2022 et de 0,8 % pour 2023. Cet article constitue l’une des innovations introduites par la loi organique du 14 mars 2022 : je salue à cet égard le travail de notre collègue Thomas Mesnier, qui a fortement œuvré à ce sujet.
Notons que l’annexe 8 au présent PLFSS, issue de ce nouveau cadre organique, renseigne sur la situation de l’assurance chômage et des retraites complémentaires. Si ces régimes ne font pas partie à proprement parler des lois de financement de la sécurité sociale, il est parfaitement légitime que les informations à leur sujet soient mises à la disposition des parlementaires, étant donné que des millions de Français y sont affiliés.
Cette annexe nous permet de constater que grâce à l’amélioration du marché du travail, l’assurance chômage devrait connaître un excédent de trésorerie de 4,1 milliards d’euros en 2022 et de 4,5 milliards en 2023 – excédents qui permettront de réduire la dette de l’Unedic, ce dont nous devons collectivement nous réjouir.
S’agissant du régime de l’assurance chômage, nous aurons à discuter d’un nouveau cadre de gouvernance dans les prochains mois, au terme de la négociation interprofessionnelle qui s’ouvrira l’année prochaine. Cela a été demandé il y a deux semaines lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, et j’y souscris, la représentation nationale doit y être pleinement associée.
Il convient toutefois de se montrer lucide car, s’agissant de l’avenir de nos comptes sociaux, les prévisions apparaissent plus sombres. En 2026, si rien n’est fait pour y remédier, le déficit de l’ensemble des comptes atteindra près de 12 milliards d’euros, en raison notamment du déficit de l’assurance vieillesse qui s’élèvera à environ 16 milliards.
Cette trajectoire confirme le diagnostic posé par le Conseil d’orientation des retraites en septembre. C’est pourquoi il est indispensable de mener une réforme des retraites ambitieuse.
Nous le savons, le taux d’emploi des seniors est plus faible dans notre pays que chez nos voisins. Les concernant, l’enjeu est de faire remonter la durée d’activité effective, tout en traitant différemment celles et ceux qui ont eu des carrières longues et des métiers pénibles. C’est à cela que doit mener la concertation lancée il y a quelques jours par le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion avec les partenaires sociaux.
Au-delà de cette réforme indispensable, la consolidation de notre protection sociale dans toutes ses composantes nous impose de nous rapprocher du plein emploi. Les résultats obtenus lors du quinquennat écoulé rendent crédible cette ambition, mais il ne faut pas s’y tromper : atteindre l’objectif sera difficile, d’autant plus qu’à mesure que le chômage baisse, les personnes qui restent privées d’emploi présentent des difficultés de plus en plus lourdes, réclamant des actions plus fortes pour leur permettre de trouver ou de retrouver un travail. Il faut donc continuer à agir, et en particulier continuer à transformer notre marché du travail, pour faire baisser le chômage et faire reculer la pauvreté car, je l’affirme et le répète, celle-ci est d’abord et avant tout la conséquence du sous-emploi.
Il faut limiter les postes vacants et, pour cela, accroître les incitations au retour à l’emploi : c’est le rôle de la réforme de l’assurance chômage dont nous avons voté le principe au début du mois. Il est également nécessaire de lever les freins périphériques que subissent nombre de demandeurs d’emploi, tels que des problèmes de transport ou de garde d’enfants : ce sera l’un des sujets importants de la réforme de France Travail.
Il s’agit aussi de mieux aider les entreprises – particulièrement les plus petites d’entre elles – à recruter, car celles-ci renoncent souvent à embaucher, faute de moyens à consacrer à la recherche de candidats.
Les pistes sont multiples mais, je tiens à le dire, chers collègues, le pire n’est jamais certain. En dépit de la situation économique et géopolitique compliquée que nous vivons, notre stratégie est cohérente. Il s’agit de permettre à nos concitoyens d’accéder à un emploi de qualité et, grâce à cela, de financer un modèle social dont nous devons demeurer fiers. Il faut garder ce cap et ne pas renoncer à transformer le pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Joëlle Mélin. Être senior en politique offre le privilège d’observer les évolutions du temps long. C’est ainsi qu’en quarante-cinq ans, j’ai pu voir comment tous les gouvernements ont consciencieusement organisé la casse de toutes les branches du système social français. En matière de santé, la messe était dite dès mai 1980 quand les médecins ont signé la première convention de maîtrise concertée des dépenses, qui stipulait que les parties signataires se fixaient chaque année des objectifs de dépenses d’honoraires et de prescriptions compatibles avec les recettes disponibles de l’assurance maladie.
Quarante-deux ans après, le résultat est là, logique et catastrophique : Urssaf Caisse nationale – le nouveau nom de l’Acoss – gère dettes et déficit, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) reste un tonneau des Danaïdes, le très opaque Ondam fragilise tous les secteurs, l’hôpital est à genoux et le manque de soignants touche 87 % du territoire. Depuis avril 1990, les honoraires des soignants, libéraux comme salariés, ont cessé d’être réévalués régulièrement ; un numerus clausus inepte a tout verrouillé ; en parallèle, les remboursements aux malades n’ont fait que baisser : trente-deux ans après, nous subissons une pénurie de soignants, laquelle provoque une authentique pénurie de soins, inconcevable quand on se souvient du niveau qui fut le nôtre. Il est temps de tout remettre à plat et de se demander ce qui ne va pas. À moins que – question fondamentale ! vous ne souhaitiez achever au plus tôt la financiarisation de notre système de santé.
Autre privilège, j’ai pu examiner pendant huit ans, au sein de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen, les dispositions à visée marchande qui s’imposent en France au fil des PLFSS successifs, et contre lesquelles je n’ai cessé de lutter. Celles-ci consacrent la mainmise des grands groupes, des fonds de pension et des actionnaires inconnus – ou défavorablement connus, comme BlackRock – sur les différents organismes français. Cette mainmise est déjà très forte sur les cliniques privées, les Ehpad, les chaînes de pharmacies, les laboratoires d’analyses, les groupements de radiologues, les conventionnements des maisons de santé et les sous-traitances de services d’hôpitaux publics.
Avec votre PLFSS pour 2023, vous allez plus loin et ouvrez une nouvelle brèche avec le statut donné aux sociétés de téléconsultation, à la double fonction technique et médicale. J’y vois trois risques majeurs : le vol massif de données de santé, l’extraterritorialité liée à la technologie américaine et la fin de l’intervention des soignants dans le but de limiter les dépenses grâce aux équipements d’intelligence artificielle prédictifs et curatifs.
L’étape d’après, déjà avancée, c’est l’application contrainte des très nombreux textes européens en matière de santé, comme le règlement du programme de l’Union européenne (UE) pour la santé (EU4Health) et l’approche « santé dans toutes les politiques ». Cette dernière présente la particularité inestimable de faire glisser la notion de santé publique du plan sémantique au plan législatif en plaçant la politique de prévention – qui est évidemment indispensable – entre les mains de tous, des individus aux décideurs et, surtout, aux influenceurs ; de tous sauf des soignants, comme cela nous a été confirmé. Le mot « santé » est peu à peu remplacé par les termes « santé publique » ; l’objectif est atteint : justifier la disparition de l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que la santé est une prérogative régalienne, contrairement à la santé publique qui est du ressort communautaire.
Sont pareillement attaquées les entreprises, principales sources des recettes du système, auxquelles vous imposez une nouvelle charge de trésorerie avec la subrogation des indemnités journalières. Vous faites également subir aux buralistes un cumul de l’inflation des deux dernières années. Attaquée également la retraite complémentaire, avec le très risqué transfert aux Urssaf des cotisations Agirc-Arrco. Attaquée encore la branche famille avec le transfert de la charge des indemnités journalières de maternité, alors que le congé maternité a d’abord une raison médicale, à la différence du congé paternité.
Il y a urgence à mettre un terme à cette évolution. Il est temps de conduire plusieurs actions. La première, de fond, structurelle, consiste à imposer au gestionnaire – c’est-à-dire à vous – la même rigueur que celle que vous exigez de tous les acteurs ; elle passe par l’instauration d’une comptabilité sincère, fondée sur les recommandations de la Cour des comptes – les mêmes depuis vingt-sept ans –, lesquelles mettraient à mal la moindre des entreprises privées.
Il faut en finir avec les politiques d’austérité ; cesser de se contenter de gérer les dettes – dont celle de l’Acoss – et les déficits, abandonnés aux mains de banques chinoises ou américaines ; arrêter de recourir à des ressources non permanentes, qui s’élèvent quand même, excusez du peu, à près de 10 % du montant du budget de la sécurité sociale.
Il nous faut achever la séparation des branches et mettre un terme à la porosité entre le budget de la sécurité sociale et celui de l’État, ce dernier abondant déjà les recettes du premier de plus de 50 %, ce qui masque le déficit chronique – entre 10 et 20 milliards d’euros par an – dont on se débarrasse dans la Cades. Cette porosité atteint aussi une partie des budgets des conseils départementaux, dont un tiers est géré par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
Il nous faut recouvrer – c’est possible ! – 10 % du budget global, soit 50 milliards d’euros, en limitant les niches sociales à leur juste indication, en cernant au mieux le très précieux dispositif des affections de longue durée (ALD) qui concerne 70 % du budget, en recouvrant évidemment les sommes très élevées correspondant aux fraudes aux cotisations et aux prestations et, surtout, en s’assurant que les créances de recours contre tiers soient présentées à temps.
Nous avons également besoin d’actions immédiates et nous aurons – peut-être ? – le temps de préciser notre position lors de l’examen de chaque article. Nous annonçons d’ores et déjà que nous nous opposerons à la validation des comptes en raison de l’absence de certification pour l’année 2021 ; au dispositif, même amendé, de référencement des médicaments matures et génériques ; à la décote des actes de radiologie et de radiothérapie avec la remise en cause des forfaits techniques, produits d’une innovation française déjà mise à mal, et à la nouvelle baisse des tarifs des biologistes, qui ont porté à bout de bras votre politique erratique de dépistage du covid et qui, même lorsqu’ils acceptent de rétrocéder une partie des bénéfices tirés de leur activité lors de la pandémie, sont rappelés à l’ordre alors que leur respect du plan triennal a fait économiser 5 milliards d’euros au système.
Nous nous opposons également à l’ajout d’une quatrième année d’internat de médecine générale, qui, au motif de dispenser une formation qui aurait dû l’être bien plus tôt, risque d’asservir une année de plus des étudiants épuisés, le tout pour 1 600 euros mensuels. Cette mesure est une mauvaise réponse au problème des déserts médicaux.
Nous demanderons que soient orientées toutes les prestations familiales, comme le complément de libre choix du mode de garde et la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), vers les familles qui élèvent leurs enfants pour l’avenir de notre pays, et non vers celles qui profitent de notre système social en méprisant notre pays. Nous voulons supprimer la mise sous condition de ressources des allocations familiales, parce que la politique familiale est beaucoup plus qu’une politique sociale : elle doit servir à accueillir les enfants, non à compenser les inégalités de revenus.
Sur l’autonomie, nous réclamerons la levée de la barrière des 60 ans, qui instaure une injustice liée à l’âge quand la perte fonctionnelle devrait être le seul critère retenu pour percevoir une aide ; nous faciliterons également toutes les formes d’habitat pour les personnes en situation de handicap et nous ferons évoluer l’amendement Creton.
S’agissant de la prévention – terme ajouté à votre titre ministériel, cher confrère Braun –, il sera intéressant de rappeler que prendre sa retraite quand le corps le réclame est un gage de prévention contre les maladies chroniques, qu’il est inepte de faire travailler deux années de plus, mille six cent sept heures par an, deux classes d’âge de grands-parents épuisés et piégés dans le travail (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN) ,… Ce n’est pas ce qui est prévu ! Ne faites pas peur sans savoir ! …alors que leurs petits-enfants âgés de 18 à 25 ans, soit sept classes d’âge en pleine forme, tardent à y entrer ou que toute une classe d’âge de 40 ans pourrait travailler un quart d’heure de plus par jour pour le même résultat. (Mêmes mouvements) La preuve a pourtant été apportée que l’augmentation de l’espérance de vie est en relation directe avec l’âge de la retraite. S’il vous plaît, arrêtez la casse en ce domaine !
Nous allons utiliser ce PLFSS pour faire avancer nos propositions pour la santé, la retraite, la famille et l’autonomie, mais aussi pour l’équilibre des branches et la remise en ordre des comptes, afin d’inverser une spirale dont les Français ne veulent plus et de préserver notre sécurité sociale ; elle le vaut bien, elle vaut en tout cas un peu mieux qu’un 49.3 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Philippe Vigier s’exclame.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Trois mille deux cent soixante-treize : c’est le nombre d’amendements déposés par la représentation nationale sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Cela en dit long sur les carences d’un texte qui n’est pas à la hauteur du défi que représentent les profondes difficultés rencontrées par notre système de santé.
Première de ces difficultés, l’absence de réponse convaincante à la fracture sanitaire qui plonge 22 millions de Français dans l’angoisse des déserts médicaux. Dans beaucoup de territoires, ces déserts gagnent du terrain. Des médecins, de ville comme de campagne, partent à la retraite, épuisés par des horaires de travail atteignant parfois soixante à soixante-dix heures par semaine et par l’extrême pesanteur administrative. Tout cela laisse impuissante leur patientèle, livrée à elle-même. Dans 20 % des communes les plus défavorisées, il faut attendre vingt-cinq jours en moyenne pour qu’un médecin généraliste puisse visiter un patient contre deux jours dans les zones les mieux loties. Une dynamique qui ne va pas aller en s’améliorant puisque 86 % des médecins généralistes ont plus de 60 ans. C’est vrai ! Pour les médecins en exercice, les listes d’attente s’allongent au point que pour une mammographie de contrôle, il faut parfois attendre six mois pour avoir un rendez-vous : six mois, c’est long ; parfois, c’est trop tard.
La paupérisation de notre système de santé ne peut donc plus être ignorée, d’autant que, durant la crise sanitaire, 5 700 lits ont été fermés dans les hôpitaux. Cela a fait dire à certains médecins qu’il leur avait fallu trier ; trier les patients, entre ceux qui auraient une chance de s’en sortir et les autres. Un terrible aveu d’impuissance et de fragilité !
Face à une telle situation, les Français sont en droit d’attendre un budget historique et porteur d’espérances pour notre système de santé. Nous n’y sommes pas ! Après avoir brandi la carte de la télémédecine, le Gouvernement sort aujourd’hui de son chapeau une quatrième année de médecine pour le troisième cycle des étudiants en médecine générale. Vous affirmez vouloir ainsi « consolider » leur formation. Bien entendu, cette année supplémentaire devrait être effectuée dans les déserts médicaux… Mais le problème ne tient pas à la longueur des études, monsieur le ministre ! Il a trait au nombre de places dans les formations en médecine, qu’il faut absolument augmenter !
Les infirmières et les infirmiers libéraux sont, eux aussi, en colère ! Et on peut les comprendre tant leurs conditions de travail se dégradent. Il leur faut travailler toujours plus vite, au risque de négliger leurs patients. Une expérimentation en cours, qui leur permet d’être payés à l’heure et non à l’acte – l’expérimentation Équilibres –, semble donner de bons résultats : avons-nous évalué ce dispositif ? Pouvons-nous le généraliser ? Il serait judicieux d’avoir des réponses à ces questions.
Autre inquiétude, la pauvreté des mesures envisagées pour nos aînés alors que nous attendons toujours votre loi sur le grand âge, maintes fois annoncée mais toujours repoussée. Trois articles leur sont consacrés dans ce PLFSS. Même inquiétude pour les aidants, souvent mis en avant, mais toujours insuffisamment épaulés dans leur quotidien.
Les pharmaciens sont, eux aussi, en colère puisque l’article 30 du PLFSS prévoit la mise en place d’appels d’offres pour certains médicaments, notamment génériques, les médicaments non retenus cessant d’être remboursés. Cette mesure étonne d’autant qu’elle n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les professionnels, lesquels nous alertent sur les conséquences dramatiques qu’entraînerait son adoption pour la pharmacie d’officine et les industriels du médicament en France. Pour le dire clairement, cet article va totalement à l’encontre de l’objectif de maintenir le tissu industriel dans notre pays, ce secteur représentant tout de même 15 000 emplois. Cette mesure contribuerait en outre à accélérer le phénomène de délocalisation, à l’opposé des objectifs affichés par le Président de la République.
J’ai une suggestion, audacieuse j’en conviens, à vous faire : et si vous acceptiez que nous travaillions vraiment ensemble ? Pour ma part, j’ai déposé une centaine d’amendements. Il doit bien y en avoir quelques-uns à retenir, entre ceux sur la contribution sociale généralisée (CSG), ceux sur les déserts médicaux, ceux sur la famille ou la lutte contre les fraudes à la sécurité sociale – véritable poison auquel vous ne vous êtes jamais véritablement attaqués malgré vos annonces ce matin et malgré la proposition de loi adoptée par le Sénat en mars 2021 dont nous attendons toujours l’examen à l’Assemblée. Autant d’amendements qui, je le crains et vous n’en faites pas mystère, ne serviront à rien puisque plane une nouvelle fois le spectre du 49.3. Une fois encore, vous vous apprêtez à faire cavalier seul. Dommage ! D’abord pour nos concitoyens qui trouvent, eux, que certaines de nos propositions ne manquent pas de bon sens. La parole est à M. Elie Califer. On a gardé le meilleur pour la fin ! Après deux longues années de crise sanitaire, nous attendions un PLFSS ambitieux, à même de nous faire relever les nombreux défis de l’époque, mais son analyse révèle que bien des réalités ont échappé à l’exécutif.
Si l’on se doit de saluer quelques dispositions pertinentes, comme la réforme du complément de mode de garde, la création de trois rendez-vous de prévention tout au long de la vie ou encore la gratuité de la contraception d’urgence, même sans prescription, nombreuses sont les dispositions et propositions qui bousculent nos convictions et notre conception de la solidarité nationale.
Tel est le cas de l’article 47 qui fixe une évolution de l’Ondam pour 2023 inférieure à l’inflation. La Fédération hospitalière de France (FHF) a pourtant tiré la sonnette d’alarme : « À ce stade, écrit-elle, les crédits ajoutés à l’Ondam 2022 ne compensent pas intégralement l’inflation et aucun financement ne semble prévu pour couvrir les nécessaires mesures de revalorisation […] décidées cet été ou intervenues pendant les vagues COVID. » Cet Ondam affiche donc déjà son incapacité à répondre aux besoins de santé de nos populations.
Ce texte manque d’ambition eu égard à tous les rendez-vous qu’il manque. Il est insuffisant, voire silencieux, sur certains sujets pourtant primordiaux, comme la reconnaissance de certaines maladies psychiques comme maladies professionnelles ; les politiques de prévention – investir dans la prévention, c’est pourtant faire des économies sur les dépenses de santé de demain ; la désertification médicale ; la crise des hôpitaux ; l’insuffisance des moyens alloués aux Ehpad publics.
La politique de santé environnementale n’est pas mieux appréhendée. On sait que le Ségur de la santé n’a pas tenu compte de cet enjeu, et il est frappant de voir que ce projet de loi souffre de la même carence. C’est d’autant plus regrettable que la nécessité d’intégrer à notre système de santé l’approche « Un monde, une santé » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), selon laquelle la santé et de l’environnement sont deux éléments profondément interdépendants, était l’une des leçons à retenir de la crise du covid.
Notre système de soin doit prendre en considération les affections chroniques et les affections de longue durée, car le covid a révélé la vulnérabilité particulière des personnes souffrant d’obésité, de diabète ou d’hypertension, affections hélas bien connues dans nos outre-mer. C’est vrai ! La Guadeloupe a ainsi payé un lourd tribut avec plus de 1 000 morts, une véritable hécatombe !
Monsieur le ministre, au-delà de la communication, quelle est votre volonté réelle pour faire face à la profonde crise de notre système de santé, à la pénurie de personnels médicaux et paramédicaux et à la rupture de l’égalité des chances ?
Monsieur le ministre, quelle est votre volonté réelle de faire face à la crise de l’hôpital public dans les outre-mer ? Comptez-vous assurer la réintégration des soignants ? Ils ont soigné, ils sont suspendus. Quelle est votre position sur le coefficient géographique ? Quelle est votre volonté réelle d’agir pour le grand âge ? Quel est votre plan pour permettre à la population vieillissante de trouver une place en maison de retraite sans se ruiner et sans crainte d’être maltraitée ?
La crise du covid-19 a eu sur les finances de la sécurité sociale un effet négatif : forte hausse des dépenses, baisse conjoncturelle des recettes. Mais le rééquilibrage des comptes ne peut concerner uniquement les dépenses ; il convient également de trouver des recettes au service de la solidarité.
Vous avez dit qu’il revient au Parlement d’enrichir le débat. Nous sommes prêts à le faire, même si nous avons entendu le ministre chargé du renouveau démocratique – eh oui, c’est bien son titre ! – annoncer qu’il y aurait, peut-être, un 49.3. Quoi qu’il en soit, les députés du groupe Socialistes et apparentés seront là pour enrichir le texte, au profit d’une politique sociale juste et solidaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.) La discussion générale est close.
Ayons tout de même l’honnêteté de saluer certaines des mesures figurant dans le texte de la majorité, comme l’extension du complément de libre choix du mode de garde (CMG) aux familles monoparentales – une proposition que nous avions déjà faite. Elle permettra aux parents qui ne bénéficiaient pas d’une aide financière de l’État de faire garder leurs enfants.
Je me désole, en revanche, que cet agglomérat de mesures entretienne l’idée que nous pourrions faire l’économie d’une nécessaire et salutaire bascule en faveur des Français. La santé, la famille, l’autonomie, la vieillesse sont des questions qui ne peuvent être réglées par une myriade de mesures ponctuelles dont l’importance – elle n’est pas discutable – ne soignera jamais les véritables problèmes structurels d’une politique défaillante. Ces aspects de la vie des Français méritent et doivent être traités à la racine. Chercher des solutions concrètes ne signifie pas qu’il faille les déconnecter d’une réflexion plus globale. C’est pourquoi j’avais proposé une grande loi de programmation sur la santé, afin de prendre à bras-le-corps un sujet dont le Gouvernement fait semblant de s’occuper, alors que tout reste à faire.
Parmi les dispositions disparates, figurent des mesures qui accéléreront la perte de souveraineté de notre pays en matière sanitaire. Je pense, bien évidemment, au secteur du médicament, en grande difficulté depuis 2007, et où – il faut bien le dire – les mauvaises nouvelles s’amoncellent. La surtaxation des entreprises concernées ne fera qu’aggraver leur situation, déjà très obérée par l’absence de patriotisme économique. Les pôles consacrés à la recherche et au développement des industries de santé, à l’importance fondamentale, s’implantent désormais dans d’autres pays que le nôtre. Les pénuries de médicaments illustrent les risques de dépendance qui pèsent sur les Français. En effet, les grandes problématiques de santé publique ne se résoudront que grâce à l’innovation scientifique, sur laquelle, bientôt, nous n’aurons plus la main.
Oui, tout reste à faire.
Contrairement à ces mesures éparses, notre vision du modèle social repose sur trois piliers : une juste rémunération du travail, une réforme des retraites à l’opposé de celle que vous proposez,… Pas du tout ! …reposant sur le principe « travailler plus tôt, c’est travailler plus dur, donc partir plus tôt »,… Aucun intérêt ! …ainsi que l’instauration de la priorité nationale.
Il s’agit de réserver la protection sociale non contributive aux seuls Français, quelles que soient leurs origines. Les allocations contributives devraient être allouées aux étrangers pouvant arguer de cinq ans de travail à temps plein sur le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En outre, le personnel soignant pâtit régulièrement de la bureaucratie excessive du système de santé. Nous avions donc proposé la suppression des agences régionales de santé (ARS), dont la crise sanitaire a montré l’inadaptation technocratique aux réalités du terrain. Elles constituent la quintessence d’une organisation aberrante et néfaste pour l’hôpital public et représentent donc une épine dans le pied pour tout le système de santé. Permettez-moi encore de rappeler cette évidence : un secteur aussi complexe que celui la santé ne peut être dirigé par une administration calquée sur une organisation territoriale – en l’occurrence, régionale.
Au-delà des ARS, la débureaucratisation de l’hôpital public demeure une urgence vitale. J’avais à cet égard proposé une gouvernance hospitalière mixte, associant à parts égales médecins et administrateurs. Très bien ! La santé n’est pas une discipline comptable, qui se suffirait de quelques mesures qui tenteraient en vain de la faire tenir en équilibre, année après année. La protection sociale n’est pas une entité abstraite, sur laquelle de vieux schémas politiques peuvent s’appliquer. La santé et la protection sociale sont deux sujets politiques majeurs, et même deux piliers du modèle français auxquels nos compatriotes sont unanimement attachés. Vous n’avez fait que les affaiblir et les fragiliser, tout au long de vos années de mandat. Le constat est implacable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Damien Maudet. La cravate et la veste, ce sont tout de même un minimum ! « Ce que révèle cette pandémie, c’est que la santé gratuite, sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre État providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. » Ces mots sont ceux d’Emmanuel Macron, en 2020. Ils donnaient de l’espoir. En effet, si le covid a été un moment de souffrance pour beaucoup de personnes, il a aussi soulevé un espoir chez les soignants. Ils ont pu penser qu’Emmanuel Macron serait à la hauteur des besoins de l’hôpital et que c’en serait fini du Président méprisant, de celui qui leur expliquait qu’il n’y a aucun problème financier mais seulement des problèmes d’organisation, et à qui ils reprochaient de ne rien faire pour l’hôpital. Nous aurions dû nous méfier. Comme l’a dit Clemenceau : « On ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre… …et après la chasse. » Nous étions en guerre, et le Président était obsédé par sa réélection ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Au-delà des mots, que s’est-il réellement passé ? Les soignants ont tenu. Avec des sacs-poubelles, en comptant les masques, en tricotant des blouses. Mais ils ont tenu et on ne les remerciera jamais assez.
Par contre, le Gouvernement a trahi. Oui, vous avez trahi ! Les plans hospitaliers n’ont pas cessé, les restrictions ont continué et les soignants partent – vers le libéral ou vers l’intérim, s’ils ne changent pas de métier –, à tel point qu’en 2021, le Conseil scientifique expliquait que 20 % des lits étaient fermés, faute de personnels.
À tel point que même dans les services de réanimation, la Cour de comptes relevait en 2021, qu’« entre juillet et octobre 2020, […] aucune décision n’a été prise qui pourrait indiquer que les pouvoirs publics envisageaient une évolution. » Pire, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 5 700 lits d’hospitalisation complète ont été fermés en 2020, tandis que 4 300 l’ont été en 2021. En tout, 21 000 lits ont été fermés sous le quinquennat d’Emmanuel Macron ! C’est un scandale ! Vous avez voté pour lui ! Vous avez voté pour Macron, vous le saviez ! Vous nous proposez aujourd’hui de dialoguer et de faire des économies. Après le cataclysme sanitaire, après les fermetures de lits et celle des services d’urgence cet été, après les plans blancs, vous prétendez nous arroser de missions flash et de concertations ! Vous voulez nous faire croire que vous souhaitez le débat alors que vous vous apprêtez à piétiner l’Assemblée nationale, en sortant l’article 49.3. En vérité, tout est déjà écrit et vous ferez passer en force des économies. Il faut que les Français le sachent : alors que, chaque année, les besoins en matière de santé augmentent, vous décidez de faire dès 2024 3 milliards d’euros d’économies sur l’hôpital. Traduction : vous poursuivez votre chemin vers le nouveau krach sanitaire, comme s’il n’y avait pas eu le covid,… C’est une indignation à géométrie variable ! …ni de fermetures des urgences cet été, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes ! Vous qui vantez sans cesse votre légitimité pour conduire les pires réformes – notamment celle des retraites –, qui vous a donné mandat pour détruire l’hôpital public ? Vous ! Notre Constitution garantit la santé pour toutes et tous : vous êtes en train de la bafouer !
Ce texte aurait dû être un tournant pour la santé. Après tous les beaux discours pendant la crise du covid, vous deviez aux Français un renforcement de notre système de santé : vous deviez mettre fin au management toxique et financer l’hôpital sans l’étouffer, pour ne pas l’obliger à choisir entre des bâtiments et des humains, ni entre un malade ou un autre. Vous auriez pu aussi penser à réintégrer les soignants qui ont été mis dehors, et dont nous avons besoin, à recruter des personnels supplémentaires et à leur donner les moyens et l’envie de rester. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Au lieu de quoi, vous avez préféré faire des économies. Quelles en seront les conséquences ? Celles du vote Macron au deuxième tour de l’élection présidentielle ! Nous vous épargnerons les concertations, dont vous ne voulez pas vraiment, sinon vous vous engageriez à ne pas utiliser le 49-3.
Mes collègues et moi-même avons rencontré les hospitaliers : les soignants sont à bout et les deux tiers d’entre eux risquent le burn-out. Ils partent. Je peux vous parler d’Emma, de l’hôpital Saint-Louis à Paris, qui, à 25 ans, était déjà l’une des plus vieilles du service trois mois après sa prise de fonction ; elle a mal au dos et consulte un psy. Ou de Stéphane à Limoges qui, lui, passe son temps à s’excuser auprès des patients car il n’a pas les moyens de faire correctement son travail. Le Canard enchaîné nous a appris, il y a deux jours, que des enfants franciliens – ils pourraient être les nôtres – étaient envoyés à 200 kilomètres de chez eux pour être soignés, faute de place dans les hôpitaux parisiens. Cet été, comme cela est tristement et souvent le cas, des patients ont attendu soixante-quinze heures sur des brancards, et, parfois, y sont morts. À Orléans, un médecin des urgences est venu pour me faire entendre un souffle, celui d’une dame qui était en train de mourir dans les couloirs : « nous n’aurions rien pu faire, mais si nous avions été assez nombreux, nous aurions au moins fait en sorte qu’elle meure dans une chambre, dignement et pas à la vue de tout le monde ; j’ai peur que cela devienne notre quotidien, monsieur le député ».
Cette réalité, vous la connaissez, monsieur le ministre, mais vous continuez. Voici ce que vous avez signé, en 2019 : « Un plan Macron pour les urgences s’impose, pour que les urgentistes ne soient plus les funambules d’un système de soins abandonnique, pour que l’hôpital public retrouve sa place en tant que pilier de la République. L’avant-garde de l’hôpital et souvent du système de soins vous alerte sur cette nécessité historique. L’hôpital public brûle à petit feu, les soignants sont sacrifiés sur l’autel d’une finance aveuglée par l’activité et une tarification désuète. » Aujourd’hui, par la force, grâce au 49.3, vous vous apprêtez à poursuivre la destruction de l’hôpital, celui-là même que vous appeliez « un pilier de la République ». Exactement ! À qui la faute ? Ce pilier, je crains qu’il ne cède. Cette semaine encore, j’ai été interpellé par des soignants à bout, parfois démissionnaires. Voici ce qu’ils m’ont dit : « C’est toute une administration qui se casse la figure. Lorsque, le soir, j’arrive au boulot, je ne sais pas combien on va être et, si les femmes n’étaient pas suffisamment nombreuses à midi, on risque de se faire bouffer par le travail ; c’est trop de pression psychologique, on ne peut plus faire notre travail correctement. Monsieur le député, je me suis engagé à l’hôpital pour des valeurs, mais il les a trahies, alors, comme d’autres avant moi, je m’en vais. Si vous voyez le ministre, remettez-lui ma blouse. » Monsieur le ministre, cette blouse, je vous l’ai apportée. (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Mmes et MM. les députés des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES applaudissent également.) La parole est à M. Thibault Bazin. Les apparences du dossier de presse du Gouvernement sont parfois trompeuses. Il y a comme un écart entre les autosatisfactions et la réalité des impasses budgétaires, des renoncements à réformer. Pour le premier PLFSS de ce quinquennat, à l’heure où tant de défis sont à relever, vous semblez avoir manqué ce rendez-vous, avoir manqué de courage et de volonté. Bien sûr, il y a quelques avancées, que je ne nie pas.
Mais relevez-vous le défi des réformes nécessaires pour améliorer notre système en profondeur ? Non, aucune réforme structurelle.
Relevez-vous le défi de la soutenabilité financière de notre modèle de protection sociale ? Non. Les trajectoires budgétaires sont inquiétantes.
Relevez-vous le défi d’une plus grande justice sociale en luttant contre toutes les fraudes ? On ne peut nier les avancées – vous reprenez enfin certaines de nos propositions –, mais elles restent bien insuffisantes, avec un manque de volontarisme en la matière. Il faut aller plus vite et plus fort.
Relevez-vous le défi du grand âge ? Non, la grande réforme est encore reportée.
Relevez-vous le défi du rétablissement d’une politique familiale ambitieuse ? Pas du tout ! Non.
Pire, vous intensifiez les coups de rabot. Je vous le dis avec gravité : il est encore temps de corriger votre copie, car ce qui sous-tend ce projet de loi, c’est un manque criant de vision pour l’avenir de notre système de protection sociale, menacé par son endettement. L’équilibre budgétaire de la sécurité sociale est pourtant la condition sine qua non de sa pérennité. La Cour des comptes fait le même constat dans son dernier rapport, et ce « au détriment des générations futures ».
Soutenir notre modèle de protection sociale, ce n’est donc pas laisser le déficit devenir structurel. Les projections budgétaires sont d’autant plus préoccupantes qu’elles tiennent compte de prévisions particulièrement optimistes.
À défaut de réformes structurelles, notamment pour réduire le poids de la bureaucratie, le Gouvernement impose des économies aux mauvais endroits.
D’abord, vous proposez d’économiser plus de 1 milliard d’euros sur les médicaments, prenant ainsi le risque de pénaliser l’attractivité de la France, sa réindustrialisation et, bien plus grave encore, l’accès des patients aux médicaments. Ensuite, vous demandez aux laboratoires d’analyses médicales, dont la mobilisation a été exemplaire lors de la crise sanitaire, d’économiser encore 250 millions d’euros, prenant ainsi le risque d’accentuer la fracture médicale. En effet, la présence des laboratoires indépendants dans nos territoires permet aujourd’hui le maintien d’un réel maillage pour l’accès aux soins.
De surcroît, en imposant cette baisse sans dialogue, vous renouez avec un autoritarisme qui n’est pas sans rappeler celui dont vous aviez usé en 2017 concernant l’imagerie médicale, elle-même appelée à subir un coup de rabot de l’ordre de 150 millions d’euros. Pourtant il s’agit là aussi d’un vecteur essentiel de prévention.
Chers collègues, au-delà de l’absence d’équilibre budgétaire garanti, absence critiquable dans un projet de loi de financement, ce qui se dessine à travers ce PLFSS, c’est aussi le quadruple échec du Gouvernement.
Premièrement, échec à rétablir une politique familiale ambitieuse. Soutenir les familles, ce n’est pas ponctionner 2 milliards d’euros d’excédents de la branche famille. Ce n’est pas non plus réserver les aides supplémentaires aux seules familles monoparentales. Il faut donc vous reconnaître une certaine continuité : une nouvelle fois, comme depuis cinq ans, depuis dix ans même, les familles sont les grandes oubliées. Or, en France, depuis dix ans, la natalité a chuté alors que le désir de maternité y est resté stable.
Deuxièmement, échec à relever le défi du grand âge qui s’inscrit dans la droite ligne des reports successifs de la loi grand âge. Il y a pourtant urgence à apporter une réponse structurelle au grand défi que constitue le vieillissement de notre société.
Troisièmement, échec concernant la prévention, au-delà des annonces contenues dans ce projet, peu articulées en termes de moyens si l’on en juge par les difficultés de la protection maternelle et infantile (PMI), de la médecine scolaire, de la médecine du travail, de la médecine de premier recours.
Enfin, quatrièmement, échec à apporter un soutien effectif à notre système de protection sociale face à la forte inflation. Je pense en particulier à la situation des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) révisé ne couvrirait en effet l’inflation qu’à hauteur de 60 %. Une meilleure correction pour 2022 était et demeure nécessaire pour ces établissements.
Vous l’aurez compris, tant de défis ne sont pas relevés, tant d’acteurs du Ségur de la santé restent oubliés, tant d’attentes légitimes pour mieux soutenir les familles, les personnes en situation de handicap, les aînés, ne sont pas satisfaites.
Nous fondons donc beaucoup d’espoirs dans nos débats pour corriger en profondeur votre projet afin d’améliorer la situation du pays. Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, monsieur le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, madame la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, je vous le demande instamment : ne passez pas en force précipitamment, laissez-nous le temps d’examiner l’ensemble de ce PLFSS, étudiez nos propositions, cela dans le souci de l’intérêt général. Il y va de l’avenir du système de sécurité sociale, de la cohésion nationale et de la souveraineté sanitaire. (M. Yannick Neuder applaudit.) La parole est à M. Nicolas Turquois. Après l’intervention pleine de verve de notre collègue Philippe Vigier sur la partie médicale, je concentrerai mon propos – plus sage – sur la partie de ce PLFSS relative au secteur médico-social et à la politique familiale. Sur ces deux aspects de la protection sociale, le texte comporte plusieurs dispositions intéressantes et pour certaines attendues de longue date.
La politique familiale a toujours été une priorité du groupe Démocrate – force de proposition pour l’ensemble des budgets de la sécurité sociale au cours de la dernière législature. Pour l’année à venir, nous nous réjouissons de voir que le soutien aux familles et aux enfants figure en bonne place dans le texte.
La réforme du barème du complément de libre choix du mode de garde permettra aux familles n’ayant pas trouvé de place en crèche de faire garder sans surcoût leurs enfants par une assistante maternelle ou une garde à domicile. Cette mesure engendrera une économie concrète pour ces familles et dynamisera l’emploi du secteur. À cela s’ajoute l’extension du bénéfice de ce dispositif jusqu’aux 12 ans de l’enfant pour les familles monoparentales. Cette proposition défendue par notre groupe lors de la dernière législature trouve enfin une traduction législative, c’est une excellente nouvelle pour de nombreux parents, en particulier pour les femmes seules ne bénéficiant pas de solutions de garde.
Toutefois, ces mesures positives ne doivent pas faire oublier l’impérieuse nécessité d’étoffer le nombre de places disponibles en crèche et dans d’autres structures dont notre pays manque cruellement. Monsieur le ministre, l’ambition a été affichée de créer 200 000 nouvelles places d’ici à 2030. Quels seront les voies et moyens qui permettront d’atteindre cet objectif ? C’est une très bonne question ! Comme je l’ai rappelé au début de mon intervention, notre famille politique a toujours défendu une politique familiale juste, universelle et ambitieuse. C’est important, l’universalité ! C’est la clé de voûte de la pérennité de notre société, grâce à une démographie forte et aux externalités positives qui en découlent.
Les dernières données statistiques sur le nombre de naissances sont inquiétantes et la tendance ne semble pas s’améliorer. Or les défis qui nous attendent sont nombreux avec, notamment, le vieillissement de la population et ses conséquences sur le financement du système de retraite. Il s’agit donc de faire de la politique familiale un enjeu majeur pour que la société française de demain reste dynamique et au premier rang des nations qui contribuent à l’évolution du monde. Monsieur le ministre, vous nous trouverez à vos côtés pour défendre cette ambition.
Ce PLFSS comporte également un volet médico-social dense. Tout d’abord, il tire les conséquences des récentes révélations sur la gestion des Ehpad privés, révélations qui ont suscité l’indignation sur l’ensemble des bancs de notre assemblée. Nous saluons ainsi le renforcement des mécanismes de contrôle et de sanction absolument nécessaires. Il s’agit pour cela de déployer des moyens humains importants pour contrôler les établissements sur place mais aussi analyser des circuits de financement parfois occultes. L’adoption d’amendements de l’opposition en commission a d’ailleurs permis d’étoffer les possibilités de sanction. Comme quoi, lorsque les propositions sont pertinentes nous sommes tout à fait prêts à les accepter. Jusqu’au prochain 49.3 ! La question du grand âge et de la dépendance est, depuis 2020 et la création de la branche autonomie, centrale dans les PLFSS. Si des financements pérennes sont déployés au fil des ans, il est impératif de poursuivre sur cette voie afin notamment d’accélérer le virage domiciliaire voulu par une majorité de nos concitoyens. Pour trouver ces financements, il nous faudra forcément dégager des ressources très importantes, ce que permettra, au-delà même de la question de l’équilibre des régimes, une réforme des retraites juste et bien calibrée. N’importe quoi ! Vieillir chez soi passera par une montée en charge des services de soins à domicile et donc par un renforcement massif de l’attractivité des métiers. Si les premiers jalons posés ces deux dernières années vont dans le bon sens, notamment avec la fixation de tarifs planchers, il reste encore beaucoup de travail. Travail qui nécessitera un dialogue constant avec les départements. Cette démarche de coconstruction a déjà porté ses fruits et nous ne doutons pas que le Gouvernement poursuivra dans ce sens. Par exemple, la création d’un guichet unique dans les territoires est une excellente initiative qui doit pouvoir être déployée rapidement. M. le ministre a annoncé l’accélération de la mise en œuvre de ce dispositif – nous la soutenons totalement.
Néanmoins, si les questions financières doivent être traitées dans le PLFSS, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un texte de loi ad hoc qui devra régler l’ensemble des questions relatives à l’organisation territoriale, à la définition des rôles des parties prenantes ainsi qu’à la gouvernance.
En conclusion, ce PLFSS poursuit les efforts engagés sous la précédente législature pour soutenir et développer un secteur médico-social trop longtemps laissé pour compte par les majorités précédentes. Il y a encore beaucoup de pain sur la planche mais nous sommes pleinement mobilisés, aux côtés du Gouvernement, pour atteindre les objectifs fixés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit également.) Des objectifs ambitieux… La parole est à M. Arthur Delaporte. C’est vertigineux. Hier après-midi, alors que les membres de la commission des affaires sociales commençaient l’examen de la mission Travail et emploi du projet de loi de finances, la Première ministre franchissait la porte de cet hémicycle pour déclencher le 49.3 sur ce même texte. Et nous devions continuer nos travaux, comme si de rien n’était, alors qu’à quelques mètres de nous, le Gouvernement sonnait le glas de l’examen du texte sur lequel nous étions en train de débattre. Le Gouvernement a interrompu une discussion au cours de laquelle moins d’un quart des amendements qui devaient être examinés l’ont été, enterrant d’un même mouvement les rares avancées majeures votées par notre assemblée souveraine, à commencer par le crédit d’impôt en faveur des résidents en Ehpad. C’est vrai que vous, vous ne l’avez jamais utilisé, le 49.3 ! J’aurais également pu citer le crédit d’impôt en faveur des bénévoles des associations qui font tant pour compenser les défaillances de l’État dans cette période de crise – par le biais d’un amendement que j’ai défendu l’été dernier lors des débats sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, amendement alors rejeté avant d’être adopté vendredi dernier, donc, puis à nouveau supprimé du texte par le Gouvernement… Ces choix révèlent la nature de votre politique sociale, celle que nous évoquons en ce moment même : injuste, brutale et parfois déconnectée du terrain. Bref, des semaines de travail parlementaire ont été hier réduites à néant. C’est faux, vous le savez bien ! Nous ne pouvions dès lors, par effet de symétrie, que nous poser la même question qui nous taraude tous et toutes, membres de la majorité comme de l’opposition : à quoi servons-nous, à quoi servent ces débats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous avons discuté de façon très constructive en commission. Maintenant, que restera-t-il de… …« nos amours ? » …de notre travail en séance ?
Y aura-t-il seulement un examen en séance ?
Il nous faut pourtant continuer de débattre et de faire « comme si ». Comme si aucune épée de Damoclès n’était suspendue sur nos têtes, comme si cette discussion avait un sens, comme si vous alliez laisser le Parlement légiférer librement, en respectant les principes de coconstruction que vous aviez vous-même annoncés au début de la législature.
Alors de quoi devons-nous parler ? Ou plutôt : de quoi devrions-nous parler ? De l’essentiel, de ce qui importe pour le pays, de ce qui nous soude, de l’État, de la sécurité sociale et de son financement. À l’heure même où votre politique, avec l’examen au Sénat de la réforme de l’assurance chômage votée ici la semaine dernière, menace l’édifice du paritarisme, entérine le recul de droits sociaux fondamentaux, en plein milieu d’une crise profonde du « bien vivre » et de l’effondrement du pouvoir d’achat en raison de l’inflation.
Alors, puisqu’il nous faut finalement nous résoudre à débattre dans le vide, je souhaite profiter du maigre temps dont nous disposons pour évoquer les vides du texte, les absents et les oubliés qui auraient pu être intégrés voire réintégrés dans nos débats (Mme Nathalie Oziol applaudit) – débats que vous allez certainement interrompre de nouveau.
Ces oubliés, ce sont d’abord des oubliées. Vous aviez promis en 2017 de faire de l’égalité femmes-hommes une grande cause du quinquennat. Les femmes attendront encore ! Mais quid des protections périodiques gratuites pour lutter contre la précarité menstruelle, gratuité en vigueur dans d’autres pays ; quid du financement du grand plan – évoqué en commission – de lutte contre l’endométriose, encore une promesse du Président de la République ;… En effet ! … quid des mesures fortes pour permettre l’amélioration des droits à la santé sexuelle et reproductive,… Qui a instauré la gratuité de la contraception au cours de la précédente législature ? …– n’était, certes, l’amélioration de l’accès à la contraception d’urgence, que nous saluons ; quid des revalorisations et de l’amélioration des conditions de travail des assistantes maternelles, des aides à domicile, des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), des travailleuses des Ehpad ?
Oubliés les recrutements nécessaires pour alléger la tâche et la souffrance des métiers du soin à la personne, majoritairement féminins – faut-il le rappeler ? –, précaires, à temps partiel. Refusés les ratios pour améliorer l’offre de soin en faisant en sorte qu’il y ait en France, comme en Australie ou en Californie, un nombre minimal d’infirmières par patient pour mettre fin au sous-encadrement et donc à l’épuisement des personnels. Oubliés, également, ces femmes et ces hommes, ces travailleurs qui sont le pilier de notre système de santé et des solidarités, ces travailleurs oubliés du Ségur de la santé. Ce sentiment d’abandon, d’oubli, il n’est pas une journée sans qu’ils nous le rappellent, dans le Calvados comme partout en France.
Les oubliés du Ségur et des accords Laforcade, qui pourtant promettaient la revalorisation des carrières de ceux que l’on a admirés pendant le covid, cet effacement, ils le ressentent et elles le ressentent au quotidien.
Bref, ce texte, manifestement insuffisant – j’aurais pu ajouter aux vides recensés celui du handicap –, est insatisfaisant. Nous sommes, j’y insiste, face à un vide vertigineux, l’éventuelle application du 49.3 nous contraignant à l’absence d’échanges de points de vue. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Bravo, monsieur Delaporte ! Excellent ! La parole est à M. Frédéric Valletoux. Enfin quelqu’un qui sait de quoi il parle ! Chacun le vit dans sa circonscription : les difficultés d’accès aux soins sont devenues une réalité et l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. À cet égard, il est fascinant de constater, depuis ce matin, l’amnésie qui a gagné de nombreux rangs de l’opposition – surtout à gauche –, et d’assister aux leçons de morale de ceux qui, au jeu de « la faute à qui ? », tentent de faire accroire que notre système de santé ne se serait délité qu’à partir de 2017. Exactement ! Soyons humbles et surtout honnêtes : nos compatriotes payent plein pot l’accumulation de trente ans de décisions politiques et administratives malheureuses, de sous-investissement chronique, de déconsidération progressive des professions du soin et de l’accompagnement des plus fragiles.
Mais il n’y a pas que cela. S’agissant aussi bien des soins que de la prise en charge de nos aînés, les gouvernements antérieurs ont également trop souvent baissé la garde face aux professionnels et à leurs lobbies, davantage préoccupés par la défense de facilités catégorielles que par celle de l’intérêt général. (« Oui ! » sur les bancs du groupe Dem.) La réalité est aujourd’hui brutale : 11 % de la population est sans médecin traitant et les déserts médicaux créent un terrible renoncement aux soins, lequel est certainement sous-évalué étant donné que personne ne peut le mesurer précisément.
Si nous assistons depuis tant d’années au délitement de notre système de santé, ayons, là encore, l’honnêteté collective de reconnaître qu’il y a depuis 2018 une indéniable volonté de redressement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Il sait de quoi il parle ! En cela, ce PLFSS pour 2023 constitue un pas supplémentaire dans un continuum qui va dans le bon sens. Il s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie Ma santé 2022, de la relance massive de l’investissement hospitalier, de la fin – enfin – du numerus clausus, d’une meilleure reconnaissance des carrières hospitalières grâce au Ségur de la santé, et de l’accompagnement financier réel des hôpitaux ces dernières années, notamment pendant la crise.
Nous voyons ainsi se dessiner le chemin de redressement voulu par Emmanuel Macron depuis 2018, destiné à remettre d’aplomb notre système de santé et notamment notre appareil hospitalier qui, déjà fragile, a été tant malmené par la crise sanitaire.
Tout cela prendra du temps : nous le savons bien. Malgré la suppression du numerus clausus, nous ne retrouverons pas avant 2032 le nombre de médecins qui étaient en exercice en 2020. Dans ce domaine également, nous avons conscience que beaucoup de difficultés sont encore devant nous.
C’est dans cette trajectoire de redressement que s’inscrit le Conseil national de la refondation, voulu par le Président de la République. Il s’agit d’une démarche ambitieuse, dont l’utilité sera renforcée si elle débouche sur des réformes audacieuses et des mesures fortes, profondes et durables.
Je citerai quelques-unes de ces mesures.
Nous devrons d’abord améliorer l’attractivité des métiers et des carrières : je pense avant tout aux personnels hospitaliers, mais cela devra plus généralement concerner tous les soignants. Dans la continuité de ce qui a déjà été accompli, les rémunérations devront continuer de progresser pour mieux tenir compte de la technicité des métiers, du poids des responsabilités managériales et des contraintes qui pèsent sur les personnels.
Ce changement de paradigme doit également nous amener à repenser le financement de notre modèle, avec l’ambition de mieux réguler les budgets que notre nation consacre à notre système santé. Nous n’avons pas à rougir dans ce domaine, bien au contraire, mais il est urgent de mieux réguler ces dépenses et de valoriser les actes pertinents, c’est-à-dire ceux réellement utiles à l’amélioration de la santé de nos concitoyens.
Il s’agit, en somme, d’anéantir les rentes et les actes inutiles et de réinjecter ces ressources au service de la qualité des soins – actes inutiles, ou redondants qui, selon certaines études, représentent jusqu’à 30 % des dépenses de santé. La maîtrise des dépenses de santé permettra leur meilleure affectation et, ainsi, de contribuer à l’établissement d’un système de soins efficient, de qualité, pour le plus grand nombre et sur tout le territoire.
Ce remède puissant, que nous appelons de nos vœux, devra enfin avoir pour ambition de renforcer la complémentarité entre la médecine de ville et la médecine publique, complémentarité qui passera inévitablement par un rééquilibrage des droits et des devoirs de chacun et par un meilleur partage de la mission d’intérêt général de santé publique.
La baisse continue du nombre de médecins participant à la permanence des soins doit nous interpeller. Moins de médecins participant aux gardes, cela signifie l’épuisement de ceux qui tiennent encore le cap et qui se sentent de plus en plus seuls. Moins de médecins participant aux gardes, ce sont aussi davantage de patients sans réponse ou n’obtenant que des réponses partielles. C’est pourquoi je considère comme essentielle la participation de tous les personnels à la permanence des soins.
Ma conviction, qui est partagée par le Gouvernement, est que nous sommes au pied du mur : nous savons qu’il faut redoubler d’efforts pour redresser notre système de santé, essentiel à notre pacte républicain. Ce PLFSS représente un pas supplémentaire, un pas positif : le chemin reste long, mais vous pouvez compter sur le groupe Horizons pour le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Frédéric Maillot. Sans doute comme l’ensemble de mes collègues des outre-mer, mon premier réflexe, à la réception du PLFSS pour 2023, a été de vérifier qu’il reprenait bien l’engagement du Président de la République, annoncé en janvier dernier, d’adapter le financement de nos établissements de santé aux surcoûts qu’ils supportent réellement. Las, zéro ! Nulle trace de la revalorisation du coefficient géographique dans les cinquante-trois articles du texte, et ce malgré l’inflation, malgré le covid-19, malgré la cherté du fret et, donc, malgré l’engagement présidentiel – même si nous y sommes habitués. Fâcheux ! Nous venons d’apprendre qu’une enquête statistique est en cours, ce qui nous fait craindre un nouveau retard, voire l’absence de revalorisation, tant les reports se sont succédé ces dernières années.
Ce PLFSS affiche la volonté de rééquilibrer la politique de santé, en développant la dimension préventive grâce à des consultations médicales gratuites aux âges clés de 25 ans, 45 ans et 65 ans. Cette mesure générale, intéressante en soi, devra toutefois, pour être efficace, se décliner au niveau régional, afin de tenir compte des fortes inégalités sociales et territoriales face à la maladie. Elle nécessitera aussi de s’articuler avec des actions ciblées et de proximité contre les facteurs de risques que sont la consommation de tabac et d’alcool, et l’obésité.
La nécessité d’une approche différenciée m’amène dès à présent à proposer que l’apparition des maladies chroniques soit abordée dans les outre-mer dès la première consultation, entre 20 et 25 ans. En effet, la surprévalence de ces pathologies dans nos régions rend nécessaire une prévention et un dépistage plus précoces. La Réunion enregistre le plus fort taux de personnes atteintes de diabète de type 2 en France et les complications y surviennent plus tôt dans la vie des patients. Ainsi, nous détenons le triste record national s’agissant du taux d’amputation. Et pourtant, les fast-foods ne cessent d’ouvrir dans mon département.
La progression continue de cette maladie, les bouleversements qu’elle provoque dans les existences, mais aussi, dans la mesure où il s’agit d’une maladie métabolique, la possibilité d’agir bien en amont, justifient amplement que le diabète fasse l’objet à La Réunion d’un plan de prévention régional. Il est urgent à la fois de mieux en comprendre les causes, de renforcer la prévention, et d’agir sur tous ses déterminants.
Il est d’ailleurs paradoxal que les territoires les plus touchés par les grandes pathologies chroniques, et qui doivent lutter contre des phénomènes d’addiction et leurs conséquences douloureuses – particulièrement l’alcoolisation fœtale –, soient encore moins bien dotés que les autres en matière de médecine préventive. En effet, les moyens consacrés à la prévention dans les outre-mer sont deux fois moins importants qu’en France continentale. Ainsi, l’objectif d’égal accès à la prévention risque d’être un vœu pieux sans une démarche volontariste des pouvoirs publics.
Par ailleurs, à son tour, ce PLFSS entend lutter contre les déserts médicaux, avec une mesure qui, c’est le moins que l’on puisse dire, suscite bien des remous chez les internes en médecine concernés. Dans ce contexte, il est difficile de ne pas évoquer la situation des soignants non vaccinés et interdits d’exercer depuis près d’un an – certains le seront même à perpétuité, si l’on se réfère au plan de départ exceptionnel que le Gouvernement vient de proposer aux Antilles et en Guyane, lequel a été rejeté par les syndicats et les collectifs de personnels.
Entre la détérioration de l’offre de soins dans des territoires déjà sous tension – je rappelle que la Guyane et Mayotte sont les premiers déserts médicaux de France – et la présence de soignants respectant un strict protocole sanitaire avec la présentation régulière de tests de dépistage négatifs, la question de la réintégration des soignants ne me semble pas représenter un choix cornélien. Mes chers collègues, si vous saviez combien il est difficile de trouver un médecin à La Réunion pour constater un décès !
Améliorer l’accès de tous aux soins, c’est aussi faciliter l’accès aux médicaments. Or, depuis 2020, la pénurie de médicaments augmente à La Réunion, comme ce fut le cas, récemment, s’agissant des sirops antitussifs. Le désordre du fret maritime mondial est évidemment un facteur d’explication, mais il faut aussi pointer l’insuffisance de plus en plus fréquente de réserves de médicaments. En effet, contrairement aux grossistes-répartiteurs, les laboratoires et leurs dépositaires vendent de plus en plus fréquemment aux officines de manière directe, et ce sans être soumis aux obligations de service public, dont celle de disposer de quinze jours de stocks.
Présenté comme un PLFSS post-covid, celui-ci n’en porte pas la trace s’agissant des investissements, pas plus qu’il n’apporte une réponse aux besoins en personnels. Nous vous réclamons donc plus de moyens, non par pure opposition, mais parce qu’il y a des vies à préserver et à sauver en outre-mer et en France métropolitaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et SOC.) La parole est à M. Marc Ferracci. Je souhaite évoquer la manière dont ce PLFSS s’insère dans la stratégie économique et sociale de la majorité présidentielle. Ce texte confirme le redressement spectaculaire des comptes sociaux en 2021 et 2022, redressement d’autant plus remarquable qu’il s’est accompagné d’un maintien de l’effort pour la protection de la santé et de l’emploi de nos concitoyens.
Reconnaissons-le, la situation et l’évolution de nos comptes sociaux s’expliquent d’abord par une forte hausse des recettes. Celle-ci est due au rebond qui accompagne la sortie de la crise liée au covid-19, mais aussi, n’en déplaise à certaines des oppositions, à la stratégie de réformes du Gouvernement depuis cinq ans.
Depuis 2017, ce sont 1,5 million d’emplois qui ont été créés, portant le taux d’emploi à un pic historique. Dans le même temps, le taux de chômage a atteint son plus bas niveau depuis quinze ans. Cette baisse a un double effet positif sur les comptes sociaux : d’une part, la diminution des dépenses et, d’autre part, la croissance des recettes, grâce à la création d’emplois ainsi qu’à l’amélioration des salaires.
Cela illustre bien la stratégie globale qui est et doit rester la nôtre pour renforcer notre modèle social : tout faire pour accroître l’emploi et réduire le niveau du chômage. C’est à cette condition que nous renforcerons le pouvoir de négociation des travailleurs et que nous permettrons une augmentation durable et constante des salaires.
L’article liminaire du PLFSS présente pour les administrations de sécurité sociale un solde excédentaire de 0,5 % du PIB pour 2022 et de 0,8 % pour 2023. Cet article constitue l’une des innovations introduites par la loi organique du 14 mars 2022 : je salue à cet égard le travail de notre collègue Thomas Mesnier, qui a fortement œuvré à ce sujet.
Notons que l’annexe 8 au présent PLFSS, issue de ce nouveau cadre organique, renseigne sur la situation de l’assurance chômage et des retraites complémentaires. Si ces régimes ne font pas partie à proprement parler des lois de financement de la sécurité sociale, il est parfaitement légitime que les informations à leur sujet soient mises à la disposition des parlementaires, étant donné que des millions de Français y sont affiliés.
Cette annexe nous permet de constater que grâce à l’amélioration du marché du travail, l’assurance chômage devrait connaître un excédent de trésorerie de 4,1 milliards d’euros en 2022 et de 4,5 milliards en 2023 – excédents qui permettront de réduire la dette de l’Unedic, ce dont nous devons collectivement nous réjouir.
S’agissant du régime de l’assurance chômage, nous aurons à discuter d’un nouveau cadre de gouvernance dans les prochains mois, au terme de la négociation interprofessionnelle qui s’ouvrira l’année prochaine. Cela a été demandé il y a deux semaines lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, et j’y souscris, la représentation nationale doit y être pleinement associée.
Il convient toutefois de se montrer lucide car, s’agissant de l’avenir de nos comptes sociaux, les prévisions apparaissent plus sombres. En 2026, si rien n’est fait pour y remédier, le déficit de l’ensemble des comptes atteindra près de 12 milliards d’euros, en raison notamment du déficit de l’assurance vieillesse qui s’élèvera à environ 16 milliards.
Cette trajectoire confirme le diagnostic posé par le Conseil d’orientation des retraites en septembre. C’est pourquoi il est indispensable de mener une réforme des retraites ambitieuse.
Nous le savons, le taux d’emploi des seniors est plus faible dans notre pays que chez nos voisins. Les concernant, l’enjeu est de faire remonter la durée d’activité effective, tout en traitant différemment celles et ceux qui ont eu des carrières longues et des métiers pénibles. C’est à cela que doit mener la concertation lancée il y a quelques jours par le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion avec les partenaires sociaux.
Au-delà de cette réforme indispensable, la consolidation de notre protection sociale dans toutes ses composantes nous impose de nous rapprocher du plein emploi. Les résultats obtenus lors du quinquennat écoulé rendent crédible cette ambition, mais il ne faut pas s’y tromper : atteindre l’objectif sera difficile, d’autant plus qu’à mesure que le chômage baisse, les personnes qui restent privées d’emploi présentent des difficultés de plus en plus lourdes, réclamant des actions plus fortes pour leur permettre de trouver ou de retrouver un travail. Il faut donc continuer à agir, et en particulier continuer à transformer notre marché du travail, pour faire baisser le chômage et faire reculer la pauvreté car, je l’affirme et le répète, celle-ci est d’abord et avant tout la conséquence du sous-emploi.
Il faut limiter les postes vacants et, pour cela, accroître les incitations au retour à l’emploi : c’est le rôle de la réforme de l’assurance chômage dont nous avons voté le principe au début du mois. Il est également nécessaire de lever les freins périphériques que subissent nombre de demandeurs d’emploi, tels que des problèmes de transport ou de garde d’enfants : ce sera l’un des sujets importants de la réforme de France Travail.
Il s’agit aussi de mieux aider les entreprises – particulièrement les plus petites d’entre elles – à recruter, car celles-ci renoncent souvent à embaucher, faute de moyens à consacrer à la recherche de candidats.
Les pistes sont multiples mais, je tiens à le dire, chers collègues, le pire n’est jamais certain. En dépit de la situation économique et géopolitique compliquée que nous vivons, notre stratégie est cohérente. Il s’agit de permettre à nos concitoyens d’accéder à un emploi de qualité et, grâce à cela, de financer un modèle social dont nous devons demeurer fiers. Il faut garder ce cap et ne pas renoncer à transformer le pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Joëlle Mélin. Être senior en politique offre le privilège d’observer les évolutions du temps long. C’est ainsi qu’en quarante-cinq ans, j’ai pu voir comment tous les gouvernements ont consciencieusement organisé la casse de toutes les branches du système social français. En matière de santé, la messe était dite dès mai 1980 quand les médecins ont signé la première convention de maîtrise concertée des dépenses, qui stipulait que les parties signataires se fixaient chaque année des objectifs de dépenses d’honoraires et de prescriptions compatibles avec les recettes disponibles de l’assurance maladie.
Quarante-deux ans après, le résultat est là, logique et catastrophique : Urssaf Caisse nationale – le nouveau nom de l’Acoss – gère dettes et déficit, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) reste un tonneau des Danaïdes, le très opaque Ondam fragilise tous les secteurs, l’hôpital est à genoux et le manque de soignants touche 87 % du territoire. Depuis avril 1990, les honoraires des soignants, libéraux comme salariés, ont cessé d’être réévalués régulièrement ; un numerus clausus inepte a tout verrouillé ; en parallèle, les remboursements aux malades n’ont fait que baisser : trente-deux ans après, nous subissons une pénurie de soignants, laquelle provoque une authentique pénurie de soins, inconcevable quand on se souvient du niveau qui fut le nôtre. Il est temps de tout remettre à plat et de se demander ce qui ne va pas. À moins que – question fondamentale ! vous ne souhaitiez achever au plus tôt la financiarisation de notre système de santé.
Autre privilège, j’ai pu examiner pendant huit ans, au sein de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen, les dispositions à visée marchande qui s’imposent en France au fil des PLFSS successifs, et contre lesquelles je n’ai cessé de lutter. Celles-ci consacrent la mainmise des grands groupes, des fonds de pension et des actionnaires inconnus – ou défavorablement connus, comme BlackRock – sur les différents organismes français. Cette mainmise est déjà très forte sur les cliniques privées, les Ehpad, les chaînes de pharmacies, les laboratoires d’analyses, les groupements de radiologues, les conventionnements des maisons de santé et les sous-traitances de services d’hôpitaux publics.
Avec votre PLFSS pour 2023, vous allez plus loin et ouvrez une nouvelle brèche avec le statut donné aux sociétés de téléconsultation, à la double fonction technique et médicale. J’y vois trois risques majeurs : le vol massif de données de santé, l’extraterritorialité liée à la technologie américaine et la fin de l’intervention des soignants dans le but de limiter les dépenses grâce aux équipements d’intelligence artificielle prédictifs et curatifs.
L’étape d’après, déjà avancée, c’est l’application contrainte des très nombreux textes européens en matière de santé, comme le règlement du programme de l’Union européenne (UE) pour la santé (EU4Health) et l’approche « santé dans toutes les politiques ». Cette dernière présente la particularité inestimable de faire glisser la notion de santé publique du plan sémantique au plan législatif en plaçant la politique de prévention – qui est évidemment indispensable – entre les mains de tous, des individus aux décideurs et, surtout, aux influenceurs ; de tous sauf des soignants, comme cela nous a été confirmé. Le mot « santé » est peu à peu remplacé par les termes « santé publique » ; l’objectif est atteint : justifier la disparition de l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que la santé est une prérogative régalienne, contrairement à la santé publique qui est du ressort communautaire.
Sont pareillement attaquées les entreprises, principales sources des recettes du système, auxquelles vous imposez une nouvelle charge de trésorerie avec la subrogation des indemnités journalières. Vous faites également subir aux buralistes un cumul de l’inflation des deux dernières années. Attaquée également la retraite complémentaire, avec le très risqué transfert aux Urssaf des cotisations Agirc-Arrco. Attaquée encore la branche famille avec le transfert de la charge des indemnités journalières de maternité, alors que le congé maternité a d’abord une raison médicale, à la différence du congé paternité.
Il y a urgence à mettre un terme à cette évolution. Il est temps de conduire plusieurs actions. La première, de fond, structurelle, consiste à imposer au gestionnaire – c’est-à-dire à vous – la même rigueur que celle que vous exigez de tous les acteurs ; elle passe par l’instauration d’une comptabilité sincère, fondée sur les recommandations de la Cour des comptes – les mêmes depuis vingt-sept ans –, lesquelles mettraient à mal la moindre des entreprises privées.
Il faut en finir avec les politiques d’austérité ; cesser de se contenter de gérer les dettes – dont celle de l’Acoss – et les déficits, abandonnés aux mains de banques chinoises ou américaines ; arrêter de recourir à des ressources non permanentes, qui s’élèvent quand même, excusez du peu, à près de 10 % du montant du budget de la sécurité sociale.
Il nous faut achever la séparation des branches et mettre un terme à la porosité entre le budget de la sécurité sociale et celui de l’État, ce dernier abondant déjà les recettes du premier de plus de 50 %, ce qui masque le déficit chronique – entre 10 et 20 milliards d’euros par an – dont on se débarrasse dans la Cades. Cette porosité atteint aussi une partie des budgets des conseils départementaux, dont un tiers est géré par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
Il nous faut recouvrer – c’est possible ! – 10 % du budget global, soit 50 milliards d’euros, en limitant les niches sociales à leur juste indication, en cernant au mieux le très précieux dispositif des affections de longue durée (ALD) qui concerne 70 % du budget, en recouvrant évidemment les sommes très élevées correspondant aux fraudes aux cotisations et aux prestations et, surtout, en s’assurant que les créances de recours contre tiers soient présentées à temps.
Nous avons également besoin d’actions immédiates et nous aurons – peut-être ? – le temps de préciser notre position lors de l’examen de chaque article. Nous annonçons d’ores et déjà que nous nous opposerons à la validation des comptes en raison de l’absence de certification pour l’année 2021 ; au dispositif, même amendé, de référencement des médicaments matures et génériques ; à la décote des actes de radiologie et de radiothérapie avec la remise en cause des forfaits techniques, produits d’une innovation française déjà mise à mal, et à la nouvelle baisse des tarifs des biologistes, qui ont porté à bout de bras votre politique erratique de dépistage du covid et qui, même lorsqu’ils acceptent de rétrocéder une partie des bénéfices tirés de leur activité lors de la pandémie, sont rappelés à l’ordre alors que leur respect du plan triennal a fait économiser 5 milliards d’euros au système.
Nous nous opposons également à l’ajout d’une quatrième année d’internat de médecine générale, qui, au motif de dispenser une formation qui aurait dû l’être bien plus tôt, risque d’asservir une année de plus des étudiants épuisés, le tout pour 1 600 euros mensuels. Cette mesure est une mauvaise réponse au problème des déserts médicaux.
Nous demanderons que soient orientées toutes les prestations familiales, comme le complément de libre choix du mode de garde et la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), vers les familles qui élèvent leurs enfants pour l’avenir de notre pays, et non vers celles qui profitent de notre système social en méprisant notre pays. Nous voulons supprimer la mise sous condition de ressources des allocations familiales, parce que la politique familiale est beaucoup plus qu’une politique sociale : elle doit servir à accueillir les enfants, non à compenser les inégalités de revenus.
Sur l’autonomie, nous réclamerons la levée de la barrière des 60 ans, qui instaure une injustice liée à l’âge quand la perte fonctionnelle devrait être le seul critère retenu pour percevoir une aide ; nous faciliterons également toutes les formes d’habitat pour les personnes en situation de handicap et nous ferons évoluer l’amendement Creton.
S’agissant de la prévention – terme ajouté à votre titre ministériel, cher confrère Braun –, il sera intéressant de rappeler que prendre sa retraite quand le corps le réclame est un gage de prévention contre les maladies chroniques, qu’il est inepte de faire travailler deux années de plus, mille six cent sept heures par an, deux classes d’âge de grands-parents épuisés et piégés dans le travail (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN) ,… Ce n’est pas ce qui est prévu ! Ne faites pas peur sans savoir ! …alors que leurs petits-enfants âgés de 18 à 25 ans, soit sept classes d’âge en pleine forme, tardent à y entrer ou que toute une classe d’âge de 40 ans pourrait travailler un quart d’heure de plus par jour pour le même résultat. (Mêmes mouvements) La preuve a pourtant été apportée que l’augmentation de l’espérance de vie est en relation directe avec l’âge de la retraite. S’il vous plaît, arrêtez la casse en ce domaine !
Nous allons utiliser ce PLFSS pour faire avancer nos propositions pour la santé, la retraite, la famille et l’autonomie, mais aussi pour l’équilibre des branches et la remise en ordre des comptes, afin d’inverser une spirale dont les Français ne veulent plus et de préserver notre sécurité sociale ; elle le vaut bien, elle vaut en tout cas un peu mieux qu’un 49.3 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Philippe Vigier s’exclame.) La parole est à Mme Emmanuelle Ménard. Trois mille deux cent soixante-treize : c’est le nombre d’amendements déposés par la représentation nationale sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Cela en dit long sur les carences d’un texte qui n’est pas à la hauteur du défi que représentent les profondes difficultés rencontrées par notre système de santé.
Première de ces difficultés, l’absence de réponse convaincante à la fracture sanitaire qui plonge 22 millions de Français dans l’angoisse des déserts médicaux. Dans beaucoup de territoires, ces déserts gagnent du terrain. Des médecins, de ville comme de campagne, partent à la retraite, épuisés par des horaires de travail atteignant parfois soixante à soixante-dix heures par semaine et par l’extrême pesanteur administrative. Tout cela laisse impuissante leur patientèle, livrée à elle-même. Dans 20 % des communes les plus défavorisées, il faut attendre vingt-cinq jours en moyenne pour qu’un médecin généraliste puisse visiter un patient contre deux jours dans les zones les mieux loties. Une dynamique qui ne va pas aller en s’améliorant puisque 86 % des médecins généralistes ont plus de 60 ans. C’est vrai ! Pour les médecins en exercice, les listes d’attente s’allongent au point que pour une mammographie de contrôle, il faut parfois attendre six mois pour avoir un rendez-vous : six mois, c’est long ; parfois, c’est trop tard.
La paupérisation de notre système de santé ne peut donc plus être ignorée, d’autant que, durant la crise sanitaire, 5 700 lits ont été fermés dans les hôpitaux. Cela a fait dire à certains médecins qu’il leur avait fallu trier ; trier les patients, entre ceux qui auraient une chance de s’en sortir et les autres. Un terrible aveu d’impuissance et de fragilité !
Face à une telle situation, les Français sont en droit d’attendre un budget historique et porteur d’espérances pour notre système de santé. Nous n’y sommes pas ! Après avoir brandi la carte de la télémédecine, le Gouvernement sort aujourd’hui de son chapeau une quatrième année de médecine pour le troisième cycle des étudiants en médecine générale. Vous affirmez vouloir ainsi « consolider » leur formation. Bien entendu, cette année supplémentaire devrait être effectuée dans les déserts médicaux… Mais le problème ne tient pas à la longueur des études, monsieur le ministre ! Il a trait au nombre de places dans les formations en médecine, qu’il faut absolument augmenter !
Les infirmières et les infirmiers libéraux sont, eux aussi, en colère ! Et on peut les comprendre tant leurs conditions de travail se dégradent. Il leur faut travailler toujours plus vite, au risque de négliger leurs patients. Une expérimentation en cours, qui leur permet d’être payés à l’heure et non à l’acte – l’expérimentation Équilibres –, semble donner de bons résultats : avons-nous évalué ce dispositif ? Pouvons-nous le généraliser ? Il serait judicieux d’avoir des réponses à ces questions.
Autre inquiétude, la pauvreté des mesures envisagées pour nos aînés alors que nous attendons toujours votre loi sur le grand âge, maintes fois annoncée mais toujours repoussée. Trois articles leur sont consacrés dans ce PLFSS. Même inquiétude pour les aidants, souvent mis en avant, mais toujours insuffisamment épaulés dans leur quotidien.
Les pharmaciens sont, eux aussi, en colère puisque l’article 30 du PLFSS prévoit la mise en place d’appels d’offres pour certains médicaments, notamment génériques, les médicaments non retenus cessant d’être remboursés. Cette mesure étonne d’autant qu’elle n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les professionnels, lesquels nous alertent sur les conséquences dramatiques qu’entraînerait son adoption pour la pharmacie d’officine et les industriels du médicament en France. Pour le dire clairement, cet article va totalement à l’encontre de l’objectif de maintenir le tissu industriel dans notre pays, ce secteur représentant tout de même 15 000 emplois. Cette mesure contribuerait en outre à accélérer le phénomène de délocalisation, à l’opposé des objectifs affichés par le Président de la République.
J’ai une suggestion, audacieuse j’en conviens, à vous faire : et si vous acceptiez que nous travaillions vraiment ensemble ? Pour ma part, j’ai déposé une centaine d’amendements. Il doit bien y en avoir quelques-uns à retenir, entre ceux sur la contribution sociale généralisée (CSG), ceux sur les déserts médicaux, ceux sur la famille ou la lutte contre les fraudes à la sécurité sociale – véritable poison auquel vous ne vous êtes jamais véritablement attaqués malgré vos annonces ce matin et malgré la proposition de loi adoptée par le Sénat en mars 2021 dont nous attendons toujours l’examen à l’Assemblée. Autant d’amendements qui, je le crains et vous n’en faites pas mystère, ne serviront à rien puisque plane une nouvelle fois le spectre du 49.3. Une fois encore, vous vous apprêtez à faire cavalier seul. Dommage ! D’abord pour nos concitoyens qui trouvent, eux, que certaines de nos propositions ne manquent pas de bon sens. La parole est à M. Elie Califer. On a gardé le meilleur pour la fin ! Après deux longues années de crise sanitaire, nous attendions un PLFSS ambitieux, à même de nous faire relever les nombreux défis de l’époque, mais son analyse révèle que bien des réalités ont échappé à l’exécutif.
Si l’on se doit de saluer quelques dispositions pertinentes, comme la réforme du complément de mode de garde, la création de trois rendez-vous de prévention tout au long de la vie ou encore la gratuité de la contraception d’urgence, même sans prescription, nombreuses sont les dispositions et propositions qui bousculent nos convictions et notre conception de la solidarité nationale.
Tel est le cas de l’article 47 qui fixe une évolution de l’Ondam pour 2023 inférieure à l’inflation. La Fédération hospitalière de France (FHF) a pourtant tiré la sonnette d’alarme : « À ce stade, écrit-elle, les crédits ajoutés à l’Ondam 2022 ne compensent pas intégralement l’inflation et aucun financement ne semble prévu pour couvrir les nécessaires mesures de revalorisation […] décidées cet été ou intervenues pendant les vagues COVID. » Cet Ondam affiche donc déjà son incapacité à répondre aux besoins de santé de nos populations.
Ce texte manque d’ambition eu égard à tous les rendez-vous qu’il manque. Il est insuffisant, voire silencieux, sur certains sujets pourtant primordiaux, comme la reconnaissance de certaines maladies psychiques comme maladies professionnelles ; les politiques de prévention – investir dans la prévention, c’est pourtant faire des économies sur les dépenses de santé de demain ; la désertification médicale ; la crise des hôpitaux ; l’insuffisance des moyens alloués aux Ehpad publics.
La politique de santé environnementale n’est pas mieux appréhendée. On sait que le Ségur de la santé n’a pas tenu compte de cet enjeu, et il est frappant de voir que ce projet de loi souffre de la même carence. C’est d’autant plus regrettable que la nécessité d’intégrer à notre système de santé l’approche « Un monde, une santé » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), selon laquelle la santé et de l’environnement sont deux éléments profondément interdépendants, était l’une des leçons à retenir de la crise du covid.
Notre système de soin doit prendre en considération les affections chroniques et les affections de longue durée, car le covid a révélé la vulnérabilité particulière des personnes souffrant d’obésité, de diabète ou d’hypertension, affections hélas bien connues dans nos outre-mer. C’est vrai ! La Guadeloupe a ainsi payé un lourd tribut avec plus de 1 000 morts, une véritable hécatombe !
Monsieur le ministre, au-delà de la communication, quelle est votre volonté réelle pour faire face à la profonde crise de notre système de santé, à la pénurie de personnels médicaux et paramédicaux et à la rupture de l’égalité des chances ?
Monsieur le ministre, quelle est votre volonté réelle de faire face à la crise de l’hôpital public dans les outre-mer ? Comptez-vous assurer la réintégration des soignants ? Ils ont soigné, ils sont suspendus. Quelle est votre position sur le coefficient géographique ? Quelle est votre volonté réelle d’agir pour le grand âge ? Quel est votre plan pour permettre à la population vieillissante de trouver une place en maison de retraite sans se ruiner et sans crainte d’être maltraitée ?
La crise du covid-19 a eu sur les finances de la sécurité sociale un effet négatif : forte hausse des dépenses, baisse conjoncturelle des recettes. Mais le rééquilibrage des comptes ne peut concerner uniquement les dépenses ; il convient également de trouver des recettes au service de la solidarité.
Vous avez dit qu’il revient au Parlement d’enrichir le débat. Nous sommes prêts à le faire, même si nous avons entendu le ministre chargé du renouveau démocratique – eh oui, c’est bien son titre ! – annoncer qu’il y aurait, peut-être, un 49.3. Quoi qu’il en soit, les députés du groupe Socialistes et apparentés seront là pour enrichir le texte, au profit d’une politique sociale juste et solidaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.) La discussion générale est close.
J’appelle maintenant les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
L’amendement no 837 de Mme Joëlle Mélin est défendu.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission. Défavorable. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement. Cet article prévoit la trajectoire et les différents soldes pour les années 2022 et 2023. Il est donc très important qu’il soit adopté pour figurer dans le projet de loi.
Avis défavorable. (L’amendement no 837 n’est pas adopté.) (L’article liminaire est adopté.)
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission. Défavorable. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement. Cet article prévoit la trajectoire et les différents soldes pour les années 2022 et 2023. Il est donc très important qu’il soit adopté pour figurer dans le projet de loi.
Avis défavorable. (L’amendement no 837 n’est pas adopté.) (L’article liminaire est adopté.)
J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par les dispositions relatives à l’exercice 2021.
La parole est à M. François Ruffin.
« Je suis restée vingt-quatre heures sur le même brancard, sans rien manger […]. » Qui témoigne ainsi ? Madeleine Riffaud, résistante pendant la deuxième guerre mondiale, âgée de 98 ans. Elle et sa génération ont contribué à construire la sécurité sociale. Comment est-elle traitée aujourd’hui ? Elle explique : « Je me suis retrouvée couchée au milieu de malades qui hurlaient de douleur, de rage, d’abandon, que sais-je. Et les infirmières couraient là-dedans, débordées… Elles distribuaient des J’arrive ! et des Ça marche ! J’arrive, j’arrive ! Mais personne n’arrivait. Jamais. Moi-même, j’ai mis douze heures pour obtenir la moitié d’un verre d’une eau douteuse. » Voilà comment parle une personne âgée de 98 ans.
Dans un hôpital plus obscur, à Péronne, les soignants nous disent, quand on les écoute, que des personnes âgées peuvent attendre pendant douze, voire vingt-quatre heures sur un brancard, dans un couloir, sous la lumière des néons. Ils se demandent : « Est-ce que c’est comme cela que j’aimerais traiter mon père ou mon grand-père ? » Cela explique les démissions en série.
Il est déjà pesant d’avoir le sentiment de mal faire son travail quand on travaille dans la logistique et qu’on transporte des cartons. Quand ce sont des humains qu’on a le sentiment de maltraiter, cela devient déchirant ! Or cette maltraitance, vous l’inscrivez dans les chiffres. Vous prévoyez en effet d’augmenter les dépenses de santé de 3,7 % en 2023, donc au-dessous de l’inflation, et de 2,3 % en 2024. Ces petits chiffres avec de petites virgules paraissent anodins, mais ils contiennent une extrême violence. Ce sont des centaines de cas similaires à celui de Madeleine Riffaud que vous institutionnalisez et considérez comme normaux et banals. Telle est la violence tranquille que vous produisez avec des décisions purement comptables et qui ne tiennent pas compte des vies et des visages. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est faux ! La parole est à M. Yannick Neuder. Naturellement, nous ne voterons pas l’article 1er. En effet, malgré une amélioration des recettes, le bilan de l’année 2021 suscite de nombreuses interrogations de forme comme de fond.
On ne peut pas vraiment parler de santé quand on discute du PLFSS. Le problème dure depuis sa création en 1996… Par la droite ! Oui, il a été créé par la droite, mais je crois que, en trente ans, tout le monde peut avoir évolué.
Une loi organique sur la santé permettrait d’envisager le problème de façon complètement différente. Pour un nouveau député comme moi, le PLFSS semble en effet relever d’une logique de gestion purement comptable : on affecte l’argent, puis on voit ce qu’on fait avec. Or les Français attendent autre chose. Il faut d’abord parler des patients, que M. Ruffin vient d’évoquer : on ne le fait pas assez souvent dans cet hémicycle. Nous devons partir de leurs besoins, dont l’évolution au cours du temps n’a pas été suffisamment prise en compte – à cet égard, les torts sont partagés. Il faudrait une loi comprenant des volets relatifs à la prévention et au fonctionnement de l’hôpital, et un budget défini de façon pluriannuelle, dont l’exécution s’étendrait sur plusieurs exercices. Ce serait une vraie réforme. En effet, nous avons à peine le temps de discuter d’un PLFSS que, déjà, nous devons préparer celui de l’exercice suivant. Ainsi, nous ne prenons jamais le problème du bon côté et nous demeurons aux ordres de Bercy, où se joue cette petite musique du « moins il y a de médecins, mieux on contraint les dépenses de santé ». Or un tel système ne convient pas, car il revient à nier les innovations médicales et l’augmentation de la longévité des Français. La parole est à M. Jérôme Guedj. Cet article porte sur la modification de la trajectoire des dépenses des différents régimes enregistrées au cours de l’année 2021. Sans surprise, vous comprendrez que nous ne pouvons l’approuver compte tenu de l’insuffisance originelle d’une partie de ces inscriptions, notamment – nous le verrons lors de la discussion de l’article 3 – s’agissant de la révision de l’Ondam.
Certes, cette révision a pris en compte la revalorisation du point d’indice et prévu quelques mesures relatives à l’inflation, mais tous les acteurs concernés, au premier rang desquels la FHF, vous ont alerté sur l’insuffisance des crédits rectificatifs alloués pour l’année 2022 – nous les examinerons à l’occasion de la discussion de la deuxième partie du PLFSS – qui n’ont pas permis de couvrir l’impact de la revalorisation du point d’indice. Nous discutons ici de l’année 2021. Pour être tout à fait correct, je précise que la revalorisation du point d’indice est financée, mais que les revalorisations complémentaires relatives aux surcoûts liés à l’inflation ne le sont pas. En effet, l’Ondam 2022 corrigé intègre un abondement de 1,1 milliard… Vous êtes perdu ! Non, cher collègue, je ne suis pas perdu. Les directeurs d’hôpitaux et d’Ehpad me disent qu’ils ne pourront pas boucler leur budget compte tenu de la revalorisation envisagée, dont la FHF évalue le coût à 2,9 milliards alors que la correction est de 1,1 milliard. Concrètement, cela veut dire que la clôture de comptes de certains établissements sera très problématique. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter l’article 1er. Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau. Pour tuer tout suspense, j’annonce que nous voterons contre l’article 1er pour la simple raison que les revalorisations, notamment au profit de l’hôpital, ne sont pas suffisantes. Nous l’avons déjà dit à de nombreuses reprises.
Ce PLFSS traduit un déni face à la crise du système de santé publique, dont il ne prend pas suffisamment la mesure. Les services hospitaliers sont en tension et leur personnel démissionne en masse, particulièrement dans les catégories les moins bien payées. L’hôpital est maintenu juste au-dessus de l’eau ; il respire à peine. Les moyens supplémentaires prévus par l’article 1er ne sont pas à la hauteur de la crise. La parole est à M. Pierre Dharréville. L’exposé des motifs de cet article relatif aux comptes de l’exercice 2021 nous apprend que, cette année-là, « Les comptes du régime général se sont améliorés […], après une dégradation d’une ampleur sans précédent en 2020. »
Le problème est que le budget pour 2021 était catastrophique. Comment se réjouir des conséquences des choix qui ont été faits ? Les recettes étaient largement insuffisantes, tout comme les dépenses. Nous nous étions opposés à ce budget ; nous serons cohérents en refusant de vous donner quitus pour son exécution.
Nous continuons à dire que c’était un très mauvais budget, qui a infligé de nouveaux dégâts à l’hôpital public et à la sécurité sociale, notamment. La parole est à M. Marc Ferracci. Le débat s’engage sur des bases étonnantes – voire stupéfiantes. Les deux orateurs précédents ont fustigé cet article en s’inquiétant de ses conséquences pour le futur de la sécurité sociale. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Je ne parlais pas de vous, mais de Mme Rousseau. Rappelons que cet article tend à approuver les comptes pour 2021. Le débat doit être informé, documenté, sans quoi il sera confus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) C’est aussi simple que cela ! Belle leçon du professeur Ferracci ! La parole est à Mme Bénédicte Auzanot. Deux tableaux, six colonnes, quelques dizaines de chiffres : voici l’article 1er de votre PLFSS. Aucun Français hors de cette enceinte n’en prendra connaissance ; il semble trop technique, trop complexe. Pourtant, il est en réalité très simple, car cet ensemble d’indicateurs forme ce qu’il faut bien appeler une fiction – une fiction de gestion, une fiction de contrôle et une fiction de véracité.
En refusant de certifier les recettes, telles que vous les avez non pas calculées, mais imaginées, la Cour des comptes n’a pas dit autre chose, dans le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale de l’exercice 2021, publié le 12 mai.
Pourtant, malgré l’avis défavorable de la Cour, vous nous présentez, imperturbables, un document qui, reposant sur du faux, devient lui-même un faux. De la sorte, à l’insincérité, vous ajoutez le cynisme, un cynisme qui, dans votre camp, s’accompagne toujours de mépris – envers le peuple, hors de cette assemblée, mais aussi les représentants du peuple, dans cette enceinte.
Vous êtes incapables d’estimer les recettes, non pas au milliard près, mais à plusieurs milliards près. C’est l’argent des Français, mais qu’importe, me direz-vous, puisque pour vous, seuls comptent un nombre, le quarante-neuf, et un chiffre, le trois. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est votre combinaison magique, pour tout effacer, tout régler et s’octroyer un quitus à peu de frais.
Bien logiquement, la fiction de cet article 1er entache l’ensemble du PLFSS. Aussi voterons-nous contre son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Dans un hôpital plus obscur, à Péronne, les soignants nous disent, quand on les écoute, que des personnes âgées peuvent attendre pendant douze, voire vingt-quatre heures sur un brancard, dans un couloir, sous la lumière des néons. Ils se demandent : « Est-ce que c’est comme cela que j’aimerais traiter mon père ou mon grand-père ? » Cela explique les démissions en série.
Il est déjà pesant d’avoir le sentiment de mal faire son travail quand on travaille dans la logistique et qu’on transporte des cartons. Quand ce sont des humains qu’on a le sentiment de maltraiter, cela devient déchirant ! Or cette maltraitance, vous l’inscrivez dans les chiffres. Vous prévoyez en effet d’augmenter les dépenses de santé de 3,7 % en 2023, donc au-dessous de l’inflation, et de 2,3 % en 2024. Ces petits chiffres avec de petites virgules paraissent anodins, mais ils contiennent une extrême violence. Ce sont des centaines de cas similaires à celui de Madeleine Riffaud que vous institutionnalisez et considérez comme normaux et banals. Telle est la violence tranquille que vous produisez avec des décisions purement comptables et qui ne tiennent pas compte des vies et des visages. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est faux ! La parole est à M. Yannick Neuder. Naturellement, nous ne voterons pas l’article 1er. En effet, malgré une amélioration des recettes, le bilan de l’année 2021 suscite de nombreuses interrogations de forme comme de fond.
On ne peut pas vraiment parler de santé quand on discute du PLFSS. Le problème dure depuis sa création en 1996… Par la droite ! Oui, il a été créé par la droite, mais je crois que, en trente ans, tout le monde peut avoir évolué.
Une loi organique sur la santé permettrait d’envisager le problème de façon complètement différente. Pour un nouveau député comme moi, le PLFSS semble en effet relever d’une logique de gestion purement comptable : on affecte l’argent, puis on voit ce qu’on fait avec. Or les Français attendent autre chose. Il faut d’abord parler des patients, que M. Ruffin vient d’évoquer : on ne le fait pas assez souvent dans cet hémicycle. Nous devons partir de leurs besoins, dont l’évolution au cours du temps n’a pas été suffisamment prise en compte – à cet égard, les torts sont partagés. Il faudrait une loi comprenant des volets relatifs à la prévention et au fonctionnement de l’hôpital, et un budget défini de façon pluriannuelle, dont l’exécution s’étendrait sur plusieurs exercices. Ce serait une vraie réforme. En effet, nous avons à peine le temps de discuter d’un PLFSS que, déjà, nous devons préparer celui de l’exercice suivant. Ainsi, nous ne prenons jamais le problème du bon côté et nous demeurons aux ordres de Bercy, où se joue cette petite musique du « moins il y a de médecins, mieux on contraint les dépenses de santé ». Or un tel système ne convient pas, car il revient à nier les innovations médicales et l’augmentation de la longévité des Français. La parole est à M. Jérôme Guedj. Cet article porte sur la modification de la trajectoire des dépenses des différents régimes enregistrées au cours de l’année 2021. Sans surprise, vous comprendrez que nous ne pouvons l’approuver compte tenu de l’insuffisance originelle d’une partie de ces inscriptions, notamment – nous le verrons lors de la discussion de l’article 3 – s’agissant de la révision de l’Ondam.
Certes, cette révision a pris en compte la revalorisation du point d’indice et prévu quelques mesures relatives à l’inflation, mais tous les acteurs concernés, au premier rang desquels la FHF, vous ont alerté sur l’insuffisance des crédits rectificatifs alloués pour l’année 2022 – nous les examinerons à l’occasion de la discussion de la deuxième partie du PLFSS – qui n’ont pas permis de couvrir l’impact de la revalorisation du point d’indice. Nous discutons ici de l’année 2021. Pour être tout à fait correct, je précise que la revalorisation du point d’indice est financée, mais que les revalorisations complémentaires relatives aux surcoûts liés à l’inflation ne le sont pas. En effet, l’Ondam 2022 corrigé intègre un abondement de 1,1 milliard… Vous êtes perdu ! Non, cher collègue, je ne suis pas perdu. Les directeurs d’hôpitaux et d’Ehpad me disent qu’ils ne pourront pas boucler leur budget compte tenu de la revalorisation envisagée, dont la FHF évalue le coût à 2,9 milliards alors que la correction est de 1,1 milliard. Concrètement, cela veut dire que la clôture de comptes de certains établissements sera très problématique. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter l’article 1er. Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau. Pour tuer tout suspense, j’annonce que nous voterons contre l’article 1er pour la simple raison que les revalorisations, notamment au profit de l’hôpital, ne sont pas suffisantes. Nous l’avons déjà dit à de nombreuses reprises.
Ce PLFSS traduit un déni face à la crise du système de santé publique, dont il ne prend pas suffisamment la mesure. Les services hospitaliers sont en tension et leur personnel démissionne en masse, particulièrement dans les catégories les moins bien payées. L’hôpital est maintenu juste au-dessus de l’eau ; il respire à peine. Les moyens supplémentaires prévus par l’article 1er ne sont pas à la hauteur de la crise. La parole est à M. Pierre Dharréville. L’exposé des motifs de cet article relatif aux comptes de l’exercice 2021 nous apprend que, cette année-là, « Les comptes du régime général se sont améliorés […], après une dégradation d’une ampleur sans précédent en 2020. »
Le problème est que le budget pour 2021 était catastrophique. Comment se réjouir des conséquences des choix qui ont été faits ? Les recettes étaient largement insuffisantes, tout comme les dépenses. Nous nous étions opposés à ce budget ; nous serons cohérents en refusant de vous donner quitus pour son exécution.
Nous continuons à dire que c’était un très mauvais budget, qui a infligé de nouveaux dégâts à l’hôpital public et à la sécurité sociale, notamment. La parole est à M. Marc Ferracci. Le débat s’engage sur des bases étonnantes – voire stupéfiantes. Les deux orateurs précédents ont fustigé cet article en s’inquiétant de ses conséquences pour le futur de la sécurité sociale. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Je ne parlais pas de vous, mais de Mme Rousseau. Rappelons que cet article tend à approuver les comptes pour 2021. Le débat doit être informé, documenté, sans quoi il sera confus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) C’est aussi simple que cela ! Belle leçon du professeur Ferracci ! La parole est à Mme Bénédicte Auzanot. Deux tableaux, six colonnes, quelques dizaines de chiffres : voici l’article 1er de votre PLFSS. Aucun Français hors de cette enceinte n’en prendra connaissance ; il semble trop technique, trop complexe. Pourtant, il est en réalité très simple, car cet ensemble d’indicateurs forme ce qu’il faut bien appeler une fiction – une fiction de gestion, une fiction de contrôle et une fiction de véracité.
En refusant de certifier les recettes, telles que vous les avez non pas calculées, mais imaginées, la Cour des comptes n’a pas dit autre chose, dans le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale de l’exercice 2021, publié le 12 mai.
Pourtant, malgré l’avis défavorable de la Cour, vous nous présentez, imperturbables, un document qui, reposant sur du faux, devient lui-même un faux. De la sorte, à l’insincérité, vous ajoutez le cynisme, un cynisme qui, dans votre camp, s’accompagne toujours de mépris – envers le peuple, hors de cette assemblée, mais aussi les représentants du peuple, dans cette enceinte.
Vous êtes incapables d’estimer les recettes, non pas au milliard près, mais à plusieurs milliards près. C’est l’argent des Français, mais qu’importe, me direz-vous, puisque pour vous, seuls comptent un nombre, le quarante-neuf, et un chiffre, le trois. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est votre combinaison magique, pour tout effacer, tout régler et s’octroyer un quitus à peu de frais.
Bien logiquement, la fiction de cet article 1er entache l’ensemble du PLFSS. Aussi voterons-nous contre son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour un rappel au règlement.
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3 du règlement, pour mise en cause personnelle. Monsieur Ferracci, vous pourrez en demander un à votre tour.
Ce n’était pas une mise en cause, mais une réponse !
L’article 1er forme précisément la base des articles suivants ; s’il ne prend pas en compte la réalité de la situation, comment les suivants le pourraient-ils ?
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI.)
Ces bilans comptables ne dressent aucune espèce de bilan de la qualité des soins…
Ce n’est pas un rappel au règlement, madame la députée.
Bravo, madame la présidente !
Monsieur Ferracci, vous pouvez garder vos leçons pour les amphithéâtres.
Elle raconte n’importe quoi !
Je suis saisie d’un amendement de suppression de l’article, le no 839. La parole est à Mme Joëlle Mélin, pour le soutenir.
La Cour des comptes a mis en cause la sincérité des chiffres présentés à cet article dans son rapport du 12 mai dernier, puis dans celui sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale du 4 octobre. Citons celui-ci : « sous l’effet des modalités de comptabilisation des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, les montants intégrés en 2021 aux tableaux d’équilibre du régime général et de l’ensemble des régimes de base ne fournissent pas une image fidèle des montants de produits et de solde. […] Des faiblesses persistantes des dispositifs de contrôle interne et des difficultés comptables continuent à affecter la fiabilité des comptes intégrés aux tableaux d’équilibre pour l’exercice 2021 ».
Cette mise en cause sur un point essentiel, ce refus de la Cour des comptes de certifier le recouvrement des cotisations sociales pour 2021, en introduisant une faiblesse majeure dans la présentation des comptes, nous interdisent d’approuver le tableau d’équilibre présenté à cet article, qui mentionne un montant des recettes sujet à interrogation. Ce défaut détermine notre vote sur tout l’article. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Vous avez raison, la Cour des comptes s’était déclarée dans l’impossibilité de certifier les comptes de l’activité de recouvrement pour les travailleurs indépendants. En revanche, vous omettez de préciser qu’elle salue la cohérence des tableaux présentés à l’article. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, vous le savez, pendant la crise sanitaire, dans le cadre de la politique du « quoi qu’il en coûte », nous avons choisi d’accompagner les travailleurs indépendants en leur permettant de reporter le versement de cotisations.
La Cour des comptes a soulevé un point technique concernant la comptabilisation de ces reports de cotisation – que nous assumons, car ils visaient à soutenir les travailleurs indépendants –, mais n’a absolument pas refusé de certifier les comptes pour 2021.
Les motifs de suppression de cet article que vous avancez ne sont donc absolument pas justifiés. Avis défavorable. Très bien ! La parole est à M. François Ruffin. Monsieur le ministre délégué, je reviens à la charge. Tout à l’heure, je vous ai transmis le témoignage de Madeleine Riffaud, résistante, dont nous sommes les héritiers. À ma connaissance, vous ne lui avez pas répondu dans la presse – j’ignore si vous l’avez fait en privé. J’espère que vous le ferez aujourd’hui.
Il le faut, quand une voix comme la sienne s’élève pour déclarer : « Rendez-vous compte : je suis aveugle. Je sentais parfois qu’on emportait mon brancard […]. Il faisait plus froid, c’est tout ce que je peux dire. Et puis on m’a laissée là, sans aucune affaire », quand elle décrit la situation des autres personnes aux urgences et qu’elle conclut « Moi, j’ai de la chance, j’ai des amis, et des confrères journalistes. Mais tous ces pauvres gens qui n’ont personne, que peuvent-ils faire ? […] Si je peux être leur voix – comme Aubrac m’avait demandé d’être l’une de celles de la Résistance – alors je le serai. J’ai encore un peu de force, c’est pour la donner ! »
Avec un budget de la sécurité sociale dont l’augmentation est presque deux fois inférieure à l’inflation et qui va produire en série – c’est la violence, la grande violence de vos petits chiffres – des dizaines, des centaines, de milliers de situations comme celle qu’a connue Madeleine Riffaud, comment pouvez-vous vous estimer dignes de cette histoire, dont vous êtes, par vos silences, les détricoteurs, les destructeurs ? J’aimerais que vous répondiez à Madeleine Riffaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.) La parole est à M. Thibault Bazin. Il est bon de discuter de cet article. Grâce à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 14 mars 2022, défendue par l’ancien rapporteur général, M. Mesnier, le périmètre du PLFSS a été étendu, offrant à la représentation nationale une vision plus large des administrations de sécurité sociale. C’est important.
Nous pouvons regretter que les comptes pour 2021 ne soient discutés qu’en octobre 2022. À l’avenir, grâce à la nouvelle loi organique, ils le seront beaucoup plus tôt et c’est tant mieux. C’est sans doute ainsi la dernière fois que le PLFSS comporte une première partie ; cela résoudra des problèmes.
Quant aux chiffres eux-mêmes, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics – ou des déficits publics, plutôt –, ils témoignent d’une dégradation profonde des comptes de la sécurité sociale.
Bien sûr, ces deux années ont été marquées par la covid. Cependant la dégradation est très importante, comme le souligne la Cour des comptes. C’est justement parce que le contexte est difficile que les comptes publics doivent être tenus avec la plus grande vigilance.
La situation financière à la fin de 2021 constitue le point de démarrage de l’année en cours et la révision de l’Ondam pour 2022, dont nous débattrons, s’appuie forcément sur cette situation budgétaire.
Certaines recettes exceptionnelles n’étaient pas attendues. Elles sont dues à une reprise de l’activité plus importante que prévu. Toutefois, certaines dépenses ont dépassé trop largement les prévisions – il est de notre responsabilité de vous appeler à davantage de vigilance sur ce point.
Soyons clairs, nous dressons ici le bilan du budget pour 2021. Avions-nous soutenu celui-ci ? Non. Par cohérence, nous pouvons difficilement approuver son exécution, même si nous ne remettons pas en question la nécessité que notre assemblée vote sur l’article 1er, ce qu’interdirait l’amendement. Il importait pour nos débats d’expliquer la position de vote du groupe Les Républicains. (L’amendement no 839 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Joëlle Mélin, pour soutenir l’amendement no 2557. Monsieur le ministre délégué, nous insistons. Oui, nous avons bien entendu que vous avez pris des dispositions particulières pour les indépendants lors de la crise du covid, mais quid des cinq autres recommandations, extrêmement sévères, formulées par la Cour ?
Cet amendement de repli vise à substituer au mot « approuvés » celui de « présentés ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Pour la même raison que précédemment, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, c’est le travail de la Cour des comptes ! Tous les ans, elle formule des recommandations, non seulement sur le budget de la sécurité sociale, mais aussi sur celui de l’État. Elle l’a toujours fait et cela ne signifie pas qu’elle refuse de certifier les comptes !
J’ai du mal à comprendre vos arguments. Mais je ne suis pas sûr qu’ils soient essentiels, puisque vous voulez avant tout supprimer l’article. Très bien ! (L’amendement no 2557 n’est pas adopté.) La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 502 de la commission des affaires sociales. Comme l’indiquait M. Bazin, nous vivons une transition entre l’ancienne loi organique régissant les lois de financement de la sécurité sociale et la nouvelle, défendue par M. Mesnier. Le présent article n’inclut donc pas les tableaux prévus dans les anciens PLFSS. L’amendement vise à les insérer. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis favorable. L’amendement tend à rétablir la présentation qui avait cours dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale antérieurs à la très bonne réforme organique de M. Mesnier.
Puisque la nouvelle loi organique n’est entrée en vigueur qu’en septembre de cette année, il est normal que les comptes pour 2021 soient également présentés dans le format ancien. Cette précision rédactionnelle est bienvenue. (L’amendement no 502 est adopté.) Je mets aux voix l’article 1er. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 150
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 66
Contre 84 (L’article 1er, amendé, n’est pas adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Carlos Martens Bilongo applaudit également.) Ça faiblit sur les bancs de Renaissance ! La parole est à M. le ministre délégué. Je suis très étonné :… Ne faites pas le surpris, monsieur le ministre délégué ! …vous avez décidé de rejeter un article qui présente les comptes de l’année 2021. C’est incroyable ! Vous n’étiez même pas là ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) On ne peut pas changer le passé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Ni l’absence de vos députés ! On peut vouloir changer l’avenir – en débattre, essayer de le construire. Ce vote illustre votre posture de blocage permanent ; il fait suite à la motion de rejet préalable que vous avez déposée pour empêcher la discussion du texte. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Frédéric Mathieu proteste également.) On ne peut pas voter contre une photo, or cet article est une photo de ce qui s’est passé en 2021. Vous ne pouvez pas changer ce qui s’est passé ! On a le droit de ne pas être d’accord avec ce qui a été fait dans le passé ! Vous vous opposez à tout, tout le temps, vous ne voulez pas de discussions constructives sur ce texte, et c’est regrettable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention. Monsieur Ruffin, je suppose que votre intervention ne visait pas à remettre en cause mes trente-cinq années d’exercice dans l’hôpital public, aux urgences. Je ne connais que trop bien la situation que vous décrivez : elle est inacceptable. Réagissez ! C’est bien parce que je partage avec vous ce constat que je me suis engagé à améliorer le système de santé, à tout faire pour que de telles situations ne se produisent plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Cinq ans que vous êtes au pouvoir ! Ça ne date pas d’il y a cinq ans ! J’ai été ravi de vous entendre dire qu’il fallait établir un diagnostic du système de santé. J’en ai été surpris également, parce que vous m’avez expliqué au mois de juillet, dans ce même hémicycle, que le diagnostic était inutile, puisque déjà connu – qu’il fallait agir. Justement, ce PLFSS prévoit des actes.
Dans votre intervention sur l’article 1er, vous avez évoqué les patients. C’est bien, et cela ne va pas sans parler des soignants. Or citer les soignants revient à reconnaître leur engagement, passé et présent. Le raisonnement peut paraître simpliste, mais en refusant d’approuver le budget de 2021 – comme vous refuserez probablement de voter celui de 2022 –, vous refusez de reconnaître le travail accompli. C’est une gifle que vous donnez à tous les soignants. C’est une honte ! Ils s’en souviendront ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN. – Mme Danielle Simonnet proteste également.) Franchement, il y a eu un Ségur de la santé, et c’est comme si ce n’était rien ! Avec vous, 66 millions, ce n’est rien ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Ne faites pas d’un détail une généralité ! Vous êtes loin du compte !
Cette mise en cause sur un point essentiel, ce refus de la Cour des comptes de certifier le recouvrement des cotisations sociales pour 2021, en introduisant une faiblesse majeure dans la présentation des comptes, nous interdisent d’approuver le tableau d’équilibre présenté à cet article, qui mentionne un montant des recettes sujet à interrogation. Ce défaut détermine notre vote sur tout l’article. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Vous avez raison, la Cour des comptes s’était déclarée dans l’impossibilité de certifier les comptes de l’activité de recouvrement pour les travailleurs indépendants. En revanche, vous omettez de préciser qu’elle salue la cohérence des tableaux présentés à l’article. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, vous le savez, pendant la crise sanitaire, dans le cadre de la politique du « quoi qu’il en coûte », nous avons choisi d’accompagner les travailleurs indépendants en leur permettant de reporter le versement de cotisations.
La Cour des comptes a soulevé un point technique concernant la comptabilisation de ces reports de cotisation – que nous assumons, car ils visaient à soutenir les travailleurs indépendants –, mais n’a absolument pas refusé de certifier les comptes pour 2021.
Les motifs de suppression de cet article que vous avancez ne sont donc absolument pas justifiés. Avis défavorable. Très bien ! La parole est à M. François Ruffin. Monsieur le ministre délégué, je reviens à la charge. Tout à l’heure, je vous ai transmis le témoignage de Madeleine Riffaud, résistante, dont nous sommes les héritiers. À ma connaissance, vous ne lui avez pas répondu dans la presse – j’ignore si vous l’avez fait en privé. J’espère que vous le ferez aujourd’hui.
Il le faut, quand une voix comme la sienne s’élève pour déclarer : « Rendez-vous compte : je suis aveugle. Je sentais parfois qu’on emportait mon brancard […]. Il faisait plus froid, c’est tout ce que je peux dire. Et puis on m’a laissée là, sans aucune affaire », quand elle décrit la situation des autres personnes aux urgences et qu’elle conclut « Moi, j’ai de la chance, j’ai des amis, et des confrères journalistes. Mais tous ces pauvres gens qui n’ont personne, que peuvent-ils faire ? […] Si je peux être leur voix – comme Aubrac m’avait demandé d’être l’une de celles de la Résistance – alors je le serai. J’ai encore un peu de force, c’est pour la donner ! »
Avec un budget de la sécurité sociale dont l’augmentation est presque deux fois inférieure à l’inflation et qui va produire en série – c’est la violence, la grande violence de vos petits chiffres – des dizaines, des centaines, de milliers de situations comme celle qu’a connue Madeleine Riffaud, comment pouvez-vous vous estimer dignes de cette histoire, dont vous êtes, par vos silences, les détricoteurs, les destructeurs ? J’aimerais que vous répondiez à Madeleine Riffaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.) La parole est à M. Thibault Bazin. Il est bon de discuter de cet article. Grâce à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 14 mars 2022, défendue par l’ancien rapporteur général, M. Mesnier, le périmètre du PLFSS a été étendu, offrant à la représentation nationale une vision plus large des administrations de sécurité sociale. C’est important.
Nous pouvons regretter que les comptes pour 2021 ne soient discutés qu’en octobre 2022. À l’avenir, grâce à la nouvelle loi organique, ils le seront beaucoup plus tôt et c’est tant mieux. C’est sans doute ainsi la dernière fois que le PLFSS comporte une première partie ; cela résoudra des problèmes.
Quant aux chiffres eux-mêmes, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics – ou des déficits publics, plutôt –, ils témoignent d’une dégradation profonde des comptes de la sécurité sociale.
Bien sûr, ces deux années ont été marquées par la covid. Cependant la dégradation est très importante, comme le souligne la Cour des comptes. C’est justement parce que le contexte est difficile que les comptes publics doivent être tenus avec la plus grande vigilance.
La situation financière à la fin de 2021 constitue le point de démarrage de l’année en cours et la révision de l’Ondam pour 2022, dont nous débattrons, s’appuie forcément sur cette situation budgétaire.
Certaines recettes exceptionnelles n’étaient pas attendues. Elles sont dues à une reprise de l’activité plus importante que prévu. Toutefois, certaines dépenses ont dépassé trop largement les prévisions – il est de notre responsabilité de vous appeler à davantage de vigilance sur ce point.
Soyons clairs, nous dressons ici le bilan du budget pour 2021. Avions-nous soutenu celui-ci ? Non. Par cohérence, nous pouvons difficilement approuver son exécution, même si nous ne remettons pas en question la nécessité que notre assemblée vote sur l’article 1er, ce qu’interdirait l’amendement. Il importait pour nos débats d’expliquer la position de vote du groupe Les Républicains. (L’amendement no 839 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Joëlle Mélin, pour soutenir l’amendement no 2557. Monsieur le ministre délégué, nous insistons. Oui, nous avons bien entendu que vous avez pris des dispositions particulières pour les indépendants lors de la crise du covid, mais quid des cinq autres recommandations, extrêmement sévères, formulées par la Cour ?
Cet amendement de repli vise à substituer au mot « approuvés » celui de « présentés ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Pour la même raison que précédemment, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame la députée, c’est le travail de la Cour des comptes ! Tous les ans, elle formule des recommandations, non seulement sur le budget de la sécurité sociale, mais aussi sur celui de l’État. Elle l’a toujours fait et cela ne signifie pas qu’elle refuse de certifier les comptes !
J’ai du mal à comprendre vos arguments. Mais je ne suis pas sûr qu’ils soient essentiels, puisque vous voulez avant tout supprimer l’article. Très bien ! (L’amendement no 2557 n’est pas adopté.) La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 502 de la commission des affaires sociales. Comme l’indiquait M. Bazin, nous vivons une transition entre l’ancienne loi organique régissant les lois de financement de la sécurité sociale et la nouvelle, défendue par M. Mesnier. Le présent article n’inclut donc pas les tableaux prévus dans les anciens PLFSS. L’amendement vise à les insérer. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis favorable. L’amendement tend à rétablir la présentation qui avait cours dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale antérieurs à la très bonne réforme organique de M. Mesnier.
Puisque la nouvelle loi organique n’est entrée en vigueur qu’en septembre de cette année, il est normal que les comptes pour 2021 soient également présentés dans le format ancien. Cette précision rédactionnelle est bienvenue. (L’amendement no 502 est adopté.) Je mets aux voix l’article 1er. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 150
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 66
Contre 84 (L’article 1er, amendé, n’est pas adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Carlos Martens Bilongo applaudit également.) Ça faiblit sur les bancs de Renaissance ! La parole est à M. le ministre délégué. Je suis très étonné :… Ne faites pas le surpris, monsieur le ministre délégué ! …vous avez décidé de rejeter un article qui présente les comptes de l’année 2021. C’est incroyable ! Vous n’étiez même pas là ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) On ne peut pas changer le passé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Ni l’absence de vos députés ! On peut vouloir changer l’avenir – en débattre, essayer de le construire. Ce vote illustre votre posture de blocage permanent ; il fait suite à la motion de rejet préalable que vous avez déposée pour empêcher la discussion du texte. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Frédéric Mathieu proteste également.) On ne peut pas voter contre une photo, or cet article est une photo de ce qui s’est passé en 2021. Vous ne pouvez pas changer ce qui s’est passé ! On a le droit de ne pas être d’accord avec ce qui a été fait dans le passé ! Vous vous opposez à tout, tout le temps, vous ne voulez pas de discussions constructives sur ce texte, et c’est regrettable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention. Monsieur Ruffin, je suppose que votre intervention ne visait pas à remettre en cause mes trente-cinq années d’exercice dans l’hôpital public, aux urgences. Je ne connais que trop bien la situation que vous décrivez : elle est inacceptable. Réagissez ! C’est bien parce que je partage avec vous ce constat que je me suis engagé à améliorer le système de santé, à tout faire pour que de telles situations ne se produisent plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Cinq ans que vous êtes au pouvoir ! Ça ne date pas d’il y a cinq ans ! J’ai été ravi de vous entendre dire qu’il fallait établir un diagnostic du système de santé. J’en ai été surpris également, parce que vous m’avez expliqué au mois de juillet, dans ce même hémicycle, que le diagnostic était inutile, puisque déjà connu – qu’il fallait agir. Justement, ce PLFSS prévoit des actes.
Dans votre intervention sur l’article 1er, vous avez évoqué les patients. C’est bien, et cela ne va pas sans parler des soignants. Or citer les soignants revient à reconnaître leur engagement, passé et présent. Le raisonnement peut paraître simpliste, mais en refusant d’approuver le budget de 2021 – comme vous refuserez probablement de voter celui de 2022 –, vous refusez de reconnaître le travail accompli. C’est une gifle que vous donnez à tous les soignants. C’est une honte ! Ils s’en souviendront ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN. – Mme Danielle Simonnet proteste également.) Franchement, il y a eu un Ségur de la santé, et c’est comme si ce n’était rien ! Avec vous, 66 millions, ce n’est rien ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Ne faites pas d’un détail une généralité ! Vous êtes loin du compte !
La parole est à M. William Martinet.
Mon intervention ira au-delà de l’article 2 : la météo démocratique prévoit un risque de 49.3
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES)
, il est donc possible que les discussions sur l’important article 36 soient reléguées. Celui-ci est relatif à la petite enfance.
Ce matin, M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, a mentionné la création d’un service public de la petite enfance. Quelles mesures ce texte prévoit-il pour le déployer ?
Il faut reconnaître que l’alignement du reste à charge pour les familles qui font garder les enfants chez une assistante maternelle sur celui des familles qui les confient à une crèche constitue une mesure encourageante. Ah ! Cependant, le projet de loi souffre d’un oubli considérable, relativement à la formation, aux conditions de travail et à la rémunération des professionnels de la petite enfance. D’ici dix ans, la moitié des assistantes maternelles seront parties à la retraite ; du côté des crèches, la moitié des établissements sont déjà confrontés à des pénuries de personnel. Comment ferez-vous fonctionner un service public de la petite enfance sans professionnels ?
Malheureusement, dans ce domaine, vous n’apportez pas de solutions à la pénurie. Ces derniers mois, le Gouvernement a surtout dérégulé, en autorisant à augmenter le nombre d’enfants dont peut se charger un professionnel et en autorisant les crèches à recruter du personnel non qualifié, car n’ayant pas reçu de formation à la petite enfance. Tout cela participe à la maltraitance du métier, donc à la maltraitance des enfants.
Dans ma circonscription, j’ai recueilli le témoignage d’une accompagnatrice de jeunes enfants. Elle me racontait qu’elle a parfois cinq enfants sur les bras, parfois plus si un poste est vacant. Quand tous ces enfants veulent manger en même temps et se mettent à pleurer, elle est obligée de les faire attendre dix, vingt, parfois trente minutes – elle les laisse pleurer une demi-heure parce que les personnels ne sont pas assez nombreux et que personne ne peut venir l’aider. Elle sait que c’est de la maltraitance, mais elle ne peut pas faire autrement et, le soir, elle ramène chez elle ces pleurs, qui l’empêchent de dormir. Pour ces professionnels aussi, c’est de la maltraitance.
Chers collègues, laissez-nous aller au bout de l’examen du projet de loi, afin que nous puissions défendre des propositions pour améliorer les conditions de travail de ces professionnels, augmenter leur rémunération, mieux les former et répondre à leurs difficultés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Thibault Bazin. Pour la bonne tenue des débats, il importe que les interventions sur un article soient consacrées à l’article en question. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, RE et Dem.) Or l’article 2 est important parce qu’il concerne le tableau patrimonial. Je ne veux pas me montrer trop technique… Si, il le faut ! …mais le rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale porte sur ce tableau un regard extérieur intéressant, car il établit un bilan d’ensemble des régimes. Il montre que la situation financière de la sécurité sociale est dégradée, qu’un redressement a été engagé et que des réformes sont nécessaires. Au-delà des discours positifs, il faut en tirer des enseignements. Le rapport invite également à clarifier et à simplifier le financement de la sécurité sociale.
Des lacunes apparaissent, qui révèlent que le travail est incomplet. Il manque par exemple le régime de retraite de l’ancienne Seita (Société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes) ainsi que celui de l’Assemblée nationale. Il faudra donc compléter le périmètre du tableau, qui n’est pas aussi étendu que celui de la loi de financement de la sécurité sociale.
La Cour pointe surtout les défauts du traitement comptable des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants, qui, entre les fonds propres et les reports à nouveau, donne une vision biaisée de la situation. On constate donc des erreurs et des insuffisances, qui ont conduit la Cour à exprimer une opinion défavorable sur les comptes de l’activité de recouvrement. Les problèmes ne concernent pas seulement les indépendants, puisque les commissaires aux comptes de la Mutualité sociale agricole (MSA), de l’Établissement national des invalides de la marine (Enim) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont également certifié leurs comptes avec réserve.
On imagine que, sur des montants aussi importants, cela peut arriver. Toutefois, il est essentiel que la représentation nationale ait la vision la plus exacte possible, en particulier que la répartition du déficit du régime général soit la plus juste possible.
Vous nous accusez d’être irresponsables parce que nous n’avons pas approuvé l’exécution. Juste avant le scrutin, j’ai pris le temps d’expliquer qu’il ne s’agissait pas d’un vote de blocage, mais plutôt d’une prise de position cohérente. Nous n’étions pas tous là fin 2020 pour voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, mais le groupe Les Républicains était là, et nous avons voté par souci de cohérence avec notre position d’alors. Par ailleurs, si vous voulez que l’article 2 soit adopté, il vous appartient de mobiliser les 240 députés de la majorité (M. Pierre Morel-À-L’Huissier applaudit) . C’est votre responsabilité. Ils sont partis faire une sieste, ce n’est pas notre faute ! La parole est à M. Philippe Vigier. Thibault Bazin a très bien présenté l’article 2, je n’y reviens pas. Je veux en revanche m’adresser aux collègues nouvellement élus.
Tous ceux qui sont élus d’un conseil municipal savent qu’après un renouvellement du conseil, lors de la présentation du budget, les nouveaux élus ne participent pas au vote du compte administratif, qui n’est qu’une photographie de ce qui s’est passé l’année précédente. M. Jérôme Guedj le sait parfaitement. Mais pas du tout ! Les articles 1er et 2 ne concernent pas 2023 mais présentent la photographie de 2021, à laquelle vous n’avez pas participé. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Ceux qui étaient là n’auraient pas dû agir comme juge et partie à la fois ; les autres, nouvellement élus, les ont suivis, or cela n’a aucun sens ! Pierre Dharréville, qui est un expert, ne s’y est pas trompé : il n’a pas pris part au vote. (Mêmes mouvements.) La seule explication que j’y vois vient en comparant les votes avec ceux sur la motion de rejet préalable : votre manœuvre trahit une volonté de bloquer le système. Les mêmes qui ne veulent pas débattre du texte veulent débattre de sujets sur lesquels ils ne devraient pas s’exprimer. Laissez-nous au moins l’héritage, sans interférer. Je ne vous comprends pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Marine Le Pen proteste.) Il a raison, c’est incohérent, c’est une faute ! Ce sont les électeurs que vous ne comprenez pas ! La parole est à M. Jérôme Guedj. Nous aspirons tous à débattre sereinement. J’invite donc M. Philippe Vigier, M. le ministre et M. le ministre délégué à raison garder quand le vote ne vous est pas favorable. Nous expliquer, comme vous l’avez fait, monsieur Braun, que par ce vote nous adressons une gifle aux soignants qui exerçaient en 2021 constitue un argument inadmissible dans un débat budgétaire. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) C’est scandaleux ! Je m’inscris en faux contre l’intervention de M. Philippe Vigier. Quand, début août, cette assemblée n’a pas adopté le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, il s’agissait de dire que l’exécution du budget, au regard de ce qu’il était, ne nous agréait pas. (Mme Prisca Thevenot proteste.) C’est ce que fait une assemblée nouvellement élue lorsqu’elle a l’occasion de porter un regard sur une photographie : elle lui donne une signification politique. Lorsque vous siégez dans l’opposition d’un conseil municipal, vous votez contre le compte administratif, par cohérence. (Mmes Catherine Couturier et Sandrine Rousseau applaudissent.) Je suis sûr que M. le ministre délégué, lorsqu’il est dans l’opposition, vote contre le compte administratif. (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.) C’est faux ! D’ailleurs, pourquoi n’avez-vous pas déployé cet argument lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative ?
S’il n’y a pas de volonté de blocage de notre part,… Quelle hypocrisie ! …je constate que c’est la majorité, ou plutôt la pseudo-majorité, qui est bloquée alors qu’il s’agit de venir dans l’hémicycle débattre de ce texte essentiel. Si vous étiez vraiment majoritaires, vous n’auriez pas de problème.
Nous sommes cohérents : la famille politique à laquelle j’appartiens n’a pas approuvé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ; deux ans après, alors que vous nous présentez l’exécution dudit budget, je ne l’approuve pas non plus, puisque nous estimions que vous ne mettiez pas les moyens pour financer les régimes de sécurité sociale en 2021. Ce n’est pas un drame. Ainsi, n’invoquez pas, chaque fois que le vote vous est défavorable, un blocage, notre irresponsabilité ou, pire encore, l’insulte que nous ferions aux soignants ! (M. Damien Maudet applaudit.) Pour la bonne information de tout le monde, je vous rappelle qu’en vertu du nouveau règlement, il ne peut y avoir plus d’une intervention par groupe sur chaque article. Je vous invite donc à regarder le tableau : je ne pourrai hélas vous donner la parole si un autre membre de votre groupe s’est déjà exprimé.
Sur l’article 2 et l’annexe A, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Christophe. Je présente mes excuses à M. Thibault Bazin : je vais m’éloigner de l’article 2 pour évoquer la branche famille, qui m’est chère. En effet, M. William Martinet a commenté l’article 36 – à croire que vous appelez de vos vœux le recours à l’article 49, alinéa 3, afin de débattre plus rapidement des sujets afférents.
Je ne peux pas vous laisser résumer cet article à la disposition relative au reste à charge des bénéficiaires du CMG. Il ne vous aura pas échappé que nous portons une attention particulière aux familles monoparentales, qui sont souvent en déshérence financière. Pour elles, l’article prévoit d’étendre le bénéfice du dispositif jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Enfin, nous réfléchissons aux possibilités de subrogation, afin d’offrir davantage de fluidité aux familles et d’éviter qu’elles ne se fragilisent davantage.
Je fais partie de ceux qui n’ont pas la prétention de tout savoir. J’estime donc qu’il est intéressant de laisser se dérouler les travaux du comité de filière, qui aboutiront, je l’espère, dans le courant de l’année 2023. Ils nous permettront de compléter notre réponse aux difficultés de ce secteur. Vous avez cité la formation, mais il y en a bien d’autres.
J’invite donc à la prudence. Nous aurons certainement des débats intéressants. Mme Christine Pires Beaune, par exemple, a soulevé la question des employeurs indélicats, qui mérite d’être étudiée. Ne précipitons pas les choses et restons concentrés jusqu’à l’article 36. Si c’est possible, on aimerait bien ! La parole est à M. Pierre Dharréville. Certaines interventions préparent déjà la suite en justifiant par avance le geste qui s’annonce. Mais oui ! Il faut revenir au texte, c’est ce qui nous est demandé.
Vous nous dites, monsieur le ministre délégué, que nous n’avons pas le choix, qu’il faut voter l’article. Or nous avons le choix, sans quoi on ne nous demanderait pas de nous exprimer, et l’article ne serait pas dans le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) On nous demande notre avis concernant l’exécution du budget. Pour ma part, je conteste à la fois le budget tel qu’il était en 2021 et son exécution. Pourquoi ? Je ne vous donne pas quitus de son exécution, et je l’exprime clairement en votant contre l’article. D’ailleurs, eût-il été bien exécuté, le problème n’en eût pas été résolu, étant donné les dégâts promis. La parole est à Mme Annie Vidal. Je vous propose de revenir à l’article 2 visant à approuver l’annexe A, qui atteste du rétablissement progressif de la trajectoire des comptes sociaux.
Si la sécurité sociale a pleinement rempli son rôle d’amortisseur social et économique pendant la crise sanitaire – c’était indispensable –, les comptes sociaux ont été sévèrement affectés, tout comme le solde de la dette sociale. Alors qu’avant la crise, nous suivions une trajectoire de remboursement de la dette sociale à échéance de 2024, une nouvelle dette d’un montant de 154,9 milliards s’est ajoutée, à l’issue du transfert de la Cades.
Les années 2020 et 2021 ont affiché des soldes négatifs historiques, respectivement de 40,3 milliards et de 24,3 milliards. Le solde de 2022 est estimé, dans le PLFSS, à 17,8 milliards. Pour 2023, le solde projeté est de 6,8 milliards. Ces chiffres marquent un retour progressif à l’équilibre des comptes annuels de la sécurité sociale, grâce à une croissance positive renforçant les recettes fiscales et un retour vers le plein emploi renforçant les recettes sociales.
Nous pouvons donc maintenir notre confiance dans la sécurité sociale, créée en 1945 pour protéger les Français et à laquelle nous sommes tous très attachés. Derrière ces chiffres, que certains pourraient qualifier de froids, ce sont 19 milliards d’investissements pour les hôpitaux, 13 milliards de reprise de dette et 10 milliards par an de revalorisations salariales. Ce n’est ni une fiction ni un déni : c’est l’article 2 que nous allons, je l’espère, adopter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Très bien ! La parole est à M. Victor Catteau. Cet article porte sur l’approbation du rapport prenant forme de tableau de la situation patrimoniale des régimes obligatoires, relatif à l’exercice 2021. Rappelons cependant que la Cour des comptes n’a pas certifié le recouvrement des cotisations – une première depuis 2011. En 2020, la certification s’était déjà accompagnée de nombreuses réserves. Ces chiffres n’émanent pas du Rassemblement national mais de la Cour des comptes, un organisme d’État.
Pourquoi ces refus ? Parce que les comptes de la sécurité sociale ont été jugés insincères. Les recettes de cotisations sociales s’élèvent à 5 milliards et sont indûment rattachées à l’exercice 2021 alors qu’elles résultent de l’exercice 2020. Le déficit officiel, de 24 milliards, serait en réalité de 29 milliards. Ce maquillage perfide des comptes de la sécurité sociale constitue bien une preuve, s’il en fallait une, de la politique incessamment malhonnête du Gouvernement, emplie de manigances en tous genres. Pour ces raisons, nous voterons évidemment contre l’article 2. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Joëlle Mélin, pour soutenir l’amendement no 838 tendant à supprimer l’article 2. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le ministre délégué aura sans doute, cette fois encore, une attitude pour le moins surprenante. Comme M. Catteau vient de le rappeler, nous ne pouvons pas approuver l’article 2, pour les mêmes raisons que celles exposées lors de l’examen de l’article 1er.
Monsieur le ministre délégué, vous avez évoqué les indépendants, mais vous avez passé par-dessus bord les cinq autres remarques que nous avions formulées, dont certaines renvoient pourtant à des phénomènes assez extraordinaires : ainsi, les différents organismes ne communiquent jamais leurs comptes en même temps.
Par ailleurs, vous disiez que les comptes tendaient à l’équilibre ; pourtant, parmi les 139 milliards transférés à la Cades en prévision des dégâts du covid, 31 milliards provenaient des déficits de l’Acoss. Tout cela provoque de l’instabilité et de l’insécurité. C’est pourquoi nous voulons supprimer l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Il faut lire entièrement le rapport de la Cour des comptes. Celle-ci estime que l’annexe A, étudiée dans cet article, « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2021. » Il est important d’être objectif. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Il est légitime que la Cour des comptes formule des recommandations. Puisque vous les endossez au point d’en faire votre boussole, vous retiendrez qu’elle recommande de faire davantage d’économies dans le secteur de la biologie médicale. Vous devriez donc soutenir les mesures cohérentes avec cette recommandation proposées dans le PLFSS.
S’agissant des travailleurs indépendants, il est technique de déterminer sur quelle année imputer des reports de cotisations ; c’est un débat qui anime jusqu’aux experts-comptables ! Ce n’est pas une remise en cause de la sincérité des comptes pour 2021 ; la rapporteure générale vient d’ailleurs de rappeler la cohérence relevée par la Cour des comptes à leur sujet. Vous inventez des raisons pour rejeter un article qui n’est qu’une photographie de ce qui s’est passé en 2021 et qu’on ne peut pas changer. Assumez-le ! La parole est à M. François Ruffin. Monsieur le ministre de la santé, à aucun moment je ne mets en cause l’urgentiste : pas un instant je ne doute de votre compétence, de votre empathie et de votre attention, pratiquées pendant les trente-cinq ans que vous avez passés au service des patients. En revanche, quand je rapporte le témoignage d’une résistante de 98 ans qui a attendu vingt-quatre heures aux urgences qu’on s’occupe d’elle, je mets en cause le ministre qui n’apporte aucune réponse et ne cite même pas son nom. Au contraire, vous en avez profité pour faire un vague jeu de mots sur une gifle. C’est indigne !
Vous êtes un héritier du Conseil national de la Résistance : vous êtes assis à cette place parce que la sécurité sociale existe et parce que des Madeleine Riffaud l’ont construite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Détourner la question de cette manière-là est indigne.
Vous célébrez les soignants dans vos propos, mais vous les maltraitez dans les faits et dans les chiffres. Quand l’inflation est de 6 % et que le budget de la sécurité sociale n’augmente que de 3 %, cela signifie que les moyens des soignants – en gants, en masques, en lits – vont diminuer. Je constate que vous prenez toujours la parole après le ministre délégué chargé des comptes publics : cela dit quelque chose de vos priorités ! Oh ! C’est un débat budgétaire ! La santé parle après les finances, dont vous êtes un supplétif. Je vous rapporte le témoignage d’une résistante, mais par vos choix, face à la domination de l’argent, vous ne faites preuve d’aucune résistance pour le bien des gens ! (Mêmes mouvements.) C’est bon, on a compris ! La parole est à Mme Joëlle Mélin. Monsieur le ministre délégué, j’évite d’être inventive et je lis les textes. Mais il semblerait que vous confondiez les recommandations comptables et les recommandations visant à trouver des pistes pour sortir des difficultés, que la Cour des comptes formule depuis quelque temps déjà. Ce sont deux choses totalement différentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) La parole est à M. Didier Martin. L’amendement de suppression ne me semble pas bienvenu. Vous avez parfaitement le droit de vous opposer à un compte administratif, ici comme dans une collectivité territoriale. Le compte administratif est le reflet d’une politique ; ceux qui étaient contre la politique ont le droit de voter contre le compte administratif. Exactement ! En revanche, il ne faut pas voter contre le compte de gestion du trésorier, à moins de vouloir mettre en cause l’administration – en l’occurrence, la haute administration. J’espère que ce n’est pas ce que vous avez en tête et que derrière vos intentions politiques ne se cache pas la volonté de mettre en cause la haute administration française.
Ce matin, M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, a mentionné la création d’un service public de la petite enfance. Quelles mesures ce texte prévoit-il pour le déployer ?
Il faut reconnaître que l’alignement du reste à charge pour les familles qui font garder les enfants chez une assistante maternelle sur celui des familles qui les confient à une crèche constitue une mesure encourageante. Ah ! Cependant, le projet de loi souffre d’un oubli considérable, relativement à la formation, aux conditions de travail et à la rémunération des professionnels de la petite enfance. D’ici dix ans, la moitié des assistantes maternelles seront parties à la retraite ; du côté des crèches, la moitié des établissements sont déjà confrontés à des pénuries de personnel. Comment ferez-vous fonctionner un service public de la petite enfance sans professionnels ?
Malheureusement, dans ce domaine, vous n’apportez pas de solutions à la pénurie. Ces derniers mois, le Gouvernement a surtout dérégulé, en autorisant à augmenter le nombre d’enfants dont peut se charger un professionnel et en autorisant les crèches à recruter du personnel non qualifié, car n’ayant pas reçu de formation à la petite enfance. Tout cela participe à la maltraitance du métier, donc à la maltraitance des enfants.
Dans ma circonscription, j’ai recueilli le témoignage d’une accompagnatrice de jeunes enfants. Elle me racontait qu’elle a parfois cinq enfants sur les bras, parfois plus si un poste est vacant. Quand tous ces enfants veulent manger en même temps et se mettent à pleurer, elle est obligée de les faire attendre dix, vingt, parfois trente minutes – elle les laisse pleurer une demi-heure parce que les personnels ne sont pas assez nombreux et que personne ne peut venir l’aider. Elle sait que c’est de la maltraitance, mais elle ne peut pas faire autrement et, le soir, elle ramène chez elle ces pleurs, qui l’empêchent de dormir. Pour ces professionnels aussi, c’est de la maltraitance.
Chers collègues, laissez-nous aller au bout de l’examen du projet de loi, afin que nous puissions défendre des propositions pour améliorer les conditions de travail de ces professionnels, augmenter leur rémunération, mieux les former et répondre à leurs difficultés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Thibault Bazin. Pour la bonne tenue des débats, il importe que les interventions sur un article soient consacrées à l’article en question. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, RE et Dem.) Or l’article 2 est important parce qu’il concerne le tableau patrimonial. Je ne veux pas me montrer trop technique… Si, il le faut ! …mais le rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale porte sur ce tableau un regard extérieur intéressant, car il établit un bilan d’ensemble des régimes. Il montre que la situation financière de la sécurité sociale est dégradée, qu’un redressement a été engagé et que des réformes sont nécessaires. Au-delà des discours positifs, il faut en tirer des enseignements. Le rapport invite également à clarifier et à simplifier le financement de la sécurité sociale.
Des lacunes apparaissent, qui révèlent que le travail est incomplet. Il manque par exemple le régime de retraite de l’ancienne Seita (Société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes) ainsi que celui de l’Assemblée nationale. Il faudra donc compléter le périmètre du tableau, qui n’est pas aussi étendu que celui de la loi de financement de la sécurité sociale.
La Cour pointe surtout les défauts du traitement comptable des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants, qui, entre les fonds propres et les reports à nouveau, donne une vision biaisée de la situation. On constate donc des erreurs et des insuffisances, qui ont conduit la Cour à exprimer une opinion défavorable sur les comptes de l’activité de recouvrement. Les problèmes ne concernent pas seulement les indépendants, puisque les commissaires aux comptes de la Mutualité sociale agricole (MSA), de l’Établissement national des invalides de la marine (Enim) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont également certifié leurs comptes avec réserve.
On imagine que, sur des montants aussi importants, cela peut arriver. Toutefois, il est essentiel que la représentation nationale ait la vision la plus exacte possible, en particulier que la répartition du déficit du régime général soit la plus juste possible.
Vous nous accusez d’être irresponsables parce que nous n’avons pas approuvé l’exécution. Juste avant le scrutin, j’ai pris le temps d’expliquer qu’il ne s’agissait pas d’un vote de blocage, mais plutôt d’une prise de position cohérente. Nous n’étions pas tous là fin 2020 pour voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, mais le groupe Les Républicains était là, et nous avons voté par souci de cohérence avec notre position d’alors. Par ailleurs, si vous voulez que l’article 2 soit adopté, il vous appartient de mobiliser les 240 députés de la majorité (M. Pierre Morel-À-L’Huissier applaudit) . C’est votre responsabilité. Ils sont partis faire une sieste, ce n’est pas notre faute ! La parole est à M. Philippe Vigier. Thibault Bazin a très bien présenté l’article 2, je n’y reviens pas. Je veux en revanche m’adresser aux collègues nouvellement élus.
Tous ceux qui sont élus d’un conseil municipal savent qu’après un renouvellement du conseil, lors de la présentation du budget, les nouveaux élus ne participent pas au vote du compte administratif, qui n’est qu’une photographie de ce qui s’est passé l’année précédente. M. Jérôme Guedj le sait parfaitement. Mais pas du tout ! Les articles 1er et 2 ne concernent pas 2023 mais présentent la photographie de 2021, à laquelle vous n’avez pas participé. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Ceux qui étaient là n’auraient pas dû agir comme juge et partie à la fois ; les autres, nouvellement élus, les ont suivis, or cela n’a aucun sens ! Pierre Dharréville, qui est un expert, ne s’y est pas trompé : il n’a pas pris part au vote. (Mêmes mouvements.) La seule explication que j’y vois vient en comparant les votes avec ceux sur la motion de rejet préalable : votre manœuvre trahit une volonté de bloquer le système. Les mêmes qui ne veulent pas débattre du texte veulent débattre de sujets sur lesquels ils ne devraient pas s’exprimer. Laissez-nous au moins l’héritage, sans interférer. Je ne vous comprends pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Marine Le Pen proteste.) Il a raison, c’est incohérent, c’est une faute ! Ce sont les électeurs que vous ne comprenez pas ! La parole est à M. Jérôme Guedj. Nous aspirons tous à débattre sereinement. J’invite donc M. Philippe Vigier, M. le ministre et M. le ministre délégué à raison garder quand le vote ne vous est pas favorable. Nous expliquer, comme vous l’avez fait, monsieur Braun, que par ce vote nous adressons une gifle aux soignants qui exerçaient en 2021 constitue un argument inadmissible dans un débat budgétaire. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) C’est scandaleux ! Je m’inscris en faux contre l’intervention de M. Philippe Vigier. Quand, début août, cette assemblée n’a pas adopté le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, il s’agissait de dire que l’exécution du budget, au regard de ce qu’il était, ne nous agréait pas. (Mme Prisca Thevenot proteste.) C’est ce que fait une assemblée nouvellement élue lorsqu’elle a l’occasion de porter un regard sur une photographie : elle lui donne une signification politique. Lorsque vous siégez dans l’opposition d’un conseil municipal, vous votez contre le compte administratif, par cohérence. (Mmes Catherine Couturier et Sandrine Rousseau applaudissent.) Je suis sûr que M. le ministre délégué, lorsqu’il est dans l’opposition, vote contre le compte administratif. (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.) C’est faux ! D’ailleurs, pourquoi n’avez-vous pas déployé cet argument lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative ?
S’il n’y a pas de volonté de blocage de notre part,… Quelle hypocrisie ! …je constate que c’est la majorité, ou plutôt la pseudo-majorité, qui est bloquée alors qu’il s’agit de venir dans l’hémicycle débattre de ce texte essentiel. Si vous étiez vraiment majoritaires, vous n’auriez pas de problème.
Nous sommes cohérents : la famille politique à laquelle j’appartiens n’a pas approuvé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ; deux ans après, alors que vous nous présentez l’exécution dudit budget, je ne l’approuve pas non plus, puisque nous estimions que vous ne mettiez pas les moyens pour financer les régimes de sécurité sociale en 2021. Ce n’est pas un drame. Ainsi, n’invoquez pas, chaque fois que le vote vous est défavorable, un blocage, notre irresponsabilité ou, pire encore, l’insulte que nous ferions aux soignants ! (M. Damien Maudet applaudit.) Pour la bonne information de tout le monde, je vous rappelle qu’en vertu du nouveau règlement, il ne peut y avoir plus d’une intervention par groupe sur chaque article. Je vous invite donc à regarder le tableau : je ne pourrai hélas vous donner la parole si un autre membre de votre groupe s’est déjà exprimé.
Sur l’article 2 et l’annexe A, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Christophe. Je présente mes excuses à M. Thibault Bazin : je vais m’éloigner de l’article 2 pour évoquer la branche famille, qui m’est chère. En effet, M. William Martinet a commenté l’article 36 – à croire que vous appelez de vos vœux le recours à l’article 49, alinéa 3, afin de débattre plus rapidement des sujets afférents.
Je ne peux pas vous laisser résumer cet article à la disposition relative au reste à charge des bénéficiaires du CMG. Il ne vous aura pas échappé que nous portons une attention particulière aux familles monoparentales, qui sont souvent en déshérence financière. Pour elles, l’article prévoit d’étendre le bénéfice du dispositif jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Enfin, nous réfléchissons aux possibilités de subrogation, afin d’offrir davantage de fluidité aux familles et d’éviter qu’elles ne se fragilisent davantage.
Je fais partie de ceux qui n’ont pas la prétention de tout savoir. J’estime donc qu’il est intéressant de laisser se dérouler les travaux du comité de filière, qui aboutiront, je l’espère, dans le courant de l’année 2023. Ils nous permettront de compléter notre réponse aux difficultés de ce secteur. Vous avez cité la formation, mais il y en a bien d’autres.
J’invite donc à la prudence. Nous aurons certainement des débats intéressants. Mme Christine Pires Beaune, par exemple, a soulevé la question des employeurs indélicats, qui mérite d’être étudiée. Ne précipitons pas les choses et restons concentrés jusqu’à l’article 36. Si c’est possible, on aimerait bien ! La parole est à M. Pierre Dharréville. Certaines interventions préparent déjà la suite en justifiant par avance le geste qui s’annonce. Mais oui ! Il faut revenir au texte, c’est ce qui nous est demandé.
Vous nous dites, monsieur le ministre délégué, que nous n’avons pas le choix, qu’il faut voter l’article. Or nous avons le choix, sans quoi on ne nous demanderait pas de nous exprimer, et l’article ne serait pas dans le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) On nous demande notre avis concernant l’exécution du budget. Pour ma part, je conteste à la fois le budget tel qu’il était en 2021 et son exécution. Pourquoi ? Je ne vous donne pas quitus de son exécution, et je l’exprime clairement en votant contre l’article. D’ailleurs, eût-il été bien exécuté, le problème n’en eût pas été résolu, étant donné les dégâts promis. La parole est à Mme Annie Vidal. Je vous propose de revenir à l’article 2 visant à approuver l’annexe A, qui atteste du rétablissement progressif de la trajectoire des comptes sociaux.
Si la sécurité sociale a pleinement rempli son rôle d’amortisseur social et économique pendant la crise sanitaire – c’était indispensable –, les comptes sociaux ont été sévèrement affectés, tout comme le solde de la dette sociale. Alors qu’avant la crise, nous suivions une trajectoire de remboursement de la dette sociale à échéance de 2024, une nouvelle dette d’un montant de 154,9 milliards s’est ajoutée, à l’issue du transfert de la Cades.
Les années 2020 et 2021 ont affiché des soldes négatifs historiques, respectivement de 40,3 milliards et de 24,3 milliards. Le solde de 2022 est estimé, dans le PLFSS, à 17,8 milliards. Pour 2023, le solde projeté est de 6,8 milliards. Ces chiffres marquent un retour progressif à l’équilibre des comptes annuels de la sécurité sociale, grâce à une croissance positive renforçant les recettes fiscales et un retour vers le plein emploi renforçant les recettes sociales.
Nous pouvons donc maintenir notre confiance dans la sécurité sociale, créée en 1945 pour protéger les Français et à laquelle nous sommes tous très attachés. Derrière ces chiffres, que certains pourraient qualifier de froids, ce sont 19 milliards d’investissements pour les hôpitaux, 13 milliards de reprise de dette et 10 milliards par an de revalorisations salariales. Ce n’est ni une fiction ni un déni : c’est l’article 2 que nous allons, je l’espère, adopter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Très bien ! La parole est à M. Victor Catteau. Cet article porte sur l’approbation du rapport prenant forme de tableau de la situation patrimoniale des régimes obligatoires, relatif à l’exercice 2021. Rappelons cependant que la Cour des comptes n’a pas certifié le recouvrement des cotisations – une première depuis 2011. En 2020, la certification s’était déjà accompagnée de nombreuses réserves. Ces chiffres n’émanent pas du Rassemblement national mais de la Cour des comptes, un organisme d’État.
Pourquoi ces refus ? Parce que les comptes de la sécurité sociale ont été jugés insincères. Les recettes de cotisations sociales s’élèvent à 5 milliards et sont indûment rattachées à l’exercice 2021 alors qu’elles résultent de l’exercice 2020. Le déficit officiel, de 24 milliards, serait en réalité de 29 milliards. Ce maquillage perfide des comptes de la sécurité sociale constitue bien une preuve, s’il en fallait une, de la politique incessamment malhonnête du Gouvernement, emplie de manigances en tous genres. Pour ces raisons, nous voterons évidemment contre l’article 2. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Joëlle Mélin, pour soutenir l’amendement no 838 tendant à supprimer l’article 2. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le ministre délégué aura sans doute, cette fois encore, une attitude pour le moins surprenante. Comme M. Catteau vient de le rappeler, nous ne pouvons pas approuver l’article 2, pour les mêmes raisons que celles exposées lors de l’examen de l’article 1er.
Monsieur le ministre délégué, vous avez évoqué les indépendants, mais vous avez passé par-dessus bord les cinq autres remarques que nous avions formulées, dont certaines renvoient pourtant à des phénomènes assez extraordinaires : ainsi, les différents organismes ne communiquent jamais leurs comptes en même temps.
Par ailleurs, vous disiez que les comptes tendaient à l’équilibre ; pourtant, parmi les 139 milliards transférés à la Cades en prévision des dégâts du covid, 31 milliards provenaient des déficits de l’Acoss. Tout cela provoque de l’instabilité et de l’insécurité. C’est pourquoi nous voulons supprimer l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Il faut lire entièrement le rapport de la Cour des comptes. Celle-ci estime que l’annexe A, étudiée dans cet article, « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2021. » Il est important d’être objectif. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Il est légitime que la Cour des comptes formule des recommandations. Puisque vous les endossez au point d’en faire votre boussole, vous retiendrez qu’elle recommande de faire davantage d’économies dans le secteur de la biologie médicale. Vous devriez donc soutenir les mesures cohérentes avec cette recommandation proposées dans le PLFSS.
S’agissant des travailleurs indépendants, il est technique de déterminer sur quelle année imputer des reports de cotisations ; c’est un débat qui anime jusqu’aux experts-comptables ! Ce n’est pas une remise en cause de la sincérité des comptes pour 2021 ; la rapporteure générale vient d’ailleurs de rappeler la cohérence relevée par la Cour des comptes à leur sujet. Vous inventez des raisons pour rejeter un article qui n’est qu’une photographie de ce qui s’est passé en 2021 et qu’on ne peut pas changer. Assumez-le ! La parole est à M. François Ruffin. Monsieur le ministre de la santé, à aucun moment je ne mets en cause l’urgentiste : pas un instant je ne doute de votre compétence, de votre empathie et de votre attention, pratiquées pendant les trente-cinq ans que vous avez passés au service des patients. En revanche, quand je rapporte le témoignage d’une résistante de 98 ans qui a attendu vingt-quatre heures aux urgences qu’on s’occupe d’elle, je mets en cause le ministre qui n’apporte aucune réponse et ne cite même pas son nom. Au contraire, vous en avez profité pour faire un vague jeu de mots sur une gifle. C’est indigne !
Vous êtes un héritier du Conseil national de la Résistance : vous êtes assis à cette place parce que la sécurité sociale existe et parce que des Madeleine Riffaud l’ont construite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Détourner la question de cette manière-là est indigne.
Vous célébrez les soignants dans vos propos, mais vous les maltraitez dans les faits et dans les chiffres. Quand l’inflation est de 6 % et que le budget de la sécurité sociale n’augmente que de 3 %, cela signifie que les moyens des soignants – en gants, en masques, en lits – vont diminuer. Je constate que vous prenez toujours la parole après le ministre délégué chargé des comptes publics : cela dit quelque chose de vos priorités ! Oh ! C’est un débat budgétaire ! La santé parle après les finances, dont vous êtes un supplétif. Je vous rapporte le témoignage d’une résistante, mais par vos choix, face à la domination de l’argent, vous ne faites preuve d’aucune résistance pour le bien des gens ! (Mêmes mouvements.) C’est bon, on a compris ! La parole est à Mme Joëlle Mélin. Monsieur le ministre délégué, j’évite d’être inventive et je lis les textes. Mais il semblerait que vous confondiez les recommandations comptables et les recommandations visant à trouver des pistes pour sortir des difficultés, que la Cour des comptes formule depuis quelque temps déjà. Ce sont deux choses totalement différentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) La parole est à M. Didier Martin. L’amendement de suppression ne me semble pas bienvenu. Vous avez parfaitement le droit de vous opposer à un compte administratif, ici comme dans une collectivité territoriale. Le compte administratif est le reflet d’une politique ; ceux qui étaient contre la politique ont le droit de voter contre le compte administratif. Exactement ! En revanche, il ne faut pas voter contre le compte de gestion du trésorier, à moins de vouloir mettre en cause l’administration – en l’occurrence, la haute administration. J’espère que ce n’est pas ce que vous avez en tête et que derrière vos intentions politiques ne se cache pas la volonté de mettre en cause la haute administration française.